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Dialogues d’Outre-tombe

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Prenez note que toutes les citations du Bouddha sont véridique,qu'elles proviennent de la traduction du Dhammapada,de la corbeille de la discipline, et de textes tantriques.

D'autres textes proviennent duBodhisattvacharyavatara.

Prajnaparamita sutra,Madhyamakavatara,

et de l'Aryadeva.

NDA.

Couverture; la source de l’image est ASA/ESA, The Hubble Heritage Team – 2009, etla composition graphique (couverture et mise en page) est de l’auteur lui-même.

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Dialogues d’Outre-tombe ©inédit 2010 Donald MilliardL’utilisation, la reproduction, la transmission, modification, rediffusion ou vente de toutes les informations faisantpartie de ce livre (texte y compris) sur un support quel qu’il soit, ou encore la diffusion sur tout autre site Internet parle biais d’un quelconque hyperlien, groupe de discussion, forum ou autre système ou réseau informatique que ce soit,et ce dans le cadre d’une utilisation à caractère commercial et lucratif sont formellement interdites sans l’autorisationpréalable et écrite de l’auteur Donald Milliard. Seule la distribution ou diffusion entièrement gratuite et bénévole estautorisé et encouragé par l’auteur ci-haut mentionné.

Cette création est mise à disposition selon le Contrat Paternité-Pas d'Utilisation Commerciale-Pas de Modification2.5 Canada disponible en ligne http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.5/ca/ ou par courrier postal à Creative

Commons, 171 Second Street, Suite 300, San Francisco, California 94105, USA.

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Dédicace

Par le pouvoir que représente la composition de ce texte,puissent tous les êtres obtenir le bonheur

et les causes du bonheur.Puissent-ils êtres libres de la douleur

et des causes de cette douleur.Puissent-ils ne jamais être séparés du bonheur sacré

qui est sans douleur.Puissent-ils vivre en croyant en l'égalité de tous les êtres

sans distinction de race ou de couleur.Puisse ce récits

être source de bienfaitspour tous les êtres.

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Préambule

Lorsque nous croyons en une vie après celle-ci, nous envisageonsl'existence d'une façon totalement différente. Nous ressentons un niveau deresponsabilité envers nous-mêmes, les autres, de même que l'environnementqui nous héberge. Nous refusons ainsi, d'accepter que la société soit polariséesur des résultats à court terme, et nous nous soucions plus des conséquencesque nos actions occasionnent.

À notre époque, ce qui manque le plus cruellement sur la Terre, c'estune compassion véritable envers notre planète mère et envers l'humanité qui lacompose. Les Maîtres de toutes les traditions religieuses ont comprit qu'il estdésormais nécessaire d'enseigner la compassion et la sagesse à la multitudedes gens, afin que ceux-ci travaillent plus efficacement à la préservation de laplanète, à l'équilibre sociale et au partage des richesses de celle-ci.

Anciennement, les gens, les peuples et même les nations pouvaients'isoler afin d'ignorer la misère du monde. Aujourd'hui, cela n'est pluspossible, car le village global est désormais une notion effective avec Internet,la globalisation et la mondialisation des marchés.

Plus encore que les désirs mondains et l'attachement aux plaisirs dessens, c'est le doute qui constitue l'obstacle majeur de l'évolution de notrecivilisation. Notre société industrialisée encourage l'ingéniosité, laperformance, l'opportuniste et la carrière sociale aux dépens de la sagessespirituelle. Elle exalte l'intelligence superficielle de l'égo et répugne les fruitsde la connaissance véritable découlant d'une pratique spirituelle. Elle prend ledoute pour la vérité, et nomme des spécialistes qui enseignent le doute qui nelaisse aucun espoir, aucune croyance, aucune valeur pour guider notre vie.Elle remplace l'espace laissé de ceux-ci, par le marketing des marques decommerce, une nouvelle forme d'esclavage commercial. Dans nos sociétédites évolués (!) toutes les valeurs traditionnelles ont été remplacés par le Roidollars. Même l'Inde, cette terre de culture spirituelle, abandonne ses templespour se consacrer à la nouvelle économie de marché et à la mode de laconsommation jetable, encouragé par l'Occident ayant des surplus à écouler.

Avant notre époque industrialisé et technocratique, toutes lestraditions spirituelles ont décrit la vie humaine comme étant une choseexceptionnelle, un bien plus précieux que l'or ou l'argent.

La plus grande supercherie de notre époque matérialiste à outrance estde croire qu'il faut profiter au maximum de cette vie-ci, car c'est la seule que

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nous ayons. Cette idée, enseignée par les marchands du temple capitaliste, estla racine même de notre société de consommation, aveugle et destructricepour la nature. Personne n'ose parler de mort ou d'une vie après la mort, carcela risquerait de mettre en péril le prétendu "progrès" de notre civilisationmoderne. Selon la vision myopiste des marchands, un mort, ça ne consommeplus!

Cependant, tous les êtres humains sont semblables. Ils désirent tous lebonheur et veulent tous éviter la souffrance, dans cette vie-ci comme dans lessuivantes. Malgré cela, plusieurs personnes envisagent la mort avec uneinsouciance juvénile, croyant dur comme fer, que celle-ci se passera bien etqu'ils n'ont aucun souci à se faire. La théorie est peut être plaisante, mais laréalité risque d'être très désagréable.

Le Bouddha, dans sa grande sagesse, nous dévoile le chemin, afin devaincre la mort et les renaissances malheureuses. Personne n'est condamné àpartir sans défense pour affronter l'inconnu au moment de la mort. S’il sedonne la peine d'écouter et de pratiquer les enseignements du bouddhismetibétain, (celui qui est resté le plus pur et le plus prêt du message originale duBienheureux) alors celle-ci se passera bien. Voilà l'héritage que nous a léguéle Bouddha Sâkyamuni, et qui demeure encore d'époque malgré son âgevénérable; plus de 2550 ans.

A la lecture de ce livre, certain peuvent penser que celui-ci estredondant et moralisateur. Peut être, mais si vous pensez que le monde n'a nulbesoin de morale, nul besoin de leçon de bonne conduite, qu'il peut se gérerlui-même en rendant le peuple heureux et vivant dans l'abondance, alors celivre est parfaitement inutile et ne ferait qu'encombrer votre bibliothèquepersonnelle. Cependant, si ce n'est pas le cas, et qu'honnêtement vousl'admettiez, alors, ce livre est le bien le plus précieux que vous n’ayez jamaisacquis. Il ne tient qu'a vous d'en faire bon usage.

L'auteur.

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Tables des matières

Préambule .......................................................................... 5Tables des matières ........................................................... 7Introduction ....................................................................... 9Première partieLe pèlerinage ................................................................... 13L'autre rive ...................................................................... 15Le bouddhisme ................................................................ 31Les disparus ..................................................................... 37Le suicide ......................................................................... 45Le bardo de la mort......................................................... 63Le guide spirituel ............................................................. 69La salle des trônes ........................................................... 78Le kali yuga...................................................................... 92

La science.................................................................... 108L'existence de Dieu ..................................................... 111Liberté......................................................................... 113Égalité ......................................................................... 121Fraternité ..................................................................... 124

Le Bouddha.................................................................... 134L'esprit ........................................................................ 141Pensées juste ............................................................... 143Paroles justes............................................................... 145Action juste ................................................................. 146Effort juste................................................................... 147Attention juste ............................................................. 148Moyens d'existence juste. ............................................ 149La racine du mal .......................................................... 149Ignorance..................................................................... 152

Le Karma ....................................................................... 154Qui suis-je ? ................................................................... 171La randonnée pédestre.................................................. 181

Culinan........................................................................ 191La table ronde.............................................................. 199Le monastère Lamayuru .............................................. 212

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La réalité...................................................................... 217Les Préceptes intangibles. ............................................. 225Deuxième partieLe terrible Bardo ........................................................... 242Réminescence ................................................................. 247La luminosité fondamentale .......................................... 277Le Samsâra

Le monde des enfers .................................................... 289Le monde des esprits ................................................... 304Le monde des Titans. ................................................... 314Le monde des Dieux .................................................... 328

Le sanctuaire.................................................................. 337Le bonheur ..................................................................... 373Renaissance .................................................................... 380Conclusion...................................................................... 381Hors texte ....................................................................... 386Glossaire......................................................................... 388

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Introduction

Cette histoire est celle d'une journée parmi tant d'autres. D'une nuitqui n'en finit plus de s'étirer dans la pénombre d'un espace indéfini.Cette aventure est celle d'une réalité qui se cache derrière desapparences trompeuses et pourtant d'un réel incontestable.

Ai-je bien vécu cette expérience ou n'était-ce qu'un rêve émergédes profondeurs de mon inconscient archétypale? Je ne saurais le dire!Pourtant, tout cela est encore frais à ma mémoire et une tache indélébiledemeure sur les flots de ma conscience de veille. Plutôt que decontester cette douce folie mémorielle, j'ai préféré laisser au lecteur lechoix de croire ou de réfuter cette histoire fantastique.

À demi-éveillé, je continuai de percevoir le dialogue avecl'ombrage flou qui se tient debout à l'avant d'une vieille chaloupe depêcheur côtier dont je suis le rameur. J'écoute attentivement ce dialogueavec l'intangible et l'impalpable qui se mélange avec le sommeil et monétat d'éveil qui s'étire péniblement dans cette journée grisonnanted'automne.

Regardez ce mendiant adossé sur le conteneur de vidange et quirecherche la perle rare dans ces détritus. Il joue à être, il tente dedevenir mais sait-il réellement à quoi? Souvent il doute, un instant plustard il se ressaisit, repose ses œillères et continue son chemin commesi rien n'avait obscurcie sa conscience. Blindé contre le doute depuisl'aube des temps, ce léger nuage de clairvoyance l'a à peine effleuré.

Sait-il réellement qui il est?Sait-il d'où il vient?Sait-il où il va et qu'en est le but?

Que de question demeurée sans réponse, depuis des siècles et dessiècles! Pourtant, il continue d'être. Il répète les mêmes gestes, repassepar les mêmes chemins et commet les mêmes bêtises que ses ancêtres.

L'homme a-t-il réellement évolué?

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J'en doute. Je constate que la technologie a évolué, que lessystèmes politiques sont moins cruels et que les religions se sontcomplexifiées. Cependant, l'homme demeure encore dans la pré-maternelle au niveau de la conscience et refuse obstinément d'en sortir.Continuellement, il se découvre des raisons pour justifier ce refus;pense seulement à l'ère du Verseau, à la science toute puissante, àl'informatisation des communications, à l'éclairage et au bruitomniprésent, au sport qu'on ne cesse d'inventer, au grosse bagnoleaméricaine, à la télévision par satellite et ses centaines de canaux, auxmilliards de dollars dépensé dans l'exploration spatiale alors que surterre, 32 500 enfants meurent de faim chaque jour dans le monde.Décidément, l'homme démontre un talent fou et beaucoupd'imagination afin de camoufler la voix de sa conscience derrière letumulte de l'existence mondaine.

Tu me dis que le monde à évolué depuis le moyen-âge! Peut-être!Cependant, ces bénéfices sociaux acquis au fil de milliers d'annéesdemeurent encore bien fragile. Les révolutions et les nombreusesguerres du XXe siècle n’ont-ils pas démontré qu'en l'espace de quelquesmois seulement, l'homme pouvait régresser au rang d'animalsanguinaire. Barbarie sans conscience ni morale, des dizaines depeuples très variés ont exterminés leur propre population sans défenseet les ont ainsi privé d'une liberté et d'une identité acquise au fil demillion d'années d'évolution. Pendant ces périodes de bouleversementsociaux, l'homme découvre que la vie est finie, mais l'existence, elle,dure et dure encore. Bien qu'il soit misérable, la seule pensée d'unemort prochaine emplie son cœur de terreur. Honteusement, il se résigneet l'opium de l'optimiste calme sa douleur. Dans ces instants desouffrance, il se pose beaucoup de question et cherche avecacharnement la raison de son existence. Tel un voyageur égaré, il cogneà toutes les portes qu'il rencontre afin de retrouver son chemin. Lesmultiples réponses diversifiées qu'il reçoit le plonge d'avantage dans laconfusion. Finalement, il se résigne à survivre et non à vivre, perdantainsi les bienfaits de toute son existence. La réponse au mouvement setrouve dans l'immobilité, celle du bruit dans le silence, de même que lavie de l'homme se justifie dans la mort. Voilà la réponse qu'il recherchemais qu'il ne veut pas accepter. Il s'accroche à l'intangible et repousse lepermanent.

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Ami, viens! Continuons notre chemin parmi les méandres del'existence humaine. Vaste est la scène où se joue en grande premièreune pièce de théâtre qui dure depuis des millénaires.

Ainsi débuta ce dialogue entre l'invisible et le palpable, le néant etla réalité quotidienne. Avait-il choisie d'être interprété par cetteconscience sortie de nulle part. Sans doute qu'il en était un peuresponsable, car il avait mis tellement de zèle afin de maîtriser laméditation tibétaine Dzogchen.

Ce document est le récit de ses longues randonnées où se mélangele tangible et l'impalpable, la réalité et la fiction, le réel et l'irréel.Puisse le lecteur acquérir au fil des mots la qualité du discernement quiconduit à la libération de la condition humaine, véritable esclavage pourles plans de la conscience éternelle.

NDA

Prenez note, que le discours du Bouddha, figurant dans ce récit,est une traduction des paroles véridiques de celui-ci et non uneinvention de l'auteur.

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Première partie

Le pèlerinage

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L'autre rive

La pluie tombait drue et perpendiculaire à l'horizon, accompagnéd'un fort vent froid d'automne. Puis, le beau temps émergea del'horizon. Cela ne devait pas durer car par la suite s'est ensuivie unelongue sécheresse. Qu'étais donc devenu sa réalité? Était-ce bien cela?

De faibles nuages s'étiraient à l'horizon. D'immenses sombrescumulus se mélangeaient au ciel et aux éclairs zébrant tout le paysage.Soudainement la pluie revint et une flaque d'eau émergea devant lui. S'yreflétais, tel un magique miroir, le sommet des arbres côtoyant lesmontagnes avoisinantes. Cependant, son visage ne s'y reflétait pas. Celale surprit quelque peu et le frustra légèrement.

Une faible clarté, invisible et pourtant presque palpable, d'un gristerne, légèrement colorée et fuyante s'éleva lentement du sol. Cetteétrange clarté ne semblait provenir de nulle part, rendant le paysagefaiblement lumineux et phosphorescent. L'infini, l'espace atemporel,l'instant présent dans toute sa grandeur, sans étoiles et sans nuages pourlui bloquer la vue de l'impalpable, voilà ce qu'il ressentait en cet instantprécis. Pourtant tout cela n’était pas très concluant pour son espritembrouillé. Rien qu'un ciel gris terne et une terre lumineuse neprovenant de nulle part. Était-ce l'aube ou une nuit sans noirceur? Était-ce un crépuscule sans horizon? Nul ne pouvait le dire! Pourtant, celaétais! Voilà ce qui le troublait le plus.

Il pensa…

Sans souvenirs, suis-je réellement? Je crois me souvenir mais je neme souviens pas! Je crois savoir mais je ne sais pas! Il y a beaucoup debrouillard dans mon esprit. Beaucoup, beaucoup…qu'il pensa.

Tel un ciel sans nuage, il demeura de longues heures sans qu'uneseule pensée ne vienne troubler son esprit perturbé. Il fut simplementun regard qui contemplait ce paysage indéfinissable. Il ferma les yeuxmais, n'était-ce pas plutôt l'espace qui s'était évanouie dans la noirceurdes ténèbres. Il se sentait exister mais existait-il réellement? Il lui

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manquait quelque chose, une dimension complète de la réalité, mais dequelle réalité s'agissait-il?

Était-ce cela la mort? Une nuit noire entrecoupé d'une faibleclarté indéfinissable. Une conscience qui demeure sans souvenirs. Cetteconscience mystique n'était-elle pas entrain de s'éveiller en ce momentmême, s'interrogea-t-il??

Il était, cela était indiscutable! Il resta encore un long momentsans pensée. Comme il appréciait ces longs états d'être sans aucuneactivité mentale. Rien que l'être, l'instant présent dans la félicité. Il nesentait pas sa respiration ni ses battements de cœur et n'éprouvait pas lebesoin de bouger ce corps illusoire. Mais, avait-il même un corpsd'existence?

Il essayait de se rappeler ses derniers souvenirs d'existence, cequ'il avait été avant cet instant présent. Il n'y parvenait pas. Un murinfranchissable semblait bloquer toute analyse de son esprit conceptuel.

Il pensa:

Je suis mort et je ne ressens aucune douleur. Je baigne dans unegrande paix et je me sens rempli de joie et de sérénité. Cela serait-il lagrande félicité des yogis? Je n'ai pas faim, je n'ai pas soif, je n'ai aucundésirs, aucun attachement ni aversion. Je demeure dans la paix du non-être et du non-né.

Où suis-je? Depuis quand suis-je ici? Suis-je dans l'au-delà, cet au-delà de nulle part qui porte des centaines de noms différent sur la Terre.Le ciel des chrétiens, l'Éden de la Genèse, le Shambhala des indiens, leBardo des bouddhistes, l'entre-deux comme ils disent et que certainnomme l'autre rive.

Il ferma les yeux et sa conscience glissa dans les ténèbres d'unenuit sans lune. Un temps assez long s'écoula…du moins, il le pensait.Comment quantifier le temps dans un endroit ou même le soleil et lalune n'existe pas et que le ciel se dérobe à toute analyse? Une vagueclarté semblait s'élever de l'horizon, éloignant la noirceur de la nuit.Cette couleur indécise et grisonnante sur un bleu fade laissait entrevoirun paysage très indécis, celui de nulle part. Était-ce son esprit quipercevait ce paysage si flou, proche et lointain à la fois. Se pouvait-il

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que son esprit l'induise en erreur avec des hallucinations produites parsa grande peur de l'inconnu et de l'impalpable? Il demeurait dans laconfusion la plus totale, son esprit se refusant à répondre à uneinterrogation si indécise et éphémère.

Il se sentait seul, terriblement seul et cette solitude lui pesait.

Je suis seul, pensa-t-il? … Je suis terriblement seul. …

Rien ne bougeait. Ni en lui, ni hors de lui.

Depuis combien de temps était-il mort? Un jour, un an. Cent ansou même mille ans. Comment le savoir?

Les pensées tourbillonnaient dans son esprit mais il n'était passûr que ce fussent ses propres pensées. Retrouverait-il un jour lamémoire? Nulle réponse n'existait en cet instant précis. Seul le douteétait permis. Celui-ci, tel un serpent venimeux, s'insinua doucementdans son esprit, puis une panique grandissante s'éleva du plus profondde son être. Tout ce qui lui tenait lieu de corps vibra, telle une corde deguitare. Autour de lui, tout se mit à tournoyer et il se sentit tomber dansun abîme sans fond. Alors, soudainement il perdit sa conscience d'être,le seul appui solide qui le maintenait encore hors de la folie.

Son évanouissement dura longtemps, très longtemps. C'est dumoins ce qu'il ressentait. Lorsqu'il s'éveilla, tout n'était en lui queconfusion. Quelque chose de terrible et d'irréversible lui était arrivée.Cela il le savait mais il ne pouvait le décrire n'y même l'analyser. Lemystère demeurait entier.

Il se rappelait le choc du grand passage, le tonnerreassourdissant, les éclairs aveuglants et ce terrible vent glacial quibalayait tout sur son passage. Ainsi, il avait été happé tel une vulgaireplume d'oisillon et s'était ainsi retrouvé entouré de ténèbres si profondequ'il aurait pu en découper des morceaux avec un simple couteauménager. Puis, était apparue cette faible clarté bleue-grise qui neprovenait de nulle part, qui semblait être l'espace lui-même sans rien deprécis ou de palpable. Pas de soleil ni d'étoiles. Aucun couvert nuageux.

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Rien que ce semblant de brume évanescente avec une teinte changeantecontinuelle qui faisait alors échec à la noirceur de la nuit.

Était-il entrain de rêver ou bien était-ce la conclusion d'un réveilbrutal sur une autre Terre, dans un autre univers parallèle, celle de l'au-delà, l'autre rive des mystiques et des yogis.

Les yeux grands ouverts, plusieurs minutes s'étaient écouléesavant qu'une seule pensée n'ait traversé son esprit. Pendant tout cetemps, il n'avait été qu'un regard, rien de plus! Il était seul, sans penséesprécise, sans émotions, sans sensations ni aucun souvenir. Un gouffreinfranchissable séparait sa conscience de l'état d'être. Il était unétranger, un apatride perdu sur un continent inconnu.

Était-il un voyageur solitaire, un pèlerin à la recherche du Saint-Graal, sans aucun guide spirituel pour le diriger sur ce sentier envahipar cette brume mystérieuse? Alors, il ferma les yeux. Mais, lesfermaient-ils réellement où bien était-ce cet inexplicable paysage quiétait plutôt envahi par les ténèbres? Il médita longtemps sur cettequestion.

Oui, c'est peut être cela, se dit-il.

Il referma les yeux et les rouvrit. Les mêmes ténèbres et lamême clarté diffuse était encore là.

Alors c'était bien réel, pensa-t-il. Mais avec quels yeux puisqu'iln'avait pas de corps, s'interrogea-t-il?

De son vivant, il avait toujours été très performant en méditationanalytique.

Pourquoi ne pas débuter par cette recherche, pensa-t-il?

C'est ainsi que débuta ce monologue avec l'intangible etl'impalpable de cette existence atemporelle. Du temps terrestre, il avaitun corps, avec des yeux, mais ne pouvais voir le monde invisible où ceque l'on appelait alors, l'au-delà. Maintenant, il n'avait plus de corps,donc plus de yeux, mais il voyait donc l'invisible, l'impalpable dumonde de l'au-delà.

