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Hapsatou Sy « Je n'oublie pas d'où je viens » NE PAS JETER SUR LA VOIE PUBLIQUE N° 83 - MARS 2017 Hervé RENARD Tout le monde le veut ! BUHARI De retour mais affaibli Spécial FESPACO 2017 La fête fut belle ! Dossier 4 Politique 6 Économie 12 Fespaco 20 Sport 18 Invité 16 Culture 26 Relations Inter. 10 Aïssa MAÏGA Le cinéma dans la peau

3/&4(5-(62-.$(7 · 2019-03-07 · y a tout pour r ussir. Maintenant, il faut que cette Afrique se d veloppe et que son d ve-loppement proÞte aux Africains. Parfois, j'ai l'impression

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Hapsatou Sy« Je n'oublie pas d'où je viens »

NE PAS JETER SUR LA VOIE PUBLIQUE

N° 83 - MARS 2017

Hervé RENARDTout le monde

le veut !

BUHARIDe retour

mais affaibli

S p é c i a l F E S PA C O 2 0 1 7

La fête fut belle !

Dossier 4 Politique 6 Économie12 Fespaco 20Sport 18Invité 16 Culture 26Relations Inter.10

Aïssa MAÏGALe cinéma

dans la peau

Page 2: 3/&4(5-(62-.$(7 · 2019-03-07 · y a tout pour r ussir. Maintenant, il faut que cette Afrique se d veloppe et que son d ve-loppement proÞte aux Africains. Parfois, j'ai l'impression

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RINVITÉ DU MOIS

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"Merci papa!"D-N : Vous avez eu un parcours absolument remarquable. Quand vous jetez un regard en arrière, quel commentaire ce parcours vous inspire-t-il ? H.S. : Merci, papa ! C'est ce que je peux dire. C'est un hommage à mon père, qui, avec ses modestes moyens, s'est battu pour nous donner une éducation correcte, nous a appris à nous battre dans la vie pour réussir. C'est lui qui m'a donnée la force et la détermina-tion pour entreprendre, c'est parce qu'il était lui-même entrepreneur et il nous a appris le goût du travail. Quand je me retourne et que je vois dans les yeux de mon papa sa joie et sa fierté, je me souviens d'où je viens. Ce qui permet de garder la tête froide. Même dans les moments difficiles je disais "merci papa", parce que c'est lui qui m'aidait à prendre les décisions les plus dures. Raison pour laquelle je n'oublie jamais d'où je viens.

D-N : Vous définiriez-vous comme entrepreneure ou animatrice TV, et comment arrivez-vous à concilier les deux métiers ? H.S. : À la base, j'ai horreur de m'ennuyer, donc j'aime faire plusieurs choses à la fois. L'entreprenariat et la télé sont complémen-taires pour moi. Je peux parler de l'entreprise à la télévision tout en parlant de bien d'autres sujets. Animatrice télé et entrepreneure, c'est compatible pour peu que l'on prenne le soin de bien s'organiser. J'ai une superbe équipe autour de moi, qui m'aide énormément. Vous savez, on ne réussit pas tout seul, on réussit en équipe. Quand on est bien entouré, parfois par meilleur que soi, les choses vont dans la bonne

sur la table tous les jours, pas le 8 mars uni-quement où toutes les vraies causes à défendre concernant la femme perdent en visibilité.

D-N : Vous y avez participé quand-même ?H.S. : Nous avons organisé un petit atelier-goûter dans notre showroom, et je suis inter-venue sur tout ce qui touche la femme. C'est d'ailleurs dans l'ADN de ma marque avec pour Hashtag "sois belle et fais". Il s'agit de dire aux jeunes filles qu'il ne suffit pas d'être belle juste pour trouver un mari, mais plutôt prendre des responsabilités dans la société, chercher à être indépendante, créer des choses qui servent à la société. Plutôt que de regarder des vidéos pour apprendre à se maquiller, par exemple, pour-quoi ne pas regarder des vidéos pour apprendre à entreprendre? Une femme indépendante est encore plus belle, à mon avis.

