293 - Cahiers du Cinéma

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    CAHIERS

    DUCINEMA293

    SOMMAIRE/REVUE MENSUELLE/OCTOBRE 1978

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    En librairie le 5 octobre

    LUIS BUNUELARCHITECTE

    DU REVEPAR MAURICE DROUZY

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    7

    Une approche nouvelle de l 'oeuvre de Bunuel, taye sur une analyse magistrale des films les plus reprsentatifs ducourant surraliste et onirique qui l 'Irrlgue toute entire. A contre-courant de l 'exgse bunuellenne conventionnelle, cettetud e met remarquablem ent en lumire i quel point la libert de ces films, leurs con stants p assage s de frontires entrele monde rel et celui du rve, leur force de transgression, sont troitement lis A un travail crateur dune extrmeprcision et d'une permanente rigueur. Car si, chez Bunuel, le cinma est onirique, filmer n'est pas rver. Du mme coup,ce livre suscite dutiles rflexions sur le cinma lul-mme, sa nature et ses fonctions.

    300 pages 18/20,5, 120 illustrations in-texte, couverture 3 couleurs. 64 F ttc.Envoi franco 70 F

    Collection Cinma Permanent.

    CETTE PARUTION MARQUE LES 50 ANS DE CINEMA DE LUIS BUNUEL

    BP 126, 75226 PARIS CEDEX 05 CCP LA SOUR CE 347 95 10 S

    PIERRE LHERMINIER EDITEUR

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    CAHIERSDUCINEMA

    ITE DE DIRECTIONPierre Beauviala

    e DaneyNarboni

    e Toubiana... Et le temps ne dira rien de plus qu'une vrit circonstancielle

    Igor Stravinsky

    ITE DE REDACTIONBergalaClaude Biette

    ard Bolandal BonitzerLouis Comolli

    le DubrouxPaul Fargierse GiraudJacques Henry

    al Kane Le PronPierre OudartSkorecki

    RETARIAT DE REDACTIONe Daneye Toubiana

    QUETTEel et Co

    EN PAGEe DaneyNarboni

    INISTRATIONde Arnaud

    NNEMENTSia Rullier

    UMENTATION,TOTHEQUEdine Paquot

    LICITcatld. Poissonnire 75002

    51.26

    ON

    Narboni

    N293____________________________________________________________ OCTOBRE 1978

    POUR UNE NOUVELLE APPROCHE DE L'ENSEIGNEMENT DE LA TECHNIQUE DU CINEMA

    Programmation de l'coute (2), par Claude Bailbl 5

    FESTIVAL DE LOCARNO 78 : RTROSPECTIVE DOUGLAS SIRK_________________________

    Entretien avec Douglas Sirk, par Jean-Claude Biette et Dominique Rabourdin 13

    Les noms de l'auteur, par Jean-Claude Biette 23

    VANCIEN ET LE NOUVEAU_____________________________________________________ '

    Contre la nouvelle cinphilie, par Louis Skorecki 31

    Rponse C.N.C. , par Pascal Kan 52

    QUESTIONS A LA MODERNIT______________________________________________ ^

    A propos de Kubrick, Kramer et quelques autres, par Jean-Pierre Oudart 55

    CRITIQUES_______________________________________________________________________

    Fingers(James Tobackl, par Jean-Pierre Oudart 61-Le Dossier 51 (Michel Deville), par Jean-Paul Fargier 61

    Une nuit trs morale(Karoly Makk), par Vann Lardeau 62

    L'Ordre et la scurit du monde(Claude d'Anna), par Bernard Boland et Jean-Pierre Oudart 63

    PETIT JOURNAL__________________________________________________________________

    Festival d'Edimbourg, par Jean-Paul Fargier 64

    Festival de Trouville, par Pascal Kan 67

    Tlvision : Les Grandes personnes, par Pascal Kan 68

    Entretien avec Claude-Jean Philippe, par Serge Toubiana 69

    pnAWT E LA PUBLICAT,0N En couverture : Ben Gazzara, Gena Rowlands et John Cassavetes dans Opening Night, le dernier filmERANT ^ j 0^n Cassavetes (voir ce numro page 30).

    ues Domol-Valcroze amanuscrits ne sont pass.d roits rservs.right by Les Editions dee.ERS DU CINEMA - Revueuelle dite par la s.a.r.l.ns de l'Etoile.

    sse : 9 passage de la Boule-he (50, rue du Fbg-St-Antoine),

    nistration - Abonnements :98.75.

    ction : 343.92.20.

    A NOS ABONNS

    Les abonns des Cahiersse sont sans doute tonn ou inquit de recevoir le n292 (nsimple)avec le prix 23 F. Il s'agit d'une erreur d'impression toute provisoire, ce dont tmoigne le prsentnumro.

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    POUR UNE NOUVELLE APPROCHE DE L'ENSEIGNEMENT DE LA TECHNIQUE DU CINMA

    PROGRAMMATION DE LCOUTE (2)PAR CLAUDE BAILBL

    (voir premire partie dans le numro prcdent)

    ique d'Anna Magdaiena BachU.-M.b)

    e compositeur dispose deestration pour matriser cetselon son art. Cf. Vues nousur le monde des sons par F.

    kel. Dunod I960. Un ouvrageocument.

    Autre exemple : dans un orchestre, les instruments aigus (violons) au son menu, sont disposs en grand nombre pour ne pas tre masqus par des instruments plus graves qu'eux {cuivres, timbales, etc.) (24)

    Cet effet de masque apparat en pleine lumire quand plusieurs personnes parlent en mmetemps, puisqu'en effet un son est d'autant plus brouill que son masque est proche, voisin delui dans la tessiture. Chut ! taisez-vous, ne parlez pas tous la fois ...

    De la mme manire, dans une salle trop rverbrante, les toniques, les rsonances en excsfont masque et gnent l'intelligibilit. A l'extrme, les sons se confondent dans leur succession,se recouvrant les uns les autres, un peu comme lorsqu'on abuse de la pdale fortedu piano.Le mlange est ind-corticable.

    Enfin, connaissant l'importance des sons aigus (harmoniques, consonnes) on peut craindreque le tranage rverbra toi re qui svit surtout dans les basses et le bas mdium ne masqueencore davantage ces parcelles du sens, d'autan t quelles sont souvent d'un niveau trs faible,minimises par l'loignement.

    Ceci permet de difficiles cocktail-parties, et d'encore plus difficiles prises de sons.

    Le Charme discret de ta bourgeoisie(Buftuel)

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    6 PROGRAMMATION DE L'CO

    d) Il n'empche, on s'en accommode.

    Malgr la perte d'intelligibilit dans la distance, malgr l'effet de masque d'une ambiancebruyante, ou d'une trop forte rverbration, il est possible de discerner une voix, de l'isolerparmi d'autres, pour ne s'intresser qu' elle. On en tend loreille, pour mieux couter.

    Leffort d'accommodation {faire la mise en un point de l'espace) constitue la base mme del'coute (parfois fatigante voire impossible dans certains cas). Parmi les sons affrents, le sondsir est dcortiqu, dbarrass du bruit de fond qu'il entoure. Par l'inhibition latrale,l' ambiance est refoule, non plus au profit de la tche scopique, mais de la tche ausculte;par ce biais, le champ diffus {la rverbration) est largement attnu, puisque les sons venantde ct ne sont pas retenus. Le son ainsi auscult se trouve dgraiss, tandis que l'espace priphrique, le son d'ambianceest rejet dans un certain flou, despatialis. On ne peut couter, eneffet, que dans une direction la fois.

    Cependant lauscultation, le pouvoir sparateur de l'appareil auditif, a des limites : la fatiguese fait sentir, surtout si l'on ne pointe ou centre la source entre les deux oreilles {Annulationdes Ai, Av? At). Aprs l'audition d un masque de longue dure, le pouvoir de pointage tombe zro (par exemple aprs un quart d'heure auprs d'un marteau piqueur, ou une demi journed'atelier en usine...). D'autre part, en prsence d'une forte perturbation {bruit suprieur de 20

    dcibels au signal utile) l'intelligibilit reste nulle. Avec un rapport signal/bruit suprieur de un dix dcibels, elle est nouveau totale. (25)

    Autrement dit, l'oreille a un pouvoir sparateur beaucoup plus faible que l'il. Inversement,et c'est sans doute l sa force, on ne peut pas lui cacher grand chose. Cette distinction opreaussi au cinma : le cadre de l'image est franc (c'est dire qu'il peut dissimuler, choisir) alorsque le cadre du son est flou , omnidirectionnel {c'est dire qu'il ne peut facilement forclore)et cela d'autant plus que le micro, mme directionnel, est loin de faire le moindre travail d'auscultation.

    Il s'agit bien d'un problme de reconnaissance des formes, altres ou partiellement dtruites, ce qui met en jeu le pointage de lcout^mais aussi les capacits de la mmoire (ses contenus), les rangements (ordre dans les mmoires) et les oprateurs d'accs (sujets refoulement ?) ainsi que la prvisibilit contextuelle (dans une phrase le mot incompris est recons

    titu).

    25. En certains pays, le hudes torturs est recouvert tangos, diffuss^ tue-tte ; bien les tortionnaires estimerapport signal/bruit ?

    A l'coute de SI, S2 est refoule, mais aussi les sources images du champ diffus S'1, S"1, S'2, S"2 etc.

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    AILBL

    Dans l'impossibilit de donner ici des exemptes sonores, jai essay de transposer dans le visuel

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    Soit une iusqu'form e est masquable dans un bruit disparition

    signifiante

    Ce qui veut dire qu'entre couteret comprendre, il y a forcment reconnatre {dans la nassesignifiante) soit un saut dans l'apprhension. Cette pulsion auscultante fait frontire avec leSymbolique. Elle fait entendre au mme niveau intrieur , avec la mme force, ce vers quoiloreille est tendue. Elle tablit une constance de l'cout-compris (passage au concept) alorsqu'il y a une variance, un zig-zag de l'ou : quand par exemple un locuteur tourne la tte, lescomposantes harmoniques se dispersent, le niveau de masque augmente, et pourtant ce quiest compris est mme,puisque cela nappartient plus au monde extrieur, mais au lexique intrieur, tir de l'inconscient par le truchement du plongeon dans la nasse des signifiants.

    nication parle , Masson 1977).

    3. REPRSENTATION : PERSPECTIVA AURICULA ARTIFICIALIS.

    Depuis longtemps les hommes cherchaient re-produire la matire sonore. Rabelais rvaitde geler les paroles des mourants sur les champs de bataille, pour les faire couter ensuite.Mais c'est avec l'invention du gramophone que la reproduction sonore a t possible, et aveclui la copie multiple.

    Edison enregistre dans la cire molle les premires paroles, changes en vibrations par uneaiguille solidaire d'une peau membraneuse, oscillant en sympathie avec l'onde sonore, recueillie par un norme pavillon. Il suffit alors pour re-produire, de faire avancer le rouleau de cire la manivelle. A chaque repli et rebond du sillon, l'aiguille s'broue et tressaute, communiquant

    ses oscillations la dite membrane, affuble de son cornet.

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    PROGRAMMATION DE L'COU

    Depuis cette poque, la technologie a peu volu, du moins dans son principe. Il y a toujoursun capteur de vibrations, un tympan lectromcanique (le microphone), un burin graveurde la pte, muni dun chasse-copeaux, enfin un diamant qui li t la gravure, la transforme en lectricit, laquelle lectricit actionne une membrane d'couteur ou de haut-parleur. Seulementl'lectronique s'est introduite entre les diffrents maillons de la chane. De qualit mdiocre,elle est devenue une reproductrice haute fidlit, reconstituant mme un certain relief, grce la perspective strophonique.

