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24. LE CHARNOIS, CITE OUVRIERE Il est difficile de trouver la provenance exacte de ce terme "Le Charnois" (il indiquerait l'origine familiale et son étymologie provient de l'agglutination du latin carpinus et du suffixe etum qui signifie : l'endroit où poussent les charmes) mais ce qui est certain, ce sont les liens qui unissent ce quartier à l'implantation de l'usine du Pied-Selle. Comme dans certaines cités nordistes à leur image, tout gravite autour du « donneur de travail ». Sans lui, pas de logement. Les maisons, une quarantaine (soit environ 150 logements), toutes sur le même modèle, par souci d’égalité dira-t- on, sont destinées aux ouvriers mais aussi aux cadres. Construites entre 1855 et 1862 pour former la cité du Charnois qui comprend notamment une école, une coopérative, une cantine et deux lavoirs. Une route sépare le petit Charnois du grand Charnois qui comprend également une place herbeuse dénommée la place du Baty (comme son homologue fumacienne) Vue aérienne J’ai vécu comme beaucoup de jeunes de ma cité ouvrière, chichement, sans fioritures, sans argent de poche parce que pauvre mais propre sur moi ! Il a fallu attendre quelques années et mon père à la retraite avant de voir ma mère (puisque c’était elle qui menait la barque) dépenser sans trop faire attention. Le regret de mes parents ? L’acquisition d’une maison, cette bâtisse rouge de l’autre côté de la route

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24. LE CHARNOIS, CITE OUVRIERE

Il est difficile de trouver la provenance exacte de ce terme "Le Charnois" (il indiquerait l'origine familiale et son étymologie provient de l'agglutination du latin carpinus et du suffixe etum qui signifie : l'endroit où poussent les charmes) mais ce qui est certain, ce sont les liens qui unissent ce quartier à l'implantation de l'usine du Pied-Selle. Comme dans certaines cités nordistes à leur image, tout gravite autour du « donneur de travail ». Sans lui, pas de logement. Les maisons, une quarantaine (soit environ 150 logements), toutes sur le même modèle, par souci d’égalité dira-t-on, sont destinées aux ouvriers mais aussi aux cadres. Construites entre 1855 et 1862 pour former la cité du Charnois qui comprend notamment une école, une coopérative, une cantine et deux lavoirs. Une route sépare le petit Charnois du grand Charnois qui comprend également une place herbeuse dénommée la place du Baty (comme son homologue fumacienne)

Vue aérienne

J’ai vécu comme beaucoup de jeunes de ma cité ouvrière, chichement, sans fioritures, sans argent de poche parce que pauvre mais propre sur moi ! Il a fallu attendre quelques années et mon père à la retraite avant de voir ma mère (puisque c’était elle qui menait la barque) dépenser sans trop faire attention. Le regret de mes parents ? L’acquisition d’une maison, cette bâtisse rouge de l’autre côté de la route

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face au Château, résidence des directeurs. Ils purent grâce à mon frère Robert, acquérir le logement qu’ils habitaient, le réhabiliter pour en faire un lieu agréable à vivre dans les derniers jours de leur vie.

J’ai vécu entouré de voisins sympathiques. J’allais voir le jeudi ma copine Micheline contre l’avis de ma mère qui ne trouvait pas correct que je le fasse en dehors de la présence de sa mère qui travaillait. J’ai le vague souvenir de son père, revenu gravement malade de la guerre et décédé trop rapidement. Le Charnois, les HLM, la Meuse….

…la bonne mère Raviat et Jacky Marmet qui venait rendre visite à sa grand-

mère et une petite Parisienne blonde dont j’ai oublié le nom et à qui je donnais quelques cours,

…la famille Letovanec, leurs enfants et petits-enfants, Jacqueline et Claude que j’ai vu pratiquement naître,

…les Moreau dont leur fils Léonce boitillait légèrement suite à un accident de la route,

…le garde champêtre, M. Barras, son chien, son frère Jojo dit le Vendéen …sans oublier de parler des Debrodka et de leurs deux filles plus âgées que

nous, belles, blonde et brune, …les Collard, la grand-mère Sabatini et sa petite-fille Liliane (dont mon frère

Robert était amoureux) qui reprendra avec son mari le vieux café chez Hélène, lieu de rassemblement des jeunes dans les années 60. Nous allions déguster un diabolo menthe ou fraise…

…les Kotian, les Ramoulu, les Coquelet, le père Jolibois et sa famille.... pour

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n’évoquer que les gens de ma rue…

et mes copains : Joël Bouzidi, Antonio plus âgé et Graziano Biancolin, Alain Sciot, Salah Achouri… j’en oublie...

