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CIRANOCentre interuniversitaire de rechercheen analyse des organisations
ANN-RENE BLAISChercheure en psychologie
Stagiaire post-doctorale, CIRANO
(maintenant la R&D du Ministre de la Dfense Toronto)
BERNARD SINCLAIR-DESGAGNProfesseur titulaire, HEC Montral
Vice-prsident, responsable du groupede recherche sur la Gouvernance , CIRANO
(Dcembre2002)
LE LEADERSHIP EN 3C :CAPACITS
CONDUITE
CIRCONSTANCES
RAPPORT BOURGOGNE
CIRANOCentre interuniversitaire de rechercheen analyse des organisations
2002RB-04
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Les Rapports Bourgogne
Documents de synthse portant sur des questions dintrt gnral produits par des Fellows CIRANO, les Rapports bourgognecontribuent alimenter la rflexion et le dbat public sur des questions dactualit. Les ides et les opinions mises dans ces rap-ports sont sous lunique responsabilit des auteurs, et ne reprsentent pas ncessairement les positions du CIRANO ou de ses par-tenaires corporatifs, universitaires et gouvernementaux.
The Burgundy Reports
The Burgundy Reports are written by CIRANO Fellows on issues of general interest, and aim at encouraging discussion and de-bate. The observations and viewpoints expressed are the sole responsibility of the authors; they do not necessarily represent posi-tions of CIRANO or its corporative, university or governmental partners.
CIRANO
Le CIRANO est un organisme sans but lucratif constitu en vertu de la Loi des compagnies du Qubec. Le financement de son in-frastructure et de ses activits de recherche provient des cotisations de ses organisations-membres, dune subvention dinfrastruc-ture du ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie, de mme que des subventions et mandats obtenus par sesquipes de recherche.
CIRANO is a private non-profit organization incorporated under the Qubec Companies Act. Its infrastructure and research acti-vities are funded through fees paid by member organizations, an infrastructure grant from the Ministre de la Recherche, de laScience et de la Technologie, and grants and research mandates obtained by its research teams.
Les organisations-partenaires / The Partner Organizations
cole des Hautes tudes Commercialescole Polytechnique de MontralUniversit ConcordiaUniversit de MontralUniversit du Qubec MontralUniversit LavalUniversit McGillMinistre des Finances du QubecMRST
Alcan inc.AXA CanadaBanque du CanadaBanque Laurentienne du CanadaBanque Nationale du CanadaBanque Royale du CanadaBell QubecBombardierBourse de MontralDveloppement des ressources humaines Canada [DRHC]Fdration des caisses Desjardins du QubecHydro-QubecIndustrie Canada
Pratt & Whitney Canada Inc.Raymond Chabot Grant ThorntonVille de Montral
2002 Ann-Rene Blais et Bernard Sinclair-Desgagn. Tous droits rservs. All rights reserved.Reproduction partielle permise avec citation du document source, incluant la notice .Short sections may be quoted without explicit permission, provided that full credit, including notice, is given to the source.
ISSN 1701-9990
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Depuis longtemps, on cherche comprendre ce qui prdispose certai-
nes personnes savoir bien mener les autres. Cette question tend gnrale-
ment devenir plus pressante en priodes de turbulences, alors que les soci-
ts doivent clarifier leurs valeurs, redfinir leurs projets, et recentrer leurs fa-ons de faire. Cest en effet pendant le dclin dAthnes que Platon se mit
rflchir aux qualits intrinsques du bon dirigeant. Cest en Italie ravage
par les luttes intestines et les invasions que Machiavel consigna dans Le
Princeses conseils relatifs lexercice du pouvoir. Et cest dans une Europe
ivre de rvolutions que Victor Hugo composa pour Les Misrables les por-
traits simultans du chef avec qui lon aime marcher et du chef avec qui
lon aime combattre.
A lheure actuelle, lacclration de linnovation technologique, la
versatilit des consommateurs et la volatilit des marchs inhrentes la
Nouvelle conomie incitent de nouveau les entreprises et les gouvernements
sintresser au leadership, qui apparat encore une fois comme un ingr-
dient essentiel la mobilisation des individus et l'agilit des organisations.1
Trois thories complmentaires soffrent dsormais nous pour saisir la no-
tion de leadership, chacune reprenant lune des avenues suggres au para-
graphe prcdent.2La premire, labore entre 1840 et 1940 mais remise lamode au cours de la dernire dcennie, cherche, conformment lidal pla-
tonicien, identifier les traits de caractre, ou les capacits, inhrentes au
leader. La seconde, en vogue de 1940 jusque dans les annes 70 mais qui
connat une renaissance depuis deux ans, se concentre plutt, comme le fit
Machiavel, sur la pratique du pouvoir et le type de comportement, le style ou
la conduitepropre au leader. La troisime enfin, dont le dveloppement est
rcent et toujours en cours, tente, linstar de Victor Hugo, de relever les
lments contextuels et relationnels, ou encore les circonstances, qui font le
leader.
Ce document a maintenant pour premier objectif de faire le point sur
ces trois thories, dans une optique managriale. Une premire section intro-
duira au pralable certaines nuances concernant les rapports entre leadership,
Page 3
1Heifezt, R.A. et D.L. Laurie (1997, janvier-fvrier), The work of leadership, Harvard Business Review, pages124-134.2Boje, D. (2000), The Leadership Box, disponible sur internet : http://cbae.nmsu.edu/~dboje/teaching/338/ .
Trois thories complmen-taires soffrent dsormais nous pour saisir la notion de
leadership :1) Les capacitsinhrentes
au leader;2) La conduitepropre au
leader;3) Les circonstancesqui
font le leader.
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pouvoir et management. Et la section 5 abordera la question trs actuelle du
dveloppement du leadershipen entreprise.
1. Le leader, le manager et le pouvoir
Bien que lon puisse trouver des faons trs diverses dapprhender la
notion de leadership, il existe nanmoins un consensus sur ce que, prcis-
ment, le leadership nest pas.3
Premirement, il faut comprendre que le management et le leadership
sont des concepts distinctsqui ne devraient pas tre utiliss de manire inter-
changeable.4Un bon manager peut ne pas tre un leader, de mme quun lea-
der efficace peut savrer tre un pitre manager. Il est vrai que le leadership
et le management partagent une large interface, car ils sarriment tous les
deux au travail en compagnie dautres personnes en vue datteindre certains
objectifs. Le rle principal du manager rside toutefois dans le maintien de
lordre et de la cohrence, tandis que le leadership se manifeste plutt dans
lessor et le changement.5Comme en tmoigne lencadr ci-aprs, le mana-
ger doit avant tout composer avec la complexit dun plan prtabli, alors
que le leader semploie surtout transformerson environnement.Le dfi ac-
tuel des entreprises est prcisment de savoir combiner management et lea-
dership de manire complmentaire et quilibre.
Rapport bourgognePage 4
Le dfi actuel des entreprises
est prcisment de savoir
combiner management et
leadership de manirecomplmentaire et quilibre.
Le management et le
leadership sont des concepts
distincts qui ne devraient pastre utiliss de manire
interchangeable.
(Kotter, 1990)
Un bon manager peut ne pas
tre un leader, de mme
quun leader efficace peut
savrer tre un pitre
manager.
Le leader et le manager
Le manager et le leader nabordent pas une mme tche de la mmemanire. Quil sagisse de planification budgtaire, par exemple, et lemanager cherchera tablir des agendas dtaills et des chanciersprcis, ainsi qu allouer les ressources disponibles afin de rencontrer
les objectifs fixs; le leader, par contre, contestera ce qui ne rpondpas sa propre stratgie, et veillera construire et faire partager unevision dynamisante de son entreprise. Un bon manager voudra mettreen uvre des systmes dincitation, de contrle et de pilotage dentre-prise, tandis qu'un bon leader saura personnellement inspirer et tirer lemeilleur des individus sous sa gouverne.
3 Pour un survol exhaustif des multiples notions de leadership, voir Bass, B.M. (1990), Bass and Stogdills Hand-book of Leadership : Theory, Research, and Managerial Implications, The Free Press.4 Bean, J. (2001),Leadership Modules, disponible sur internet : http://www.skillforleaders.com/.5Kotter, J.P. (1990, mai-juin), What leaders really do,Harvard Business Review, pages 103-111.
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Certains soutiennent mme que les leaders et les managers diffrent
profondment jusque dans leur vcu, leur motivation, et leur mode de pen-
se.6Par exemple, les managers seraient plutt passifs face aux objectifs de
leur organisation et maintiendraient un bas niveau dimplication motion-
nelle lgard des autres employs quils ctoient. Par contraste, les leaders
prfrent faonner les objectifs quon leur assigne plutt que den prendre
acte. Ceci dclenche souvent dans leur entourage des sentiments contradic-
toires et tend crer une atmosphre de travail motionnellement charge.
En fait, les leaders sont souvent des personnes dont la vie a t difficile et
marque dun combat constant pour la reconnaissance; il en rsulte un senti-
ment de singularit face au monde et une tendance incessante rechercherloccasion de changer les rapports entre les personnes, les organisations et les
institutions.
