12
Ce supplément de douze pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux Distribué avec Mercredi 20 octobre 2010 ITAR-TASS OLGA BORTE SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI Lancer une marque de mode en Russie ? Un vrai défi. Il ne suffit pas de réunir un professionnel acharné, un auto-promoteur chevronné et un créateur talentueux, doté d’un concept ultra-solide. Même en possédant ces qualités, la plupart des couturiers russes auront du mal à s’immiscer sur le marché mondial de la mode, et encore plus chez eux. Ils de- vront d’abord séduire les ama- teurs étrangers pour espérer se faire reconnaître par leurs com- patriotes. Les jeunes espoirs de la haute couture russe font face à d’autres problèmes de taille : la perte du soutien de l’ État et l’absence totale d’une industrie locale de la mode (de la pénurie de tissus et d’accessoires de qualité aux pro- blèmes de distribution). Consé- quence de cette bataille quoti- dienne, le prix par pièce est souvent « plus élevé que prévu ». Sans tarifs préférentiels ni bud- get de promotion, et manquant cruellement de médiatisation, les jeunes stylistes russes sont sou- vent les laissés-pour-compte du marché de la mode. Certains ont pourtant percé. Portraits. Mode La reconnaissance du talent à Moscou ou Saint-Pétersbourg passe par l’étranger SUITE EN PAGE 10 Alexandre Terekhov habillant un modèle (à gauche). À droite, une robe de Max Chernitsov. Le territoire abkhaze reste disputé aujourd’hui. SUITE EN PAGE 3 ARTEM ZAGORODNOV LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI Le limogeage du maire de Moscou, en délicatesse avec le Président Medvedev, a réveillé la vie politique du pays. Iouri Loujkov laisse derrière lui un bilan mitigé et une communauté d’affaires inquiète. Changement de maire : Moscou dans l’inconnu Politique Un règne de 18 ans s’est achevé Fin septembre, les trois chaînes de télévision d’ État russes ont diffusé des reportages très com- promettants sur le maire de Moscou, Iouri Loujkov. C’était la première fois, à l’ère Poutine, qu’elles étaient « utilisées » pour discréditer une personnalité po- litique appartenant à la majo- rité mais très critique à l’égard du Président Medvedev. Aux commandes de la capitale depuis 1992, Loujkov a fini par être accusé de tout, depuis la démolition illégale de bâtiments historiques classés jusqu’à l’oc- troi controversé de contrats mu- nicipaux à la société de travaux publics de son épouse Elena Ba- tourina, la seule femme milliar- daire de Russie. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été sa mauvaise gestion de la crise des incendies l’été dernier, alors qu’il passait ses vacances en Autriche. Mais l’ancien maire Loujkov était populaire à Mos- cou, mais agaçait le Kremlin. avait ses partisans : « il versait les pensions les plus élevées du pays quand nous étions au bord de la famine, il a su garder les rues propres et le chauffage en hiver », proteste Sergueï Dani- lov, propriétaire d’une petite en- treprise, et résident moscovite depuis son enfance. Il est vrai que la capitale a bénéficié des grands travaux entrepris sous le règne de Loujkov : du péri- phérique en 1995 à la recons- truction, en 2000, de la cathé- drale Saint-Sauveur. Les défis de la jeune couture russe RIA NOVOSTI ANNA NEMTSOVA SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI Deux ans après la guerre de Géorgie, une forte présence russe a apporté à l’Abkhazie argent et emplois. Mais aussi, pour certains, la crainte d’une perte de souveraineté. Le monastère du Nouvel-Athos surplombe la côte abkhaze de la mer Noire et ses patrouilles ma- ritimes russes. Enclave monta- gneuse à la nature sauvage et subtropicale, l’Abkhazie a attiré les empires, des Romains aux So- viétiques. Aujourd’hui encore, c’est une terre contestée. La guerre russo-géorgienne tout En quête d’une nouvelle identité Reportage L’Abkhazie séparée de la Géorgie doit redéfinir ses rapports avec Moscou SUITE EN PAGE 2 juste finie, la Russie a reconnu l’indépendance de l’Abkhazie, dont les habitants se sont sen- tis soulagés, même si seuls trois pays ont suivi Moscou : le Ni- caragua, le Vénézuéla et le mi- cro-État de Nauru. L’immense majorité de la communauté in- ternationale considère la région comme partie intégrante de la Géorgie. Deux années se sont à peine écoulées que la Russie a déjà établi sa présence militai- re. Des milliers de soldats et d’agents spéciaux du FSB (Ser- vice de sécurité) s’installent sur la base de Gadauta. L’armée russe reste enferrée dans des concepts périmés pri- vilégiant la quantité au détri- ment de la qualité. Ses chefs exigent un million d’hommes sous les drapeaux, alors que les guerres modernes font appel à des forces armées très mobiles et hautement qualifiées. PAGE 8 Faut-il un million de soldats ? DÉBATS ET OPINIONS Il reste des places en or pour les candidats à l’expatriation, mais les bons créneaux sont très disputés. Gagner des millions à Moscou PAGE 4 PAGE 9 En attendant la vérité Quatre ans après le meurtre de la journaliste, les enfants d’Anna Politkovskaïa sont sceptiques sur la conduite et l’issue de l’enquête. La Marussia est une sorte de Ferrari « low cost » coûtant 120 000 dollars, soit deux fois moins cher que ses concurrentes. Supercar venue de l’Est PAGE 6 PHOTOXPRESS RUSLAN SUKHUSHIN SVETLANA PRIVALOVA_KOMMERSANT Un train Nice-Moscou Amoureux des grands ensembles Pourquoi trois heures de vol quand on peut, à l’instar des nobles du XIXème, faire le voyage en deux jours ? Le Maestro Spivakov prêche la tolérance à la tête d’un orchestre de jeunes P.12 P.11 RG GETTY IMAGES/FOTOBANK AP

2010_10_LF_all

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Le Maestro Spivakov prêche la tolérance à la tête d’un orchestre de jeunes Il reste des places en or pour les candidats à l’expatriation, mais les bons créneaux sont très disputés. Lancer une marque de mode en Russie ? Un vrai défi. Il ne suffit pas de réunir un professionnel acharné, un auto-promoteur chevronné et un créateur talentueux, doté d’un concept ultra-solide. Alexandre Terekhov habillant un modèle (à gauche). À droite, une robe de Max Chernitsov. ANNA NEMTSOVA

Citation preview

Page 1: 2010_10_LF_all

Ce supplément de douze pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux

Distribué avec

Mercredi 20 octobre 2010

ITAR-TASS

OLGA BORTESPÉCIALEMENT POURLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Lancer une marque de mode en Russie ? Un vrai défi. Il ne suffit pas de réunir un professionnel acharné, un auto-promoteur chevronné et un créateur talentueux, doté d’un concept ultra-solide.

Même en possédant ces qualités, la plupart des couturiers russes auront du mal à s’immiscer sur le marché mondial de la mode, et encore plus chez eux. Ils de-vront d’abord séduire les ama-teurs étrangers pour espérer se faire reconnaître par leurs com-patriotes. Les jeunes espoirs de

la haute couture russe font face à d’autres problèmes de taille : la perte du soutien de l’ État et l’absence totale d’une industrie locale de la mode (de la pénurie de tissus et d’accessoires de qualité aux pro-blèmes de distribution). Consé-quence de cette bataille quoti-dienne, le prix par pièce est souvent « plus élevé que prévu ». Sans tarifs préférentiels ni bud-get de promotion, et manquant cruellement de médiatisation, les jeunes stylistes russes sont sou-vent les laissés-pour-compte du marché de la mode. Certains ont pourtant percé. Portraits.

Mode La reconnaissance du talent à Moscou ou Saint-Pétersbourg passe par l’étranger

SUITE EN PAGE 10

Alexandre Terekhov habillant un modèle (à gauche). À droite, une robe de Max Chernitsov.

Le territoire abkhaze reste disputé aujourd’hui.

SUITE EN PAGE 3

ARTEM ZAGORODNOVLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le limogeage du maire de Moscou, en délicatesse avec le Président Medvedev, a réveillé la vie politique du pays. Iouri Loujkov laisse derrière lui un bilan mitigé et une communauté d’affaires inquiète.

Changement de maire : Moscou dans l’inconnu

Politique Un règne de 18 ans s’est achevé

Fin septembre, les trois chaînes de télévision d’ État russes ont diffusé des reportages très com-promettants sur le maire de Moscou, Iouri Loujkov. C’était la première fois, à l’ère Poutine, qu’elles étaient « utilisées » pour discréditer une personnalité po-litique appartenant à la majo-rité mais très critique à l’égard du Président Medvedev. Aux commandes de la capitale depuis 1992, Loujkov a � ni par être accusé de tout, depuis la démolition illégale de bâtiments historiques classés jusqu’à l’oc-troi controversé de contrats mu-nicipaux à la société de travaux publics de son épouse Elena Ba-tourina, la seule femme milliar-daire de Russie. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été sa mauvaise gestion de la crise des incendies l’été dernier, alors qu’il passait ses vacances en Autriche. Mais l’ancien maire

Loujkov était populaire à Mos-cou, mais agaçait le Kremlin.

avait ses partisans : « il versait les pensions les plus élevées du pays quand nous étions au bord de la famine, il a su garder les rues propres et le chauffage en hiver », proteste Sergueï Dani-lov, propriétaire d’une petite en-treprise, et résident moscovite depuis son enfance. Il est vrai que la capitale a béné� cié des grands travaux entrepris sous le règne de Loujkov : du péri-phérique en 1995 à la recons-truction, en 2000, de la cathé-drale Saint-Sauveur.

Les défis de la jeune couture russe

RIA

NO

VO

STI

ANNA NEMTSOVASPÉCIALEMENT POURLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Deux ans après la guerre de Géorgie, une forte présence russe a apporté à l’Abkhazie argent et emplois. Mais aussi, pour certains, la crainte d’une perte de souveraineté.

Le monastère du Nouvel-Athos surplombe la côte abkhaze de la mer Noire et ses patrouilles ma-ritimes russes. Enclave monta-gneuse à la nature sauvage et subtropicale, l’Abkhazie a attiré les empires, des Romains aux So-viétiques. Aujourd’hui encore, c’est une terre contestée. La guerre russo-géorgienne tout

En quête d’une nouvelle identité

Reportage L’Abkhazie séparée de la Géorgie doit redéfinir ses rapports avec Moscou

SUITE EN PAGE 2

juste � nie, la Russie a reconnu l’indépendance de l’Abkhazie, dont les habitants se sont sen-tis soulagés, même si seuls trois pays ont suivi Moscou : le Ni-caragua, le Vénézuéla et le mi-cro-État de Nauru. L’immense majorité de la communauté in-ternationale considère la région comme partie intégrante de la Géorgie. Deux années se sont à peine écoulées que la Russie a déjà établi sa présence militai-re. Des milliers de soldats et d’agents spéciaux du FSB (Ser-vice de sécurité) s’installent sur la base de Gadauta.

L’armée russe reste enferrée dans des concepts périmés pri-vilégiant la quantité au détri-ment de la qualité. Ses chefs exigent un million d’hommes sous les drapeaux, alors que les guerres modernes font appel à des forces armées très mobiles et hautement quali� ées.

PAGE 8

Faut-il un million de soldats ?

DÉBATS ET OPINIONS

Il reste des places en or pour les candidats à l’expatriation, mais les bons créneaux sont très disputés.

Gagner des millions à Moscou

PAGE 4 PAGE 9

En attendant la véritéQuatre ans après le meurtre de la journaliste, les enfants d’Anna Politkovskaïa sont sceptiques sur la conduite et l’issue de l’enquête.

La Marussia est une sorte de Ferrari « low cost » coûtant 120 000 dollars, soit deux fois moins cher que ses concurrentes.

Supercar venue de l’Est

PAGE 6 PHO

TOX

PRES

S

RU

SLA

N S

UK

HU

SHIN

SVETLANA PRIVALOVA_KOMMERSANT

Un train Nice-Moscou

Amoureux des grands ensembles

Pourquoi trois heures de vol quand on peut, à l’instar des nobles du XIXème, faire le voyage en deux jours ?

Le Maestro Spivakov prêche la tolérance à la tête d’un orchestre de jeunes

P.12

P.11

RG

GETTY IMAGES/FOTOBANK

AP

Page 2: 2010_10_LF_all

02 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FRCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO International

se félicite de la sécurité assurée par les militaires de son pays et considère que Moscou n’a pas lieu de se soucier des critiques exté-rieures sur l’implication russe croissante en Abkhazie. La Se-crétaire d’ État américaine Hilla-ry Clinton, lors d’un récent pas-sage à Tbilissi, a qualifié l’Abkhazie de « terre occupée ». Konstantin Zatouline, président d’un comité de CEI à la Douma, la Chambre basse, a con� rmé que les investisseurs russes doivent avoir confiance : « Bientôt la frontière entre la Russie et l’Abkhazie sera aussi insigni� an-te que celle entre la Russie et le Belarus ».Mais les investissements ne font pas l’unanimité. Tamara Lakr-ba, l’architecte en chef de Gagra et Pitsounda, craint que l’Abkha-zie ne soit en fait envahie. Pro-vocatrice, elle compare les deux dernières années d’indépendan-ce à la vie sur le front. Elle fait allusion aux promoteurs russes, pressés de dépasser de quelques étages les hauteurs autorisées sur la côte abkhaze. « Dès qu’ils cou-peront le premier cèdre cente-naire ou construiront des immeu-bles plus élevés que les trois étages permis à Gagra, chaque Abkhaze descendra protester dans la rue », prédit-elle. D’autres grimpent aux rideaux à l’idée que leur pays se transforme en un État vassal de la Russie. Le ministre de la Défense, le géné-ral Mirab Kichmara, rappelle que les officiers abkhazes ont fait couler du sang pour gagner leur indépendance : « Quelle que soit leur force de pression, les dépu-tés russes ne verront pas le jour où l’Abkhazie sacrifiera son armée indépendante », affirme-t-il. Reconnaissant pour le ma-tériel militaire reçu de la part de la Russie et pour sa présence militaire croissante, il n’en tient pas moins à renforcer l’armée abkhaze. Ainsi va l’histoire : « ceux qui veulent démilitariser l’Abkhazie n’y étaient pas pen-dant la guerre, et ils ignorent que le peuple abkhaze est une fra-trie de guerriers ».

La Russie a déployé un système de défense aérienne moderne (missiles S-300) sur sa base dans la région de Gali. Jour et nuit, dans un nuage de fumée, des ca-mions orange aux logos militai-res livrent du sable et du gravier sur le chantier des casernes à Gali, un centre régional à la fron-tière géorgienne. Récemment, un train chargé de véhicules blin-dés et de chars russes s’est ar-rêté aux abords de Gadauta. « Pas de photos ou nous ouvrons le feu », prévient sèchement une sentinelle. Pour de nombreux Abkhazes, pour l’heure en tout cas, la pro-tection et la bienveillance russes sont tout ce qu’ils demandent. « On nous considérait comme un trou noir, et aujourd’hui, les plus grands investisseurs russes nous tendent la main », dit Astamur Ketsba, le chef de l’administra-tion régionale de Gagra. Récemment encore, l’Abkhazie était un « con� it gelé » postso-viétique. Depuis une guerre cour-te et sanguinaire avec la Géor-gie en 1993, cette région plus exiguë que l’Île-de-France était isolée et en déclin. La pluie et la neige percent les toits des élé-gants palais du XIXème siècle ; les splendides statues de marbre blanc et les étangs du jardin bo-tanique de Gagra sont recouverts de mousse. Mais aujourd’hui, les autorités locales sont pressées de laisser les acheteurs russes s’emparer des immeubles décrépis pour les restaurer. De son côté, le Kremlin a promis des milliards de dol-lars pour stimuler l’économie du pays, construire des infrastruc-tures et développer l’armée. De plus, les dirigeants russes, no-tamment Vladimir Poutine et Iouri Loujkov, ont personnelle-

ment patronné certains projets. Le Premier ministre supervise la reconstruction de la station balnéaire de Pitsounda, célèbre pour ses pins centenaires. Les riverains l’ont déjà surnommée « Poutine City ». L’ex-maire de Moscou, alors qu’il était encore en poste, avait investi 52 millions d’euros dans la construction de nouveaux projets aux abords de

Gagra. Inévitablement, l’opéra-tion a été baptisée « Projet Mos-cou ». En réalité, la Russie a des inté-rêts plus stratégiques, en Abkha-zie, que les stations balnéaires et l’immobilier. La société pétro-lière d’ État Rosneft explore déjà les fonds de la mer Noire.Serguei Klemantovitch, le pro-priétaire russe d’El Petroleum,

« On pourrait parler d’annexion si la Russie avait pris notre territoi-re. Ce n’est pas le cas, à partir du moment où le Parlement russe a reconnu notre indépendance. Les militaires russes peuvent station-ner sur notre territoire pour ga-rantir la sécurité, et ils peuvent à ce titre équiper leurs bases mili-taires. Si c’est cela que l’on appel-le occupation, alors on peut aussi considérer que beaucoup d’États européens sont occupés par les États-Unis. L’Abkhazie est plus en droit de prétendre à l’indépendance que le Kosovo, même si, bien évidem-ment, chaque cas doit être étudié

indépendamment. Contrairement au Kosovo, nous avons libéré no-tre territoire et créé notre État de nos propres mains. C’est l’OTAN qui a tout fait au Kosovo. Ce n’est pas la première fois que nous sommes une nation distinc-te : au cours du dernier millénai-re, nous avons eu notre État dans le Caucase, qui était alors le plus puissant de la région. Le Kosovo a pour sa part toujours été une terre en transit que l’Albanie et la Ser-bie n’ont cessé de se disputer.À ce jour, nos pourparlers avec Tbilissi ne concernent que la coexistence pacifique et les re-lations de bon voisinage. Aujourd’hui, nous prouvons au monde que nous pouvons suivre un développement économique et démocratique ».