(Sur la carte postale cachet 1945, vous remarquerez la présence des anciennes casernes)

Notre maison jouxtait le Baty, qui nous paraissait immense quand nous étions

petits. C’était notre parc d’attractions, notre champ de bataille, notre prairie de western où les cow-boys affrontaient les Indiens. Cette place était séparée par une route non goudronnée et formait ainsi deux autres placettes pentues, une herbeuse et l’autre, en terre battue, goudronnée quelques années plus tard. Trois routes parallèles dont la nationale qui bordait la cité et longeait la voie ferrée, desservaient les maisons ouvrières dont certaines étaient appelées « villas ». A une certaine époque, elles étaient réservées aux petits cadres. Perpendiculairement, un axe séparait le grand Charnois du petit. Il montait de la route nationale vers la fameuse résidence des directeurs et laissera de part et d’autre les HLM où logea ma tendre et douce. Mais à l’époque ce n’étaient que prés où paissaient des vaches. Petit, par certains après-midis ensoleillés, j’allais avec ma mère m’étaler dans la prairie de marguerites qui dominaient les casernes ou du moins ce qu’il en restait. Mais revenons au Baty, notre arène. Nous attendions avec impatience les grandes vacances car cette place accueillait la fête foraine qui durait deux jours : je me souviens du manège de chevaux de bois et du fils du patron, M. Lambert, qui « courtisait » une certaine Françoise dont je tairai le nom de famille, du stand de tir dont le fils du patron était pendant cette période, scolarisé avec nous, le marchand de frites, les montagnes russes, la loterie avec toutes ses poupées. Et surtout le

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dimanche matin ! Des jeux et des courses étaient organisés par le Comité des fêtes représenté par Mimi Gonze, belle jeune femme. Ils étaient dotés de prix : petite enveloppe ou tickets de manège…

J’ai un certain mal à ordonner mes souvenirs ; les vannes se sont ouvertes et les souvenirs affluent…

Tout le monde a travaillé dans les industries de la Vallée, Fumay ou Revin,

Pied-Selle ou Arthur Martin ou Faure dans la cuisinière ou bien les matériels sanitaires chez Porcher. Aujourd’hui, il ne reste pratiquement plus rien ; la région est sinistrée. Mon père a quand même goûté à l’ardoisière St Joseph en arrivant à Fumay. Je me souviens encore de sa lampe à carbure… et de l’essai d’une boulette de carbure jetée dans la Meuse et les cadavres de poissons flottant sur le ventre. Il a terminé sa carrière au Pied-Selle, au magasin d’expédition, en qualité de chef d’équipe. Ma mère est arrivée en France à l’âge de 19 ans ; je m’aperçois maintenant que nous n’avons pas eu beaucoup de conversations ou du moins j’en ai peut-être peu retenues ; j’avais appris incidemment par une voisine qu’elle avait fabriqué des sandales de corde pour les ouvriers de l’usine. J’ai plus tard le souvenir d’un travail de plongeuse à l’hôtel des Roches comme mon oncle Carlo, d’avoir mangé, à contre cœur d’ailleurs car viande au goût prononcé, un steack de sanglier « récupéré », d’avoir lu mon premier illustré, Tarzan, acheté avec ses pièces.

Souvenirs, souvenirs …. Du Charnois, nous allions à l’école à Fumay ; nous allions, pour les catholiques, au catéchisme à Fumay, les mères de famille au marché de Fumay. Plus tard, nous irons « draguer » les filles de Fumay… quand elles n’étaient pas déjà prises. En fait, dans notre tête, il existait une frontière, nous nous rendions à la ville voisine. Gamins, cela devenait presque une expédition. Il y avait

