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    Fac-rflexion n 17 octobre 1991, p. 4-20

    LE JSUS HISTORIQUE

    SamuelBNTREAU

    Lvangile, cest la nouvelle !Le message chrtien tranche sur tous les autres en se concentrant sur lvnement intervenu dans le

    cours de lhistoire ordinaire ; il soppose aux mystiques dsireuses dchapper au temps et aux mythologiesconfigurant le temps primordial, qui nest pas un temps. Voil pourquoi le Christ de la foi ne se spare pas duJsus historique. Les disjoindre signifie cder au mensonge des antichrists (1 Jn 2.22) ; ce nest pas ainsi quenous avons appris le Christ, conformment la vrit qui esten Jsus (p 4.21).

    Do limportance capitale de la question du Jsus historique . Si le doute sinsinue bon droit sur lafiabilit du rcit vanglique, notre foi risque dtre vaine, ou, ce qui revient au mme, de basculer du ct desmythologies. Mais nous sommes malhonntes, au contraire, si nous dissimulons les difficults. La peur estmauvaise conseillre, ici comme ailleurs.

    Avec la finesse et la rigueur quon lui connat, le professeur Samuel Bntreau prsente ici et pseplusieurs ouvrages rcents, de diverses tendances, sur le Jsus historique . Qui le suivra jusquau boutprofitera dune ducation de la foi, vers une sobre maturit.

    Faire un tat de la question sur un sujet tel que le Jsus historique est une tcheherculenne pour ne pas dire impossible.

    Le champ explorer est si vaste, les angles dapproches sont si divers, les tudesconsacres aux vangiles sont si pointues et, le plus souvent, dune telle technicit quonrenoncerait sexprimer si quelques historiens-thologiens ne staient donns la peine derassembler les rsultats de leurs recherches et de viser un assez large public.

    Notre modeste but est de signaler quelques-uns de ces travaux, choisis parmi les plus

    reprsentatifs, en dlaissant les uvres trop personnelles ou radicales, et dvoquer lesquestions quils posent.On ne doit pas se le cacher, lentreprise reste dlicate plus dun titre. Des chrtiens

    seront surpris de la libert avec laquelle, souvent, on traite les vangiles et risquent de porterun jugement ngatif sur la thologie en gnral, vue comme une sorte de menace pour leurfoi, ce qui ne se justifierait pas ; tout verdict englobant serait dplac tant le mondethologique est divers.

    La notion mme de Jsus historique est ambigu. Y aurait-il plusieurs Jsus ?Lexpression suggre-t-elle une distance prise par rapport au Jsus des vangiles ou, pourretrouver un contraste souvent lhonneur, par rapport au Christ de la foi 1 ?

    Voici, pour notre part, comment nous entendons la question inscrite dans le titre de cet

    article. Parler du Jsus historique , cest rendre compte des efforts consentis pour propagerune image de ce personnage exceptionnel, image qui ne procde pas du dogme, deschristologies construites par la rflexion thologique, mais de ltude des sources, et qui lemontre dans son cadre de vie.

    Les sources

    La situation est ici fort simple, premire vue du moins : les sources disponibles sontpeu nombreuses et bien connues. ct des sources bibliques, essentiellement les quatre

    1 Ce contraste dj prsent pour lessentiel dans luvre de M. KAEHLER,Der sogennante historische Jesus und

    der geschichtliche biblische Christus, Leipzig, 1892, va occuper une place considrable chez Bultmann etplusieurs de ses disciples. M. BOUTTIER, Du Christ de lhistoire au Jsus des vangiles, Paris, Cerf, 1969,montre ce quil y a dartificiel dans cette opposition.

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    vangiles auxquels viennent sajouter quelques brves mentions parses dans le NouveauTestament, on a les sources chrtiennes, cest--dire les vangiles apocryphes et les agrapha(paroles isoles attribues Jsus) quon trouve dans des crits dinspirations diverses et surla valeur desquelles il est risqu de se prononcer. Comme sources juives, on compte leTestimonium Flavianum, tmoignage de lhistorien Flavius Josphe dont on possde plusieurs

    versions, et les quelques rfrences Jsus dans le Talmud, souvent discrtes, mais toujourspolmiques2. Les sources paennes sont des plus tnues : essentiellement quelques mots enrapport avec la prsence des communauts chrtiennes dans lEmpire chez trois auteurs latinsdu dbut du IIe sicle, Tacite, Sutone et Pline le Jeune3.

    ces sources bien rpertories, on devrait ajouter tous les crits qui nous renseignent defaon indirecte : notre connaissance du milieu juif du premier sicle sest enrichie par desdcouvertes, comme celle des textes de Qoumran, et par des tudes de grande ampleur4.

