2 Avril 2

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2 Avril 2

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COLLECTION DE VIES DE SAINTS

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UN SAINT

pour chaque jour du mois

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DEUXIME SRIE

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AVRIL

AVANT-PROPOS

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En 1932, nous avions lanc une collection de Vies de Saints et Saintes, Bienheureux et Bienheureuses, prsente de faon donner en chaque volume mensuel la biographie dun Saint pour chaque jour du mois.

Cette premire srie de 12 volumes obtint prs du public chrtien un si encourageant succs, quil fallut rditer presque aussitt. Des lecteurs qualifis nous ont dit quils taient heureux davoir, tous les jours, le moyen de sdifier, en une courte lecture publique ou prive, par les exemples et les leons dun des hros de la saintet, ainsi que nous lavions souhait.

Ce succs nous a incits faire paratre une deuxime srie, conue et ralise dans les mmes conditions que la premire. Elle comprend donc en 12 nouveaux volumes mensuels, 365 autres notices biographiques de Saints et Bienheureux, publies antrieurement, comme les prcdentes, dans le Revue des Saints et offrant avec un soin gal dans lillustration, le mme souci de la vrit et de ldification.Nous esprons que le lecteur lui fera un accueil aussi favorable, en vue de sa propre sanctification et de la gloire des Saints qui se confond ici avec la gloire de Dieu, puisque cest Dieu qui les a lus et couronns au Ciel.

Les Editeurs.

SOMMAIRE____

AVRIL_____1. Saint Valry, Abb de Leucone, en Picardie (vers 560-619 ou 622), Georges Demiautte.2. Saint Franois de Paule, fondateur de l'Ordre des Minimes (1416-1507), G.R.

3. Saint Richard, vque de Chichester (1197-1253), Franois Delmas.

4. Saint Benot le Maure, Frre Mineur (1526-1589), G.D.5. Sainte Catherine Thomas, Chanoinesse rgulire de l'Ordre de Saint Augustin (1531-1574), M.V. et Fr. Br.6. Bienheureuse Catherine de Pallanza, fondatrice des Augustines de Saint-Ambroise Varse (1537-1478) Apollinaire Pchaire.7. Saint Calliope, martyr Pompiopolis (vers 304), A.F.C.

8. Bienheureuse Julie Billiart, fondatrice des Surs de Notre-Dame (1751-1816). C. Octavien.

9. Sainte Casida, vierge Burgos (1007), C. Octavien.

10. Saint Michel-des-Saints Argemir, de l'Ordre des Trinitaires dchausss (1591-1625), Marie- Antoine Parladre.11. Saint Guthlac, solitaire en Grande-Bretagne (667-714), C. De Loppinot. 12. Saint Sabas le Goth, martyr en Cappadoce (334-372), Franois Delmas.13. Bienheureuse Ide ou Ida, comtesse de Boulogne (vers 1040-1113), abb F.D.14. Saint Bnzet, fondateur des Frres Pontifes d'Avignon (1165-1184), Maxime Viallet.15. Saint Patern, vque de Vannes (Ve sicle), M. Le Berre.

16. Saint Pair ou Paterne, vque d'Avranches (482-563), H.L.17. Bienheureuse Claire Gambacorti, Clarisse, puis Dominicaine, patronne de Pise (1362-1419) Athanase Vanhove.

18. Saint Apollonius, martyr Rome (183), A.L.19. Saint Elphge, archevque de Cantorbry et martyr (954-1012), Franois Delmas.20. Bienheureux Giraud de Salles, Chanoine rgulier, fondateur de monastres bndictins (vers 1070-1120) A.D.

21. Saint Simon, vque de Sleucie en Perse, et ses compagnons martyrs (341), F. Carret.

22. Sainte Opportune, abbesse Bndictine d'Almenches (vers 720-770), E.A. et Fr. Br.23. Saint Adalbert, vque de Prague et martyr (950-997), Franois Delmas.24. Saint Mellit, vque de Londres, puis archevque de Cantorbry (624), A.L.25. Saint Ermin, Abb de Lobbes et vque rgionnaire (737), H.L.26. Bienheureux Antoine Nayrot, des Frres Prcheurs, martyr Tunis (1423-1460), I.R. et F.H.27. Bienheureux Pierre Armengol, religieux Mercdaire et martyr (vers 1238-1304), Lambert Salve.28. Saint Paul de la Croix, fondateur des Passionistes (1694-1775), F. Carret.

29. Saint Hugues 1er, Abb de Cluny (1024-1109), A.D.30. Saint Eutrope, martyr et premier vque de Saintes (1e ou IIIe sicle), E.C.SAINT VALERY

Abb de Leucone, en Picardie (vers 560-619 ou 622).

Fte le 1er avril.La vie de saint Valery ou Valry nous adoptons l'orthographe traditionnelle de la Picardie, rgion o il a termin sa carrire a t retrace moins d'un demi-sicle aprs la mort de l'Abb de Leuconaus ou Leucone, par saint Raimbert, qui fut son deuxime successeur. De ce travail, aujourd'hui perdu, il existe heureusement un rsum compos par Hugues, archevque de Rouen de 722 730.Un ptre studieux.

Valery, qui jeta par ses vertus un si vif clat sur la fin du VIe sicle, naquit en Auvergne, vers 560, d'une famille de modeste condition. Son pre lui confia la garde de son troupeau ; l'enfant, tout en s'acquittant de son emploi avec une fidlit exemplaire, ne laissait point de porter sa vue plus haut. Ayant appris de quelle manire taient instruits les enfants nobles, il brla, lui aussi, du dsir d'tudier. Pour cela, il se procura une petite tablette, sur laquelle il pria un homme plus savant que lui, et habitant vraisemblablement Issoire, de graver les caractres de l'alphabet. Une fois en possession de ce trsor, il s'empressa de le faire fructifier, et, en peu de temps, non seulement il eut appris l'alphabet, mais encore tout le psautier.

Ce penchant qui le portait comme instinctivement l'tude, ne faisait qu'augmenter sa pit. En conduisant travers les montagnes les moutons de son pre, il mditait continuellement sur le sens des Saintes Ecritures, et son intelligence, fortifie par ce pain salutaire, s'levait de la contemplation des choses cres vers celles de Dieu. Souvent on le voyait entrer dans quelque glise, et l, dans le plus grand recueillement, il assistait aux offices divins et se plaisait entendre les chants sacrs, qui le pntraient d'une sainte motion.Sa puret anglique. Son entre en religion.Le dmon ne russit jamais ternir la puret de son me. Valery avait un culte si grand pour cette vertu, qu'il ne pouvait souffrir qu'on prononat devant lui aucune parole dshonnte. Il reprenait avec nergie toute personne qui se permettait des discours trop libres. Du reste, la suite prouvera sa grande dlicatesse dans les circonstances de ce genre. En retour, Dieu le comblait de grces extraordinaires. C'est dans ces sentiments de pit ardente que Valery passa sa jeunesse. Non loin du lieu qu'il habitait, se trouvait un monastre, Autumum ou Autunum peut-tre Antoing prs Issoire o son oncle tait religieux. Dsireux de marcher sur ses traces, il quitta secrtement la maison paternelle, et vint chercher au couvent la paix de l'me que procure la socit des enfants de Dieu.

Mais il lui fallut passer par bien des difficults et des preuves. Son pre, homme intress, et pour ce motif irrit de son brusque dpart, vint lui intimer l'ordre de reprendre ses anciennes occupations. Les menaces et les coups ne purent rien contre sa dtermination. Le jeune homme dclara qu'il ne retournerait jamais chez son pre, et qu'il aimait mieux obir Dieu qu'aux hommes, se souvenant de cette parole du Sauveur : Celui qui aime son pre et sa mre plus que moi n'est pas digne de moi. L'Abb, voyant une telle constance dans cette me, s'cria devant tous les Frres : Cet enfant est un prsent que Dieu vient de nous faire ; gardons-nous bien de le rejeter. Quelques mois aprs, Valery recevait l'habit religieux. Son pre, nagure si oppos sa vocation, assistait la crmonie, en versant des larmes de joie.

Le jeune religieux ne trompa point les esprances qu'on avait conues de lui. Il arriva bientt un haut degr de perfection ; il devint un modle d'obissance, de douceur, de mortification et de ferveur.Saint Valry dtermine un homme du monde embrasser la vie monastique.

Aprs s'tre exerc toutes les vertus que comporte l'tat religieux, Valery se rendit par ordre de son suprieur au monastre fond dans un faubourg d'Auxerre par l'vque saint Aunachaire ou Aunaire qui y avait maintenu sa rsidence aprs sa promotion l'piscopat. Il s'adonna assidment au jene et la prire ; son me, compltement dtache des choses d'ici-bas, ne vivait plus que pour le ciel. Sa saintet ne tarda pas jeter autour de lui un rayonnement salutaire. De toutes parts, on venait lui demander des conseils ; ceux qui s'adressaient lui ne s'en retournaient jamais sans avoir l'me remplie de consolations. Un personnage de haute noblesse, nomm Bobon, vint un jour le consulter sur les moyens de pratiquer la vertu. Valery lui fit un tableau si attrayant de la pauvret volontaire et lui inspira un mpris si profond pour les biens et les faux plaisirs du sicle, que celui-ci, touch par la grce, embrassa la vie monastique, et, craignant d'tre tent de regarder en arrire aprs avoir mis la main l'uvre de sa sanctification, il ne retourna pas dans ses domaines.Saint Colomban le reoit Luxeuil. Son humilit.

La renomme de saint Colomban, l'illustre fondateur de Luxeuil, se rpandait partout. Valry, dsireux d'aller se mettre sous la direction d'un si grand Saint, en fit la proposition son compagnon habituel, Bobon, qui ne voulait plus se sparer de lui ; l'ide fut accueillie avec empressement. Les deux moines furent reus avec une grande joie par saint Colomban, qui ne demeura pas longtemps sans apprcier le mrite de Valery. Ce dernier avait t charg de cultiver une partie du jardin d'o les moines de Luxeuil tiraient leur subsistance. Il y mit beaucoup de zle et d'application ; la Providence fit le reste, si bien qu'en quelques jours tous les insectes qui dvastaient la portion du jardin confi Valery avaient disparu. Colomban n'attribua point au hasard ce changement subit ; il comprit que l'humilit et l'obissance de son compagnon avaient t cause de ce prodige. A partir de ce moment, il le compta parmi les religieux les plus parfaits.

Ce ne fut pas la seule circonstance o Dieu glorifia son serviteur. Un jour que Valery commentait son tour la rgle devant ses Frres, Colomban sentit une odeur trs suave qui manait du prdicateur. Et l'Abb gnralement svre de s'crier : O Valery! Votre humilit vous rend digne de diriger ce monastre, et votre sagesse vous donne droit l'amour de tous!Plus tard, quand Colomban fut chass de Luxeuil par ordre de Thierry, roi de Bourgogne, pouss cet acte par Brunehaut, Valery parvint rentrer au couvent, dont il releva la splendeur. De concert avec saint Eustaise, il carta, par des exhortations pleines de douceur, les sculiers qui s'taient appropri plusieurs dpendances de Luxeuil. Puis, cette uvre acheve, sentant que Dieu l'appelait ailleurs, il abandonna saint Eustaise la direction du couvent.Fondation du monastre de Leuconaus.Rsurrection d'un supplici.

Il se trouvait Luxeuil un religieux du nom de Vaudolen, enflamm depuis longtemps du dsir de conqurir des mes Jsus-Christ. Valery s'unit lui dans ce pieux dessein. Ensemble ils sollicitrent de Clotaire II, roi de Neustrie, la faveur de s'tablir dans un lieu propre leur entreprise. Clotaire leur donna la solitude de Leuconaus ou Leucone, l'embouchure de la Somme.