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en ce temps-là un léger antagonisme. Et plus encore par le fait qu’il y ait deux équipes de foot : l’équipe du Pied-selle et celle de Fumay, excellente quand j’étais cadet. Aux yeux des Fumaciens, le Charnois était surtout l’endroit où s’était implantée une colonie d’étrangers en quête de travail, de renaissance, de reconnaissance : Italiens, Tchécoslovaques, Africains du Nord, Portugais, Espagnols qui ont fait souche. Je suis issu d’une d’entre elles. Je suis un rital ou plutôt fils de rital comme disaient mes petits copains de l’époque. J’avais de bons copains, des fils de « bicots » comme nous disions vulgairement à l’époque, des fils d’étrangers et d’autres, fils d’un Français des Iles, ou encore un sang mêlé d’origine vietnamienne. J’ai tout d’abord fréquenté l’école du Charnois (école primaire du Charnois construite en 1912 par l’architecte Dié Aristide) dont la directrice était madame Bourdon, petite femme dynamique. On ne voit qu’un mur !… J’ai certainement lancé la mode des cheveux longs et des châles… chez les garçons) dans les années 40 (1er rang, 3ème en partant de la doite)

Dernier rang : de gauche à droite : Annie Pratz, Gilbert Ramoulu, Léonce Moreau, Lucien Coquelet, José Devogelaere, Jean-Pierre Coupaye, Josette Martin, Marcel Vandenabele, Michèle Godeau, Claudine Di Francesco

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3ème rang : Francis Bernard, Lucette Husson, Lionel Fernandez, Mauricette Bourdon, Marie-Louise Duchêne, Jacqueline Debieuvre, Luce Pratz, Bernadette Léglise, Lucette Joly, Josette Da Silva, Raymonde Mathieu

2éme rang : Georges Lheur, Marie-Thérèse Grès, Nicole Godeaux, Pierre Belingheri, Mauricette Martin, Nicole Lannoy, Claudette Chamberland, Nicole Beaujean

1er rang : Annie Tutiaux, Poggioli, Gérard Mimille, Annie Pamart, Michel Godart (avec ardoise sur les genoux), Myriem Achouri, Paulette Husson, Moi, Pierre Bernard, Jocelyne Vandenabeele.

Son mari, ingénieur à l’attitude décontractée, cigarette au bec, cendres sur le revers, travaillait au Pied-Selle. Leur fils, Alain, venait s’asseoir sur les marches de notre logis quand il sentait la bonne odeur des crêpes que faisait ma mère pour certains repas du soir. Ils habitaient une maison de cadre en bout de la cité, vers Fumay. Et leur autre fils, Daniel, qui s’est noyé dans la Meuse. J’ai entrevu le corps déjà bleui sortant de l’eau. Hydrocution !

Voilà plusieurs classes mélangées, grands et petits, pour la photo dans les années 49/50. Excusez pour l’absence de prénoms que je n’ai pas retenus.

Dernier rang : Alain Kosiart, Bernard, Monique Henri, Husson, Edgard Coupaye (décédé), José Staff (décédé), Da Silva, Godeau, moi, Legrain, Michèle Couroye, Jean-Paul Fernandez (décédé), Lheur, Janick Zaba, Joel Halté 3ème rang : Pierre Cuisset, Andrée Pirlot, Jean-Claude Rofidal, Salah Achouri, Vandenabel, Lion, Despas, Lanoy, Fernandez, Micheline Grès, Roberte Villeval, Christiane Chabotier, Robert Ducoffe, Edith Léal

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2éme rang : Alain Bourdon, Pamart (décédée), Henrot, Jolibois, Daniel Bianco, Darc, Belingheri, Gruchot, Husson, Sohet, Husson, Husson, Angèle Belingheri 1er rang : Jolibois, Biancolin Graziano, Hayon, Robert Depaoli, Gruchot, Mimile, Toussaint, Husson.

Je me rappelle également de ce petit bout de femme qu’était madame Coupaye, institutrice, mère d’Edgar Coupaye qui connut un destin tragique : encornée par une vache. Les souvenirs s’enchaînent, les noms affluent, les anecdotes aussi… J’ai connu les petites classes où sévissait mademoiselle Petit, une grande dame sévère, cheveux corbeau tressés, aux bas de laine blanc que je salissais de mes pieds crottés. Mes jambes étendues l’empêchaient de passer dans l’allée. Cela me valait déjà le titre de cancre ; puis plus tard, madame Darc qui avait placé mon frère, trop remuant, sur le poêle à charbon éteint mais encore chaud. J’avais hurlé et frappé de mes petits poings la « maîtresse » pour qu’elle le descende. J’ai le souvenir du bon lait distribué aux enfants de la guerre que nous étions, en manque de calcium. Je me rappelle des concours aux latrines, à celui qui pissait le plus loin ou le plus haut. J’avais réussi à me faire pipi dessus…

Je n’ai pas encore trouvé de vieilles cartes de cette école. Elles doivent exister car tout les monuments et édifices de France ont été photographiés et « mis en carte ». Je ne désespère pas.