Par ailleurs, sil existe un rapport certain entre le pouvoir et le lea-
dership, les deux notions ne devraient pas tre vues comme des synonymes.7
Dfini simplement, le pouvoir est la capacit dinfluencer les dcisions et le
comportement des autres; en ce sens, les juges, les auditeurs, les enseignants,
les entraneurs sportifs et les mdecins ont tous du pouvoir, mais tous ne sont
videmment pas des leaders. On peut en fait numrer au moins cinq assises
de pouvoir:
(a) celle base sur lattente dune rcompense, le plus souvent montaire;
(b) celle fonde sur la contrainte et la crainte, qui prsuppose la pr-
sence de menaces crdibles de punitions;
(c) celle provenant dune lgitimitconfre par des normes et des cou-
tumes largement acceptes;
(d) celle base sur le respectet qui fait quon sidentifie avec la personneen question;
(e) et celle enfin qui est dvolue par la connaissance, lexprience et la
comptence.
Les personnes exerant les professions que nous venons de citer en
exemple nutilisent le plus souvent quune ou deux de ces assises de pou-
Page 5
Sil existe un rapportcertain entre le pouvoir et le
leadership, les deux notions
ne devraient pas tre vues
comme des synonymes.
(Northouse, 2001)
Le propre du leader est de
savoir utiliser les cinq assises
du pouvoir des degrs
diffrents :
1) Lattente dune rcompense;
2) La contrainte et la crainte;
3) La lgitimit;
4) Le respect;
5) Lexprience et la
comptence.
6Zaleznik, A. (1992, mai-juin), Managers and leaders: are they different?,Harvard Business Review, pages 126-135.7
Northouse, P.G. (2001),Leadership: Theory and Practice, Sage (deuxime dition).
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voir8; or, comme nous le verrons plus loin, le propre du leader est de savoir
les utiliser toutes des degrs divers et bon escient.
2. Les capacitsde leadership
On dit souvent de quelquun que cest un leader naturel. Une telle
affirmation reflte lide largement rpandue que lon nat leader, ou en
dautres termes quun vritable meneur doit ncessairement possder certai-
nes aptitudes qui le distingueront toujours des autres. Les premires recher-
ches sur le leadership visrent prcisment saisir les capacits ou les traits
inns du leader, qui le diffrencient du subalterne, ou encore qui diffren-
cient le leader performant de celui qui choue, un trait tant ici dfini comme
une caractristique physique ou psychologique laquelle l'mergence et le
succs d'un leader peuvent tre clairement attribus et que lon peut circons-
crire laide de lobservation et de lanalyse rigoureuse des donnes.
Un survol dsormais classique, mais aussi critique, des rsultats de
cette approche figure dans deux ouvrages de R. M. Stodgill publis successi-
vement en 1948 et en 1974.9Le premier de ces ouvrages couvre plus de 124
tudes effectues entre 1904 et 1947, y compris certaines recherches non en-
core publies. Le second recoupe 163 tudes ralises ultrieurement et com-pare les nouveaux rsultats aux anciens. Il semble que certains traits de ca-
ractre permettent de distinguer les leaders des subalternes, les leaders ga-
gnants des leaders perdants, de mme que les leaders occupant le sommet de
la hirarchie des leaders de moindre statut. Lmergence et le succs dun
leader peuvent tre lis la prsence simultane de 9 critres, soit :
(1) un fort dsir de prendre des responsabilits et de mener ses projets
terme,
(2) vigueur et persvrance dans la poursuite des objectifs,
(3) originalit, voire prise de risque, dans la rsolution de problmes,
(4) initiative dans les relations sociales,
(5) le sens dun apportpersonnelau monde et une indfectible confiance en
soi,
Rapport bourgognePage 6
8French, J.R.P. et B. Raven (1959), The bases of social power, dans D. Cartwright (diteur), Studies in SocialPower, publi par lInstitute of Social Research de lUniversit du Michigan.9 Voir Stodgill, R.M. (1948), Personal factors associated with leadership: a survey of the literature,Journal of
Psychology, volume 25, pages 35-71.; et Stodgill, R.M. (1974),Handbook of Leadership: A Survey of Theory and
Research, The Free Press.
Lmergence et le succs
dun leader peuvent tre lis
la prsence simultane de 9
critres
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(6) la volont daccepter les consquences de ses dcisions et de ses ac-
tes,
(7) laptitude faire face au stress,
(8) la volont de faire front malgr les dlais et la frustration,
(9) et surtout, la capacit de structurer son milieu en vue de lobjectif
atteindre.
Anticipant la recherche actuelle, Stodgill rapporte toutefois que les
dons, les qualits et les caractristiques associs au meneur performant va-
rient ncessairement selon les exigences de la situation. En termes techni-
ques, une partie de la variance associe la performance du soi-disant leader
peut tre explique par des traits caractriels, bien sr, mais aussi par certains
paramtres contextuels, et par linteraction entre ces deux aspects. On ne de-vient pas un leader par la seule juxtaposition de certains traits de caractre,
car ceux-ci doivent encore tre appropris dans les circonstances. Quelquun
peut savrer tre un meneur dans un groupe donn ou pendant certains v-
nements, mais pas dans dautres cas de figure. Le leadership rsulte ainsi en
partie du fait de se trouver au bon endroit au bon moment.
Lapproche du leadership base sur lanalyse des aptitudes reste cer-
tes intuitive. Fonde sur plus dun sicle de recherche active, elle offre de
nombreux points de repre qui souhaiterait pouvoir identifier les meneurs
potentiels. Mais elle possde aussi dimportantes lacunes. Premirement, la
liste des traits de caractre pertinents tend sallonger indfiniment. De plus,
certaines conclusions, ou bien se contredisent, ou encore apparaissent peu
fondes scientifiquement. Les lments du contexte sont encore mal pris en
compte, de mme que certains critres de performance comme la productivi-
t et le niveau de satisfaction des employs. Enfin, bien que toutes ces tudes
auront dmontr sans quivoque que le leadership est vritablement un pro-cessus et non pas un tat statique, leur utilit dans le monde de lentreprise
reste limite. Lidentification des traits de caractre du leader semble en effet
nier la possibilit de pouvoir ventuellementproduiredes meneurs via la for-
mation et la prise dexprience. Les thories bases sur la conduite du leader
Page 7
Le leadership rsulte en
partie du fait de se trouver au
bon endroit au bon moment.
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trouvent ainsi leur principale motivation dans la ncessit de rpondre cette
critique.
3. La conduitedu leader
Linsatisfaction grandissante lgard des thories bases sur linn,
qui provenait surtout dun doute lgitime leffet quon devrait aussi pouvoir
dvelopper le leadership chez certaines personnes, donna naissance dans les
annes 40 une approche alternative centre cette fois sur les styles ou la
conduite propres au leader. Plutt que de mettre lemphase sur le caractre
typique du leader, cette approche a plutt pour objectif de relever ce quun
leader fait etcomment il agit.Les comportements recherchs sont des comportements visant in-
fluencer un entourage et que les membres de ce milieu trouveront accepta-
bles.10 On classifie gnralement ces comportements selon deux types: les
comportements vocation relationnelle et ceux associs des tches. Les
premiers doivent permettre aux subalternes de se sentir laise, en eux-
mmes, vis--vis les autres, et face au contexte; quant aux seconds, ils doi-
vent appuyer latteinte des objectifs par le groupe en question. Les thories
du leadership bases sur ltude des comportements tentent dexpliquer com-
ment les leaders qui sont performants combinenten fait ces deux modes de
comportement.
Les tudes effectues tracent parfois une ligne plutt floue entre les
capacits et la conduite proprement dite d'un meneur. Les thoriciens de lap-
proche comportementale se distinguent nanmoins nettement de ceux prco-
nisant lapproche prcdente par le postulat unanimement accept que le lea-
dership nest pas uniquement affaire de personnalit. En effet, la conduite du
leader nest pas seulement modele sur les traits de caractre de lindividu,
mais aussi sur les paramtres de son environnement. Il arrive mme quun
leader russisse rprimer certains de ses traits ou encore en dvelopper
dautres, de manire mener son entreprise efficacement.11
Les tudes les plus connues sont celles ralises au dbut des annes
Rapport bourgognePage 8
Plutt que de mettre lemphase
sur le caractre typique du
leader, cette approche a plutt
pour objectif de relever ce
quun leader fait et comment il
agit.
10House, R. J. et M. L. Baetz (1979), Leadership : some empirical generalizations and new research directions ,Research in Organizational Behavior, volume 1, pages 341-423.11
Farkas, C. M. et S. Wetlaufer, S. (1996, mai-juin), The ways chief executive officers lead ,Harvard BusinessReview, pages 110-122.
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50 lUniversit de ltat dOhio et lUniversit de ltat du Michigan.
Une autre tude clbre et qui prolonge les deux autres fut ralise par R. R.