    On pourrait imaginer que sur cette base relativement troite il soit possible de construireaisment une vie de Jsus objective, faisant lunanimit. Cest loin dtre le cas. Nous neferons pas dfiler le long cortge des vies de Jsus qui stire depuis la fin du XVIIIe sicle

    jusqu nos jours. Nous rappellerons seulement le constat dAlbert Schweitzer en 1906 : tous

    les Jsus que la science historique avait dpeints refltaient avant tout des moments de cettescience et les sensibilits des diffrents auteurs. Ce verdict svre a oblig les successeurs

    plus de prudence, mais on ne peut pas dire quon soit parvenu refouler la subjectivit5. Laprsentation de quelques portraits modernes de Jsus va le prouver et rendra attentif auxraisons de la diversit.

    Un livre succs

    Le thologien allemand Gerd Theissen, qui occupe la chaire de Nouveau Testament lUniversit de Heidelberg, a ralis un vritable exploit en offrant aux non-spcialistes unroman historique intitul, de faon significative,LOmbre du Galilen (Paris, Cerf, 1989). On

    en est la troisime dition pour la traduction franaise et louvrage a obtenu le prix deslibraires religieux en 1989. Nous avons personnellement entendu des commentaires logieuxdans deux rencontres de thologiens, lune protestante, lautre catholique6. Cet accord assezrare montre quon est en prsence dun livre tmoin dun certain tat de la science, exposantune position moyenne, du moins pour ceux qui adoptent pleinement les dmarches historico-critiques7. Le renom du livre repose, en fait, sur trois lments : 1. les qualits propres de

    2 La plus clbre et la plus explicite de ces rfrences se trouve dans le Talmud de Babylone, Sanhdrin 43 a : La tradition rapporte : la veille de la Pque, on a pendu Jsus. Un hraut marcha devant lui pendant quarantejours disant : Il sera lapid parce quil a pratiqu la magie et tromp et gar Isral. Que ceux qui connaissent lemoyen de le dfendre viennent et tmoignent en sa faveur. Mais on ne trouva personne qui tmoignt en sa

    faveur et donc on le pendit la veille de la Pque. 3 Le coran rapporte aussi certains pisodes de la vie de Jsus, mais son tmoignage est tardif. On y retrouvecertaines prsentations caractristiques de la littrature apocryphe (vangiles qui sintressent lenfance deJsus et sa famille, textes dinspiration gnostique).4 Comme exemples de ces tudes qui cherchent faire revivre le cadre de la vie de Jsus, on peut citer JoachimJEREMIAS, Jrusalem au temps de Jsus, Paris, 1967, et A. PAUL, Le Monde des Juifs lheure de Jsus.Histoire politique, Paris, 1981.5 Albert SCHWEITZER,Histoire des recherches sur la vie de Jsus, premire dition allemande en 1906. Dans sonlivreJsus de Nazareth vu par les tmoins de sa vie (Neuchtel, Delachaux et Niestl, 1971), tienne Trocmnumre et value les tentatives plus rcentes avant de proposer sa propre solution, celle de la coexistence deplusieurs images distinctes et impossibles synthtiser.6 Voir la recension enthousiaste de lian Cuvillier, intudes Thologiques et Religieuses 65, 1990/1, p. 116s., oucelle de Violaine Montsarrat, inBulletin du Centre Protestant dtudes et de Documentation, janvier 1989, p. 3s.

    Cette dernire parle de renouvellement de la recherche historico-critique par lapport des sciences humaines .7 Historico-critique est employ ici dans son sens le plus courant, pour caractriser la mthode dtudetrangre au prsuppos croyant de linspiration plnire des textes, donc de linfaillibilit scripturaire. Certains

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    lcrivain qui sait camper un personnage, conduire un dialogue, rendre lintrigue captivante enmme temps que vraisemblable ; 2. lhabilet de la dmarche qui consiste faire agir etsexprimer un Juif de la premire moiti du premier sicle de notre re, Andr, qui, sans

    jamais rencontrer directement Jsus, reoit sans cesse lcho de son ministre et enregistre lestraces de son passage ; 3. le srieux de linformation ; beaucoup dlments de la culture et de

    lhistoire juives passent dans la trame du rcit, Theissen poussant le scrupule toujoursindiquer ses sources, bibliques et non bibliques, de sorte que ce roman est vritablementinstructif.