Chaque maison était divisée en 4 logements. J’ai habité 20 ans la dernière, visible sur la gauche, au 24D. Les rues n’étaient pas encore baptisées. Le courrier était adressé au 24D, cité du Charnois Fumay. Maintenant, elle se nomme Allée des

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Châtaigniers. Vous remarquerez les barrières de bois identiques clôturant ces maisonnettes de briques rouges couvertes d’ardoises. L’égalité de traitement ! Chaque logement avait son petit jardin que les locataires travaillaient le week-end : pommes de terre, haricots verts sur perche, petits pois, carottes, salades, le nécessaire, l’appoint… et parfois des bêtes : lapins, poules et même mouton. Je ne parle pas d’un cochon dans le petit Charnois. Je n’en avais jamais vu autrement que dans les livres. Et un dimanche en sortant de la messe, j’ai vu la mise à mort de la bête, écartelée sur un chevalet, l’égorgement, le sang récupéré…j’en étais tout retourné. Le logement disais-je, était composé d’une pièce principale dont le dallage était de l’ardoise cirée par nos soins (j’ai appris l’utilité d’une vieille couverture militaire. Nous faisions avec mes frères des courses de char !), puis recouverte de « balatum » quand nous fûmes plus riches. Une montée d’escaliers partait de la minuscule entrée, où un lavabo et une table de cuisson faisaient office de cuisine, vers la chambre principale dotée d’une minuscule anti-chambre. Puis, de nouveau une volée de marches conduisant à la mansarde composée de 2 petites chambres éclairées d’une petite lucarne et d’une fenêtre. La cave dotée d’un soupirail pour avaler le charbon nécessaire pour l’hiver. Ce n’était pas le grand luxe mais nous y avons vécu à 5 personnes, sans grand souci, à condition de respecter les ordres du père. Les distractions : faire partie de l’équipe de foot, de cross plus tard à condition d’être inscrit dans un club de la grande ville (Charleville ou Mézières à l’époque) quand nous étions en âge ou faire du basket entraîné en cela par un Monsieur, petit par la taille mais grand par le talent : Mario VAZ

Equipe en 60/61 : Debout : Tourneur, moi, Aubert Accroupis : Roffidal, Féard

Jouer au quinet (morceau de bois d’une dizaine de centimètres dont les deux extrémités étaient taillées en pointe. Il s’agissait de frapper un des bouts avec

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un autre morceau de bois pour le faire rebondir et l’expédier le plus loin possible au-delà d’un trait qui départageait les deux camps. Il s’agissait alors pour la partie adverse soit de l’attraper en vol, soit dès sa chute à terre, d’essayer de toucher le « manche à frapper » posé par terre avec le quinet. Si l’on touchait ce bâton, on changeait de camp. Sinon, le frappeur devait en tapant de nouveau sur la pointe sortir de son camp puis essayer de toucher plusieurs fois le quinet en l’air et faire ainsi des points. Et tout recommençait. Regardez la grosseur de la boule en bois lancée par mon cousin Renzo Novelli (entre Mario Poggioli, gosse, et André Coste) dans les années 50. Rien à voir avec la pétanque, on joue à la lyonnaise… Derrière eux, le petit Baty. Les barrières séparatives des jardins…

Ou se lancer des pierres (des scailles=morceaux d’ardoise) quand nous

nous retrouvions entre galopins de quartiers différents. Nous avions un faible pour « ces étrangers du Trou du Four » sur la route de Rocroi. Certains « voyous » étaient dotés de lance-pierres et alors gare à nos fesses.

