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B ut! : Sonia, pensez-vous que le football féminin évolue aux yeux du public en France ? Sonia BOMPASTOR : A mon avis, les mentalités sont trop machistes pour faire progresser les choses en France. J’ai du mal à croire qu’on sera reconnues à notre juste valeur. Il y a beaucoup de choses négatives de dites qui restent ancrées. Pourtant, j’ai vrai- ment vu une évolution depuis le début de ma carrière (ndlr : Sonia Bompastor est âgée de 28 ans). Les joueuses sont mainte- nant de véritables athlètes et en plus, ce sont des femmes. Justement, n’avez-vous pas l’impression de pratiquer un sport plutôt dédié aux hommes ? Moi, je me sens complètement femme. Ce n’est pas parce que je fais du foot que je me considère comme un garçon manqué. En fait, je crois que nous ne sommes pas assez médiatisées pour sortir de ce cliché. Le grand public ne nous voit jamais jouer. Alors, il se fait une mauvaise idée. Une autre idée reçue veut que vous soyez pour beaucoup homosexuelles. Est-ce fondé ? Tout le monde fait comme bon lui semble. Pour autant, penser que nous sommes toutes homo- sexuelles est l’un des clichés qui nous font le plus de mal. Bien sûr que ça existe chez nous. Je ne dis pas le contraire. C’est peut-être même un peu plus élevé que dans la moyenne nationale. Mais nous ne sommes pas toutes attirées par les femmes. La preuve, j’ai moi-même un petit ami. Et puis, je vais vous dire, les garçons sont mariés mais ça ne les empêche pas de faire certaines choses aus- si… J’ai aussi enten- du dire des trucs de ce côté… Ne s’est-il jamais rien passé dans le vestiaire entre coéquipières ? Si jamais il y a des histoires de cul dans le vestiaire, il faut les laisser de côté ! En tant que capitaine, en tout cas, ça ne m’est jamais arrivé d’inter- venir de ce côté-là. Que faudrait-il pour que vous soyez recon- nues aussi en tant que femmes ? Que l’on fasse plus de belles photos peut-être. Des clubs l’ont fait, d’ailleurs. Je pense que ça donne une image positi- ve de la joueuse de football. Cela prou- ve que nous pou- vons aussi bien nous mettre en valeur que jouer au foot. Et si ça peut pousser les parents à faire jouer leurs filles au foot, ce serait parfait parce qu’avant tout, c’est un problème de mentalités. Puisque pour beaucoup vous préférez les hommes, comment vivez-vous vos relations avec vos compagnons respectifs ? Au niveau de la vie privée, ce n’est pas évident. Comme nous sommes souvent en déplace- ment, nos petits copains finissent par se lasser. Nous avons du mal à les garder longtemps. Mais per- sonnellement, c’est vrai que j’ai envie de fonder une famille. Recueilli par Jean-Baptiste NICOLLE Même si elle reconnaît que certaines joueuses sont lesbiennes, la capitaine de l’équipe de France et de l’OL veut démontrer que les footeuses savent aussi séduire les garçons. 14 MAG But! Spécial Sexe La milieu de terrain internationale Sonia Bompastor avoue avoir un petit ami Pour ne pas effrayer les garçons, les joueuses n’osent pas dire ce qu’elles font FÉMINITÉ rime-t-il avec FOOTBALL ? Les foot- balleuses ne sont pas toutes masculines. Loin s’en faut. C’est en tout cas le message que beaucoup d’entre elles veulent faire pas- ser. Si elles pratiquent un sport plutôt réservé aux hommes en France, elles veulent montrer qu’avoir des cuisses musclées et savoir faire un amorti poitrine n’empêche en rien la féminité. “D’autant qu’on s’habille bien et qu’on aime être coquettes, affir- me Camille Abily, milieu de ter- rain à l’Olympique Lyonnais et en équipe de France. Nous vivons comme toutes les jeunes filles de notre âge.” Problème : un décalage semble exister avec la vision qu’ont une grande majorité des gens sur le football féminin. Difficile dans ces conditions pour les joueuses d’exhiber fièrement l’apparte- nance à leur sport. En témoigne cette révélation de Camille Abily : “Les hommes qu’on croi- se dans la rue ne savent pas que nous sommes footballeuses mais il vaut mieux éviter de le leur dire.” Dur, dur pour une internationale… Pourtant, aux Etats-Unis, en Chine, dans les pays nordiques ou même encore plus près de nous, en Alle- magne, l’image de la femme qui joue au foot est totalement différente. Aux Etats-Unis, le “soccer”, pratiqué dans les universités, est même souvent davan- tage considéré comme un sport féminin. “Nous n’arrive- rons jamais jusque-là, estime Sonia Bompastor, la capitaine des Bleues, avec lucidité, mais nous devons prendre exemple sur ces pays.” Pour cela, tout le monde s’accorde à dire que le foot féminin doit être plus médiati- sé. “C’est la meilleure façon pour faire évoluer les mœurs”, pense Camille Abily. Un bon parcours à l’occasion de la prochaine Coupe du monde en 2011 y contribuerait certaine- ment. Alors, mesdemoiselles, la balle est dans votre camp. J.-B. N. “Nous ne sommes pas toutes homos” Sonia BOMPASTOR “J’ai envie de fonder une famille”

