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les Éditions du CIV
Villes
Helsinki ★ Montpellier ★ Copenhague ★ Munich ★ Liverpool ★ Brno ★ Ludwigsburg ★ Murcie ★ Londres ★ Amsterdam ★ Fribourg ★ Grenoble ★ Barcelone ★ Sutton ★ Paris ★ Stockholm
Organisé dans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne
3
Organisé dans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne
Secrétariat général du CIV
Collection Villes
les Éditions du CIV
4
Directeur de la publication :
Hervé Masurel
Responsable des Éditions du CIV :
Corinne Gonthier
Le Forum des villes a été conçu et réalisé avec l’assistance technique de Act Consultants :
Sonia Fayman, chef de projet
Krisztina Keresztély
Sophie Lebreton
Monique Crinon
Mélanie Le Bas
Samuel Jablon
Alain Fabart
Conception et réalisation graphique :
IDcommunes
Impression :
Imprimerie Moderne de l’Est
5
Introduction p. 6
Allocution de bienvenue par Jean-Pierre Moure, p. 7
vice-président de Montpellier Agglomération
Intervention de Ulrich Kasparick, p. 10
secrétaire d’État parlementaire du ministère allemand
des Transports, de la Construction et du Développement urbain
Intervention de Dirk Ahner, p. 14
directeur général, Direction générale de la politique régionale, Commission européenne
Présentation des objectifs du Forum des villes par Christine Boutin, p. 18
ministre français du Logement et de la Ville
Table ronde plénière sur le développement urbain intégré avec : p. 22
Fatima Barnuevo, maire-adjoint de la ville de Murcie (Espagne) et représentante d’Eurocities
Jean-Marie Beaupuy, député européen, président de l’intergroupe Urban-Logement
Flo Clucas, vice-présidente du Comité des régions
Joost Van Iersel, membre du Comité économique et social européen
Tables rondes thématiques
Table ronde 1 - Adapter les services aux mutations démographiques, sociologiques et économiques p. 31
Table ronde 2 - La mobilité, question cruciale pour l’avenir de la ville p. 35
Table ronde 3 - La culture, moteur de la cohésion sociale p. 44
Table ronde 4 - Des politiques énergétiques locales au service de tous p. 50
Table ronde 5 - La ville multifonctionnelle : mode d’emploi p. 56
Table ronde 6 - Réinsérer dans la ville les quartiers urbains défavorisés p. 62
Table ronde 7 - Agendas 21 locaux et plans climat énergie territoriaux p. 65
Table ronde 8 - Prospective urbaine et quartiers en difficulté p. 70
Table ronde 9 - Les écoquartiers, avant-gardes de la ville durable et solidaire ? p. 77
Table ronde 10 - Quels indicateurs de développement de la ville durable et solidaire ? p. 94
Table ronde 11 - Les outils innovants d’ingénierie financière : l’exemple de JESSICA p. 99
Table ronde 12 - Quelle participation des habitants aux démarches de planification stratégique ? p. 105
Intervention de clôture par Fadela Amara, p. 110
secrétaire d’État chargée de la Politique de la ville
Sommaire
6
Préface
À l’initiative de la présidence
française du Conseil de l’Union
européenne, les ministres en charge
du développement urbain réunis le
25 novembre 2008 à Marseille ont
décidé de promouvoir la construction
d’un cadre européen de référence
de la ville durable et solidaire, en
l’application de la charte de Leipzig.
Ils ont invité à cet effet l’ensemble
des acteurs des politiques urbaines –
et en premier lieu les représentants de
villes, les institutions européennes,
les organisations non gouvernementales – comme les réseaux des villes, les organismes scientifiques et
techniques et les associations de professionnels, à participer à un processus collectif et ouvert d’élaboration de
ce référentiel.
Première étape de ce processus, le Forum des villes a réuni à Montpellier les 2 et 3 décembre 2008 plus de 400
de ces acteurs. Ministres, élus et représentants des institutions européennes ont ainsi pu exprimer leurs attentes
en regard de cette dynamique et préciser la contribution qu’ils entendent lui apporter.
Douze tables rondes thématiques, nourries par de nombreux témoignages de pratiques locales venues de toute
l’Europe, ont permis d’aborder de façon concrète les questions que pose la construction de ce cadre de référence
partagé et d’esquisser les premières ébauches de réponses.
Cette synthèse des débats du Forum des villes ne saurait restituer toute la richesse des échanges qu’il a accueillis.
Elle s’efforce néanmoins d’en dégager les enseignements les plus significatifs, en les organisant, pour chacune
des douze tables rondes thématiques, autour des deux idées fortes de la charte de Leipzig :
• la mise en œuvre de politiques de développement urbain intégrées
• la réinsertion dans la ville des quartiers les plus défavorisés
Enfin, pour illustrer le propos, elle offre une sélection des expériences et initiatives locales présentées dans les
tables rondes thématiques.
Les villes – leurs élus, leurs techniciens, leurs partenaires locaux – joueront un rôle central dans l’élaboration
d’un cadre de référence partagé de la ville durable et solidaire, mais aussi et surtout dans sa mise en œuvre. Il
importait donc, en amont du processus institutionnel engagé en 2009 pour la construction de ce référentiel, de
faire entendre leur voix, telle qu’elle s’est exprimée au Forum des villes.
7
Monsieur le représentant de Mme Boutin, ministre du Logement et de la Ville,
Monsieur le secrétaire d’État parlementaire du ministère allemand des Transports, de la Construction et du Développement urbain,
M. Ahner, directeur général de la Direction générale de la politique régionale de la Commission européenne,
Madame le maire de Montpellier,
Mesdames, messieurs les élus des collectivités françaises et des collectivités européennes,
Mesdames, messieurs les représentants des organismes et représentants à divers titres participant à cette réunion.
C’est un grand honneur pour moi de vous accueillir
dans ces locaux du Corum de Montpellier au nom de
Georges Frêche, président de la Région Languedoc-
Roussillon et président de Montpellier Agglomération,
en déplacement hors de la région et qui m’a chargé de
le représenter.
Honneur pour moi et plaisir à la fois, car le thème
de ces journées incarné par ce Forum des villes, ces
2 et 3 décembre, est important. Important, puisqu’il
se situe au cœur direct des grandes problématiques
actuelles et à venir des sociétés sur lesquelles nous
intervenons, nous pesons, que nous gérons, mais pour
lesquelles nous sommes confrontés à des mouvements
plus profonds en terme d’économie, en terme de social
et en termes d’aménagement et de rationalité des
territoires. Après Leipzig, « la ville durable et solidaire
au quotidien » – tel que cela avait été évoqué au mois
de mai 2007 –, les réunions de ce type et notamment
celle d’aujourd’hui, qui réunissent à la fois des élus,
des responsables d’associations socioprofessionnelles,
des associatifs, sont très importantes et représentent
un temps fort quant aux modalités que nous aurons
à mettre en place de manière très concrète dans les
semaines, les mois, les années à venir pour la mise en
œuvre de ce concept de ville durable et solidaire.
J’aurais tendance à dire aussi de ville territoire, et
au-delà de ces territoires, des harmonies à rechercher
entre les différentes régions, les différents centres,
en termes de culture, de pratique mais également de
volonté d’aller de l’avant. Il convient aussi, sur ces
thématiques-là, de travailler autour de la thématique
importante et fondamentale du développement urbain.
Car je pense que ce sont les villes et ses territoires
qui donnent le ton, le ton de cette dynamique et
sont également le creuset de pratique sociétale,
mais parfois aussi, malheureusement, le théâtre de
difficultés que nous avons tous les uns et les autres,
le devoir de conjurer. Ce sont les problématiques dans
les quartiers, les problématiques de décalage social,
les nécessités de cohésion sociale sur lesquelles
beaucoup parlent, certains agissent, certes de plus
en plus nombreux, mais sur lesquelles il me paraît
important que nous prenions ensemble le taureau par
Allocution de bienvenue par Jean-Pierre Moure,vice-président de Montpellier Agglomération et représentant de Georges Frêche, président de Montpellier Agglomération et président de la Région Languedoc-Roussillon
Jean-Pierre Moure
8
les cornes de manière à lever toutes ces difficultés
et aller vraiment à l’essentiel quand à l’intérêt de la
planète sur le plan de l’environnement, l’intérêt de
ces représentants sur le plan des relations entre les
populations, de la diffusion des savoir-faire et de la
culture urbaine à œuvrer et à travailler ensemble.
Ici à Montpellier, nous vivons pleinement cette
dynamique. Depuis la responsabilité qu’a pris Georges
Frêche au niveau de la mairie de Montpellier en
1977, un vent s’est levé, embrassant une vision
d’avenir permettant de mettre la ville au cœur
du tempo nécessaire qui est le sien, servant de
locomotive un peu à tout ce territoire, dans une
région qui traditionnellement est une région de
passage, une région de brassage. Actuellement, le
très fort développement démographique que nous
connaissons – qui représente à peu près l’équivalent
de 1 200 à 1 300 habitants supplémentaires par
mois dans le département de l’Hérault, dont 800
sur l’agglomération de Montpellier – est une donnée
forte qui caractérise, qui incarne aussi les éléments
de réponse et de réactivité que nous mettons dans le
dispositif. Nous sommes confrontés également à des
enjeux d’environnement importants notamment sur
cette façade méditerranéenne, avec les phénomènes
liés à la prévention des inondations, la nécessité de
protéger les zones lagunaires, les zones humides mais
également de se doter des moyens et des dispositifs
permettant d’assurer une harmonie des espaces du
territoire entre le volet agricole, le volet des garrigues
mais aussi le volet de la pérennisation de ce qui fait
l’armature qualitative des paysages de cette région, de
ce département, de cette agglomération et de cette
ville.
Nous sommes également très volontaristes sur les
éléments liés à l’affirmation économique : sans
économie, sans développement de l’activité, il y a
perte de substance des territoires, d’où l’importance
d’aller effectivement s’appuyer sur les fondamentaux
de ce qu’incarne ce département, cette région, cette
ville, cette agglomération à travers l’effet positif
que représente la recherche – j’aurais l’occasion d’y
revenir –, le lien avec le milieu entreprise et surtout,
bien entendu, la dynamique d’activité qui tire ce
territoire vers le haut.
C’est aussi, bien entendu, les problématiques liées
à l’habitat, les problématiques liées au logement
dans sa diversité. La réponse aussi à la fois à cette
problématique démographique que j’évoquais, mais
aussi aux besoins des différentes catégories de
populations, que l’on soit une personne âgée, que
l’on soit un jeune en attente d’un premier toit, que
l’on soit également une personne qui vit dans un
décalage de niveau social plus ou moins important,
de pouvoir bénéficier de réponses. Et en ce sens, sur
l’agglomération de Montpellier, dans le cadre de cette
dynamique, nous faisons en sorte de trouver et de
donner les réponses les plus adaptées à ce problème.
Jean-Pierre Moure
9
Jean-Pierre Moure
Ce sont aussi de grands enjeux internationaux. Et en
ce sens, la coopération mondiale avec des pays comme
la Chine, le Brésil, avec les pays de la Méditerranée
constitue un élément de réponse à ne pas négliger
dans le dispositif d’ensemble à mettre en place.
C’est également, bien entendu, la nécessité
incontournable d’avoir à développer les infrastructures
qui permettent de consolider la colonne vertébrale
de ce territoire : c’est la ligne TGV, la ligne
complémentaire qui reliera Nîmes à Perpignan ; c’est
aussi le doublement de l’autoroute ; c’est aussi le
développement de l’aéroport ; c’est, dans le proche
avenir, l’effort considérable à fournir sur le port de
Sète pour mettre à disposition de ce grand territoire
une armature dans laquelle et sur laquelle vont
pouvoir s’appuyer des politiques d’intérêt général et
de développement durable à la hauteur des enjeux
auxquels nous sommes confrontés.
Et c’est enfin, j’oserais dire, cerise sur le gâteau –
mais cela me paraissait incontournable par rapport
à ce que représente Montpellier dans le monde de
la recherche, dans le monde médical – l’opération
Campus qui voit notre ville, notre agglomération et
notre région retenue dans le cadre des dix pôles de
compétitivité. Opération qui va permettre de lancer le
train de plusieurs décennies quant à l’affirmation de ce
territoire et au travail intelligent qui a été mené sur
ce même territoire entre tous les acteurs locaux et les
acteurs de l’extérieur.
Ces éléments de conjoncture qui caractérisent
Montpellier nous ont amenés également à poser des
fondamentaux importants, au début de l’année 2006,
avec l’élaboration d’un schéma de cohérence terri-
toriale (SCoT) qui a fait référence en France puisqu’il a
été mené en deux mois et demi et a recueilli l’unanimité
des élus du territoire, et qu’il constitue le creuset et
la colonne vertébrale des grandes orientations que
je viens rapidement d’esquisser mais qui, pour nous,
sont un challenge d’avenir. Derrière ce schéma de
cohérence territoriale, s’est établie une série d’outils
de planification : schéma de l’assainissement, schéma
de l’environnement, plan de déplacement urbain,
plan de déplacements transports, l’ensemble des
répartitions des équipements qu’ils soient culturels,
qu’ils soient sportifs, qu’ils soient de loisirs. Tout ceci
pour dire que cela repose sur trois fondamentaux :
• celui de la ville nature qui s’appuie sur le territoire
et qui maîtrise son évolution ;
• celui de la ville économe avec une forte volonté de
densifier intelligemment les espaces à reconfigurer,
et ceux d’entre vous qui sont allés ce matin faire
des visites sur le terrain ont vu un exemple de
reconstitution urbaine en matière d’habitat ;
• et c’est aussi celui de la ville solidaire à travers
la problématique des transports, la problématique
culturelle et des actions menées dans le sens de la
solidarité partagée et répartie sur le territoire.
Tous ces thèmes sont directement en liaison et au cœur
de celui qu’on va aborder tout au long de ces deux
journées : celui de la ville accessible à tous et au plus
grand nombre ; à partir du moment où tous ensemble,
à travers ces ateliers, nous aurons l’occasion de pouvoir
faire avancer le débat sur ces enjeux. En tous les cas, je
vous souhaite d’excellents forums, d’excellents ateliers
en attendant de vous retrouver ce soir pour une visite
du musée Fabre, à quelques pas d’ici.
10
Ulrich Kasparick
Madame la ministre du Logement et de la Ville (Mme Christine Boutin),
Monsieur le directeur général de la Direction générale de la politique régionale de la Commission européenne (M. Dirk Ahner),
Monsieur le président de Montpellier Agglomération et de la Région Languedoc-Roussillon (M. Georges Frêche),
Mesdames et messieurs les élus et représentants des autorités locales et de la société civile,
Mesdames et messieurs,
Je tiens tout d’abord à remercier la présidence
française de l’Union européenne d’avoir organisé cette
conférence, qui intervient réellement au bon moment,
une semaine après notre réunion des ministres.
En effet, les résultats et conclusions auxquels nous
sommes parvenus à Marseille sont encore très frais
dans nos esprits ; aussi pouvons-nous – je dirais même
devons-nous – saisir l’occasion qui nous est offerte
aujourd’hui de soumettre à une plus large audience les
idées et principes dont nous avons débattu à Marseille.
La présidence française de l’Union européenne a
poursuivi les efforts engagés en 2007 à Leipzig par
la présidence allemande, donnant ainsi corps aux
principes et concepts fondamentaux que nous avions
exposés dans la charte de Leipzig. Ce travail a pu être
mené grâce à une coopération étroite et sans heurts
entre nos ministères.
En effet, l’amitié et la coopération franco-
allemandes existent aussi dans le domaine des
politiques urbaines. Nous tenons donc à exprimer
nos plus vifs remerciements à nos partenaires
français, sans lesquels la réunion ministérielle
de Marseille n’aurait pas contribué comme elle
l’a fait à promouvoir le processus de Leipzig.
Mme Boutin ne manquera certainement pas de revenir
en détail sur ce point.
Tous les représentants des États membres réunis à
Marseille ont dressé un premier bilan de la situation,
plus d’un an après l’adoption de la charte de Leipzig.
Chacun d’entre nous sait que le développement
urbain doit être envisagé à long terme, et qu’il
faut parfois attendre plusieurs années pour pouvoir
évaluer l’efficacité des processus à l’œuvre ; force est
néanmoins de constater qu’à l’heure actuelle, un an
après Leipzig, les États membres ont déjà réalisé des
avancées considérables. Le rapport présenté par la
présidence française en apporte la preuve éclatante.
J’aimerais à présent, si vous me le permettez, revenir
brièvement sur les initiatives que nous menons
actuellement en Allemagne.
Mais avant cela, je tiens à souligner un point essentiel :
si ce Forum des villes revêt aujourd’hui une importance
particulière, c’est que vous, mesdames et messieurs
les décideurs des administrations et des assemblées
communales, êtes les principaux interlocuteurs
Allocution prononcée par Ulrich Kasparick,secrétaire d’État parlementaire au ministère allemand des Transports, de la Construction et du Développement urbain, le 2 décembre 2008.
11
et acteurs en matière de développement urbain.
Certes, ce sont les représentants des États membres
et des institutions européennes qui se sont réunis
à Leipzig, puis à Marseille. Les exigences définies
dans la charte de Leipzig concernent en effet, pour
une large part, ces niveaux institutionnels. Il ne faut
cependant jamais perdre de vue un aspect essentiel :
le développement urbain est en définitive un
processus de terrain, mis en œuvre dans les villes et
les communes de toute l’Europe. Aussi ne pourrons-
nous aller de l’avant que grâce à votre coopération
et à votre soutien. C’est la raison pour laquelle je me
réjouis de vous voir si nombreux et si enthousiastes
aujourd’hui, à Montpellier.
Mais alors qu’avons-nous fait, en Allemagne,
pour mettre en pratique les principes de la charte
de Leipzig ? En première approche, pourrait-on
dire, les villes allemandes sont relativement bien
loties en regard de la situation des autres États
européens. L’Allemagne est certes confrontée aux
mêmes problématiques urbaines que ses homologues
européens, mais la situation y est nettement moins
grave. Toutefois, les villes et communes allemandes
doivent elles aussi relever les multiples défis inhérents
à notre époque : mondialisation et évolution du
marché de l’emploi ; changement démographique ;
conséquences du réchauffement climatique et
aggravation des inégalités économiques et sociales.
Et la crise des marchés financiers qui sévit depuis
plusieurs mois ne fait qu’aggraver la situation.
Ces différents processus se ressentent particulièrement
dans les villes, et font ressortir des situations locales
très contrastées. Il n’est pas rare, en effet, d’observer
simultanément l’essor d’une zone et le déclin d’une
autre, alors même que les deux zones considérées se
jouxtent. Ici, on construit de nouveaux immeubles
de bureaux et on aménage de beaux quartiers
résidentiels, tandis que d’autres quartiers de la ville
tombent en décrépitude et finissent par être réduits
à l’état de friches. Ainsi, la situation est de plus en
plus contrastée.
L’Allemagne a décidé de relever ces défis. En réponse
immédiate à l’adoption de la charte de Leipzig, nous
avons en effet lancé une « politique nationale de
développement urbain ». De fait, rappelons que la
charte de Leipzig prévoit, entre autres exigences, que
la mise en œuvre des politiques urbaines s’effectue à
l’échelon non seulement des administrations locales,
mais aussi des gouvernements nationaux.
Hier encore, il n’existait en Allemagne aucune
politique de développement urbain nationale à
proprement parler. L’État fédéral se chargeait
de légiférer et de proposer des mécanismes de
financement incitatifs. De plus, jusqu’à présent,
l’État fédéral communiquait rarement sur le fond des
initiatives menées.
La mise en œuvre d’une politique nationale de
développement urbain permet ainsi de disposer de
nouveaux moyens d’action :
• L’État fédéral joue désormais un rôle accru en
matière de politiques urbaines.
• Son impact sur la sphère publique s’en trouve
renforcé à l’échelon national : le concept de « ville »
doit être au cœur de nos discours car après tout, la
majeure partie des Allemands vit en milieu urbain.
• L’Allemagne doit mettre à profit les expériences et
découvertes fructueuses des autres États qui ont mis
en œuvre une approche comparable à la nôtre. Nous
savons que nous avons beaucoup à apprendre de nos
homologues européens.
• De plus, la politique nationale de développement
urbain constitue le fondement d’un système de
régulation en temps réel, par le développement
des instruments incitatifs mis en place depuis
de nombreuses années, notamment en matière
d’urbanisme.
Ulrich Kasparick
12
La politique nationale de développement urbain repose
sur une stratégie à deux volets :
• D’une part la mise en œuvre des « bonnes
pratiques » : il s’agit d’améliorer l’efficacité des
activités qui sous-tendent, jusqu’à présent, notre
système incitatif en matière d’urbanisme. Nous nous
sommes fixés différents objectifs : plus de flexibilité,
moins de bureaucratie, une présence renforcée sur la
scène publique, et enfin le lancement de programmes
sur-mesure pour résoudre les problèmes actuels.
• D’autre part le lancement du programme « Des
projets pour la ville et l’urbanité », véritable
vitrine des projets d’excellence qui illustrent le rôle
particulier joué par l’État fédéral dans la politique de
développement urbain.
Vous l’aurez compris : la politique nationale de déve-
loppement urbain a été conçue comme un complément
aux initiatives menées à l’échelle des Länder et des
communes, et non comme un substitut. En Allemagne,
Länder et communes jouent traditionnellement un
rôle central en matière de développement urbain. Le
succès des politiques que nous souhaitons mettre en
œuvre passe donc par une coopération très étroite
avec ces acteurs. C’est la raison pour laquelle tous les
échelons administratifs ont été invités, dès l’origine,
à prendre part aux activités menées et à siéger au sein
des organismes concernés.
Dans cette optique, la « gouvernance » est l’une des
clés de voûte de nos ambitions. Là encore, nous nous
efforçons de mettre en pratique les principes définis
dans la charte de Leipzig, et de répondre à un besoin
exprimé par la quasi-totalité des participants à la
réunion de Marseille : améliorer la coordination et
la coopération. Celles-ci s’effectuent non seulement
verticalement, entre les différents échelons
administratifs (à savoir, en Allemagne, l’État fédéral, les
Länder et les communes), mais aussi horizontalement,
entre les différents champs de compétences et entre
les différents services et sec teurs concernés. Il s’agit là
d’une mission délicate. Nous avons créé, dans le cadre
de la politique nationale de développement urbain,
un certain nombre d’organismes dédiés, dont le rôle
est précisément de mener à bien cette coopération.
Cependant, la mise en œuvre d’une politique de
développement urbain intégrée est évidemment un
processus à long terme, qui ne saurait porter ses
fruits à brève échéance. C’est justement la raison pour
laquelle nous avons décidé d’impartir à ce programme
un délai de dix ans.
Nous avons d’ores et déjà organisé deux congrès de
grande ampleur consacrés à la politique nationale
de développement urbain. En d’autres termes, nous
avons associé de très nombreuses parties prenantes
à ce processus. En effet, nous voulons et devons
aussi trouver de nouveaux partenaires, car les
administrations ne sont plus en mesure de relever,
à elles seules, les nombreux défis auxquels sont
actuellement confrontées les villes. Notre réflexion
doit désormais dépasser le strict secteur public (et ce,
Ulrich Kasparick
13
même en période de crise) ; entreprises, associations,
fondations, société civile : toutes peuvent apporter
une contribution, car leurs idées et leurs impulsions
sont autant d’atouts précieux pour le développement
urbain. La ville a en effet besoin de nombreuses parties
prenantes. Seules la participation, les nouvelles
formes d’engagement civique et les initiatives inédites
nous permettrons effectivement d’apporter des
réponses innovantes aux problèmes urbains actuels.
À cet effet, nous souhaiterions aussi promouvoir des
expérimentations.
Nous apportons par ailleurs un soutien très
concret à divers projets susceptibles d’appuyer
la politique nationale de développement urbain.
Cette série d’initiatives particulièrement innovantes
et exemplaires nous permet ainsi d’illustrer les
différentes possibilités qui nous sont offertes à
l’heure actuelle en matière de développement urbain.
Les deux appels à projets que nous avons lancés dans
ce cadre ont suscité un très vif intérêt de la part des
communes allemandes, puisque nous avons reçu plus
de 500 dossiers de candidature.
Nous avons sélectionné une quarantaine de projets, qui
bénéficient d’ores et déjà de notre soutien financier ;
sous peu, trente autres entreront dans ce dispositif.
Ces projets reflètent l’extrême diversité des thèmes
abordés dans le cadre des politiques actuelles de
développement urbain, qui vont de la lutte contre le
réchauffement climatique et de l’efficacité énergétique
à la coopération État fédéral / administrations locales,
en passant par l’éducation et la formation, l’économie
et l’innovation, l’enfance et la jeunesse, ou encore la
Baukultur1. Ces différents thèmes se reflètent d’ailleurs
également, dans le cadre de cette conférence, dans
les autres discussions axées sur la mise en œuvre de
la charte de Leipzig. Cela montre bien que les villes
européennes se trouvent toutes face à des défis
semblables.
Grâce à la nouvelle politique nationale de
développement urbain dont s’est dotée l’Allemagne,
nous sommes certains d’être sur la bonne voie pour
résoudre les problèmes que rencontrent nos villes, et
notamment les quartiers défavorisés.
Cela ne signifie pas pour autant que nous ne pouvons
et ne devons plus rien apprendre de l’expérience
acquise par nos homologues européens. C’est en
cela que les événements comme celui-ci jouent un
rôle essentiel. Il existe en Europe différents réseaux
propices aux retours d’expériences et aux échanges
de bonnes pratiques – Urbact en est un bon exemple.
Cette conférence apporte donc une pierre de plus à
l’édifice.
Nous avons décidé, à Marseille, de continuer à travailler
sur ce qu’il convient désormais d’appeler le « cadre
de référence de la ville durable ». Ce faisant, nous
effectuons un pas de plus dans le processus de Leipzig.
Nous allons développer des indicateurs mesurables
en matière de développement urbain durable, ce qui
nous permettra de déterminer, avant même la phase
de réalisation – voire avant la prise de décision –,
si les projets urbanistiques sont conformes ou non à
la charte de Leipzig. L’essentiel, à nos yeux, est de
développer un instrument facile à utiliser pour les
communes et suffisamment flexible pour être appliqué
dans différents contextes. Et l’Allemagne continuera
naturellement à contribuer avec énergie et conviction
à ce travail.
J’espère donc que cette conférence sera un succès !
Ulrich Kasparick
1. En allemand, le terme Baukultur désigne l’approche globale des questions de qualité de l’environnement construit (NdT).
14
Monsieur le président,
Monsieur le secrétaire d’État,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs,
Je suis heureux de me trouver parmi vous aujourd’hui et
de participer à cette séance d’ouverture du Forum des
villes que la présidence française a décidé d’organiser.
Je salue cette idée d’un « forum des villes », car il
me semble particulièrement pertinent de recueillir
le point de vue des villes et des acteurs du terrain
lorsqu’on parle du développement urbain.
Ceci semble évident, mais encore fallait-il organiser
cette rencontre et la préparer efficacement. Cela a été
fait avec des documents préparatoires fort riches, qui
nous donnent une vue actualisée de l’état des lieux de
l’action publique en matière de développement urbain
durable dans l’ensemble des États membres de l’Union,
et même au-delà. L’organisation de notre forum
en tables rondes permettra d’aborder de nombreux
thèmes essentiels à nos yeux comme les adaptations
aux changements démographiques, économiques et
sociaux, les politiques énergétiques, le changement
climatique, les quartiers en difficulté, et… non des
moindres, la participation des citoyens.
Le développement urbain durable est mis en œuvre
sur le terrain par les villes, les agglomérations, les
régions, les États selon la répartition des compétences
qui existent au sein de chaque État membre. La
Commission quant à elle, à travers la politique de
cohésion, ne peut pas et ne doit pas se substituer à
ces compétences nationales, régionales ou locales. La
règle de subsidiarité s’applique.
Mais la Commission peut et souhaite accompagner
avec ses politiques les actions conduites dans les
villes. Ainsi, la politique de cohésion propose des
appuis, des soutiens à ces actions conduites sur le
terrain. Ce que nous souhaitons, c’est que ce soutien
soit le plus efficace possible. C’est pourquoi nous
avons voulu analyser comment la dimension urbaine a
été prise en compte par les programmes opérationnels
du Fonds européen de développement régional (Feder)
pour la période 2007-2013. Je souhaite rendre compte
ici rapidement de ce travail d’analyse réalisé par notre
direction générale.
Comme vous le savez, les villes et les aires métropolitaines
sont les moteurs du développement économique
européen. Elles sont aussi en première ligne pour contrer
les obstacles à la croissance et à l’emploi, notamment
l’exclusion sociale et la dégradation environnementale.
C’est pourquoi ce qui se passe dans les villes est si
important pour leur environnement périurbain et rural,
et pour l’Europe en général.
La crise financière actuelle va engendrer de nouvelles
difficultés pour les ménages et pour les entreprises.
Dirk Ahner
Intervention de Dirk Ahner,directeur général de la Direction générale de la politique régionale, Commission européenne.
15
Dirk Ahner
Les villes elles-mêmes sont
d’ores et déjà confrontées à
des difficultés financières.
Quant aux conséquences écono-
miques et sociales de la crise,
l’augmentation du chômage et
les risques d’exacerbation de
la polarisation sociale dans les
villes vont encore s’accentuer
davantage et encore accentuer
davantage le rôle fondamental
des autorités publiques locales
pour atténuer et transformer les
tensions économiques et sociales
sur leur territoire. L’Europe toute
entière doit faire face à la crise.
C’est pourquoi la Commission a proposé la semaine
dernière un plan de relance économique. Il prévoit
des mesures de relance budgétaire rapides, ciblées et
temporaires de l’ordre de 200 milliards d’euros, faisant
appel tant aux budgets nationaux qu’aux budgets de
l’Union et de la Banque européenne d’investissement.
En ce qui concerne la politique de cohésion, dans
ce contexte, l’intention n’est pas d’abandonner les
objectifs, les priorités et les principes de base de notre
politique. La politique de cohésion est une politique
d’investissement et de développement structurel qui
vise le moyen et le long terme. C’est ce qu’elle est
et ce qu’elle doit rester. Nous proposons plusieurs
mesures pour faciliter et accélérer la mise en œuvre
des programmes pour la période 2007-2013, une mise
en œuvre qui, dans certains cas, a déjà pris des retards
importants.
Une mise en œuvre qui, bien entendu, implique aussi
le développement urbain dans la communauté. Oui,
mesdames et messieurs, comme je l’ai dit, la politique
de cohésion veut être un partenaire des villes. Elle
veut être leur soutien pour assurer un développement
durable. Déjà dans le passé, elle a joué un rôle important
dans le développement des villes européennes.
Les grandes mutations des villes depuis vingt ans,
et en particulier de celles situées dans les régions
en retard de développement, ont été accompagnées
par le Feder. Ce rôle est réaffirmé pour la période
de programmation 2007-2013 dans la mesure où,
désormais, la dimension urbaine est pleinement
intégrée dans les programmes opérationnels.
Dans 200 villes environ, l’initiative communautaire
Urban a permis, au cours des quinze dernières années,
de donner un contenu concret à ce qu’on appelle une
approche intégrée du développement urbain : c’est-à-
dire la coordination intersectorielle des actions, les
partenariats horizontaux forts, les responsabilités
locales renforcées ainsi que la concentration des
financements sur des zones géographiques ciblées. Tous
ces éléments, mesdames et messieurs, constituent les
facteurs clés du succès de l’initiative communautaire
Urban et représentent pour nous un acquis urbain
commun au niveau européen.
Ceci a été confirmé, je pense, par les ministres lors
des réunions à Lille, Rotterdam, Bruxelles, Leipzig
et, la semaine dernière, à Marseille. La période de
programmation actuelle offre l’occasion de diffuser
16
Dirk Ahner
ce concept méthodologique aux villes et aux régions
au travers de toute l’Europe. Mes collègues viennent
de finaliser un document de travail basé sur l’étude
de 316 programmes opérationnels du Fonds européen
de développement régional ; il donne un aperçu de la
dimension urbaine dans la période de programmation
2007-2013.
Je vais essayer de résumer les principaux résultats en
sept points :
Premier point : le thème du développement urbain est
présent de manière explicite dans plus de la moitié
des programmes du Fonds européen de développement
régional. Un éventail très large d’actions est prévu à
ce titre. Les opérations vont de la réhabilitation des
quartiers défavorisés à des actions où l’accent est
davantage mis sur l’innovation et la compétitivité dans
des pôles urbains de croissance. Cette grande variété
d’actions est à l’image de la diversité des défis auxquels
les villes européennes sont aujourd’hui confrontées.
Deuxième point : des moyens potentiels à disposition
des villes ont été nettement accrus. Pour la première
fois dans l’histoire de la politique de cohésion, toutes
les villes sont potentiellement bénéficiaires du Feder.
Ceci se traduit par le fait que près de 3 % du budget
de la politique régionale, environ 10 milliards d’euros,
ont été programmés explicitement dans des axes
prioritaires des programmes opérationnels dédiés au
développement urbain. Si l’on y ajoute les opérations
rendues possibles au titre de toutes les mesures
urbaines des autres axes, on estime que 10 % du Fonds
européen de développement régional sera dédié aux
opérations urbaines, soit une somme non négligeable
de 30 milliards d’euros dans les six ans à venir.
Troisième point : on constate un poids assez lourd
donné aux opérations sectorielles. Dans les nouveaux
États membres en particulier, l’accent principal est
mis sur des investissements sectoriels plutôt que
sur les démarches intégrées multisectorielles. Ceci
peut, à notre avis, s’expliquer par plusieurs points
de vue. Tout d’abord, les besoins en infrastructures
urbaines de base : eau, déchets, transports urbains
sont considérables dans les nouveaux États membres
du fait du sous-investissement dans les centres-villes
depuis fort longtemps et du manque d’entretien qui
a caractérisé la période de transition. Cela semble
également lié au fait que la plupart des nouveaux États
membres ont peu d’expérience du développement
urbain intégré et n’ont pas pu bénéficier de l’initiative
Urban dans le passé. Or nous savons par expérience
que l’approche intégrée serait plus efficace et plus
durable à long terme aussi dans les nouveaux États
membres. En d’autres mots, il y a pour les années à
venir beaucoup de pain sur la planche.
Quatrième point : les villes disposent-elles des
compétences et des expertises nécessaires ? Le
rapport NICIS* réalisé pour la présidence française
insiste sur le besoin de renforcer les capacités
d’actions, les qualifications, les savoir-faire et les
compétences des acteurs locaux dans le domaine du
développement urbain intégré. Le Fonds européen de
développement régional, avec les mesures d’assistance
technique comme le Fonds social européen et les
mesures de « capacity building », peuvent soutenir
de telles actions. Or, nous constatons qu’à quelques
exceptions près, les programmes opérationnels* ne
l’ont pas encore prévu. Je note avec intérêt que
plusieurs régions françaises ont prévu d’utiliser les
moyens de l’assistance technique pour accompagner
les villes qui ont été sélectionnées, afin de faciliter
les échanges de bonnes pratiques et améliorer la
qualification des responsables.
Cinquième point : quelles participations locales ?
On a constaté, dans les programmes Urban, que
l’implication des acteurs locaux est cruciale pour
le succès des opérations de développement urbain.
* « Enquête européenne : les leviers de l’action publique en matière de développement urbain durable », rapport réalisé par l’Institut NICIS (Pays-Bas) à la demande de la présidence française de l’Union européenne.
17
C’est elle qui permet une véritable appropriation du
projet par les citoyens et par les acteurs du terrain.
Les documents de programmation que nous avons
analysés ne prévoient pas de façon explicite cette
participation locale directe, ni dans la conception ni
dans la mise en œuvre des programmes opérationnels.
Il conviendra donc de voir si cela se fera lors de la
mise en œuvre des programmes dans la pratique.
En fait, les règlements pour 2007-2013 offrent de
larges possibilités pour améliorer la gouvernance des
opérations de développement urbain. Il semble que la
plupart de ces possibilités n’aient pas été utilisées ni
prises en compte dans les documents de programmation.
Et c’est dommage. L’analyse a également a montré que
la plupart des villes ont un rôle très limité dans le
processus de décision lié au programme et dans la
gestion des budgets d’investissement sur leur territoire.
La possibilité de déléguer des responsabilités aux
autorités locales existent bien mais n’a, elle aussi, été
utilisée que dans très peu de cas. La subdélégation
d’un programme entier n’a eu lieu que dans un seul
cas. Les programmes opérationnels français, quant à
eux, utilisent la modalité de la subvention globale.
Sixième point : a-t-on mis en pratique l’idée de
la concentration des fonds ? La concentration
des fonds permet d’atteindre une masse critique
d’investissement. Par exemple, un seuil minimal de 5
à 10 millions d’euros par opération a été fixé pour les
programmes opérationnels français et tchèques. Cette
concentration rend l’intervention communautaire plus
lisible et améliore, en règle générale, son efficacité.
Or, cette disposition n’a pas toujours été précisée dans
les programmes.
Septième et dernier point : a-t-on prévu une coopération
entre les villes et les acteurs locaux, et entre les
villes elles-mêmes ? Les villes affichent clairement
leur besoin et leur volonté de coopération, et votre
présence nombreuse ici à Montpellier en atteste,
tout comme votre engagement dans le programme
Urbact. Mais cela n’est pas toujours identifié dans
les programmes opérationnels ; sauf, bien entendu,
pour les programmes opérationnels de l’objectif de
coopération territoriale européenne.
En conclusion, notre travail d’analyse donne une
première image complète de la dimension urbaine de
tous les programmes opérationnels pour la période
2007-2013. Il décrit plusieurs évolutions positives,
mais il identifie également une série de progrès
qui restent à faire et peuvent être réalisés durant
la phase de mise en œuvre des programmes. Nous
souhaitons que les questions que nous avons abordées
dans notre rapport et que je viens de résumer soient
examinées par les autorités de gestion, afin de pouvoir
exploiter au mieux toutes les possibilités qu’offrent
le Fonds européen de développement régional pour le
développement urbain. Bien entendu, nous serons aux
côtés des autorités de gestion en tant que partenaire
pour discuter ensemble, avec eux et avec les villes, de
la manière dont nous pourrons aller de l’avant.
Dirk Ahner
18
Séance plénière d’ouverture du Forum deS villeS
Monsieur le président de Montpellier Agglomération et de la région Languedoc-Roussillon (M. Georges Frêche),
Monsieur le secrétaire d’État de la République fédérale d’Allemagne (M. Ulrich Kasparick),
Monsieur le directeur général de la Direction générale de la politique régionale de la Commission européenne (M. Dirk Ahner),
Monsieur le président de l’intergroupe Urban-Logement du Parlement européen (M. Jean-Marie Beaupuy),
Mesdames et messieurs les représentants du Comité des régions, et du Comité économique et social européen,
Mesdames et messieurs les élus et représentants des autorités locales et de la société civile,
Mesdames et messieurs,
Nous voici réunis pour ce Forum des villes, dans le
cadre de la présidence française de l’Union européenne.
