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1498 Le B. O. N°30 27 JUIL. 2006 ENSEIGNEMENTS ÉLÉMENTAIRE ET SECONDAIRE programmes qui, s’affranchissant de l’organi- sation par chapitre, permettra la mise en œuvre d’un projet homogène partagé par tous les membres de l’équipe pédagogique. La scolarité en CHAM aura atteint son but en faisant de l’élève un auditeur – interprète – “compositeur” averti, responsable et fort d’une identité vérita- blement personnelle. Les annexes Cinq annexes viennent compléter le corps du programme. Les trois premières explicitent certains points essentiels à une lecture partagée du programme permettant la définition d’un projet de forma- tion musicale cohérent qui soit perçu par l’élève comme un tout indivisible et porteur de sens : - le choix de questions transversales susceptibles de réunir les diverses composantes de la formation et les modalités qu’elles mettent en œuvre ; - une terminologie qui, commune à l’équipe pédagogique, deviendra plus sûrement un outil de référence pour les élèves ; - une acception partagée des quatre grandes catégories d’analyse qui traditionnellement spécifient le langage musical. La quatrième annexe pose les bases d’une information sur les métiers de la musique qui, d’une part inscrit la formation dispensée dans un tissu social, économique et culturel que les élèves doivent progressivement découvrir particulièrement au collège, d’autre part peut permettre la construction progressive d’un éventuel projet d’orientation. La dernière annexe expose les principes qui doivent en toutes situations guider les travaux des commissions chargées d’examiner les demandes d’admission en classe à horaires amé- nagés musicales et présider aux avis transmis aux autorités responsables de l’inscription des élèves. Ces principes s’imposent quel que soit le niveau scolaire (école, collège, cours élémentaire, cours moyen, classe de sixième, etc.) auquel cette inscription est envisagée. Pour conclure ce préambule et intro- duire le programme Pour se réaliser, un projet de classe à horaires aménagés musicale effectue des choix fonda- teurs (dominante de formation et fourchette horaire) puis de contenus à enseigner puisés dans les présents programmes. Si l’on y ajoute la diversité des situations locales, l’hétéro- généité des populations scolaires potentielle- ment concernées, les contours divers des équipes concernées ou les dispositions maté- rielles qui accueillent ces élèves, s’ouvre une grande quantité de traductions pédagogiques possibles et souhaitables. Toutes cependant devront, simplement, atteindre les objectifs généraux suivants : - élargir les possibilités d’expression et de com- munication ; - affiner les capacités auditives et analytiques ; - construire une culture artistique ouverte sur le monde ; - développer le sens critique et esthétique. PROGRAMME I - Écouter les sons et la musique Des savoirs et des savoir-faire Enjeux L’enfant est baigné par deux environnements sonores qui se heurtent, se superposent ou se succèdent. L’un est inorganisé et chaque oreille est le lieu unique d’un jeu aléatoire qui échappe à toute logique extérieure. L’autre est organisé et suppose une disponibilité particulière pour être perçu dans toutes ses dimensions. Lorsque le bruit s’organise à l’initiative de l’homme, il devient discours sonore et peut être analysé. Lorsque le discours sonore porte un projet esthétique, il devient musique, support d’expression de son auteur qui vise la sensibilité de son auditeur. Se repérer dans ce paysage contrasté, c’est d’abord savoir écouter les sons, savoir les discerner et les discriminer. C’est les distinguer dans un ensemble, identifier leurs causes, les sources de leur production, leurs origines spatiales et temporelles, leurs absences ou leurs présences, c’est savoir écouter le silence… C’est aussi, à bon escient, les décrire et les classer. C’est aussi savoir en jouer en tirant parti de leurs caractéristiques, les organiser, donner du sens aux relations de différence ou ressemblance

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programmes qui, s’affranchissant de l’organi-sation par chapitre, permettra la mise en œuvred’un projet homogène partagé par tous lesmembres de l’équipe pédagogique. La scolaritéen CHAM aura atteint son but en faisant del’élève un auditeur – interprète – “compositeur”averti, responsable et fort d’une identité vérita-blement personnelle.

Les annexes

Cinq annexes viennent compléter le corps duprogramme.Les trois premières explicitent certains pointsessentiels à une lecture partagée du programmepermettant la définition d’un projet de forma-tion musicale cohérent qui soit perçu par l’élèvecomme un tout indivisible et porteur de sens :- le choix de questions transversalessusceptibles de réunir les diverses composantesde la formation et les modalités qu’elles mettenten œuvre ;- une terminologie qui, commune à l’équipepédagogique, deviendra plus sûrement un outilde référence pour les élèves ;- une acception partagée des quatre grandescatégories d’analyse qui traditionnellementspécifient le langage musical.La quatrième annexe pose les bases d’uneinformation sur les métiers de la musique qui,d’une part inscrit la formation dispensée dansun tissu social, économique et culturel que lesélèves doivent progressivement découvrirparticulièrement au collège, d’autre part peutpermettre la construction progressive d’unéventuel projet d’orientation. La dernière annexe expose les principes quidoivent en toutes situations guider les travauxdes commissions chargées d’examiner lesdemandes d’admission en classe à horaires amé-nagés musicales et présider aux avis transmisaux autorités responsables de l’inscription desélèves. Ces principes s’imposentquel que soit leniveau scolaire (école, collège, cours élémentaire,cours moyen, classe de sixième, etc.) auquelcette inscription est envisagée.

Pour conclure ce préambule et intro-duire le programme

Pour se réaliser, un projet de classe à horaires

aménagés musicale effectue des choix fonda-teurs (dominante de formation et fourchettehoraire) puis de contenus à enseigner puisésdans les présents programmes. Si l’on y ajoutela diversité des situations locales, l’hétéro-généité des populations scolaires potentielle-ment concernées, les contours divers deséquipes concernées ou les dispositions maté-rielles qui accueillent ces élèves, s’ouvre unegrande quantité de traductions pédagogiquespossibles et souhaitables.Toutes cependant devront, simplement,atteindre les objectifs généraux suivants :- élargir les possibilités d’expression et de com-munication ;- affiner les capacités auditives et analytiques ;- construire une culture artistique ouverte sur lemonde ;- développer le sens critique et esthétique.

PROGRAMME

I - Écouter les sons et la musique

Des savoirs et des savoir-faireEnjeux L’enfant est baigné par deux environnementssonores qui se heurtent, se superposent ou sesuccèdent. L’un est inorganisé et chaque oreilleest le lieu unique d’un jeu aléatoire qui échappeà toute logique extérieure. L’autre est organiséet suppose une disponibilité particulière pourêtre perçu dans toutes ses dimensions. Lorsquele bruit s’organise à l’initiative de l’homme, ildevient discours sonore et peut être analysé.Lorsque le discours sonore porte un projetesthétique, il devient musique, supportd’expression de son auteur qui vise la sensibilitéde son auditeur.Se repérer dans ce paysage contrasté, c’estd’abord savoir écouter les sons, savoir lesdiscerner et les discriminer. C’est les distinguerdans un ensemble, identifier leurs causes, lessources de leur production, leurs originesspatiales et temporelles, leurs absences ou leursprésences, c’est savoir écouter le silence… C’estaussi, à bon escient, les décrire et les classer.C’est aussi savoir en jouer en tirant parti de leurscaractéristiques, les organiser, donner du sensaux relations de différence ou ressemblance

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qu’ils entretiennent les uns avec les autres…C’est alors, la musique qui est interpellée, sesrègles, ses formes, ses projets, ses expressions.Et tout cela n’a de sens que si chaque étapeparcourue, chaque objectif atteint, renforce lacapacité à ressentir ces mondes sonores, à lesdécouvrir, les choisir ou les construire en miroirde sa propre identité musicale.Objectifs de formation● Comprendre la musique pour l’écouter… ouécouter la musique pour la comprendre ?Toutes les œuvres s’écoutent. Elles se com-prennent à différents niveaux qui ne serontévidemment pas de même nature qu’il s’agissed’un élève débutant ou d’un musicienchevronné. C’est l’adéquation des clefs offertesaux capacités d’analyse immédiate du mélo-mane qui fera une audition constructive, cons-truira des compétences et des connaissances etconduira au plaisir d’écouter.Cette partie du programme vise deux objectifsqui, bien qu’en constante interaction, seront ci-dessous présentés successivement. Il s’agitpour une part de multiplier les repères qui,avant d’organiser une connaissance mêmesommaire de l’histoire des esthétiques musi-cales, poseront des jalons de plus en plusdenses dans l’histoire et la géographie de lamusique. Pour une autre part, l’écoute de lamusique vise au développement du “ savoirécouter ” de l’enfant, savoir fait d’expériences,de techniques, de méthodes, de référencesassimilées et de connaissances mobilisablessur les langages musicaux.Quelle que soit la dominante (voix ou instru-ment) du projet de CHAM, cette dimension dela formation sera une constante qui pourravarier uniquement en fonction de la fourchettehoraire choisie.Ainsi, au terme d’une scolarité en classe àhoraires aménagés musicale, l’élève pourradisposer :- d’une sensibilité ouverte et curieuse ;- d’une capacité de discrimination auditive agileet entraînée ;- d’une mémoire musicale efficace ;- d’une capacité d’écoute intérieure ;- de références culturelles organisées dans letemps et l’espace.

