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stratégie & innovation SAINT-DOMINGUE, CORRESPONDANT Q ui l’emportera, la puce ou l’éléphant ? Une dispute, vieille de plus de dix ans, oppose les Etats-Unis à Antigua-et-Barbuda à propos des jeux et des paris en ligne, long- temps une industrie florissante dans ce micro Etat-insulaire des Caraïbes, peuplé de 85 000 habi- tants. Après le vote par le Congrès américain de trois lois interdisant les jeux d’argent « offshore », soupçonnés de favoriser le blan- chiment de l’argent des organisa- tions criminelles, le gouverne- ment de l’île avait porté plainte devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), évaluant à plus de un milliard de dollars (730 millions d’euros) par an le manque à gagner pour l’écono- mie insulaire. L’OMC lui avait don- né raison en 2004, estimant que les Etats-Unis avaient bel et bien violé l’Accord général sur le com- merce des services (AGCS). Mais face au refus de Washing- ton de respecter cette décision, l’OMC a autorisé en 2007 Antigua- et-Barbuda à s’exonérer des bre- vets, copyrights et marques dépo- sées américains à hauteur de 21 millions de dollars par an. Rati- fiée en janvier 2013, cette autorisa- tion a permis au petit archipel d’ouvrir un site de télécharge- ment de films, de musique et de logiciels américains sans rémuné- rer les ayants droit. Un pas qu’il n’a cependant pas osé franchir. Fin 2013, des négociations entre les Etats-Unis et Antigua-et-Barbu- da n’ont pas permis de trouver une solution à l’amiable. Le Bureau du représentant des Etats- Unis pour le commerce a fait valoir, par une menace à peine voi- lée, que la mise en œuvre de ces sanctions « ne serait pas construc- tive et nuirait au climat d’investis- sement à Antigua-et-Barbuda ». Dans son « discours du Trône » devant le Parlement, le 21 janvier, la gouverneure générale de l’archi- pel, Louise Lake-Tack, a rétorqué : « Notre industrie du jeu, naguère florissante, a été ruinée par les lois américaines », avant d’annoncer de prochains amendements à la législation de l’archipel sur les bre- vets, les copyrights et les marques déposées « pour appliquer les sanc- tions approuvées par l’OMC ». Changement de ton Les quinze pays de la Commu- nauté des Caraïbes (Caricom) ont de nouveau appelé le 9 mai Wash- ington à respecter la décision de l’OMC, lors d’une réunion à Geor- getown, au Guyana. La large victoire de l’opposition aux élections du 12 juin à Antigua- et-Barbuda pourrait cependant relancer la négociation. Le nou- veau premier ministre, Gaston Browne, du Parti travailliste d’An- tigua-et-Barbuda, s’est prononcé pour la reprise des discussions avec les Etats-Unis afin de « parve- nir à un règlement négocié, juste, comme cela a été le cas avec les autres pays affectés » par la législa- tion américaine. En février, alors qu’il dirigeait encore l’opposition, cet ancien banquier avait critiqué « la ges- tion non transparente » du dossier par le gouvernement précédent, et mis en garde contre les « consé- quences désastreuses » de proba- bles mesures de rétorsion de Washington en cas d’ouverture d’un « site pirate » de vente de contenus américains. p VU D’AILLEURS par Jean-Michel Caroit Pirates en ligne des Caraïbes Un redémarrage réussi Nombre de clients En 2009, la Camif s’est relancée uniquement en contactant les 25 000 clients « lésés » par sa liquidation. Elle a depuis regagné 150 000 clients historiques et en compte aujourd’hui 300 000. Nombre de salariés Dix personnes lors de la relance en 2009, 60 salariés aujourd’hui. Le centre d’appel Teleperformance de Niort emploie entre 100 et 150 per- sonnes, selon l’activité, et l’entrepôt Geodis à Ver- nouillet (Eure-et-Loir), 15 à 30. Chiffre d’affaires Les ventes ont atteint 25 millions d’euros en 2013, en croissance de 32 %. Les dirigeants visent 33 millions cette année et 50 millions d’ici à 2015 ou 2016. L a Camif est morte, vive la Camif ! L’ancienne « Coopé- rative des adhérents à la mutuelle des instituteurs de France », fondée en 1947 par Edmond Proust et qui équipa des générations d’instituteurs, est en train de renaître de ses cendres. Le 27 octobre 2008, la société, numéro trois de la vente par corres- pondance derrière La Redoute et les 3 Suisses, déposait le bilan, victi- me d’une organisation dépassée et de la concurrence venue d’Inter- net. Début 2009, Emery Jacquillat, un jeune entrepreneur à la tête du site de literie Matelsom, reprend la marque au tribunal de commerce. La Camif nouvelle version redémar- re avec une dizaine de personnes – ils étaient 570 un an plus