Les deux voyageurs avaient atteint Amiens lorsque le comte Sigobard fit pendre un criminel. Ce malheureux venait d'expirer sur le gibet ; or, Valery qui passait par le lieu de l'excution, aperut le cadavre du supplici. Emu de piti, il pria le Seigneur de lui rendre la vie. Sa demande fut exauce, car le mort se releva comme s'il se ft rveill d'un long sommeil. Le comte, irrit de se voir enlever sa victime et aveugl par la colre, voulut de nouveau livrer le condamn au bourreau. Prends garde, lui dit Valery, de faire quelque mal celui que le Seigneur vient de ressusciter. Je prfrerais souffrir la mort mille fois plutt que d'abandonner cet homme ta fureur. Songe la vengeance que Dieu exercera sur toi si tu n'uses pas de misricorde envers ceux qui t'ont offens. Sigobard, dsarm par ces paroles, rendit le malheureux la libert. Arrivs Leucone, aujourd'hui Saint-Valery-sur-Somme, Vaudolen et Valery se sparrent, le premier pour continuer ses travaux apostoliques dans les contres voisines, le second pour vaquer, loin du commerce des hommes, la prire et la contemplation. Mais la saintet de Valery attira bientt autour de lui une multitude de disciples, de sorte que, vers l'an 611, il se vit contraint de btir un monastre. L'vque d'Amiens, saint Berchond, qui gouverna ce sige de 611 627, voyait avec satisfaction les succs du nouveau venu, qu'il encouragea par ses paroles et par ses lettres. Chaque anne, pendant le Carme, il se rendait Leucone pour y faire une retraite.Autres miracles.

Dans un village situ sur les bords de l'Oise, un enfant, nomm Blitmond, tait atteint depuis sa naissance d'une paralysie qui lui interdisait l'usage des jambes. Ses parents l'amenrent Valery dans l'espoir d'obtenir sa gurison. Aprs une ardente prire, le moine lui imposa les mains sur les membres infirmes : la douleur de l'enfant cessa immdiatement, et il fut en mesure de marcher. La puissance de Valery sur le dmon n'tait pas moins grande. Quand on lui prsentait des possds, ceux-ci se jetaient terre en poussant des hurlements affreux. Hlas ! Hlas! S'criaient-ils, Valery, notre adversaire, nous tourmente et nous brle. Le nombre des malheureux qu'il dlivra de la rage du dmon est incalculable. En ce temps-l, en effet, l'idoltrie comptait encore beaucoup de partisans, surtout parmi les hommes de race barbare, et, par suite, les dmons avaient une influence plus manifeste et un rgne plus considrable. Urfin, fils de Mauronte, le maire du palais qui, dans la suite, abandonna le monde pour suivre Jsus-Christ, avait reu la chasse un coup mortel. Les mdecins les plus habiles furent appels, mais tous les remdes de la science humaine demeurrent impuissants devant le progrs du mal. Sur la demande instante de Mauronte, Valery vint visiter le moribond ; aprs avoir trac sur lui le signe de la croix, il toucha sa plaie, et le malade fut aussitt guri.Chtiment mrit.

On ne saurait passer sous silence ce trait qui montre comment la colre de Dieu frappe, mme ds ce monde, les hommes charnels et corrompus. Valery revenait un jour de Cayeux avec plusieurs religieux. Le temps tait froid, les chemins difficiles. Les voyageurs allrent demander l'hospitalit un habitant du voisinage. Mais ce dernier se mit tenir avec le juge de l'endroit, qui se trouvait l, des propos indignes. Valery fit tous ses efforts pour les dtourner de cette conversation criminelle. Ne savez-vous pas, mes frres, leur dit-il, quil est crit dans lEvangile: Vous rendrez compte au jour du jugement de toute parole inutile, plus forte raison de tout discours licencieux.Loin de tenir comte de lavertissement, les deux libertins reprirent de plus belles leurs propos obscnes. Jai voulu, reprit alors Valery dune voix svre, rchauffer mon corps dans cette maison, cause du grand froid qui svit dans la campagne, mais vos langues empoisonnes ne me permettent pas dy rester plus longtemps. Je prfre souffrir du froid le plus rigoureux quentendre des paroles si basses. Et il sortit.

Saint Valery fait renverser par son petit clerc un arbre consacraux faux dieux.

Les deux coupables ne restrent pas longtemps impunis ; le matre de la maison fut tout coup priv de la vue, le juge fut frapp d'un chancre affreux, qui lui causait des douleurs insupportables. Forcs de reconnatre en cela la main de Dieu, ils envoyrent demander Valery leur pardon et leur gurison. Ce fut en vain, Dieu, voulant leur faire expier leur pch, ne le permit pas. Le matre de la maison demeura aveugle toute sa vie, et le juge expira quelque temps aprs.Le grand chne d'Ault.Valery fut l'instrument dont Dieu se servit pour achever de draciner le culte paen dans certaines rgions de la Picardie. Comme il revenait d'un voyage, accompagn seulement d'un enfant, il aperut l'entre du village d'Ault un chne colossal, entour d'images de faux dieux et qui tait en grande vnration parmi le peuple. En certain temps de l'anne, les idoltres venaient clbrer autour de l'arbre des ftes nocturnes, o, en l'honneur de leurs infernales divinits, ils se livraient aux excs les plus honteux. Valery, anim d'une sainte indignation la vue de ce chne, objet de telles manifestations, dit son jeune compagnon : Va, mon fils, au nom de Dieu, arrache de terre cette arbre maudit. A peine l'enfant avait-il touch du doigt ce chne centenaire que sa masse s croula au milieu d'un grand fracas. Les habitants du lieu, attirs par le bruit, accoururent en foule. Apprenant la manire dont Valery avait trait leurs idoles, ils s'arment de lances et de btons et veulent le mettre mort. Ils allaient mettre leur projet excution quand ils se sentent arrts par une force mystrieuse. Alors, pntrs de crainte et de repentir, ils se jettent aux pieds du missionnaire, le conjurant de leur pardonner. L'homme de Dieu comprit qu'ils avaient plus besoin de vrit que de pardon. Aussi se mit-il les instruire des mystres de la foi. La plupart d'entre eux se convertirent Jsus-Christ. Sur l'emplacement du chne, autrefois consacr au dmon, s'leva plus tard une magnifique basilique, en l'honneur du serviteur de Dieu.Austrit de saint Valery. Son ardente charit.

Les grandes armes de Valery contre l'ennemi de notre salut taient le jene et la prire. Ses mortifications taient des plus rigoureuses : souvent, pendant la nuit, il se retirait dans une valle solitaire, pour prier plus librement. Son lit se composait de verges de fer ; il avait en horreur les vtements de laine, se contentant d'une simple tunique, mme au plus fort de l'hiver. Il ne mangeait jamais de viande, ne buvait jamais de vin. Quand on lui demandait quel tait le but de ces pnitences, il rpondait qu'un pcheur comme lui ne mritait aucun mnagement. Aussi, Dieu le rcompensa-t-il par le don des miracles et de prophtie.

Sa vie fut une suite continuelle de travaux. Le temps tait pour lui une chose sacre ; perdre une minute lui semblait une grave offense faite la bont de Dieu, car disait-il, nous devons profiter de ses dons. Ses occupations principales taient l'oraison, la lecture et le travail manuel.

Comme tous les vritables Saints il se montrait aussi compatissant l'gard des autres que dur pour lui-mme. Il tait le pre des pauvres et des malheureux : il leur donnait mme ses propres vtements, et sans se proccuper du lendemain, esprant tout de la misricorde divine, il leur distribuait jusqu'aux vivres indispensables ses religieux. Si ses Frres en taient attrists, il les consolait en disant : Sachez, mes fils, que si, donnant aux pauvres ce qui leur est ncessaire, nous demandons Dieu ce dont nous avons besoin pour notre subsistance, il nous l'accordera au centuple. Comment pourrait-il refuser ses serviteurs le pain de chaque jour, lui qui nourrit les petits oiseaux? Sa confiance ne fut jamais trompe.Mort de saint Valery.Le moment approchait o aprs avoir servi Dieu durant sa vie mortelle, Valery allait recevoir au ciel la couronne des lus. Un dimanche, revenant son monastre, il monta au sommet d'une colline. Ses Frres taient avec lui. Il leur annona que sa mort tait proche, et, comme un pre qui va quitter ses enfants pour ne plus les revoir, il leur donna ses dernires instructions. Puis il leur dit d'une voix touchante : Voici l'heure o Dieu m'appelle auprs de lui ; approchez-vous, mes fils bien-aims, afin que je vous bnisse une dernire fois. Epuis par ce suprme effort, il rendit sa belle me Dieu. La date de sa mort est controverse ; on sait qu'il expira un dimanche, prcdant saint Attale dans la tombe, mais on a hsit entre le 12 dcembre et le 1er avril. Si la premire date est exacte, la mort de saint Valery arriva en 622 ; si c'est la seconde, on doit admettre 619. L'Eglise d'Amiens a adopt le 12 dcembre ; le Martyrologe romain, le 1er avril. Il ne semble pas prouv que cette dernire date soit seulement celle d'une translation de reliques.

Le corps de saint Valery fut enseveli au monastre de Leucone, qu'il avait lui-mme dsign pour le lieu de sa spulture. De nombreux miracles tmoignrent de la gloire dont il jouissait dans le ciel.

Il arriva que les moines durent abandonner Leucone. L'vque d'Amiens, saint Berchond, voulut faire transporter le corps de saint Valery dans la cathdrale ; il ordonna donc de le retirer de terre, mais tous les efforts furent inutiles. On comprit que le saint Abb ne voulait pas mme aprs sa mort quitter le monastre qu'il avait tant aim pendant sa vie ; ds lors tout espoir d'y voir refleurir un jour la vie religieuse n'tait pas perdu. Plus tard, en effet, Dieu dsigna, par un miracle, Blitmond, pour succder saint Valery au monastre de Leucone. C'tait celui-l mme que le serviteur de Dieu avait autrefois guri. Voici comment se manifesta la volont divine. Blitmond tait religieux au monastre de Bobbio, en Italie, dont saint Attale tait Abb. Ce dernier tant tomb malade, comme la faiblesse l'empchait de marcher, il se rendit un jour l'glise, soutenu par Blitmond.

Aprs avoir pri avec ferveur il s'cria : Mon fils, ce que vous m'avez demand si souvent et avec tant d'instances, je vous l'accorde aujourd'hui. Le religieux, ne comprenant pas bien le sens de ces paroles, lui dit : 0 Pre bien-aim, o m'ordonnez-vous d'aller? Je suis prt vous obir. Je vois, reprit saint Attale, je vois le bienheureux Valery entour d'une grande lumire ; il vous appelle son monastre. Allez, mon fils, et que le Seigneur soit avec vous.L'Abb de Bobbio mourut quelque temps aprs (626) et Blitmond vint Leucone, restaura le monastre qui devint, grce l'intercession de saint Valery et la sagesse du nouvel Abb, l'un des plus florissants de la Gaule.