    Quelle ombre laisse le Galilen ? Quelle image de Jsus est suggre ? Celle dunphilosophe populaire et, en mme temps, celle dun prophte dIsral plus radical dans sacontestation de lordre social et religieux que ses prdcesseurs. Il a souci de tous lesdshrits, des exclus. Il veut rformer son peuple non par la violence que prnent les zlotes,mais par un appel la solidarit. Le rgne de Dieu est inaugur, rclamant de lhomme uneconversion qui est une option en faveur de la vie pour tous. Dans le domaine religieux, Jsus

    prend de la distance par rapport au temple et la loi, enseignant une pit la fois plusintrieure et plus pratique. Il apparat comme lhomme par excellence, capable par sa parole et

    son action dveiller les autres la vie et lamour du prochain. Ce Jsus, si proccup desproblmes concrets du temps prsent, ouvre-t-il aussi des perspectives pour lavenir ? Peut-tre, mais cest peine suggr ; lexprience ultime du hros principal, Andr, est prsentecomme conscutive un rve dans lequel il voit les monstres du chapitre 7 de Daniel clipss

    par lapparition dun homme en qui il reconnat Jsus, un Jsus mtamorphos, non plushumili mais rayonnant (p. 254). Cette exprience est dcrite la fois comme un nouveau

    pacte avec la vie , dans un monde o va se poursuivre la lutte pour la vie, et commelesprance dune apparition de l Homme vritable mettant fin au rgne de la Bte(p. 256).

    Cest un roman, et il serait tmraire de juger des opinions de lauteur uniquement partir de ce que disent les personnages, mme le personnage central. Mais Theissen, et il fautlen fliciter, accompagne le rcit dexplications mthodologiques sous la forme astucieuse delettres adresses un personnage fictif, le professeur Kratzinger, dfenseur sourcilleux delorthodoxie scientifique.

    Histoi re et vangi les

    Theissen a une haute notion des possibilits de la science historique. Son but estclairement formul : proposer une image de Jsus correspondant ltat prsent de larecherche sur lui et comprhensible aux lecteurs de notre temps (p. 9). Il vise mme fairesaisir non seulement les rsultats de la recherche moderne, mais aussi la faon dont leshistoriens avancent . Il veut mettre les donnes de la science la porte de ceux qui ne

    peuvent avoir accs aux tudes historiques (p. 10). Ces dclarations se prtent quelquesremarques. Lauteur, thologien professionnel , se veut historien et cest la science quilse rfre. Lexpression science historique est belle, impressionnante. Elle voque un espritde rigueur, des procdures clairement dfinies, un effort patient pour rejoindre au plus prs lesvnements du pass. La discipline quelle impose a ses vertus. Mais peut-on parler, au moins

    pour ce qui concerne la vie de Jsus et donc ltude des quatre vangiles qui constituent, deloin, la source la plus abondante et la plus proche des faits, de rsultats acquis et de donnesindiscutables ?

    Les rsultats considrs ici comme acquis reposent sur un certain nombre deconvictions et de dmarches qui ne simposent pas tous. Le schma de la formation des

    auteurs vangliques disent que leur mthode. respectueuse de ce prsuppos, est aussi historico-critique auvrai sens de ces termes (N.D.L.R.).

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    vangiles propos dans un appendice du livre8 correspond effectivement une positionmoyenne et une solution assez largement retenue, solution relativement simple unequestion extraordinairement complexe. Un tel schma, cependant, parait insuffisant

    beaucoup et il est loin de pouvoir prtendre au statut dopinion tablie.Theissen sintresse au processus de transmission et de rdaction qui aboutit aux

    vangiles tels que nous les avons. Pour retrouver le Jsus historique dans ces sources qui, son avis, sont non seulement partielles mais aussi partiales en ce sens quelles portent lamarque de la foi et des proccupations des glises et des rdacteurs finals, la recherchehistorique applique au Nouveau Testament dispose de deux critres : la cohrence et ladiffrence. Le critre de cohrence est simple : il faut parvenir une image de Jsus sanscontradictions internes et, en mme temps, en accord avec ce quon sait de son milieu et deson temps. Le critre de diffrence est tout aussi simple, mais plus brutal : on ne peut attribueravec certitude Jsus aucune tradition qui pourrait provenir du milieu juif ou de lglise,responsable de la transmission des matriaux et de leur fixation. Appliqu sans nuance un telcritre laisse fort peu au Jsus historique. Avec de telles prmisses, on peut comprendre lescepticisme de Bultmann sur la possibilit de parvenir des certitudes.

    Voici le rsidu que laisserait ce systme de soustraction selon un thologien anglais quile pratique avec rigueur, N. Perrin :

    Jsus a t baptis par Jean-Baptiste et le dbut de son ministre a t li, jusquun certain point, celui du Baptiste. Dans son ministre propre il tait avant tout le

    proclamateur du rgne de Dieu, appelant ses auditeurs ragir cette ralit quilprchait. Son autorit et son efficacit de prdicateur du rgne de Dieu taient renforcespar une rputation, apparemment mrite, dexorciste. Dans un monde qui croyait auxdieux, aux puissances du bien et celles du mal, aux dmons, il tait capable, au nom deDieu et de son rgne, daider ceux qui se croyaient possds par les dmons.