tôt. Présente uniquement sur Inter- net et recentrée sur l’équipement de la maison, l’entreprise emploie 60 personnes et a atteint l’équili- bre il y a un an. Son chiffre d’affai- res s’est élevé à 25 milions d’euros en 2013, en hausse de 32 %, et M. Jac- quillat vise les 50 millions d’ici à 2015-2016, et 100 millions en 2018 ou 2019. Recettes d’un redémarra- ge réussi. Le choix du tout-Internet Pour la marque phare des fonc- tionnaires de l’après-guerre, qui a totalisé jusqu’à 21 magasins – contre 12 au moment de la liquida- tion –, c’est une petite révolution. Fini le catalogue de près de 800 pages tiré à 1 million d’exem- plaires, qui coûtait chaque année 40 millions… De 30 % de ventes fai- tes à l’époque sur le Web, « nous avons choisi de migrer à 100 % sur Internet. C’était brutal, mais c’était le seul créneau possible pour la Camif du XXI e siècle », raconte M. Jacquillat. La structure est rédui- te au minimum : la relation client, l’informatique et la logistique ont été externalisés. Dans le même temps, l’offre se concentre sur le mobilier, la literie et le linge de maison, au détriment du textile. « Trop ringardisant, à cause du look “instit Camif” », tran- che M. Jacquillat. Cinq ans plus tard, l’enjeu est maintenant de s’adapter à l’usage des tablettes et autres smartphones. « Les person- nes qui nous contactent par ce biais représentaient 1 % de la clientèle il y a deux ans, c’est près de 20 % aujour- d’hui », indique le patron. Fidéliser la clientèle Cela a été l’un des premiers chan- tiers du dirigeant : regagner des clients. Lors de la liquidation, pour plusieurs milliers d’entre eux, tou- te trace de leurs commandes, pour- tant dûment payées, avait disparu ! L’imposant fichier client, fort de 3,5 millions d’adresses et repris en même temps que la marque, a ser- vi de point de départ. « Dès 2009, nous avons envoyé aux 25 000 clients lésés une carte de remise à vie de 7 %. A ce jour, 40 % l’ont activée », indique M. Jac- quillat. Il a aussi identifié 300 000 clients actifs, c’est-à-dire ayant passé commande dans les derniers vingt-quatre à trente-six mois. La moitié sont revenus. Pour les clients historiques sans adresse e-mail, la Camif a relancé de petits catalogues papier de 50 pages. Quant au magasin historique de Niort (Deux-Sèvres), transformé en showroom, il a rouvert en 2011. La méthode a permis une transi- tion en douceur : pour la première fois, en 2013, la Camif a davantage de nouveaux clients que d’anciens. Leur profil s’est rajeuni : la moyen- ne d’âge est de 45 ans, contre 55 à 60 ans auparavant. « Il s’agit le plus souvent de “CSP +”, qui ont dans leur entourage un ancien client de la Camif », sourit M. Jacquillat. Pari du made in France « Ce n’est pas juste un effet de mode, mais une tendance de fond », martèle le dirigeant. Convaincu qu’avec la crise, le client cherche à « consommer mieux, en donnant du sens à ses achats », il a résolu- ment orienté la société vers le cré- neau du « durable ». Sa nouvelle signature : « Changeons le monde de l’intérieur »Concrètement, dans un secteur de l’ameublement où les importa- tions d’Asie du Sud-Est sont deve- nues la norme, le groupe revendi- que 67 % du chiffre d’affaires fabri- qué en France et 95 % venant d’Eu- rope : Portugal, Espagne, Italie, Bel- gique… Le site propose aussi un ser- vice de « conso-localisation », qui permet à l’internaute de connaître l’origine des produits qu’il choisit. Cette stratégie a un coût : « pro- duire en France coûte environ 10 % plus cher » qu’en recourant aux fournisseurs traditionnels du sec- teur, avoue M. Jacquillat. Résultat : la Camif propose des canapés à 700 euros et des tapis à 100 euros. Utopique, à l’heure de la crise et du triomphe d’Ikea ? « Ce qui ne par- donne pas, aujourd’hui, pour une entreprise, c’est le manque de posi- tionnement clair. Nous avons choisi un parti-pris fort », rétorque le patron. Cette volonté s’étend aux parte- naires de la Camif : le centre d’ap- pel clients, géré par Téléperforman- ce (100 à 150 personnes selon la sai- son), est implanté à Niort. « Nous aurions pu choisir le Maroc ou Madagascar, nous afficherions déjà un résultat positif de 3 % ! », souli- gne M. Jacquillat. Au lieu de cela, la Camif vise cette année l’équilibre financier, comme en 2013. Pour accompagner cette crois- sance durable, le patron a fait entrer un fonds « d’impact » (à dimension sociale), Citizen Capital, qui détient 20 % du capital avec deux autres fonds. Le reste est réparti entre la famille Jacquillat (55 %) et Finalp, de la famille Four- nier, propriétaire des cuisines