Au Xe sicle, Arnould le Vieux, comte de Flandre, s'empara des biens de l'abbaye et transporta Montreuil-sur-Mer les reliques du Saint. D'aprs une tradition consigne dans la chronique du monastre de Saint-Riquier, saint Valery aurait alors apparu Hugues Capet, le chef de la troisime race des rois de France, lui demandant de rtablir l'abbaye et lui prophtisant en mme temps qu'il serait roi et que sa race gouvernerait longtemps la France. Quoi quil en soit, il est certain que Hugues Capet, bien avant d'tre couronn roi Noyon, le 1er juillet 987, rtablit le monastre de Leucone dans ses biens. Les reliques de saint Valery y furent rapportes avec honneur ; le duc assista la translation, et voulut les porter lui-mme avec beaucoup de pit durant l'espace d'une lieue ; c'tait le 2 juin 981;

En 1197 Richard Cur de Lion incendia la ville, dispersa les moines qui se rfugirent avec les reliques, entre Dieppe et Fcamp, dans une petite bourgade qui a pris depuis le nom de Saint-Valery-en-Caux. Ramenes peu aprs, Leucone, ces reliques ont t brles sous la Rvolution. Toutefois, la petite ville de Saint-Valery-sur-Somme, qui s'est btie sur l'emplacement de l'antique abbaye de Leucone, en possde encore un fragment assez considrable.

Saint Valery est patron du Vimeu, petit pays de la Basse-Picardie. Les personnes exposes aux prils de la mer l'ont aussi choisi pour l'un de leurs patrons.

Georges Demiautte.

Sources consultes. Acta Sanctorum, t. I d'avril (Paris et Rome, 1886). Abb S.M. Mosnier, Les Saints d'Auvergne, t. I (Paris. 1899). Dom Piolin, Supplment aux Vies des Saints, t. I (Paris). (V.S.B.P., n 320.)

SAINT FRANOIS DE PAULEFondateur de l'Ordre des Minines (1416-1507).Fte le 2 avril.Franois naquit Paola, petite ville du diocse de Cosenza, en Calabre, le 27 mars 1416. Ses parents, Jacques Martorella ou Martolilla et Vienna de Fuscaldo, remarquables par leur pit et leur vertu, taient estims de tous, mais unis depuis longtemps ils n'avaient pas encore d'enfants.La prire confiante est souvent exauce.

Un jour, dans l'lan et la simplicit de sa foi, Vienna se tourna avec confiance vers le Seigneur, et lui demanda un fils par l'intercession de saint Franois d'Assise, promettant, si elle tait exauce, de consacrer son enfant Dieu et de l'appeler Franois.

Sa prire fut entendue : l'anne mme elle eut un fils. Cependant l'angoisse devait bientt succder la joie ; le petit Franois avait peine un mois que sa vie fut en danger. Une seconde fois, les deux poux se tournrent avec confiance vers Dieu et, pour obtenir la gurison dsire, ils ajoutrent leurs premires promesses le vu, qu'il serait imprudent de citer comme une exemple imiter, de faire porter pendant un an leur enfant l'habit des Frres Mineurs dans un couvent de leur Ordre. Le petit malade revint heureusement la sant. Peu de temps aprs, une seconde naissance couronna les vux des pieux parents qui n'eurent plus d'autre souci que d'lever chrtiennement leurs enfants, Franois et sa sur Brigitte qui devait pouser un nomm Antoine d'Alesso.

Ds son jeune ge, Franois donna des gages de la destine que Dieu lui rservait. Il aimait prolonger ses visites dans les glises et se mortifiait par des jenes, des abstinences et autres pratiques de pnitence ; invit par sa mre jouer avec d'autres enfants, il lui rpondit qu'il le ferait volontiers mais sans autre satisfaction que celle de l'obissance.

En 1429, il atteignait sa treizime anne ; une nuit, il fut rveill par un religieux portant l'habit des Frres Mineurs. Celui-ci lui ordonna, de la part de Dieu, d'avertir ses parents que l'heure tait venue peur eux d'accomplir leur vu, aprs quoi il disparut. Jacques et Vienna comprirent le sens de ce message, et, ne doutant pas de la volont de Dieu, ils rsolurent de se prparer aussitt conduire leur enfant dans un couvent franciscain.Chez les Franciscains de San Marco. Un ermite de quatorze ans.Le jour suivant, ds la premire heure, le pre, la mre et l'enfant partaient pour le couvent des Cordeliers de la ville de San-Marco, couvent rput pour la ferveur de ses religieux et la rigueur de l'observance. Franois fut accept et, le lendemain, ses parents reprirent le chemin de Paola, sentant douloureusement le sacrifice de cette sparation, mais ne pouvant s'empcher d'admirer et de bnir la bont de Dieu leur gard. Le jeune oblat devint vite un objet d'admiration et d'dification pour ces bons religieux. La rgle, malgr son austrit, sembla trop douce l'enfant. A l'abstinence la plus stricte, il joignit un jene perptuel ; il ne conserva pour vtement qu'une tunique d'toffe grossire, aussi rude porter qu'un cilice, et il n'usa plus de chaussures. Cet esprit de mortification attirait l'estime de tous, mais sa grande simplicit et son amabilit, sa vie d'intimit affectueuse avec Dieu, taient ce qui touchait le plus et lui gagnait les curs. Des miracles vinrent mme, ds ce moment, tmoigner de la complaisance que le Seigneur prenait en lui.

Les religieux de San-Marco auraient bien voulu garder toujours parmi eux cet lu de Dieu, mais tels n'taient pas le vu de Franois ni les desseins de la Providence son gard ; aussi, l'anne coule, les parents de l'enfant, revenant San-Marco, le trouvrent-ils prt les suivre et faire avec eux, avant de rentrer Paola, les plerinages de Rome, d'Assise, de Lorette et du Mont-Cassin. Ce dernier plerinage devait tre dcisif dans l'orientation de sa vie. Profondment impressionn par le souvenir de saint Benot se retirant quatorze ans dans la solitude de Subiaco, Franois rsolut de suivre la mme voie. Et avant mme de rentrer au foyer domestique, en chemin, le jeune adolescent, se jetant genoux aux pieds de ses parents, les supplia de le laisser vivre seul dans un coin de leurs terres quelque distance de la ville.

Admirant les desseins de Dieu sur leur enfant, Jacques Martorella et Vienna de Fuscaldo lui accordrent l'autorisation dsire, se rservant toutefois le soin de lui apporter chaque jour sa nourriture.Mais Franois ne devait pas rester longtemps porte des siens. On venait trop facilement le visiter. Sentant le besoin d'une solitude plus complte, il se mit chercher un endroit propice pour la retraite. Conduit par l'Esprit de Dieu, il arriva un jour auprs de rochers escarps et presque inaccessibles ; bientt il dcouvrait une caverne creuse dans le roc, et s'y arrta.

Il devait y passer six ans, inconnu de tous, dans la prire, la pnitence, le jene, la lutte contre les dmons ; sa vie fut alors celle des Antoine, des Hilarion, des Benot ; comme eux, il sortit vainqueur des combats du dsert et prt entraner sa suite les mes que Dieu allait lui amener en foule. Il fut dcouvert un jour par des chasseurs poursuivant un chevreuil ; la nouvelle de sa prsence se rpandit rapidement et les visites commencrent. La cessation miraculeuse de la peste, obtenue par son intermdiaire, fit connatre davantage son nom ; un certain nombre de personnes sollicitrent et obtinrent de lui la grce de se fixer dans cette solitude et d'y partager sa vie.Fondateur d'Ordre vingt ans. Les quatre monastresde Calabre.Les disciples de Franois vcurent quelque temps avec lui au milieu de ces rochers, mais croissant en nombre ils se trouvrent trop l'troit et exprimrent le dsir de chercher un endroit plus convenable pour un tablissement dfinitif. Franois entra sans peine dans leurs vues, obtint de l'archevque de Cosenza l'autorisation de construire un monastre qui bientt commena s'lever au sommet d'une montagne voisine de la ville de Paola. Ds que son entreprise fut connue, des travailleurs bnvoles s'offrirent pour l'aider et lui procurer des matriaux.

Cet enthousiasme unanime et gnreux ne fut pas la seule merveille qui marqua les dbuts d'un Ordre nouveau et la construction du monastre. En maintes circonstances, le jeune fondateur de vingt ans manifesta le don des miracles dont Dieu l'avait enrichi.

Un jour, c'est une source qu'il fait jaillir pour faciliter les travaux ; un autre jour, o la nourriture manquait, c'est sa prire, un cheval sans guide que l'on voit arriver charg de pain frais ; Franois entre dans un four chaux tout embras et qui menace ruine, le rpare et sort indemne ; souvent, sa parole, ce sont des matriaux d'un poids norme que les ouvriers transportent sans effort. Il lui fut mme donn de ressusciter deux reprises un jeune homme, deux fois victime d'un accident mortel, et de rappeler la vie son neveu, Nicolas d'Alesso ; celui-ci fut heureux de pouvoir suivre sa vocation et de s'attacher aux pas de son oncle, avec l'agrment de la mre qui, avant le miracle, s'tait formellement oppose l'entre de son fils au couvent.

La renomme de l'ermite s'tendait de plus en plus, multipliait le nombre de ses disciples et faisait dsirer la fondation de nouveaux monastres. C'est de Paterno que vinrent les premires et les plus vives instances auxquelles Franois rsolut de faire droit. En 1444, suivi de quelques Frres, le jeune fondateur, alors g de vingt-huit ans, quitta Paola pour s'tablir Paterno. Ce nouveau monastre s'leva dans les mmes conditions que le premier, au point, qu'il fut surnomm le couvent des miracles.

