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LES GALERIES COMMERCIALES À L’ASSAUT DE L’AGGLOMÉRATION REPORTAGE SUR LE PROJET NEYRPIC À SAINT-MARTIN-D’HÈRES AU PARLOIR - PIERRE ET RENÉ LES NAUFRAGÉS DE TRIPOLI EVE : LE PUTSCH AVORTÉ LE « TORCHON DE LUXE » L’ANTIFASCISME EN 1934 LA GUERRE DES BOUTONS JOURNAL LOCAL - GRENOBLE ET SA CUVETTE - BIMESTRIEL - N°15- AVRIL - MAI2012

2 nE ET ES T E D E S SU T E E ET U UT GE - … · mot hybride et ses composés sont répétés pas moins de 92 fois dans le programme ! ... quotidien gratuit 20 Minutes 14h30 - Rendez-vous

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� I Le Postillon I numéro 15 I avril-mai �01�

Journaliste expressLe 7 mars l’hebdomadaire L’Express publiait un supplément intitulé « Grenoble objectif presqu’île ». Un procédé maintes fois utilisé par les journaux nationaux pour augmenter considérablement leurs ventes dans une ville ou une région. Que nous propose ce supplément ? Cinq pleines pages de publicité (Ville de Grenoble, Crédit Agricole, Volvo...), soit 31% de l’espace du supplément. Sans doute un gage « d’indé-pendance journalistique ».Les publicités sont complétées par deux articles. Un papier présenté comme « une enquête » sur le projet Giant de la presqu’île qui fait la part belle au projet de la municipalité grenobloise en distillant ça et là les points de vues divergents des élus écolos. Une interview people de Mélissa Theuriau, star du petit écran de M6 qui a la particularité d’être originaire de Grenoble. Mais L’Express n’envoie pas ses propres journalistes salariés « enquêter »sur le terrain, il préfère faire appel à la main d’œuvre gratuite. En l’occurrence, des étudiants de l’école d’élevage de journalistes de Grenoble (EDJG) de l’Université Stendhal. Quitte à leur inculquer quelques leçons de journalisme contemporain, L’Express a décidé de confier à ces étudiants la réalisation complète du supplément comme le précise l’ours. On découvre ainsi qu’ils sont quatre étudiants à la rédaction, une étudiante à la photographie (dont pourtant aucune photo n’a été publiée), cinq à la publicité, la promotion des ventes et la trésorerie. Voilà nos dix jeunes journalistes embarqués dans une belle aventure qui confond journalisme, publicité et promotion. Mais ce n’est pas tout. Ils ont créé un blog afin de promouvoir leur travail et surtout L’Express. On y apprend qu’ils ont organisé « un grand concours vendeurs » du journal dans les rues de Grenoble et de préciser : « En participant, ne serait-ce qu’une demi-journée, vous vous garantissez au moins un lot. Plus vous vous mobiliserez et plus vous aurez des chances de gagner !!! Il s’agit en plus d’une expérience de terrain enrichissante et bien encadrée, qui vous permettra de valoriser votre CV ! ». Gagner quoi en plus de quelques lignes inutiles sur un CV ? Une semaine de ski à l’Alpe d’Huez, un abonnement de 6 mois ou 20 abonnements d’un mois au club de sport Athlétic Center, deux bons pour atelier cuisine « tête-à-tête gourmand » ou encore deux repas au Resto-Croc à Comboire...Voilà de futurs journalistes qui ont intégré le fameux 3 P (Partenariat Public-Privé) sans se poser la moindre question. Nul doute que leur esprit critique les mènera autant au journalisme dominant qu’à la « promotion des ventes » de n’importe quel canard.

l’Hybriditude, c’est maintenantLe Postillon s’est fait plagier ! Fin mars, un texte signé « l’équipe du crachat grenoblois » a été diffusé à l’Ins-titut de Géographie Alpine (IGA) et par internet. Voici des extraits : « Dans le Y grenoblois, on n’arrête pas le progrès ! Encore à la traîne dans leur admiration béate du modèle technocratique grenoblois, l’institut de géographie alpine (qui n’a aujourd’hui d’alpin et de géographique que le nom) et l’institut d’urbanisme de grenoble vont réunir fin mars la grand-messe du gratin technologico-politique grenoblois. L’intitulé de ce colloque qui rassemble un nombre impres-sionnant de chercheurs paraît un peu pompeux : ‘‘hybri-dation,  hybridité,  hybriditude’’  pour mieux  tromper  les participants et moins vexer les sensibilités critiques. Mais il met en évidence  l’inféodation des sciences humaines et sociales à  la technologie et au capitalisme internatio-nalisé. En effet, après avoir voulu nous mettre des GPS (Urban Fabrik) dans la tête pour mieux nous contrôler et savoir où nous allons,  les chercheurs de  l’IGA ne  jurent plus que par l’hybridité. Ce concept vide de sens permet néanmoins  d’appréhender  toute  la  dimension  techno-logique des rencontres prévues.  (...) Lors de cet  infâme colloque, qui coûte d’ailleurs plus de 50 000 euros au contribuable (à qui on n’a naturellement pas demandé son avis),  tout sera en effet hybride  (même le café!).  (…) Le mot hybride et ses composés sont répétés pas moins de 92 fois dans le programme ! (...) L’inféodation de la faculté aux pouvoirs  locaux nous paraît des plus déplaisantes. Loin du recul critique, du retrait que réclame la posture d’analyste, l’université se réclame carrément proactive. On n’est plus dans  l’émission de savoir mais dans  l’avalage de gratin dauphinois made in CEA-PS-Destot. Mais cela s’explique mieux quand on sait que la moitié des projets de recherches de la ‘‘cité des territoires’’ sont financés par les collectivités locales. Après cela on comprend mieux le fanatisme pour la technologie et l’amour des universitaires pour les copains de Jean Therme : sans eux plus de sous-sous... Elle est belle  l’université française : à s’accroupir les fesses ouvertes devant nos édiles éclairés à  la puce RFID ». Pour dire vrai, on n’était pas du tout au courant de ce colloque célébrant le concept universitaire à la mode du moment (l’hybridité) et on a donc été bien surpris quand une lectrice nous a fait suivre ce texte. Surpris et, avouons-le, assez flattés que d’autres s’inspirent de nos écrits. Mais cette parodie n’a pas fait rire les organisateurs du colloque international « Hybride, Hybdridation, Hybridité », surtout après qu’une alarme incendie ait été déclenchée pendant une après-midi, obligeant l’évacuation temporaire d’une partie du bâtiment. Pendant la clôture, les organisateurs ont accusé les auteurs du texte, et indirectement notre journal et le groupe Pièces et Main d’Oeuvre qui les aurait inspiré, d’être responsables de cet acte de malveillance, faisant applaudir l’auditoire contre « de telles méthodes ». Comme si les critiques contre le « modèle grenoblois » ne pouvaient provenir que de petits groupes, alors que visiblement – et pour le plus grand malheur de ces respon-sables universitaires – elles proviennent de leurs propres étudiants. Il va falloir qu’il repensent l’efficacité de leur formatage hybride.

destot à la rencontredu bon peupleIl paraît que nous sommes en pleine campagne électorale. Il y a même des signes qui ne trompent pas : c’est la période où l’on revoit des hommes et femmes politiques sur les marchés de l’agglomération, tentant maladroitement de distribuer au quidam les tracts de celui qui pourra leur assurer les meilleurs places. Mais ce noble travail saisonnier n’est pas partagé par tous les cadors des partis qui ont mieux à faire que de côtoyer le bon peuple. Ainsi en est-il du dépité-maire Michel Destot. Lui qui se vantait déjà en 2010 de pouvoir « ramener à Dominique  [NDLR : Strauss-Kahn] bon nombre de patrons du CAC 40 » (Le Point, 01/04/10) passe tout son temps à rencontrer des patrons de presse et des patrons tout court. Jugez plutôt, à la lecture partielle de son agenda du mois de mars :

Mardi 13 mars. 11h00 - Rendez-vous avec Claude Bébéar, président du Conseil de surveillance du groupe AXA12h30 - Déjeuner avec Pierre-Jean Bozo, président du quotidien gratuit 20 Minutes 14h30 - Rendez-vous avec Yvon Gattaz, ex-président du CNPF [NDLR : l’ancêtre du Medef] et fondateur de l’association « jeunesse et entreprises »18h45 - Rendez-vous avec Jean-Marie Danjou, directeur général délégué de la Fédération française des telecomsVendredi 16 mars

12h30 - Déjeuner avec Léopold Strajnic, rédacteur en chef de France Bleu Isère et Didier Vachon, directeur de France Bleu IsèreMardi 20 mars12h30 - Déjeuner avec Antoine Frérot, président directeur général de Veolia Environnement15h00 - Rendez-vous avec Philippe Camus, directeur général délégué du groupe LagardèreMercredi 21 mars 12h30 - Déjeuner avec Jean-Louis Beffa, président d’honneur et administrateur de Saint-Gobain15h00 - Rendez-vous avec Thierry Derez, président directeur général du Groupe Covéa20h30 - Dîner avec Martin Bouygues, président directeur général de Bouygues [NDLR : et patron de TF1]Mercredi 28 mars 11h30 - Rendez-vous avec Michel Pébereau, président du conseil d’administration de BNP Paribas13h00 - Déjeuner avec Renaud Dely, directeur de la rédaction du Nouvel Observateur 14h45 - Rendez-vous avec Laurence Parisot, présidente du MEDEF18h30 - Rendez-vous avec Sylvestre Huet, journaliste à Libération

Si Destot annonce ces rendez-vous sur son blog, il ne les commente jamais par la suite. On ne sait donc rien de ces entretiens. Combien de courbettes Destot a-t-il fait devant les grands patrons ? Qu’a-t-il promis aux patrons de presse en échange de papiers flatteurs (pour lui ou son candidat) ? Ont-ils mangé des truffes ou du foie gras ? Qui a réglé l’addition ?

c/o Les Bas Côtés - 59, rue Nicolas Chorier - 38000 [email protected]

Ont participé à ce numéro, de manière diverse et variée : Pierre Sèche, Pierrette, Nardo, Lutopiquant, Ben Bert, Larabie, Sylvain, Ping, Béléfor, Basile Pévin, Fanlocka, Hélène, Mister Brown, Martin Delapierre, Emile Bazin, Père Castor, Jeanf, Delphine Bérodère, Benji, Vulgum Pecus, Pauline, Geneviève Fioraso, et leurs ami-e-s.

Directeur de la publication : Vincent PeyretN°CPPAP : 0716 G 90968ISSN �119-58�X

A propos de la non-signature des textes : Toutes les personnes qui ont des pro-blèmes psycho-rigides avec ça peuvent nous contacter. Nous proposons des groupes de paroles, des permanences d’écoutes et des thérapies collectives.

Le Postillon est édité et diffusé par l’association Le Postillon.Imprimerie Notre-Dame.Tirage : �000 exemplaires.Photo en couleur : Alhadi, demandeur d’asile soudanais à Grenoble.

Qui sommes-nous ? Après avoir existé entre 1885 et 1886, Le Postillon a ressurgi depuis mai 2009, avec pour unique business plan d’occuper le créneau porteur et néanmoins complètement délaissé de la presse locale critique. Devant l’ampleur de la tâche, nous nous concentrons sur des sujets locaux et parlons presque exclusivement de Grenoble & sa cuvette. Aucune association, organisation ou parti politique n’est parvenu jusqu’ici à nous convaincre de devenir son journal de propagande. Et malgré les nombreuses sollicitations, nous avons refusé toute entrée dans notre capital : nous sommes donc complètement indépendants.

Le Postillon I numéro 15 I avril-mai �01� I 3

le lyon-turin, un proJet daubéCela fait quinze ans que les habitants du Val de Susa se battent contre le projet Lyon-Turin, cette autoroute ferroviaire pharaonique au coût de 24 milliards d’euros. Quinze ans que les médias français, et notamment Le Daubé, ne disent quasiment rien cette lutte importante (énormes manifestations – jusqu’à 80 000 personnes -, blocages, occupations, etc). Dans le même temps le quotidien des Alpes a multiplié les articles élogieux sur le projet, n’indiquant presque jamais qu’il pouvait poser problème.Depuis quelques mois des riverains du trajet, indépendan-tistes savoyards, ou membres du collectif « NoTav Savoie », s’activent en France pour informer et résister au bétonnage programmé de leur territoire. Récemment plusieurs actions ont été réalisées dans l’agglomération grenobloise en soutien à cette lutte. Dans la nuit du 11 au 12 mars deux camions de Spie Batignolles, une entreprise participant aux travaux du Lyon-Turin, ont été brûlés dans ses locaux de Saint-Martin-d’Hères. Le 16 mars, la circulation des trains est perturbée en Rhône-Alpes après le sabotage des caténaires à Saint-Martin-le-Vinoux. Un peu plus tard, les trains stationnant en gare de Grenoble ont été tagués. Cette fois-ci la réaction du Daubé ne se fait pas attendre : le 26 mars, le sujet fait la « une » du quotidien qui titre « Les anti Lyon-Turin frappent en Isère » et nous promet une enquête en pages 2-3. En guise d’enquête Denis Masliah, le correspondant au commissariat du Daubé, se contente d’un récapitulatif des faits (dont Le Daubé avait déjà parlé dans de précédents articles) agrémenté de quelques remarques de la part d’un mystérieux « obser-vateur » ou « interlocuteur bien  informé », c’est-à-dire de la part de ses sources policières. Au passage (sur service commandé par ses sources ?) il en profite pour avertir les activistes : « Si les radicaux anti-Tav venaient à passer, si l’on ose dire, à la vitesse supérieure, ils pourraient avoir affaire aux services de l’antiterrorisme, ni plus ni moins ! ». Un exemple de plus pour montrer que Le Daubé mérite son qualificatif de « porte-parole de  la police ». Car si le quotidien voulait réellement enquêter, il aurait bien mieux à faire que d’appeler les policiers pour les faire parler – anonymement, pour une fois - à propos des opposants. Il pourrait par exemple renseigner ses lecteurs sur les multiples nuisances que créera le chantier (qui a déjà commencé en Maurienne, comme nous l’avions raconté dans Le Postillon n°13). Il pourrait questionner la nécessité d’une telle infrastructure, la ligne existante de train étant sous-utilisée. Il pourrait enfin interroger les Verts sur leurs contradictions : pourquoi soutiennent-ils ce projet (en tout cas en Savoie et au niveau national), alors qu’il est tout sauf écologique ?

le conseil général, sponsor officiel du cea, de st micro et de scHneiderComment subventionner des entreprises privées sans en avoir l’air ? En parlant d’innovation, pardi ! Le dernier numéro d’Isère Magazine (mars 2012) nous apprend ainsi que le conseil général va lancer une expérimentation de voiture en libre-service, au doux nom de « Lisa », censée transposer à l’automobile le modèle des « Vélib » parisiens. Pour ce faire, il a besoin d’un « système embarqué d’identification du conducteur, de tarification du trajet et de calculs statis-tiques ». Un « boîtier intelligent » qui sera développé par un « consortium  comprenant  STMicroélectronics,  Schneider Electric et le CEA » qui recevront pour le coup 130 000 euros de subventions dont 90 000 du conseil général. Les parents ayant subi la récente suppression de la gratuité des transports scolaires seront ravis d’apprendre que l’argent économisé sert à financer la fuite en avant technologique et les grandes entreprises de la région.

la guerre aux terrassesDepuis quelques mois, plusieurs gérants sympathiques de petits bars (dont nous tairons le nom pour ne pas être accusés de publicité cachée) se sont plaints à nos services d’inter-ventions intempestives de personnes en uniforme. Selon leurs dires, ces assermentés auraient poussé l’outrecuidance jusqu’à reprocher agressivement, en dehors de toutes bonnes manières, aux tenanciers de mettre des tables et des chaises sur la voie publique en dehors des limites autorisées – le dépassement se jouant quelquefois à quelques dizaines de centimètres près. Et le pire, c’est que ces remontrances ont abouti à chaque fois sur une amende plutôt salée (135 euros) pour ces petites enseignes (nous ne vous parlons pas ici des grands bars du centre-ville).Après une enquête de notre service d’investigation, il semblerait en fait que les gentils petits commerçants aient été victimes d’une bande de policiers municipaux, particuliè-rement déchaînés depuis que leur gourou Michel Destot les a autorisé à sortir jusqu’à minuit le soir. Seraient-ils si oisifs et désoeuvrés au point d’être obligés d’occuper leurs soirées à racketter les barmans ? Cette agressivité alarmante semble être en tous cas lucrative : selon Le Daubé (17/01/2012), 516 interventions de l’équipe de nuit de la police municipale en 2011 ont concerné les dépassements de terrasses, ce qui – à raison de 135 euros l’amende -, représente un butin de 70 000 euros pour la municipalité.