    Au cinma, au lieu de graver dans la cire, on a cherch (ds 1928} dposer le son sousforme de modulation lumineuse, au bord mme de la pellicule. Depuis le dbut du parlant, leson cinma n'a cess de s'amliorer, tant au niveau des micros, du dispositif d'enregistrement,que des hauts-parleurs eux-mmes, voire de l'acoustique des salles. Pourtant la qualit obtenue (surtout en 16 mm) est trs infrieure au disque microsillon.

    En restant monophonique, le projecteur sonore allait rduire la spatialit des sons une simple tache (le haut parleur). L'espace courbe et enveloppant tant rduit en un seul point de diffusion, cach derrire l'cran, il fallait crer l'illusion d'un certain espace, en reconstituant surtout de la profondeur, plutt que de la latralit, par soumission au cadrage visuel, ( l'cranmonoculaire). Simuler de la distance sonore en dcolorant les timbres, ou en ajoutant artificiellement de la rverbration : du champ diffus dans le champ direct, en retard croissantavec la profondeur. De la sorte on peut dire que le champ diffus retard constitue les lignesde fuite du tableau sonore (26). J'y reviendrai.

    Mais le plus important dans ce dispositif, c'est que le haut-parleur oblige un pointage surlui (il est d'emble la tache ausculte) et donc empche tout reprage spatial, toute sparation

    de l'ambiance d'avec la zone d'coute. Il manque donc la libre spatialit du champ auditifdirect.

    Pris dans ce dfil lectro-acoustique, les sons se font masque les uns aux autres, puisquele tout de l'espace doit se faufiler par ce passage unique. Ne pouvant pratiquer la discrimination spatiale (l'inhibition latrale), l'oreille ne peut dmasquer un son d'un autre. Do la ncessit d'un son travaill, prdcortiqu, nettoy, dmasqu, qui va suppler l'impuissancedcorticative devant un haut-parleur. Cela conduit le cinma commercial, dans l'tat actuel desperches et des cannes son, faire de la post-synchro en studio silencieux, avec un micro 30 cm. de la voix, quitte rajouter de la rverbration dlaye pour donner du recul.

    Au bo rd mme de la pellicule : la tion lumineuse du son

    26. Au cinma, quoi bon uralisation du son (ambiophol'il reste riv au rectangle quface ? Le haut-parleur, qui aussi des sons of f , estd'emble derrire l'cran, edoute y demeurera-t-il encorque temps...

    Cela a amen aussi les professionnels un mixage compens,qui tienne compte de l'augmentation importante de l'effet de masque; c'est ainsi qu'on ajoute avec prcaution des sonsd'ambiance et des bruits trs sages, qui laissent l'cran sonore approcher de limpression de

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    AILBL 9

    Depuis quelques annes, onte la sortie de films en son s tl va sans dire que les micros nepas le travail de lattention, maisle rendent possible l'intrieur

    a salle de cinma elle-mme,que l'information spatialit Aphi, At) a t enregis tre en plus

    information c son complexe (habituelle).

    lors, le mixage compens ests ncessaire; la premire scneRencontres du troisime typerait tre une illustration de ce'avance : le vent est trs violent,ourtant or: compiend ce quent les personnages... C'est quention est tendue sur les propos

    personnages (montrs lcran)que le bruit du vent circule en

    re et sur les cts (comme unof f qui aurait pris son essor dansace). Le fait est quon a limpres

    que l'image est htrogne aude qualit moindre, ou encore :on dborde et vient faire dup , autour d'une fentre bride :an. Ce qui me fait dire que la voix doit rester une voix in . Unloudspeaker, of course). Quet en effet une voix off qui viendu fond de la salle? Pauvre

    cran...

    Sauf pe ut-tre le bruit ternel deer. qui copule avec le soleil, danscouchant.

    ECRAN

    Champ-image-monophornque : pointage oblig

    ralit, eu gard la confiscation par le dispositif, du cocktail party effect (27).Ce qui estretir l'oreille par la contingence du dispos itif technique lui est redonn sur le banc de mixagepar une manipulation adquate, et mme ds la prise de son, qui est pense en fonction dece rsultat. Godard avait-il compris cela en tournant BritishSounds?Je crois que c'tait plutten raction aux bandes-sons de plus en plus artificielles (trop de morceaux pars runis su rle mme banc de mixage) ou de plus en plus tricheuses (la manipulation visait un peu plus loinqu' la restauration de l'impression de ralit), qui resserraient l'espace fictionnel sur des individus, l'amricaine, les sons d'ambiance n'tant que des faire-valoir ou des appendices, etnon des lments de la complexit sociale, des lments-frontire de l'histoire raconte.

    Au cinma, aujourd'hui, o le spectateur se dfait de tout effort (il est comme un pur esprit)en superposition de l'instance racontante, du regard de la camra, il faut encore que le dispositif le dfasse de l'exploration spatiale, du travail de la pulsion auscultante (de toute manireimpossible en monophonie) pour que la fiction soit pleinement transparente.

    Autrement dit, il lui faut du son tout cuit, pour qu'il soit cru... De la sorte, l'identification primaire l'instance coutante fonctionne, puisque le son lui arrive, nettoy de ses scories,saute-mouton jusqu'au rebord de l'inconscient; gourmand de cette friandise hallucinatoire,il entre ainsi dans la scne elle-mme, comme s'il tait directement ouisseurde ce qu'il entend.

    4. RVERSIBILIT DE L'COUTE : LA VOIX

    Ecouter quelqu'un, c es? l'inviter lincessant voyage qui le fait sortir de lui-mme pour seloger dans ce qu'if croit tre pour l autre (son savoir) avant de le faire revenir en lui-mme, pourse loger nouveau dans le Heu d'o Hparle, irrductible source de son savoir .Denis Vasse, op.cit p. 200.

    Le monde des bruits n'a pas de soleil, comme celui des images. Il n'y a pas de fait sonorede trs haute puissance qui clairerait le silence, tel un bruit blanc blouissant (28). Pas dechute crpusculaire, de noir compact o l'ordre cosmique vient aveugler la pousse scopique,en proie ds lors aux fantasmagories qui prcdent le retour de la clart solaire. Dans le silence,comme dans le noir, l'nergie vocale s'origine d'un sujet : soufflet respiratoire segment parle sphincter trachal. Le cri traduit une prsence, tandis que l'aurore nous renvoie un rythme

    sidral, la reprise de la puissance scopique.

    Champ direct : auscultation possible

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    10 PROGRAMMATION DU REGA

    Jean Nny au pupitre de mixage de Rencontres du troisime type -on voit les chenilles lumineuses de prlecture-son et le petit crande pretecture image.

    La voix traverse donc l'obscurit, et pareillement les cloisons et les murs, bien qu'elle seperde petite distance (29). Exposante au champ de l'Autre, elle tend exprimer la pense :elle rendl'me, et souvent malgr elle. If y a toujours au niveau du langage quelque chose quiest au del de la conscience, et c 'est l que peut se situer la fonction du dsir (J.L.). Ce savoirqui ne se sait pas fait les dlices de la connotation, mais surtout il fend le masque du mot

    mot, emport par la jouissance. L'intention, qui croyait sy cacher, transpire. L'inconscient,c'est que l tre en parlant jouisse et, jajoute, ne veuille rien en savoir de plus- j'ajoute que celaveut dire - ne rien savoir du tout (30)

    Lorsqu'un affect survient, la sonorit est bouleverse : voix haute ou basse, aigre ou acide,soupir. Une modulation en change la hauteur, un clat en modifie la force, une motion le dbit.De fait, la plupart du temps, les paroles ne signifient pas par elles-mmes, mais par le ton donton les dit. Souvent en redisant les mmes paroles on ne rend pas le mme sens. Cest quel'tre parlant habite le langage et, connaissant sa demeure, il en joue en retour, moins de rencontrer le lapsus. Le rapport entre rnonciation(vitesse d'locution, accents, inflexions, rtentions...) et lnonc(mots, phrases, ides) dcrit en permanence une posturequi peut tre volutive.

    29. Ce n'est plus tout fait vrle haut-parleur, qui porte lagrande distance. Et plus loin que la sonorisation, la tlsans fil, l'entre dans la sphrede la radio, aujourd'hui thiste , sinon monopoliste.

    30. Encore , ibidem, p. 95

    \

    En accordant rnonciation l'nonc, le Sujet rapporte, voise, une authenticit. En intro

    duisant une distanceentre sa voix et ce quelle est cense (sense) dire, le Sujet joue son rle

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    D'o la ncessit de recourir expressions comm e : je te

    ne ma parole d'honneur , pourousser le doute, sans y parvenir

    fait.

    BAILBL

    Cf. l'ouvrage de G. Guillaume :mps et Verbe 1929. Ed.

    nor Champion 1970.

    Jean-Louis Schefer, in L'inven

    du corps chrtien p. 52. Ed.le..

    Hors du temps mort, un tempsculaire... la fiction cinma, mueune dmangeaison prdicative,sse devant elle une tension quiconsomme dans la conscution-

    squence, jusquau dnouementa clt.

    Heidegger : Cheminement versarole p. 202, Gallimard.

    de dtourner le sens premier de lnonc : ironie, feinte, affectation... Ce dtournement estdonn entendre comme dcalage, comme jeu d'acteur.

    En quoi la voix peut faire semblant; ce faisant elle accepte sa chute de n'tre qu'une pro-fration, une exposante dans l'exposition, un filet o se faire prendre (31 )... Reste que la paroleest surtout une adresse l'autre : ne de l'articulation du souvenir la promesse, elle soutientla demande, fait dpendre le besoin de lobjet restaurateur, du dsir de l'Autre.

    Peut-on dire que la dure mme de rnonciation donne une paisseur au prsent ? Quelattente de ce qui fait sens porte arrt la drive du dsir ? L'acte d'our, comme celui de parler,

    s'enracine dans une dure : si lon peut faire un instantan d'une image mouvante (une photo}cest que la lecture en est immdiate ; que lirait-on d'un phonme saisi dans une phrase ? Plusencore, la parole introduit au diffr, dans la dimension du djou du plus tard: elle constituele monde de la pense, dupe-lication du monde rel.

    Le temps se prsente comme un vaste panoramique, o la pense se projette, plus ou moinsrelie au prsent en prsence. Il n'est que d'observer l'usage des modes et des temps dansla langue : diverses dures s'y trouvent reprsentes ; elles se profilent en rsultat sur un pland'intercept ion (la date) d'o l'on vise, quelque distance que ce soit du prsent de rnonciation(do l'on parle) (32).

    Sil y a un temps historique, o les vnements du monde extrieur constituent un ordretemporel, (dure, succession, simultanit), il en existe un autre, sujet contraction ou allon

    gement, le temps mental,os'incarne le droulement des choses, en accord avec l'tat a ffec tif :compromis qui rend compte du manque prsent, de la plnitude passe, du plaisir venir.Typiquement : la temporalit filmique.

    A se projeter ainsi en arrire ou en avant du temps prsent, le Sujet s'introduit dans le registre du Souci, La proccupation, lastique, perptue le vertige du maintenant, l'impossibilitd'tre-l. En ce corridor glacial, l'laboration du futur et la projection de la mort sont la mmeopration, bien que la premire se cache derrire la seconde. Nous ne mourrons pas d'un coup,nous sommes dans la pousse (33). C'est vrai que dans cette mort irreprsentable, le savoirtrouve son matre, sa bute absolue.