Blake et J. S. Mouton dans les annes 60. Nous allons maintenant rsumer
brivement ces travaux.
X Ltude de lUniversit de ltat dOhio
Celle-ci a cherch savoir comment certains individus pratiquent le
leadership, laide dun questionnaire demandant des subalternes de d-
crire le comportement de leur leader. Plusieurs centaines de personnes de mi-
lieux aussi divers que lducation, lindustrie manufacturire ou larme r-
pondirent ce qui allait devenir le Leader Behavior Description Question-
naire.12Les rsultats de ces recherches indiquent que la conduite de leader-
ship participe de deux volets, illustrs dans l'encadr ci-aprs, que lon ap-
pelle communmentstimulantetstructurant.
Les comportements stimulants voquent la confiance et le respect
mutuels, de mme quune certaine chaleur dans les relations entre le leader et
les autres membres du groupe. Ils manifestent le dsir dune bonne commu-
nication entre le leader et ses subalternes, et louverture la prise de dcision
sur un mode participatif.Les comportements structurants se rapportent quant eux lorgani-
sation, la dfinition et la configuration des responsabilits et des tches.
Lanalyse empirique rvle que ceux-ci peuvent tre positivement, ngative-
ment, voire non corrls aux comportements stimulants.13De plus, en regar-
dant diverses combinaisons de ces deux types de comportement ainsi que
leur relation avec certains critres de performance (griefs, taux de roulement
des employs, etc.), on a trouv quil tait souvent possible un leader de
compenser un surcrot de structure par des comportements stimulants; par
contre, un score faible sur le volet des comportements stimulants ne pouvait
trouver contre-partie dans un allgement des comportements structurants. Il
semble donc quune dose minimale de comportements stimulants soit une
condition ncessaire ltablissement dun leadership efficace.14
Il semble quune dose
minimale de comportements
stimulants soit une condition
ncessaire ltablissementdun leadership efficace.
(Fleishman et Harris, 1962)
Page 9
12Pour une description de ce questionnaire, voir J. K. Hemphill et A. E. Coons (1957), Development of the Leader Beha-vior Description Questionnaire , dans R. M. Stodgill et A.E. Coons (diteurs),Leader Behavior : Its Description and Mea-surement, Ohio State University Bureau of Business Research. Le LBCQ possde apparemment certaines failles, mais ilest toujours largement utilis.13Landy, F.J. (1989),Psychology of Work Behavior, Belmont (quatrime dition).14 Fleishman, E.A. et E .F. Harris (1962), Patterns of leadership behavior related to employee grievances and turnover,Personnel Psychology, volume 15, pages 43-56.
Les comportementsstimulants voquent la
confiance et le respect
mutuels, de mme quune
certaine chaleur dans les
relations entre le leader et les
autres membres du groupe;
les comportements
structurants se rapportent
quant eux lorganisation,
la dfinition et la
configuration des
responsabilits et des tches.
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X Ltude de lUniversit du Michigan
Les chercheurs de cette universit se sont surtout penchs sur les pe-
tits groupes. Ils y ont eux aussi relev deux types de comportements de lea-
dership analogues ceux identifis prcdemment par leurs collgues de
lOhio, soit lorientation employ et lorientation production.
Au cours des annes 50 et 60, plusieurs tudes furent ralises afin de
dterminer les combinaisons de comportements stimulants et de comporte-
ments structurants qui maximisent loutput et la performance des subalternes.
Les conclusions savrrent toutefois floues et contradictoires, quoique cer-
tains aient pu affirmer que le leader idal dans toutes les situations devrait
obtenir un score lev sur les deux volets. Une majorit dtudes rvla une
corrlation positive entre les comportements stimulants, le degr de satisfac-
tion des subalternes, la propension rester au poste, et la prsence au travail.
Rapport bourgognePage 10
Conduites de leadership, classifies selon leLeader Behavior Description Questionnaire
Stimulant
Elle/il favorise personnellement certains membres du groupe. Elle/il fait peu pour rendre agrable la prsence au sein du groupe. Elle/il est facile comprendre. Elle/il prend le temps dcouter les
membres du groupe.
Structurant
Elle/il rend son attitude et ses principes clairs pour le groupe. Elle/il essaie de nouvelles ides avec le groupe. Elle/il dirige avec une main de fer. Elle/il est critique du travail mal fait.
Note: Les rpondants du questionnaire devaient juger selon une chelle qualita-
tive de jamais toujours - si chacun des noncs parmi une quarantainednoncs semblables ceux-ci sappliquait leur conception du LEADER IDAL.Les poids respectifs des deux types de comportement sont ensuite obtenus par ad-dition de scores sur les noncs.
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On trouva toutefois que la relation entre les comportements structuraux, la
productivit et le degr de satisfaction des subalternes variait selon les mesu-
res utilises, les contraintes imposes par le contexte, les objectifs poursuivis
et le personnel vis : par exemple, ces comportements sont notables chez les
cadres suprieurs dans leurs activits de planification et de coordination, et
chez les employs de niveau infrieur dans leurs tches de production. Trop
d'insistance sur la structure n'est donc pas souhaitable, mais un certain diri-
gisme se retrouve toujours chez le bon leader, particulirement lorsque ses
subalternes sont peu motivs ou peu forms.
X La grille de leadership de Blake et Mouton
Dans la foule des tudes sur la conduite de leadership, un modle
bien connu est celui propos par Blake et Mouton. Construit partir de deux
types de comportements voquant ceux dcrits plus haut, soit le souci des
gens et la proccupation pour le rendement, et conu en vue d'expliquer
comment les meneurs peuvent amliorer la performance d'une organisation,
ce modle reste encore largement utilis pour la formation des cadres et le
dveloppement du leadership.
La grille de leadership de Blake et Mouton se prsente d'abord sous laforme des deux axes perpendiculaires illustrs dans la figure 1. L'axe hori-
zontal correspond la proccupation pour le rendement et l'axe vertical au
souci pour les gens. Chaque axe contient une chelle allant de 1 (le mini-
mum) 9 (le maximum). Plusieurs comportements de leader peuvent ainsi
tre reprsents.
Trop d'insistance sur la
structure n'est donc pas
souhaitable, mais un certain
dirigisme se retrouve
toujours chez le bon leader.
Page 11
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La figure suivante en illustre actuellement cinq.15
Le style de leadership associ au score (9,1) est dit autoritaire-
conformiste, celui dcrit par le couple (1,9), l'inverse, se rapporte une
approche du leadership dite de country club. Un leader au comportement
dcrit par le score (5,5) peut tre vu comme une personne de compromis, fai-
sant l'arbitrage entre le rendement et le bien-tre de ses subalternes. Le cou-
ple (1,1), par contre, reflte un manque certain de leadership. Enfin, le style
de leadership se rapportant au couple (9,9) correspond celui d'un chef deprojet efficace qui doit rpondre des exigences prcises selon un chancier
serr. On pourrait croire que ce dernier comportement de leader soit optimal
dans tous les cas, mais les experts actuels du leadership soulignent qu'il
existe des circonstances o les objectifs des employs et ceux de l'entreprise
divergent au point qu'il n'est pas possible d'entretenir simultanment un sou-
ci lev pour les gens (au sens de la grille) et une proccupation maximale
pour le rendement.
Blake et Mouton avancent en outre que les meneurs ont bien sr un
comportement dominant qu'ils utilisent dans la plupart des situations, mais
quesous la pression et le stress, ou encore lorsque son style habituel est d-
fait, il arrive qu'un leader s'en remette un style de rserve, souvent re-
foul. On a constat, par exemple, qu'un leader gnralement affable pouvait
La grille de leadership
Rapport bourgognePage 12
15D'aprs Northouse, P.G. (2001), op. cit.
Il existe des circonstances o
les objectifs des employs et
ceux de l'entreprise divergent
au point qu'il n'est pas possible
d'entretenir simultanment un
souci lev pour les gens (au
sens de la grille) et une
proccupation maximale pour
le rendement.
Laproccupationpourlerendement
Figure 1. La grille de leadership
Le souci des gens
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commencer une runion sur un ton amical et dtendu, mais la terminer dans
le style autoritaire-conformiste centr uniquement sur les exigences de rende-
ment.
Plus rcemment, sur la base d'un chantillon alatoire de 3871 sujets tirs
d'une population de 20 000 cadres rpartis travers le monde, la firme de
conseil Hay/McBer a identifi six types de comportement de leadership dis-
tincts qui semblent avoir un impact direct sur l'atmosphre interne et sur les
rsultats financiers d'une quipe, d'une division, ou encore d'une compa-
gnie16. Ces six conduites de leadership sont prsentes au tableau qui suit.
L'tude rvle, entre autres, que la conduite dite galvanisante aurait l'im-
pact le plus positif sur l'atmosphre de travail, suivie respectivement descomportements dits de partenaire, dmocratique, et d'entraneur.