Diasporas-News : Pour être en phase avec l'actualité, nous sommes en pleine célébration de la Journée internationale des droits de la femme. En tant que "working girl, que vous inspire-t-elle ?Hapsatou SY : Je ne suis pas très fan de cette journée. Je pense que la Journée inter-nationale des droits de la femme, c'est toute l'année. La femme doit être célébrée tous les jours. Je ne pense que ce soit très productif que sur une seule journée dans l'année, on puisse se pencher sur les droits de la femme, sur les inégalités qu'elle subit, sur les violences faites à la femme et sur tout ce qui tourne autour d'elle. Il faudrait que ces choses soient mises

Animatrice télé, créatrice de mode, reine de la cosmétique, Hapsatou SY

mène de front plusieurs vies à la fois. Entrepreneure à succès, la businesswoman,

qui vient de sortir un livre, s'est prêtée sans filet à nos questions. Interview

avec une femme dont le parcours pourrait en influencer plusieurs.

Interview exclusive de

Hapsatou SY"Je n'oublie pas d'où je viens"

N°8

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N°8

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D-N : Avez-vous souffert du racisme dans les médias ou ailleurs et croyez-vous que ce soit un véritable frein pour les Africains en Europe ou ailleurs dans le monde ? H.S. : Non, à vrai dire. Peut-être que mon côté un peu rebelle fait que cela ne me touche pas. Je ne regarde pas les gens qui ne m'intéres-sent pas. Au contraire, je prends du plaisir à dire à ceux qui m'intéressent que je les ap-précie. Il y a des personnes qui sont dans une sorte d'imbécilité raciste, celles-là, je ne les regarde même pas. J'ai toujours avancé sans faire cas de ce genre de choses. Je me suis toujours dit que si je réussis, ce ne sera pas pour ma couleur de peau et vice-versa. Ce qui me révolte le plus, ce n'est pas le racisme des Blancs contre les Noirs, c'est celui des Afri-cains envers les Africains. C'est inacceptable! On m'a déjà traitée "d'Africaine de France" qui ne connait rien à l'Afrique, sans même sa-voir ce que je réalise en Afrique aujourd'hui. C'est bête, jaloux et méchant, et ça dessert le continent. Il faudra qu'on élève nos enfants avec des valeurs différentes, beaucoup plus positives que celles-là. Notre couleur de peau n'est pas un combat, c'est un acquis. C'est une richesse que nous devons porter avec fierté. Notre combat, ça doit être l'éducation et la réussite de nos enfants, de nos activités et de notre continent.

D-N : Comment votre couple avec Vincent Cerutti, un Français d'origine italienne est-il perçu? H.S. : Globalement, très bien. On n'a que des échos très positifs. Il y aura toujours cette minorité de gens méchants qui s'ennuient de-vant leur écran d'ordinateur, qui publient des commentaires racistes et méchants. Ce sont des haters (anglicisme signifiant haineux, ndlr). A part cette portion de gens, on a eu que des bons échos sur notre couple. Partout où nous allons, il n'y a que de la gentillesse à notre égard. C'est quand même ça, la bonne nouvelle. La minorité de haineux ne nous empêchent pas d'avancer. Ils font beaucoup de bruit mais ils ne sont pas aussi nombreux qu'ils veulent le laisser croire.

D-N : Quels sont les sujets sociétaux sur lesquels vous auriez envie de pousser un gros coup de gueule ? H.S. : Comme je suis plutôt zen en ce mo-ment (rires), je voudrais juste dire à nos poli-tiques, en Afrique, que l'éducation doit être la priorité des priorités. L'Afrique a besoin que ses enfants reçoivent les bonnes bases pour être les élites de demain. Il y a des Afri-cains qui réussissent partout dans le monde. Cela devrait inspirer nos dirigeants à investir davantage dans l'éducation. Moi je crois en l'Afrique et j'ai foi en elle. Malick DAHO

"L'Afrique ne meurt pas, elle se suicide" !

D-N : Que vous inspire d’une manière générale la politique en Afrique ? H.S. : La politique de nos gouvernants est néfaste pour le continent. Comme j'ai en-tendu un jour, l'Afrique ne meurt pas, elle se suicide. Les choix politiques qui sont faits ne mènent pas au succès de l'Afrique. L'Afrique, c'est le continent de la gloire aujourd'hui, il y a tout pour réussir. Maintenant, il faut que cette Afrique se développe et que son déve-loppement profite aux Africains. Parfois, j'ai l'impression d'un petit retour vers la colonisa-tion, et cela ne me plaît pas trop. Sur ce que je vois faire par exemple au Sénégal, par Macky Sall que j'admire, je pense qu'il y a de l'espoir. Le pays est en chantier, des infrastructures se construisent, il y a de grands projets qui se font et je pense que cela va dans le bon sens. Après, il faudra être patient pour en voir les retombées, mais il y a déjà des signes encoura-geants sur ce que je vois au Sénégal où je vais souvent. Ce n'est pas seulement à Dakar, mais dans les terres, des chantiers avancent bien. N'oublions pas que le président Sall, mon pré-sident fait des choses considérables, ne serait-ce que quand on voit l'état dans lequel il a récupéré le pays. Franchement, quand je vois ce qui se passe au Sénégal, je dis waouh! Et je pense que l'Afrique a tous les atouts pour s'en sortir. Tout reste une question de volonté politique de ses dirigeants.