Il y a dix ans se tenait un premier Forum des villes, à
Vienne, avec tous les acteurs locaux et d’abord les élus.
Le thème choisi alors était… le développement urbain
durable. Et c’est ce même sujet qui nous rassemble
aujourd’hui ! Il s’est passé beaucoup de choses entre
ces deux événements. Les villes et les réseaux de villes
ont mené un travail considérable pour faire avancer le
sujet. Je voudrais citer la charte d’Aalborg de 1994,
les « engagements d’Aalborg » dix ans plus tard et
la Charte européenne pour les villes vivantes. Quant
aux vingt-sept États membres de l’Union européenne,
ils ont adopté, le 24 mai 2007 sous la présidence
allemande, une Charte sur la ville européenne durable.
C’est d’elle que nous allons parler ces jours-ci, plus
particulièrement, une semaine après la réunion des
ministres du développement urbain à Marseille.
Je tiens d’ailleurs à saluer très chaleureusement
la participation, demain, du maire de Leipzig (M.
Burkhard Jung) à notre forum !
Cette charte de Leipzig a eu deux mérites : le premier,
c’est de poser clairement les trois piliers du dévelop-
pement durable : la prospérité économique ; l’équilibre
social ; le respect des impératifs écologiques. Si l’un
des trois piliers – économique, social ou écologique –
manque, alors l’édifice s’écroule et l’avenir de nos villes
est menacé. Ces trois piliers sont indissociables et
montrent bien la nécessité d’une approche globale et
intégrée du développement de nos villes, la nécessité
de dépasser les cloisonnements entre politiques
sectorielles.
Le deuxième mérite de la charte de Leipzig, c’est qu’elle
accorde une grande importance à la réintégration des
quartiers défavorisés dans la ville. On le sait tous, la
coupure de la ville en termes humain, urbanistique,
économique, c’est la porte ouverte à l’appauvrissement
de certains quartiers qui se referment sur eux-mêmes,
Christine Boutin
Intervention de Christine Boutin,ministre du Logement et de la Ville
19
Christine Boutin
à l’immobilisme, à l’affaiblissement de toute la ville.
Alors qu’une ville, c’est d’abord et avant tout une
communauté d’hommes et de femmes qui aspirent
à vivre le mieux possible ensemble, se déplacer,
passer naturellement d’un quartier à l’autre, accéder
facilement à l’emploi, aux services, aux loisirs.
Alors, dix-huit mois après l’adoption de cette charte
de Leipzig, il fallait faire le point ; savoir si elle s’était
traduite dans les faits, dans la réalité du quotidien.
C’est pour cela qu’il y a une semaine, le 25 novembre,
à Marseille, les ministres du développement urbain des
vingt-sept pays membres de l’Union européenne se
sont réunis pour faire ce bilan, mais aussi pour faire
un pas de plus. Pour cela, ils ont décidé de lancer un
« cadre de référence de la ville durable et solidaire ».
Alors tout d’abord, pourquoi avoir rajouté ce mot de
« solidaire » ? Parce que le constat est simple : si la
ville n’est pas solidaire, alors elle n’est pas durable. Si
elle se désagrège plutôt qu’elle ne rassemble, si elle
porte en elle des abcès de pauvreté, d’indifférence
mutuelle, des germes de conflit, alors elle n’est plus
source ni de progrès, ni d’échanges, ni de richesse.
Cet ajout de « solidaire » ne trahit donc pas la charte !
Au contraire, il ne fait que souligner la nécessaire
cohésion de la ville, qui sous-tend le développement
urbain intégré.
À cet égard, et au vu de l’importance de cette
dimension sociale, je profite de cette tribune pour
saluer les mesures annoncées le 26 novembre, par
la Commission européenne, dont nous avons ici
un éminent représentant en la personne de M. Dirk
Ahner, directeur général de la Direction générale de la
politique régionale.
En effet, la Commission a décidé de simplifier les
critères de soutien des fonds structurels, en particulier
du Fonds social européen, et d’accélérer les avances
dès le début de l’année 2009 pour permettre d’avoir
accès plus rapidement à une enveloppe d’1,8 milliard
d’euros à l’échelle européenne en faveur de l’emploi et
du soutien aux plus vulnérables. Cette mesure s’inscrit
dans un plan plus vaste de relance pour la croissance
et l’emploi. Les habitants de nos villes en tireront un
grand avantage et je voulais remercier la Commission
de cette initiative, particulièrement bienvenue pour
faire face à la crise qui touche toute l’Europe.
Revenons maintenant au « cadre de référence » lancé
à Marseille pour mettre en œuvre la charte de Leipzig
au quotidien. De quoi s’agit-il ? Certainement pas
d’une nouvelle norme ! ni d’une nouvelle contrainte !
Mais plutôt d’un outil de questionnement, de bonnes
pratiques et d’indicateurs, à construire petit à petit par
le dialogue entre les États, les villes, les experts, les
habitants. Le but, c’est de voir émerger des expériences
reconnues dans telle ou telle ville européenne, qui
20
Christine Boutin
puissent se transmettre dans une autre ville. Il ne
s’agit pas d’imposer tel ou tel type de développement,
d’urbanisme, d’activités économiques ou de modèle
social. Non à l’uniformité ! Le but est au contraire
que les villes européennes parviennent, en s’inspirant
d’exemples réussis ailleurs mais toujours chacune à
leur manière, à offrir à leurs habitants, sur le très long
terme, les conditions de leur épanouissement.
Je pense par exemple à des réalisations telles que la
gestion de la voirie urbaine à usage partagé à Barcelone,
aux systèmes de distribution urbaine, de livraison et
de portage à domicile à Paris, au « Tramfret urbain » à
Munich, etc. Les exemples sont si nombreux !
Mesdames et messieurs, la ville durable et solidaire,
c’est un enjeu majeur, fondamental. C’est un enjeu de
civilisation. Car nous sommes 70 % à vivre dans une
ville, sur le continent européen.
La manière dont nous gérons nos villes aura des
conséquences énormes sur la viabilité à long terme
du développement économique et social, au sein
de l’Union européenne, et donc sur la réussite des
stratégies de Lisbonne et Göteborg. C’est pour cela que
le rôle des autorités locales est en passe de devenir
le déterminant majeur de la politique européenne de
développement durable. Alors qu’allons-nous faire,
pendant ces deux jours à Montpellier ?
Nous allons apporter, dans le même esprit qu’à Marseille
la semaine dernière – et cette fois en présence de tous
les acteurs de la ville, élus, associations, urbanistes,
experts de toute l’Union européenne –, une première
pierre à la construction de ce « cadre de référence » de
la ville durable et solidaire.
Car notre conviction, c’est qu’un « cadre de référence »
ne se construit pas d’en haut, ne se plaque pas
artificiellement, imposé par les États. C’est ensemble
qu’il faut le construire ! Nous avons besoin de
l’expérience vécue de ceux qui administrent la ville, la
gèrent, la planifient, la pensent.
Les échanges entre vous, pendant ce Forum des villes
2008, seront l’amorce de cette construction. Il a été
décidé d’un commun accord à Marseille que les travaux
se poursuivront ensuite pendant l’année 2009, conduits
à la fois par un groupe à haut niveau, animé par la
France – constitué de représentants des États membres,
des institutions européennes, des représentants des
collectivités, de la société civile et du secteur privé –, et
par un « groupe de travail de villes », notamment dans
le cadre du programme Urbact II, qui sera piloté par
l’une d’entre elles.
Je salue à cet égard les travaux menés hier pendant
la conférence annuelle d’Urbact. Le groupe des villes
aura pour mission de transmettre au groupe de haut
niveau des expérimentations réussies et des nouvelles
propositions. Le groupe de haut niveau, sur cette base,
devra bâtir le « cadre de référence ». L’ensemble des
travaux devra aboutir au plus tard au premier semestre
2010, sous présidence espagnole.
Alors, comment vont se dérouler en pratique les
échanges pendant ces deux journées ? En organisant
notre réflexion autour de douze tables rondes réparties
en deux sessions, qui traiteront d’abord de toutes
les dimensions de la ville : les services, la mobilité,
la culture, les fonctions de la ville, les quartiers en
difficulté… puis des outils pour la rendre encore plus
durable et solidaire.
Je le rappelle, l’objectif est bien d’enclencher une
dynamique partagée et d’amorcer un processus de
construction collective du « cadre de référence ». Il
s’agit donc pour chacun des intervenants de témoigner
d’une « bonne pratique » et des moyens qu’il a fallu
emprunter pour y arriver, avec toujours bien en tête
le souci que cette expérience réussie puisse servir à
d’autres, être « transmise à d’autres ».
21
Puis demain, en fin de matinée, une restitution des
travaux s’opèrera et Mme Fadela Amara, secrétaire
d’État chargée de la Politique de la ville, clôturera
l’ensemble du forum.
Mesdames et messieurs, chers amis, nous avons devant
nous un chantier majeur ! Nous devons repenser la ville
et la façon d’y vivre. Repenser une ville où l’homme
sera réconcilié avec les siens, comme avec la nature.
Il s’agit de préparer la ville dans laquelle vivront nos
enfants et les enfants de nos enfants.
Je crois donc que l’heure est venue de porter très haut
nos ambitions communes.
Je vous remercie.
Christine Boutin
22
Table ronde plénière
Débat sur le développement urbain intégré
Jean-Marie Beaupuy,député européen, président de l’intergroupe Urban-Logement
Flo Clucas,vice-présidente du Comité des régions
Fatima Barnuevo,maire-adjoint de la ville de Murcie (Espagne) et représentante d’Eurocities
Joost Van Iersel,membre du Comité économique et social européen
Implication et travail en réseau des institutions et des représentations européennes des pouvoirs locaux sur les problématiques urbainesPrésentation par les participants à la table ronde des initiatives prises par les organismes au sein desquels ils siègent sur le développement urbain intégré
Jean-Marie Beaupuy,député européen, président de l’intergroupe Urban-Logement Au sein du Parlement européen, composé de plus de
700 parlementaires, il y a des maires de communes
de toutes tailles. C’est parce qu’il existe au sein
du Parlement des commissions essentiellement
thématiques chargées du transport, de l’environnement,
des affaires étrangères, de l’agriculture, etc., que j’ai
créé en 2005 avec plusieurs collègues l’intergroupe
Urban, de façon à avoir une approche plus transversale
de ces questions urbaines. C’est aujourd’hui l’un des
intergroupes les plus importants du Parlement, avec
soixante-dix députés et surtout quatre-vingt-dix
partenaires. Le Parlement, au-delà de notre intergroupe,
a voté un certain nombre de rapports dont le mien
dès 2005. Voté à la quasi-unanimité, celui-ci a été le
premier rapport sur la dimension urbaine et a servi à
la Commission pour nous faire un certain nombre de
propositions. Le Parlement, qui est très actif sur les
questions de ville, nous soutient en toute occasion.
Nous avons par exemple obtenu en limite d’examen des
budgets européens, 300 millions supplémentaires pour
les questions de coopération. Nous avons fait en sorte
que dans le cadre du 7e programme cadre de recherche
et développement (PCRD), il y ait une réouverture de
la recherche urbaine. C’est donc au fil des semaines,
des mois, des années et particulièrement depuis trois
ans qu’il y a une action pressante, permanente du
Parlement européen.
Flo Clucas,vice-présidente du Comité des régionsLe Comité de région où je siège est un organisme
qui compte 344 membres. À l’image du Parlement,
nous avons une série de commissions thématiques.
L’une d’entre elles porte sur la cohésion territoriale.
Nous travaillons énormément sur la question de la
durabilité dans les villes. Nous avons travaillé avec
l’agenda de Leipzig mais également avec l’agenda
23
Table ronde plénière
de Lisbonne. Nous avons travaillé avec Jean-Marie
Beaupuy et ses collègues du Parlement européen, ce
qui a porté ses fruits puisque nous avons réussi à
influencer la Commission. Pourquoi existons-nous ?
Nous existons parce que, pour les collectivités locales
et régionales, l’opportunité de s’exprimer face à la
Commission européenne est relativement limitée. Le
Comité des régions leur donne la possibilité de faire
entendre leur voix. Nous sommes consultés sur les
législations ou les nouvelles réglementations ayant
un impact sur les collectivités locales et régionales.
Nous sommes là pour représenter nos collègues. Nous
travaillons main dans la main avec le Parlement
européen, avec la Commission mais également
avec le Conseil des communes et régions d’Europe,
Eurocities ou encore avec le Comité économique et
social européen (CESE).
Fatima Barnuevo,maire-adjoint de la ville de Murcie (Espagne) et représentante d’EurocitiesJe suis ravie de représenter ce réseau Eurocities. Murcie
est un nouveau membre récemment élu et nous ferons
tout notre possible pour travailler sur les questions de
la mobilité et du transport dans les deux années à venir.
Je suis sûre que cela renforcera notre coopération avec
le Comité des régions. Avec notre nouveau président,
que j’ai rencontré à La Haye la semaine dernière, nous
avons parlé des villes, de la citoyenneté moderne et de
la gouvernance intégrée. Vous reconnaîtrez qu’il y a de
nombreux points de liaison entre ce dont nous avons
parlé et ce dont nous allons parler durant ce Forum
des villes. Nous avons tenu de nombreux débats et
ateliers qui nous ont permis d’examiner le mécanisme
permettant d’améliorer la gouvernance intégrée ; ce
qui va nous permettre de veiller à ce que les villes
s’adaptent continuellement aux défis qui se posent à
elles aujourd’hui et demain. Il est également important
de satisfaire les besoins de nos citoyens. De nombreux
membres d’Eurocities ont fait le déplacement pour ce
forum. Le réseau Eurocities comporte une plate-forme
pour les échanges d’expériences et une quarantaine
de groupes de travail. Le réseau récupère les résultats
des travaux réalisés sur le terrain et les transforme
en recommandations politiques pour les institutions
européennes, directement à travers leurs représentants
politiques. Ce travail est en lien avec ce qui a été initié
par la présidence allemande l’année dernière dans
le cadre de la charte de Leipzig et poursuivi par les
présidences portugaise, slovène et française.
Joost Van Iersel,membre du Comité économique et social européenJe suis membre du Comité économique et social
européen, un corps de 344 membres comme le
Comité des régions, plus ou moins similaire dans ses
compétences au Conseil économique et social français.
Il est constitué de trois groupes : travailleurs,
employeurs et intérêts divers. Toute la société y
est représentée. Nous avons d’abord une fonction
consultative auprès des institutions européennes
comme la Commission, le Parlement européen et
le Conseil. Nous sommes profondément enracinés
dans les pays et dans les régions. Depuis quand
nous intéressons-nous aux villes ? Quand je suis
arrivé en 2003, on m’a dit que les villes relevaient
de la compétence du Comité des régions. Pourquoi ?
80 % des citoyens vivent dans les villes, donc c’est
aussi un sujet pour nous. Je me suis également
demandé pourquoi l’Union européenne s’intéressait
d’abord aux régions faibles au lieu de s’intéresser aux
régions fortes. Rééquilibrage vers le haut. À partir de
ce moment, nous avons réalisé quelques avis sur les
aires métropolitaines qui sont l’un des points forts de
l’Union. Elles englobent des grandes villes mais aussi
des ensembles de villes et leurs aires rurales, ce qui
représente un changement du paysage européen très
visible et très présent. Cela se voit partout dans le
monde mais aussi en Europe. D’après moi, les aires
métropolitaines sont des laboratoires de l’économie
24
Table ronde en plénière
mondiale. Elles représentent les forces mais aussi les
faiblesses au niveau économique et social. À partir de
2004, nous nous sommes efforcés de donner des avis
sur ce qui se passe dans la vie socio-économique des
villes, en particulier des grandes villes, mais aussi sur
la contribution que peut donner la société.
Décryptage des processus d’élaboration des politiques et de diffusion des bonnes pratiques Quelle est la meilleure approche en matière de politique urbaine ?
Jean-Marie Beaupuy En ce qui concerne l’exemple de la mobilité urbaine,
nous nous sommes heurtés au sein du Parlement
européen. En effet, dans le cas de la mobilité urbaine,
il y bien sûr le point de vue des gens qui s’occupent des
transports. Mais qui dit transport dit immédiatement
pollution, dit immédiatement problème de santé,
problème de ville durable et d’utilisation des fonds
européens ; sans parler des problèmes de dimension
urbaine et d’étalement urbain dont on a parlé hier,
aujourd’hui, et dont on reparlera demain.
Ce sont toutes ces questions qui nous ont poussés à
mettre en évidence, au sein du Parlement, l’aspect
transversal de la mobilité urbaine. Ce n’est pas
seulement une question de transport. Et avec Jacques
Barrot, le commissaire en charge de ces questions au
moment du Livre vert, nous avons eu, soit en petit
comité, soit en grande séance comme aujourd’hui, des
débats extrêmement difficiles. Que se soit avec les
députés, avec la Commission ou avec des organismes
extérieurs, nous n’étions pas tous d’accord. Il y a
néanmoins un point sur lequel nous sommes tous
d’accord, c’est que si l’on garde un esprit segmenté
du sujet, c’est-à-dire exclusivement le transport,
l’environnement ou l’étalement urbain, on n’y arrivera
pas. Il faut une approche intégrée.
Flo Clucas Le Comité des régions s’appelle en fait Comité des
régions et collectivités locales. De nombreux membres
représentent de grandes villes au sein de l’Union
européenne. L’objectif est de partager des bonnes
pratiques et de veiller à ce que nous puissions avoir
une influence sur les décisions prises. Nous rédigeons
également des avis. En ce qui concerne les villes et
le développement durable, nous voulons absolument
trouver un moyen durable pour développer une ville.
Nous pensons que les villes sont des organismes
vivants. Et comme elles sont vivantes, comme Jean-
Marie et ses collègues l’ont bien dit, vous ne pouvez
pas vous contenter de rédiger une règle en imaginant
que toutes les villes vont s’y conformer. Les villes vont
devoir se pencher sur la façon dont elles fonctionnent
et nous allons ensuite voir comment nous pourrons
créer des alliances entre les forces présentes dans les
villes : entre les questions du transport, du logement,
de l’environnement, de l’emploi, de la durabilité
de l’emploi… Ce sont des atouts qui peuvent être
conjugués, et je suis convaincue que le logement est
un outil de régénération qui doit encore être exploité.
Pour le moment, c’est encore considéré comme une
compétence qui appartient aux États membres, et les
États membres semblent considérer que la Commission
européenne n’a pas voix au chapitre. C’est à mon avis
une erreur. Je pense que les membres du Parlement
européen sont d’accord avec ce sentiment. Il va
sûrement y avoir une modification dans la tendance ;
de plus en plus de personnes l’affirment dans ce genre
de conférence. Nous devons comprendre que les villes
ne vont pas se contenter d’adopter un seul programme.
En tant que Comité des régions, nous devons travailler
ensemble.
Fatima Barnuevo Je suis d’accord avec l’avis de M. Beaupuy. Il faut
une approche transversale. Lorsque l’on parle de
durabilité, de mobilité, de transport, on ne parle
pas d’éléments complètement séparés mais bien
25
Table ronde plénière
reliés entre eux. C’est notre approche au cours de
nos travaux lors de nos forums.
Ce qu’on a développé et que l’on développe encore
main tenant au sujet de la mobilité ne concerne
pas seulement les transports mais également la
mobilité durable. Nous représentons les plus grandes
villes en Europe. Nous savons clairement que nos
villes génèrent des émissions de gaz qui ont un
effet manifeste sur les changements du climat.
C’est un point que nous avons à l’esprit lors de nos
travaux. Nous travaillons aussi sur le Livre vert, sur
l’application des bonnes pratiques échangées au
sein des forums. Chaque forum a lieu dans une ville
différente, ce qui nous permet de voir sur place les
expériences que chaque ville peut partager avec les
autres. Cette année au mois de février, à Murcie,
avant même d’être président du forum, nous avons
accueilli une des séances du forum et avons partagé
notre expérience avec les membres. On a montré le
travail en cours dans notre ville sur le chemin de
fer et le nouveau développement urbain concernant
l’accessibilité des zones mal desservies.
Joost Van Iersel On peut approcher ces questions selon deux axes très
importants.
Le premier axe, c’est la transversalité ou bien l’approche
holistique. Cela signifie que la compétitivité, le
développement durable et l’inclusion sociale sont les
deux côtés d’une même médaille. Comme cela a été
dit dans les différentes interventions, il faut avoir une
approche intégrée.
Le second, c’est de ne pas considérer les villes
exclusivement comme des entités administratives
mais comme des corps vivants, composés de toutes
sortes d’activités publiques et privées qui doivent être
encouragées et donner la possibilité de s’épanouir en
vue d’une économie complètement différente. C’est la
globalisation. La globalisation place nos villes devant
des exigences nouvelles ; c’est à elles d’y répondre.
C’est pourquoi nous, Comité économique et social
européen, disons que la régie et la fonction publique
sont très importantes, mais qu’il faut aussi voir les
choses sous un autre angle. Les autorités publiques
de l’État, tout comme les autorités publiques de
l’Europe, sont des organes qui formulent des cadres,
des législations, mais les vrais investissements et
activités se font sur place. C’est pourquoi nous avons
besoin des alliances sur le terrain entre tous les
acteurs public/public et public/privé pour développer
des potentialités jusqu’à maintenant cachées. Il y a
beaucoup plus de potentialités dans nos pays que
l’on ne le croit. C’est pourquoi nous disons qu’il faut
intégrer dans cette approche complète les universités,
les entreprises, les architectes et même les artistes…
tout le monde est concerné.
Pour l’élaboration rapide d’un référentiel sur les villes durables et solidairesUne préoccupation partagée
Jean-Marie BeaupuyJe voudrais confirmer le point central que Joost vient
d’indiquer, c’est-à-dire que l’opérationnel se fait à la
fois sur le terrain tout en s’inscrivant dans un défi
mondial.
Le deuxième facteur, ce n’est pas l’espace, c’est
le temps. Le temps va très vite et l’Europe – créée
il y a cinquante-et-un ans avec, au début, des
préoccupations de charbon et d’acier, puis la politique
agricole commune, etc. – met les bouchées doubles en
l’espace de quatre ans. Parmi ses nombreux travaux,
la Commission a réalisé un guide pour les villes. Je
rappellerai que ce qui s’est passé à Marseille était la
cinquième édition après Rotterdam en 2004, Bristol,
Leipzig et bien entendu les Açores. Les gouvernements,
26
à travers leurs conseils informels, ont pris conscience
en l’espace de quatre ans qu’il fallait absolument
aborder la question des villes. C’est très rapide. Il y a
un côté positif et un côté négatif.
Le côté positif, c’est que le fait d’avoir en trois jours
traité à la fois la cohésion, les villes et le logement
est une bonne chose parce que la problématique de
base est là.
En revanche le côté négatif, c’est que l’on se donne
jusqu’à 2010 pour élaborer un référentiel. Or des
référentiels, nous en avons plein nos tiroirs et il
suffirait de 24 heures de travail pour en mettre un
au point techniquement. La question est : comment
allons-nous nous mettre d’accord entre vingt-sept
gouvernements ? Ici, on bute non pas sur des questions
d’argent, mais sur des questions de relations. Il faut
que la base se saisisse de ses connaissances, de
son expertise pour dire aux vingt-sept ministres :
n’attendons pas le deuxième semestre 2010 pour
présenter le référentiel parce que nous, avec Urbact,
avec Eurocities, avec le CCRE, etc., nous avons déjà les
éléments. Si en six mois de temps ils peuvent sur le
terrain apporter la preuve qu’on peut mettre en place
des référentiels, je suis persuadé que les vingt-sept
ministres, en tous les cas ceux qui sont réticents,
accepteront de se mettre d’accord.
Il faut aller très vite. Une année suffirait
raisonnablement pour mettre en place ce référentiel.
Pourquoi faut-il aller plus vite ? C’est parce que nos
citoyens, on l’a vu ce matin dans Montpellier, ont des
problèmes d’emploi, des problèmes de logements, des
problèmes de transports ; et quand vous allez leur dire
qu’il faut deux ans non pas pour boucler la phase de
réalisation après les conséquences du référentiel, mais
simplement pour concevoir ce référentiel, ils vous
demanderont comment ils vont faire pour payer leur
impôts ou leur logement.
Flo ClucasNous avons déjà beaucoup travaillé sur ce référentiel,
et nous devrions accélérer le rythme surtout en
raison de la crise économique que nous traversons.
Je pense qu’il est très important de saisir cette
occasion d’accélérer. Comme Jean-Marie l’a dit, il
faut obtenir un accord auprès de vingt-sept États
membres. Il est important d’aller de l’avant. Il faut
que les villes puissent maîtriser ce qui se passe. Il
est important que les citoyens des villes se rendent
compte qu’ils disposent d’un certain contrôle. Il est
important de se pencher sur la nature durable des
villes et de veiller à ce que l’on puisse transformer
toutes ces théories en réalité. Nous pourrions y
travailler plus rapidement.
Fatima BarnuevoNous avons déjà commencé à travailler et nous allons
continuer à travailler sur ce référentiel. Nous ne
pouvons pas attendre le deuxième semestre 2010.
Nous voulons faire nos propres propositions. Le rendez-
vous de Marseille ne date que de la semaine dernière
(24, 25 et 26 novembre 2008). Je ne peux donc pas
donner une date maintenant, mais il est clair que les
villes ne peuvent pas attendre. On doit travailler en
permanence. Nous devons maintenir des relations
constantes avec le Comité des régions et le Parlement.
Nous continuerons à travailler avec eux pour pousser
un peu l’agenda et ne pas devoir attendre 2010.
Joost Van IerselLa rapidité du processus dépend également des
opportunités que l’on crée. Je veux souligner deux
choses. D’abord que l’idée de la subsidiarité est à
mon avis totalement démodée. Cela ne fonctionne
plus aujourd’hui. J’ai été membre du Parlement
néerlandais pendant quinze ans, je suis tout à fait au
courant de tous les discours politiques mais en tant
que représentant de la société civile, je dis que c’est
démodé.
27
Deuxièmement, il nous faut une décentralisation
radicale, c’est-à-dire poussée. La décentralisation
créera des responsabilités plus transparentes vis-à-vis
de la population. Il faut formuler quelques principes et
intégrer le plus d’acteurs possible. Il y a des exemples
dans certains pays – et c’est pourquoi le référentiel est
si important – qui sont meilleurs que d’autres. J’ai vu
beaucoup de villes et beaucoup d’aires métropolitaines
qui pourraient faire l’objet d’une liste.
Un exemple concret : Bilbao. Cette ville était dans
une situation déplorable il y a trente ans. C’était
une ancienne ville de charbon avec des centaines
de milliers de chômeurs. On a pris la décision de
contourner la vocation de la ville. On a dit : il faut
en faire une ville de services modernes orientée vers
l’avenir. On a développé un mécanisme. Il y avait un
moteur dans le gouvernement de la ville, un plan
précis qui a été conçu sur dix ans et qui, de lui-
même, s’est déroulé harmonieusement. Et puis, on a
rassemblé tous les partis politiques et tous les niveaux
politiques autour d’un même but. Cela a marché.
Le Pays basque mais aussi Madrid ont complètement
soutenu cette évolution et aujourd’hui, Bilbao est une
ville transformée.
La gouvernance au cœur de la mise en œuvre des politiques urbaines « Bonnes pratiques » locales et gouvernance partenariale
Flo ClucasJe donnerai deux exemples.
Le premier est lié au programme des fonds structurels
Objectif 1. C’est un exemple comportant un élément de
subsidiarité que nous n’avions jamais vu auparavant au
Royaume-Uni. Ce programme, qui se concentrait sur une
agglomération, a permis à toutes les parties prenantes
de se rassembler, de prendre des décisions ensemble,
de prendre les meilleures décisions pour leur région,
pour leur quartier ; ce qui était unique au Royaume-
Uni. Cette initiative était également unique au sein
de l’Union européenne dans la mesure où ce sont les
parties prenantes locales qui ont rédigé le document
et qui ont pris les décisions concernant la façon dont
les fonds seraient dépensés. Ils ont également décidé
d’associer les groupes, les associations représentant
les secteurs publics, les secteurs du gouvernement,
les collectivités locales. Tous ces acteurs se sont
rassemblés afin de changer le destin de cette région
et cette initiative a été couronnée de succès. Je pense
que c’est de la subsidiarité à l’état pur, car les parties
prenantes ont pu se faire entendre et prendre des
décisions. Il n’y a pas d’autres exemples de ce type
ailleurs et dans le cadre d’autres programmes. En
tous les cas, concernant le Royaume-Uni, nous avons
décidé de nous concentrer sur le niveau local, plus
efficace que le régional.
J’aimerais citer un deuxième exemple. Les villes
doivent être durables. Il est important d’assurer
cette durabilité et je suis d’accord avec vous en
partie. Il est important de se concentrer sur une
idée et de se mettre d’accord sur un objectif final,
ce qui est extrêmement difficile pour de nombreuses
villes. C’est pourquoi je pense que ce référentiel
pourra être utile, car il permettra de nous tourner
tous vers le même objectif. Et certaines villes
pourront déterminer la voie à suivre, les priorités.
Elles auront la possibilité de développer certains
domaines plutôt que d’autres.
Si les gouvernements permettaient aux responsables
de la mise en œuvre des politiques de travailler sans
aucune interférence, ce serait plus efficace. Je dis
cela en pensant en particulier au Royaume-Uni,
n’étant pas experte des autres pays. Vous avez parlé
de meilleures pratiques, et ces meilleures pratiques
sont identifiées un peu partout au sein de l’Union
européenne. Nous en avons entendu parler au cours
des journées « open days » organisées au sein de
Table ronde plénière
28
l’Union européenne. Il en va de même pour la culture.
Les « capitales de la culture » sont extrêmement
importantes dans la mesure où elles permettent
de tirer les enseignements de ces expériences,
d’échanger leur expérience autour de cette
initiative. Il y a de nombreuses initiatives positives.
Vous avez dit que la subsidiarité était un terme
démodé, mais il faut veiller à ce que les personnes
présentes au niveau local aient la possibilité de
prendre les décisions qui concernent leurs citoyens.
Fatima Barnueavo La situation de chaque ville varie, mais elles
peuvent partager les mêmes difficultés et les mêmes
problèmes. Au sein de nos forums, de nos réunions,
de nos groupes de travail, nous partageons tous nos
expériences. Même si les villes sont différentes, en
ce qui concerne la mobilité urbaine par exemple, on
peut néanmoins trouver un dénominateur commun. La
mobilité, que les villes soient petites ou grandes, est
un problème partagé par toutes. Certaines solutions
peuvent être dégagées et adaptées aux caractéristiques
de chaque ville. C’est ainsi que nous travaillons. Pour
revenir sur ce qui a été dit, je dirais que les villes et
les collectivités locales sont en première ligne. Elles
doivent agir directement auprès des citoyens ; il est
nécessaire d’engager un processus de décentralisation.
Mais en parallèle, je pense que les villes ne peuvent
pas travailler seules. Elles doivent être soutenues par
le gouvernement à différents niveaux. Elles ont besoin
d’une assistance, surtout économique.
Jean-Marie Beaupuy Il ne faudrait pas en déduire « à chacun son
référentiel ». Le référentiel sur les villes durables
et solidaires reste à bâtir. Par contre, ce qui vient
d’être mis en évidence, c’est que les bonnes pratiques
renseignent sur la façon dont il fallait fonctionner
pour réussir. Quand Joost parle de mettre fin à
la subsidiarité de manière radicale, il est un peu
provocateur. Mais en même temps il a raison, parce
que la question qui est aujourd’hui posée à chacun
d’entre nous, et pas seulement aux citoyens dans la rue
dehors, c’est que vous et moi attendons une réponse
à nos besoins. Or cette réponse ne peut être mise en
place dans la société complexe dans laquelle nous
vivons que par une multitude d’acteurs concernés : si
vous touchez aux questions du logement, c’est à la
fois l’État et l’organisme logeur, ce sont les questions
d’énergie, ce sont les règlements européens… Le mot
essentiel, c’est le mot approche intégrée. Une fois
qu’on a dit approche intégrée, on a mis en avant un
mot, un concept. Et on a trouvé un deuxième mot
qui vient en quelque sorte en complément : c’est la
« gouvernance », le fait de gouverner autrement. C’est
la raison pour laquelle, notamment dans mon rapport
voté au moins d’octobre au Parlement européen,
nous demandons la mise en place d’un guide de la
gouvernance. Pourquoi ? Parce qu’il faut arrêter de
croire que grâce aux bonnes pratiques, ça tombe tout
seul du ciel.
Non, chaque fois, on a observé un certain nombre de
règles qui sont différentes du référentiel. Le référentiel va
mesurer un certain nombre de choses. Mais là, au niveau
de la gouvernance, il est temps. C’est pour cela que j’ai
demandé à la Commission – et je me réjouis que M. Dirk
Ahner mette tous ses services à disposition rapidement –
que nous ayons un guide. Comme il y a un guide des
affaires urbaines, il y aura un guide de la gouvernance,
pour expliquer comment on gouverne de manière
transversale. Comment, sur un problème d’inondation,
sur un problème de transports urbains et périurbains,
fait-on fonctionner ensemble tous les acteurs ?
Nous en parlions avec un certain nombre de respon-
sables hier au soir et ce matin, il y a notamment une
question de chef de file. Pour régler un problème
de transports sur l’agglomération de Montpellier par
exemple : qui va être le patron ? Est-ce le président
de l’agglomération ? le président du Conseil régional
parce qu’il a la responsabi lité des transports express
29
régionaux ou le président du Conseil général parce
qu’il a la responsabilité des transports des scolaires ?
les sociétés de transport ? Si on veut mettre en œuvre
de manière réussie les bonnes pratiques, il ne faut pas
un patron au sens de tutelle, il faut qu’un animateur ou
coordinateur fasse le lien. Cette nouvelle gouvernance
partenariale a été demandée par le Parlement européen,
par le Comité des régions, par le Conseil économique
et social et est appliquée par des instances telles
qu’Eurocities. C’est cette gouvernance partenariale qui
seule, nous insistons, permet de toucher les objectifs
rapidement et dans de bonnes conditions pour les
citoyens. Effectivement, si ce n’est pas la fin de la
subsidiarité, c’est un double système car il y a d’un
côté une gouvernance institutionnelle : Europe, État,
région, ville, etc., et de l’autre une gouvernance
partenariale. Si l’on veut résoudre les problèmes de
transports ou de santé, il faut fonctionner autrement
que dans le simple cadre institutionnel.
Le mot de la fin : « Travailler ensemble »
Flo ClucasIl est important de travailler le plus vite possible en
direction de villes intégrées. J’ai l’impression que les
villes intégrées peuvent fonctionner et elles doivent
avoir la possibilité de faire leur preuve. Nous avons
besoin de la stratégie de transports d’une ville, mais c’est
aussi une condition pour qu’une autre stratégie comme
la stratégie de l’emploi et de la création d’entreprises
fonctionne. Il y a énormément d’éléments, notamment
l’éducation. Tout cela est possible et souhaitable, car
avoir une approche holistique du développement de
la ville peut permettre de prendre conscience du fait
que la somme est sans doute plus importante que les
parties prises isolément.
Joost Van IerselAbsolument. Pour revenir un moment à la subsidiarité,
je suis en faveur d’une subsidiarité dynamique,
c’est-à-dire d’une gouvernance qui répond aux
exigences de chacun. Il n’y a pas un système formel
où les compétences au niveau A sont telles et telles,
au niveau B sont telles et telles, au niveau C sont
telles et telles… tout dépend des exigences sur
place. Dans ce schéma, les villes, en particulier les
grandes villes, et les aires métropolitaines doivent
jouer un rôle primordial parce qu’elles se trouvent
dans une période où les frontières nationales ne
sont plus aussi évidentes qu’auparavant. Or ce sont
des ensembles où les gens vivent, ont leur travail,
ont leur qualité de vie ou non. C’est à ce niveau
qu’on doit trouver la responsabilité pour améliorer
la situation ; et cela en coopération avec tous les
groupes sociaux concernés, régis évidemment par
la politique de la ville mais en même temps en
concertation avec les autres groupes.
Pour conclure, je suis évidemment d’accord avec vous
quand vous dites que les villes ne peuvent pas faire
ça toutes seules. On a pris l’exemple de la ville de
Birmingham, mais il y en a bien d’autres. La ville de
Bilbao ne se serait jamais développée seule ; elle avait
besoin du soutien de Madrid et du Pays basque. C’est
une responsabilité partagée, mais avec un accent
beaucoup plus grand sur ce que veulent les villes elles-
mêmes. Elles doivent formuler leur mission à elles.
Fatima BarnuevoC’est vrai que continuer à échanger des expériences
est important. Je suis d’accord sur le fait qu’il n’y a
pas un livre où l’on peut écrire toutes les instructions,
même si l’on échange des bonnes pratiques. Ce qui est
clair pour le futur, c’est qu’il faut continuer à travailler
sur la ville avec une approche intégrée. Il faut avoir
une idée claire et des objectifs clairs pour intégrer
dans ce travail tous les niveaux gouvernementaux : le
local, régional, national, européen. Il faut continuer à
travailler mais pas seulement en visant nos citoyens. Il
est très important de travailler à l’intérieur des réseaux
comme Eurocities et en parallèle avec les différentes
Table ronde plénière
30
institutions comme le Parlement ou le Comité des
régions pour, tous ensemble, conquérir le futur.
Jean-Marie BeaupuyJ’ai pris l’exemple de Montpellier, vous avez pris
Bilbao. Je vais vous expliquer en quoi les limites
communales, nationales, régionales n’ont plus lieu
d’être. Un ministre du Luxembourg me disait, 40 %
des gens qui travaillent au Luxembourg viennent de
l’extérieur du pays tous les jours, alors que 30 %
des Luxembourgeois, pour des raisons de prix, de
territoire, etc., logent en Belgique, en Allemagne et
en France. Dans le cas présent on voit bien que la
subsidiarité, la limite territoriale de la commune, de
la région et de l’État n’ont plus de valeur. On pourrait
également prendre l’exemple de Lille, Tournai, etc. Il
est donc évident qu’aujourd’hui, nous devons travailler
ensemble. Pour terminer, j’aimerais lancer un appel.
Comme vous le savez, le Livre vert sur la cohésion
territoriale est ouvert. Celui-ci comporte des questions
posées par la Commission. Je crois que c’est l’occasion
pour la plupart des responsables de grandes structures
présents dans la salle de dire ce qu’ils pensent, de
faire des propositions dans le cadre de ce Livre Vert sur
la cohésion territoriale, afin que les sujets évoqués cet
après-midi puissent être pris en compte dans le cadre
de ce questionnement.
