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Standards sociaux BSCI Tout le monde y gagne De nombreux produits du quotidien proviennent de Chine. Afin que les travailleurs d’usine soient traités équitablement, une collaboration entre les détaillants tels que Migros et les partenaires chinois est nécessaire. Des salaires corrects et des conditions de travail sûres profitent aux deux parties. Texte: Andreas Dürrenberger Photos: Matthias Willi, Daniel Grieser Q uelles sont les préoccu- pations principales des travailleurs au sein de nombreuses usines chinoises? «Les repas servis à la cantine sont toujours évoqués, car ils influent directement sur la vie quotidienne des salariés», indique Joyce Chau. Cette spé- cialiste du développement du- rable représente la Business Social Compliance Initiative (BSCI) en Chine ( lire encadré). «Naturellement, ce n’est pas l’in- quiétude première, ajoute-t-elle. Le sujet central, ce sont les sa- laires», explique Joyce Chau. Toutefois, les travailleurs ne remettent jamais en question leurs niveaux qu’ils jugeraient trop bas. Souvent, c’est l’égalité de rémunération qui est en cause. Plus de transparence «Prenons cet exemple: une usine emploie des salariés originaires de différentes provinces chinoises. Les travailleurs issus de la même province que le di- recteur d’usine perçoivent des salaires supérieurs à ceux de leurs collègues venus d’autres régions. Cela engendre forcé- ment des insatisfactions», pour- suit Joyce Chau. Des soupçons de favoritisme naissent fré- quemment. Mais, la plupart du temps, c’est le manque de savoir- faire managérial des directeurs d’usine qui pose problème. Ils ne sont pas en mesure d’expliquer les différences de salaire, faute de principes de rémunération transparents. Pour faire évoluer les choses, il est nécessaire d’adopter des normes sociales comme la BSCI. La BSCI réglemente des do- maines comme la protection de la santé des travailleurs, l’égalité de rémunération et l’interdic- tion du travail des enfants. Le respect des directives est contrôlé régulièrement sur place par des experts indépendants. Environ 15 000 de ces audits ont eu lieu l’année passée auprès des producteurs participant à la BSCI en Chine. «Aujourd’hui, on ne constate pratiquement aucun abus grave tel que le travail des enfants», indique Jürg von Nie- derhäusern, expert des normes 1 32 | MM6, 6.2.2017 | UNIVERS MIGROS

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Page 1: 32 | MM6, 6.2.2017 | UNIVERS MIGROS...Social Compliance Initiative (BSCI) en Chine (lire encadré). «Naturellement, ce n’est pas l’in-quiétude première, ajoute-t-elle. Le sujet

Standards sociaux BSCI

Tout le monde y gagneDe nombreux produits du quotidien proviennent de Chine. Afin que les travailleurs d’usine soient traités

équitablement, une collaboration entre les détaillants tels que Migros et les partenaires chinois est nécessaire. Des salaires corrects et des conditions de travail sûres profitent aux deux parties.

Texte: Andreas Dürrenberger Photos: Matthias Willi, Daniel Grieser

Q uelles sont les préoccu-pations principales des travailleurs au sein de nombreuses usines

chinoises? «Les repas servis à la cantine sont toujours évoqués, car ils influent directement sur la vie quotidienne des salariés», indique Joyce Chau. Cette spé-cialiste du développement du-rable représente la Business Social Compliance Initiative (BSCI) en Chine ( lire encadré). «Naturellement, ce n’est pas l’in-quiétude première, ajoute-t-elle. Le sujet central, ce sont les sa-

laires», explique Joyce Chau. Toutefois, les travailleurs ne remettent jamais en question leurs niveaux qu’ils jugeraient trop bas. Souvent, c’est l’égalité de rémunération qui est en cause.

Plus de transparence«Prenons cet exemple: une usine emploie des salariés originaires de différentes provinces chinoises. Les travailleurs issus de la même province que le di-recteur d’usine perçoivent des salaires supérieurs à ceux de

leurs collègues venus d’autres régions. Cela engendre forcé-ment des insatisfactions», pour-suit Joyce Chau. Des soupçons de favoritisme naissent fré-quemment. Mais, la plupart du temps, c’est le manque de savoir- faire managérial des directeurs d’usine qui pose problème. Ils ne sont pas en mesure d’expliquer les différences de salaire, faute de principes de rémunération transparents. Pour faire évoluer les choses, il est nécessaire d’adopter des normes sociales comme la BSCI.