    Refouler cette ide et vivre cependant le maintenant pour...une dpense psychique. Ainsi,la musique : se laisser flotter sur la crte de la vague sonore, qui ordonne un nouveau rapport

    entre l'homme et le temps. Ainsi le cinma : se laisser emparer par la fiction, et oublier la fini-tude; tirer le prsent de son Nant, pour en emplir la vacuole (34).

    5. PARLER, DIRE; L'AUTRE SCHIZE

    Le Sujet est cet tre parlant qui se re-pre son oreille, miroir des signifiants, qu'ils soientprofrs (coute en conduction osseuse) ou entendus (conduction arienne). L'oreille est cepoint de bascule o schangent les mots, le rel et ses symboles. Le signifiant dborde del'oue et vient faire sens, la croise du symbolique et de l'imaginaire. Qu'est-ce que cest?C'est une horloge .

    Un est se donne, l o le mot se brise

    Se briser veut dire ic i : le mot profr retourne dans le sans bruit, l depuis o il est accord :dans le recueil o sonne la paix du silence-recueil qui, en tant que Dite, me t en chemin vers leurproximit les Contres du Cadre du monde (35).

    La parole est parlante. D'o tient-elle son parler ? Qu'elle rapporte, entre-tient et enrichit levis--vis les unes pouVles autres des ralits nommes par ce que le corps de la langue retienten l u i Nous avons la possibilit de parler, dans la mesure o prenant mesure sur la parole, nouslui rpondons .(Heidegger)

    Jai le mot sur le bout de la langue. C'est que le mot se tient en proximit du rel, sans s'yconfondre, n'tant que sonorit approprie, pour tre dpense.

    Dire :reprsenter le monde dans une claircie(il y a une fulguration inattendue, une productivit soudaine de la parole) qui est du mme coup un abritement(un savoir nouveau se retient,

    en bute sur lui-mme).

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    Parler:la voix manifeste la prsenceet le sa voirpris l'un dans l'autre. Oublieuse d'elle-mme,de cette faille qui articule le dit au non dicible, la voix peut se prendre pour le Sujet lui-mme.Ainsi livr la toute-puissance des mots, un homme devient fou dlier ; la fol ie se donne alorscomme savoir accompli, savoir (totalitaire) qui se perd en lui-mme, au cur de la raison(quia raison ?). Il ne reste qu'un discours mult iple et gnral, dont la fonction est sans doute d obturer toute rencontre, de profuser le bruit lointain du pre, et d'viter le silence o se recueillela prsence. Miroir d'homme que ce savant appareil ? Sans doute. Il parle beaucoup, cest--dire de son impossible prsence. Lui ?... il s'coute parler... et Elle ?... se regarde se voir. Miroirsinquiets.

    Comment comprendre le registre de la pulsion invocante/auscultante ?La parole s'est faitconnatre : le mot dit dcoupe, avec lui je tranche derechef. Entre deux, se tient la place duSujet, vacillant de lcoute la parole, en cette brusque asymptote toujours prte renvoi. Jevous coute/Je vous dis .

    Se dplaant, le son puise une sphre grandissante qui s'abmerait en pure perte dansl'atmosphre, si elle ne rencontrait loreille, o elle subit l'emphase de la connaissance, qui n'estpas rien. La connaissance amne les sons qui n'en peuvent mais franchir la barre du sens,par l'tro it passage du signifiant. L'entiret du monde se trouve contracte en cette instancequi se fait contempler : le savoir. Symboliquement, donc, les mots contiennent le monde, et

    je crois tre le dpositaire de ce que je sais ; mais, en mme temps, les mots n'en finissent pasde recouvrir le rel, sans limites. Plus encore, je ne suis qu'un diseur, qui combine lentementles ides et les mots, a ne cogite pas vite.

    De l, le fantasme d'un Etre Absolu, omniscient, qui disposerait instantanment de la totalitde son savoir, silencieusement, hors d'une pense freine par sa lenteur. Un tre qui n'auraitpas comme nous, des zones d'ombre inexplorables, qui serait le soleil de la connaissance.

    L'Autre, I'Autre comme lieu de la Vrit, est la seule place quoique irrductible que nous pouvons donner au terme de l'tre divin, de Dieu, pour l appeler par son Nom. Dieu est proprementle lieu, o,si vous m'en permettez l'expression, se produit le dieu, le dieur, le dire... Et aussi longtemps que se dira quelque chose, l'hypothse Dieu sera l (36).

    Le dsir de puissance (de Lumire ?) est donc transfr sur le Sujet Suppos Savoir. Aucommencement tait le Verbe, et le Verbe tait auprs de Dieu, et le Verbe tait Dieu... Et leVerbe sest fa it chair, et il a habit parmi nous... Qu'est-ce dire ? Sinon qu' l'origine, lAutrenous parle pour que nous lui rpondions, que nous nous approprions ses lumires. L'vangliste ne trouve dautre fondement au Verbe, que Dieu lui-mme, qui viendrait rparer le dficitsubi lors de l'entre dans la Langue (37) : le fading de l'identification imaginaire au phallus.

    L'abme a jet son cri, la profondeur a lev ses deux mains(Cantique d'Habacuc).

    Il y a donc un point o la connaissance est dmise, quand l'Etre fait retour dans l'motionpr-verbale. Que reste-t-il du savoir lorsque surgit la Joie ou la Douleur ? Il n'y a en effet plusrien dire, puisqu il n'y a plus rien (se) demander. Parole inutile, quand s'ouvre l'antre prim ordial : le savoir se dissout devant la prsence aimante.

    Au cinma, le spectateur vient se superposer l'instance racontante; omniprsence de lacamra, qui prvo it; ubiquit de lcoute, qui entend tou t sans se montrer, micro secret cachdans la cloison de la fiction; omniscience du narrateur. Voil le spectateur aux cieux, presquel'gal de Dieu. Prfrez-vous le Paradis dans l'au-del de cette valle de larmes, en un seulcoup? Ou alors une.heure et demie de Paradis - Tlvision, aprs le travail, jour aprs jour,tout en restant athe ? Vous avez encore le choix (...).

    Il faut videmment barrer de la fiction toute parole qui viendrait s'adresser au spectateurcomme tel : adresse directe des personnages-voix off d'un narrateur un peu trop savant,qui rendrait le spectateur son ignorance, et pis encore son fauteuil. (A suivre).

    C.B.

    12

    36. Encore , p. 44.

    37. Un autre mythe rend comla perte originelle; celui desmiers parents com me ttapch de la connaissance. Illaient savoir; ils connurent ddouleur.

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    FESTIVAL DE LOCARNO 1978 : RTROSPECTIVE DOUGLAS SIRK

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    ENTRETIEN AVEC DOUGLAS SIRKPAR JEAN-CLAUDE BIETTE ET DOMINIQUE RABOURDIN

    Le festival de Locarno devait nous donner, du moins noussprions, l occasion de rencontrer longuement Douglas Sirk, un hommage tait rendu, et d'avoir avec lui un long entretien.fa it, nous tions venus essentiellement pour Sirk, sparment,is au bout de quelquesjours il nous a sembl plus simple defairetretien ensemble, et de le publier simultanment dans leshiers et dansCinma .

    Nous ne voulions ni l'un ni l autre le rendre historique : lee de Jon Halliday- qui est une srie de longues discussions entrek et l'auteur, rpondfort bien toutes les questions de cet ordre.us prenions le risque, en rencontrant sparment Sirk, de luimander assez souvent les mmes choses, et lui-mme n auraits doute pas eu le temps de nous rencontrer tous deux aussi lon

    ement que nous l'esprions.

    Nous avons donc ralis cette interview la fin du festival. Sirkait pu revoir des films qu'il n avait pas vus, parfois, depuis plus40 ans, ou mme jamais vu en dehors de sa table de montage,

    mme Accord final. Il tait donc plus dispos en parler.. Parntre, son emploi du temps lors de ces dernires journes ne nousas permis d allerjusqu 'au bout de nos questions, jusqu 'aux derrs films de sa priode amricaine. Mais Sirk nous a promis, parit, des rponses dtailles que nous publierons prochainement.C. B. (Cahiers du Cinma), D.R. (Cinma 78).

    Question. Quand vous avez fai t vos premiers courts mtrageses premiers longs mtrages ensuite la U.FA., vous rappe-vous comment vous voyiez alors le cinma ?

    Douglas Sirk.Mon premier film la U.F.A. tait Le Maladeaginairede Molire, en allemand naturellement; on appelaitfilm court, et a durait quarante-cinq minutes. La U.F.A.dait ces films en mme temps que d'autres films qui neaient pas une pleine longueur. J'en ai fait trois, mais le pre

    er, c'tait Le Malade imaginaire. Apparemment les copiesont t perdues et Monsieur Patalas, du Film Forum de

    nich, a essay d'en retrouver : il a retrouv en Russie deux

    de mes films courts - trange que ce soit l ! - il a russi rapporter Munich deux copies de ces films courts, mais LeMalade imaginaireest perdu pour de bon. Mais j'en ai parlparce que c'est vraiment amusant que le tou t premier film dema carrire soit adapt d'une pice franaise, Le Malade imaginaire( 1), et mon dernier film - projet, devrais-je dire, puisqueje n'ai jamais russi le faire alors qu'il tait prt tre tourn- tait un film tourner Paris sur la vie du peintre Utrillo etde sa mre, Madame Valadon, une peintresse trs importanteaussi. C'est trange que ma carrire ait t encadre par deuxhistoires franaises... Mais vous me demandiez?...

    Question. ...Quelle impression vous aviez alors du cinma,

    vous qui veniez du thtre?Sirk.Vous savez, j'ai vu des films toute ma vie, naturelle

    ment, et ma premire rencontre avec le cinma a t une rencontre trs courte mais technique, qui m'a permis d'apprendre; il fallait que je connaisse les films d'un point de vue technique, parce qu'en une occasion plus loigne jai travaillcomme dcorateur la U.FA Je n'avais pas du tout l'intention de faire des films, mais simplement de gagner de l'argentJ'tais intress par le medium film , mais en travaillantcomme dcorateur la U.F.A. - il y avait six ou sept dcorateurs qui travaillaient en mme temps la U.F.A. -, je meformais l'opinion qu'un film tait une chose entirement diffrente du thtre. C'est le point que je tiens prciser. Vous

    savez, j'ai compris que le thtre est un moyen d'expressionbeaucoup plus stylis. Vous pouvez avoir des dcors peints,en blocs, vous pouvez aussi jouer sur un plateau compltement nu, comme Shakespeare l'a fait, vous le savez. Vousdevez vous carter du naturalisme, au thtre. C'est stylisdans la manire de jouer, c'est stylis dans les textes que vous

    jouez, trs souvent ce sont des vers et les vers ne sont pasfaits pour le cinma. C'est tout cela que jai commenc comprendre plus ou moins : cela m'a donn des bases solides pourmes projets ultrieurs de films. Bien que je ne pensais pas dutout l'poque raliser des films : j'avais pas mal de succset j'tais trs occup monter des pices. J'ai mont dans mavie prs dune centaine de pices. Et lentement, en regardantbien les films, pas simplement pour le plaisir d'aller au cinma

    j'ai essay de dcouvrir ce que c'tait que la technique des

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    Tournage de Concert la Cour(au centre, avec les lunettes noires, Derie

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    RETIEN AVEC DOUGLAS SIRK--------------------- '

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    nage de Captain Lightfoot (Capitatne Mystre)Gloria Talboi. William Reynolds et Jane Wyman dans A il That Heaven Allows.