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Ah, comme tout était si simple, s'exclama-t-il! Avec des yeux, jevois le visible mais pas l'invisible. Sans mes yeux, je vois l'invisiblemais pas le visible. Ainsi, ce n'est qu'une autre loi naturelle quis'applique ici, dans cet au-delà de nulle part.

Donc, je n'ai pas de corps, pensa-t-il. Donc, je n'ai pas de yeux mais je vois, affirma t-il.

Il regarda plus attentivement ce paysage flou et indécis. Ce cielqui n'en était pas un et cette clarté bleutée vaguement luminescente quiremplaçait les nuages, le ciel et le firmament étoilé.

Un paysage quasi abstrait était donc la réalité de ce monde, pensa-t-il?

Il discerna dans le lointain une forme plus sombre mais reflétantune plus grande saturation de couleur bleue que l'ensemble du paysage.Cette forme mouvante, douce et attirante était dans le haut de sonchamp de vision mais il ne pouvait dire ce que c'était.

Une illusion, une hallucination due à sa solitude, pensa-t-il.

Il avait l'impression qu'il était étendu sur un matelas d'ouate etde plume d'oie. Peut-être était-il couché et rêvait-il! Comment en êtresur quand on n'a plus de corps? Il se sentait exister mais d'une façonabstraite.

Subtilement, il percevait qu'il était renouvelé mais il ne pouvaitdire en quoi consistait ce renouveau. Il savait qu'il était différent et quecette différence était en lui et non hors de lui. Volontairement, il fit ensorte de ne pas penser. IL avait le pressentiment que quelque chosed'important allait se passer.

Il demeura immobile dans ce silence énigmatique. Ce grandsilence qui fait mal, qui faisait souffrir autant que la solitude. Silence etsolitude: deux frères jumeaux dans sa conscience d'existence, dans sonétat de veille.

Il reprit son monologue; Il y a le silence qui m'entoure, et le silence fait mal! Il y a semblant de ciel au-dessus de moi, et le ciel fait mal!

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Puisque j'ai mal et que je souffre, alors personne ne peut mourir,pensa-t-il! Je pense et cela augmente ma souffrance. Je pense à mon passé maisje ne parviens pas à me souvenir. Et cela fait très mal. Il y a des mots et il y a des souvenirs mais ce sont des mots-souvenirs qui appartiennent à un temps antérieur au mien. Et cela faittrès mal Personne ne meurt pensa t-il, et il ne savait si cela faisait mal ounon!

Il se rappelait maintenant ce qu'était le silence, cette notionoubliée des humains.

Maintenant, il ne souffrait plus. Un temps indéterminé s'écoula.Le silence était total. La notion de bruit et des paroles humaines n'étaitpas encore née. Ses pensées étaient silence.

En état d'extase, il attendait, mais quoi au juste?

La conscience de soi lui revint très doucement, très lentement. Ilmaudissait cette conscience qui remontait à la surface du lac si calmede cette extase, qu'aucune vague ne venait troubler. Un si grand calme.Une si grande sérénité. Simplement exister lui aurait suffit, pensa t-il,mais la pensée ne l'entendait pas ainsi.

Où suis-je se demanda t-il?

Maintenant il voulait réfléchir, il voulait savoir.

Il éprouva une forte émotion. La première depuis qu'il avaitrepris conscience de lui-même. Il poussa un cri. Un cri véritable etpuissant, libérant toutes ses émotions renfermées, ses craintes et sespeurs. Il éprouvait maintenant avec intensité la sensation qu'il étaitcouché et qu'il regardait ce ciel inconnu et bizarre.

Alors, il retrouva la mémoire, son identité, ses état-d'âmes.

Il avait crié son nom. Crié si fort que la mémoire lui étaitrevenue. Maintenant, il se rappelait tout. L'accident, l'hôpital, le film desa vie en panorama.

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Oui, il était bien mort. Maintenant, il en avait la certitude.

Vivre une autre existence… Être jugé, cela se pouvait-il? Je n'ai pas peur de la mort, se répéta t-il! Qui suis-je pensa t-il? Je ne suis qu'une conscience pensante, affirma t-il!

Il resta un moment fermé aux suggestions de son esprit pensant.Il les repoussa toutes, ne préférant pas poursuivre cette réflexion qui luidonnait le vertige. Cependant, le mouvement de sa pensée ne voulaitpas s'interrompre de peur de s'égarer.

Non, ne plus penser à cela. Je ne souffre pas. Je ne sens rien. Je me sens bien. Je suis à l'aise dans cet état cotonneux, sans crainte ni attachement. Peut-être reverrai-je un jour, ceux que j'ai aimé.

Il se raidit mentalement, bercé par le silence mais attentif à toutsigne sortant de l'ordinaire.

Soudain, il perçut une rumeur.

Un visage inconnu apparut penché près du sien. Un visage triste,un visage humain, mystérieux mais beau. Il n'en voyait qu'une partie.Les yeux étaient d'un bleu-azur éclatant, vifs et expressifs, ornés delong cils châtain. Le nez était bien proportionné et gracieux. La bouchepetite mais sensuelle avait un charme presque enfantin.

Soudain, il eut peur.

Était-ce un homme ou une femme?

L'étonnante créature se baissa et l'embrassa sur le front. A cetinstant précis, une mèche de cheveu parfumé effleura son visage et ilsursauta. Alors, il sut ce qui était l'évidence même.

Il était dans une grande pièce rempli de nombreuse personne.Toutes ces gens étaient sa famille, proche et éloigné. La personne qui

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l'avait embrassé sur le front était son amie Christine. Une amiespirituelle qu'il considérait comme une sœur et son guide spirituel.Probablement la personne qui l'avait le plus marqué dans sa dernièreincarnation terrestre. L'amour qu'il avait éprouvé pour Christine avaitété un amour purement spirituel d'une limpidité cristalline. Cet amouravait été comme un soleil dans sa vie morne et monotone. Son éclatéclipsait tout amour charnel tel la lueur vacillante d'une simple bougie.Cette rencontre qui l'avait tant marqué avait été pour lui comme uneaccalmie dans la tourmente de sa vie mondaine.

Il se leva et s'assit sur le couvert du cercueil entrouvert. Ilressentait qu'il avait un corps même s'il ne pouvait le voir. Il savait,c'est tout.

Comment cela est-il possible, se répétait-il? Ce que l'on nommait l'intuition, était-ce cela? Savoir et être persuadésans qu'aucune preuve ne puisse venir confirmer l'hypothèse.

Maintenant, c'était une certitude. Il avait un corps mais c'était uncorps mental très subtil. Il ressentait aussi que ce corps n'en était qu'unpassager. Ce corps intermédiaire lui serait enlevé par l'arrivé de la petitemort, cette deuxième mort pour le trépassé. Cela aussi il le savait. Unsouvenir imprécis de ses milliers de vies antérieures. Cela aussi il lesavait. Aucune incertitude ne planait dans son esprit car cela faisaitpartie d'un cheminement naturel. Cela avait été ainsi depuis très trèslongtemps. Tellement longtemps que la notion du temps perdait sonsens véritable.

Et pourtant, une certaine crainte demeurait malgré tout.

Quelle n'avait été sa surprise lorsqu'assit sur le cercueil, il avaitcontemplé avec effroi son corps immobile et sans vie, qu'ilreconnaissait à peine. Il en avait éprouvé un certain dédain et unegrande tristesse. Pourtant il avait toute les raisons du monde de s'enréjouir, puisque depuis que cette enveloppe charnelle l'avait quitté, il sesentait très léger, comme-ci on lui avait enlevé de ses épaules un poidsimmense, un immense carcan qui emprisonnait son esprit. Ce corps enparfaite santé l'instant précédant l'avait servi fidèlement pendantpresque cinquante ans. Maintenant, il était passé de vie à trépas,bêtement, stupidement, d'une manière impromptue. Une seconded'inattention, trop préoccupé par sa vie professionnelle, alors qu'il

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traversait la rue devant un camion en stationnement, lui avait valu cetterencontre funeste avec un autobus qui lui avait littéralement passé sur lebas du corps.

Il le savait pourtant qu'il était trop bonasse et gentils. Il nepouvait rien refuser aux autres. Il était trop timide, trop tendre etlorsqu'on jouait avec ses sentiments, son humanité, il devenait commeun roseau qui plie sous la tempête. Il ne pouvait résister. Alors, il cédaitet c'était ainsi qu'après un demi-siècle, il n'avait rien accumulé. Il avaittout donné. Il avait prêté beaucoup d'argent et avait tout perdu; ses amisdébiteurs et ses économies. Tous lui avaient passé sur le corps etavaient ambitionné sur sa bonté naturelle. Il était donc naturel que toutcela finit ainsi. Cet autobus rempli à pleine capacité qui lui avait broyétous les os du bas du corps lui était donc prédestiné. Parfois le destinmanifeste un humour noir qui dénote une grande connaissance du vécude la victime.

C'était bien ainsi, pensa-t-il!Peut être que maintenant il aura compris le message. Il ne puts'empêcher de penser que même dans l'au-delà, l'humour subsiste.

S'arrachant à ses réflexions, il fit avec son regard une vuepanoramique de la pièce où il se trouvait. Il reconnu ses frères et sœurs,ses cousins et cousines, ses tantes et oncles ainsi que d'autres personnesqu'il reconnaissait à peine. Son amie Christine serrait les mains de tousces gens et se préparait à quitter afin de se concentrer sur les prièresbouddhistes qu'elle entamerait ce soir même et qui se poursuivraientpour les prochain 49 jours, tel que préconisé dans le livre sacré, leBardo Thodol.

Il en fut très surpris!

Comment cela était-il possible, s'exclama t-il?

Il pouvait lire dans les pensées aussi clairement que dans unlivre. Même plus, car il ressentait les sentiments et les voyait même encouleurs, parfois flamboyantes. Il pouvait même constater si cesentiment provenait de la tête ou bien du cœur, ce qui faisait une trèsgrande différence pour juger de la sincérité de la personne.

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Il comprenait tout cela sans même l'avoir apprit. Il savait, c'étaittout!

Comme tout cela était merveilleux et étrange à la fois, se disait-il?

Il décida d'expérimenter ce nouveau talent. Aussi, il serapprocha de ses cousines Chantale et Rolande. Le simple fait devouloir lire leurs pensées, il était déjà en contact avec leurs mental. Cequ'il lisait en eux le fit sourire et le rendit légèrement triste. Rolande sedemandait si elle devait reporter la même robe qu'actuellement pour lasemaine prochaine, à l'occasion d'un baptême. Chantale pensait aurepas gargantuesque qu'elle consommerait à sa sortie du salon. Tout enpensant à cela, les deux cousines discutaient de la décoration criarde duSalon funéraire. Ceci devait être plus joyeux et ces rideaux devaientêtre d'une couleur plus neutre. Car, après tout, ne disait-on pas que lesmorts nous quittent pour un monde meilleur. En Espagne et sur leterritoire Basque, on fait un somptueux repas lors d'un enterrement eton y invite toute la parenté et amis. Tout le monde mange, bois desbons vins, rie et chantent à la gloire du disparu. Cela n'est-il pas plusnormal que ce morne et plat salon funéraire ou tout le monde s'ennuieet se demande s’ils doivent quitter maintenant ou bien attendre que lesautres quittent.

Hum!…comme c'est curieux. Comment peut-on penser une chose etdiscuter d'une autre? Monologue et commérage inutile, occasionné parla peur du silence que la plupart des gens ont, s'interrogea-t-il.

Il tourna son regard vers sa sœur cadette et ressentitimmédiatement une profonde tristesse. Elle était en grand désarroi dueà la perte d'un frère qui était aussi son ami. Ses pensées étaientembrouillées mais étaient d'une sincérité certaine. Il le savait et en étaittrès attristé. Il tenta de communiquer avec elle, par signe, vocalement etmême par la pensée. C'était parfaitement inutile. Elle ne le voyait pas,elle ne l'entendait pas. Malgré toute sa lucidité mentale et ses nouveauxpouvoirs supranormaux, il se sentait, faible et inutile.

Il était seul. Seul parmi toute cette foule. La grande solitude.Maintenant il en connaissait le goût amer et cette expérience lui pesaiténormément.

Seul, il était triste et rempli de lassitude. Alors, il supplia…

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Mon Dieu, mon Dieu, m'avez-vous abandonné? Écoutez-moiSeigneur, écoutez ma faible voix, mon murmure de détresse. Je suis seul dans ce monde, parmi tous ces gens. Je vois des chosesbien étranges et j’entends des choses encore plus étranges. Mon Dieu,répondez-moi…

Il se cacha le visage entre ses mains et il pria. Sa prière n'étaitqu'un faible murmure. Cela faisait tellement longtemps qu'il n'avaitprié. Il ne se rappelait plus les mots, il avait oublié. Malgré tout, il priade toutes ses forces avec ferveur. Il pria Dieu qu'il écoute sa supplique,qu'il voit son désarroi.

Silence.

Un silence pesant et presque palpable. Il n'obtint aucuneréponse. Alors, il sanglota.

Aidez-moi Seigneur. Aidez-moi car je suis perdu. Je ne sais que faire. Pourquoi tout cela?

Après un silence profond et austère:

Il y a une raison mais je ne peux pas te la dire. Tu dois te souvenir. Il y a un chemin, mais c'est toi qui dois le découvrir, lui répondit unepetite voix intérieure.

Il arrêta de sangloter.

Seigneur, Oh Seigneur, je ne sais plus que croire! Je ne sais plus à quoi penser! Est-ce cela la vie après la mort?L'après-vie. Pourquoi cette souffrance, cette douleur? Seigneur, j'ai peur.

Alors, l'intangible voix lui répondit:

Hier tu n'étais qu'un rêve1 Aujourd'hui, tu existe! Cela ne te suffit-ildonc pas? Continue ton pèlerinage, ne t'arrête pas! Tu dois voir et

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découvrir tant de choses encore. Tu es né et tu existe, ainsi je ne peuxrien faire pour toi.

La petite voix s'éteignit lentement telle la flamme vacillanted'une bougie dans la noirceur d'une vie.

Il avait honte. Il se sentait stupide d'avoir appelé

Il pensa:

Si je laisse des regrets derrière moi, j'aurai peur de mourir…et devivre. Le jour et la nuit ne sont-ils pas les facettes d'une seule et mêmeréalité, l'existence dans un monde de dualité? Sans nuit, que serait le jour? Rien. Que serait le zéro si les autres chiffres n'existaient pas? Rien, car ilsne seraient. Si l'humanité et les créatures vivantes n'existaient pas, que seraitDieu? Une abstraction!

Il s'évada de ses pensées métaphysiques car un nouveau sentimentvenait de naître en lui. Tel le vent qui s'élève, une vague de colères'élevait du plus profond de son être. Il s'efforça de rester calme etserein.

Tout près de lui, deux personnes discutaient. C'étaient des amisd'enfance qu'il considérait comme de très bons copains. Le sujet deconversation était sa propre personne.

Alors que Jean demandait à Paul si il avait vu les expositions depeinture du décédé, Paul lui répondait une chose et en pensait une autre.

L'hypocrisie dans ses meilleurs moments.

Il sentait que Paul était malade de jalousie envers son talentnaturel d'artiste et qu'il aurait tellement aimé faire ce que lui avait fait;dessiner, peindre, sculpter la pierre ou le métal, exposer ses œuvresd'arts.

Paul pensait maintenant que, s’il avait été en possession d'unpareil talent il ne l'aurait pas gaspillé ainsi d'une manière aussi débile. Il

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affirmait tout haut, nul besoin de vivre pauvrement quant tu possède untalent si rare !…

Peut-être avait-il raison, malgré tout, pensa-t-il.

Mais, ce qu'il n'aimait pas c'est que lui, Paul, se permettait de lejuger si sommairement. Qui était-il pour prétendre avoir la capacitéd'évaluer l'ensemble d'une vie humaine et de décréter par la suite unjugement de bien ou de mal? Ne savait-il donc pas que le Bien et le Malsont inséparablement Un! Que le bien ne peut être conçu à part le mal?Qu'un jugement impartial ne peut être émis sans au préalable avoirexpérimenté les deux aspects du problème, c'est-à-dire sa dualité? Il enest ainsi dans tout le monde terrestre.

Sans le Mal nous ne pouvons appréhender ce qu'est le Bien!Sans le froid, la chaleur ne peut exister. Sans particules négatives,aucun atome positif ne peut même se manifester. La Loi suprême del'Humanité, supérieure et Divine, c'est son Unité, son inséparabilité,malgré la diversité de sa multitude. L'ignorance de cette Loi pourtant sisimple est la racine de toute souffrance humaine et de sa déchéance. Lebouddhisme et l'hindouisme appellent cette ignorance Avidya. Le grandsage hindou Sri Ramana Mahârshi disait à ce propos " de l'Un,procèdent toutes les dualités et dans l'Un, toutes elles se dissolventdans la non-différenciation. Cessant d'exister, le yogi les comprendcomme des fantaisies de l'imagination, des feux follets de l'esprit, desenfants de la Mâyâ, déesse de l'illusion".

Les philosophies antiques tel le tantrisme ont compris que lavérité ultime n'est ni ceci, ni cela, mais l'Unité dans laquelle tous lesopposés tel le Samsâra et le Nirvâna, le bien et le mal, seronttranscendés. Le plus petit caillou ramassé sur une rive et jeté un peuplus loin dans la rivière affectera immanquablement le centre de gravitéde la Terre. Ceci est la loi de l'Unicité de toutes choses.

Tant que la société humaine ne verra pas plus loin que lesapparences et le superficiel, elle jugera selon les apparencesinconciliables de la morale, du Bien et du Mal, et elle exclura le fait quetous les êtres vivants sont membres de la même grande famille. Elleoubliera qu'un châtiment subi par un de ses membres affectera tôt outard la famille humaine toute entière.

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Le bien et le mal sont les racines d'un arbre Unique qui n'a qu'unseul tronc. La sève s'écoule indistinctement parmi ses branches et sesracines et cette semence unique produira à maturité des fruits. Ceci estla loi naturelle qui se passe des opinions ou des interférenceshumaines. C'est ainsi, qu'au moyen du bien et du mal, les fruits de lacompréhension et de la sagesse auront ainsi été acquis.

Un bateau est nécessaire afin de traverser la rivière tumultueusede l'existence terrestre. Mais, lorsque l'autre rive est atteinte, autant lebateau de l'intention que les rames du bien et du mal ne sont plusnécessaires.

A cet instant précis, un éclair d'allumette le fit sortir de sa profondeméditation.

Comme c'était étrange. Il sentait le souffre de l'allumette avecune telle intensité qu'il semblait toucher le cœur de la flamme. Sonodorat s'était multiplié par cent. Il en était certain.

Tout à coup, son attention se dirigea vers le bout du corridor àl'extérieur de la salle d'exposition. C'était une vive discussion entrehommes. Il était question de pêche, de lacs et de rivières polluées àcause d'un fabriquant d'aluminium. C'était son oncle Joseph avec sescousins du Lac Saint-Jean, une région de villégiature réputée pour sonterritoire de chasse et pêche. Leurs pensées et le sujet de conversationn’étaient nullement celle de son décès. Il était supplanté par les truiteset l'attirail de pêche.

Cela le rendit un peu triste mais il n'y porta aucune attentionparticulière. Ce genre de conversation dans sa famille ne le surprenaitguère. Il s'y était amplement habitué de son vivant. Il ne se passaitaucune réunion familiale sans que cette journée ne se termine par unevive discussion sur la chasse ou la pêche. Aucun sujet de conversationtel politique, religion, philosophie ou sport n'était digne devant lesexploits de ces disciples de Nemrod. Il en était ainsi dans sa famille,depuis aussi longtemps qu'il pouvait s'en rappeler.

Alors même qu'il interceptait cette conversation, une autre choseétrange était arrivé. Il avait clairement compris toutes ces paroles mêmes'il était très éloigné d'eux. L'ouïe aussi s'était multipliée par dix. Cela ilen était convaincu et ça le fascinait.

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Lorsque les yogis hindous parlaient de siddhis, ces pouvoirsparanormaux découlant de la pratique du yoga, sans doute faisaient-ilsallusions à ce qui était entrain de lui arriver naturellement, due à sanouvelle condition de trépassé.

Une immense tristesse envahie son cœur, telle une douchefroide sous les tropiques. Cela venait de la toilette des femmes. Avecson extra-vision nouvellement acquise, il vit que c'était sa petite sœurqui sanglotait dans la solitude de cet endroit privé. Cela le troublaénormément. Il aurait aimé lui dire qu'il l'aimait tendrement mais celaétait impossible. Découvrirait-il un jour le moyen de communiqueravec le monde des vivants. Pendant son séjour sur Terre il avait assistéà des réunions spirites où l'on prétendait communiquer avec les morts.Il n'avait jamais été réellement convaincu. En son temps, le channelingétait très populaire. Il avait écouté et lue de nombreux livres traitant desmessages de trépassés. Ils les avaient tous trouvés banals et communs.Aucune révélation extraordinaire n'avait découlé de cescommunications entre ces supposés décédés. Juste des banalespréoccupations humaines avec son cortège de future rencontresamoureuses, un nouvel emploi ou bien une nouvelle entrée d'argent. Ensomme, rien de plus que ce qu'annonce la plupart des horoscopes quel'on retrouve dans tous les grands journaux quotidiens. Il ne pouvait serésoudre à croire des choses aussi futiles même si les adeptes de cesnouvelles croyances augmentaient de jour en jour.

Croire à ces banalités métaphysiques était une honte pourl'intelligence humaine, se disait-il.