la dernière commune de l’agglomération sans camérasAlors que de Sassenage à Gières, en passant par Saint-Martin-le-Vinoux et même Mont-Saint-Martin (90 habitants !), toutes les communes de l’agglomération cèdent au lobby sécuritaire et s’équipent de caméras de vidéosurveillance, il semble que la municipalité de Saint-Martin-d’Hères soit une des dernières, voire la dernière commune de l’agglomération à ne pas vouloir installer de caméras. Comme les maires socialistes ou communistes parlent souvent des « pressions de la préfecture » pour justifier le déploiement de la vidéosur-veillance, on a demandé au premier adjoint martinérois David Queiros si ce n’était pas difficile « de résister à ces pressions ». Réponse : « Parler de pression c’est un peu exagéré.  Il y a une forte incitation mais les élus locaux restent maîtres de ce qu’ils veulent sur leur territoire ». Message transmis aux élus des autres communes.

meylan : l’école primaire sur ipadCahier de textes numérique, ordinateur dès la maternelle et tablettes tactiles dans les classes, « tableau numérique interactif », livret de compétences numérique pour les élèves, classes virtuelles, ce sont les réjouissances que propose le plan national « réussir l’école numérique ». Le but est de mettre tous les élèves devant un ordinateur. Comme l’écrit Florent Gouget dans son livre : « Après 30 ans de réformes pédagogiques,  [...]  bientôt  les élèves  seront capables de trouver les réponses à un QCM sur Internet » (1).C’est maintenant et ça se passe ici : plus précisément à Meylan au groupe scolaire Maupertuis, école pilote pour la mise en place de ce plan. La mairie de Meylan vient donc d’acheter une valise remplie de 15 tablettes nuériques IPAD2 de Apple pour les donner aux élèves. Le futur parent d’élève du Postillon a voulu en savoir plus et est allé à la rencontre des personnes concernées. Le personnel enseignant n’a malheureusement pas souhaité répondre à ses questions. La plupart des parents, qui ont appris la nouvelle quand on leur a demandé l’autorisation que leur enfants soient filmés pour un film sur le site de la ville de Meylan, ne sont pas contre. Certains se posent la question quand même de l’intérêt des tablettes mais reconnaissent que les trois-quart des métiers font appel à l’informatique. D’après eux les enfants se fatiguent moins puisque tout va plus vite et qu’ils n’ont pas à rechercher dans le dictionnaire.A la mairie, on lui a expliqué que ce groupe scolaire avait été choisi car il n’avait pas de projet cette année et donc l’inspecteur d’académie a jugé que ce serait bien d’y mettre des tablettes. Le coût de l’installation des 15 tablettes IPAD2 connectées à internet en wifi – rien que pour aller voir des choses bien comme les sites de 20minutes et du Monde - a été de 15000 euros. Si elles seront utilisées par des enfants de 3 à 10 ans, c’est « pas plus de 2h par jour, rassurez vous ».D’après Catherine Allemand-Damon, adjointe à l’éducation, « Ces machines s’inscrivent dans la réussite éducative car le XXIe siècle  c’est celui de l’innovation et cela propulsera l’école dans l’ère du numérique. Les tablettes luttent contre l’échec scolaire, ça permet que l’élève se re-concentre et se remotive, car la jeune génération ne se concentre plus ». A la question de savoir si la cause ne serait pas l’éducation de cette génération par l’ordinateur, l’élue répond « non c’est générationnel ». Pour elle, il ne fait aucun doute que ce test sera concluant. En attendant la surpression des professeurs, tous les enfants de la cuvette auront donc bientôt la joie d’apprendre l’ortho-graphe et le calcul par ordinateur car comme le dit la maire Marie-Christine Tardy (Le Daubé, 16/03/2012) : « La ville de Meylan a toujours eu un temps d’avance ».

1 - Ecole, la servitude au programme, La lenteur 2011

afficHage sauvage : mais Que fait la mairie ? « On ne peut afficher ou coller n’importe comment, sur du mobilier urbain, des poteaux et des palissades de chantier ». Pascal Garcia, conseiller municipal à la propreté urbaine de Grenoble.

� I Le Postillon I numéro 15 I avril-mai �01�

« On va bientôt déménager. Cela fait plusieurs années que tous les six mois on nous dit qu’on va devoir partir. Bon aujourd’hui je crois que ça se rapproche et on devrait dégager d’ici  la fin de l’année ». Bienvenue dans les locaux du « 2 CV Club Délire », une association qui occupe pour l’instant, mais plus pour longtemps, une halle de l’ancienne usine Neyrpic à Saint-Martin-d’Hères. Ici des milliers d’ouvriers ont pointé entre 1899 et 1967 pour fabriquer divers composants de l’industrie électrique et hydraulique. L’endroit a le charme des vieilles friches – grand espace, omniprésence visuelle du passé ouvrier, originalité d’un tel lieu à moitié abandonné en pleine ville. Ici et là, des 2 CV et autres « voitures de légendes » sont entreposées en attente d’être réparées par les membres passionnés de cette association. Ils prennent un peu de temps pour me parler : « Nous on est content d’avoir été logé ici par la ville pendant 10 ans. Ça arrangeait tout le monde parce que pour nous c’était gratuit, le loyer, l’eau et l’électricité – mais on n’a pas de subvention – et eux ça les arrangeait car on garde le bâtiment contre le vol et  le squat. C’est un super espace, qui n’est toujours pas détruit contrairement aux bâtiments d’à côté car ce qui nous protège c’est la charpente Eiffel : elle est classée et ne devrait pas être détruite. C’est une très belle et vieille charpente. Alors forcément on est déçu de partir surtout qu’on n’a pas d’autre endroit où aller ». Cette charpente Eiffel est en effet remarquable mais elle va finalement être détruite, selon la mairie. Hormis une façade – celle qui donne sur la mairie – tout ce qui reste de ces anciennes usines sera rasé prochainement, y compris le camp de Roms, installé au milieu des bâtiments délaissés. Cette friche doit laisser la place à :« - 9 moyennes surfaces, 86 boutiques ; - environ 15 restaurants ;- des espaces de loisirs (salle d’escalade espace vertical, cinéma de 3 ou 4 salles, librairie...) » (1).

En clair, cela s’appelle une galerie commerciale, en novlangue on dit un « pôle de vie ». Neyrpic a été racheté par Alstom, qui n’a pas voulu que la dénomination Neyrpic serve pour cet espace. Alors ce « projet urbain d’une ampleur exceptionnelle » a été baptisé d’un nom mignon tout plein : « Les Ateliers ». Ses promoteurs vantent à longueur de documents de propagande « le  shopping  autrement,  pour  toutes  les  envies… » sur « 42 000 m2 dédiés à la mode, au bien-être de la personne, à la décoration et aux loisirs ». Bref, un projet génial que les

protecteurs de la nature peuvent applaudir car « le projet se veut tout d’abord exemplaire en matière de développement durable (norme RT2012, certifications HQE et BREAM) ». Même les nostalgiques du monde ouvrier peuvent être rassurés car les bâtiments seront reconstruits « en réinterprétant  les codes architecturaux des halles industrielles (volumétrie des constructions, toitures sheds, matériaux...) ».

Bizarrement, il y en a quelques-uns qui râlent un peu. Certains membres du « 2 CV Club Délire » trouvent que « c’est dommage car il n’y en a que pour les commerces. Ils auraient pu faire ici par exemple des locaux pour les associations. Pour l’instant il n’y en a pas trop sur la commune ou alors ils sont tous éparpillés. Là on aurait pu tout regrouper et ainsi faciliter l’entraide entre les associations. Alors que les commerces disons qu’il y en a déjà pas mal dans le coin et qu’on n’en a pas vraiment besoin ».Effectivement, des commerces « il y en a déjà pas mal dans le coin ». L’avenue Gabriel Péri qui desservira « Les Ateliers » en est remplie jusqu’à ras bord. En remontant cette voie qui rappelle le mythe de certaines grandes avenues américaines bordées de publicité, on peut croiser entre autres les enseignes de la Maison de la literie, Euromaster, Bosch, Atlantic OAK, Feu Vert, Géant Casino, Banque Rhône-Alpes, Opel, Volkswagen, Mc Donald’s, Toyota, Planetalis, Selfcar, Affairs $, Castorama, KFC Drive, Intersport, Kiaby, Gemo, HorizOn, Darty, Michellin, Cuisinella, Dia, La Halle aux Chaussures, L’Entrepot du Bricolage, Lapeyre, Espace Montagne, La Halle !, etc. Un endroit charmant où l’on peut manger sur des terrasse-parkings en matant la bagnole de ses rêves, avant d’atteindre le bout de l’avenue et de tomber sur le géant de l’ameublement et de l’espionnage des salariés : Ikea (2).

Contrairement à ce que pourrait laisser croire l’énumération de ces multinationales, la municipalité qui les accueille sur son territoire est communiste. Saint-Martin-d’Hères est un bastion rouge depuis 1945 et les dernières municipales n’ont pas menacé le parti : avec seulement 9 143 votants sur près de 17 000 inscrits et 35 000 habitants, la liste conduite par le maire

« Elle habite quelque part, dans une banlieue rouge, mais elle vit nulle part, y’a jamais rien qui bouge ». Depuis l’écriture de cette chanson en 1981, les temps ont changé. Non seulement la société a eu Renaud, qui a noyé sa plume dans l’alcool et la dépression ; mais surtout, dans les banlieues rouges « y’a » plein de choses qui bougent. En matière de banlieue rouge, l’agglomération grenobloise est plutôt bien lotie avec trois communes dirigées par le parti communiste totalisant près de 100 000 habitants. Loin de l’immobilisme, ces communes sont en plein chambardement, à coups de projets urbains plus ou moins démesurés. Le plus emblématique d’entre eux est certainement le projet de la mairie de Saint-Martin-d’Hères d’une méga-galerie commerciale - d’une taille comparable à celle de Grand’Place - à la place des anciennes usines Neyrpic. Au niveau national, le parti communiste revient sur le devant de la scène médiatique, porté par la vague Mélenchon pour qui « le torrent révolutionnaire est sorti de son lit ». Au niveau local, les pouvoirs communistes promeuvent des galeries commerciales. Frappé par ce paradoxe, notre reporter a voulu en savoir plus et est parti à la rencontre des promoteurs, des opposants et des voisins de ce futur gigantesque espace marchand.

les soviets, plus les

magasins

le communisme est-il soluble dans les galeries commerciales ?

azb

1 - Toutes les citations non référencées proviennent du site de la mairie de Saint-Martin-d’Hères, du site du promoteur Apsys ou du compte-rendu de l’enquête publique, consultable à la mairie.2 - Depuis début mars, de nombreuses révélations, notamment du Canard Enchaîné, ont démontré que la société Ikéa a payé des cabinets privés pour espionner ses salariés dans toute la France.

Photo : ouvriers de Neyrpic en 1960.

Le Postillon I numéro 15 I avril-mai �01� I 5

polémiQue

PCF René Proby, réunissant des membres du Parti socialiste et du Parti de gauche, a recueilli 58 % des suffrages, ne laissant que 12 % à l’UMP, 14 % au Modem et 15 % aux Verts.

Europe-Ecologie-Les-Verts est d’ailleurs la seule force politique locale qui s’oppose au projet des Ateliers, la droite et le centre ne s’exprimant jamais publiquement sur ce dossier. Pour un des conseillers municipaux Verts Georges Oudjaoudi,  « ce  dossier  est une vérole totale.  (...) Nous pensons que ce sera  une  catastrophe  économique  ou  une catastrophe écologique. Soit ce qui est marqué dans la promotion commerciale sera vrai, et on aura sur ce site une catastrophe écologique : grand site minéralisé, brumisateurs pour lutter contre la chaleur, 800 places de parking mais 35 000 personnes qui circulent là-dedans. Ils attendent 7,5 millions de visiteurs dans l’année. Donc en moyenne le régime bas c’est 15 000 personnes par jour, le régime haut c’est 45 000. Ce sera le bordel complet avec des voitures partout. En plus le parking gratuit contredira toute la politique de Grenoble qui veut éjecter les voitures de la ville. Soit ce qui est dit est faux ou s’avèrera nul à cause de  la crise ou à  cause  du  fait  qu’il  y  a  suffisamment  de commerces à Grenoble. Donc on aura une catastrophe économique car les commerces qui s’installeront vont se planter ».

Il faut dire que les Verts s’y connaissent en matière de galerie commerciale car leurs homologues grenoblois – et notamment Pierre Kermen, alors adjoint à l’urbanisme - ont été parmi les promoteurs de la Caserne de Bonne, la galerie commerciale où, en un an et demi d’existence, sept commerces ont déjà fermés. À la question de savoir si leur opposition à Saint-Martin-d’Hères n’est qu’opportunisme – vu que pour ce projet ils ne sont pas au pouvoir - , Oudjaoudi admet que sur Grenoble « ça a été une erreur de mettre cette zone commerciale  qui  n’arrive  pas  à démarrer. La galerie commerciale de Bonne, ça  fait partie de ces trucs chez les Verts où on avale un peu le compromis car on avait accepté cette galerie en échange de logements sociaux ». Si les Verts martinérois s’activent depuis plusieurs années contre le projet des Ateliers-Neyrpic à coups de tracts et de pétitions, ils ont bien du mal à mobiliser la population. « Régulièrement on va tracter devant les écoles, et très souvent les gens ne sont pas du tout ou très peu au courant du projet...ou alors naturellement ils sont pour les commerces. On leur dit ‘‘ça va être un Grand Place 2’’, et ils disent ‘‘ah c’est bien’’. C’est vraiment difficile de convaincre les gens, qu’ils aient un avis critique là-dessus. »

Il est vrai que le sujet ne passionne pas les foules. Lors de l’enquête publique de janvier 2012, seulement vingt-quatre observations et trente-cinq courriers ou pétitions ont été remis au commissaire enquêteur, ce qui ne fait pas lourd pour une ville de trente-sept mille habitants. Aux abords de la future galerie ou sur le petit marché de la place de la République, la plupart des personnes rencontrées ne connaissent qu’à peine le projet et balancent entre l’indifférence (« on verra bien »), l’enthousiasme (« ça me fera moins loin que Grand’Place pour faire mes courses ») et le fatalisme (« on peut rien contre ça, c’est  l’évolution, de toute façon c’est dingue comment ça construit ici, tous les espaces vides ou les anciens champs sont urbanisés »). Les petits commerçants de l’avenue Ambroise Croizat, plus concernés, sont partagés. La tenancière du PMU constate que « les gens râlent beaucoup parce que ça va faire plein de commerces. Mais moi je pense que c’est bien parce que toute nouveauté attire du monde, qui profite à tous les commerces ». 

Sylvie est moins optimiste. Elle tient le bar d’en face, le Clos des Marroniers, un « lieu historique », « ancien relais de poste » et bar-resto depuis au moins soixante ans : « Avec un peu de chance on sera assez solide pour passer  l’averse. Parce qu’à chaque nouveauté les gens vont voir, c’est obligé, mais après souvent ils reviennent. C’est ce qu’on espère. Ils disent que ça va nous amener du monde mais les gens que ça va amener ne vont jamais venir ici. Ils disaient pareil pour Ikea mais 

il n’y a jamais eu de clients d’Ikea qui sont venus ici : il y a une cafeteria là-bas. Et même quand t’es adhérent là-bas,  le  café  est  gratuit alors j’ai des clients qui vont là-bas  juste  pour  boire  le café, même s’ils n’achètent rien.  Pour  les  anciennes usines,  il  faut bien en faire quelque chose mais bon il y avait peut-être mieux à faire qu’une galerie commerciale. 

(…) On n’a pas du tout été consulté, ils s’en foutent de notre avis. De toute façon ils ont décidé de faire ça et  ils  le feront. Il y a eu des pétitions, on les a signées mais ça ne changera rien, ça ne change jamais rien. Ils s’en foutent si les petits commerces meurent. Alors que nous on se bat pour garder notre identité,  pour  que  cela  soit  un  lieu unique, pour que ça ne ressemble pas à tous les autres. »

Le sujet divise aussi l e s a u t o r i t é s compétentes à donner des « avis » - ceux

qu’on écoute plus que les simples habitants. Si la commission de sécurité publique et la commission nationale d’aménagement commercial ont rendu des avis favorables, l’autorité environnementale, dépendante du préfet de la région Rhône-Alpes, a émis un avis négatif en avril 2011, à la fois car le projet « présente de nombreuses insuffisances en matière de prévision de trafics, de gestion des stationnements ainsi qu’en matière de prise  en  compte  des  problématiques  de pollution des sols et de risques naturels ». Mais aussi car la future galerie commerciale est jugée « incompatible avec  le Schéma directeur de  l’agglomération grenobloise » car ce dernier préconisait « un maintien des grandes  surfaces  à  leur  niveau  actuel  et un renforcement,  ‘‘notamment sur  le plan qualitatif’’ des pôles urbains ». Ces critiques techniques n’ont pas empêché le projet de se développer : les promoteurs immobiliers ne manquent jamais de ficelles pour contourner les avis négatifs. D’autant que le commissaire-enquêteur a visiblement été séduit par le projet et a bien pris soin dans le rendu de l’enquête publique de contrecarrer ou minimiser toutes les critiques émises par l’autorité environnementale ou par les habitants. Il émet juste quelques réserves et recommandations, notamment sur l’état des sols - qui fait relativiser la beauté de l’héritage industriel : « Une partie des sols 

du site des halles Neyrpic est polluée par des métaux lourds, des hydrocarbures, des PCB, des HAP, des COV, des COHU et des phénols. Ces substances ont été retrouvées dans le sol, les gaz du sol, ou les eaux souterraines et rendent localement l’état actuel des sols incompatible avec l’usage futur du site. Ainsi d’importants travaux de dépollution seront nécessaires préalablement à  l’aménagement du site. L’enlèvement des terres polluées à excaver implique plusieurs milliers de mètres cube (de l’ordre de 11 000) ».