Mobalpa. Relancer la marque Désormais en ordre de marche, la Camif doit continuer à se faire connaître pour assurer sa pérenni- té. « Trop de gens ne savent pas enco- re que la marque s’est relancée », estime M. Jaquillat. Depuis 2012, le groupe mène régulièrement des campagnes de presse et sur Inter- net. Cette année, il a consacré 2 mil- lions d’euros à une campagne de publicité à la télévision calée sur les dates des soldes. En revanche, pas de programme de fidélisation pré- vu pour l’heure : M. Jacquillat ne veut pas d’une carte classique. « Nous réfléchissons à un program- me associé aux achats locaux de nos clients », explique-t-il. p Audrey Tonnelier L a petite bouteille Ouiz doit fai- re vite. Ce simili sirop lancé en juillet par Solinest, fabricant des bonbons Ricola et Mentos, et les établissements Morin, numéro deux du marché des sirops en Fran- ce, espère griller la politesse à Kraft, Coca-Cola et Nestlé. Tout por- te à croire que la jeune marque française sera très bientôt cernée. Outre-Atlantique, les trois géants de l’agroalimentaire ren- contrent le succès avec leur propre aromatiseur d’eau vendu aussi dans des bouteilles souples de petit format. Kraft leur a ouvert la voie aux Etats-Unis lors du lance- ment de Mio en 2011. Coca-Cola lui a emboîté le pas sous ses marques Dasani et Minute Maid. Nestlé n’est pas en reste. Après les Etats- Unis et le Canada, le numéro un mondial de l’agroalimentaire vient de lancer ses fioles Nesfrut en Suisse. Outre-Manche, Britvic, maison mère de Teisseire, s’est aus- si lancée à l’assaut de ce nouveau marché fin 2013. Et prépare le lan- cement de cette nouvelle boisson sous la marque Teisseire en Fran- ce. Ce sera pour décembre. Ouiz bénéficiera-t-il de la prime au premier entrant ? « Quelques mois d’avance peuvent faire la dif- férence », répond Damien Heiblig, responsable des ventes de bois- sons sans alcool chez Système U. Les dirigeants de Ouiz veulent aussi croire à sa bonne étoile. « En France, le marché du sirop est tou- jours en croissance : + 5 % en volu- me et + 6 % en valeur. Et c’est la bois- son la plus bue devant les sodas », rappelle Olivier Lecœur, président de Routin, fabricant de sirops fon- dé en 1883 à Chambéry. Il reste à modifier les habitudes des Fran- çais, qui, tous, ont un bidon de sirop au fond du placard de leur cuisine. Avec une formule ultra- concentrée, faiblement calorique et aux arômes naturels (2,95 euros), Ouiz espère imposer sa bouteille de 50 ml dans les sacs à main des femmes pour leur faire redécouvrir l’eau aromatisée au bureau ou au restaurant sans avoir à acheter une bouteille d’eau. Alternative aux sodas Au passage, elle pourrait sédui- re tous ceux qui peinent à avaler la quantité d’eau que recommandent les nutritionnistes. L’argument a déjà fait mouche aux Etats-Unis. Dans ce pays où la lutte contre l’obé- sité est une cause nationale, ces petites bouteilles baptisées Water Enhancer Drops (« Exhausteur d’eau en gouttes ») sont présentées comme une alternative diététique aux sodas. Ce marché aurait crû de 85 % en 2013 pour atteindre 419 mil- lions de dollars (306 millions d’eu- ros), d’après le cabinet d’études Zénith International. « Il devrait atteindre 800 millions de dollars en 2015 », rapporte M. Jacoberger. Qu’en sera-t-il en France ? Soli- nest (300 millions d’euros de chif- fre d’affaires) et Routin (60 mil- lions) espèrent vendre 3 millions de bouteilles Ouiz d’ici à jan- vier 2015 et générer 10 millions de chiffre d’affaires chez les distribu- teurs. Toutes les enseignes s’inté- ressent à ces formules ultra- concentrées pour des raisons… fis- cales. A terme, l’adoption d’une écotaxe pourrait grever le coût du transport routier, et inciter les enseignes à privilégier des petits formats, moins lourds. p Juliette Garnier Ouiz veut griller la politesse à Kraft, Nestlé et à Coca-Cola Solinest et Routin lancent une fiole de sirop ultraconcentré à transporter partout Les quatre révolutions qui ont fondé la renaissance de la Camif Ancienne marque phare des instituteurs, le groupe s’est réinventé sur Internet dans l’équipement de la maison et croît de plus de 30 % par an SOURCE : CAMIF ÉVOLUTION DU CHIFFRE D’AFFAIRES DE LA CAMIF, en millions d’euros 1,6 10 16 19 25 33 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES FOURNISSEURS, EN % 2009 2011 2013 2014* 95 % en Europe 67 % France 28 % Reste de l’Europe * estimé Un an après son dépôt de bilan, la marque est reprise début 2009 par Emery Jacquillat. La Camif n’est aujourd’hui présente que sur Internet. DR 7 0123 Mercredi 2 juillet 2014