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    LOCARNO

    1S R O B E R T D O U G L A S A N N E C R A W F O R D - p h w p g l a o s c o o p i r m i c w l p m e j o h n at a n t t i O S U R O U I , * / H * 0 C W S O l l - I M i M k . M U C U S S I D - N o m t a H K M [ l K O A IK I

    THEATRE

    MAT

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    s. Ainsi que je lai dit, il y a quelques annes, ici , Locarno crois que vous ntiez pas l -, il y a eu un moment prcis

    aimerais dire... - comment le form ule r?... j'i compris, vraint ce qu'est rellement un film en voyant, un film d e1

    bitsch qui s'appelle The Marriage Circle (2). J'ai vu ce film ou neuf fois, aussi longtemps qu'il passait dans.'ce-

    ma-l, parce que jai compris qu'il y avait une nouvellenire de conduire une comdie, qui, en Allemagne, n'taitutilise ni mme connue. J'aimerais appeler cela avoir une

    in lgrepour la comdie. Les Allemands, cette poquemoins, avaient la main plutt lourde, ce qui est peut-tre

    bien, dans une certaine mesure, pour le thtre, mais cerement pas pour les films. La mme lgret dans la comje lai trouve dans les films amricains. Comme vous

    ez, Lubitsch tournait aussi aux U.S.A. La premire fois devie que j'ai entendu le mot amricain pour dire films, c'tait

    vies, motion pictures, ce qui veut dire mouvement,moving motions , moving pictures ... Le mouvement

    t tout dans leurs films, et je pense que a c'est... a a du une rvlation. Tout mon travail a t bas l-dessus. La

    hnique des mouvements d'appareil et les choses de cere... D'abord, bien sr, pour mes premiers films, je n'taistechniquement aussi expriment que je le fus plus tard.

    s en revoyant maintenant quelques-uns de mes premierss, je comprends le progrs graduel que j'ai fait dans cette

    ction : avoir la matrise de la camra, c'est une chose trsortante pour un cinaste. Par exemple, vous voyez Hof-zert. Cest dj trs achev. C'est l'un de mes tout prers films. Aprs cinq ou six films que j'ai faits avant et quisont pas aussi achevs dans le maniement de la camra etgens. Il y a un flux constant, un mouvement constant : la

    mra suit toujours les gens ou les gens suivent la camra,a camra et les gens vivent. Je l'ai dit en ces termes Hal-y (3) : je fais toujours confiance ma camra comme une ego, vous voyez, un autre alter ego, un autre moi-mme.

    camra doit devenir votre jumeau, un jumeau avec de bienlleurs yeux. Evidemment il faut enseigner la camralque chose que vous savez : le langage. Votre camra este vue, il faut faire confiance votre camra, parce quee camra - comme je lai toujours dit mes acteurs - c'est

    mme des rayons X. Elle voit vos penses; et j'ai comprisctait une des grandes diffrences avec la scne : sur la

    ne les acteurs sont toujours une certaine distance dulic, mais dans un gros plan la camra est dix centimtresvisage peut-tre... elle peut tout voir, elle lit vos pensess vos yeux. Donc je dis toujours mes acteurs : Ne voustentez pas de dire votre texte comme sur scne ! Pensez-'abord, parce que ma camra va dtecter vos penses...penses forment votre texte, vos mots...

    e pense que c'est une diffrence trs, trs importantee la scne et le film, et beaucoup de metteurs en scne dema ne comprennent pas trs bien, comme je l'ai dcou, quel instrument merveilleux est la camra, pour dtecterpenses. Trs souvent je supprime une phrase et je dis eur : Ne dites plus cette phrase, simplement pensez-la !ce que la camra saura ce que vous pensez ce moment-ce n'est pas la peine de la dire... Vous comprenez?

    RETIEN AVEC DOUGLAS SIRK ;

    d'alors? Est-ce aussi cette dcouverte que vous avez faite de lanature du cinma qui a dtermin ce changement de genres ede. sujets?

    Sirk. Je vous suis. C'est une question qui ncessite une* rponse un peu complexe. Je vais essayer d'tre clair. Avanttou t j'ai chang pour le cinma, pour des raisons de ncessitpolitique. Parce que j'avais compris que le cinma tait lemoyen d!expression international, plus que le thtre. Surtout Hollywood. Le thtre amricain ne signifie rien. Il est trsprimitif. C'est simplement plus ou moins du pur divertisse

    ment. A Broadway et dans les thtres off off off de Hollywood, vous n'avez aucune chance de jouer Molire, Racine ouShakespeare ou Calderon ou qui que ce soit, mais des comdies ou des musicals . Les musicals , c'tait le thtreprfr en Amrique. Il fallait que j'aie un travail international,ce que n'est pas le thtre, pas mme le thtre allemand.Ainsi je me suis efforc - alors que j'avais une pice mettreen scne - de penser cinmatographiquement, de penser entermes de cinma. Quelque chose de trs trange, de trsmystrieux sest pass, je vous dis la vrit. Jai dit MadameSirk : la prochaine pice que je vais mettre en scne - ctaitune pice de Shakespeare, La Nuit des Rois , que j'taissuppos monter au plus grand thtre de Berlin... une production trs importante -, je vais essayer de la faire comme si je

    faisais un film, indpendamment de Shakespeare, indpendamment de quoi que ce soit d'autre. Je l'ai faite de manireraliste. Je l'ai faite dans un style compltement diffrent demon style thtral. Je voulais alors faire a juste pour acqurirun peu l'exprience du cinma, que je n'avais pas encore,parce que je navais pas un travail de metteur en scne decinma, j'tais le responsable principal d'un thtre (4). Lapice a eu un assez bon succs, je crois. J'avais de trs, trsbons acteurs. Et je leur ai enseign mon exprience ducinma, c'est--dire : sous-jouer, ne pas projeter votre voix,vos gestes, ne pas jouer fond mais employer l'intimit, etc.J'espre que je ne deviens pas trop technique?

    Biette et Rabourdin. Non, non; pas du tou t!

    Sirk.Et la chose trs trange qui arriva../Le destin m'aida.Quelques jours aprs la premire de cette pice, de cettepice de Shakespeare, j'ai eu un coup de tlphone de laU.F.A. disant qu'ils avaient vu la pice, qu'ils avaient aim a,qu'ils trouvaient que celui qui avait dirig la pice avait dutalent pour le cinma, et qu'ils voulaient signer un contrat avecmoi. Et c'est ainsi que je suis entr dans le cinma. Mais c'taitun miracle. Et je compris ainsi que j'avais une chance internationale. Mais pour poursuivre - je peux? - l'autre partie de laquestion, laissez-moi le dire ainsi : le genre de mlodramesque je commenais alors avec passion, parce qu'avant j'avais

    fait des comdies, le mlo typique, Schlussakkord (AccordFinal), a t dict par la ncessit. Je l'ai fait par ncessit,parce que a avait t dcid par le studio.

    i

    Question. Mais vous avez crit le scnario?

    uestion. Etes- vous dlibrment pass de la mise en scnegrands auteurs dramatiques, tels que Shakespeare, Molire,iller, etc., la ralisation de comdies lgres et de mlodra

    s avec musique, ou bien ce changement de rpertoire, dansassage du thtre au cinma, est-il d des contingences

    hniques de production, une rponse aux gots du public

    Sirk. J'ai eu l'histoire, l'histoire de base crite par quelqu'und'autre. Et j'ai eu un autre crivain, un crivain pour le cinma,parce que je n'tais pas trs sr de mon habilet crire pourle cinma ce moment-l. Ecrire un script, c'tait quelquehose d'entirement nouveau pour moi, plus ou moins, je travaillais l-dessus... mais avec la dfinie et trs consciente...ide de faire un mlodrame, parce que, ayant vu des films

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    amricains, javais compris que les mlodrames et les comdies musicales taient les deux principales formes de divertissement en Amrique... avec le western, qui est une exception, car ici il n'y avait pas les vaches ni les-cow-boys etc... etvous naviez pas en Allemagne de public pour a. Mais mmele western est du pur mlodrame, naturellement, vous avez lemauvais gars, vous avez le bon gars, vous avez la fille blondegentille qui doit tre sauve par le bon gars, la fin le bon garset le mauvais gars commencent se tirer dessus, vous avezde la musique, beaucoup de musique etc. Non, je n'ai faitquun western (5). Bon... depuis Hofkonzert, jai fait uncertain nombre de comdies amricaines moi aussi... lamanire de Lubitsch par exemple. Ce sont des comdies rapides, par opposition aux comdies de type allemand. Vousvoyez, quand on veut dire quelque chose de ngatif sur lesfilms qu'on peut voir aux U.S.A., on dit que c'est trop lent, cequi ne veut pas dire exactement que c'est lent, que c'est faitlentement, mais que le mouvement extrieur du film est troplent. Un film doit aller quelque part, doit bouger. C'est le sensdu mot movie.

    Question. Est-ce que vous accepteriez cette distinction entredeux courants, fes metteurs en scne qui mettent l'accent surfaction et ceux qui mettent l accent sur l'motion?

    Sirk.Je suis d'accord. Le mlodrame, je pense, a surtout produire des motions plutt que des actions. Cependantl'motion, c'est une sorte daction ; cest une action l'intrieurd'une personne. Ce que vous appelez action, dans un filmamricain, dans la langue amricaine, cest une action physique. Bien sr, les films amricains sont remplis d'actions. Leswesterns, mais pas seulement les westerns, les

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    Rigaud... Il est un peu trop jeune, il pourrait avoir plus desonnalit; il est cens tre un violoniste trs important,nu et presque clbre. Jai t frapp par le fait qu'il fait jeune, trop beau, cest juste le jeune premier fen fran ].

    Question. Quand vous tes all aux U.SA., comment avez-us fait pour monter des films en indpendant par rapport lywood et aux grandes compagnies? Ains i quand vous avezHitler's Madman...

    irk. Hitler's Madman, comme vous venez de le dire, futn premier film amricain. L encore ce fut p lutt une conence et non le fait de mon action, vous savez. L'histoire futte d'abord par un auteur trs connu, un auteur allemandtait un migr lui aussi, Emil Ludwig. Il tait presque aussinu en Amrique que Thomas Mann. Il avait crit des piet des biographies, des romans et des essais. Il tait riche

    e le connaissais dj en Allemagne; j'avais mis en scnex ou trois de ses pices et quand je lai rencontr - c'estconcidence, vous savez -, il m'a d it : Ecoutez, je sais que

    s tes ici Hollywood et apparemment vous voulez fairefilms - vous avez fait des films en Allemagne - et je pensej'ai une histoire pour vous. C'est l'histoire de la ville de

    ce . C'est ainsi que tout commena. J'avais donc un nom

    bre, le nom d'un crivain, et avec l'aide dune autre perne que je connaissais, j'ai rencontr un autre migr allend, un homme trs riche, qui avait donn de l'argent auma en Allemagne aussi, Brettauer (6}. C'tait un hommesavait comment s'y prendre pour risquer un film, un

    mme qui avait lui-mme beaucoup de got et avec qui ilt trs agrable de bien s'entendre. Pas un instant il ne vous

    ait ce qu'il fallait faire, ou ce qu'il fallait laisser de ct etc.st ainsi que j'obtins l'argent pour faire le film. Bien sr il falque je trouve un distributeur. Jallais la premire maisondistribution et j'obtins un contrat avec la United Artists -s savez, la fameuse socit de Pickford, Douglas Fair-ks et Chaplin. Mais plus tard, quand le film fut termin, ilachet par la M.G.M. et en fin de compte c'est cette com

    nie qui sortit le film. Telle est lhistoire.

    Question. Mais vous avez d refilmer deux scnes?