● Vers une culture musicale : repères, chrono-logie, histoire et esthétiquesLe projet équilibrera la diversité des écoutesproposées de telle sorte qu’au terme d’uneannée, a fortiori au terme d’un cursus, les élèvesaient rencontré un large éventail de réalitéssonores et musicales. L’équipe enseignantes’attachera à relier cette diversité par des pointscommuns ou des différences remarquables detelle sorte que, peu à peu, émergent les conti-nuités et des ruptures qui forgent l’histoire de lamusique et les identités esthétiques.Ainsi est-il indispensable que l’élève acquièreprogressivement des repères lui permettant dese retrouver dans les styles musicaux éventuel-lement en référence aux autres arts. Ces jalonsstructurent ses connaissances et l’aident àreplacer ces différents styles dans l’histoire desidées et des mentalités. L’élève, tout au long desa scolarité, doit travailler sur les constantes descomposantes musicales (langage, timbre,forme, expression, etc.) lui permettant d’appré-hender et de situer des musiques d’époquesdifférentes. La perception de ces constantes seraune compétence solidement acquise si elle s’estconstruite au fil d’extraits choisis dans desmondes sonores divers. L’élève disposera alorsdes moyens et outils nécessaires à la découvertepar lui-même d’autres musiques et à uneautonomie accrue vis-à-vis des musiques degrande diffusion.● Vers une compétence d’écoutant : l’écoutecomme savoir-faire L’omniprésence moderne de la musique enre-gistrée et diffusée de différentes façons souli-gne l’exigence d’une formation aux techniquesd’écoute tout au long de la scolarité en CHAM.Quelle que soit la formation d’interprète suiviepar ailleurs par l’élève, la profusion desmusiques entendues ou disponibles à l’écoutedépassera très largement ses capacités d’inter-prète. Il devra donc disposer d’une solidetechnique d’auditeur critique qui, interagissantsans cesse avec la culture musicale acquise, luipermettra de nourrir sa pratique musicale activedès l’école, qu’il soit chanteur ou instrumentiste,chef de chœur, ingénieur du son ou simplemélomane cultivé.Les langages musicaux articulent le successif

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au simultané dans une dialectique plus oumoins complexe. Il ne peut être évidemmentquestion de commencer par la monodie pouraboutir aux polyphonies les plus ardues oucommencer par écouter les œuvres les plusbrèves de Webern pour terminer par la Tétra-logie wagnérienne. L’équipe pédagogiques’attachera bien davantage à choisir dessupports sonores, et particulièrement desœuvres, selon les traits pertinents qui les carac-térisent. Pour certaines par exemple, le prismede la dynamique sera prioritairement étudié,lorsque que pour d’autres, il sera opportun defocaliser l’attention sur l’écriture spatiale ouencore thématique. Ce n’est que peu à peu quel’interaction de ces différentes dimensions dansla langue musicale sera étudiée.Compétences viséesSi cette partie du programme ne contribue pasà elle seule à l’acquisition des compétenceslistées ci-dessous, elle y contribue largement,les justifie souvent mais appelle aussi d’autresexpériences relevant d’autres activités musi-cales pour être solidement mise en œuvre. Ainsiretrouvera-t-on certaines des compétences ci-dessous exposées de nouveau au titre desautres parties du programme.- écouter les autres, pratiquer l’écoute intérieurede courts extraits ; - isoler au travers d’écoutes répétées les élé-ments musicaux caractéristiques ou constitutifs,en mémoriser certains ; - décrire oralement à l’aide d’un vocabulairespécifique les caractéristiques d’un extraitmusical ; - percevoir et identifier des éléments simultanés(opposition, analogie, mélange ; registres, planssonores, groupes de timbres) ; - percevoir et identifier des éléments successifset leurs relations : phases dynamiques (varia-tion, contraste) ; phrase musicale et sa structure,tempi, nuances, cellules mélodiques et modèlesrythmiques ;- reconnaître les œuvres précédemment étudiées ; - réinvestir les méthodes et les connaissancesacquises dans l’écoute d’autres extraits ;- reconnaître, lire, écrire des éléments de langageliés à l’organisation du discours musical ;- reconnaître et désigner les différents éléments

composant le système musical auquel l’œuvrese rattache ;- construire un commentaire à l’aide d’un voca-bulaire approprié pour rendre compte d’uneœuvre ;- percevoir et analyser les fonctions de lamusique dans des productions visuelles diverses :spot publicitaire, clip, film, ballet ;- porter un regard dégagé de toute pression,c’est-à -dire objectivement musical, sur lesœuvres chantées, jouées et écoutées ens’appuyant sur les connaissances acquises et leséléments du langage musical étudiés ;- situer quelques œuvres caractéristiques dansla chronologie et dans leur contexte.Contenus et démarches pédagogiquesTout au long de leur scolarité en CHAM, lesélèves affinent peu à peu leurs capacitésauditives et analytiques, diversifient etenrichissent leurs connaissances. Or, l’écouteest un moment permettant la mise en résonancede compétences acquises à l’occasion desactivités vocales et instrumentales : attention,mémorisation, sensibilité, imagination. Ainsi,véritablement actives, les pratiques d’écoutecontribuent à la cohérence des différentesactivités musicales.● Décrire, comparer, organiser le sonoreÀ chaque étape de la scolarité, un momentd’attention portée à l’unité élémentaire de lamusique ou à un paramètre particulier dulangage musical n’est jamais inutile. Bienentendu, le parti que l’on en tirera ne sera jamaisle même.À l’école élémentaire par exemple, cesmoments très régulièrement offerts permettentà l’enfant de mémoriser des formes sonores, dessegments particuliers, d’isoler des sons, de lescomparer, les reproduire ou les identifier. Ilperçoit des contrastes forts, puis progres-sivement distingue des écarts moins marqués ;il découvre la force expressive du silence.Au collège, ce sera particulièrement au traversdes variantes de timbre et d’intensité d’abord,de durée et de hauteur ensuite, puis de notionset paramètres plus affinés, que l’élève apprendprogressivement à caractériser ces éléments debase par la comparaison et, souvent, par l’imi-tation vocale ou gestuelle. Il acquiert avec ces

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notions vécues un lexique de plus en plusimportant et précis ou des formules imagées quilui permettent de désigner, avec des qualificatifsde plus en plus nuancés, les caractéristiquesd’un extrait. Des activités de lecture et d’écriturepeuvent opportunément prolonger certainsmoments d’écoute sélective et réciproquement.Les sons se décrivent Disposer d’un vocabulaire approprié pourdécrire les sons évite bien souvent les confu-sions, que celles-ci portent sur la morphologiemême des événements ou sur la discriminationd’éléments dans un complexe. C’est toujoursavec à propos que l’on utilisera un vocabulairespécifique (attaque, chute, grain, etc.), d’unepart à l’occasion de la construction d’un com-mentaire sur un fait sonore, qu’il soit musical ounon, d’autre part lors d’une démarche explora-toire visant la création de courtes pièces musi-cales. Ainsi, une compétence descriptive,élément d’un plus large “savoir écouter” sedéveloppera peu à peu.Les sons se comparent La sensibilité musicale, l’intelligence de lamusique et plus généralement celle du sonore,prend sa source et se développe dans un tissu derelations qui, sans cesse, permet de comparertous les éléments entendus. Si cela est vraid’une “musique de compositeur”, cela l’est toutautant d’éléments sonores improbables pro-duits par les hasards de l’environnement. Ainsi,comparer les sons, c’est introduire sur des objetssimples, une attitude éminemment formatricequi rayonnera toujours sur l’intelligence musi-cale de celui qui s’y exerce. Pour mener cetravail, on introduira à bon escient les notionsde hauteur (déterminée ou indéterminée), dedynamique, de couleur, d’enveloppe et dedurée, que l’on pourra opportunément rameneraux quatre catégories de paramètres qui spéci-fient la langue musicale : l’espace, le temps, lacouleur et la forme.Apprendre à écouter les sons, c’est, en mobi-lisant des références multiples, apprendre àl’élève à se situer dans un processus dynamiquequi sait faire la part d’organisé et d’inorganisédans les mondes sonores qui l’entourent, quipermet de distinguer ce qui, de tous temps – oupour lui seul –, relève du bruit ou de la musique.

Apprendre à écouter les sons est un travail aulong cours et doit rester une préoccupationpermanente tout au long de la scolarité enCHAM.Les sons s’organisent Les sons ont leurs caractères propres et lesorganisations qui les mettent en relation tirentparti de leurs caractéristiques particulières.Disposer de matériaux sonores identifiés, dontl’élève a expérimenté les potentiels et décrit laforme qu’il a comparée aux références disponi-bles, c’est lui permettre d’essayer de développerdu sens. Ce travail pourra s’appuyer sur un récitlittéraire, une histoire ou un conte : il s’agiraalors d’illustrer un sens préexistant à l’orga-nisation des sons utilisés. Il pourra égalements’envisager dans une relation exclusivementsonore qui s’attachera alors à provoquer l’émo-tion par la construction d’un discours fait decontinuité et de contraste organisant le successifet le simultané de l’émission sonore selon desrègles et contraintes qui gagneront à êtreexplicitées.● Culture musicale et “savoir-écouter”Les démarches pédagogiques conduisent indif-féremment du général au particulier ou descomposantes musicales et des notions auxœuvres. Dans tous les cas, elles amènent àdégager des analogies, des différences et descontrastes. On éclaire ainsi l’évolution du lan-gage musical historiquement reliée aux autresformes d’expression, qu’elles soient artistique,culturelle, scientifique ou sociale, mais aussiaux lieux et fonctions auxquels la musique estdestinée. Chaque année, la poursuite de ces objectifsprend appui sur une douzaine d’œuvres (ouextraits significatifs) de genres, de styles etd’époques différents. Autour de l’étude appro-fondie de chacune d’entre elles, l’auditiond’autres brefs extraits choisis dans des mondessonores différents permet d’élargir la démarche,d’établir des prolongements et de développer lesens critique.● Cohérence pédagogique et notions musicalesde référenceDéfinir des objectifs de formation, des compé-tences et des connaissances à acquérir, étudierdes questions particulières donnant sens à la

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musique, choisir des œuvres en s’appuyant surdes notions musicales de référence : toutes ceslogiques interagissent sans cesse entre elles etgarantissent la pertinence d’une séquencepédagogique. Parvenir à cette cohérencesuppose d’inscrire tous ces apprentissages dansun projet portant sur une question particulièreapportant un sens général à l’ensemble de sescomposantes. Une telle approche permet deposer immédiatement, et aux yeux de tous, lecadre général d’une séquence d’étude tout enfédérant la diversité des composantes de laformation comme des activités musicales qui ysont menées.On trouvera en annexe 1une liste indicative desdifférentes “questions” envisageables. Chacunesera bien entendu déclinée spécifiquement pourle niveau scolaire de sa mise en œuvre.La “question” que l’on choisit d’étudiers’appuiera toujours sur une ou plusieurs notionsmusicales. Dans chaque cas d’espèce (œuvreécoutée, répertoire vocal ou instrumental, créa-tion d’élèves), on choisira celles pesant de façonmarquante sur l’esthétique et/ou l’organisationmusicales. Identifier ces objectifs dans un cadredonné suppose cependant quelques précautions :- l’identification d’une notion ne peut s’envisagerque si elle apparaît de manière significative etaisément perceptible dans la ou les œuvreschoisies ;- afin d’en favoriser une véritable appropriation,la notion gagne toujours à être étudiée dans descontextes variés, qu’il s’agisse d’œuvres enre-gistrées ou de situations d’interprétation ou decréation proposées aux élèves ;- dans la perspective d’une mobilisation peu àpeu intégrée de chaque connaissance acquise,un cahier spécifique doit porter témoignage dechaque notion selon des formes appropriées :définition littérale peut-être, mais surtout réfé-rence à des œuvres, schématisation graphiqueou extrait de partition lorsque l’œuvre s’y prête.Une fois rencontrée et étudiée, chaque notionmusicale doit être très régulièrement réinvestiedans tous les types d’activités proposés enclasse. C’est cette récurrence qui consoliderapeu à peu les acquisitions.L’annexe 2propose une liste non exhaustive denotions musicales permettant la construction de