Il lui semblait que l'après-vie, l'énigme de la vie après la mort,devait être beaucoup plus sérieuse que ces banales préoccupationssociales. Il en avait eu la certitude de son vivant. Maintenant, il en avaitla preuve. Depuis qu'il était décédé, il n'avait cessé d'aller de surprise ensurprise et le mystère était loin d'être résolu. Il ne savait où il allait ni cequ'il allait devenir. Était-il seul dans cet étrange univers? Nulle réponsene se profilait à l'horizon.

Il soupira longuement, un véritable soupir d'outre-tombe, pensa t-il.

Une brise glaciale le parcourut.

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Il détourna la tête, cherchant d'où provenait cette brise.

Oh! s'exclama t-il.Quel ne fut pas sa surprise de se retrouver face à face avec son

frère Gaël, déjà décédé depuis plusieurs années.

Que fais-tu ici, lui demanda-t-il? Et toi, lui répondit-il! Moi, s'exclama-t-il! Je suis mort. Cela je le sais, lui répondit Gaël. Tu le sais depuis quand, lui demanda celui-ci? Depuis que tu es mort, bien sur! A l'instant même où tu trépassais, jele savais. Ne te rappelles-tu donc pas tes propres réflexions sur la loi del'inséparabilité, de l'Unicité? Si nous sommes tous Un malgré lamultitude, alors je vis tout ce que tu vis et ressens, n'est-ce-pas? Oui, peut-être. Je ne voyais pas cela comme ca. Mais, j'y pense.Gaël, tu n'as pas répondu à ma question. Pourquoi est tu ici? Parce que tu m'as appelé. Mais, mais, je ne t'ai jamais appelé, lui répondit-il. Si, tu m'as appelé, répondit Gaël. Quand?..Comment? Tu ne te rappelle pas? Non !Tu te demandais "suis-je seul dans cet univers?" Et alors! Eh bien, me voilà! …Je suis la réponse, lui dit-il.

Dans cet univers étrange, ce qu'il pensait devenait la réalité àl'instant même où le mouvement volitif de la pensée était émis. C'étaitce pouvoir de création qui avait été la perte de l'homme lorsqu'il s'étaitincarné dans la matière dense de la Terre. C'est ce qui est expliqué dansl'ancien testament lorsqu'est décrit la chute de l'homme et le péchéoriginel.

Gaël avait ressenti cet appel et était venu. Il avait un peu hésitéavant de se faire voir. Trop d'émotions négatives engourdissaientencore l'esprit du nouveau voyageur. Il avait préféré attendre dansl'ombre que la paix et la sérénité reviennent. Cette réponse à l'appel àl'aide pouvait être une cause de trouble additionnel pour son esprit si le

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moment n'était pas propice à cela. Aussi, il avait attendu l'instantfavorable. Son intuition de trépassé ne pouvait l'induire en erreur.

Mais tu es mort, lui dit-il! Non, lui répondit Gaël! Si!…

Le bouddhisme

La mort telle que tu l’entends n'existe pas, lui répondit Gaël. La mortn'est que l'ombre du soleil.

Sans cette ombre, le soleil ne peut être. Chaque nuit, alors que tut'endormais, n'étais-tu pas mort de l'état de veille. Pourtant, chaquematin tu t'éveillais de cette mort avec tous tes souvenirs du jourprécédent. Pour ce qui est de la mort suivant la fin de la vie, ce n'estqu'un sommeil réparateur un peu plus long que celui précédent. Si àchaque renaissance, la plupart des gens ont oublié leur vie antérieure,cela est bien ainsi, car il serait encore plus souffrant d'entamer unenouvelle existence en se rappelant toutes les souffrances précédente àcelle-ci. Rappelez-toi de la douleur de la naissance, de celle de lamaladie, de la vieillesse et de la mort affreuse dans des douleursindicibles. Imagine un peu si la personne qui se rappelait toutes sessouffrances passées savait pertinemment qu'elle devait repasser par lesmêmes épreuves et subir la même douleur. Comment entamerait-ellecette nouvelle vie? Le découragement et les tentations de suicidesseraient beaucoup plus grandes. Ainsi, l'oubli et la perte des souvenirspassés n'est-elle pas une grande bénédiction pour tous. Seuls les êtreséveillés tel les Bouddhas se rappellent toutes leurs vies passées dansleurs moindres détails. Ceci parce qu'ils ont vaincu le mirage del'illusion et ont ainsi triomphé de l'ignorance qui est la cause de toutessouffrances.

Deux-mille-cinq-cent-ans passés, le Prince SiddhahartaGotama, surnommé le Bouddha Sâkyamuni, suite à son éveil et à sonillumination sous l'arbre de la bodhi décrit à ses disciples ses cinq-centsdernières incarnation dans les moindres détails. Lorsqu'une personneatteint la libération, elle peut assimiler et comprendre le sens de toutesses souffrances endurées lors des nombreuses existences dans le cycle

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des naissances que l'on appelle le Samsara. C'est pourquoi tous les êtreséveillés se rappellent leurs vies passées.

Pendant mon sommeil, je rêvais. Était-ce une fenêtre ouverte surl'univers de la mort, lui demanda-t-il? Chaque nuit, lorsqu'il dort, l'homme meurt de son état de veille etpourtant il n'est pas mort. Généralement, ses rêves de la nuit sont issusdu produit de l'état de veille du jour précédent. Le contenu du rêve de lamort n'est rien de moins que le produit de l'état de veille de la vieprécédente. La vie et la mort sont également des états de rêve faisantpartie de l'existence cyclique et sont totalement illusoires. Mort ouvivant, l'homme ordinaire dort du sommeil de l'ignorance et pourtant, leseul but de l'existence est de transcender cette dualité afin d'atteindrel'éveil et obtenir ainsi la libération de l'obligation des renaissances.

Gaël, de ton vivant tu ne t'es jamais intéressé au bouddhisme.Comment se fait-il que tu en connaisses autant sur le sujet? Tu ne te rappelle pas, mais de ton vivant, j'avais remarqué ton intérêtpour cette philosophie. Je ne te l'avais pas dit, mais je m'étais procuréun livre d'introduction sur le bouddhisme et c'est avec passion que j'aientrepris des études sur cette science de l'esprit et du mental atemporel. Pourquoi ne m'en as-tu jamais parlé, lui demanda-t-il? J'en avais l'intention mais je n'en ai pas eu le temps. Tu t'en souvienssûrement! J'étais très occupé avec mon travail, avec la compétitionsociale, avec le succès économique de mon entreprise de promotionimmobilière. Trop occupé me semble-t-il! Actuellement je sais, j'aigaspillé ma vie à tenter de la gagner. Prendre le temps de …c'est un choix que chacun fait, lui répondit-il.

Un vague sentiment de tristesse déferla sur son cœur. Gaël luirépondit qu'il avait bien raison de dire cela. Toute la vie incarnée n'étaitqu'une succession de choix multiples. Des choix heureux et parfois trèsmalheureux. Mais comment découvrir ceux qu'il devait prendre. De sonvivant, il ne possédait aucun pouvoir de clairvoyance. Cependant, il luifit remarquer que le Bouddha lui-même était un prince avec desprivilèges royaux, pourtant, il avait renoncé à tout cela pour suivre savoie et c'est ainsi qu'il était devenu un moine-errant quêtant pour sasubsistance.

Tu as peut être raison mais, parfois il s'avère difficile et mêmeimpossible de faire autrement. Les préoccupations pécuniaires et

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sociales passent souvent avant l’interrogation métaphysiqueexistentielle et la religion, lui répondit Gaël.

Il ne répondit pas à cette affirmation, mais ajouta; Tu mentionne le bouddhisme comme étant une religion. Ceci n'estpas accepté par tous les bouddhistes car cela dépend en partie à quelleécole de pensée on s'identifie. Tu sais qu'il existe quatre grandes écolesde pensée dans le bouddhisme tibétain. Certaines acceptent l'autorité duDalaï Lama, d'autres, seulement l'autorité du Panchen Lama et certainesautres, l'autorité du Bouddha historique Sâkyamuni.

Il y a l'enseignement du petit véhicule nommé Hinayana et celuidu grand véhicule Mahayana. Il y a l'enseignement ésotérique dutantrisme, le Vajrayana. Il y a aussi un autre enseignement plus secretenseigné seulement oralement de Maître à disciple, celui du Dzogchen.

Parmi toutes ces écoles de pensée et ces enseignements, un seulpoint les rassemblent tous; le message unique du Bouddha Sâkyamuniqui stipule que seul nos efforts personnel vont nous permettred'atteindre l'éveil et la libération parce que le bouddhisme est avant toutune science de l'étude mentale.

Cette philosophie, car s'en est une, est très éloigné des religionstraditionnelles axées sur le Sauveur qui efface toutes nos fautes, ouvrantainsi, toutes grandes les portes du Paradis pour tous ceux qui ont unegrande dévotion envers cette religion. Toutes ces religions sont ainsienfermées dans un dogmatisme très profond qu'on ne peut absolumentpas mettre en doute, sous peine d'être exclu du paradis et finir ainsibrûlé par les flammes de l'enfer des excommuniés.

Dans le bouddhisme, le Bouddha historique lui-mêmerecommandait à ses disciples, de ne rien croire aveuglément et demettre en doute ses propres enseignements. Il leur recommandait aussid'expérimenter par la pratique ses enseignements et de se convaincreainsi de leur valeur par les résultats ainsi obtenus. Aucune foi aveuglen'enferme la pensée bouddhiste qui a prouvé depuis deux millénaires sacapacité à s'adapter et même à se réformer par elle-même.

Gaël resta silencieux et médita sur cela…

Il reforma sa question autrement:

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Comment as-tu appris autant sur le bouddhisme avec un simple livred'introduction? Je n'ai pas seulement appris avec ce livre, lui répondit celui-ci. J'ai beaucoup appris ici-même, beaucoup plus que lors de madernière incarnation sur Terre. Autant que je sache, les nouveauxpouvoirs que nous avons actuellement nous apportent certainsavantages.

Alors, il lui expliqua tout ce qu'il ignorait sur ce sujet. Il luipermit de comprendre qu'il pouvait se déplacer à la vitesse de lavolonté. Qu'il avait aussi accès pour fin d'étude à la bibliothèqueAkashique qui contenait tout le savoir de l'humanité depuis des temps silointains que celui-ci se perdait dans la nuit préhistorique. En plus, il luiexpliqua que bientôt il se rappellerait plusieurs de ses incarnationspassées et que grâce à cela, il retrouverait peut-être les souvenirs d'unevie où il aurait expérimenté la pratique bouddhique. C'étaiteffectivement ce qui lui était arrivé. C'est pourquoi, il avait une assezbonne connaissance du bouddhisme. Mais, il comprenait aussi qu'ilignorait encore beaucoup de choses et qu'il y en avait autant qu'iln'arrivait pas à comprendre faute de l'avoir expérimenté de son vivant.Cela, il l'avait ressenti fortement et il en avait été très peiné.

Maintenant, c'était trop tard. Ces choses ne pouvaient êtreexpérimentées que de son vivant, c'est à dire lors d'une prochaineincarnation sur un plan humain. Aucune autre alternative n'étaitpermise.

Il ressentait un peu de culpabilité car il avait alors manqué lachance d'acquérir le joyau qui exauce tous les souhaits, celui de laconnaissance de la Nature de son esprit et de la compassion inhérente àcette connaissance. Il se promettait bien d'y remédier à sa prochainerenaissance humaine.

Il se sentait un peu dépassé. Il y avait là indubitablement,matière à réflexion. Mais, tout ceci était trop nouveau et méconnu delui.

Il y eut un profond silence que Gaël rompit après quelquesminutes. Commences-tu maintenant à comprendre ce qui t'arrive et tout ceque cela implique?

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Il ne savait trop quoi répondre.

Il était exact de dire qu'il avait perçu l'étrangeté de l'univers danslequel il se trouvait. Un monde qui touchait à l'irréel, à l'inconcevableoù l'on sentait les présences comme des forces spirituelles, où l'oncomprenait les pensées formulées sans phrases ni mots. Un universfictif, où tout existait en ayant perdu l'apparence d'être. Et, tous cesnouveaux pouvoirs qu'il avait maintenant, ces siddhis comme ils disent,tout cela était encore mystérieux pour lui. Le terme de fabuleux était àpeine suffisant pour donner une notion même très vague de ce que celareprésentait réellement.

Cela était difficile à admettre et pourtant, tout depuis le débutl'incitait à le faire.

Il ne serait jamais parvenu à une compréhension mêmefragmentaire de ce monde si étrange sans les quelques explicationssommaires que Gaël lui avait fournies.

Il le savait maintenant. Tout cela ouvrait peu à peu un chemindans son esprit tourmenté. Le passage de l'ignorance à la vérité toutenue. Ce devait être cela la réponse, mais il en doutait encore. Sa tête luifaisait mal à force de réfléchir et de chercher une réponse à l'intangibleet l'insondable.

Il se senti las et déprimé. Non, ce n'était pas ça, pensa-t-il!

Il fit un effort pour chasser ses pensées.

Il n'y réussit pas. Ce n'était, bien sûr, qu'une idée né de la peur,mais plus que la peur, c'était surtout un sentiment d'impuissance. Puis,si lentement que c'était à peine perceptible, son esprit s'extirpa de saméditation et revint au salon de l'entreprise funèbre.

Il échangea un regard avec Gaël. Ils eurent une mêmeexclamation de stupeur. Là, devant eux, se tenait une toute jeune filletted'à peine cinq ans, en position debout, ses deux petits bras bien appuyéssur ses hanches, ayant l'air grave, remplie de défi. C'était sa filleuleAnne, la fille de son frère Régiste. Pas plus haute que trois pieds, ses

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grands yeux bleus fixaient les nouveaux arrivés d'un air grave, alternantde l'un à l'autre.

Maman, maman, oncle Gaël est là avec oncle Roland, s'écria-t-elle!

L'instant de surprise passé, Gaël ri de bon cœur. Alors, ilexpliqua que jusqu'à l'âge d'environ cinq ans, cela variant selon chacun,les enfants vivent à cheval sur deux mondes. L'ancien et le nouveau.Ceci est une période de transition entre l'ancien et le nouveau monde.Partout dans le monde physique nous retrouvons cette loi de transition;le crépuscule entre le jour et la nuit, le tiède entre le chaud et le froid, leneutre entre le positif et le négatif, etc. La loi de l'évolution graduelleest graduelle et non brutale. C'est pourquoi, la plupart des enfants enbas âge vivent le monde merveilleux des amis de jeux invisibles,appartenant à un autre monde, une autre vibration de la réalité. Mêmeles animaux en bas âge vivent la même expérience. Cela fait partie del'évolution naturelle.

Alors, suite à ces révélations, il se détendit complètement.Regardant autour de lui, il vit tous les gens se diriger vers la porte desortie. C'était l'heure de la fermeture du salon funéraire. Il entrevit unedernière fois sa petite nièce qui gambadait et sa mère qui la tenaitfermement par la main. Elle continuait, tout en marchant, à jeter desregards furtifs vers l'arrière, espérant entrevoir oncle Gaël. Il lisait dansses pensées, qui étaient curieusement beaucoup plus claires que cellesd'un adulte. On aurait-dit, telle une onde de radio, qu'il y avait moins deparasites et de distorsion dans l'émission de l'onde cérébrale.

Un grand silence se fit. Le salon était maintenant vide et sadépouille avait retrouvé la sérénité du silence hors du mondain. Cesilence n'était ni lourd, ni pesant. Il était au contraire, léger, presquepétillant, comme un bon champagne. C'est avec délice qu'il savourait cesilence de félicité et de paix.

Sa réflexion-détente fut interrompue par Gaël qui lui demandade l'accompagner dans la pièce principale, celle où était exposée sadépouille.

Sitôt demandé, sitôt fait. C'est ça la vitesse de la pensée, se dit-il. Oh, s'exclama-t-il!

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Les disparus

La pièce était pleine de gens de tout âge et d'époque différente.C'est avec stupeur et consternation qu'il reconnut tous ces gens.

Il y avait là, sa mère, son père, sa marraine et son parrain, satante Alice et son oncle Joseph, son oncle Roger, son ami François ainsique plusieurs autres personnes qu'il connaissait à peine. Tous ces gensétaient décédés depuis très longtemps.

Il éprouva un vertige à la vue de ceux-ci et il eut peur. Ils'efforça de maîtriser sa peur de l'inconnu, de l'inconcevable.

Sa mère s'approcha de lui et l'embrassa tendrement.

Comment vas-tu? Bien, peut être… je ne sais pas. Je ne suis pas encore certain quetout ceci est bien réel! Tu n'es pas entrain de rêver, Ceci est bien réel. Ce que tu vois, tuentends et ressent en ce moment est la réalité actuelle, lui répondit samère. Une réalité faite de la substance du rêve avec rien de palpable ni detangible! Est-ce bien cela le réel, lui demanda-t-il? C'est toujours la réalité, lui répondit sa mère. Ce sont les gens qui neréussissent pas à la transformer en quelque chose de plus vrai qui faittoute la différence!

Alors, Gaël reprit la parole; Nous sommes toujours nous-mêmes qui jouons à vivre. Noussommes des milliards d'hommes, de femmes et d'enfants qui sont tousdes personnages du même jeu universel sur un échiquier Unique. Lesanciens hindous Aryens appelaient cela, la Lilas, le grand jeu cosmique. Oui, un jeu étrange et cruel, reprit son père. Certains jouent à êtrelibres, d'autres à être prisonniers, d'autres à aimer ou à haïr. Plusieurs àadorer Dieu, Allah, Jéhovah où même leur propre corps. Tout est un jeu, reprit sa mère. Notre haine et notre amour, nosprières et nos larmes. Un jeu qui dure depuis tellement longtemps qu'ilest impossible de se souvenir du commencement. Je me souviens, lui répondit celui-ci. Je me rappelle certaines choseset j'en devine d'autres, mais je ne veux pas savoir de quoi il s'agit.

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Et pourtant, tu devras te rappeler, ajouta celle-ci. Dans le corps del'homme, se reflète toute la vérité de l'univers, toute la puissance del'infini. Il y a aussi le rêve et la réalité, l'être et le non-être. Penses-ymaintenant, car sans cela, il sera trop tard et tu devras te diriger versune nouvelle naissance. Je ne sais pas, lui dis-t-il. Je le sais peut être mais je ne m'ensouviens pas. Il y a tant de brume et d'incompréhension qui perduredans mon esprit.

Il regarda intensément son père et sa mère et il eut envie depleurer. IL se rappelait surtout sa mère et son décès prématuré par lesuicide. Elle avait alors quarante-ans. Il s'en souvenait comme si c'étaithier. Lorsqu'il avait appris la nouvelle, cela avait été un choc terriblepour lui,. C'était comme si toutes les cellules de son cerveau avaientimplosées subitement. Alors, dans un accès de rage incontrôlé, il avaittout cassé ce qui était près de lui et il avait pleuré, pleuré…

Pourquoi, pourquoi, s'était-il demandé?

C'était si loin tout ça. Trente-six ans déjà, et pourtant, il s'enrappelait comme si c’était hier. Cette tache indélébile avait marqué samémoire au fer rouge du permanent. Sans doute qu'il en avait été ainsipour tous les membres de sa propre famille.

Je sais ce que tu pense, lui dit celle-ci. Donne-moi la main et tuverras comment tout cela s'est véritablement passé.

Sa mère lui prit tendrement la main et à son contact, toutl'environnement disparut. Le salon, sa parenté décédée et même samère. Pendant un bref instant, l'équivalent d'un simple claquement dedoigt, il fut envahi par les ténèbres. Il se sentit tombé et fut pris devertige. Tout à coup, un voile se déchira et il se retrouva dans unlogement vieillot mais propre. Le logement se trouvait au deuxièmeétage d'une petite maison blanche. Il regarda la pièce où il était. C'étaitun petit salon qui communiquait avec la cuisine. On entrevoyait uncorridor où se trouvait une vieille fournaise murale au gaz propane.C'était un vieux modèle qui ne se fabrique plus de nos jours. Il y avaitaussi un escalier de bois qui conduisait au grenier où deux chambres àcoucher étaient aménagées. Il y avait aussi une autre chambre au boutdu couloir près de la cuisine. C'était la chambre de sa mère. Maintenant,

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il se rappelait de cet endroit. C'était le dernier logement que sa mèreavait habité avant son tragique décès.

Il sentit ses muscles se crisper au niveau de l'estomac. Il étaittrès troublé car, toutes les émotions qu'il avait vécues lors du décès desa mère remontaient à la surface de sa conscience. Cela lui était trèspénible de devoir revivre tout cela mais il n'avait, semble-t-il pas lechoix. C'est à cet instant précis qu'il vit sa mère pénétrer dans lelogement par la porte d'entrée principale. Elle revenait de l'épicerie etelle transportait quelques vivres dont elle avait besoin pour faire leprochain repas. Elle avait encore quatre enfants à sa charge et ceux-cireviendrait bientôt de l'école.

Elle déposa le sac d'épicerie sur l'étagère de la cuisine et enlevason vieux paletot tout usé. Elle déposa celui-ci sur le dossier de lachaise et alla s'asseoir dans sa chaise berceuse disposée près d'unefenêtre situé dans son petit salon. On pouvait, de cet emplacement,avoir une vue panoramique sur la petite rue tranquille où elledemeurait. Tout en regardant par la fenêtre, elle voyait dehors mais sonregard portait profondément à l'intérieur d'elle-même. Ses yeuxdistinguaient à peine ce qui se passait dans la rue.

Il pouvait lire très clairement dans ses pensées et il y voyait, unprofond découragement, une tristesse et une lassitude envers la viequ'elle avait menée depuis quarante ans. Elle se disait intérieurementque, depuis qu'elle avait déménagé de Montréal à Moncton au NouveauBrunswick, elle n'avait subi que des déboires de toutes sortes. Perte derevenu, son nouveau concubin l'avait quitté pour une autre femme, ellen’avait plus d'amie à qui se confier et ses grands enfants étaient loind'elle, au Québec. Tous ces malheurs nouvellement arrivés sebousculaient dans son esprit profondément troublé.