    Sirk. J'ai du refilmer deux scnes pour la M.G.M. C'tait -ant que je men souvienne - dans la grande pice la salle defrence. La M.G.M. pensait que c'tait trop simple, ce queais fait avant; ils voulaient avoir plus de splendeur, plus deorum... et la pice o Heydrich meurt, dans ma premiresion, c'tait juste dans une petite clinique... dans une pice... et je ne sais pas..! la folie des grandeurs...

    Rabourdin. Nous voyons la mort d'Heydrich dans un miroir...a beaucoup de miroirs dans vos films : George Sanders dansveu se regarde dans le miroir quand il est ivre et dansAndai In Paris, Gene Lockhart, juste aprs avoir tu same, se voit devenir fou dans un miroir. Pourquoi y a- t- il tant

    miroirs dans vos films?

    irk.Eh bien, je vais vous dire : il n'y a pas de rponse ratione a... Pourquoi aimez-vous le soleil, pourquoi aimez-s la nuit, pourquoi aimez-vous la lune, pourquoi aimez-s je ne sais pas quoi ? Les miroirs ont tou jours eu pour moicertaine tranget... un miroir est plein de secrets, vous

    ez... La premire fois, je pense, qu'un tre humain s'est vus un miroir, disons dans une mare... et comprit : Cest, l ! - ce fu t assez tard, je pense, dans te dveloppementespce humaine - lespce humaine commena devenir

    consciente de soi-mme, l'homme devint l'homme. C'esttoute la diffrence avec les animaux. Un animal qui regardedans un miroir... Si vous avez un chat... s'il regarde dans unmiroir, il pense que c'est un autre chat, un chien ferait la mmechose... L'homme, quand il comprend pour la premire fois C'est moi , devient le super-animal .

    Rabourdin. Il y a aussi beaucoup de fentres dans vos films.Jane Wyman dansTout ce que le Ciel permet es? toujours prsde la fentre dans la maison de Rock Hudson, et H y en a encoredans les deux films courts que vous avez faits Munich...

    Sirk.Eh bien oui, tout d'abord... bien sr... les fentres onttoujours eu une grande... je rpondrais qu'elles ont une sortede secret parce qu'elles laissent entrer la lumire et l'obscurit. Vous voyez, par exemple, dans le petit film que jai fait -et je pense que c'est extrmement bien fait si l'on considrele peu de moyens que javais - vous voyez la pluie et toutel'atmosphre des pices de Tennessee Williams... travers lafentre... la pluie qui tombe... le bruit de la pluie sur le sol...

    Question. Bien que nous ne comprenions pas l'allemand,nous avons t trs impressionns par ce qui se passe entre lesdeux personnages dans la chambre, dansParle-moi comme lapluie...

    Sirk.Parce que c'est vraiment un film-pome. Ce sont deuxcourtes histoires surja condition humaine. La femme a unmari ivrogne, et c'est sa vie toute seule... elle est la fentre...elle s'humecte les lvres... elle boit un verre deau... elle ne boitque de l'eau... et la pluie chante sa chanson... Ce qui en ressort,c'est une mlancolie terrible...

    Question. Cela nous fait penser La Ronde de l'aube et aussiaux derniers films de Dreyer : Gertrud, par exemple... Vousl'avez vu?

    Sirk.Oh oui... C'est un grand compliment que vous me faites l. Parce que j'ai toujours t un grand admirateur de

    Dreyer. Et je lui ai mme parl quand j'tais Copenhague audbut des annes 50. Je devais faire alors un film en danoiset en sudois mais je n'ai pas pu le faire cause de moncontrat Hollywood, mais j'ai rencontr Dreyer. Je l'ai tou

    jours admir. Il y a une certaine influence de ses film s sur lesmiens. Dj dans Das Mdchen vom Moorhof.

    Biette. Oui... quand la fille va prs de la maison et longe le mur...c'est trs Dreyer... Et puis aussi dansTout ce que le Ciel permet, //y a quelque chose, une tonalit Dreyer...

    Sirk.Absolument. Et je suis trs heureux que vous disiez a. Maintenant, pour revenir aux autres petits films et pour reparler des fentres... la fentre ne donne... ne signifie rien... c'est

    comme un grand trou... Dans Nuit de Saint-Sylvestre. Un dialogue, cest aprs le banquet du nouvel an... cela commencepar une mtaphore : les assiettes vides et la grande piceabandonne aprs le banquet... les gens sont partis... eh biencela amne au moment o des annes auparavant la jeunefemme marchait en compagnie d'un homme, le seul hommequ'elle ait jamais aim, son mari... sur une route pleine deneige... sur une longue route sombre, une longue longue routeavec de la neige... c'tait une.route immobile de neige. Et c'estce que vous ressentez quand vous regardez la fentre. C'estpourquoi je ne pourrais pas vraiment dire pourquoi les fentres sont importantes; je ne peux que me rpter : parcequ'elles laissent entrer la lumire, le soleil, la pluie, lobscuritdans les pices que lhomme a bti comme une protectioncontre le monde extrieur.

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    Biette. J ai senti un aspect didactique : comme si vous vouliezmontrer des tudiants de cinma comment film er quelqu'unqui parle et quelquun qui coute, comme si vous vouliez leurdmontrer quelle seconde prcise il faut couper et changer deplan en passant sur lautre...

    Sirk. C'est a. Vous voyez, j'avais comme tche d'enseigner, comme il se trouve que je l'ai appel, le dcoupage dufilm dans la camra , ce qui veut dire que pour vous dbarrasser des monteurs, vous devez visualiser l o vous voulezcouper, autrement ce seront les monteurs qui le feront, et

    d'une autre faon. Aussi vous devez tre tout fait sr del'endroit o vous voulez couper. Ensuite, vous allez dans lasalle de montage et vous travaillez avec les monteurs etc...,mais le matriel doit dj avoir une forme et une exactitudetelles que vous puissiez dire : C'est ici qu'a lieu la transitionentre tel plan et tel plan . Et comme vous l'avez trs bienremarqu, c'tait ce que je montrais mes tudiants en premier lieu, je disais : Faites bien attention, c'est l que je vaiseffectuer la coupe d'un lieu un autre, vous voyez, d'un visage un autre... d'une atmosphre une autre...

    Rabourdin. Et dans lautre film - Parle-moi comme ta pluie- c'est plutt le mouvement entre les deux personnages qui estimportant...

    Sirk.Oui. C'tait encore un autre thme de ce sminaire : ilfallait leur montrer comment faire un film avec deux personnages et rien d'autre. Juste deux personnages, et, avec eux,ne pas tre statique. Je leur disais : Laissez-les se mouvoirdans l'espace, et que leurs lvres bougent, mais motivez lesmouvements. Commencez un mouvement l o le mouvement est motiv ! C'est ce que j'avais leur apprendre. Lesdeux films sont des pomes. C'est du moins ainsi que je lesvois. Il y a d'autres film s que j'appellerais novelas , des nouvelles, ainsi ce film qu'on a montr sur la grande place - AUI Desire.Vous voyez, ce que je vais dire maintenant va un peutrop loin, mais en un sens ces deux petites choses trsmodestes que j'ai faites pour ['Universit de Munich, sont, du

    point de vue de leur dveloppement esthtique, un pas enavant par rapport ce que j'ai fait Hollywood. Bien des gensne le voient pas et je suis trs heureux que vous l'ayez remarqu. Ces deux films taient trs modestes quant aux moyens,

    je n'avais pas d'argent, j'avais peu d'acteurs, je n'avais pas dedcor, jai fait le dcor moi-mme...

    Question. Mais vous aviez un bon oprateur?

    Sirk. Oui, pour chaque film un trs bon oprateur. Maisvous voyez, la correspondance entre un metteur en scne etun oprateur doit tre constante. Toujours. Vous devez vousoccuper de la lumire vous aussi. Vous devez observer votreoprateur, lui dire : Je veux que ce soit comme a , vous

    devez corriger de temps en temps ce qu'il fait. La position devotre camra dtermine la lumire d'une certaine faon, voussavez, la manire dont vous disposez vo tre camra et placezvos acteurs etc. Et bien sr la manire dont vient la lumire.

    Biette. Il y a une lumire qui vient du feu dans la chemine, et vous insistez sur le rendu de cette lumire sur le visage desacteurs, de plan en pian...

    Sirk. Oui-

    Question. Vos deux courts films, par leur simplicit et leurdensit, sont assez proches des derniers films de Renoir ou deFord. Vous connaissez les derniers films de Renoir? Le Petit

    thtre de Jean Renoir?

    20Sirk.Ah non... Vous voyez, Renoir... je pense que de to

    metteurs en scne de cinma, c'est Renoir que j'admplus. Il a fait d'excellents films, des films pas aussi exceet des films... et une partie de sa production aprs son en France qui n'tait pas la hauteur de ses premiersmais si l'on prend sa production comme un tout, je pensest un des plus merveilleux metteurs en scne que le cait jamais eu. Parce qu'il a reu en hritage de son pre inimitable, de merveilleux dons optiques, et il est un men scne qui aime ses personnages, ce qui est trs imporIl aime ses mchants [en franais!. Il faut aimer ses p

    nages - c'est ce que font aussi les potes eux-mmesde montrer l'intrieur dune personne, il fau t - mme sun meurtrier, un assassin - il fau t que vous l'aimiezvoyez.

    Biette. Cest ce que vous avez fait avec votre Heydrich : il meurt i l cesse d tre un monstre...

    Sirk.Mais oui. Autrement a ne serait qu'un pamphletique. D'un seul coup l'intrieur d'un homme se rvlemontrez l'intrieur d'un homme. C'est trs trs impoBon.... je pense que Renoir a toujours t un matre. Ede toute faon... je vous en ai beaucoup dit maintenanveux dire... j'adore vous parler mais... INous marquon

    pause de quelques minutes et l'entretien reprend lentemais toujours partir des deux derniers films]

    ... Vous voyez, il y a une chose qui me rend trs he Je suis trs heureux, messieurs [en franais] que voudu got pour ces pauvres petites choses qui, bien-sr,les critres de la production cinmatographique, n'ont avaleur, mais ce qu'elles reprsentent pour moi, c'est, c

    je vous le disais, un pas dans une direction compltemefrente, un pas vers le film-pome. Si je refaisais desmaintenant, je suis certain que je les ferais dans cettetion, de cette manire, avec ce style, plus qu'avec le sty

    j'avais avant. Parce que mme dans le livre avec Hallilui rptais : Si je me remettais faire des films, j'autrouver un nouveau style . Et il me demandait, il me d Douglas, quel nouveau style? , et je lui disais : Je nepas le savoir avant de faire un film .

    Rabourdin. En fait, il y a un style dans vos films allemun autre style dans votre premire priode amricaine europens, un autre style encore dans vos mlodrames cains, un autre style enfin dans vos deux derniers films.

    Sirk. Exactement. C'est tout fait a. Vous voyeexemple, le film amricain sur un thme europen quimeilleur... un film trs bien fait, le film sur Vidocq, il eavec une lgance franaise, avec un cur franais, avrythme franais etc... c'tait compltement nouveaul'Amrique. C'est fait avec ironie... Ce qui alors tait cotement tranger l'Amrique. Les Amricains sont optes; ils ne sont pas ironiques propos des choses. Ils cau bien et au mal, et plus au bien qu'au mal. Mais je pencest un film trs lgant et trs bien fait. Je l'ai revu etechniquement parfait, les acteurs sont bons...

    Question. Quel est votre film prfr ? Celui que vousle plus ?