séquences pédagogiques aux différents niveauxde la scolarité en CHAM.Cette recherche de cohérence pédagogique estenfin soutenue par la mise en œuvre des recom-mandations suivantes :- les temps d’écoute doivent être répétés et inté-grés à toute séance dirigée qui articule dans desalternances et combinaisons variées l’écoute, lechant, le jeu, la lecture, l’écriture, la repro-duction ou l’invention ; - certains temps d’écoute doivent régulièrementviser, simplement, l’émotion esthétique. Ils’agit alors de moments d’audition qui serontautant de références supplémentaires. Cetteécoute non précisément finalisée peut aussi êtrecelle d’un concert, d’un spectacle ou d’unedécouverte par la classe d’une musique inconnue ;- prospective ou récurrence ? La découverte parl’analyse auditive peut se faire en prenant appuisur une œuvre du passé pour en montrerd’éventuels développements jusqu’à aujourd’hui.Mais en partant au contraire d’une œuvre d’au-jourd’hui, une démarche inverse peut mettre àjour ses racines dans les œuvres du patrimoine.Le souci de diversifier les approches conduirachaque équipe pédagogique à privilégier l’uneou l’autre de ces démarches ou à les alterner.● Les supports de l’écouteIl existe globalement deux grandes catégoriesde supports : ceux qui sont extérieurs à l’activitéde la classe et de ses élèves, enregistrés, sursupport CD ou accessibles en ligne, et beaucoupd’autres, forts nombreux et divers, fruits del’activité musicale de la classe et de chacun deses élèves. Sans qu’il puisse être question de lesmettre l’un et l’autre sur un plan identique, ilsportent ensemble des potentialités complé-mentaires.- L’environnement sonore permet l’étude depaysages variés, observés en situation oupréalablement enregistrés, en travaillant parti-culièrement sur la localisation et les causes dessources sonores ;- les œuvres enregistrées d’origines les plusvariées possible (époques, styles, genres, pays,cultures et fonctions) permettent de découvrirla diversité de l’expression musicale dans letemps et l’espace mais aussi le rôle que joue lamusique et le son dans des situations particu-

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lières (cinéma, danse, publicité, etc.) ;- l’écoute des productions (interprétations etinventions) des élèves varie selon que l’élèveest auditeur en direct ou auditeur d’enregis-trements. Si la qualité d’une interprétationdépend intimement d’une écoute élargie ducontexte musical qui accueille son propre geste,l’audition ;- critique de reprises successives enregistréeslors de la construction d’une interprétation oud’une création permet d’améliorer celle-ci touten alimentant plus généralement le travaild’écoute. Cette attitude contribue, par safréquence, à stabiliser et renforcer les habitudeset l’acuité auditives nécessaires à la concen-tration et la mémorisation des œuvres ; - l’écoute de “musique vivante”, chaque foisque c’est possible, apporte au travail conduit enclasse une dimension et des complémentsirremplaçables. Les perceptions deviennent évi-demment plus précises et marquantes lorsqu’onvoit qui joue, à quel moment et de quelle façon.

II - Le cas particulier des technologies

EnjeuxEn quelques décennies, les technologies ontconsidérablement modifié les modalités dediffusion, de création et de communication dusonore et de la musique. À ces divers titres etdans le cadre spécifique des classes à horairesaménagés musicales, les élèves doivent être peuà peu éduqués aux enjeux de cet environnementtechnologique tout en profitant, lorsque cela estpertinent, des possibilités qu’il offre pour opti-miser les pédagogies mises en œuvre.Les technologies, du microphone qui enregistredu son au logiciel qui en “produit”, influent surnos attitudes musicales, qu’il s’agisse d’écouterou de produire la musique. En outre, la polyva-lence inhérente à l’informatique musicalepermet d’envisager des usages pédagogiquesdans la plupart des domaines présentés par lesprogrammes d’enseignement. Reste cependantqu’elles permettent toujours d’écouter autre-ment, que cela vise l’éducation de la perception,celle de la production (vocale ou instrumentale)ou celle de la connaissance des langages et destechniques. Toutes les “technologies” qui vont être évo-

quées dans les lignes qui suivent selon lesperspectives qu’elles permettent d’envisagerpourront être également l’objet d’une présen-tation spécifique appuyée sur une mise enœuvre pratique. Ces occasions constituerontprogressivement une véritable “culture scienti-fique et technique” dans le champ du sonorepermettant à l’élève d’inscrire les outils qu’ilutilise – et utilisera – chaque jour dans unehistoire des technologies musicales modernesqui, rappelons-le, naissent avec l’invention del’enregistrement dès la fin des années 1870.C’est aussi cette culture qui lui permettra decréer un lien entre ses connaissances musicalestraditionnelles et un contexte qui ne cesserad’évoluer dans les décennies qui viennent et quine pourra qu’interpeller tous ceux qui, à un titreou à un autre, investiront les espaces musicauxdurant leur vie adulte.De nouveaux outils pour de nouvellespratiques● Microphones, table de mixage, magnétophone (analogique, numérique, multipistes) synthé-tiseurs - en lien ou non avec un ordinateurLes outils d’enregistrement et de restitution duson proposent, à l’aide de technologies main-tenant éprouvées et très accessibles, de mul-tiples moyens de dynamiser les pratiques musi-cales. Déjà, l’utilisation d’un microphoneapproprié permet l’enregistrement d’un momentmusical et son écoute critique par la classe quipeut ainsi devenir le guide critique de sa propreprogression. Ceci suppose un magnétophonequi, lorsqu’il est multipiste permet en outre detransposer en classe des techniques familièresdes studios d’enregistrement et des compo-siteurs électroacoustiques. Les appareils numé-riques améliorent considérablement la qualitédes prises et surtout, permettent de multiplesmanipulations sans dénaturation du signal. Lessynthétiseurs et échantillonneurs mettent à ladisposition de chaque utilisateur une multitudede sonorités permettant de développer despratiques mixtes s’appuyant sur des matériauxoriginaux impossibles à reproduire sans eux.● Séquenceur et outils de création sonorenumériques Les possibilités de dissociation, de manipu-lation et de représentation offertes par les

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séquenceurs MIDI et audionumériquespermettent d’envisager une multitude de situa-tions interactives sur le discours musical. Uneœuvre peut ainsi être explorée en partant de saglobalité jusqu’à l’écoute et la représentationd’un seul de ses éléments constitutifs. En retour,ces derniers peuvent se prêter à toutes les mani-pulations imaginables (mélodiques, rythmiques,harmoniques) pour en construire une connais-sance intime. L’écoute et la représentation gra-phique immédiates (enveloppe dynamique,sonagramme, représentation solfégique tradi-tionnelle) de chacune de ces étapes renforcentl’impact pédagogique de chaque expériencesonore. La synchronisation d’un enregistrementde référence avec son “équivalent” MIDI ouvredes perspectives originales pour une écouteguidée ou focalisée sur certains éléments dudiscours. Si ces mêmes logiciels peuvent être utilisésdans une perspective de recherche/création,d’autres sont directement conçus autour de cetteperspective. Ainsi en est-il des “MusiqueLab”réalisés dans le cadre d’une collaboration entrel’IRCAM et les ministères de l’éducation natio-nale et de la culture et permettant de travaillersur des notions dynamiques de référence, d’enconstruire une connaissance intime en créant decourtes pièces qui les mettent en œuvre.● Sites internet, cédéroms sur la musique ouencyclopédies généralistesLes ressources documentaires en ligne necessent de se développer. Muni d’un objectifclairement identifié, chaque élève peut ainsicompléter et approfondir des connaissancesacquises en classe. Le professeur trouvera sur leréseau des documents MIDI ou audionumé-riques libres de droits permettant une mise enpratique de certaines des œuvres étudiées.D’autres ressources documentaires pourrontégalement être mobilisées par ce moyen, toutparticulièrement celles concernant l’icono-graphie. Enfin, il pourra extraire des encyclo-pédies généralistes ou des monographies surcertaines œuvres des éléments supplémentairespour enrichir les pratiques menées en classe.Dispositions matériellesL’implantation d’une classe à horaires amé-nagés musicale dans une école ou un collège

suppose un équipement technologiqueminimum de la salle spécialisée. Il pourraensuite être développé selon les spécificités duprojet mis en œuvre, notamment grâce auxressources et investissements de l’établis-sement partenaire qui gagnera à disposer d’unstudio audionumérique dont l’utilisation seraaccessible à ces classes. Dans tous les cas, laconvention liant les partenaires gagnera àpréciser les équipements complémentairesapportés par chacun dans les différents cadresd’enseignement et, si possible, fixera desperspectives et objectifs de développement.Outre un matériel de diffusion d’excellentequalité (précision, puissance et robustesse), leséléments suivants doivent être à disposition desprofesseurs et élèves :- outils d’enregistrement (magnétophone – sipossible – numérique et microphone) ;- station informatique disposant a minima d’unséquenceur MIDI et audionumérique et d’unéditeur de partition ;- clavier MIDI interfacé à la station infor-matique (synthétiseur ou échantillonneur) ;- vidéo projecteur permettant de projeter engrand format les images de l’écran de l’ordi-nateur ;- connexion à l’internet.Cet équipement de base, qui se situe au mêmeniveau que la chaîne Hi-Fi, le clavier ou letableau, doit déjà permettre d’enrichir lessituations collectives de travail de la classe,qu’il s’agisse de pratiques d’écoute, d’analysemusicale, voire de pratiques vocale ou instru-mentale.Son développement permettra, d’une part, dedisposer en classe de quelques postes de travail– ordinateur, clavier MIDI, logiciels parexemple de recherche/création – supplémen-taires destinés à accueillir les travaux des élèves,d’autre part, l’accès à une salle informatique enréseau équipée pour le travail du son (table demixage et système de diffusion collectif,bonnes cartes son, graveur de CD). Enfin, il estsouhaitable d’envisager l’équipement d’un ouplusieurs “home studio” pour des travaux decréation/production complets, mais cette fois engroupes restreints et sous forme d’ateliers oud’activités complémentaires.