31
Adapter les services aux mutations démographiques, sociologiques et économiquesPrincipes, questionnements et messages
Services
1Table ronde
Au titre de l’objectif « Mettre en œuvre une politique de développement urbain intégré »
L’enjeu de l’adaptation des services est au cœur de
celui du développement urbain durable. En effet,
sans une réflexion et une volonté d’action sur le
développement de services adaptés aux nouvelles
réalités sociales, économiques et environnementales
de nos villes, l’objectif de développement économique
dans le respect de l’environnement et de la cohésion
sociale ne peut être tenu. La question des services
est transversale et incontournable, qu’il s’agisse du
développement de transports collectifs pour réduire
l’impact environne mental des déplacements ou pour
faciliter l’accès à l’emploi, d’une offre diversifiée de
logements ou de l’accès pour tous à la culture, aux
sports et aux loisirs, etc. Ainsi, le maintien de la qualité
de vie dans des villes toujours plus grandes et plus
peuplées sera fonction de la capacité à analyser et à
accompagner les évolutions liées aux changements de
pratiques institutionnelles, d’organisation sociale et
de modèles économiques, mais aussi plus simplement
de la croissance démographique.
Il faut rechercher une complémentarité et un équilibre
entre les multiples niveaux et offres de services :
logement, économie et emploi, environnement,
culture, sport et animation sociale, transports…
La proximité, la complémentarité et l’anticipation
permettent de développer harmonieusement les
services : l’ouverture de nouvelles crèches gagne
ainsi à s’accompagner d’une réflexion sur les horaires
d’ouverture pour accompagner la création d’emploi ;
autre exemple, le regroupement de services culturels,
administratifs, sociaux et sportifs dans un même lieu,
afin que des usages mixtes puissent s’y tenir.
Le développement du logement dans toute sa diversité
(logement abordable financièrement, accès à la
propriété…) est un élément clef de la réflexion sur
les services. Une offre de logements suffisante pour
que toute la population ait un toit est indispensable
au dynamisme des villes (croissance de la population,
attraction d’une population jeune, maintien de la
population vieillissante). Le logement doit permettre
également l’adaptation de la ville aux mutations
familiales (décohabitation des jeunes, séparation des
ménages) et anticiper des nouvelles formes de travail
(travail à domicile).
Il faut rechercher la conciliation entre les besoins
des habitants et ceux des usagers temporaires de la
ville (travailleurs, touristes), prendre en compte leurs
temporalités et usages variés. Cette « compétition »
entre usages ne doit pas être considérée comme quelque
chose de négatif, de l’ordre d’une situation de crise pour
la ville, mais comme la naissance d’une nouvelle ville,
ouverte, lieu de nœuds et d’échanges au sein d’un plus
vaste territoire (celui de l’agglomération, par exemple).
32
Chaque nouveau service ou élargissement d’horaire
peut représenter une contrainte pour ceux qui le
proposent : par exemple, un service de nuit, c’est aussi
du travail de nuit. Il faut donc rechercher un équilibre
entre les différents intérêts.
La place des élus dans l’articulation et la mise en œuvre
des services dépasse le simple rôle d’administrateur
et doit se situer dans l’innovation, c’est-à-dire dans
l’anticipation des mutations mais surtout dans la
mobilisation de partenariats multiples et transversaux
entre administrations, entreprises et associations. La
transversalité implique une co-conception des services
et une recherche d’idées nouvelles, en dépassant
les actions sectorielles et la division entre groupes
d’intérêts d’une part (entreprises, syndicats…) et
bénéficiaires des services de l’autre.
Les élus locaux sont en première ligne, dans la
mesure où les habitants se tournent avant tout vers
eux pour obtenir des réponses aux questions qui
surgissent de toutes les modifications à l’œuvre.
Des choix politiques doivent être faits pour dépasser
certaines contradictions : demande croissante en
services mais moyens limités, temps du mandat et
temps de l’anticipation des mutations pour la mise
en place des services. Ces contradictions peuvent
être dépassées par la mutualisation des moyens des
différentes autorités locales, par des financements
croisés publics et privés, et par la recherche de
la meilleure échelle de mise en place des services
urbains. Les services peuvent être pensés à une
échelle large et déployés à des échelles fines et
proches des habitants. Cependant, une réflexion est
indispensable autour des responsabilités respectives
des différentes autorités locales et de l’État dans
la mise en œuvre et le financement des services,
afin de clarifier les mécanismes pour les citoyens et
d’assurer une répartition adéquate des financements
correspondant aux compétences décentralisées.
Au titre de l’objectif « Réinsérer dans la ville les quartiers urbains défavorisés »
La cohérence territoriale s’appuie sur une répartition
harmonieuse des services (le logement compris)
sur le territoire urbain. Ils sont le socle d’une ville
solidaire et inclusive. Ils garantissent l’attractivité
des territoires et sont une condition à la réintégration
des quartiers défavorisés dans la ville. L’exigence d’un
accès aux services égal pour tous doit sous-tendre
toute politique de développement.
Parmi l’ensemble des services à renforcer dans les
quartiers défavorisés se trouvent plus particulièrement
les transports (accessibilité du quartier au reste de la
ville, mobilité des habitants), l’emploi (mobilisation
des friches urbaines, pépinières d’entreprises,
accom pagnement vers l’emploi) et l’éducation
(accompagnement scolaire, offres de loisirs et
culturelles, etc.).
À l’échelle de l’agglomération, la multiplicité des
services et des équipements sur un quartier ou
sur une ville est indispensable pour sortir de la
monofonctionnalité des villes dortoirs : commerce,
culture, équipements sportifs doivent être présents et
accessibles partout. Le développement passe par une
réappropriation de la ville par ses habitants.
33
Services
La complémentarité et la répartition harmonieuse des services dans la ville : les centres municipaux intégrés à Gijón (Espagne)
Contexte La ville de Gijón a été divisée administrativement en
cinq districts de population égale (environ 50 000
hab i tants). Au sein de chacun de ces districts a été
construit un centre municipal intégré regroupant
un ensemble de services décentralisés, communaux,
sportifs et socio-culturels. On y trouve par exemple :
• les services d’accueil citoyen (services d’information
et orientation administrative municipaux)
• les services sociaux
• les sièges d’associations de quartier
• bibliothèque/médiathèque
• organisation d’ateliers socioculturels
• salles de cours et de réunions
• salle d’expositions
• piscine
• gymnase
• théâtre
Objectifs• Renforcer la cohésion sociale grâce à la présence
d’équipements et services urbains dans l’ensemble
de la ville, et notamment dans les quartiers tradi-
tionnellement sous-dotés en services urbains ;
• L’accessibilité à tout un ensemble de services en un
même lieu, c’est l’idée de l’intégration : « différents
services en un seul, au sein duquel le citoyen choisit
en fonction de ses besoins et envies » ;
• La multifonctionnalité des centres administratifs ;
• La mixité et la rencontre des usagers (jeunes
et personnes âgées, vieux quartiers ouvriers et
nouveaux quartiers résidentiels).
Résultats Il existe à l’heure actuelle cinq centres municipaux
intégrés dans les districts les plus peuplés de Gijón.
Ils permettent une présence effective de la mairie
sur l’ensemble du territoire. Chaque centre est
organisé différemment sur la base de la prestation
de services administratifs et d’activités sportives et
socioculturelles proches des habitants.
Au-delà de simples lieux de prestation de services, les
centres s’intègrent à la ville et deviennent des lieux
inclusifs de rencontre, d’échanges entre habitants et
de mélange des pratiques de la ville.
On peut noter à titre d’exemple les statistiques
d’utilisation du centre municipal intégré de Pumarín,
qui s’élèvent à 713 446 utilisations pour l’année 2007
et se répartissent comme suit : 31 % administratives,
30 % sportives, 39 % socioculturelles.
Personne ressourcePaz Fernández Felgueroso, Maire de Gijón
www.giron.es
Actions et initiatives significatives
34
Un exemple de coordination des horaires, « la journée du citoyen », dans la ville de Crémone (Italie)
ContexteÀ l’origine de la coordination des horaires se trouve
la jungle des horaires des guichets de l’administration
publique et leur dispersion dans l’espace. Certaines
de ces entités ne sont localisées que dans des villes
chefs-lieux de province, par exemple Crémone.
Cette configuration spatio-temporelle désarticulée
fractionne sur plusieurs jours la corvée qu’entraîne
une démarche administrative, qui se résume souvent
à un slalom fatigant d’un guichet à l’autre. En outre,
les heures d’ouverture des guichets et des services au
public coïncident avec les horaires de travail. Pour
accéder à un service, les personnes qui travaillent
doivent donc obtenir un congé.
ObjectifsTrouver des solutions pour rationaliser l’accès aux
services administratifs (horaires d’ouverture adaptés,
simplification des démarches…) tout en conciliant
les intérêts des utilisateurs de services et ceux des
travailleurs qui permettent d’offrir cette accessibilité.
Méthode, contenuCette initiative a été gérée par le bureau des temps de
la ville de Crémone, qui a accordé une grande attention
au processus participatif de prise de décisions et de
contrôle de leur application. Une équipe interservices
et institutionnelle a élaboré les nouveaux horaires
des guichets pour les différentes administrations.
Dans le même temps, les syndicats ont redéfini les
conditions de travail des employés concernés par
cette réorganisation. Un travail d’écoute, d’enquête
et d’observation visuelle a permis d’impliquer
dirigeants, employés et guichetiers. Le comportement
et la satisfaction des citoyens ont été étudiés afin
d’évaluer les résultats de l’opération mise en œuvre ;
une campagne d’information auprès des usagers a
été effectuée via la radio et la presse locales. Cette
politique a été complexe à mener en raison du nombre
de décideurs impliqués, des niveaux institutionnels
concernés et de la diversité des intérêts pris en
considération. Le suivi de l’opération indique que les
dirigeants publics, les syndicats et les citoyens sont
satisfaits du résultat qui, en outre, a été pérennisé.
Résultats, évaluation et reproductibilitéLe résultat de « la journée du citoyen » a été le suivant :
tous les guichets de l’administration publique (et, depuis
2000, également certains organismes privés) sont
ouverts le matin, dans une tranche horaire commune du
lundi au vendredi. Le mercredi, jour du marché, tous les
guichets sont ouverts en continu jusqu’à 16h30. Mais
un autre résultat apparaît particulièrement important,
comme cela a pu ressortir d’un colloque réunissant tous
les acteurs : l’apprentissage collectif du partenariat et
la certitude des décideurs qu’il était désormais possible
de travailler ensemble. La décision initiale de ne pas
obliger les institutions à se joindre à « la journée du
citoyen » a été pertinente au vu du nombre d’adhésions
volontaires qui a suivi.
Parmi les principales conclusions, on peut signaler :
• une réduction des pics d’affluence aux guichets ;
• une réduction des temps d’attente pour la prestation
de services ;
• une réduction des plaintes ;
• une approbation d’environ 80 % des utilisateurs ;
• une amélioration de l’image publique des institutions
concernées.
Contacts, ressources en ligneComune di Cremona
Ufficio tempi
www.comune.cremona.it
35
La mobilité, question cruciale pour l’avenir de la villePrincipes, questionnements et messages
Mobilité
Au titre de l’objectif « Mettre en œuvre une politique de développement urbain intégré »
Les déplacements de biens et de personnes ne
suivent pas une loi naturelle qui serait d’une part
invariante, d’autre part orientée tendanciellement
et irréductiblement àla hausse. Ils sont en effet le
reflet de besoins à la fois évolutifs dans le temps et
diversifiés dans leur nature. Focaliser l’attention sur la
gestion des flux sans suffisamment connaître ce qui
les engendre et, par suite, ce sur quoi il est possible
d’agir est aujourd’hui archaïque.
Nos agglomérations ont grandi en taille de population
et en étendue. La population urbanisée va continuer
à croître dans les quarante prochaines années, selon
toute probabilité et si l’on s’en tient aux prévisions
unanimement reconnues comme fondées. Nos
sociétés s’acheminent donc vers une démultiplication
des villes corrélativement à un fort développement
de l’existant. Il devient donc crucial de réfléchir
aux formes urbaines à encourager ou à décourager,
notamment aux rapports entre centres-villes et
banlieues qui seront générateurs de flux accrus tout
en devenant tributaires d’une appréhension nouvelle
des besoins de mobilité et de solutions différentes
de transports. Pour ne pas se contenter de « gérer a
posteriori des flux subis », les zones de pertinence
(inter)modale devront être redéfinies de façon à,
une fois encore, répondre à des besoins de plus
en plus différenciés en nature et par catégories de
population.
En matière de mobilité, concept qui se décline en termes
de déplacements, de transports ou d’infrastructures
selon l’objet traité, une politique de développement
urbain intégré ne peut se concevoir sans une
gouvernance appropriée. Si les politiques de mobilité
prennent racine dans la compréhension des modes de
vie souhaités (et aussi « possibles » dans le contexte
d’une prise en compte des contraintes climatiques
qui s’imposent à tous), alors la participation des
populations devient incontournable. Les formes de
cette participation sont à approfondir et sans doute
à davantage institutionnaliser : atelier participatif,
consultation interactive, e-démocratie, etc.
Un rapide regard sur l’histoire donne des indications
précieuses sur ce que peut être une politique de
développement urbain intégré en matière de mobi lité
et de « déplacements choisis et non subis ». Schéma-
tiquement, plusieurs étapes sont à distinguer, dont :
• Une période initiale où le besoin d’industrialisa-
tion prédomine, en réponse au paradigme de crois-
sance et à la massification des déplacements qui
l’accompagne, avec plusieurs vagues dominantes :
transports par canaux, puis ferroviaires, puis (auto)
routiers. La ville s’est adaptée à leurs exigences, en
faisant toute leur place à ces modes envahissants.
2Table ronde
36
• La période actuelle où les technologies ont révolu-
tionné les moyens de transport en abolissant
toujours plus l’obstacle de la distance et du temps.
En zone urbaine toutefois, l’accroissement de la
vitesse de circulation n’a pas engendré un gain de
temps mais plutôt la possibilité d’une couverture de
distance plus grande.
• La période qui s’ouvre, qui aura prioritairement à
donner une réponse satisfaisante aux problèmes des
nuisances que les périodes précédentes ont créées
en matière de circulation. En tant que paramètres
du dévelop pement urbain intégré, la mobilité va
devoir faire sienne les mots clés de demain qui
sont « coopération et partenariats » (les acteurs),
« adaptation » (les situations), « flexibilité et
ajustement » (les politiques urbaines), « diversité »
(les besoins), « économie » (les ressources,
l’énergie), « alternatif » (les modes), « partage »
(l’espace, les véhicules), etc. La politique de
transport qui réussira sera celle qui aura su prendre
ce tournant sans se focaliser sur le seul besoin
en infrastructures. La mobilité urbaine de demain
relèvera plus d’une « socialisation qualitative des
solutions de déplacements » que d’une « croissance
quantitative de flux à digérer ».
L’espace public est un bien rare qu’il faut économiser.
Celui de la circulation automobile urbaine en
occupe en moyenne environ 30 %, au bénéfice
essentiellement de la voiture conçue comme un moyen
d’acheminement individuel et privé. Cette dernière
est aussi une des plus grosses variables énergivores.
Demain, les tissus urbains devront pouvoir supporter
une diminution de son emprise, en commençant par
la réorganisation des centres-villes, justiciables d’un
traitement différent des couronnes périurbaines.
La spécificité des réseaux, l’organisation d’espaces
partagés, la spécialisation des moyens de transport
sont des axes qu’une politique de « développement
urbain intégré » devrait encore largement explorer et
approfondir.
Ainsi, c’est sur les modèles d’offre plus que sur ceux
de demande de transport qu’il faudra accentuer les
recherches à venir. Les simulations de trafics dessinent
un état des lieux qui reste essentiellement une
résultante du passé. Leur utilisation pour approcher et
décrire les solutions d’avenir devient moins pertinente
sans une remise à plat de ce qui fonde le besoin de
mobilité urbaine.
Au titre de l’objectif « Réinsérer dans la ville les quartiers urbains défavorisés »
La réinsertion des quartiers défavorisés du point
de vue des pratiques de mobilité s’assimile souvent
à la réintégration des banlieues dans le droit à
« l’accessibilité de tous à la ville », mais aussi
plus profondément à la revalorisation, voire la
redéfinition, de l’identité sociale et économique de
leurs habitants.
La première tient au fait que les quartiers sensibles
sont le plus souvent localisés en périphérie
d’agglomérations, là où précisément la mobilité est
réduite par le coût et la distance de déplacements,
et où le transport en commun est plus difficile à
rentabiliser en raison de l’étalement urbain ; c’est-
à-dire là où la différenciation des accès, qu’elle soit
géographique ou sociale, risque de se traduire par
l’exclusion et de peser négativement sur la cohésion
de la ville. Or, « là où le transport public conduit les
citadins à se mélanger, le véhicule privé contribue à la
ségrégation sociale ».
Cet aspect est également important au plan
économique, par exemple par son implication sur le
développement du commerce en agglomération, au
centre comme en périphérie, puisque l’existence ou
non de transports collectifs accroît ou limite sa zone
de chalandise.
37
Mobilité
La question de la revalorisation par la mobilité de
l’identité des quartiers urbains défavorisés tient au
fait que ces derniers sont généralement les principales
poches de pauvreté et de chômage urbain, induisant
repli sur soi et exclusion. Pour certains, l’éloignement
qu’accroissent les difficultés de déplacement contribue
à renforcer le communautarisme et sa recherche de
« l’identité perdue ». Pour d’autres, la facilité restaurée
de déplacement ouvre l’accès à des « contrées
inconnues », favorise l’échange et contribue à la
déségrégation.
Cette dynamique culturelle rejoint celle, économique,
de « l’immobilité forcée des exclus du développement »,
qu’expriment des formulations significatives comme
« bouger pour s’en sortir » ou « mobilité décisive pour
trouver un emploi ».
Plus généralement, la mobilité crée la circulation et
celle-ci accroît la dichotomie entre le résident et le
voyageur en transit, l’intérêt local de l’habitant et
celui général de la cité, l’individu et le citoyen.
Ces constatations illustrent bien à quel point la
mobilité peut-être un facteur clé de (dé)construction
de la cohésion sociale.
Les expérimentations ayant valeur d’exploration et, de
plus en plus, d’innovation sont aussi diverses que les
aspects de la mobilité sont variés. En voici quelques
exemples.
Vers une approche intégrée de la mobilité : exemples des projets de gestion des mobilités dans les quartiers de Poble Nou, Gracia et El Prat de Llobregat à Barcelone (Espagne)
Cet exemple veut être la systématisation méthodo-
logique d’une réflexion engagée à Barcelone pour
tenter d’améliorer la situation de la circulation au
sein d’une trame viaire datant de quelque 150 ans.
Problématique et enjeuxPlusieurs constats sont à l’origine de la démarche
de la ville de Barcelone s’attaquant à une meilleure
résolution des problèmes de gestion de la mobilité
dans ses quartiers :
• la voiture particulière est une grande consommatrice
d’espace (soixante-quinze personnes voyageant dans
soixante voitures particulières pourraient entrer
dans un seul bus) ;
• le « transport durable », qui se caractérise par la
recherche d’économies à la fois d’énergie et d’espace,
exige de trouver des solutions plus appropriées aux
besoins que ce mode de transport individuel, quand
cela est possible ;
• le moyen pour ce faire est de rechercher de nouveaux
modèles d’offres de transport ;
• cela est notamment possible à l’échelle des quartiers
urbains où les motifs et les modes de déplacements
sont plus diversifiés ;
• engager la réflexion sur les centres-villes avant
de chercher à changer la situation en première
et deuxième couronnes relève d’une démarche
pragmatique qui a de plus grandes chances d’être
productive de résultats qu’une approche d’emblée
globale.
DémarcheElle consiste à rendre cohérentes les politiques
Actions et initiatives significatives
38
de déplacements et d’aménagement urbain en les
maîtrisant dans un questionnement simultané
appliqué à des quartiers significatifs (en l’occurrence
Poble Nou, Gracia et El Prat de Llobregat).
ContenuApproche urbanistique : elle se mène géogra phi quement
Au niveau des quartiers, plusieurs propositions
traduites en scénarios ont été émises :
• spécialisation du réseau d’accès automobile, selon la
morphologie de la voirie, la fréquentation (vitesse,
densité) et d’autres paramètres propres au tissu
urbain local ;
• distinction entre réseau pour automobiles, pour
cycles, pour piétons ;
• possibilité ou non d’élimination de stationnement
sur le réseau viaire principal, avec une mise hors
voirie éventuelle ;
• dispositions d’intégration des trois réseaux de
mobilité dans l’espace local ;
• approfondissement des réseaux piétonniers et
cyclables (organisation, coupes en travers) ;
• réintégration des réseaux d’autobus dans l’espace à
desservir, avec leurs problèmes de connectivité.
À l’échelle de l’agglomération, une analyse de la
possibilité d’extension de la démarche a été entreprise,
qui conduit à redéfinir :
• les itinéraires automobiles majeurs de liaisons
interquartiers ;
• les parcours piétons traversant la ville ;
• la voirie cyclable à privilégier en tant que telle ;
• la refonte du réseau de bus.
Analyse de la performance : elle passe par plusieurs
appréciations :
• la mesure des temps d’accessibilité aux différents
points du territoire urbain permet de comparer la
situation de référence initiale à celle des simulations
précédemment effectuées de modification de la
trame viaire ;
• l’évaluation des scénarios est également menée sous
l’angle de la ventilation modale des trafics dans les
espaces urbains desservis ;
• l’estimation de la capacité d’absorption de la
mobi lité par le réseau redessiné des transports en
commun donne une idée des limites de l’application
à l’agglomération d’une politique de mobilité dite
durable.
Au-delà, la réflexion doit s’élargir aux facteurs plus
généraux qui engendrent cette mobilité :
• répartition résidence/emploi ;
• modèles d’urbanisation à revoir, avec trois entrées :
compacte, complexe, diverse.
Le travail en faveur d’une « ville compacte de qualité »
conduit alors à la nécessité :
• d’une offre « d’espaces de séjour » (trottoirs plus
larges notamment) ;
• associée à une offre de rues piétonnes ;
• et aussi à une offre de transport en commun de
qualité.
La diversité sociale peut alors s’accompagner de
parcours à pied qui relient en réseau les équipe ments
ou font le lien entre quartiers socialement fragmentés.
Résultats, reproductibilitéRésultats
Barcelone possédait une trame hier inchangée depuis
1960, bien que la densité du tissu urbain ait augmenté
et qu’il se soit étendu. En 1999, une diagonale a été
créée, avec simultanément la décision de donner
moins d’espace à la voiture.
Les simulations réalisées ont permis de percevoir
des limites de la mobilité. Par exemple, la mesure
précédente a entraîné un accroissement de 6 % de
la densité et une diminution de 9 % de la vitesse de
circulation. À Gracia (80 000 habitants) où 40 000
véhicules se déplacent à l’heure, une diminution du
39
Mobilité
flux de 1 500 véhicules particuliers a montré que le
problème central était celui des… parkings, donc de
la qualité de l’espace à aménager.
Reproductibilité
La démarche, sous sa forme progressive du quartier
local à la ville globale, présente l’avantage d’être
applicable à toute agglomération, au moins de taille
similaire.
Personne ressourceFrancesc Magrinyà, Dép. Infrastructures de transport et
du territoire, université polytechnique de la Catalogne
(Barcelone)
Le péage urbain à Londres (Royaume-Uni)
ObjectifL’initiative prise est partie du constat selon lequel le
secteur des transports représentait 22 % des émissions
de carbone de la capitale britannique, la réduction de
ces émissions étant un enjeu central dans le cadre du
« plan climat » de la ville. Le péage urbain a donc
été envisagé comme un des principaux outils de cette
diminution.
Méthode, contenuDepuis 2003, les automobilistes s’acquittent d’un
péage pour rouler dans l’hypercentre de Londres. Le
péage s’applique à tous les véhicules particuliers et
poids lourds, à l’exception des transports collectifs,
des deux roues et des véhicules de secours. Les
automobilistes pénétrant dans la « Congestion charge
zone » du lundi au vendredi entre 7h et 18h doivent
s’acquitter d’un montant journalier équivalant à
11 euros. Des exonérations existent pour les véhicules
utilisant des carburants alternatifs, et les résidents
de la zone disposent d’une réduction de 90 %. En
cas d’infraction, l’amende est de 160 euros. À partir
d’octobre 2008, les véhicules peu polluants seront
exonérés de taxe et les véhicules très polluants
paieront un prix supplémentaire sans réduction, même
pour les résidents de la zone.
Le système est géré par une société privée qui s’appuie
sur des caméras de surveillance. Les coûts fixes
du dispositif sont de 33 millions d’euros amortis sur
dix ans et les coûts d’exploitation sont de 145 millions
d’euros par an. Le péage et les amendes rapportent
chaque année 320 millions d’euros, ce qui représente
un revenu de 135 millions d’euros pour la ville qui
sont réinvestis dans l’amélioration du système de
transport en commun dont la qualité s’est accrue
depuis l’introduction du péage.
Résultats, évaluation et reproductibilitéLe système de péage est évalué annuellement par
l’autorité organisatrice des transports de Londres. Le
bilan actuel de la mesure est positif : amélioration
de la fluidité du trafic sans report sur les zones
périphériques, économies de carburants, diminution
des émissions de polluants locaux.
Depuis février 2008 un système de péage pour les
poids lourds a été mis en place dans une zone presque
équivalente à la totalité du Grand Londres (1 580 km²).
Le coût du système ne sera pas couvert par les recettes,
mais les principaux bénéfices sont attendus en termes
de santé publique.
Un péage à destination des poids lourds est déjà
en place dans plus de cinquante villes de huit
pays européens (dont la Norvège, les Pays-Bas et
l’Allemagne).
40
Deux innovations du SCoT de Métropole Savoie : le « chrono aménagement » et l’intégration des places de stationnement au sein de la surface construite (France)
Objectif, contexteCe schéma de cohérence territoriale (SCoT), approuvé
en juin 2005, entend privilégier l’urbanisation des
secteurs desservis par les transports en commun pour
maîtriser l’étalement urbain et limiter les déplacements
en voiture.
Méthode, contenuCes deux objectifs ont conduit à l’élaboration
conjointe d’un « plan de déplacements urbains »
fondé sur l’identification des zones urbanisables à
terme, qui seront reliées en moins de vingt minutes
de transport en commun au centre-ville de Chambéry.
Les périmètres d’urbanisation sont donc définis sur la
base du temps de transport nécessaire pour rejoindre le
centre-ville ou les zones d’activité économique. C’est
pourquoi on peut parler de « chrono aménagement ».
Le SCoT fixe par ailleurs des objectifs en termes de
densité et de mixité des zones, incluant des zones
réservées à l’urbanisme commercial. Ainsi, la surface
maximale pouvant être consacrée chaque année
aux activités commerciales est arrêtée à 9 000 m²,
ce qui oblige les grandes enseignes de périphérie à
intégrer au titre de la surface construite des places
de stationnement.
Résultats, évaluation et reproductibilitéLes deux dispositions ainsi prises convergent sur
une meilleure maîtrise simultanée d’une mobilité
améliorée, d’une consommation d’espace diminuée et
d’une gestion territoriale optimisée.
Organisme ressourceGroupement des autorités responsables des transports
(GART) - France
www.gart.org
Document sourceUrbanisme commercial et politique de déplacements :
jalons pour un aménagement économique durable
www.idluam.org/files/urbanismo/
InformeFRUrbCommercial.pdf
Le covoiturage en France et en Europe
Objectifs, contexteEn France, on peut recenser approximativement
soixante-dix-huit sites Internet dédiés au covoiturage,
ouverts à tous, et qui rassemblent près de 430 000
inscrits et 500 000 annonces. Ces sites sont mis
en œuvre principalement par des associations de
covoiturage, mais également des conseils généraux et
intercommunalités (24 %). Il existe des opérateurs de
covoiturage (Greencove, Ecolutis, LaRoueVerte, etc.)
spécialisés dans des prestations de fourniture de sites
à des collectivités ou entreprises.
Entre 1990 et 2007, les sites Internet recensés sont
passés de moins de dix à plus de quarante, évolution
traduisant l’ampleur du phénomène. Plus de la moitié
des sites proposent à la fois des trajets réguliers
(domicile-travail ou domicile-école) et des trajets
occasionnels (notamment sur de longues distances),
mais dans 32 % des cas ce sont principalement des
trajets réguliers qui sont présentés. Le mode de mise
en relation va du simple affichage des coordonnées par
les covoitureurs avec prise de contact directe, à des
systèmes d’alerte par mail indiquant aux inscrits les
personnes pouvant satisfaire à leur trajet. Dans 84 %
des cas, une charte fixe un minimum de règles pour que
le covoiturage se passe dans de bonnes conditions.
41
Mobilité
Au Royaume-Uni, le covoiturage existe depuis 1997
et la création, sur le site Internet www.liftshare.org,
d’une base de données nationales grâce à laquelle
l’opérateur propose ses services aux entreprises, aux
autorités locales, aux établissements scolaires, aux
hôpitaux, aux universités, aux services de l’État et aux
parcs d’activités.
Début 2007, le site Liftshare comptait plus de
150 000 personnes inscrites, dont 50 000 inscriptions
pour la seule année 2006, et 33 millions de kilomètres
économisés cette année-là réduisant l’émission de gaz
à effet de serre de 10 000 tonnes.
Méthode, contenuCe service consiste à analyser les besoins de la
communauté en jeu par l’intermédiaire de conférences
et de campagnes de sensibilisation, et à proposer
ensuite sur le site Internet de covoiturage une offre
propre à chacune des structures :
• types de trajets recherchés, outil cartographique,
visualisation des membres à contacter, information
sur les autres modes de transport envisageables,
calcul dynamique du CO2 économisé ainsi que des
kilomètres évités et du nombre d’arbres sauvés ;
• fiches téléchargeables pour sensibiliser et expliquer
la démarche de covoiturage aux usagers et nouveaux
adhérents au système.
Résultats, évaluation et reproductibilitéCette solution de transport est particulièrement
adaptée dans le cas où le développement d’une offre
de transport en commun est faiblement pertinente, en
raison de l’étalement urbain ou de l’éloignement des
pôles générateurs de trafic des centres urbanisés.
Des versions du covoiturage dites « dynamiques »,
appelées par ailleurs « dynamic ridesharing » ou
« real-time ridesharing », permettent d’améliorer
l’offre par une plus grande flexibilité et une rapidité
accrue du système de correspondance des trajets et de
mise en relation des utilisateurs. Ainsi, sous réserve
d’inscriptions préalables mais non indispensables, des
trajets peuvent être proposés quasi instantanément
grâce à l’utilisation de requêtes par SMS et Internet
mobile par voie téléphonique.
Organisme ressourceCertu
www.certu.fr
Autopartage
Objectif, contexteL’autopartage, concept qui réunit déjà quelque 200 000
adhérents en Europe, est un service comparable au
véhicule individuel. Il s’agit d’une formule de location
qui vise à allier les avantages d’un véhicule individuel
et de la location, qui ne coûte que lorsqu’on l’utilise.
Caisse-Commune, première société à développer le
concept d’autopartage en France, développe ainsi
une offre de ce type depuis huit ans sur le territoire
parisien. Aujourd’hui cette société exploite un réseau
de 23 stations, 100 véhicules mis à la disposition de
plus 2 000 adhérents.
Méthode, contenuL’objectif est de permettre une mobilité à la fois
flexible et respectueuse de l’environnement :
Collectifs
USAGERS
INSTITUTION GESTIONNAIRE
Individuels
Particuliers (ménage
ou entreprise)
Associations (coopératives…)
Entreprises (société
de service)
Service public (autorité organisatrice
ou société concessionnaire
Semi-collectifs
Transport en commun
Véhicule personnel
Taxi collectif
Taxi multi-services
NOUVEAUX USAGES DES TAXIS
VÉHICULES PARTAGÉS
TRAJETS PARTAGÉS
Minibus (van pool)
Covoiturage
Multivoiturage Libre-service automatiséLocation
courte durée
42
• flexible : réservation simplifiée quelques minutes ou
jours avant la course ; sur simple appel téléphonique ;
pour l’heure, la journée ou le mois ; avec mise à
disposition immédiate ; sans le souci de la gestion
d’une voiture privée (assurance, parking) ni de sa
mainte nance (révision, réparation, nettoyage).
• respectueuse de l’environnement :
- la possibilité d’un choix instantané du mode de
transport le plus adapté au trajet à effectuer réduit
statistiquement de 50 % le kilométrage en voiture
par rapport à la moyenne des conducteurs, et
engendre 35 % de kilomètres en plus en transport
en commun et en taxis ;
- une voiture ainsi partagée remplace l’équivalent
de huit véhicules, ce qui libère de l’espace sur
la voirie pour les autres modes (les piétons, les
cyclistes et les transports en commun).
Résultats, évaluation et reproductibilitéLe concept permet, grâce à un simple appel
téléphonique, de disposer d’une voiture pour une ou
plusieurs heures, quelques jours ou un mois, y compris
pour un départ immédiat et ceci 24h/24 et 7j/7.
En France, le Predit (Programme de recherche et
d’innovation dans les transports terrestres), avec les
participations du constructeur automobile Renault
et la coopération de la RATP (Régie autonome de
transports parisiens), soutient l’autopartage pour ses
qualités d’innovation propres à « améliorer la qualité
de vie urbaine et des transports » en favorisant « le
rééquilibrage des modes ».
Organisme ressourceCertu
www.certu.fr
Un bureau de la mobilité en gare de Nanterre-Université : Voiture & co et Maison des transports (France)
Objectifs, contexteL’association Voiture & co a été créée en 1998 pour
œuvrer dans le sens du développement durable dans
le domaine des transports. Le deuxième objet de cette
structure est d’agir pour l’environnement et la sécurité
routière, dans un cadre plus large mais toujours à
travers la thématique des transports.
Voiture & co assure deux principaux pôles d’activité
distincts :
• un pôle événementiel qui s’occupe du covoiturage
pour les festivals souvent nocturnes ;
• un pôle régulier qui tente d’organiser le covoiturage
pour les déplacements domicile-travail ou études.
Dans ce cadre, Voiture & co a mis en place une
« centrale de mobilité ».
Méthode, contenuExemple de la centrale de mobilité du Petit
Nanterre
Le quartier du Petit Nanterre (à Nanterre, dans la
banlieue parisienne) est enclavé en raison de la
proximité d’une autoroute et de voies ferrées. Il est
un quartier prioritaire de la politique de la ville.
30 % de sa population est au chômage et le taux de
motorisation y est inférieur à 50 %. Aspect positif
néanmoins, la vie associative y est très dynamique et
développée. Les associations du quartier ont interpellé
les pouvoirs publics depuis 2001 pour solliciter des
actions visant à améliorer l’accessibilité.
Après étude, il a été proposé, entre autres actions,
de créer une « centrale de mobilité » qui serait un
lieu d’informations et de services concernant tous
les modes de transport alternatifs, œuvrant pour le
développement durable et l’alternative à la voiture.
43
Mobilité
Le projet de Voiture & co a été retenu dans le cadre de
l’appel à projets « Mobilité urbaine pour tous », lancé
par la Direction des transports terrestres (DTT) et la
Délégation interministérielle à la ville (DIV) et visant à
favoriser l’expérimentation de dispositifs innovants de
transports dans les quartiers de la politique de la ville.
La centrale de mobilité du Petit Nanterre poursuit un
double but :
• Objectif social : proposer des systèmes de transport
accessibles à tous et apporter des services permettant
de contribuer au désenclavement des territoires les
plus défavorisés.
• Objectif environnemental : favoriser la complé-
mentarité entre les modes de transports, développer
de nouveaux usages de l’automobile, promouvoir les
transports respectueux de l’environnement.
Son comité de pilotage réunit, à l’origine, divers
partenaires privés et publics : Etat, collectivités
territoriales, acteurs publics et privés des transports
et de l’environnement, associations locales,...
Des études préparatoires ont été menées :
• faisabilité (mieux connaître les enjeux de dépla-
cements et la réceptivité de la population) ;
• mise en place d’un dispositif de coévaluation
(120 indicateurs pour évaluer le dispositif en termes
d’exploitation d’activité, de pratiques modales et de
qualité de service).
La Maison des transports fournit des informations sur
tous les modes de transport, la voiture comprise. Ses
animateurs offrent des conseils personnalisés à la
mobilité, et aident à la rationalisation des pratiques
de déplacements, notamment par l’évaluation du coût
d’utilisation d’une voiture par rapport à l’utilisation
des transports en commun. La Maison des transports
mettra à disposition des services de transport alternatif
comme la location de vélos ou le covoiturage. Enfin,
des actions en faveur de la sécurité routière seront
menées par les animateurs.
Résultats, évaluation et reproductibilitéVoiture & co cherche à valoriser les dispositifs d’actions
existants pour l’insertion et l’accès à l’emploi en se
positionnant comme un interlocuteur bien identifié
pour les questions de déplacements, notamment en
communiquant sur les aides permettant de faciliter
l’accès aux transports des demandeurs d’emploi.
L’association espère également que les travailleurs
sociaux dirigeront vers elle les publics en difficulté de
mobilité. En effet, la centrale permettra d’accompagner
ces publics vers un retour à la mobilité grâce à ses
services classiques (offre de transport solidaire et peu
coûteuse, information sur l’offre existante), mais aussi
en proposant une formation sur l’orientation urbaine
et l’utilisation du réseau de transports collectifs
(projet en développement avec la RATP).
Le dispositif est en cours d’extension sur d’autres villes
comme Marseille.
Autres exemples dans le domaine des transports de marchandises en ville
• Gestion de la voirie urbaine à usage partagé
(Barcelone)
• Contraintes d’accès en ville en véhicules propres
(Copenhague)
• Expérience d’un « tramfret urbain » pour Volskwagen
(Munich)
• Organisation d’un centre de distribution urbaine de
fret en univers contraint (Monaco)
• Création d’une chaîne de transport fer/route de
desserte des magasins Monoprix (Paris)
4444
Au titre de l’objectif « Mettre en œuvre une politique de développement urbain intégré »
Aujourd’hui, la culture n’est plus une dimension
option nelle du développement urbain, mais
une dimension qui doit être considérée comme
décisive pour le dévelop pement durable des
villes. La culture est parfois considérée comme le
quatrième pilier du développement durable après
l’économie, l’inclusion sociale et l’environ nement,
ce qui est par ailleurs exprimé dans le document
Agenda 21 de la culture, proposé par l’association
mondiale Cités et gouvernements locaux unis (CGLU).
L’approche culturelle du développement urbain durable
devrait ainsi obtenir sa place dans le référentiel du
développement urbain durable (à titre d’exemple, la
charte de Leipzig ne mentionne que certains aspects
du développement culturel, sans le traiter dans son
ensemble). L’objectif serait que tous les plans de
développement durable d’une ville incluent une forte
dimension culturelle, très explicite, et demandent la
participation des acteurs culturels de la ville.
Il est de la responsabilité des acteurs culturels d’attirer
l’attention sur cette urgence, à l’aide de réseaux
internationaux divers tels Eurocités, Cités Unies -
CGLU, Banlieues d’Europe et, bien sûr, de la Direction
générale culture de la Commission européenne.