Pour les plus grands, encore foot sur le Baty, les boules ou le jeu de quilles au café Belloni où les Italiens se réunissaient et chantaient. C’est là que j’ai vu et entendu ma mère assise sur le bar, sous les yeux ravis de mon père, chanter des chansons du pays que tout le monde reprenait en chœur. Accompagnée parfois d’un accordéoniste qui donnait des leçons à mon frère aîné : Jules « l’aveugle » qui plus tard me donnera également quelques rudiments de piano. Il habitait au Terne Gaspard, derrière l’église. C’est de cette époque que j’ai gardé le goût des instruments. Nous avions une guitare, une cithare, un accordéon puis plus tard mon frère Robert s’est mis au trombone. Que voulez-vous, j’étais né dans une famille d’artistes ! J’aurais aimé en faire un métier. On disait que j’avais un beau brin de voix. Je m’étais même présenté à l’époque au Radio crochet qui suivait le cirque Pinder (me semble-t-il)…. Une seule personne avait été choisie : Marie-Rose Poggioli qui a chanté sur scène. De ma voix éraillée par l’effort, -j’avais raccompagné une demoiselle au train et étais revenu en courant,- j’avais entonné beaucoup trop haut une chanson des Compagnons de la Chanson « Verte campagne où je suis né, douce

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compagne de mes jeunes années, la ville pleure et les larmes de pluie courent et meurent sur mon cœur qui s’ennuie….. »… La seule fois où je fus accompagné d’un accordéon tandis que derrière moi se pressaient de rares concurrents malheureux. Souvenirs, souvenirs…

Les cartes chez Carlo à Saint-Joseph.

Ou la « mora ». J’explique : Le jeu traditionel "La Mora" est un jeu de société fort connu en divers pays depuis l'Antiquité et qui dérive plus ou moins directement de l'habitude de compter sur les doigts. Ce jeu est fort simple et se pratique généralement à deux. Les deux partenaires se tiennent face à face, le poing fermé en avant. A un signal donné, chaque joueur doit, en même temps que son adversaire, ouvrir spontanément sa main droite (ou gauche) et lever autant de doigts qu'il le désire, tout en énonçant un nombre de 1 à 10. Celui qui énoncera un nombre égal au total des doigts montrés par l'un et par l'autre des deux joueurs marquera un point. Manèges installés sur le Baty

Si, par exemple, le joueur A montre 3 doigts en disant "cinque" (5 en italien), pendant que le joueur B montre 2 doigts en énonçant le nombre "séi" (6), c'est le joueur A qui marque un point puisque le nombre des doigts levés est : 3 + 2 = 5. Ce jeu qui pourrait paraître simpliste, ne fait donc pas seulement appel aux lois du hasard, mais aussi aux qualités du joueur dont il exige vivacité, attention, intuition et observation. Voila tous ce qu'il y a à savoir sur "La Mora". Le perdant payait le coup. Les nerveux revenaient avec la main enflée à force d’avoir percuté le bord de la table et bien sûr sans voix. Je pense surtout à Pison, grand amateur ... Le Charnois. Hiver 1962. On remplaçait les barrières de bois de droite

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par des séparations en béton et du grillage. Le progrès, quoi ! Le beau militaire avec une valise en bois, c’est moi, repartant après une courte « perm ».

Vue aérienne

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Et en juillet, car elle était synonyme de vacances : la fête du Charnois, la fête foraine et les jeux organisés par le Comité des Fêtes. Petit avec quelques galopins, nous allions à quatre pattes explorer les dessous des baraques à friandises, les autos tamponneuses et les montagnes russes à la recherche de quelques piécettes. Je me rappelle avoir « dévalisé » sous la baraque de tir, une barquette de nougats placée malencontreusement trop près… L’usine offrait à chaque ouvrier quelques tickets permettant d’accéder à l’un des manèges présents, toujours les mêmes d’ailleurs…

Et enfin, la belle Mimi Gonze le dimanche matin qui organisait les jeux. La course au sac, la course à la brouette où deux boules devaient arrivées à bon port, la course à l’œuf et le tour pédestre du Charnois. Quand je fus en âge, je rapportais toujours au moins un prix car toutes les courses où vieux et jeunes se mélangeaient pour la joie des badauds, étaient dotés de prix : en espèces et/ou des tours gratuits de manège. Je n’étais pas mauvais à la course à l’œuf où la cuillère bloquée dans la bouche et un œuf frais en équilibre devait franchir la ligne d’arrivée intact et sans tricherie. Vitesse et astuce étaient de mise ! Le tout était clôturé dans la soirée par un bal où le chanteur de l’orchestre, beau gosse, était l’époux même de Mimi. Les jeunes s’y retrouvaient, chancelants pour certains mais toujours dans la bonne humeur. Peu de bagarres !