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stratégie & innovation

SAINT-DOMINGUE, CORRESPONDANT

Q ui l’emportera, la puce oul’éléphant?Unedispute,vieille de plus de dix ans,oppose les Etats-Unis à

Antigua-et-Barbuda àpropos desjeux et des paris en ligne, long-tempsune industrie florissantedans cemicro Etat-insulaire desCaraïbes, peuplé de 85000habi-tants.

Après le vote par le Congrèsaméricain de trois lois interdisantles jeux d’argent «offshore»,soupçonnés de favoriser le blan-chiment de l’argent des organisa-tions criminelles, le gouverne-ment de l’île avait porté plaintedevant l’Organisationmondialedu commerce (OMC), évaluant àplus deunmilliard de dollars(730millions d’euros) par an lemanqueà gagner pour l’écono-mie insulaire. L’OMC lui avait don-né raison en 2004, estimant queles Etats-Unis avaient bel et bienviolé l’Accord général sur le com-merce des services (AGCS).

Mais face au refus deWashing-tonde respecter cette décision,l’OMCa autorisé en 2007Antigua-et-Barbuda à s’exonérer des bre-vets, copyrights etmarques dépo-sées américains à hauteur de21millions de dollars par an. Rati-fiée en janvier2013, cette autorisa-tion apermis aupetit archipeld’ouvrir un site de télécharge-ment de films, demusique et delogiciels américains sans rémuné-rer les ayants droit. Unpas qu’iln’a cependant pas osé franchir.

Fin 2013, des négociations entreles Etats-Unis et Antigua-et-Barbu-dan’ont pas permis de trouverune solution à l’amiable. LeBureaudu représentant des Etats-Unis pour le commerce a fait

valoir, parunemenaceà peinevoi-lée, que lamise enœuvre de cessanctions «ne serait pas construc-tive et nuirait au climat d’investis-sement àAntigua-et-Barbuda».

Dans son «discours duTrône»devant le Parlement, le 21 janvier,la gouverneure générale de l’archi-pel, Louise Lake-Tack, a rétorqué:«Notre industrie du jeu, naguèreflorissante, a été ruinée par les loisaméricaines», avant d’annoncerdeprochains amendements à lalégislationde l’archipel sur les bre-vets, les copyrights et lesmarquesdéposées«pour appliquer les sanc-tions approuvées par l’OMC».

