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Résumé L’analgésie périmédullaire est la principale modalité d’analgésie obstétricale. Elle est utilisée dans environ 70 % des accouchements en France, pour le confort maternel et la sécurité qu’elle offre. L’impact de l’analgésie périmédullaire sur les efforts expulsifs est, la plupart du temps, évalué par le biais de la durée du deuxième stade du travail et de la fquence des extractions instrumentales (ou la fréquence des expulsions spontanées). Les résultats des études consacrées aux impacts de l’analgésie périmédullaire sur les paramètres du travail et sur les modalités de l’accouchement sont variables, traduisant les évolutions du maté- riel (cathéters multiperforés) et de la pratique anesthésique (solutions diluées d’anesthésiques locaux, utilisations d’adjuvants, mode PCEA…). L’analgésie périmédullaire influence peu le travail, en particulier la phase d’expulsion. Son utilisation s’accompagne d’un allongement d’environ 15 min de la durée du 2 e stade du travail. Avec les modalités actuelles de pratique de l’analgésie péri- durale obstétricale, il n’existe pas d’évidence pour une augmentation du risque d’extraction instrumentale. Mots clés : analgésie péridurale, durée du travail, extraction instrumentale. INTRODUCTION Depuis la pratique, en 1847, par James Young Simpson de la première anes- thésie à l’éther pour un accouchement compliqué et son utilisation en 1853 par John Snow pour la naissance du 8 e enfant de la Reine Victoria, l’analgésie obsté- tricale a connu une évolution fulgurante. Au fil des décennies, les progrès phar- macologiques et technologiques ont conduit à une utilisation large de l’analgésie inhalatoire, intraveineuse, puis locorégionale. Celle-ci s’est imposée au cours des années 1970 comme la meilleure méthode de prise en charge de la douleur au 13 Analgésie obstétricale et efforts expulsifs G. Aya Département anesthésie-douleur GHU Caremeau Place du Pr Debré 30029 Nîmes Cedex 09 E-mail : guy.ay[email protected]r Société Française de Médecine Périnatale, 42es Journées nationales de la Société Française de Médecine © Springer- Verlag France, 2013 Périnatale (Montpellier 17- 19 octobre 2012)

42es Journées nationales de la Société Française de Médecine Périnatale (Montpellier 17–19 octobre 2012) || Analgésie obstétricale et efforts expulsifs

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Résumé

L’analgésie périmédullaire est la principale modalité d’analgésie obstétricale. Elle est utilisée dans environ 70 % des accouchements en France, pour le confortmaternel et la sécurité qu’elle offre. L’impact de l’analgésie périmédullaire surles efforts expulsifs est, la plupart du temps, évalué par le biais de la durée dudeuxième stade du travail et de la fréquence des extractions instrumentales (oula fréquence des expulsions spontanées). Les résultats des études consacrées aux impacts de l’analgésie périmédullaire sur les paramètres du travail et sur lesmodalités de l’accouchement sont variables, traduisant les évolutions du maté-riel (cathéters multiperforés) et de la pratique anesthésique (solutions diluées d’anesthésiques locaux, utilisations d’adjuvants, mode PCEA…). L’analgésie périmédullaire influence peu le travail, en particulier la phase d’expulsion. Sonutilisation s’accompagne d’un allongement d’environ 15  min de la durée du2e stade du travail. Avec les modalités actuelles de pratique de l’analgésie péri-durale obstétricale, il n’existe pas d’évidence pour une augmentation du risqued’extraction instrumentale.

Mots clés : analgésie péridurale, durée du travail, extraction instrumentale.

INTRODUCTION

Depuis la pratique, en 1847, par James Young Simpson de la première anes-thésie à l’éther pour un accouchement compliqué et son utilisation en 1853 parJohn Snow pour la naissance du 8e enfant de la Reine Victoria, l’analgésie obsté-tricale a connu une évolution fulgurante. Au fil des décennies, les progrès phar-macologiques et technologiques ont conduit à une utilisation large de l’analgésieinhalatoire, intraveineuse, puis locorégionale. Celle- ci s’est imposée au cours des années 1970 comme la meilleure méthode de prise en charge de la douleur au

13Analgésie obstétricale et efforts expulsifsG. Aya

Département anesthésie- douleurGHU CaremeauPlace du Pr Debré30029 Nîmes Cedex 09E- mail : guy.aya@chu- nimes.fr