Sur les critiques plus politiques émanant d’habitants, comme celles d’Andrée et Roger (« Stupéfaction de cette abondance de commerces... provocation vis-à-vis de la population ouvrière de Saint-Martin-d’Hères...  n’a-t-on pas d’autres choses à proposer aux  jeunes qu’une société de consommation ? »), le commissaire enquêteur reprend l’argumentaire de la mairie : « (…) Ces espaces doivent donc être perçus comme un équipement public s’inscrivant dans une dynamique de 

Le nouveau centre commercial sera desservi par l’avenue Gabriel Péri, déjà saturée de commerces.

Les usines de Neyrpic en friche en 2012.

Au temps du christianisme triomphant, les églises et leurs places structuraient les villages. De nos jours, sous le règne du capitalisme, il est logique que les magasins et leurs parvis organisent 

la vie de la cité.(Suite en page 6)

6 I Le Postillon I numéro 15 I avril-mai �01�

renforcement du lien social. C’est pourquoi depuis la création de  la ZAC,  le  secteur des halles,  aujourd’hui  appelé  ‘‘Les Ateliers’’, a été dénommé ‘’pôle de vie’’ ».

Une galerie commerciale comme centre-ville et comme centre de la vie, quoi de plus normal ? Au temps du christianisme triomphant, les églises et leurs places structuraient les villages. De nos jours, sous le règne du capitalisme, il est logique que les magasins et leurs parvis organisent la vie de la cité.Ce qui est plus surprenant, pour l’observateur naïf que je suis, c’est que cet idéal soit porté par une mairie communiste. Il y a 160 ans Marx posait les bases de sa théorie en critiquant le « fétichisme de  la marchandise » et en déplorant le fait que l’échange marchand masque les rapports sociaux entre les individus. Aujourd’hui, le parti ne s’aventure plus dans des considérations philosophiques de cette hauteur. Mais à l’occasion de la campagne présidentielle, le Front de gauche

- dont il fait partie - prend position « pour  l’émancipation humaine », « pour une planification écologique », « pour  le partage des richesses », etc. En quoi une galerie commerciale a-t-elle à voir avec ces idéaux ? Interloqué et curieux, j’ai voulu poser la question à des membres locaux du Front de gauche. Un conseiller municipal du Parti de gauche n’a pas voulu me recevoir, m’expliquant que lui et ses collègues étaient débordés par la campagne présidentielle et qu’ils n’avaient donc pas de temps à consacrer à ce sujet secondaire. Stéphane, par contre, a accepté de discuter avec moi. Il est militant à la Jeunesse communiste de Saint-Martin-d’Hères, la plus grosse section du département, qui se présente comme « un groupe de jeunes qui croit en ses idées et en un monde meilleur » comme l’indique son site internet. Il m’a donné son « point de vue personnel » bien qu’il ne « maîtrise pas le sujet » : « Je sais pas si t’as remarqué mais on vit dans le système capitaliste. Il y a une réalité nationale, Saint-Martin-d’Hères ne peut pas aller à l’encontre, donc oui c’est capitaliste, c’est le règne de la marchandise, mais c’est un moindre mal. Les entreprises qui vont s’installer  ici sont capitalistes, mais  il y a d’autres choses dans  le projet  :  il y aura une bibliothèque, un cinéma, la clinique sera étendue, ce n’est pas que pour le commerce. Et puis c’est mille emplois, bordel, on peut pas cracher dessus, car on est dans une ville où beaucoup de personnes sont au chômage. »

J’ai ensuite pris rendez-vous avec David Queiros, qui est au maire René Proby ce que Jérôme Safar est à Michel Destot : un premier adjoint consciencieux, un défenseur zélé, et donc un probable successeur.«  - Le communisme aujourd’hui est-il  soluble  dans  les  galeries commerciales ?

-  Je  ne  comprends  pas  la question.

- C’est surprenant qu’une mairie communiste réputée très à gauche défende un projet de ce type qui fait très ‘‘capitaliste’’ ?

-  Le capitalisme c’est  surtout  la finance, la finance internationale. Après  je  dirais  que  les  besoins de la population sont aussi d’aller s’acheter des produits de première nécessité,  des vêtements... On développe une politique où on met l’accent sur beaucoup de politiques publiques : l’aide aux associations, aux plus modestes, les mixités... On a un projet qui s’articule bien dans l’aménagement de la ville : c’est surtout ça qu’on veut mettre en avant ».

Des  « produits  de  première  nécessité » ? Ce n’est pas vraiment le créneau de la future galerie commerciale dont « la programmation sera centrée selon quatre thématiques : loisirs, montagnes, technologie, restauration » selon le commissaire-enquêteur pour qui « l’offre commerciale (…) relève de ‘‘l’achat plaisir’’ » alors que le promoteur Apsys insiste beaucoup sur le côté « mode/tendance ». D’ailleurs, pour rassurer les petits commerçants, la mairie elle-même répète que « les commerces implantés dans Les Ateliers ne sont pas positionnés sur  le même créneau de produits et de clientèle que les commerces de proximité voisins ». On n’en saura pas plus car pour l’instant, seulement quatre enseignes sont annoncées : chocolat De Neuville, Espace Montagne, Acuitis (optique / solaire / audition), Ayako Sushi.Il y a par contre bien un cinéma de cinq salles prévu dans les documents de présentation du projet. Si sa présence n’est pas encore confirmée par la mairie, et qu’aucun nom d’exploitant n’est annoncé, il inquiète déjà certains salariés de Mon Ciné, la salle municipale art et essai. Un multiplex à moins de 500 mètres de cette véritable « institution » martinéroise signifierait sûrement la fin de ce lieu atypique.Quant à la clinique Belledonne, située juste à côté de la future galerie commerciale, elle sera effectivement agrandie

à l’occasion de ce réaménagement urbain, pour le plus grand bonheur de ses propriétaires... privés. Cela mérite bien une question à David Queiros :« - Cela ne vous dérange pas de favoriser une clinique privée alors que vous défendez le service public ?

- On défend le service public mais il y a des décisions qui ne sont pas de notre ressort. Avec la clinique Belledonne les habitants peuvent aller faire des radios quand ils le souhaitent à côté de chez eux. L’offre existe et même si elle est effectivement privée on préfère qu’elle existe au plus près des habitants plutôt qu’elle soit reportée ailleurs. C’est en ce sens que nous avons souhaité conforter ces activités-là, qui existent sur ce site. »

À écouter le communiste David Queiros, le capitalisme se cantonnerait à la « finance internationale » et n’aurait rien à voir avec un centre commercial, les modes de production qu’il implique et les rapports sociaux d’exploitation qui l’accompagnent. Loin des centres boursiers, la future galerie commerciale « Les Ateliers » serait donc faite uniquement pour le bien être des habitants. Consommateurs de tous les pays, unissez-vous !

Il y a pourtant des enjeux d’une autre importance. Pour la municipalité, « ce  projet inscrit durablement ce territoire au  cœur  de  la  polarité  Est en  cours  de  développement, permettant ainsi à Saint-Martin-d’Hères  de  jouer  un  rôle moteur  dans  la  structuration de  l’agglomération ». En clair, Saint-Martin-d’Hères veut rentrer dans la course avec les autres communes de l’agglomération et tenter d’attirer plus de « visiteurs », de

« clients », en profitant au passage pour s’attirer les faveurs de la communication et augmenter son référencement Google. Et ça marche : avant même que le chantier n’ait commencé, la commune fait parler d’elle jusque dans les salons chics de la capitale : « À l’invitation d’Apsys, plus de 60 enseignes se sont retrouvées les 6 et 7 avril 2011, dans le cadre prestigieux du pavillon Elysée Le Nôtre à Paris pour le lancement officiel de la commercialisation de ce très beau projet. »

La guerre économique et la compétition entre les territoires – à l’intérieur même de l’agglomération : voilà donc les réelles motivations d’un aménagement démesuré pour les seuls martinérois. Le maire René Proby se vante ainsi dans Saint-Martin-d’Hères mensuel d’octobre 2010 que le projet « représente l’avant-garde du développement économique de 

la région urbaine grenobloise ».

Mais il y a aussi des enjeux d’ordre plus symbolique. Pour l’élu Vert Oudjaoudi, « ce projet a toujours été vu par l’équipe municipale  comme  étant  d’abord  un renforcement de l’idée d’un Saint-Martin-d’Hères qui sortirait de son paupérisme, car  tout  le  monde  a  l’idée  que  cette commune c’est d’abord des logements sociaux  et  des  quartiers  un  peu pauvres ». Ce constat d’une commune historiquement assez « pauvre » est une réalité, et même le nom de la commune le rappelle – Hères venant probablement de hère (le pauvre) ou de hèra (le marécage), ce qui n’est guère plus vendeur. Mais pourquoi mettre tant d’énergie à vouloir effacer cette image ? Une image modeste serait-elle honteuse pour la municipalité PCF ? Pourquoi

vouloir cacher le passé et la réalité derrière une vitrine ? En quoi la présence d’une galerie commerciale avec des magasins « Mode/tendance » et une « zone de chalandise de 515 000 personnes » améliorera-t-elle le quotidien des martinérois ?

Changement d’époque. Le précédent maire de Saint-Martin-d’Hères, Jo Blanchon, était un ancien ouvrier de chez Neyrpic. L’actuel premier magistrat René Proby est médecin. À travers le projet des Ateliers, la municipalité de Saint-Martin-d’Hères désire-t-elle définitivement « tuer le père », c’est-à-dire tourner la page avec son passé ouvrier ? Matériellement, en détruisant les dernières halles industrielles de la commune, mais aussi symboliquement en changeant l’image de la commune, en attirant des personnes aisées et en essayant de la rendre clinquante et scintillante ?

À l’époque de la construction du centre commercial de Grand’Place, dans les années 1970, la municipalité grenobloise d’Hubert Dubedout (regroupant des socialistes et des non-affiliés) avait fait peindre une fresque, aujourd’hui disparue, illustrant les dérives de la société de consommation - fresque assez pathétique devant ce temple de la consommation mais indiquant quand même un doute, une réflexion, une réserve autour de cette nouvelle civilisation en expansion. Aujourd’hui une mairie communiste développe une galerie commerciale sans aucun signe de remise en cause de cette société de consommation. Cette dernière a-t-elle définitivement gagné ?

À  écouter  le  communiste  David Queiros, le capitalisme se cantonnerait à  la  « finance  internationale »  et n’aurait   rien à voir avec un centre commercial, les modes de production qu’il implique et les rapports sociaux de domination qui l’accompagnent.

(Suite de la page 5)

Photo : Ouvriers de Neyrpic dans les années 1890.

Le Postillon I numéro 15 I avril-mai �01� I 7

Vendredi 9 mars, 18h, à l’Espace de Vie Etudiante (Eve), une foule dense fait la queue pour pouvoir rentrer dans la grande salle. Les adhérents d’ Éponyme, l’association

qui gère Eve, sont appelés au vote pour élire cinq bénévoles au conseil d’administration. D’ordinaire, cette élection est une simple routine, calme et paisible, mais aujourd’hui les enjeux sont politiques et la tension est grande. Plus de 200 personnes sont présentes et environ 70 d’entre elles possédent une procuration pour voter à la place de quelqu’un d’autre. Pourquoi un tel engouement ? Parce qu’aujourd’hui deux camps s’affrontent : d’un côté l’Unef (et ses inféodés), et en face « les autres », simples adhérents de l’association Éponyme et/ou membres des dizaines d’associations adhérentes et partenaires de Eve depuis 8 ans.Depuis le début du projet en 2003, les activités (bar, événements ou accueil d’associations) au sein d’Eve sont gérées par l’association étudiante Éponyme. Mais depuis sa naissance, l’association est pilotée par le syndicat Union Nationale des Etudiants de France (Unef). Les conseils d’administration, composés majoritairement de membres de l’Unef, ont donc toujours bien pris soin de ne pas donner de pouvoirs à l’assemblée générale et d’élire des présidents estampillés « Unef ».

Depuis 2011, la gestion étudiante d’Eve est remise en cause par les présidents des universités de Grenoble, ce qui a entraîné un vaste mouvement de contestation (voir encart). Cette crise a à la fois soudé les utilisateurs pour la défense du bâtiment et ravivé les tensions entre l’Unef et les associatifs. Cette assemblée générale du 9 mars est donc un enjeu majeur pour le futur du bâtiment et pour l’Unef. Car LE syndicat étudiant - comme ils aiment s’auto-définir - est aujourd’hui en mauvaise santé. Si par un glorieux passé, ses membres ont régné sur le campus avant de briller au sein de nos institutions (comme Hélène Vincent ou Laure Masson, devenues depuis réspectivement adjointes à la jeunesse et à la démocratie participative à la mairie de Grenoble), aujourd’hui la section grenobloise gigote

à peine. Le syndicat est discrédité par la cogestion incessante de la direction parisienne avec les gouvernants (ou par diverses affaires peu glorieuses à Grenoble (1)) et pris en étau d’un côté par les syndicats FSE (Fédération Syndicale Etudiante) et CNT (Confédération Nationale du Travail) et de l’autre par les corporations étudiantes. Si la machine à faire des cartes d’adhérents marche encore grâce à des techniques de marketing rodées, les militants sont de moins en moins nombreux suite à une vague de démissions.

Le bureau national tente de réanimer la bête, envoyant tout d’abord une « suivie » - comme on dit dans le jargon - en la personne de Sandra Carvalho (chargée de communication au bureau national de l’Unef, étudiante en Master 2 de communication à Bordeaux), et mettant récemment la section sous tutelle de sa voisine lyonnaise. Pour eux, le moindre espace de pouvoir doit être durement sauvegardé et leur contrôle sur l’espace Eve leur permet d’avoir une bonne visibilité et d’être indispensables à la vie étudiante grenobloise. Dès février lors de l’élection des membres « associations » (au nombre de 5) du Conseil d’Administration. d’Éponyme, les syndicalistes font adhérer, pour peser un peu plus dans le vote, des structures proches de l’Unef telles que Coopérative Etudiante de Grenoble, la mutuelle étudiante LMDE, le Mouvement des Jeunes Socialistes, l’Unel (LE syndicat lycéen) ou l’Association des Etudiants Vietnamiens. Cette fois, ça marche : bureaucratie hégémoniste : 1 – associatifs

indépendants : 0.

Mais pour cette assemblée générale du 9 mars, les choses s’annoncent plus compliquées car des adhérents non-encartés ont lancé une rébellion sous le titre « Sauvons Éponyme », en proposant des motions à l’ordre du jour et en présentant pour les élections des membres « associatifs », non encartés à l’Unef. Leur objectif plus ou moins avoué est de casser l’hégémonie du « syndicat ».Pour rester majoritaire, les membres locaux de l’Unef utilisent la fameuse méthode Carignon (voir Le Postillon n°9) en faisant adhérer un maximum n’ayant rien à voir avec la structure. Ils organisent donc la venue de nombreux « amis » militants Unef de toute la France ; la présidente Unef Grenoble (Katia Bacher) ayant assez d’audace pour faire des cartes d’adhérents à Éponyme à la chaîne pour ses petits camarades qui viendront remplir les urnes. Car ici on noyaute et on assume. En face les « associatifs » ont été obligés de réagir : après avoir diffusé un texte de ralliement signé par 90 personnes, ils ont incité des utilisateurs

du bâtiment à adhérer à l’association et à venir à l’assemblée générale, afin de contrer la tentative de putsch.Face à cet afflux, l’Unef tente une magouille : suite à des vérifications zélées à l’entrée, l’assemblée générale commence avec plus de deux heures de retard, ce qui arrange bien le syndicat qui compte sur le découragement des simples étudiants pour pouvoir faire le vote en majorité. Le fier militant unéfien, a, quant à lui, toute la nuit pour voter. Il faut dire que l’Unef nous offre ce soir-là un magnifique panorama des villes françaises avec la venue de militants lyonnais, stéphanois et parisiens ou encore bordelais, et nous fait l’honneur de présenter une partie des élites nationales : en guest star on peut donc reconnaître Sandra Carvalho (voir plus haut), Benoît Soulier (responsable national de la communication et étudiant en Master 1 Infocom à Lyon 2) et Nicolas Merigot (membre du burau national et étudiant à Evry). Que des têtes qui dans le coin ne sont connues ni d’Eve, ni d’Adam. En plus de ses dévoués, l’Unef a fait appel à ses fidèles alliés, à savoir les Jeunes socialistes, dont les membres isérois sont présents en nombre. Tous ces clones voteront comme un seul homme, ou plutôt deux, car chacun est muni d’une procuration...

