2013 - Gallet Bouchet Anne

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  • Les dveloppements portuaires passent souvent par le prisme de parte-nariats entre lautorit portuaire (secteur public) et des acteurs du secteurpriv. Pour autant, ces types de partenariats ne sont pas exclusifs dautresformes de collaborations, comme celles entre autorits portuaires suivant unecertaine logique gographique (grande proximit gographique, et/ou logiquedaxe fluvial ou de faade maritime).

    Une illustration de cette coopration interportuaire est fournie par la loide rforme portuaire de 2008 (loi 2008-660 du 4 juillet 2008) et par sa miseen uvre. En effet, outre rappeler certains mcanismes juridiques connus per-mettant de nouer des partenariats entre les ports (GIP, GIE, etc.), le texte ins-taure la mise en place de deux Conseils de coordination interportuaire , lunle long de laxe Seine, lautre le long de la faade Atlantique. Dautres colla-borations interportuaires se font galement jour en Europe (sous des formesjuridiques diverses : conventions, associations). Ces dmarches cooprativespermettent-elles de dgager de nouvelles perspectives de dveloppementpour ces ports? travers cela, il sagit de se poser les questions de savoirdune part si la coopration interportuaire est efficace (ou nest-ce principa-lement quun affichage ?) et, dautre part, si cest un moyen prometteur pourrenforcer lattractivit et la performance portuaire dans un contexte de mon-dialisation ?

    Pralable : Ne vont tre traits que les mcanismes incluant les GPM. Oril existe des dmarches de coopration entre les ports dcentraliss. Deuxexemples (trs diffrents) cet effet :

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    Anne GALLAIS BOUCHETCharge dtudes

    lISEMARDocteur en droit

    La coopration interportuaire en Europe : de nouveaux modesde fonctionnement pour quelles stratgies ?

  • - PNA : le syndicat mixte Ports Normands Associs (assimilable au pro-cessus de coopration quasi-ultime, avant la fusion)

    - APLM : Association des Ports Locaux de la Manche qui vise crer unrseau entre les ports de lEspace Manche (36 ports secondaires en Franceet en Angleterre) et dont les objectifs sont de faire reconnatre la coh-rence de lespace Manche en UE et de renforcer la dynamique de coop-ration entre les ports. Concrtement, la coopration a pu porter sur desprojets de recherche (projets europens SETARMS et CAMIS) et sur desactions de lobbying auprs de Bruxelles (pour la prise en compte, par lUEdans son processus normatif, des spcificits propres aux petits ports).

    Prcision terminologique : les termes partenariat et coopration ne sont passynonymes de fusion.

    I QUELQUES MCANISMES

    ET EXEMPLES DE COOPRATION INTERPORTUAIRE

    Le cas de la France et la rforme de 2008 (cration de lentit Conseil decoordination interportuaire ) sont la porte dentre pour ce sujet (A) quinest ni nouveau ni exclusivement franais (B) mais qui prend, cette occa-sion, un air de renouveau (mdiatiquement parlant).

    A Les partenariats interportuaires pouvant lier les GPM franais

    1 Les mcanismes juridiques usuels

    On peut retenir :

    - les GIE. Par exemple, autour du Port de Dunkerque : le GIE Nord ConteneurService (1998-2008) et le GIE GARP Groupement des Acteurs RgionauxPortuaires (depuis 2011).

    - les GIP, par exemple le GIP Loire Estuaire et celui de Seine Aval

    - Les syndicats mixtes ouverts (sans objet dexploitation doutillage)

    - les prises de participation notamment dans des plateformes

    - tout autre type de convention ad hoc.

    Il faut bien noter les contours des mcanismes de la socit portuaire etde la socit publique locale qui permettent une collaboration public-publicentre un port et une collectivit publique mais qui interdisent une prise de par-ticipation dun GPM dans une de ces socits (en raison de leur objet : exploi-tation doutillage)

    2 Lentit Conseil de coordination interportuaire : spcificitet limites

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  • Les caractristiques du Conseil de coordination interportuaire (article L 102-7 du Code des ports maritimes) sont les suivantes :

    - cest une entit qui ne peut se construire quentre GPM seulement, lesports dcentraliss peuvent uniquement tre associs aux travaux sils sontdu ressort administratif de la composition des GPM.

    - il a pour objectif dassurer la cohrence des actions des GPM traversla ralisation dun document de coordination relatif aux grandes orien-tations en matire de dveloppement, de projets dinvestissement et depromotion des ports qui y sont reprsents. Ce document peut proposerdes modalits de mutualisation de leurs moyens .

    - deux et seulement deux Conseils de coordination interportuaire sontinstaurs en France : Seine et Atlantique.