Une conduite galvanisante donne le cap un groupe, dfinit une fina-
lit laquelle tous adhrent, mais laisse chacun libre d'innover, d'exprimen-
ter et de prendre des risques calculs. Les subalternes se sentent alors mobili-
ss et fiers d'appartenir l'entreprise. Un bel exemple de conduite galvani-
sante fut rcemment fourni par Bob Pittman, le PDG de Six Flag Entertain-
ment, une socit exploitant des parcs de loisir et d'attraction. On lui rapporta
un jour que les gardiens de parc se montraient dsagrables avec les visi-
teurs. Aprs plusieurs visites de terrain, il observa que les visiteurs jetaient
souvent des dtritus dans les alles, ce qui avait pour effet d'exasprer les
gardiens qui l'on ordonnait expressment de veiller garder le parc impec-
cable. Bob Pittman choisit alors d'inscrire le rle du gardien de parc dans une
vision plus large, ce qui l'amena redfinir leur objectif comme tant avant
tout d'assurer le bien-tre des usagers. Comme un visiteur trouve normale-
ment moins agrable un parc aux alles sales, la tche du gardien restait tou-jours de bien nettoyer, mais il convenait dsormais de le faire dans un climat
serein. Cet exemple montre aussi que la conduite galvanisante s'avre parti-
culirement approprie lorsqu'un groupe donn a besoin d'orientations claires
et rassembleuses.
La conduite galvanisante, qui
selon ltude de la firme de
Hay/McBer aurait l'impact le
plus positif sur l'atmosphre de
travail, dfinit une finalit
laquelle tous adhrent, mais
laisse chacun libre d'innover,
d'exprimenter et de prendre
des risques calculs.
Page 13
16Voir Goleman, D. (2000, mars-avril), Leadership that gets results,Harvard Business Review, pages 78-90.
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La conduite de partenaire contribue quant elle renforcer les liens
affectifs entre individus et crer autour du leader une loyaut exception-
nelle. Le leader-partenaire sait gnralement dissiper les tensions, panser les
plaies rsultant d'un conflit, et souder les quipes. Un tel meneur manifeste
toutefois trop souvent un besoin excessif d'tre apprci et le dsir d'viter
tout prix la confrontation, ce qui peut videmment s'avrer dangereux
lorsqu'il s'agit, par exemple, de rformer l'organisation ou encore d'effectuer
une tche complexe et risque.
Une conduite plus rare mais de plus en plus de mise chez un leader
dans le contexte de la Nouvelle conomie base sur le savoir est celle d'en-
traneur. Il s'agit ici d'aider les individus identifier leurs points forts et leursfaiblesses pour les relier leurs aspirations personnelles et professionnelles,
ainsi qu'aux objectifs de l'organisation. Selon Patrick O'Brien, prsident de la
socit d'articles de plein airJohnson Outdoorset fervent partisan de ce style
de leadership, Arriver connatre les gens individuellement est plus impor-
tant que jamais. Si vous avez cette conversation [qui dborde les proccupa-
La conduite de partenaire
contribue quant elle
renforcer les liens affectifs
entre individus et crer
autour du leader une loyaut
exceptionnelle.
Rapport bourgognePage 14
Les conduites de leadership
Galvanisante
Partenaire
Dmocratique
Entraneur
Gagneur
Autoritaire
Mobilise en fonc-tion d'une vision
Emphase sur lesliens affectifs etl'harmonie
Cherche leconsensus par laparticipation
Dveloppe lesgens pour l'avenir
Vhicule des cri-tres de perfor-mance levs
Exige des ajuste-ments immdiats
Vous serezfiers de pouvoir
dire: j'y tais!
Nous formonstous une grandefamille.
Qu'en dites-vous? Etes-vous d'accord?
Allez-y! Vousen tes capa-bles.
Faites ce queje fais, et tout desuite!
Faites ce queje dis.
Trs positif
Positif
Positif
Positif
Ngatif
Ngatif
Les conduites de leadership17
17Les termes originaux anglais correspondant respectivement galvanisant, partenaire, dmocratique, entraneur,gagneur et autoritaire sont authoritative, affiliative, democratic, coaching, pacesetting, et coercive.
Styles Caractristique Phrase typique Impact sur leclimat de travail
Une conduite plus rare mais de
plus en plus de mise chez un
leader dans le contexte de la
Nouvelle conomie base sur le
savoir est celle d'entraneur.
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tions de travail court terme et explore les rves et les aspirations profes-
sionnelles des individus] d'une heure avec quelqu'un au dbut, six mois plus
tard, un vendredi soir, ils feront le grand saut avec vous. Une telle conduite
tolre gnralement l'chec court terme, ce qui, selon l'organisation et les
tches en cours, peut constituer un avantage - lorsqu'il faut dvelopper le ta-
lent, entre autres - mais aussi un danger - en situation de dtresse financire,
par exemple.
Lorsqu'il devint prsident d'IBM en 1994, Lou Gerstner prati-
qua quant lui un style de leadership dmocratique qui donna des rsultats
remarquables. L'entreprise se trouvait alors en mauvaise posture. Mais celui-
ci parvint redresser la barre en recherchant quotidiennement les conseils et
l'accord de nombreux collgues expriments. Dans la foule, certains hautsdirigeants ont mme choisi d'implanter systmatiquement un tel mode de lea-
dership. David Morgan, le PDG de Westpac Bank, une banque austra-
lienne, consacre par exemple 20 journes dans l'anne pour rencontrer par
groupe de 40 les 800 managers de son entreprise et couter directement leur
feedback. Ce cas rvle par contre l'une des principales limitations du lea-
dership dmocratique : il exige beaucoup de temps de la part du leader et se
prte dangereusement bien l'immobilisme, voire la runionite.
Aux antipodes du leadership dmocratique se situent le style gagneur
et la conduite autoritaire. Un dirigeant au comportement de gagneur exige
l'excellence de la part des autres etde lui-mme. Elle/il vhicule des normes
d'excellence exceptionnellement leves etuniverselles, ce qui l'amne ma-
nifester spontanment de l'impatience vis--vis les rsultats qu'elle/il juge
mdiocres. Au besoin, elle/il n'hsitera pas retoucher en profondeur le tra-
vail d'un subalterne qui prouve des difficults, sans mnager ce faisant la
susceptibilit de ce dernier. L'absence d'empathie et de conscience de soi ca-ractrise cette conduite de leadership qui, bien que dmobilisante et gnra-
trice de conflits la plupart du temps, peut s'avrer fructueuse, soit pour mener
une quipe motive et comptente soumise des exigences de haute prci-
sion, ou encore au dmarrage d'une entreprise dont la croissance est a-
lors l'objectif prioritaire. Le leader en mode autoritaire manifeste quant lui
Page 15
Le leader dmocratique
recherche quotidiennement les
conseils et l'accord denombreux collgues
expriments.
Un dirigeant au
comportement de gagneur
exige l'excellence de la part
des autres et de lui-mme.
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peu de got pour la communication, l'explication et la ngociation. Il lui im-
porte seulement d'tre suivi quoi qu'il arrive, et le feedback qu'il destine ses
subalternes se focalise sur les erreurs et les faux pas. Cette conduite de lea-
dership peut malgr tout s'avrer bnfique en situation de crise profonde et
de relle urgence, quand l'absence d'une main de fer pourrait avoir des cons-
quences dsastreuses.
Fait intressant : l'tude de Hay/McBer rapporte en outre que les lea-
ders les plus performants ne se comportent pas de manire toujours gale
mais adoptent plutt des styles adapts aux circonstances. Par analogie, on
peut comparer les diffrents modes de comportement de leader un attirail
de clubs de golf : comme le golfeur dont la technique lui permet de bien uti-
liser tous ses btons choisit toujours celui qui parat le plus appropri ladistance, l'tat du terrain, au vent, etc., un bon leader devrait aussi, par
exemple, pouvoir lire dans les premires minutes d'une conversation si un
employ ncessite un ultimatum (conduite autoritaire ou de gagneur), s'il a
au contraire besoin d'encouragements (conduite d'entraneur), s'il peut se
trouver ressourc par des questions sur ses projets et ses aspirations (conduite
de partenaire), ou encore par une ouverture manifeste recevoir des sugges-
tions de sa part (conduite dmocratique). Plus un dirigeant est versatile et ca-
pable d'offrir diffrents modes de leadership, meilleurs sont donc le climat
organisationnel et la performance, les meneurs les plus toffs faisant montre
d'une grande flexibilit en matire de conduite de leadership. Ainsi, ayant
commandit une tude mettant en relation la conduite de leadership et les r-
sultats scolaires dans 42 coles, le gouvernement du Royaume-Uni trouva
rcemment que, dans 70% des meilleures coles, le principal affichait au
moins 4 des styles de leadership positifs, qu'il utilisait en fonction des si-
tuations, alors que dans les deux tiers des coles les plus mdiocres le direc-teur s'appuyait seulement sur une ou deux conduites de leadership,
ngatives le plus souvent.18
videmment,peu de dirigeants savent pratiquer bon escient toutes
ces conduites de leadership et arrivent avoir suffisamment de tact pour re-
connatre le moment propice au dploiement d'un comportement donn. Une
Les leaders les plus
performants ne se comportent
pas de manire toujours galemais adoptent plutt des styles
adaptes aux circonstances.