PAROLE AUX OFFICIELS

« Notre souveraineté est plus légitime que celle du Kosovo »

Sergueï ChambaPREMIER MINISTRE

DE L’ABKHAZIE

L’Abkhazie s’est séparée de la Géorgie

EMMANUEL GRYNSZPANSPÉCIALEMENT POURLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Six mois après l’arrivée au pouvoir de Viktor Ianoukovytch, les investisseurs russes ont déjà repris des positions solides dans l’économie ukrainienne.

Moscou reprend pied en Ukraine

Echanges Réchauffement diplomatique et économique avec Kiev

l’aéronautique (collaboration entre l’ukrainien Antonov et la holding russe UAC), le nucléaire et le complexe militaro-indus-triel. Les banques russes Sber-bank, VTB, VEB et Alfa prêtent de nouveau aux sociétés ukrai-niennes et développent leur ré-seau de succursales dans le pays. Le secteur pétrolier attend une entrée fracassante de Gazprom Neft, qui négocierait le rachat des stations-service et de parts dans la raffinerie de Kremen-

L’Ukraine du nouveau président Viktor Ianoukovytch insiste sur sa volonté de s’intégrer davan-tage dans l’Europe, mais dans les faits, c’est surtout la réinté-gration de l’économie ukrainien-ne dans l’espace post-soviétique qu’on observe. Après cinq années de relations diplomatiques gla-ciales entre Kiev et Moscou, le Kremlin a décidé de réactiver plusieurs projets clés dans des segments stratégiques comme

tchoug, appartenant au groupe ukrainien Privat. Les rencontres au plus haut ni-veau s’enchaînent et s’accélèrent. Le 4 octobre, Dmitri Medvedev et Viktor Ianoukovytch se sont retrouvés dans le sud de la Rus-sie pour évoquer la construction d’un pont (pour 1,2 milliards d’euros) enjambant le détroit de Kertch entre la Crimée ukrai-nienne et le Kouban russe. La veille, le président ukrainien par-ticipait au forum Yalta European Strategy, l’une des principales instances politico-économiques d’Ukraine, qui n’avait jamais vu autant de hautes personnalités russes : le ministre des Finances Alexeï Koudrine, le très in� uent Alexandre Volochine, actuelle-ment chargé de faire de Moscou

un centre � nancier internatio-nal, et le milliardaire Viktor Vek-selberg. Alexeï Koudrine y a ob-servé « un réchauffement général, y compris dans le monde des affaires » et estimé que l’Ukraine n’est « en rien obligée de faire un choix entre la Rus-sie et l’Europe. Elle doit choisir ses partenaires sur des critères économiques. Nous sommes tou-jours favorables à l’établissement de lien préférentiels avec l’Ukrai-ne ». Viktor Vekselberg, qui pos-sède de nombreux intérêts en Ukraine, a fait la réclame de Skolkovo, la future technopole moscovite dont il supervise le dé-veloppement. Alexandre Volochi-ne a eu, lui, plus de mal à inté-resser les hommes d’affaires ukrainiens à son projet de « Cen-tre financier international » : « nos clients préfèrent placer leurs actions sur les marchés de Londres et de Varsovie, et il me semble peu probable qu’ils se tournent vers Moscou dans un proche avenir », estime Tomas Fiala, patron de la banque d’in-vestissement kiévienne Dragon Capital. Moscou a déjà recon-quis les cœurs ukrainiens, mais la conquête des bourses exigera des efforts supplémentaires…

SUITE DE LA PAGE 1

« Ceux qui veulent démilitariser

l’Abkhazie ignorent que le peuple

abkhaze est une fratrie de guerriers ».

L’Abkhazie indépendante en quête d’identité

« L’Ukraine n’est en rien obligée de faire un choix entre la Russie et l’Europe », affirme un ministre russe

EN BREF

Concours pour la mascotte des JO

Depuis le 4 octobre, le monde entier peut participer à un concours destiné à choisir la mascotte des Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de 2014. Plusieurs milliers de Rus-ses ont déjà envoyé leurs idées. Des personnages de contes de fées aux animaux sauvages en passant par les dauphins, gué-pards, ours polaires, gallinacés et autres bêtes, les choix ne man-quent pas d’originalité. Même les célébrités s’y sont mises. Les

deux dresseurs les plus connus de Russie, les frères Zapashny, ont proposé comme mascotte deux jeunes tigres. Pour connaître les règles du concours et y participer, rendez-vous sur le site talisman.sochi2014.ru. La mascotte de Sotchi 2014 sera sélectionnée au terme d’un vote en ligne mondial le 7 février 2011. Le gagnant se verra remettre deux billets pour la cérémonie d’ouverture aux XXIIèmes JO ou aux XIèmes Jeux paralympiques de 2014.

Le diaporama surlarussiedaujourdhui.fr

URY

KO

ZYR

EV(5

)

TALI

SMA

N.S

OC

HI2

014

.CO

M

Page 3: 2010_10_LF_all

03Société

KEVIN O’FLYNNRADIO FREE EUROPE/ RADIO LIBERTY

Pendant la fête du Ramadan, la presse moscovite a beaucoup glosé sur les foules musulmanes priant dans la rue faute de place dans une Grande Mosquée pleine à craquer.

Religion La construction de nouveaux lieux de culte musulmans passe mal

a suscité l’opposition des rive-rains, qui ont demandé à la mu-nicipalité d’y renoncer.Na� goulla Achirov, le co-prési-dent du Conseil russe des muf-tis à Moscou, se dit consterné par la polémique : « Il y a près de 900 églises pour les chrétiens à Moscou. Si les gens sont res-pectueux de la foi des autres, ils doivent reconnaître que quatre mosquées pour deux millions de musulmans, c’est insuffisant ».

Sur un espace vert au milieu d’une zone industriellePlus de mille personnes résidant dans le district ont signé une pé-tition contre la mosquée, sous prétexte qu’elle empiète sur un espace vert, dans un quartier par-semé de sites industriels pol-luants.C’est l’argument qu’invoquent Aleksandr Kouzmitchyov, un concepteur informatique âgé de 55 ans, et ses amis pour justi� er leur hostilité à la mosquée : « Elle sera construite sur un es-pace vert. Ici, c’est un quartier résidentiel et le lieu retenu est

En publiant la photo ci-dessus, un magazine local a rappelé aux Moscovites qu’ils vivaient dans une « ville musulmane ». En réa-lité, les musulmans ne représen-tent qu’un cinquième des dix mil-lions et demi d’habitants de la capitale russe.Mais cette image montre bien la pénurie de lieux de culte musul-mans. Il n’y a que quatre mos-quées dans toute la ville. C’est précisément la raison pour la-quelle la communauté musulma-ne prévoit d’en construire une nouvelle, capable d’accueillir trois mille � dèles dans le district de Tekstilchtchiki, au sud-ouest de la capitale.La construction devait commen-cer en novembre. Mais le projet

celui où nous sortons nos chiens », résume-t-il. D’autres opposants n’hésitent pas à avan-cer des arguments de nature xé-nophobe, craignant un afflux de Tchétchènes et d’autres popu-lations originaires du Caucase du Nord. Le 11 septembre dernier, des cen-taines de manifestants se sont rassemblés sur le site qui doit accueillir la future mosquée, bou-levard Volzhsky. Des représen-tants de la communauté musul-mane de Moscou étaient également présents à cette ma-nifestation, qui a été � lmée et diffusée sur YouTube. Sur la vidéo, l’interaction entre les deux groupes varie entre hos-tilité ouverte et un dialogue plu-tôt constructif. Une femme y re-late son opposition à la construction de la mosquée, mais elle dénonce également les contestataires qui pro� tent de l’occasion pour attiser les ten-sions ethniques, à ne pas confon-dre avec « les manifestants venus ici qui ne sont pas contre les mu-sulmans ou contre leur religion mais qui sont contre la réalisa-tion d’une construction sur ce terrain ».

Sur un des sites proposés par la municipalitéL’Église orthodoxe russe s’est abstenue de soutenir ouverte-ment les opposants à la mosquée. Un porte-parole du Patriarcat de Moscou, cité par l’agence In-terfax le 20 septembre dernier, a indiqué que l’Église orthodo-xe ne s’opposait pas à la construc-tion d’une nouvelle mosquée. Mais elle reproche aux autorités municipales de ne pas permet-tre la construction parallèle d’une église orthodoxe en ce même lieu.Marat-Khazrat Mourtazin, le vi-ce-président du Conseil des muf-tis de Russie, rappelle qu’en 2008, le Conseil a demandé aux auto-rités de Moscou de fournir un terrain pour une mosquée et une école religieuse. La Ville a pro-posé plusieurs sites et le Conseil a choisi Tekstilchtchiki comme emplacement.Pour Mourtazin, la construction d’une mosquée répond indénia-blement à une nécessité dans le quartier : « Les musulmans ont besoin d’un endroit pour prier. 500 personnes ont signé la péti-tion pour s’opposer à ce projet parce qu’elles veulent sortir leurs chiens ou boire leur bière dans le parc. Je ne pense pas qu’avec de tels arguments, elles puissent vraiment faire le poids à côté des 200 000 musulmans qui vivent dans le quartier de Tekstilcht-chiki ».

mosquées pour une communau-té de 2 millions de musulmans en croissance rapide. Moscou compte 900 églises orthodoxes.

4CHIFFRE CLÉ

Le changement de maire soulève des questions

Chris Weafer, de la banque Ural-sib, est convaincu du contraire : « lorsque vous avez un change-ment notoire dans une adminis-tration de longue date, les pos-sibilités s’ouvrent pour les investisseurs. Cela s’applique à n’importe quelle grande ville du monde. Quand une nouvelle équipe arrive, de nouveaux joueurs sont en mesure de sou-mettre une offre et de décrocher un contrat ».Selon Mark Roubenstein, ana-lyste à la banque d’investisse-ment Metropol, « plusieurs so-lutions existent pour améliorer le climat d’investissement à Mos-cou. Le changement se fera pro-gressivement, sur plusieurs an-nées. Je ne m’attends pas à des changements notoires à court terme, qui que soit le nouveau maire ».

La popularité de Loujkov (réélu à trois reprises en 1996, 1999 et 2003) s’explique par le paquet d’aides sociales qu’il offrait aux Moscovites grâce au riche budget municipal (presque toutes les grosses sociétés russes payent leurs impôts dans la capitale). Po-liticien très habile, il faisait abon-damment relayer ses déclarations populistes par la chaîne de télé-vision appartenant à la mairie et par quelques quotidiens à grand tirage dont il avait les faveurs. Sa réputation était toutefois enta-chée par des projets de construc-tion douteux en plein centre his-torique de la ville, une gestion calamiteuse de la circulation rou-tière, et par des accusations de népotisme. « Remplacer Loujkov par un ré-formateur radical serait une er-reur », avertit pourtant Andreï Ryabov, du Centre Carnegie de Moscou. « Je ne veux pas faire l’apologie de l’homme, mais il faut reconnaître qu’il savait équilibrer les forces en compétition. Je ne vois personne d’autre dans le pay-sage politique actuel capable d’ac-complir cela ».« Un nouveau maire pourrait être tenté de conduire d’importantes réformes, d’introduire davantage de concurrence, et de remettre de l’ordre dans les fonds de pension et les services municipaux de la ville. Les prestations sociales se-raient alors réduites. Nous aurions ensuite des retraités dans la rue, et cette instabilité serait néfaste pour les affaires. Vous ne pouvez avoir de réformes soi-disant libé-rales uniquement à Moscou. Elles doivent être entreprises à l’échel-le nationale, et le Kremlin le sait », conclut Ryabov.

Sobianine est juriste de formation comme Medvedev.

MACHA FOGELSPÉCIALEMENT POURLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Fondé par l’écrivain Marek Halter en 1991, le Collège Universitaire Français de Moscou permet aux jeunes Russes d’avoir accès au système occidental d’enseignement.

Resserrer la collaboration intellectuelleÉducation 25 000 Russes possèdent un diplôme français grâce au Collège Universitaire Français de Moscou

nes, voit le jour en 1991. Presque vingt ans plus tard, la ministre française de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, Valé-rie Pécresse, est venue assister, jeudi 7 octobre, à la remise sym-bolique du 25 000ème diplôme à un étudiant en droit. Elle a rencontré son homologue russe, Andreï Foursenko, à qui elle a fait part de l’intérêt de la France pour le projet d’une Si-licon Valley à la russe, le fameux Skolkovo. Valérie Pécresse a par-ticipé à une table ronde avec des chercheurs français en Russie. L’objectif selon elle : « une meilleure intégration intellec-tuelle de nos deux économies ». Car les étudiants russes formés chez les Français, futurs direc-teurs en Russie d’Yves Rocher ou d’Auchan, potentiels respon-sables de médias ou, même, en-trepreneurs énergétiques, consti-tueront de bons partenaires.

MGU, où est installé le CUF. Der-rière lui, la ministre française ac-quiesce avec un sourire : elle-mê-me a effectué son stage d’études, lorsqu’elle suivait les cours de l’ENA, à l’ambassade de France à Moscou. « Le développement des liens entre la France et la Russie me tient à cœur », conclut-elle : « je ne veux pas laisser l’Al-lemagne devenir le seul parte-naire de la Russie ».Pour l’heure, l’orange de la dé-mocratie n’a certes pas rempor-té la bataille des idées. Les col-lèges universitaires de Moscou et de Saint-Pétersbourg, qui or-ganisent régulièrement des dé-bats entre universitaires et des membres d’organisations re-présentatives de la société civile – l’un des derniers, houleux, por-tait sur la justice dans les pays en transition – savent sans doute interpeller la conscience de leurs étudiants.

« La démocratie, c’est comme une orange. Tant que tu n’y as pas goûté, tu n’en as pas envie. Il faut donner envie à notre jeu-nesse de manger des oranges ». Voilà comment Andreï Sakha-rov, l’intellectuel soviétique dis-sident, exhorte l’écrivain fran-çais Marek Halter, un beau matin de la � n des années 1980, à venir à Moscou instituer la première grande université occidentale de l’Union soviétique. Marek Hal-ter relève le dé� . Le collège uni-versitaire de France (CUF), où l’on enseigne les sciences humai-

400 accords existent entre les universités françaises et russes. 4 500 étudiants russes s’inscri-vent dans des instituts français chaque année – dans l’autre sens, beaucoup moins de Français semblent tentés par un séjour en Russie. Quant au 25 000ème di-plômé du CUF, Artem Solochen-

kov, il a obtenu une bourse pour étudier le droit à Paris II. Élé-gant dans sa chemise blanche, il accepte de « donner envie aux jeunes Français de venir étudier en Russie », comme le lui de-mande le vice-recteur de l’Uni-versité d’État de Moscou, le

Sergueï Sobianine succède à Iouri Loujkov

Dmitri Medvedev a choisi Sergueï Sobianine comme futur maire de Moscou car ce denier « possède une vaste expérience en tant que dirigeant » qui lui permettra de « résoudre les nombreux problè-mes de la capitale ». Sergueï So-bianine, 52 ans, est né en Sibé-rie. Il a été remarqué en 2000 par Vladimir Poutine, qui l’a nommé gouverneur de la région de Tiou-men. En 2005, Sobianine a été promu chef de l’administration présidentielle. Depuis lors, il est considéré comme l’un des hom-mes les plus proches de Poutine.

Illustration de la pénurie de lieux de culte musulmans. Il n’y a que quatre mosquées dans toute la ville.

Le Patriarcat évite la polémique.

Valérie Pécresse : « Je ne veux pas laisser l’Allemagne devenir le seul partenaire de la Russie »

La France a une carte à jouer auprès des étudiants russes.