Mais cela ne suffit pas : proposées par la mouvance « associative », deux motions (et une troisième proposée en réaction par l’Unef) sont placées à l’ordre du jour, au grand dam de l’ancienne présidente Unef et actuelle du CA d’Éponyme Hayat Loulki qui dirige la séance avec autorité. Les trois motions sont votées, les deux premières portant sur la convocation d’une assemblée générale extraordinaire souveraine dont le but est notamment de modifier les statuts de l’association, ainsi que de refuser de signer une nouvelle DSP (délégation de service public, qui permet pour l’instant à Éponyme de gérer le bâtiment) si elle n’est pas en gestion étudiante et associative.

Premier échec pour les bureaucrates qui tenteront quand même de se battre jusqu’au bout. Mais malgré de magnifiques discours lyriques plein d’assurance et de certitudes, les apprentis-politiciens ne gagneront qu’un siège sur les cinq mis au vote. Il s’agit donc d’une défaite pour LE syndicat, qui a dû payer beaucoup de billets de train pour rien. Si la victoire n’est pas totale pour les « associatifs », l’Unef étant toujours en position majoritaire au sein d’Éponyme (11 membres sur 19 au CA), les adhérents sont parvenus à repousser le putsch.

Bureaucratie hégémoniste : 1 – associatifs indépendants : 1. À minuit, l’assemblée générale est enfin terminée. Peu après et un peu plus loin, des dizaines d’œufs et quelques navets volent - en guise de cadeau d’adieu (ou peut-être d’au revoir)

- sur les cadres de l’Unef. Qui repartent dans leur ville respective finalement couverts de la couleur de leur syndicat : jaune.

1 - Notamment le bidonnage d’une interview pour Grenews, où le président de l’Unef de l’époque avait menti au journaliste en se faisant passer pour un étudiant à la rue.

la gestion étudiante d’eve menacéeDepuis 2011, l’avenir d’Eve est incertain. Des rumeurs lancées par les divers politiciens de la vie étudiante grenobloise et par le recteur lui-même décrient une mauvaise gestion étudiante de l’endroit. Le Pôle de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES), nouvelle mégas-tructure préfigurant la future Université unique de Grenoble, a donc répété sa volonté depuis plusieurs mois de retirer la Délégation de Service Public (DSP) à Éponyme pour organiser une gestion tripartite de Eve, en confiant la gestion du bar (et donc l’autofinancement de l’association) au privé ou au CROUS, en prenant le contrôle du personnel et du matériel et de l’utilisation des salles. Le but : ne rien laisser faire aux étudiants et à leurs associations par eux-mêmes et pour eux-mêmes. Face à cette attaque, un comité d’usagers s’est monté avec le soutien de 1700 signataires et plus de 50 associations (1). Ils ont réussi pour l’instant à faire reculer le PRES, qui a prolongé la gestion étudiante jusqu’à septembre alors qu’elle devait s’arrêter initialement en mars. La suite est très incertaine et le comité de soutien appelle à la poursuite de la mobilisation.

1 - http://soutenir-eve.org

eve : une tentative

de putsch avortée

C’est une histoire d’association étudiante. Une assemblée générale tendue, un syndicat étudiant, l’Unef, désirant être éternellement majoritaire, une tentative de putsch, un contre-putsch, etc. Au premier abord rien de très intéressant pour les Grenoblois n’ayant jamais connu le campus, ou l’ayant quitté depuis longtemps. Mais en fait cette affaire nous concerne tous. Tout d’abord parce que la salle Eve (Espace de Vie Etudiante), même si elle est implantée sur le campus, est une des principales salles associatives de la cuvette et qu’elle a déjà dépanné nombre de groupes à la recherche d’un espace. Mais aussi parce que certains anciens militants de l’Unef sont aujourd’hui adjoints à la mairie (Jérôme Safar, Hélène Vincent, Laure Masson, etc) et ont su tirer profit de leurs méthodes militantes de jeunesse pour aujourd’hui gérer la ville. Observons un peu comment agissent leurs potentiels successeurs.

Pour rester majoritaires, les membres locaux de l’Unef utilisent la fameuse 

méthode Carignon en faisant adhérer un maximum « d’amis » n’ayant rien à voir 

avec la structure.

8 I Le Postillon I numéro 15 I avril-mai �01�

Une ouverture, juste une, toute petite. Là dans la palissade qui longe la rue Eugène Fauré. Je m’engouffre. Des milliers de bombes de peintures jonchent le sol. Un spot

de graffeurs. Cette ancienne station service abandonnée en plein centre ville fait figure d’ovni quand d’habitude le moindre mètre carré inutilisé est voué à la construction. Ça caille en ce mois de janvier. Deux jeunes hommes se tiennent là au milieu de la friche. L’un deux, Alhadi est originaire du Darfour au Soudan. Il a fui une première fois la guerre, pour la Libye. Puis une nouvelle fois les bombardements de l’Otan au printemps 2011. On fume une clope avec le stupide espoir de se réchauffer. Ils sont une trentaine de Soudanais et d’Érythréens à vivre ici depuis plusieurs mois. La guerre en Libye menée notamment par la France n’a pas eu comme seule conséquence de faire tomber le régime de Kadhafi, elle a aussi poussé à l’exil de nombreux Africains de l’est en Europe. Ceux-là même qui travaillaient à Tripoli alors qu’ils avaient déjà quitté leur propre pays en guerre. De cette nouvelle migration embarrassante, les gouvernements européens prefèrent ne pas parler. Des migrants que le gouvernement français tente coûte que coûte de décourager (lire par ailleurs l’interview d’Olivier de l’association ADA).

Alhadi loge dans une des deux petites pièces dont les portes ferment encore, plus loin une immense salle tapissée de matelas, où gisent les cendres d’un feu éteint. C’est ici que les nuits sont les plus pénibles. Malgré ces conditions de vie pourries, il souffle « Au moins il n’y a pas la guerre ici , c’est ce que j’ai tout le temps fui. Ici je n’ai pas peur ». Tous ont fait une demande d’asile à la préfecture de l’Isère située à 300 mètres de là avec l’espoir d’obtenir le statut de réfugié. En 2010, 12 Soudanais

et 20 Érythréens effectuaient une demande d’asile en Isère. En 2011, ils étaient 112 Soudanais, 49 Érythréens et 12 Somaliens : cinq fois et demi plus nombreux d’une année sur l’autre en provenance de l’Afrique subsaharienne. Ces demandes d’asile se poursuivent dans une moindre mesure depuis le début de l’année 2012.

Au cours de l’hiver je retourne une dizaine de fois dans ce squat. On m’invite à me poser autour d’un poêle, j’apprends des bribes de leur long exil. Mais aucun ne veut totalement témoigner de sa migration, exepté Adams (voir page suivante). Avant d’atteindre les Alpes, certains ont débarqué par bateaux sur l’île italienne de Lampedusa, d’autres sur le rivage marseillais. Des Érythréens me disent être passés par Patras, un port grec au bord de la mer Ionienne. Là-bas, les migrants se cachaient sous les essieux des camions et quand ils le pouvaient, à l’intérieur, en attendant que les véhiculent n’embarquent sur les ferries en direction de l’Italie. Il fallait éviter les chasses menées par les flics zélés contrôlant les entrées du port. « On regardait les plaques d’immatriculation des camions avant d’essayer de s’engouffrer dedans. Y avait ceux qui voulaient aller en Norvège, ceux qui choisissaient la France comme moi et ceux qui se plantaient et partaient dans le mauvais sens, quelque part en Grèce sans embarquer sur les ferries » raconte un migrant.

Février, il fait de plus en plus froid. Un couple de restaurateurs du quartier débarque dans le squat, ce n’est pas la première fois qu’ils viennent. Ils apportent un pack de lait. Une gazinière a été installée. « Quand la bouteille de gaz est vide, vous venez me voir, je vous la remplace. Si vous avez besoin de quelque chose, 

dites le nous, on est là » propose l’homme en pointant du doigt vers son restaurant.

Je retrouve Alhadi à Point d’eau à l’Ile verte, un lieu où les sans abris peuvent prendre une douche et se poser au chaud. Ils jouent aux cartes et boivent un café. Le midi, direction les Restaurants du cœur pour récupérer un peu de nourriture. Le reste du temps, c’est l’attente, toujours l’attente avec l’inlassable question « Vais-je obtenir mon statut de réfugié pour pouvoir vivre en France ? ».

La préfecture a classé ces hommes en provenance de l’Afrique subsaharienne en « procédure prioritaire » pour « fraude » sous prétexte que leurs empreintes digitales n’étaient pas identifiables. Un subterfuge qui provient de la direction de l’OFPRA (voir glossaire), qui est sous la tutelle du Ministère de l’immigration et de l’identité nationale. Résultat, ils ont quasiment tous reçu un rejet de leur demande d’asile avant même que leur dossier ne soit examiné.

Un imbroglio administratif qui les empêche de bénéficier d’un logement comme tout demandeur d’asile. De ce squat invivable, Alahdi n’en peut plus « Il faut qu’on trouve un autre endroit, il fait trop froid ici ». Mi février, avec l’aide de militants de l’agglomération grenobloise, une vingtaine de demandeurs d’asile occupent un bâtiment vide à Fontaine (voir encart) mais le propriétaire, la SCIC, un bailleur social, les envoie directement au tribunal pour récupérer son bien.L’un des migrants lâche « Si je rentre dans mon pays ils me tuent. Ici il y a la paix au moins ».

Ils sont Soudanais, Erythréens et Somaliens. Persécutés, ils ont quitté leur pays pour travailler en Libye. Jusqu’à ce que les bombardements de l’Otan au printemps 2011 et la chute du régime de Kadhafi les poussent une nouvelle fois à l’exil. Une trentaine d’entre eux a vécu à Grenoble dans un squat insalubre à deux pas de la préfecture avant d’occuper un immeuble vide à Fontaine. Tous ont fait une demande d’asile avec l’espoir d’obtenir le statut de réfugié pour rester en France. Un statut que très peu d’entre eux ont obtenu, l’État faisant tout pour les mettre dans une situation administrative inextricable. Rencontre avec ces demandeurs d’asile et notamment Adams qui a accepté de raconter son parcours. Pour comprendre les imbroglios administratifs, on est aussi allé interviewer l’ADA, une association qui aide ces migrants.

Alnour, à la sortie du squat, vient du Soudan. Il est l’un des rares à avoir obtenu le statut de réfugié.

grenoble : les naufragés de tripoli

Le Postillon I numéro 15 I avril-mai �01� I 9

grenoble : les naufragés de tripoli

« Je viens du Darfour, à l’est du Soudan. J’ai fui la guerre là-bas parce que j’étais contre le gouvernement. J’étais un opposant politique, je faisais parti du MJE, le Mouvement pour la Justice et l’Égalité. On est rentré dans la rébellion parce qu’on subissait le racisme, l’injustice et qu’il n’y avait aucun développement de notre région. On se battait pour la dignité du peuple du Darfour, on voulait changer de régime. Je suis révolté contre certaines lois islamiques, comme la lapidation des femmes. Au Darfour, il n’y a aucun développement et pas de justice pour les habitants, le gouvernement ne considère pas les peuples darfouriens comme des Soudanais. Il n’y a pas d’eau dans cette région quand tu passes du Darfour à la capitale, ce n’est pas le même paysage. Le Darfour est complètement isolé et abandonné du reste du Soudan. Le président actuel Al Bashir est poursuivi par la Cour pénale internationale parce qu’il a commis un génocide au Darfour. Je ne sais pas, peut-être 400 000 personnes ont été tuées. J’ai eu la chance de faire des études à Kharthoum. Mon père payait mes études de droit. Il y a 75% des étudiants qui ont un diplôme mais qui ne trouvent pas de travail. J’ai appris le français parce que ma copine était Belge. J’ai travaillé pour une association humanitaire où j’étais traducteur.Un jour, j’ai été interviewé par un journal et les propos que j’ai tenus n’ont pas plu au gouvernement. Ils sont venus me chercher dans mon village et m’ont emprisonné sans procès, j’y suis resté un an et demi. On était dans des petites cellules dégradées, on mangeait une fois par jour. À ma sortie de prison, je suis retourné dans mon village. Il a été bombardé, alors j’ai décidé de partir. Mes parents sont partis dans un camp de réfugiés au Kalma au Darfour. Avant ils élevaient des chameaux. Aujourd’hui, ils ne savent pas où je me trouve. Je n’ai aucun moyen de les joindre. Ça fait depuis 2005 que je n’ai plus de contact avec eux. J’aimerais pouvoir les voir ou leur parler.

Libye, la fuiteJe suis parti du Darfour en 2008 pour la Libye parce que c’était la destination la plus proche, j’avais peur d’être de nouveau emprisonné parce que je continuais à militer. C’est pas parce que je suis entre guillemets dans un « petit confort » que j’ai oublié tout ce qui se passe là-bas. Je dis « petit confort » parce que c’est l’image qu’on a de l’occident là-bas. En Libye, j’ai travaillé comme berger et dans un supermarché pour gagner des sous. C’est la guerre, début 2011, qui m’a poussé à partir de nouveau. Ce sont les bombardements, et ceux des Français aussi, qui m’ont fait venir ici. C’était dangereux, tout le monde courait partout, on ne savait pas qui était avec Kadhafi, qui étaient les opposants, on ne comprenait rien et j’ai été obligé de partir.

La traverséeJe ne pouvais pas retourner au Soudan, c’était trop dangereux. On a trouvé un bateau et de l’essence et on est partis à 35. Y’avait des Éthiopiens, des Soudanais, des Somaliens, des Égyptiens mais pas de Libyens. Ça a été chaud. La traversée a duré sept jours. Vous n’avez pas vécu ça. Moi, je dis : « les Français, vous avez de la chance parce que vous ne connaissez pas les mots « asile » et « traversée ». On est arrivé à Marseille, là je me suis caché dans un camion de marchandises, je me suis retrouvé à Calais. C’est un peu au hasard mais j’ai vu la plaque d’immatriculation anglaise, et je me suis dit qu’il allait en

Angleterre. À Calais, il n’y avait pas de logement, on vivait dans un squat, la police nous courait après tout le temps comme si on était des animaux. J’ai essayé deux fois de me cacher sous un camion, ça n’a pas marché, c’était dangereux mais moins que la traversée en mer. Je suis resté à Calais cinq mois.

GrenobleJe n’avais plus d’argent à Calais, alors j’ai décidé de rester ici en France. J’ai pris un train au hasard et je suis arrivé à Grenoble au mois de janvier. Je suis allé directement à la préfecture pour faire une demande d’asile politique. J’ai attendu une semaine avant de pouvoir rentrer. Je faisais la queue la nuit. Ils ne prenaient qu’une ou deux personnes. Le jour où je deviendrai président, je vais faire pareil aux occidentaux pour qu’ils comprennent ce que c’est. J’aime pas les gens qui nous traitent comme ça. J’ai ma dignité et mes valeurs, si les autres blacks ils ferment leur gueule, moi je ne peux pas, c’est plus fort que moi, je ne peux pas. T’arrives à huit heures du matin, y a trois personnes devant toi qui attendent pour rentrer le lendemain ! Je dormais dans le squat à côté, j’ai rencontré des Soudanais qui m’ont dit d’y venir. J’allais à l’association Point d’eau pour me laver. Légalement, on devrait avoir un logement mais y en a pas. J’attends la convocation de l’OFPRA à Paris. J’espère rester ici et travailler dans la traduction, c’est tout.

Les FrançaisQuand on voit les associations humanitaires au Soudan, on se dit qu’ils représentent les Droits de l’Homme mais quand t’arrives ici, tu vois comment les gens ils te regardent parce que t’es demandeur d’asile et que tu viens du Soudan. Ici, les gens me zappent. Je m’attendais à de l’hospitalité, un peu d’accueil. Des voisins qui viennent nous parler, mais rien, rien du tout. On a l’impression de ne pas exister. Personne ne parle avec personne, on dirait des touristes, ils sont où les citoyens ? Les Français, ils ont peur parce qu’on ne leur ressemble pas. C’est leur manière de vivre, leur éducation, je sais pas. On crée des Droits de l’Homme mais on se moque des réfugiés, qu’est ce que ça veut dire ? La France, à cause des politiciens, perd sa valeur, son image à l’extérieur. Je ne mets pas tout le monde dans le même sac, il y a des politiciens d’un côté et aussi des militants ici qui nous aident, et il y a un petit espoir. Mais j’ai peur

que les générations futures prennent le même chemin que les politiciens d’aujourd’hui.