La BSCI réglemente des do-maines comme la protection de la santé des travailleurs, l’égalité de rémunération et l’interdic-tion du travail des enfants. Le respect des directives est contrôlé régulièrement sur place par des experts indépendants. Environ 15 000 de ces audits ont eu lieu l’année passée auprès des producteurs participant à la BSCI en Chine. «Aujourd’hui, on ne constate pratiquement aucun abus grave tel que le travail des enfants», indique Jürg von Nie-derhäusern, expert des normes

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Page 2: 32 | MM6, 6.2.2017 | UNIVERS MIGROS...Social Compliance Initiative (BSCI) en Chine (lire encadré). «Naturellement, ce n’est pas l’in-quiétude première, ajoute-t-elle. Le sujet

BSCI

Une initiative en faveur des travailleurs

La Business Social Compliance Initiative (BSCI) est une norme sociale parrainée par la Foreign Trade Asso-ciation (FTA).

Cette initiative ras-semble dans le monde entier plus de 1900 entreprises qui achète pour 900 milliards d’eu-ros de marchandises par an. Plus de cinq mil-lions de collaborateurs des entreprises fournis-seuses profitent de meilleures conditions de travail grâce à BSCI. L’initiative est née en 2003. Migros fait partie de ses trois membres fondateurs.

1 Joyce Chau, représentante de BSCI en Chine, et Jürg von Niederhäusern, expert en standards sociaux à la Fédération des coopératives Migros.

2 De meilleures conditions de travail: une couturière chez le fournisseur de Migros Running Interna­tional en Chine.

3 Plus de sécurité: les mana­gers apprennent comment améliorer la sécurité au travail.

sociales au sein de la Fédération des coopératives Migros.

Formation continue pour les chefs et les travailleurs«A l’heure actuelle, les pro-blèmes relèvent en général du management. Il s’agit par exemple de la bonne saisie du temps de travail, de la sécurité du lieu de travail, de l’établisse-ment correct des bulletins de paie ou de la juste rémunération des heures supplémentaires.»

C’est pourquoi la BSCI s’appuie de plus en plus sur la formation continue. Cette démar che, appelée Capacity Building, doit améliorer les com-pétences d’encadrement des directeurs d’usine et renforcer le droit des employés. Pour Joyce Chau, «lorsque la direction d’une usine explique clairement son système de rémunération, les salariés sont à même de le comprendre». Par ailleurs, les travailleurs doivent aussi connaître les mesures de protec-tion en cas de conditions de tra-

vail dangereuses et savoir com-ment leur salaire mensuel et les prélèvements sociaux sont cal-culés. De plus, il est important que les salariés puissent expri-mer leurs préoccupations libre-ment à leurs responsables.

Les normes sociales comme la BSCI exigent ainsi une réflexion et des investissements qui se ré-vèlent toutefois payants, comme le montrent les études réalisées: le travail devient plus efficace, la qualité s’accroît et les pertes de production diminuent.

La réflexion et les investisse-ments doivent également se faire chez les acheteurs euro-péens. «Il existe une différence de taille entre les fabricants chinois et les acheteurs basés en Europe», explique Joyce Chau. «Votre système de management est extrêmement avancé, mais il est aussi et souvent très éloigné des contraintes quotidiennes rencontrées dans les pays de production.» Pour cette raison, les acheteurs doivent aussi pou-voir modifier leur angle de vue et

se mettre à l’écoute de leurs par-tenaires, estime Joyce Chau. «Il peut arriver qu’une société ayant jusque-là une bonne réputation obtienne soudain des résultats d’audit médiocres. Ce ne sont pas les mauvaises conditions de travail qui sont en cause mais, par exemple, l’existence de nou-velles prescriptions ou régle-mentations exigeant une docu-mentation supplémentaire.» En l’absence des documents requis, l’évaluation est défavorable.

Un engagement à long terme «Nous, Européens, devons ap-prendre à connaître les réalités complexes qui prévalent sur place, déclare Jürg von Nieder-häusern. Notre expérience des vingt dernières années montre que nous pouvons attendre une évolution positive sur cette base.» Cela exige des connais-sances, des ressources finan-cières et humaines, et un enga-gement à long terme. «Nous ne pouvons pas changer le monde du jour au lendemain.» MM

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