Une mosquée ravive les tensions ethniques à Moscou

SUITE DE LA PAGE 1

Le diaporama surlarussiedaujourdhui.fr

SERG

EY M

UK

HA

MED

OV

ITAR

-TASS

ITAR

-TASS

ITAR

-TASS

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FRCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

Page 4: 2010_10_LF_all

04 Expatriés

Il reste des places en or, mais la compétition est acharnée

être la � nalité de tel ou tel pro-jet ». Or, ce n’est plus le cas. Les consommateurs russes étant de-venus plus exigeants, ils sont à même d’être à l’écoute de leurs clients, faisant le bonheur des chasseurs de têtes en quête de di-rigeants russes ayant soit travaillé à l’étranger, soit en Russie pour des � rmes étrangères. Igor Klimov, directeur général de l’entreprise de recherche Acuris, laisse entendre qu’il serait plus facile pour les Russes d’établir la confiance avec leurs employés, mais aussi avec les entreprises étrangères. « Dans le domaine de la gestion d’actifs � nanciers, les expatriés ont encore la cote, mais dans l’économie réelle, les gestion-naires expatriés sont peu deman-dés », remarque-t-il. Pour Sucher, les Russes les plus

recherchés sont ceux qui ont tra-vaillé à l’étranger car ils compren-nent l’exigence du marché inter-national et savent négocier sur un terrain qu’ils maîtrisent. Bien que la crise économique ait durement frappé les pays occi-dentaux, les Russes vivant à l’étranger hésitent à rentrer dans leur pays. Un facteur qui ouvre la voie aux expatriés en Russie dans certaines niches. Du droit international à la gestion de pro-jets informatiques, les pro� ls oc-cidentaux expérimentés sont en-core très demandés. « Une petite société qui souhaite passer au rang

Selon un sondage réalisé par la banque HSBC, les expatriés les plus riches du monde vivent en Russie. Ils seraient environ 36% à gagner plus de 170 000 euros. Mais rejoindre le club fermé des « expats millionnaires » est de-venu difficile.Il y a 15 ans, les jeunes expatriés ayant la tête sur les épaules et des bases raisonnables de russe pou-vaient trouver des postes en or. Grâce à une croissance économi-que plus vive qu’en Occident, ils pouvaient vite se retrouver cata-pultés à la direction d’une entre-prise. Aujourd’hui, qu’elles soient locales ou internationales, les compagnies privilégient les ges-tionnaires russes. Les expatriés sont dorénavant embauchés sur des postes de spécialistes.Les chances inopinées s’offrant aux jeunes diplômés n’existent plus et les étrangers accèdent dé-sormais à ces postes en passant par une procédure « à la russe », ce qui sous-entend parler la lan-gue, vivre en Russie et renoncer aux avantages liés à l’expatria-tion classique, explique un homme d’affaire. « Je suis sceptique quant au recrutement des expatriés en Russie », déclare Bernard Sucher, un des fondateurs de Starlight Diner et de la banque d’investis-sement Troika Dialog. « Que ce soit dans l’investissement ou la restauration, nous avions l’habi-tude d’une relation � able et plus dépendante envers les expatriés pour comprendre quelle devait

d’entreprise de taille moyenne cherchera l’expérience d’un pa-tron expatrié, qui a déjà réussi cette conversion, et qui aura les compétences pour renouveler l’opération », commente Sucher.

Une valeur nominalePour les entreprises russes en quête de respectabilité sur les marchés internationaux, le recru-tement des expatriés est toujours bon pour rassurer les investisseurs étrangers que la société n’est pas gangrenée par la corruption. Avant 2008, les entreprises russes qui cherchaient à lever des fonds via un placement en bourse ou en vendant des obligations avaient besoin d’avocats spécialisés dans le droit anglais pouvant dialoguer

Travailler en Russie devient plus simpleLes amendements à la loi sur le statut légal des citoyens étrangers en Russie sont entrés en vigueur le 1er juillet 2010. Ils facilitent l’ad-mission en Russie des spécialistes hautement qualifiés. La loi s’appli-que spécifiquement aux étrangers ayant une expérience profession-nelle et des compétences dans des domaines précis, et rémunérés un minimum de 2 millions de rou-bles par an (50 000 euros envi-ron). C’est à l’employeur d’évaluer

D’où viennent les expats ?

Un vent de changement paraît souffler sur le régime actuel des visas pour les expatriés, que le gouvernement russe a manifes-té l’intention de simplifier pour les employés étrangers. Le nou-veau régime concernera-t-il beau-coup de citoyens français et sera-t-il vraiment efficace ? Rien n’est moins sûr.D’abord, la limite de salaire est re-lativement élevée (4 200 euros mensuels). Or, nombreuses sont les entreprises locales qui paient une large partie des salaires au

Le restaurateur s’est installé dans cette ville moyenne à 450 km au nord-est de Moscou huit ans après son arrivée dans la capitale en 2000. Il y a ouvert trois restau-rants et une boîte de nuit qui em-ploient 200 personnes. Il quali� e ses deux premiers projets (une pizzeria et une brasserie aux prix abordables) de « très rentables », tandis que ses deux derniers, un restaurant de luxe et la boîte de nuit, réservés à une clientèle for-tunée, sont « encore en phase de lancement ». Mais qu’est-ce qui a donc pu convaincre cet Italien issu d’une famille aisée à quitter les bords paradisiaques du Lac de Côme pour la mystérieuse Rus-sie ? « Le goût de l’aventure et les chances d’y faire des affaires », répond-il sans hésiter, car « c’est une région très riche pour le tou-risme ». Nature, écologie et gas-tronomie font bon ménage. « Comme tout chef, je me dois de mettre en valeur les produits du terroir. Ici, on a des rivières pois-sonneuses, d’excellents produits laitiers, des champignons fabu-

noir. Les sociétés concernées se-ront par conséquent surtout les étrangères, qui envoient des expa-triés en Russie.Ensuite, comme toujours en Rus-sie, les modalités d’application du système ne sont pas claires. Le ré-gime des quotas est-il toujours valable ? Un visa sera-t-il encore valable si l’employé change d’em-ployeur ? Il est toujours bon d’at-tendre un peu pour comprendre comment les changements seront mis en œuvre avant de se risquer. En outre, le coût des formalités à entreprendre est inconnu.Celui des visas risque d’être éle-vé et la Russie vient d’augmen-ter les tarifs de tous les types de

leux en profusion, et du gibier. Je vais moi-même le chasser ». Il concède : « Bien sûr que j’avais peur d’aller en Russie, mais pas davantage que d’aller à Palerme. Le racket existe partout dans le monde. Ici, c’est plutôt calme ! Le plus gros problème, ce sont les gens qui arrivent ivres le matin ». La clé pour réussir dans ce mi-lieu spéci� que ? « Trouver les bons partenaires russes. Ce sont eux qui se chargent de faire interface avec les autorités ». Détail impor-tant : ce sont les partenaires rus-ses qui sont propriétaires des murs. « Ils ont investi très gros, ils ont tout construit. Moi je n’ai qu’une part dans l’affaire elle-mê-me ». Une part à laquelle il tient beaucoup : « Je suis très content ici. Je ne suis pas du tout prêt à vendre cette affaire ! »

L’AVIS D’UN EXPATRIÉ

Le mirage de la simplification

Gastronomie nordico-italienne

Ghislain VathelotSPÉCIALEMENT POUR LA

RUSSIE D’AUJOURD’HUI

visas. Enfin, la procédure simpli-fiée... ne simplifie pas le régime très compliqué, long et coûteux, d’obtention des quotas relatifs à l’embauche des étrangers. Le coût d’un visa de travail normal s’élève aujourd’hui à 1 500-2 000 euros en moyenne.Certes, les modifications annon-cées sont une bonne chose, mais entre un projet de loi et son ap-plication, l’écart est tel que des surprises sont probables. À titre personnel, je ne prévois pas de re-cruter d’étrangers à court terme, ce que j’aurais pourtant souhaité. Seule la suppression des visas res-te à mes yeux un axe de progrès nécessaire... mais pour ça, il fau-dra encore beaucoup de temps.

Ghislain Vathelot est Partenaire chez ACCENTIS CIS

avec les banques d’investissement aux États-Unis et en Grande-Bre-tagne, note Nikita Proko� ev, as-socié chez Odgers Berndtson.Malgré une baisse sensible des placements russes sur le marché mondial, les compagnies tendent à se conformer aux normes inter-nationales et continuent à em-ployer des avocats étrangers. « Le ralentissement économique a lais-sé des entreprises en proie à des con� its sociaux, on recherche dé-sormais des avocats russes ayant une expérience internationale », explique Proko� ev. Dès que le marché des capitaux retrouvera son élan, la demande en avocats formés à l’étranger re-prendra, et l’ascension profession-nelle reste plus rapide ici que chez eux. « Je connais de nombreux vocats qui évoquent une concur-rence plus rude dans leur pays d’origine. Les meilleurs postes sont déjà occupés, tandis qu’ici, je suis une star, me disent-ils », con� e Proko� ev.Autre domaine de prédilection des expatriés, la gestion de projets in-formatiques. La Russie dispose de nombreux programmeurs haute-ment quali� és, mais elle manque de chefs de projets et d’entrepri-ses disposant de plus de 10 ans d’expérience. Elle peut se permet-tre le luxe d’avoir les expatriés les mieux payés, mais ces derniers, de leur côté, connaissent bien le pays et la langue, ou offrent des compétences rares. Klimov, de la � rme Acuris, note qu’en se déve-loppant à l’international, les en-treprises russes auront un besoin croissant de cadres étrangers. D’ici là, ceux qui voulaient échapper au « métro-boulot-dodo » londo-nien ou parisien devront patien-ter.

Les expatriés restent en forte demande dans des niches comme le droit international ou l’informatique

Un tiers des expatriés travaillant à Moscou gagnent en moyenne plus de 250 000 dollars par an. Vous êtes partants ?

RACHEL MORARJEELA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Les postes d’expats sont dé-sormais réservés à ceux qui parlent la langue et renoncent aux avantages classiques.

Salaires Gagner des millions à Moscou

le niveau de compétence de son employé étranger. La durée maxi-male des visas et permis de travail a été prolongée d’un à trois ans, assortie de plusieurs renouvel-lements, chacun pour une durée maximale de trois ans. Le temps de traitement des dossiers de can-didature a été aussi raccourci.

EMMANUEL GRYNSZPANSPÉCIALEMENT POURLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Antonio Rizzi, 46 ans, est heureux en Russie et particulièrement à Vologda, au milieu des forêts glacées du grand Nord.

[email protected] larussiedaujourdhui.fr/lettres

Lisez davantage surlarussiedaujourdhui.fr

IGO

R A

KSEN

OV

SKY

REU

TER

S/V

OST

OC

K-PH

OTO

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FRCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

Page 5: 2010_10_LF_all

05Économie

rencontres russie 2010 colloque sÉnat-ubifrance21 et 22 octobre, sénat, paris

Elvira Nabiullina, la ministre rus-se de l’Économie et Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État au Com-merce extérieur français, partici-peront à ce rendez-vous annuel des entreprises françaises acti-ves sur le marché russe.

www.ubifrance.fr ›

JournÉe des vins et spiritueux français 27 octobre, 14.00-18.00 h13-15 VetochNIY PÉrÉoULoK,MoscoU

Une occasion unique pour com-muniquer sur l’ensemble des vins français et susciter l’intérêt des Importateurs par une dé-gustation de grande ampleur à l’intention des professionnels.

www.ubifrance.fr ›

toUs les détails sUrlarussiedauJourdhui.fr

en bref

Le géant français du verre s’al-lie avec le turc Sisecam pour construire une usine à 184 mil-lions d’euros au Tatarstan, un projet où sa part sera de 30% contre 70% pour la société tur-que. Saint-Gobain espère « tirer parti des marchés en forte crois-sance en Russie ». L’usine comprendra une unité de fabrication de verre plat, une ligne de production de miroirs et une ligne magnétron pour la fabrication de verre à couches. Saint-Gobain cherche juste-ment, grâce à cette nouvelle usine, à équiper de vitres et pa-re-brises quelque 500 000 voi-tures par an. La production de verre plat, destiné au bâtiment comme à l’automobile, démar-rera au dernier trimestre 2010.

Le Président Nicolas Sarkozy a demandé début octobre à son homologue russe Dmitri Med-vedev de renoncer aux mesu-res douanières pénalisant les exportateurs français de vian-de bovine. Le chef de l’ État français déplore que les auto-rités russes imposent aux ex-portateurs de son pays des contraintes relatives à l’âge des animaux en se fondant sur le risque lié à la maladie de la vache folle, désormais « parfai-tement maîtrisée en France » : « ces mesures dirigées contre les éleveurs et hommes d’affai-res français ne nous semblent pas justifiées. Leur base scien-tifique est contestable ».

dixième usine en russie pour saint-Gobain

l’Élysée défend la viande française

affaires à suivre

paul duvernetla rUssie d’aUjoUrd’hUi

le géant des cosmétiques vient d’inaugurer une fabrique de produits capillaires en russie. ce sera l’une de ses cinq plus grosses usines dans le monde.

couleur locale pour l’oréalcosmétiques le groupe français installe une unité de production sur un marché en forte croissance

poings et des colorations pour cheveux sous les marques L’Oréal Paris et Garnier. Sa production initiale s’élèvera à 120 millions d’unités par an et « ce chiffre pourra être multiplié par deux, voire plus, en fonction de l’évo-lution de la demande », annon-ce un communiqué de L’Oréal. Ce même communiqué établit un plafond à 300 millions d’uni-tés par an. « Pour L’Oréal, la Rus-sie est le huitème marché mon-dial en terme de ventes et l’un de ceux qui se développent le plus vite », a déclaré le patron du groupe en Russie Pekka Khouttounen lors de l’inaugu-ration, le 23 septembre dernier. La production de l’usine sera écoulée non seulement sur le marché russe, mais aussi dans les pays voisins de l’ex-URSS et en particulier l’Ukraine. L’Oréal cherche à réduire ses coûts de production et à profiter au mieux d’un marché de 143 millions d’habitants représentant entre 3 et 4% de ses ventes globales, un marché toujours très friand de teintures pour cheveux. L’Oréal Russie, qui a réalisé 563 millions d’euros de chiffre d’af-faires en 2009, a enregistré une croissance de ses ventes de 17,6% au premier semestre 2010. L’usine se situe à Vorsino, à 85 km au sud de Moscou, dans la région de Kalouga, qui fait un malheur parmi les investisseurs étrangers. Un cluster automobi-le accueille déjà des usines d’as-semblage de PSA-Mitsubishi, Volkswagen et Volvo. Un autre cluster, pharmaceutique, est en gestation, également avec l’ob-

Après plus de 20 ans de présen-ce sur le marché russe, L’Oréal s’est finalement décidé à y im-planter une partie de sa produc-tion. Le succès de ses produits en Russie l’y a poussé : les ven-tes de L’Oréal ont crû de 18% depuis le début de l’année, tan-dis que le reste du marché connaît une relative stagnation. L’investissement annoncé reste modeste : 26 millions d’euros couvrant l’achat du terrain et la construction de l’usine mais pas les équipements de production. La taille de l’usine en impose avec sa forme de vaste carré d’un blanc virginal barré d’une ligne bleu azur.La modestie de l’investissement s’explique par le fait qu’une seule chaîne de fabrication fonction-ne actuellement. Le groupe pense monter en puissance parallèle-ment à la reprise de la consom-mation. Selon une source au sein de l’administration régionale, L’Oréal va investir au total 45 millions d’euros dans la nouvel-le usine. Le groupe prévoit d’achever l’installation des équi-pements de production en juin 2011. Les effectifs actuels sont de 60 employés mais devraient à terme aller jusqu’à 300 per-sonnes. La nouvelle usine produira des shampoings, des après-sham-

jectif d’attirer des étrangers in-téressés par la proximité de Mos-cou.Les deux principaux concurrents de L’Oréal en Russie sont Procter&Gamble et le russe Ka-lina, qui a vu ses ventes explo-ser de 20% durant la crise alors que les recettes des groupes étrangers stagnaient à cause de la dévaluation du rouble. Un autre concurrent sérieux, le sué-dois Oriflame, a posé la premiè-re pierre de son usine le 7 sep-tembre dernier, pour un investissement estimé entre 125 et 175 millions d’euros.

l’usine se situe à vorsino, à 85 km au sud de Moscou, dans la région de Kalouga.

chiffres clÉs

26 millions d’euros déjà investis par le groupe français. Un

chiffre qui pourrait être presque doublé à terme.

300 millions d’uni-tés par an. C’est le maximum de

la nouvelle usine en terme de ca-pacité de production.

'' L’usine russe reflète l’engage-ment de L’Oréal à implanter sa production au plus près des

marchés clés. Ceci afin de réagir plus efficacement à la croissance de la demande.

le Mot du directeur

jean-philippe blanpain directeUr général des opérations de

l’oréal

larisa savelievala rUssie d'aUjoUrd'hUi

l’hypermarché figure dans le trio de tête parmi ses rivaux russes et prévoit six nouveaux magasins l’an prochain.

Auchan ne craint que la concurrence russeGrande distribution le groupe français creuse l’écart avec ses concurrents étrangers dans l’alimentation

se perfectionnent en permanen-ce. Ces dernières années, ils ont nettement augmenté leur niveau de service ». L’année dernière, Auchan avait laissé derrière lui son dernier concurrent étranger, la chaîne Metro. Ne restent plus que deux russes devant : X5 Retail Group et Magnit. Mais selon Retailer Magazine, Auchan gagne envi-ron 14 000 dollars par an au mètre carré tandis que Magnit plafonne à 5 300. Une nouvelle loi réglementant les rapports producteurs/distributeurs pour-rait toutefois jouer contre la chaî-ne. Ludovic Oligné affirme qu'Auchan travaille déjà dans le cadre de ces nouvelles lois. Mais le mois dernier, le service fédé-

Deux nouveaux géants de la grande distribution envisagent de débarquer prochainement sur le marché russe : Carrefour (qui pourrait tenter une troisième fois de s’implanter) et Wal-Mart. Ce-pendant, le président du Conseil des directeurs d’Auchan Russie, Ludovic Oligné, ne craint pas leur concurrence. Il se méfie plus de ses rivaux russes. « Les chaî-nes X5, Magnit, O'key, Lenta sont de très sérieux concurrents. Ce sont de bons hypermarchés, qui

ral anti-monopole lui a intenté un procès pour « abus de posi-tion dominante et d'atteinte à la liberté de concurrence ». Les vic-times sont neuf fabriques de pain, auxquelles Auchan aurait imposé des conditions de livrai-son entraînant une hausse des prix. Une question très sensible à cause de l’inflation galopante provoquée par la sécheresse es-tivale. L'année prochaine, la chaîne prévoit l'ouverture de six nouveaux magasins en Russie. C’est le seul pays où l’enseigne n’a pas réduit ses investissements durant la crise. À la direction du groupe, on pense que ce sont les marchés russe et chinois qui ont sauvé Auchan des effets de la chute des ventes européennes.auchan devance la concurrence en termes de profit au mètre carré.