Identité nationale« L’immigration choisie » ils disent. Mais comment ils veulent choisir l’immigration ? L’immigration, ça se choisit pas. Vous avez le ministère de « l’immigration et de l’identité nationale ». Je sais bien qu’il y a de l’immigration mais « identité nationale », ça veut dire quoi ça ? C’est un ministère pour le racisme ? « Identité nationale », ça veut dire que vous vous êtes blancs et nous on est noirs ? J’ai jamais entendu parler dans un autre pays de l’existence d’un ministère comme ça. Ils disent « sans-papiers », mais c’est normal des sans-papiers. Il y a une époque où les gens travaillaient et n’avaient pas de papiers. Moi, je suis né sur la planète Terre. Pour vous, sans-papiers, ça veut dire rien du tout.Il y a des gens qui travaillent sans-papiers depuis des années comme on entend à la télé et on les traite comme des merdes. Ils expulsent des gens mais comment ils choisissent de les arrêter et de les expulser ? Ils prennent un blanc ? Non, ils choisissent les blacks et les arabes. Il est différent de vous, il est black, il est mal habillé comme ça se passe en boite, comme ça se passe partout. L’autre jour je n’ai pas pu rentrer en boite parce que j’étais mal habillé. Je suis méfiant ici avec la police. Même avec des papiers français tu fais attention, y a des gens qui sont nés ici, ils sont blacks, ils ont peur de se faire contrôler. C’est n’importe quoi. C’est ça le racisme.

Le quotidienJe fais rien ici, je me balade et après je vais dormir, c’est tout. La routine. Toi, t’as des amis, c’est banal, t’es heureux, t’as des livres là à côté, t’as ton ordinateur. Comparé à moi, je suis une merde. Je sais pas comment toi t’analyses ça, c’est comme ça. Ici, c’est chacun pour sa gueule. Le mode de vie en France avant il était comme chez nous avant au Soudan. Avant il n’y avait pas l’électricité, pas d’ordinateur, pas de cartes bancaires. Il y a eu la mondialisation et l’homme a tout fait pour sa gueule, comme fermer ses frontières. Il n’y a pas d’équilibre mondial entre le Nord et le Sud. L’essentiel pour les gens qui dirigent, c’est le business, c’est l’argent. Là maintenant, j’attends, on va voir. »

Faute d’hébergement, mi février, la majorité des Soudanais, Érythréens et Somaliens qui vit au squat de la rue Eugène Fauré décide avec des militants de l’agglomération d’occuper à Fontaine un immeuble vide depuis 2008. Au 22 rue des Alpes, les conditions de vie sont bien meilleures : sept appartements et trois studios permettent un peu d’intimité et surtout le froid n’y est pas aussi insupportable.

C’était sans compter sur le nouveau propriétaire de ce bâtiment, la SCIC Habitat Rhône Alpes, un bailleur social.

En mai 2011, la SCIC a racheté ces logements d’institu-teurs à la mairie de Fontaine pour 750 000 euros. Pas de discussion, le bailleur veut récupérer son bien illico presto, peu importe que des demandeurs d’asile à la rue y vivent. Il porte plainte. Un huissier vient immédiatement constater l’occupation et moins d’une semaine après l’entrée dans les lieux, les habitants reçoivent une convocation devant le tribunal.

Du côté de la mairie communiste de Fontaine, l’édile, Yannick Boulard, refuse de rencontrer les occupants et se garde bien de signaler qu’il siège au conseil d’administration de cette fameuse SCIC en tant que représentant de la Métro.

Un communiqué lapidaire de la municipalité soutient que « L’immeuble occupé est en effet destiné à la réalisation de 

logements sociaux dont de nombreux Fontainois ont besoin. (…) C’est pourquoi il n’est pas envisageable aujourd’hui de soutenir une action privant les habitants de la commune de futurs logements ». Un argumentaire maintes fois entendu à Grenoble et dans son agglomération par les élus de la majorité locale qui n’ont pour seule réponse que d’opposer les pauvres aux pauvres.

Quant à l’ADA, elle soutient cette occupation comme le souligne Oliver Trirad-Collet « On est à fond pour ! On trouve l’initiative vraiment très bien et très courageuse et j’espère que ça va tenir suffisamment longtemps. On a fait une lettre de soutien pour le procès ».

Un procès qui s’est finalement tenu le 13 mars après deux reports. Délibéré courant avril.

sQuat à fontaine, direction le tribunal

Adams est Soudanais, il est arrivé à Grenoble au début de l’année 2012 après avoir traversé la Méditerranée. Le rafiot dans

lequel il se trouvait a échoué à Marseille. À 26 ans, Adams, militant politique dans son pays, a fui les guerres les unes après les autres, du Darfour à la Libye. Il vient de faire une demande d’asile. Le rire d’Adams est contagieux mais il ne faut pas s’y tromper, il est révolté et ne mâche pas ses mots.

Le Postillon I numéro 15 I avril-mai �01� I 10

Olivier Tirard-Collet est permanent à l’ADA (Accueil Demandeurs d’Asile). Cette association accompagne les demandeurs d’asile dans leurs démarches auprès de la préfecture, de l’OFPRA, et la CNDA (voir glossaire) pour qu’ils obtiennent le statut de réfugié. L’ADA les

aide à bénéficier de leurs droits sociaux et publie aussi des rapports d’activités sur la situation des demandeurs d’asile en Isère et en France. Elle est financée par les collectivités locales (la Ville, la région, le département, la Métro...) et par des associations (la Cimade, le Secours Catholique, Amnesty International...). Nous avons interrogé Olivier sur ces nouveaux migrants qui viennent principalement du Soudan et d’Érythrée (et quelques-uns de Somalie et d’Éthiopie). Lui, les appelle les « Libyens » car ils ont tous, ou presque, vécu en Libye avant d’arriver en Europe.

Depuis quand avez-vous observé une augmentation des demandes d’asile des ressortissants Soudanais et Érythréens ?

C’est la guerre en Libye qui a tout changé. Ça a débuté en mars - avril 2011 de manière relativement massive et puis leurs arrivées ont culminé en été et il y a eu ensuite une décrue. Le Soudan est devenu en l’espace d’un an, alors qu’il était très marginal auparavant, l’un des principaux fournisseur de demandeurs d’asile à Grenoble. Ce qui s’est passé exactement, c’est dur à dire. Les gens nous ont dit en gros qu’au début du conflit, ils sentaient que ça tournait un peu mal, ils essayaient de partir sans trop de conviction et puis au début du printemps des gens nous ont raconté que la police et l’armée faisaient des rafles, à Tripoli notamment, et renvoyaient les gens vers la mer. C’était au moment du retournement de veste du gouvernement italien. L’Italie finançait énormément la Libye pour empêcher les gens de

traverser la méditerranée et atteindre l’Europe. À partir du moment où l’Italie a mis fin à ces financements, la Libye de Kadhafi a réagi de manière tout à fait logique, en chargeant les gens sur des bateaux avec des boites de conserves, des bouteilles d’eau et les envoyant à la mer. Un système complètement organisé par le régime Libyen. Ça n’aurait pas duré très longtemps apparemment mais quand la guerre a pris de l’ampleur et que Benghazi est tombée, là le régime aurait complètement changé de stratégie et aurait tenté de les recruter comme mercenaires avec le choix : « soit vous prenez une arme, soit on vous tue ». À ce moment-là, il y a pas mal de gens qui sont partis et d’autres disent qu’ils ont été menacés par la population qui les prenaient de fait pour des mercenaires.

Quand on a appris que le régime de Kadhafi allait tomber et qu’il nous avait servi de barrière pour empêcher l’immigration subsaharienne de venir jusqu’en Europe, les instances européennes ont paniqué en se disant « merde il va y avoir un afflux massif de gens » et c’est ce qui s’est passé. De manière paradoxale, pas tellement en France mais dans les autres pays européens ça a été le cas et massivement.

Pourquoi ont-ils choisi Grenoble et combien sont-ils environ ?

Il y avait plus ou moins une trentaine de squatteurs à côté de la préfecture sur les 190 personnes qu’on a domiciliées ici depuis un an (1). Les conditions de vie à Grenoble sont très difficiles. Une majorité vit à Paris ou Lyon et vient retirer son courrier ici de temps en temps. On a appris qu’il y avait un énorme squat de Somaliens et d’Érythréens à Lyon et que beaucoup de Soudanais

vivent dans des squats à Paris. Les types font des allers-retours.

Quel est l’intérêt de faire une demande d’asile ici à Grenoble ?

L’accès à la préfecture de Paris est impossible, c’est très compliqué à Grenoble mais à Paris il faut attendre des mois avant de pouvoir rentrer. Beaucoup d’entre eux sont aussi sans doute partis à Lyon parce que la préfecture est mieux organisée et plus ouverte et accessible qu’ici.

Quelle est la situation actuelle de la majorité de ces «Libyens» ?

La question des empreintes, c’est le noyau du problème. D’abord, il faut expliquer les procédures existantes. Il y en a deux : une procédure qu’on appelle normale, c’est à dire que les gens ont droit au séjour, ils ont un

récépissé pour toute la durée de leur demande d’asile, ils ont accès aux droits sociaux, aux hébergements, à un véritable suivi administratif et social et ils ont le droit de séjourner légalement en France. Après il y a la procédure « prioritaire » qui est un terme complètement abusif, qui veut dire simplement que l’OFPRA examine en priorité ces demandes-là. Ces demandes émanent de trois types de cas et ce sont les préfectures qui décident du placement dans ces types de procédures. Les premier cas c’est être ressortissant d’un pays d’origine sûr, pays dans lequel on peut considérer qu’il y a un État de droit qui permet aux gens de déposer des recours en cas d’abus. Le deuxième cas c’est d’avoir fait une demande « abusive ou 

dilatoire », c’est quelqu’un par exemple qui aura fait une demande d’asile après une OQTF (voir glossaire). Et le troisième motif, c’est le fourre-tout : quand une préfecture subodore qu’il y a une fraude dans une demande d’asile. Il y a n’importe quelle possibilité de fraude, « vous avez menti à un moment donné de la procédure ou pas dit totalement la vérité » ou alors il y a un soupçon et ils sont collés en procédure prioritaire. C’est phénoménal le nombre de décisions de la préfecture qui accuse les gens d’être des fraudeurs et de les placer dans cette procédure d’exception. C’est n’importe quoi ! Leur objectif, c’est de classer un maximum de gens en procédure prioritaire, ils trouvent n’importe quel motif pour ça. Lorsque la borne Eurodac ne peut pas saisir les empreintes digitales, cela constitue un motif de fraude et du coup, tous nos amis qui viennent de Libye, qui ont leurs empreintes abimées (délibérément ou pas), se retrouvent en procédure prioritaire. La procédure prioritaire interdit l’accès aux droits sociaux, ils n’ont pas le droit au logement, ni à la CMU, ni à l’accompagnement administratif et social.

Le dernier truc qui frise un peu l’indécence c’est lorsque la préfecture a décidé que parce que les gens sont considérés comme des fraudeurs ils sont exclus de tout type d’hébergement, y compris l’hébergement hivernal. C’est pour ça qu’ils se sont gelés au squat cet hiver. Leur situation, c’est qu’ils ont tous eu des décisions de rejets OFPRA suite à une note interne du directeur (2) et normalement la préfecture aurait dû leur envoyer une OQTF. Première question : ils sont de quelle nationalité puisque la préfecture ne leur en reconnaît aucune ? Deuxièmement ils n’ont pas d’identité vu que la préfecture ne leur en reconnaît aucune et troisièmement : où est-ce qu’on va trouver des avions pour envoyer des gens à Asmara (NDLR : en Érythrée) ou à Khartoum (NDLR : au Soudan)? Donc, ils sont matériellement inexpulsables. Ils sont demandeurs d’asile en recours devant la CNDA sans autorisation de séjourner en France mais sans OQTF : ils sont dans des espèces de limbes administratifs absolument indescriptibles.C’est un coup pour les emmerder jusqu’au bout et les empêcher d’avoir accès à un hébergement. Je ne comprends pas l’objectif ni la logique de l’État qui consiste à dire : « on leur place des obstacles » et puis ? Espèrent-ils que les gens partent en Angleterre, qu’ils disparaissent, qu’ils repartent par la mer, qu’ils se volatilisent, qu’ils se noient en traversant la Manche ? On est face à un État qui est complètement autiste et à une préfecture qui se fout de la gueule du monde. L’objectif politique est clairement exposé, c’est de traiter la demande d’asile comme une source d’immigration et l’immigration c’est l’objectif zéro en ce moment. Il y a des mesures administratives comme celles-ci qui peuvent faire craquer les gens et décourager les demandeurs d’asile.

1 - Sans adresse, ils ne peuvent faire de demande d’asile, c’est pourquoi ils sont domiciliés à l’ADA.

2 - Note qui stipulait que toute personne classée en procédure prioritaire au motif de fraude pour la question des empreintes devait recevoir directement un rejet. Depuis, des associations et notamment l’ADA ont déposé un référé au Tribunal de Melun (dont dépend l’OFPRA) et finalement c’est le conseil d’État qui a tranché en suspendant l’effet de la note du directeur en janvier 2012.

La convention de Genève

Après la seconde guerre mondiale, suite à la Shoah et aux persécutions de populations la Convention de Genève du 28 juillet 1951 définit le statut de réfugié et leur protection. Le terme de réfugié s’applique à « toute personne qui (..) craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de son pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à  la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

OFPRA : L’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatride dépend depuis 2007 du Ministère de l’immi-gration et de l’identité nationale. Il est habilité à accorder ou refuser la qualité de réfugié et à délivrer les documents d’état civil.

CNDA : La Cour Nationale du Droit d’Asile est une juridiction administrative qui statue sur les recours formés contre les décisions de l’OFRPA. Elle peut en annuler ses décisions et accorder le statut de réfugié.

OQTF : Obligation de Quitter le Territoire. Mesure adminis-trative « d’éloignement » qui est délivrée par la préfecture lorsque, par exemple, un demandeur d’asile a été débouté. Il a alors un mois pour quitter la France.

La demande d’asile peut revêtir deux formes de protec-tions décidées par l’OFPRA : le statut de réfugié qui permet d’accéder à une carte de résident de dix ans. La protection subsidiaire est elle accordée pour une période d’un an renouvelable.

Les démarches pour obtenir une protection

Le migrant doit faire une demande d’asile en préfecture et donner son état-civil. Ce dernier est vérifié par l’Eurodac, une base de données de reconnaissance des empreintes digitales qui permet de vérifier que la personne n’est pas passée dans un autre pays de l’espace Schengen ou n’a pas déjà fait une précédente demande d’asile. Si tout se passe bien, le migrant subit un entretien à l’OFPRA au cours duquel il devra prouver qu’il est bien persécuté dans son pays. C’est cet office qui décide d’accorder ou de refuser une protection. Dans la majorité des cas, l’OFPRA refuse le statut. En 2010, sur 37 789 demandes, elle n’a accordé le statut qu’à 5096 d’entre eux, soit 13,5 %. Débouté, le demandeur d’asile peut faire un recours auprès de la CNDA qui peut annuler la décision de l’OFPRA. Sur cette même année, la CNDA a accordé à 5244 personnes le statut de réfugié (ou une protection subsidiaire). Conclusion : à peine plus d’un quart (27%) des demandes d’asile ont été acceptées sur le territoire français en 2010.

Pour des informations plus précises, se référer aux sites internet de la CIMADE, de l’ADA ou encore de celui de France Terre d’Asile.

glossaire et précisions

« On est face à un État qui est complètement autiste et à une préfecture 

qui se fout de la gueule du monde. »

Le Postillon I numéro 15 I avril-mai �01� I 11

Mardi matin, il est 8h30.Comme toutes les semaines, je me rends chez Pierre et René, deux frères habitant une petite maison à Saint-Martin-d’Hères.

Quand j’arrive chez eux, c’est toujours le même rituel.Je sonne à l’interphone et Pierre me répond d’un air un peu surpris, comme s’il avait oublié ma venue.Lorsque la porte s’ouvre, je rentre mon vélo et je le vois sur le perron, attendant pour me serrer la main.Il a des cheveux blancs, la gueule rouge ravagée par l’alcool j’imagine. Et puis, il y a sa voix, une voix qui je trouve ne correspond pas du tout à son physique ; une voix très douce, une voix de jeune homme.Une fois entrée, une odeur de moisi, de vieux, une odeur de renfermé depuis des décennies s’empare de mon visage, mais à la longue, je m’y habitue.

Je m’avance dans leur petite salle à manger où René est assis.Chaque fois il se lève, me tend timidement sa main et chaque fois je la serre, lui demandant s’il va bien.Il me répond toujours d’un oui fébrile et se rassoit aussitôt. Notre conversation s’arrête là jusqu’à ce que je parte.