    Un de ses soucis majeurs tait de rassembler en une communaut ceux quirpondaient sa proclamation du rgne, quels que soit le sexe, larrire-plan et lhistoiredes personnes. Les repas communautaires constituaient un aspect capital de la vie de cegroupe, repas qui clbraient lunit trouve dans une relation nouvelle avec Dieu,relation conscutive la rponse donne la proclamation du rgne. Par cette volontdunir lensemble de ceux qui recevaient son message, Jsus lanait un dfi la socit

    juive de son temps qui avait tendance se fragmenter et rejeter certains de sesmembres au nom de Dieu. Cette volont et ce dfi ont suscit une vive opposition qui aatteint son paroxysme lors de la clbration de la Pque, Jrusalem, au cours delaquelle il a t arrt, jug par les autorits juives pour blasphme et par les Romains

    pour sdition ; il fut crucifi. Avant sa mort, il avait choisi parmi ceux qui le suivaientun petit groupe de disciples qui avaient dmontr en uvreant en son nom un peu de son

    pouvoir et de son autorit.Ceci, ou quelque chose dapprochant, est tout ce que nous pouvons savoir ; cestassez9.Perrin ajoute que, dans quatre domaines, on peut se considrer comme trs proches des

    paroles mmes de Jsus : certaines formules de proclamation du rgne, certaines paraboles,quelques dclarations qui ont une allure proverbiale ou frappante, le Notre Pre de Luc 11.2-4. Il admet encore la prsence dune certaine attente pour ce qui concerne lavenir ; elleaffleure dans quelques paroles de Jsus.

    8 Priorit de Marc, existence dune source hypothtique Q [pour lallemand Quelle, source ] rassemblant pourlessentiel, des paroles de Jsus, utilisation par Matthieu et Luc de Marc, de Q, et de sources propres, ces crits

    salimentant des traditions orales ; prsentation originale et stylise du ministre de Jsus chez Jean.9 N. PERRIN, The New Testament. An Introduction, New-York, 1974, p. 287-301, cit par I. H. MARSHALL, IBelieve in the Historical Jesus, Grand Rapids, Eerdmans. 1977, p. 215s.

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    Ce portrait du Christ, qui nest pas sans intrt, apparat cependant bien ple et il reste expliquer comment une figure aussi peu exceptionnelle parmi les prdicateurs populaires etles rformateurs religieux de lAntiquit a pu donner naissance un mouvement aussivigoureux que le christianisme antique qui va slancer la conqute du monde. Theissen lui-mme a peru la difficult et il prend quelque distance lgard de ce critre de diffrence,

    surtout pour ce qui touche au judasme de Jsus10

    . Constatons propos des donnes de lascience historique, que Perrin et Theissen ne saccordent pas sur tous les points : sur la visemme du ministre de Jsus (constitution dune communaut distincte ou rveil religieux detout Isral) comme sur le rle des autorits juives dans la condamnation de Jsus, les avis nese rejoignent pas.

    Une impression se dgage de la lecture du livre de Theissen, en particulier desrflexions sur la dmarche de lhistorien que constituent les lettres au cher MonsieurKratzinger : limage de Jsus y apparat trs rductrice. Pas de conscience claire de samessianit, pour ne pas parler de sa divinit, pas de mention de la porte rdemptrice dunemort accepte, pas de forte notion de la rsurrection, etc.11 Surgit alors la question : un Jsus

    produit par la recherche historique est-il ncessairement un tre assez ordinaire, ramen aux

    dimensions simplement humaines ?Sil en est ainsi, pourquoi ? On peut faire au moins trois observations. La premire est le

    rationalisme avou ou inavou qui sattache lentreprise. Prenons lexemple des miracles.De faon discrte Theissen suggre des explications naturelles la rputation de thaumaturgede Jsus : le miracle de la multiplication des pains est prsent comme une abondancesoudaine de nourriture apporte par des sympathisants, abondance qui a quelque chose demiraculeux pour les pauvres qui nen ont jamais tant vu la fois (p. 168). Lauteur note lui-mme la monte du merveilleux en comparant les deux versions du miracle de lamultiplication des pains en Marc 8.1-9 et Marc 6.35-44 : on passe de sept pains et quatremille personnes cinq pains et cinq mille hommes (p. 167, n. 2)12.

    La deuxime remarque vise le dsir parfaitement lgitime de laisser Jsus une totalehumanit : il est donc lhomme dune poque, dun pays, dune culture. Mais en le judasant ainsi on risque de pratiquer un nivellement auquel les vangiles tels que nous lesavons se refusent. Pour eux, Jsus est bien un prophte dIsral, un rabbi juif, un exorciste ct dautres exorcistes, mais il est aussi beaucoup plus que cela ; un tmoignage clatant estrendu son unicit.