Julia Koudinovala rUssie d’aUjoUrd’hUi

allegro, le train pendulaire d’alstom, a été inauguré le 7 octobre sur la ligne entre saint-pétersbourg et helsinki.

Alstom ouvre un second front contre Siemens en Russie

transports la très haute vitesse, c’est pour bientôt

quatre trains de sept wagons ven-dus à RZD (la SNCF russe) pour 100 millions d’euros. Selon La-côte, « la Russie offre des pers-pectives formidables pour nous, aussi bien en technologie pen-dulaire qu’en très haute vites-se ». Alstom est prêt pour la pre-mière fois à décliner son pendulaire en version couchette, car la règle russe veut que les trains en soient équipés sur des trajets de plus de six heures. Les lignes vers Samara, Ekaterin-

« Avec Allegro, nous avons mis le pied dans la porte, maintenant nous allons l’ouvrir », jubile François Lacôte, directeur tech-nique d’Alstom Transport et père du TGV français. Contrat enco-re modeste, Allegro consiste en

bourg et Sotchi vont s’équiper en haute vitesse.Alstom affronte la concurrence de Siemens, déjà présent avec son Sapsan, circulant entre la capitale russe et les deux autres plus grandes villes russes, Saint-Pétersbourg et Nijni-Novgorod. Mais le match le plus intéres-sant va se jouer sur la très haute vitesse. Vladimir Poutine a pro-mis une ligne de ce type avec rails spéciaux entre Moscou et Saint-Pétersbourg en 2015. « Ils veulent du 400 km/h et notre produit est idéalement placé », estime Pierre Schwing, directeur commercial chez Alstom. Mais le financement s’annonce lourd pour les autorités russes : 15 mil-lions d’euros le kilomètre. Soit une facture autour de 10 mil-liards d’euros pour Moscou-Saint-Pétersbourg.

paul duvernetla rUssie d’aUjoUrd’hUi

le nouveau projet du leader mondial des gaz industriels s’inscrit dans un effort global allant jusqu’à 1 milliard d’euros.

Air Liquide investit à Nijni-Novgorod

chimie nouvelle usine du groupe français

construite en 2007. Les clients d’Air Liquide appartiennent cette fois au secteur chimique. Il s’agit de RusVinyl et d’autres indus-triels de la région de Nijni-No-vgorod. La capacité de la nou-velle usine sera de 350 tonnes d’oxygène par an. Potier a esti-mé à 150 millions d’euros les in-vestissements déjà réalisés. Une broutille par rapport aux 850 millions d’euros qu’Air Liquide compte investir d’ici 2015 pour s’attirer le gros des besoins en gaz de l’industrie russe. La crois-sance dans ce secteur pourrait atteindre 15% par an.

Benoît Potier, PDG d’Air Liqui-de, était à Moscou le 7 octobre pour faire part au public du dé-marrage d’une nouvelle usine re-présentant un investissement de 60 millions d’euros non loin de Nijni-Novgorod. Cette future unité de séparation d’air pose un nouveau jalon après l’usine de Tcherepovets avec Severstal,

photoxpress

itar-tass

evgeny dUdin_koMMersant

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedauJourdhui.frcoMMuniquÉ de rossiYsKaYa GaZetadistribuÉ avec le fiGaro

Page 6: 2010_10_LF_all

06 Économie

Tim goslingbusiness new europe

la marussia est une sorte de Ferrari « low cost » à environ 120 000 dollars, deux fois moins chère que la concurrence à performances égales. Qui veut frimer à la russe ?

Une première grand sport venue de l’Est

industrie automobile Moscou présente une rivale pour Lamborghini et consorts

Fin 2008 en Chine, Nikolaï Fo-menko, chanteur, acteur et ani-mateur TV, mais aussi pilote de course automobile, abîmait son bolide, une Aston Martin, lors de la course de qualification du championnat FIA GT. Dans la nuit, les partenaires de l’équipe chinoise parvenaient à rem-placer phares, ailes et pa-re-chocs de son véhicu-le pour seulement 250 dollars. Assis dans un petit bureau du nord de Moscou, les yeux de Fomenko brillent lorsqu’il raconte qu’en Angleterre, « cela aurait coûté 7 000 dollars ». La vitesse et le coût de produc-tion furent une révélation, à l’ori-gine de sa troisième carrière. Presque immédiatement, Fomen-ko crée Marussia Motors, pre-mier constructeur automobile russe de voitures ultra sportives, et 18 mois plus tard, ses premiè-res supercars, Marussia B1 et B2, sont fièrement exposées à moins de 100 mètres du Kremlin.Marussia est une production haut de gamme à petit tirage. Tournant seulement à 300 voi-tures par an, Fomenko ne pré-voit d’en vendre que 150 en Rus-sie. Pourtant, grâce aux 2 200 assemblages fournis par une nou-velle filiale belge à partir d’avril, l’Europe est le principal marché des élégantes B1 et B2. Fomen-ko compte bien, à partir de l’an-née prochaine, disposer de sal-les d’exposition à Londres, Monaco, Berlin et Francfort.Il y a quelque chose de fausse-ment timide lorsque, questionné sur les autres brochures que les clients de Marussia auront l’oc-casion de parcourir, le construc-teur répond : « Nous nous fichons de la compétition, nous serons nous-mêmes ». Avant d’admet-tre que ce sont les supercars

« C’est très ambitieux [de mettre au point quatre modèles en ces temps],

mais je veux que Marussia soit une source de montagne, pas un maré-cage. J’espère que nous réussirons sur les trente prochaines années ».

il l’a diT

nikolaï Fomenko

les multiples facettes de Fomenkomusique Sekret, qu’il a quitté en 1996. Acteur de théâtre et de ci-néma, il a notamment joué dans les films L’Orpheline de Kazan (1997), Luna Papa (1999), Vieilles carnes (2000), Douze Chaises (2005), Le Jour de la radio (2008) et dans les spectacles Cœur de chien, L’Opéra de quat’sous et Une Fortune exorbitante. En tant que pilote de course, il a participé au championnat international FIA GT. En 2008, il a présenté au public le projet de voiture de sport Marus-sia. Le premier magasin d’exposi-tion Marussia Motors a ouvert le 10 septembre dernier à Moscou.

BEn arisbusiness new europe

aucune route ne relie le pays d’un bout à l’autre. le prix de construction d’un kilomètre dans le plus vaste pays du monde est loin d’être une petite pierre d’achoppement.

Derrière l’énigme des routes inachevées

infrastructures Trop chères, trop rares

trest. « Les clients qui comman-dent la réalisation d’une nouvelle route doivent embau-cher un entrepreneur qui effec-tuera non seulement les travaux de construction, mais prendra également en charge tous les aléas administratifs pour réali-ser ce projet « clés en main ». Et dans Moscou, à tout cela s’ajou-te le prix du terrain, qui est très élevé », poursuit Bakchinski. La capitale russe représente aujourd’hui un enchevêtrement de tuyaux, de fils électriques et de lignes téléphoniques dont les responsables sont souvent diffé-rents. Et la bureaucratie russe n’a jamais facilité les procédu-res : « il faut reloger des dizai-nes de propriétaires, démolir les bâtiments, et dévier les tuyaux d’égout, de gaz et des lignes té-léphoniques enfouies sous 20 mè-tres sous de terre. Le coût de notre dernier projet moscovite s’est élevé à 2,2 milliards de dol-lars pour 5 km de route ». Même si la mairie aide l’entre-preneur à acheter les terrains à des prix raisonnables, c’est à ce dernier de mener des négocia-tions avec les propriétaires et ef-fectuer les démarches kafkaes-ques pour le transfert de la propriété vers le compte de la mairie. D’une certaine manière, le coût trop élevé de la construction rou-tière illustre tout ce qui ne va pas en Russie aujourd’hui.

L’agence Ria Novosti a publié en octobre une étude compara-tive des coûts de construction routière entre Moscou, les autres régions de Russie, l’Union euro-péenne, les États-Unis et la Chine. Les écarts sont frappants. C’est en Chine que les routes coû-tent le moins cher : 2,2 millions de dollars au kilomètre. Les États-Unis et l’UE viennent en deuxième position avec près de 6 et 7 millions de dollars respec-tivement. Le coût de construc-tion des routes en Russie est parmi les plus élevés d’Europe, chaque kilomètre revenant à 17,6 millions de dollars. Mais cette somme n’est pas grand-chose en comparaison du tarif dans la ca-pitale : 51,7 millions. « En Occident, on calcule le coût du kilomètre en fonction des ma-tériaux utilisés et du travail four-ni. En Russie, le coût réel com-prend l’achat du terrain et la reconstruction de l’infrastructu-re et des services publics sur ce terrain », explique Maxime Bak-chinski, directeur général adjoint pour le développement de la so-ciété de travaux publics Mosto-

Coût moyen de construction pour un kilomètre de route

Une « supercar » à la portée des bourses européennes

olEg PaninEspéciaLeMenT pourLa russie d’aujourd’hui

le renouveau religieux a provoqué un boum dans la fabrication et le commerce des objets de culte. avant la crise...

Quand il ne suffit pas de chasser les autres marchands du temple

Commerce sophrino exerce un quasi-monopole sur la production d’objets de culte mais subit les conséquences de la crise

riode soviétique. En 1972, les autorités communistes décident, à la demande du patriarche Pi-mène, d’allouer à l’Église un ter-rain entre Moscou et le monastère de la Trinité Saint-Serge pour y construire une unité de production. En 1980 les tra-vaux sont terminés et les 350 ouvriers, jusqu’alors dispersés dans des ateliers aux quatre coins de la capitale, sont regroupés dans l’usine. Mais c’est avec la perestroïka et

Sophrino a habilement manœu-vré pour parvenir à une situa-tion de quasi-monopole sur le marché des objets de culte dans le pays, et peut donc imposer ses prix. Il y en a pour toutes les bourses, de la petite croix de bap-tême à la chasuble en soie bro-dée à la machine et la panoplie complète d’un archevêque.Reste que l’entreprise n’a pas été épargnée par la crise. Paroisses et même archevêchés n’ont pas toujours honoré leurs dettes, qui sont supérieures à la somme que l’entreprise verse chaque année au Patriarcat. Le Père Vadim s’en désole : « Nous avons été contraints de réduire le person-nel de surveillance pour ne pas diminuer les salaires de nos ouvriers ».

Sophrino est aujourd’hui la plus grande entreprise de Russie (et probablement du monde) spé-cialisée dans la fabrication des objets de culte. Son usine est née d’un projet remontant à la pé-

le retour en force de l’orthodo-xie que l’entreprise se dévelop-pe réellement. « Notre mérite est de concentrer en un même lieu la production de tous les objets de culte. Aupa-ravant, il fallait courir d’un mo-nastère à l’autre pour trouver or-nements sacerdotaux, cierges, icônes », explique le recteur de l’église située dans le périmètre de l’usine. À l’heure actuelle, environ trois mille personnes travaillent pour

Sophrino. La grande majorité sont de confession orthodoxe. L’assistance aux offices n’est pas obligatoire mais recommandée... Quant aux salaires, ils sont mo-destes : si certains orfèvres hau-tement qualifiés gagnent 1 500 euros, le salaire mensuel moyen ne dépasse pas 600 euros. Quant aux avantages sociaux, portant généralement sur la médecine gratuite, les colonies de vacan-ces et les maisons de repos, ils sont inexistants.

l’usine produit des ornements sacerdotaux et des icônes.

sUr lEs 300 voiTUrEs ProdUiTEs Par an, FomEnko nE PrÉvoiT d’En vEndrE QUE 150 En rUssiE. l’EUroPE EsT l’aUTrE marChÉ dEs B1 ET B2 QUi sEronT ExPosÉEs dès l’annÉE ProChainE à londrEs, monaCo, BErlin ET FranCForT.

Lamborghini, Ferrari et McLa-ren que Marussia espère devan-cer. Esquissant un large sourire, Fomenko ose même une hypo-thèse audacieuse, suggérant que « dans l’avenir, les conducteurs de Lamborghini seront conduits à courir à bord d’une Marussia ». Toutefois, la société ne compte pas séduire le marché intérieur de Lamborghini tant que le par-tenariat F1 et Virgin Racing ne sera pas bien assis.Mis à part le prix (selon ses dires, celui des voitures au détail sera un peu moins de 120 000 dol-lars, soit la moitié du prix de ses concurrents), Fomenko assure que la vitesse grand V avec la-quelle Marussia conçoit ses autos de luxe constitue un autre atout de poids. Les deux modèles lan-cés en septembre ont été moto-risés depuis la conception sur le papier jusqu’aux finitions en à peine un an. Mais si en termes de plans tout roule pour la société sur les douze mois à venir, quelques questions de trésorerie demeurent en sus-pens. Fomenko assure pourtant que Marussia présentera six mo-dèles lors du Salon automobile de Francfort l’année prochaine, dont deux 4x4.

« dans l’avenir, les conducteurs de Lamborghini seront conduits à courir à bord d’une Marussia »

Nicolaï Formenko est né le 30 avril 1962 à Léningrad. Il est di-plômé de théâtre, de musique et de cinéma. Il a créé le groupe de

www.larussiedaujourdhui.fr/expert

se mettre au vert ?La russie face aux défis

environnementaux

Legion Media

source : ria novosTi

ria novosTirusLan sukhushin

ru

sLan

suk

hu

shin

ser

gey

pya

Tako

v_r

ia n

ov

osT

i

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larUssiEdaUjoUrdhUi.FrCommUniQUÉ dE rossiYskaYa gaZETadisTriBUÉ avEC lE Figaro

Page 7: 2010_10_LF_all

07Régions

PHOEBE TAPLINLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Il y a tout juste mille ans, au confluent de deux grands fleuves, le prince russe Iaroslav le Sage abattait un ours sacré de sa seule hache et y fondait la ville éponyme de Iaroslavl.

Iaroslavl fête son millénaireTourisme sur la Volga Une ville historique offre une richesse architecturale à faire pâlir d’envie Moscou, sa cadette devenue capitale

d’icônes dorées à la feuille, de céramiques vernissées. Le site offre aussi l’occasion unique d’admirer, depuis le clocher de la cathédrale, la vue sur la ville et ses deux � euves. Située à la jonction de la Volga et de la Kotorosl, l’ancienne ville forti� ée a soudain pris des airs de « Parc du millènaire », agré-mentée de décorations � orales et d’un parterre � euri en forme d’ours, devenu le symbole de la ville. On célèbre aussi une vie cultu-relle � orissante. Sur la rive de la Volga, le Musée de l’histoire ac-cueille une nouvelle exposition retraçant mille ans d’histoire au travers des Archives nationales, tandis que le Musée d’art célè-bre « L’Âge d’or » de la ville. À cet effet, la collection privée « Musique et temps » de John Mostoslavsky a apporté une note de singularité à cette exposition en faisant partager sa passion pour les objets d’art et les anti-quités : cloches de troïka ances-trales, boîtes à musique, horlo-ges et phonographes, où tic-tacs et autres carillons font résonner un passé fastueux.

lancés à l’occasion du millénai-re : centres culturels, zoos, ter-rains de golf, hôtels. Iaroslavl s’est toujours position-née comme un centre du savoir et de la culture. Ainsi, le monas-tère de la Transfiguration ac-cueillait autrefois le premier sé-minaire du nord-ouest de la Russie. C’est également dans sa bibliothèque que fut découvert l’unique manuscrit « Dit de la Campagne d’Igor », le plus an-cien récit de la Russie kiévienne. Fondé par l’acteur Fedor Volkov, le premier théâtre public de Rus-sie ouvrit ses portes en 1750.Sur la vidéo de promotion, Ia-roslavl est présentée comme une ville-star, le « cœur de la Rus-sie … Là où l’histoire s’est écri-te ». Le millénaire est donc aussi une formidable chance de « faire fructi� er les investissements ». En ces temps de crise, que les efforts aboutissent ou non, Ia-roslavl restera de toute façon un lieu touristique. C’est une hô-telière, Paulina Chernobaeva, qui l’affirme : « lorsque vous marchez dans les rues de cette ville, vous sentez l’histoire, vous la vivez».

Ville de passage développée par les marchands au XVIIème siè-cle, puis par l’industrie lourde au XXème, Iaroslavl est devenue la plus importante des ancien-nes cités princières qui forment aujourd’hui « l’Anneau d’or ». Édi� ée en 1010, Iaroslavl s’était activement préparée à célébrer, en septembre dernier, son mil-lénaire. Pelouses arti� cielles, pé-tunias et autres plantations avaient embelli et embaumé les rues de la ville. Vitres, façades et bâtiments avaient été soigneu-sement remis à neuf. Véritable joyau du début du XVIème siècle, la cathédrale de la Trans� guration a été fraîche-ment repeinte de blanc et d’or. Un spectacle somptueux y at-tend les visiteurs tant les murs de l’enceinte forti� ée regorgent de représentations diverses,

Non loin de là, en longeant le � eu-ve, rivalisent quelques-unes des plus belles églises de la ville. Saint-Nicolas, avec ses fresques bleues et or, ou encore l’église Saint-Elie, aux peintures murales et aux car-reaux de faïence multicolores, ren-dent compte de l’héritage précieux et authentique de l’architecture russe. Une ville que son maire dé-crit comme à la fois « ancienne et éternellement jeune ».