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III - Imaginer, improviser, créer

EnjeuxL’imaginaire des enfants est sans limite, ilinvestit toutes les opportunités. Le son et lamusique en sont assurément une et ceci dès leplus jeune âge. Dès le CE1 puis aux niveauxscolaires suivants, il est nécessaire d’en tirerparti et de donner à cette compétence fonda-mentale un ensemble de techniques au serviced’expériences diverses et renouvelables.● Fabriquer la musique et mieux la comprendreChez les enfants et les adolescents, imaginerconsiste à mener de front l’élaboration d’uneidée et sa réalisation dans une interactionpermanente. En d’autres termes, inventer, c’estfabriquer de la musique, l’écouter, la pratiqueret la comprendre. Exercer l’imagination de l’enfant participe ainside la construction de son rapport au réel et cecidans tous les domaines, qu’il s’agisse de larecherche d’hypothèses en sciences expé-rimentales ou de tâtonnements prospectifs auservice d’une création artistique. Cultiverl’imaginaire permet de multiplier les situationsd’action en dehors de tout a priori intimidant surl’acte de création. C’est particulièrement dansces situations que les élèves seront amenés àrencontrer les règles, les techniques, lescontraintes, à les apprivoiser et les considérercomme des points d’appui. ● Découvrir les œuvres et enrichir ses productionsL’imagination se nourrit de la rencontre avecdes œuvres existantes, leur écoute ou leur inter-prétation, elle se nourrit aussi de la fréquen-tation d’autres domaines d’expressionartistique. Inversement, dans un aller retourincessant qui donne une forte légitimité à cetravail, la recherche créative éclaire le regardporté sur la musique, ses matériaux et seslangages.Enfin, de telles modalités pédagogiquespoursuivent des objectifs comportementaux quiparticipent de façon générale à l’éducation del’élève. Par l’improvisation, l’élève entre dansun domaine d’activité propice au dévelop-pement de son aptitude à s’exposer au regardd’autrui, à s’exprimer personnellement, favo-risant en cela l’épanouissement de sa person-

nalité. Une production collective est alorsnécessairement jalonnée de confrontationsentre acteurs qui, munis d’imaginaires propresmais d’outils similaires, apprennent à partageret construire la musique s’appuyant sur desengagements personnels. L’improvisation,comme toutes les activités d’invention, senourrit de la rencontre : l’imaginaire des uns etdes autres, les choix personnels, la communautéde projet, les écoutes des acteurs et celles desauditeurs. Elles construisent de ce fait la relationà l’autre.Objectifs de formation● Jeu et construction de la connaissanceImaginer ou créer, c’est toujours, à la racine, unjeu. Dans l’univers du son, jouer constitue uneexpérience aussi motrice que mentale,permettant à l’élève d’affiner sa capacité àanticiper le résultat, à peu à peu sortir du hasard,première étape de la structuration mentale dansl’acte de création, pour maîtriser son gesteartistique. Il est donc nécessaire, dans les diffé-rents domaines d’activité proposés aux élèves,de garder ouverte cette possibilité du jeucomme espace pédagogique privilégié d’appro-priation des techniques et concepts. Ce seraégalement le lieu privilégié où se mêleront lesacquis antérieurs et les expériences du moment. ● Un geste créatif maîtriséQuel que soit le niveau de compétence auquelnous nous situons, il y a toujours un écart entrele projet initial et sa concrétisation. C’est biencet écart qui fait l’unicité sinon l’originalitéd’une création. Ce qui est vrai pour un compo-siteur l’est tout autant pour un élève en forma-tion. Car le professeur est là pour lui fairemesurer la nature de cet écart : respect et dépas-sement des contraintes, spécificités des idées,choix de cheminement, etc. Le microphoneaussi, technologie fondatrice d’un siècle de bou-leversement, ici comme souvent, fournira deprécieux services éminemment pédagogiquesen rendant possible la mesure de la distanceentre chacune des étapes d’une réalisation,permettant d’apprécier l’évolution d’une idéeou celle de la maîtrise de l’expression.● Structurer une créationL’improvisation et les activités d’inventionpoussent également l’élève à la prise de cons-

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cience de ses capacités et de ses limites, tanttechniques qu’artistiques, qu’elles soientvocales ou instrumentales. C’est cetteconscience qui garantit à l’élève de pouvoirstructurer un projet de création articulant desmatériaux à des contraintes, des techniques àdes choix esthétiques, des influences externes àdes choix éminemment personnels. Cetteexpérience est un moteur de progression quel’enseignant doit fréquemment solliciter.Ces modalités particulières du travail péda-gogique supposent de porter une attentionpermanente à l’écoute de ce qu’il se passe toutau long d’un tel travail. C’est bien cettecompétence d’écoutant qui tisse des liensindispensables et formateurs entre toutes cesdémarches.La mise en relation avec d’autres moyensd’expression artistique, au premier rangdesquels figurent la danse, l’art dramatique, lecinéma ou les arts plastiques, renforce la capa-cité des élèves à charger de sens leur expressionmusicale.Exemples de démarches pédagogiquesLes moments d’improvisation ou de créationpeuvent naître de l’évocation d’une réalitésonore vécue (la traversée d’un marché dequartier, un moment de vie de la classe…), d’unsentiment, d’un climat… Elles peuvent sedévelopper dans l’illustration sonore d’unalbum, d’un poème, d’une ou plusieurs imagesfixes ou animées, du passage d’un roman, d’unconte, d’une scène de théâtre, etc. Elles peuventtout autant ne s’appuyer que sur elles-mêmesou, en d’autres termes, sur le monde des sono-rités disponibles et utilisables.Dans l’apprentissage vocal ou instrumental del’élève, si l’interprétation occupe une placepermanente, elle est aussi espace de créationqu’il faut apprendre à investir et à l’intérieurduquel, dans les contraintes fixées par le com-positeur, s’exerce l’imagination du musicien.Durant les moments d’improvisation, derecherche, d’expérimentation ou de création, lavariété des situations de départ et des contraintesimposées enrichit les capacités d’expression desenfants : cellules rythmiques sur fond de tramecollective ou enregistrée, phrases mélodiquesrespectant un environnement harmonique et

rythmique donné, exploration du principe de lavariation, etc.Toutes ces activités, destinées à mettre chaqueélève dans une situation de production etd’expression visant l’acquisition de compé-tences spécifiques, ne peuvent exister que dansle cadre plus général d’un projet global claire-ment identifié, seul susceptible de permettrel’interaction entre tous les domaines d’appren-tissage. La création ne peut être que préméditée,et c’est cette préméditation qui, en tant queprojet, fédère l’ensemble des activités deproduction. Celles-ci se nourrissent alors desavoirs, de savoir-faire et de techniques acquisparallèlement dans d’autres activités musicales(écoute d’œuvres variées, recherche ou propo-sition d’une interprétation pour chaque exé-cution vocale ou instrumentale, individuelle oucollective…), et de la mise en relation de cessituations avec l’ensemble des activitésd’expression telles que poésie, jeu dramatique,arts plastiques, cinéma, danse… La variété descontraintes, qu’elles relèvent de l’espace, dutemps, de la couleur, de la forme ou de la dyna-mique, agit toujours comme un stimulant del’imagination.

IV - Expression vocale et corporelle

Enjeux● La voix et la construction humaineLa voix a une double fonction de communi-cation et d’expression à travers une matérialitésonore, véhicule de la parole et du chant,support d’émotions profondes qu’elle rendperceptibles à l’auditeur. Héritée de nosancêtres, usant d’un éventail infini de couleurs,elle est pour chacun de nous unique avec untimbre particulier.Facteur d’équilibre, le travail sur la voix permetde construire une identité originale et apporteune certaine confiance en soi. Il développe lesmoyens d’expression – parole, déclamation,chant, cri, rire, etc. – et confère en outre àl’homme un statut d’interprète. En l’utilisant,l’élève va pouvoir varier, choisir, organiser,mémoriser, reproduire, développant ainsi savivacité d’esprit et par là même s’approprier desnotions et caractéristiques musicales.La pratique du chant en commun a notamment

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pour fonction de mobiliser la force pulsionnellede la voix dans la construction d’une identitésociale : par elle l’élève éprouve concrètementle sentiment de son appartenance au groupe. Lechant facilite aussi un travail de mémoire, celuide la mémoire cognitive mais aussi celui d’unemémoire affective singulière.Parmi les chansons populaires, les ritournellesreprésentent pour le jeune enfant la matrice deson appréhension du monde et de sa rencontreavec le langage. Les premières expériencesvocales sont souvent celles des berceuses,chansons issues de la tradition, mais aussi leschansons actuelles qui construisent dès lespremiers âges, sa vie et son monde intérieurs.La chanson, culture partagée par tous les élèvesd’une école ou d’un collège, représente à ce titrele vecteur privilégié d’une rencontre entre lesélèves fréquentant les CHAM et tous ceux quiles entourent.● La voix, le corpsLa voix jaillit directement du corps humain.Elle est ancrée dans le corps. C’est pourquoi legeste vocal consiste à la fois en un mouvementdes organes de phonation et un mouvementd’accompagnement du corps tout entier. Lacapacité à anticiper le geste vocal par l’auditionintérieure (chant mental) est le préalable à uneémission juste, musicale et expressive. Eneffectuant ce geste, l’enfant se révèle déjàinstrumentiste, capable d’une communicationémotionnelle avec l’autre. Tout chanteur ou tout professeur de chantinsiste sur l’importance des exercices sur lecorps, le souffle, la posture accompagnant toutexercice vocal proprement dit. Ainsi, l’aisancecorporelle facilitera-t-elle toujours la maîtrisevocale en influant directement sur le placement,la justesse et l’expressivité de la voix, fina-lement sur sa beauté. Le souffle de la voix, laqualité de sa vibration, de sa résonance ou deson articulation sont également liés à l’engage-ment du corps dans toutes ses composantes.Plus encore, le corps est partie prenante danstoute pratique musicale, qu’elle soit vocale ouinstrumentale. Il constitue le substrat de touteexpression artistique. On accordera toute sonimportance à la place du corps dans touteactivité musicale.

Objectifs de formation et compétences visées● Technique vocale et corporelle Le souffle Le souffle constitue l’assise fondamentale del’acte vocal. Il prend appui sur un processusphysiologique naturel et spontané. Le travail duchanteur consiste en une prise de conscienceprogressive de cet acte dont le contrôle et ladomestication sont alors mis au service del’expression musicale. La gestion aisée etconfortable du souffle suppose à la fois un étatde disponibilité mentale et physique, de tonicitéet de détente corporelles et une maîtrise de sarespiration. À ce titre, l’adoption d’une bonneposture de chanteur, en position assise, deboutou en mouvement, est une base essentielle pourla mise en place des mécanismes respiratoires. On cherchera notamment à :- avoir une connaissance pratique (adaptée àl’âge des élèves) des principaux mécanismes enjeu dans la respiration ;- gérer le souffle dans la durée : précision del’attaque et de l’arrêt du son, homogénéité de lapression, contrôle du son du début à la fin de sonémission ;- adapter le souffle en fonction de la phrasemusicale à mener, de sa durée, de son tempo, desa tessiture et de sa courbe dynamique. L’émission vocale et la résonanceDe la mise en vibration des cordes vocales par lesouffle naît le son qui sera amplifié et coloré parla mise en jeu des résonateurs. Le travail viseraalors :- à permettre une émission précise, tonique,libre et juste ; - à faire découvrir et utiliser les différents réso-nateurs à l’aide d’exercices et jeux appropriés. Il s’appuiera sur une attention permanenteportée à la posture et notamment à la position dela tête et du cou, de la colonne vertébrale dubassin ainsi qu’à l’expression du visage, laposition de la langue et de la mâchoire inférieure.Enfin, la capacité à anticiper le geste vocal parune intériorisation préalable de ce qui va êtreproduit (chant intérieur) est la plus sûre garantied’une émission juste et musicale. Il sera ainsiopportun de préserver des temps brefs maisfréquents visant au développement de cesavoir-faire.