    Sirk. Je ne pourrais vraiment pas rpondre. Commdisais, j'aime beaucoup A Scandai In Paris.Quelques-umes amis intellectuels, en Amrique, pas des gens exment intellectuels, me disent que c'est mon meilleur f

    le deuxime de mes meilleurs films, selon eux, cest L

    LOCAR

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    RETIEN AVEC DOUGLAS SIRK 21

    Rock Hudson, Dorothy Malone et Jack Carson dans The Tarnished Ange ls (La Ronde de faube)

    suis trop prs, je ne pourrais pas dire... Je ne me suisais demand quel tait le meilleur. Vous voyez, en tanthomme de mtier, vous vous demandez quel est celui quile mieux fait, quel est celui qui est bien fait, ce que vise la

    hnique du film. Pour un homme de mtier, c'est une questrs importante. Parce que trs souvent mes films onthistoire qui m'a t donne... Je devais tourner cette his

    e... Or, A Scandai In Paris et encore plus L'Aveuviennentrement de moi. J'tais libre...

    uestion. Vous prfrez ces deux films des films tels queMirage de la vie etLa Ronde de l'aube?

    irk. Oui.

    uestion. Pour nousLa Ronde de l'aube est un film magnie. Pas pour vous?

    irk.Je suis heureux que vous le citiez. Je pense que c'estetour, en ce qui concerne le style, mes premiers films

    ricains, parce que c'est bas sur une histoire crite parlkner - le fameux crivain, qui a remport le Prix Nobel,s le connaissez... Il m'a dit un jour qu'il considrait ce filmme le meilleur de tous ceux qui taient faits partir d'un

    ses livres.

    Question. Travaillez-vous partir de certains thmes? Sentez-vous une continuit entre tous vos films?

    Sirk. Je n'ai jamais eu l'occasion de dire ceci... mais pourvous qui tes franais, cest diffrent, je ne sais pas... Est-ceque Monsieur Comolli est toujours aux Cahiers?

    Biette. Oui, oui.

    Sirk.Je pense que de toutes les choses qui ont t dites surmes thmes, sa petite introduction est ce qui m'a le plusfrapp. Parce que L'Aveugle et le miroir (6) fait ressortir,autant que je m'en souvienne, ce que j'appellerai, pour simplifier, laspect sombre de mon approche philosophique deschoses. Au cours de mon interview avec Halliday j'ai dit quela philosophie... j'aime beaucoup la philosophie, j'aime la philosophie en tant que cinaste... Quand je parlais de sujets telsque la lumire passant par les fentres, ceux qui je parlaisnavaient en tte que la lumire brillante, mais il y a la lumiresombre, la lumire de la nuit etc... Mais, dans la mesure o am'tait possible, l'intrieur de mes films amricains qui, biensr, dans le systme des studios, sont fonds sur l'optimismeamricain bien connu, vous pouvez cependant sentir, je pense

    - et Halliday est tomb d'accord, et Comolli aussi - une obs

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    LOCAR

    Rock Hudson et Jane Wyman dans AU That Heaven Altows.

    curit sous-jacente, presque du pessimisme - qu'on ne peut,bien sr, pas trop mettre en avant, cause des studios -, lesstudios ne voulaient pas de films pessimistes, pas du tout;

    aussi donnaient-ils tous les films un happy end. Or j'ai critquelque chose en allemand sur le happy end et je l'ai envoy plusieurs journaux allemands. J'ai compar le happy end quelque chose de trs malheureux. Pensez aux tragdiesgrecques. Vous savez, la tragdie grecque, qui n'est pasconnue par un trs grand nombre de gens, est fondamentalement pessimiste. Parce qu la fin d'un film Dieu - un dieu- doit se joindre l'action et transformer la situation pour lemieux, afin que le public puisse quitter la salle et avoir unebonne nuit de sommeil. Vous suivez... cest un point de vueironique, je suis daccord, mais c'est vrai. Si vous le suivez jusque dans sa logique finale, il culmine, il parvient sa vritdans Euripide. Euripide est un auteur profondment pessimiste. Cependant, mme ses pices se dnouent par un

    happy end. Or j'ai jadis compar le happy end - c'est une mtaphore [en franais] trange - au signal lumineuxrouge EXIT (sortie) dans les cinmas. Au cas o le feu sedclarerait, o il y aurait la guerre, o un bombardement seproduirait, il y a une sortie, vous pouvez vous glisser lextrieur, retrouver la lumire du jour, VOUS POUVEZ VOUSSAUVER, c'est votre porte de sortie. (De manire asseztrange, cet essai que j'ai crit a fait son chemin autour dumonde, parce qu'il y a quelques temps, un jeune professeuraustralien de Sydney ma crit. Il avait fait de cet essai la basede ses cours sur mes films... il enseigne la filmologie...). C'estun pessimisme ironique. Et je pense qu'il y a quelque chose -non tant au sujet de cette ironie qu'au sujet de cet aspectsombre de mes films - dans l'essai de Comolli, et quand je l'ai

    lu je me suis senti profondment gratifi.En tant que metteur

    en scne, en tant qu'artiste, je pense que vous vous gratifi,non pas quand les gens vous disent : Vous faitfilms formidables, merveilleux, superbes! mais qua

    touchent un point dont vous pensez qu'il est... qu'ils comnent votre film. Et c'est ce que vous, messieurs, venezde faire en mentionnant mes pauvres petites pices acte que lon a montres ici et je me considre dans unemesure compris.

    (Propos recueillis au magntophoJean-Claude Biette et Dominique Rabourdin, tra

    et traduits par Brnice Re

    1. Sirk rpte avec un plaisir vident le titre franais de la pMolire.2. Film muet ralis en 1924 avec Florence Vidor, Monte Adolphe Menjou. Sorti en France sous le titre : ComdienQu'en pensez-vous?3. Livre exhaustif compos d'une filmographie, d'une thphie et d'un long entretien chronologique avec Douglas publi Londres en 1971 chez Martin Secker & Warburg dcollection Cinma One . Des notes historiques trs fouillepltent ce trs scrupuleux ouvrage de Jon Halliday.4. Sirk situe de mmoire cette mise en scne de Shakesp1932 mais le livre de Halliday indique l'anne 1934 et prciles reprsentations ont eu lieu au Volksbhne Berlin. Sirk tapar ailleurs direktor du Altes Theater Leipzig. Nous avoprim dans l'entretien l'erreur de mmoire de Sirk et la rectique nous avions faite pendant l'entretien grce au livre de H5. Brettauer avait financ de nombreux films allemands, paquels Mde Fritz Lang.

    (6) Voir n 189 des CdC, p a r u en avril 1967.

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    RTROSPECTIVE DOUGLAS SIRK

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    LES NOMS DE L'AUTEURPAR JEAN-CLAUDE BIETTE

    Le Festival de Locarno a rendu cette anne un hommage Douglas Sirk et son uvre : n Hambourg le 26 avril 1900 de parents danois,l monta Hambourg. Brme, Leipzig et Berlin de nombreuses pices de thtre et ralisa dans cette dernire ville pour la U.F.A. quelquesfilms signs de son vrai nom Detlef Sierck, puis prit, aux U.S.A. celui de Douglas Sirk dont iL signera dsormais tous ses films.

    IDETLEF SIERCK : U.F.A.

    DAS MADCHEN VOM MOORHOF (1935)

    Laciion, emprunte un roman de Sel ma Largerlf, estnspose dans les rgions marcageuses de l'Allemagne du

    ord protestante entre Brme et Hambourg. Un jeune paysan,arsten, est fianc Gertrud, fille du plus riche paysan du vilge, mais il aime Helga, pauvre fille qui vit lcart parce'elle a eu un enfant dun inconnu. Dans un caf o Karsten,e, croit voir dans une serveuse et dans une chanteuse, Ger-d et Helga envers qui il ne prend pas de dcision, une bagarret engage et un homme tu. Karsten est souponn du meuret la famille de Gertrud empche le mariage. Karsten rejoint

    elga aprs avoir l innocent.

    Le ralisateur Detlef Sierck sattarde sur les paysages, sur lesurs, sur la campagne ensoleille, montre ses personnagesns leur cadre familial et met en relief les valeurs artisanalestriarcales (la taille patiente dune paire de sabots, la coupe desches...)et le vieux fonds irrationnel des campagnes (la cendrecueillie et rpartie dune certaine faon par celle qui ne veuts souffrir ni pleurer). Les acteurs, venus du thtre, jouent

    une faon acadmique, et l'on retient de ce Hlm quelquesaux plans, mobiles et immobiles : lun qui dcrit la grande

    ce o Helga recueille les cendres, un autre qui l'accompagnengeant la maison de ses parents, tel autre qui sachve sur unamp vide o un mur de pierre vibre quelques secondes duneuffe d'herbe seule sur le sommet. Lhistoire reste fige dansxotisme paysan et dans les strotypes idologiques. Le rame reste extrieur et dcoratif comme dans Padrc Padroneetsse intact le thmedu film qui est lexclusion : ce film - deme que les autres films signs Detlef Sierck jusquen 1937en tant que film na pas de sujet.

    SCHLUSSAKKORD (ACCORD FINAL) (1936)

    Une nuit de Saint-Sylvestre, un homme ivre dcouvre dansparc de New York un homme qui vient de se suicider. Le

    icid (pour dettes) laisse une femme qui tombe bienttalade. Laudition la radio de la 9esymphonie de Beethoven

    dirige par un clbre chef dorchestre allemand, Garvenberglaide gurir. Celui-ci, malgr sa gloire, est malheureux parceque sa femme ne peut avoir denfants. Ils adoptent un jeunegaron qui est prcisment le fils du suicid de New York et dsa femme malade. Celle-ci revenue en Allemagne russit s'engager comme gouvernante chez le chef dorchestre et soccuper de son fils qui aprs toutes ces annes dabsence nepeut la reconnatre. La femme, dailleurs infidle, du ched'orchestre, meurt aprs avoir pris un mdicament que Hannala mre incognito, est souponne davoir vers. Garvenbersprend bientt dHanna et lenfant pourra grandir au seid une famille clbre e t- puisque le vrai pre endett et la martre infidle sont morts - honorable. On trouve dans ce film toules ingrdients avec lesquels quinze ans plus tard Douglas Sir

    fera ses grands mlodrames, mais en 1936 Douglas Sirk n'existpas encore ou plutt il est le lieu muet de stratifications... Lescnes de concert sont bien filmes, lHymne la Joie, admrablement chant par Erna Berger et ses trois partenaires, elOrcheslre du Staatsoper de Berlin sonne comme aucuorchestre au monde aujourdhui, mais de mme que la direction musicale de cette 9e est honnte - ce qui est aussi unmanire de dire que la musique est joue au minimum -, ldirection des acteurs sen tient strictement au gommage dlemphase thtrale. Seul le dcoupage, ou de manire plus ciconscrite, les mouvements dappareil, frappent dans tout ceacadmisme. Trs belle est la scne douverture dans le parenneig de New York, refait en studio : le rythme des plans ela course des personnages annoncent un peu les scnes de ft

    de La Ronde de l'aube (1957), et la fiction qui commence esencore libre des motivations idologiques qui vont laccabler. Lreste du film est tributaire de lU.F.A. qui demande seemploys de savoir faire des spectacles dont les canons esthtiques (dans cet art dont en 1933 Goebbels proposait FritLang de bien vouloir veiller ce quil devienne l une des principales avant-gardes du national-socialisme) nont certainement pas manqu dtre rgls et surveills par le pouvoir naz

    DAS HOFKONZERT (CONCERT A LA COUR) (1936)

    Il existe une version franaise de ce mlodrame gai, touen mme temps et supervis par Serge de Poligny : La Chansodu souvenir.