Elle s'était mariée à dix-neuf ans avec un homme âgé de trenteans. Tous l'avaient critiquée pour ce choix prématuré. Elle voulait leurprouver qu'ils avaient eu tort de penser ainsi. Cependant, aujourd'huielle savait.

Elle savait qu'elle n'avait pas fait le bon choix. Son mari n'avaitrien d'un homme tendre et affectueux. Il était de nature renfermé, rustre,brutal et aucun dialogue constructif n'était possible dans ce coupleperpétuellement en chicane. Il lui avait donné beaucoup de beaux

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enfants mais c'était tout. Il n'avait jamais réellement assumé son rôle depère. Au fil des ans, il était devenu alcoolique et colérique. Il avait ainsiacquis tous les défauts inhérents à l'alcoolisme; égoïsme, menteurmanipulateur, jaloux et irresponsable. Chaque fois qu'il était en étatd'ébriété, il refusait sa paternité et affirmait même devant ses enfantsque ceux-ci n'était pas de lui et que leur mère était une putain.Désemparé, elle pensait alors qu'il était un vrai salopard et elle ne segênait pas pour le lui dire. Elle était petite mais de constitution trèsrobuste, aussi les coups qu'il lui donnait ne l’avaient nullementtraumatisé. Un jour où il avait fait preuve de brutalité envers elle, elles'était révoltée et avait tenté de lui crever un œil avec une paire deciseau. Il s'en était fallu de peu. Aussi, cela l'avait complètementdégrisé. Dans l'altercation elle avait eu un œil noirci mais lui avait été sitraumatisé que plus jamais il ne la battit. En ces temps là, il étaitaccepté socialement que les maris battent leurs épouses une fois detemps en temps et il avait été très surpris par la révolte de celle-ci.

Quatre enfants en bas âges étaient les témoins impuissants deces drames familiaux et pendant ces altercations, tremblant de peurpour leur mère et eux-mêmes, ils se cachaient sous leurs lits, attendantla fin de l'orage. Ces conflits entre les parents qui étaient leur modèled'apprentissage de la vie sociale les marqueraient à jamais du sceaux dela famille dysfonctionnelle et toutes leurs vies ils auraient à en payer leprix. Au fil des ans, leur père les abandonnerait à leur sort, sans aucuneautre ressource que celle de la débrouillardise de leur mère ainsi quecelle de certains enfants. Acceptant très mal cette situation sociale et lesjours où il avait faim, due au manque de ressource de sa mère, Rolandse révolta précocement à l'âge de six ans et se mit à prendre ce qui luiétait interdit normalement.

Le plus proche voisin possédait des pommiers et il adorait lestartes aux pommes que sa mère lui cuisinait. Aussi, son premier larcinfut les pommes du voisin. Un plein sac en papier brun de cinq livres. Ilavait bien tenté d'apprivoiser son voisin pour cueillir ces belles pommesrouges prêtes à la consommation, mais celui-ci avait opposé un refuscatégorique. Il s'était donc fait justice. Sa mère l'avait sermonné de sonpetit coté religieux, lui ayant fait promettre de ne plus recommencerpuis elle avait cuisiné de succulente tarte aux pommes fraîche. Toute lapetite famille s'était régalée et il en était très fier. Il avait contribué auxbien être de tous et cela l'avait très impressionné. Jamais plus iln'oublierait. Toute sa vie, il tenterait d'aider ceux dans le besoin et peut

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importe la gravité du crime, celui-ci se justifierait par le besoin qu'ilcomblerait et la justice équitable qu'il rendrait.

Un peu plus tard, pendant les vacances scolaires, il avait étéengagé par un fermier local pour planter des graines manuellement dansun champ labouré. Salaire: quinze cent de l'heure. C'est ainsi qu'il fit ladécouverte de l'agriculture et où il vit qu'il pouvait se procurer tous leslégumes dont la famille avait un criant besoin. Il avait d'abord débutépar des petites quantités. Sa mère l'avait encore sermonné et elle avaitfait pour souper le plus beaux bouillis aux légumes qu'il n'avaitconsommés depuis très longtemps. Tous s'étaient régalés et avaientmangé à leurs faims, chose qui n'était pas coutume dans cette famille. Ilen avait été très fier. Par après, ses deux autres frères s'étaient joints àlui pour ses excursions agricoles. Gaël qui aimait bien jouer aux cow-boys et aux indiens, lui avait montré une caverne qu'il avait découvert.Le fond de cette caverne se terminait en arête où le plancher étaitcouvert de glace même en été. Ce réfrigérateur naturel lui permis deconserver les légumes jusqu'à la fin de l'automne. Nos joyeux luronspurent ainsi collecter une plus grande quantité de légume ainsi qu'unplus grand choix. Toutes les terres cultivées environnantes furent doncmise à contribution. Leur mère ne les critiquait plus. Elle se contentaitde faire de merveilleux repas.

C'est alors, que leur père qui était encore de retour décida dedéménager à Chicoutimi, la plus grande ville de la région du Saguenay.L'histoire de la cueillette dans les champs se termina là. Tout étaitmaintenant trop éloigné de la maison et cette grande ville regorgeait dedécouverte à faire. En arrière de la maison, il y avait une gare de triagepour chemin de fer. Il découvrit qu'en coupant le sceau sécuritaire de laporte d'un wagon, une véritable caverne d'Ali Baba se dévoilait à leursyeux éblouis. Tous ce dont ils avaient rêvé se trouvaient là dans cestrains de marchandises; fruits, légumes, cannage, chocolat, lait enpoudre, spaghetti en boîte, bonbons de toute sorte, papier pour dessiner,etc. Un jour, ils avaient même découvert un plein wagon de crèmeglacé avec des contenants immenses, conçu pour les commerçants. Ilsen avaient tellement mangé que nos trois Mousquetaires en avaient étémalade. Ils en avaient donné à tous les enfants du coin et était ainsidevenu très populaire dans la région. Ils se firent ainsi beaucoup d'amisgrâce à ces distributions gratuites. Leur estime d'eux-mêmes s'élevad'un cran. Après la période des trains, ils décidèrent de s'attaquer auxmaisons privés sur les conseils d'un copain qui possédait des

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informations confidentielles. Les résidents, un oncle de celui-ci, étaitparti passé l'hiver en Floride. C'est ainsi que le trio se retrouva avec uneradio transistor, un phonographe, des livres, des bibelots, etc.…Ainsis'écoulait les journées de nos trois citadins nouvellement arrivés. Et, cequi devait arriver, arriva. Un jour, les trois frères se retrouvèrent enprison. Après avoir remis le matériel et payé une amende, ceux-cifurent libérés. Deux des frères décrochèrent immédiatement, mais ce nefut pas le cas de Roland. Il persista dans cette voie et se retrouva denouveau en prison. Il venait d'avoir neuf ans. Afin de le domptercomme il disait, le Juge Lagacé de Chicoutimi le condamna alors à troisjours de prison ferme dans la prison locale, une prison d'un autre âge oules cellules n'avait ni eau courant ni toilette. Cette prison d'adulte eu surlui l'effet contraire escompté. Il se révolta davantage et se referma surlui-même, accusant le mauvais sort de tous les maux de la Terre. Il sepromit de récidiver afin de se venger de ce traitement. et il tintpromesse. Si bien qu'a l'âge de treize ans il fut condamné jusqu'à samajorité dans une école de reforme, le Mont Saint-Antoine, d'où ils'évada à plusieurs reprises. Ceci ne fut que le début de l'escalade qui setermina dans un pénitencier fédéral pour plusieurs années.

Elle se sentait responsable de tous les échecs de ses enfants, etne se le pardonnait pas. A l'aube de la cinquantaine, elle n'entrevoyaitaucune réussite sociale parmi ses dix enfants. Aucun n'avait terminéleurs études secondaires, et pour couronner le tout, le plus intelligent dela famille était devenu un révolté social qui vivait en marge de lasociété, ce qui ne prévalait rien de bon. Comme elle se sentait loin deses rêves de jeunesse. Son mariage avait été un échec complet. Elleavait travaillé fort pour élever sa famille, la plupart du temps sans l'aidede son mari. Elle ne comptait plus les maux de dos et les engeluresqu'elle s'était faite. Aujourd'hui, elle était seule, complètementabandonnée de tous, démunie financièrement dans une villeinhospitalière. Comment rêver d’un meilleur échec? Ce cauchemar étaitpourtant bien réel. Il lui suffisait se rappeler que les enfants arriveraientbientôt de l'école et qu'elle devrait alors préparer le souper. Comme ellese sentait lasse et inutile dans cette vie de misère.

Même si son mariage n'avait jamais fonctionné, elle regrettait laséparation de son mari alcoolique. Peut être avait-elle eu tort d'espérerune meilleure existence. Si cela était sa destiné et que c'était écrit dansles cieux, elle ne pouvait rien contre cela. Dieu l'avait peut être punid'avoir mis fin au sacrement du mariage. Elle avait patiemment attendu

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vingt-six ans avant de quitter son mari qui lui avait donné dix enfantsen parfaite santé. Cela avait été difficile car, elle était de nature trèsreligieuse et le curé du village ne manquait jamais une occasion de luirappeler que ceci ou cela était interdit par l'Église. Selon lui, le devoird'une femme était de procréer, d'être une bonne épouse et de s'occuperdes enfants. Dans sa jeunesse, la séparation et le divorce étaient unechose impensable, autant pour l'église que pour la communauté.

Qu'en était-il de la souffrance des couples dont l'harmonie étaitdétruite. Eh bien, selon l'église de cette époque, la souffrance faisaitpartie du mariage et lors de cette cérémonie, le curé prononçait lesparoles fatidiques pour le meilleur et pour le pire afin de sceller cetteunion. Lors de la messe du dimanche, le curé, debout dans sa chaire,faisait la morale à ses brebis et leur expliquait que la souffrance étaitune conséquence du péché originel. Aussi, ils se devaient de souffrir ensilence afin de racheter leurs fautes et de se mériter ainsi le Paradis

Elle avait cessé de croire au sermon du curé lorsque celui-ci,après une longue absence de son mari, tenta d'abuser de celle-ci enexigeant des faveurs sexuelles en échange des vivres qu'il donnait afinde nourrir ses enfants en bas âge. Dans vingt-six ans de mariage, sonmari l'avait quitté vingt-deux fois afin de boire et de festoyer à lagrande ville, dans le milieu de la prostitution. Chaque fois, elle étaitlaissé à elle-même avec plusieurs enfants en bas âge, sans aucuneressource financière ni support morale. Elle résistait comme un vieuxchêne et n'avait pas d'autre choix que d'aller mendier à l'église pour lesvivres et à la société Saint-Vincent-de-Paul pour les vêtements etl'ameublement. Pour subvenir à ses besoins financiers, tel le prix dulogement, elle faisait des grands ménages à cinq dollars par jour, chezdes gens aisés. Lorsqu'elle revenait, courbée et fatigué par ces péniblestravaux, elle devait payer la gardienne qui s'était occupé des enfants.Par la suite, elle devait préparer le repas, faire le ménage du logement,laver la vaisselle et le linge sale avant d'aller se coucher, exténué et vidéde toute son énergie. Ainsi s'écoulait le quotidien de cette femmecourageuse qui s'était marié trop jeune. Elle s'était mariée par dépit, afinde quitter un milieu rural qu'elle détestait. Elle avait ainsi quitté unesouricière pour retomber dans un puits encore plus profond. Tout sonmariage n'avait été que l'histoire d'un long conflit avec elle-même etavec son mari. Elle avait été très malheureuse de ce mariage qui avaittrop duré, en partie due à l'influence de l'église et de son représentant, etelle prenait cela comme un échec personnel. Au fil des ans, elle était

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devenue très amer et agressive, même avec ses propres enfants. Il nefaisait pas bon de la mettre en colère. Qui s'y frottait s'y piquait commedisait l'adage bien connu.

Après la dernière escapade de son mari, elle avait renoué avecun chauffeur de long-courrier, qui avait été un ami d'enfance et elleétait ainsi devenue l'amante de celui-ci. Trop naïve et convaincu qu'ellepouvait refaire sa vie dans cette autre ville, elle avait alors déménagé auNouveau Brunswick. A l'aube de la cinquantaine, elle n'avait pascomprise qu'elle avait acquise toutes sortes d'habitudes qui mettraientrapidement en péril sa nouvelle idylle amoureuse. C'était exactement cequi s'était produit. Elle était trop autoritaire, impatiente et colérique, etelle pouvait facilement sauter d'une violence verbale à une violencephysique. Son nouvel amant en avait été terrifié, mais ce qui lui avaitinspiré le plus de terreur, c'était le fait qu'elle le tenait responsable detous ses déboires. Il avait résolu ce conflit en prenant la fuite, laissantcelle-ci, encore une fois abandonné, par l'homme supposé la soutenir.Elle en avait été plus que peiné. Après s'être calmé et avoir beaucoupréfléchie sur sa conduite, elle avait tombé dans une profondedépression, ne trouvant pas le remède à ses souffrances existentielles.

Elle se remémorait son dernier rendez-vous avec le médecin, lasemaine précédente, le jour où elle avait apprit une terrible nouvelle.Elle avait le cancer du sein, mais celui-ci était bénin et il y avait doncun espoir de guérison, suite à une opération chirurgicale. Elle devaitd'abord suivre une chimiothérapie puis peut être subir l'ablation. Celle-ci était gratuite mais comment ferait-elle pour payer ces médicaments sidispendieux et qui s'occuperait des enfants pendant sa période deréhabilitation? Elle n'avait aucune parenté proche dans la ville deMoncton et elle ne connaissait personne qui pourrait prendre soin de saprogéniture. Pourquoi Dieu lui imposait-il cette dure épreuve? Elle étaitdéjà submergée par les problèmes et ses soucis étaient quotidiens. Ellene pouvait en supporter davantage.

Comme sa vie était un grand fiasco, se répéta-t-elle!

Écrasé de culpabilité dans sa chaise berceuse, elle dirigea sonregard vers le ciel et constata que celui-ci était d'un gris maussadedéprimant, et elle pensa à la pluie qui n'en finissait plus de se faireattendre. On aurait dit que ces nuages étaient dans l'attente d'unévénement dramatique avant de se manifester. Même sa chaise

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berceuse étirait ses crissements sur des notes disgracieuses ajoutant sasymphonie à cette atmosphère déprimante. Elle ne voyait rien d'autresque ses propres pensées noires et sa détresse. La chaise berceusecontinuait sa symphonie disgracieuse accompagnée par les vieillesplanches de bois franc du plancher. Doucement, très doucement, tel uncambrioleur, une sournoise pensée mortelle fit son chemin vers saconscience fragile et chancelante. Inexorable, la Grande Faucheusecognait à la porte de sa conscience et lui parlait tendrement dedélivrance.

Le suicide

La porte de la cuisine s'entrouvrit avec éclat et sansménagement. C'était Mario qui revenait de l'école. Celui-ci était le plusjeune et aussi le plus fragile psychologiquement.

Salut m'man! Qu'est-ce qu'on mange pour souper?

Elle ne répondit pas. Elle était encore noyée dans ses pensées desuicide. Elle se rappelait avoir souvent par le passé, avoir mentionné sesidée de suicide, mais jamais personne n'avait pris au sérieux ce cri desecours. C'est pourquoi elle avait à peine entendue la porte s'ouvrirmalgré le bruit manifeste.

M'man, s'exclama Mario! Oui, répondit sa mère d'une voix faible, lointaine et presque irréelle. Qu'est-ce qu'on mange pour souper? Ce ne sera pas long. Je vais vous faire un spaghetti, lui réponditcelle-ci.

Elle s'extirpa de ses pensées moroses et se leva de sa chaiseberceuse pour se diriger directement vers la cuisine. Ouvrant son sacd'épicerie, elle en sortie une boite de spaghetti, une pomme de salade,quelques tomates et un pied de céleri. Voilà ce qui allait constituer lemaigre souper de cette pauvre famille. Elle préparait le souper dans lesilence le plus complet, souriant peu, sentant la mort dans l'âme. Ellevaguait mécaniquement à ses occupations, toutes ses penséesmobilisées par son funeste projet qui commençait à prendre forme dansson esprit torturé.

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La porte de la cuisine s'entrouvrit une autre fois pour laisser lepassage à Marc et Régiste, ses deux autres enfants.

B'jour m'man! B'jour m'man!

Quelques minutes plus tard, c'était au tour de Janet, la dernière de sesfilles, de pénétrer dans la cuisine par la porte de celle-ci.

B'jour m'man, est-ce que je peux t'aider? Oui, lui répondit sa mère. Mets les couverts sur la table. Oui, bien sur, répondit celle-ci. Janet commença par déposer sur latable une nappe de plastique, décoré de motifs fruités variés, puis elle ydéposa les ustensiles, tasses et assiettes nécessaires pour cinqpersonnes.

Après avoir servi tous le monde, sa mère déposa dans sonassiette un peu de salade dont elle mangea très peu. L'appétit n'était pasau rendez-vous. Elle avait encore la tête pleine d'idées négatives. Elleprépara sa boisson favorite, constitué de thé en sachet additionné d'unepetite tranche de citron et retourna méditer dans sa chaise berceuse.

Aucun de ses enfants n'osa lui poser de question sur son manqued'appétit. Ils savaient tous qu'elle n'était pas dans ses beaux jours et qu'ilvalait mieux s'abstenir de commentaire lors d'une période comme celle-ci.

Janet aidé de Mario vidèrent la table et lavèrent la vaisselle.Leur mère continuait de se bercer en silence dans sa chaise berceuse,profondément plongée dans ses réflexions. Marc et Registe s'en allèrentjouer dans leur chambre commune avant de s'attaquer à leurs devoirsscolaires. Le cadet des quatre enfants, Mario, sorti afin d'aller jouerdehors avec ses copains. Janet quitta subitement avec ses livresscolaires afin d'aller étudier avec une amie de son école. Elle devaitfaire une marche d'environ une quinzaine de minutes avant d'être chez-elle, aussi elle s'empressa de quitter dès la fin du repas.

Sa mère resta toute seule dans le salon avec ses pensées morosescomme simple compagnon. Se berçant, le regard perdu dans le lointainde son esprit, elle ne cessait de repasser toujours les mêmes idéesnoires. Telle une vague qui se fracassait sur les rochers de sa vie, elle

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ne cessait d'entendre cette voix qui murmurait, échec de ta vie, échec deta vie, échec de ta vie…Ce son s'amplifiait jusqu'à devenir un vacarmeassourdissant semblable à des vagues d'eau allant mourir sur la grèved'une rive inconnue. Elle resta prostrée ainsi jusqu'au coucher du soleil.Ses enfants avaient bien passés quelques fois dans le salon ou lacuisine, mais elle était demeurée de marbre, perdue dans ses pensées.

Janet était revenue de chez sa copine et était directement montéedans sa propre chambre située au grenier.

A la tombée de la nuit, sa mère s'extirpa de sa chaise berçante etalla s'asseoir dans la cuisine. Elle se fit une autre tasse de thé. Elle restalà très longtemps à mijoter son plan diabolique. Elle attendait lemoment propice, le moment idéal pour mettre son plan à l'œuvre. Celui-ci serait l'instant où tous ses enfants auraient sombré dans le sommeil.Elle était très patiente. C'était une de ses plus grandes vertus. Elle serépétait qu'elle avait raté sa vie mais elle se promettait bien de ne pasrater sa mort. Elle n'accepterait pas un nouvel échec. Elle avait encoresa dignité, aussi elle se devait de réussir cette fois-ci.

Elle se rappelait que, bien des années auparavant, au début deson mariage, elle avait attenté à sa vie et à celle de sa progéniture. Elleavait couché ses enfants en bas âge et attendu que ceux-ci dorment.Puis, elle avait alors trafiqué la fournaise au gaz afin que celle-ci mis lefeu à la maison. Elle avait alors absorbé une grande quantité demédicament pour dormir. L'odeur du gaz avait fait paniquer le chat etles miaulements de celui-ci avaient éveillé sa petite sœur. Celle-ci avaitalors éveillé sa mère qui avait pris le bébé dans ses bras et s'était enfuiehors de la maison.

C'était un mois d'avril très chaud et un fort vent attisaimmédiatement les flammes naissances. Très vite, le brasier s'étendit àtoute cette petite maisonnée faite de planche de bois. Tout ce bois secdepuis trente ans s'enflamma comme une vulgaire allumette et enl'espace de quelques minutes seulement, toute la maison était enflamme. Malgré la proximité des pompiers, la destruction de celle-ci futcomplète. Après une heure, il ne restait qu'un gros tas de cendrefumante et un peu à l'écart, sa mère qui sanglotait de peur et de honte.

C'est en revenant de l'école qu'il avait découvert le drame. Saparenté proche les avaient hébergés. C'est ainsi qu'il s'était retrouvé

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chez sa tante Alice qui avait alors seize enfants. Dans la chambre où ildormait, ils étaient sept enfants couchés à même le sol sur des matelassans lit. Essayer de s'endormir relevait presque de la magie. Il y avaittoujours un enfant qui avait une histoire à raconter. Seule la fatiguepouvait avoir raison de ces irréductibles raconteurs.

Ce sauvetage avait duré plusieurs semaines. Au début, il avaitapprécié cette situation peu commune mais après deux semaines, toutecette promiscuité lui pesait lourd sur les épaules. Son penchant vers lasolitude avait repris le dessus, aussi, lorsque vint le jour du départ, c'estsans regret qu'il avait quitté sa tante Alice et sa trop grande progéniture.