C'est alors que Franois fut pour la premire fois en butte la contradiction et l'preuve, par le fait de la jalousie des mdecins et de l'austrit exagre du genre de vie qu'il imposait ses disciples, mais Dieu, qui tait avec lui, fit triompher la justice. Franois n'avait pas frquent les coles, mais il avait l'loquence des aptres et le don de toucher les curs. A sa parole un grand mouvement de conversions se dessina en Calabre et fut l'occasion de la fondation des couvents de Spezzano et de Coriliano. Nous arrivons ainsi en l'anne 1464, o le Fondateur quitta la Calabre, dont les quatre couvents prospraient, pour passer en Sicile o il tait impatiemment attendu. Il avait alors quarante-huit ans.Saint Franois de Paule en Sicile. Fondation d'un institutde religieuses.Le voyage que fit Franois pour gagner la Sicile fut marqu par deux miracles : il nourrit d'abord pendant trois jours neuf voyageurs affams avec un seul petit pain trouv dans un de leurs sacs ; mais le second miracle est encore plus remarquable : se voyant refuser une place bord cause de sa pauvret, Franois se mit en prire, puis, se relevant, il tendit son manteau sur les eaux de la mer, fit le signe de la croix et monta sur cette embarcation d'un nouveau genre, disant ses deux compagnons: Suivez-moi, ne craignez point. Et les trois passagers abordrent ainsi prs de Messine. La traverse miraculeuse de l'homme de Dieu devait par la suite faire l'objet de l'hymne des laudes chante par les religieux le jour de la fte de leur Fondateur. Pendant quatre ans que dura son sjour en Sicile, Franois prcha avec grand succs et grand fruit ; il fonda et fit construire le couvent de Melazzo qui devait tre lui-mme la souche de plusieurs autres, ainsi qu'un premier monastre de religieuses ermites, puis il reprit le chemin de la Calabre.Encouragements pontificaux. Violente perscution.Le protecteur de l'Italie.A cette poque, le Pape Paul II, mu de tant de merveilles, voulut faire une enqute et envoya un de ses camriers l'archevque de Cosenza. Celui-ci lui donna les renseignements les plus favorables sur Franois, attesta l'authenticit des miracles qui lui taient attribus et conseilla l'envoy pontifical d'aller visiter l'homme de Dieu. Satisfait des rsultats de l'enqute, Paul II bnit et combla de faveurs l'humble ermite et ses disciples ; quelques annes plus tard, Sixte IV, par une Bulle en date du 23 mai 1473, tendit les privilges accords par son prdcesseur, approuva le nouvel Ordre religieux sous le nom d'Ermites de la Calabre et, malgr sa rsistance, nomma Franois Suprieur gnral vie. Comme un nouveau Jean-Baptiste, Franois de Paule ne craignit pas de s'lever ouvertement contre l'inconduite des princes et des rois. Le roi de Naples, Ferdinand 1er, bless dans son orgueil, voulut se venger : il accusa l'homme de Dieu d'avoir tabli de nouveaux monastres dans son royaume sans son autorisation et condamna les religieux sortir de leurs couvents. Fort de l'autorisation de son vque, le fondateur et ses disciples ne tinrent aucun compte de ces injonctions. Pour faire un exemple et avoir raison de cette rsistance, le frre du roi, Jean d'Aragon, connu sous le nom de cardinal de Hongrie , peut-tre parce qu'il avait t lgat pontifical en ce pays, chassa de leur couvent les religieux de Castellamare pour s'y tablir lui-mme ; mais il ne jouit pas longtemps du fruit de son iniquit et il mourut empoisonn. Loin d'clairer le roi, cette mort, considre par tous comme un chtiment du ciel, le rendit plus furieux et lui inspira la pense de se saisir de la personne du saint religieux pour le tenir enferm dans les prisons de Naples. A cet effet, il envoya Paterne cinquante soldats sous la conduite d'un capitaine. Les soldats envahirent le monastre l'pe la main ; ils parcoururent clotre, dortoir, cellule, glise sans apercevoir Franois, rest en prire devant l'autel. Le serviteur de Dieu se leva, vint avec un air calme et joyeux la rencontre de leur chef qui, troubl, se jeta ses genoux et lui demanda pardon. Franois le releva, et, lui remettant, comme il le faisait volontiers, des cierges bnits pour le roi et les siens, il lui recommanda, de la part de Dieu, de dire son souverain et la cour que tous fissent sincre pnitence. La leon produisit ses fruits. Le roi de Naples se repentit et conut ds lors pour Franois un respect et une estime qui ne se dmentirent jamais. Lors de la terrible invasion des Turcs qui, aprs la prise d'Otrante (1480) et le martyre de huit cents de ses habitants, menaa l'Italie tout entire, la prire du saint ermite fut le salut de sa patrie. Aprs huit jours des supplications et de jene, Dieu lui donna connaissance de ses desseins misricordieux sur ce pays. Franois donna ses frres l'assurance que la victoire devait aprs peu de temps chapper des mains des Turcs, ce qui eut lieu en effet.Saint Franois de Paule la cour de France.Louis XI rgnait alors en France. Atteint d'une terrible maladie, dont les mdecins ne pouvaient le gurir, il n'avait plus d'espoir que dans une intervention du ciel. La renomme du thaumaturge italien fit dsirer au roi le sjour de ce saint homme prs de lui. Sollicit directement par le monarque, Franois de Paule s'excusa humblement et refusa de quitter la Calabre ; le roi Ferdinand, pri d'intervenir son tour, n'eut pas plus de succs ; mais, lorsque le Pape Sixte IV eut parl, Franois, par obissance, malgr ses soixante-trois ans et l'affectueuse sollicitude qui l'attachait ses Frres, pourvut son propre remplacement, et fit ses religieux ses dernires recommandations. Il prit avec lui deux compagnons et partit pour la France, aprs tre toutefois pass par Rome, o il vit le Souverain Pontife, dont il reut la bndiction. Son voyage qui, en Italie, en Provence et ailleurs encore, eut un aspect triomphal, fut marqu par plusieurs miracles.

A Amboise il tait attendu par le jeune dauphin, le futur Charles VIII, venu sa rencontre du chteau de Plessis-lez-Tours o rsidait le roi. Celui-ci alla le recevoir entour de la cour et revtu de son manteau royal, puis se mettant genoux devant le moine calabrais il le pria d'obtenir sa gurison et le prolongement de sa vie. Si c'est la volont de Dieu ! repartit Franois.

Quelques jours aprs, sur de nouvelles instances du souverain, il lui rpondit : Sire, mettez ordre votre tat et votre conscience, car il n'y a pas de miracle pour vous, votre heure est venue...Le roi frmit cette parole, mais la grce pntra son me ; il se soumit humblement au dcret de la Providence et supplia Franois de l'assister dans ses derniers moments. Le saint religieux accepta avec un zle tout surnaturel cette mission de charit.

Louis XI mourut pieusement le 4 aot 1483. Son fils an n'avait alors que quatorze ans et la paix ne rgnait pas dans le royaume de France, mais Franois tait l pour aider de ses prires, de ses conseils, de son influence, le jeune roi Charles VIII qui lui en fut toujours reconnaissant : la place du modeste ermitage, le prince fit lever Plessis-lez-Tours un premier monastre dit de Jsus-Marie, dont la construction, comme celle des couvents de Calabre, fut marque par de nombreux prodiges. Achev en 1491, il devint une ppinire trs fconde de religieux, laquelle, en moins de vingt ans, donna naissance vingt-huit couvents nouveaux, tant en France qu'en Allemagne, en Italie et en Espagne. Le diocse de Paris devait en compter trois : le premier l'htel de Nijon ou Nigeon, Chaillot, appartenant depuis plusieurs sicles aux ducs de Bretagne, et offert par la reine Anne en 1493 ; le deuxime Vincennes, o les fils de Franois de Paule prirent, en 1583, la place de l'Ordre des Grandmontains fond par saint Etienne de Muret ; enfin le plus rcent la place Royale (place des Vosges), dont l'glise fut btie au XVIIe sicle grce aux libralits de Marie de Mdicis, et qui en 1930 tait devenu une caserne de la police d'tat.

Le monastre de Rome, ddi la Sainte-Trinit, tabli sur le mont Pincie et rserv aux religieux franais de l'Ordre, fut un ex veto de Charles VIII pour les victoires de la campagne d'Italie. Il est actuellement occup par les religieuses du Sacr-Cur. Victime d'un accident dans son chteau d'Amboise, ce roi mourait le 7 avril 1498, sans laisser d'hritiers, et g seulement de vingt-huit ans ; il avait t pour le moine calabrais un puissant appui. A plusieurs reprises Franois retoucha profondment la rgle qu'il voulait donner ses disciples. Le Pape Alexandre VI (1503), qui fut soumise une petite rdaction, approuva l'abstinence perptuelle et le nom de Minimes qui remplaa celui d'Ermites de Saint-Franois d'Assise, sous lequel les religieux taient connus ici ou l. Le mme Pape approuva, en 1501, une nouvelle rdaction qui comportait un quatrime vu : celui de pratiquer un Carme continu ; il en tait de mme du texte approuv par Jules II en 1505 ; la dernire rdaction fut approuve l'anne suivante.Dernires annes et mort.Franois eut alors le dsir de quitter la France pour terminer ses jours auprs de ses Frres de la premire heure, dans son pays natal. Il en demanda permission au roi Louis XII qui, le connaissant peu, la lui accorda ; mais, peine eut-on vent de la nouvelle que le cardinal d'Amboise, reprsenta au roi la perte irrparable que la France allait faire. Louis XII donna immdiatement contre-ordre, et un courrier ramena au roi Franois et ses deux compagnons. Le monarque assura le saint vieillard de son estime et lui promit d'tre pour son Ordre un dvou protecteur.

Fix dfinitivement en France, Franois de Paule voulut tenir au couvent de Plessis-lez-Tours un Chapitre gnral, auquel il convoqua les Pres les plus distingus par leur science et leur vertu.

Enfin, le 15 janvier 1507, le saint fondateur, g de quatre-vingt-onze ans, fut surnaturellement averti de lpoque prochaine de sa mort ; aussi se tint-il plus que jamais renferm dans sa cellule pour se prparer au grand passage du temps l'ternit. Le 28 mars jour des Rameaux, la fivre le saisit et, le Vendredi-Saint 2 avril, il steignit en embrassant son Crucifix, aprs avoir bni ses Frres une dernire fois et leur avoir recommand trs spcialement la pratique de la charit, dont le mot latin Caritas, entour de flammes, lui servait de blason.

Gloire posthume, canonisation et culte.Le corps de Franois fut expos dans la chapelle du couvent de Plessis-lez-Tours et le concours de peuple fut tel que ses obsques durent tre retardes de plusieurs jours. Des miracles ne tardrent pas illustrer son tombeau, et parmi les gurisons obtenues par son intercession nous citerons celle de la princesse Claude de France, fille unique de Louis XII, et qui devait pouser le futur roi Franois 1er. En reconnaissance, et parce qu'elle s'y tait engage par vu, Anne de Bretagne, sa mre, s'occupa aussitt de la canonisation du dfunt. Sa requte fut accueillie favorablement par Jules II ; le tribunal constitu, les enqutes et dpositions commencrent. Six ans aprs, par des Lettres du 7 juillet 1513, Lon X dclara Franois bienheureux ; le 1er mai 1519, le mme Pape le canonisa. Le texte des procs informatifs d'Amiens, de Tours, de Cosenza, du grand procs de Calabre , instruit en diverses localits, nous a t intgralement conserv ; il ne permet pas de douter de la ralit de la plupart des faits attribus au thaumaturge.

Sa fte, impose par Sixte-Quint, sous le rite double, en 1585, rduite au rite semi-double par Clment VIII, a t remise au rite double par Paul V. Au mois d'avril ou de mai 1562, c'est--dire cinquante-cinq ans aprs sa mort, comme il l'avait lui-mme prdit, ses restes furent profans et brls par des soldats protestants. Seuls quelques ossements demi-calcins purent tre retirs des cendres, pieusement recueillis et placs dans une urne de vermeil, offerte aux religieux Minimes par Jean de La Rochefoucauld, Abb de Marmoutier. Saint Franois de Paule est invoqu en faveur de la fcondit des foyers : on cite, en effet, de son vivant ou aprs sa mort, plusieurs cas o, grce son intercession, des foyers striles sont devenus fconds.

G.R.

Sources consultes. Acta Sanctorum, t. I davril (Paris et Rome, 1866). Abb Rolland, Histoire de saint Franois de Paule (Paris). (V.S.B.P., n 111 et 1156.)

SAINT RICHARD

vque de Chichester (1197-1253).

Fte le 3 avril.

Richard tait le plus jeune des trois enfants, deux fils et une fille, de Richard et d'Alice de Wyche ou de Wich. Il naquit en 1197 ou 1198, dans le comt de Worcester, en Angleterre, Wyche, aujourd'hui Droitwich, petite ville situe sur les bords de la Salwarp, tout prs de la fort de Fakenham et dj clbre du temps des Romains pour ses bains salins.

De bonne heure, les trois enfants perdirent leurs parents ; ils hritrent des domaines de Burford qui passrent naturellement entre les mains de tuteurs. Ceux-ci se montrrent intresss et fort ngligents. Durant ce temps, Richard dveloppait son got pour la lecture, tout en rvlant des aptitudes pour la conduite des affaires.

Quand l'heure vint o les tuteurs durent remettre les domaines au fils an, les proprits se trouvaient dans un tat lamentable ; aussi le chef de famille ne se sentit pas le courage de remdier pareil dsordre et pria son frre Richard de s'en charger. L'tudiant laissa aussitt ses livres, se mit l'uvre et, par un travail assidu, rtablit l'ordre dans le patrimoine de la famille. Le frre de Richard lui en sut gr et s'offrit lui cder tous ses droits, lui proposant, en outre, un beau mariage avec une noble hritire qui aurait assur son bonheur domestique. Richard resta insensible aux charmes de la jeune fille non moins qu' l'attrait de la fortune et, aprs avoir achet des livres avec l'argent dont il disposait, il sachemina vers Oxford pour y continuer ses tudes.