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Les apports des jeux vocaux On utilisera l’éventail des jeux vocaux, adapté àl’âge des élèves et aux répertoires abordés dansune pédagogie basée sur l’expérimentation et lejeu. On cherchera notamment à :- acquérir et conserver la justesse vocale : il està noter que ce travail de justesse est en lien étroitavec toutes ces composantes évoquées précé-demment (chant intérieur, contrôle auditif,souffle et soutien, placement de la voix, utili-sation des résonateurs) ;- améliorer la qualité de l’émission vocale :timbre de la voix parlée et chantée, projectiondu son, ouverture adaptée de la bouche ;- développer l’ambitus dans le grave commedans l’aigu en veillant à respecter les précau-tions d’usage avec les voix des enfants et desadolescents, tout particulièrement à la périodede la mue. On peut opter, durant cette période,pour une certaine prudence en allégeant le tra-vail proposé (éviter l’excès de pression du souf-fle, voir les cas où on peut utiliser un micro, uti-liser les pratiques vocales parlées, par exemplele théâtre). On distinguera bien entendu voix detête et voix de poitrine ;- améliorer l’homogénéité de la voix sur touteson étendue. À cet égard, le choix d’un répertoirediversifié sera une aide précieuse ;- enrichir la couleur vocale par l’utilisation desrésonateurs et le travail sur les voyelles : le choixdes textes en français et en langues étrangèresprendra ici toute son importance.L’articulation Le texte, en dehors de son contenu littéral et desa valeur littéraire, constitue un élément intrin-sèque du discours musical. Il doit être mis enévidence dans ses aspects spécifiques (forme,contenu, sens, valeur) et en fonction de sonorigine culturelle (région, France, Europe,Monde…). Il entretient des relations complexesavec les autres éléments du discours musicalqu’il colore et dynamise de manière particulière(cf. par exemple, l’importance de la prosodie). L’amélioration de l’émission vocale dépendégalement de l’attention portée à : - chanter en différentes langues dans le texte enportant toujours attention, et quelle que soit leniveau de compréhension de la langue, à saphonétique et ses accentuations et, bien

entendu, à son sens ;- chanter un répertoire diversifié de chansons,airs, mélodies, etc., d’époques et de stylesdifférents, y compris des productions contem-poraines populaires ou savantes ;- soigner l’articulation ;- respecter la dynamique de la phrase musicale.● Culture et interprétationTout apprentissage, lorsqu’il vise l’interpré-tation d’une œuvre, est ancré dans une culture.Ainsi, rencontrer les œuvres du passé tout endécouvrant la création contemporaine permet àl’élève d’identifier des oppositions et des simi-litudes au-delà des esthétiques qui jalonnentl’histoire et la géographie de la musique. Cette préoccupation culturelle dans le travaild’interprétation exige de porter attention auxpoints suivants :En matière d’interprétation d’une œuvre, d’unextrait - rechercher et proposer une interprétationd’une œuvre ;- mémoriser, imiter, transposer, varier, déve-lopper, orner ;- pratiquer l’improvisation, seul ou en grouperestreint, à partir d’une proposition ou d’uneintention individuelle ou collective.En matière de connaissance des œuvres inter-prétées - situer une œuvre du répertoire interprété :rapport aux autres œuvres d’une même école oud’un même compositeur, originalités dulangage musical, spécificités des contexteshistorique, culturel, social ;- établir des relations entre les œuvres chantéeset les œuvres écoutées et analysées, établir desparallèles, des oppositions ;- savoir présenter une pièce interprétée pour unprogramme, une présentation de concert, unjournal scolaire.Exemples de démarches pédagogiques Chanter ensemble, c’est trouver sa voix, lamettre en relation avec la voix des autres, lafondre dans une écoute globale du groupe. C’estaussi être capable de chanter seul devant lesautres. L’interaction entre l’écoute et laproduction est ici comme ailleurs au cœur de ladémarche que tout musicien entretient avecl’œuvre qu’il interprète ou qu’il crée.

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C’est particulièrement à l’occasion de ce travailcollectif que l’on veillera à adapter les condi-tions matérielles de la salle de classe à l’âge desélèves et aux types d’activités qui y sontmenées: choix des sièges et de leur disposition,utilité des tables, dimensions et qualités acous-tiques de la salle.● Des pratiques diversifiéesOn différenciera pratique individuelle etpratique collective en proposant par exempled’expérimenter le “un par voix”, les petitsensembles non dirigés, les ensembles dirigés,les ensembles mixtes voix et instruments, etc.On pourra ainsi montrer que les compétencesdéveloppées dans chacune de ces situationssont complémentaires et s’enrichissent les unesles autres : prise de responsabilités différentessuivant la taille du groupe, affirmation de savoix, connaissance de répertoires différents, etc.Seront notamment recherchés :- la maîtrise d’un unisson : justesse de la voix,homogénéité de la couleur générale du groupe;- l’utilisation et la maîtrise de procédés poly-phoniques : en fonction du niveau des élèves,on mobilisera des procédés adaptés tels lebourdon, l’ostinato, le canon, le deux voixnettement contrastées, le deux voix parallèlesavec ou sans soutien instrumental jusqu’auxpolyphonies contrapuntiques ;- la maîtrise de la prestation : contrôle desdéparts, des tempi, conservation de sa partiedans un contexte polyphonique, aisance dansdifférents rôles (soliste, en ensemble restreint,en formation de chœur) ;- la construction d’une démarche d’autoévaluation visant la qualité de la productionsonore et permettant à l’élève de formuler despropositions d’améliorations ou de rechercherdes versions différentes d’une même séquencemusicale selon le choix d’un style ou d’un autre ;- l’autonomie (mémorisation, départs, “un parvoix”, répétitions sans l’assistance du profes-seur, et éventuellement direction d’un groupe) ;- la capacité à arranger : à partir d’une mélodie,conception et réalisation d’un accompagne-ment vocal utilisant certains procédés poly-phoniques ;- la concentration au moment d’une productionpublique mettant en jeu la voix parlée ou

chantée, seul ou en groupe.● Des moments de restitution Ils constituent des temps importants de la viemusicale de la classe, voire de l’établissementscolaire dans son ensemble. À ce titre, les spec-tacles et concerts sont volontiers tournés versl’extérieur de l’école ou du collège et s’adres-sent de façon privilégiée aux parents sinon à lapopulation du quartier ou de la ville. Pouvantégalement profiter de la dynamique engendréepar des concerts ou spectacle permettant larencontre de plusieurs établissements, ils sontun vecteur de formation déterminant. Notonségalement que ces “espaces de restitution”peuvent aussi devenir l’un des vecteurs asso-ciant, dans l’école ou le collège, les élèves enclasse CHAM et les autres.On privilégiera des dispositifs les plus diver-sifiés possibles, comme par exemple :- chanter pour les autres élèves de l’établis-sement scolaire ;- chanter lors d’une prestation commune avecles autres élèves de l’école ou du collège ;- chanter avec accompagnement par unensemble instrumental ou vocal extérieur ;- aller à la rencontre de publics diversifiés.Des projets pluriartistiquesLa classe à horaires aménagés peut égalementêtre amenée à participer à des projets croisantdifférents domaines artistiques (danse, théâtre,poésie, etc.). Par exemple, en partant d’unmatériau poétique où, à partir de sa structure, deses rythmes, ses sonorités ou ses atmosphèrespropres, les élèves inventeront des séquencesmusicales mêlant voix, instruments ou sons dediverses provenances y compris enregistrés oude sources électroacoustiques.

V - Jouer d’un instrument

EnjeuxBien des réflexions qui suivent sont communesà la pratique vocale et à la pratique instru-mentale. Car chanter et jouer d’un instrumentsont des activités profondément ancrées dansl’expérience humaine, et souvent associéesl’une à l’autre, aussi loin que puissent remonterles traces de notre histoire. Cependant, la pra-tique instrumentale présente des caracté-ristiques qui méritent d’être examinées spécifi-

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quement en raison de leurs conséquences péda-gogiques et plus généralement éducatives. ● La première pratique instrumentale s’exercesur des corps sonoresAller à la découverte de l’univers sonore, desbruits, c’est explorer le monde de la vibration,de la résonance, du timbre, de l’intensité, dans ladurée, de la hauteur, de l’espace...Certains cou-rants musicaux du XXème siècle, savants oupopulaires, par une sorte de retour aux sources,ont contribué à enrichir la perception musicaledes timbres en une sorte de culture acoustiquecontemporaine qui donne droit de cité à toutesource sonore.Cette nouvelle attitude face aux sons offre despossibilités intéressantes pour aborder lapratique instrumentale. Car, avant tout appren-tissage plus complexe, la manipulation desobjets est un point de départ, indispensableaujourd’hui, auquel il faut revenir réguliè-rement pour les qualités qu’il développe : sensde l’exploration, curiosité, geste spontané,maintien dans une attitude d’éveil, vocabulaire,questionnement sur le langage.● Mais les instruments ont leur propre raison d’êtreSi la découverte des sons des objets ouvre denouveaux horizons, en revanche, histori-quement, l’instrument est construit à la fois pourproduire des sons qui n’existent pas dans lanature et pour offrir un éventail plus large depossibilités de jeu et d’expression. Un instru-ment est aimé pour la “beauté” de ses sons oupour sa puissance d’évocation. Chaque instru-ment possède une identité, par le timbre, l’éten-due de la tessiture, la puissance de résonance, lemode de mise en vibration, d’entretien du son,la prédétermination ou non des hauteurs, maisaussi la souplesse ou la résistance des matériauxutilisés ou le rôle des mécaniques.C’est dire, en conséquence, l’importance desimplications pédagogiques, mais aussi lanécessité de prendre en compte les affinités desenfants et des adolescents pour tel ou tel instrument.● Le jeu instrumental suppose le geste instrumentalLa principale légitimité de l’assiduité dansl’apprentissage du jeu d’un instrument trouvesa raison d’être dans un double phénomène :d’une part, la liberté d’expression n’est possibleque dans une conquête patiente et minutieuse

du matériau ; d’autre part, c’est par le travail ducorps du musicien que le son musical prend toutson essor. Ni conditionnement ni pure sponta-néité, le jeu instrumental suppose cependantune part de l’un et de l’autre. La manière dont le corps et l’instrument sontliés, de façon différente selon les instruments,est un élément auquel les enfants sont sensibles.Sur ce point, la place de l’oreille au sein mêmede l’activité corporelle doit être mise au premierplan. S’il n’y a pas de bon geste instrumentalsans qualité de l’écoute, réciproquement, la pra-tique instrumentale est une aide puissante pouraffiner cette écoute. Enfin, l’enjeu principal du jeu instrumentalréside dans la production musicale, la transmis-sion et l’invention de répertoires. Pour cela, lejeu se nourrit aussi de connaissances et il leurdonne, dans le même temps, toute la profondeurd’une expérience vécue.