    La troisime est une constatation troublante, qui explique sans doute en partie le succsdu livre de Theissen. Le Galilen quil prsente, contestataire des pesanteurs sociales, luttanten faveur des dshrits, appelant la solidarit, refusant la violence, prdicateur dunereligion sans exclusive et au service de lhomme, est une figure propre obtenir la sympathiedun grand nombre de nos contemporains. Serait-ce alors simplement le Jsus de notre

    temps ? Revient en mmoire le jugement de Schweitzer sur les vies de Jsus

    13

    .10 On mentionne frquemment dautres critres dauthenticit, moins dcisifs : le critre dattestation multiple,celui du caractre smitique et palestinien. Charles PERROT, Jsus et lhistoire, Paris, Descle, 1979, quimentionne jusqu six critres dauthenticit, estime quen dfinitive seul le critre de diffrence ou dissimilaritest loutil de lexgse historique. Le critre de cohrence est utile seulement pour la synthse subsquente, lartrodiction de lhistorien (p.66s.).11 Theissen avance une conception de la rsurrection du Christ qui banalise lvnement ; elle est vue comme unmoment dune cration dite incessante, constamment renouvele. Cf. p. 238s., o il renvoie une thologie dela cration danoise .12 La dmonstration dune monte du merveilleux serait plus convaincante si, partant de lhypothse quilsagit dun seul miracle, la squence des rcits est inverse, le plus sensationnel venant aprs le moinssensationnel. On peut toujours maintenir, il est vrai, que lvangile ne suit pas un ordre chronologique. Beaucoup

    estiment, cependant, que Marc, en particulier, garde ce souci, dans les grandes lignes.13 Limportance du social pour lauteur ntonne pas quand on sait quil a crit un livre intitul Le Christianismede Jsus, ses origines sociales en Palestine (Paris Descle, 1968).

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    Avec lucidit, Theissen se pose lui-mme la question (p. 214) : Mon portrait deJsus nest-il pas la projection de ma gnration ? Il se rappelle quen 1968 il avait lgede la rbellion et il reconnat avoir t marqu par cette poque. La faon dont il se rassure ce propos ne manque pas dinquiter. Il affirme dabord que son Jsus nest pas un Jsus ensoi , mais le Jsus que peroit Andr, le hros principal du roman. Il prcise que cest un

    Jsus vu dans la perspective dexpriences sociales donnes (p. 13). Theissen tente derintroduire un peu dobjectivit en faisant appel Flavius Josphe : Le cadre de monroman est celui de Josphe. Mon interprtation est plausible. Cette interprtation lui paratmme ncessaire, dans la mesure o le Jsus quil dpeint est un contestataire et un librateursocio-politique, dans la ligne des types bibliques de lExode et de lExil.

    On est frapp de trouver, comme cest souvent le cas, la coexistence dune attitudedassurance presque hautaine, base sur la conviction quon est au fait des acquis de lascience moderne, et de professions soudaines dhumilit devant limpossibilit duneapproche objective : Car lHistoire est-elle autre chose quun perptuel dialogue sur le

    pass, dialogue o personne na finalement le dernier mot ? (p. 82).

    Histor ien et thologien ? H istor ien ou thologien ?Le livre de Pierre-Marie Beaude, bibliste catholique, Jsus de Nazareth (Paris, Descle,

    1983) est comparable luvre de Theissen en ce sens quil accorde la mme confiance aux rsultats substantiels que deux sicles de recherches sur la vie de Jsus ont produits (p. 7).La critique des vangiles offre lhistorien, estime lauteur, un instrument fiable. Il note aussila solidit quintroduit une meilleure connaissance du monde palestinien. La diffrencemajeure, lvidence, est que nous sommes ici en prsence dun texte pdagogique,remarquablement crit et prsent, et non plus dun roman. Cest donc un ouvrage beaucoup

    plus complet, attentif aux sources, aux mthodes de recherche, au cadre historique. Laprsentation de Jsus lui-mme est marque du sceau de la prudence. Ainsi le sujet dlicat des

    rcits de la naissance et de lenfance de Jsus nintervient pas dans cette prsentation, mais unappendice lui est consacr o lauteur reste trs circonspect, soulignant la vise thologiquedes textes sans se prononcer sur la ralit des vnements rapports. La possibilit mmedcrire une vie de Jsus est exclue, car les textes ne fournissent pas le cadre ncessaire.Aussi, comme il est courant aujourdhui, ce sont des dossiers qui sont proposs au lecteur.On a ainsi quelques pages sur les dplacements de Jsus. ce propos, notons que,contrairement une pratique largement reprsente qui sen tient un schma trois tempssuggr par lvangile de Marc (ministre galilen, monte Jrusalem, sjour Jrusalem),les renseignements fournis par lvangile de Jean sur plusieurs sjours Jrusalem sont prisen compte (p. 46s.). Les grands thmes abords sont les suivants : Jean-Baptiste et Jsus 14,Jsus et le rgne de Dieu, lenseignement de Jsus, Jsus et la loi, Jsus et les paens, les

    miracles de Jsus, Fils de lhomme et Fils de Dieu, la mort de Jsus de Nazareth. Sur tous cessujets, on trouve un grand nombre dinformations et de remarques pertinentes, lauteursattachant situer les vnements et les paroles la lumire des coutumes et des conceptionsdu temps, accordant une plus grande confiance aux narrations vangliques que beaucoup deses pairs.