Dans cette clbre cit universitaire il souffrit beaucoup, non seulement des privations matrielles, mais encore du contact avec des hommes de toutes les classes et dont certains s'abandonnaient aux plus violentes passions. Il partageait la chambre de quatre tudiants qui lui taient sympathiques ; ceux-ci lui avaient mme donn une robe. A Oxford, Richard fit de la philosophie sa spcialit et, de l, partit pour Paris, afin de se perfectionner dans cette science. Sa vie y diffra peu de celle qu'il avait mene et qu'il revint mener Oxford pour conqurir ses grades. Peu aprs, il tait en Italie, Bologne, la clbre cole de droit civil et canonique. Un de ses professeurs fut si charm de ses vastes connaissances qu'il lui offrit la main de sa fille ; mais Richard n'avait point l'intention de se marier. Il revint en Angleterre, Oxford, entra dans la vie publique et ne tarda pas tre lu chancelier de l'Universit.

Chancelier de l'glise de Cantorbry.Sa renomme croissait de jour en jour. Son habilet et ses talents extraordinaires le recommandrent deux des principaux personnages ecclsiastiques du royaume, saint Edmond ou Edme Rich, primat d'Angleterre, et Robert Grosseteste, vque de Lincoln, qui voulaient faire de lui le chancelier de leur diocse. Edmond le recherchait, non seulement cause de sa science, mais pour la saintet de sa vie ; Grosseteste, bien que pieux lui-mme, tait surtout frapp par ses qualits intellectuelles. Le Saint l'emporta sur le savant : Richard devint chancelier de Cantorbry.

Cette nomination le mettait en vue dans la vie publique de l'Eglise et la vie de l'Angleterre, alors intimement unies. Une amiti troite s'tablit entre le primat et son chancelier; du reste, chacun d'eux avait fait sa propre ducation sans argent et sans appui.

Saint Edmond avait lutter contre le roi Henri III, au sujet du choix des vques ; il ne manquait pas de consulter Richard comme son ami et son conseiller. Quand le conflit avec le souverain se fut aigri au point d'obliger le prlat quitter l'Angleterre, Richard passa avec lui la Manche, et tous deux se fixrent, avec quelques compagnons, l'abbaye de Pontigny. Durant ces tristes jours d'exil, le chancelier ne quitta point son archevque, et de Pontigny, il le suivit ensuite Soissy. Ce changement d'air ne put soustraire saint Edmond aux effets des peines morales qui l'accablaient, il mourut le 16 novembre 1240. Richard se trouvait seul. Au nom de la justice et de la libert de l'Eglise, lui aussi avait souffert procs et souci sans nombre pillage et perte de ses domaines particuliers, fatigues corporelles, mpris et insultes, et finalement bannissement de sa patrie. Sauf la mort, qui le respecta dans son exil, sa vie fut durant ces tristes annes identique celle de saint Edmond.Election au sige piscopal de Chichester.Une consolation lui restait : celle de pouvoir excuter un projet qu'il avait caress depuis de longues annes. Il se rendit donc Orlans, chez les Dominicains, et y acheva ses tudes de thologie aprs quoi, il reut le sacerdoce. Ce dsir l'avait soutenu aux heures angoissantes de sa vie. Comme son matre saint Edmond, il avait toujours mis en pratique les rgles de l'asctisme et les pnitences corporelles ; mais, devenu prtre, il augmenta tellement le nombre et la rigueur de ses mortifications qu'il tait un objet d'tonnement partout o il passait.

Il btit Orlans un sanctuaire saint Edmond ; comme il devait lever de nombreuses chapelles son saint ami sur le sol d'Angleterre. Cette passion de construire des glises ddies au saint archevque tait bien en conformit avec la signification que sa vie pour nous. Comme prtre, toute pense de soi avait disparu de sa vie ; son unique idal tait le service de Dieu et nul autre ne lui semblait mieux le raliser que le prlat qu'il avait connu si intimement et dont l'Eglise devait consacrer les vertus en l'levant sur les autels en 1247.

Revenu en Angleterre, il crut possible d'employer le reste de ses jours dans l'exercice paisible de ses fonctions ecclsiastiques. Et en effet, durant quelques annes il fut cur de Deal, puis recteur de Charing ; mais, en 1244, il tait de nouveau appel reprendre sa charge de chancelier de Cantorbry. A saint Edmond avait succd le bienheureux Boniface de Savoie, prlat jeune encore mais trs apostolique et dou d'une grande fermet de caractre.

Richard ne passa que peu de temps au service de l'archevque. Celui-ci, homme clairvoyant, l'avait jug digne d'une plus haute situation, tout en fermant les yeux sur ses propres intrts. En 1244, la mort de Ralph Neville ayant laiss vacant le sige piscopal de Chichester, les chanoines lurent l'archidiacre Robert Passelewe ; mais ce choix dplut beaucoup, parce que l'lu tait un ardent partisan du roi. Boniface, qui revendiquait pour lui et ses suffragants le droit de faire cette nomination, runit les vques de sa province dans un synode qui annula l'lection de Passewele et nomma sa place Richard. Mais si l'archevque et ses amis taient heureux de ce choix, il n'en tait pas de mme du roi Henri. Passelewe, sur qui il pouvait compter et qui en tout avait les mmes ides que lui, venait d'tre limin, et au profit de qui ? D'un prtre en qui l'on pouvait voir un ennemi du souverain, l'ancien chancelier et conseiller de l'archevque Edmond, celui qui l'avait accompagn dans son exil.Conflit avec la couronne.

Henri III n'tait pas homme prendre des demi-mesures pour faire sentir son mcontentement. Il mit la main sur la majeure partie des revenus du sige de Chichester et refusa de les rendre. La position de Richard n'tait gure enviable. Il se trouvait vque lu et ne pouvait entrer en fonction, parce que le souverain feignait d'ignorer son existence. Il rsolut d'avoir une entrevue avec le roi et de lui expliquer sa conduite. L'entretien ne fut pas de longue dure. Richard tait venu rclamer ses droits dans l'intrt de son peuple ; le roi avait dcid de tout refuser celui qu'il regardait comme un intrus. L'vque demandait la restitution des revenus de son diocse ; le roi n'attendait que des explications de Richard sur sa conduite passe et des excuses pour les offenses qu'il estimait en avoir reues. Richard essuya donc prs du souverain un refus formel pour toutes ses demandes. Il se prsenta une seconde fois devant Henri et lui exposa sa requte ; une seconde fois le roi le renvoya sans lui avoir rien accord. Plusieurs mois encore, Richard resta dans cette position embarrassante. Enfin, il rsolut de porter la question devant le Pape, afin d'avoir une solution nette : ou bien il serait confirm dans sa charge d'vque, et sa ligne de conduite pour l'avenir serait dfinitivement trace, ou bien il serait libre de se retirer de la vie publique. C'est cette dernire solution qui lui souriait le plus. Il partit donc pour Lyon et, en 1245, prsenta sa ptition Innocent IV qui tenait un Concile dans cette ville.

Lorsqu'on sait pour quel motif ce Concile tait convoqu, l'on peut s'imaginer la rception que fit le Pape l'vque Richard. L'empereur d'Allemagne, Frdric II, tait en guerre ouverte avec le Pape, et Innocent IV se proposait de lancer dans ce Concile l'excommunication contre lui. Appuyer Richard dans cette nouvelle affaire, ne serait-ce pas s'aliner le souverain du royaume qui fournissait la majeure partie des revenus de l'Eglise romaine ? Par ailleurs, le Pape ne pouvait sacrifier les droits d'un vque des calculs aussi bas. Toutefois, comme le roi d'Angleterre disposait d'une voix dans l'lection des vques et que, dans le cas prsent, on n'en avait tenu aucun compte, le Pape dclara qu'il y avait l une injustice flagrante envers Henri. D'autre part, l'lection de Robert Paselewe faite par les moines tait due la pression que le roi avait exerce sur eux. Dans ces conditions, le Pape dclara irrgulires l'une et l'autre lections, puis, de sa propre autorit, il nomma Richard vque de Chichester. Le 5 mars 1245, le Pape lui-mme lui confra la conscration piscopale.

Aussitt aprs, Richard fut envoy par Innocent IV en Angleterre, porteur de papiers par lesquels le roi tait inform qu'il et placer Richard sur le sige de Chichester et lui rendre les revenus de son diocse. En chemin, le Saint s'arrta Pontigny pour y prier une fois encore sur la tombe de saint Edmond et, rconfort par le souvenir des souffrances que l'exil avait endures, il s'achemina vers les rivages de l'Angleterre. Furieux d'avoir t vaincu par l'vque, le roi se refusa reconnatre la dcision pontificale et resta en possession des revenus de Chichester.Le prix de deux annes de lutte.Richard se mit donc l'uvre, sans argent et sans foyer. Sa vie tait celle d'un isol. Beaucoup le suivaient des yeux quand il passait calme, allant son devoir ; beaucoup se rendaient compte de ses ncessits, mais n'osaient le secourir, de peur d'tre poursuivis par le roi. Il y eut pourtant des exceptions. Parmi eux, notons le prtre Simon, cur du village de Ferring, sur les confins du Sussex. Il tait bien pauvre ; mais il n'hsita point recevoir Richard sous sont toit. Etrange situation que celle d'un vque demandant l'aumne un pauvre prtre!Lexistence que Richard avait accept de mener pour rester fidle son devoir avait plus dun ct qui la rendait trange pour un vque de ce temps. Le diocse tait grand, et, pour faire ses visites, le pasteur ne pouvait voyager que dpourvu de tout et avec de rares suivants. A travers des terres immenses, souvent coupes de marcages, plus souvent encore hrisse de bruyres, la vie de missionnaire tait bien rude, mme si on la compare celle quavait mene le pauvre tudiant de jadis.La plus grande souffrance du prlat tait de voir les autres souffrir et de navoir aucun secours distribuer. Richard, qui vivait parmi les pauvres et comme un pauvre, ne pouvait rien pour soulager leur dtresse. Que daffronts et davanies neut-il pas endurer: Chaque fois que le souverain se prsentait au palais, chaque fois il tait conduit. Voici le rcit que son confesseur fait de lune de ses visites.

Un jour que Richard approchait du palais, un des marchaux de la cour, lui lanant un regard furieux, lui cria:- Comment osez-vous pntrer dans ce palais, alors que vous savez que le roi est grandement fch contre vous? Et lui, sachant combien cela tait vrai, se trouva dconcert ces paroles, et lentement il quitta le palais, allant chercher ses compagnons parmi le peuple.

Saint Richard sans se lasser, rclamait au roi les biens de lvch

de Chichester que celui-ci avait confisqus injustement.Enfin, aprs deux ans de rsistance, le roi se vit contraint, sous peine d'excommunication, de livrer le sige de Chichester son vritable vque, mais il s'tait arrang avec les administrateurs, de sorte qu'aucun argent ne fut remis Richard. Celui-ci eut beau protester durant son piscopat et mme dans son testament, il ne put jamais rien obtenir des revenus de ces deux annes.Transfert du corps de saint Edmond.A peine intronis, il se souvint d'une tombe que possdait la terre trangre et il courut en France s'agenouiller prs du corps de saint Edmond. On allait exhumer ses reliques ; lui-mme prit part leur translation. Il en a fait le rcit dans une lettre adresse l'abb de Begeham et dont voici un extrait :

Afin que vous soyez bien inform de la translation et de l'tat du corps du bienheureux Edmond, vous devez savoir que, pour la fte de la Trs Sainte Trinit, C'est--dire le 27 mai 1247, lorsqu'on ouvrit la tombe de notre saint pre Edmond, le soir, en prsence de quelques personnes, nous trouvmes le corps tout entier et exhalant une trs suave odeur ; la tte avec les cheveux, le visage avec ses couleurs fraches, le corps avec tous ses membres et exhalant une odeur cleste... De nos propres mains nous avons touch son corps saint ; la tte aux cheveux pais et bien conservs, nous l'avons soigneusement, respectueusement et joyeusement peigne.