D-N : On parle beaucoup de la « Françafrique », de la sortie du franc CFA ; avez-vous un avis sur ces questions ? H.S. : C'est très compliqué. Ce sont des mé-canismes très techniques. Il faut une vraie réflexion, bien construite et bien menée, avec des économistes qui pensent au bien des pays concernés amis aussi au bien de l'Afrique dans un contexte international. C'est une question très sérieuse dans laquelle il ne faut pas s'engager à la légère.

D-N : Comment s’est passée votre entrée à la TV ?H.S. : Il y a eu un reportage de l'émission "Zone interdite" de la chaine française M6 en 2009 qui montrait mon parcours professionnel. Suite, à cela, la chaine m'a appelée pour faire partie du jury d'une émission d'inventeurs, chose que j'ai prise du plaisir à faire. Après, il y a Laurence Ferrari, une journaliste qui m'a demandé de faire partie de ses chroniqueuses avec notamment Roselyne Bachelot (ancienne ministre) et Audrey Pulvar pour une autre émis-sion sur une autre chaine (Direct 8 devenue C8). C'est une bande de femmes incroyables qui m'ont beaucoup appris. Voilà comment je suis arrivée en télévision.

direction. Moi, je n'ai pas de problème d'égo avec ça. Quand les gens autour de vous sont meilleurs que vous, ils vous rendent meilleur.

D-N : Où, quand et comment vous est venu le rêve de devenir une businesswoman ? H.S. : (Rires). Je ne sais vraiment pas quand est-ce que ça a commencé. J'ai grandi dans une famille de 8 enfants, donc très tôt, j'ai compris qu'il fallait se battre pour exister. J'avais déjà cette envie de partir à la conquête du monde. Dans une société où on vous ex-plique que quand vous êtes une femme, noire de surcroît, venant de quartiers et de minorités défavorisés, vous êtes condamnée à l'échec, moi, j'ai eu envie, parfois avec insolence, de faire mentir ces clichés-là. Dans une société où la méritocratie peine à exister, je trouve que c'est important de se battre pour ses rêves et quand on les réalise, de crier haut et fort à nos jeunes qui arrivent qu'ils peuvent eux aussi le faire. Le jour où mon père m'a racontée son parcours, comment il avait risqué sa vie pour nous offrir un avenir meilleur, ce jour-là, je me suis dit qu'il fallait que je fasse tout pout ho-norer ce parcours.

D-N : Quels sont les écueils que vous avez connus avant l’ouverture de votre première entreprise? H.S. : Il y a beaucoup plus de difficultés que de réussites dans la vie d'un entrepreneur, mais ce sont ces difficultés qui doivent nous motiver à avancer. Elles permettent de mieux apprécier les réussites. J'ai connu plein de difficultés de tous ordres (banques, garanties, financement, le regard des autres etc.), mais je ne me suis jamais arrêtée à ça, bien au contraire, j'étais toujours déterminée à réussir, à convaincre au-delà de tous les schémas classiques. Les diffi-cultés, on en a tout au long de la vie entrepre-nariale, il faut vivre avec et les surmonter. Et quand on les a surmontées, s'en servir pour les projets futurs. Dans un parcours, il faut voir les difficultés comme des choses positives.

D-N : Aujourd’hui, vous êtes une fierté africaine. Quels conseils donneriez-vous à des jeunes, surtout des femmes qui aime-raient suivre votre parcours ? H.S. : Je leur dirais que rien n'est impossible. L'impossible, c'est ce qu'on se fixe comme li-mite personnelle. Il faut se persuader qu'on va réussir ce qu'on a décidé pour soi-même, et non attendre que les gens décident à notre place. Il faut être ambitieux, fort et endurant parce que c'est ce qui nous permet d'arriver au bout, mais rien n'est facile. J'ai envie de leur dire aussi de se battre pour être des exemples pour leurs futurs enfants. Qu'elles aillent au bout de leurs rêves afin d'être des modèles pour les générations futures.

INVITÉ DU MOIS

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