    Il est impossible de rendre compte de la richesse de louvrage et des divers problmesquelle aborde. Nous nous contentons de relever la position de lauteur sur le point dcisif durapport entre lhistoire et la foi. Il veut avoir un discours dhistorien et distingue nettementdeux dmarches, qui doivent garder leur autonomie : Au terme de sa recherche, lhistoriennexigera pas que le thologien renonce son discours sur Jsus pour adopter le sien.

    14 Comme Ch. PERROT, op. cit., p. 81-84, il situe Jean-Baptiste et Jsus au sein dun mouvement baptiste assez diffus.

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    Inversement, le thologien nexigera pas de lhistorien quil renonce sa problmatique aubnfice de la sienne (p. 8). Avec beaucoup doptimisme, Beaude pense que ce respect delautonomie assurera une entente cordiale entre les deux savoirs . Le risque deschizophrnie nexiste-t-il pas et ne retombe-t-on pas dans lornire de lopposition Jsus delhistoire / Christ de la foi ? Charles Perrot, thologien catholique au travail duquel Beaude

    rend hommage (p. 7, n. 3) et qui entend mener une enqute purement historique (en fait,retrouver le Jsus historique partir du Christ de la foi quattestent les vangiles15), nonseulement souscrit la distinction entre histoire et tmoignage de foi, mais encore prcise larfrence premire de celle-ci. Il prend ses distances lgard de ceux qui sattachent lhier dun livre originaire et non lglise daujourdhui16 . Cet appui sur lglise estune facilit que les protestants ne peuvent saccorder. Pour eux, la rvlation est recevoir delcriture, laquelle lglise doit rester soumise.

    La contr ibution vanglique

    Cest dans le monde anglo-saxon que la rflexion sur lapproche historique de Jsus etdonc des vangiles, source principale, a t conduite avec le plus de dtermination par desthologiens vangliques. On peut citer le livre de I. H. MARSHALL,I Believe in the Historical

    Jesus (Grand Rapids, Eerdmans, 1977). Lauteur y mne un long et courageux dbat avec lesreprsentants les plus minents dautres courants o la pratique de la mthode historico-critique conduit une valuation assez ngative de la fiabilit historique des vangiles. Cettediscussion lui parat indispensable dans la mesure o, son avis, on ne peut se contenter dedduire cette fiabilit partir de la doctrine de linspiration des critures. Le thologienvanglique, pense-t-il, devrait pouvoir mener un dialogue constructif avec ceux quinacceptent pas ce point de dpart et prendre en compte la diversit des genres littraires dansles vangiles. Ces derniers ne comportent pas seulement des rapports sur des faits, mais usent

    de plusieurs types de discours, certains fictifs. Lauteur ne veut sacrifier ni sa foi ni les droitsde la recherche historique honnte. Il reconnat que lhistorien se heurte, avec les vangiles, lobstacle que lon appelle commodment le surnaturel. Un Jsus historique dpouill de toutce qui relve de la transcendance, ne saurait fournir la foi une base suffisante, mais, parailleurs, la foi se rattache ncessairement au Christ historique. Cette racine historique ne peuttre exclue du domaine de la science historique. En un sens, la recherche se fait toujours

    partir de prsupposs : le rationalisme cherchera expliquer les donnes en fonction de sesconvictions et, lgitimement, le croyant fera intervenir les siennes. Limportant, estimeMarshall, est que chacun reste conscient de ses a priori et soit dispos se soumettre auverdict des donnes, de toutes les donnes.

    Marshall accorde un assez large crdit aux travaux modernes sur le Jsus historique.

    Aujourdhui, conclut-il, la majorit des spcialistes du Nouveau Testament admettent quunportrait peut tre dessin, mme si le chemin qui va de Jsus aux vangiles est jug assez longet complexe17. Il reconnat une valeur aux analyses littraires (la critique dite formiste18, parexemple) qui sintressent la faon dont lglise a transmis les traditions sur Jsus, mais,

    15 Charles Perrot renonce tout verdict dauthenticit historique : Nous ne tenterons pas de prouver lhistoricitde tel ou tel pisode de la vie de Jsus pris en particulier. Au niveau de lvnement saisi dans sa singularit, letravail de lhistoire savre le plus souvent impossible raliser, hormis lvnement de la mort de Jsus ,op. cit., p. 71.16 Ch. Perrot, op. cit., p. 66.17 Le schma de la formation des vangiles retenu par Marshall nest pas trs diffrent de celui quon trouve chezTheissen et Beaude. Il insiste cependant sur le fait que deux vangiles, ceux de Marc et de Luc, ont t rdigspar des compagnons daptres, ce qui plaide en faveur de la solidit des informations.18 Lcole formiste a cherch reprer les formes dans lesquelles les communauts primitives ont transmis etfix les traditions sur Jsus.