Société Française de Médecine Périnatale, 42es Journées nationales de la Société Française de Médecine

© Springer- Verlag France, 2013 Périnatale (Montpellier 17- 19 octobre 2012)

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cours de l’accouchement, grâce notamment à la disponibilité de matériels conve-nables. Au cours des années 1980, l’attention est portée sur la prise en charge deseffets secondaires maternels et fœtaux de l’analgésie péridurale (APD). L’éventua-lité d’un impact de l’analgésie obstétricale en général et des techniques neuraxiales en particulier sur les paramètres du travail et les modalités de l’accouchement aalors clairement été envisagée. Concernant les effets sur les modalités de l’accou-chement par voie basse, le deuxième stade du travail a généralement été étudiécomme un paramètre unique. Il existe néanmoins quelques travaux consacrés aux effets de l’analgésie sur la descente et la rotation de la présentation. À l’inverse, les effets sur les caractéristiques des efforts expulsifs ne sont pas étudiés directement,et l’impact éventuel est évalué par le biais des conséquences de l’altération des efforts expulsifs, c’est- à- dire la durée du deuxième stade du travail et la fréquencedes extractions instrumentales (ou la fréquence des expulsions spontanées). Ladifficulté du thème abordé ici est celle de l’interprétation des données de la littéra-ture à la lumière des progrès réalisés en obstétrique et en analgésie obstétricale au cours des dernières décennies.

DONNÉES HISTORIQUES

Tout en affirmant l’intérêt de l’APD, les travaux publiés au cours des décennies 1950 à 1970 ont mis en évidence des problèmes associés à son utilisation en obs-tétrique. Ainsi, il a été établi que l’APD altère la cinétique utérine, favorise la sur-venue de dystocies et des malpositions fœtales, allonge par conséquent la durée dupremier et du deuxième stades du travail, et augmente la fréquence des extractionsinstrumentales et celle des césariennes [1]. Plusieurs facteurs avaient été évoquéspour expliquer les mécanismes de l’impact de l’analgésie obstétricale sur le travail.• Le réflexe de Ferguson : il s’agit d’un réflexe neuro- humoral induit par la disten-

sion de la cavité vaginale par la présentation, et conduisant à l’augmentation dela sécrétion et de la libération d’ocytocine par la glande pituitaire. L’ocytocineactive alors le travail et permet un accouchement eutocique par voie basse. L’APDaltérerait l’initiation de ce réflexe et l’absence d’élévation des taux plasmatiquesd’ocytocine serait à l’origine du ralentissement du travail. Cependant, la réalité dece réflexe chez l’homme est discutée. En effet, les dosages d’ocytocine ont montréune variabilité interindividuelle importante et une mauvaise corrélation entre lasynthèse d’ocytocine et l’accouchement spontané par voie basse.

• Le bloc moteur et la perte du réflexe de poussée  : l’administration de fortesconcentrations d’anesthésiques locaux entraîne un bloc moteur des muscles abdominaux et une anesthésie périnéale supprimant le réflexe de poussée. L’effi-cacité des efforts expulsifs s’en trouverait fortement diminuée, imposant souventle recours à une extraction instrumentale [2].

• La malposition de la présentation fœtale : au cours du deuxième stade du travail, la présentation est aidée dans sa rotation par les muscles pelviens de la mère,en particulier les muscles psoas iliaques et les muscles releveurs de l’anus. Il aété suggéré que le bloc moteur produit par l’APD porte non seulement sur lesmembres inférieurs, mais également les muscles abdominaux et pelviens. Cesderniers deviennent alors hypotoniques et participent moins à la rotation de laprésentation. Les conséquences en seraient un ralentissement des processus de

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descente et de rotation de la présentation et la survenue plus fréquente de varié-tés de positions dystociques au moment de l’accouchement [3], nécessitant sou-vent le recours à des manœuvres d’extraction instrumentale.

Ces conclusions ont été tirées de travaux dans lesquels de fortes concentrationsd’anesthésiques locaux étaient utilisées, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. D’autrepart, il existe des variations importantes dans les indications d’extraction instru-mentale d’une structure à une autre, et même d’un praticien à un autre.

ÉVOLUTION ACTUELLE

Les deux dernières décennies ont été marquées par de nombreux changements tactiques et techniques. Du point de vue anesthésique, l’information des partu-rientes sur l’APD, l’amélioration de l’offre dans les maternités et l’augmentation de la sécurité dans la pratique anesthésique ont progressivement conduit à un large usage de l’analgésie périmédullaire en pratique obstétricale. L’analgésie parinhalation et l’analgésie par voie veineuse ont été reléguées au deuxième rang, et sont actuellement utilisées essentiellement en cas de contre- indication, ou dans l’attente d’une analgésie périmédullaire.Concernant l’analgésie périmédullaire, l’évolution la plus significative est proba-blement l’introduction des adjuvants et notamment des opiacés. Plusieurs travaux ont montré que l’adjonction des opiacés permet une amélioration de la qualitéde l’analgésie, une diminution de la concentration des anesthésiques locaux et une augmentation de la fréquence des accouchements spontanés par voie basse[4-6]. Mieux, l’administration intrathécale d’opiacés induit une analgésie sans bloc moteur, permettant la déambulation. La popularité croissante de celle- ci est à l’ori-gine de la remise en cause de la dose test adrénalinée, qui peut entraîner un blocmoteur significatif. D’autres adjuvants, la clonidine et la néostigmine notamment,sont en cours d’évaluation. De nouveaux anesthésiques locaux, des isomères lévo-gyres purs (ropivacaïne, lévobupivacaïne) ayant une moindre toxicité cardiaqueet un effet de dissociation sensitivo- motrice plus important que la bupivacaïne racémique, ont également été mis à la disposition des praticiens.Du point de vue du matériel, les cathéters périduraux multiperforés ont remplacéles cathéters à orifice distal unique, réduisant ainsi l’incidence de la latéralisationde l’analgésie. Des kits spécifiques ont permis la popularisation de la techniquede rachi- péri combinée (RPC). Le mode PCEA (parturient- controlled epidural analgesia) est devenu l’un des principaux modes d’entretien de l’APD au coursdu travail.

EFFETS DE L’ANALGÉSIE OBSTÉTRICALE SUR LA DURÉE DU DEUXIÈME STADE DU TRAVAIL

Les études rétrospectives ont introduit la notion que l’APD allonge les pre-mier et deuxième stades du travail, surtout si elle est instituée précocement aucours du travail. Les études prospectives randomisées ont permis une meilleureapproche du problème, mais ont une limite liée à la randomisation. En effet, uneproportion non négligeable de femmes randomisées dans le groupe des femmes devant recevoir une analgésie intraveineuse a finalement bénéficié d’une APD.

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Ceci a souvent amené les auteurs à analyser leurs données en intention de trai-ter. Ces études randomisées ont permis de montrer l’absence de différence dans la cinétique du travail, que l’APD soit mise en place précocement ou non [7- 9].Les études consacrées aux effets de l’APD sur la durée du travail ont fait l’objetde plusieurs revues et méta- analyses. Celle de Halpern et al. conclut à un allon-gement du premier (de 42 minutes en moyenne) et du deuxième stade du travail(de 14  minutes en moyenne), malgré un recours plus fréquent aux ocytociquesaprès APD [10]. Ces résultats ont été confirmés au cours d’autres méta- analyses[11, 12]. Tous les travaux inclus dans ces publications ont été publiés avant 1997et une concentration élevée d’anesthésique local avait été utilisée (bupivacaïne0,25 % pour l’induction et 0,125 pour l’entretien dans la plupart des cas). Leighton et Halpern [13] incluant plusieurs travaux publiés après 1997 ne retrouvent pasd’allongement du premier stade du travail. Dans une étude randomisée, Sharma et al. [14] ont comparé l’analgésie par péthidine par voie veineuse avec l’APD utili-sant la bupivacaïne à 0,0625 % associée à du fentanyl à 2 μg/mL en bolus itératifs. Ces auteurs ont observé une durée plus longue du deuxième stade du travail (56± 42 versus 45 ± 42 min, P = 0,008). Dans une revue, Liu et Sia [15] rapportentun allongement du deuxième stade du travail d’environ 15 minutes. La revue dugroupe « Grossesse et Accouchement » de la Cochrane [16] rapporte également unallongement du second stade de 15,55 minutes (IC 95 % 7,46 à 23,63 - 3 580 par-turientes provenant de 11 études). En conclusion, les évidences actuelles suggèrentque l’utilisation d’une APD est associée à un allongement du deuxième stade du travail, estimé à 15 minutes. Le rapport direct de causalité reste cependant à éta-blir, compte tenu de l’existence de facteurs intercurrents, notamment les critèresprésidant à la décision de débuter les efforts expulsifs [17- 18].

EFFETS DE L’ANALGÉSIE OBSTÉTRICALE SUR LE MODE D’ACCOUCHEMENT PAR VOIE BASSE

La question est de savoir si le recours à l’APD favorise ou même conduit plusfréquemment à une extraction instrumentale. Plusieurs auteurs ont, depuis desdécennies, alimenté la controverse sur ce sujet, à travers des études rétrospectiveset prospectives. Les études rétrospectives ont, la plupart du temps, comparé des populations de femmes choisissant de recevoir une APD ou une analgésie par voieveineuse. Ce choix peut être influencé au départ par les conditions obstétricales,les femmes ayant les conditions obstétricales les plus défavorables à l’admissionayant vraisemblablement des douleurs plus importantes et un travail plus lent, conduisant à un recours plus fréquent à l’APD. Le rapport établi n’est plus celui del’APD avec les modalités de l’accouchement, mais plutôt avec des conditions obs-tétricales initiales défavorables, favorisant un travail prolongé voire des extractions instrumentales. D’autre part, il s’agit pour la plupart d’études anciennes évaluantdes pratiques obstétricales et anesthésiques différentes de celles ayant cours actuel-lement. À propos des études prospectives, trois types de dessins méthodologiquesprésentent un intérêt particulier. Le premier est la comparaison de la fréquence desextractions instrumentales dans la pratique d’une équipe avant et après l’introduc-tion rapide d’une politique de recours large à l’APD. Il s’agit donc d’études obser-vationnelles dans lesquelles l’APD est considérée comme un événement sentinelle,tous les autres paramètres et en particulier la prise en charge obstétricale étant

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considérés comme identiques pendant toute la période d’étude. Ces études ont faitl’objet d’une méta- analyse publiée par Segal et al. [19]. L’analyse des données de28 443 parturientes incluses dans sept études n’a pas mis en évidence d’augmen-tation du taux d’extractions instrumentales. Ces résultats sont confirmés par deux études observationnelles publiées ultérieurement par Zhang et al. en 2001 [20] et par Vahratian et al. en 2004 [21]. En résumé, l’étude de l’APD comme événement sentinelle suggère qu’elle n’influence pas les modalités de l’accouchement par voiebasse. Le deuxième dessin méthodologique consiste en l’interruption de l’entretiende l’APD (bolus ou infusion continue) entre 8 cm et la dilatation complète. Cette attitude est basée sur l’idée que, si le bloc moteur et l’absence de réflexe de pous-sée liés à l’APD sont en cause dans l’inefficacité des efforts expulsifs et le recoursaux extractions instrumentales, la régression des blocs sensitif et moteur devraitpermettre d’améliorer la qualité des efforts expulsifs et diminuer la fréquence des extractions instrumentales. Une méta- analyse a été consacrée à cette thématiquepar le groupe « Grossesse et Accouchement » de la Cochrane [22]. Les auteursont constaté que l’interruption de l’entretien de l’APD n’influence pas le taux demalposition fœtale à la naissance, ni le taux d’accouchements spontanés, ni le taux d’extractions instrumentales. Pour ce dernier paramètre, la fréquence était variable d’une étude à l’autre, mais l’analyse des données de 462 parturientes incluses dansles cinq études éligibles a montré une fréquence d’extraction passant de 28 à 23 % après interruption de l’APD (RR 0,84 ; IC 95 % 0,61 à 1,15). En revanche, uneproportion plus importante de parturientes ont rapporté une analgésie inadéquate pendant le deuxième stade du travail (22 versus 6 %, RR 3,68 ; IC 95 % 1,99 à 6,80). Dans cette situation, des bolus par voie péridurale peuvent être nécessairespour rétablir l’analgésie, attitude susceptible d’augmenter le risque d’extractioninstrumentale [23]. Enfin, les résultats de l’étude de Plunkett et al. [24] suggèrentque l’intérêt du réflexe de poussée est tout relatif. Ces auteurs ont, de manière randomisée, réparti 202 nullipares dans deux groupes destinés à pousser immédia-tement à dilatation complète ou à attendre la sensation préalable d’une forte envie de poussée. Les deux groupes de parturientes bénéficiaient d’une APD avec une solution diluée. Aucune différence n’a été constatée dans la durée du second stade ni dans les modalités de l’accouchement. Le troisième dessin méthodologique estconstitué par la comparaison, dans le cadre d’études randomisées, des femmesayant une APD à des parturientes ne recevant pas, ou recevant une analgésieopiacée par voie parentérale. Ces études ont aussi fait l’objet de méta- analyses. Larevue par Leighton et Halpern [13] de onze études retrouve une fréquence globale plus importante d’extractions instrumentales avec l’utilisation de l’APD (OR 2,08 ;IC 95 % 1,48 à 2,93). Cependant, la fréquence des extractions pour dystocie est identique entre APD et analgésie opiacée (OR 1,53 ; IC 95 % 0,29 à 8,08). La méta-analyse du groupe « Grossesse et Accouchement » de la Cochrane [16] portant sur les résultats de 6 162 parturientes incluses dans 17 études, retrouve un risque plus important d’extraction instrumentale dans le groupe des femmes bénéficiantd’une APD (RR 1,38 ; IC 95 % 1,24 à 1,53). L’analgésie était meilleure en cas d’uti-lisation de l’APD, sans différence sur les scores de satisfaction. Il faut noter que lesétudes analysées étaient des études anciennes et plus récentes, utilisant des concen-trations élevées ou des solutions diluées, et reflétant probablement des pratiquesanesthésiques et obstétricales variables. La méta- analyse de Liu et Sia [15] s’inté-ressant aux études dans lesquelles des concentrations (relativement) faibles ont

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été utilisées ne met pas en évidence d’augmentation significative du risque avec l’APD (OR 2,11 ; 95 % 0,96 à 4,65). Il est donc légitime de se poser la question durôle que l’utilisation de concentrations diluées ou de techniques comme la RPC et la PCEA peuvent jouer dans la diminution du risque d’extraction instrumentale.Après méta- analyse des études comparant l’APD à la RPC, le groupe « Grossesseet Accouchement » de la Cochrane conclut à une absence de différence dans lafréquence des extractions instrumentales entre les deux méthodes d’analgésie [25].Cependant, lorsque la RPC était comparée à l’APD utilisant de fortes concentra-tions d’anesthésiques locaux, le risque était plus faible pour les femmes bénéficiantd’une RPC (OR 0,72 ; IC 95 % 0,54 à 0,97). Ce résultat suggère que la réduction des concentrations d’anesthésiques locaux n’est susceptible de réduire la fréquence des extractions instrumentales au cours du travail sous analgésie périmédullaire qu’en comparaison des études anciennes utilisant de fortes doses d’anesthésiques locaux. Le gain est beaucoup moins évident lorsque les modalités actuelles d’anal-gésie périmédullaire (solutions diluées en APD, PCEA, RPC) sont comparéesentre elles [26, 27]. En conclusion, l’utilisation de l’analgésie périmédullaire selon les méthodes actuelles ne s’accompagne pas d’une augmentation significative du risque d’extraction instrumentale. Comme la durée des efforts expulsifs, ce risque peut in fine être conditionné par des décisions obstétricales [17, 18].

CONCLUSION

L’impact de l’analgésie obstétricale sur les efforts expulsifs est finalement d’ap-préciation difficile. Le choix délibéré de focaliser la discussion sur l’analgésie péri-médullaire est justifié par la grande fréquence de son utilisation, qui dépasse les70 % en France. Malgré l’utilisation par la quasi- totalité des praticiens de solutionsdiluées d’anesthésiques locaux associés à des opiacés, le caractère variable des pra-tiques en termes de technique (APD versus RPC, entretien par bolus versus per-fusion continue versus PCEA avec ou sans débit de base) est une difficulté non négligeable. Enfin, au plan obstétrical, on en est réduit à des paramètres indirectsd’évaluation, notamment la durée des efforts expulsifs et leur efficacité jugée sur la fréquence des accouchements spontanés. Toutes ces limitations prises en compte,dans l’état actuel de la pratique, il apparaît que l’analgésie périmédullaire peut allon-ger d’environ 15 minutes la durée du deuxième stade du travail, mais il n’existe pasd’évidence pour une augmentation du risque d’extraction instrumentale.

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