Rapport bourgognePage 16
18Rapport duHay Group pour le Ministre de l'Emploi et de l'ducation du Royaume-Uni (2000).
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premire solution est de recourir d'autres meneurs pratiquant des styles
complmentaires : un vice-prsident de la production au comportement de
partenaire pourrait par exemple ajouter son quipe de direction un collgue
la conduite de gagneur et le mettre en charge du respect des chances. Une
voie plus longue mais plus sre partira toutefois du constat rcent que le
commun dnominateur des six conduites de leadership discutes prcdem-
ment semble tre un ensemble de facults relevant de l'intelligence motion-
nelle(voir l'encadr qui suit). L'apprenti-leader devrait donc chercher ten-
dre son registre de styles par un travail incessant sur soi-mme visant ac-
crotre son propre tonus motionnel : un manager naturellement port vers la
conduite autoritaire devrait par exemple tenter d'amliorer ses capacits
d'empathie et ses facults de communication, en vue de pouvoir adopter aubesoin un comportement de partenaire.
L'approche base sur la conduite du meneur aura somme toute contri-
bu significativement la recherche et surtout la formation au leadership.
Elle demeure largement utilise dans les programmes de dveloppement du
personnel en entreprise, o elle permet aux participants de faire le point sur
leurs propres comportements et d'enrichir leur pratique du leadership. Elle
reste malgr tout insatisfaisante certains gards. La recherche n'a jamais pu
prciser suffisamment, par exemple, les liens existants entre le souci des
gens, la proccupation pour le rendement, et la performance. On n'a pas non
plus russi dgager une conduite gnrique de leader, qui serait efficace
dans toutes les situations. Peut-tre existe-t-il aussi une meilleure typologie
des comportements de meneur ? Certains auteurs, comme Yukl (1981), pro-
posent ainsi une classification base sur les diffrentes activits ou fonctions
d'un leader, soit le rseautage, le support, la gestion des conflits, la construc-
tion d'quipes, la motivation, la rsolution de problmes, et le contrle.19
Page 17
Plus un dirigeant est versatile
et capable d'offrir diffrents
modes de leadership, meilleurs
sont donc le climat
organisationnel et la
performance.
19 Yukl, G. (1981),Leadership in Organizations, Prentice-Hall (premire dition).
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4. Les circonstancesqui font le leader
Selon une tude ralise par l'Institut de sondage Gallup auprs de 2
millions de salaris dans 700 entreprises amricaines, ce qui dtermine le
temps que les salaris choisissent de passer dans l'entreprise et leur producti-
vit semble tre la qualit de la relation avec leur suprieur immdiat. Par
ailleurs, Goleman, Boyatsis et McKee (2001) rapportent que l'analyse de 177
tudes distinctes ayant au total valu plus de 28 000 managers dmontre
qu'un manager dont la position hirarchique est leve tait susceptible de
Rapport bourgognePage 18
Intelligence motionnelle et leadership20
Au cours de la dernire dcennie, la recherche sur les comptences de leadership a mis en
lumire la contribution incontournable de ce qu'on appelle maintenant l'intelligence mo-
tionnelle. L'intellect, en particulier les aptitudes cognitives comme l'esprit de synthse ou la
capacit d'anticipation long terme, demeure bien sr une condition ncessaire au succs.
Mais les comptences relevant de l'intelligence motionnelle paraissent jouer un rle primor-
dial aux niveaux les plus levs de l'organisation, l o le fait de possder certaines comp-
tences techniques ne peut plus faire la diffrence. En d'autres termes, plus le niveau hirar-
chique d'un dirigeant est lev, plus les comptences d'intelligence motionnelle semblent
avoir un impact sur son rendement en tant que leader.
On attribue actuellement quatre dimensions l'intelligence motionnelle :
(1) la conscience de soi(harmonie avec soi-mme, juste image de soi, connaissance de ses
forces et faiblesses, confiance en soi, sens de l'essentiel, intuition);
(2) la gestion de soi(matrise de soi, intgrit et franchise, adaptabilit, volont de ralisa-
tion, initiative, optimisme);
(3) l'intelligence interpersonnelle(empathie, sens politique, sens du service, tact et diplo-
matie);
(4) la gestion des relations (mulation, influence, souci de collaboration et d'enrichisse-
ment des autres).
Les piliers d'une conduite de leadership ayant un impact positif semblent tre la conscience desoi et l'empathie, cette dernire qualit devant incluant l'coute et l'intgration de la perspectivede l'autre.
20Cet encadr reprend largement les principaux lments de l'expos de D. Goleman, R. Boyatsis et A. McKee(2001),Primal Leadership, Harvard Business School Press.
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recevoir moins de feedback de la part de ses collgues. Et le problme s'ac-
centue lorsque les meneurs sont des femmes ou encore des membres de mi-
norits visibles. C'est ce qu'on appelle communment la maladie du PDG -
ou le vide d'information cr autour d'un leader lorsque ses collaborateurs lui
dissimulent des informations importantes (et souvent dsagrables).
Les tudes discutes jusqu' prsent, focalises sur le caractre ou
bien la conduite qui caractrisent le leader quel que soit le contexte, ne pou-
vaient que difficilement rendre compte de ces phnomnes. Un nouveau pa-
radigme qui a vu le jour au dbut des annes 80 met l'emphase sur la relation
spcifique entre un leader et son subalterne.
De ce paradigme sont nes respectivement les approches complmen-
taires dites transactionnelles et transformationnelles. La premire comporteune dimension d'change : elle considre spcifiquement les transactions p-
cuniaires et non-pcuniaires qui caractrisent la relation meneur-subalterne,
comme par exemple les promotions dont les conditions surpassent (ou non)
en gnrosit ce que l'employ attendait normalement, ou encore la nature et
la porte des promesses faites et tenues par le leader.21L'approche transfor-
mationnelle, par contre, s'intresse aux variables qui font d'un leader un
agent de changement.
L'origine de l'approche transactionnelle se trouve dans les travaux no-
vateurs de J.M. Burns, un socio-politologue dont l'impact sur l'tude du lea-
dership s'est par la suite avr dterminant.22Un leader et ses subalternes se
transforment mutuellement : par interaction, chacun amne l'autre un degr
suprieur (ou infrieur!) de conscience morale et de motivation, la ra-
lisation d'un potentiel.23Selon cette approche, l'objet central du leadership se
trouve rsum par cette formule d'Andr Malraux : Il faut faire prendre
conscience aux gens de la grandeur qui existe en eux.Les notions introduites par Burns ont permis de crer un nouvel outil
pour l'tude empirique du leadership, le Multifactor Leadership Question-
naire (MLQ), qui permet de pondrer les lments transactionnels et trans-
formationnels, de mme que certains aspects comportementaux spcifiques
chacune de ces dimensions.24On a ainsi pu dmontrer l'indpendance respec-
Page 19
21Voir Northhouse (2001), op. cit.22 Burns, J.M. (1978),Leadership, Harper & Row.23 A ce sujet, voir M. Sashkin et W.E. Rosenbach (1993), A new leadership paradigm, dans W.E. Rosenbach et R.L. Taylor (diteurs), Contemporary Issues in Leadership, Westview Press (troisime dition), pages 87-108.24Bass, B.M. (1985),Leadership and Performance beyond Expectations, The Free Press.
Un nouveau paradigme qui a
vu le jour au dbut des
annes 80 met l'emphase sur
la relation spcifique entre
un leader et ses subalternes.
De ce paradigme sont nes
respectivement les approches
complmentaires dites
transactionnelles et
transformationnelles.
Lapproche transactionnelle
considre spcifiquement les
transactions pcuniaires et
non-pcuniaires qui
caractrisent la relation
meneur-subalterne;
l'approche
transformationnelle, par
contre, s'intresse aux
variables qui font d'un leaderun agent de changement.
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tive des deux dimensions, au sens o un individu peut trs bien s'illustrer
dans l'une, dans l'autre, dans les deux, ou dans aucune d'entre elles. Un diri-
geant peut par exemple manifester un leadership transactionnel en faisant ap-
pel aux normes rgissant le travail de son groupe, ou bien un leadership
transformationnel en expliquant avec enthousiasme et passion l'objectif vis.
Le MLQ a en outre fait ressortir 2 lments du leadership transaction-
nel :
(1) La rtribution contingente. Il s'agit ici des systmes de
contrle et de rmunration de l'effort et de la performance sur les-
quels le leader et ses subalternes se mettent d'accord au dbut et au
cours de leur relation.
(2) Le management par exception. On considre dans ce cas lesinterventions ponctuelles du meneur lorsque les choses tournent mal
ou que les subalternes font des erreurs. Il s'agit alors de saisir la nature
et l'ampleur des critiques, feedback ngatifs et punitions que le meneur
prfre utiliser.25
Quatre facettes du leadership transformationnel ont aussi t identi-
fies :
(a) Le charisme. Celui-ci sous-tend les phnomnes d'mulation,
qui poussent naturellement un subalterne emboter le pas au
leader.