Avec Pierre, nous parlons de fleurs, du temps qui change, de la ville se transformant plus les années passent, de la salle de bain à refaire ou de la nouvelle télé qu’il faudrait acheter.Ils ont 60 ans et en paraissent 10 de plus.Avant, ils étaient ouvriers dans une usine de tri à 10 km de chez eux. Ils se levaient chaque jour à 4h du matin et travaillaient de 5h à 13h. Parfois les horaires changeaient et il fallait travailler de 21h jusqu’à 5h.Ils sont à la retraite depuis un peu plus d’un an et les journées passent lentement car ils ne sortent presque jamais. Sauf le dimanche midi : ils prennent le bus et vont manger à la

cafétéria Casino. Pierre me dit que ça les change un peu de leur quotidien. Ils voient du monde, ils regardent les autres, écoutent parfois ce qu’ils disent.

Pierre et René se font livrer leur repas du midi tous les jours. « C’est un peu cher » me dit Pierre ; « 9 euros le repas mais bon y’a qu’à le réchauffer et puis souvent, ils font des gratins ».Quand 9h approchent, René se concentre sur la fenêtre et guette au loin la petite camionnette de livraison qui ne tardera pas à se faire voir.Lorsque l’engin se gare, René balbutie des mots incompréhensibles, il gigote sur sa chaise, l’excitation monte et son frère se lève essayant de le calmer.Quand la sonnerie de l’interphone retentit, ils se lèvent et se précipitent vers la porte. Pierre répond de la même manière que lorsque je sonne, comme s’il avait oublié.Ils s’avancent alors sur le perron. René se tient toujours derrière son frère, et ils attendent, impatient de serrer une autre main que la mienne.À mon tour, je vois cette femme qu’ils attendent chaque matin traverser le jardin d’un pas rapide, les deux repas à la main. L’échange est bref, banal :« Bonjour, comment ça va aujourd’hui ? »« Par un temps pareil, on ne peut mieux » ou encore « vos jonquilles sont superbes, il faudra me dire un jour comment vous faites pour obtenir ce jaune ! Bon allez, bonne journée, à demain ».Et elle s’en va. Les deux frères restent quelques instants sur le pas de la porte, la regardant s’éloigner. Puis, ils vont dans la cuisine ranger les deux boites au frigo et reviennent s’asseoir avec moi.

Parfois, quand nous n’avons plus rien à nous dire, nous regardons par la fenêtre du séjour. Dans ces moments là je me demande ce que je fais, assise sur cette chaise essayant de parler à ces deux hommes seuls, coupés du monde dans cette maison qui ne respire jamais.Souvent, au bout d’une heure, je me lève en leur disant qu’il serait peut-être temps que je fasse un peu de ménage. C’est une partie de mon travail aussi.Je ne m’occupe que de la cuisine, du couloir, des toilettes et de la salle à manger du rez-de-chaussée. Quand je me mets à récurer, Pierre me dit toujours : « Léger, léger. Passez un p’tit coup d’aspirateur et de serpillière mais léger, léger. »Je ne suis jamais montée au premier car jamais ils ne me l’ont demandé ; je ne sais pas vraiment pourquoi. Dans la chambre de leurs parents morts depuis des années, les murs commencent à moisir, les volets restent clos.J’explique alors à Pierre qu’il serait bon d’ouvrir les fenêtres afin de laisser rentrer un peu d’air.

À 10h, je m’en vais. Ils me raccompagnent toujours sur le pas de la porte et me regardent partir.Lorsque je ferme le portillon, j’ose un regard en leur direction, mais la porte de l’entrée s’est refermée et je me demande alors à quoi ressemblera le reste de leur journée.

pierre et rené

Grenoble à la pointe ! La municipalité n’en finit plus d’innover et vient d’installer dans certaines rues greno-bloises des micros. Ce nouveau dispositif baptisé

« sono-vigilance » est pour l’instant visible dans les rues Bayard et Auguste Gaché. En phase d’ « expérimentation » pendant un an, le dispositif pourrait être (sûrement ?) étendu à d’autres rues prochainement.Cette « innovation » entend répondre aux tensions grandis-santes entre les riverains et les gérants de certains bars du centre-ville. Rappel du contexte : du mercredi au samedi, à partir de minuit, quelques bars-attrape-étudiants déversent dans les petites rues du quartier Notre-Dame, des wagons de jeunes déchirés particulièrement heureux d’avoir claqué toutes leurs économies dans des cocktails et désireux de commu-niquer leur joie à tout le quartier, en profitant au passage pour faire preuve de la belle qualité de leurs cordes vocales et de leurs vomis. Le centralisme de la vie nocturne greno-bloise, où les bars sont concentrés dans un petit périmètre pendant que tous les autres quartiers-cités-dortoirs offrent très peu possibilités de sortie le soir, atteint ici une de ses limites. Forcément, certains riverains, ne dormant pas la nuit, râlent le jour. Et la mairie se retrouve bien embêtée, coincée entre des habitants-électeurs à qui elle aimerait assurer des nuits tranquilles, et des étudiants qui ne votent pas mais qu’elle ne veut pas heurter pour maintenir son image de ville « attractive », « cool » et « où il fait bon étudier ». Soucieuse de montrer qu’elle se préoccupe du problème, la municipalité a donc fait poser ces micros afin de « mesurer l’intensité  du  bruit  engendrée  par  la  déambulation » et « d’objectiver le ressenti », comme elle l’a annoncé lors d’une réunion du Conseil consultatif de secteur (1). Elle a également pris soin de bien préciser que « le terme de sono vigilance a été préféré à sono surveillance », de la même façon que « vidéoprotection » a été préféré à « vidéosurveillance » par les autorités locales et nationales. Pour persuader qu’il ne s’agit

pas d’un outil de flicage de plus, elle a également affirmé dans un courrier adressé aux commerçants du coin que « les enregistrements des micros ne seront pas conservés ». Mais comment contrôler cette déclaration d’intention ? Et d’ailleurs pourquoi la mise en place de ce nouveau dispositif

- voté à l’unanimité lors du conseil municipal du 19 décembre dernier dans le cadre inoffensif du « Plan municipal de santé »

- n’a pas été l’objet de communiqués de presse et d’articles enthousiastes dans Le Daubé ou Les Nouvelles de Grenoble ? La mairie serait-elle une fois de plus gênée aux entournures sur le sujet potentiellement sensible du flicage ?En tous cas, elle peut se flatter d’agir de nouveau dans le sens du vent sécuritaire. Le son, de plus en plus utilisé comme une arme (2), devient également une matière à flicage dans l’espace public. Un article récent du Monde (« Après la  vidéo-surveillance,  la  sono-surveillance », 22/03/2012) traite du développement actuel de la surveillance sonore : « Mieux surveiller pour mieux sécuriser, cette maxime est bien connue des adeptes de la vidéo-surveillance. Elle s’applique désormais pour  le  son :  enregistrer et décoder  les bruits urbains permettent d’identifier plus efficacement les anomalies, et de réagir plus vite (...) ». Pour gérer les « anomalies », les micros vont-ils se généraliser dans les rues de Grenoble ?

1 - Compte-rendu de la réunion du Conseil consultatif du secteur 2 du 30 janvier 20122 - Voir Juliette Volcler, Le son comme arme - les usages policiers et militaires du son, La Découverte, 2011.

big brother a aussi des oreilles

1� I Le Postillon I numéro 15 I avril-mai �01�

le « torchon de luxe » répond à

fioraso

« Courage, fuyons les journaux anonymes et calomnieux. Depuis quelques jours, je suis la cible d’un journal de 12 pages, en couleur, distribué et vendu dans l’agglomération. Quatre pages sont consacrées à l’action que je mène depuis maintenant plus de 10 ans, avec de nombreux partenaires publics et privés, pour maintenir et développer des emplois diversifiés dans l’agglomération ».

À force de manipuler les millions d’euros , Geneviève Fioraso ne sait plus compter. Le « journal », dont elle ne cite jamais le nom (cela veut-il dire que tous les lecteurs de son blog le connaissent ?) ne fait pas douze pages, mais seize, et l’article qui lui est « consacré » trois pages et non quatre.

« Naturellement, vous l’aurez compris, il s’agit de quatre pages non pas de critiques auxquelles j’aurais pu répondre ou  qui  mériteraient  un  débat,  mais  de  quatre  pages d’accusations calomnieuses, avec des citations sorties de  leur  contexte,  des  informations  délirantes  sur  mes présupposées actions et motivations, sur d’hypothétiques revenus comme si les rédacteurs de ce torchon (de luxe tout de même : qui finance ?) ne savaient pas qu’en France, et c’est heureux, tous les députés de base, dont je suis, reçoivent les mêmes indemnités et que les indemnités des élus sont plafonnées ».

« Accusations calomnieuses » ? « Informations délirantes » ? Si Geneviève Fioraso ne prend pas la peine d’étayer ses propos, c’est qu’elle sait bien qu’il n’y a rien de « calomnieux » ni de « délirant » dans cet article : toutes les informations et leurs sources sont vérifiées et vérifiables. Par contre, il y a effectivement quelques « citations sorties de leur contexte » : par exemple quand nous avons rappelé le soutien énergique de Fioraso à DSK : « celui qu’il nous faut (…), stable et pas compulsif (...) », nous avons omis de rappeler le contexte. À l’époque de cette citation, DSK était en tête des sondages et il était donc normal -pour tout socialiste normalement opportuniste- de le soutenir sans réserve. Ce que ne supporte pas Geneviève Fioraso, c’est que nous n’ayons pas procédé comme les autres journalistes de la cuvette qui, pour dresser le portrait d’une personnalité, se contentent généralement de l’interviewer. Cette coutume cire-pompes a donné de biens mauvaises habitudes aux notables locaux, qui ne supportent plus la critique et aimeraient qu’on leur demande la permission avant d’écrire quoi que ce soit sur eux. Le Postillon tâche simplement de les rééduquer à de meilleures manières. Quant à ses revenus, ils ne sont pas « hypothétiques » mais bien réels. Si nous savons que les députés de base reçoivent les mêmes indemnités, nous n’oublions pas que Geneviève Fioraso est plus qu’une députée de base puisqu’elle cumule de nombreux autres postes indemnisés (voir Postillon n°14). Respecte-t-elle le seuil de plafonnement des revenus des députés (9 857,49 € bruts, ce qui la placerait déjà parmi les 2% de français les plus riches) ou est-ce qu’elle le dépasse, comme certains autres députés ? Pour clarifier la situation, il ne lui reste plus qu’à publier ses bulletins de paie sur son blog.Enfin, pour savoir « qui finance » ce « torchon de luxe », nous ne pouvons que conseiller à Geneviève Fioraso d’enquêter. Est-ce le Qatar, qui chercherait à augmenter son influence en France en injectant des liquidités dans cet influent média ? Ou la Chine, qui voudrait plomber la métropole grenobloise pour faire émerger ses propres centres de recherche ? Ou – encore pire – ce journal serait-il archaïque au point d’être simplement financé par ses lecteurs et rédigé par des bénévoles ? Mystère.

« Une remarque au passage, presque drôle si tout cela n’était pas aussi désolant au fond : le chèque qui me fait passer pour une « Miss dollar » était un chèque remis à l’association « Un toit pour tous » par des sponsors que j’avais aidé  l’association à mobiliser  : cette association propose des logements accessibles aux personnes les plus en précarité dans l’agglomération ».

À propos d’« Un toit pour tous », voir la réponse au courrier d’un lecteur dans l’encart. Quant à « Miss dollar », il s’agit simplement du surnom que lui donnaient ses collègues de Corys. C’est elle-même qui l’a raconté au Journal des Entreprises  (02/10/2009) : « Il m’appelaient Miss dollar, s’amuse-t-elle. C’est vrai ». Être fière d’un tel surnom : voilà quelque chose de « désolant, au fond ».

« Il est vrai que des rédacteurs-accusateurs qui vendent un journal dont les membres de la rédaction sont anonymes ou pire portent le nom de Pierre Bérégovoy ou Mister Brown ne sont pas à un mensonge près. Ce sont les mêmes anonymes qui ont placardé la ville avec des affiches honteuses et racistes, en faisant passer le Pr Benabid, neurochirurgien reconnu dans le monde entier, qui a sauvé des centaines de vie, pour un charlatan ».

« Ce sont les mêmes anonymes » : encore une fois, Fioraso affirme sans prouver quoi que ce soit si ce n’est son aversion pour toutes les personnes qui osent contester les notables grenoblois, aussi haïssables pour elle que « l’anti-France » l’était pour Maurras. C’est que le professeur Bénabid, initiateur de Minatec, est un de ses amis et qu’il est beaucoup plus facile d’accuser ceux qui contestent ses travaux de racisme (voir l’affiche ci-dessus) plutôt que de vouloir s’interroger sur les dangers du développement des neurotechnologies. La manipulation potentielle de la pensée permise par ses travaux n’effraie pas Fioraso qui, c’est vrai, a déjà tous les réflexes d’une « police de la pensée ». Pour elle comme pour les tenants de l’ordre « politiquement correct », critiquer une personne au patronyme maghrébin – surtout quand il est professeur et qu’il « a sauvé des centaines de vies » - revient à faire preuve de racisme, même si la critique ne porte pas sur ses origines. Ce qui est « honteux », ce n’est pas une poignée d’affiches satiriques collées en ville, mais les tentatives de manipulation de Fioraso pour discréditer les critiques. À ce propos, Fioraso fait étalage de toute sa mauvaise foi en martelant le mot « anonyme » pour jeter l’opprobre sur Le Postillon, journal dont l’ours comporte de vrais patronymes, qui répond aux courriers et e-mails et qui est vendu à visage découvert à la criée, notamment sur les marchés et les manifestations. Il est vrai qu’on ne croise que très rarement Fioraso dans ce type d’endroits, à la différence des colloques du World Trade Center ou de Minatec.Dans son élan, Fioraso, qui aime tant mettre sa personne et son patronyme en avant, confond tout : l’anonymat, le « pseudonymat » et le mensonge. Elle ne comprend visiblement rien aux raisons politiques qui peuvent pousser à choisir l’anonymat ou le « pseudonymat ». Comme nous avons déjà justifié notre choix de ne pas signer nos articles (voir Le Postillon n°12), nous nous contenterons cette fois-ci d’une citation d’une célèbre personnalité. L’anonymat, « c’est une manière de m’adresser plus directement à l’éventuel lecteur, le seul personnage qui m’intéresse : ‘‘puisque tu ne sais pas qui je suis, tu n’auras pas la tentation de chercher les raisons pour lesquelles je dis ce que tu lis ; laisse-toi aller à te dire tout simplement : c’est vrai, c’est faux, ça me plaît, ça ne me plaît pas. Un point, c’est tout’’ ».

« De telles méthodes ne vous rappellent rien ? Elles nous rappellent des périodes troubles de notre histoire, les tracts diffamatoires et anonymes que recevait Hubert Dubedout et ceux qui ont été distribués pendant la campagne des législatives qui m’a opposée à Alain Carignon en 2007. De telles méthodes, profondément antidémocratiques, sont d’autant plus méprisables qu’elles sont anonymes. Alors dénonçons-les et méprisons-les ».

Pas à une manipulation près, la multi-mandatée met sur le même plan un texte sourcé diffusé par un journal indépendant, où toutes les informations sont vérifiables, et des tracts comportant de fausses informations diffusés en cachette par les petites mains du plus puissant parti politique de France (en l’occurrence des amis de Carignon en 1983 et 2007). Et pour finir dans la finesse et l’originalité, elle compare le tout aux « périodes troubles de notre histoire », c’est-à-dire à la guerre et à la collaboration. Mais concrètement, c’est quoi ces « périodes troubles » ? C’est le régime de Vichy, soutenu à ses débuts par François Mitterrand. C’est la collaboration active durant des années des autorités grenobloises avec l’occupant, et notamment du maire radical-socialiste Paul Cocat (qui se mit à « résister » seulement en 1944). C’est la collaboration des grandes entreprises de la région, des biscuits Brun au Petit Dauphinois en passant par la cimenterie Vicat (1). En tous cas rien qui n’ait à voir avec un texte critiquant une politique dominante menée depuis des dizaines d’années dans la cuvette.

Ce qui est « profondément antidémocratique », en revanche, c’est par exemple la situation de l’information locale, souffrant d’un manque de pluralisme et d’une dépendance financière à l’égard des institutions locales, l’empêchant de remplir son rôle de contre-pouvoir. Mais de ceci, Fioraso, qui a toujours apprécié que les journalistes locaux se contentent de relayer docilement ses communiqués de presse, ne s’en plaindra jamais. Elle préfère faire croire sur la chaîne de l’Assemblée nationale LCP (04/01/2011) qu’elle est ouverte à la critique : « C’est aussi l’idée quand on travaille avec des plus jeunes qui vous dérangent, qui ne vous font pas de cadeaux. À aucun point de vue d’ailleurs. Ils vous regardent à la télé, ou en magazine et ils critiquent tout, les fringues, le vocabulaire que vous utilisez, les options que vous pouvez avoir. (…) J’adore ça. C’est la vie ».Même s’il ne parlait pas de ses « fringues », le texte paru dans Le Postillon n°14, ne faisait rien que ça : écrit par « des plus  jeunes », il « critiquait tout » et ne lui « faisait pas de cadeaux ». C’était « la vie » quoi. Mais visiblement, elle n’a pas « adoré ».