Changement de tonLes quinze paysde la Commu-

nautédes Caraïbes (Caricom) ontdenouveau appelé le 9maiWash-ington à respecter la décision del’OMC, lors d’une réunion àGeor-getown, auGuyana.

La large victoire de l’oppositionaux élections du 12juin à Antigua-et-Barbudapourrait cependantrelancer la négociation. Lenou-veaupremierministre, GastonBrowne, du Parti travailliste d’An-tigua-et-Barbuda, s’est prononcépour la reprise des discussionsavec les Etats-Unis afin de «parve-nir à un règlement négocié, juste,commecela a été le cas avec lesautres pays affectés»par la législa-tion américaine.

En février, alors qu’il dirigeaitencore l’opposition, cet ancienbanquier avait critiqué «la ges-tionnon transparente»dudossierpar le gouvernementprécédent,etmis engarde contre les «consé-quences désastreuses»deproba-blesmesures de rétorsion deWashington en cas d’ouvertured’un«site pirate» de vente decontenus américains.p

VU D’AILLEURSpar Jean-Michel Caroit

PiratesenlignedesCaraïbes

Un redémarrage réussi

Nombre de clientsEn2009, laCamif s’est relancéeuniquement encontactant les 25000clients «lésés»par sa liquidation. Elle a depuis regagné 150000clientshistoriques et en compte aujourd’hui 300000.

Nombre de salariésDix personnes lors de la relanceen2009, 60 salariés aujourd’hui. Le centre d’appelTeleperformancedeNiort emploie entre 100et 150per-sonnes, selon l’activité, et l’entrepôtGeodis à Ver-nouillet (Eure-et-Loir), 15 à 30.

Chiffre d’affaires Les ventes ont atteint 25millionsd’euros en 2013, en croissance de 32%. Les dirigeantsvisent 33millions cette année et 50millions d’ici à2015 ou 2016.

La Camif est morte, vive laCamif! L’ancienne «Coopé-rative des adhérents à lamutuelle des instituteursde France», fondée en 1947

par Edmond Proust et qui équipades générations d’instituteurs, esten trainde renaîtrede ses cendres.

Le 27octobre 2008, la société,numérotroisdelaventeparcorres-pondance derrière La Redoute etles3Suisses,déposait lebilan,victi-med’une organisation dépassée etde la concurrence venue d’Inter-net. Début 2009, Emery Jacquillat,un jeune entrepreneur à la tête dusite de literieMatelsom, reprend lamarque au tribunal de commerce.LaCamifnouvelleversionredémar-re avec une dizaine de personnes–ils étaient 570unanplus tôt.

Présente uniquement sur Inter-net et recentrée sur l’équipementde la maison, l’entreprise emploie60personnes et a atteint l’équili-bre il y a un an. Son chiffre d’affai-res s’est élevé à 25milions d’eurosen2013,enhaussede32%,etM.Jac-quillat vise les 50millions d’ici à2015-2016, et 100millions en 2018ou 2019. Recettes d’un redémarra-ge réussi.

Le choix du tout-InternetPour la marque phare des fonc-

tionnaires de l’après-guerre, qui atotalisé jusqu’à 21magasins–contre12aumomentdelaliquida-tion–, c’est une petite révolution.Fini le catalogue de près de800pages tiré à 1million d’exem-plaires, qui coûtait chaque année40millions…De 30%deventes fai-tes à l’époque sur le Web, «nousavons choisi de migrer à 100% surInternet. C’était brutal, mais c’étaitle seul créneau possible pour laCamif du XXIe siècle », raconteM.Jacquillat. Lastructureestrédui-te auminimum: la relation client,l’informatique et la logistique ontété externalisés.

Dans le même temps, l’offre seconcentre sur lemobilier, la literieet le linge demaison, audétrimentdu textile. «Trop ringardisant, àcause du look “instit Camif”», tran-che M. Jacquillat. Cinq ans plustard, l’enjeu est maintenant des’adapter à l’usage des tablettes etautres smartphones. «Les person-nesquinous contactentpar cebiaisreprésentaient 1%de la clientèle il yadeuxans,c’estprèsde20%aujour-d’hui», indique lepatron.