Elle se rappelait encore de cet échec comme si c'était hier.Même si la mémoire est une faculté qui oublie, il arrive parfois qued'intenses souvenirs remontent à la surface de la conscience après unelongue période de repos. Elle se rappelait même que le jour de sonmariage, elle avait eu sa première dispute conjugale. Ce jour là devaitêtre le plus beau de sa vie et celle-ci avait plutôt tourné au cauchemar.Son époux avait noyé sa vie de vieux garçon dans l'alcool. Elle avaitpeu apprécié devoir être déflorée par un ivrogne et le lui avait dit. Ilavait alors réagi en macho autoritaire et cette attitude avait étél'étincelle qui avait allumé les braises de la discorde.

Pourquoi est-ce toujours les mauvais souvenirs qui reprennentvie sur la surface de notre conscience sans que nous n’ayons aucuneffort à faire? Parfois, elle aimait s'apitoyer sur son sort. Sans douteétait-ce là, la réponse à cette interrogation. Alors, elle soupiralonguement, dissolvant sa souffrance existentielle dans le néant.

Ding…dong…Ding…dong…Il regarda en direction de lacuisine et vit l'horloge murale qu'il lui avait donné, le jour de sondéménagement. L'horloge sonnait les douze coups car il était minuit.Depuis tout ce temps, sa mère n'avait pas quitté une seule fois sa chaisede cuisine,. Un bref instant, la cloche de l'horloge parut la sortir de sessonges, mais, très vite elle retomba dans ses pensées moroses. Elleplanifiait son coup en visualisant chacune des scènes dramatiques quiprendraient bientôt forme. Elle avait toujours cette crainte de l'échec.Aussi, pour être certain de ne pas rater son coup, elle planifierait deuxsuicides simultanément, et même trois, si cela s'avérait nécessaire. Oui,pourquoi pas, se dit-elle intérieurement!

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Depuis plusieurs années, elle avait pris l'habitude de prendre despilules contre le stress, contre la nervosité, contre l'insomnie, contre lafatigue, etc. À cette époque, les médecins généralistes se faisaient unegloire de prescrire des pilules en quantité industrielle. C'était la mode.Pilule pour dormir, pilule pour rester éveillé, pour enlever l'anxiété,pour calmer les nerfs, pour maigrir, pour avoir de l'appétit et biend'autres choses encore. Cette révolution de la chimiothérapie étaitdevenue pour les femmes au foyer, la civilisation de l'esclavage drogue-chimique légalisé. Sa mère avait donc suivi le courant de cette époqueet était ainsi devenue dépendante de toutes ces drogues chimiques. Sapharmacie personnelle contenait une quantité très importante de valium,d'ativan, séconal, démérol, etc. Ainsi au fil des ans, ne pouvant plus sepasser de ces drogues, elle en avait fait une grande provision.

Oui, maintenant elle savait ce qu'elle avait à faire. Quatre heuresdu matin serait la bonne heure. Elle alla s'étendre sur le divan du salon.Sur la petite commode où trônait une lampe qu'elle alluma, elle prit unpetit calepin laissé près du téléphone et entreprit d'y écrire un petit motd'adieu. Assit sur le divan, la tablette posé sur les genoux, elle réfléchitun instant à ce qu'elle allait écrire:

Mes chers enfants que j'aime tant. Lorsque vous lirez cettelettre, je serai parti vers un monde meilleur. Si je vous quitte, c'est pourmettre fin à ma souffrance et vous permettent aussi, d'avoir un meilleuravenir. Avec moi, cela n'est pas possible. Aussi, si je vous quitte, c'estavant tout parce que je vous aime et je ne veux pas que vous souffriez àcause de moi. Aujourd'hui, vous ne comprenez peut-être pas ce que jeveux dire. Cependant, lorsque vous serez grand, je suis sur que vous mecomprendrez et que vous me pardonnerai.

Ne soyez pas inquiet. Après mon départ, contactez la police quicontactera l'aide sociale. Je suis certain qu’ils vous placeront dans unebonne famille qui saura vous donner ce que je ne peux vous offrir.

De là-haut, Dieu me permettra peut être de veiller sur vous et devous porter chance. Dites aux policiers qu'ils trouveront mon corps aubas de la cote, dans le barrage. Je désire que ma dépouille soit enterréeprès de ma mère Rose, dans le cimetière de Fredericton.

Adieu mes trésors. Maman qui vous aime.

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Elle reposa la tablette, bien en vue, au centre de la petite tabledu salon. Le lendemain, les enfants ne tarderaient pas à trouver cettelettre, car le samedi était jour de congé scolaire. Samedi matin était lajournée ou les plus jeunes enfants écoutaient les dessins animés à latélévision.

Elle soupira à cette pensée. Elle se sentit délivrée d'un poidsénorme qui pesait sur ses épaules meurtries et ressentit immédiatementune sensation de légèreté envahir tout son corps. Elle s'étendit sur ledivan et posa sa tête sur un coussin. Elle n'avait pas sommeil car soncerveau fonctionnait encore à plein régime. Aussi, elle se contenta d'unsimple repos sans sommeil tout en surveillant du coin de l'œil, l'horlogede la cuisine. Alors, elle attendit l'heure fatidique. On aurait dit que letemps s'était ralenti. Ces quelques heures lui semblèrent une éternité.Finalement, l'heure fatidique arriva.

Elle se leva et se rendit à la toilette où se trouvait la pharmacie.Jugeant d'un coup seul d'œil, l'inventaire de la pharmacie, elle prit unpot de Séconal qui était presque vide et y ajouta trente Valium 10ml,quatre Démérol, douze Ativan avec six Percodent, et posa ce pot danssa sacoche. Elle prit une lame de rasoir et deux grandes serviettesqu'elle disposa aussi dans sa grande sacoche. Elle retourna dans lacuisine, ouvrit le frigidaire et y prit une bouteille d'eau gazeuse. Sur latable trônait sa tasse de thé avec une soucoupe. Elle prit ceux-ci et leslava dans l'évier avant de les placer dans l'armoire bien en ordre. Ellepassa un linge humide sur le comptoir et la table de cuisine. On nedirait pas qu'elle avait laissé le logement en désordre. Elle regardal'horloge. Il était 4h13. Toute l'opération avait pris treize minutes. Ellese regarda dans le miroir au-dessus de l'évier. Elle avait les yeuxlégèrement pochés et les traits étirés dû à cette nuit blanche.

Elle prit son imperméable brun dans la garde-robe et sorti par laporte de la cuisine, prenant bien soin de ne pas faire de bruit. Dehors, letemps était humide et froid. Elle frissonna légèrement et posa sur sa têteson foulard préféré. Elle leva la tête et entrevit la lune à travers lesnuages gris. N'eut été de la pleine lune et de ses reflets, cette nuitnuageuse aurait été lugubre. Était-ce là, le prélude à la fin de sessouffrances? Les nuages noirs et denses étaient le symbole de sa vie demisère. Cette lune brillante qui laissait peu de place aux ombrages étaitla promesse d'une vie meilleure après son décès.

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Elle descendît en hâte les marches d'escalier en prenant soin dene pas faire de bruit. Elle se dirigea d'un pas ferme et averti, vers lebassin d’eau, source de sa délivrance. Ce barrage en amont de la villeservait de récepteur d'eau afin de produire de l'électricité pour la ville.

Le changement est l'une des constantes de ce monde, pensa-t-elle. Aussi, elle ferait ce changement nécessaire à sa vie inutile et àcelles de ses enfants. Cela était nécessaire pour leurs propres biens. Savie étant dans un cul de sac, elle ne pouvait plus reculer. Elle devaitpasser à l'action.

Elle accéléra le pas. En bas de la colline, au bout du cheminqu'elle suivait depuis un quart-d'heure, se dessinait une immense formesombre qu'elle distinguait à peine. Ce barrage électrique était la finalitéde son pèlerinage mortuaire. Celui-ci était encore flou mais elle savaitexactement où se diriger étant donné qu'elle avait déjà fait ce parcoursen plein jour. Tout en bas de la colline, elle bifurqua vers la gauche surun petit chemin rocailleux qui conduisait à l'embouchure du réservoird'eau. Là, finissait la rivière et débutait le réservoir d'eau.

Hormis les étoiles et le croissant de lune, le ciel était noir d'unhorizon à l'autre. Au-dessus de sa tête, un éclair zébra la voûte étoilée.Un mince rideau de brouillard balayait la jetée où elle se trouvaitactuellement. L'orage secouait le sol, estompant les lumières de la villetoute proche. Ses éclairs illuminaient la rive près d'elle, repoussant dansle néant, pendant un bref instant, l'obscurité qui l'enveloppait dansl'anonymat. Le paysage qui se dévoilait partiellement était presqueirréel, semblant provenir d'un autre monde, prélude à son prochainvoyage.

L'orage continuait à secouer le sol, faisant trembler la passerelleglissante où elle s'engageait. Elle devait traverser cette passerellemétallique afin de rejoindre le rivage du bassin sans trop de difficulté.L'air de la nuit l'enveloppait d'un manteau froid, aussi vif que celuiqu'elle sentait au plus profond d'elle-même. Mélancolique, elleimplorait Dieu de lui donné le courage de ne pas reculer devantl'adversité et de mettre ainsi fin à ses souffrances.

En proie à une morosité que des heures de petite pluie battanten’avaient pas dissipée, ce temps la déprimait pour des raisons qu'elle nepouvait s'expliquer totalement. Elle aurait aimé partir un jour de

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printemps lors d'une belle journée ensoleillée. Avoir le choix du tempsidéal était un luxe qu'elle avait rarement bénéficié dans sa vie. La loi dela vie est aussi immuable que les saisons. Nous récoltons toujours ceque nous avons semé dans cette vie-ci ou dans les autres précédentnotre naissance. Qu'avait-elle donc semé dans ses vies passées pourqu'elle récolte une existence aussi malheureuse semblable à celle qui seterminerait bientôt. Elle ne pouvait se faire à l'idée qu'elle avait été simauvaise dans une précédente existence. Elle savait dans le fond de soncœur qu'elle était tendre, généreuse à l'excès, travaillante et honnête.Elle ne comprenait pas!

De ce flots d'événements qu'elle n'avait pu endiguer, elleaccusait Dieu, mais avec une certaine hésitation. Elle ne savaitpourquoi! Le fardeau familial avait creusé des ravins dans le paysageérodé de son visage meurtri par l'existence malheureuse. Son visage,qu'elle avait vu dans le miroir, au-dessus de l'évier de la cuisine, n'étaitpas celui des années précédentes. Depuis son arrivé à Moncton, elleavait vieilli prématurément, et cela ne l'avait guère surprise.

Dans le brouillard de ses larmes mélangé avec les gouttelettesde pluie, elle entrevit près du rivage une grosse pierre plate. Elle s'yassit et découvrit alors que cette pierre était soudée à du cimentrenforcé par des tiges de métal. Ce bloc de pierre était un vestige de larénovation du barrage quelques années auparavant.

Confortablement assis, la pluie fine continuait à tomber sur elle,se mêlant au flot de ses larmes. Elle n'avait jamais ressentie une tellesouffrance. Elle était incapable de décrire les pensées et les sentimentsqui avaient, tel un orage violent, tourbillonnées dans son esprit pendantcette longue nuit de veille, d'incertitude, de désespoir et de culpabilité.Elle se sentait coupable d'avoir raté sa vie et d'avoir plongé ses enfantsdans un abîme d'insécurité.

Que devait-elle faire, écrasée par ce sentiment de culpabilité. Ilne restait en elle que colère, amertume, confusion et affliction. Elle serépétait intérieurement que ce qui partirait bientôt, c'était le pire, et quece qui resterait, c'était le meilleur, l'avenir de ses enfants. Elle cherchaitainsi à justifier le geste prémédité qui mettrait fin à son existencemalheureuse

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Elle supportait intérieurement le fardeau de ceux qui se sententabandonnés et n'osent pas dire tout haut qu'ils n'ont plus d'espoir. Ellerestait là, immobile sur ce rocher, les mains posé sur les genoux,attendant que l'indécision quitte son corps qui se révoltait à cette idéed'extinction.

Au loin, elle entendit un cri.

Elle ne répondit pas.

Le cri se répéta, indécis.

Elle ne bougea pas, resta immobile et ne fit aucun geste qui mettrait enpéril son projet. Comme soudée à cette pierre, sa conscience et sonesprit étaient immobiles, pensa-t-elle.

Le cri ne se répéta pas.

Peut être que cela n'était qu'un effet de son imagination!

La pluie et les éclairs avaient cessé, et il flottait dans l'air unesenteur d'ozone qui apportait un regain de vigueur à ses musclesendoloris par un manque de chaleur et un excédent d'humidité.

Elle était seule, maussade et solitaire. Elle continuait à attendredes réponses qui ne venaient pas. Elle trouvait cela effrayant. Ellecontinuait à livrer un combat à la partie d'elle-même qui refusaitd'admettre que sa vie touchait à son terme.

Lentement, l'aube commençait à se lever. Il y avait plusieursheures maintenant qu'elle était partie de chez elle.

Cette aurore avait quelque chose d'étrange et d'inhabituel. Laplupart des nuages avaient disparu et à l'ouest, le ciel avait une teinteviolette cramoisie près de la ligne d'horizon. Malgré cette faible clarté,elle commençait à distinguer plus nettement le bassin d'eau ainsi que lebarrage au loin. Elle frissonna.

Aurait-elle assez de courage, se demanda-t-elle?

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Dans l'obscurité de cette aube naissante, elle ouvrit sa sacoche eten sorti la bouteille d'eau gazeuse, le pot de pilules, la lame de rasoir etles deux serviettes. Elle disposa tout cela, bien en ordre devant elle, surcette pierre qui deviendrait bientôt l'autel de son sacrifice.

Le soleil hésitait à se lever. Il était un peu plus de six heures eton ne voyait pas au-delà de quelques mètres. Le monde se réduisait ausol boueux devant elle et à une brume blanche qui s'élevait du sol.

De sa main gauche, elle prit toutes les pilules qui se trouvaientdans le pot de Séconal et les avala d'un seul trait en buvant une grandegorgée de liqueur. Elle dut s'y prendre par trois fois avant d'avalertoutes ces pilules.

Elle se sentit soulagée. Ceci était le début de la fin de sasouffrance. Fontaine d'humanisme et de générosité, elle se demandaitbien ce qu'elle était venu faire dans ce monde où le désespoir et lasouffrance usent les gens, lorsqu'ils ne les tuent pas.

Elle prit la lame neuve qui était enveloppée dans du papier ciréet entreprit de la développer. Par la suite, hésitante, elle attendit que lespilules produisent leurs effets psychotropes.

Elle pensa tout haut, aujourd'hui je quitte pour un mondemeilleur afin que mes enfants aie la vie en abondance tel qu'enseignédans les écritures saintes. Alors, elle éclata en sanglots assise sur saroche dénudée. Elle maîtrisa ses larmes, se disant qu'elle devait partirdans le calme et la sérénité, sans rancune ni amertume. Elle était lassemais elle se refusait à être amère. Au-delà de cette vie, devait se trouverson Ange-gardien qui la conduirait au Paradis des chrétiens. Elle avaittellement souffert. Elle avait bien mérité cette récompense. Elle serefusait à dénier cette vie, car elle savait d'expérience que la haine senourrit d'elle-même. En croissant, elle engendre plus de haine et denouvelles souffrances, tel un carrousel diabolique.

Elle sentit un petit étourdissement et comprit immédiatementque les pilules commençaient à faire effets. Elle était encore très lucideet compris que le temps pressait. Cependant, elle supporterait la douleuraussi longtemps qu'il serait nécessaire, c'est à dire jusqu'à l'heure duvoyage sans retour.

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Elle frissonna.

Une peur glacial la saisit dans le bas du ventre. Elle eut trèspeur de changer d'idée. Alors, sans aucune hésitation, avec une fermedétermination, elle enleva son foulard mouillé, ses souliers et sonpardessus qu'elle disposa bien plié juste à coté de sa sacoche. Ainsi, onn’aurait aucune difficulté à l'identifier et ce serait bien ainsi.

Prenant la lame de rasoir avec sa main droite, elle s'entailla lepoignet gauche. Un sang rouge cramoisie gicla immédiatement, maisc'est à peine si elle en ressentit la douleur. Vivement, elle s'entoura lepoignet d'une serviette afin de ralentir la perte de sang. Elle refit lamême opération avec l'autre poignet, puis reposa la lame sur la pierre,près de sa sacoche.

Un nom surgit dans son esprit confus, éclatant comme un fanaldans la nuit.

Rose…Rose…

C'était le nom de sa mère décédé depuis longtemps. Pourquoipensait-elle à elle en cet instant précis? Aucune réponse ne jaillit de saconscience! Elle eut une pensée d'amour et de tendresse envers Rose.Elle revivait ses instants d'enfance sur la ferme au Nouveau-Brunswick,entouré de ses frères et sœurs.

Une larme coula sur sa joue, finissant sa course sur sa lèvreinférieure. Elle goûtait salée. Celle-ci lui confirmait que, dans un passétrès lointain, le corps humain provenait de la mer. Elle rendrait doncjustice en rendant son corps à ce plan d'eau.

Reprenant ses esprits, elle se dirigea, telle un automatemécanique, vers le plan d'eau où elle pénétra lentement. Elle ressentaità peine la froideur de l'eau tellement elle était engourdie par les pilules.

Mon Dieu, non!

Elle se rendit compte que c'était elle qui avait crié. Cela ne fitque renforcer sa détermination. Elle pénétra plus profondément dansl'eau, ne sachant où elle devait s'arrêter. Elle sentit le fond plusrocailleux. Lorsque l'eau fut à la hauteur de ses seins, elle jeta les deux

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serviettes et le sang s'écoula librement de ses poignets, colorant l'eautout alentour d'elle. Le jour commençait à agiter les vagues de milliersde petits feux follets qui s'éteignirent dès l'arrivée de la nouvellecouleur. Alors, elle attendit.

Elle n'eut pas à attendre bien longtemps. Quelques minutes àpeine et elle sombra dans le néant. Était-ce à cause de sa perte de sangou bien de l'effet-choc des pilules ou bien de la combinaison des deux.Nul ne pourrait le dire. Son triple suicide resterait une énigme nonrésolue.

Son corps s'affaissa dans l'eau et elle coula à pic, d'un seulmouvement, sans jamais remonter à la surface. Dès cet instant, soncorps partit à la dérive sous l'eau et fut emporté par le faible courantvers le centre du bassin.

L'aube se leva sur la ville, chassant la brume dans ses derniersretranchements. Malgré le drame qui venait de se passer, la viecontinuait pour les survivants.

Il pensa; le changement est une force mais surtout une constanceuniverselle. Tout se meut, peu importe dans quelle direction. Lemouvement ne s'arrête jamais. Elle avait tenté d'arrêter le mouvementde sa souffrance. Il sentait que sa révolte serait vaine, car nul n'a jamaispu arrêter ce mouvement qui est une force de la Vie. Un lourd tribut devies et de souffrances était le prix à payer pour avoir droit departicipation à cette grande pièce cosmique qu'était la vie et l'existencehumaine.

Elle éprouvait la sensation de sortir d'un long sommeil. Était-celes effets secondaires de sa consommation de pilules de la veille?

Elle n'en était pas entièrement convaincue.

Elle regarda autour d'elle. Elle était assise à la table de cuisinede son logement. Le décor n'avait nullement changé.

Avait-elle simplement rêvé son suicide du jour précédent?

Oui, peut-être, pensa-t-elle!

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Progressivement, elle reprit conscience, puis commença às'insinuer en elle une panique grandissante contre laquelle elle nepouvait lutter. Peu à peu, les derniers événements de la nuit précédentelui revinrent en mémoire. Cela ne fit qu'aggraver son effroi. Elle fit uneffort pour se maîtriser et tenta de se raisonner.

Déménager au Nouveau-Brunswick fut une catastrophe. Celaelle le savait, mais, le cauchemar d'hier n'avait pas eu lieu puisqu'elleétait dans sa cuisine et qu'aucune chose n'était changée. A part unecertaine lassitude, elle se sentait en parfaite santé. Elle se demanda sielle avait encore les yeux cernés comme le jour précédent. Elle se levaet se dirigea vers la chambre de bain. Sur le mur au-dessus du lavabo setrouvait un miroir. Elle se planta devant et regarda son visage.

Rien!

Prise de stupeur, elle écarquilla les yeux. Nul visagen'apparaissait sur le miroir. De ses deux mains, elle se tâta le visage eten ressentie toute la consistance. Qu'est ce qui ne fonctionnait doncpas? Elle était perplexe et ne comprenais absolument pas ce qui luiarrivait.

Comment cela était-il possible? Aurait-on changé le miroir pourune simple vitre?

Elle entendit un bruit dans la cuisine et elle alla voir ce quec'était. Elle entrevit sa fille en pyjama qui prenait un verre de jus dans lefrigidaire. Sortant de la salle de bain, elle l'interpella: Janet, qu'est-ilarrivé avec le miroir de la salle de bain?

Janet ne répondit pas.

Janet, ta mère te parle, lui cria-elle d'un air rageur!

Elle ne répondit pas.

Mais, qu'est-ce qui se passe donc dans cette maison, bordel demerde, s'écria-t-elle!

De sa vision périphérique, elle vit son fils Marc qui venaitd'ouvrir le téléviseur et qui prenait place sur le divan.

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Marc, cria-t-elle!

Celui-ci ne répondit pas.

Avec dépit, elle s'approcha de celui-ci et posa sa main sur son épauleen l'appelant plus calmement.

Aucune réponse de celui-ci.

Elle se planta devant-lui, les mains sur les hanches en pose de défi,lui cachant par la même occasion la vue du téléviseur.