    Lexemple sur la Seine : le GIE Haropa est lorgane excutif/oprationnel,le Conseil de coordination interportuaire de la Seine est lorgane politique (dupoint de vue portuaire). In fine, et de manire beaucoup plus large, ils sins-crivent tous les deux dans les travaux et politiques du Grand Paris (cf la com-position du Conseil de coordination de la Seine qui comprend des acteursportuaires mais beaucoup dacteurs institutionnels territoriaux).

    Les limites et les interrogations portes par lentit Conseil de coordinationinterportuaire :

    - au regard de sa composition et de son fonctionnement : sa compositionen fait un outil la fois portuaire et territorial, or les intrts et objectifsdes ports et des villes/territoires sont parfois divergents et peuventamener bloquer des projets portuaires. Les obstacles ports par la com-position large de ce Conseil sobservent galement dans son fonction-nement : difficults raliser un document de coordination commun,et existence (ou non) dun organe oprationnel associ au Conseil pourassurer la mise en uvre des dcisions de ce mme Conseil.

    - au regard des GPM pris en compte : il est maintenant notoire et toujoursaussi peu expliqu que Dunkerque et Marseille sont les deux seuls GPM ne faire partie daucun Conseil de coordination interportuaire.

    - au regard des missions qui lui sont dvolues.

    B Les partenariats interportuaires en Mditerrane

    Les partenariats en Mditerrane sont multiples et prennent des structu-rations diverses. On pointe plusieurs cooprations internationales, gnrale-ment en vue de saffirmer comme une alternative la Range Nord commeporte dentre europenne. Il sagit pour beaucoup dun affichage promo-tionnel plus que dactions trs structurantes.

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  • 1 Intermed Gateway et Med Ports community

    Intermed Gateway est une association fonde en 1998 regroupant les portsde Marseille, Barcelone et Gnes. Son objectif est dtre un outil de promotioncommun aux trois ports.

    Med Ports Community runit 6 ports mditerranens (Carthagne,Tarragone, Ste, Livourne Salerne et Bari). Le rseau sengage dvelopper desservices rouliers et dautoroutes de la mer en son sein.

    2 Le cas de NAPA : ports du Nord Adriatique

    NAPA est lAssociation des Autorits Portuaires du Nord de lAdriatique.Cre en 2010, elle regroupe les ports de Ravenne, Venise et Trieste en Italie,Koper en Slovnie et Rijeka en Croatie. NAPA a un objectif gnral daffichagepromotionnel.

    II LES STRATGIES DVELOPPES AU TRAVERS DES PARTENARIATS : BEAUCOUP DE PROMOTION ET DAFFICHAGE

    Les stratgies de partenariat sont multiples et, selon lobjectif recherch,le partenariat sera dune part plus ou moins facile se crer et, dautre part,plus ou moins efficace. Si la promotion est un domaine daction vident et pluttuniversel (A), pousser la coopration un peu plus loin nest pas toujours choseaise bien que dans ce dernier cas, lefficacit sen trouve souvent renforce(B).

    A La promotion (stratgie incontournable, quelle ralit) ?

    Clairement, la promotion commune passe par la devise lunion fait laforce . Dans un contexte de mondialisation des changes, o certains grandsports (hubs) tendent phagocyter, capter les trafics et par consquent lat-tention (des oprateurs situs lautre bout de la plante), certains portsmisent sur la promotion commune. Lobjectif est de gnrer une visibilit ltranger, via une agglomration virtuelle et toute numrique des trafics et desbudgets communs ddis la promotion.

    La promotion est, de manire presquuniverselle, le premier stade de coop-ration et se dcline elle-mme de plusieurs manires et sous plusieurs strat-gies : membres plus ou moins lis, dclinaison variable des actions communesde promotion. Ainsi, le Conseil de coordination interportuaire de la Seine, viason GIE Haropa, a mis en place un marketing commun (promotion dune seuleet mme voix pour les trois ports concerns). Diffremment, la promotioncommune est plus parse pour le Conseil de coordination interportuaire delAtlantique o chacun des trois ports conserve davantage son identit propreet va, ponctuellement, se fondre dans un seul et mme ensemble. NAPA, quant elle, a prvu explicitement deux axes de promotion commune : dans les

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  • salons internationaux et un lobbying commun auprs de lUE pour influencerles tracs de corridors de fret.

    Une dmarche de partenariat suppose, pour les protagonistes, lacceptationdobtenir des bnfices certes mutuels mais surtout diffrencis. Autrementdit, la promotion commune va gnrer des bnfices pour tous les ports impli-qus (bnfices mutuels). Mais ces bnfices ne seront pas gaux en termesde retombes (croissance de trafic, nouveaux services, etc.) pour les portsimpliqus (bnfices diffrencis). Compare dautres actions (investissementscommuns plus lourds), le choix dune action marketing commune est moinscontraignant, moins liant et moins coteux donc plus facile dcider et ra-liser. Mais lefficacit est plus alatoire. La veille rglementaire est un autre axede coopration du mme ordre (cf Conseil de coordination de lAtlantique).