14 MAG “Nous ne sommes pas toutes homos”

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But! : Sonia, pensez-vousque le football fémininévolue aux yeux dupublic en France ?Sonia BOMPASTOR : A

mon avis, les mentalités sont tropmachistes pour faire progresserles choses en France. J’ai du malà croire qu’on sera reconnues ànotre juste valeur. Il y a beaucoupde choses négatives de dites quirestent ancrées. Pourtant, j’ai vrai-ment vu une évolution depuis ledébut de ma carrière (ndlr :Sonia Bompastor est âgée de 28ans). Les joueuses sont mainte-nant de véritables athlètes et enplus, ce sont des femmes.Justement, n’avez-vous pasl’impression de pratiquer unsport plutôt dédié aux hommes ?Moi, je me sens complètementfemme. Ce n’est pas parce que jefais du foot que je me considèrecomme un garçon manqué. Enfait, je crois que nous ne sommespas assez médiatisées pour sortirde ce cliché. Le grand public nenous voit jamais jouer. Alors, il sefait une mauvaise idée.

Une autre idée reçue veut quevous soyez pour beaucouphomosexuelles. Est-ce fondé ?Tout le monde fait comme bonlui semble. Pour autant, penserque nous sommes toutes homo-sexuelles est l’un des clichés quinous font le plus de mal. Bien sûrque ça existe chez nous. Je ne dispas le contraire. C’est peut-êtremême un peu plus élevé que dansla moyenne nationale. Mais nousne sommes pas toutes attiréespar les femmes. La preuve, j’aimoi-même un petit ami. Et puis,je vais vous dire, les garçonssont mariés mais ça ne lesempêche pas de fairecertaines choses aus-si… J’ai aussi enten-du dire des trucs dece côté…Ne s’est-il jamaisrien passé dans levestiaire entrecoéquipières ?Si jamais il y a deshistoires de culdans le vestiaire, ilfaut les laisser decôté ! En tant quecapitaine, en toutcas, ça ne m’estjamais arrivé d’inter-venir de ce côté-là. Que faudrait-il pourque vous soyez recon-nues aussi en tant quefemmes ?Que l’on fasse plus de bellesphotos peut-être. Des clubsl’ont fait, d’ailleurs. Jepense que ça donneune image positi-ve de la joueusede football.Cela prou-ve quen o u sp o u -

vons aussi biennous mettre envaleur quejouer au foot.Et si ça peutpousser lesparents à fairejouer leursfilles au foot,ce serait parfaitparce qu’avanttout, c’est unproblème dementalités.Puisque pourbeaucoup vous

préférez les hommes, commentvivez-vous vos relations avec voscompagnons respectifs ?Au niveau de la vie privée, cen’est pas évident. Comme noussommes souvent en déplace-ment, nos petits copains finissentpar se lasser. Nous avons du malà les garder longtemps. Mais per-sonnellement, c’est vrai que j’aienvie de fonder une famille.

Recueilli par Jean-Baptiste NICOLLE

Même si ellereconnaît quecertainesjoueuses sontlesbiennes,la capitainede l’équipe deFrance et de l’OLveut démontrerque les footeusessavent aussiséduireles garçons.

14 MAG But! Spécial Sexe

La milieu de terrain internationale Sonia Bompastor avoue avoir un petit ami

Pour ne pas effrayer les garçons, les joueuses n’osent pas dire ce qu’elles font

FÉMINITÉ rime-t-ilavec FOOTBALL ? Les foot-

balleuses nesont pas toutes

masculines. Loins’en faut. C’est en

tout cas le messageque beaucoup d’entre

elles veulent faire pas-ser. Si elles pratiquent un

sport plutôt réservé auxhommes en France, elles

veulent montrer qu’avoir descuisses musclées et savoir

faire un amorti poitrinen’empêche en rien la féminité.“D’autant qu’on s’habille bien etqu’on aime être coquettes, affir-me Camille Abily, milieu de ter-rain à l’Olympique Lyonnais eten équipe de France. Nousvivons comme toutes lesjeunes filles de notre âge.”Problème : un décalage

sembleexister avec lavision qu’ont une grandemajorité des gens sur le footballféminin. Difficile dans cesconditions pour les joueusesd’exhiber fièrement l’apparte-nance à leur sport. En témoignecette révélation de CamilleAbily : “Les hommes qu’on croi-se dans la rue ne savent pasque nous sommes footballeusesmais il vaut mieux éviter de leleur dire.” Dur, dur pour uneinternationale… Pourtant, auxEtats-Unis, en Chine, dans lespays nordiques ou même encoreplus près de nous, en Alle-magne, l’image de la femme quijoue au foot est totalementdifférente. Aux Etats-Unis, le“soccer”, pratiqué dans lesuniversités, est même souvent

davan-tage considéré comme unsport féminin. “Nous n’arrive-rons jamais jusque-là, estimeSonia Bompastor, la capitainedes Bleues, avec lucidité, maisnous devons prendre exemplesur ces pays.”Pour cela, tout le mondes’accorde à dire que le footféminin doit être plus médiati-sé. “C’est la meilleure façonpour faire évoluer les mœurs”,pense Camille Abily. Un bonparcours à l’occasion de laprochaine Coupe du monde en2011 y contribuerait certaine-ment. Alors, mesdemoiselles, laballe est dans votre camp.

J.-B. N.

“Nous ne sommes pas toutes homos”

SoniaBOMPASTOR

“J’ai enviede fonder

une famille”