Pour que la culture soit vraiment admise en tant que
dimension clef du développement durable, il est tout
d’abord nécessaire que les gouvernements adoptent
une stratégie culturelle solide qui réponde aux valeurs
intrinsèques que la culture et les arts apportent au
développement durable : la mémoire, la créativité,
la ritualité, la connaissance critique et la diversité ;
il importe ensuite d’échapper au cloisonnement
institutionnel et de travailler en partenariat et en
complémentarité avec les acteurs économiques,
sociaux et environnementaux.
Parmi les multiples effets de la culture sur le
développement urbain intégré et la cohésion sociale,
deux sont à souligner particulièrement :
• Culture et tolérance : à travers son rôle éducatif,
la culture apprend aux habitants la tolérance et
la capacité de vivre ensemble. Elle a une forte
capacité d’atténuer les tensions sociales, améliorer
la qualité de vie et l’attractivité de la ville en
offrant aux différents groupes sociaux diverses
formes de divertissement culturel et des possibilités
de rencontre, de participation et de création. Les
actions culturelles sont susceptibles de sensibiliser
les habitants aux problèmes sociaux.
• Les politiques et actions culturelles peuvent renforcer
l’intégration et l’identité des villes périphériques
des métropoles, qui ont connu des transformations
importantes de leur composition sociale et de
leurs fonctions sous l’effet du développement
La culture, moteur de la cohésion socialePrincipes, questionnements et messages3
Table ronde
45
Culture
métropolitain. Dans la majorité des cas, cette
croissance n’a pas été accompagnée de la création
d’équipements sociaux et culturels ou d’espaces
publics et communs. Ce type de développement
tend à effacer les appartenances culturelles et les
références identitaires (il a conduit à la perte des
cultures et des identités initiales) et à aggraver
les tensions sociales dans ces villes. Les actions
culturelles permettent aux villes périphériques de
redevenir créatrices de leurs cultures en revitalisant
une offre culturelle qui les rende compétitives par
rapport à celle de la grande ville. La mise en place
des actions et des infrastructures culturelles permet
également de renforcer le sentiment d’appartenance
à la ville.
Une politique culturelle de qualité nécessite une
bonne gouvernance : la culture tend à être un
domaine de compétence de niveau local, c’est donc
aux collectivités locales que revient la tâche d’initier
une politique culturelle stratégique et de qualité basée
sur :
• une gestion financière articulée avec les autres
échelles de l’administration (nation, région, etc.) et
les autres acteurs ;
• la définition des priorités et la prise en compte des
effets du développement culturel (par exemple,
sur l’économie locale, sur la création d’emplois,
sur l’attraction d’investissements immobiliers ou
sociaux, sur les politiques du renouvellement urbain,
etc.) ;
• l’insertion de la stratégie culturelle dans les priorités
d’ensemble du développement urbain et local.
Au titre de l’objectif « Réinsérer dans la ville les quartiers urbains défavorisés »
Lors de la mise en place des politiques culturelles
visant la réinsertion des quartiers urbains défavorisés,
il est important de choisir le bon point de départ.
Ainsi, dans un premier temps, le contact direct avec
la population ciblée est un défi plus immédiat que
celui de l’attraction d’un art « professionnel » sur le
territoire. Une solution idéale est donc la création de
centres culturels offrant l’accès de tous à la culture,
ainsi que la possibilité d’établir un travail commun
avec les écoles, un contact direct entre les artistes et
le public, etc.
Il est préférable de donner une place aux initiatives
sociales émanant d’individus ou de groupes dont la
créativité est à même d’attirer la participation active
d’un public large.
La fonction éducative de la culture est importante mais
elle est aussi à repenser : l’accès à des expériences
directes donne plus de résultats que l’enseignement
traditionnel basé sur la hiérarchie entre professeur et
élève.
Il est attendu des politiques culturelles intervenant
au bénéfice de l’insertion urbaine la mise en place
d’un réseau d’infrastructures sociales et culturelles
(bibliothèques publiques, espaces pour les jeunes,
lieux d’expositions, etc.), des événements réguliers
(festivals, cycles, etc.). Elles doivent pouvoir attirer
des artistes renommés et de l’art de qualité afin de
se positionner à l’échelle urbaine. Ces politiques sont
nécessairement orientées vers l’accès de tous à la
culture et à un art de qualité.
La création des espaces publics porteurs de l’identité
de la ville, mais aussi lieux de rencontre, espaces
de partages, lieux de la création commune et de
l’interaction, est un enjeu fondamental (la question
se pose pour les politiques publiques et culturelles).
Comment faire de l’espace public une potentialité
d’espace culturel ? Comment inventer de nouveaux
espaces et quels sont les critères qui permettent de
qualifier de public un espace (à partir de quel niveau
peut-on appeler un espace « public ») : par exemple,
46
Les politiques culturelles visant l’insertion sociale à Helsinki (Finlande)
Contexte et enjeux L’objectif des politiques culturelles d’Helsinki est
d’introduire des pratiques contribuant à la cohésion
sociale. Dans un premier temps, la priorité fut mise
sur le renforcement d’une culture professionnelle
de haut niveau : par exemple, la mise en scène de
pièces de théâtre professionnelles. Une grande partie
de la population est cependant restée à l’écart de
ces actions par désintérêt, et le théâtre de la ville
a été dévitalisé en raison du manque de recettes. La
municipalité d’Helsinki a décidé alors de favoriser des
actions permettant l’intégration des quartiers et des
groupes défavorisés ou porteurs de besoins spécifiques
(les jeunes ou les personnes âgées).
Objectifs • Créer des actions culturelles de proximité au lieu
du renforcement de l’art professionnel (centres
culturels, festivals, initiatives sociales) ;
• Chercher une solution pour la bonne gouvernance :
comment mélanger et rassembler ces acteurs qui
représentent chacun des points de vues différents ?
(festivals) ;
• Trouver des moyens souples pour le financement et
le soutien des initiatives culturelles locales, afin de
pouvoir donner une réponse rapide aux demandes
spontanées.
Résultats• Création d’un réseau de centres culturels situés en
proximité des banlieues, dont l’un est devenu le lieu
culturel le plus important de la ville. Les activités dans
ces centres se fondent sur un travail commun avec les
écoles, le contact permanent entre les artistes et les
enfants visant à contribuer à une nouvelle méthode
d’enseignement culturel basée sur le transfert direct
des expériences de l’artiste vers l’enfant ;
• Soutien apporté à des initiatives sociales, par exemple
celle d’une photographe professionnelle qui a collecté
des albums de photos de familles. Ayant recueilli
50 000 photos, elle les a mises sur un site Internet
qui est aujourd’hui un des plus visités, par des
internautes venant des quatre coins du monde.
Cette initiative a attiré des personnes âgées, se
reconnaissant sur les photos, vers l’utilisation
d’Internet et de l’infor matique, à travers l’accès
électronique aux photos.
En termes de bonne gouvernance et du rapprochement
d’intérêts divers, il s’est avéré que les festivals
peuvent jouer un rôle primordial : ils ont une capacité
particulièrement forte d’insertion et d’enseignement,
notamment à la tolérance. Exemple : un groupe de
personnes a créé un festival de métal rock dans un
un appartement ouvert pon ctu el lement pour un
petit concert de guitare devant quinze voisins dans
l’immeuble est-il un espace public ?
Le système de financement public des projets culturels
est à revoir quand il s’agit des projets d’insertion
urbaine. Le financement public de la culture passe
par des procédures assez lentes et risque souvent
de mener à l’essoufflement des projets, alors que
ces derniers résultent d’idées spontanées répondant
à des questions immédiates et qui nécessitent donc
des réactions rapides de la part de l’autorité publique.
Ainsi un petit financement mis à disposition dans un
délai bref est souvent préférable à un financement
lourd dont la décision prend beaucoup de temps.
Actions et initiatives significatives
47
Culture
parc d’Helsinki. Les habitants du voisinage se sont
extrêmement inquiétés du fait d’une connotation très
négative du métal rock et s’attendaient à ce que la ville
soit mise à sac, qu’il y ait des tags partout, etc. Mais
cela n’a pas été le cas : le festival a eu un immense
succès, avec 20 000 tickets vendus dès la première
année ; 2008 a été sa dixième édition. Le voisinage
et l’ensemble de la ville sont fiers de ce festival qu’ils
considèrent comme « le leur ».
Au niveau du financement culturel, la ville d’Helsinki
s’est vite rendu compte du besoin de raccourcir le
temps de réaction aux demandes de subventions
pour des projets culturels ponctuels. La municipalité
garantit une réponse en deux semaines, en moyenne.
Cette politique lui permet de suivre l’évolution de la
scène culturelle de très près et de réagir aux initiatives
créatrices et répondant aux demandes immédiates.
La personne ressourceMarianna Kajantie, directrice de la direction Culture,
Helsinki
www.hel.fi
Les politiques culturelles en vue du développement durable et intégré de Trzin (Slovénie)
ContexteTrzin est une ville de 4 000 habitants située à 12 km
de Ljubjana. Elle a connu une croissance et une
transformation fortes depuis 1995, en raison de la
périurbanisation et de la suburbanisation éco nomique
qui se traduisent par l’implantation de 700 entreprises,
attirant 7 000 personnes tous les jours. La commune a
obtenu le statut de ville et a créé sa collectivité locale
en 1999, avec, à sa tête, le maire M. Peršak.
Le développement rapide de la ville a généré une
tension sociale aiguë et un niveau d’intolérance élevé,
tout particulièrement entre les habitants du village,
les nouveaux venus et ceux qui y viennent travailler
chaque jour.
La nouvelle stratégie de la municipalité est de rendre
la ville plus confortable, plus sociale et plus agréable
afin de susciter une meilleure intégration.
Actions stratégiques• Stimulation de la création de nouvelles associations
bénévoles
• Création d’espaces publics et mise en place d’une
infrastructure sociale et culturelle (bibliothèque,
espace pour les jeunes…)
• Événements culturels qui permettent le dévelop-
pement d’une offre de culture de qualité, améliorant
la compétitivité culturelle de Trzin par rapport à
celle de Ljubjana
Résultats• Augmentation du nombre des associations de cinq
à vingt en 2008 (associations pour la défense des
intérêts des différents groupes d’âges, associations
sportives et culturelles)
• Création d’une bibliothèque municipale, d’un centre
social, de terrains de jeux et d’une place centrale
ornée d’une fontaine
• « Le printemps de Trzin » – festival en mai-juin
chaque année, avec des événements tous les week-
ends : théâtre, concerts, groupes folkloriques, etc.
• « Soirées littéraires » – une série d’événements
littéraires
• Invitation de groupes de théâtre de Ljubjana
Personne ressourceTone Peršak, écrivain et maire de Trzin
www.trzin.si
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Un organisme facilitateur des politiques culturelles publiques : Federculture (Italie)
L’organisme et ses objectifs Federculture est un groupement de régions,
de municipalités et d’entreprises publiques
locales, intervenant en termes de services et
d’actions culturels, touristiques, de loisirs et
de sports. Actuellement, il rassemble 8 régions,
11 provinces, 100 municipalités locales, 77
services culturels, 8 services touristiques,
4 centres sportifs et 7 parcs nationaux.
L’objectif de l’organisme est de susciter le
développement économique et social au niveau
local en facilitant le fonctionnement des musées,
théâtres, bibliothèques, parcs, sites archéologiques
et touristiques et lieux de sport. Federculture est
un dispositif national qui intervient auprès des
fondations, associations, entreprises publiques, etc.
Federculture est à la fois une assocation d’opérateurs
culturels et un « point de rencontre » pour l’échange
d’expériences et le dialogue entre les différents
institutions et organismes publics et privés.
En même temps, à travers son forum organisé chaque
année, Federculture est supposé devenir un centre
de ressources et de réflexion pour une meilleure
intégration des enjeux du patrimoine culturel et du
développement local dans les politiques nationales.
Actions• Négociation des contrats des employés du secteur
public dans le domaine culturel, touristique et
de sport, dans le cadre du contrat national de
l’emploi. Cette activité permet de contribuer à
l’amélioration des services et de l’offre dans les
domaines de la culture, du tourisme, des sports
et de l’environnement en termes de qualité,
d’accessibilité et de sécurité des services.
• Organisation de « Ravaello LAB », un forum annuel
destiné à débattre des aspects de la relation
entre culture et développement local. La première
rencontre de 2006 a traité des « territoires du
patrimoine culturel », la deuxième, en 2007, de
« l’économie culturelle dans l’Europe des 27 » et la
troisième, en 2008, de « l’économie et la société
de savoir – les politiques culturelles dans la région
euro-méditer ranéenne ».
Résultats concretsCertaines villes en Italie ont mis en place des
entreprises culturelles (Fondazione Musica per Roma,
qui gère un auditorium construit par Renzo Piano,
Fondazione Musei Civici Veneziani, Fondazione Torino
Musei, etc.), un modèle pour la gestion efficace de
l’offre culturelle croissante des villes.
PhilosophieLa culture, dans son sens large, est un des facteurs
les plus importants contribuant à l’évolution civile,
sociale et économique des sociétés.
Les collectivités locales jouent un rôle prépondérant
dans l’amélioration de l’offre et des services culturels
et à travers ceci, dans le développement de l’ensemble
de leur communauté ; mais pour ce faire, elles ont
besoin d’une vision stratégique du développement
territorial.
Cette vision stratégique nécessite :
• une bonne connaissance et un intérêt fort des
décideurs en matière d’innovation ;
• la création de modèles de gestion et d’organisation
pour les entreprises culturelles permettant de définir
les tâches de contrôle de l’administration publique ;
• des ressources financières et professionnelles pour
la mise en place des processus culturels innovants ;
• des partenariats public-privé.
49
Culture
La vision stratégique doit s’étendre aussi sur la
régénération urbaine et la planification des investis-
sements en infrastructures culturelles (bibli othèques,
musées, théâtres, etc.)
L’objectif principal du développement de l’offre
culturelle publique n’est pas d’ordre économique,
mais concerne l’amélioration de l’intégration et de la
cohésion sociales.
www.federculture.it
50
Au titre de l’objectif « Mettre en œuvre une politique de développement urbain intégré »
L’amélioration de l’efficacité énergétique d’une ville
interroge l’ensemble des fonctions urbaines : habitat,
emploi, transports, organisation de l’espace urbain,
offre de commerces, de services, d’équipements, de
loisirs…
Les politiques énergétiques locales doivent donc être
abordées de manière globale et transversale ; elles
supposent que la plupart des politiques publiques
sectorielles soient repensées à l’aune de la question
énergétique, depuis l’aménagement du territoire
jusqu’à la stratégie de développement économique, en
passant par la mise en œuvre de nouvelles formes de
mobilité, par exemple.
Ces politiques sont une opportunité majeure de
développement économique local, en particulier dans
le cadre de la crise actuelle qui nécessite de trouver
de nouveaux axes de progrès pour appuyer la relance :
appui sur des ressources endogènes, développement
de compétences locales en matière d’économies
d’énergies et d’énergies renouvelables.
De telles politiques nécessitent de faire évoluer les
règles (pour l’amélioration du bâti notamment :
règles d’urbanisme, règles de copropriété, règles
locatives…), mais aussi les pratiques aux différentes
échelles d’intervention (de la collectivité à l’habitant
en passant par tous les partenaires intervenant dans les
domaines de l’habitat, de l’urbanisme, des transports).
Les politiques axées sur l’amélioration de l’efficacité
énergétique par la mise en œuvre de solutions
techniques (amélioration de la desserte en transports
en commun, production d’énergie et de chaleur,
isolation du bâti…) ne peuvent aller sans une démarche
d’éducation auprès d’un public le plus large possible.
Cette éducation doit permettre une appropriation des
enjeux énergétiques par la population et une évolution
durable des comportements.
La mise en œuvre de politiques énergétiques
vérita blement efficaces et transversales nécessite
imagination et volonté politiques : les élus sont des
moteurs essentiels de ces démarches ; ils doivent donc
être particulièrement bien informés.
La mise en œuvre de telles politiques montre que le
niveau local est un lieu d’innovations et d’initiatives
qui doit servir de moteur pour le niveau national ; le
niveau national doit quant à lui proposer des cadres
(juridiques, financiers, partenariaux…) qui facilitent
l’action.
La mise en lumière d’expériences locales reproductibles
aidera de manière significative à la diffusion de
Des politiques énergétiques locales au service de tousPrincipes, questionnements et messages4
Table ronde
51
Politiques énergétiques
nouvelles pratiques et à l’émergence d’initiatives
locales ambitieuses.
Au titre de l’objectif « Réinsérer dans la ville les quartiers urbains défavorisés »
Les quartiers urbains défavorisés cumulent parfois
des désavantages du point de vue de l’efficacité
énergétique : transports en commun peu performants,
logements thermiquement dégradés, éloignement vis-
à-vis des commerces, des équipements et des services.
En particulier, l’éloignement des fonctions urbaines
essentielles et l’inadéquation des transports en commun
entraînent des dépenses de transport qui alourdissent
le budget consacré aux dépenses énergétiques.
Ces quartiers accueillent généralement les populations
les plus démunies, qui sont les plus touchées par le
phénomène de précarité énergétique.
Précarité, pauvreté, isolement sont des facteurs
aggravants des conditions de vie dans les quartiers
urbains défavorisés : ces derniers constituent donc
une priorité dans la mise en œuvre de politiques
énergétiques locales.
Le problème du chômage, et notamment du chômage
des jeunes, est particulièrement important dans les
quartiers urbains défavorisés : la mise en place de
formations vers de nouvelles compétences (économies
d’énergies, énergies renouvelables…) y constitue un
enjeu majeur.
Réhabilitation thermique d’un parc de logements publics thermiquement très dégradés : Ville de Brno, district de Novy Liskovec (République tchèque)
Contexte Capitale de la Moravie, Brno est la deuxième plus grande
ville de République tchèque avec une population de
390 000 habitants ; elle est située au confluent des
rivières Svitava et Svratka. La ville est composée de
plusieurs quartiers, dont le district de Novy Liskovec.
Une démarche de réhabilitation des logements publics
les plus dégradés thermiquement a été engagée sur ce
district.
Les objectifs de la démarche• Rénover et redynamiser un parc de logements
publics fortement dégradés d’un point de vue
thermique ;
• Réduire les charges liées à l’énergie pour les ménages
démunis vivant dans ces logements ;
• Améliorer la qualité de vie dans les logements.
Description / mise en œuvreEn 1998, une stratégie de rénovation de logements
énergivores de la ville de Brno a été mise en place. Il
s’agissait de redynamiser puis, à terme, de privatiser
ces logements dégradés, mais aussi d’aménager de
nouveaux logements locatifs grâce, notamment, à la
coopération d’investisseurs privés.
80 % des habitants du district de Brno vivent dans ces
logements de fabrication industrielle, et un tiers de
ces logements appartiennent à la municipalité (le reste
appartenant à des bailleurs et à des entreprises privées).
Une concertation a été menée pendant dix-huit
mois, qui rassemblait les résidents, des experts
des universités et des associations et ONG. Cette
Actions et initiatives significatives
52
concertation a abouti à l’élaboration d’un schéma de
réhabilitation et d’un cahier de mesures techniques
pour la rénovation thermique.
Dix immeubles de 384 appartements ont été rénovés
dans le district de Brno. Les travaux de réhabilitation,
décidés avec les habitants, ont porté notamment sur
la réhabilitation des murs, l’installation de nouveaux
châssis de fenêtres, l’isolation des toits, la modernisation
des systèmes d’eau chaude et de chauffage.
Ces mesures techniques ont été accompagnées de
mesures de gestion : un système de suivi des données
énergétiques a notamment été mis en place dans
chaque logement. Chaque résident peut dès lors suivre
sur un site Internet dédié les améliorations apportées
et les économies d’énergie qui en découlent. Cette
interactivité a permis une grande implication des
habitants.
Les travaux ont entraîné 70 % d’économies d’énergie
sur le chauffage et 34 % sur l’eau chaude, ce qui
représente approximativement une réduction des frais
de 500 euros par an et par famille.
Le coût du logement pour les locataires, de même
que les charges des bailleurs, ont ainsi été réduits
durablement.
Cette expérience montre que la rénovation thermique
des bâtiments est une façon efficace et durable de
lutter contre la précarité énergétique, et qu’elle doit
prendre appui à la fois sur une volonté politique forte,
sur une coopération avec les investisseurs privés, et sur
une implication large de toutes les parties prenantes :
habitants, experts, associations.
Les personnes ressourcesJana Drapalova, maire du district de Novy Liskovec,
ville de Brno
www.novy-liskovec.cz
Stratégie d’économie d’énergie de la ville de Heidelberg (Allemagne)
ContexteLa ville de Heidelberg est connue en particulier
pour son tourisme et ses universités.
En 1991 est parue une étude sur les émissions de
CO2 de la ville : cette étude a été l’une des bases de
l’engagement de la ville dans une démarche de ville
durable et viable.
Les objectifs de la démarche• Réduire les consommations des établissements
scolaires pour dégager des économies pouvant servir
à réinvestir dans la collectivité ;
• Mettre en place une démarche large d’implication
des citoyens de la ville.
Description / mise en œuvreL’étude parue en 1991 a montré que la majeure partie
des émissions de CO2 provenait des ménages et des
établissements scolaires, qui sont pour la plupart
privés. Il a donc été décidé d’impliquer les sociétés
privées dans la démarche.
La méthode employée pour réduire les consom-
mations énergétiques des établissements scolaires de
Heidelberg peut être définie suivant trois grands axes :
Dans un premier temps, la ville a mené une étude pour
savoir quelle était la consommation d’énergie annuelle
d’un établissement scolaire. Elle a alors constaté que
le gisement d’économie d’énergie (près de 39 %)
était considérable, et que le gain économique que
cela représentait pouvait être utilisé pour d’autres
investissements d’intérêt collectif, comme par exemple
la construction de nouvelles infrastructures.
La seconde étape a consisté à transmettre aux écoles
53
Politiques énergétiques
un maximum d’informations sur leurs consommations,
de manière à ce qu’elles réagissent et sensibilisent
leurs personnels. En parallèle, la Ville a constitué
des « energy teams », chargées d’intervenir dans les
écoles pour sensibiliser à la mise en place de gestes
économes en énergie.
Enfin s’est posée la question du financement du
projet. Comme dit plus haut, il a été décidé d’utiliser
des ressources financières privées. En particulier,
des contrats pluriannuels ont été mis en place, par
exemple lors de l’installation de nouvelles chaudières.
Le principe est que les investissements devaient être
récupérés au bout de cinq à six ans.
Cette démarche ne peut être efficace que si elle
est soutenue par les citoyens. Aussi la ville a-t-elle
souhaité affirmer son rôle moteur, à travers plusieurs
types d’actions.
Au-delà d’une large information et communication
auprès des citoyens, la ville a ainsi mis en place
des salons de l’énergie, lieux où peuvent être donnés
conseils et ressources diverses relatifs aux économies
d’énergie. Une agence énergétique de la ville a
également été créée.
Au final, l’action de la ville d’Heidelberg démontre
une volonté de la collectivité d’agir en faveur de
l’efficacité énergétique au moyen de trois principes
d’actions essentiels : d’abord, intervenir en tant que
régulateur du marché, en négociant directement
les investissements avec des entreprises privées ;
ensuite, stimuler les démarches d’économie d’énergie
grâce à une action pédagogique d’information et de
communication auprès de ses administrés ; enfin par
la volonté de montrer de bons exemples, en offrant
un retour d’expériences qualitatif et quantitatif, que
ce soit par le travail réalisé sur les écoles ou par
d’autres projets de construction et de réhabilitation
de bâtiments économes en énergie.
Les personnes ressourcesEckart Würzner, maire de Heidelberg, président
d’Énergie-Cités
www.heidelberg.de
www.energie-cities.eu
La mise en œuvre du plan bâtiment Grenelle en France
ContexteOn a communément l’habitude de dire que la France
accuse un certain retard vis-à-vis de ses voisins
nordiques du point de vue des réflexions sur l’efficacité
énergétique. Or, une grande réflexion a été lancée en
2007 autour de l’ensemble des objectifs environne-
mentaux à relever par la France, que l’on appelle le
Grenelle de l’environnement. Celui-ci détermine les
objectifs à atteindre par la France à l’horizon 2050,
avec des étapes en 2010, 2012 et 2020 suivant les
secteurs concernés.
Dans le champ de la ville, deux actions principales
sont privilégiées : la question des transports et celle
des bâtiments. Les dispositions pour la mise en œuvre
opérationnelle des objectifs du Grenelle sont en cours
d’élaboration.
Les objectifs de la démarcheDéterminer des moyens pour atteindre les objectifs
d’efficacité énergétique des bâtiments en France :
• par la mise en place d’aides diverses ;
• par l’évolution des règles liées à la construction et à
la réhabilitation ;
• par l’implication des collectivités dans les démarches.
Description / mise en œuvreDans le cadre du Grenelle de l’environnement, un
plan bâtiment Grenelle est orienté vers la définition
des moyens opérationnels pour atteindre les objectifs
d’efficacité énergétique de la France en rapport avec le
parc de bâtiments existant et à créer.
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Les instances en charge de ce plan sont parties du
constat que, aujourd’hui, la consommation moyenne des
bâtiments en France est supérieure à 250 kWh/m2/an.
L’objectif est d’aboutir en 2050 à une consommation
moyenne de 50 kWh/m2/an, ce qui revient à diviser
par cinq la consommation actuelle. Une étape
intermédiaire a été définie, qui consiste à ramener la
consommation d’énergie moyenne du parc existant à
150 kWh/m2/an d’ici à 2020. Or le parc de bâtiments
existant est extraordinairement divers : 31 millions de
logements individuels et collectifs, 750 millions de m2
de bureaux, 70 millions de bâtiments publics.
La démarche d’efficacité énergétique doit être lancée
simultanément dans l’ensemble de ces segments du
parc bâti, mais à des rythmes différents.
Les bâtiments publics seront traités de manière
prioritaire, du fait de la mission d’exemplarité des
acteurs publics.
Concernant les 4 millions de logements sociaux, la
priorité est donnée à l’action sur les 800 000 logements
les plus dégradés thermiquement.
Pour ce qui est du parc de logements privés, des
bâtiments tertiaires et des commerces, l’action va
se dérouler en deux temps. Sera d’abord engagé un
processus d’incitation par différentes aides encore
en cours de finalisation fin 2008. Ces aides seront de
plusieurs ordres, et notamment :
• d’ordre fiscal (système de crédits d’impôts) ;
• d’ordre financier (avec la mise en place de l’écoprêt
à taux zéro, plafonné à 30 000 euros et sans plafond
de ressources pour l’emprunteur) ;
• sous forme de subventions, qui peuvent être utilisées
pour aider les ménages à payer des charges énergétiques
devenues trop lourdes (par exemple la « prime à la
cuve ») ; ou pour inciter les propriétaires à engager des
travaux de réhabilitation thermique sur leur logement
(aide estimée à 10 000 euros par logement).
C’est bien, en effet, à l’échelle des bâtiments existants
que se situe l’enjeu majeur des objectifs du Grenelle
de l’environnement ; le taux de renouvellement du
parc de logements français est de seulement 1 % et ne
permettra pas à lui seul d’inverser la tendance.
Parallèlement, un certain nombre d’actions portent sur
la construction de bâtiments neufs très économes en
énergie. Au-delà de la période d’incitation, l’évolution
des réglementations thermiques constituera une
obligation à prendre en compte les objectifs
d’efficacité énergétique. D’ici là, c’est tout un travail
d’information, voire de formation qu’il s’agit de mener
afin de faire évoluer les pratiques de l’ensemble de
la chaîne d’acteurs intervenant sur les bâtiments, des
maîtres d’ouvrages aux habitants, en passant par les
architectes et les entreprises de construction.
À ce jour, la mise en place de nouvelles pratiques
peut se heurter à certains obstacles, dont certains
sont d’ordre réglementaire. Le plan bâtiment Grenelle
préconise ainsi d’ouvrir une réflexion sur les évolutions
à apporter aux différentes règles en jeu :
• les règles d’urbanisme, pour lesquelles le principe
devrait être l’autorisation (pour la mise en place de
panneaux solaires, de toitures végétalisées…), sauf
dérogation spéciale et justifiée ;
• les règles de copropriété, pour lesquelles il est
envisagé que les copropriétaires puissent décider
de lancer des travaux de rénovation thermique
non seulement dans les parties communes mais
aussi dans les parties privatives (par exemple le
rempla cement des menuiseries), si ces travaux sont
d’intérêt collectif ;
• les règles locatives, en proposant que puisse être mis
en place un système permettant au propriétaire et
au locataire de porter de manière moins unilatérale
les investissements liés à une rénovation thermique,
afin d’inciter les propriétaires non occupants à
initier eux aussi ce type de démarche.
55
Dans ce chantier en cours, les collectivités ont un rôle
primordial à jouer, que ce soit dans l’animation des
démarches locales, par un rôle de régulation du marché
de l’immobilier ou encore en montrant l’exemple sur
leur propre patrimoine.
Ainsi le chantier annoncé par le plan bâtiment
Grenelle est colossal ; néanmoins il constitue aussi,
dans le contexte de crise majeure, une opportunité
pour appuyer la relance économique de la France.
Les personnes ressourcesPhilippe Pelletier, avocat, président de l’Agence
nationale de l’habitat, président du Comité stratégique
du plan bâtiment Grenelle
www.anah.fr
Politiques énergétiques
56
5Au titre de l’objectif « Mettre en œuvre une politique de développement urbain intégré »
Le XXe siècle a vu se développer une conception de la
ville européenne segmentée, fonctionnalisée où des
phénomènes de ségrégation sociale se sont amplifiés à
la faveur des mutations économiques. Un des enjeux du
XXIe siècle est de retisser une ville multifonctionnelle
où la séparation des fonctions soit adoucie.
Les trois axes principaux de la ville multifonctionnelle
sont, premièrement, des transports publics desservant
l’ensemble de l’agglomération de façon identique,
deuxiè mement des logements de qualité pour toutes
les catégories de la population, et troisièmement un
développement culturel de haut niveau à la portée de
tous. Ces orientations reposent nécessairement sur une
ambition municipale forte, se donnant les moyens d’une
approche globale.
Les autorités politiques et les professionnels de l’urbain
ont à engager de profondes reconversions mentales,
autour de quelques principes. La difficulté n’est pas tant
dans la compréhension de l’un ou l’autre de ces principes
que dans leur mise en pratique de façon concertée et
harmonisée. Il s’agit notamment de :
• concrétiser, dans l’éducation, la formation profes-
sionnelle et le débat public, le paradigme de la ville
multifonctionnelle ;
• choisir un élément fédérateur qui permette
d’organiser le développement urbain ;
• développer des stratégies sectorielles mises en
musique par une instance chargée de la coordination ;
• inscrire les projets dans la durée, penser la ville de
demain en plusieurs étapes dont chacune s’appuie
sur la précédente ;
• faire que la ville soit le cadre propice à la rencontre
multiculturelle et à la production d’idées nouvelles.
En pratique :
• Faciliter les déplacements doux entre les différentes
parties de la ville par des moyens économes en
énergie, parallèlement à la conception de liaisons
interurbaines, interrégionales et internationales ;
• Rechercher les éléments d’excellence sur lesquels
appuyer le développement urbain ;
• Dans les extensions urbaines, penser
systématiquement aux activités économiques en
même temps qu’au logement et aux équipements
de culture et de loisirs destinés à l’ensemble de
la population et non aux seuls habitants de ces
extensions ;
• Renforcer les partenariats public-privé et utiliser
avec intelligence la boîte à outils européenne.
La ville multifonctionnelle : mode d’emploiPrincipes, questionnements et messages
Table ronde
57
Au titre de l’objectif « Réinsérer dans la ville les quartiers urbains défavorisés »
• Inclure les quartiers en difficulté dans la prospective
urbaine et ouvrir les zones closes.
• Faire une place à la connaissance dans ces quartiers :
connaissances et savoir-faire des habitants dans
toute leur diversité, pôles éducatifs à implanter,
formations professionnelles adaptées à l’évolution
du marché du travail ;
• Apporter autant de soin à la valorisation des quartiers
populaires qu’à la revalorisation du patrimoine
historique des villes ;
• Éviter la démolition de quartiers entiers et
conjuguer réhabilitation et construction neuve, afin
de préserver la mémoire des lieux et de régénérer
ces quartiers en valorisant leur histoire tout en
corrigeant les séquelles du passé ;
• Systématiser les clauses sociales dans les marchés
passés avec les entreprises de construction et
d’aménagement afin de créer de l’emploi pour les
habitants et de favoriser leur insertion future sur
d’autres chantiers et dans d’autres projets ;
• Associer étroitement les habitants à la reconversion
du patrimoine industriel en déshérence, tant dans
la conception que dans la programmation et dans
l’animation des musées, salles de concert, lieux de
recherche qui en résultent.
Ville multifonctionnelle
La régénération urbaine et sociale de Liverpool (Royaume-Uni)
L’inscription de Liverpool dans l’Objectif 1 de la
Commission européenne a permis de modifier la façon
dont les élus locaux se sont emparés du devenir de
leur ville. Le fait d’avoir reçu le label de « capitale
européenne de la culture » a également favorisé
l’approche globale du développement de la ville.
Liverpool a été confrontée à un exode urbain de
400 000 personnes entre 1990 et 2000, lié à la désin-
dus trialisation (perte de 18 % des emplois).
Le premier objectif a été de recréer une attractivité
économique par la relance de l’activité portuaire et par
l’extension aéroportuaire : le transport aérien dessert
soixante-deux destinations contre cinq seulement
huit ans auparavant. Il s’agissait par là de favoriser
la création de nouvelles entreprises et de pouvoir
capitaliser en termes d’échanges commerciaux.
Ces initiatives correspondaient à la volonté de créer de
l’emploi et, parallèlement, de promouvoir de meilleurs
logements et une meilleure éducation.
Quels ont été les atouts de cette ancienne ville
industrielle pour se transformer ? Tout d’abord la
culture : il a été décidé que la culture serait l’élément
fédérateur. Et puisque c’est un élément qui rassemble
tout le monde, toutes les parties prenantes ont été
associées à ce projet afin de valoriser au mieux les
fonds reçus de l’Union européenne, à savoir 2 milliards
d’euros sur une période de dix ans. Un autre enjeu
était d’intégrer dans le domaine culturel ceux qui en
étaient exclus, en commençant par les enfants : offre
de bus gratuits aux écoles pour que les élèves puissent
visiter les musées.
Un élément d’innovation réside dans la construction
d’une économie fondée sur les connaissances, ce qui
n’est pas facile dans une ville où la culture était orientée
sur le travail, le travail physique ; effectivement cette
modification a été très difficile à amener, après que
Actions et initiatives significatives
58
le chômage a sévi sur plusieurs générations et qu’il
a fallu modifier les mentalités. Des programmes de
formation ont été conçus spécifiquement pour les
personnes les plus éloignées de l’emploi, avec des
apports en techniques de recherche d’emploi.
Un programme de soutien aux entreprises a été
inauguré pour les PME mais aussi pour des entreprises
spécialisées, par exemple les entreprises appartenant
à des femmes, avec la perspective de créer un centre
international pour les entreprises de femmes et pour le
développement économique des femmes.
En ce qui concerne les logements pauvres dans
les périphéries de la ville, il a été tenté de donner
davantage de possibilités à leurs habitants pour qu’ils
puissent avoir accès à un logement de meilleure
qualité et à un emploi. L’atout de la réussite de ce
projet repose sur une prise en charge d’une partie du
coût foncier par la municipalité, ce qui réduit d’autant
le coût final du logement. Ainsi des locataires de
logements vétustes ont pu accéder à la propriété de
leur logement modernisé ou à des logements neufs
lorsque les maisons étaient trop délabrées pour être
réhabilitées. En même temps, ils ont été associés à
la conception des logements et à celle des quartiers
en transformation. Les espaces verts sont privilégiés,
notamment dans les quartiers d’habitation.
La municipalité vise, à terme, à ne plus dépendre des
financements européens, à atteindre l’autosuffisance
financière et à organiser la synergie de tous les apports
locaux. Elle demande par exemple aux prestataires des
services de transports d’amener les transports vers les
quartiers où davantage d’emplois sont à créer, pour
que les personnes puissent se déplacer de leur domicile
à leur lieu de travail en utilisant les transports publics.
Tous les partenaires impliqués dans ces projets doivent
associer les jeunes afin qu’ils reçoivent des formation.
Il s’agit surtout d’obtenir des qualifications qui soient
vendables, qui permettent de décrocher un emploi à
long terme. Et tous les partenaires du secteur privé
sont acquis à l’idée de prendre des apprentis et de leur
fournir cette formation.
Des agences spécialisées ont été mises sur pied, qui
se sont penchées sur les schémas directeurs et sur
les plans à mettre en œuvre pour transformer les
quartiers. Des stratégies sectorielles ont été lancées
et, grâce à l’accompagnement de l’Union européenne,
les partenariats entre acteurs sectoriels sont devenus
monnaie courante. En 2008, le partenariat public-
privé a notamment permis de générer 200 millions de
livres sterling pour l’économie sociale.
Les partenariats public-privé s’inscrivent sur le long
terme, sur une période de quinze ans qui devrait voir
la revitalisation de tous les quartiers ayant connu des
problèmes, afin de garder la population à Liverpool.
L’emploi et l’éducation sont les maîtres mots de cette
stratégie qui repose sur la concertation la plus large.
Personne ressource Flo Clucas, conseillère municipale de Liverpool,
rapporteur sur le logement et la politique régionale au
Comité des régions de l’Union européenne.
www.liverpool.gov.uk
La stratégie de développement intégré d’Elblag (Pologne)
Elblag est une ville de 128 000 habitants située au nord
de la Pologne. La transition post-1989 (privatisation
et fermeture d’entreprises publiques) a fait subir à
la ville un fort traumatisme socio-économique. Il
en est résulté des niveaux élevés de chômage et
d’exclusion sociale, ainsi qu’une tendance des jeunes
à émigrer vers des villes polonaises plus grandes.
Cependant, les autorités municipales ont élaboré et
mis en œuvre une stratégie de développement urbain
intégré et durable pour affronter les problèmes
59
clefs en s’appuyant sur les ressources humaines et
géographiques de la ville.
La base du succès d’Elblag a été l’élaboration d’une
vision stratégique pour le futur de la ville au travers d’un
document définissant la politique de développement
social et économique pour la période 2001-2015. Le
document a été produit par les autorités municipales
avec l’aide d’experts en développement régional et
s’articule avec un ensemble de documents stratégiques
thématiques pour la ville. Il se décline en huit objectifs
dont : l’amélioration de la compétitivité de la ville, la
restructuration des aires urbaines, le développement
de l’éducation et du tourisme, la protection de
l’environnement et la durabilité, la qualité de vie et la
protection du patrimoine culturel.
La stratégie de développement intégré s’est construite
à partir de la localisation géographique de la ville,
sa place de « porte d’entrée » vers l’Europe sur une
route principale est-ouest, des routes ferroviaires et
maritimes et la promotion d’un secteur naissant des
technologies de l’information.