1 - Voir Pierre Giolitto, Grenoble 40 – 44, Éditions Perrin, 2001.

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courrier d’un lecteur« Je viens de parcourir votre numéro de février 2012. J’y vois une photo de Fioraso avec un chèque de 45 000 euros libellé à l’ordre d’Un toit pour tous, association grenobloise qui œuvre, entre autre pour  l’insertion par  et  pour  le  logement  et  dont  l’objectif  est  tout sauf mercantile. Je vous avoue que si je comprends le message et l’allusion j’en reste pas moins choqué car l’association mérite mieux que des allusions de ce genre et  l’amalgame peut être fait.  Il est dommage, je trouve, de publier si rapidement des  images dont le sens réel est à l’opposé du message de l’article ». JBB.

Le Postillon : Cette photo, que nous avions choisie uniquement pour la taille du chèque que Fioraso tenait en main, n’était effectivement pas la plus judicieuse pour illustrer cet article. Nous nous excusons donc auprès des membres ou sympathisants d’ « Un toit pour tous » de ce choix inapproprié.

Rompant avec les habitudes des notables locaux qui réagissent aux écrits du Postillon uniquement par l’indifférence, la multi-mandatée Geneviève Fioraso s’est fendue d’un billet sur son blog (le 20/02/2012) pour répondre à l’article qui lui était consacré dans le dernier numéro du Postillon. Nous ne résistons pas au plaisir de vous faire lire sa prose, entrecoupée de nos commentaires.

Le Postillon I numéro 15 I avril-mai �01� I 13

varces au parloir A la maison d’arrêt de Varces le parloir est l’un des rares liens que les prisonniers ont avec le monde extérieur. Une proche de détenu témoigne.

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Octobre 2011, j’apprends qu’un proche est enfermé à la maison d’arrêt de Varces. C’est une

terrible nouvelle ! « Combien de temps ? », « Pourquoi ? » sont mes premières interrogations. Ma peine ravalée, je me renseigne sur la procédure à suivre pour obtenir un parloir. La première démarche consiste à adresser un courrier de demande de parloir au centre pénitentiaire en indiquant le lien de parenté avec le détenu, joindre la photocopie de la pièce d’identité, du livret de famille et deux photos. En tant que membre de la famille du détenu, je n’ai eu aucune difficulté à obtenir cette autorisation. Une autre personne dont le lien familial était difficile à prouver avec le détenu a dû rédiger une demande écrite. Puis une enquête a été menée sur lui. À ce jour, il n’a toujours pas de droit de visite, et ce sans justification de l’administration.

A côté de la maison d’arrêt, une association accueille les « visiteurs » (voir encart). En ce samedi, à l’intérieur du local, plusieurs tables sont occupées, probablement par des personnes en attente du dernier parloir, tout comme moi. Trois femmes discutent, deux autres lisent le journal. On me propose un café. Il est seize heures. C’est l’heure d’y aller. Les jours de visite des détenus (ceux dont le jugement a été rendu), sont les jeudis et samedis après-midi. Pour les prévenus (en attente de jugement), ce sont les mardis, mercredis et vendredis.

La maison d’arrêt de Varces a été ouverte le 25 octobre 1972. Elle a remplacé la prison St Joseph située à Grenoble du côté de l’actuel cinéma Chavant. En 2005, elle s’est agrandie avec la construction d’un quartier pour mineurs. D’une capacité officielle de 213 places (1), la maison d’arrêt comptait 233 détenus en 2009 et 350 en 2012 (2).

Seize heures : la porte de la prison s’ouvre. Un flot de visiteurs et de visiteuses en sort. Il faut obéir aux directives. Entrer quand les autres sortent. Pas d’écart, sinon pas de parloir. Une gardienne nous appelle par nos noms. Les personnes autorisées passent.Une mère et ses deux enfants arrivent cinq minutes en retard :pour cette famille, il n’y aura pas de parloir. Le grand mur gris en béton surmonté de barbelé est franchi. Nous entrons alors dans l’enceinte de la maison d’arrêt dans une cour extérieure, laissant derrière la porte d’entrée cette femme, sa fille dans les bras. Son image ne s’efface pas de ma mémoire.

J’entends des voix d’hommes. Eux sont derrière les murs, je ne les vois pas. Ils parlent et expriment leur colère. Éloignés, semble-t-il, les uns des autres, les mots sont prononcés avec rage, des injures fusent. On m’explique que c’est le quartier des mineurs. L’un d’entre eux insulte un gardien. Cette violence est difficile à supporter. Je ressens un mal-être indéfinissable fait de tristesse et d’angoisse mêlées. « Le quartier des mineurs est plus sévère. Dès qu’un jeune fume, il fait du mitard. Les cellules sont fermées à 18h, c’est dur. Côté majeurs, les cellules restent ouvertes plus tard, on peut fumer » glisse un visiteur. Maintenant, il faut attendre et déposer ses affaires personnelles dans des casiers. Commence alors l’interminable chaîne qui mène au parloir.Nouvel appel, donner ses papiers d’identité, passer le portique de sécurité, reprendre les affaires passées sous les rayons X, attendre que la porte suivante s’ouvre. Là seulement, nous sommes dans la maison d’arrêt. Quelques pas encore, une énième porte et des escaliers puis une nouvelle attente jusqu’à l’heure de la visite : seize heures trente.

J’observe, je regarde à travers la petite fenêtre par laquelle seules les mailles du grillage sont distinctes. J’apprends que lorsque les prisonniers sont transférés, les familles ne sont pas prévenues. Et puis, nombreuses sont les conversations qui portent sur la vie quotidienne des détenus (affaires autorisées, linge,...), sur la durée de la peine encourue.Les gardiens ont le pouvoir. Il détiennent les clefs qui permettent l’accès des visiteurs. Ils ouvrent et ferment les lourdes portes qui claquent à grand fracas. L’espace est sonore, et il faut inlassablement attendre. Dans la dernière salle, quelques chaises et un distributeur de boissons. La seule chose permise au parloir est une bouteille fermée, en plastique, de jus de fruits, de coca,... Une seule.

Seize heures trente, une porte s’ouvre : Les parloirs de 16h sont terminés. Ici, à Varces, ils durent trente minutes. Mais pour ceux qui viennent de loin, ils peuvent être prolongés. C’est l’administration pénitentiaire qui décide de la durée. J’entre. Enfin ! le gardien nous appelle et nous nous installons dans le parloir désigné. La porte (c’est une grille et l’on voit à travers) est refermée à clé derrière nous. Quand on est dedans, on est emprisonné, quand on est dehors, habité par l’enfermement du proche, on est encore prisonnier.

Le parloir : une table et trois chaises. On ne peut être que trois avec le détenu. C’est la règle. C’est exigu. Des cloisons séparent chaque parloir. Les murs sont jaunes et gris, recouverts d’inscriptions. Ces lieux dégagent une tristesse pesante. Il y a neuf parloirs en tout. De l’autre côté, face à la grille par laquelle on est entré, une autre grille. C’est par là qu’arrivent les détenus.

On ne voit pas les visiteurs des parloirs voisins, mais on les entend... Trente minutes, qui semblent une éternité quand les mots ne viennent pas, quand on est enfermé. Trente minutes, bien trop courts dans la vie des prisonniers.« Je ne fais rien, je regarde la télé, je peux sortir dans la cour de promenade le matin et l’après-midi. Ma cellule reste ouverte la journée. Il y a un gymnase, je joue au foot » me raconte-t-il.Et à la question « Tu manges quoi ? », il répond « La bouffe est dégueulasse, je cantine tout, ça veut dire que j’achète des pâtes, du riz, du chocolat… ».

Terminé ! Une lampe, au-dessus de nous, dans le parloir, s’allume et s’éteint, deux fois, c’est le signal. Il est dix-sept heures. Il faut sortir. De nouveau, clés dans les serrures, portes qui s’ouvrent, attente. Le gardien passe, mais les visiteurs/euses doivent patienter. Inlassablement.

Dernière porte. Après le parloir, la fouille des prisonniers est systématique. Personne ne sort tant que la procédure n’est pas terminée. Parfois, l’attente s’éternise. « Mais pourquoi c’est si long ? Nous sommes enfermées, mises en prison, nous aussi ! » dit une visiteuse inquiète, zieutant vers l’extérieur.On nous ouvre ! Sentiment de soulagement, mais en bas, une femme est interpellée.« Suivez-nous » lui dit une gardienne. Elle ne ressort pas. Quelques-unes attendent, un moment, à l’extérieur. Une voiture de gendarmes arrive. Toujours personne. Les visiteuses échangent :« Elle a voulu introduire quelque chose au parloir ! »« Des cigarettes ? »« Non, du shit sûrement ! »

Grande tristesse, on se dit qu’il se peut qu’elle n’ait plus de parloir par la suite.Sortir, s’en aller, loin. Sentiment de soulagement derrière le grand mur gris, à l’extérieur. Mais, très vite, la pensée rejoint celui que l’on vient de visiter, celui que l’on a dû quitter, celui qui reste enfermé.

1 - Rapport d’activités de la maison d’arrêt 2009.1 - http://alpes.france3.fr/info/varces-38--l-agression-de-trop-68629992.html.

la maison d’accueil

L’association ARLA (Association pour la réalisation d’un lieu d’accueil) a été créée en 1998. C’est elle qui gère l’actuelle maison d’accueil. L’association a pour objectif d’accueillir les familles, les proches, les ami(e)s des détenus de la maison d’arrêt, d’informer les visiteurs sur leurs droits et de les accompagner dans leur démarche. Comment obtenir un permis de visite? Que peut-on apporter aux détenus? Une borne informatique permet aussi de réserver les parloirs. Le lieu accueille principa-lement des femmes et des enfants en bas âge. Les adoles-cents viennent peu. Il y a parfois des hommes, mais ils ne franchissent pas forcément le seuil de la maison d’accueil. Parfois même, ils restent dans leur voiture. Une quaran-taine de bénévoles se relaient au sein de l’association ARLA qui est aussi en lien avec l’administration péniten-tiaire et des réunions sont régulièrement organisées avec la direction de la maison d’arrêt.

« Le parloir : une table et trois chaises. C’est exigu. Les murs sont jaunes et gris, 

recouverts d’inscriptions».

visite à la maison d’arrêt

1� I Le Postillon I numéro 15 I avril-mai �01�

Notre histoire démarre le mercredi 29 août. Ce jour-là, les ouvriers métallurgistes décident, à l’initiative de syndiqués CGT « la cessation obligatoire et générale 

du travail ». Elle concerne 2000 ouvriers. La raison ? Travailler moins et gagner plus ! On se bat essentiellement pour la journée de 9 heures. Très vite, les menuisiers rejoignent le mouvement. Premier objectif : faire cesser le travail dans les usines de boutons.

Le lendemain, à 10 heures du matin, une première manifestation réunit plus de 4000 personnes. Les drapeaux rouges sont déployés et l’on se dirige vers l’usine de boutons Raymond, cours Berriat. Les ouvriers y sont en grande partie des femmes et le patron, Raymond, est une figure du paternalisme grenoblois. Premiers accrochages avec la police. Dès le lendemain, alors que les usines de métallurgie sont toutes à l’arrêt, les plus déterminés parmi les boutonniers décident à leur tour la cessation du travail. 1200 personnes sont concernées. Une manifestation est organisée afin de débrayer les différentes fabriques de boutons. Vers midi, on retourne à Raymond Bouton, bien déterminé à ne pas laisser les ouvriers entrer. Les flics, qui essayent de s’interposer, sont bousculés par la foule et obligés de détaler. Samedi soir, la traditionnelle retraite militaire aux flambeaux doit avoir lieu. Si elle est maintenue, on la suivra avec les drapeaux rouges ! Devant l’agitation qui s’empare de la ville, elle est supprimée. Les ouvriers en grève se réunissent alors Place de la Constitution (actuelle place de Verdun) et organisent un immense défilé avec torches et lanternes. La Carmagnolle, Ca ira, ca ira, et bien sûr l’Internationale résonnent tard dans tout Grenoble. Tout ne fait que commencer.

À partir du dimanche 2 septembre, on s’organise pour tenir la grève. La municipalité cède d’immenses locaux aux grévistes. Ils y installent les « marmites  communistes » ou soupes populaires, et leurs salles de réunion. La veille, les patrons ont tenté d’initier les premières négociations. Le comité de grève exige que les négociations soient collectives, et qu’elles ne se fassent pas usine par usine. Les patrons refusent. Dans la nuit du dimanche au lundi, la CGT placarde des affiches dans tout Grenoble : « Si des jaunes [casseurs de grèves] tentaient de reprendre le travail ce matin, ils s’apercevraient vite qu’on ne trahit pas impunément ses camarades de misère et de lutte. Les renégats seraient cloués au pilori et mis à l’index dans tous les ateliers ». Les choses sont claires.

Lundi et mardi, par peur des débordements, les patrons ferment leurs usines. Par précaution, les piquets de grèves sont maintenus partout. Le mercredi 5, le maire de Grenoble, Charles Rivail, tente de lancer des négociations, convoquant patrons et ouvriers, sans résultat.

Le vendredi, un référendum est organisé à l’usine Raymond concernant la reprise du travail. Les résultats sont clairs, même si de nombreux grévistes n’ont visiblement pas participé au vote. Sur 377 suffrages exprimés, 285 personnes veulent la fin de la grève, 28 seulement la poursuite du mouvement. L’épreuve de force entre ouvriers de Raymond Bouton et grévistes devient inévitable.

Le lundi 10 septembre dès cinq heure du matin, plusieurs centaines de curieux se sont massés aux abords de l’usine Raymond. De nombreux grévistes barrent l’entrée de la fabrique. « Voilà tout à coup un groupe de renégats qui s’amènent », relate l’organe de la CGT. « Les huées et les épithètes viennent cingler leur face de traîtres et de chiens couchants du patronat ». Machisme ouvrier oblige, le journal ne manque pas de fustiger « les femmes relevant la tête d’un air de prostituée défiant l’opinion publique ». Les « jaunes » qui essayent de passer sont bousculés. Une brigade de police dépêchée sur place intervient pour les protéger, et après moult bousculades, altercations et quelques arrestations, parvient à faire rentrer les travailleurs dans l’usine.

À une heure moins le quart doit avoir lieu la reprise dans l’usine. Les curieux se pressent toujours plus nombreux pour assister au spectacle. Les manifestants ont eu le temps de d’ameuter plusieurs milliers de grévistes. Arrivés en cortège, drapeaux

noirs et rouges au vent, ils mettent en déroute la flicaille à coups de tomates et de cailloux. Un bataillon de gendarmes à cheval arrive en renfort, en vain. Les chevaux sont piqués par les manifestants, se cabrent, renversent leur cavalier. Ils détalent. Raymond décide de fermer son usine jusqu’à ce que le calme revienne.

« On se croirait à la veille d’une élection. Les murs se couvrent de placards, les rues sont sillonnées d’affiches ». Le préfet renforce encore son dispositif de maintien de l’ordre, dans lequel l’armée tient une place prépondérante. Côté patronat, la riposte s’organise. Un syndicat jaune, dit « indépendant » est créé et largement subventionné, dans le but de briser la grève. Il tient ses réunions au café de l’Europe, lequel est surveillé en permanence par les anarcho-syndicalistes. Le 15 septembre, le café est attaqué par des dizaines de personnes et les jaunes poursuivis jusque dans les cuisines. Les vitres et bouteilles volent en éclat. Avant de partir, on conseille au patron du bar, menaces de mort aidant, de ne pas rouvrir le lundi suivant...

Le lendemain, les jaunes annoncent par voie d’affiche qu’ils seront désormais armés pour se défendre. Ils annoncent publiquement aussi qu’ils reprendront le travail le 17 septembre. Réaction de la CGT, qui tient meeting le soir même : « Les travailleurs  […]  voueront  au  mépris  et  aux  représailles prolétariennes légitimes les lâches auteurs des tentatives de division ouvrières, stipendiées par le patronat […] Vive la grève générale expropriatrice ! Sus aux jaunes ».

Lundi 17 septembre, la ville est en émoi. Les militaires ont pris place autour de Raymond Bouton. Les grévistes sont des milliers. Lorsque débarquent les ouvriers de Raymond, la police ne peut contenir la foule des grévistes. Les insultes et les coups pleuvent tant sur les jaunes que sur les flics. Une ouvrière essayant de rentrer est entièrement déshabillée par la foule. Très rapidement, les militaires se retrouvent encerclés. « Baïonnettes au canon !» s’écrie un officier de police, qui fait charger les gendarmes à cheval. Pierres, bouteilles, ordures, ustensiles de cuisine même, tombent en pluie sur les militaires. Appelés par téléphone, 200 cavaliers du deuxième d’artillerie sont dépêchés en renfort. Les sommations sont lancées, au tambour et à la trompette. Une première charge, sabre au clair et d’une rare violence, parvient à repousser les grévistes jusqu’au pont du Drac. De nombreux ouvriers sont blessés. Il faut moins de dix minutes pour que la foule revienne à la charge et que les affrontements recommencent.