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    A la cour princire dTmmendingen, il faut remplacer la chanteuse enroue. Une voyageuse la recherche de son pre estcouve du regard par le lieutenant des gardes-frontire quilaccompagne et lui dclare bientt son amour. Le pre du lieutenant est ministre et ne veut pas de cet amour. Le prince russit obtenir que la voyageuse qui chante si bien remplace lachanteuse enroue. Elle chante, le jour venu, la chanson quirendit sa mre clbre : le prince reconnat alors lair de safemme morte et dans cette voyageuse sa fille perdue.

    Le film reste dans une tonalit gaie : la voix de Martha

    Eggerth lexigeait. Les retrouvailles familiales se font sansdrame et toutes les ficelles du vaudeville sont dmentemployes pour faire marcher la boutique. Une grande virtuosit dans les dplacements des acteurs et la souplesse de lacamra ne font pas oublier - on est loin dOphuls - que lesacteurs qui jouent avec leur exprience du thtre nont exprimer que des motions conventionnelles et polices que le discours de la camra ne vient jamais contredire ni mme suspendre. Quelques gags rellement drles soutiennent le rythmegnral; mais cest de gags dramatiques dont le Hlm cruellement manque, car une histoire nest vraiment drle quelorsquelle comporte une dose de tragique, ft-elle minime etlimite quelques plans, et celle-ci (cette histoire), btie sur desressorts dramatiques aussi irralistes et totalitaires que lobis

    sance absolue aux interdictions familiales ou ltiquette decour, ne risquait pas de permettre Detlef Sierck, tout arm deson mtier dhomme de thtre et dj alors dhomme decinma qu 'il ft, de faire entendre son point de vue sur elle, surles personnages qui sy agitent, ni moins encore de construireson film comme un tout organique.

    II

    I.R.BAY : IGNACY ROZENKRANZ + DETLEF SIERCK

    ACCORD FINAL (1939)

    Sirk donne des prcisions sur ce film dans lentretien. Cettecomdie, dj prsente dans un programme du C.I.C.I. consacr au cinma franais des annes 30 que Freddy Buache avaitorganis Lausanne, ne contient aucun lment, lexceptionde bribes dexcution musicale, ni aucun thme que lon puisserfrer l'univers de Sierck-Sirk qui peu peu se dgage. Unvioloniste clbre - doubl au son par Francescatti - sinscritcomme lve au Conservatoire pour pouser une lve. Laclasse triomphe de son directeur grincheux, le jour du concert.

    Jules Berry et Alerme ne sont employs qu faire marcherle comique des situations. Le dialogue est brillant mais lenjeude lhistoire est si faible quon ne peut prendre le film quecomme un tout petit divertissement inoffensif.

    III

    DOUGLAS SIRK : INDPENDANCE

    HITLER'S MADMAN (1942)

    Pendant loccupation allemande en Tchcoslovaquie, unrsistant, dont les parents ont t envoys dans un camp deconcentration, est parachut dans les bois qui bordent le petit

    bourg de Lidice. Les nazis multiplient les arrestations et les

    24 RTROSPECTIVE DOUGLAS

    condamnations arbitraires et le jeune homme essaye, mavain, de convaincre les hommes de Lidice de se soulever clarme dHeydrich. Le bourreau dHitler , Heydrich, un jour interrompre le cours dun professeur de philosophi partir de Kant dmontrait que les pouvoirs engendrentcontre-pouvoirs, et fait arrter une dizaine dtudiantes posoumettre la torture dans un hpital de la ville. Lune dsaute par la fentre. Les habitants de Lidice qui, jusquarefusaient dentrer en lutte, commencent une srie de sages. Heydrich, qui ne cesse de parcourir la rgion dans sature noire, fonce dans une procession, fait fu ir hommes et

    mes et vient provoquer le cur en chasuble. Celui-ci tendralement lautre joue et dclare Heydrich quil restera insible toute provocation. Heydrich savance alors vers les ments qui entourent la statue de la Vierge, les arrache et letine. Le prtre se prcipite, devant le sacrilge commis, et drich sort son revolver et le tue en lui disant : Ains i, je nevais pas te provoquer? . Les habitants de Lidice sont mnant spirituellement prts en finir avec Heydrich. Le jrsistant, son amie et le pre de celle-ci, apprenant par la fedu maire, pro-nazie, mais qui vient de recevoir la nouvella mort de ses fils au service dHitler et comprend quelle berce dillusions, que Heydrich doit emprunter une cerroute tel jour telle heure, tendent une embuscade. La voest crible de balles et bascule dans le contrebas de la r

    Tout semble fini, le pre donne sa bndiction sa fille jeune rsistant pour qu ils soient heureux. Fausse fin : drich est bless et transport Prague. Les principaux nazis qui sont sous les ordres d Heydrich dcident darrteles habitants de Lidice pour apaiser la fureur aisment imable de Himmler. Pendant ce temps, Heydrich agonise danspalais. Les mdecins nont plus despoir. Himmler vient auvet de Heydrich et lencourage au nom de Hitler. Heydricquil sen fout, que ce quil veut cest vivre. Et tout en gagn par la mort, il rclame un chtiment par le sang pourles habitants de Lidice. Puis il steint. Himmler alors, dapnombre de la grande chambre, saisit labat-jour de la grlampe qui est sur la table de nuit, lincline dans la directiovisage de Heydrich, et vrifie que ses yeux ne souvriront

    Puis il sloigne, tire un cordon de sonnette, sort une cigaet demande lofficier qui se prsente : Light! ( du fmais aussi de la lumire! ). Himmler fait deux pas verscarte murale du pays et donne aux autres officiers qui sacent ses instructions pour la destruction du village. Mainteon spare les enfants de leurs mres et lon emmne les mes dans une sorte de jardin de monastre o, tout en chaun appel la libert, ils sont mitraills. Fin.

    Ralis au cours de lt 42 en huit jours, tourn danpetits dcors, ce film impressionna tellement la M.G.M. qlacheta sous le titre alors de Hitlers Hangman (Le bourreHitler),Lang nayant pas encore tourn Hangmen Also Diebourreaux meurent aussi). La M.G.M. f it refaire Sirk quescnes (cf. entretien) et le sortit sous le titre Hit 1er's MadmaFou de Hitler). Les scnes que lon vo it aujourdhui dapalais devaient sans doute se drouler dans une chambihpital o une jeune femme stait jete par ta fentre.rime importante disparat donc et nous ne saurons jamanous avons gagn au change.

    Ce film prsente une certaine parent avec Le Signe du ralis par Sirk en 1954. Une chose runit ces deux filopposition entre la religion et la barbarie, toutes deux pdans le sens le plus commun de leurs dnominations. Sirtrop passionn par lirrationnel pour clairer ses personnageleur histoire et par les valeurs spirituelles et morales auxqu

    ils croient, comme le fait Ford. Ce qui apparat dans ce film

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    Das Mdchen vom Moorhof

    ES NOMS DE L'AUTEUR

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    la violence des impulsions, cest le vieux fonds, quil soit clairou tnbreux, de nature religieuse : Heydrich, jou par JohnCarradine, qu'on a rarement vu aussi subtilement mchant, etqui est ici prserv de la caricature de sa version langienne, estdabord une force sauvage. Devant cette force sauvage (qui estun choix esthtique de Sirk dans le cadre de son Hlm), on sent,point nest besoin de le souligner dans les dialogues, que seulela violence aide l o la violence rgne , et la dmonstration dece que Kant affirme par la bouche du professeur est cinmatographiquement faite sous nos yeux : travers llan quimprimeSirk ses plans et au dplacement brutal de son acteur. Mais si

    le scnario est particulirement linaire, si le bien se trouve d unct et le mal nettement de lautre- prmisses toute une stratgie (prcisment de lordre de la croyance religieuse - et pasdu tout de la foi) qui fonde ce mlodrame que Sirk rendra plussubtil et plus riche quand il l ancrera dans lhumus social - , siles personnages sont dots de peu de nuances, les mouvementsdes passions (rpression et rvolte) et les actions qui sensuiventgardent une compacit indiffrente la morale, synthtisenttoutes les subtilits dun parcours psychologique, pour exercerleurs effets dans lespace de la tragdie. Heydrich est constamment hassable et pourtant, en tant que personnage de tragdie,

    justice lui est rendue. Lorsque, mourant, il dsespre de continuer de vivre et rejette ses rflexes hitlriens (scne laquellenous sommes subrepticement prpars par le changement de lafemme du maire qui a perdu ses fils), il nest plus quun hommepris, comme les autres, dans la condition humaine - pas au sensdu bonhomme touchant par la grce du petit dtail, du genre chaussettes troues dHitler qui nous le rendent si proche etsi humain mais avec ce sens : un homme peut la fois trele plus sanguinaire tyran et apparatre - dans le cadre de la transposition stylise que permet un film -, l'espace dune seconde,avec cet air fou denvie de vivre quil a avant de mourir et quile rend semblable ceux qu il envoie la mort. Heydrich frlantla connaissance de ce quprouvent ceux quil dtruit et redevenant tout aussitt lui-mme, cest--dire une brute sanguinaire, voil ce que John Carradine doit faire passer et fait effectivement passer sur son visage, sur ses yeux blancs, dans savoix soudain change. Cest la nature mme de la tragdie, avecson enjeu, qui trouve son expression cinmatographique absolue. Lcoulement du temps et les formes dun corps se dchirent mutuellement. Cette agonie, dont tout le film na fait quemontrer la prparation impossible, dont le spectacle doit apaisernotre soif de justice et de vengeance, avant de prparer, par lasuggestion de lextermination des habitants du village, lopinion publique amricaine dj forme par dautres fictions dela haine , lentre en guerre contre l Allemagne, cette agonie,

    26

    Hitlers Madmon(Howard Freeman et John Carradine)

    vritable akm du film, affirme (sans cette complaisance le rapport bourreau-victime, clich romanesque, qui avaids sa formation violemment combattu par Rivetle dansarticle mmorable sur Kapo de Gillo Pontecorvo, et qui aujourdhui encore ceux-l mmes qui sont les premiers croire et se prtendre dgags des conventions du cinamricain) que le cinma a une vocation une, toute relet fragile, objectivit. Une telle objectivit ne signifie pas tralit et ne se dploie vraiment que dans les fortes contrtions. Sirk y parvient par dautres voies que Ford, mais avecmme tonalit : le dchirement. Et, dans Hitler's Madm

    cette objectivit, relative, qui implique laide possible de lalence ( seule la violence aide l o la violence rgnsaccompagne, dans le domaine de labsolu, du sentimenl'irrmdiable.

    SUMMER STORM (LAVEU) (1944)

    Summer Storma t crit par Sirk daprs Un accidenchasse de Tchkov. Olga (Linda Darnell) est trouve enmie dans le salon dt du comte Volsky (Edward Everett ton, acteur des comdies de Lubitsch, que Sirk a maincontre tous les avis dans ce rle dramatique) par le comteest veuf et par son ami, le juge Pet ro ff (George Sanders)qubientt pouser Nadina (Anna Lee, actrice principale de la

    tion de la haine de Fritz Lang), jeune femme de la bsocit. Le futur mari dOlga est le mtayer du comte qui,le mariage, prouve une jalousie dautant plus constante na aucune preuve que le comte et le juge sont prcismenamants - le premier, paisible, le second, fougueux - de sa jefemme ambitieuse qui veut sortir de sa condition de servefilm commence vers 1920 en Russie : le comte, dpouill dfortune par le nouveau rgime, apporte Nadina, direcdune maison ddition, un manuscrit qui dclenche le fback qui occupera la plus grande partie du film et souvriralanne 1912, avant la rvolution. Cest au cours dune partchasse que Olga sera trouve poignarde. Sur son lit de elle pardonne son assassin qui nest autre que le juge, choit professionnellement lenqute. Aprs que le ju

    condamn le mari mtayer que sa jalousie trop voyante asait, le juge raconte sa vie et ses deux crimes (le deuximedavoir laiss condamner le mtayer sa place) dans ce jouquen pleine priode de misre, il demande son ami le coqui, faute dargent pour se payer des lunettes, na pu en preconnaissance, daller le porter Nadina quil comprend profondment aime et de qui il espre un tardif pardon. C- une fois le flash-back referm - dans son ultime hsitaentre envoyer le manuscrit par la poste la police et le reprede force au facteur que le juge PetrofT se fait tirer dessumeurt.