(b)L'inspiration.Celle-ci suscitera gnralement des attentes et un
moral levs de la part des subalternes, se traduisant par une
grande loyaut l'gard du meneur.
(c) L'coute. Cet aspect reflte la prise en compte par le leader des
particularits de chaque subalterne, et la faon dont chacun de
ceux-ci est pouss se dvelopper personnellement et profes-sionnellement travers les dfis qu'on lui propose.
(d) La stimulation intellectuelle. Les meneurs dont le score sur
cet aspect est lev encourageront chez leurs subalternes la
prise de risque, la pense cratrice, ainsi que la remise en
Rapport bourgognePage 20
25Bass, B.M. et B.J. Avolio (1993), Transformational leadership: A response to crit iques, dans M.M. Chemers etR. Ayman (diteurs),Leadership Theory and Research: Perspectives and Directions, Academic Press, pages 49-80.
Deux lments du leadership
transactionnel :
1) La rtribution contingente :le leader et le subalterne se
mettent daccord sur des
systmes de contrle et de
rmunration de leffort.
2) Le management par
exception : il s'agit alors de
saisir la nature et l'ampleur
des critiques, feedback
ngatifs et punitions que lemeneur prfre utiliser.
(Bass et Avolio, 1993)
Quatre facettes du leadership
transformationnel :
1) Le charisme
2) Linspiration
3) Lcoute
4) La stimulation
intellectuelle
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question de leurs propres manires de faire, de celles de leur
suprieur hirarchique, et de l'organisation en gnral.
Le tableau suivant donne quelques illustrations de ces divers lments
de leadership.
Les tudes rcentes rvlent que les aspects transformationnels
ont un plus grand impact sur les subalternes que les aspects transactionnels et
se traduisent gnralement par des rsultats suprieurs aux attentes.26La lo-
yaut et le niveau de satisfaction des subalternes s'avrent aussi positivement
corrls au degr de leadership transformationnel manifest dans l'organisa-
tion.27 Un bon leader transformationnel utilise son statut non seulement pour
dfinir, distribuer et faire faire les tches, mais aussi pour former, responsa-
biliser, voire transformer ses subordonns.28Elle/il constitue ainsi un vrita-
ble agent de changement, capable d'articuler et de transmettre une vision
pour l'organisation. Le leader transactionnel se rapproche pour sa part davan-tage du manager tel que dcrit prcdemment.
Page 21
Aspects du leadership en contextes
La rtribution contingente: Je rcompense ceux qui satisfont les objectifs.
Le management par exception: Je dis chacun ce qu'il devrait savoir pour bieneffectuer sa tche.
Le charisme: Les autres me font une confiance absolue.
L'inspiration: J'aide les autres trouver un sens ce qu'ils font.
L'coute: Je donne une attention personnelle ceux qui semblent marginaliss.
La stimulation intellectuelle: Je fais voir d'une nouvelle manire des problmesqui sont bien connus.
26Bass, B.M. et B.J. Avolio (1990), The implications of transactional and transformational leadership for indivi-dual, team, and organizational development,Research in Organizational Change and Development,volume 4, pages 231-272.27Barling, J., T. Weber et E.K. Kelloway (1996), Effects of transformational leadership training on attitudinal and
financial outcomes: A field experiment,Journal of Applied Psychology, volume 81, pages 827-832.28Sashkin, M. et W.E. Rosenbach (1993), op. cit.
Les tudes rcentes rvlent que
les aspects transformationnels
ont un plus grand impact sur les
subalternes que les aspects
transactionnels.
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Rapport bourgognePage 22
Le charisme
Le charisme est l'aspect le plus important du leadership transformationnel et,
par consquent, celui qui a probablement t le plus tudi jusqu' maintenant.29
Le sociologue allemand Max Weber (1922-1963) fut le premier utiliser l'ex-
pression charisme - un mot grec signifiant cadeau des dieux - pour dcrire
le leadership. Il souhaitait dsigner ainsi une personne plutt mystique et ma-
gntique, particulirement apte triompher en temps de crise et crer alors
une toute nouvelle organisation.
Deux conditions semblent ncessaires l'mergence d'une relation charismati-
que entre un leader et ses subalternes. Premirement, le leader doit tre un indi-
vidu aux convictions, la dtermination et la confiance en soi inbranlables.
Deuximement, ses subalternes doivent aussi vouloir le suivre aveuglment.
Certains associent le leader charismatique aux individus que Freud a qualifi de
narcissiques, donnant en exemple plus rcents Ghandi, Roosevelt, Napolon,
Churchill, et De Gaulle, ainsi que Carnegie, Rockefeller, Ford et Edison.30 De
tels individus correspondent vritablement l'image qu'on se fait des grands lea-
ders : des personnes qui voient grand et qui paraissent doues d'un sens peu
commun de la persuasion. Ces leaders auront toutefois tendance devenir into-
lrants, hypersensibles la critique, et s'isoler. Elles/ils sont souvent mdiocres
pour couter, en particulier lorsqu'elles/ils se sentent attaqu(e)s. Le manque
d'empathie est souvent une autre de leur faiblesse, bien que ceci n'ait pas emp-
ch des leaders comme Staline et Mao-Ts-Toung d'inspirer leurs compatriotes
au moment o ceux-ci cherchaient quelque rconfort. Les leaders narcissiques
n'aiment pas se soumettre un mentor et ressentent un dsir intense de gagner.
Selon Maccoby (2000), en cette poque caractrise par l'innovation, il n'existe
pas d'alternative aux leaders narcissiques, car les entreprises ont besoin de gens
qui dterminent et faonnent le futur. Un leader charismatique mais conscient
de ses limites fera sans doute le meilleur des leaders.
29Bass, B.M. (1990), op. cit.30 Maccoby, M. (2000, janvier-fvrier), Narcissistic leaders: The incredible pros, the inevitable cons,Harvard
Business Review, pages 69-77.
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L'approche transformationnelle fait dsormais l'objet de recherches et
d'applications au sein de multiples organisations. Sa force est de s'attacher
rsolument la relation spcifique entre un meneur et ses subalternes. Certai-
nes de ses notions manquent cependant toujours de clart, des auteurs n'hsi-
tant pas la considrer simplement comme une nouvelle thorie base sur le
caractre. Ceux-ci verront, par exemple, le charisme comme un trait de ca-
ractre reposant sur le comportement de visionnaire, l'nergie, l'exemple,
etc.31 A quoi les dfenseurs de l'approche transformationnelle rtorqueront
que le charisme est d'abord et avant tout question de perception et de rela-
tion; en d'autres mots, ce sont les circonstances spcifiques liant un leader et
ses subalternes, ainsi que la perception de leur leader que ces derniers parta-gent, qui donne lieu un leadership bas sur le charisme.
5. Laproductionde leaders
La Nouvelle conomie, caractrise dsormais par la volatilit et la
dcentralisation, aura fait littralement exploser la demande de leadership.
On comprendra aisment ce phnomne en considrant le cas tout fait typi-
que d'une compagnie comme General Electric : chez celle-ci, en effet, unmanager qui devait en moyenne grer sept personnes au dbut des annes 80
se retrouve aujourd'hui responsable d'une quipe de vingt employs. Il n'est
donc pas surprenant que des chercheurs comme Goleman, Boyatsis et
McKee (2001), par exemple, aient rcemment observ que le climat de l'en-
treprise, c'est--dire la faon dont les collaborateurs vivent le fait d'y travail-
ler, rende compte d'une portion allant de 20 30 pour cent des rsultats fi-
nanciers court et moyen terme, et que 50 70 pour cent de l'atmosphre de
travail, telle que perue par les employs, relve des actions rcentes d'un di-
rigeant. Un nombre croissant d'tudes de cas et d'enqutes de terrain viennent
effectivement corroborer l'intuition traditionnelle l'effet que la performance
d'une organisation dpende inluctablement de la prsence de lea-
ders, tous les chelons. Entre 1985 et 1995, aux tats-Unis, les budgets de
formation des cadres consacrs en grande partie la formation au leadership
Page 23
31 Voir R.S. Tedlow (2001, novembre-dcembre), What titans can teach us,Harvard Business Review, pages
70-79.
Chez General Electric, un
manager qui devait en moyennegrer sept personnes au dbut
des annes 80 se retrouve
aujourdhui responsable dune
quipe de vingt employs.
Chacune de ces thories peut se
rapporter lune des tapes de
la production de leaders :
1) Les capacits de leadership
permettent darticuler les
critres pour la slection des
individus qui prsentent le plus
fort potentiel de leadership;
2) La conduite du leader fournit
les outils pour le design du bon
programme de formation au
leadership;
3) Les thories focalises sur les
circonstances permettent
dapprhender le cadre
organisationnel propice
lmergence de leaders.