Le développement urbain durable a été considéré
comme une priorité, en prenant en compte et en
contrebalançant les processus d’exclusion sociale et
de ségrégation urbaine, ainsi qu’en équilibrant les
processus économiques, sociaux, écologiques et de
développement spatial.
Les actions mises en œuvre se sont basées sur :
• des stratégies prioritaires (les jeunes, les petites et
moyennes entreprises, la lutte contre l’exclusion,
les technologies de l’information et de la commu-
nication) ;
• l’accent sur le développement durable malgré
l’absence de cette politique au niveau national ;
• une utilisation réussie des aides de l’Union
européenne pré-accession (programme Phare) ;
• un effort concerté pour construire une capacité
locale de développement urbain en créant des liens
avec d’autres villes européennes ;
• la participation d’experts polonais du développement
régional et des ressources humaines aux côtés des
autorités municipales.
Une vision claire, large et de long terme ainsi qu’un
fort leadership ont été jusqu’à aujourd’hui des
éléments clefs du succès d’Elblag. Cette expérience
illustre la possibilité de mise en œuvre d’une
politique de développement urbain durable au niveau
local en l’absence de cadre national. La stratégie
de développement intégré a permis l’extension et
la modernisation des infrastructures routières et
portuaires, la modernisation des transports publics,
des actions en faveur de l’emploi et la formation, de
la culture, etc.
Les barrières subsistantes à la réussite du dévelop-
pement durable de la ville sont, d’une part, les
capacités de gestion de l’autorité municipale
(compétences techniques et ressources humaines) qui
peuvent être améliorées par la formation et l’apport
d’experts, et d’autre part, la question du financement
des politiques de développement qui ne peuvent pas,
de manière durable, reposer sur les fonds structurels
européens. En ce sens, la question de l’impulsion du
niveau national se trouve posée, quelles que soient les
intentions et la volonté du niveau local.
www.umelblag.pl
La régénération du quartier de Plagwitz à Leipzig (Allemagne)
La ville de Leipzig s’est trouvée dans une situation
critique au sortir de la période socialiste. Le quartier
anciennement industriel de Plagwitz est emblématique
d’une démarche de renouvellement urbain intégré
orientée par des objectifs tels que : la préservation
de la structure urbaine d’un quartier embléma tique
de l’industrie lourde de la fin XIXe et de la période
Ville multifonctionnelle
60
socialiste ; la préservation de l’architecture indus-
trielle et de l’architecture de l’habitat de l’époque de
Guillaume II ; la modernisation des logements ; le
maintien d’une mixité entre habitat, lieux de travail,
de loisirs et de consommation ; l’aération de l’espace
urbain ; la création d’une continuité verte et le
développement économique.
Dès le début de la transition politique (1991), une
association d’experts et des habitants se mobilisent
pour la sauvegarde du quartier. L’association chargée
de la coordination des actions de rénovation urbaine
et de la promotion du développement économique
est responsable de la commercialisation du foncier
municipal ; elle fait l’interface entre la municipalité et
les investisseurs.
La stratégie de la ville consiste à mettre en œuvre
de façon articulée plusieurs programmes de
développement et de rénovation (Urban II de 2000
à 2006 et des programmes fédéraux cofinancés par le
Land et par la municipalité) afin de maximiser leurs
effets et d’articuler les fonctions urbaines. Face à la
stagnation démographique (après l’hémorragie de
la transition) et au vieillissement de la population,
l’accent a été mis sur des actions économiques,
culturelles et sur l’environnement et l’éducation en
complément du volet de rénovation urbaine.
Quelques exemples :
L’association d’enfants à la conception de la rénovation
d’une cour d’école, intégrée dans la démarche de
transformation d’ensemble du quartier. Le bureau
des enfants de la ville et l’association des amis de
l’école Erich Zeigner font participer des enfants et
des adolescents à l’aménagement d’espaces bâtis
et extérieurs et à d’autres activités citoyennes. Une
des réalisations emblématiques est notamment la
réhabilitation de la cour de l’école conduite dans le
cadre de Urban II. Grâce au temps suffisant consacré
au dialogue et à la préparation, les enfants n’ont
pas été seulement des exécutants, mais avant tout
des concepteurs de l’opération. Les parents ont été
également associés. Le projet a duré un an et demi.
Trois projets économiques soutenus par Urban : un centre
de ressources pour de jeunes créateurs d’entreprise,
un dispositif d’aide à la relance de start-ups dont les
créateurs ont échoué une première fois, une mise en
réseau des acteurs économiques du quartier.
Selbsmutzer est une procédure d’accès à la propriété
mise en œuvre par la municipalité qui fournit un
accompagnement (via des architectes) à des ménages
souhaitant acquérir un logement dans le cadre de
la réhabilitation, de la restructuration ou de la
reconversion de bâtiments. Opération groupée dont
les participants se constituent en association de
copropriétaires.
Wächterhäuser : dispositif qui met en relation
des propriétaires de bâtiments inoccupés et des
professionnels à la recherche de locaux. Une convention
d’occupation temporaire est signée entre eux pour une
durée définie. Les locataires provisoires n’ont pas de
loyer à payer mais ont obligation d’entretenir les locaux.
Stadthalten : projet qui place des objets artistiques sur
des espaces devenus vides à la suite de démolitions.
Freiräume für Burgerträume : programme d’aména-
gement d’espaces verts sur d’anciennes emprises
industrielles qui s’efforce de créer une continuité verte
et, en même temps, de valoriser l’héritage industriel.
La part de logements en très mauvais état est
passée de 75 % à 25 % du parc en une quinzaine
d’années. L’ensemble du parc de logements est en
cours de transformation. Des logements neufs ont
été construits, bien que l’offre reste supérieure à la
demande – phénomène qui tend à diminuer mais qui
61
Ville multifonctionnelle
a été puissant au moment de la transition, avec 17 %
de perte démographique et une grande quantité de
logements vides. Des bâtiments industriels désaffectés
ont été transformés en centres d’affaires, institut de
recherche et de formation, logements. Des friches
industrielles et le canal ont été assainis, plantés et
sont devenus des lieux de promenade.
Le fait que plusieurs associations d’habitants soient
actives dans l’évolution du quartier (création d’un petit
musée de l’histoire industrielle, visites du quartier,
activités culturelles et artistiques pour adultes et
enfants) est un élément positif du développement
urbain durable. Un Forum des habitants propose des
projets à la maîtrise d’ouvrage municipale, à partir de
plusieurs groupes thématiques tels que « économie et
emploi », « qualité sociale »…
La reproductibilité de cette démarche repose
avant tout sur la volonté des collectivités locales
et sur la possibilité de mobiliser des financements
importants ; les financements publics étant
décroissants, l’appel à des participations privées
sous l’égide de politiques locales clairement
affirmées dans le sens du développement urbain
durable, est un enjeu majeur.
Pour en savoir plusÉtudes sur les politiques de renouvellement urbain dans
les villes d’Europe centrale illustrées par la réhabilitation
de quartiers existants : le cas de Leipzig en Allemagne.
Paris, Anah – Caisse des dépôts et consignations,
2007.
www.anah.fr
www.leipzig.de
62
Il importe d’éviter que ne se « fabrique » durablement
une ville à deux vitesses, mais qu’au contraire les
conditions d’une communauté de vie dans la ville
soient mises en place. C’est la raison pour laquelle
il est essentiel que le regard porté sur ces quartiers
soit renouvelé et que leur histoire trouve une place
reconnue dans l’histoire des villes.
Pour éviter la reproduction du décrochage de ces
quartiers, il convient d’articuler les transformations
urbaines sur le bâti et le maillage du territoire avec les
dimensions sociales et culturelles.
En termes de méthode : il faut conduire une réflexion
sur la régulation des politiques publiques en faveur de
groupes et de territoires cibles, utiles si on cherche
aussi à intervenir sur les causes des difficultés et pas
seulement sur les symptômes.
Dans ce cadre :
• Il convient de développer une approche historique
de la ville en articulant une réflexion sur les lieux
et une réflexion sur les liens. Liens interindi-
viduels, liens au niveau de la cohésion sociale, de
l’intégration, de l’économie, de l’emploi. Désormais,
il convient d’approcher les quartiers plutôt comme
des systèmes afin d’éviter le risque d’interventions
« millefeuilles ».
• Pour être efficaces, les démarches de réinsertion des
quartiers dans les dynamiques urbaines doivent être
conçues dans le cadre d’une stratégie à une échelle
plus large que celle de la ville, en intégrant une
dimension régionale.
• Il importe de se doter d’outils d’observation,
d’analyse et de suivi des territoires urbains au
service d’une stratégie à long terme. Pour cela :
- On associera les habitants bien en amont et dans
le suivi du programme.
- On coordonnera les interventions de tous les
acteurs, on saisira les dispositifs dans une
démarche intégrative et non pas séquentielle,
on établira de manière délibérée une multiplicité
de partenariats entre institutions publiques et
institutions privées (économiques, notamment).
- On alimentera la démarche en prenant appui
également sur les nouvelles formes de réponses
économiques que proposent les institutions du
secteur de l’économie sociale et solidaire.
- On réinscrira dans les quartiers la dimension
pluriculturelle, tout en prenant garde à ne pas
pour autant homogénéiser ceux-ci.
Enfin, l’intégration ne signifiant point l’homogénéi-
sation, on doit prendre clairement conscience que les
pays récemment entrés dans l’Union ont beaucoup à
apporter aux anciens. Les échanges croisés, à coup sûr
fertiles, doivent donc se développer.
Réinsérer dans la ville les quartiers urbains défavorisésPrincipes, questionnements et messages6
Table ronde
63
Cohésion territoriale
Le Havre, 195 000 habitants (France)
La ville du Havre développe un programme de
rénovation urbaine, dont l’objectif majeur est de
revitaliser les quartiers sud de la ville du Havre autour
d’un ensemble d’actions fédératrices et ambitieuses.
L’enjeu principal du programme est de donner
aux quartiers sud un rôle moteur à l’échelle de
l’agglomération et de rétablir ainsi leur attractivité, en
développant l’emploi, en favorisant la cohésion sociale
et en améliorant le cadre de vie des habitants.
Depuis presque dix ans ont été engagées la reconquête
et la régénération urbaine de son interface avec le
port, afin d’y développer de nouvelles fonctions
résidentielles et économiques, et surtout d’améliorer
le cadre de vie des habitants et salariés ainsi que de
« déstigmatiser » l’image de ce territoire, et par-delà,
celle de l’ensemble de la commune.
La démarche de revitalisation urbaine des quartiers sud
est menée en s’appuyant sur une démarche participative
et dans la perspective d’un développement urbain
durable.
La politique conduite vise à mobiliser des moyens à
l’échelle des problématiques des quartiers sud afin
de réintégrer durablement ces quartiers à la ville.
Elle présente la particularité de baser cette remise
à niveau sur une articulation avec les dynamiques
urbaines et économiques qui se développent à ses
environs, notamment le projet d’intérêt national Port
2000 et le projet d’intérêt régional Port 2020, dans
le secteur des Docks avec un quartier d’affaires, le
centre de la mer, un centre commercial de 60 000 m²,
un parc des expositions, une salle de spectacle et
un complexe aquatique, et enfin un projet d’intérêt
communautaire, le grand stade et l’entrée de ville
avec la RD 6015.
Les principaux projets s’appuient sur la volonté :
• de soutenir l’implantation de nouvelles activités
économiques pour redynamiser les quartiers sud
avec, pour objectifs :
- d’orienter leur localisation suivant leur spécificité,
- d’encourager le développement des entreprises
et de l’emploi par la création d’équipements
économiques (hôtels et pépinières d’entreprises,
centres d’appels, zones d’activité...) ;
• de requalifier le parc social : 260 logements seront
démolis puis reconstruits, soit 7 % du parc HLM ;
1 883 logements seront réhabilités, ce qui représente
52 % du parc HLM, et plus de la moitié des
habitations HLM (1 943 logements) bénéficieront
d’une opération de résidentialisation ;
• de réhabiliter les docks Vauban, qui vont bientôt
accueillir un pôle de commerces et de loisirs sur une
surface de 60 000 m2 ;
• d’adapter la trame viaire aux nouveaux usages ;
ainsi, il est prévu de transformer la trame
industrielle en voies urbaines qualifiées et pacifiées
en adéquation avec les nouvelles fonctions et
vocations du territoire, et en favorisant les modes
de déplacement doux.
Un tramway sillonnera l’agglomération à l’horizon 2012.
Le tracé de 12,7 km sera un facteur de réintégration
des quartiers sud à la ville.
Actions et initiatives significatives
64
L’aménagement et la création des espaces publics,
la requalification des voies structurantes et
l’aménagement de places de quartier et espaces verts
font également partie intégrante du projet.
Ainsi, à la fin de l’actuelle période de contractualisation
2008-2013, les quartiers sud du Havre, territoires
d’enjeux majeurs, devraient avoir retrouvé leur rôle de
locomotive économique régionale.
www.ville-lehavre.fr
65
Agendas 21 locaux et plans climat énergie territoriauxPrincipes, questionnements et messages
Agendas 21
Au titre de l’objectif « Mettre en œuvre une politique de développement urbain intégré »
Les Agendas 21 et plans climat énergie territoriaux
(PCET) ne sont pas des projets mais des outils, une
méthode, une façon de faire au service d’un projet
politique ; ils doivent permettre de repenser l’ensemble
des politiques publiques (transports, bâtiments,
éclairage public, traitement des déchets…) dans une
approche intégrée de la gouvernance publique.
Ces démarches traitent souvent au premier plan des
problématiques liées au changement climatique
mais, pour être pleinement cohérentes, elles doivent
aborder l’ensemble des questions environnementales
et de développement durable, de la consommation des
ressources à l’augmentation de la précarité, en passant
par les émissions polluantes ou encore les questions
de santé publique.
Les démarches d’Agenda 21 et de PCET poussent donc
aussi à faire évoluer les réglementations locales, au
premier rang desquelles les règles d’urbanisme.
La notion de développement économique doit être
intégrée dans la réflexion : l’économie est une
fonction qui a un usage (améliorer la qualité de vie
par exemple), mais ce n’est pas en soi un objectif.
Il est ainsi nécessaire de repenser les indicateurs de
richesse de manière à ce qu’ils correspondent mieux
à la notion d’économie plurielle et responsable,
et puissent faire mieux apparaître les plus-values
sociales et environnementales d’un développement
économique raisonné.
Tous les acteurs du territoire doivent être associés de
la manière la plus étroite possible, le plus en amont
et le plus longuement possible ; ce type de démarche
partagée voire coconstruite a pour effet d’augmenter
la portée du projet de territoire, et d’enrichir la prise
de décision.
Le retour d’expériences sur les Agendas 21 et PCET
montre bien l’importance d’une bonne méthode de
gouvernance : la mise en œuvre de ces démarches doit
se faire de façon cyclique, en partant d’une base – le
diagnostic – en fixant des objectifs à court, moyen
et long terme, et en définissant des indicateurs pour
évaluer régulièrement, faire le point sur les progrès
réalisés et améliorer les actions futures.
Ce processus de gouvernance mène à faire état des
résultats de manière claire et lisible, et permet de
les communiquer aux habitants ; sans ce retour,
les acteurs impliqués en amont du projet peuvent
s’interroger sur l’efficacité de la démarche et finir par
se démobiliser.
7Table ronde
66
De la même manière, les Agendas 21 et PCET dont
le plan d’actions a été élaboré sans négociation
territoriale (même s’il y a eu concertation en amont)
n’aboutissent généralement pas à une véritable
transformation des comportements, car l’implication
n’a pas été assez complète dans la définition des
moyens pour agir.
Or, les résultats des Agendas 21 et PCET doivent prendre
en compte les effets collectifs des comportements
individuels ; leur succès est donc étroitement lié à la
capacité à faire évoluer ces comportements.
Les villes et autorités locales en général ont un
potentiel énorme pour agir ; aujourd’hui, les
orientations nationales et européennes doivent suivre
les avancées des villes. Elles doivent être encouragées
dans leurs actions.
Les villes devraient notamment être intégrées de
manière plus importante dans les processus de
négociations internationales comme le protocole de
Kyoto par exemple.
La mise en réseau des villes est un facteur de réussite
essentiel : elle pousse à échanger sur les expériences,
les stratégies, les bonnes pratiques et celles à ne
pas reproduire… Cet apprentissage auprès d’autres
expériences peut même être une manière d’anticiper
des problématiques latentes (par exemple, montée des
eaux, canicules…)
Les Agendas 21 et PCET doivent traduire des projets de
société dont les objectifs résideraient dans l’adaptation
aux défis du changement climatique, mais aussi et
surtout dans l’impulsion à agir pour transformer nos
modes de vie et de développement vers un modèle
viable à long terme.
En ce sens, les démarches Agenda 21 et PCET,
aujourd’hui de dimension institutionnelle (c’est-à-dire
portées essentiellement par une collectivité et portant
avant tout sur les engagements de cette collectivité),
doivent être davantage territorialisées et impliquer
tous les acteurs (institutionnels, professionnels,
mais aussi de manière large l’ensemble de la société
civile) du territoire, et faire le lien avec les démarches
menées sur d’autres territoires.
Enfin, il est aujourd’hui de plus en plus nécessaire
de prendre en compte la question des migrations
climatiques dans les démarches Agenda 21 et PCET ;
aussi ces démarches gagneraient-elles à renforcer
de manière significative leur volet « coopération
décentralisée ».
Au titre de l’objectif « Réinsérer dans la ville les quartiers urbains défavorisés »
L’ensemble des recommandations évoquées ci-dessus
est valable au titre de l’objectif « Réinsérer dans la
ville les quartiers urbains défavorisés ».
Les démarches Agenda 21 et PCET peuvent en particulier
être l’occasion de repenser globalement les politiques
publiques mises en œuvre, dans ces quartiers, en faveur
de l’accès à la formation, à la création d’entreprise, mais
aussi aux transports, aux circuits courts (par exemple
les marchés locaux).
67
Agendas 21
L’Agenda 21 du Grand Lyon
ContexteLa communauté urbaine de Lyon rassemble cinquante-
cinq collec tivités locales et 1 300 000 habitants. Elle
occupe un territoire de plus de 51 000 hectares.
En 2005, six grandes orientations ont été définies
dans le cadre d’un plan d’actions pour le Grand Lyon :
• favoriser la cohésion sociale ;
• lutter contre l’effet de serre ;
• améliorer le cadre de vie des habitants ;
• accompagner la prise en compte du développement
durable ;
• être exemplaire (se mobiliser en interne pour le
développement durable) ;
• permettre un développement économique soutenable.
La mise en place d’un Agenda 21 devait permettre de
répondre à ces orientations.
Description / mise en œuvreAfin de guider la réflexion, la communauté urbaine de
Lyon a élaboré une grille de questionnement à partir
d’une quinzaine de critères prenant en compte les
orientations énoncées précédemment.
La démarche a amené à définir quatre grands enjeux,
qui ont constitué les quatre axes stratégiques de
l’Agenda 21.
1er enjeu : Comment limiter et maîtriser l’étalement
urbain ? Quelles nouvelles formes urbaines inventer ?
Dans un premier temps, une analyse des effets
de l’étalement urbain a été réalisée : disparition
d’espaces naturels et agricoles, lourdes dépenses
d’infrastructures, augmentation des déplacements en
voiture, précarisation des classes sociales les plus
modestes, etc.
Un des premiers constats a été que la limitation de
l’étalement urbain passait par une implication de la
collectivité, afin de réguler le marché et maîtriser
l’urbanisation grâce à une réglementation appropriée.
Puis des mesures ont été prises pour intégrer dans
les documents d’urbanisme des objectifs en termes de
densification.
Enfin, c’est une réflexion portant sur l’organisation et
celle des déplacements qui a été mise en œuvre, de
manière à favoriser la multipolarité, les rapports de
proximité et l’accessibilité des transports collectifs.
2e enjeu : Comment développer une mobilité urbaine
pour tous à faible consommation énergétique ?
L’état des lieux avait permis de montrer que 63 % des
émissions d’oxyde d’azote au niveau de l’agglomération
lyonnaise étaient dues au secteur des transports routiers.
À travers la mise en place d’un plan de déplacements
urbains et, en particulier, d’un plan de développement
des modes doux, la communauté urbaine a incité à la
mise en place de plans de déplacements des entreprises
et des administrations.
3e enjeu : Comment élaborer un plan climat énergie
territorial opposable et contraignant ?
Des relations ont été mises en place avec les acteurs
éco no miques locaux du Grand Lyon. En particulier, les
grandes entreprises industrielles, notamment chimiques,
ont été associées afin d’évaluer les impacts en termes
d’émis sions de gaz à effet de serre et de définir les
objec tifs permet tant de répondre aux engagements
internationaux.
4e enjeu : Comment développer un habitat abordable
pour tous qui vise le « zéro énergie » ?
Trois objectifs stratégiques ont été définis dans cette
optique :
Actions et initiatives significatives
68
• Faire connaître le référentiel habitat durable,
élaboré par le Grand Lyon dans le cadre du projet
européen Restart ;
• Passer d’une phase d’expérimentation de ce référentiel
à une phase d’application généralisée à toutes les
opérations d’urbanisme de la communauté urbaine ;
• À long terme, adapter le référentiel aux bâtiments
existants.
• La communauté urbaine a lancé en parallèle une
politique de diversification des ressources énergétiques
et de recours aux énergies renouvelables avec,
notamment, le recours à la biomasse pour l’alimentation
du chauffage urbain.
Les personnes ressourcesMaurice Charrier, Maire de Vaulx-en-Velin, vice-
président de la communauté urbaine de Lyon
www.grandlyon.com
Les Agendas 21 et PCET de deuxième génération
ContexteLes collectivités locales ont aujourd’hui un retour
d’expérience en moyenne de cinq à six ans sur les
démarches d’Agenda 21 locaux et sur les PCET.
Il s’avère aujourd’hui que la majeure partie de ces
démarches est portée de manière quasi unilatérale
par les collectivités, qui en sont les initiatrices
et les actrices principales. Ainsi les stratégies
et plans d’actions n’impliquent le plus souvent
que la collectivité, voire ses partenaires les plus
proches. Il s’agit donc d’Agenda 21 et de PCET
« institutionnels », c’est-à-dire portés avant tout
par l’institution-collectivité.
L’Observatoire de la décision publique, association
loi 1901 sans fonds publics, mène une réflexion
de fond sur la manière de passer de ces démarches
institutionnelles à des démarches de territoire, qui
constituent une refonte plus globale du projet de
territoire et impliquent directement les différents
acteurs du territoire sur des actions à mettre en
place.
Description / mise en œuvreL’Observatoire de la décision publique a défini quatre
grands volets pouvant constituer l’armature des
Agendas 21 ou PCET de nouvelle génération :
Volet 1 – Des actions négociées de préservation de
l’environnement et de lutte contre le « trop » effet de
serre, dès aujourd’hui et pour demain
Ce volet reprendrait les éléments que traitent
aujourd’hui généralement les Agendas 21 et PCET.
Volet 2 – Solidarité territoriale (du local à l’international)
et prise en compte des migrations climatiques
La question des migrations climatique constitue une
problématique majeure qu’il s’agit d’anticiper dès
aujourd’hui.
Il s’agirait en particulier de développer des programmes
d’innovation dans les domaines de la gestion de l’eau,
de la production agricole, etc.
En outre, les effets du changement climatique sur
les mutations démographiques, géographiques, éco-
nomiques… sont encore mal connus aujourd’hui ;
l’Obser vatoire de la décision publique incite dans ce
cadre à développer la mise en place d’outils mutualisés
(par exemple, la ville de Brest expérimente un outil du
programme des Nations unies pour le développement
intitulé CLIMSAT, qui permettra de mettre en place une
veille sur les changements climatiques, les évo lutions
géographiques ainsi que les mouvements de population).
Enfin, les actions de coopération décentralisée,
aujourd’hui peu traitées dans les démarches locales de
développement durable, mériteraient dans le cadre de
ce volet d’être complètement repensées et significati-
vement renforcées, notamment sur la question des
migrations climatiques.
69
Volet 3 – Engagement citoyen et transformations des
modèles de développement
Ce volet traité en tant que tel permet de viser un véritable
partage des enjeux et objectifs de développement
durable avec l’ensemble de la société civile.
Il s’agit à la fois d’actions de sensibilisation, de for-
ma tion, et d’organisation du débat public autour des
thèmes clés de la démarche (évolution des compor-
tements, solidarités internationales, préparation à
l’accueil des futurs migrants du climat…).
Il représente également une opportunité de porter un
appui à la recherche universitaire sur les thèmes de
l’environnement, du climat, des impacts des villes et
des moyens de les réduire.
Volet 4 – Inscription et mobilisation dans les réseaux
nationaux et internationaux
Ce dernier volet insiste sur l’importance de promouvoir
les échanges entre les collectivités locales actrices du
développement durable, grâce notamment à l’adhésion
à des réseaux nationaux ou internationaux tels que, en
Europe, l’ICLEI ou encore Énergie-Cités.
Il s’agit également d’inciter les villes à contribuer de
manière plus significative aux travaux et négociations
politiques sur les enjeux climatiques, et plus largement
de développement durable (Copenhague 2009, après
Kyoto, etc.)
Les personnes ressourcesHélène Combe, déléguée générale de l’Observatoire
de la décision publique
Quelques autres exemples significatifs
Au cours des débats, les différents intervenants ont
évoqué plusieurs expériences de villes durables, qui
méritent d’être notées ici.
L’engagement de la Ville de Vaxjö pour réduire son
empreinte écologique (Suède)
La ville de Vaxjö est partie de l’évaluation de son
empreinte écologique pour mettre en place une stratégie
ambitieuse de réduction des impacts environnementaux
de la ville.
Une large concertation a été engagée avec les citoyens,
avec qui la ville a défini un objectif fort : l’abandon
des énergies fossiles pour le chauffage.
Le conseil municipal a défini des engagements à court,
moyen et long terme, et se réunit tous les six mois afin
de passer en revue tout ce qui a été réalisé ou non.
Avec cette démarche, la ville est parvenue à réduire
ses émissions de CO2 de 30 % sur quinze ans, tout en
augmentant le volume de son activité économique
de 50 %.
La démarche intégrée de la ville de Ludwigsburg
(Allemagne)
L’élaboration de la démarche de développement urbain
de la ville de Ludwigsburg a fait intervenir un grand
nombre de citoyens, mais aussi d’autres collectivités.
Cette démarche a abouti à un plan adopté par le conseil
municipal concernant onze secteurs du développement
urbain choisis avec l’accord des citoyens.
Tout le budget de la ville a été réorganisé autour de
ces onze secteurs, et les citoyens peuvent suivre les
propositions ainsi que les dépenses faites dans une
grande transparence.
Chaque domaine est suivi par un coordinateur des
administrés et un coordinateur de l’administration,
et un département dédié au développement urbain
soutenable, transversal à tous les autres départements,
a été créé pour compléter le dispositif.
Agendas 21
70
Au titre de l’objectif « Mettre en œuvre une politique de développement urbain intégré »
L’effectivité d’une politique de développement
urbain intégré est tributaire de la participation
active des habitants et de l’association de toutes les
parties prenantes, pouvoirs publics et acteurs socio-
économiques.
La prospective menée à partir des quartiers en difficulté
permet de s’extraire d’une approche curative vis-à-
vis de ces quartiers et de développer une vision des
avenirs possibles, des choix stratégiques qui peuvent
rendre plus efficaces les politiques actuelles.
La mise en œuvre de diagnostics territoriaux prospectifs
permet de renouveler les démarches participatives.
Elle introduit une autre manière de « faire de la
participation ». Ces diagnostics territoriaux prospectifs
et participatifs doivent articuler une vision dynamique,
une approche systémique, une analyse du passé et de ce
que pourrait être l’avenir. La démarche, qui doit intégrer
les valeurs, les représentations et les cultures en
présence, peut être utilement conduite en trois étapes :
une phase de recueil des données et d’établissement
d’un état des lieux partagé, une phase de délibération
permettant de débattre des objectifs, et une phase de
conception des politiques à mettre en œuvre.
Le bon exercice de la participation pose des problèmes
de compréhension mutuelle. Pour s’entendre, il faut
parler le même langage. Si chaque habitant est, à sa
manière, un expert des conditions de sa propre vie,
tout le monde ne peut être technicien. Les oreilles de
la plupart des citoyens sont imperméables à la langue
trop formelle de certains élus et au jargon juridico-
technique de certains fonctionnaires et de bon
nombre de professionnels. À l’inverse, les déclarations
des habitants ont souvent besoin d’être décryptées
et le sens de leurs prises de position précisé. Il faut
soigneusement situer les ruptures de compréhension
entre ce que disent les habitants et les intervenants
des quartiers et ce que ressentent les experts et les
responsables extérieurs.
Pour éviter que les habitants estiment être simplement
conviés à approuver des décisions déjà prises ailleurs ou,
au contraire, à participer à un exercice gratuit qui ne
sera pas pris en compte par les responsables politiques
et techniques, il faut éviter de procéder par « injonction
à participer », s’appuyer sur les éléments structurés de
la société civile (associations, groupes informels, lieux
de socialisation et d’échanges…), positionner les rôles
de chaque catégorie d’acteurs, faire en sorte que chacun
soit en situation de jouer son rôle sans se substituer
aux autres, accepter des participations à la mesure de
chacun, voire la non-participation, sans rechercher
systématiquement le consensus.
Prospective urbaine et quartiers en difficultéPrincipes, questionnements et messages8
Table ronde
71
Prospective
Au titre de l’objectif « Réinsérer dans la ville les quartiers urbains défavorisés »
La réflexion sur l’avenir à moyen-long terme des
quartiers en difficulté est essentielle pour éviter que
les interventions d’aujourd’hui ne génèrent, dans dix
ou vingt ans, des problèmes similaires à ceux dont
souffrent déjà ces quartiers.
Il est donc indispensable de prendre effectivement en
compte les quartiers en difficulté dans toute démarche
de prospective urbaine et de les inscrire dans une
dynamique pérenne de développement de l’ensemble
de l’agglomération, sans se limiter à une vision
purement réparatrice de l’action publique.
Pour être efficaces, ces démarches de prospective
territoriale globale ne doivent pas se limiter à
l’approche descendante classique. Elles doivent croiser
les réflexions conduites à l’échelle de l’aire urbaine
avec d’autres réflexions prospectives conduites à partir
des quartiers en difficulté eux-mêmes.
En renouvelant le regard sur les quartiers en difficulté,
en élargissant l’éventail des futurs possibles, cette
approche ascendante peut utilement contribuer
à infléchir la vision d’avenir de la ville et le
positionnement en son sein des quartiers en difficulté.
Cette approche ascendante doit prendre en compte
des indicateurs qualitatifs comme la qualité de la vie
quotidienne, les possibilités d’accès aux services, à la
culture, aux droits…
Elle doit permettre aux habitants des quartiers
défavorisés d’inscrire leur propre histoire, leur propre
parcours à l’intérieur d’un projet collectif.
Véritable pédagogie du changement, cette approche
ascendante peut aussi permettre de rendre plus
efficaces les politiques correctrices actuelles : en
permettant aux décideurs de mieux comprendre la
réalité des besoins et des attentes, et de mieux ajuster
leurs réponses ; mais aussi en donnant aux habitants
de ces quartiers le sentiment d’avoir prise sur ces
réponses et en facilitant, de ce fait, la compréhension,
l’appropriation et donc l’application des politiques
mises en œuvre.
Méthode et outils mis en œuvre par le Secrétariat général du Comité interministériel des villes* en France pour des diagnostics territoriaux de prospective dans des quartiers sensibles
La mission Prospective et stratégie, créée au sein
du Secrétariat général du CIV, met en œuvre une
démarche de prospective appliquée à des quartiers
sensibles, avec l’appui méthodologique de Futuribles.
Les fondements de la démarcheRestaurer la place des quartiers sensibles, largement
ignorés par la prospective, dans la dynamique des
territoires.
Les objectifs de la démarche• Identifier et évaluer les évolutions possibles
des transformations majeures à l’œuvre dans les
quartiers sensibles ;
• Situer les principaux enjeux ;
• Si possible, à terme, bâtir des scénarios.
Actions et initiatives significatives
* En 2009, la délégation interministérielle à la ville a pris le nom de Secrétariat général du Comité interministériel des villes.
72
La méthode préconisée par le Secrétariat général du CIVElle repose sur cinq phases de travail qui se succèdent
dans le temps :
Phase 1 : définition des périmètres d’étude, des groupes
de travail et du calendrier
Le Secrétariat général du CIV recommande
l’implication des centres de ressources de la politique
de la ville. Ces centres sont des relais du Secrétariat
général du CIV dans les régions où ils jouent un rôle
d’appui méthodologique aux dispositifs de terrain,
d’accompagnement d’actions et de qualification des
acteurs.
Il leur est demandé de prendre en charge l’association
à la démarche prospective des représentants de l’État,
des collectivités territoriales, et de définir le périmètre
de l’exercice prospectif. Ce dernier doit posséder
une cohérence interne ouvrant la possibilité d’un
diagnostic partagé et être suffisamment large pour
qu’on y puisse lire des dynamiques globales.
Le groupe de travail réuni pour procéder au diagnostic
comporte de huit à quatorze membres. Il est formé de
techniciens de la politique de la ville, d’élus, d’acteurs
publics de l’urbanisme, de représentants de l’État et
de tous professionnels dont l’apport est pertinent
(statisticiens, économistes, entrepreneurs…). Le
groupe travaille à raison de deux journées par an, entre
lesquelles les éléments constitutifs du diagnostic sont
préparés par les acteurs de terrain et des experts.
Phase 2 : un séminaire de lancement
Chaque site engagé dans la démarche organise un
séminaire d’une journée. Celui-ci a pour but de mettre
les membres des groupes de travail en mesure de
produire ensemble des diagnostics. Des experts sont
là pour transmettre les concepts et les méthodes
de la prospective. Le séminaire est en même temps
l’occasion pour les participants – appuyés par des
spécialistes – de s’exercer à identifier les tendances à
l’œuvre dans le territoire étudié et de les hiérarchiser.
La démarche est alors véritablement lancée en fin de
séminaire par la programmation du travail à mener à
bien.
Phase 3 : étude prospective des tendances
Les tendances identifiées précédemment font l’objet
d’études approfondies afin de situer les points de
rupture et les éléments porteurs. Le produit attendu
de cette phase est appelé « fiches tendances ». Il
s’agit de documents de deux à quatre pages précisant,
pour chaque tendance, les indicateurs pertinents,
le développement historique des éléments qui la
composent, les perspectives qu’elle offre. Dans le cas
de la France, cette étude est étroitement liée à la
politique de la ville qui, à travers les anciens contrats
de ville et les actuels contrats urbains de cohésion
sociale, promeuvent actions et études sur les divers
aspects du développement des territoires.
Des sous-groupes de travail prennent chacun en charge
une tendance. Le centre de ressources du Secrétariat
général du CIV en assure la coordination avec l’appui
technique à distance du groupe Futuribles spécialisé
en prospective. Ce dernier est en contact régulier avec
le responsable de la mission Prospective et stratégie
du Secrétariat général du CIV. Cette mission transmet,
en tant que de besoin, des travaux d’expertise et des
données nécessaires aux groupes de travail.
Les fiches sont échangées entre sous-groupes et avec
le Secrétariat général du CIV, dans la perspective du
diagnostic partagé.
Phase 4 : séminaires de détermination des enjeux
prospectifs
Le centre de ressources du Secrétariat général du
CIV organise un séminaire d’une journée au cours
duquel les différentes tendances sont examinées sur
la base des études réalisées, leur liste éventuellement
amendée et les hypothèses d’évolution validées.
L’objectif est de passer des tendances à des enjeux
qui doivent pouvoir être appréhendés aux différentes
échelles du quartier à l’agglomération, voire en relation
73
aux dynamiques sociales et territoriales nationales,
toujours en comptant sur l’appui des experts en
prospective.
Les résultats attendus du séminaire sont :
• l’entraînement d’une dynamique locale autour d’un
travail de réflexion prospective, qui rassemble
différentes catégories d’acteurs autour de l’analyse
des évolutions en cours des quartiers sensibles et
de leurs agglomérations, et de leur avenir possible.
• la possibilité pour le Secrétariat général du CIV de
fonder une analyse des tendances à l’œuvre dans les
quartiers sur la confrontation d’avis d’experts et de
témoins dans un exercice prospectif.
Phase 5 : synthèse des travaux et valorisation
Un rapport est attendu de chaque groupe de travail,
sur l’ensemble du travail réalisé, sur la démarche et sur
les conclusions des travaux. Sur cette base, le groupe
Futuribles produit une synthèse.
Le Secrétariat général du CIV organise une restitution
de cette synthèse au cours d’un séminaire d’une demi-
journée.
Mise en œuvre de l’expérience en FranceDes exercices de prospective exploratoire ont été
engagés en 2007 dans les agglomérations de Rennes,
Besançon et Avignon, avec les acteurs locaux et
des partenaires référents : l’agence d’urbanisme de
Besançon, le centre de ressources politique de la ville
de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et l’agence
d’urbanisme et de développement intercommunal de
l’agglomération rennaise, en convention avec la DIV.
L’exercice, mené de juillet à novembre 2007, s’est
conclu par un séminaire national qui a pris acte
du déroulement des travaux et de leurs résultats.
Certaines précisions ou inflexions ont été apportées,
au vu de l’expérience, au schéma de méthode initial.
Ainsi a été précisé le contenu des cinq phases de
chaque processus local :
• Présentation du projet, choix du territoire et du
groupe de travail
• Séminaire 1 : présentation de la prospective, de
la démarche entreprise et sélection des variables
influentes
• Travail des groupes : renseignements des « fiches
variables »
• Séminaire 2 : construction des hypothèses
d’évolution et des scénarios de futurs possibles des
quartiers à l’horizon 2020
• Synthèse par site
Quelques enseignements du séminaire nationalLes variables, limitées à une douzaine, relèvent
généralement de la démographie, du logement, de
l’aménagement urbain, de l’emploi, de l’éducation et
de la formation, de l’action publique, du cadre de vie,
en dépit d’intitulés différents d’un endroit à l’autre.
Les enjeux majeurs qui ont été identifiés concernent
le vieillissement démographique, la valorisation
du foncier et du bâti (gentrification, délogement,
trajectoires résidentielles problématiques), l’éducation
(éducation et socialisation), les activités économiques,
l’emploi et les services (faible impact du voisinage de
zones dynamiques, revenus issus de l’économie légale
et illégale), les identités, les communautés, le lien
social (quartiers d’accueil de l’immigration/isolement
progressif = trois scénarios : (1) vieillissement sur
place et accueil de populations fragiles, isolement et
anomie, (2) communautarisme de repli, (3) dévelop-
pement d’une vie communautaire et lien social), les
aménagements, le projet urbain, la gouvernance
(conséquences diverses des aménagements des projets
urbains selon que les quartiers soient ouverts ou non
sur la ville, d’où l’importance de prendre en compte
la variable « projet urbain » dans une vision à long
terme).