Aucune réaction ne venait de Marc.

Comment cela était-il possible se répéta-t-elle? Était-elle devenuefolle? Étaient-ils tous fâchés contre elle au point de l'ignorercomplètement?

Elle s'assit dans sa chaise berçante afin de réfléchir à tout cela.Elle était très perplexe et ne trouvait aucune réponse à cela. Un doutecommença à s'insinuer dans son esprit. Elle eut une idée géniale. Ellesortie sur le balcon jouxtant la cuisine et leva la tête au ciel. Aucunnuage à l'horizon et un soleil resplendissant éclairait la journéematinale. Penchant la tête, elle regarda à ses pieds. Aucun ombragen'était apparent. Elle bougea un peu. Aucune ombre n'apparaissait. Elleregarda les barreaux du balcon qui faisaient des ombres très effilées surle plancher du sol. Elle se posa à coté de ceux-ci et examina avecattention le plancher.

C'était indéniable. Elle ne produisait aucune ombre!

Aussitôt, elle se sentit envahie par la peur et une paniquegrandissante la submergea.

Que lui était-il donc arrivé? Qu'était-elle donc devenue?

Soudainement, tel un éclair dans la nuit, elle compritl'inconcevable.

Elle n'était plus!

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La mort avait vaincu son désespoir.

Pourtant, elle avait encore conscience d'être. Elle ne ressentait nifaim ni soif. Cependant, elle voyait, elle entendait, elle ressentait mêmeles sentiments qui semblait flotter alentour d'elle.

Ainsi, c'était cela la vie après la mort, se dit-elle. Pourquoi cet au-delà ressemblait-il autant au monde qu'elle venait dequitter, pensa-elle?

Elle retourna à l'intérieur du logement et vit l'aîné de ses enfants,Régiste, qui manifestait une expression de stupeur sur son visage. Ilavait dans ses mains tremblantes la petite lettre qu'elle avait laissée surla table du salon.

A cette vision, un nouveau sentiment s'était élevé en elle, celuid'une peur incontrôlable et d'une perte irremplaçable. Toutes lesémotions de son fils se répercutaient en elle, tel le reflet d'un miroir.

Sous une forte impulsion, Régiste sauta plus qu'il se leva dudivan et courut jusqu'à la cuisine afin de rejoindre sa sœur Janet. Celle-ci était alors en train de manger un bol de céréales avec des tranches depain rôties.

Janet lut la lettre, puis elle-même fut prit de panique elle sorti encourant dehors, se sachant pas trop quoi faire. Elle revint dans lacuisine et décrocha le téléphone. Elle hésita un instant. Tout ceci était-ilréel ou était-ce un cauchemar. Elle se pinça afin de voir si elle ne rêvaitpas.

Elle ne rêvait pas!

Peut-être avait-elle changé d'idée, pensa-t-elle!

Elle raccrochât le téléphone et partit au pas de course, voir si samère était couché dans son lit. Pourquoi n'y avait-elle pas pensé plustôt?

Non, elle n'y était pas. En plus, le lit n’était pas défait, elle n'avaitdonc pas couché ici cette nuit.

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Sa panique augmenta d'un cran. Janet se mit à sangloterdoucement et pensa alors, qu'elle devait donner l'exemple d'unepersonne forte afin de ne pas faire paniquer les enfants plus jeunes. Ellese ressaisit et retourna s'asseoir dans la cuisine. Elle devait réfléchir àtout cela. Son frère Régiste l'exhortait pour qu'elle appelle la police.Elle refusa. Elle relut encore la lettre, son esprit refusant de croire àl'inévitable.

Elle prit alors une décision. Elle devait reporter cette importantedémarche sur le dos d'une personne adulte. Elle n'était après tout qu'unejeune adolescente.

Se levant, elle sortit de la maison et alla cogner à la porte dupropriétaire du logement. Celui-ci résidait au rez-de-chaussée de cettevieille maison de deux étages. S'excusant de les déranger de si bonneheure, elle lui montra la lettre. Le proprio, Monsieur Coté avait un frèredans la police de Fredericton. Il décida d'appeler celui-ci afin de luidemander son aide. Son frère prit alors la relève et envoyaimmédiatement des secours en direction du barrage et de la maisonfamiliale.

Ils ne découvrirent le corps que le jour suivant. Aussitôt qu'onavait trouvé les vêtements tachés de sang, on avait su que cela était trèssérieux et on avait craint le pire.

Le service social de Moncton avait alors prit les choses en main.Ses enfants de Montréal avaient été avisés. Tout s'était alors mis enplace très vite. L'enterrement, la messe mortuaire, l'exposition de ladépouille au salon funéraire, le placement dans des familles d'accueilpour les plus jeunes enfants.

Elle pensait que son suicide serait la fin de ses souffrances.Malheureusement, cela n'avait pas été le cas et elle en était très déçue.Elle avait ressentie toute la douleur que son suicide avait causé chez sesproches aussi ses fantasmes de terreur étaient devenus réalité. Tous sessens aux aguets, elle avait ressentie chacune de ces douleurs multipliéepar sa culpabilité et son désespoir.

C'était vite devenu insupportable.

Alors, elle implora Dieu de mettre fin à ses souffrances.

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Elle n'obtint aucune réponse malgré ses sanglots qu'elle ne pouvaitréprouver. Elle se sentait l'âme saisie par une solitude sans fond. Seulun profond désespoir emplissait toutes ses pensées.

Mon Dieu, mon Dieu, comme je souffre, pensa-t-elle.

D'heure en heure, de jour en jour, elle accompagnait chaquemembre de sa famille dans la période du deuil. Ainsi, de jour en jour,elle suivait le désespoir, l'incompréhension, les peurs et les sanglots detous ces gens. Cela ne faisait qu'augmenter davantage sa culpabilité etsa détresse.

Elle était seule dans cet au-delà de nulle part. Elle n'avait jamais vueson ange-gardien ni personne d'autres d'ailleurs. De son vivant, ellecroyait que ses parents et amies décédés l'attendait au-delà du mondeterrestre. Rien de cela ne s'était produit. Elle était seule et grande étaitsa solitude.

Chaque matin, vers six heures, tout son environnement explosaitautour d'elle. Puis, réapparaissait le rocher, le bassin d'eau, et tout cequi s'était alors passé pendant cette journée dramatique. Elle revivaitintensément l'expérience d'une nouvelle mort, tel un film quirembobinerait pour une nouvelle séance. Chaque jour, elle revit cetteaffreuse expérience de suicide avant de se retrouver en présence de sesenfants qui continuaient leurs voyages terrestre.

Mon Dieu, comment pouvait-on souffrir autant?

De son vivant, jamais elle n'aurait imaginé une pareille chose.L'horreur au-delà de tout ce qu'on pouvait imaginer.

Elle eut cette pensée étrange: lorsque l'on mange à la table dudiable, on ne choisit pas le menu!.

Maintenant, elle regrettait amèrement son geste de suicide.Celui-ci avait été une très grande erreur de discernement de sa part. Elleavait espéré mettre fin à sa souffrance et celle-ci s'était plutôt décupléedans des proportions presque inimaginable.

Mon Dieu, comme je regrette mon geste, se répéta-elle!

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Elle ne voyait pas la fin de ce tunnel rempli de larmes.

Où étaient-ils donc, ces anges qui devaient l'accompagner jusqu'auParadis? N'avait-elle donc pas assez souffert pour mériter ce repos?

De son vivant, elle était très croyante. Elle aimait bien les discoursdu prêtre qui parlait de vie éternelle, de récompense, de paix et defélicité.

Lui avait-on menti sur toute la ligne! Elle était très sceptique.

Elle ne pouvait l'admettre, et pourtant…

Elle médita; Jésus dit; heureux les affligés car ils seront consolés!Heureux serez-vous, lorsqu'on vous outragera, qu'on vous persécutera.Réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse, parce que votre récompensesera grande dans les cieux.

Que votre cœur ne se trouble point. Croyez en Dieu et croyez enmoi. Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père. Si celan'était pas, je vous l'aurais dit. Je vais vous préparer une place.

Et moi, je vous dis: demandez et l'on vous donnera, cherchez etvous trouverez, frappez et l'on vous ouvrira. Car, quiconque demandereçoit, celui qui cherche trouve et l'on ouvre à celui qui frappe.

Elle pria; Notre Père qui êtes aux cieux,Venez à mon secours, je me sens seule, terriblement seule.

Cette solitude m'est plus douloureuseque la souffrance de ma propre mort.Je vous en prie Seigneur,accordez-moi la délivrance du néant où je suis prisonnière.Amen

Rien ne se passa.

Elle retomba dans son découragement, abattue par ce nouveléchec.

Elle souffrait. Mon Dieu, comme elle avait mal.

S'était-elle suicidée inutilement? Était-elle passée du néantexistentiel à un néant sans existence?

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Elle éclata en sanglots.

Désabusée, elle n'avait plus envie de prier. Alors elle vit dans lelointain de cet univers étrange, une faible lumière qui brillait.

Le bardo de la mort.

Sa curiosité éveillée, elle décida d'aller voir ce que c'était. Auloin, elle distinguait à peine, une petite colline composée de débris derochers qui semblaient avoir éclaté sous la force d'une explosion.

Étrange, se dit-elle!

Tout en se rapprochant, elle remarqua qu'un de ces rochersémettait une faible lumière mystérieuse.

Elle se dit à elle-même; décidément, dans cet univers, rien nefonctionne comme sur la Terre. Les lois physiques semblent avoir étésupprimées ou bien remplacées par d'autres qui lui étaientcomplètement inconnues.

C'est à cet instant précis qu'elle remarqua la manière dont elle sedéplaçait. Elle semblait flotter légèrement au-dessus du sol et ses pasne laissaient aucune empreinte au sol.

Elle en fut très intriguée mais ne paniqua pas. Elle se dit à elle-même, qu'elle devait s'attendre à tout. Rien ne pouvait plus lasurprendre.

Elle continua son chemin, tout en fixant intensément le rocherlointain d'où émanait cette bizarre lumière.

Après un temps qu'elle ne put évaluer, elle fut enfin assezproche pour distinguer celle-ci. Cette lumière émanait d'un seul rocherdont une de ses facette faisaient office d'écran télévisuel. Celui-cibrillait d'une lumière changeant de formes et de couleurs sans arrêt. Cetétrange téléviseur était un véritable feu d'artifice dans cet univers terneet maussade. S'approchant de cette vision, elle prit place sur une grossepierre plate en guise de siège.

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Elle était comme hypnotisée par toute cette lumière.

Tout cela est tellement irréel que cela frisait presque l'absurde,pensa-t-elle.

Tout à coup, elle remarqua que les points de lumière sur la rocheralentissaient et qu'il semblait former une image statique. Elle augmentasa concentration afin de distinguer ce nouveau mystère.

Maintenant, elle y distinguait la forme d'un visage. A mesureque les détails devenaient plus visibles, ses yeux s'agrandissaientd'étonnement. Ce qu'elle voyait, c'était elle-même le jour de sanaissance. L'image devint encore plus nette et se mit à bouger commesur un véritable écran de télévision. Elle reconnut sa mère Rose alorsqu'elle sortait à peine de l'adolescence. A mesure qu'apparaissait lesdifférents personnages, elle ressentait elle-même les sentiments deceux-ci. Elle sentait les sons plutôt que d'entendre ceux-ci. Il en était demême avec les odeurs. Ce qui se projetait sur ce rocher, c'était en fait, lefilm accéléré de sa vie. Cela était indéniable.

Intriguée et fascinée, elle resta là des heures, lui sembla-t-il, àcontempler toute sa vie dans ses moindres détails. Elle ressentait lesmêmes émotions qu’elle avait eues le jour de ces événements. Lesmêmes peines et la même indicible douleur. Elle se sentait commeprisonnière dans un manège sur les rails d'une montagne russe. En unbref instant, elle passait du plus grand bonheur à la plus immense peine.Cependant, son sens du jugement et du discernement s'éclairait d'unjour nouveau car elle voyait alors, une vision panoramique dessentiments, émotions, et vécue dans le passé ou le futur de chacun despersonnages impliqués dans l'événement. Ce qu'elle vit lui confirmahors de tous doutes, la parole du Maître Jésus qui affirmait que, nul nepouvait juger qui que ce soit sur cette Terre.

Soudain, elle vit sur l'écran de pierre, son fils Marc qui devaitbien avoir vingt ans de plus que le jour de son suicide. L'image seralentit et elle assista alors, en spectateur impuissant, au suicide de sonfils bien-aimé. Alors, elle comprit. Elle serait la cause responsable dusuicide de son fils. Une immense peine monta du plus profond de sonêtre.

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Cependant, le film ne s'arrêta pas là. Ceci n'était que le début dela représentation karmique de son suicide et de toutes les répercussionsque celui-ci produirait dans le futur.

Elle vit la fille de son fils qui naîtrait beaucoup plus tard,abandonner ses études de droit dû au découragement que le suicideavait eu sur le sens qu'elle donnait à la vie. Cette simple action auraplus tard des répercussions difficiles à imaginer. Il était écrit dans ladestiné de celle-ci qu'elle serait le défenseur d'un innocent qu'elle feraitacquitté. Celui-ci se ferait donc représenter par un autre avocat et seraitcondamné, ce qui occasionnerait encore d'autres conséquences aussidramatiques. Les yogis indiens appellent cette enchevêtrement desdestinés, cause et effets, la grande trame karmique de la vie. La causeproduit un effet qui devient elle-même une cause qui reproduit un autreeffet et ainsi de suite. Il est pratiquement impossible pour un êtrehumain de figurer tous les aboutissements d'une action irréfléchie. Lesgrands Maître spirituel qui ont atteint l'éveil ont tous comprit cela. C'estpourquoi ils adjurent le monde à ne pas porter de jugement d'une autrepersonne selon une seule action de celle-ci.

Elle continua de visionner la vie future de sa nièce, qu'ellen'avait pas eu le temps de connaître, et vit ainsi, tout le fardeaukarmique négatif qu'elle accumulerait, conséquence indirecte de sapropre action suicidaire. Des dizaines de renaissances seraientnécessaires afin de corriger la trajectoire de sa vie après la purificationde son karma négatif.

Tout cela n'était encore qu'un début!

Voilà maintenant qu'apparaissait le visage de sa fille Janet.Mariée, elle avait un époux jaloux et un fils adolescent qui était trèsturbulent. La pomme de la discorde était fréquente au sein de cettepetite famille. Suite à une de ses nombreuses disputes avec son marijaloux, elle se rappela le suicide de sa mère et la lettre qui affirmaitqu'elle pouvait ainsi mettre fin à sa souffrance. Elle tenta donc d'enfaire autant mais, ayant moins de détermination que sa mère, elle ratason suicide. Quelques mois plus tard, elle mit fin à son mariage et partitpour une contrée lointaine, abandonnant son mari et ses enfants. Dansce nouveau pays, elle ne fut pas plus chanceuse avec ses amants. Aussi,elle noya son chagrin dans l'alcool et mourût très jeune d'une cirrhosedu foie.

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Combien de souffrance, l'acte de suicide de sa mère aurait-elleenfanté? Seuls les Seigneurs du Karma peuvent répondre à une telleinterrogation. Le grand être éveillé, le Bouddha historique, refusait lui-même de répondre à cette question étant donné la complexité d'uneaction karmique.

Roland, le troisième de ses enfants, mentalement fort maisémotionnellement fragile, avait très mal pris le suicide de sa mère. Ill'avait peu connu, étant donné qu'il avait été placé dans un collège trèsjeune et qu’il n'en était sorti qu'a sa majorité. Aussi, sa mère lui avaitbeaucoup manqué dans sa jeunesse. Il était un être renfermé et secret,exprimant peu ses sentiments. D'une intelligence vive et supérieure à lamoyenne, il était très doué pour les arts visuels et l'écriture. Dès l'âge dedix-neuf ans, il s'était empressé de démarrer sa propre entreprise decourrier afin de prouver à sa mère qu'il pouvait réussir dans la viesociale. Le suicide de sa mère avait renforcé sa frustration envers lasociété et les gens de pouvoir: policiers, juges, psychologues,travailleurs sociaux, etc. Cette nouvelle souffrance due à cette perte,avait alors définitivement scellée sa révolte et sa tendance à lamarginalité. D'année en année, il s'était de plus en plus criminalisé,s'élevant de plus en plus haut dans l'échelle sociale de cette grandefamille d'exclus marginalisés. Ayant un grand sens inné des valeursfamiliales, il s'était toujours refusé à élever une famille dans un pareilcontexte d'insécurité. Il avait attendue longtemps, l'instant idéal où ilserait indépendant financièrement pour être confiant d'élever unefamille dans des conditions acceptables. Cet instant utopique n'étaitjamais arrivé et au crépuscule de sa vie, il était toujours célibataire.

Dans le Grand Livre de la Destiné, sous cette présente incarnation, ilétait écrit qu'il devait donner le jour à un fils prénommé Christopher.Ce fils qui n'avait jamais vu le jour, était prédestiné à de grandeschoses, socialement et spirituellement. Le simple fait de cette non-existence amènerait un retard important dans le développement de lasociété d'accueil ainsi que des profondes perturbations karmiquescollectives.

Cependant, vers la fin de sa vie, suite à des étudesmétaphysiques, Roland avait réajusté son tir. Celle-ci l'avait amené àcomprendre le sens profond de la vie et il avait fait un virage à 180degré. Il avait consacré le restant de sa vie à enseigner la spiritualité et à

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aider les incompris et les laissés-pour-compte de la société ditescivilisés. À cause de cette grande sagesse acquise par l'expérience de lasouffrance et du vécu, on l'avait surnommé, le Patriarche. Malgré cetitre présomptueux, il était demeuré humble et soumis à la loi divine. Ils'était éteint en laissant pour héritage, quelques écrits remplis d'unesagesse et d'une profondeur indéniable. Sa dernière cause avait été celledu combat contre l'ignorance spirituelle des gens de son époque.

Pas un seul membre de sa nombreuse famille n’était demeuréindifférent à ce suicide. Tous en avait été profondément affecté etcertains plus que d'autres. Même sa sœur Amanda, l'aîné de la famille,s'était sentie un peu responsable de ce drame. Lors du mariage de celle-ci, au Nouveau-Brunswick, elle ne s'était pas objecté lorsqu'elle avait suque celle-ci allait se marier avec un homme beaucoup plus âgé qu'elleet qui demeurait alors dans une autre région du Canada. Même si unpareil mariage était peu commun pour l'époque, elle n'avait pas oséaffronter l'ennemi étranger. Comme elle regrettait cette lâcheté. Sur sonlit de mort, elle s'était éteinte avec cette dernière pensée de culpabilitéqui avait engloutie ses larmes d'adieu. Cette dernière pensée aurait parla suite une incidence très négative sur sa prochaine renaissance. Celle-ci serait la cause principale d'une renaissance dans un monde inférieur,rempli de souffrance et de douleur presque indescriptible.

Elle avait pensé mettre fin à sa souffrance par son suicide. Dansson égoïsme, elle ne se rendait pas compte de l'énorme erreur qu'elleallait commettre. Maintenant désillusionnée, elle se rendait compte dela souffrance qu'elle avait occasionnée. Elle se demandait biencomment elle ferait pour racheter tout le mal qu'elle avait fait.

La pierre lumineuse s'éteignit lentement, ne laissant apparaîtreque quelques points lumineux, accompagné de spasme colorées,apparaissant par intermittence.

Elle demeura là, sur sa pierre plate, n'osant bouger de peurd'éveiller le mouvement de ses pensées. Toutes ces révélations l’avaientprofondément troublée. Comme elle se sentait ignorante de toutes ceslois spirituelles! Elle avait mis toute sa confiance dans une église morteou seul subsistait la coquille vide des rituels. Elle en avait donc récoltédes fruits amers.

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Comment avait-elle pu se laisser embobiner si facilement, sedemanda-t-elle?

Pourtant, elle était très intelligente. Cependant, il lui manquait lediscernement. Elle se rappelait qu'a une certaine époque, ses fils luiparlaient de karma, de réincarnation, de plan astral, etc. Elle n'avait pasjugé opportun de porter une attention particulière à ces révélations. Nuln'était prophète en son pays, disait l’adage populaire.

Comme elle regrettait ne pas avoir porté plus d'attention à cesdiscussions ésotériques. Peut être qu'elle saurait maintenant quoi faire.

Mon Dieu, comme elle avait mal de remords, pensa-t-elle!

Elle restait là, assise sur cette pierre qu’elle contemplait,hypnotisée, presque sans pensée. Il y défilait encore des imagesindéfinissables sans aucune signification précise.

Combien de temps était-elle demeurée là sans bouger? Elle nepouvait le dire, le temps et l'espace ayant perdu complètement leursraisons d'être.

Le ciel n'était pas un ciel.

La Terre n'était pas une terre.

Ni lune, ni soleil dans un firmament indécis.

Même l'ombre n'apparaissait pas.

Et pourtant, elle voyait, elle entendait.

Comment expliquer tout cela, qu'elle pensait?

À cet instant précis, elle sursauta!

Un éclair flamboyant venait de traverser la pierre lumineuse,puis, fut suivie d'un grondement de tonnerre. Elle sentit le sol vibrersous ses pieds.

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Instinctivement, elle se leva de la pierre plate, tous ses sens enéveil. C'était la première chose concrète qui se passait depuis qu'ellerésidait dans cet univers.

Tout à coup, son univers parut se fondre dans le paysagelointain. Autour d'elle, tout devint plus sombre en s'évanouissant dansle néant. Bientôt, elle ne distingua plus que la pierre lumineuseéclatante comme un diamant d'où surgissaient cent, mille, dix-millerayons de couleur dorée, éblouissant les ténèbres indéfinissables.

Cette clarté était tellement aveuglante que cela lui fit mal.