Aprs la crmonie, il quitta la France en toute hte, car la famine svissait en Angleterre et son peuple rclamait tous ses soins. Une tempte qui secouait alors la Manche ne put mme le retenir.Un piscopat fcond.Dsormais, la vie de Richard fut assez diffrente de celle qu'il avait mene, et cependant il ne changea rien ses habitudes austres. Il prsidait les banquets, mais il ne touchait point aux mets dlicats qui taient placs devant lui. Sous ses habits somptueux d'vque, il portait continuellement un cilice et des chanes de fer qui lui lacraient la chair chaque mouvement. Son amour des pauvres n'avait pas diminu, et maintenant que l'argent passait plus souvent et en plus grande quantit par ses mains, les besogneux en profitaient. Durant la famine qui clata l'anne mme de son installation, il consacra tous les biens du palais au soulagement des ncessiteux. Souvent, son frre, qui tait un de ses principaux auxiliaires dans les uvres du diocse, tentait de lui dsobir, surtout lorsqu'il devait vendre un cheval ou une partie de la vaisselle ; mais alors Richard dirigeait lui-mme la vente.

Le souci des besoins spirituels de ses diocsains lui tenait encore bien plus cur. L'actif vque allait cheval jusqu' la cabane la plus loigne. On le voyait partout, prchant et administrant les sacrements, heureux du joyeux accueil qu'il recevait chez les pcheurs le long de la mer, aimant sattarder sous le toit des pauvres gens.

En matire de discipline ecclsiastique, Richard tait fort svre. Quand le diocse fut confi ses soins, il le trouva dans un bien triste tat. Son premier soin fut de convoquer le Chapitre et de rdiger des statuts contre les abus qui existaient dans le diocse. Il aimait la splendeur des crmonies, voulait que tous les ornements et le linge d'autel fussent d'une propret irrprochable. Tout prtre qui ne prchait pas ou qui ne prparait pas ses sermons tait dclar suspens. Lui-mme tait un exemple pour tous et en toutes choses.

S'il tait intraitable dans les questions de droit et de justice, Richard se montrait toujours avec les personnes d'une affabilit et d'une douceur inaltrables. Un jour, le comte d'Arundel, qui se trouvait sous le coup d'une excommunication, dut, bien malgr lui, traiter une affaire avec l'vque de Chichester. Contrairement son attente, il trouva son hte fort courtois, suspendant l'excommunication pendant qu'il tait son invit et le traitant avec toutes les considrations dues son rang.

Les souffrances des plerins de Terre Sainte avaient mu le bon vque ; il devint un ardent prdicateur de la Croisade ; ses efforts ne furent pas toujours couronns de succs, mais son zle n'en tait nullement affect. De fait, en 1250, nous entendons parler de ses travaux pour les Croisades ; en 1252, il tait choisi par le roi pour prcher la prise de la croix au peuple de Londres. On rpondit peu son appel, mais ses labeurs en faveur des plerins ne cessrent point.Mort de saint Richard.

En 1253, par suite de l'insuccs de l'expdition de saint Louis, l'vque se mit prcher de tout son cur, et toutes les villes d'Angleterre l'entendirent. Comme il arrivait prs de Douvres, ses forces vinrent le trahir ; on le porta l'hospice de Sainte-Marie, et l, tout faible qu'il ft, il promit joyeusement de consacrer une petite glise en l'honneur de son ami saint Edmond. Le lendemain, il accomplit ce qu'il croyait devoir tre le dernier acte public de sa vie, et au cours de la crmonie, il adressa au peuple quelques mots qu'un historien nous a conservs.- Mes trs chers frres, je vous demande de bnir et de louer avec moi le Seigneur, qui nous a accord par sa grce de nous trouver ensemble cette ddicace en son honneur et en celui de notre pre saint Edmond. Ce que j'ai toujours demand depuis que j'ai le pouvoir de consacrer, ce qu'avec mes prires j'ai toujours cherch, c'est qu'avant le dernier jour de ma vie je pusse consacrer au moins une basilique saint Edmond. Aussi, de toute mon me, je rends grces Dieu d'avoir combl le dsir de mon cur. Et maintenant, mes chers frres, je sais que bientt je quitterai le tabernacle de mon corps et, dans mon passage vers Dieu, je demande d'tre fortifi par vos prires.Et, ajoute son biographe, aprs avoir dit solennellement la messe, il revint l'hpital. Ds ce jour, sa faiblesse augmenta et, comme il connaissait son tat mieux que ceux qui l'entouraient, il voulut que ses amis ne se quittassent plus pour l'assister ses derniers moments. Il reut les derniers sacrements, aprs avoir fait une confession gnrale de toute sa vie. Peu peu, il perdit ses forces tout en gardant sa lucidit d'esprit jusqu' la fin.- Mettez ce corps putride sur le plancher, dit-il la fin. Lorsqu'on lui eut obi, il s'cria :

- Seigneur, je remets mon me entre vos mains.

Puis il se confia Notre-Dame, Mre de grce et de misricorde, et il expira. C'tait le 3 avril 1253.

Saint Richard fut inscrit au catalogue des Saints ds 1262, le 22 janvier, en la fte de saint Vincent, par le Pape Urbain IV, alors Viterbe, et qui fixa au 3 avril la clbration de la fte. Le mme Pape, par un acte dat du 20 fvrier de la mme anne, accorda des indulgences aux fidles qui visiteraient le tombeau du Saint le jour de sa fte ou pendant la quinzaine suivante.

Selon le dsir exprim par l'vque, dsir qui ne fut ralis que le 16 juin 1276, son corps fut enterr dans la cathdrale de Chichester, en face de l'autel de saint Edmond, en prsence du primat de Cantorbry et futur cardinal Robert Kilwardby qui avait soutenu la cause de sa canonisation. C'est encore l qu'on peut voir sa tombe profane, qui fut jusqu' Henri VIII l'objet de frquents plerinages. Franois Delmas.

Sources consultes. - Acta sanctorum, t, I d'avril (Paris et Rome, 1866). H. Dumm, St Richard of Chichester (Londres).

...PAROLES DES SAINTS_______

Contre les faux frres.Sparons-nous des faux frres, ou de ceux qui, se servant du nom de Dieu comme d'un voile pour couvrir leur hypocrisie, entranent dans l'erreur des hommes vains et superbes.

Saint Polycarpe.

(Eptre aux Philippiens.)

SAINT BENOIT LE MAURE

Frre Mineur (1526-1589)Fte le 4 avril.Au commencement du XVIe sicle, vivait San-Fratello, petite ville du diocse de Messine, sur la cte septentrionale de la Sicile, un riche propritaire du nom de Manasseri qui avait son service deux esclaves noirs, Christophe et sa femme Diana. L'histoire ne nous dit pas par suite de quelles preuves ils avaient t arrachs au continent africain et transports en Sicile, mais les faits de ce genre n'taient que trop frquents cette poque. La Providence, tout en permettant qu'ils fussent rduits en esclavage, leur avait fait trouver la libert des enfants de Dieu : tous deux taient de fervents chrtiens. Manasseri, leur matre, tait, lui aussi, un chrtien sincre ; il n'avait, du reste, qu' se louer des services de Christophe. Il lui avait donn une sorte d'intendance gnrale sur tous ses biens, et tout prosprait dans les domaines du riche Sicilien. Par esprit de foi en mme temps que pour rcompenser Christophe, il lui promit de donner la libert son fils an.Naissance et premires annes.

Ce premier-n fut le futur Bienheureux. On lui donna, au baptme, le nom de Benot. Comme il avait la peau absolument noire, on l'a appel souvent le Saint ngre ou plus communment Benot le Maure, pour le distinguer des autres Saints qui portent le mme nom. Il est connu aussi sous le nom de Benot de Saint Philadelphe parce que la petite ville de San-Fratello portait autrefois ce nom (Fratello et Adelphos ayant le mme sens). On peut dire de cet enfant qu'il fut prvenu des bndictions du Trs-Haut. Ds avant sa naissance, sa pieuse mre l'avait souvent offert Dieu ; quand parurent les premires lueurs de l'intelligence et qu'il fut mme de comprendre, elle lui apprit aimer et servir son Crateur ; souvent elle le portait l'glise ; il y vint, du reste, lui-mme avec joie lorsqu'il put faire seul quelques pas, et sa tenue y tait si modeste, son recueillement si grand, qu'il restait des heures entires dans une immobilit complte. Il s'appliquait d'ailleurs, quoique fort peu avanc en ge, la pratique de toutes les vertus, tellement que, ds sa dixime anne, on ne le dsignait plus, dans le bourg de San-Fratello, que sous le nom du saint ngre (il santo moro).Petit ptre. Laboureur.

Tout jeune encore Benot se vit confier la garde des troupeaux. Cet emploi, dans lequel se sont sanctifies tant d'mes simples et pures comme la sienne, rpondait merveilleusement ses aspirations vers la solitude et la vie de prire. Sans ngliger les intrts de son matre, il se livrait son attrait pour l'oraison. Benot n'tait pas, comme ses parents, condamn servir toujours le mme matre, sans avoir droit autre chose qu'au strict ncessaire ; aussi, quand il atteignit sa dix-huitime anne, avait-il ralis quelques conomies. En ce temps-l comme maintenant, il ne manquait pas de jeunes gens qui la vie laborieuse des champs paraissait trop dure, mais le Saint noir, loin de se laisser sduire par les attraits d'une vie plus facile, consacra ses pargnes l'acquisition de quelques terres et d'une paire de bufs : le petit berger tait devenu un robuste laboureur. L'esprit de foi et la pratique des vertus s'taient dvelopps en lui avec les annes. La contradiction gnreusement supporte le rapprochait encore de Dieu. Son amour du recueillement lui attirait souvent les plaisanteries de ses compagnons de travail. Un jour, en particulier Benot avait alors environ 21 ans des ouvriers occups la moisson prenaient plaisir se moquer de lui et le tournaient grossirement en ridicule. Sans faire attention leurs railleries, le jeune homme continuait tranquillement son travail. Tout coup, un vnrable solitaire, le Fr. Jrme Lanza, qui se sanctifiait dans un ermitage voisin, vient passer et entend les plaisanteries des moissonneurs. Il est frapp en mme temps du calme avec lequel Benot supporte tout. Le regardant quelques instants avec plus d'attention, il est comme saisi d'une inspiration soudaine : Vous vous moquez de ce jeune homme, dit-il aux ouvriers, bientt vous entendrez parler de lui.Peu de jours aprs, le Fr. Jrme rencontre Benot seul dans la campagne : Que faites-vous l? lui dit-il sans prambule. Vendez ces bufs et venez dans mon ermitage.La voix du pieux ermite parat Benot tre la voix de Dieu: il excute sans retard ce qui lui est enjoint, distribue aux pauvres tout ce qu'il a gagn jusque-l par son travail, demande humblement la bndiction de ses vieux parents et se retire dans la solitude, avec le matre que lui a donn la Providence.Ermite. Suprieur.