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ont donc quadrupl. Et selon certaines enqutes, environ 60% des entreprises
amricaines estimaient aujourd'hui que la production de leaders demeurait
une haute priorit.
Cette section vise mettre en perspective le dveloppement du lea-
dership en entreprise, la lumire des thories couvertes dans les sections
prcdentes. Chacune de ces thories peut en effet se rapporter l'une des
tapes d'une dmarche russie: les thories focalises sur les capacits de lea-
dership (section 2) permettent premirement d'articuler des critres prcis
pour laslectiondes individus qui prsentent le plus fort potentiel de leaders-
hip, celles considrant la conduite du leader (section 3) fournissent les outils
pour le design de bonsprogrammes de formationau leadership, et celles cen-
tres sur les circonstances (section 4) permettent enfin d'apprhender le ca-dre organisationnel sans lequel le leadership que l'on cherche dvelopper
risque de ne pas tre celui qui finira par merger.32
(a) La slection
La premire tape du dveloppement du leadership consiste valuer
les besoins de l'entreprise et, ce faisant, les comptences de leadership sou-
haites. Une organisation peut tre confronte deux grandes catgories deproblmes : des problmes techniques et des problmes d'adaptation. Le lea-
dership se prsente gnralement comme une solution ces derniers. Il faut
donc d'abord bien identifier ceux-ci, ce qui permettra d'tablir le profil de
leader appropri.
En cours de route, on en viendra toujours dfinir les comptences
recherches de deux manires : en ayant recours des exemples ou bien par
l'nonc d'une liste plus ou moins exhaustive de critres. Bien que plus vi-
vante et suggestive, la premire voie comporte toutefois le risque de se lais-
ser piger par la mode et le vedettariat. La littrature d'affaires tend en effet
encenser certaines stars comme Jack Welch, Jean-Marie Messier, ou en-
core Kenneth Lay; or ces super patrons tombent gnralement de leur pi-
destal aprs quelques temps.33 Les exemples que rapportent maintenant les
Rapport bourgognePage 24
32 Sur ce dernier point, le lecteur trouvera profitable de consulter par exemple Bean, J. (2001), Leadership Modules,disponible sur internet : http://www.skillsforleaders.com/.33 Le numro de la semaine du 4 au 10 mai 2002 du magazine The Economist, intitul d'ailleurs Fallen Idols Theoverthrow of celebrity CEOs, offre une excellente discussion sur le sujet.
Une organisation peut tre
confronte deux grandes
catgories de problmes : des
problmes techniques et des
problmes d'adaptation.
Un nombre croissant d'tudes de
cas et d'enqutes de terrain
viennent effectivement
corroborer l'intuitiontraditionnelle l'effet que la
performance d'une organisation
dpende inluctablement de la
prsence de leaders, tous les
chelons.
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ouvrages les plus fiables ne sont donc plus ceux de soi-disant super hros,
mais plutt des cas concrets et documents d'hommes et des femmes qui,
hors des projecteurs et des camras, ont su donner un nouveau souffle leur
organisation.34Certaines entreprises, commeFedexet Unilever, ont pour leur
part opt pour la seconde approche et l'adoption de critres rigoureux de s-
lection des leaders potentiels. Chez Johnson & Johnson, le PDG du groupe
international de produits pharmaceutiques, Ralph Larsen, a pour ce faire
constitu une quipe de recherche charge d'valuer 358 cadres en milieu de
carrire l'aune des comptences de leadership dfinies dans L'ECI-360, un
outil de mesure de l'intelligence motionnelle.35Une mthode souvent prati-
que en entreprise est l'valuation 360 degrs (voir l'encadr ci-aprs). Cer-
tains auteurs offrent aussi une liste de critres gnriques qui, malgr les r-serves dj formules la section 2 au sujet de la relle porte d'une telle
liste, constitue nanmoins un point de dpart valable.36
La liste figurant au dbut de la section 2 comprend, par exemple, 9
critres. Celle de Marvin Bower, base sur une trentaine d'annes d'exp-
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La mthode d'valuation 360 degrs
Une mthode utile pour obtenir une image consensuelle du profil de com-ptences recherch est la mthode d'valuation 360 degrs. Les pa-trons auraient tendance privilgier la construction de relations, la com-
munication et l'influence comme des aptitudes cls pour un leader, tandisque les subalternes valoriseraient surtout le dveloppement des autres, lacollaboration, et l'empathie. En prlevant de l'information au sein de l'en-semble de l'entourage professionnel (patrons, collgues, subalternes) depersonnes occupant des postes cls, on obtiendrait donc une perspectivecompltesur les talents et les faiblesses les plus pertinents. Si, pour desraisons pratiques, on souhaite ensuite pondrer les dclarations de cha-cun, il semble que, selon McEvoy et Beatty (1989), le point de vue dessubalternes et des collgues plutt que celui des patrons offre la meil-leure prdiction de l'efficacit d'un leader.37
34Litwin, G., J. Bray, K. L. Brooke (1995),Mobilizing the Organization Bringing Strategy to Life, Prentice-Hall.Pour une illustration originale et convaincante de l'efficacit des leaders modestes, particulirement lorsqu'ils'agit de promouvoir des valeurs thiques, voir J. L. Badaracco, Leading Quietly, Harvard Business School Press,2002.35 Pour plus de renseignements concernant cet outil, consulter le site web www.eisglobal.com .36Tichy, N. M. (1997), The Leadership Engine, Harper Collins. Bower, M. (1997), Developing leaders in busi-ness,McKkinsey Quarterly, no. 4, pages 4-17.37 Voir par exemple McEvoy, G. et R. W. Beatty (1989), Assessment center and subordinate appraisals of mana-gers: A seven years examination of predictive validity,Personnel Psychology, pages 37-52.
Les patrons auraient tendance
privilgier la construction de
relations, la communication et
l'influence comme des aptitudes
cls pour un leader, tandis que
les subalternes valoriseraient
surtout le dveloppement des
autres, la collaboration, et
l'empathie.
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rience au sein de la firme de conseil McKinsey, propose quant elle les attri-
buts de leadership suivants :
- l'intgrit (trustworthiness), c'est--dire l'honntet, la transparence,
voire une lgre candeur;
- la justice (fairness), dfinie comme l'quit et l'impartialit dans le
traitement des subalternes;
- l'assurance dans la simplicit (unassuming behavior), par opposition
l'gosme, l'arrogance et la prtention;
- l'coute (leaders listen), en gardant bien l'esprit que celle-ci doit
s'adapter aux diffrences de culture (When most Britons nod their
head, it means 'I unsderstand you,' not 'I agree with you.')- l'ouverture d'esprit (a leader is open-minded), c'est--dire la capacit
de recevoir des suggestions et de remettre en question, au besoin, ses
propres ides;
- l'empathie (sensitivity to people), qui permet de comprendre, voire
mme d'anticiper, ce que les autres pensent et prouvent;
- la clairvoyance (sensitivity to situations), ou la capacit de lire correc-
tement le contexte d'affaires dans lequel on opre;
- l'initiative (initiative), ou le dynamisme individuel;
- le jugement (good judgment), qui inclut le sens des priorits et l'qui-
libre entre raison et intuition;
- la capacit d'adaptation (flexibility and adaptability), c'est--dire la
facult de se retourner rapidement face une nouvelle opportunit ou
ce qui s'avre avoir t une erreur stratgique;
- le tact (the capacity to make sound and timely decisions), dfini
comme la capacit de prendre au bon moment les dcisions qui s'im-posent;
- l'aptitude motiver les autres (the capacity to motivate), avec ses pr-
requis vidents que sont la communication et le sens de la persuasion;
- un certain sens dramatique (a sense of urgency), car les gens prf-
rent souvent travailler l o des choses importantes se passent.
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cette liste pourraient s'ajouter le sens de l'humour, qui varie aussi
selon la culture locale et la culture d'entreprise, l'enthousiasme, et la matrise
de l'anxit.38
(b) La formation
Ds lors que les besoins en leadership sont identifis et les leaders en
mergence slectionns, il s'agit de permettre ces derniers de concrtiser
tout leur potentiel. Cela passe d'abord par un programme sur mesure de for-
mation. Des entreprises comme General Electric,Federal Express,National
Australia Bank,Pepsico, ou encoreErnst & Youngont rcemment su mettre
en place avec un certain succs des programmes de formation au leadership.
Dans leur ouvrage consacr entirement au sujet, Conger et Benjamin (1999)
rapportent que ces programmes comprennent habituellement 3 volets succes-
sifs : le dveloppement des comptences individuelles, la diffusion de la vi-
sion et des valeurs de l'organisation, et la formation au pilotage d'initiatives
stratgiques.39
Les comptences dvelopper chez l'individu sont celles qui cor-
respondent au besoin de l'entreprise et qui ont t releves lors de la slection
des candidats. Une dmarche en ce sens a t lance laNational AustraliaBank. Des groupes constitus de personnes pr-slectionnes venues d'hori-
zon trs divers furent rassembls dans des instituts de formation internes ou
externes. On y fit intervenir des formateurs professionnels, dont l'enseigne-
ment mettaient contribution des tudes de cas, des discussions et simula-
tions, et l'organisation d'valuations 360 degrs. En gnral, en plus de
s'avrer relativement coteuses en temps et en argent, ces techniques ne per-
mettent toutefois pas de rencontrer les besoins vritablement spcifiques
d'une entreprise; il faut donc prolonger la formation ainsi reue par des d-
marches d'un autre type.