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    prcise-t-il, on sort du cadre dune utilisation lgitime lorsque ces analyses dbouchent surdes jugements touchant la valeur historique de ces traditions. Marshall rassemble tous leslments qui peuvent fortifier une confiance globale dans la fiabilit historique des vangiles(travaux de lcole scandinave sur la solidit des traditions orales en milieu juif, thse deH. Schrmann sur la vraisemblance dune tradition orale pr-pascale pour les besoins de

    luvre missionnaire des disciples, etc.). Le livre sachve sur une note rconfortante : si lesvangiles sont des tmoignages de foi, le ministre de Jsus quils prsentent a un fondementhistorique. Ltude historique des vangiles nest pas redouter, elle ne conduit pasncessairement au scepticisme ; elle est utile.

    On trouve le mme type dapproche dans le livre de C. BLOMBERG, The HistoricalReliability of the Gospels (Leicester, IVP, 1987). Cest aussi lesprit qui anime la srie GospelPerspectives. Studies of History and Tradition in the Four Gospels (ed. R. T. FRANCE etD. WENHAM, Sheffield, JSOT Press, 6 volumes de 1980 1986) qui rassemble des tudesdun nombre important de thologiens appartenant la tendance vanglique19.

    Une prsentation engage

    Les lecteurs franais peuvent, dans une certaine mesure, bnficier du produit de ceteffort grce au livre de R. FRANCE, Un Portrait de Jsus le Christ(Mulhouse, Grce et Vrit,1988, traduction de The Man They Crucified, Leicester, IVP, 1975). Cest luvre dunthologien anglais comptent, mais qui se met la porte des non-spcialistes en proposant untexte trs facile lire. Dans un appendice (p. 169-178), il nonce les principes qui ont guid sa

    prsentation de Jsus et rpond dventuelles critiques. Il considre les vangiles comme dessources dinformation tout fait fondes. Le scepticisme frquent lgard de leur fiabilit,

    juge-t-il, est plus philosophique quhistorique (p. 172). France admet un processus deslection des paroles de Jsus et une part de reformulation dont tmoignent les diffrencesentre les vangiles, mais, maintient-il, ce nest pas de linvention : aucune raison srieuse de

    ne pas se fier la teneur de lenseignement tel quil est rapport dans les vangiles (p. 175s.).Il concde quil nest pas possible dcrire une biographie de Jsus en raison de grandeslacunes dans linformation et du peu de souci des vanglistes pour la chronologie. Commedautres auteurs, France fait intervenir la chronologie l o une structure est suffisammentnette (rcit de la naissance de Jsus, dbut de son ministre, dernire semaine de sa vie), etadopte une disposition thmatique pour lessentiel de son ministre, ce qui donne la squencesuivante : Nazareth, lesprance, la prparation, les disciples, les miracles, la socit, lacontroverse, le royaume, la condamnation, la rhabilitation. Dans des notessupplmentaires (p. 43-46), il essaie, toutefois, de reprer des tapes et des tournants dans leministre de Jsus. Le caractre vanglique de la position de lauteur se manifeste dansun parti pris de confiance : Jsus a, ds le dbut de son ministre, une conscience

    messianique, cest--dire quil sait quil accomplit lesprance dIsral (p. 40) ; on ne peutrefuser la ralit des miracles de Jsus que par un raidissement sur un naturalisme born(p. 69-72) ; Jsus sait que sa mort est ncessaire comme ranon pour beaucoup (p. 120) ;la tombe est rellement vide au matin de Pques (p. 153ss).

    France est lucide : son portrait de Jsus est partial, car il rvle ses convictions et sescentres dintrt (p. 6). Pour lui, il est impossible de faire autrement. Jsus ne permet paslobjectivit. Il exige une prise de position (p. 6). La neutralit est exclue.

    19 Il existe deux associations importantes de thologiens vangliques : la Tyndale Fellowship en Grande-Bretagne et The Institute for Biblical Research en Amrique du Nord.

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    Les choix

    Les plaidoyers vangliques en faveur de la fiabilit historique des informations surJsus prsentes dans nos vangiles dclenchent de fortes ractions, et pas seulement de la partdhistoriens athes ou agnostiques. Les critiques les plus couramment adresses par desthologiens dune autre persuasion sont celles d historicisme (Ch. PERROT, op. cit., p. 61),

    de positivisme historique et de vise apologtique (ETR 1988/4, p. 591s., recension parJean Zumstein de la srie Gospel Perspectives), de tournure desprit harmonisante etniveleuse (ETR 1989/2, p. 286, recension par lian Cuvillier dun commentaire catholique surles vangiles). Mme la dmarche fort souple de Pierre GRELOT, vangiles et histoire,

    Introduction la Bible, d. nouvelle, Le Nouveau Testament, vol. 6, Paris, Descle deBrouwer, 1986, pour qui les vangiles incluent lhistoire de Jsus au sens historien sans syrduire, des interprtations des vnements dans leur vrit profonde venant sajouter, netrouve pas grce aux yeux de Zumstein : lerreur commune toutes les exgses conservatrices serait de confondre la fiabilit historique dun texte et sa vrit (ETR1988/4, p. 592).