Jrme Lanza avait dans sa solitude quelques compagnons : leur joie fut grande quand ils virent Benot se joindre eux. La rputation de sa saintet tait arrive jusqu' eux, et ils espraient que sa prsence serait une source de grces pour leur petite Compagnie. Ils ne se trompaient pas : Benot n'eut pas plutt reu l'habit religieux qu'il fut pour tous un modle accompli. Car, tout en menant la vie rmitique chacun dans une pauvre cellule, ils avaient un rglement commun et se runissaient certaines heures du jour pour chanter les louanges de Dieu et s'exciter rciproquement la pratique des vertus. Avec l'autorisation du Saint-Sige, ils professaient la rgle de saint Franois, sauf les quelques modifications ncessites par le but spcial qu'ils se proposaient. En particulier, les austrits taient plus svres, le jene et l'abstinence peu prs continuels.

Quelque dure que ft dj cette vie, l'me gnreuse de Benot n'en tait pas satisfaite ; il y ajoutait d'autres pnitences et prenait sa charge les travaux les plus humbles et les plus pnibles. Parcourir les campagnes environnantes pour recueillir les aumnes ncessaires l'entretien des Frres, se contenter pour soi-mme de ce que les autres avaient laiss, cela semblait tout naturel ce saint jeune homme. En outre, il travaillait de ses mains, comme les anciens habitants de la Thbade, et tressait avec adresse des nattes et des corbeilles d'osier ou de jonc.

Mais la vertu du solitaire ne tarda pas rayonner aux alentours, et Dieu lui-mme encouragea la confiance qu'on avait en ses prires en lui accordant le don des miracles.

Un jour, pour en citer un exemple, une pauvre femme afflige d'un cancer se jette ses pieds. Comme l'hmorrosse de l'Evangile, elle avait dpens beaucoup en consultations et en remdes de toutes sortes, et elle ne s'en trouvait que plus mal. 0 serviteur de Dieu, s'crie-t-elle tout en larmes, faites le signe de la croix sur mon mal ! La compassion fait violence l'humilit du Fr. Benot ; levant les yeux au ciel, il fait ce que lui demande la malade, et celle-ci se trouve gurie l'instant. Le groupe d'ermites avait plusieurs fois chang de sjour : ils voulaient, en effet, ne s'attacher rien, et, comme on les entourait bientt de vnration l o ils avaient pos leur tente, pour eux c'tait un motif de plus de la transporter ailleurs. Ils se trouvaient sur le mont Pellegrino, quelque distance de Palerme, quand le Seigneur rappela lui leur suprieur, Jrme Lanza. Benot tait encore relativement jeune, mais sa vertu tait minente : d'une voix unanime, ses confrres le choisirent pour tre leur matre et leur guide dans les sentiers de la perfection.Le Frre Mineur. Humble cuisinier.

Cependant, vers 1550, le Pape Jules III prescrivit aux solitaires du mont Pellegrino de quitter leurs cellules et de se runir dans un monastre, pour y mener la vie commune. Quelques annes plus tard, Pie IV, qui monta sur la chaire de saint Pierre en 1559, jugea plus opportun, pour le bien de leurs mes, que chacun d'eux ft incorpor un couvent de Frres Mineurs.

Benot se soumit sans difficult la voix du Vicaire de Jsus-Christ et, aprs avoir consult Dieu dans la prire, il alla frapper la porte du couvent de Sainte-Marie de Jsus, prs de Palerme : on l'y connaissait de rputation depuis longtemps, aussi fut-il admis immdiatement avec un de ses confrres qui n'avait pas voulu se sparer de lui. Dans leur ermitage, ainsi que nous l'avons dit, ils avaient pratiqu la rgle de saint Franois ; pour ce motif, ils furent considrs comme religieux profs et n'eurent pas faire un nouveau noviciat.

Benot, qui avait pris place parmi les Frres convers, fut bientt, mme pour les religieux les plus anciens, un vritable idal de perfection religieuse. On lui avait confi l'emploi de cuisinier, et il allait l'exercer durant plus de vingt ans avec un dvouement remarquable comme le montreront les faits suivants.

Le Chapitre provincial avait t convoqu au couvent de Sainte-Marie de Jsus ; les religieux taient donc plus nombreux que de coutume, et voil que la neige se mit tomber si abondamment qu'il tait impossible d'aller la qute. Un soir, toutes les provisions sont puises, et il ne semble pas que l'on puisse pourvoir, le lendemain, aux ncessits de la communaut.

Ds que les religieux se sont retirs pour prendre quelques heures de repos, le Fr. Benot remplit d'eau divers bassins de la cuisine et il se retire son tour, mais pour passer la nuit en oraison. Le lendemain matin, les vases se trouvrent remplis de poissons magnifiques. La Providence avait envoy des mets en rapport avec le temps de Carme, dans lequel on se trouvait alors.

Le bon cuisinier veillait autant qu'il le pouvait ce que rien ne se perdt autour de lui. Un jour que, suivant l'usage, les Frres tudiants lavaient la vaisselle aprs le repas il remarqua que ceux-ci ngligeaient de recueillir quelques restes. Mes Frres, leur dit-il, par charit, faites attention ; c'est le sang de nos bienfaiteurs que vous laissez perdre dans ces restes.Les jeunes religieux se contentent de sourire, prenant pour un scrupule de Frre convers l'observation du cuisinier. Mais Benot, prenant une des lavettes qui leur servaient pour nettoyer la vaisselle, la presse dans sa main : Voyez, mes enfants, leur dit-il non sans motion. Et un sang vermeil s'chappait et coulait jusqu' terre.Les anges la cuisine.Ses occupations pnibles et absorbantes ne l'empchaient pas d'tre continuellement uni Dieu ; cependant, quelquefois, comme malgr lui, il laissait le travail pour se donner tout entier la prire.

Le trait qui va suivre se retrouve dans la vie du bienheureux Grard Cagnoli (.. 1342), galement Franciscain, et cuisinier de son couvent, au moins par occasion, avec ces seules diffrences que le miracle se produisit le jour de Pques et que lhistoire ne parle pas dinvits de lextrieur.

Un Jour de Nol, le grand-inquisiteur du royaume de Naples, Dom Diego de Ahedo, tait venu au couvent des Franciscains pour clbrer la fte avec la communaut. Il avait accept linvitation du Pre gardien, et il devait prendre avec les religieux le repas de midi; mais, pour ne pas tre charge de la communaut, il avait envoy dabondantes provisions. Cependant, il fallait les prparer, et quoique la matine fut dj avance On commenait la messe solennelle du jour le Fr. Benot navait pas encore paru la cuisine, le feu ny tait mme pas allum.Le P. Ambroise de Polichi, vicaire du couvent, cherchait en vain le cuisinier pour lui rappeler son devoir, le bon Frre tait introuvable. Tout coup, en agitant son encensoir, le thurifraire heurte quelque chose derrire une tenture qui ornait lglise pour la solennit. Il regarde et voit Benot dans lattitude de la prire, tout absorb en Dieu. Il lavertit quon le cherche partout, quil va tre bientt lheure du dner. Sans dire un mot, le Frre cuisinier met le doigt sur sa bouche pour recommander le silence, et continue son oraison.La grandmesse termine, il se lve tranquillement prend de la lumire et se rend la cuisine comme pour allumer le feu. Le P. Ambroise la bientt rejoint, mais il le trouve genoux devant le fourneau, la lumire la main. Il ne peut sempcher de lui reprocher vivement sa ngligence, surtout en un jour o un hte si distingu daignait les honorer de sa prsence.

Un vnrable solitaire, Jrme Lanza, prend la dfense de saint Benot le maure raill par ses compagnons de travail.

Sans se troubler, Benot rpond qu'on peut donner le signal de se mettre table, que tout est prt. A la demande anxieuse du Pre vicaire : Comment est-ce possible? Le feu n'est pas mme allum et notre cuisinier se contente de dire : Le Seigneur y pourvoira.Au mme instant, en prsence de l'inquisiteur qui avait voulu voir par lui-mme comment la chose finirait, deux jeunes gens vtus de blanc de la tte aux pieds apparaissent la cuisine et se mettent au travail. A peine la communaut est-elle arrive au rfectoire que tout est prt, ainsi que le Frre cuisinier l'avait annonc, et jamais les religieux ne gotrent des mets si dlicieux.Suprieur du couvent.Les miracles que Dieu se plaisait oprer par son intermdiaire, non moins que ses vertus, attirrent de plus en plus sur Benot l'attention de ses confrres, Pres ou Frres, tel point que, la charge de Gardien ou Suprieur tant devenue vacante, on songea srieusement la lui confier. Le cas est assez rare dans l'histoire des Frres Mineurs ; cependant il est rapport aussi de saint Didace d'Alcala (.1463). Qui dira les angoisses par lesquelles passa l'humble Fr. Benot quand il apprit ces intentions? Attrist, il s'adresse aux suprieurs de la Province de Sicile, et trouve des accents d'une vritable loquence pour leur exposer la bassesse de son origine, sa condition de laque, son ignorance si grande qu'il ne sait ni lire ni crire. Mais plus il se fait petit, plus on apprcie son mrite, plus on le croit capable de gouverner la communaut ; finalement, il doit imposer silence toutes les rvoltes de son humilit et accepter, par obissance, de commander ses Frres. Il le fait bien plutt par ses exemples que par ses paroles : en mettant cette lumire sur le chandelier, on a voulu surtout avoir un modle accompli, que tous puissent regarder et qu'ils n'aient qu' reproduire pour remplir leurs obligations. Benot est une rgle vivante, toujours le premier au chur et aux divers exercices de la journe, et aussi indulgent pour les religieux qu'il est dur envers soi-mme. Plein de respect pour les prtres de sa communaut, il n'est pas moins admirable dans la discrtion et la prudence dont il use l'gard des jeunes religieux et dans sa bont envers les Frres convers. Aussi souvent que les devoirs de sa charge le lui permettent, il vient les aider dans leurs travaux, se rservant toujours les tches les plus pnibles.

Matre des novices.

Autant l'humble Frre convers avait su obir, autant il avait su commander ; aussi, son triennat de Gardien termin, on ne voulut pas, malgr son dsir et ses prires, qu'il rentrt dans l'ombre : le voil donc nomm vicaire du couvent et matre des novices. Dans cette double charge, il montra de nouveau que l'esprit de Dieu supple sans peine tout ce qui peut manquer dans une me, quand elle est appele une mission et qu'elle se laisse conduire par la grce. Spcialement dans la charge si importante et si dlicate de matre des novices, qui exige autant de saintet que de prudence et de discernement, Benot fut l'instrument de Dieu pour faire comprendre aux postulants la sublimit de leur vocation.

Que Dieu l'ait visiblement aid dans cette charge, on ne peut en douter, quand on songe qu'il expliquait aux novices les Leons du brviaire, les passages des psaumes les plus difficiles, les diverses parties de l'Office divin. Sa rputation de science avait d'ailleurs franchi les murs du couvent, et des docteurs en thologie, des prtres blanchis dans l'exercice du saint ministre, venus quelquefois de loin pour avoir son sentiment sur une difficult de la Sainte Ecriture, un point de thologie ou un cas de conscience, s'en retournaient ravis et clairs la fois. Avant lui, un autre Frre convers de l'Ordre franciscain, le bienheureux Sante d'Urbino (.. 1390), avait galement quitt la cuisine et les fourneaux pour s'occuper de la formation des futurs religieux. Or, plus les novices approchaient le Fr. Benot, plus ils constataient, leur plus grand avantage, la vertu minente et la science infuse dont Dieu avait favoris celui qui les initiait la vie religieuse. Il leur suffisait mme de l'aborder pour voir leurs difficults s'vanouir. Maintes fois, ils durent reconnatre que le Frre-matre lisait dans leurs curs, et l'histoire raconte de plusieurs qu'ils auraient cd la tentation et seraient retourns dans le sicle sans sa charit et sa bont. Un jour mme, Benot, averti surnaturellement que deux d'entre eux avaient quitt le couvent, les rejoignit et ne se donna de repos que quand il les vit repentants et rsolus persvrer dans le devoir.Derniers jours. Mort prcieuse.