Fidéliser la clientèleCelaaétél’undespremierschan-

tiers du dirigeant : regagner desclients. Lors de la liquidation, pourplusieursmilliers d’entre eux, tou-tetracedeleurscommandes,pour-tantdûmentpayées,avaitdisparu!L’imposant fichier client, fort de3,5millions d’adresses et repris enmême temps que lamarque, a ser-vi de point de départ. «Dès 2009,nous avons envoyé aux25000clients lésés une carte de

remise à vie de 7%. A ce jour, 40%l’ont activée », indique M. Jac-quillat. Il a aussi identifié300000clients actifs, c’est-à-direayant passé commande dans lesderniers vingt-quatre à trente-sixmois. Lamoitié sont revenus. Pourles clients historiques sans adressee-mail, la Camif a relancé de petitscatalogues papier de 50pages.Quant au magasin historique deNiort(Deux-Sèvres), transforméenshowroom, il a rouvert en 2011.

Laméthodeapermisune transi-tion en douceur: pour la premièrefois, en 2013, la Camif a davantagedenouveauxclientsqued’anciens.Leurprofil s’est rajeuni: lamoyen-ne d’âge est de 45ans, contre 55 à60ans auparavant.«Il s’agit le plussouvent de “CSP+”, qui ont dansleur entourage un ancien client delaCamif», souritM.Jacquillat.

Pari du made in France«Ce n’est pas juste un effet de

mode,maisunetendancedefond»,martèle le dirigeant. Convaincuqu’avec la crise, le client cherche à«consommer mieux, en donnantdu sens à ses achats», il a résolu-ment orienté la société vers le cré-neau du «durable». Sa nouvellesignature : «Changeons le mondede l’intérieur»…

Concrètement, dans un secteurde l’ameublement où les importa-tions d’Asie du Sud-Est sont deve-nues la norme, le groupe revendi-que67%du chiffre d’affaires fabri-qué en France et 95% venant d’Eu-rope: Portugal, Espagne, Italie, Bel-gique…Lesiteproposeaussiunser-vice de «conso-localisation», quipermet à l’internaute de connaîtrel’originedesproduits qu’il choisit.

Cette stratégie a un coût: «pro-duire en France coûte environ 10%plus cher » qu’en recourant auxfournisseurs traditionnels du sec-teur, avoue M.Jacquillat. Résultat :

la Camif propose des canapés à700euros et des tapis à 100euros.Utopique, à l’heurede la crise et dutriomphe d’Ikea? «Ce qui ne par-donne pas, aujourd’hui, pour uneentreprise, c’est le manque de posi-tionnementclair.Nousavonschoisiun parti-pris fort », rétorque lepatron.

Cette volonté s’étend aux parte-naires de la Camif : le centre d’ap-pelclients,géréparTéléperforman-ce (100à150personnesselon lasai-son), est implanté à Niort. «Nousaurions pu choisir le Maroc ouMadagascar,nousafficherionsdéjàun résultat positif de 3%!», souli-gneM.Jacquillat. Au lieu de cela, laCamif vise cette année l’équilibrefinancier, commeen2013.

Pour accompagner cette crois-sance durable, le patron a faitentrer un fonds «d’impact » (àdimensionsociale),CitizenCapital,qui détient 20% du capital avecdeux autres fonds. Le reste estréparti entre la famille Jacquillat(55%) et Finalp, de la famille Four-nier, propriétaire des cuisinesMobalpa.

Relancer la marqueDésormais en ordre de marche,

la Camif doit continuer à se faireconnaître pour assurer sa pérenni-té.«Tropdegensnesaventpasenco-re que la marque s’est relancée»,estimeM.Jaquillat. Depuis 2012, legroupe mène régulièrement descampagnes de presse et sur Inter-net.Cetteannée, il a consacré2mil-lions d’euros à une campagne depublicitéàlatélévisioncaléesurlesdates des soldes. En revanche, pasde programme de fidélisation pré-vu pour l’heure : M. Jacquillat neveut pas d’une carte classique.«Nous réfléchissons à un program-me associé aux achats locaux denos clients», explique-t-il.p

AudreyTonnelier

LapetitebouteilleOuizdoit fai-revite.Cesimili sirop lancéenjuillet par Solinest, fabricant

des bonbons Ricola et Mentos, etles établissementsMorin, numérodeuxdumarchédessiropsenFran-ce, espère griller la politesse àKraft,Coca-ColaetNestlé.Toutpor-te à croire que la jeune marquefrançaise sera très bientôt cernée.