À l’endroit même où Iaroslav le Sage fonda jadis la cité princiè-re, se dresse la nouvelle cathé-drale de l’Assomption. Recons-truction magnifiée d’une ancienne église, cet édi� ce comp-te parmi les nombreux sites qui ont permis à la vieille ville d’en-trer au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2005. Outre la nouvelle cathédrale, de nom-breux projets d’envergure ont été

SE RENDRE À IAROSLAVL En train depuis Moscou, compter environ 4 heures. Le billet coûte 600 roubles

(15 euros). Sur place, la ville dis-pose d’excellents transports ur-bains. Possibilité de s’y rendre en bateau pendant la saison es-tivale.

SE LOGERL’hôtel 4 étoiles Ring Pre-mier Hotel se situe entre la

gare principale et le centre-ville. Il propose des chambres stan-dard à 100 euros la nuit. Pour le même prix, l’hôtel Volga Pearl, situé directement sur la Volga, offre des chambres plus exotiques.

SE RESTAURER Iaroslavl possède un large choix de restaurants de

qualité inégale. Le Vanilla Sky propose une cuisine savoureuse à des prix abordables. Au menu, le sandre grillé aux champignons sauvages pour 10 euros. Plus simple, le Tai Tai café propose un déjeuner d’affaires à 2,50 euros.

Les bords de la Volga, un lieu de promenade privilégié.

La cité princière s’est toujours positionnée comme un centre majeur du savoir et de la culture

EMMANUEL GRYNSZPANLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Un parc d’attraction sur le thème de Ded Moroz (la version russe du Père Noël) est chargé de soustraire l’économie régionale à sa dépendance excessive envers la sidérurgie.

Vologda croit plus que jamais au Père Noël

Diversification de l’économie Quand la crise incite les autorités régionales à rechercher des solutions « traditionnelles »

re est venue de miser sur la di-versi� cation. Après tout, Severstal n’occupe qu’une fraction de la super� cie régionale, représentant un quart de la France. Le combinat sidé-rurgique n’en est pas moins im-pressionnant. Construit à l’épo-que soviétique, Severstal est la colonne vertébrale et le poumon de l’économie régionale. La si-dérurgie représente les deux tiers du produit régional brut. Mais Tcherepovets, une ville de 311 000 habitants encerclée par le com-binat, respire mal. Et lorsque la crise mondiale a fait brutalement chuter en 2008 la demande d’acier et son prix, c’est la région tout entière qui a failli étouffer. Deux

La région de Vologda s’agite pour dissiper la fumée âcre du combinat sidérurgique de Se-verstal. Elle vient d’organiser un voyage de presse pour mon-trer au monde extérieur un vi-sage plus attrayant : forêts pro-fondes, lacs à l’eau pure, splendides monastères et même un site enchanteur où le Père Noël russe a élu domicile. L’heu-

ans plus tard, la grosse frayeur a fait naître la volonté déterminée de diversi� er l’économie à l’échel-le de toute la région. « 92% de l’industrie sont concen-trés dans le district de Tchere-povets », explique Leonid Iog-man, premier adjoint du gouverneur. « Mais la situation change rapidement. C’est un cli-ché de dire que notre région, c’est Severstal et de vastes forêts. Nous constituons actuellement deux autres pôles industriels [Cheksna et Sokol] et nous avons déjà attiré l’attention de grou-pes étrangers comme le français Thalès, qui fabrique ici avec un partenaire russe des appareils optiques de très haute techno-

logie ». Des multinationales comme Air Liquide, Nestlé, Ikea, Greif et Arcelor ont également réalisé ou acheté des actifs in-dustriels dans la région.Mais c’est avant tout dans ses richesses naturelles et cultu-relles que cette région voit son plus grand potentiel de diversi� cation économi-que. Un potentiel natu-rel et renouvelable qui permettra aux futures générations de mieux respirer. Dans l’imagi-naire russe, Vologda est paradoxalement un havre écologique recou-vert de forêts et de lacs, nourrissant le pays de bons produits laitiers (le célèbre beurre de Vologda) et fabriquant de magni� ques dentelles pour les plus fortunés. Mais c’est aussi, selon une légende ancestrale, le berceau de la version russe du Père Noël « Ded Moroz ». Depuis 1998, la région de Volog-da s’est associée à la Mairie de Moscou pour concevoir un parc à thème basé sur cette légende de Ded Moroz, désormais réincarné près de la ville de Veliki Oustioug,

Jumelage avec Poitiers

Composition du secteur industriel

Les deux villes sont liées depuis 30 ans. Une Maison de l’amitié « Iaroslavl-Poitiers » propose des cours de français. Y sont aussi or-ganisées des expositions et des tables rondes avec des invités poi-tevins dans le cadre d’une coopé-ration constante. Plusieurs écoles entretiennent des liens d’amitié avec celles de Poitiers, offrant des échanges d’enseignants-linguistes. À Poitiers, le russe est enseigné dans certains établissements.

aux con� ns orientaux du terri-toire régional. Un investissement de 40 millions d’euros a produit un ensemble qui comporte plu-sieurs hôtels, la vaste et haute mai-son en bois du Père Noël et un

parcours ludique pour les en-fants. Le parc emploie en-

viron 10% de la popula-t i o n l o c a l e e t s a fréquentation connaît une hausse constante, les 205 000 visiteurs en 2009 représentant 8,5% de plus qu’en 2008. Reste un problè-me : la situation géogra-

phique du site, fort mal desservi par les transports

ferroviaires et aériens, qui met à rude épreuve la foi en

Ded Moroz.

Métallurgie Autres

Industrie verrière

Industrie textile et confection

Transformation du bois et fabrication de pièces en bois

Production de pièces métalliques finies

Industrie chimique

Industrie alimentaire

Industrie automobile et de biens d’équipement

Production et distribution d’énergie électrique, d’eau et de gaz

Le diaporama surlarussiedaujourdhui.fr

PHO

TOX

PRES

S

GET

TY IM

AG

ES_F

OTO

BA

NK

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FRCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

Page 8: 2010_10_LF_all

08 Débats et Opinions

CE SUPPLéMENT DE DoUzE PAGES EST éDITé ET PUBLIé PAR ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), QUI ASSUME L’ENTIèRE RESPoNSABILITé DU CoNTENU. SITE INTERNET WWW.lARuSSIEdAujOuRdhuI.fR EMAIL [email protected] TéL. +7 (495) 775 3114 FAX +7 (495) 9889213 ADRESSE 24 / 4 RuE PRAVdY, éTAGE 12, MOScOu 125 993, RuSSIE. EVGENY ABOV : DIRECTEUR DE LA PUBLICATIoN, MARIA AfONINA : DIRECTRICE DE LA RéDACTIoN, jEAN-lOuIS TuRlIN : DIRECTEUR DéLéGUé, EMMANuEl GRYNSZPAN : RéDACTEUR EN CHEF, dIMITRI dE KOchKO : RéDACTEUR EN CHEF ADjoINT (VERSIoN PAPIER), VlAdISlAV KuZMIchEV : RESPoNSABLE DES PAGES éCoNoMIE, fEdOR KlIMKIN : RéDACTEUR EN CHEF (VERSIoN WEB), MIllA dOMOGATSKAYA : RESPoNSABLE DE L’éDITIoN (VERSIoN PAPIER), ANdREI ShIMARSKY : DIRECTEUR ARTISTIQUE, ANdREI ZAYTSEV, NIcOlAI KOROlEV, dARIA KOZYREVA : SERVICE PHoTo. VSEVOlOd PulYA : RéDACTEUR EN CHEF DU SITE WWW.RBTh.Ru, julIA GOlIKOVA : DIRECTRICE DE PUBLICITE & RP, ([email protected]) oU EIlEEN lE MuET ([email protected]). MARIA TchOBANOV : REPRéSENTANTE À PARIS ([email protected], 06 60 70 11 03).TRADUCTEURS : VERONIKA dORMAN, EuGENE ZAGREBNOV, chlOé VAlETTE.© CoPYRIGHT 2010, zAo ‘RoSSIYSKAYA GAzETA’. ToUS DRoITS RéSERVéS.

AlEXANdRE GORBENKO : DIRECTEUR GéNéRAL, VlAdISlAV fRONIN : RéDACTEUR EN CHEF. ToUTE REPRoDUCTIoN oU DISTRIBUTIoN DES PASSAGES DE L’oEUVRE, SAUF À USAGE PERSoNNEL, EST IN-TERDITE SANS CoNSENTEMENT PAR éCRIT DE RoSSIYSKAYA GAzETA. ADRESSEz VoS REQUêTES À [email protected] oU PAR TéLéPHoNE AU +7 (495) 775 3114. LE CoURRIER DES LECTEURS, LES TEXTES oU DESSINS DES RUBRIQUES “oPINIoN” oU “CoMMENTAIRES” RELèVENT DE LA RESPoNSABILITé DES AUTEURS oU DES ARTISTES. LES LETTRES DESTINéES À êTRE PUBLIéES DoIVENT êTRE ENVoYéES PAR éMAIL À [email protected] oU PAR FAX (+7 (495) 775 3114). LA RUSSIE D’AUjoURD’HUI N’EST PAS RESPoNSABLE DES TEXTES ET DES PHoToS ENVoYéS.

PARTENAIRES MédIA

lA RuSSIE d’AujOuRd’huI ENTEND oFFRIR DES INFoRMATIoNS NEUTRES ET FIABLES PoUR UNE MEILLEURE CoNNAISSANCE DE LA RUSSIE.

Le mythe du miLLion de soLdats

AlexanderGolts

The Moscow TiMes

Tous les ans au mois d’oc-tobre, quand le froid hu-mide s’installe, c’est l’heu-re de l’appel d’automne

des nouvelles recrues. L’objectif est d’enrôler 278 000 jeunes gens avant le 31 décembre, mais cette année, l’armée est censée insti-tuer de nouvelles mesures pour humaniser le service militaire obligatoire. Par exemple, les pa-rents peuvent désormais assis-ter au conseil de révision et sont autorisés à accompagner les fu-turs soldats jusqu’à leurs unités d’affectation, une étape lors de laquelle de nombreuses irrégu-larités sont d’ordinaire commi-ses. En outre, les conscrits ont désormais le droit de garder leur téléphone portable pour commu-niquer avec famille et amis, et ils peuvent dénoncer des mal-versations. Les autorités s’effor-cent de leur faire faire leur ser-vice plus près de chez eux. Et pour la première fois, les appe-lés devraient bénéficier de week-ends de permission. L’objectif est de transformer l’ar-mée actuelle, quasi carcérale, en une sorte de « colo sportive ». C’est une excellente nouvelle. Malheureusement, ces mesures n’auront aucun impact sur le ni-veau de préparation au combat des forces armées. Le ministère de la Défense a hélas rejeté le modèle militaire du XXIème siè-cle : constituer une force profes-sionnelle compacte hautement qualifiée. Deuxièmement, comme l’appel a lieu deux fois par an, à l’automne et au printemps, et parce que le service militaire a été réduit à une seule année, les conscrits les plus expérimentés ne totalisent à chaque période que six mois de service, ce qui suffit à peine pour un entraîne-ment de base. Résultat : un ni-veau de préparation lamentable-ment bas, alors que les guerres modernes nécessitent une for-mation pointue en communica-tions et en systèmes d’armement sophistiqués. L’humanisation est une mesure qui s’impose, mais l’efficacité et la préparation au combat des forces armées ne s’amélioreront pas tant qu’elles ne seront pas assorties d’une modernisation des forces elles-mêmes et d’une compréhension de l’art de la guerre au XXIème siècle.Je demande souvent aux parti-sans du service obligatoire à quoi sert une armée de conscrits si le pays n’envisage plus de mobili-ser des millions de réservistes en temps de guerre. Il est évident que l’immense réserve de recrues faiblement qualifiées servira de chair à canon. Dans tout débat sur la conscrip-tion, ses défenseurs insistent im-manquablement sur la nécessité de disposer d’une armée d’un million de soldats. Ce nombre a acquis une dimension mystique. Au cours de la dernière décen-nie, chaque responsable politi-que ou militaire a averti que si le nombre descend sous le mil-lion, la capacité de défense de la

Russie sera considérablement af-faiblie. L’explication la plus cou-rante, et la moins convaincante, est que l’immense territoire du pays et ses longues frontières ne peuvent être défendus par moins d’un million de soldats. En réa-lité, seules des forces armées plus réduites, hautement qualifiées et très mobiles peuvent garantir la protection du pays. Les dépôts d’armement lourd doivent se si-tuer dans les zones où la mena-ce potentielle est la plus sérieu-se, et des troupes prêtes au combat doivent pouvoir être ra-pidement déployées dans ces zones si la menace se concréti-se. Les stratégies de défense de la Russie en sont restées à l’époque napoléonienne, où la victoire était censée pencher du côté des plus « gros bataillons ». Deux cents ans plus tard, en 2003, les États-Unis envahissaient l’Irak. L’armée de Saddam Hussein, forte de 400 000 hommes, était écrasée par seulement trois di-visions : deux américaines et une britannique. L’issue s’est jouée sur l’utilisation d’équipements de surveillance et de communi-cations de pointe, qui permet-tent d’identifier les mouvements des troupes ennemies, et d’ar-mes de grande précision pour les détruire.

Or l’armée russe est toujours pa-ralysée par la mentalité militai-re fondamentalement erronée et périmée de ses chefs, qui confon-dent la qualité et la quantité. Ce qui explique pourquoi en haut lieu, on tient à une armée numé-riquement égale à celle de la Corée du Nord (une population de 24 millions et une armée ac-tive d’1,1 million de membres). Mais contrairement à ce pays, la Russie ne peut atteindre le mil-lion magique qui l’obsède tant. D’abord et surtout, à cause du fort déclin démographique : le nombre de garçons arrivés à l’âge de 18 ans a chuté et n’est plus que de 800 000. Par ailleurs, une corruption largement répandue permet à des milliers de jeunes gens d’être exemptés du service militaire. Résultat : les appels à la conscrip-tion semestriels ne parviennent à rassembler que 564 000 sol-dats. Si l’on y ajoute 150 000 of-ficiers et 100 000 soldats contrac-tuels, on n’obtient pas plus de 800 000 personnes actives dans l’armée. Mais les dirigeants rus-ses continuent de rêver jour et nuit à leur million d’individus sous les drapeaux, condamnant les forces armées à être aussi mal préparées au combat moderne que celles de la Corée du Nord.

Alexander Golts est rédacteur en chef-adjoint du journal en ligne Iejednevny Journal.

Le courrier des Lecteurs, Les opinions ou dessins des rubriques “débats et

opinions” et “perspectives” pubLiés dans ce suppLément représentent divers points de vue et ne refLètent pas nécessairement

La position de La rédaction de La russie d’aujourd’hui ou de rossiyskaya Gazeta. merci

d’envoyer vos commentaires par courrieL : lArussieDAujOurDhui.fr

dÉmoGRaPhie : La QuaLitÉ d’aBoRd

L’innovation RaLentie PaR Les fReins ÉtatiQues

ArtemZagorodnov

la russie d’aujourd’hui

Vladislavinozemtsev

izvesTia

la Russie est confrontée à une grave crise démogra-phique, ne cessent de ré-péter les observateurs. Ré-

cemment, la BBC titrait sur une « Russie en train de mourir ra-pidement », affirmant que le dé-clin démographique affaiblirait considérablement la position du pays sur la scène internationale, et pourrait même conduire à une modification significative de ses frontières.Si l’on en croit le Bureau du re-censement des États-Unis, la po-pulation mondiale devrait attein-dre entre 8,5 et 10 milliards d’habitants d’ici à un demi-siè-cle. Une croissance qui s’accom-pagne d’une diminution des res-sources naturelles. Sauf percée technologique miracle, j’en dé-duis que les pays comptant le moins - et non le plus - de bou-ches à nourrir, tout en possédant de vastes réserves de pétrole et d’eau potable, se retrouveront en position de force. La Russie est riche en ressour-ces naturelles : un vaste territoi-re, de l’eau (le lac Baïkal repré-sente 20% des réserves d’eau douce de la planète), des forêts à perte de vue, une industrie agri-cole en plein essor, du pétrole et du gaz. C’est aussi un état doté de l’arme nucléaire, moyen de dissuasion efficace, et un pays ga-rant d’un libre accès à l’éduca-tion. À ce titre, la Russie pour-rait bien faire partie des nations les mieux placées pour faire face à la crise environnementale.Pour autant, selon les spécialis-tes, le problème ne réside pas tant dans le nombre d’habitants par kilomètre carré que dans la pé-nurie de main d’œuvre, qui ris-que de nuire à la croissance éco-nomique du pays dans les décennies à venir. Le gouvernement, sous l’impul-sion de Dmitri Medvedev, vise à inverser les tendances négatives

l’attribution du prix Nobel de physique à deux cher-cheurs d’origine russe, Konstantin Novoselov et

Andre Greim, a relancé une série de débats sur la capacité de la Russie à innover. Mais ces dis-cussions ignorent toute distinc-tion entre la recherche fonda-mentale (récompensée par un Nobel) et l’innovation, axée sur l’application industrielle de la science.La formulation d’un objectif clair est la clé d’une percée technolo-gique. Plus l’énoncé est précis,

transports, de centres d’innova-tions et autres cités de l’avenir : des projets qui doivent s’accom-pagner de dispositifs destinés à faciliter l’accès des personnes à mobilité réduite. Enfin, garantir une connexion Internet haut-dé-bit aux handicapés, leur assurer un enseignement universitaire en ligne et des emplois depuis leur domicile dans les domaines de la recherche et du développement, ainsi que dans les nouvelles tech-nologies de la communication et de l’information (NTIC) : autant de démarches désormais possi-bles en Russie.S’ils sont couronnés de succès, les efforts de modernisation du Président Medvedev modifieront les paramètres du débat sur la démographie en Russie. Car, en définitive, la quantité est moins déterminante que la qualité !