    Il nest pas question dentrer ici dans un vaste dbat philosophico-thologique. Nousnous contenterons de trois remarques en guise de conclusion.

    Les prtendus acquis de la science, lorsquil sagit de sources aussi riches et complexesque les vangiles, doivent tre fortement relativiss. Ainsi H. Braun, comme le constate F.Vouga (ETR 1986/3, p. 425), prend, dans un livre sur Jsus et son temps publi en 1984, lecontre-pied de la ligne matresse du courant post-bultmannien reprsente par E. Ksemann,Ebeling et Bornkamm, considre par beaucoup comme le dernier cri de la recherche no-testamentaire. Des certitudes historiques fondes sur des analyses littraires et sur unschma hypothtique dvolution ne peuvent tre que fragiles. Nous nous associons la

    perplexit de Alain-Georges Martin rendant compte du livre de Jacques SCHLOSSER,Le Dieude Jsus (coll. Lectio Divina 129, Paris, Cerf, 1987) : Ltude des diffrentes couches de la

    tradition synoptique apparat dans ses limites, car bien des arguments avancs peuvent seretourner en sens contraire20. Il faut ensuite admettre linfluence dcisive des prsupposs21. Il y a quelque navet

    chez certains des vangliques que nous avons cits croire que la science historique tellequelle est couramment pratique, cest--dire lourde de prsupposs naturalistes etrationalistes implicites, puisse prsenter un Jsus qui fortifie la confiance des chrtiens dans letmoignage des vangiles. Mieux que dautres, R. T. France voit linterpellation adresse chacun et linluctable choix : il sait quil na pu crire son livre sans avoir, au pralable,admis quelques hypothses fondamentales, hypothses qui, dans son cas, relvent duneadhsion premire aux vangiles comme paroles de vrit, dune vision dun monde o Dieuintervient et dune attitude de foi sereine dans un Christ la fois transcendant et homme parmi

    les hommes. Il ne ferme pas les yeux, pour autant, sur les questions et les problmes.Notre dernire remarque porte sur les diffrences entre les vangiles. Outre le soupon

    que nourrit lducation largement positiviste et rationaliste de lhomme moderne, le fait patentde la diversit des vangiles, au niveau de leur structure globale comme celui des petitesunits, voire des dtails, fournit les lments essentiels des tentatives de reconstruction dune

    pr-histoire et, par l, des verdicts, bien tmraires, dauthenticit ou dinauthenticit. Cemme fait a conduit galement distinguer, parfois mme opposer, des thologiesreprsentes par chacun des vanglistes : on aurait la thologie de Matthieu, celle de Marc,etc. (cest la critique dite rdactioniste ). Il serait vain de nier les particularits de chaque

    20 A.-G. MARTIN,ETR 1988/2, p. 290.21

    Larticle de G. N. STANTON, Presuppositions in New Testament Criticism, in New TestamentInterpretation. Essays on Principles and Methods, ed. I. H. MARSHALL, Grand Rapids, Eerdmans, 1977, p. 60-71, est un petit trait du bon usage des prsupposs.

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    vangile, qui nous valent plusieurs clairages sur lunique Jsus, mais il convient de gardermesure. R. H. Stein y invite opportunment : Il faut, cependant, prter nouveau attention lerreur frquente qui consiste confondre la diversit prsente chez les vanglistes avec leurthologie globale. On ne doit pas, quand on recherche les accents que chaque vangliste

    place sur la tradition quil met en forme, oublier ou perdre de vue la remarquable unit de

    Matthieu, Marc, Luc, que tout non chrtien lisant pour la premire fois leurs livres reconnatimmdiatement. Aprs tout, lglise ancienne a inclus tous les quatre vangiles dans soncanon des critures. Cela prouve que lunit de ces vangiles tait manifeste et que leurdiversit tait linterprte de leur unit22.

    Nous nous attachons un seul Jsus-Christ, Christ de la foi, Jsus des vangiles, dansltonnante et riche varit de leurs prsentations, et Jsus historique, pas ncessairementcelui que les travaux des historiens cherchent en ttonnant cerner avec leurs mthodes etleurs prsupposs, mais lhomme qui a habit parmi nous, plein de grce et de vrit etnous a fait connatre Dieu.

    (Mis en forme en octobre 2007 ; mis en ligne avec lautorisation de lauteur)

    22 R. H. STEIN, The Synoptic Problem. An Introduction, Grand Rapids, Baker, 1987, p. 272.