Les programmes offerts au Leadership Institute deFederal Express
illustrent de manire exemplaire le passage une formation sur mesure desti-
ne prcisment transmettre aux futurs leaders les valeurs spcifiques de
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38Sur le lien entre communication et leadership, voir Bushe, G. R. (2001), Clear Leadership, ditions Davies-Black.39Conger, J. A. et B. Benjamin (1999),Building Leaders, ditions Jossey Bass.
Ces programmes comprennent
habituellement trois volets
successifs : le dveloppement
des comptences individuelles,
la diffusion de la vision et des
valeurs de l'organisation, et laformation au pilotage
d'initiatives stratgiques.
(Conger et Benjamin, 1999)
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l'entreprise (en l'occurrence celles exprimes par la devise People, Service,
Profit) et ses propres principes de fonctionnement. L'enseignement est ici
dispens par des managers actifs de l'entreprisechoisis parmi les plus per-
formants. Entre 50 et 95% de l'apprentissage est exprimental, c'est--dire
bas sur des simulations aussi ralistes que possible et des retours d'exp-
rience. D'autres organisations, comme l'arme amricaine, font en outre in-
tervenir ce stade des animateurs externes, en l'occurrence des civils, de fa-
on promouvoir la discussion et varier les canaux de transmission.
Le volet ultime de la formation au leadership consiste enfin appren-
dre aux leaders concevoir et mettre en oeuvre des initiatives stratgiques.
Pour ce faire, la firme de comptabilit et de conseil en entreprise Ernst &
Young, au prise avec une restructuration majeure, a par exemple labor sonprogramme Leadership 2000. Il fallait faire prendre conscience aux lea-
ders des enjeux stratgiques sous-jacents cette restructuration, faire table
rase des conflits inhrents un tel changement, et mettre en perspective le
rle de chacun. Les conditions principales du succs d'un tel programme res-
tent l'implication personnelle et directe des hauts dirigeants, le suivi, et
l'adaptation des systmes managriaux. Ces lments se rapportent aux as-
pects contextuels devant supporter tout dveloppement du leadership, aspects
que nous allons bientt aborder.
Un dernier mot cependant sur le fait que les programmes de forma-
tion au leadership ne soient pas toujours couronns de succs. Bien que plu-
sieurs tudes portant sur des managers de filiales aient indiqu, une semaine
aprs la fin de la formation, une amlioration significative des comptences
vises, les donnes ne permettent gnralement pas de conclure que ce chan-
gement a t durable. Pour qu'un programme de formation ait l'impact sou-
hait, il faut premirement prendre soin de bien l'taler dans le temps, afin depermettre aux meneurs de prendre du recul entre deux sessions et de consoli-
der leurs acquis. Deuximement, il faut que les apprentis-leaders apprennent
ce qu'ils/elles ont envie d'apprendre. Un phnomne souvent vrifi en ma-
tire de transformation des comportements est que, lorsqu'un individu se voit
forc de modifier sa conduite, son nouveau comportement s'vanouira ds
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que la contrainte ne sera plus exerce.
(c) L'exprience
Le dveloppement du leadership exige enfin que l'entreprise offre uncontexte professionnel consquent aux individus qu'elle destine devenir des
meneurs.
Le discours et le style de management des dirigeants doivent d'abord
tre cohrents. On ne peut, par exemple, prcher haut et fort que l'entreprise
accorde une importance vitale la formation au leadership et se dsintresser
par ailleurs du contenu et du droulement des programmes de formation. Il
semble en fait que de tels programmes soient plus efficaces s'ils touchent ds
le dpart les hauts dirigeants, pour se dployer ensuite progressivement
tous les niveaux de l'organisation. Ayant conduit un vaste programme de for-
mation auprs de 244 000 employs disperss sur 272 sites de production
dans plus d'une cinquantaine de pays, la multinationalePhilipsa par exemple
observ que les units d'affaires qui n'avaient pas impliqu leurs dirigeants
ds les premires sances taient celles qui avaient prouv les plus grandes
difficults atteindre leurs objectifs.
Il est aussi indispensable de reconfigurer les systmes managriauxen fonction des apprentissages poursuivis. Il faut communiquer l'ensemble
de l'entreprise les comportements que l'on souhaite promouvoir. Les modes
d'valuation et de rmunration doivent inciter les apprentis-leaders acqu-
rir les qualits attendues. Et les directives des units d'affaires doivent refl-
ter les orientations stratgiques du moment.
Finalement, comme le soulignent les thories contextuelles esquisses
la section 4, il faut offrir aux leaders en dveloppement des occasions de se
manifester et de se fortifier dans l'action, ce qui prsuppose unegestion ad-
quate de leurs carrires. Plusieurs entreprises utilisent dj des mthodes de
dveloppement du leadership qui vont dans ce sens. Elles accroissent, par
exemple, la visibilit des jeunes employs auprs des cadres dirigeants qui
peuvent ensuite combler les besoins avrs des recrues les plus prometteuses.
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On ne peut pas prcher haut et
fort que l'entreprise accorde uneimportance vitale la formation
au leadership et se dsintresser
par ailleurs du contenu et du
droulement des programmes de
formation.
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Ce processus peut tre formel ou informel. Certaines dcisions de promotion
peuvent mme dpendre de la capacit d'un manager reprer et dvelop-
per les futurs leaders. Chez 3M, General Electricou L'Oral, on encourage
la prise de dfis significatifs ds le commencement d'une carrire, par la d-
centralisation et la cration d'units d'affaires plus petites, ou encore en met-
tant explicitement l'accent sur le dveloppement de nouveaux produits et ser-
vices. D'autres entreprises favorisent en outre explicitement l'largissement
des horizons et des connaissances tout au long d'une carrire, en poussant
constamment les uns et les autres entretenir tout un rseau interne et ex-
terne de relations professionnelles.
A tout moment, grer la carrire d'un individu exige enfin de dtermi-
ner le degr d'autorit qu'il convient de lui laisser afin de dvelopper son lea-dership.40En priode de turbulences et de grands changements, les personnes
en position d'autorit sont soumises la pression d'agir - et d'agir bon es-
cient - sous peine d'une perte de crdibilit parfois dfinitive. L'autorit
donne alors l'opportunit de choisir l'agenda, de formuler les problmes, de
forcer les choses en contrlant les processus, de prendre des mesures apai-
santes, et de rguler le stress. Par contre, ne pas se retrouver en position d'au-
torit dans ces circonstances offrirait un futur leader une certaine latitude
pour dramatiser la situation et lui permettrait de demeurer plus proche du ter-
rain, de consacrer toute son nergie rsoudre le problme de l'heure, et de
maintenir une vision claire en conservant du recul.
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40Sur cette question prcise, voir Heifetz, R. A. (1994),Leadership without Easy Answers, Harvard UniversityPress.
Grer la carrire d'un individuexige enfin de dterminer le
degr d'autorit qu'il convientde lui laisser afin de dvelopperson leadership. (Heifetz, 1994)
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6. Conclusion
Il existe, et existera sans doute toujours, plusieurs coles de pense
en matire de leadership. Cela semble d'autant plus invitable que la notion
elle-mme paraisse devoir voluer selon les poques : on peut bien sr iden-
tifier des piliers traditionnels du leadership, comme le savoir, la confiance et
le pouvoir41, mais ceux-ci ne se manifestent plus dsormais de la mme ma-
nire, le rle actuel des leaders se situant moins dans la direction de simples
excutants que dans la mobilisation de la connaissance et de l'intelligence de
tous.
Ce rapport recommande donc d'adopter un point de vue rsolumentclectique sur l'ensemble des thories du leadership, qui s'intresse sans
priori chacune d'entre elles en y utilisant ce qui parat tre le meilleur et le
plus pertinent. Cette recommandation mane de considrations avant tout
pratiques. Pour l'entreprise, un tel point de vue devrait en effet permettre
d'tablir de meilleures stratgies de dveloppement du leadership: les tho-
ries identifiant les traits de caractreinns d'un meneur suggrent premire-
ment un certain nombre de critres utiles pour laslectiondes futurs leaders;
celles focalises sur la conduitedu leader fournissent ensuite une plate-forme
pour la conception de programmes de formationperformants; celles centres
sur les circonstances permettront enfin de mettre en place des sentiers de
carrireet dessystmes managriauxconsquents qui feront de l'entreprise
un terreau propice l'closion des meilleurs leaders.
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Le rle actuel des leaders sesitue moins dans la direction desimples excutants que dans lamobilisation de la connaissance
et de l'intelligence de tous.