et à stabiliser la population, no-tamment en diminuant le taux de mortalité prématurée. Il s’agit de renforcer la sécurité routière, de lutter contre les excès d’alco-ol ainsi que d’accroître les inves-tissements dans la santé et la pré-vention. Mesures qui ont déjà donné des résultats probants. En 2009, pour la première fois de-puis 15 ans, la Russie a vu sa po-pulation augmenter. L’espérance de vie des hommes s’est allongée de près de deux années depuis 2005, selon le service fédéral russe des statistiques. Depuis 2007, l’État a également remis des bons d’une valeur d’en-viron 12 000 dollars aux mères de plus d’un enfant à charge afin de stimuler la natalité. Reste au gouvernement à se concentrer sur l’amélioration des conditions de vie des salariés, dont la produc-tivité n’atteint que 16% de la moyenne de l’Union européenne, selon Capital Partners.Quelques initiatives permettraient de renforcer singulièrement la po-

sition de la Russie dans le monde. En voici des exemples.- Tendre la main à la diaspora russe. De nombreux jeunes Rus-ses nés à l’étranger craignent d’aller en Russie, pays où ils ris-queraient d’être arrêtés dans la rue et envoyés à l’armée pour deux ans. Il faut d’urgence mo-difier la législation en matière de conscription pour attirer une main d’œuvre qualifiée, possé-dant la double nationalité.- Développer l’aide aux 730 000 enfants orphelins, pour qu’ils soient en mesure de devenir ci-toyens à part entière. Selon le site Web Iorphan.org, seuls 10% des orphelins s’intègrent pleinement. La grande majorité d’entre eux sombrent dans la drogue, la dé-linquance ou le suicide. - Favoriser des programmes d’éducation et une politique d’in-tégration des personnes handi-capées. Le vaste projet de mo-dernisation de l’économie comprend le développement à moyen terme des réseaux de

plus la probabilité du succès est grande. Ce qui permet de déter-miner rapidement l’ensemble des outils nécessaires, et rend les spé-cialistes capables de résoudre le problème posé. Les différents organes du gouver-nement russe travaillent selon une approche diamétralement oppo-sée. Les idéologues de Skolkovo, la future Silicon Valley russe, se chamaillent déjà sur le profil des candidats qui feront partie du quota étranger. Mais il serait plus approprié de déterminer en pre-mier lieu les objectifs que doit poursuivre l’État. Aujourd’hui, comme chacun sait, la nanotech-nologie, c’est bien, la biotechno-logie, c’est mieux. Mais savons-nous quels sont les domaines les

plus prometteurs, où il faut in-vestir pour l’avenir ? Le point de départ se situe dans les évalua-tions des plus grands spécialistes mondiaux, leurs observations quant à la manière dont une per-cée technologique peut être réa-lisée, et la définition des obsta-cles. Ensuite, il faut faire le point sur l’état des technologies, et iden-tifier les « points de repères » réa-listes à atteindre. C’est alors seu-lement qu’il sera possible de fixer de véritables objectifs en matière d’innovation technologique, et d’annoncer les ressources, les fonds et les spécialistes requis pour mener à bien le programme. On évitera ainsi de spéculer inu-tilement sur l’auteur ou les auteurs de l’« invention » d’hier.

Les autres méthodes à suivre sont connues depuis la fin de l’ère so-viétique : un minimum de contrô-le bureaucratique, une concur-rence indispensable entre plusieurs groupes de chercheurs, la satisfaction de toutes les de-mandes d’installation des équi-pements et d’organisation de la production. En déclarant qu’il souhaite favoriser l’innovation, l’État russe a beaucoup à faire lui-même. Abandonner toute langue de bois et formuler des objectifs limpides. Oublier la ma-traque, tolérer un chaos limité, et protéger les chercheurs contre les services secrets. Réaliser, enfin, que l’argent ne résout pas tout, et qu’il faut un minimum de compétence et de liberté in-térieure. Si tout se passe bien, nous recevrons d’abord de nou-velles technologies et ensuite, un État d’un type nouveau.

Artem Zagorodnov est le rédac-teur en chef des suppléments internationaux de Rossiyskaya Gazeta en anglais.

Vladislav Inozemtsev est direc-teur du Centre d’études de la société postindustrielle

le raisonnement date de l’époque napoléonienne, où la victoire penchait du côté des gros bataillons

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.lArussieDAujOurDhui.frcOmmuniqué De rOssiYsKAYA GAZeTADisTribué AVec le fiGArO

Page 9: 2010_10_LF_all

09Perspectives

Préparé parVeronika Dorman

lu Dans la Pressele limogeage controversé du maire de moscou

Iouri Loujkov a été destitué par le Président Medvedev après 18 ans de règne sur la politique et les affaires de la capitale. Accu-sé de népotisme, d’incapacité à gérer la saturation du transport et surtout d’avoir mis le secteur immobilier en coupe réglée avec son épouse, la milliardaire Elena Batourina, l’ex-maire laisse l’opi-nion publique très partagée.

Bon Vent, loujkoV ! Grigori Revzine Kommersant

DéBarrassés Du jougAlexandre Lebedev gaZeta.ru

maire Bouc émissaireIouri KovelitsynemosKovsKi Komsomolets

L’amour peut être dangereux. Il peut rendre une femme distin-guée et raffinée. Ou en faire une sorte de grosse dinde en survêt’, les yeux boursouflés de cupidité. Moscou a subi le second sort. Mais l’amour de Loujkov était sincère. Il lui offrait des colliers d’autoroutes, des diamants de gratte-ciels. Sans se soucier de la qualité, il voulait que ça fasse riche. Il adorait les chantiers, se mêlait de tout. Pas-sionnément. Le malheur, c’est que tout ce qu’il touchait se dégra-dait. Il ne respectait pas l’avis des autres, il aurait préféré d’ailleurs qu’il n’y ait pas d’architectes.

La collusion du pouvoir et du bu-siness à Moscou a triomphé dans l’union de « l’administrateur ro-buste » et de la « businesswoman à succès ». Ils travaillaient sou-vent ensemble : dans le conseil d’administration d’une entreprise, Loujkov représentait la Ville, sa femme Batourina, le secteur pri-vé. C’est pourquoi la fin sans gloi-re de Loujkov fait naître en nous un espoir : c’est peut-être le dé-but d’une véritable lutte contre la corruption, contre le péculat ou la concussion pratiqués par les fonc-tionnaires, aussi bien que le vol dans le secteur privé.

Même si tout ce qu’on reproche au maire était vrai, ce sont des baga-telles, comparées aux complots en-tre le pouvoir fédéral et les oligar-ques qui ont pillé le pays. En outre, les accusations sont inventées de toutes pièces. On a l’impression que la bête de somme est char-gée de tonnes de fumier informa-tionnel. Le choix de la cible n’est pas surprenant. Le changement du maire de Moscou est seul à mê-me de modifier la situation dans le pays. Mais c’est ouvrir la voie à une révolution de velours, à une euphorie trompeuse à laquelle les Russes n’ont pas encore goûté.

natalia gevorkyanspécialement pour

la russie d’aujourd’hui

des Français ». Comme ces mots me sont familiers !Et moi qui pensais que la mé-fiance du pouvoir était un pas-se-temps national russe ! Lors-que le Secrétaire général de l’URSS déclarait qu’il n’y aurait pas de déficit, sel, sucre et allu-mettes disparaissaient sur-le-champs des étals. Nous ne croyons jamais aux déclarations de revenus des hauts fonction-naires, ni aux services secrets prétendant avoir déjoué 200 at-tentats dans l’année.Mais non, nous ne sommes pas les seuls. Je me tourne vers Ca-therine : « Mais si, par malheur, ça pète ? Tu admettras que les avertissements n’étaient pas inu-tiles ? » Elle secoue la tête. « Si ça pète, comme tu dis, ça vou-dra dire qu’ils ont mal fait leur boulot ». J’aurais reçu la même réponse à Moscou. Après concertation, les Améri-cains annoncent que chacun a le droit de douter des déclara-tions de son gouvernement. Mais dans ce cas précis, eux, en tant qu’invités, ne veulent pas tenter le diable, et nous invitent dans un autre restaurant. Après le dîner, sans se concerter, chacun observe la tour Eiffel avec soulagement. Elle est à sa place, elle brille, comme il se doit. Et tout à coup je comprends que ce n’est pas une question de je m’en-foutisme, ou pas seulement. Aucun de nous ne croit sérieu-sement qu’une bande d’imbéci-les peut lui faire quelque chose, à la tour Eiffel. Et même ceux qui en ont l’expérience, parce que c’est déjà arrivé, continuent à ne pas y croire. Je ne sais pas si c’est notre force ou notre faiblesse.

entre les Français et les Russes, il y a plus de points communs que je ne l’imaginais. Prenez

le je m’en-foutisme. On dit aux premiers : « Menace terroris-te : alerte rouge ». Rien à faire. Rien ne peut les distraire du périf bouché, du risotto aux truffes ou du procès Kerviel. Comme les Moscovites dans le smog cet été. On leur disait : portez des masques, sortez le moins possible. Ils se prome-naient et fumaient des clopes assis sur les bancs publics, en inspirant Dieu sait quoi avec la fumée de cigarette. La BBC russe s’interroge : les Parisiens paniquent-ils ? Non point. Soit par fatalisme, soit parce qu’ils ne croient pas au danger, ou ne font pas confian-ce à leurs services secrets. Quoi qu’il en soit, la menace d’un éventuel attentat terro-riste sur la tour Eiffel occupe moins les esprits que l’aug-mentation de l’âge de la re-traite en 2018 ou celle du prix des cigarettes. En tout cas, ma voisine Cathe-rine est imperturbable. Elle veut réserver pour ses amis américains une table au res-taurant de la tour Eiffel. C’est sa façon de faire la nique aux terroristes. Les Américains ne veulent pas passer pour des poules mouillées mais suggè-rent tout de même une autre adresse pour dîner. Catherine les appelle à ne pas prendre au pied de la lettre ce que dit le gouvernement français : « Il a tellement de problèmes qu’aucune menace terroriste ne pourra en détourner l’attention

ces sacrés Français

pas de panique !

Natalia Gevorkyan est corres-pondante à Paris du journal en ligne gazeta.ru.

François Perreaultspécialement pour

la russie d’aujourd’hui

conseille la gauche. « Pour évi-ter les bouchons », dit le chauf-feur avec un clin d'oeil. Un coup de volant magistral lui permet d'éviter le piéton qui traversait, tout en grillant le feu rouge. Manque de bol, un bouchon monstrueux prend justement naissance ici, à droite.Quitte à attendre, autant faire connaissance. « Je suis géor-gien », dit Zourab avec orgueil en sortant un tas de photos de sous le pare-soleil. « Ça, c'est Tbilissi, ça, c'est ma fille, ça, c'est nos vignes », explique-t-il en dis-tribuant aux trois passagers quelques clichés de sa ville na-tale. 45 minutes plus tard (en métro, c'est 15 minutes), Zourab en est à son cousin qui travaille à Londres lorsque le bouchon se dissipe. Petit à petit, les voi-tures prennent de la vitesse, les 30 km/h sont allègrement fran-chis. Ne reste plus qu'un kilo-mètre avant la Place Rouge, on s'échange déjà joyeusement les numéros de portable, l'invitation à Tbilissi a été faite.C'est en prenant la rue Mokho-vaïa que l'incident est arrivé. Tout à ses invitations, Zourab n'a pas pu éviter l'arrière du Hummer qui, une fois n'est pas coutume, a respecté le passage clouté. Le Hummer, évidemment, n'a rien, mais sous le capot de la Lada, ça fume sérieusement. Heureusement que Jean-Pierre a noté le portable de Zourab, parce que ce dernier ne se pré-occupe plus que de sa caisse, et enguirlande la pétasse qui sort du monstre américain. Ne reste plus qu'à laisser les 300 roubles sur le siège du conducteur, et à finir la balade à pied.

depuis le temps qu'il voyait les Russes le faire, Jean-Pierre se sentait un peu gland.

Aujourd'hui, avec ses amis français venus lui rendre vi-site, il va se risquer : notre homme va négocier un « tchas-nik », un de ces automobilis-tes moscovites qui font le taxi pour améliorer leur ordinaire. Sur le bord de la route, à peine Jean-Pierre amorce-t-il un mouvement du bras vers le haut que trois voitures risquent de se télescoper pour saisir la bonne affaire. Notre ami s'adresse au premier, au volant d'une Lada antédiluvienne : « Place Rouge, pour deux cents roubles ! ». Zourab, qui est géorgien comme 95% des tchasniks qui ne sont pas ouz-beks, fait la moue : « Vous êtes trois, ça consomme plus », dit-il avec l'assurance d'un vété-ran. Qu'à cela ne tienne, trois cents, ce n'est pas plus mal.Puisque la porte arrière droite ne s'ouvre plus, un léger bou-chon prend forme derrière la bagnole. Surtout que Jean-Pierre, qui a claqué la porte un peu fort, provoque la chute de la fenêtre, que Zourab doit re-monter. Ne reste plus qu'à ré-gler le GPS qui fait la fierté de Zourab sur « Place Rouge », et c'est parti ! La pop géorgienne qui crache ses cent décibels enjolive le voyage, et fait oublier la sus-pension inexistante. Zourab ignore superbement les recom-mandations de son GPS et s'obstine à tourner à droite lorsque la voix métallique lui

ces sacrés russes

le bouchon de l’amitié

François Perreault est expatrié à Moscou depuis quatre ans.

macha Fogelspécialement pourla russie d’aujourd’hui

le fils et la fille de la célèbre journaliste assassinée nous confient leurs souvenirs et leur scepticisme sur la manière dont l’enquête est menée par les autorités russes.

affaire Politkovskaïa Quatre ans après, mystère sur le meurtre de la journaliste

« L’appartement était en tra-vaux ; on préparait la naissan-ce de notre enfant. En atten-dant, j’habitais chez ma mère depuis une semaine. Ce n’est pas moi qui l’ai découverte ». Lorsqu’Anna Politkovskaïa est assassinée, le 7 octobre 2006, sa fille, Véra, est enceinte d’une petite fille. Celle-ci naîtra en mars, cinq mois après le meur-tre de sa grand-mère ; elle s’ap-pelle Anna. Sa grand-mère pré-voyait de quitter son dangereux métier de reporter de guerre et de journaliste d’investigation, elle qui enquêtait sur la guerre en Tchétchénie ou encore sur les circonstances de l’attentat du Nord-Ost, tristement célèbre prise d’otages dans un théâtre moscovite par des terroristes tchétchènes. Elle voulait une vie plus tranquille, s’occuper de sa famille. Elle n’en a pas eu le temps. C’est dans un appartement ty-piquement moscovite que nous reçoit Véra : celui qui était en travaux à l’époque du meurtre.

Tapis tendus aux murs dans l’entrée de l’immeuble, ascen-seur hors d’âge. En-haut, l’an-tichambre froide, puis l’entrée, bien chauffée. Véra Politkovs-kaïa, longue personne aux che-veux courts, la trentaine, ouvre la porte sur une cuisine claire. Elle est journaliste, comme ses deux parents. Elle voulait de-venir musicienne et avait ter-miné ses études au conserva-toire de Moscou, quand un stage à la radio l’a persuadée qu’elle avait hérité du gène journalis-tique. Quatre ans après le meurtre de sa mère, Véra est encore sous le choc : « Nous savions tous qu’el-le enquêtait sur des sujets

dangereux. Ma mère parlait ouvertement du risque d’être assassinée. Elle m’avait montré où se trouvaient les documents importants dans la maison, ‘au cas où’, comme elle disait ». Aujourd’hui, surmontant sa tris-tesse, Véra place ses espoirs dans la lutte pour la démocratie, sans illusions : « Je suis quelqu’un de réaliste ». Évoquant l’enquê-te toujours en cours, elle ne s’at-tend pas à connaître l’identité du responsable avant très long-temps : « quand cela n’aura plus de conséquences pour person-ne, alors peut-être saurons-nous la vérité ». Jusqu’à présent, trois hommes ont comparu pour le meurtre d’Anna Politkovskaïa. Ils ont tous été acquittés. Ilya, le frère, la trentaine lui aussi, nous a donné rendez-vous sur son lieu de travail (il colla-bore avec une grande entrepri-se russe de relations publiques). « La politique ? Ce n’est pas dans mon caractère. Le journa-lisme ? Non, je ne veux pas pas-ser ma vie dans l’ombre de mes parents ». Ilya se montre plus optimiste sur les avancées de l’enquête. Il espère du nouveau au cours des mois à venir. « L’enquête avan-ce du côté des exécutants, mais pas du commanditaire. Nous n’avons aucun élément pour dire qu’il s’agit de Ramzan Kady-rov. Il est certain que le gouver-nement n’a pas participé à l’as-sassinat. Mais il crée une atmosphère d’autoritarisme telle qu’il n’est pas mal vu d’as-sassiner un journaliste ou un défenseur des droits de l’hom-me. C’est une question d’am-biance », conclut-il amère-ment. La Russie se classe au cinquiè-me rang des pays présentant le plus de risques pour la sécuri-té d’un reporter, selon Interna-tional Press Institute. Trente-cinq journalistes y ont été tués entre 2000 et 2009. ilya et Véra savaient que leur mère craignait pour sa vie.

les promesses des enquêteurs

Le directeur du comité d’enquê-tes russe, Alexandre Bastrykin, a ordonné « de dresser rapidement une analyse de tous les cas crimi-nels dans lesquels les victimes ont été des journalistes », selon son porte-parole, Vladimir Markin. Alexandre Bastrykin a rencontré les membres du Comité de pro-tection des journalistes. La déci-sion de reprendre toutes les inves-tigations a été prise en raison de la découverte de « nouvelles in-formations », selon Vladimir Mar-kin. Les enquêtes criminelles closes avant l’établissement en 2007 d’un comité général d’enquêtes en Russie seront également rou-vertes.

les enfants d’anna attendent la vérité, sans illusions

svetla

na

priva

lova

_Kom

mer

san

tr

euter

s/vo

stoc

K-pho

to

« Quand cela n’aura plus de conséquences pour personne, alors peut-être saurons-nous la vérité »

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussieDaujourDhui.Frcommuniqué De rossiYskaYa gaZetaDistriBué aVec le Figaro

Page 10: 2010_10_LF_all

10 Mode

Le défi de la jeune couture russecien de la mode contemporaine russe aime à susciter la polémi-que, avec des œuvres comme les kamikazes sexuelles aux explo-sifs ou encore des cosmonautes aux couleurs vives. Cette année, il mélange dans ses costumes pour homme la tradition des cou-pes pré-révolutionnaires, sovié-tiques et contemporaines. Ses T-shirts aux imprimés délirants s’arrachent comme des petits pains, si bien que les critiques locaux l’ont surnommé « le joker de la mode russe ».