La jeunesse du Charnois des années 50

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Dernier rang de gauche à droite : Nello Bianco, Marcel Husson, Charles Depaoli, Pierrot Letovanec (en tenue militaire), Lucien Fernandez, Yano Letovanec, Guy Choffert

Premier rang : Stéphane Hankus, Gilbert Mathieu, Renzo Novelli, Bruno Molaro, Tonkia

Derrière le Baty s’étendaient des prés plantés de quelques pommiers, le « Pré Manouille » où sévissait le gardien, genre de garde-champêtre, M. Sanchez. Petit homme autoritaire qui surveillait le va et vient des ouvriers à l’entrée du Pied-Selle. C’est à lui que nous revendions des briques que des camions avaient déversées sur le crassier proche. Le crassier, notre terril, était un monticule de suie et de déchets provenant en droite ligne des « cubilots » (Le cubilot est un four vertical dans lequel les matériaux à fondre sont en contact direct avec le combustible, du coke. Ce contact à haute température entraîne une carburation importante et réserve le cubilot à l'obtention de fonte liquide) du Pied-Selle. Nous y trouvions des résidus ferreux que nous revendions au marchand de ferraille et de peaux de lapin. Il passait une fois par semaine dans les rues du Charnois carillonnant de la cloche à main et en criant : « Peaux de lapin, peaux ». Et les jeunes de reprendre en choeur : « Peaux de lapin, piaux !» en courant derrière sa carriole brinquebalante. Il fallait voir tous ces gens, femmes et enfants, car les hommes travaillaient dur pendant ce temps-là, avec une petite charrette de fabrication locale, une petite pioche à la main, gratter et s’extasier dès qu’un morceau ferreux apparaissait. On les comparait entre eux, on les soupesait et ils allaient rejoindre le tas accumulé sous une fenêtre ou au bout du jardin. Moi aussi je suis allé à la « ferraille » pour recevoir quelques piécettes que je remettais à ma mère.

Sur le crassier avait été construit le stade. Les gens s’asseyaient sur un talus en vague forme de gradins ou s’amoncelaient autour du terrain, accoudés à la barre qui séparait le public du terrain. Plus tard sera édifié une clôture.

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L’équipe du Charnois (Pied-Selle) championne de seconde division en 1948 (don de Denis ORY)

Dernier rang de gauche à droite : G. Sciot, M. Florès, Louis Coquelet, G. Mathieu, R. Vandenabelle, J. Letovanec, Stéphane Kozinski, J. Thunus. Premier rang : X…, A. Florès, J. Auger, S. Zagray, A. Bour.

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Pour Charnois juniors (avec l'aide de Joël Barras) envoi de mon ami Denis ORY.

- Debout de G à D: BADOR, MAZZA, PAILLARD, FLORES (Angel), BIANCOLIN, COLLET

Accroupis de G à D : BERNARD, SANCHEZ, JACQUES, LIEGEOIS, LHEUR La place du Baty, herbeuse et pentue, était bordée d’une route circulaire ; nous y faisions des courses sur des engins, planches munies de roulettes (prémices de la planche à roulette), de roues, tout ce qui permettait de faire avancer le plus rapidement possible. Les freins ? Nos talons ou un bout de bois qui frottait par terre. En automne, nous faisions des tas de feuilles mortes et nous plongions dedans pour en ressortir barbouillés. Nous organisions des pistes de glissade. En hiver pas de problème, mais en automne ? Nous enlevions l’herbe et nous l’arrosions d’eau ou nous pissions sur ce semblant de piste avant de nous élancer sur quelques mètres.