Une question centrale qui émerge de cet exercice
prospectif est celle des objectifs qui président aux
politiques mises en œuvre dans ces territoires, selon
Prospective
74
qu’elles confèrent à ces quartiers une mission d’accueil
de populations précaires ou qu’il s’agisse de les faire
sortir des processus de dégradation.
Les personnes ressourcesAdil Jazouli, responsable de la mission Prospective et
Stratégie au Secrétariat général du CIV.
www.ville.gouv.fr
Philippe Marcucci, adjoint au maire d’Avignon, vice-
président de la communauté d’agglomération
Joël Roman, philosophe, membre du comité de
rédaction de la revue Esprit
Voir le document intitulé Exercices de prospective
appliquée aux territoires urbains sensibles
http://i.ville.gouv.fr/divbib/doc/
exerciceprospective.pdf
Exercice de prospective participative mené dans la province de Liège (Belgique) par les habitants de Seraing, appuyés par le Centre d‘action laïque et l’institut européen Destrée : Molinay 2017
Le quartier du Molinay est situé à Seraing, au sud de
Liège, en bordure de la Meuse, sur environ 1,5 km². Il
est l’un des plus pauvres de la ville ; ses habitants sont
de diverses origines, venant d’Italie, de Turquie, de
Pologne et d’autres pays d’Europe centrale et orientale,
d’Afrique et d’Indonésie aussi, à côté de ceux qui sont
nés là. Ce sont principalement des ouvriers, du fait de
la présence d’un haut-fourneau d’Arcelor-Mittal.
Une association importante, le Centre d’action laïque
de la province de Liège, y occupe des locaux et s’est
investie dans la participation citoyenne. L’équipe
qui y travaille était donc particulièrement sensible
à la dégradation des conditions de vie du quartier,
anciennement connu comme un « petit Paris » pour
son animation et ses commerces. Elle décida de ce
fait d’entamer une réflexion prospective relative
avec, pour objectif, de dessiner un projet stratégique
mobilisateur pour le quartier et ses habitants.
Le déclencheur de la mobilisation du projet de quartier
est la publication et la communication, par la ville de
Seraing, de son projet de redéploiement connu sous le
nom de Master Plan. Ce Master Plan fut mis en chantier
suite à l’annonce faite par Arcelor, fin 2003, de fermer
ses filières à chaud en région liégeoise. Cette annonce
a motivé la ville à commander une étude urbanistique
mais aussi un projet de requalification de l’ensemble
de la vallée serésienne, dont l’aménagement avait
toujours été dicté par les impératifs de l’industrie
sidérurgique. La place et les projets réservés au
Molinay dans ce Master Plan, jugés insuffisants, ont
motivé la démarche « Molinay 2017 ». Dans un esprit
constructif de contribution au projet porté par la
ville ; dans l’espoir, aussi, d’attirer l’attention des
autorités communales sur les réalités et les besoins
d’un quartier en déshérence.
Méthode et contenu de l’exercice de prospective participativeL’institut Destrée et le Centre d’action laïque de la
province de Liège ont établi une coopération inscrite
dans le projet Futurreg (Interreg III) pour une démarche
prospective à vingt ans intitulée « Molinay 2017 ».
La méthode adoptée est celle de la prospective
territoriale définie comme une « démarche indépen-
dante, dialectique et rigoureuse… destinée à éclairer
les questions du présent et de l’avenir, d’une part en les
considérant dans leur cadre systémique et complexe,
d’autre part en les inscrivant dans la temporalité »
selon Philippe Destatte de l’Institut Destrée.
Le diagnostic prospectif a pu se dérouler sur une
période relativement brève (de mars à décembre 2007),
75
Prospective
dans la mesure où le travail participatif du Centre
d’action laïque existait de longue date au Molinay.
Ainsi, la prospective s’est intégrée dans une démarche
participative au sens large impliquant la participation
des habitants du quartier en premier lieu et à chaque
phase, mais également celle de commerçants et
d’acteurs divers tels que la régie communale Erigès,
le centre culturel, la maison de jeunes, l’« espace
quartier » de la ville et d’autres acteurs associatifs.
Un urbaniste a été sollicité pour penser à de petits
aménagements susceptibles de tout changer pour les
usagers du quartier.
Quatre phases articulent cette démarche :
1. Identification et diagnostic prospectif : analyse
collective et transversale qui prend en compte
l’évolution des variables d’analyse du territoire dans la
durée, avec recours à la méthode AFOM (pour atouts,
faiblesses, opportunités, menaces).
2. Définition des enjeux de long terme : identification,
au sein d’ateliers thématiques rassemblant un panel
d’acteurs représentatifs des dynamiques en œuvre
localement, des facteurs et acteurs de changement
susceptibles d’avoir un impact sur le quartier dans la
décennie à venir. Utilisation de la méthode des « world
cafés » (petits groupes débattant d’une question
autour d’une table et changeant de table à plusieurs
reprises ; un animateur reste à la table et résume les
termes du débat du groupe précédent, ce qui vient
féconder la nouvelle discussion qui s’engage). Lecture
critique des enjeux émergents par un panel d’experts ;
puis association plus large d’habitants.
3. Construction d’une vision commune : définition, en
atelier, d’une image partagée d’un futur désiré pour le
territoire.
4. Désignation des axes stratégiques : formulation de
ces axes, dans des réunions de travail, afin de tracer
la voie vers la réalisation de la vision élaborée à un
horizon temporel déterminé, en tenant compte des
enjeux identifiés collectivement.
Résultats, évaluation et reproductibilitéLe Centre d’action laïque a insisté sur l’intérêt et la
nécessité d’organiser une réflexion sur l’avenir du
territoire en coconstruction avec les citoyens de ce
territoire, ces derniers étant tout aussi légitimes que
les élus et les techniciens pour apporter leur pierre à
l’édifice. La vision qui est sortie comme résultat de cet
exercice a permis de proposer à la ville de Seraing une
série d’investissements pertinents et partagés par les
habitants du quartier.
Concrètement, les réflexions des 1 500 habitants du
quartier et de leurs partenaires, soumises aux élus,
ont apporté des suggestions prises en compte : par
exemple, la piétonisation partielle de deux artères
principales, l’aménagement d’un parc et d’un terrain
de pétanque, la végétalisation des lieux.
La dimension prospective définie collectivement
débouche sur sept finalités :
• Un parcours de vie centré sur la dignité, la rencontre
des droits fondamentaux et l’égalité des chances ;
• l’inscription physique et mentale du Molinay dans la
dynamique économique, sociale et environnementale
sérésienne ;
• la mise en scène du quartier comme objet culturel ;
• une politique d’investissements urbains et
associatifs favorisant l’expression du lien social et
de la convivialité ;
• un logement digne, accessible et supportable par tous ;
• un quartier où chacun trouve sa place et où
entreprises, associations et institutions contribuent,
dans une réflexion commune et de long terme, au
« mieux vivre ensemble » ;
• la contribution consentie de tous les habitants à
l’attractivité et à la qualité de vie au sein de leur
quartier.
76
Table ronde 8
La réussite de ce projet réside principalement dans
la possibilité, pour les habitants d’un quartier,
d’aller jusqu’au bout d’une démarche d’analyse et de
prospective sans être simplement instrumentés par des
experts et/ou des élus. La mise en œuvre d’une telle
démarche requiert une écoute profonde et régulière des
habitants de la part de l’organisme qui les accompagne
en même temps que des apports réels de la part de cet
organisme, afin de nourrir les débats et de donner à
tous les moyens de se prononcer.
Quelles que soient les caractéristiques d’un lieu, ce qui
compte c’est que le processus soit animé dans la durée
et que les phases de diagnostic donnent lieu à des
transformations de l’environnement bâti et naturel, à
des aménagements pensés pour les habitants, à des
infléchissements de projets d’experts si nécessaire. Sur
une telle base, la prospective peut être motivante pour
les habitants.
Les personnes ressourcesMichael Van Cutsem, directeur de recherche à l’institut
Destrée en charge du pôle prospective
Institut Destrée, Molinay 2017 - Rapport de la démarche
prospective - Namur - février 2008
www.institut-destree.eu
Cécile Parthoens, directrice adjointe du Centre d’action
laïque de la province de Liège
77
Au titre de l’objectif « Mettre en œuvre une politique de développement urbain intégré »
1. Plusieurs constats permettent de replacer le
concept d’écoquartier dans un cadre fonctionnel
d’avenir :
• Il a donné lieu à des expérimentations aussi
spécifiques que variées selon les différentes régions
d’Europe, pour certaines déjà anciennes et intégrées
à une démarche urbanistique générale, pour d’autres
plus ponctuelles et conçues comme un laboratoire,
voire comme une vitrine, des bonnes pratiques à
promouvoir nouvellement ;
• Les expériences développées surtout dans les
pays d’Europe du Nord procèdent d’abord de la
nécessité d’apporter une réponse satisfaisante à
la problématique du changement climatique, en
l’accompagnant à cette occasion d’une innovation
sociale propre à concevoir le développement urbain
comme un tout intégrant à la fois la mixité sociale,
l’essor économique et la démocratie au même titre
que la maîtrise des consommations d’énergie et la
réduction des nuisances ;
• Le plus souvent, ces initiatives, d’une part reposent sur
un soutien ou même une implication forte des régions
urbaines au sein desquelles elles se situent, d’autre
part contribuent à remettre à plat et faire évoluer les
pratiques de pilotage des projets urbains en replaçant
l’habitant et le citoyen au cœur de l’action ;
• La notion d’écoquartier tend à se situer, au moins
dans la pensée des aménageurs, comme l’amorce
locale à généraliser de ce que devrait être en
grandeur nature la ville durable de demain, et non
comme un implant innovant mais isolé au sein ou
en bordure d’un espace urbanisé qui n’évoluerait pas
ou trop peu ;
• Dès lors, l’enjeu est moins de lancer des opérations
pilote que d’intégrer les dispositions exemplaires
mises en avant dans des politiques d’aménagement
d’ensemble de la ville durable. D’où une orientation
à retenir en matière de feuille de route à suivre :
- dégager les principes clés qui fondent la notion
d’écoquartier dans sa complexité
- préciser les méthodes et outils permettant
d’évaluer, capitaliser, valoriser et appliquer à toute
la ville ces principes et les options novatrices testées
- formaliser le « guide de procédure pour un
développement durable intégré » qui peut en
découler.
2. Dans toute agglomération où le solde migratoire de
la population est important et justifie un accroissement
urbain, mettre en avant la notion d’écoquartier comme
prémisse d’un développement durable urbain revient
à traiter deux volets complémentaires mais distincts :
• le lancement d’opérations nouvelles sur l’initiative
des aménageurs
• la rénovation / réhabilitation du tissu existant, avec
la participation des acteurs locaux
Écoquartiers
Les écoquartiers, avant-gardes de la ville durable et solidaire ? Principes, questionnements et messages9
Table ronde
78
Table ronde 9
Les deux volets s’inscrivent dans une structuration de
la ville en termes de mixité d’activités et d’habitat,
autour d’axes de transport en commun si possible,
en privilégiant la densité à proximité des centres-
villes pour mieux profiter des services et équipements
publics.
Si le premier s’appuie surtout sur la mise en œuvre des
innovations technologiques les plus récentes, bien en
prise avec les exigences du plan climat (consommations
énergétiques, traitement des eaux, réduction des
pollutions, diminution de la place de l’automobile en
ville, gestion de l’eau), le second se présente comme
un chantier plus vaste en volume et en difficultés à
surmonter, la marge de manœuvre sur l’existant étant
plus étroite. Il suppose notamment d’associer le
maximum d’acteurs en place aux rénovations urbaines
à impulser – notamment les bailleurs sociaux et les
habitants locataires, mais aussi les copropriétés et les
résidents privés –, l’action devant porter tant sur le
domaine du bâti (requalification) que sur la mobilité
urbaine (politiques de stationnement et circulation,
transport collectif, systèmes de transport doux ou
partagés).
Différentes expériences ont en commun :
• le travail sur la compacité du quartier ;
• un accompagnement fort en matière d’urbanisme
végétal (réintroduire nature et biodiversité en
ville) ;
• la récupération d’un espace à partager sur la voirie
automobile de stationnement.
3. Les formes de la participation de la population
peuvent varier, mais sont au minimum à formaliser
(structure de concertation, si possible lieu permanent
d’accueil) pour que puisse être dépassé le stade de
la simple consultation pour approbation ou rejet
de projets préparés en dehors d’elle. La qualité de
cette participation, toutes catégories et tous âges
confondus, joue en faveur d’une appropriation
collective du projet d’écoquartier et de son ouverture,
à l’occasion de la négociation, sur ce qu’il est possible
ou non de faire aux plans économique et technique,
sur des dispositions consensuelles. L’enjeu en est une
prise en charge effective, plus collective, et ouverte
sur la possibilité d’améliorations récurrentes.
4. Il découle de ces remarques quelques recom-
mandations utiles pour l’avenir des villes durables :
• Trouver des solutions à large portée suppose un
accompagnement politique fort à l’échelle des
régions urbaines ;
• Replacer l’habitant au cœur de l’action implique
de passer de l’intervention sur le bâti et les
infrastructures (nécessaire) à celle sur l’évolution des
modes de vie et comportements de consommation
(décisive) ;
• Relever ce défi par des méthodes « d’apprentissage »
et non uniquement par des expériences « pilotes ».
5. Une attention particulière est à accorder à
ce dernier point : l’importance des « démarches
apprenantes » comme moyen d’innovation tant
sociale que technologique tient au fait que
« organiser la ville durable interroge à la fois les
pratiques profes sionnelles, l’intelligence collective
et le décloisonnement des acteurs, l’exper tise
d’usage et la société de la connaissance ». Toute
démarche d’appropriation collective passe alors par la
formalisation d’instances adaptées de communication
et d’échanges (tables rondes, dîners-débat, ateliers
participatifs, colloques, etc.).
Au titre de l’objectif « Réinsérer dans la ville les quartiers urbains défavorisés »
1. Les expériences pilotes publiquement mises en
valeur se rapportent le plus souvent à des projets
novateurs établis sur des friches industrielles ou sur des
territoires périurbains peu urbanisés, donc relati vement
79
Écoquartiers
disponibles. Ces projets concernent plus les classes
moyennes susceptibles d’y accéder que les couches
défavorisées qui se trouvent dans les quartiers dits
sensibles. Cependant, des initiatives très novatrices
sont aussi engagées dans les grandes opérations de
rénovation urbaine, qui travaillent à des mutations
importantes sous le nom de quartiers durables plus
souvent que d’écoquartiers, en mettant simplement
en avant des objectifs environ nementaux et socio-
économiques corres pondant à ces concepts sans
forcément en revendiquer le nom et l’image de marque.
2. L’observation historique de l’émergence des
quartiers durables dans les villes d’Europe, notamment
du Nord, fait ressortir que ces initiatives se sont
largement fondées sur la nécessaire articulation entre
des stratégies de resserrement urbain, de mobilité
durable et de politiques énergétiques pures ; mais
aussi qu’une attention doit être portée aux effets
pervers ou contradictoires de ces dispositions,
comme l’augmentation des consommations d’énergie
annihilant l’essor dans une moindre proportion des
énergies renouvelables – ou comme l’amélioration de
la mobilité douce en ville largement compensée par un
accroissement des déplacements à longues distances
qui sont plus polluants.
Pour que les actions de réinsertion dans la ville
durable des quartiers urbains défavorisés s’inscrivent
correctement dans ces stratégies, il convient qu’elles
insistent plus particulièrement sur :
• la politique de requalification du bâti et du tissu
urbain existant, particulièrement énergivore et
dont le traitement peut être source d’une économie
appréciable (charges, patrimoine). Quand, dans un
quartier à intégrer au développement urbain, l’étude
du revenu des ménages montre que 80 % ont besoin
d’une aide pour se loger et que seuls 20 % peuvent
le faire dans le secteur privé, la prise en compte du
logement social, en HLM existant ou en accession,
devient une priorité du développement durable.
• les pratiques de mobilité locale qui, dans un
quartier durable, mettent surtout en avant les
besoins en transports collectifs : profiter aujourd’hui
des lignes de tramway pour relier et développer
les quartiers avec une volonté de structuration
urbaine par les axes lourds, desservir les quartiers
denses déjà construits sur lesquels il peut y avoir
des copropriétés dégradées, arrêter ou limiter la
construction d’un « pavillonnaire lâche », donner la
priorité à la densité à proximité des centres-villes
pour profiter de leurs services et pour assurer la
mixité sociale entre les domaines privé et public, au
sein de l’habitat et avec les activités.
• la réappropriation d’espaces collectifs communs
ouverts sur la ville. En Suède, en Allemagne, en
Suisse, on trouve dans l’habitat groupé des modèles
de coopératives réalisées par des habitants où des
espaces collectifs sont gérés en bien commun et
partagés (ateliers, buanderie…). Dans les écoquartiers
conçus par les habitants, une véritable envie de vivre
ensemble peut ainsi se développer, réinventée par ces
espaces et ces activités partagées, avec des modes de
coopérations et d’entraide renouvelés.
3. La déclinaison exposée plus haut de mise en œuvre
d’une politique de développement urbain intégré
s’applique à ces opérations, en mettant plus encore
l’accent sur les procédures de participation active des
habitants et sur l’importance des « démarches appre-
nantes » sans lesquelles aucune réinsertion des quartiers
défavorisés ne peut être complète, voire possible.
80
Table ronde 9
Les expériences ayant une valeur innovante et
une portée significative sont très variables selon
les pays : plus anciennes et plus intégrées à la
pratique urbaine dans ceux de l’Europe du Nord, plus
expérimentales et exploratoires au sens d’opérations
pilotes ailleurs. En voici quelques exemples tels que
cités, rapportés et synthétisés lors de la table ronde.
L’aménagement « ville et quartiers durables » à Montpellier (France)
Enjeux et démarcheL’expérience décrite est menée par une société
d’économie mixte en charge de l’aménagement et du
développement de l’ensemble d’une agglomération de
350 000 habitants. Sa préoccupation est de promouvoir
une « ville durable » à cette échelle, le développement
en cours des différents quartiers s’intégrant dans un
cahier des charges et une programmation pensés
suffisamment en amont pour rendre cohérent
l’aménagement de l’agglomération et éviter une
prolifération non maîtrisée de projets immobiliers qui
serait source de nuisances difficilement récupérables.
ContenuL’agglomération de Montpellier accueille un solde
migratoire positif de l’ordre de 1,5 à 2 % par an de sa
population, engendrant un besoin d’accueil de 8 000 à
10 000 habitants supplémentaires, soit la construction
d’environ 4 000 logements en moyenne chaque année,
sans parler de l’accueil des activités. Une grande
attention doit donc être portée au développement des
quartiers correspondants, qu’ils soient nouveaux ou
situés dans un tissu plus ancien à requalifier.
Parallèlement à cette évolution, une action a été
entreprise dans les années 1980 pour limiter le mitage
territorial et structurer un réseau de transports en
commun autour duquel développer ces quartiers.
Le réaménagement de l’agglomération a donc été
conçu autour de la notion de densité de desserte en
transports collectifs, de limitation de la voiture, de
développement des modes doux. À chaque fois qu’il y
a développement d’un quartier, il y a prise en compte
d’un objectif de mixité sociale et de mixité « bureaux,
économie, logements ».
En matière de logements, l’analyse des revenus des
ménages montre que 80 % des nouveaux arrivants sont
en situation de personnes aidées. La programmation
retenue dans les opérations en cours prévoit 45 % de
logement locatif social, 20 % d’accession aidée à des
niveaux budgétaires acceptables et 35 % d’accession
libre. La mixité sociale à l’intérieur des immeubles est
également recherchée. Quand la crise du logement est
gérée en amont par les collectivités, il apparaît donc
possible de continuer à construire en coopérant avec
les promoteurs pour répondre aux besoins exprimés.
Une réflexion est menée parallèlement sur l’intégration
du commerce en pied d’immeubles, y compris avec
de moyennes surfaces et, dans certains cas, avec
l’installation de deux ou trois niveaux de bureaux
au-dessus.
Au plan environnemental, l’existence d’un climat
méditerranéen pose des problèmes spécifiques
comme la récupération des eaux de ruissellement
dans un régime pluvial torrentiel, le raccordement
à des systèmes de chauffage collectif pour toute
construction dense à partir de R+2, l’installation de la
cogénération (ici le premier réseau urbain en France
utilisant la tri-génération) et le recours à la biomasse
par récupération du bois des Cévennes. D’autres
Actions et initiatives significatives
81
innovations de production d’énergie sont lancées en
parallèle, comme le brûlage de 8 000 tonnes de bois
récupérés dans les « déchets industriels banals » ou la
production de biogaz dans une usine de méthanisation
permettant de chauffer 2 500 logements. Avec
l’augmentation des coûts de l’énergie sur le marché,
les promoteurs tendent à préférer le paiement des
droits de raccordement au réseau dans un contexte
urbain de stabilisation de ce coût par les moyens
de production de l’agglomération. Par ailleurs, la
promotion immobilière est fortement incitée à orienter
les constructions pour bénéficier de « l’effet vent » et
bénéficier de ventilations permettant d’abandonner
définitivement la climatisation.
Côté déplacements, l’accent est mis sur le rôle
structurant des tramways et bus en sites propres, mais
aussi sur le développement des circulations cyclables
et le rattrapage du retard français en la matière. Dans
les constructions neuves desservies par les transports
en commun, la norme d’emplacement de voiture est
limitée à une place par logement.
Résultats, reproductibilitéL’expérience décrite se présente comme, sinon une
première, du moins une expérience originale en
France, tant par sa durée (plus de quinze ans) que par
son échelle (l’ensemble de l’agglomération).
La volonté politique forte de la porter et la continuité
de l’action engagée qui s’est nourrie des apports
de l’actualité, notamment au niveau de la crise du
logement et de l’impératif de maîtrise du changement
climatique, sont les conditions mises en avant de sa
réussite.
Personne ressourceÉric Bérard, directeur général de la Société d’aména-
gement et d’équipement de la région de Montpellier
(SERM)
GWL Amsterdam, une opération de renouvellement urbain sous contraintes de développement durable (Pays-Bas)
(Nota : Le descriptif qui suit est repris de l’exposé en
atelier de José Van Stigt et de la note « GWL Terrein à
Amsterdam, les potentialités d’un quartier sans voiture »
publiée sur le sujet par l’agence d’urbanisme de Lille)
Contexte, objectifs Opportunité : la reconversion d’une des plus
grandes usines désaffectées de traitement d’eau
d’Amsterdam, et la demande des habitants d’y initier
un quartier innovant de « haute qualité sociale et
environnementale ».
Initiative : les élus locaux de Westerpark avec l’appui
d’une association d’habitants.
Objet : reprise d’une emprise de six hectares située
entre un quartier résidentiel du XIXe siècle doté
d’équi pements et de commerces d’une part, un espace
d’activités industrielles et un canal d’autre part.
Traitement en termes d’aménagement : faire du
quartier GWL concerné une unité fortement marquée
d’écologie urbaine, de par sa forme, sa mixité sociale,
le traitement des espaces extérieurs, son caractère
« sans voiture » et sa desserte par une ligne de
tramway.
Cadre urbain : un district culturellement mixte
(Westerpark), le plus modeste de l’agglomération en
termes de revenu, souffrant d’une médiocre réputation
au départ mais attractif par sa proximité du centre
d’Amsterdam. La municipalité y mène une politique
volontariste de repeuplement favorisant le retour
des classes supérieures, parallèlement à plusieurs
autres projets de renouvellement urbain. En termes
de mobilité, seulement 30 % des habitants possèdent
Écoquartiers
82
Table ronde 9
une voiture, l’offre en transports collectifs étant
bonne, les vélos largement utilisés et la politique de
stationnement particulièrement dissuasive (habitants
favorables à la limitation de la place de voiture).
Déroulement :
• période d’initiative (1990-93) : un premier plan
définissant les grands objectifs, élaboré avec
les habitants des alentours et futurs habitants
organisés en commissions thématiques auxquelles
ont participé 135 personnes ;
• plan d’urbanisme (1993) : un second plan proposant
les orientations du plan urbain et architectural ;
• phase de réalisation : entre 1994 et 1998.
Contenu, méthodeLe projet urbain :
• un grand îlot ouvert de six hectares, une disposition
d’immeubles respectant la trame viaire, une absence
de contraintes liées à la présence de l’automobile
autorisant une certaine liberté d’agencement du
bâti ;
• de vastes espaces extérieurs libérés et traités avec
une forte présence de la végétation, avec une
attention particulière portée aux transitions entre
espaces publics, semi-publics et privés mais une
discontinuité avec les quartiers environnants ;
• une externalisation des nuisances (parking) du côté
des zones d’activité ;
• une réhabilitation des bâtiments conservant
l’identité du site et l’élément patrimonial fort
du quartier (château d’eau maintenu en activité,
entrepôt abritant un lieu de réunion pour les
habitants et le bureau des gardiens, local d’usine
accueillant des bureaux et un café restaurant) ;
• 591 logements construits dans de nouveaux immeu-
bles, dont 273 à caractère social et 318 habités par les
propriétaires, dans un quartier dense (100 logements/
hectare dans des immeubles de quatre à neuf étages
protégeant le quartier du bruit et du vent).
Son volet économique et social :
• présence de quelques activités : un café restaurant,
des bureaux, ainsi que des espaces commerciaux
plutôt utilisés par des associations (location de
vélos), la demande n’étant pas suffisante pour des
commerces de proximité ;
• des résidents travaillant majoritairement hors
d’Amsterdam et utilisant le train ;
• une mixité dans l’offre de logements : propriété
(six immeubles), location sociale (neuf immeubles
et près de 50 % des logements), pour personnes
âgées (dans un seul immeuble) et pour personnes
handicapées (au rez-de-chaussée de trois
immeubles). Mais un peuplement relativement
homogène dans chaque bâtiment, la mixité sociale
existant au niveau du quartier (caractère social ou
non social des immeubles non apparent, la qualité
de l’architecture étant la même pour tous) ;
• quasi doublement des prix des logements privés
entre 1998 et 2003, avec la contrainte de ne pas
pouvoir les revendre avant dix ans.
Une originalité : le concept social qui y est développé.
L’attention portée aux espaces extérieurs, notamment
aux transitions entre espace public et espace privé, est
censée favoriser la convivialité, la cohésion sociale et
la bonne cohabitation entre populations différentes.
Parmi les mesures favorisant l’appropriation de l’espace
extérieur : nombreuses portes d’entrée au rez-de-
chaussée, 260 petits jardins privatifs (location de
26 euros par an), souci apporté à l’espace semi-public
des immeubles, visibilité depuis les appartements,
lieux de rencontre, centre communautaire. Une forme
de contrôle social garantit l’atmosphère paisible du
quartier.
Son volet environnemental :
• Transports : un quartier sans voiture à l’exception
des véhicules d’urgence, un usage et une possession
d’automobile découragés, un objectif à atteindre
de 0,3 véhicule par logement. L’opération compte
83
135 places de parking en périphérie ouest du quartier.
Une compagnie de car-sharing propose vingt-cinq
places de véhicules en libre service locatif pour les
résidents. Des aménagements cyclables, des mesures
d’apaisement de la circulation sur les rues périphé-
riques et le terminus du tramway complètent le
dispositif. On compte 172 voitures (chiffre en baisse
de 20 % depuis l’emménagement des résidents) et
1 346 vélos pour 1 000 résidents. 73 % des dépla-
cements des résidents se font à pied ou à vélo,
17 % en transports publics et 10 % en voiture
(chiffres 2000).
• Espaces naturels : une large place faite à la nature
dans le quartier, avec une charte paysagère stricte
imposant une unité dans le traitement des espaces
verts, des hauteurs de haies limitées à 1,40 mètres
sur l’espace public et 1,80 mètres entre deux jardins
privés, la conservation au quartier d’une certaine
transparence compatible avec la séparation des
espaces. Les barres d’habitation disposent de
toitures végétalisées. D’importants espaces de
jeu pour enfants et adolescents sont aménagés,
favorisant les rencontres et la convivialité (piques-
niques). Des zones piétonnières ont été aménagées
et lorsque l’on marche depuis la vieille ville vers ce
quartier, il est possible de ne passer que par des
espaces verts. Le quartier est très visité, même
par les habitants des autres quartiers : les gens
viennent pour se reposer dans les parcs ou faire des
barbecues sur la pelouse ; ces espaces publics sont
très fréquentés et en été, le quartier prend des airs
de complexe d’appartements de vacances. Le café,
lieu où toutes les fêtes du quartier sont organisées,
y joue un rôle important.
• Ressources : des économies d’eau sont réalisées par
récupération de l’eau de pluie dans des containers
situés sous les toits (800 000 litres d’eau alimentant
dix-neuf maisons) et en sous-sol à destination des
sanitaires (utilisation de la pression du château
d’eau, mais le système ne fonctionne pas dans tous
les immeubles). Un bassin recueille l’eau de pluie,
le trop plein étant évacué vers le canal voisin.
Des collecteurs de déchets souterrains adaptés au
tri ont été installés en périphérie. Les habitants
peuvent installer des systèmes de compost dans
leur jardin contre une caution de 15 euros.
• Énergies : les choix ont favorisé le chauffage
solaire passif, mais le développement des énergies
renouvelables est limité par l’existence d’un contrat
avec la compagnie d’énergie utilisant le gaz, qui
dispose d’un monopole pour l’alimentation de GWL
en énergie et en chaleur. Le projet a favorisé les
matériaux de construction « écologiques » et la
réuti lisation de matériaux issus de démolitions, et
a interdit l’utilisation de bois issu d’une production
non durable.
Son volet gouvernance et participation des habitants :
La population a été impliquée dans l’élaboration du
premier plan fixant les grands objectifs, notamment
celui d’un quartier sans voiture. Celle d’Amsterdam
s’est prononcée en faveur d’un « centre sans voiture »
en 1992, lors d’un référendum local organisé sur le
sujet.
Le projet GWL de quartier « écologique » a abouti
rapidement grâce à une forte volonté politique,
impulsée à l’initiative et avec le soutien des urbanistes
et des élus. Après dix ans d’expérience, la municipalité
souhaiterait améliorer certains aspects, comme
l’utilisation accrue de l’énergie solaire et éolienne
pour produire l’électricité.
De leur côté, les résidents sont investis dans la vie
et la gestion du quartier via différentes instances et
groupes de participation : groupe d’administration
du quartier qui gère la vie courante, associations
d’habitants par immeuble, association faisant le relais
entre revendications des habitants et gouvernement
local, association de coupole (syndicat de quartier
rassemblant tous les locataires et propriétaires). Par
Écoquartiers
84
Table ronde 9
son intermédiaire, chaque résident paie six euros/
mois pour l’emploi de gardiens quatre jours/semaine
« afin de résoudre les problèmes ». En arrivant dans
le quartier, chaque résident doit signer une charte
précisant les devoirs de chacun. Même les enfants des
écoles ont été sollicités pour aider à planter les arbres
de façon à vraiment « accepter ce projet comme leur
propre projet et les arbres plantés comme leurs propres
arbres ».
Résultats, évaluation et reproductibilitéCette expérience est porteuse d’une vision alternative
de la ville, voire d’une utopie : ville compacte et
courtes distances, ville sans voiture, ville conviviale et
socialement mixte ; redécouverte de la rue, de la ville
et de l’environnement ; mais aussi réintégration de la
nature en ville. L’opération a réussi à améliorer l’image
de ce territoire initialement dévalorisé. Ce projet a
nécessité une expertise importante et constitue une
expérience pionnière. L’architecture peut être jugée
rigide par certains, mais l’opération offre une vraie
qualité urbaine et paysagère.
La reproduction d’une telle expérience de « quartier
écologique », et surtout son application à un
périmètre plus large ne peut être automatique : elle
nécessite une bonne offre de transport alternative
à l’automobile, une situation relativement centrale,
un contexte culturel favorable, une opportunité de
développement.
Le caractère « sans voiture » du site peut aussi poser
des problèmes comme l’externalisation des nuisances
à sa périphérie. La garantie de la qualité et de
l’entretien du quartier nécessite par ailleurs un fort
contrôle social.
Il reste que comme dans toute initiative innovante, la
reproductibilité n’est pas affaire de transposition (par
définition toujours sujette à débat), mais d’application
des bonnes pratiques et des principes qui lui ont
permis de voir le jour. Dans le cas présent, la durée de
l’expérience, sa capacité à évoluer et à s’adapter, sont
des points d’appui forts qui en valident l’intérêt. Une
des conditions clé de sa réussite est sans conteste la
mobilisation coordonnée des acteurs institutionnels,
professionnels et habitants, et leur aptitude à trouver
un terrain consensuel d’action : « Pour réaliser ce
projet, un groupe de travail avait été créé avec des
représentants des autorités locales et des citoyens pour
analyser les plans et les aspects environnementaux.
Les habitants avaient des ambitions très élevées,
mais les professionnels ne pouvaient pas accéder à
tous les souhaits et des compromis ont été trouvés.
Aujourd’hui, ça marche. »
Personne ressource Joze van Stigt, présidente de l’association de coupole
de GWL, élue à Westerpark
Principaux acteurs et partenaires du projet• Initiateur et coordinateur du projet : Westerpark
Council www.westerpark.amsterdam.nl
• Développeurs : fondation environnementale Eco-
plan et les cinq organismes de logements sociaux.
• Partenaires : ministères du Logement, de la Planifi-
cation et de l’Environnement, agence d’urbanisme,
asso ciation de coupole de GWL (www.gwl-terrein.nl)
Quartiers durables et protection du climat : quelles avancées ?
Cette contribution cherche à faire un tour d’horizon
à la fois historique et géographique des pratiques de
promotion d’écoquartiers initiées en Europe en rapport
avec la problématique énergie/climat.
Contexte de développement des écoquartiersIl s’agit d’abord de rappeler le contexte dans lequel
l’édification d’écoquartiers a été entreprise en Europe.
85
Écoquartiers
Constat n°1 : ces quartiers se situent dans des villes
volontairement et très tôt impliquées dans des
politiques expérimentales de développement durable,
notamment celles qui ont été les premières à s’y
intéresser.
Constat n°2 : ils ont été fondés d’emblée sur
l’articulation de plusieurs stratégies urbaines, le
resserrement urbain et la densification d’une part,
la mobilité durable d’autre part, une politique
énergétique et climatique enfin.
Constat n°3 : parfois, ces interventions se sont
accompagnées de pratique de réhabilitation écologique
de l’habitat social.
Les villes qui ont commencé à construire ces quartiers
durables sont d’abord les capitales nord-européennes.
Puis s’y sont attelées les métropoles qui ont organisé et
piloté la « campagne des villes européennes durables »,
Hanovre et Barcelone plus particulièrement. Enfin,
quelques villes très spécifiques comme Fribourg se
sont engagées sur un repositionnement écologique.
Sur la base de ces premières expériences, le
mouvement est ouvert sur un processus de diffusion
des expérimentations tentées, puis étendu à des
implantations de quartiers nouveaux sur des friches
de toutes sortes, portuaires, aéroportuaires (Munich),
militaires (Vauban), industrielles ou urbaines
(Bedzed), parfois aussi sur des terrains agricoles en
continuité de l’espace aggloméré (Hanovre).
Quels sont les traits communs à ces expériences et
problématiques innovantes en termes de réponses aux
enjeux climatiques ?
Contenu des innovations Une première réponse innovante a été de travailler sur
la compacité du bâti et la densification du quartier.
Pour que cette dernière reste attractive pour les
habitants, une action forte en termes d’urbanisme
végétal, de végétalisation, a dû être engagée. Mais
pour « végétaliser » un quartier dense, il a été
nécessaire de reconquérir de l’espace sur la voirie en
développant une piétonisation assez importante dans
ces quartiers.
Un peu partout, réussir à articuler de façon innovante
ces quatre variables est devenu d’actualité : compacité
du bâti, densité relative du quartier, végétalisation et
piétonisation.
Autre point sur lequel des progrès divers et nombreux
ont dû être réalisés : l’habitat à basse consommation
énergétique, voire parfois l’habitat à énergie positive.
Passer de 110 kW/m2/an à Malmö à 50 kW par exemple
à Hanovre, implique de tenir compte des différences
climatiques et des structures de quartiers. Pour obtenir
des résultats importants, il faut panacher toutes les
énergies renouvelables entre elles. Des réseaux de
chaleur locaux ont pu être développés, ainsi qu’une
décentralisation et une diversification énergétique.
Jouer sur une seule énergie, par exemple l’énergie
solaire, ne suffit pas. Par contre, avec des réseaux de
chaleur locaux et la mobilisation de toutes les énergies
renouvelables locales possibles, on peut arriver à des
résultats importants.
Un autre champ d’innovation important a été de
maximiser la valeur des déchets. Ce sont surtout
les quartiers suédois qui ont expérimenté ce qu’ils
appellent les « écocycles », c’est-à-dire le couplage
des réseaux de gestion des déchets, de gestion de
l’eau et de gestion énergétique. À Stockholm par
exemple, cela consiste à partir de la fraction des
déchets organiques et des eaux usées pour récupérer le
biogaz et le réutiliser dans les canalisations de gaz de
cuisine. Il est aussi possible de récupérer la chaleur des
eaux usées pour faire fonctionner un réseau de froid.
Les responsables de Stockholm disent très simplement
que « ce qui est jeté peut revenir d’une manière ou
86
Table ronde 9
d’une autre si on cherche à optimiser ces flux dans une
conception de la ville comme écosystème ».
Des efforts ont également été réalisés dans la période
passée pour conduire des chantiers économes en CO2,
notamment par l’introduction de matériaux recyclés
dans les bâtiments et, dans certains quartiers mais pas
tous, par le développement des circuits courts pour les
matériaux de construction et les produits alimentaires.
RésultatsLes gaz à effet de serre : de façon synthétique, le
premier résultat observable a été une forte diminution
des émissions de CO2, évaluée par les villes elles-
mêmes pour ce qui est des dépenses énergétiques liées
au bâti et à l’urbanisme.
Hanovre estime que les améliorations réalisées sur le
quartier du Kronsberg pour 7 000 habitants permettent
d’économiser 75 % de CO2 par rapport à un quartier
neuf classique. Pour Stockholm, l’estimation est de
40 %, avec des logements déjà assez performants sur
le plan environnemental dans le reste de la ville, le
réseau de chaleur de l’ensemble de Stockholm étant
largement alimenté par la biomasse.
L’énergie : un autre type de résultat concerne le
processus de sortie des énergies fossiles, très tôt
initié par certaines villes avant qu’il émerge comme
problématique nationale et européenne. Dans ces
quartiers, l’alimentation énergétique reste couverte
par les énergies fossiles mais aussi, en grande partie,
par des énergies renouvelables.