    B Dautres stratgies prouver

    1 Les stratgies commerciales communes et les offres innovantes

    La performance portuaire passe entre autre par des offres innovantes com-munes qui supposent des services mutualiss ou des investissements mutua-liss (+/- lourds). Du point de vue de lanalyse bnfices mutuels maisdiffrencis , les effets pour les diffrents ports impliqus sont encore plus diffrencis que dans le cadre de la promotion. Trs clairement, de tellesstratgies (commerciales, services innovants) vont ncessiter une implicationde tous mais auront des rpercussions fortement diriges sur certains (davan-tage que sur les autres). Ds lors, ces dernires stratgies ncessitent un degrde coopration interportuaire plus pouss et plus dlicat valider que celuiexig par la promotion. La coopration dans ce but demeure rare.

    Par exemple, le GPM du Havre et PNA ont sign une convention visant mettre en place, avec un oprateur spcialis, une navette entre les deuxports. Si cette action permet au GPMH de poursuivre ses actions en faveur dureport modal, le gain pour PNA est, en plus du report modal, de gnrer un traficsupplmentaire qui sera davantage visible en termes de tonnage (et de bilanannuel) pour Caen que pour Le Havre (disproportion des trafics initiaux).

    La thmatique Port du futur implique galement des mutations quipeuvent relever de ces offres innovantes , offres pouvant faire lobjet dunpartenariat entre ports. Par exemple, des investissements importants vont lavenir devenir ncessaires pour le soutage au GNL (surtout dans les zonesSECA que sont la Manche aujourdhui et la Mditerrane demain). On peut ima-giner (imaginer aujourdhui car nest pas encore clairement act ou diffus)que certains ports se positionnent en hub de soutage GNL et en fasse bn-ficier dune manire ou dune autre lensemble du rseau auquel ils seront lis

    2 Lamnagement (mieux concert) du territoire

    La performance portuaire suppose galement une acceptation des projets

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  • de dveloppements portuaires par les riverains et le territoire (rapport ville-port). La coopration interportuaire implique des projets de dveloppement une autre chelle, dune autre envergure, ce qui oblige les ports repenser leur territoire une nouvelle chelle, celle interrgionale de la mga-rgion.Parvient-t-on, alors, par la voie de la coopration, une meilleure rationalisa-tion des investissements ? Cela nest pas certain, lavenir le dira. Mais il est clairquun outil tel que le Conseil de coordination interportuaire est adapt cetobjectif condition que lexprience future dmontre une capacit saf-fran chir des contraintes et limites exposes supra. Tous les outils juridiquespermettant les partenariats interportuaires ont dabord et avant tout un objectifcommercial (accroissement des trafics via la promotion et via de nouveauxmarchs et services) et moins immdiatement un objectif damnagement -qui-libr et rationnel- du territoire. Cela sexplique facilement car tous les outilsjuridiques (hors le Conseil de coordination) sont laisss la discrtion desacteurs (libert de gestion) tandis que linstauration des deux Conseils decoordination est dicte par la loi portant rforme portuaire de 2008 et tmoignedune volont de politique portuaire nationale.

    La question est au final de savoir avec quelles intensit et lgitimit lesports peuvent se positionner - aujourdhui et demain - comme des acteurs delamnagement du territoire (pour un territoire de quel primtre ?). De plus,laffirmation dune dmarche de rationalisation des investissements (dans lecas de la coopration interportuaire) peut-elle permettre aux autorits por-tuaires de bnficier plus facilement de ladhsion des riverains (amnage-ment rationalis et concert du territoire, pas de doublons pour lesinfrastructures lourdes par exemple) et ds lors gnrer de nouveaux projetsde dveloppement, indispensables au nouveau paradigme des ports euro-pens? Le territoire et la ville sont de vrais dfis pour les dveloppementsportuaires. La coopration interportuaire saffiche tout la fois comme unfrein (multiplication du nombre de riverains) et comme un lment facilitateur(rationalisation des investissements) pour relever ce dfi.

    *****

    La coopration interportuaire demeure une dynamique partenariale jeuneet en construction. Si des dmarches de coopration existent depuis plusieursannes, elles ont presque toutes recours exclusivement la promotion commeoutil de dveloppement. Or, le caractre contraignant des stratgies partena-riales inities va crescendo avec les effets qui vont en dcouler. Autrement dit: la promotion est aujourdhui la fois un moyen et une stratgie basiques pourfaire de la coopration interportuaire. Les pratiques sont gnralises, la prisede risque est minime. Un cran au-dessus, la coopration interportuaire desfins commerciales plus pousses demande davantage dinvestissements et desdcisions plus difficiles obtenir. Enfin, des stratgies trs structurantes pourles territoires et prometteuses pour les dveloppements portuaires sont encoreaujourdhui un objectif lointain des dmarches coopratives.

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