Soudain, au milieu de l’affrontement, une voix se fait entendre : « Camarades ! Arrêtez ! Sur ordre du maire,  la police va se retirer ! » Regard incrédule de la foule. Et pourtant, l’ordre de repli arrive bel et bien. Reste qu’aucun des deux camps ne veut laisser le terrain en premier. Des négociations surréalistes s’engagent alors entre ouvriers et militaires. Après que les ouvriers ont reçu l’assurance que les portes de l’usine resteront

closes, un accord est trouvé : les gendarmes partiront d’abord, puis un groupe de manifestants s’intercalera entre chaque bataillon de soldats ! Et c’est ainsi que le cours Berriat se vide petit à petit.

Mais la journée est loin d’être terminée. L’après-midi, plusieurs milliers de personnes se réunissent à nouveau. De nombreux jeunes, – « émeutiers  imberbes » relate la presse – les ont rejoints. Nouveaux accrochages avec la police. Arrestations. Le cortège attaque le commissariat dont les vitres sont fracassées. Les manifestants sont libérés et les affrontements se poursuivent. C’est le soir que la manifestation dégénère véritablement en émeute. Une partie des manifestants commence à attaquer l’usine Raymond, et les troupes militaires qui y sont toujours stationnées. Des manifestants tentent de mettre le feu à la porte de l’usine. Toujours sur le cours Berriat, la maison du juge Gaché, gendre de Raymond est dévastée. Les affrontements font rage. Attaqués de toute part, les soldats tentent une sortie de l’usine. Le commissaire Clément est piétiné par la foule. Des coups de feu sont tirés et atteignent un militaire. C’est alors qu’un soldat nommé Mollier reçoit une énorme pierre sur le crâne. Il s’écroule ensanglanté.Pendant ce temps, le commissariat du cours Berriat est envahi et littéralement saccagé. Le mobilier et les papiers sont sortis dans la rue et incendiés, « au grand contentement de la foule qui applaudit à outrance » écrira le comité de grève. Tard dans la nuit, les manifestants se dispersent. Le soldat Mollier est conduit à l’hôpital.

Le lendemain, Grenoble est en état de siège. Plus de 5000 soldats de toute la région ont été déployés et quadrillent la ville, bloquant notamment l’accès à la bourse du travail. La mairie interdit tout attroupement. Une centaine d’émeutiers et de leaders politiques et syndicaux est arrêtée. 27 manifestants sont jugés ce jour-là. Le procureur demande des peines exemplaires : « il  faut que le tribunal montre qu’à Grenoble l’ordre peut  régner ». Jusqu’à 6 mois fermes. Pressentant l’essoufflement du mouvement, la CGT, qui tient un meeting en fin de journée, appelle à la grève générale de tous les ouvriers grenoblois tant que durera l’occupation militaire. À la sortie du meeting, de nouveaux affrontements ont lieu jusqu’à une heure du matin.

Le 20 septembre, toutes les imprimeries de Grenoble ont cessé le travail par solidarité avec le mouvement, mais la plupart des autres secteurs ne répondent pas à l’appel. Et les reprises commencent à se faire nombreuses : 25 jours sans paye, fatigue, lassitude des affrontements... Et puis, on a appris que le soldat Mollier était dans un état critique. Une grande partie de la population se désolidarise alors des grévistes.

La répression continue et prend parfois des formes incongrues. Le 23 septembre, la police organise la rafle de 43 individus soupçonnés d’avoir participés aux émeutes. Le lundi 24, ils sont exhibés devant la statue du chevalier Bayard. Les gendarmes dénoncent alors publiquement ceux qu’ils parviennent à reconnaître. 18 sont immédiatement reconnus, dont 15 seront jugés aux assises. Les autres sont gardés en vue d’établir des procès verbaux pour vagabondage ou tapage nocturne !

Ce jour-là, à quatre heures de l’après-midi, on annonce la mort du soldat Mollier. Le lendemain, la CGT annonce la fin de la grève. 20 000 personnes suivront les funérailles du soldat Mollier qui mettent fin à un mois d’agitation quotidienne. La reprise est générale. L’amertume est grande chez les ouvriers, dont aucune des revendications n’a été satisfaite. La CGT ne manque pas pour autant de saluer les progrès accomplis dans l’organisation du prolétariat grenoblois. Organisation qu’ils devront poursuivre hors de la bourse du travail, puisque la municipalité expulsera ce « foyer de démagogie et d’anarchie » à la fin de l’année.

Principales sources : A. Gerin, Les grèves de Grenoble août septembre 1906, impressions d’un témoin, 1906 (Bibliothèque municipale de Grenoble, fond dauphinois).L. Ratel, Parlez-moi de Grenoble, 2001, à qui nous empruntons le titre de l’article.V. Chomel, Histoire de Grenoble, 1976.

Grenoble, 1906. Il y a un an que la Confédération Générale du Travail, alors anarcho-syndicaliste et révolutionnaire, est majoritaire à la Bourse du Travail. Depuis le début de l’année, elle mène une vigoureuse campagne pour la journée de 8 heures. Pour la première fois à Grenoble, le 1er mai a été chômé, et les manifestants ont obligé les commerçants à fermer leur enseigne. C’est dans ce contexte, vers la fin de l’été, que Grenoble va connaître les grèves et manifestations ouvrières les plus violentes de son histoire.

Devant l’usine Raymond Bouton en septembre 1906.

père castor, raconte-nous une Histoire de grenoble !

la guerre des boutons

le passé ouvrier à grenoble, épisode 2 : l’antifascisme en 1934.

Le Postillon I numéro 15 I avril-mai �01� I 15

Merci à Pierre pour ses recherches !

Le Postillon est vendu à la criée mais aussi :À Grenoble :- Librairie-restaurant Les Bas Côtés : 59, rue Nicolas Chorier - Presse Le point Virgule : 25, rue Nicolas Chorier- Tabac-Presse Le Saint-Bruno : 67, cours Berriat - Tabac-presse Monin : 54 rue Diderot- Tabac-presse Le Berriat : 97, cours Berriat- Sandwicherie En tout sens : 148, cours Berriat- Tabac-presse Le Chiquito : 162, cours Berriat- Le Point Chaud : 53, rue Pierre Sémard- Bistrot-cantine La Passoire : 47, avenue de Vizille- Le Local Autogéré : 7, rue Pierre Dupont - Bar Aux Zélées : 31, rue André Rivoire- Tabac-presse Les Eaux Claires : 22, rue des eaux Claires- Tabac-presse Seferiadis : 39, boulevard Joseph Vallier- Tabac-presse des grands boulevards : 28, boulevard Joseph Vallier- Yvonnet Presse : 8 boulevard Joseph Vallier- Café-librairie Antigone : 22, rue des Violettes- La BAF : 2, chemin des Alpins- Tabac-Presse Etienne : 45 rue de Stalingrad- Tabac-presse Le Berthelot : 5, avenue Marcellin Berthelot- Tabac-presse Squalli : 159, cours de la Libération- Tabac-presse La Bruyère : 36, avenue de la Bruyère- Librairie des Baladins : 68, place des Géants- Tabac-presse Le Malherbe : 1, avenue Malherbe- Tabac Yaz Café : 101, Galerie de l’Arlequin- Tabac-presse Le V.O. : 3, place Lionel Terray- Tabac-presse Le Reinitas : 27, boulevard Clémenceau- Tabac-presse Le Brazza : 14, place Sainte-Claire- Tabac-presse Le Fennec : 32, boulevard Maréchal Leclerc- Mag’Press : 2, rue St Jacques- Tabac-presse Le Papyrus : 32, boulevard Gambetta- Tabac-presse Le Barillec et Cie : 5, rue Thiers- Tabac-presse Le Stendhal : 9, rue Raoul Blanchard- Tabac-presse Grenette : 2, rue Montorge- Tabac-presse Soulé : 2, rue Casimir Perrier- Press’Bastille : 8, cours Jean Jaurès- Tabac presse Mallah : 4 bis, route de lyon- Tabac-presse Ligero : 37, avenue Alsace-Lorraine- Tabac-presse Le Cigarillo : 54, avenue Félix Viallet

À Saint-Martin d’Hères :- Tabac-presse Croix Rouge : 47, avenue Ambroise Croizat- Tabac-presse l’Ariel : 12, avenue Romain Rolland- Tart’Enpion : 14, place de la libertéSur le campus : - Tabac du Campus : 442, avenue de la BibliothèqueÀ Fontaine :- Tabac-presse Totem : 113, avenue Aristide Briand- Tabac-presse : 28, rue d’AlpignanoÀ Pont-de-claix :- Tabac-presse : 73, cours saint-AndréÀ Echirolles : - Tabac-presse Molina&co : 36, cours Jean-Jaurès - Tabac-presse Les Ecureuils : 17, rue Gabriel Didier- Tabac-presse Vicente : 17, rue Paul Héroul- Maison de la Presse : 26, rue Albert Londres- Tabac-presse : 2, place de la ConventionÀ Bresson :- Mag Presse : 240, avenue de la RépubliqueÀ Meylan :- Tabac presse des Bealières : 12, place des Tuilleaux- Tabac presse : quartier des BuclosÀ Saint-Ismier :Tabac-presse de la Place : place de l’égliseÀ La Tronche :Tabac-presse Musso : 145, grande rueÀ Montbonnot :Tabac-presse : 293, rue Général de GaulleÀ St-Egrève :- Tabac-presse Devaux : 6, place Saint-ChristopheÀ Saint-Martin-le-Vinoux :-Tabac-presse Berlire : 116, avenue Général Leclerc- Tabac presse Nigay : 61, av général LeclercÀ Voiron :- Librairie Nouvelle : 13, rue DodeÀ Saint-Pierre de Chartreuse :- L’Auberge : place de la mairieÀ Saint-Pierre d’Entremont :- Tabac-presse Les RamoneursÀ Chambéry :- Bar Le Petit Verdun : 2, avenue des chevaliers tireursÀ Cran-Gevrier (à côté d’Annecy) :- L’alterlocal : 3, chemin des grèves

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Le Critérium du Postillon

samedi 9 Juin 2012Au kiosque du Jardin de Ville.

14h : Grand ConCoursde Vente à la Criée

En Solo ou en équipe.Nombreux lots à gagner.

Le nombre d’exemplaires vendus ne sera pas déterminant. Seuls le style, la verve, l’originalité, l’envie

intéresseront le jury.

A l’anneau de vitesse du parc Paul Mistral.

17h : Petit CritériumEpreuve cycliste mystérieuse et accessible à toutes et à tous.

Avec la présence (sous réserve) de Jeannie Longo. Nombreux lots à gagner.

Après Le Tour de France, lancé par le journal l’Auto ; Paris Roubaix, organisé par L’Equipe ; le Tour d’Italie, créé par la Gazzetta dello Sport ; la défunte course Paris-Brest-Paris,

crée par le défunt Petit Journal en 1891 ; après les courses de porteur de journaux en plein Paris,

Le Postillon crée enfin sa propre épreuve.

Pour fêter les trois ans du Postillon et la sortie du numéro seize :

le train à l’assaut du grésivaudanCe qu’il y a de bien avec les responsables économiques, c’est qu’ils n’ont pas la langue de bois des responsables politiques et révèlent les véritables objectifs des politiques publiques. Quand les élus, pour vanter le développement du train dans le Sillon Alpin parlent « écologie », « modes doux », « transport vert non polluant », Jean Vaylet, président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Grenoble use d’un langage moins poétique dans Le Daubé (25/01/2012) : « Je suis aussi demandeur d’une liaison ferroviaire rapide et à forte fréquence avec Chambéry. Car notre développement se fera, aussi, avec la Savoie. Cela indus-

trialiserait  toute  la  vallée  entre les deux villes ». Remplir le

Grésivaudan d’usines, de labos et de

constructions d i v e r s e s voilà donc l’idéal de la Chambre de Commerce et d’Industrie.

de l’uranium enricHi « très radioactif » en plein grenobleDébut avril, l’information révélée par Greenpeace fait le tour des rédactions : les Etats-Unis ont livré à la France « 180 kilogrammes d’uranium très enrichi de qualité militaire à 93% ». La polémique qui a suivi s’est focalisée sur le mode de transport (bateau ou non ?). La destination de ce colis est passé plus inaperçu : ce dangereux minerai avec lequel « on pourrait faire plusieurs bombes » selon Greenpeace est en fait arrivé en plein Grenoble, à l’Institut Laue-Langevin. Alors que les responsables de cet institut s’échinent depuis plusieurs années à faire croire que ce réacteur n’est pas dangereux et que les dizaines de milliers de personnes habitant à proximité n’ont rien à en craindre, voilà un bien mauvais coup de pub. Et une raison de plus de démanteler ce réacteur.

le vélo « compétitif » tourne à droiteUn décret national autorise dorénavant les vélos à tourner à droite au feu rouge (seulement si un panneau de signalisation est installé). Grenews nous informe que la Ville de Grenoble devrait bientôt appliquer ce décret. Il interroge une membre de l’association ADTC (Association pour le développement des transports en commun). Celle ci répond : « Ce décret permettra en tout cas de rendre certains trajets plus compétitifs ». L’ADTC semble avoir intériorisée le discours des élus de la cuvette : à savoir être compétitif même sur son vélo.

le tram à l’assaut des dernières maisons de la cuvetteEn 1920, on pouvait se rendre en tramway de Grenoble jusque sur le plateau du Vercors, à Chapareillan, à Voreppe, à Vif ou à La Tronche. À cette époque les communes traversées comptaient souvent 4, 5, 6, 8, 10 fois moins d’habitants qu’aujourd’hui (environ un millier d’habitants à Crolles en 1920 contre 8500 aujourd’hui, 200 à Saint-Nizier-du-Moucherotte en 1920 contre plus de 1000 aujourd’hui, quelques centaines à Seyssins en 1920 contre 7000 aujourd’hui, etc). Si les rames n’étaient ni très rapides, ni très fréquentes, le tramway fonctionnait, et ne dut sa disparition totale, en 1952, qu’au culte grandissant de l’automobile. Aujourd’hui, après un siècle d’évolutions technologiques « révolu-tionnaires », il semble qu’il ne soit plus possible de construire un tramway dans les mêmes conditions. Au XXIème siècle, pour avoir droit au tram, il faut un seuil critique d’habitants pour qu’il soit « rentable ». Le développement de ce moyen de transport à Grenoble est ainsi le prétexte à un vicieux chantage à la construction, subtilement dénommé « contrat d’axe ». La direc-trice des services de Saint-Martin-Le-Vinoux témoigne dans une vidéo : « ces logements c’est vital pour la commune : d’abord car elle a perdu des habitants et ensuite parce que ça nous a véritablement permis de décrocher le tram. Sans ça on n’y serait pas arrivé ». Le « contrat d’axe », dispositif soutenu par toutes les forces politiques locales - y compris ceux qui localement (Europe-Ecologie et l’UMP) dénoncent périodiquement la densification – impose aux communes qui accueillent le tramway de construire des centaines de logements. Au passage, « crise du logement » oblige, la nécessité de construire des centaines d’immeubles n’est jamais remise en cause, tout comme l’existence de milliers de logements vides dans la cuvette (1), les tarifs excessifs des loyers ou la politique d’attractivité intensive menée par les autorités locales ne sont jamais questionnés. La cuvette étant bientôt entièrement bétonnée, il faut maintenant s’attaquer aux dernières maisons de l’endroit. Et le tram est un bon prétexte, comme nous l’apprend l’adjoint à « l’immobilier » De Longevialle dans Le Daubé (13/02/2012) : « Les maisons que nous connaissons encore sur le cours Jaurès/Libération ne pourront pas toutes résister à l’urbani-sation des abords de la ligne du futur tram E ».

1 - 10 981 logements étaient vacants en 2008 dans la Métro (Source INSEE).

rumeur de campagneLe long du cours Berriat, un couple de militants UMP portent des tracts sous le bras. On les accoste : « - Alors comment marche la campagne, c’est pas gagné, hein ?- Oh ça se passe bien pour le moment. Vous savez y a des rumeurs qui disent que les militants se font agresser dans la rue, mais c’est pas vrai. Nous ont est allés tracter à Saint Bruno et même là-bas on a pas eu de problème. Bon, pour être honnête, il faut dire on est pas très nombreux. Bien moins que les précédentes élections. -  A l’UMP vous voulez dire ?- Non, tous les partis. Y a presque personne sur les marchés. L’autre jour y avait nous et les ‘’Cheminade’’, c’est tout. A une époque, je me souviens quand on distribuait dans les boites aux lettres, il nous arrivait de croiser des mecs du PS. On rangeait nos tracts et hop on allait se boire un coup au bistrot du coin ».