L’autonomie énergétique : dans quelques rares cas,
comme dans le petit quartier de Malmö de 800 habi-
tants destiné à s’élargir, il y a équilibre : le quartier
produit autant d’énergie qu’il en consomme tout
en restant relié au réseau de chaleur de la ville ;
parfois, il en produit plus et en restitue au réseau,
parfois l’inverse, ce résultat ayant pu être obtenu
grâce à la mobili sation de la géothermie qui, dans
tout panachage d’énergies renouvelables, joue un
rôle important. À l’heure actuelle cependant, il reste
encore difficile d’étendre l’autonomie énergétique à
de très grosses opérations en nombre d’habitants.
Un autre résultat important à souligner : les acquis
environnementaux en matière climatique ou de
con sommation énergétique sont aussi des acquis
sociaux, cela à une double échelle locale et globale.
À l’échelle locale, car les premiers permettent une
baisse des charges dans un contexte de précarisation
énergétique croissante ; à l’échelle locale encore
mais au niveau de l’urbanisme, car ils permettent
de s’acheminer vers une « ville bioclimatique » qui
maximise le bien-être et la santé de sa population
(en jouant sur la végétalisation, il est possible de
mieux réguler la température, de recharger les
nappes phréatiques, de limiter les inondations…) ; à
l’échelle globale, agir pour diminuer ici l’émission de
gaz à effet de serre, c’est aussi contribuer à réduire
ailleurs et bien au-delà des villes européennes les
vulnérabilités à la fois territoriales et sociales
croissantes d’autres populations par rapport au
changement climatique.
L’empreinte écologique : plus généralement, sa dimi-
nution dans les quartiers des villes européennes répond
à une problématique de justice environnementale,
en réduisant l’accaparement des ressources environ-
nementales planétaires par les pays du Nord. Avec
des modes de vie extrêmement énergivores, ils
saturent les capacités d’autoépuration de la planète.
En promouvant d’autres modes de consommation
énergétique urbaine, ils redimensionnent leur
conception des solidarités en l’élevant au niveau
d’une solidarité planétaire.
Évaluation, reproductibilité, limitesQuelles sont les limites sur retours d’expériences de
ces quartiers en matière d’efficacité énergie/climat ?
87
Écoquartiers
Ce qui semble prouvé, notamment à Hanovre, c’est la
très forte efficacité de la micro-cogénération, avec une
rentabilité de 90 %. Francfort la développe, Grenoble
va aussi en construire. Problème : elle demande
encore des subventions publiques, ce qui en fait une
technique à aider puisqu’elle donne des résultats
probants.
Ce qui pose problème : de manière plus générale dans
ces quartiers, on peut observer partout en Europe
un accroissement des processus de décohabitation,
d’augmentation de la taille des logements,
d’électrification des biens domestiques et plus
généralement d’augmentation des consommations
d’énergie. Par exemple à Fribourg, les évaluateurs de
l’efficacité de l’écoquartier sur le plan climat ont dû
se rendre à l’évidence : l’augmentation générale des
consommations annihile une partie des efforts faits
pour économiser l’énergie. En matière d’énergies
renouvelables, leur part en valeur relative dans la
consommation énergétique de la plupart des pays
de l’Union est en baisse depuis les années 1980, à
l’exception de la Suède et de l’Allemagne, malgré un
fort essor en valeur absolue.
De la même façon, l’amélioration de la mobilité
quotidienne intra-urbaine, à la fois par réduction des
déplacements motorisés et par recours à des modes
peu polluants, est en partie contrebalancée par une
forte augmentation des mobilités interurbaines et du
trafic aérien (vérifié à Hanovre).
En matière d’impact climatique, il faut donc aller
vers des solutions de portée plus large. Certains
quartiers misent sur l’innovation écotechnologique,
environnementale, et moins sur l’innovation sociale
et démocratique ; or, cette dernière est cruciale
puisque les modes de vie commandent largement
l’empreinte écologique de leurs habitants. Passer de
l’intervention sur le bâti et les infrastructures, tout à
fait nécessaire, à une intervention sur l’évolution des
modes de vie et de consommation est indispensable.
Cela se fait spontanément dans les quartiers conçus
par les habitants : là, les actions attentives aux modes
de vie sont beaucoup plus fortes que dans les quartiers
complètement planifiés.
Le véritable défi n’est pas alors de construire des
« territoires pilotes », mais d’initier des « territoires
d’apprentissages » où il est possible de développer des
modes d’actions conjoints, entre habitants, pouvoirs
publics et sociétés privées, en s’appuyant sur une
« ingénierie sociale » et non pas seulement sur une
« ingénierie écotechnologique » pour créer des effets
leviers.
Personne ressource Cyria Emelianoff, géographe et maître de conférence
à l’université du Maine, ESO-GREGUM UMR 6590 CNRS
Organiser la construction durable : une démarche d’apprentissage collectif pour l’agglomération de Rennes (France)
ObjectifsL’agglomération rennaise a fait le choix de généraliser
de manière progressive la construction durable
sur son territoire. La première étape est le projet
BBC 2012 qui a pour objet la généralisation, à partir
de 2012, du bâtiment basse consommation au sein de
l’agglomération, tant dans la construction neuve que
dans l’ancien. Ce projet devra concilier la solvabilité
des ménages et l’évolution des modes de vie.
Être à l’écoute des acteurs concernés par cette
généralisation et comprendre de quoi ils ont besoin
pour relever ensemble ce défi : deux enjeux qui ont
convaincu les élus et leurs partenaires qu’il était
nécessaire d’aller vers une « démarche d’apprentissage
collectif » qui soit adaptée et appropriable par
l’ensemble de ces acteurs.
88
Table ronde 9
Il s’agit ici d’illustrer quelques-uns des principes clés
qui ont été identifiés pour ce faire :
• Construire l’hélice vertueuse autour de la sensi-
bilisation, la formation et la réalisation ;
• Viser non pas la reproduction de la technique, mais
l’appropriation de nouvelles méthodes de travail ;
• Organiser un environnement propice à l’innovation ;
• Favoriser la transparence et les comparaisons
possibles en matière de coûts de la construction.
ContexteC’est celui de l’agglomération de Rennes :
• près de 400 000 habitants, trente-sept communes
avec une croissance démographique élevée ;
• la mise en place d’un plan local de l’habitat
conséquent ayant pour objectif de construire 4 500
logements par an, dont 50 % de logements aidés
(investissement de l’agglomération 40 millions
d’euros par an) ;
• un projet BBC-2012, première étape d’un processus
de généralisation de la construction durable dans ce
plan, dont l’objectif est de promouvoir le « bâtiment
basse consommation » ;
• une tradition de maîtrise d’ouvrage forte sur
l’agglomération ;
• un appel d’équipes lancé auprès des trente-sept
communes de l’agglomération, avec une dimension
internationale puisque l’agglomération va soutenir
la possibilité de mise en tandem avec des équipes
étrangères.
Méthode, contenuL’objectif d’organiser la construction durable se justifie
pour plusieurs raisons :
• Elle interroge les pratiques professionnelles qui
doivent s’adapter (« Il faut pouvoir sortir des
autoroutes de la pensée et innover ») ;
• Elle avance avec de l’intelligence collective, ce qui
nécessite de décloisonner des acteurs ;
• Elle s’inscrit dans le contexte d’une société où les
connaissances sont de plus en plus pointues et
en perpétuelle évolution (« Les matériaux utilisés
actuellement sont compatibles avec la problématique
de la santé et de l’environnement d’aujourd’hui. D’ici
deux ans peut-être, les connaissances auront avancé
et ces matériaux ne seront plus aussi pertinents
qu’on le pensait. On ne fait jamais bien les choses,
on va vers quelque chose de mieux »).
L’approche cartésienne consiste à séparer pour mieux
comprendre. Or, la juxtaposition des contraintes et des
décisions a pour conséquence une addition des coûts et
des pertes. Dans une approche systémique plus intégrée,
qui prend en compte simultanément les contraintes
de l’ensemble de la chaîne de construction, il est
nécessaire de jouer sur l’interaction entre les savoirs
et les compétences pour aller vers une optimisation
du projet, des coûts, dans le cadre d’un processus de
qualité.
La construction durable n’est pas alors un problème
technique majeur. Il est reconnu par tous qu’il est
important de développer les savoir-faire, de les relier
entre eux et de les faire connaître. Le grand besoin
d’innovation se situe dans la mise en œuvre à grande
échelle. Si l’on veut le concilier avec la solvabilité
des ménages et la prise en compte de l’évolution des
modes de vie, le défi est à relever avec l’ensemble
des acteurs concernés et les habitants auxquels il
apparaît très important de poser directement la
question.
Comment procéder ? En organisant des dîners-débat
avec les participants représentant l’ensemble de la
chaîne de la construction : des personnes venant des
collectivités, des bureaux d’architecture, des bureaux
d’études, des entreprises ou des vendeurs de matériaux
par exemple ; avec un animateur par thème qui restitue
ensuite le contenu du débat à l’ensemble du groupe,
puis des entretiens spécifiques auprès des acteurs, en
bref, une hélice vertueuse autour de la sensibilisation,
la formation et la réalisation.
89
Résultats, évaluation et reproductibilitéDans l’expérience rennaise, cette démarche BBC-
2012 d’apprentissage collectif a d’ores et déjà permis
de recenser une multitude d’idées, de propositions,
mais aussi de questionnements indispensables pour
œuvrer à une généralisation de la construction
durable. Elle ouvre la voie à une appropriation du
sujet par l’ensemble des acteurs concernés et à une
plus grande efficacité des processus de construction.
www.rennes.fr
L’écoquartier Vauban de Fribourg-en-Brisgau (Allemagne)
Objectifs, contexteL’écoquartier Vauban est situé à 3 km au sud du
centre-ville de Fribourg (263 000 habitants) ; son
terrain accueillait une caserne libérée après la chute
du mur en 1992. Après une période d’occupation
illégale des baraquements, la municipalité lance en
1996 les opérations de renouvellement du secteur,
en s’appuyant sur une démarche de développement
durable. Le volume financier total engagé par la
municipalité pour l’ensemble du projet Vauban est de
85 millions d’euros (achat de terrain, viabilisation,
travaux, publicité, aides financières…). Les travaux
prennent fin en 2006.
Les objectifs de la planification urbaine ayant
formé l’ossature du projet Vauban sont : la mixité
des emplois et des habitations, la préservation des
biotopes du terrain, la priorité pour les piétons,
cyclistes et transports en commun, l’utilisation
rationnelle de l’énergie (installation d’un réseau
de chaleur de proximité à base d’une centrale de
cogénération à copeaux de bois), la construction
des habitations selon les normes de “très faible
consommation d’énergie” (65 kWh/m2 par an),
la mixité sociale, un centre de quartier avec des
magasins pour les besoins quotidiens, une école
élémentaire et des jardins d’enfants, des espaces
verts publics, une diversité architecturale, des
parcelles de taille réduite, un climat accueillant
pour les familles et les enfants.
Méthode, contenuOnze anciennes baraques ont été conservées et
rénovées, occupant un terrain d’une superficie de 4
hectares. Quatre d’entre elles sont affectées à 200
logements alternatifs habités par une partie des
personnes ayant occupé illégalement la caserne dès sa
libération et dont le statut est à présent régularisé. Six
autres accueillent 600 logements pour étudiants. Une
ancienne baraque, enfin, est transformée en maison
de quartier et en centre socio-culturel accueillant
les associations locales. Les 34 hectares restants
ont été restructurés et consacrés à la création de
2 000 logements et de 600 emplois, dont la plupart
sont regroupés sur 6 hectares destinés aux activités
industrielles et artisanales. Aujourd’hui, cette
implantation compte 5 000 habitants répartis dans
2 000 logements, avec une densité d’une centaine de
logements à l’hectare.
La ville de Fribourg a proposé dès les débuts de la
planification du quartier une « participation élargie »
dépassant le cadre indiqué par la loi. Les personnes
intéressées ont pu se réunir dans des cercles de
travail coordonnés par le Forum Vauban, né en 1994.
Constitué en association des citoyens, le forum – qui
est financièrement soutenu par la Ville – dispose
d’un bureau servant aussi de centre d’information. Le
quartier Vauban a ainsi connu une forte participation
citoyenne au projet pour que les habitants puissent
définir l’organisation de leur îlot ou de leur immeuble
au cours de multiples réunions précédant la
transmission de leur projet à un maître d’œuvre. Ces
« groupes de construction » ont permis de créer des
relations de voisinage antérieures à la construction ;
ils ont également permis la réduction des coûts de
construction par des économies d’échelle, et la mise
en commun de quelques équipements.
Écoquartiers
90
Table ronde 9
Il a été prévu de promouvoir, pour la moitié des
habitations, des formules de logement social. Des
habitants ont fondé, en juin 1997, une coopérative
pour la réalisation de logements sociaux. La répar ti-
tion des habitants du quartier Vauban est la suivante :
25 % d’ouvriers, d’employés et de fonctionnaires ;
55 % de cadres supérieurs ; 10 % de professions
libérales. À ces chiffres, il convient d’ajouter 600
logements pour étudiants et demandeurs d’asile et 200
logements autogérés. On y trouve également 10 % de
parents célibataires, 65 % de foyers avec enfants et
25 % de foyers sans enfants. Enfin, 40 % des habitants
sont locataires et 60 % sont propriétaires.
Résultats, évaluation et reproductibilitéLe quartier Vauban, l’un des plus grands quartiers
solaires d’Europe, est avant tout un écoquartier :
terrains dépollués, construction des habitations
selon les normes de « très faible consommation
d’énergie », préservation des biotopes du terrain,
utilisation rationnelle de l’énergie, préservation des
arbres centenaires, jardins privatifs non clôturés d’où
l’impression d’espace ouvert, trouées vertes planifiées
en concertation avec les habitants, exploitation
des eaux de pluie grâce aux terrasses végétalisées,
2 500 m2 de panneaux solaires photovoltaïques.
Le terrain a été découpé en petites parcelles qui ont
permis une diversité architecturale selon des pratiques
anciennes revisitées (mitoyenneté des maisons). Par
ailleurs, dans l’esprit écologique du quartier, une
unique place de parking a été accordée par logement.
Les logements ont été personnalisés par la couleur,
initiative fortement appréciée par les habitants.
L’accessibilité géographique, physique (notamment
aménagements pour personnes handicapées) et
sociale aux logements, lieux de travail, équipements
et services a été le principe maître de la conception
du quartier, lui assurant par là même une diversité
fonctionnelle, formelle et spatiale. Enfin, le piéton et
le cycliste sont ici rois, tout le quartier et un grand
nombre de larges ruelles leur étant réservés, et les
vélos étant tous équipés d’une remorque pour le
transport.
www.vauban.de
Le quartier neutre en carbone de Beddington : Bedzed (Royaume-Uni)
Objectifs, contexteSitué au sud de Londres dans la ville de Sutton, le
Beddington Zero Energy Development (Bedzed) est
le premier et le plus important quartier « neutre
en carbone » du Royaume-Uni. Les objectifs de sa
conception sont :
• concilier qualité de vie et habitat
• contrôler l’extension urbaine sur les terres agricoles
et les espaces verts
• soutenir l’économie locale
• développer le recours à des énergies et des matériaux
produits localement
Méthode, contenuLancé en 1995, le projet associe un cabinet d’archi tectes,
une association environnementale et une société immo-
bilière dédiée à des initiatives sociales et innovantes. Le
site a été cédé par la ville de Sutton à un prix inférieur à
celui du marché pour tenir compte des bénéfices indirects
associés à la protection de l’environnement.
Le projet se compose de quatre-vingt-deux logements
dont dix réservés à des travailleurs sociaux et quinze
à des personnes aux revenus modestes ; il comporte
également 2 500 m² d’espaces commerciaux et de
services. Le quartier est prévu pour 244 habitants.
Les logements sont construits en matériaux durables,
fortement isolés, disposant de chauffage solaire passif
et actif, de cogénération de biomasse, de ventilation
naturelle avec récupération de chaleur, de récupération
des eaux de pluie et de jardins privatifs.
91
Écoquartiers
Un plan de transport et d’aménagement urbain « vert »
a été mis en place pour promouvoir le vélo, la marche
et les transports publics. Un système de prêt/partage
de voitures est également offert, financé en partie sur
les taxes de fonctionnement.
Résultats, évaluation et reproductibilitéLes concepteurs du projet ambitionnent de le
promouvoir et de le développer dans le reste de
l’Angleterre et à l’étranger.
Un quartier durable à Stockholm : Hammarby Sjöstad (Suède)
Objectif, contexteHammarby Sjöstad était une zone industrielle de
Stockholm connue pour ses problèmes d’insécurité et
d’insalubrité. La ville souhaitait transformer le quartier
dans le cadre de sa candidature aux Jeux olympiques
de 2004. En 1997, malgré le choix d’Athènes comme
ville d’accueil, la planification d’Hammarby Sjöstad est
poursuivie avec l’objectif de rebâtir un quartier à haute
densité, ressemblant au centre-ville, mélangeant les
catégories socio-professionnelles et de haute qualité
environnementale.
Méthode, contenuLa planification d’Hammarby Sjöstad (200 hectares) a
débuté en 1991. Les sols ont été décontaminés, les
bâtiments industriels rasés ou reconvertis à l’image
d’une usine devenue centre sportif et culturel. Les
architectes ont souhaité construire le quartier
d’Hammarby Sjöstad sur le modèle du centre-ville,
avec des architectures variées. Il a été décidé de ne
construire que sur les terrains autrefois bâtis et de
limiter la hauteur des bâtiments à cinq étages pour
rendre le quartier plus agréable à vivre et le distinguer
du modèle classique des banlieues. Le travail de
planification est le fruit d’une coopération entre
architectes, urbanistes, ingénieurs et paysagistes
afin d’avoir une approche multidisciplinaire qui évite
les erreurs liées à l’absence de communication entre
spécialistes. L’adaptation des infrastructures et du
design urbain aux personnes handicapées a également
été prise en considération dans la programmation.
Le quartier se veut un modèle en matière environ ne-
mentale et des normes très strictes y ont été imposées.
L’objectif global était de construire un quartier dont
l’impact sur l’environnement soit de 50 % inférieur à
celui des aires d’habitation construites au début des
années 1990. Les six objectifs environnementaux
de Hammarby sont : la décontamination des
sols et la réhabilitation des terrains en secteurs
résidentiels attractifs avec parcs et espaces verts,
l’utilisation des sols déjà construits, des matériaux
de construction sains, les transports en commun, la
limitation des nuisances sonores, et l’optimisation
des services d’énergie, d’eau et des déchets.
L’énergie consommée par les habitants provient
essentiellement de sources renouvelables et l’accent
est mis sur les économies d’énergie (conception des
bâtiments, panneaux solaires, réseau urbain de
chaleur et de froid, station de proximité pour le
traitement des eaux usées qui produit du biogaz).
Les déchets sont triés par les habitants, lesquels les
déposent dans différents conteneurs intégrés dans le
paysage. Ils sont ensuite aspirés au point de dépôt
par un système pneumatique d’évacuation souterraine
(technologie suédoise ENVAC) et acheminés selon leur
nature vers le point de traitement adapté (minimisation
des transports). Ce système de gestion de l’énergie,
des déchets et de l’eau s’appelle le modèle Hammarby.
Résultats, évaluation et reproductibilitéLe quartier d’Hammarby Sjöstad est à un stade
avancé de sa transformation. Fort d’une architecture
diversifiée et moderne, il est également une véritable
réussite sur le plan environnemental. L’écocycle
fonctionne, la consommation énergétique est
conforme à ce qui était attendu (60 kWh/ m2) et le
92
Table ronde 9
niveau de nuisances sonores est proche de la valeur
visée. En revanche, l’objectif de mixité sociale du
développement durable n’a pas été atteint : le quartier
est essentiellement habité par des personnes aisées,
plus attirées par le cadre de vie et la nouveauté des
constructions que par l’aspect environnemental. Ce
relatif désintérêt se traduit par le non-respect du
tri par certains habitants, ce qui rend le système
de gestion des déchets beaucoup moins efficace. La
sensibilisation apparaît être, à ce niveau, le facteur
clé du développement durable.
www.hammarbysjostad.se
Une démarche globale de qualité des opérations d’aménagement : le référentiel « Un aménagement durable pour Paris » (France)
Objectifs, contexteDe nombreux projets de requalification urbaine
émergent depuis plusieurs années sur le territoire de
la capitale française. Pour intégrer ces valeurs dans
les projets d’amé nagement urbain et diffuser une
culture partagée de la démarche de développement
durable appliquée aux projets urbains, la Ville de Paris
s’est dotée d’un référentiel évolutif, intitulé « Un
aménagement durable pour Paris ».
Méthode, contenuLe référentiel est construit autour de quatre axes :
• Une organisation performante, qui indique les
moda lités de gouvernance et de pilotage pour la
réalisation de projets d’aménagement durables
(mobilisation des ressources, organisation du
pilotage, transversalité, amélioration continue,
planification et formalisation de la démarche) ;
• Un cadre urbain vivant et chaleureux, qui décline
des préconisations concernant la qualité des
espaces publics, la mise en valeur du patrimoine
bâti et du patrimoine naturel, la mise en œuvre
d’une politique de déplacements responsable, le
choix de matériaux pérennes ainsi que les enjeux
de sûreté urbaine ;
• Une gestion responsable de l’environnement, qui
traite des questions de biodiversité, de gestion
de l’eau et de l’assainissement, de l’efficacité
énergétique, de la gestion des nuisances sonores
et des pollutions atmosphériques, de la gestion des
déchets et de celle des risques ;
• Une cohésion sociale et une diversité économique,
qui indiquent des moyens de favoriser la mixité
des quartiers (en termes de logements et
d’équipements), de lutter contre l’insalubrité, de
renforcer la diversité économique et la proximité
de l’emploi, et de développer les services culturels
et de loisirs.
Il s’agit avant tout d’un outil destiné à favoriser le
travail collaboratif entre les différents services de
la ville, les aménageurs, les opérateurs, les bailleurs
sociaux, les maîtres d’œuvre.
Pour chacun des objectifs qui y sont déclinés, le
référentiel rappelle des éléments d’état des lieux en
matière de développement durable pour aider les
chefs de projets à mettre en perspective l’opération
d’aménagement avant de procéder au diagnostic du
site. Des éléments de cartographie permettent de se
repérer facilement au regard des enjeux spécifiques
aux différents secteurs de la ville.
Chaque axe se traduit par des propositions d’actions
et, là où c’est possible, par des objectifs quantifiés.
Enfin, un tableau de bord propose des indicateurs de
suivi et d’évaluation pour mesurer la prise en compte
de la démarche de développement durable à toutes les
étapes de l’opération.
Résultats, évaluation et reproductibilitéLe référentiel doit permettre l’amélioration globale de
la conception et de la mise en œuvre des opérations
93
Écoquartiers
d’aménagement. Il doit pouvoir s’appliquer à tous types
d’opérations, quel que soit leur état d’avancement, et
fournit aux porteurs de projets :
• un cadre de référence pour intégrer les objectifs de
développement durable dans les projets d’écoquartier ;
• une méthode de suivi et d’évaluation de l’intégration
du développement durable à chaque phase des
projets ;
• une cohérence avec les certifications existantes à
l’échelle du bâtiment ;
• une plus grande transversalité entre les différents
services de la ville ;
• un outil pour anticiper les besoins de la gestion
future.
94
Table ronde 10
Au titre de l’objectif « Mettre en œuvre une politique de développement urbain intégré »
Les indicateurs peuvent assurer le lien entre un projet
territorial et les habitants, dans la mesure où ils sont
à même de jouer un rôle pédagogique, notamment
de clarification et d’explicitation des concepts. En
effet, une des conditions du développement durable
est que les habitants puissent adhérer aux politiques
qui mettent en œuvre le projet. Les indicateurs,
mettant en lumière les évolutions, permettent
de saisir les enjeux du développement durable et
de rendre compte de l’efficacité des démarches
engagées (induisant des changements de pratiques,
par exemple). Ainsi la mise en place d’indicateurs
peut alimenter une démarche de sensibilisation de
la population, améliorer l’implication des citoyens
et ainsi réduire l’asymétrie entre ceux qui savent et
ceux qui ne savent pas, l’idée étant d’instaurer une
véritable communication autour de ces indicateurs et
de leur renseignement en proposant de suivre leurs
évolutions, sur Internet par exemple.
C’est ainsi que la mise en place d’un système
d’indicateurs partagés au niveau local peut faire
l’objet d’un projet de ville en s’appuyant sur les acteurs
du territoire (par exemple, les associations en tant
que relais d’opinion) et des lieux, virtuels ou réels,
de diffusion de l’information que peuvent être, par
exemple, les marchés – comme c’est le cas à Rillieux-
la-Pape (agglomération de Lyon, France).
Au titre de l’objectif « Réinsérer dans la ville les quartiers urbains défavorisés »
Un système d’indicateurs comme instrument de mise
en œuvre du développement durable peut être un
moyen de raccrocher des quartiers en grande difficulté
à la dynamique territoriale. Faire adhérer les habitants
de ces quartiers au projet de développement durable
via une construction d’indicateurs partagés ou une
large communication autour de ces indicateurs peut
aller à contre-courant des forces d’exclusion. En effet,
observer les évolutions de la ville via les indicateurs,
identifier les critères de qualité de vie et participer
ainsi aux projets de la ville peuvent conduire des
habitants à se réapproprier l’ensemble du territoire de
leur ville, que ce soient les habitants des quartiers en
difficulté ou ceux des autres quartiers.
Ceci dit, les indicateurs statistiques en tant qu’outil
d’aide à la décision sont aussi à utiliser avec prudence,
notamment quand il s’agit de définir les territoires
d’action.
En effet, il faut choisir avant tout un projet d’inter-
vention plutôt qu’un territoire d’intervention. Les
sys tèmes d’indicateurs en tant qu’outils d’évaluation
Quels indicateurs de développement de la ville durable et solidaire ? Principes, questionnements et messages10
Table ronde
95
de projet doivent alors intégrer des indicateurs
qualitatifs, qui permettront de mieux rendre compte
à la fois des chances de réussite du projet (des
indicateurs tels l’engagement communautaire) et des
impacts du projet qui ne sont pas toujours visibles
statistiquement.
En outre, concentrer massivement les interventions
sur un quartier parce que les indicateurs sont au rouge
pose une étiquette de quartier en crise et induit un
risque de renforcement de la stigmatisation dudit
quartier en difficulté, et donc un risque de décrochage.
Au titre de la constitution d’un thésaurus d’indicateurs
Malgré la difficulté que cela comporte, la prise en
compte d’indicateurs dits qualitatifs doit venir
compléter les batteries d’indicateurs quantitatifs
(statistiques), que ce soit pour l’évaluation d‘un projet
et son suivi dans le temps ou dans une démarche de
diagnostic et d’aide à la décision.
La question de l’échelle est une des questions
importantes dans l’élaboration d’indicateurs. Diffé-
rentes positions sur ce sujet sont à considérer en
fonction de l’organisation administrative des pays et
des compétences dévolues à chaque échelle territoriale
(région, commune, État) ; elles révèlent aussi la
variété des objectifs assignés aux indicateurs :
• Pour certains, le niveau régional semble pertinent
quand il s’agit d’utiliser les indicateurs pour
décider des territoires prioritaires d’intervention.
C’est en effet à ce niveau que les programmes
(et leur périmètre) en capacité d’avoir un réel
impact se définissent. Dans cette logique, l’échelle
municipale est perçue comme conduisant à plus de
stigmatisation de certains groupes sociaux. Ainsi,
agir à un niveau plus élevé peut éviter d’amplifier la
ségrégation géographique, sociale et économique.
• Dans la même approche, le niveau régional est
aussi celui auquel des dynamiques métropolitaines
peuvent être identifiées et observées.
• Pour d’autres, le niveau local est le seul niveau
pertinent quand il s’agit de construire des
indicateurs fins, capables de rendre compte de la
réalité des territoires. Ainsi, le niveau communal est
plus pertinent pour définir des indicateurs de qualité
de vie ou d’élaboration d’un diagnostic territorial.
C’est aussi à cette échelle que l’on peut élaborer des
indicateurs partagés avec les différents acteurs du
territoire et les habitants, supports d’une diffusion
de connaissances sur la question du développement
durable.
• La définition des projets et leur évaluation doivent
être examinées au niveau local et gérées par les
villes au plus près des réalités du territoire.
• Des indicateurs au niveau européen dans le
cadre d’un audit urbain ne peuvent être que des
indicateurs très généraux ; ils ne sont pas toujours
utilisables ni appropriables par les acteurs locaux.
Ils ne doivent donc être mobilisés que dans un
but de comparaison des territoires et d’échanges
d’expériences. Dans la construction de ces
indicateurs européens, il pourrait sembler pertinent
de faire une nette différence entre les villes en
croissance et les villes en « décroissance », et de
porter une attention particulière aux dynamiques
de développement à long terme.
Les indicateurs peuvent permettre des échanges
d’expériences entre différentes politiques urbaines.
Pour cela, il s’agit avant tout d’identifier des éléments
communs aux villes d’Europe. La difficulté repose
sur la nécessité d’échanger non seulement sur des
réalisations mais aussi sur des méthodes, sur les moyens
mis en œuvre pour atteindre les résultats. En effet, des
transformations spectaculaires se sont produites dans
de nombreuses villes européennes au cours des vingt
dernières années. La construction d’un référentiel
doit s’appuyer sur ces expériences pour nourrir les
réflexions, notamment pour ce qui concerne les villes
Indicateurs de développement
96
Table ronde 10
Indicateurs qualitatifs de sélection de projets dans le cadre du programme de renouvellement urbain des districts de la région catalane (Espagne)
Le gouvernement de Catalogne a fait voter, en
réponse à une forte dégradation des conditions de vie
dans certains quartiers, la loi sur l’amélioration des
districts, des villes et des aires urbaines. Cette loi a
initié un programme dédié à la réhabilitation et à la
promotion de districts nécessitant une considération
particulière de la part des autorités. Il s’agit d’un fond
destiné au cofinancement de projets de réhabilitation
de quartiers, ces projets étant promus par les
municipalités. Les projets sont sélectionnés suite à un
appel à projets selon deux mécanismes de sélection :
l’un basé sur la caractérisation des problèmes par
des indicateurs statistiques (sur le développement
urbain, la démographie, les infrastructures et les
problèmes sociaux et économiques), et un autre basé
sur des critères et indicateurs qualitatifs. Ce sont
ces indicateurs qualitatifs qui sont les garants de la
réussite des projets.
Le premier de ces indicateurs porte sur l’échelle
d’inter vention à même de garantir le mieux l’impact
des programmes.
Le second est la prise en compte de la qualité d’un
projet plutôt que d’un territoire d’intervention défini
par des données statistiques. Une intervention
décidée sur la base de caractéristiques d’un territoire
peut nuire au quartier par un effet de stigmatisation.
Un troisième critère est celui de la coopération
et de la transparence, notamment la coopération
entre administrations régionale et municipales. Le
choix des projets doit se faire conjointement entre
le gouvernement régional et les villes, mais cette
coopération doit se poursuivre tout au long du
projet malgré les pratiques et les cultures de travail
différentes. La réussite du projet ne peut se réaliser
sans cette capacité à passer au-delà des barrières
administratives.
La mobilisation du secteur privé aux côtés
d’investissements publics est aussi un facteur de
réussite de projets qui se détachent du cercle vicieux
de la dégradation des quartiers et de leur abandon par
le secteur privé.
Un critère important est la dimension globale du
projet. Cette approche intégrée se définit par la prise
en compte des huit critères suivants : l’amélioration
des espaces publics et le développement des espaces
verts, l’amélioration des conditions d’habitat, l’apport
Actions et initiatives significatives
moyennes, ces villes étant souvent moins impliquées
dans des réseaux d’échanges et de capitalisation des
bonnes pratiques. Ainsi la construction d’indicateurs
communs à l’échelle européenne semble indispensable
pour multiplier les échanges de bonnes pratiques.
L’outil que sont les indicateurs est plus ou moins
nouveau selon les pays ou les villes. Ces indicateurs
doivent impérativement être saisis par les élus locaux
qui sont les décideurs des politiques. Il est donc
important de construire des indicateurs, même au
niveau européen, qui soient parlants pour les élus,
mais aussi parlants pour l’ensemble des fonctionnaires
de la municipalité. Il est également indispensable
d’accompagner la mise en place de ces indicateurs par
la formation des élus et des techniciens.
97
Indicateurs de développement
d’équipements, les technologies de l’information,
l’efficacité énergétique, le cycle de l’eau et le
traitement des déchets, l’égalité homme/femme dans
l’utilisation des espaces publics et des équipements, les
programmes communautaires de développement et la
suppression des ruptures urbaines.
L’administration locale doit porter la mise en œuvre
du projet, en être responsable, même si l’intervention
se conçoit au niveau régional (en concertation avec
le niveau local). Le rôle de la région est de fournir les
ressources, mais ce sont les municipalités qui prennent
la responsabilité d’agir et qui ont l’expérience des
méthodes d’intervention.
Le septième indicateur est celui de la démarche de
participation et d’implication de l’ensemble des
acteurs concernés. Les citoyens, par exemple, sont
certes les bénéficiaires des interventions, mais ils
peuvent aussi en être des acteurs ; cette participation
doit impliquer les acteurs économiques et sociaux
comme les habitants. Il doit donc y avoir un effort
porté du niveau régional jusqu’aux citoyens en passant
par la municipalité, les associations…
Les trois derniers éléments sont la capitalisation –
notamment via des outils de communication à large
diffusion comme Internet –, le partage de bonnes
pratiques (benchmarking), et enfin l’évaluation des
résultats et de l’efficacité du projet.
Les indicateurs de qualité de vie développés par la Commission de l’audit du gouvernement du Royaume-Uni
Cette série d’indicateurs a été créée en 2005 au Royaume-
Uni par la Commission d’audit, DEFRA (Département de
l’environnement, de l’agriculture et des affaires rurales)
et ODPM (bureau du Vice-Premier ministre). Cette série
s’organise autour de quarante-cinq mesures clés qui
doivent décrire la « qualité de vie » sur le territoire.
Elles ne mesurent pas la qualité de vie d’un ménage
mais d’un territoire, en renseignant des indicateurs liés
à l’emploi et à la sécurité, et des indicateurs qui tentent
de rendre compte des perceptions qu’ont les habitants
de leur environnement.
Ces indicateurs de qualité de vie permettent de
comparer au même moment les territoires les uns
par rapport aux autres, mais aussi d’observer dans le
temps les progressions et régressions d’un territoire.
Ils peuvent également s’utiliser comme outils
d’évaluation d’une action, dans la mesure où l’on
est capable d’isoler les effets de l’action des autres
changements du territoire – ce qui est généralement
discutable. En outre, ils sont particulièrement utiles
comme outils de formu lation d’enjeux et d’objectifs
à l’échelle locale, mais peuvent aussi participer à leur
formulation à l’échelle nationale.
Ces indicateurs de qualité de vie couvrent un nombre
important de questions de développement durable qui
influent sur la qualité de vie à long terme. Ils aident
à mesurer les quarante-cinq cibles issues des priorités
de la politique nationale britannique et des études et
recherches publiques.
La liste d’indicateurs à appliquer au niveau des
collectivités locales a l’originalité d’inclure des
indicateurs à renseigner à partir de l’enquête triennale
de satisfaction, et qui mesurent la perception des
habitants de leur environnement local. Cette en quête
de satisfaction est réalisée par questionnaires envoyés
aux habitants de toutes les collectivités locales. Ces
enquêtes comportent à la fois des questions sur la
perception de la municipalité et des services publics
locaux, et des questions plus larges sur la perception
de l’environnement de vie.
Exemple d’indicateurs de « qualité de vie » :
• Pourcentage d’habitants qui pensent que depuis
98
Table ronde 10
les trois dernières années, la qualité du lien social
dans leur environnement local s’est améliorée ou est
restée la même.
• Pourcentage d’habitants qui pensent que les gens
sont attaqués à cause de la couleur de leur peau, de
leur origine ethnique ou religieuse.
• Plusieurs indicateurs liés aux agressions, vols,
agressions sexuelles, drogues, etc.
• Pourcentage d’enfants qui vivent dans des familles
aux revenus très bas.
• Santé : taux de mortalité par cancer (pour les
femmes et pour les hommes), par maladies du cœur,
espérance de vie, mortalité infantile.
• Grossesses précoces.
• Indicateurs liés au logement : nombre de cons-
tructions neuves, pourcentage de logements
sociaux, pourcentage des personnes qui trouvent
que le nombre de personnes qui dorment dans les
rues est un problème important ou non, rapport
entre le prix des logements et le niveau de revenu.
• Indicateurs liés aux déplacements : pourcentage
d’habitants qui se rendent sur les lieux de travail
en véhicule privé, en transport public, à pied ou à
bicyclette, pourcentage d’habitants qui travaillent à
plus de 20 km de leur lieu d’habitation, pourcentage
de personnes qui pensent que sur les trois dernières
années, les transports publics se sont améliorés ou
sont restés identiques.
www.audit-commission.gov.uk
99
Au titre de l’objectif « Mettre en œuvre une politique de développement urbain intégré »
JESSICA (Joint european support for sustainable
investment in city areas) est un outil financier
durable en cours d’expérimentation. Son utilisation
permettra, sur le long terme, le financement de projets
urbains de développement intégré. L’instrument, qui
peut se décliner en prêts, en capital risque ou en
garanties, agit comme un catalyseur pour attirer des
financements supplémentaires (du secteur privé) et
comme un outil d’amélioration de la qualité, de la
gestion et de la gouvernance des projets urbains.
JESSICA pourrait se traduire sur le terrain par des fonds
de développement urbain regroupant les contributions
des partenaires privés et publics au sein d’un même
outil d’investissement.
Le principe du remboursement des sommes investies
garantit l’existence de l’outil sur le long terme et
la possibilité de financer un plus grand nombre de
projets de développement urbain dans une période de
raréfaction de la disponibilité des fonds publics (effet
multiplicateur).
La particularité d’un fonds d’investissement JESSICA
par rapport à d’autres fonds du même type est
d’incorporer du Feder dans son capital : c’est donc
un outil complémentaire de mise en oeuvre des
programmes européens adaptés à un certain type de
projets où il est permis de « recycler » le Feder en le
banalisant, plutôt que le dépenser une fois pour toutes
sans forme de subvention. De plus, l’appui de la BEI
(Banque européenne d’investissement) en ingénierie
et éventuellement en capital devrait favoriser la
construction d’un savoir-faire partagé à l’échelle
européenne.
Les champs d’application et les critères d’éligibilité des
projets financés par JESSICA demandent à être précisés
à deux niveaux, quant à la rentabilité financière et
quant au type de projet de développement urbain
intégré pouvant être financé :
En termes financiers, l’utilisation de JESSICA est
limitée aux projets qui engendrent des recettes (liés à
la vente des terrains ou des bâtiments construits). Les
projets sans profits possibles doivent continuer à être
financés par des subventions, sachant que sur un même
projet les deux types de financement sont possibles,
subvention et prêt. JESSICA est intéressant dans les
projets intermédiaires : si aucun profit n’est attendu,
le prêt ne pourra pas être remboursé ; si des profits
élevés sont prévus, il peut être préférable d’utiliser
des prêts classiques plutôt que JESSICA. D’une manière
générale, le critère est que le prêt JESSICA soit plus
intéressant pour une collectivité qu’un prêt classique
d’une banque. Il faut cependant définir plus clairement
ce que l’on entend par projet « rentable ».