Objectifs et contenus de formation

● Les débuts de l’apprentissageLe débutant a besoin, dès les commencements,d’alimenter son désir d’apprendre – fonda-mental – par la confiance dans ses capacités.Elles ne sont pas égales pour tous dans tous lesdomaines qui concernent le jeu instrumental. Ilfaut donc prendre en compte un ensembled’éléments qui le mette sur le bon chemin etpermette le progrès et le plaisir.Chant intérieur En tout premier lieu, le chant intérieur est àcultiver comme guide du jeu. Lire, entendre,jouer et écouter forment un réseau. C’est la sen-sation d’unité entre la pensée et le geste quipermet d’engendrer réellement un son. Sans lechant intérieur, pas de phrasé ni de liberté.L’enjeu de la globalité de l’expression y réside.On le trouvera associé à toutes les notions quiseront développées ci-dessous. Par diversesassociations entre le chant et le jeu, on peutvérifier si le chant intérieur existe et joue sonrôle de guide.Le développement du sens rythmique Il peut être considéré comme la base de l’orga-nisation technique et musicale. Le rythme est liéau corps et à la danse. Il est lié aussi à uneconscience de l’organisation du temps (les

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durées, leurs subdivisions...). Dans le jeuinstrumental, on met en pratique ces acquisi-tions en les intégrant dès le début à une gestuelleparticulière. Pour être productif, l’apprentissagedes gestes doit donc intégrer sans délai lerythme dans lequel ils s’inscrivent. La for-mation rythmique en elle-même n’en sera queplus solide.Rappelons que le rythme est la première condi-tion de la sociabilité du musicien. Le rythme à plu-sieurs, c’est la musique d’ensemble. Il faut donc“jongler ” avec les diverses composantes dutemps, pulsation, subdivisions, carrure, articu-lations, rubato, durées non mesurées, respiration...Le développement de la sonorité Cet aspect est indissociable de la notion mêmede jeu instrumental. L’enfant est sensible à laqualité sonore, à son impact, à sa puissanceexpressive. La couleur est une donnée senso-rielle que l’on perçoit intuitivement et direc-tement. Il est donc aisé de l’aider à affiner saperception et son désir de sons les plus divers.La sonorité est dépendante d’abord du modèlesonore que l’on porte en soi (dans son chantintérieur), et, pour sa mise en œuvre, d’un gesteample et libre qui accompagne la mise envibration. Le mouvement (la vitesse de l’air)détermine la qualité du son dans un juste équi-libre entre engagement et relâchement. L’élèveexpérimente des sons qui se façonnent et qui évo-luent dans le temps, comme un organe vivant.L’intonation Concernant l’intonation, on trouve à nouveaule chant intérieur comme guide indispensable.Pour jouer “juste”, l’écoute anticipe, permet deconduire le geste adéquat et vérifie le résultat.Pour travailler l’oreille, l’usage de la voixs’impose, mais aussi la musique d’ensemble etl’approche harmonique. Une sorte de mémoiredes sons “ justes ” s’élabore peu à peu, maissouvent avec le seul repère de la culture tonale.Pour jouer d’autres musiques, un nouvelentraînement est nécessaire. La justesse n’estpas acquise de manière absolue une fois pourtoutes.Comme pour le rythme, la justesse est un enjeude sociabilité. Pour obtenir qu’un ensemble jouejuste et que chacun entende les plus petites fluc-tuations, il faut comparer et ajuster patiemment.

Le corps L’enseignant doit avoir le souci du bon fonc-tionnement corporel des instrumentistes qui luisont confiés car le corps est présent à tous lesdétours de la pratique instrumentale. Il s’agitbien d’aider l’élève à élaborer son propre équi-libre, en fonction de la morphologie de chacunet en relation avec les principes de base d’uneposition adéquate. Le corps doit trouver sapropre manière de “ s’accorder ” avec l’instru-ment. Pour les enseignants, une connaissance“kinésiologique ” du fonctionnement corporel,notamment la respiration, est indispensable,comme pour les danseurs. Cette connaissancedoit permettre l’aisance et la musicalité del’élève grâce à un corps disponible, détendu,tonique.Pratique collective Dès le début, la pratique collective dirigée etnon dirigée est à mettre au centre de l’appren-tissage instrumental, particulièrement enCHAM qui réunit sur l’ensemble du cursusscolaire des élèves par communauté d’intérêts.En toute logique, comme pour la pratiquevocale, elle accompagne, voire précède letravail individuel. Jouer ensemble est, pour lagrande majorité des élèves, le but poursuivi etla modalité future de leur pratique musicale. Au-delà du facteur de motivation (qui estessentiel), la pratique collective permet, tout enaccumulant une expérience musicale riche dedivers répertoires, de construire la plupart desapprentissages instrumentaux, musicaux etextra musicaux. Tous les domaines abordésdans la pratique individuelle se trouvent souventamplifiés, que ce soit le rythme, le geste, l’into-nation. Connaître les parties des autres, les jouerou les chanter, permettent d’installer les pre-mières bases d’une oreille polyphonique.L’expérience pratique de la hiérarchie (ou non)entre les voix et du résultat global pour l’audi-teur, est déjà une plongée dans le discoursmusical et son analyse. Enfin, le sens de laresponsabilité et l’autonomie se développentplus aisément dans ce contexte ainsi que laconscience de l’espace et la concentration.En jouant avec les autres, l’élève peut prendrele recul nécessaire par rapport à sa propre pra-tique et ne court pas le risque de s’y enfermer.

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Culture musicale Dès le début aussi, des repères de culture musi-cale, historiques, analytiques et esthétiques,adaptés à l’âge et à la maturité des élèves,donnent une dimension artistique aux pratiquessur lesquelles ils se fondent. Le vocabulaire nemanque pas pour parler des sons et de lamusique. Nommer, comprendre, c’est souventmieux entendre et donc mieux jouer.Expression musicale Enfin, considérer l’expression musicale dans saglobalité, dès le début des études instrumentales,permet de boucler le cercle ouvert avec le chantintérieur. Le souci de faire s’exprimer les débu-tants avec leur instrument est déterminant pourla suite de leur apprentissage. Même sur deséléments très simples, si l’élève se sent agile, maîtrede ses sons, prompt à réagir, à mémoriser, àinventer et s’emparer de matériaux divers, c’estqu’il a apprivoisé et conquis l’objet instrumentalqu’il a entre les mains. Les questions d’interpré-tation et d’improvisation, de style, de goût, pour-ront alors se greffer naturellement sur le besoind’expression artistique qui a été éveillé. Cetteexpression se développera d’autant mieux qu’ilaura la possibilité d’expérimenter la projectiondu son dans un lieu dont les dimensions etl’acoustique sont bien appropriées.● Compétences visées à la fin de la premièreétape des études instrumentales (1er cycle desécoles de musique)La multiplicité et la globalité des expériencesmusicales ainsi que la diversité des répertoiresécoutés et interprétés sont la base des acqui-sitions en premier cycle à l’école de musique età l’école élémentaire en CHAM. Les objectifsconvergent vers un premier stade de maîtriseinstrumentale.Le chant intérieur, la mémorisation, la trans-mission orale sont les fondements d’uneapproche sensorielle à renouveler à chaqueétape de l’apprentissage, et non à réserver auxdébuts. Le jeu d’oreille et la transpositionouvrent la porte à l’improvisation, permettantd’aller au-delà de ce qui peut être joué à partirde la lecture.La lecture des différents codes, dont le code

occidental traditionnel, doit avant tout mobiliserle chant intérieur (un signe lu est un signeentendu). L’apprentissage de la lecture estgrandement favorisé par la pratique instru-mentale et par l’ensemble des repères (y compris matériels et visuels) que cettepratique induit ; la lecture instrumentale sefonde sur un répertoire adapté et diversifié.On s’attachera particulièrement à :- apporter une connaissance de l’instrumentpratiqué par l’écoute et par l’exploration de sespossibilités ;- développer la connaissance des techniques dejeu qui sont accessibles ;- développer une conscience des exigences del’interprétation et de leur interdépendance avecles moyens techniques nécessaires ;- construire la sonorité de l’instrument pratiqué ;- développer le sens de l’écoute et du jeu avecles autres dans la musique d’ensemble ;- asseoir un bon équilibre corps/instrumentpermettant une disponibilité motrice suffisante ;- renforcer une bonne coordination et synchro-nisation des gestes instrumentaux.Les cheminements pédagogiques permettant dedévelopper progressivement ces compétencescomplémentaires rencontreront obligatoi-rement les préoccupations suivantes :- savoir évaluer la qualité du son produit ;- travailler les exercices techniques et le réper-toire propres à ce niveau instrumental ensachant estimer et améliorer la qualité de laprestation (une méthode de travail) ;- jouer des œuvres (seul ou accompagné)choisies pour que l’on puisse exiger unecompréhension du texte musical et une maîtrisede la prestation ;- participer à un travail en grand grouped’instruments différents, en grand groupe demême instrument, en petit groupe d’instru-ments différents et de même instrument. Lesobjectifs dans chacune de ces situations serontdifférents et exprimés par le professeur ;- se produire en public, seul et en groupe ;- participer à l’élaboration d’une œuvre collective ;- mémoriser et reproduire les éléments d’uneséquence musicale ;