Elle resta figée sur place, pouvant à peine remuer le petit doigt.

Alors, lentement, tout doucement, une forme humaine indécise,sortie de cette pierre fantastique.

Le guide spirituel

Cette forme d'énergie pure s'approcha lentement d'elle. Ellecompara cette vision à celle que les disciples de Jésus avaient vue sur lemont des oliviers.

Cet être qui avait une forme vaguement humaine, était d'unblanc laiteux doré fortement lumineux, émettant des lueurs dedifférentes couleurs, qui jaillissaient parfois hors de cette formemystérieuse. Celles-ci devenaient alors semblables à des petites luciolesqui voletaient dans la nuit sans aucune destination bien précise. D'autrespetits points lumineux de forme oblique apparaissaient etdisparaissaient en voletant tout alentour de ce qui aurait du être la têtede cette forme. Cependant, on ne distinguait rien de précis, telle desyeux, une bouche, des oreilles ou un nez.

Elle pensa aux énigmes qui s'étaient accumulées depuis sonarrivé dans cet étrange univers.

Soudain, elle tressaillit. On lui parlait.

Un chuchotement velouté mais des paroles nettes, prononcées avecdouceur.

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L'eau qui dort crée-t-elle une douleur, lui demanda cette voix?

Elle demeura un instant muet, surprise par l'étrangeté de cette question.

Qu'avez-vous dit, questionna-t-elle?

Silence! Un silence lourd, pesant et impersonnel. La voix bienveillantes'était tue.

Elle voyait l'être lumineux tout près d'elle, environné par cesmillions de petites étincelles qui tourbillonnaient telle une dansefrénétique.

Ces jaillissements lumineux lui permettaient d'entrevoir desrochers aigus qui l'entouraient de même qu'un vague panorama del'horizon montagneux alentour d'elle.

La voix veloutée se manifesta de nouveau.

Elle ne fut pas surprise d'entendre celle-ci.

La voix l'invita à l'accompagner.

Elle obéit docilement. Son cœur battait sur un rythme beaucoupplus rapide qu'auparavant mais elle n'éprouvait aucune crainte.

Elle découvrit devant elle une flamme ardente bleue, remplied'une compassion profonde. Elle soupira d'incertitude.

Elle marchait et marchait encore, sans pensées et sansinquiétude. Enfin, elle avait un guide qui la conduirait vers unedestination bienheureuse. Soulagée, elle se sentait moins solitaire.

L'être lumineux lui permettait de distinguer le sentier comme sic'était l'aube.

Comme c'était merveilleux, pensa-t-elle!

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Malgré cet éclairage bénéfique, elle demeurait encore entouréed'ombres mystérieuses. Elle ressentait des présences mais ne lesvoyaient pas.

Elle continuait à marcher mécaniquement, aucune pensée nevenant troubler sa marche forcée.

L'être lumineux gardait le silence.

Au loin, au-delà de la plaine où elle marchait depuis tellementlongtemps lui semblait-il, elle distinguait les contours d'un paysagemontagneux.

Depuis combien de temps marchait-elle? Elle ne pouvait le dire!Cependant, cela lui apparaissait comme une parcelle d'éternité dans celieu où nul temps ne pouvait cohabiter avec l'espace.

Soudain, elle remarqua qu'il faisait presque jour!

Nul lever du soleil, aucun nuage dans ce ciel orangé.

Comment cet éclairage se produisait-il, se demanda-t-elle? Une énigme de plus, pensa-t-elle!

Maintenant, elle distinguait au loin les détails de la montagnequi se profilait à l'horizon.

Elle allait connaître une nouvelle aurore après cette nuit dedésespoir et de regrets. Elle se rappelait cette longue nuit, où soncerveau jouait encore à l'intellect calculateur, analysant, anticipantl'insondable. Si bien, qu’au lieu d'écouter, son cerveau n'avait cessé dese faire entendre, lui, et seulement lui. La petite voix de sa conscienceétait évincée par toute cette cacophonie mentale oppressive.

Dans le lointain, d'immenses étendues gris-vert étincelaient,conséquent au lever de l'aube, des horizons couleur de sangapparaissaient, des montagnes aux tons azurés resplendissaient en semélangeant à l'orangé du ciel.

C'est avec un grand étonnement qu'elle découvrait ce paysagefantastique d'un autre monde inconnu des vivants.

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Je ne suis rien, moins que rien, se dit-elle! Je ne sais où je vais, ni même comment j'y vais!

Un seul sentiment l'animait. Le désespoir!

Se sauver soi-même est ce qu'il y a de plus difficile dans la vie,pensa-t-elle!

Elle tentait de se redonner une espérance qui lui faisait défaut.

Dans la demi-clarté de cette aurore sans fin, elle apercevait auloin une tour immense, qui oscillait à la pointe d'un pic rocailleux.

Une énigme comme tant d’autres, se dit-elle!

Des monts acérés se dressaient tout autour d'elle, irisés sous lalumière mystérieuse écarlate qui s'élevait de l'horizon incertain. Un jourdiffus succédait à cette nuit sans lune. Scintillait dans la pénombre enfuite des milliers de joyaux fantastiques, conséquence des nombreusesgemmes qui semblaient abonder sur cette terre d'énigmes.

Ayant atteint la montagne, elle grimpait par des sentiers sinueuxet des corniches taillés dans le roc et la pierraille.

Elle remarqua qu'elle n'éprouvait aucune faim, ni soif, hors cellebien légitime d'une certaine fatigue après une telle randonnée. C'estainsi qu'elle parcourut des gouffres métalliques aveuglants, qu'elle vitdes monts d'un pourpre éclatant semblable au cristal d'alumine qui est àla base même du rubis.

Elle trembla un peu devant toute cette magnificence.

Elle franchit des ponts naturels d'une pierre quasi transparenteévoquant le quartz qui donnent naissance aux plus riches fantaisies dela nature, le diamant et le cristal de roche veiné d'or.

Longtemps, elle parcourut ces montagnes qui recelaient desétendues rocailleuses aux coloris extrêmement variés et brillants, dulapis-lazuli aux transparences du béryl, du noir de jais à la blondeursombre de la topaze. Parfois, de véritables monts de turquoise se

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dressaient imposant devant elle, des ravines de tourmaline se creusaientdes sentiers, des corniches de marbré s'élançaient gracieusement, fuyantles uns et les autres. La clarté du jour se reflétait sur des grappesd'émeraude et de rubis, allant même jusqu'à aveugler parl'éblouissement du diamant et du saphir.

Elle était ahurie. Jamais de son vivant, elle n'avait vu autant derichesse et de joyaux indescriptibles.

Soudainement, sans même s'arrêter, l'étranger lumineux entamale dialogue. Sa voix semblait résonner dans sa tête et dans son corpstout entier. C'était comme une vague parcourant l'océan, sans jamaisrencontrer de rivage.

Elle en fut très surprise, mais ne résista pas.

La vie, la vie est partout, affirma l'étranger. Autant l'arbre que lafleur, l'abeille que le papillon, nous sommes tous de la même nature queces métaux précieux, ces pierres et ces gemmes. De la plus petiteparticule atomique à l'immensité des galaxies, tout n'est quemouvement, tout vibre et chante la vie, manifeste le verbe créateur, leAum universel. Alors, il fit une pause silencieuse. De quoi sont faits les êtres vivants, lui demanda celle-ci? De phosphore et de souffre, de calcium et d'eau, cette eau fluide quiest le lien entre tous les éléments de base. Nous vivons de minéral, nousrespirons de végétal. A chacune de nos respirations, c'est toute lapoussière du cosmos qui pénètre en nous, nous vivifiant. En vérité, envérité, je vous le dit; tout est vie dans l'univers. Toutes ces pierres et lecosmos tout entier est vivant. La vie, reprit-elle. Hélas, partout où il y a la vie, il y a le combat, lesconflits, la lutte et la bataille pour celui qui devra naître. Cet état est-ildonc une incontournable loi cosmique, lui demanda-elle? Nous vivons, reprit-il! Cette mort que vous craigniez tant où lavoyez-vous? Croyez donc en la vie, jusqu'au bout, lui affirma-t-il avecforce.

Elle hochait la tête d'un air perplexe.

Tout est vie dans l'univers Je vous dis que ces pierres ne sont pasinertes. La vie, vous la portez en vous

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Elle aurait bien voulue comprendre, mais cela était au-dessus deses forces. Elle trembla un peu en regardant ce paysage de granit, desilex et de marbre merveilleux pour les yeux, mais qui glaçait le cœur,quand on en contemplait les étendues désolées et impersonnelles. Aplusieurs reprises, elle remarqua un étrange phénomène. Parfois, il luisemblait apercevoir dans ce paysage désolé, un coin de rideau qui selevait. Alors, elle voyait dans le lointain, un sentier parcouru par desombrages vagues mais à forme humaine. Était-ce sa vision fatiguée quilui laissait espérer et croire à une vie moins solitaire.

Ce qu'elle espérait de ces fugaces images, c'était une présencefamilière qui éloignerait cette implacable solitude qui asséchait soncœur. Elle se sentait seule, terriblement seule, malgré la présence del'être lumineux tout près d'elle. Celui-ci gardait le silence.

Elle crut entrevoir dans le lointain, noyé par le brouillard, unimmense et monstrueux château, dont elle n'en devinait que le contour.

Elle soupira de découragement!

Elle fit un effort pour chasser loin d'elle ses pensées négatives.L'étranger lumineux semblait avoir accéléré le pas. Elle en fit de-même.Ayant atteint la crête d'une colline, elle découvrit dans l'autre versant,une pente très abrupte qui conduisait au fond d'une vallée où trônaitseul dans un paysage ingrat, l'immense château qu'elle avait entrevitprécédemment. Ce château mystérieux était entouré d'un plan d'eau,d'un bleu très profond tirant sur l'azur.

Autour d'elle, des silhouettes évanescentes apparaissaient etdisparaissaient parmi les rocs, les pics et les sentiers qui se dirigeaienttous vers ce château de nulle-part.

Quel danger inconnu, allait-elle encore affronter, se demanda-t-elle?

Devant elle, s'étirait dans le lointain, une plaine immense d’oùl'on apercevait une multitude de silhouettes fuyantes se dirigeants toutesvers cet énigmatique château. L'horizon était bas et il subsistait ungrand silence dans ce paysage lunaire. Le silence l'enveloppacomplètement, sans que le bruit de ses pas n’éveille son attention. Ellemarcha comme un automate et continua d'avancer vers cette destinationde nulle-part.

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La plaine se changea en couleur d'or, verdoyante de lumière.Soudainement, son guide étranger la quitta sans même une explicationou un mot d'adieu. Semblable à un trou noir cosmique, il s'engloutit surlui-même, absorbant au passage sa luminosité mystérieuse. Le dernierclignotement de celle-ci s'évanouissa dans un léger sifflement quiconfirmait par le fait même qu'il n'avait pas été une hallucination. Ildisparut aussi soudainement qu'il était apparut.

Seule, laissé à elle-même, elle continua d'avancer sur ce sentier,en direction du château. Elle trembla légèrement et ne pût se contrôler.Elle ne sait pourquoi ce tremblement irrésistible la secouait comme unefeuille d'arbre réagissant à une faible brise. Maintenant, elle euvraiment peur. Une peur aveugle à laquelle elle ne peut échapper.

Soudainement, une mer de visages apparût autour d'elle. Aucunde ces visages ne lui était familier. Tous ces inconnus étaient toussemblables avec leurs visages impassibles et gris. Il y avait deshommes, des femmes et des enfants. Des centaines de visages, de tantet tant de gens, qui ont tous un regard étrange, reflétant un granddésespoir insondable.

Comme c'est étrange pensa-t-elle! Il y a tant de solitude et dedésespoir malgré toute cette multitude.

Elle-même ressentait cette solitude et ce désespoir sans visage.

Elle continua d'avancer sur le sentier qui s'était métamorphoséen dalles de pierres qui chantaient mélodieusement sous ses pas.Chacun de ceux-ci créaient de nouvelles symphonies. On aurait dit quesa marche donnait vie à des notes de musiques.

Le vent s'était levé dans la vallée, s'écoulant joyeusement vers laplaine. Parfois, elle sentait le sable dorée gicler sur ses joues. Cela luifaisait mal, mais comme cette douleur lui faisait plaisir. Si ellesouffrait, c'était le signe qu'elle vivait, qu'elle était. Cette souffrancemettait un baume sur sa grande solitude.

Étant de plus en plus proche de la forteresse, elle commença àdistinguer plus clairement des détails insoupçonnés.

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Le château était situé au centre d'une île battue par des flotsfurieux et les rochers aigus qui entouraient l'édifice semblaient êtres dessinistres soldats au garde-à-vous. Des lames d'eaux bondissaient dansun rejaillissement écumeux, puis se fracassaient dans un vacarmeassourdissant, sur ces rochers impassibles.

Elle fut très impressionnée par ce spectacle inattendu.

Malgré tout, elle continua d'avancer. Au loin, elle distinguait unpont Lévis qui était entouré de sinistres tours. Au-dessus de l'entrée,elle vit un poste de garde avec un chemin de ronde percé demâchicoulis. Le chemin pavé avait cessé sa mélodie ayant été engloutiepar celui des vagues rageuses. Il était de plus en plus encombré de gensde toutes races confondues et d'âges très variés. Tous se dirigeaientsilencieusement, d'une manière très mécanique et impersonnelle, versce pont Lévis.

Le château qui semblait immense lui cachait maintenant toutl'horizon. De plus près, elle distingua les détails de sa construction. Despierres énormes de forme rectangulaires qui devaient faire dix ou vingtmètres de haut étaient la base même de cette construction prodigieuse.Dans les fissures de ses joints usés elle vit des corbeaux qui y nichaient.Ceux-ci, d'un regard bleu-gris fixaient intensément chaque nouvelarrivant.

Arrivé sur le pont elle constata que la hauteur de ce château étaitahurissante. Ses tours se perdaient dans les nuages. C'était les premiersnuages qu'elle voyait depuis son arrivée dans cet univers étrange. Deminces filets nuageux s’étiraient vers l'horizon, mais la majorité secondensait au-dessus du château et de ses tours. Était-ce un hasard? Nulne pouvait répondre à cette interrogation!

Traversant le pont, elle remarqua les flots qui se fracassaient surles rochers acérés comme des couteaux et ceux-ci semblait protéger cedomaine contre toute intrusion extérieure.

Arrivé près de la tour de garde elle fut accostée par un soldat quisemblait provenir d'un autre âge. Celui-ci lui demanda:

D'où viens-tu? Je ne sais pas, répondit-elle!

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Après un instant de silence: je voudrais me rappeler, mais je mesouviens seulement d'une nuit dans une vallée! Une vallée! Une nuit!…parfois, tous ont peur, répondit-il! Elle reprit: je ne réussis pas à me faire comprendre et je le voudraisbien. Je ne réussis pas à exprimer par des mots ce que je ressens,l'angoisse, la peur, la solitude. Que dois-je faire, implora-t-elle? Traverse la porte, puis au premier couloir que tu rencontreras, tourneà droite et rends-toi jusqu'au bout. Tu verras alors une intense lumièrejaune ocre. Dirige-toi vers celle-ci afin de pénétrer dans la grande salledes trois trônes.

Tournant sur lui-même, il s'adressa à une autre personne quisemblait également égarée, comme elle l'était elle-même quelquesinstants auparavant.

Circulez, s'exclama le soldat moyenâgeux!

Revenant de sa surprise, elle termina sa traversé du pont, sedemandant bien ce que pouvait être ces trois trônes.

Elle marcha, marcha, et marcha encore. Comme ce pont étaitdémesuré. Elle n'en finissait plus de le traverser.

Tout cela avait quelque chose de très étrange.

Finalement, elle atteignit l'autre rive. Alors, elle remarqua lahauteur gigantesque de ces portes qui devait faire dans les 12 mètres delargeur par une hauteur de 35 mètres. Elle se sentait diminué par cegigantisme. Sans doute était-ce cela le but! Elle ne trouvait aucuneexplication pour justifier la grandeur exagéré de ces portes.

Dès quelque fut face à celle-ci, elle remarqua qu'ellessemblaient faites de bois sculpté avec beaucoup de détails etcomportant des milliers de motifs. Ces sculptures semblaient raconterune épopée comportant des centaines de personnages et autant de lieux.Tout cela ne lui rappelait rien et paraissait très mystérieux.

Elle s'en détourna du regard et vit tout près d'elle un couloirlatéral à celui où elle se trouvait. Rapidement, elle tourna à droite ets'engagea sur celui-ci.

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La salle des trônes

Une brillante lumière jaune-ocre semblait provenir de l'horizonde ce couloir sans bornes. Celui-ci était tellement immense, qu'elle enéprouva le vertige. À perte de vue. Elle remarqua une foule disparate degens se diriger vers cette lointaine lumière. Elle jeta un regard furtifvers l'arrière et remarqua à l'opposé, un autre couloir démesuré quipossédait autant de marcheur. Cependant la lumière au lointain étaitd'une texture bleutée tirant parfois sur le vert. Celle-ci semblait aussiéloignée que sa propre lumière jaune.

Revenant sur sa propre destination, elle essaya de calculer lesproportions de ce couloir. D'une largeur d'environ 33 mètres, il devaitfaire sûrement 90 mètres de haut. La fin de ce couloir interminabledevait bien être à quelques kilomètres.

Inconcevable, pensa-t-elle.

Parfois, elle croisait d'autres couloirs qui émettaient une couleurdifférente à chaque fois. Dans ceux-ci, ils y avaient toujours une foulecompacte, qui marchait dans un parfait silence telle des automates sortisd'un roman de science-fiction. Outre cette lumière, aucun mur nepossédait d'image ou de sculpture parmi ses pierres de construction.Rien, qui aurait aidé afin de quantifier ou de mesurer cette constructiongigantesque. Elle regardait tous ces pèlerins qui suivaient cetteprocession mystérieuse. Ils devaient se sentir diminués par cetenvironnement démesuré.

Cela était-il le but, pensa-t-elle? Diriger les pèlerins vers l'humilité,la simplicité, l'harmonie et l'équilibre! Peut-être…

Elle continua de marcher, suivant cette foule amorphe quisemblait désorienter. Le dallage du couloir semblait fait de marbre auxcouleurs veinées très variées, qui semblait parfois murmurer sous lespieds des marcheurs. Plus elle s'approchait de la fin du corridor qui nesemblait pourtant pas s'approcher d'elle, plus la foule devenaitcompacte, se refermant sur elle-même. Elle avait peine à mettre un pieddevant l'autre.

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Pendant combien de temps marcha t'elle ainsi? Elle ne pouvaitle dire. Des jours, des semaines, des mois? Le temps et l'espace seconfondaient dans cet univers paradoxal. Finalement, elle distingua auloin un portail historié en forme d'arche d'où émergeait sur sa traverseune sculpture en demi-relief qui représentait un serpent à plume qui semordait la queue. Au-dessus de celui-ci, étaient sculpté un soleil avecde nombreux rayons qui se terminaient sur les chambranles de la porte.

Passant sous ce portail, elle bifurqua à sa gauche et vit unimmense escalier qui devait bien contenir un millier de marches. Sur lafaçade de chacune de ces marches, elle distinguait des hiéroglyphesdont elle ne connaissait pas la signification. Ceux-ci étaient d'unefacture qu'elle n'avait jamais vu auparavant, ni dans des livres, ni à latélévision. Ce langage mystérieux et occulte ne faisait qu'épaissir lemystère ou elle était plongé.

Commençant à gravir toutes ces marches, elle remarqua que là-haut, sur le palier, la lumière jaune-ocre était beaucoup plus intense.Cependant, cette lumière semblait douce et réconfortante, semblantavoir sa propre vie, qu'elle ressentait comme étant la tendresse d'unemère envers ses enfants. Elle pressa le pas.

Était-ce cela, que les bouddhistes décrivaient comme la grandecompassion, la bodhichitta, se demanda-t-elle?

Elle continuait de gravir ces marches sans éprouver aucunefatigue. Seule une certaine lassitude prenait racine dans son cœurlorsqu'elle se demandait le but de tout cela.

Finalement, elle parvint au sommet et vit alors, avec stupeur,une salle tellement immense qu'elle en eut le souffle coupé. Le plafondétait en forme d'abside arrondis, les murs étaient composés d'unestructure complexe avec élévation à des centaines d'étages, composéesd'arcades, de tribune, de triforium ornées de crosses végétales,d'arcatures et de garde-corps ajourés possédant plusieurs statues sousdais à pinacles, véritable chef-d'œuvre d'architecture communalebrabançonne. Toutes ces représentations sculptées relevaient desmystères sacrés et parlaient de jugement dernier, lui sembla-t-il!

Le plafond de cette salle était tellement haut qu'il aurait pucontenir des nuages. À cette hauteur, parmi les colonnes de pierres

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d'arceaux et de clef de voûte décorés, il était impossible d'entrevoir despensionnaires ailés tels pigeons ou corneilles. Même à cette hauteur oncroyait voir encore des sculptures représentant des êtres diaboliques oumystiques.

Pourquoi ces sculptures étaient-elles disposées à une hauteur où ilétait impossible de les distinguer? Encore une autre énigme quis'ajoutait à la longue liste, pensa-t-elle!

La pièce principale était entièrement entourée d'une mezzaninesurmontée par des triforiums, soutenue par de nombreuses colonnes depierre, créant sous celle-ci une galerie immense gardée par descentaines de soldats faits de pierre. La galerie sous la mezzanine étaitfréquentée par une foule considérable de dévots de toutes les tendancesreligieuses. On distinguait, généralement par groupes distincts, desbouddhistes portants la robe monastique rouge ou safran, des dévots deKrishna chantant le mantra hare krsna, hare krsna, krsna, krsna, harehare hare rama, hare rama, rama rama hare hare, des chrétiens detoutes souches, passant du christianisme orthodoxes aux protestants.Parfois, elle entrevoyait des groupuscules tels les disciples de l'amourinfini, des Mormons, des Témoins de Jéhovah, etc. À l'extrémité de lagalerie Est, elle vit des Derviches tourneurs, ces fous de Dieu commeils aimaient s'identifier, entourés par de nombreux musulmans.