    Jamais, jusquaux grands films de sa priode Universal,navait pouss aussi loin son emploi des miroirs : non s

    ment au cours de cette scne admirable o Nadina surprebaiser chang entre le juge, quelle aime, et Olga, et doit after cette rivale qui soutient son regard dans un grand miro idis que le juge reste exclu de cet change, mais encore parcetoute la construction dramatique repose sur le fait que lessonnages principaux sont eux-mmes tous des miroirs lespour les autres, comme dans cette scne o le juge deminstamment Olga mourante de dire le nom de son assaalors quil lit dans son regard damour son propre nom imnonable, ou bien ailleurs quand le juge interroge dans sa cla jeune servante qui dit avoir vu les mains de lassassimoment mme o elle reconnat au doigt du juge la baquelle est en train de dcrire.

    Il y a ainsi dans tout le film une sorte de ronde, dans la ccience acquise par les personnages de ce qui les lie moralem

    RTROSPECTIVE DOUGIAS

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    NOMS DE L'AUTEUR 2

    Le Signe du paen (Jack Palance ei Morom Olsen

    i finit par atteindre un haut degr dironie et de scepticisme :actes manqusen actes manqus, le juge, vaincu parla misrepar le mirage sexuel, tombe dans la trappe de la mort. La subt de Sirk porte moins sur la description approfondie des pernnages que sur la mcanique efTrayante quils construisent,

    reflets en reflets, pour raliser leur destine individuelle.ais cette vision est la rcompense pour limaginaire du speceur dune construction cinmatographique attentive aux

    nbres qui la fondent.

    A SCANDAL 1N PARIS (1945)

    Vidocq (George Sanders) et son complice Emile ( Ak im Tami-

    f) qui viennent de poser pour un peintre dglise, le premierur Saint-Georges, le second pour le dragon terrass, et sontrtis sur le cheval du peintre, vivent de vols toujours auda

    eux. Au point quils tombent chez le premier ministre avectention de voler les bijoux cachs quelque part dans le ch

    au. Leur tche est complique par le fait que la jeune fille duemier ministre a reconnu dans ces invits malins (laisanceondaine de Vidocq a pourvu l inv itat ion) les deux voleursi ont servi de modles ce Saint-Georges et ce dragonelle admire lglise. Quand les bijoux sont enfin vols, lenistre de la police, Richet (Gene Lockhart), appel au secours,

    avre incapable de retrouver sinon les voleurs du moins lesoux. Vidocq dmontre au premier ministre quavec un peulogique on peut sans mal retrouver les bijoux. Les ayant lui-

    me cachs dans la serre, il invente un parcours dindices

    dont lnonciation merveille le premier ministre. Celui-ci cherchait un meilleur ministre de la police : ce sera Vidocq. Il auraalors plus de facilit pour voler la Banque de France dont il a lagarde, mais un scrupule de dernire heure, dict par lamour, lefait renoncer son projet. Son complice, Emile - le dragon - , servolte et meurt en voulant le tuer.

    Des dcors extravagants, des scnes trs comiques et un desdialogues les plus brillants jamais entendus dans un film amricain - aussi bons que ceux de Certains l'aiment chaud- donnent ce film une sorte dlgance constante, malgr la noirceur de son sujet rel qui est : le cynisme. Il est donc juste dvoquer Billy Wilder pour le ton, mais Sirk est bien l avec sa matrise de la narration, des mouvements de camra, et sa sympa

    thie pour ses personnages qui empche le film dtre lui-mmecynique. Le chef de la police qui se voit devenir fou dans unmiroir aprs avoir tu sa femme par jalousie obsessionnelle tandis que sur son dos ne cessent de piailler les oiseaux en cage qucomposent son dguisement de marchand doiseaux dont isaffublait pour pier sa femme, telle est sans doute la plus fortesquence du fi lm. Elle vient, par sa puissance dramatique, quilibrer laccumulation de scnes presque fareuses et clairer lepropos dun film qui pouvait sombrer, comme les films deDetlef Sierck, dans la gratuit expressive. D un baroquisme secdestin de toute vidence ne pas tre rpt, A Scandaiin Parisne fait pas encore entendre ni mme souponner ce son pleinet cette ample respiration des grands films Universal du mmeauteur, mais cest toutefois lun des films les plus originaux de

    Douglas Sirk.

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    LURED/PERSONAL COLUM(DES FILLES DISPARAISSENT) (1946)

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    Rcrit partir de Piges de Robert Siodmak (avec MauriceChevalier, Marie Da, Pierre Renoir, Erich von Stroheim),Luredaligne les noms de Lucille Bail, George Sanders, CharlesCobum et Sir Cedric Hardwicke sans oublier, dans une courtemais trs belle scne, Boris Karloff.

    A Londres des filles disparaissent; lamie de la dernire quivient dtre tue, dcide daider la police trouver l assassin ensoffrant comme proie, cest--dire en rpondant toutes lespetites annonces susceptibles davoir t rdiges par cettrange amateur de femmes qui avant de commettre un crimeenvoie rgulirement la police des vers de Baudelaire ayant unrapport avec sa prochaine victime. Tous les soupons psent surle personnage du mondain interprt par George Sanders. LeHlm est construit sur les concidences - un peu comme SummerStormet A Scandai In Paris -et avec le concours de circonstances qui mnent la dcouverte puis la dlicate arrestation ducriminel au moment mme o il allait trangler la jeunefemme-pige.

    Faisant grand emploi des ombres, des clairages contrasts -seul parmi ces quatre films ne pas tre clair ou photographipar Eugen Shuftan, dailleurs non crdit, ou insuffisamment,au gnrique des trois.autres-, Sirk introduit un climat trangedans une histoire policire o les conventions sont, sinon dansle dtail, du moins dans lensemble, entretenues. Le personnage le plus approfondi nest toutefois pas celui du tueur defemmes, mais celui de lhomme souponn que joue, avecambigut et ce quil faut dincertitude angoisse, George Sanders. Mais si Sirk fait la preuve chaque film de sa matrise surson matriau, il na pas chaque fois le matriau (cest--direaussi loccasion ou le dsir) qui lui permet de faire des films

    aussi forts que Hitle r' s Madmanou Summer Storm, si l on arrtela comparaison cette anne 1946.

    Il arrive - et cela devrait permettre de distinguer entre lesfilms dun mme auteur sans cette crainte paralysante dedvaluer une oeuvre parce quun film est moins beau, un toutparce que telle partie est faible - qu un cinaste prouve lebesoin de btir sur ses rcentes dcouvertes et de consolider celles-ci en faisant un film de repos et de moindre risque. Il gagneainsi souvent des forces neuves pour sengager sur une routenouvelle et inconnue. Une telle uvre de repos est rarementexaltante, mais le sentiment de scurit quprouve celui qui lafait, demeure dans le f ilm et assure souvent son succs. Exemples dans le cinma contemporain : Duras : India Songaprs LaFemme du Gange ;Eustache : Mes petites amoureusesaprs LaMaman et la putain ;Rivette : Cline et Julie vont en bateauaprsOut/ ; Moullet : Une aventure de Billy the Kidaprs Les Contrebandires:Straub : Mose et Aaronavant FortinilCani;Demy :Les Demoiselles de Rochefortavant Model Shop(mais, ironie dusort et lgre exception, Moullet : son film le plus commercialest aussi le seul de ses films qui ne soit pas sorti, en France dumoins).

    Luredse trouve un peu dans la mme situation que ces filmspeu exaltants mais, dune certaine faon, ncessaires : haltespour leurs auteurs, ils permettent aux spectateurs, pour gardercette mtaphore assez souple du voyage, daccrocher leurs

    wagons.

    DOUGLAS SIRK : UNIVERSAL

    RTROSPECTIVE DOUGLAS

    IV

    NO ROOM FOR THE GROOM (1952)

    Un soldat (Tony Curtis) pouse en hte son amie (Piperrie) Las Vegas, mais au moment de se mettre au lit, ce

    voit sur le visage de son mari des boutons de rougeoleappelle un mdecin : voil son mari, livr aux soins mdet priv de sa nuit de noces. Une fois guri, il est rappeCore sans avoir vu sa femme. Longtemps aprs, lors deretour de la guerre, il arrive chez lui, retrouve sa femme, trouve aussi la mre de sa femme - qui celle-ci na jamarvl quelle sest marie et que le seul mot de mariage - le moment, du moins - fait svanouir. Et non seulementbelle-mre, mais encore une quinzaine de cousins de provenus chercher du travail dans la rgion linstigation duvernement. La mre veut soudain que sa fille pouse un epreneur en bton qui veut daillehrs leur faire vendre la mafin que son autoroute y passe. Grce la ruse dun ami qprte son appartement pour que le couple puisse se renco

    et aussi se rconcilier, le soldat, aprs avoir risqu emmen lasile pour que russisse le plan de lentrepreretrouve sa femme et impose enfin son mariage.

    Comdie d une grande virtuosit, o les gags, les quiproles cavalcades dans la maison abondent, No Room FoGroom, cauchemar sur la crise du logement et la froideuaux intrts financiers, contient une critique sociale dogrincements, aujourdhui un peu attnus, donnent auune vigueur qui manque, par exemple, / Was A MaieBride (Allez coucher ailleurs)de Hawks. Il nest pas tonnanSirk ait t alors rprimand pour avoir fait un film contre l

    Maintenant salari dune grande compagnie, la UnivInternational , Douglas Sirk ne pourra plus nourrir les scrios de son ironie ou de ses dialogues percutants : les rebosements, les coups de thtre et les retournements laSuStorm. ne sont plus de son ressort, mais appartiennent au et ses lois. O va donc se loger lexigence critique du rade Sirk? Dans ces plans rpts de gens qui envahissechamp : ces migrs sont drles, certes, mais ils font, untrop peut-tre, grincer ce mariage irralis. Et ce jeu des acqui devrait tre lger et inoffensif, men avec la matriseSirk a acquise au thtre et au cinma, il se charge dun sdans ces situations joues fond, qui laisse souponnechappe possible de lexaspration vers la violence. Le gdevant, par contrat, tre respect, Sirk le respecte, mais ca t gliss dans la mcanique des plans, maintenant ne qplus le film.

    ALL I DESIRE (1953)

    Laction se passe au dbut du sicle. Naomi Murdoch bara Stanwyck), actrice de thtre qui a peu de succs mne sa vie en toute indpendance, revient dans la petitequelle a quitte depuis dix ans, pour rpondre la demandsa fille qui voudrait lui prouver ses dons dactrice lors reprsentation thtrale de son cole. A peine arrive, elvo it reprocher par son mari son dpart et sa longue absence

    judiciable leurs deux filles, et doit affronter les avances

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    S NOMS DE L'AUTEUR

    A