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- mémoriser une phrase lue et la reproduire ens’attachant à la qualité musicale et expressivede sa prestation ;- jouer de mémoire un morceau de musique ;- improviser (imiter, transposer, varier, déve-lopper, orner) au sein d’un groupe, selon desrègles du jeu proposées dans les styles desrépertoires étudiés.● Compétences visées à la fin de la deuxièmeétape des études instrumentales (2ème cycledes écoles de musique)Affiner les perceptions L’affinement des perceptions est au centre de lapratique qui associe interprétation, invention etconnaissance. Il convient de mieux prendreappui sur les capacités d’analyse et les connais-sances théoriques :- entretenir le discernement des éléments quicomposent le langage musical (durées,rythmes, intensités, hauteurs, timbres, modes dejeu, articulations, accentuations...) tant dans lerépertoire pratiqué que dans les activitésd’écoute ou de lecture ;- constituer un corpus organisé de connais-sances théoriques sur :. les hauteurs : intervalles, modes, tonalités,fonctions harmoniques, séries... ;. le rythme, les durées, les carrures... ;. le timbre, l’acoustique, l’organologie, lestessitures, les instruments électroniques ;. l’intensité ;. la forme, les structures (pouvoir décrire lesstructures d’une œuvre) ;. les éléments constitutifs des modes de jeu(articulations, phrasés, ornementation, attaques etentretien du son, les indications de caractère...) ;- pouvoir confronter et comparer des piècesmusicales ;- développer ses goûts personnels.Mémoire Le développement de la mémoire fait partie del’enrichissement de la perception. Apprendrepar cœur, reproduire d’oreille, “fréquenter” ungrand nombre d’œuvres musicales, noter deséléments mémorisés, constituer un répertoiresont autant de situations qui y contribuent.Lecture L’aisance sur le plan de la lecture sera construiteen associant audition, compréhension, pratique

et texte écrit. Le signe écrit est “entendu”.L’élève peut aussi bien déchiffrer avec préci-sion, vocalement ou instrumentalement, untexte relativement élaboré, mais aussi se repérerdans un conducteur ou une partition d’orchestre,en déduire globalement certains effets, couleurs,caractères...Écriture La pratique de l’écriture musicale permetnotamment de savoir noter une mélodie avec sastructure harmonique ou une polyphonie à deuxvoix. C’est aussi une activité de copie, trans-cription, transposition en relation avec les réali-sations projetées.Pratique instrumentale Une pratique instrumentale (ou vocale) suivieest indispensable à la formation de l’élève enCHAM : - il doit pouvoir interpréter à première vue,vocalement et/ou instrumentalement, un textesimple en faisant preuve d’une bonne compré-hension musicale ;- dans sa pratique, il maîtrise certains domaines,il est en cours d’acquisition pour d’autres, alorsque d’autres encore sont tout juste abordés. (parexemple, l’équilibre corporel et l’aisance desgestes de base sont acquis ; des œuvres signifi-catives du répertoire de l’instrument sont tra-vaillées ; la complexité technique est abordéemais de manière très progressive) ;- il acquiert une certaine autonomie : il peutproposer des choix d’interprétation et des solu-tions techniques (choix d’exercices notam-ment) ; il peut choisir des œuvres et en montercertaines seul ;- il sait accorder son instrument, lorsque celui-cis’y prête, et il a la responsabilité de son entretien;- il a assimilé un répertoire, sait donner vie à untexte, a développé le sens du style.Pratiques collectives Les compétences à développer au sein despratiques collectives, doivent être clairementidentifiées :- responsabilité dans toutes les situations : oncherchera à faire prendre des responsabilitésaux élèves, comme répéter et lire à première vuesans assistance , surtout dans les petits groupes…- autonomie :. l’élève peut tenir sa place dans un ensemble à

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petit effectif non dirigé (un par voix, formationsinstrumentales de chambre...) ; . au sein des ensembles à grand effectif, il aparticulièrement conscience de son apportindividuel (préparer les partitions, développerl’écoute collective, avoir une rigueur de fonc-tionnement et une bonne autodiscipline...) ;. il a l’expérience d’ensembles à géométrievariable, notamment ceux permettant d’abor-der des répertoires contemporains ;. il a acquis également une certaine liberté de jeudans le cadre de situations d’improvisationcollective guidées par un enseignant ;. il peut prendre en charge la réalisation d’unecourte partie d’un concert ou spectacle collectif.Invention Le développement des capacités inventives quipermettent de développer l’agilité, la dispo-nibilité corporelle et la confiance, mérite untraitement spécifique visant le développementdes compétences suivantes :- “manipuler” vocalement, instrumentalement,par écrit, les systèmes musicaux pratiqués ;- “arranger”, adapter, transcrire des pièces oudes fragments ;- improviser suivant différentes modalités(libre, règle du jeu, grilles...) ;- s’initier à l’écriture.Exemples de démarches pédagogiques● Construire un projet transversal La mise en œuvre d’un projet de réalisationcommun à plusieurs disciplines doit permettrede faciliter la synthèse à effectuer entre lesdifférentes situations musicales et péda-gogiques vécues par les élèves. En effet, il leurest souvent difficile de comprendre le lienqu’elles entretiennent entre elles sinon autravers d’expériences où la globalité donne dusens à des activités auparavant éclatées.Pour y parvenir, il convient qu’au-delà dudécoupage des situations pédagogiques et deshoraires, l’ensemble des enseignants partagentles mêmes objectifs, chacun avec les outilsspécifiques de sa propre discipline. Au sein des pratiques collectives, pratiques engroupe restreint, pratiques individuelles, coursd’éducation musicale générale et technique quisont concernés par le projet, on veillera donc àformer les élèves à l’ensemble des dimensions

visées qui auront été précisées en amont.Chacun prendra en compte l’ensemble de laformation nécessaire au projet, suivant deséquilibres de contenus et des procédures qui luisont propres mais sans se sentir exempté de telou tel domaine (lecture, écriture, écoute, repèresculturels, situations d’invention, réalisationstechniques…). Le moment de la réalisation doitêtre un moment particulièrement fort qui alimente la motivation des élèves en plaçantl’œuvre musicale au centre de leur apprentissage.● Mettre en œuvre un atelier d’initiation instru-mentaleLe choix d’un domaine d’approfondissementdans les classes CHAM, peut s’effectuer dès leCE1 lorsque l’élève paraît déterminé. Mais leplus souvent, il est souhaitable qu’il puisseprendre le temps de son choix grâce, notam-ment, à la participation à un atelier d’initiationinstrumentale. Moment consacré à une pratiquecollective exploratoire très ouverte, l’élèvepourra vivre une expérience instrumentalesignificative qui sera utilement associée à unepratique vocale, à l’assistance à des auditions oudes concerts. Au cours de ces situations, unpremier vocabulaire sur les sons et la musiquelui donnera les repères adaptés à son âge et à sadémarche.● Faire l’expérience de la direction d’ensembleJusqu’ici, la direction d’un ensemble vocal ouinstrumental était réservée à des élèves en fin deparcours. Abordée dès le début de la formation,l’expérience de la direction, sans doute sous laforme de “jeu de rôle”, renouvelle, pour l’élève,la manière de considérer le chef quand on joueen ensemble, l’écoute des autres musiciens,l’écoute intérieure de la partition et des inten-tions musicales qu’elle contient. Les bases descompétences acquises dans cette situation,feront ensuite partie des attitudes naturelles del’instrumentiste ou du chanteur musicien.● Placer les pratiques collectives au centre desapprentissagesAprès l’effort déployé par les établissementsscolaires et les écoles de musique pour déve-lopper les pratiques collectives vocales etinstrumentales, il convient aujourd’hui deconfirmer cet acquis, facteur de motivationpour les élèves par le sens nouveau qu’il donne

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aux apprentissages dès le début de leurs études.Il est donc nécessaire de clarifier et d’étayer laformation dispensée au sein de ces pratiques.Au-delà de l’objectif de réalisation des œuvres,se posent plusieurs questions :- Quelle justification du choix des œuvres jouées,au regard des objectifs de formation visés ?- Quelles compétences sont développées enfonction de la nature de l’ensemble (grandchœur, ensemble vocal, un par voix, ensemblevocal et instrumental, grand orchestre, ensem-ble homogène (à vent, à cordes), ensemble àgéométrie variable (suivant répertoire et projet),petit ensemble non dirigé…) ?Chacune de ces situations est source d’enri-chissement et développe des compétences pourpartie spécifiques mais pour la plupart trans-versales. L’élaboration d’un cahier des chargesde la pratique collective devrait permettre auxélèves de parcourir des expériences musicalessignificatives, adaptées à leurs aptitudes, à laformation de leur goût et à leurs besoins. Cetteclarification devrait contribuer à justifier lanécessité de voir figurer la présence permanentedes pratiques collectives dans le cursus.

VI - Lire et écrire pour interpréter,inventer et connaître

Enjeux Si les langages parlés possèdent leur écriture etfont corps avec elle, la musique entretient avecles systèmes de notation des relations beaucoupplus diverses. Dans la plupart des musiques dumonde et de tous temps demeure un mode detransmission orale qui exclut souvent le recoursà des codes écrits et fixés. Si un code existe, ilpeut avoir diverses fonctions que la scolarité enclasse à horaires aménagés musicale devra peuà peu éclairer.● Lire, écrire : la musique occidentale savante La musique occidentale savante propose uneconception particulière de l’écrit musical : il yest étroitement lié à l’acte de composition et àsa combinatoire. Il permet alors à la penséemusicale de se structurer dans le temps en met-tant en œuvre des modes de compositionaffranchis de l’immédiateté du phénomènesonore. Après avoir été pendant longtemps leseul moyen disponible pour assurer la pérennité

des œuvres, l’écriture est concernée aujourd’huipar une bonne part de la création occidentale etpermet de réinventer sans cesse des lecturesmodernes des patrimoines musicaux. À tous cestitres, la scolarité en CHAM doit peu à peuapporter une maîtrise de ces techniques liéesaux usages qui en découlent, y compris enempruntant le chemin de l’histoire, qu’il s’agissedes neumes “aide-mémoire” des tablaturesinstrumentales jusqu’aux notations proportion-nelles ou aux représentations graphiques.● Entre composition et écoute, l’interprétationEntre l’œuvre écrite et l’œuvre jouée et enten-due, intervient l’interprétation qui donne vie àl’œuvre composée. L’assimilation et la maîtrisedu code deviennent alors une nécessité pour lemusicien tant compositeur qu’interprète. Maiscette maîtrise est une culture partagée quisuppose à la fois la connaissance d’usages nonécrits et un espace ouvert pour l’interprète à larecréation de l’œuvre. Cette dialectique subtileentre la connaissance approfondie de la penséedu compositeur et de son époque, d’une part, etl’entière liberté et la responsabilité complètelaissées à l’interprète d’autre part, est un desenjeux majeurs de la formation du musicienconfronté au patrimoine de la musique écrite àtoutes les étapes de son parcours.● Tradition et perspectivesL’enrichissement des matériaux mis en jeu parla création contemporaine et les usages poly-morphes des technologies conduisent aujour-d’hui à multiplier et diversifier les différentsmoyens de notation comme les supports uti-lisés. Par ailleurs, les compositeurs abordent defaçon toujours plus consciente la distance quisépare l’écrit de sa restitution. Il est doncessentiel que, formant les musiciens de demain,les classes à horaires aménagées musicalesabordent ces perspectives et permettent ainsi àl’élève de construire et maîtriser des “outilsétendus” du lire et écrire qui feront demainpartie de son environnement musical.● Interpréter, inventer et connaîtreLecture et écriture ne sont pas des préalables à lapratique musicale mais bien des outils auservice de l’écoute, de la connaissance, del’interprétation et des démarches de création etd’invention. Apprendre à écouter sollicite