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Quand les premiers bancs de ciment apparurent en remplacement de vieux bancs de bois, ils servirent dans la journée à quelques personnes âgées très peu nombreuses, il est vrai : M. Remi et son épouse à la belle saison ; elles préféraient rester chez elle, sauf par gros temps de chaleur. Le soir, ils étaient pris d’assaut par les galopins du coin dont je faisais partie. Ils se transformaient en citadelle, en chevaux, en coin de rêve. Les années passant, ils regroupaient filles et garçons s’essayant au jeu de la séduction. Je m’y étendais parfois en période estivale et regardait le ciel et les quelques nuages qui partaient vers des contrées lointaines, libres. J’aurais aimé être comme eux. Puis la voix forte de ma mère m’appelant me confrontait à la réalité. Il était temps d’aller se coucher.

Les évènements. A l’occasion des fêtes de Noël, le Comité des fêtes de l’usine organisait un goûter où diverses distractions avaient cours. J’ai le vague souvenir d’un atelier transformé en salle des fêtes. Nous entrions par une porte donnant sur la Meuse. De grandes tablées étaient installées et des divertissements avaient lieu. Puis, la distribution de chocolat chaud et de jouets intervenait. Une fois l’an, les bons élèves étaient rassemblés dans cette maison des Evignes qui appartenait à l’usine. Elle rassemblait jeunes et moins jeunes à l’occasion d’évènements : goûter des anciens, remise de prix aux élèves ayant réussi un examen : certificat d’études, BEPC et plus mais je n’en ai pas le souvenir. Nous recevions généralement un livre. J’en ai eu peu. Deux ou trois, me semble-t-il. Repas des anciens

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Remise des médailles du Travail

Mais revenons au Charnois et au Pied-Selle, son créateur.

(extrait du site officiel de Fumay sur Internet agrémenté de mes connaissances) C'est donc en 1826 que Eugène Mathys installe une petite fonderie, alimentée en fer par un gisement situé à Neuvizy. En 1842, Mr Péchenard, en plus d'une production de verre, crée une fabrique d'ustensiles de ménage. En 1855, Eugène Boucher transfère sa fabrication parisienne à Fumay et se met à produire des fourneaux de cuisine en fonte, des appareils de chauffage. Cette usine va s’appeler "Boucher Viellard et Cie". Effectif: 80 ouvriers. Cette extension amène la création d'une nouvelle société. En 1893, elle devient "Sté Anonyme des Usines du Pied Selle". La plupart des ouvriers habitaient des petites maisons dans la "Cité du Chamois". Les maisons appartiennent à la société. Il existe une cantine (que tenait M. Belloni), un magasin coopérateur (que tenait M. Cordazzo), un stade, un corps de sapeurs pompiers volontaires alertés par la sirène du Pied-Selle (comme les cloches de Fumay marquait les heures ou les évènements, la sirène annonçait la reprise du travail à heures fixes et alertait nos concitoyens des drames : noyade, feu, etc… L’événement détermine le nombre de « coups de sirène ».), une fête très "typique". La cité possède également son garde-champêtre (M. BARRAS). Les gens de cette cité sont avant tout du Chamois avant d'être fumaciens. C’est vrai, je peux le confirmer !

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La chapelle Sainte Thérèse En 1937, Pierre Grouard de Tocqueville (industriel gérant des huileries de la Meuse) achète le terrain afin d'y établir une chapelle construite en 1937. Travaux d’agrandissement entrepris de 1962 à 1963 sur la demande de l'abbé Marouette. J’ai encore le souvenir des paroissiens qui venaient offrir quelques heures de leur temps pour les quelques travaux d’agrandissement. J’y fus enfant de chœur. Le (s) Lavoir (s) En 1933, Eugène Renard, maire de la ville, fait aboutir le projet de modernisation du réseau d'assainissement de la ville et de services à la population : construction d'un établissement de bains douches et de 5 lavoirs entre 1933 et 1938 dont celui du Charnois. Il se situait à droite en descendant les Evignes juste après « l’étude du notaire ». Il sera rasé dans les années 60. Une construction individuelle y verra le jour.

J’ai également connu le lavoir au bout de ma rue transformé quelque temps en garderie où oeuvrait Mme Raviat. Je ne sais plus dans quel ordre, lavoir d’abord ou garderie ou les deux en même temps ? Gamins, nous empruntions la ruelle qui passait devant pour nous rendre à la petite épicerie que tenait le couple Gilson au petit Charnois. Nous allions faire quelques courses et nous demandions de rajouter le coût sur la « petite note » que les parents réglaient en fin de semaine ou en fin de mois. Les temps étaient durs.