Outre-Atlantique, les troisgéants de l’agroalimentaire ren-contrent lesuccèsavec leurproprearomatiseur d’eau vendu aussidans des bouteilles souples depetit format. Kraft leur a ouvert lavoie aux Etats-Unis lors du lance-mentdeMio en2011. Coca-Cola luia emboîté le pas sous sesmarquesDasani et Minute Maid. Nestlén’est pas en reste. Après les Etats-Unis et le Canada, le numéro unmondial de l’agroalimentairevient de lancer ses fioles Nesfruten Suisse. Outre-Manche, Britvic,maisonmèredeTeisseire,s’estaus-si lancée à l’assaut de ce nouveaumarché fin 2013. Et prépare le lan-cement de cette nouvelle boissonsous la marque Teisseire en Fran-ce. Ce sera pour décembre.

Ouizbénéficiera-t-il de laprimeau premier entrant ? «Quelquesmois d’avance peuvent faire la dif-férence», répond Damien Heiblig,responsable des ventes de bois-sons sans alcool chez SystèmeU.Les dirigeants de Ouiz veulentaussi croire à sa bonne étoile. «EnFrance, le marché du sirop est tou-jours en croissance : +5% en volu-meet+6%envaleur.Etc’est labois-son la plus bue devant les sodas»,rappelleOlivier Lecœur, présidentde Routin, fabricant de sirops fon-dé en 1883 à Chambéry. Il reste àmodifier les habitudes des Fran-

çais, qui, tous, ont un bidon desirop au fond du placard de leurcuisine. Avec une formule ultra-concentrée, faiblement caloriqueet aux arômes naturels(2,95euros), Ouiz espère imposersabouteillede50mldans lessacsàmain des femmes pour leur faireredécouvrir l’eau aromatisée aubureau ou au restaurant sansavoiràacheterunebouteilled’eau.

Alternative aux sodasAu passage, elle pourrait sédui-

re tous ceuxquipeinent à avaler laquantitéd’eauquerecommandentles nutritionnistes. L’argument adéjà fait mouche aux Etats-Unis.Danscepaysoùlaluttecontrel’obé-sité est une cause nationale, cespetites bouteilles baptisées WaterEnhancer Drops (« Exhausteurd’eauengouttes») sontprésentéescomme une alternative diététiqueaux sodas. Cemarché aurait crû de85%en2013pouratteindre419mil-lions de dollars (306millions d’eu-ros), d’après le cabinet d’étudesZénith International. « Il devraitatteindre800millionsdedollarsen2015», rapporteM.Jacoberger.

Qu’en sera-t-il en France? Soli-nest (300millions d’euros de chif-fre d’affaires) et Routin (60mil-lions) espèrent vendre 3millionsde bouteilles Ouiz d’ici à jan-vier2015 et générer 10millions dechiffre d’affaires chez les distribu-teurs. Toutes les enseignes s’inté-ressent à ces formules ultra-concentrées pour des raisons… fis-cales. A terme, l’adoption d’uneécotaxe pourrait grever le coût dutransport routier, et inciter lesenseignes à privilégier des petitsformats,moins lourds.p

JulietteGarnier

OuizveutgrillerlapolitesseàKraft,NestléetàCoca-ColaSolinestetRoutin lancentunefioledesiropultraconcentréà transporterpartout

LesquatrerévolutionsquiontfondélarenaissancedelaCamifAnciennemarquepharedes instituteurs, legroupes’est réinventésurInternetdans l’équipementde lamaisonetcroîtdeplusde30%paran

SOURCE : CAMIF

ÉVOLUTION DU CHIFFRE D’AFFAIRESDE LACAMIF, en millions d’euros

1,6

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ORIGINE GÉOGRAPHIQUEDES FOURNISSEURS, EN%

2009 2011 2013 2014*

95% en Europe

67 %France

28 %Reste del’Europe

* estimé

Unan après sondépôt de bilan,lamarque estreprise début 2009par EmeryJacquillat.La Camif n’estaujourd’huiprésente quesur Internet. DR

70123Mercredi 2 juillet 2014