Le luxe démocratique de Terekhov En 2009, le site Style.com recom-mandait le travail du jeune créa-teur Alexandre Terekhov. Ses robes ont été remarquées sur des stars comme Angelina Jolie, Misha Barton et Dania Minogue. Actuellement, la marque produit quatre collections par an et se veut en priorité axée sur son dé-veloppement en Russie et dans

Malgré la longue route qui mène au podium, plusieurs dizaines de boutiques spécialisées dans les marques russes ont ouvert leurs portes ces dix dernières années, à Moscou et en région. L’origi-nalité des jeunes talents locaux a provoqué des vagues dans les journaux et sur les podiums, et pas seulement en Russie. La Russie d’Aujourd’hui a sélec-tionné les créateurs qui ont re-cueilli le plus d’éloges, tant en Russie qu’à l’étranger. Ils s’ap-pellent Alexandre Terekhov, Dmitry Loginov, Vika Gazinskaïa, Max Chernitsov et Léonid Alexeev.

Un joker de la mode russeMax Chernitsov est un rebelle, même parmi les créateurs les plus insolites de la haute couture russe. Cet intellectuel (il est di-plômé en philologie de l’Univer-sité de Magnitogorsk) et théori-

dige a présenté sa première collection pour femme lors de l’Aurora Fashion Week à Saint-Pétersbourg. À la fois classique et fantaisiste, il revisite le thème de la petite robe noire.

À la vieille écoleVika Gazinskaya est bien connue dans le monde de la mode. Elle apparaît souvent sur les blogs au cours des « fashion weeks ». Et si l’intérêt pour son style et son apparence semble parfois nous détourner de son travail, les deux dernières saisons ont montré que Gazinskaya est une créatrice in-contournable. La vitrine de Vika Gazinskaya, parue cet été chez Colette durant la Semaine Haute Couture à Paris, a suscité un nou-vel engouement pour la mode russe. Une grande partie des piè-ces de cette passionnée sont fai-tes au moins partiellement à la main. Sélectionnant les meilleurs tissus et accessoires, elle passe beaucoup de temps à leur confé-

les pays de la Communauté des États indépendants. Dans son travail, Terekhov parle d’un « luxe démocratique » qui serait sa philosophie. Selon lui, la mode est destinée aux femmes alliant féminité, élégance et sensualité, avec une dose de simplicité.

Thème et variation sur la petite robe noireDmitry Loginov a remporté le concours des jeunes créateurs de Krasnoïarsk, sa ville natale. Ar-rivé à Moscou dans les années 2000, il a remporté plusieurs prix, dont un voyage à Londres et un stage à L’Officiel Russie. Il a fait une entrée remarquée, il y a quel-ques années, avec une collection pour homme sous la marque « Ar-senicum », lui valant les éloges de la critique pour ses costumes parfaitement ajustés. Depuis, Godfrey Deeny, du magazine Fashion Wire Daily, le surnom-me « la nouvelle star de la mode russe ». Cette année, le jeune pro-

SUITE DE LA PAGE 1

PHOEBE TAPLIN, NORA FITZGERALDLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

SVETLANA SMETANINASPÉCIALEMENT POURLA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

Les grandes enseignes du vêtement, comme H&M, Zara, Miss Sixty et Top Shop, ont gagné Moscou, révolutionnant le style du « shopping » et celui de l’habillage.

Deux journalistes faisant autorité sur la mode russe ont été licenciées : étrange croisement de deux destins.

Les moscovites prennent goût à la simplicité

Deux divas en fin de règne ?

Le style vestimentaire d’une clas-se moyenne russe en plein essor, in� uencé par les enseignes mon-diales, contribue à l’image d’une capitale décontractée. Lors d’une visite récente de H&M, au cen-tre commercial Metropolis, les vendeuses semblaient accapa-rées par les clients. Une assis-tante de la boutique, Sonya Si-monova, daigna � nalement lever les yeux vers nous. « Bien sûr, les nouvelles tendan-ces adoptent de plus en plus un style « casual » (décontracté) en ce moment. C’est très à la mode. Et pas seulement pour les jeu-

Ces deux divas de la mode russe étaient rédactrices en chef des journaux les plus in� uents. Elles ont perdu leur poste quasiment en même temps. Evelina Khromt-

La mode et le « show-biz »

La Russian Fashion Week (RFW) a fait couler beaucoup d’encre ce mois-ci à Moscou, mais elle reste peu accessible aux jeunes créa-teurs. Dans les années 90, il exis-tait la Haute Couture Fashion Week, et le Prêt-à-Porter Fashion Week. La première s’est progres-sivement transformée en Volvo Fashion Week ; quant à la secon-de, elle a définitivement dispa-ru. Projet très ambitieux, la RFW existe depuis 2001. C’est une com-pétition sans merci qui se joue en-tre RFW et la Volvo Fasion Week, conduisant à une « course aux ar-mements » entre couturiers. Mais le résultat est qu’aujourd’hui, les deux événements ont plus à voir avec le show-business que la hau-te couture.

nes : ces vêtements visent toute la gamme de notre clientèle ». Au cours des deux premières dé-cennies qui suivirent la peres-troïka, les femmes pouvaient cla-quer un mois de salaire, soit dans l’achat de bottes françaises soit dans celui d’un manteau Max Mara, ou bien fouiller pour dé-goter les bonnes affaires dans les passages souterrains crasseux de la ville. Dans la pénombre des couloirs interminables, elles pou-vaient espérer trouver la nou-velle nappe pour décorer la table de Pâques, ou une jolie jupe en daim.Aujourd’hui, toutes les villes de plus d’un million d’habitants sont dotées d’immenses centres commerciaux. Mais les boutiques abordables se sont développées seulement ces dernières années. Aux côtés de Prada et Armani, les consommateurs ont désor-mais la chance de trouver une

enseigne Zara ou Miss Sixty. C’est en 2006 que Valentin Yu-dashkin, couturier emblémati-que, a créé sa première ligne de jeans de style « casual ». Le cou-turier a remis au goût du jour la haute joaillerie en lançant sa col-lection « Fabergé », des robes res-plendissantes ornées de ces fa-meux œufs traditionnels. Des exemplaires uniques qui trou-vent désormais leur place dans des musées comme le Metropo-litan Museum de New York. Tou-jours passionné par les perles cousues main et les rubans de tulle, Yudashkin a lui aussi glis-sé ces dernières années vers le « casual chic ». « Moscou est dans un état d’esprit plus décontrac-té », a déclaré, dans une récente interview, le styliste qui s’est dit heureux de voir « moins de bling-bling ».Anya Inozemtseva, une étudian-te de 18 ans, illustre la tendan-ce. Les bras chargés de cintres, c’était l’une de la trentaine de femmes qui se bousculaient aux cabines d’essayage : « J’aime le large choix qu’offre un magasin comme H&M. J’y achète tous mes vêtements pour la maison : jeans, chemisiers, robes de nuit et py-jamas. Je préfère largement les habits décontractés. Je pense que les tendances évoluent vers un style plus informel ».

rer la meilleure utilité possible. « Je n’ai pas un budget énorme. Je grandis et me perfectionne grâce à une attitude [positive] au travail, une sorte de vieille école », dit-t-elle.

Léonid Alexeev et sa femme fataleLa ville des Tsars a attiré le dé-licat créateur pétersbourgeois Léonid Alexeïev. Ce dernier a ap-porté dans ses bagages le thème de la femme fatale, à la fois fra-gile, raffinée et forte. Après une série de succès en Russie, Alexeev a soudainement quitté son mo-deste atelier pour s’envoler vers Londres, où il vit désormais. L’an passé, il a été couronné créateur de l’année par GQ Russie. Mal-gré les nombreux dysfonction-nements de l’industrie de la mode en Russie, certains créateurs ont réussi à percer sur la scène du prêt-à-porter de luxe. La concur-rence s’accentuant, il y aura de moins en moins d’élus...

chenko a été remerciée de la ma-nière la plus abrupte. Un beau matin, on lui a interdit l’accès à son bureau. À sa place, l’éditeur de L’Officiel a nommé son épou-se. Le départ d’Alena Doletskaïa de Vogue fut l’issue d’un con� it plus discret. Elle pro� te doréna-vant de sa liberté pour écrire un livre.Deux femmes, deux parcours très différents. Alena Doletskaïa est née d’un père célèbre chirurgien.

Diplômée en philologie, elle en-seigne la traduction de l’anglais à l’université. Grâce à des liens familiaux, elle travaille pour des compagnies étrangères. Sa no-mination au poste de rédactrice en chef de Vogue est la suite lo-gique d’une brillante carrière, qui n’est assurément pas � nie.De son côté, Evelina Khromt-chenko a gravi les échelons par ses propres moyens. Née à Oufa, elle monte étudier à Moscou. Di-plômée de journalisme, elle écrit des articles sur la mode. Lors-que L’Officiel débarque en Rus-sie, Evelina Khromtchenko, une des rares spécialistes du monde de la mode, se voit logiquement nommée à la direction. Disposant d’appuis influents, Khromtchenko a rebondi. Fin septembre, les éditions Jalou à Paris l’ont nommée Directrice éditoriale internationale de la maison et du même coup l’ont replacée à la tête de L’Officiel Russie aux côtés d’un nouvel édi-teur russe. L’ancien éditeur pro-teste de la validité de son contrat jusqu’en 2011. La Russie verra-t-elle deux Officiel paraître parallèlement ?

Evelina Khromtchenko et Alena Doletskaïa : gloire et déboires.

Les modèles de Vika Gazinskaya (à gauche) sont bien connus des « fashionistas » français. Max Chernitsov, l’enfant terrible des podiums russes (à droite), visiblement heureux de sa collection.

Le diaporama surlarussiedaujourdhui.fr

ITAR

-TASS

PRESS A

RC

HIV

E

PHO

TOX

PRES

S (2

)

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FRCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

Page 11: 2010_10_LF_all

11Culture

Ces douze textes rassemblés par Sophie Benech, à la fois éditeur et traductrice, repré-sentent la quintessence de Iouri Bouïda et de son talent. Le ré-sultat est un livre de 77 pages qui donnera au lecteur une ma-tière dense pour sa propre mé-ditation. Douze récits puissants, écrits dans une langue classi-que et poétique, pour percevoir l’intangible et sonder l’inson-dable. Dès le premier récit, la problématique est posée. L’auteur s’adresse à sa main gauche, « le symbole et même l’incarnation de tout ce qui est mensonger, défectueux, per� de, dangereux ... (qui) nous empê-che d’oublier l’existence du mal, laissant à la main droite le soin de faire le bien, et nul ne sait ce qui est le plus important ». Chez Bouïda, les frontières entre le bien et le mal, le tout et le rien, le présent et l’éternité, la vie et la mort, le réel et l’ima-ginaire sont poreuses. Accepter cette dualité permet de conqué-rir son unité. L’auteur décrit le monde réel avec la précision d’un peintre surréaliste. La réa-lité qu’il nous donne est trom-peuse, elle permet un glisse-ment imperceptible vers l’imaginaire. On passe du ta-bleau à la vie réelle, de la vie réelle au tableau. Le sentiment que le tableau « finit par se transformer en vie, comme la vie se transforme en un art qui nourrit cette vie ». La boucle est bouclée comme dans le titre même de l’un des récits : « So-litude avec vue sur une cham-bre avec vue sur la solitude ». Il n’y a ni commencement ni � n, juste renouvellement ou mé-tamorphose. Impermanence, diraient les bouddhistes dont la philosophie n’est sans doute pas étrangère à l’auteur tant le questionnement sur l’amour, le bonheur, la mort, les liens invisibles entre l’homme et la nature est mis en perspective à travers la notion de vacuité. « Seul un véritable artiste peut représenter le vide de telle façon qu’une étoile se mette à y briller toute seule, et pour-tant le bonheur, même un vé-ritable artiste ne le trouvera ja-mais », avait dit Igor Zemler, jeune auteur qui s’est suicidé et dont le narrateur contemple le journal vierge dans le Jour-nal d’Igor Zemler. Ceux qui dé-couvriront Iouri Bouïda ne manqueront pas de rattraper le temps perdu et de lire Train zéro, Yermo, et La � ancée pru-sienne, trois ouvrages déjà pu-bliés chez Gallimard qui ont fait de lui un auteur majeur de sa génération.

CHRONIQUE LITTÉRAIRE

Épître à madame ma main gauche

ÉDITIONS INTERFÉRENCES

VERONIKA DORMANSPÉCIALEMENT POURLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le violoniste et chef d’orchestre Vladimir Spivakov met son talent au service des plus vulnérables – les enfants – et du dialogue culturel. Au sens propre.

Un solitaire amoureux des grands ensembles

Musique Maestro Spivakov prêche la tolérance à la tête d’un orchestre de jeunes

Le succès de notre entreprise prouve que l’on ne peut pas frac-tionner l’espace culturel ». Artis-te de l’UNESCO pour la paix de-puis 2006, Vladimir Spivakov est aussi connu et admiré pour son talent de violoniste et de chef d’orchestre, que pour son activi-té caritative et son implication personnelle dans les causes qui lui tiennent à cœur. Depuis 1994, le Fonds de bienfai-sance internationale Vladimir Spi-vakov aide les enfants : bourses, instruments, soins médicaux, ex-positions et concerts, ce sont plus de 10 000 enfants qui ont été sou-tenus, pris en charge, promus ou simplement traités avec affection.

« Je pense depuis toujours que le seul moyen de préserver l’huma-nité, c’est dans la culture ». Vla-dimir Spivakov, impeccable, dé-tendu mais sans nonchalance, trouve en� n une position confor-table dans le fauteuil de cuir. Son bureau de directeur de la Mai-son internationale de la musique de Moscou est à l’image du maes-tro : sobre, élégant et sophistiqué. La veille, le chef d’orchestre a di-rigé pour le dernier concert de la saison l’Orchestre symphonique de jeunesse, composé de jeunes talents issus de tous les pays de l’ex-espace soviétique, et qui a joué pendant un an dans les ca-pitales de la Communauté des États indépendants (CEI), de Moscou à Achkhabad, mais aussi à New York et à Paris. « Il n’y avait pas de traducteurs sur scène. Nous parlions tous la même lan-gue, celle de la musique ». D’une voix profonde et sonore, il raconte le bonheur de voir les en-fants azéris et arméniens parta-ger leurs repas et danser ensem-ble, alors que lui-même n’était pas retourné en Azerbaïdjan de-puis les pogroms des Arméniens à Bakou et Soungaït en 1988 (« Ma femme est arménienne », s’excuse-t-il de cette longue ab-sence). « C’est un projet uni� ca-teur essentiel. L’ambiance n’est pas toujours au dialogue, mais en rassemblant des enfants ka-zakhs, turkmènes, tadjiks, azéris, arméniens, ukrainiens et géor-giens, on se rappelle que le temps est venu de construire ensemble.