Les outils innovants d’ingénierie financière : l’exemple de JESSICAPrincipes, questionnements et messages
Ingénierie financière
11Table ronde
100
Table ronde 11
La définition du caractère « intégré », quant à elle,
n’est pas formalisée, mais plusieurs éléments clefs
apparaissent dans les discussions : prise en compte des
trois piliers du développement durable, multiplicité
des fonctions, intégration à l’ensemble de la ville. Le
type de projet finançable et l’articulation de JESSICA
avec les règles d’utilisation des fonds structurels
restent encore à définir).
Il faut poser la question de l’application concrète
de l’instrument et de son adaptation aux règles de
chaque pays : type de fonds de développement urbain,
gouvernance, règles comptables, etc. Il faut éviter de
chercher une solution unique alors que chaque pays,
région ou ville a des problèmes, des compétences et
des moyens spécifiques. L’ensemble de ces questions
pourra être résolu au cas par cas, à l’échelle nationale.
L’analyse des différentes expériences menées en
Europe et les échanges au sein du groupe de travail
Urbact II « JESSICA for cities » permettent petit à
petit de définir des bonnes pratiques et des cadres
d’actions possibles.
L’intervention du secteur privé sur les territoires de
projet urbain ne doit pas compenser un désengagement
de la puissance publique ; il est nécessaire de
maintenir une responsabilité publique dans les projets
urbains intégrés. Les projets et les financements
croisés publics et privés permettent le partage du
risque et doivent inciter chaque acteur à s’enrichir de
la culture de l’autre (savoir-faire de la gestion privée,
responsabilité sociale de l’intervention publique).
Ressources générales : www.jessica.europa.eu
www.eib.org
Au titre de l’objectif « Réinsérer dans la ville les quartiers urbains défavorisés »
La réinsertion des quartiers urbains défavorisés est un
champ très important des interventions possibles de
JESSICA : régénération de friches urbaines, dévelop-
pement économique des quartiers en difficulté par
des parcs d’entreprises et des pôles de technologie,
création d’espaces de bureaux, d’hôtels, développement
d’infrastructures sociales (centres de formation profes-
sionnelle, hôpitaux), développement et modernisation
de l’habitat.
JESSICA permet de lancer l’investissement dans
des quartiers défavorisés au sein desquels les
investisseurs hésitent à intervenir, ou d’apporter à
ces derniers une garantie s’ils estiment que le risque
est trop grand. Pour les attirer, il est nécessaire
de renforcer l’attractivité globale du territoire et
d’améliorer son image : espaces publics de qualité,
dépollutions des friches industrielles, espaces verts,
équipements rayonnant à l’échelle de l’agglomération.
Ce travail sur l’image profite de fait à l’ensemble
des habitants du quartier. Au titre de l’objectif
« Mettre en œuvre une politique de développement
urbain intégré ».
Ressources générales : www.jessica.europa.eu
www.eib.org
101
ParqueExpo 98, le projet de développement urbain du Parc des nations à Lisbonne (Portugal)
Contexte, objectifsParqueExpo 98 est une entreprise de développement
urbain et régional créée en 1993 pour l’organisation
de l’exposition universelle de Lisbonne de 1998.
Son objectif était le redéveloppement urbain d’une
large zone autour du lieu d’exposition devant
donner naissance à un nouveau quartier : le Parc
des nations.
Avant l’Expo 98, cette zone, partagée entre les
communes de Lisbonne et de Loures, était un espace
portuaire industriel (raffineries, entrepôts militaires
et commerciaux). Avec le déplacement du port ne
sont restés que des terrains pollués et sans intérêt
commercial. C’est sur ces terrains qu’il a été décidé
de coupler l’exposition universelle (60 hectares) et
la création d’un nouveau quartier via un projet de
requalification urbaine de 430 hectares. De 1993
à 1998, l’entreprise a décontaminé et aménagé le
foncier, construit les pavillons et les immeubles de
l’Expo 98, des équipements et des infrastructures
routières de liaison vers le quartier et une gare.
Après l’exposition, elle a revendu certains immeubles
ou démoli des constructions temporaires et revendu
les terrains libres. Dans ce cadre, des partenariats
commerciaux ont été établis avec des partenaires
privés pour la construction d’immeubles de bureau. La
construction d’importantes infrastructures profitant à
l’ensemble de la ville et la réflexion sur le devenir
du quartier au-delà de l’Expo 98 sont des éléments
clefs pour le caractère intégré et durable de ce projet
urbain.
Méthode, contenuLe projet de développement s’est déroulé en trois
phases :
• De 1993 à 1995 : déplacement des activités
existantes et expropriation des terrains, dépollution
des sols et planification de l’aménagement (la
majorité des propriétés étaient en fait publiques et
ont été transférées à ParqueExpo).
• De 1995 à 1998 : construction des infrastructures
(gare, station de métro, bretelles d’autoroutes,
achèvement du nouveau pont sur le Tage), des
principaux immeubles et des équipements de
l’exposition.
• De 1999 à 2007 : fin de l’opération. Les immeubles
construits pour l’Expo 98 sont réaménagés et
commercialisés, de nouveaux immeubles sont
construits.
Pour préparer l’Expo 98 et développer le nouveau
quartier, ParqueExpo s’est vue dotée de pouvoirs
spéciaux tels que la planification, l’expropriation et
la délivrance des permis de construire. Ces pouvoirs
ont été rétrocédés aux municipalités, mais l’entreprise
est toujours responsable aujourd’hui de la gestion de
l’espace public (qui, à terme, sera aussi rendue aux
communes). Ce transfert exceptionnel de pouvoirs à
une entreprise a été considéré nécessaire pour pouvoir
organiser l’Expo 98 en cinq ans.
Au niveau de la planification urbaine, la ville de Lisbonne
a modifié son plan directeur pour intégrer ce projet. Un
concours d’architectes organisé en 1994 a débouché sur
l’élaboration de six zones de développement à l’intérieur
du quartier. Chacune de ces zones a fait l’objet d’un
plan d’urbanisation spécifique et de plans détaillés
préparés par ParqueExpo. Même si la notion de plans
intégrés n’a pas été explicitement présente, les acteurs
Ingénierie financière
Actions et initiatives significatives
102
Table ronde 11
du projet urbain intègrent bien une réflexion urbaine,
économique et environnementale.
Moyens humains et financiers / partenariatsAvec un capital de 66 millions d’euros, exclusivement
public, ParqueExpo est un instrument des politiques
publiques de planification environnementale et
foncière. L’État portugais en détient 99,1 % et la
ville de Lisbonne 0,9 %. ParqueExpo a été créée
comme société anonyme pour des raisons légales
et opérationnelles : la volonté de faire porter le
projet par une équipe de gestion professionnelle
et indépendante et de ne pas faire peser le budget
de l’exposition sur la dette publique (respect des
critères de Maastricht). ParqueExpo a également créé
des filiales pour le développement et la gestion des
principaux équipements du Parc des nations : un
aquarium, une salle de spectacle.
L’investissement total pour le Parc des nations s’est
élevé à 1 732 millions d’euros (dont 539 millions pour
l’acquisition des terrains et les infrastructures, 622 mil-
lions pour les bâtiments et équipements, 155 millions
pour la gare d’Oriente). Ce montant a été payé via une
participation de l’État portugais, le Feder et un prêt
global des banques portugaises. Le prêt à taux réduit a
été accordé grâce à la garantie de l’État portugais. Cette
garantie, qui n’a rien coûté à ParqueExpo, peut donc être
considérée comme une subvention indirecte de l’État.
Au-delà du projet du Parc des nations, ParqueExpo
a également aidé le gouvernement et les villes
portugaises à construire des projets de renouvellement
urbain. L’entreprise est aussi présente à l’étranger où
elle agit comme prestataire de service classique sans
être spécialement orientée vers le développement
urbain intégré (Europe de l’Est, pays africains de
langue portugaise).
Résultats, évaluation et reproductibilitéLe projet du Parc des nations est aujourd’hui considéré
comme un succès. Il a permis la construction de
2,5 millions de mètres carrés dont une moitié occupée
par des logements (25 000 habitants) et un quart
par des bureaux (22 500 emplois sont comptabilisés
aujourd’hui sur le site). Au niveau urbain, le projet a
permis la réhabilitation de zones industrielles polluées
et la « reconquête » urbaine des berges du fleuve. Une
partie des constructions liées au projet a, en fait,
profité à toute la zone est de la ville, surtout au niveau
des infrastructures.
La grande variété d’usage et de constructions qui
constituent ce quartier (espace public de qualité,
commerces, bureaux, logements, tourisme, loisirs) a
permis son appropriation et sa fréquentation importante
par les habitants de Lisbonne et les touristes. Il
faut noter cependant l’absence de construction de
logements à prix abordables, puisqu’un des objectifs
du quartier était de faire monter la valeur de ce
territoire par rapport à son entourage immédiat
(composé de nombreux quartiers populaires). De fait,
les prix des logements et du foncier des quartiers
alentour ont augmenté, mais l’impact du Parc des
nations en termes d’investissements économiques
dans ces quartiers est encore faible.
La revente des terrains et immeubles a permis de
payer une partie des coûts du projet, mais du fait
de la nature du projet (infrastructures, équipements
publics, parcs et importants espaces publics), le
financement de l’aménagement du quartier pèse
en grande partie sur l’État portugais (via la dette
contractée par ParqueExpo). En garantissant les prêts,
l’État a d’ailleurs porté l’ensemble des risques du
projet, jugés trop importants pour s’inscrire dans le
cadre d’un partenariat public-privé.
Personne ressource, ressources en ligne Rolando Borges Martins, directeur de ParqueExpo
www.parqueexpo.pt
103
Le fonds de développement urbain Priority Sites Limited et le projet « Evolution » à Newcastle-under-Lyme (Royaume-Uni)
Contexte, objectifsPriority Sites Limited (PSL) est un fonds
d’investissement créé en 1997 pour développer des
projets industriels sur des friches urbaines dans
des zones de faible développement économique où
les fonds privés n’investissent pas. PSL agit comme
promoteur en achetant, développant et revendant des
terrains. Il conserve parfois la propriété des terrains
et les loue pour s’assurer d’une utilisation conforme
à l’objectif initial. Le fonds assume l’ensemble des
risques liés au développement du projet.
PSL travaille principalement au développement de
trois types de terrains commerciaux : des parcelles
vendues au prix du marché et développées pour
des opérations industrielles, des espaces hybrides
industriels, logistiques et de bureaux, des bureaux
qui parfois s’inscrivent dans des projets plus larges de
développement urbain.
Le projet « Evolution » à Newcastle-under-Lyme
(122 000 habitants) s’inscrit dans la régénération de
terrains miniers inoccupés depuis 1986 et situés à 3
km du centre-ville. Ces terrains sont bordés par des
quartiers défavorisés encore fortement influencés dans
leurs structures par les anciennes mines.
Méthode, contenuLe projet « Evolution » s’inscrit dans le cadre plus large
du développement urbain et économique de la ville :
il s’agit de l’extension d’une zone d’activité (Lymedale
Business Park). Cette zone a été développée à partir
de 1995 par le County council du Staffordshire via
des subventions publiques. L’installation de plusieurs
entreprises de logistique et la hausse des prix du
foncier ont permis au County council de revendre les
terrains avec profit et de rembourser une partie des
subventions.
Le succès de la première opération a permis d’étendre
la zone d’activité pour promouvoir la création de
nouvelles entreprises. Du fait de la valeur des terrains,
son propriétaire public pensait qu’un aménageur
pouvait développer la zone sans subvention, mais les
investisseurs privés se sont retirés. Finalement, PSL a
été choisi comme investisseur pour ce projet.
Le projet « Evolution » consiste en la construction
d’immeubles industriels et de bureaux qui seront
vendus ou cédés via un bail emphytéotique de quatre-
vingt-dix-neuf ans. PSL vend ou loue les parcelles mais
reste propriétaire des espaces collectifs. Ces espaces
peuvent ensuite être vendus ou gérés par une filiale. Il
faut noter que du point de vue des prix d’acquisition
des terrains (au coût du marché), de la construction,
de l’aménagement et de la fixation des prix de revente
en fonction de sa marge, PSL agit comme un fonds
privé.
Moyens humains et financiers / partenariatsPSL est propriété de la Royal Bank of Scotland
(deuxième plus grand groupe bancaire d’Europe) à 51 %
et d’English Partnership à 49 %. English Partnership
(EP) est l’agence nationale de régénération urbaine
créée en 1999, son objectif étant de promouvoir des
projets durables et de haute qualité en recherchant
des investissements du secteur privé. EP a un statut
d’établissement public sous l’autorité du gouvernement
britannique (Département des communautés et
gouvernements locaux).
PSL a un statut d’entreprise privée (de type SARL), son
conseil d’administration est composé de représentants
des deux propriétaires. Sa gestion quotidienne est
réalisée par une équipe de vingt-trois salariés, qui
Ingénierie financière
104
Table ronde 11
n’est cependant pas autorisée à décider de la mise en
œuvre de nouveaux projets. Les projets sont décidés
sur la base d’études de faisabilité et ne deviennent
effectifs qu’avec l’accord des deux propriétaires du
fonds et de PSL lui-même.
Le capital initial investi par la Royal Bank of
Scotland l’a été sous forme financière, tandis que
EP a contribué au fonds sous la forme d’un apport
de foncier et de propriétés industrielles. Les deux
propriétaires ont également accordés des prêts à
long terme à PSL. Par ailleurs, des subventions sont
attribuées au fonds par EP dans le cas où le projet
ne prévoirait pas d’atteindre la marge habituelle de
profit de PSL de 15 %. À l’heure actuelle, sans ces
subventions, le fonds de développement ne serait
pas équilibré sur le long terme. Les subventions
lui permettent ainsi d’intervenir dans des projets
de développement qui n’intéressent pas les
investisseurs privés (sans toutefois que l’on puisse
connaître l’effet qu’auraient ces mêmes subventions
accordées à des investisseurs privés puisqu’elles
sont réservées à PSL).
Résultats, évaluation et reproductibilitéAu cours de ses dix premières années d’existence, PSL a
développé quatre-vingt-dix-sept projets qui ont permis
la création ou la préservation de 6 000 emplois. Dans le
cadre du projet « Evolution », les aménagements de PSL
ont répondu aux objectifs de la collectivité locale : le
renforcement de l’économie de la ville et des possibilités
d’emploi pour ses habitants (même s’il est difficile de
savoir à l’avance si les emplois créés profiteront bien
aux habitants de la zone). La mise en œuvre du projet
suit les grandes lignes d’action des investisseurs privés.
Ainsi, l’intérêt général est présent dans le projet non
pas au travers des investisseurs publics derrière PSL,
mais davantage via la planification et la présence active
des collectivités locales.
Finalement, l’intégration et la durabilité du projet
sont plus le fruit de la planification et de la prise
en compte de la zone d’activité dans l’ensemble du
développement de la ville (liaisons entre la ville
existante et la nouvelle zone d’activité), même si le
projet n’intègre pas, dans le cas présent, de dimensions
sociales ou écologiques.
Ressources en lignewww.prioritysites.co.uk
105
Au titre de l’objectif « Mettre en œuvre une politique de développement urbain intégré »
La participation des habitants à la réflexion stratégique
est une des conditions nécessaires à la mise en œuvre
d’une politique de développement urbain intégré.
Elle doit s’inscrire dans un processus participatif qui
intègre tous les acteurs parties prenantes.
Il s’agit que s’opère une prise de conscience progressive
des enjeux stratégiques et que s’élabore entre les experts,
les techniciens et les habitants une compréhension
partagée, indispensable à la production de cadres de
référence communs. Il s’agit aussi que le renversement
de perspective qu’implique le développement urbain
durable soit à la fois pris en compte et coproduit par les
premiers intéressés, les habitants.
Parvenir à un langage commun, support indispensable
à une réelle réflexion stratégique et aux confrontations
parfois dissensuelles qu’elle suppose, nécessite que
soient dépassées les représentations et les réserves
que chacune des parties prenantes entretient vis-à-vis
des autres.
La conduite d’une réflexion de type stratégique reste
un processus délicat, notamment dans la mesure où
les acteurs non spécialistes de cette démarche doivent
être capables, quels que soient leur âge, leur capital
culturel, social et économique, de s’approprier des
sujets et des techniques dont l’abord est difficile.
Il est souvent utile de s’appuyer sur des éléments
structurés de la société civile (associations, collectifs,
amicales, etc.) qui peuvent jouer un rôle de médiation
entre acteurs et d’appui aux habitants.
Diverses méthodes et démarches ont été expérimentées
dans différentes villes européennes. Elles ont en
commun de s’attacher à donner les moyens aux
habitants de comprendre les enjeux du projet, d’en
saisir les termes concrets et de l’investir tout au long
de la démarche. Elles ont pour objectif intermédiaire de
renforcer les capacités des habitants, via notamment
des dispositifs de formation ad hoc.
Pour éviter que la participation des habitants à la
planification stratégique ne se limite à la phase
prépa ratoire aux décisions ou qu’elle ne soit qu’un
simple « coup » – pour qu’elle « tienne » dans la
durée –, la lisibilité de la prise en compte de l’avis
des habitants est fondamentale : en quoi et comment
leurs propositions ont-elles été intégrées par les
décideurs ? Si elles ne l‘ont pas été, quels en sont
les motifs ? Voilà pourquoi le recours à des outils
adéquats d’information, de communication et de suivi
des projets apparaît pertinent.
La participation a un coût. Elle nécessite des
moyens financiers (communication, information,
Quelle participation des habitants aux démarches de planification stratégique ?Principes, questionnements et messages
Participation
12Table ronde
106
Table ronde 12
déplacements, supports pédagogiques, formations,
traductions…) et humains (médiateurs, urbanistes…)
qui doivent être pris en compte dès le départ dans tout
projet de planification stratégique.
Au titre de l’objectif « Réinsérer dans la ville les quartiers urbains défavorisés »
La réflexion sur l’avenir des quartiers populaires
défavorisés est déterminante si on veut éviter que ne
se reproduisent les erreurs du passé qui ont conduit au
décrochage d’une partie des territoires urbains.
De ce point de vue, la prise en compte de tous les
acteurs conduit à revisiter le discours sur les territoires
urbains dans le sens d’une meilleure compréhension et
intégration de la totalité des territoires, de la diversité
des usages et des manières de les habiter.
En effet, si la ville se décline selon des fonctionnalités
multiples, celles-ci sont appréhendées de façons
différentes par les habitants, dont les usages
urbains s’exercent selon des priorités variables et
évolutives. Concevoir et définir avec les habitants les
articulations futures nécessaires au développement
d’un système urbain intégré et multifonctionnel
représente un réel défi pour les quartiers populaires
défavorisés.
L’expression et la prise en considération du point de
vue des habitants est nécessaire au renouvellement de
la pensée prospective. Elle oriente et alimente celle-
ci dans une perspective d’innovation et non plus de
réparation. Elle ouvre sur de nouveaux futurs et facilite
la mise en œuvre des orientations stratégiques, dans
la mesure où celles-ci sont aussi les leurs.
Pour autant, si l’on veut éviter de s’en tenir aux seules
intentions, il importe de prendre en compte l’inégalité
de position des acteurs et habitants de ces quartiers,
les spécificités de leurs expressions, afin qu’ils puissent
exprimer et définir leurs enjeux de la façon la plus
appropriée à leurs cultures et à leur vécu.
Enfin, on ne saurait trop insister sur l’impérieuse
nécessité d’intégrer les populations jeunes des quartiers
populaires défavorisés aux débats stratégiques qui
configurent l’espace urbain qui sera le leur dans les
années à venir.
Le Grand Lyon (France)
La communauté urbaine de Lyon regroupe cinquante-
sept communes, soit 1 300 000 habitants.
Un de ses objectifs majeurs est de gérer le territoire
de façon solidaire et rationnelle, de penser le dévelop-
pement urbain en termes d’agglomération et non plus
commune par commune. C’est à cette échelle que la
participation des habitants est conçue, une Charte
de la participation citoyenne adoptée en 2003 en
énonçant les principes fondateurs et la méthode.
Le dispositif participatif est encadré par un comité de
pilotage et fait l’objet d’un suivi et d’une évaluation
régulière.
Les instances énoncées ci-après sont autant de relais à la
démocratie participative. Le conseil de développement
du Grand Lyon en est toutefois l’acteur clé.
1- Grand Lyon, l’esprit d’entreprise (ex-schéma de
développement économique) est une alliance pour
promouvoir et développer le territoire, un projet de
gouvernance économique.
Actions et initiatives significatives
107
Participation
2- La conférence d’agglomération de l’habitat permet aux
partenaires du logement (État, Grand Lyon, organismes
de logements sociaux, représentants associatifs, etc.)
de se réunir pour réfléchir ensemble aux solutions à
mettre en œuvre face à des problématiques telles que
la production de logement social, les familles difficiles
à loger, etc.
3- La commission consultative des services publics locaux
répond à une obligation légale issue de la loi sur la
démocratie de proximité, qui impose aux collectivités
territoriales et établissements publics de coopération
intercommunale de plus de 50 000 habitants de mettre
en place une telle instance (art. 5 de la loi).
4- Future instance, la commission consultative urba-
nisme et déplacements sera un lieu de présentation et
de discussion des grands projets d’agglomération mais
aussi, au travers de groupes de travail spécifiques, un
lieu de réflexion largement ouvert aux associations
sur les thématiques liées aux déplacements et au
développement urbain de compétence communautaire.
5- Le conseil de développement, créé en décembre
2000, c’est un outil de dialogue permanent entre les
élus de la communauté urbaine et la société civile. Il
remplit une fonction consultative auprès des élus. Il
produit des avis et peut être saisi sur toute question
relative au développement ou à l’aménagement de
l’agglomération.
Le conseil de développement du Grand LyonLa mise en place du conseil de développement du
Grand Lyon est issue de la réflexion prospective et
stratégique de Millénaire 3 engagée en 1999 par le
Grand Lyon. Cette démarche participative associait très
largement les acteurs du territoire à la construction
d’une vision commune de l’agglomération. La décision
de créer le conseil de développement a rejoint une
disposition de la loi d’orientation pour l’aménagement
et le développement du territoire (loi Voynet de 1999),
qui a depuis donné obligation aux communautés de
communes et aux communautés urbaines de mettre en
place un conseil de développement pour associer la
société civile à l’élaboration de leur projet de territoire.
Selon la loi, le conseil de développement est un organe
consultatif, placé auprès du conseil de communauté,
composé de représentants de la société civile. Il permet
d’associer des citoyens, des acteurs économiques,
insti tutionnels et associatifs à la réflexion sur l’avenir
de l’agglomération.
Animé par la Direction prospective et stratégie
d’agglomération du Grand Lyon, il est un des premiers
à être installés en France. Il redémarre en 2006 sur
une nouvelle composition et une nouvelle organisation
visant à le rendre plus efficace et plus représentatif
de la diversité de la société civile organisée. Il est
consulté sur le projet d’agglomération, qui lui est
soumis pour avis ; il est saisi de toute question relative
à la mise en œuvre (suivi-évaluation) du projet. Il peut
également être consulté sur toute question relative à
l’agglomération, notamment sur l’aménagement et sur
le développement de celle-ci. Il peut enfin se saisir de
toute question relative à l’avenir de l’agglomération
afin de soumettre ses réflexions et recommandations
aux élus.
Depuis, les travaux ont été engagés sur quatre sujets :
• le schéma de cohérence territoriale
• la vision métropolitaine – contribution à la démarche
Lyon 2020
• le vivre ensemble
• l’économie responsable
Ses objectifs• Fédérer les énergies, les forces vives, les bonnes
volontés des nombreux acteurs locaux prêts à se
mobiliser pour participer au développement de la
métropole.
108
Table ronde 12
• Assurer une « veille stratégique » sur les problèmes et
enjeux de la société, de réflexion partagée sur toutes
les grandes questions concernant l’agglomération, et
animer ainsi un lieu de débat permanent sur son avenir.
• Développer le débat public, en ouvrant régulièrement
ses portes et en allant lui-même à la rencontre du
plus grand nombre pour démultiplier les débats qui
ont lieu au sein de son assemblée. L’indépendance
est une caractéristique forte du conseil. Ni contre-
pouvoir, ni instrument du Grand Lyon, le conseil de
développement se positionne dans une logique de
construction collective, sachant rester libre dans sa
pensée et dans son expression.
Les obligations des participants • Participer concrètement, apporter sa pierre :
toutes les structures membres du conseil désignent
nominativement une personne pour les représenter ;
• Être présent : c’est autour des personnes qui
constituent le conseil de développement que se
construit la culture commune ;
• Respecter la diversité des points de vue qui
s’expriment ;
• Appliquer les règles d’éthique de la discussion que
porte le conseil.
Le programme Soziale Stadt de Berlin (Allemagne) – les jurys citoyens
ObjectifsÀ Berlin, la décision de mettre en place des jurys de
citoyens, prise par le Sénateur Peter Strieder (SPD) en
2001, avait trois objectifs :
• Inciter les habitants à s’engager dans le
développement de leur quartier
• Améliorer le management public du quartier
• Élargir les mesures déjà en place
Méthode, contenuLa mise en œuvre du programme Soziale Stadt dans
le Land de Berlin est menée conjointement par le
Sénat de Berlin et par les différents arrondissements
de la ville. Berlin est divisée en trente-trois zones
d’action dans chacune desquelles interviennent des
« managements de quartier », généralement de petits
bureaux d’étude privés sélectionnés par appel d’offres.
Ils aident à faire émerger les projets discutés par les
jurys de citoyens et à les mettre en œuvre une fois
retenus et financés.
Les jurys sont des instances décisionnelles composées
exclusivement d’habitants du quartier, y compris les
étrangers. Tirés au sort ou représentants choisis parmi
les habitants organisés (associations ou communautés)
ou mobilisés (personnes actives localement), les
membres des jurys sont une quinzaine en moyenne,
avec parité homme-femme obligatoire. Ce sont eux
qui attribuent les subventions demandées pour tel
ou tel projet à partir des différents fonds existants :
les Quartiersfonds 1 (petits projets de moins de
1 000 euros, comme des clôtures autour des arbres
pour empêcher les chiens d’y faire leurs besoins),
les Quartiersfonds 2 (projets de moins de 10 000
euros, comme une bibliothèque locale dans le centre
commercial local) et les Quartiersfonds 3 (projets
supérieurs à 10 000 euros gérés par les banques).
Les managers de quartier préparent, encadrent et
coordonnent les réunions des jurys. Ils recueillent les
projets candidats, les mettent si besoin aux normes
techniques et financières. Des coordonnateurs de la
mairie d’arrondissement ainsi que des coordonnateurs
du Sénat de Berlin pour le développement urbain les
encadrent. Le système des managers de quartier est un
outil au service du programme Soziale Stadt.
Résultats, évaluation et reproductibilitéLe rôle des politiques se situe surtout en amont pour
la décision de la mise en place du processus, et en
aval pour la reconduite éventuelle ou l’élargissement
du projet. La création d’un nouvel échelon décisionnel
s’ajoutant à ceux de la ville et de l’arrondissement a
109
suscité des discussions assez vives, remettant parfois
en cause la reconduction du dispositif.
Aujourd’hui, ce dispositif de management de
quartier est présent dans dix-sept quartiers berlinois
(soit 223 000 personnes, 6,7 % de la population
berlinoise). Le nombre de projets déposés par quartier
est d’environ soixante-dix, la moitié en moyenne
étant adoptée, 91 % des projets ne dépassant pas les
50 000 euros. Les projets adoptés les plus nombreux
sont ceux impliquant l’amélioration des bâtiments à
caractère social ainsi que l’offre de culture et de loisirs.
Beaucoup sont destinés aux enfants et aux jeunes.
Entre 1999 et 2006, ce programme à Berlin a bénéficié
d’un budget annuel moyen de près de 140 millions
d’euros, avec comme financeurs le Bund (29 millions
d’euros), l’Union européenne via le Feder (51 millions
d’euros) et le Land de Berlin (60 millions d’euros).
Ressources en lignehttp://i.ville.gouv.fr/divbib/doc/RAPjuryberlin.pdf
www.eukn.org/germany/themes/Urban_Policy/
Social_inclusion_and_integration/soziale-stadt-
berlin_1043.html
Participation
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Fadela Amara
intervention de clôture mercredi 3 décembre 2008Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs,
Vous le savez, la semaine dernière à Marseille, les
États membres se sont réunis pour la première fois
afin de traduire les principes de la charte de Leipzig
en actes. Le référentiel que nous souhaitons élaborer
ne sera pas contraignant.
Il s’agit d’initier une dynamique qui prenne en compte
les spécificités et les rythmes de chaque territoire.
Mais dans une Europe du brassage, de la rencontre
entre les hommes et les idées, nous nous devons de
travailler ensemble à la construction de la ville durable
et solidaire.
C’est pourquoi je me réjouis de la tenue de ce Forum
des villes et je souhaite vous remercier pour les
expériences et les analyses que vous avez échangées
pendant ces deux jours pour avancer vers cette ville
européenne de demain.
Si je me réjouis, c’est que je mesure votre implication sur
ce thème. Je connais l’exigence de votre engagement
dans les villes d’Europe mais aussi la passion que vous
y déployez au quotidien.
Nous le savons, les villes ont joué un rôle structurant
dans l’histoire de l’Europe, en tant que moteurs de sa
croissance, facteurs de son rayonnement et creuset
de ses valeurs. Les villes sont aujourd’hui un acteur
majeur de la compétitivité et de l’innovation dans un
contexte de mondialisation marqué par la progression
des investissements immatériels.
C’est par la ville, nœud relationnel, lieu des
synergies entre tous les acteurs, que naîtront les
réponses partenariales et multiformes aux défis du
développement durable en Europe.
C’est par la ville, lieu quotidien de l’apprentissage du
vivre ensemble, que se consolidera le processus de la
construction européenne.
Mais nous savons aussi, hélas, que la ville peut être
le lieu du repli sur soi, de la fragmentation sociale et
spatiale, qu’elle peut être le lieu de tous les paradoxes.
Mesdames et messieurs, chers élus, qu’on le veuille
ou non, la ville est un fait social qui reflète nos choix
politiques. Les choix politiques de l’Europe, les choix
politiques des États, les choix politiques des élus
locaux.
Vous, élus locaux, êtes en première ligne pour opérer
ces choix.
Intervention de Fadela Amara,secrétaire d’État chargée de la Politique de la ville
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Parce que vous êtes les mieux à même de concevoir
et de mettre en œuvre des politiques sur mesure
qui répondent aux spécificités et aux exigences des
territoires.
Parce que vous êtes les plus proches de nos concitoyens
et que les fruits de votre politique sont directement
visibles « dans la rue ».
C’est cette proximité qui fait que pour vous, les enjeux
de cohésion sociale et de citoyenneté sont une réalité
qui s’impose.
Et c’est pour cette raison que vous êtes les mieux à
même d’élaborer des politiques qui équilibrent les
piliers économique, environnemental et social du
développement durable de manière audacieuse.
C’est cette recherche de cohésion sociale qui fait que
vous savez associer tous les acteurs publics, privés et
de la société civile, et en premier lieu les habitants,
aux décisions qui les concernent.
C’est pour cette raison que, comme le rappelle la
Charte européenne de l’autonomie locale, « La défense
et le renforcement de l’autonomie locale représentent
une contribution importante à la construction
d’une Europe fondée sur les
principes de démocratie et la
décentralisation du pouvoir… »
Vous, Mesdames et messieurs,
élus locaux et professionnels
de la ville, mettez chaque jour
en pratique des politiques
urbaines intégrées, adaptées
aux potentialités d’un
territoire et s’appuyant sur
une participation active et
une coopération de partenariat
entre tous ses acteurs.
À ce titre, nous les États membres, les institutions
européennes, nous avons beaucoup à apprendre de
votre expérience pour rendre opérationnelles les
principes de développement urbain durable intégré
portés par la charte de Leipzig.
Nous avons enclenché pendant la réunion des
ministres, puis pendant ce Forum des villes, la
phase qui me semble la plus intéressante, celle du
« comment » mettre en œuvre ces principes, celle
de la gouvernance, qui est toujours une question
transversale au développement durable.
À Marseille, les États membres et les institutions
européennes ont exprimé leur détermination à adopter
des dynamiques réactives et innovantes capables de
s’adapter rapidement aux évolutions des villes et aux
spécificités de leurs besoins. Ils ont exprimé leur forte
volonté de travailler main dans la main avec vous, élus
des villes européennes.
Vous le savez bien, dans le domaine de la gouver nance,
les solutions ne sont pas seulement d’ordre technique
ou financier. Les solutions relèvent du processus.
Apprendre à travailler ensemble, dépasser nos
cloisonnements institutionnels, communiquer,
renforcer les capacités et les interactions entre les
Fadela Amara
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Fadela Amara
secteurs et les acteurs, adopter des modalités d’action
et de prise de décision plus partenariales, plus
interactives.
Nos modalités de travail doivent être à l’image de la
fluidité et du foisonnement de nos villes européennes.
Cette gouvernance partenariale ne pourra être construite
que par un processus d’apprentissage collectif de long
terme, un dialogue continu entre tous les acteurs.
L’élaboration du référentiel de la ville durable et
solidaire a été enclenchée aujourd’hui, au Forum des
villes, par le partage des expériences sur mesure que
vous inventez localement dans chacun de nos vingt-
sept États membres.
Ce processus de mise en synergie continue néces-
sitera de réinjecter en permanence l’évaluation des
expériences et des pratiques. Il nécessitera aussi une
culture du changement, quelquefois une rupture pour
insuffler un changement des mentalités dans toutes
les strates de la société. Car nous savons que dans
tous les processus majeurs de transformation sociale,
les barrières les plus fortes sont les barrières mentales.
Ce changement passera avant tout dans les faits par
les quartiers urbains en difficulté, qui sont au cœur
du défi de la construction de notre ville européenne
durable et solidaire.
Parce qu’ils portent les symptômes exacerbés de la
crise économique et sociale actuelle, ils sont le terrain
d’actions privilégié pour construire cette politique.
C’est sur ces quartiers que doit se porter plus
spécifiquement notre volonté politique.
Notre volonté politique de considérer ces quartiers et
leurs habitants comme faisant partie intégrante de la
ville et de notre pacte social.
Dans les villes françaises comme dans d’autres villes
européennes, nous avons connu une poussée de
violence urbaine qui nous a fait réagir et comprendre
tardivement que certains quartiers accumulaient
les difficultés et les handicaps : enclavement,
dégradation, fort taux de chômage, marginalité
sociale, insécurité, risque de repli communautaire ou
même de dérive obscurantiste… Nous avons compris
alors l’inefficience et l’insuffisance de nos politiques
publiques.
Je sais que les situations sont très différentes dans
chacun de nos pays. Mais porter une attention
particulière aux quartiers en difficulté, c’est agir sur
les conséquences mais aussi prévenir les causes de la
tendance à la fragmentation spatiale et sociale de nos
villes, et donc de notre société européenne.
Afin de faire face à cet enjeu de société complexe
qui engage la société dans son ensemble, la charte
de Leipzig recommande de mettre en œuvre
simultanément des politiques publiques répondant à
quatre priorités : le développement économique et
l’emploi, l’ensei gnement et de la formation des enfants
et des jeunes, le désenclavement de ces quartiers et
leur mise en valeur urbanistique fondée sur le concept
de « baukultur ».
Votre rôle est crucial car vous avez la capacité de
catalyser les initiatives de tous les acteurs, de mobiliser
toutes les énergies en direction de ces priorités.
Mesdames et messieurs les élus, je souhaiterais
aujourd’hui porter devant vous une proposition
concrète. Cette proposition consiste à faire des
quartiers en difficulté l’espace stratégique de la
relance économique en Europe.
Comme vous le savez, durant le siècle dernier, les
habitants des quartiers populaires ont été les forces
vives qui ont porté la croissance à bout de bras
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dans toute l’Europe. Ils ont été les soutiers qui ont
permis à l’Europe de se relever des épreuves qu’elle a
rencontrées.
Les habitants de ces quartiers difficiles sont aujourd’hui
porteurs du même potentiel, du même espoir pour
l’Europe.
Pour peu qu’on poursuivre notre effort en matière de
rénovation urbaine et de transports ; pas seulement en
réponse à une demande, mais aussi parce la rénovation
et les transports sont des secteurs d’innovation et
d’excellence pour l’économie européenne.
Pour peu qu’on mette en œuvre une politique de
formation qui fera de ces habitants les vrais acteurs
de la croissance.
Notre responsabilité politique est de porter la
conscience que la richesse de l’Europe de demain
viendra aussi des talents des habitants de ces quartiers.
Les réponses que nous serons capables d’inventer
dans ces quartiers sont le creuset des politiques de
développement durable, mais aussi de la compétitivité
de l’Europe de demain.
Par exemple, pendant la réunion des ministres, une
idée a été avancée ; celle d’œuvrer en priorité en
direction des femmes pour résoudre de manière plus
efficace les difficultés de ces quartiers.
Je suis convaincue de la pertinence de cette analyse.
Car du fait de leurs combats pour l’émancipation, les
femmes sont toujours une force motrice du changement
pour faire vivre la mixité et l’égalité, et relancer le
débat démocratique.
Lieu de synergie, la ville est l’école de l’intelligence
qui permet d’opérer la relance économique dont nous
avons besoin. En son sein, les quartiers populaires,
par le dynamisme considérable dont ils regorgent,
sont le terrain d’action privilégié pour expérimenter
une réponse territoriale innovante.
La crise a toujours été un moment difficile pour les
citoyens, mais elle a toujours été un rendez-vous
salutaire pour les femmes et les hommes porteurs
d’une vision et d’un dessein collectif pour l’Europe.
Bref, permettez-moi de le dire. La crise nous offre
ce rendez-vous, elle nous offre une raison d’aller
encore beaucoup plus loin dans notre action en faveur
des quartiers populaires, pour construire une ville
compétitive et créatrice de richesses.
Pour que demain, nous assistions à un débordement
d’énergies et de talents créateurs au service du
développement économique et de la cohésion sociale
de l’Europe.
Je sais que vous êtes le maillon central pour mettre en
œuvre cette politique.
Je ferai tout pour que ce message soit porté par
nos institutions européennes, pour qu’elles fassent
de la ville un vecteur stratégique du développement
économique et social en Europe.
J’espère que nous nous retrouverons rapidement
pour continuer à enrichir nos réflexions et nos
pratiques en direction de la ville européenne durable
et solidaire.
Je vous remercie.
Fadela Amara
Secrétariat général du Comité interministériel des villes194, avenue du Président-Wilson93217 La Plaine Saint-DenisTél : +33 (0)1 49 17 46 46www.ville.gouv.fr
ISBN : 978 2 11 09 8364 0
ISSN : 1629 0305
Dépôt légal : octobre 2009
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