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parfois l’écrit, lequel tisse alors un lien oppor-tun avec l’interprétation ou l’invention d’undiscours musical. Quand elle est placée au cœurdes pratiques musicales, la connaissance desdifférents aspects de la notation, spécialementusuelle, y prend tout son sens : aide pour lamémoire, support de l’interprétation et de laconnaissance des œuvres, outil de l’invention etde la composition.Objectifs de formation et compétences viséesIl s’agit de connaître et utiliser les systèmes dereprésentation de la musique dans des situationsdiversifiées de pratiques musicales.● Lire et écrire pour jouer/interpréter La maîtrise de la lecture et de l’écriture n’est pasune fin en soi : l’apprentissage de ces deux com-pétences doit être constamment associé à lapratique musicale, qu’elle soit vocale ou instru-mentale. L’apprentissage de la lecture instrumentale etvocale, porte tout autant sur les hauteurs, duréeset rythmes que sur les phrasés, articulations,intensités, dynamiques, couleurs, paroles, etc.L’intégration de ces différents éléments dansune approche globale du texte musical constitueun enjeu important. Cette globalité se réalisegrâce aux relations qui s’installent entre leregard, l’audition intérieure et le geste vocal ouinstrumental.S’agissant de la notation dite classique, ilconviendra d’être prudent dans le désird’obtenir des résultats rapides. Pour la plupartdes élèves, le circuit entre l’œil et l’oreille nes’installe que très progressivement. Le regardpeut nuire à l’écoute qui doit demeurer prio-ritaire. Il conviendra donc de respecter desétapes, la première étant d’associer la mémo-risation préalable d’un texte à sa lecture. Cette étape, combinée à des activités dedéchiffrage simple, peut être longue ; mais laglobalité d’une telle démarche est toujoursfondatrice. Il est, bien sûr, nécessaire de fragmenter parfoisles différents éléments pour en faciliter l’iden-tification et l’assimilation. Cependant, eninstallant des circuits d’automatismes limités(entre le signe et le nom de la note, entre le signeet le doigté…), la dissociation persistante de ceséléments peut être nuisible à l’interprétation

globale d’un texte. Il est souhaitable, à cet égard,d’éviter autant que possible la lecture parlée,afin que les signes ne soient jamais lus sans êtresimultanément entendus, chantés ou joués.Compétences spécifiques L’entraînement à la lecture s’exerce toujoursdans des situations musicales : dans le jeusoliste, soliste accompagné ou comme accom-pagnateur, en petite formation vocale ou instru-mentale, en orchestre ou grand chœur. Dans cessituations, l’élève a l’occasion d’expérimenterdes grilles d’accords, la mise en œuvre d’unebasse, d’un contre-chant, d’un bourdon ou d’unostinato rythmique. Il peut aussi diriger unensemble vocal ou instrumental. Dans chacunede ces situations, l’élève musicien met en jeu unéquilibre spécifique des compétences suivantes :- lire et discerner les éléments musicaux faisantpartie de sa pratique habituelle (hauteurs,durées, intensités, modes de jeu ...), y comprisdans des systèmes d’écriture diversifiés(graphismes contemporains par exemple) ;- lire dans les clefs nécessaires à sa pratiqueinstrumentale et vocale ;- savoir lire et interpréter une grille d’accord ;connaître différents systèmes usuels de notation:grilles de jazz, musique ancienne, etc. ;- entendre intérieurement une phrase musicaleécrite ; associer la lecture d’un ou de plusieurssignes simultanément à une audition intérieure ;- anticiper les départs ;- déchiffrer (vocalement et/ou à l’instrument)une mélodie simple ; chanter avec précision untexte monodique ;- déchiffrer avec aisance une partition simple ; - repérer les éléments caractéristiques quidéterminent l’interprétation (tempo, nuances,phrasé, dynamique) ;- repérer sa partie dans une partition (structure,éléments comparables, masses sonores ;- se repérer dans un conducteur ou une partitiond’orchestre ;- être capable d’annoter ses partitions pourpréciser les intentions d’interprétation (nuances,respiration…) et ou des précisions techniques(doigtés, respirations, aide mémoire…).● Lire et écrire pour explorer, créer, inventer lamusique La lecture et l’écriture ne sont pas un préalable

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pour investir ces démarches exploratoires.Cependant, il est toujours intéressant dans cecadre de noter les travaux des élèves pour lesmémoriser, les transmettre et pour, peu à peu,les structurer.Des codages imaginés par l’élève pour rendrecompte le plus précisément possible des diversparamètres du projet musical, à l’utilisation decodages “normalisés”, l’écriture apparaît alorscomme un outil au service d’activités éminem-ment musicales et personnelles :- inventer et coder à partir de matériaux sonoresvariés (corps sonores, sons enregistrés, gra-phismes, notation usuelle…) ;- composer des musiques avec utilisation ounon d’outils électroniques et informatiques degénération et d’édition sonores :- sur des supports illustratifs : conte, texte decomptine ou chanson, images fixes ou animées;- à partir “d’inducteurs” porteurs de codagespermettant d’inventer des objets sonores (geste,œuvres plastiques contemporaines, sons enre-gistrés, corps sonores ou modes de jeux surinstruments manufacturées, etc.) ;- adapter ou arranger un support préexistant ouune notation d’un texte entendu que l’on sou-haite jouer ou arranger :- un manuscrit partiel d’une œuvre connue ouinconnue ;- une partition pour une formation imposée.Compétences spécifiques - Copier, transcrire, transposer (en lien avec lesnécessités d’une production) ;- noter un air, une chanson sue par cœur ;- noter ses propres inventions en utilisant unsystème d’écriture adapté (le cas échéantinventé).- noter une mélodie plus complexe, voire unepolyphonie.● Lire et écrire pour comprendre, analyser ettransmettre.L’écrit constitue un outil d’écoute, d’analysemusicale et d’appropriation par l’élève desœuvres musicales. En outre, la connaissanced’un vocabulaire spécifique lui permet denommer les éléments du langage musical qu’ilrencontre et qu’il est capable de discerner. Ilpeut aussi, sans rentrer dans le détail de chaqueélément du codage, appréhender une partition

dans sa globalité et apprendre à s’y repérer. L’apprentissage de la notation musicale permetégalement l’accès de musiciens interprètes aupatrimoine des musiques savantes occidentales.En effet, lorsque l’enregistrement permet àchacun un accès direct aux œuvres par l’écoute,il est essentiel de donner aux futurs musiciensl’accès aux représentations graphiques qui lesportent et par là induire un regard sur la distancequ’il y a toujours eu entre le signe et la musiquequ’il est sensé décrire. Mieux que l’enregis-trement, porteur de choix d’interprétation audépart non identifiés, la partition ménagel’autonomie de l’élève dans sa propre con-ception de l’œuvre et dans son écoute critiquedes œuvres enregistrées.Les pratiques d’écoute proposent de nombreusessituations actives relevant de cet objectif :- mettre en regard une œuvre entendue et sanotation ;- émettre des hypothèses sur ce que l’on vaentendreà la lecture d’une partition et les vérifier ;- choisir un texte musical dans un corpus donnéavec une intention précise (style, formationrequise, vocale, instrumentale…) supposant ladéfinition de critères et leur identification ;- savoir naviguer et utiliser les banques dedonnées musicales (partothèques et sites enligne) pour un projet donné. Compétences spécifiques - Associer audition, compréhension et texteécrit ;- développer l’audition intérieure ;- maîtriser le vocabulaire des éléments musi-caux pratiqués et discernés ; caractériser desécrits musicaux ;- acquérir les outils permettant de construire uneculture musicale ;- utiliser les acquisitions théoriques et le voca-bulaire adéquat pour mieux comprendre, inter-préter ou élaborer un texte : les hauteurs et leursystème d’élaboration mélodique et harmo-nique ; la construction de la durée (rythme etforme), le timbre et la caractérisation desmasses sonores, les dynamiques, modes de jeu,ornements etc. ;- appréhender globalement une partition en yrepérant les éléments constitutifs de sa structureet de son langage.

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Exemples de démarches pédagogiques Toute acquisition technique (connaissancede rythmes, d’intervalles, notions de mou-vements mélodiques, de tonalité, etc.) doittoujours se faire à partir et en fonction d’unepratique musicale quelle qu’elle soit. Ils’agit donc bien de lire ou d’écrire pour pou-voir progresser dans cette pratique (lamémoriser, la transmettre, la fixer) et nonpour accumuler des connaissances décon-nectées des enjeux artistiques qu’elles sontcensées porter.● Pratiques vocales et instrumentalesLes partitions des chants et des piècesinstrumentales préalablement apprises peu-vent servir de support à une approche del’écrit liée directement à la pratique. Uneanalyse de plus en plus fine des indicationsdonnées puis des comparaisons entre diffé-rentes partitions permettront d’établir peu àpeu des repères de lecture de plus en plusprécis.● Pratiques d’invention et de créationLes créations sonores permettent d’imaginerun codage afin de réaliser une partition.Celle-ci peut alors être proposée à la“lecture” d’un autre groupe d’élèves pourévaluation de la pertinence et de la précisiondu codage utilisé.● Pratiques d’écouteLes pratiques d’écoute proposent de nombreusessituations où la partition est le support privilégiéd’une perception affinée. Dès le début desapprentissages, une telle démarche permet derepérer les éléments qui ne nécessitent pas deconnaissances spécifiques (indications denuances, de reprises, nomenclatures instru-mentales, etc.), mais aussi de repérer et comparerdes phrases musicales, d’identifier les massesou les mouvements sonores, de reconnaître unrythme, un élément mélodique, etc. ● DirectionLorsqu’un élève est amené à diriger une pièce,qu’il s’agisse d’une œuvre du répertoire, deson arrangement de circonstance ou d’unepartition issue d’un travail de recherche de laclasse, il rencontre une situation concrètemobilisant sa maîtrise de la relation entre le lireet l’entendre.

Annexe 1LISTE INDICATIVE DES GRANDESQUESTIONS VISANT À LA COHÉRENCEPÉDAGOGIQUE DES PROJETS DEFORMATION

Les propositions ci-dessous ne sont qu’indicatives.Elles se présentent comme un réservoir de possibi-lités dans lequel les professeurs pourront construireopportunément un projet susceptible de fédérer lesdifférents travaux menés par tous les membres del’équipe éducative durant une période donnée.

La forme, le déroulement du discoursmusical dans le temps

Principes de répétition, alternance, récurrence,symétrie, développement, variation, etc.Principes de juxtaposition, collage, accumu-lation, hasard, etc.

Les procédés d’écriture

Monodie, mélodie accompagnée, contrechant,entrées successives ou simultanées, écriture enimitation ou parallélisme, contrepoint, canon,polyrythmie, accords, enchaînement d’accords,homorythmie, cluster, etc. Pentatonisme, modalité, tonalité, atonalité,série, polytonalité, etc.Thème et répétition, variation, développement,improvisation, citation, collage, pastiche, etc.

Le traitement du temps

Temps mesuré /non mesuré, tempo, binaire / ternaire,accentuations, symétrie/asymétrie, polyrythmie,mémoire, repères (dilution / affirmation), etc.

La couleur

Timbres, registres, sons concrets, sons électro-niques, modes de jeux, modes d’émission,techniques vocales et instrumentales, orches-tration, instrumentation, arrangement, trans-cription, etc.

Les relations entre la musique et le texte

Parlé/chanté, syllabisme, mélisme, vocalise,description, figuralisme, symbolisme, sens/non