« C’est la plus grande œuvre de ma vie », avoue Spivakov, sans fausse modestie. Cette générosité, souvent louée par ceux qui le fré-quentent de près ou de loin, trans-paraît aussi dans la dé� nition qu’il donne de son métier. « Un orches-tre, c’est l’unité de la multitude », dit-il, citant la poétesse Marina Tsvetaieva, « mais c’est surtout la capacité des uns et des autres à se soutenir et à dissimuler les dé-fauts du voisin ». Complexe, l’homme-orchestre Vladimir Spivakov est un soliste virtuose et un grand solitaire - « la solitude est essentielle au musicien, et la musique est une protection contre la vie publi-

que » - mais il aime tenir la ba-guette avec la même passion qu’il met à organiser des festivals de haut vol. Surtout, devant le génie artistique de ses amis, il ne re-fuse aucune collaboration. Exceptionnellement, la nouvelle saison de la Maison de la musi-que vient d’être inaugurée par la projection en avant-première d’un � lm d’animation musical, Le vi-lain petit canard. « Quand Garri Bardine est venu me voir avec son projet, j’ai vu un artiste ex-ceptionnel épris de son œuvre avant même qu’elle ne soit née – il en connaissant déjà le moindre souffle – et un grand enfant ». Spivakov accepte immédiatement de sonoriser le long-métrage, en dirigeant l’Orchestre national philharmonique pour un arran-gement du Lac des cygnes et Cas-se-noisettes de Tchaïkovski. « C’est un � lm chaplinesque, mais sur un terreau russe, une fable qui dénonce l’intolérance envers l’autre, différent, tout en célébrant la beauté intérieure », décrit-il cette interprétation du conte de Hans Christian Andersen savam-ment croisé avec La ferme des animaux de George Orwell. In-vité par Bardine à faire la voix du Coq haineux qui dresse toute la basse-cour pour la parade quo-tidienne, Spivakov s’est senti transporté lui aussi dans l’enfan-ce. Ses yeux en rient encore.Vladimir Spivakov vient de fêter ses 66 ans et déborde de projets. Il énumère une liste intermina-ble de dates aux quatre coins du globe, et se déclare comblé par l’intensité de sa vie qu’il ne troquerait pour aucune autre. L’année à venir sera marquée par une tournée américaine avec l’Orchestre national philharmo-nique, mais aussi des rendez-vous traditionnels comme le Fes-tival « Vladimir Spivakov invite… » à Moscou ou celui de Colmar, que le maestro dirige tous les étés depuis 1989. Sans oublier les nombreux concerts avec son orchestre de chambre, Les Virtuoses de Moscou, et les anniversaires de ses � lles qui vi-vent à Paris. Y a-t-il assez d’heu-res ? « Je dors peu et je travaille toujours dans l’avion, mes meilleures idées me viennent dans les airs ».

LES GRANDES ÉTAPES

1944 • Naissance à Oufa

1968 • Diplômé du Conservatoire d’État de Moscou

1979 • Fonde et dirige depuis sa création l’orchestre de chambre « Les Virtuoses de Moscou »

Depuis 1989 • Directeur artistique du Festival international de musi-que de Colmar

1994 • Crée le Fonds de bienfai-sance international Vladimir Spi-vakov

1992-2002 • Chef de l’Orchestre national russe

Depuis 2003 • Chef de l’Orchestre national philharmonique

Depuis 2003 • Président de la Maison de la musique de Moscou

JEAN-ERIC DESALMESPÉCIALEMENT POURLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le Forum des images à Paris et à la Cinémathèque de Toulouse nous transportent à Saint-Pétersbourg et Moscou à travers des cinématographies aussi singulières que variées.

Deux villes et une pléthore de destinsCinéma Un festival axé sur les deux capitales russes offre à voir une multitude de sensibilités différentes

De Pétersbourg (2003), imagi-naire exploration de laVenise du Nord par Irina Evteeva, compa-rable au travail expérimental de frères Quay, à la grande comé-die musicale de l’époque du dégel (Tcheremouchki, 1962, musique de Dmitri Chostakovitch) en pas-sant par les tribulations d’un jeune architecte à Moscou dans les années 1930 (La Nouvelle Moscou, � ction très excentrique (et censurée) d’Alexandre Med-vekine), le choix est vaste et pas-sionnant. Si naguère le pouvoir soviétique censurait, il encourageait aussi des films favorables à la jeune Union, tels Le Cirque de Grigori Alexandrov (1936), où l’héroïne américaine, mère d’un enfant noir, chassée par le racisme de ses com-patriotes, trouve refuge et récon-fort sur le sol national. L’éton-nante virtuosité et parfois l’humour de certains de ces � lms « pro-régime » (pas toujours, cer-tes, à la mesure du génie d’un

d’envergure qui travaillent aujourd’hui à Moscou et Saint-Pétersbourg (Khlebnikov, Balaba-nov, Popogrebski…), il est regret-table qu’on ne voie presque jamais leurs œuvres en France. Parmi eux, Alexeï Outchitel, couvert de ré-compenses dans son pays et en Europe (La Promenade, 2003), mais aussi le très remarquable Igor Minaïev, installé en France (L’Inon-dation, 1994, avec Isabelle Hup-pert), ou encore Valeri Todorovski (Les Zazous, 2008).

Après notamment Pavel Loun-guine et Alexandre Sokourov (programmés également à Tou-louse), le public parisien aura plaisir à rencontrer l’imperti-nent et brillant maître de l’ani-mation, Andreï Khrjanovski, venu présenter ses magiques courts métrages. Élégante façon de terminer un voyage dans deux villes où s’est joué le des-tin de la Russie. Un voyage qui, espérons-le, ouvrira des pers-pectives.

Il est regrettable qu’on ne voie presque jamais les œuvres des jeunes réalisateurs russes en France

Maxime, jeune architecte, découvre Saint-Pétersbourg et l’amour dans l’émouvant Piter FM.

« Un orchestre, c’est l’unité de la multitude », dit-il, citant la poé-tesse Marina Tsvetaieva.

certaines productions de la Nou-velle Vague, où l’on peut voir un jeune écrivain de Sibérie céder aux charmes de la capitale, sur-prennent par leur audace. L’émouvant Piter FM (2006) d’Oksanna Bytchkova, chassé-croisé mouvementé entre un homme et une femme dans le très occidental Saint-Péters-bourg actuel, témoigne avec ta-lent de la vive affection que l’auteur porte à cette ville.Quant aux nombreux artistes

À L’AFFICHE

Forum des images, 2 rue du cinéma 75001, Paris (jusqu’au 24 octobre).

www.forumdesimages.fr ›

Cinémathèque de Toulouse, 69 rue du Taur, 31000 Toulouse (du 2 au 24 novembre).

www.lacinemathequedetoulouse.com ›

Sergueï Eisenstein) très ancrés dans la ville, méritent le détour. La liberté (des individus et du créateur) est d’ailleurs très sou-vent au rendez-vous. Ainsi, le magni� que J’ai vingt ans de Marlen Khoutsiev (1962), tableau (intolérable pour les autorités de l’époque et partiel-lement amputé par elles) d’une jeunesse en proie aux doutes existentiels à Moscou, et surtout J’me balade dans Moscou, � lm au moins aussi intéressant que

Christine Mestre

Découvrez d’autreschroniques surlarussiedaujourdhui.fr

Regardez vidéo surlarussiedaujourdhui.fr

IGO

R H

UZB

ASI

C

PRO

FIT

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FRCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

Page 12: 2010_10_LF_all

Votre publicité dans ce

supplément

Contactez

Julia [email protected]

Tél.: +7 (495) 775 3114

12 CultureRECETTE

Dans le fourre-tout de la villageoise

La « stolovaïa » est au Russe ce que le bistrot du coin est à tout Français qui se respecte. On y sert le déjeuner, qui est le repas principal, toujours com-posé d’un premier plat (salade ou légumes marinés et soupe généreusement servie dans un grand bol), d’un plat principal de viande et de patates et d’un dessert. Traditionnellement, la stolovaïa est située sur le lieu de travail et sert un déjeuner russe classique à un prix abor-dable, en emplissant tout l’im-meuble d’odeurs de cuisine. À l’époque soviétique, les usines, les entreprises et les ministères étaient situés dans d’immenses bâtiments auto-suffisants, tan-dis que les petits restaurants étaient très rares. C’est pour-quoi la stolovaïa était la seule option pour le repas de midi. Quand je suis arrivée en Rus-sie, j’ai d’abord travaillé dans le centre de la capitale, au cœur d’un labyrinthe de réser-ves en sous-sol. Malgré la na-ture composite de l’immeu-ble, tous ses occupants avaient droit à un déjeuner comportant trois plats, pourvus par Svet-lana Vladislavovna, une femme grassouillette avec une mousta-che vigoureuse et des dents en

or, opérant dans un espace aussi vaste qu’elle, équipé d’une plaque de gaz et d’un évier, rien de plus. Néanmoins, ses soupes étaient lé-gendaires. Aucun de nous n’aurait manqué le déjeuner, surtout le vendredi, pour la solianka au pois-son de Svetlana. C’est la bouilla-baisse slave, composée de tou-tes sortes de salaisons hivernales, avec poisson, bouillon de tomates aux olives, cornichons, rondelles de citron et champignons.L’origine du mot « solianka » ne fait pas l’unanimité. La plupart des gens la situent dans le mot « sa-lé » (« sol » en russe). D’autres suggèrent que « solianka » vient de « selo », le village. Comme pour toutes les soupes russes, la recette n’est pas gravée dans la pierre, mais chaque village et chaque Svetlana Vladislavovna a la sienne. La solianka peut aussi être cuisinée à la viande (saucisse, jambon ou bœuf, avec des cham-pignons marinés). Les cornichons au sel, olives et citron donnent à la soupe son goût singulier, acidu-lé et un peu aigre. Le reste est à la discrétion du cuisinier. C’est peut-être pour cela que le nom officiel du plat, « sbornaïa solianka » ou soupe composée, signifie aussi, dans le langage russe, méli-mélo ou pot-pourri.

Ingrédients :• 1 000 ml de bouillon de pois-son• 1 feuille de laurier• 450 g de poisson blanc (mo-rue) en cubes • 3 gros cornichons malossols• 15-20 olives vertes• 20-30 câpres• 2 tomates entières, pelées et coupées en dés• 1 c. à soupe de concentré de tomate• 100 ml de vin blanc• ½ gros oignon jaune, finement coupé• 3 têtes d’ail, écrasées et ha-chées avec du sel• Gros sel et poivre noir moulu• 1 c. à soupe de paprika • 4 c. à soupe de saumure de malossols • Huile d’olive• ½ citron en rondelles très fines• Aneth et ciboulette hachée

NB: Svetlana Vladislavovna pré-férait le beurre à l’huile d’olive, et l’utilisait en grande quantité, ainsi que le lard, qui donnait cette fine couche de graisse à la soupe. J’ai décidé d’alléger la recette, mais si vous voulez un bouillon plus

riche, remplacez l’huile d’olive par deux bonnes cuillerées de beurre.

Préparation :Huilez une grosse marmite à sou-pe et chauffez jusqu’à ce que l’huile grésille. Faites revenir les oignons et l’ail jusqu’à ce qu’ils soient tendres et translucides.Ajoutez le vin. Baissez le feu et lais-sez les légumes absorber complète-ment le vin. Ajoutez le concentré de tomates et mélangez jusqu’à absorption totale. Ajoutez le bouillon de poisson, le pa-prika, la feuille de laurier et les toma-tes, et laissez cuire. Quand le mélange est en état d’ébul-lition, ajoutez les cornichons et les câpres. Faites cuire à feu doux pen-dant dix minutes. Réduisez le feu et ajoutez le poisson, laissez cuire cinq minutes. Enlevez la feuille de laurier et ajou-tez les olives et la saumure des ma-lossols. Ajoutez sel, poivre et paprika, les rondelles de citron, l’aneth et la ciboulette.

Jennifer Eremeeva SPÉCIALEMENT POUR

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Autres recettes surlarussiedaujourdhui.fr

À L’AFFICHE DE L’ANNÉE CROISÉE 2010

DES ESPOIRS INDICIBLES/JEUNE PHOTOGRAPHIE RUSSEDU 20 OCTOBRE AU 5 DÉCEMBRE,LE CHÂTEAU D’EAU, TOULOUSE

Le Château d’Eau présente un pan de la jeune photographie russe avec le regard puissant et quelque peu désenchanté de quatre artistes sur leur patrie : Alexandre Gronsky, Natacha Pa-vlovskaïa, Ivan Mikhaïlov et Tim Parchikov.

www.galeriechateaudeau.org ›

TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITEwww.larussiedaujourdhui.fr

MARIA TCHOBANOVLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

L’Année croisée se termine en beauté. Ou parmi les beautés, les jolies filles ayant rendez-vous le 4 décembre au Bal de Paris, dont la XIIIème édition s’intitule « Le Kremlin ».

Quand le Kremlin fait valser, place de la Concorde

Événement Le Bal de Paris rassemble les élites franco-russes

ces politiques et sociales, les mé-canismes du monde des affaires. Le bal doit faire découvrir la Russie à la communauté inter-nationale à travers sa culture, les représentants de ses grandes en-treprises et ses décideurs, ses in-novateurs, et le dynamisme de sa jeunesse ». Le Bal de Paris se veut à la fois forum économique, soirée mon-daine et événement culturel. Per-sonnalités du cinéma français et russe seront au rendez-vous pour la cérémonie de remise du prix Cinéma Patrimoine de Paris, qui récompense les � lms mettant en

Michel Soyer, l’organisateur de cette fête annuelle qui se dérou-le dans les salons du prestigieux Automobile Club de France (www.marquiseevents.com), place de la Concorde, est très en-thousiaste : « Pour travailler en Russie, on doit saisir les nuan-

valeur la capitale française. Le trophée « Bal de Paris », quant à lui, prime les réalisateurs rus-ses qui montrent le mieux la Rus-sie d’aujourd’hui. L’année der-nière, Tendre mai de Vladimir Vinogradov, � lm très réaliste et pas du tout « glamour », a séduit le jury présidé par le producteur Norbert Saada. La relation franco-russe est per-fectible. Michel Soyer constate qu’il y a plus d’entreprises fran-çaises installées en Russie que de russes implantées en France. « Individuellement, les oligar-ques russes investissent en Fran-ce, rachètent des entreprises en difficulté, même des médias, mais à quand de vraies ‘joint-ventu-res’ avec les opérateurs russes ? » L’organisateur prépare déjà le deuxième volet de son bal « Le Kremlin », qui fera valser les éli-tes politiques et économiques franco-russes le printemps pro-chain au cœur de Moscou.

MARIA AFONINALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

La Côte d’Azur vue du ciel a les allures d’un coin de terre bénit des dieux. C’est aussi vrai du spectacle offert par la fenêtre du train qui traverse sept pays entre Nice et Moscou.

À côté de moi, une jolie blonde, la trentaine, attrape nonchalam-ment un magazine de mode dans son sac à mains Fendi. Ce n’est pas le genre à perdre deux jours pour aller de Nice à Moscou, me suis-je dit. Mais j’avais tort.« J’aurais pris le train avec plai-sir. Même pour deux jours, de voyage. C’est intéressant, et pren-dre l’avion tout le temps, c’est fa-tigant et stressant ». Ma compa-gne de vol est une acheteuse en gros. Elle rend visite à ses amis à Nice pour quelques jours, avant de s’envoler pour Milan à la re-

cherche d’une nouvelle collection de fourrures pour une boutique moscovite. Le train de Nice à Moscou, et in-versement, qui traverse sept pays en deux jours, attirera les ama-teurs d’exotisme et d’aventure. C’est du moins ce qu’ espèrent les Chemins de fer russes (RZD) et la SNCF, partenaires dans cette affaire. Vice-président de RZD, Mikhaïl Akoulov explique qu’« en été, c’est un voyage touristique sur la Côte d’Azur, une occasion de traverser l’Italie du nord. Pour les sportifs, c’est la possibilité de se rendre à Innsbruck avec leur ma-tériel de ski, pour les autres pas-sagers, une chance de voir Vienne ou Varsovie ». De plus, « c’est une véritable alternative à la vitesse qui caractérise le siècle de la réa-lité virtuelle, ça donne le temps de souffler. Et c’est la possibilité de rencontrer d’autres gens,

Vers la Côte d’Azur au train des anciens aristocrates

Voyages Les Chemins de fer russes remettent le Moscou-Nice au goût du jour

De Nice à Moscou, c’est une grande partie de l’Europe qui défile derrière la vitre.

d’autres cultures », commente Christophe Chevet, Directeur gé-néral de SNCF Russie, en descen-dant du train qui va partir pour Moscou. Au bout de quelques heures, les passagers du wagon sont deve-nus une grande famille partageant le spectacle des paysages qui dé-� lent. Au départ de Nice, le train longe la côte méditerranéenne et la mer ne disparaît que progres-sivement au soleil couchant.Les débats sur les � lms ou les li-vres préférés se déplacent alors au wagon-restaurant, où les ser-veurs proposent une dégustation de plats polonais et des musiciens jouent des airs italiens et russes. À la gare de Vintimille, tout le monde descend joyeusement sur le quai. Sur la voie d’en face, sta-tionne un train qui transporte des pèlerins italiens vers Lourdes. Un voyageur demande aux musiciens de jouer « Les yeux noirs », scel-lant l’harmonie entre Russes, Français et Italiens.Dans certaines gares, c’est Saint-Pétersbourg qui est annoncée comme destination de ce Nice-Moscou inauguré le 26 septem-bre. Sans doute la mémoire du légendaire et luxueux Orient Ex-press, qui a relié la capitale de l’Empire russe à la Côte d’Azur entre 1864 et 1914, est-elle enco-re vive. En fait, la comparaison entre le train des aristocrates de l’époque et sa version moderne ne peut concerner que le tracé. « L’Orient Express était un train touristique, alors que le Moscou-Nice effectue des trajets régu-liers », explique Mikhaïl Akoulov. « C’est une véritable aventure hu-maine », conclut Frédéric Pardé, chargé de mission à la Direction du développement international de la SNCF. « Et l’on regrette que le voyage � nisse si vite ».

3 chi� res sur le train Nice-Moscou

• Le train Nice-Moscou peut accueillir 156 passagers

• Le train est composé de 12 wa-gons, dont 2 voitures-restaurant, 3 wagons luxe, 6 wagons 1ère classe (2 passagers par compar-timent et douches individuelles), 1 wagon 2ème classe (3 passa-gers par compartiment et douche commune)

• Temps de trajet, entre Nice et Moscou : 49 h et 55 minutes ; en-tre Moscou et Nice : 52 h et 55 minutes. Les RZD comptent ra-mener le temps de trajet à 36 heures dans un avenir proche

Le diaporama surlarussiedaujourdhui.fr

FOTOIMEDIA

IVA

N S

HA

POVA

LOV

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FRCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO