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 Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.  Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : [email protected]  Jacques Leclerc Québec français , n° 67, 1987, p. 22-23.  Pour citer ce document, utiliser l'information suivante : http://id.erudit.org/iderudit/45300ac Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.e rudit.org/apropos/ utilisation.html Document téléchargé le 14 March 2015 06:28 « Le bon usage  : une grammaire pour notre temps : une entrevue exclusive avec André Goose »

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  • rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l'Universit de Montral, l'Universit Laval et l'Universit du Qubec

    Montral. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. rudit offre des services d'dition numrique de documents

    scientifiques depuis 1998.

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    Jacques LeclercQubec franais, n 67, 1987, p. 22-23.

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    Le bon usage: une grammaire pour notre temps: une entrevue exclusive avec AndrGoose

  • Une entrevue exclusive avec Andr Goose

    LE BON USAGE l'occasion de l'ouverture du Salon

    du livre de Montral, le 20 novembre dernier, j'ai eu le privilge d'interviewer monsieur Andr Goosse1, le rviseur de la 12e dition du Bon Usage de Maurice Grevisse (dcd en juillet 1980). M. Andr Goosse est le gendre et fut le premier collaborateur de Grevisse du-rant de nombreuses annes; de plus, phi-lologue, linguiste et grammarien de for-mation, M. Goosse tait donc prpar depuis longtemps assurer la succes-sion du plus grand grammarien de l'histoire de la langue franaise. J'ai interrog M. Goosse pour savoir si le Bon Usage correspondait bien nos besoins d'aujourd'hui.

    Un succs universel Entre 1936 et 1980, Maurice Grevisse a

    publi 11 ditions de son Bon Usage. Plus d'un demi-sicle de travail ascti-que et constamment anim par la pas-sion de la langue franaise! Le Bon Usage a fait le tour du monde; cette bible de notre langue , comme aimait le dire Andr Gide, est tudie non seu-lement partout en Europe et en Amri-que, mais aussi au Japon, en Chine et jusque dans les forts quatoriales de l'Afrique et dansleslesdu Pacifique. Un journaliste belge raconte qu'il s'tait fait rpondre par un collgue angolais en 1978: Vous tes belge. Alors vous tes du pays de Monsieur Grevisse. C'est tout dire de la renomme d'un gram-mairien!

    Qu'est-ce qui explique ce succs ph-nomnal et universel d'une grammaire? Ce n'est srement pas parce que Gre-visse n'a fait que peser des oeufs de mouche dans des balances de toiles d'araigne , selon une expression de Voltaire rapporte par Grevisse lui-mme. Pour Andr Goosse, ce succs s'explique par... la faon dont Grevisse prsente l'usage comme fondement de la grammaire. Il dcrit l'usage... et de cette description

    U N E G R A A I R E Jacques leclerc

    sorf un ouvrage normatif modr qui n'essaie pas de s'accrocher au pass, qui accueille les nouveauts avec une certaine indulgence...

    Le Bon Usage n'est pas une simple grammaire scolaire ne contenant que des rudiments, mais un ouvrage com-plet, exhaustif, explicatif, normatif et sans oeillres, un guide infaillible qui tient compte de l'volution du franais en usage ajourd'hui. Maurice Grevisse n'a-t-il pas avou lui-mme que la vrit d'aujourd'hui diffre de la vrit d'hier et sera l'erreur de demain. Bref, Grevisse a toujours dsir que le Bon Usage soit une grammaire de son temps; c'est ce qui explique, sans nul doute, son si grand succs.

    La grammaire Goosse-Grevisse Andr Goosse a voulu demeurer fidle

    l'esprit de Grevisse, mais non pas la lettre . Il a dress un inventaire syst-matique et clair du franais d'aujour-d'hui dans son usage rel, dans ses usages rels. Pour ce faire, il a tent de renouveler le Grevisse au niveau de la terminologie, de la classification des notions, des dfinitions et des exemples ou citations d'auteurs. Une somme de 1768 pages!

    Le renouvellement de la terminologie Si Maurice Grevisse n'a jamais vrai-

    ment essay de renouveler la terminolo-gie, Andr Goosse n'a pas craint d'inno-ver en cette matire:

    J'ai essay le plus possible de mnager la terminologie ancienne, mais en ren-dant les dfinitions plus rigoureuses et, parfois, en changeant un peu le contenu de ce que l'on admettait sous l'tiquette ancienne.

    Les termes les plus rvolutionnai-res , selon M. Goosse, sont les suivants: la phrase averbale (la phrase nominale), le complment adverbial (complment circonstanciel), le mot-phrase (interjec-tion), la subjonction (conjonction de subordination), {'introducteur (plus ou moins le prsentant ), sans compter des mots plus connus comme syn-tagme, sme, translation, receveur, donneur, etc.

    Pour M. Goosse, ces innovations ne se veulent pas arbitraires; il a t en quel-que sorte contraint de le faire pour la rigueur de la description. Ce qui l'a amen prsenter des dfinitions plus fonctionnelles, moins smantiques, et reclassif ier certaines notions. C'est ainsi que l'on ne trouvera plus dans le Bon Usage des verbes d'tat ou des verbes d'action et qu'il faudra dsor-mais chercher le conditionnel dans les temps des verbes plutt que dans les modes. Pour chacune des nouveauts, Andr Goosse signale qu'il a donn une justification et une dmonstration. Tout cela, dans le but d'actualiser davantage la description du franais contemporain.

    La langue parle De plus, comme le successeur de

    Grevisse voulait observer l'usage dans sa totalit, il s'est galement proccup

    22/Qubec franais /Numro 67, octobre 1987

  • couvrir l'ensemble de la francopho-nie. On ne peut lui demander l'impossi-ble. Enfin, il lui semble difficile de res-pecter, statistiquement parlant, la pro-portion des Qubcois (7%) dans la francophonie mondiale et de tenir des registres comptabiliss. Mme si cela lui tait possible, il craindrait de s'enfermer dans un cul-de-sac: on lui reprocherait de n'avoir pas respect la reprsentati-vit de la Normandie par rapport celle de la Picardie, sans compter les Antilles, l'Afrique et la Polynsie franaise. Un grammarien n'est pas un statisticien!

    POUR NOTRE TEMPS

    de la langue parle. Mis part les quel-quelque 70 pages consacres la phonti-que, M. Goosse dit avoir trait de la lan-gue parle dans tous les chapitres et ce, chaque fois que cela s'y prtait. La diffi-cult rside dans le fait que la langue parle a tendance varier d'une rgion une autre; c'est pour cette raison que le grammarien privilgie plutt la langue crite parce qu'elle est commune l'en-semble de la francophonie contemporai-ne.

    Les exemples et les crivains On a souvent reproch Grevisse son

    admiration inconditionnelle pour les crivains du XVIIe sicle, particulire-ment pour La Fontaine qu'il adorait. Nanmoins, lorsqu'il s'agit de dcrire le franais des annes 1980, Andr Goosse dclare: Je crois que je ne puis pas me fonder sur La Fontaine ou Corneille ou Racine. C'est pourquoi il n'a pas hsit faire disparatre tout un pan d'au-teurs dans la description du franais contemporain: Il n'y a plus aucun auteur antrieur 1800 qui soit cit dans la description. Les auteurs antrieurs 1800 sont cits seulement dans les historiques.

    Il ne reste plus donc dans le Bon Usage que des auteurs des XIXe et XXe sicles. Pour le XIXe sicle, Andr Goosse a rduit la place qu'occupaient certains auteurs tombs en dsutude pour accorder une plus large part ceux qui sont encore lus aujourd'hui, ne serait-ce que par les enfants; c'est ainsi que l'on trouvera plusieurs citations de

    Jules Verne et de la comtesse de Sgur. Quant au XXe sicle, M. Goosse dit avoir puis beaucoup chez les journalistes, les savants, les politiciens et les auteurs rcents; chez ces derniers, la palme revient au gnral de Gaulle, mais Simone de Beauvoir, Ren Char, Mar-guerite Yourcenar, Roland Barthes, San Antonio, etc., apparaissent souvent galement.

    Et le Qubec? J'ai signal M. Goosse que les

    auteurs qubcois me paraissaient peu prs inexistants. Il a aimablement protest bien qu'il doive admettre lui-mme que le Bon Usage ne compte qu'une soixantaine de citations d'au-teurs qubcois; quand on sait que l'ou-vrage compte plusieurs milliers de cita-tions! De plus, parmi les six ou sept auteurs qubcois, certains ne sont pas originaires du Qubec (Louis Hmon, Gabrielle Roy, Antonine Mail-let) et les autres n'apparaissent qu'une, deux ou trois fois (Michel Tremblay, Rjean Ducharme, Marie Laberge et... l'ex-politicien Claude Morin). Comme on le constate, la part qubcoise est minime et M. Goosse en convient.

    Il faut dire que, pour Andr Goosse, le grammairien veut dcrire l'usage gn-ral de la langue franaise et non pas les usages rgionaux, fussent-ils belges, suisses ou qubcois. Qui plus est, il ne peut pas malheureusement tout lire; depuis la mort de sa femme (Marie-Thrse Grevisse) et celle de son beau-pre (Maurice Grevisse), il est seul pour

    Les applications pdagogiques Proccup par les applications pda-

    gogiques du Bon Usage, j'ai demand Andr Goosse s'il existait des ouvrages en ce sens ou s'il avait des projets parti-culiers cet effet. tant donn qu'il est lui-mme enseignant, cette question ne pouvait que l'intresser. De fait, M. Goosse a dj rdig la grammaire sco-laire de l'aprs-Sor Usage (12e dition) et ce, avant mme la publication de celle-ci. Il s'agit de la Nouvelle gram-maire franaise (Duculot et ditions du Renouveau pdagogique inc.), publie en 1980. La rdaction de cette gram-maire scolaire a constitu pour lui une excellente prparation au Bon Usage: Elle m'a oblig rsoudre tous les pro-blmes gnraux d'un coup , aff irme-t-II; c'est mme cet ouvrage qui a permis en partie le renouvellement du Bon Usage. En 1982, il a, de plus, publi un volume d'exercices: Nouvelle gram-maire franaise, Applications. Il a tent de rendre le ton des exercices moins austre et plus moderne, en relation avec les intrts de notre temps... La proccupation du dauphin de Grevisse demeure toujours la mme: fournir une description du franais moderne aussi complte que possible, dans son usage rel.

    En terminant notre entretien, lorsque j'ai avou M. Andr Goosse que j'avais pris beaucoup de plaisir parcourir la nouvelle dition du Bon Usage, il m'a rpondu: C'est ce dont je suis le plus content. Parce que c'est une gram-maire pour le lecteur d'aujourd'hui, une grammaire pour notre temps, et ddie, pour reprendre une vieille expression de Maurice Grevisse, sa Majest la lan-gue franaise. Et, avec beaucoup d'humour, Andr Goosse parle de la 24e dition qui paratra, sans doute, dans... quelque 40 ans. Car le Grevisse est l pour rester. Dornavant, on ne parlera plus jamais de la langue franaise sans y associer le nom de Grevisse. Peut-tre parlera-t-on dsormais plus justement du Goosse-Grevisse ?

    Numro 67, octobre 1987/Qubec franais/23