Cependant les vux du bon Frre furent exaucs : ses suprieurs le dchargrent enfin des offices importants qu'ils lui avaient confis, et il redevint simplement le Frre cuisinier du couvent.

Il s'appliqua la prire et la mortification avec une nouvelle ardeur, mais, comme l'clat de sa saintet avait resplendi au loin quand il tait en charge, on ne lui laissa pas, dans son humble emploi, la tranquillit qu'il dsirait. Riches et pauvres, savants et ignorants, de toutes parts accouraient lui pour avoir un conseil, une consolation, un soulagement dans les souffrances du corps ou de l'me.

Benot se prtait charitablement tout et tous ; aussi, grande fut l'motion dans le pays quand on apprit qu'il tait gravement malade. C'est dans les premiers jours de janvier 1589 qu'il fut atteint d'une fivre violente. Cependant, ainsi que du reste il l'avait prdit, il releva de cette maladie et reprit mme ses occupations ordinaires, mais pour peu de temps.

Au mois de mars suivant, ses forces le trahirent de nouveau, et cette fois on comprit que c'tait la fin. Aprs avoir support pendant plusieurs semaines les ardeurs de la fivre sans faire entendre la moindre plainte, il reut le sacrement des malades et le saint Viatique avec une joie profonde qui resplendissait sur son visage et le transfigurait. Il ne voulut pas quitter ses frres avant de leur avoir demand pardon des peines qu'il avait pu leur causer : il accomplit cet acte d'humilit la corde au cou, en versant d'abondantes larmes ; la plupart des assistants ne pouvaient retenir les leurs.

Enfin, pendant qu'on rcitait les prires de la recommandation de l'me, il fait signe qu'on s'arrte un instant ; il tend les bras sur sa poitrine en forme de croix et, avec une prsence d'esprit parfaite et une ferveur admirable, il prononce ces paroles du psalmiste : Seigneur, je remets mon esprit entre vos mains. Au mme moment, son me quittait l'exil pour entrer dans la cleste patrie : c'tait le 4 avril 1589. Des merveilles se produisirent en si grand nombre son tombeau que trois ans plus tard, son corps, retrouv intact et exhalant un parfum cleste, fut expos la vnration des fidles, dans l'glise du couvent. De la Sicile, la renomme du Saint maure s'tendit non seulement l'Italie et l'Europe, mais mme l'Amrique, o les pauvres esclaves noirs le choisirent pour patron. En 1713, le Snat de Palerme mit aussi cette cit sous sa protection. Batifi par le Pape Benot XIV le 15 mai 1743, Benot le Maure a t solennellement canonis par Pie VII le 24 mai 1807.

G.D.

Sources consultes. Chanoine Allibert, Vie de saint Benot dit le Maure (Lyon, 1835). R.P. Lon, L'Aurole sraphique, t. II (Paris). (V.S.B.P., n 1494.)

SAINTE CATHERINE THOMASChanoinesse rgulire de lOrdre de Saint-Augustin (1531-1574)

Fte le 5 avril.

Sainte Catherine Thomas a vcu au XVIe sicle, dans cette priode que lEspagne appelle le sicle dor et qui vit saint Thomas de Villanuova ou de Villeneuve, saint Pierre dAlcantara, sainte Thrse dAvila, saint Jean de la Croix, le bienheureux Jean dAvila, et dans la partie Ouest de la pninsule, le vnrable Barthlemy des Martyrs.

Moins connue que la grande Thrse dAvila, elle rivalisa de saint amour avec sa compatriote; peut-tre la surpassa-t-elle en extases et en miracles, mais la Providence ne la destinait pas remplir dans lEglise une mission publique, et ni son influence, ni sa gloire, ni, jusqu lanne de sa canonisation, son nom lui-mme ne se rpandirent gure au-del des rivages de Majorque.

Sa famille. Enfance prouve.

Catherine Thomas naquit le 1er mai 1531 au village de Valldemosa, situ dans une valle du nord de lle de Majorque. Elle tait la fille de Jacques Thomas et de Marchesina Gallard, le fruit choisi dune ascendance honnte dorigine catalane. Emigre aux les Balares lorsque le roi Jaime ou Jacques 1er dAragon les eut conquises sur les Maures (1229-1233), sa famille avait donn lEglise deux vques, dont un participa au Concile de Trente.

Ses parents taient peu aiss. Par surcrot, linfortune sajouta la pauvret. A trois ans, Catherine perdait son pre. Sa mre dut partager six de ses enfants entre des parents charitables, ne gardant auprs delle que la petite Catherine. Quatre ans aprs, cette pieuse femme mourait son tour. Catherine fut alors recueillie, en un lieu dit Son-Gollard, par un oncle, l'un de ces hommes qui n'ont pas le cur mauvais, mais qui ont la main rude. Catherine, employe aux travaux des champs, surtout la garde du troupeau, fut battue quelquefois malgr son obissance, sa douceur et la gentillesse qui manait de toute sa personne. Dj se manifestait en elle un got prononc pour la contemplation des choses divines, en mme temps que se livraient ses premiers combats avec le dmon. S'il y avait une cole aux alentours, l'enfant n'y fut pas envoye, et ce n'est pas dans la maison de l'oncle qu'elle apprit lire et crire. Ds l'ge de trois ans, cette enfant ignorante, malingre, incomprise, fut experte dans l'oraison. Le Saint-Esprit lui-mme s'tait constitu son matre, et elle tenait son coeur ouvert aux mystrieuses leons du ciel. Les tmoignages des Majorquins qui la connurent sont trop nombreux et trop concordants pour qu'on puisse douter des hautes vertus quelle pratiqua et des grces prodigieuses qu'elle reut, mme en sa plus tendre enfance. En avanant en ge, la jeune fille devait naturellement aspirer la vie du clotre. Mais la route tait barre devant elle. Sans dot, sans instruction, pouvait-elle nourrir l'espoir que l'un des monastre de Palma lui ouvrirait ses portes?Rencontre du P. Castaneda.

C'est alors que Catherine rencontra le P. Castaneda, gentilhomme de Valladolid. Antoine Castaneda avait d'abord servi dans l'arme de Charles-Quint. Il avait pris part la malheureuse expdition que l'empereur commandait en personne contre la ville d'Alger en 1541. Avec une arme de 30 000 hommes et une flotte formidable pour l'poque, le succs paraissait certain ; mais la mer, secoue par une furieuse tempte, avait englouti, avec tous les espoirs, les troupes et les bateaux. Sous l'impression de ce dsastre, o il avait failli prir avec le bateau qui le portait, Castaneda avait renonc au mtier des armes pour s'enrler dans la milice des spirituels.

Il se retira d'abord, pour y mener la vie rmitique, dans une citerne dessche du domaine de la Torre, aux environs de Valladolid ; de l, il passa dans une grotte o le trouva le vicaire gnral de Majorque ; celui-ci le persuada de quitter sa retraite pour le collge de Miramar, distant d'un kilomtre de Son-Gollard. Par la suite il fut ordonn prtre. On conserve son portrait Palma dans la Casa consistorial ou Htel de Ville. Au-dessous de cette peinture on lit l'inscription suivante :Le vnrable P. Antoine Castaneda naquit Valladolid en 1507. Il fit pnitence pendant quarante-deux ans l'ermitage de la Sainte-Trinit de Majorque ; il fut le premier Pre spirituel de la Vnrable Sur Catherine Thomas avant que celle-ci se fit religieuse ; il mourut l'ge de soixante-seize ans en 1583.

Tel tait le prtre qui la Providence voulut confier l'me de Catherine. Un jour qu'il tait venu demander l'aumne la maison de l'oncle de la jeune fille, celle-ci fut charge de lui remettre du pain. Dans le bref colloque qui s'engagea alors, les deux mes se comprirent. La chaste jeune fille dj se sentait appele par l'Epoux cleste. Sollicit par un de ses cousins de lui accorder sa main, elle rpondit rsolument: J'appartiens Dieu qui rien n'est impossible, et je lui garderai ma foi, mme au pril de ma vie.La vocation religieuse. L'entre au monastre.

Ds ce moment, l'appel divin se manifestait dans toute sa force en l'me de Catherine. Le P. Castaneda eut tt fait de le reconnatre, et non content d'encourager le dessein de la jeune fille par des paroles de sympathie, il commena par la retirer du milieu peu favorable o elle vivait, et, en attendant mieux, il la plaa en service Palma, dans une famille aussi chrtienne que fortune. C'tait vers 1549 ; Catherine avait alors dix-huit ans : c'tait l un premier pas vers le clotre.

Son matre, du nom de Mathieu Laforteza-Tagament, avait une fille, Isabelle, trs pieuse aussi. Catherine devint sa camriste. Une pure affection ne tarda pas lier leurs mes, et, tandis que Catherine apprenait isabelle aimer Dieu, Isabelle apprenait Catherine lire et crire. Les pnitences auxquelles celle-ci se livrait ayant altr sa sant, ses matres l'envoyrent dans leur maison de campagne, La Raixa, o l'air salubre et des soins eurent raison de la maladie.

Palma avait alors trois monastres : Sainte-Marguerite, Saint-Jrme, Sainte-Madeleine. L'origine de ce dernier remontait presque l'poque de la dfaite des Maures : un hpital s'tait fond sous le vocable de sainte Marie-Madeleine ; il tait devenu un monastre des Religieuses de Saint-Pierre qui professaient la rgle de saint Augustin ; en 1533, c'est--dire deux ans aprs la naissance de Catherine Thomas, un vicaire gnral, nomm Marc-Antoine Campeyo, leur avait donn des Constitutions spciales. C'est Sainte Madeleine que devait entrer finalement la jeune fille, aprs des incidents assez pnibles. En effet, elle n'avait pas la dot habituellement exige ; le P. Castaneda se fit donc quteur cette intention, mais cette fois, il ne russit pas mouvoir la charit.

Il crut alors que les moniales, vu les vertus exceptionnelles de la jeune fille, passeraient par-dessus l'absence de dot. Il se heurta un refus gnral des trois communauts. L'chec lui fut cuisant, mais il dura peu, car, entre temps, les moniales s'taient ravises, et voici que tout coup le bon P. Antoine se trouve, dans la rue, entour la fois par les missaires des trois monastres de Palma, qui maintenant se disputent Catherine. On voit, encastre dans un mur de la sacristie de l'glise Saint-Nicolas, une pierre avec cette inscription :La tradition rapporte que, sur cette pierre, cinquante coudes environ de ce lieu, se tenait assise la bienheureuse Catherine Thomas, quand on lui annona son admission au monastre de Sainte Madeleine ; elle a t place ici, comme un souvenir, par la junte municipale de Palma, aujourd'hui, le 4 aot 1826. C'est donc Sainte-Madeleine qu'elle entra le 25 aot 1553, l'ge de vingt-deux ans. Catherine allait enrichir le monastre de ses vertus d'abord, et, plus tard, de sa gloire.La vie religieuse.

Son noviciat dura deux longues annes. Et cependant sa vocation tait toute preuve ; sa formation, sous la conduite de l'Esprit-Saint, tait parfaite : elle tait suprieur