Toute cette litanie de prières et de mantra avait quelque chosed'étrange et de magnifique. C'était comme un bourdonnement demillions d'abeilles se répercutant sur les murs de cette étrangecathédrale et créant ainsi un écho sans fin assourdissant par sarégularité. De cette procession de dévots émanait une odeur de saintetéqui forçait le respect envers ce lieu saint, véritable Graal pour tous leschercheurs de vérités.

Le centre de la pièce était occupé par une fontaine en pierreémergeant à quelques pieds du sol de marbre polie qui recouvraitl'ensemble de cette pièce. Au centre de cette fontaine s'élevait uneimmense flamme blanche et bleue qui ne produisait aucune fumée nichaleur. De chaque coté de cette fontaine, s'élevaient deux grandstrônes faits de marbre incrustés de pierres précieuses, de gemmes et denobles métaux. Le trône de gauche était de couleur vert et or. Celui dedroite était de couleur rose veiné de brun orangé. La base de ce trôneétait soutenue par quatre éléphants faits de marbre blanc. Celui-ci se

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trouvait à une hauteur beaucoup plus élevé que l'autre. Elle sedemandait bien comment quelqu'un pouvait aller s'asseoir dans ce siègeroyal. Elle ne distinguait aucune échelle ou marche pouvant donnerl'accès à ce trône qui devait se trouver à une quinzaine de mètres du sol.

Elle ne voyait pas le troisième trône. Pourquoi le soldat l'aurait-elle induit en erreur? Elle était confuse.

Autour de ces deux trônes elle vit sur le sol des cerclesconcentriques de différentes couleurs. Ceux-ci étaient au nombre desept pour chaque trône.

Devant la fontaine se trouvait un immense gong en bronzemartelé posé sur une petite estrade de couleur rouge feu. Devant celui-ci, posé sur le sol, était disposé un grand tambour japonais qui devaitbien faire trois mètres de diamètres. Sur chaque coté de ce tambour étaitdisposé un petit escabeau avec une plate-forme permettant autambourineur d'atteindre le centre de la peau tendue.

De chaque côté du tambour japonais, elle distinguât deuximmenses trompettes tibétaines soutenues par un trépied en bois.Celles-ci avaient une longueur d'environ dix mètres chacune.

Au centre de cette immense salle dont elle ne pouvait distinguerla fin, marchait par petits groupes des milliers de gens de racedifférentes, sans aucun but précis que d'être en mouvement perpétuel.Elle constata que la loi du mouvement s'appliquait partout dansl'univers et qu'elle ne faisait pas exception en ces lieux. Ce mouvementn'avait peu être pour seul but que celui de nous faire prendre consciencede notre état d'être. Sans mouvement, la vie et notre existence cessed'être. Le mouvement serait-il donc le prix à payer pour prétendre àl'infini et à l'immortalité? Un bruit de petite cymbales et celle d'uneflûte harmonieuse la fit sortir de ses pensées philosophiques.

Elle se retourna et vit au loin, une procession de moinesbouddhistes s'approcher dans sa direction. Ceux-ci, au nombre d’unecinquantaine, jouaient d'une flûte au son très rauque, accompagné parcelui de petites cymbales et de clochettes qu'ils agitaient avec la main.D'autres égrenaient les billes d'un long mâlâ comportant cent huitgrains tout en récitant de long mantra ressemblant à une complaintetourmentée. Quelques nonnes faisaient partie de la procession. Elles

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faisaient virevolter au bout d'une ficelle, une bille qui allait frapper unpetit tambour à deux peaux, alternant d'un côté et de l'autre afin detambouriner un son en continu. D'autres moines faisaient tournoyer unpetit moulin à prière de la grosseur d'un pamplemousse comportant sursa surface externe l'inscription en sanscrit du mantra de la compassion,celui du Bodhisattva Avalokiteshvara.

Le petit groupe s'approchant davantage, elle commença àdistinguer des costumes très colorés et différents l'un de l'autre.Certains portaient une robe jaune, d'autres, une robe d'un rouge très vif,quelques-uns portaient une robe composée des deux couleurs, l'unerecouverte par l'autre, se terminant avec une écharpe de couleur orenroulée autour du cou. Au centre du groupe, une dizaine de moinesnomades portaient une soutane de couleur unie, brun foncé,généralement trouée, rapiécée et usée par le temps. Celle-ci laissaitparfois apparaître par endroit, la chair maigrit et les os de ces moineserrants, quêtant pour leurs survivances, avec pour seul bien, le bol dumendiant. Ils reproduisaient ainsi dans leurs intégralités, la vie de leurmaître, le Bouddha historique. Cette procession disparate, se terminaitpar des yogis hindous entièrement nus, complètement couverts decendre, symbolisant par là, le renoncement complet au monde. Cesradicaux refusaient tout confort, couchaient à la belle étoile, senourrissaient exclusivement d'aumône et étaient strictementvégétariens. Toutes leurs journées étaient entièrement consacrées à laContemplation Divine, assit sous un arbre banian en posture deméditation. Parfois, ils restaient assis ainsi, plusieurs journées d'affilées,jeûnant et buvant à peine sous le chaud soleil de l'Inde. Parmi cettebranche très radicale, il en existe une autre encore plus stricte. Celle-cise nourrit exclusivement de graines et leurs pratiques méditativesconsistent à fixer intensément le soleil sans aucune autre protection queleur foi envers leurs Dieux. Cette pratique demeure un mystère pour lessavants occidentaux qui n'arrivent pas à s'expliquer qu'aucune lésion nevient affecter leurs visions parfaites.

Une dizaine de mètres plus loin, suivait un autre groupe d'unecentaine de membres, habillés de grandes soutanes noires, blanches ougrises. Plusieurs portaient un fanion symbole de leur foi où onreconnaissait deux poissons entrecroisés, signe des premiers chrétiens.Ce groupe était suivi par celui des orthodoxes, puis celui des Mormons,puis les catholiques suivies des protestants, ensuite les juifs qui avaientattachés sur leurs fronts des petites boîtes de cartons contenants des

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prières écrites, enfin apparurent le groupe très important desmusulmans. La procession ne se termina pas là. Toutes les sectesdiversifiées semé sur Terre et bien des religions aujourd'hui éteintes,apparurent dans un seul groupe encore plus important.

Des chants aux sonorités grégoriennes s'élevaient de ces groupesdisparates et faisaient vibrer son être tout entier. Elle se rappela que surTerre, elle aimait bien cette musique de l'âme. Du tréfonds de son êtres'éleva une mélancolie teintée de la nostalgie du passé.

Sortant de sa mélancolie, elle vit au bout de cette procession ungroupe très coloré qui faisait penser aux premiers empirespharaoniques, dans toutes leurs beautés et leurs créativités. Mélangéparmi ce groupe, elle reconnut les sumériens et les phéniciens, desempires aujourd'hui éteints. Était-ce les derniers vestiges de Babylonequ'elle avait devant elle? Elle ne pouvait en être certaine.

Le premier groupe, celui des moines bouddhistes, arriva près dela fontaine et commença alors à se diviser. Un géant à la peau cuivré,vêtu seulement d'un pagne blanc, s'approcha près du gong de bronze,saisit le marteau à forme ronde et se posta en sentinelle à droite decelui-ci. Les yeux fermés, il semblait méditer en silence une prièreinconnue. Deux moines de taille normale, accoutrés de la même tenuevestimentaire mais fortement musclés allèrent se placer face au tambourjaponais. Postés comme des sentinelles, ces gens de couleur noiresemblaient attendre un invisible signal. Dans leurs mains, chacunportait deux immenses baguettes servant à battre le tambour.

Deux moine sortirent du groupe bouddhiste et allèrent se placeren arrière des flûtes géantes. Ils portaient une robe safran et leurs têtesétaient coiffées d'un étrange bonnet jaune en forme de pyramide à troisfaces. Chacun tenait, enroulé autour du poignet, un immense mâlâqu'ils égrenaient mécaniquement.

La suite de la procession se divisa en deux et prirent position surles cercles intérieurs près des trônes. Tous s'assirent en position dutailleur, gardant le silence et méditant, la tête tournée vers le trône faceà eux.

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À sa droite, apparut un autre groupe qui chantait et psalmodiaitune mélodie et des mots inconnus d'elle. Des quatre points cardinauxapparurent d'autres groupes encore plus importants.

Elle ne savait où porter son attention. Ces groupes semblaientprovenir de nulle-part et étaient de plus en plus étranges.

Avec une discipline monastique, tous ces groupes prenait placesur l'un des cercles et gardait le silence. Cette chorégraphie avaitquelque chose de fascinant et laissait planer dans l'air l'attente d'unévénement d'une portée considérable.

Maintenant, toute la foule présente dans cette salle avait sonattention fixée vers ce centre magnétique irrésistible. Même lesnombreux dévots qui marchaient sous la mezzanine s'étaient arrêtés, leregard dirigé vers le centre de la salle. Un plus petit groupe deprivilégié gravissait l'escalier donnant accès à la mezzanine.

Venant simultanément de toutes les directions à la fois,apparurent des jeunes filles vêtus d'une grande robe blanche. Elleprenaient tous place sur le cercle d'or entourant toute la scène complexedes trônes et de la fontaine. Elle évalua le nombre de ces jeunes filles àenviron un millier où deux. Elles formèrent un cercle parfait séparantainsi la foule de ce Saint-Graal des trônes. Il était très difficile d'évaluercette foule immense. Cent mille, deux cent mille, peut être!

Soudainement, sans avertissement, le moine géant éleva samassue géante dans les airs et projeta celle-ci avec une forceherculéenne, directement sur le gong de bronze. Au contact de l'air, leson sembla s'amplifier et projeta vers la voûte du plafond, des cerclesconcentriques rougeâtres qui se fragmentèrent avec écho sur la paroi depierre de la voûte du plafond. Le son s'éteignit en produisant desmilliers de petits cercles de différentes couleurs.

Les deux moines noirs, firent travailler leurs muscles entambourinant avec force, le tambour japonais. D'un mouvementfrénétique mais parfaitement synchronisé, ils créèrent entre eux uneparfaite harmonie qui produisit une onde qu'elle pouvait apercevoirvisuellement. Celle-ci englobait horizontalement, tous ceux qui setrouvaient sur son passage, les laissant avec l'impression étrange queleurs atomes s'étaient tous volatilisés dans la pièce et s'étaient unis à

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celle de toutes les autres personnes présentes dans la salle. Elle avaitressentie le même phénomène.

Le tambour japonais laissa la place aux gigantesques trompettestibétaines. Les sons rauques sortant de l'extrémité des trompettesapparaissaient comme des petits nuages colorés qui s'élevèrent dans lapièce. Ceux-ci semblaient animés d'une vie individuelle ayant leurspropres personnalités. Cela était très étrange. Tel nuage identifié à tellecouleur prédominante, se dirigeait vers tel groupe. Un autre d'une autrecouleur se dirigeait vers un autre groupe. Ces nuages émettaient deslueurs semblables à des feux follets, qui rendaient la salle et les gens,féeriques et remplis de couleurs scintillantes.

Comment cela était-il possible? Elle songea qu'elle était encore loinde la fin de ses énigmes.

Les trompettes se turent et le silence reprit son droit de cité.

Alors, les moines bouddhistes du premier cercle intérieur,entamèrent tous en chœur, le mantra de la connaissance, celui duSeigneur Manjushri, bouddha de la Lumière Infinie. Après quelquesminutes de cette pratique, sortit de la foule en transe, un mendiantenveloppé d'une robe grise, plus près de la loque que d'une soutanemonastique. Il traversa les sept cercles entourant le petit trône près de lafontaine. Il prit place sur le trône, un grand sourire illuminant sonvisage, puis contempla cette foule immense qui l'entourait. Quelquesfois, il semblait s'attarder à un visage ou a un groupe en particulier. Cemanège dura un bon moment. Étrangement, chacun ressentait ce regardcomme ci celui-ci lui était destiné et tous se sentaient ainsi explorés auplus profond de leur cœur, révélant ainsi ce qu'il y avait de plus intimedans ce dernier refuge. Elle ressentit les mêmes effets que l'ensembledes gens et en fut légèrement apeurée.

Le cœur. N'était-ce pas à cet endroit précis que plusieurs écolesésotériques avaient identifié un atome immortel, appelé par lespratiquants du Vajrayana , la goutte blanche indestructible. Selon eux,cet atome réside au centre du chakra du cœur, demeure principale de laconscience qui se réincarne de vie en vie. Certains religieux l'appellentâtman ou âme, et d'autres l'appellent, esprit ou l'esprit de l'homme.Toute cette confusion n'est en réalité qu'affaire d'interprétation, etparfois, une vaine tentative d'inculper une connaissance supérieure à

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celle du monde physique qui demeure enfermé dans ses concepts dedualité et de relativité.

Elle regarda ce moine errant, bien calé dans le fond de son trônede pierre et d'émeraude. Silencieusement, il évaluait cette fouleimmense qui semblait attendre le retour de l'espoir, d'un événement quimettrait peut être fin à leurs souffrances. Ceci, elle le ressentait dans lesvibrations produites par son nouveau corps semblant fait de lumièrepur.

Réfléchissant, elle se demanda: comment pourra-t-il se faireentendre par toute cette foule?

Il y avait dans cette foule multiethnique une bonne centaine deraces différentes, parlant des langues et des dialectes différents.Certains groupes semblaient même provenir d'un passé tellementéloigné, que même leurs civilisations s'étaient éteinte avec leurslangues. Elle estimait que son interrogation était amplement justifiée.

Bientôt, la réponse s'imposerait d'elle-même.

Le moine-errant se leva debout. Ensuite, il leva les bras au ciel,les paumes des mains dirigées vers le haut, semblant implorer les Dieuxde lui venir en aide. A cet instant, une lumière dorée intense émergea deses mains. Celle-ci se concentra en un étroit rayon lumineux semblableà celui d'un rayon laser, qui s'élança vers les cieux, s'évanouissant dansl'infini de l'espace. Le rayon s'était évadé par une ouverture circulairesitué au centre de la coupole centrale du plafond. C'était la premièrefois qu'elle remarqua cette ouverture. Elle n'en fut pas surprise, étantdonné l'immensité de cette salle, où il était impossible de tout voir.

Un étrange phénomène débuta et amena une exclamation desurprise parmi les participants. Des perles de lumières sortaient de nullepart puis se dissolvaient dans le rayon d'or. Ces perles concentriques,pas bien plus grosse qu'un petit pois, apparaissaient en groupe dequelques centaines, manifestant différentes couleurs et disparaissantaussi soudainement qu'elles étaient apparues. De son vivant, jamais ellen'avait vu une chose aussi extraordinaire et énigmatique.

C'est féerique, prodigieux, fantastique, qu'elle s'exclama!

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Alors, le moine baissa les bras et dirigea le rayon vers la foule,tout en tournant lentement sur lui-même. De ses mains émergèrent desmilliers de perles lumineuses colorées qui s'élançaient vers lesspectateurs. Elle vit alors ces perles pénétrer dans le corps desspectateurs par les différentes portes nommé chakra. Chacun de ceschakras attiraient vers lui des perles ayant une couleur spécifique àcelui-ci.

Elle ne comprit pas le but final de cette opération, mais elleressentait que tout cela était une bénédiction provenant du monde desDieux et des êtres Saints.

Après cette démonstration de puissance semblable à un feud'artifice magique, le moine reprit son siège, prenant la pose yogique duméditant, celle du vajra. Dos bien droit, tête légèrement penché versl'avant, yeux mis clos, jambes croisés sous les genoux, main droite dansla paume de la main gauche, pouces joints ensembles, mainspositionnés à trois doigts au-dessous du nombril, cette position est laposture idéale pour la méditation.

Suivant un bref instant de silence, le moine s'adressa à la foule.Ses lèvres ne bougeaient point mais on entendait très distinctement sesparoles de sagesse, toutes de douceur. Alors, elle sut que cela était uneforme supérieure de télépathie qui se jouait de la frontière des races etdes langues. Revenant de sa surprise, elle se concentra sur cetenseignement mental.

Bienvenue à vous tous, trépassés et disparus, des mondes de ladualité et de l'illusion. En ce moment même, je vous apporte labénédiction de tous les Bouddhas et Êtres Saints, qui ont semé dans voscœurs des graines lumineuses de compassion et d'Amour véritable quin'exigent rien en retour. Puisse ce moment béni vous êtres bénéfique,éliminer de votre cœur la souffrance et le désarroi et guider votrecourant de conscience vers une renaissance heureuse.

Nous allons débuter cet enseignement par la pratique sacré de laméditation bouddhique, celle-là même qui était préconisée par notreMaître à tous, le Bouddha historique Sâkyamuni.

Nous pouvons commencer, déclara le moine après un instant derecueillement bénéfique.

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A cet instant, un très vieux vieillard aux cheveux et à la barbeblanche, se leva et se retourna face à la foule. Vêtu d'une longue robemonastique rouge et safran il contrastait fortement sur les autres moinesau crâne rasé et imberbe, symbole de la renonciation au monde.S'adressant à la foule, le vieillard débuta ainsi:

La méditation est la route qui mène vers l'éveil. Vous tous, quiêtes désœuvrés, désemparés, égarés dans ce nouveau monde, faites lepremier pas vers la liberté, accédez au sentier méditatif.

Pendant un bref instant, il garda le silence afin d'être sûr quechacun prendrait le temps de bien peser le poids de leur décision. Ilrecommença l'enseignement par ces mots:

La méditation est la route qui mène vers l'éveil. Voici donccomment débute ce pèlerinage sacré: assis par terre, les jambescroisées sous votre bassin, vous exprimez ainsi l'unité de la vie et de lamort, du samsara et du nirvana. Les jambes détendues, assurez-vousque vous gardez le dos bien droit, comme une flèche s'élançant vers leciel. Soyez détendu, tout en restant bien droit. Votre maintien doitexprimer, telle une montagne imposante, la stabilité inébranlable duroc, la force naturelle. Sentez que votre tête repose sur votre cou, maisne soyez pas crispé. Toute votre posture doit être naturelle et éveillerune source de joie et de confort. Soyez vigilant. Ne crispez aucunmuscle, surtout ceux des épaules et du cou. Détendez tous vos musclesdu visage, même ceux des yeux, de la langue et du cuir chevelu. Gardeztoujours le dos bien droit, ainsi le "prana" cette source de vie, circuleraplus aisément dans les canaux subtils de votre corps. Mettez vos mainsà plat, l'une dans l'autre, les pouces joints par les extrémités. Gardezcelles-ci, jointes juste au-dessus du nombril. Penchez très légèrement latête vers l'avant et gardez les yeux ouverts. Si vous avez tendance àsommeiller, dirigez votre regard vers le haut. Si vous êtes agité, dirigezcelui-ci vers le bas. En position normale, regardez juste devant vous,dans la ligne du nez, l’attention fixée dans le vide à environ une tête dubout du nez. Restez hors focus et ne fixez pas votre attention sur celui-ci. Entrouvrez légèrement la bouche et respirer par celle-ci. Cecifavorise l'élimination naturelle des "souffles karmiques", producteursde pensées discursives qui créent des obstacles lors d'une méditation.A la fin de votre méditation, ouvrez les yeux tout grands, regarder droitdevant vous, tout en demeurant calme et serein.

Pourquoi faire tout cela, se demanda-t-elle mentalement?

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Le vieillard continua son enseignement:Apprenez tous à méditer, car ceci est le plus grand don que vous

puissiez faire dans votre vie. Seule la méditation vous permettra deretrouver votre vraie nature. Celle même qui vous guidera vers l'éveil,but ultime de toute existence humaine.

Après une brève pause, il débuta la pratique de celle-ci:Imaginez dans votre esprit, un lac entouré de belles montagnes

remplies d'arbres majestueux, entouré d'un généreux tapis de verdure.L'air est rempli d'un parfum d'épinette et de sapin, aucun vent netrouble ce calme et cette paix majestueuse. L'eau du lac est calme etaucune vague n'agite sa surface qui reflète sur celle-ci les montagnesvoisines. L'eau, transparente et claire, dévoile le fond marin avec sesroches et ses plantes marines immobiles.

Soyez comme cette eau, comme ce lac. Soyez calme et détendue,complètement détendue. N'agitez pas les vagues de votre esprit. Vospensées discursives sont comme des tempêtes, qui créent des vagues defond, agitant ainsi l'eau boueuse qui va masquer toute la transparenceet la clarté de ce fond marin, qui est la nature essentielle même, devotre esprit.

Soyez vigilant, très vigilant, et détendez-vous.Quelques soit la pensée qui s'élève, continuez à demeurer

vigilant et présent à vous même. N'agitez pas l'eau boueuse de votreconfusion. Revenez tout simplement à votre méditation.

Vigilance, vigilance, détente, vigilance, détente…

Rappelez-vous. L'esprit ressemble à un lac très clame et serein,que trouble occasionnellement un vent-émotif ou une vague-pensée.Ces vagues proviennent du lac. Elles sont sa nature même et ellesretourneront à ce même lac, s'évanouissant ainsi dans cette mêmenature.

Soyez vigilant, mais ne retenez aucune pensée ou émotionprisonnières. De votre esprit elles sont nées; à votre esprit, ellesretourneront. Soyez attentif et patientez. N'en doutez point! Ellesretourneront à leur nature essentielle, votre propre esprit. Elles sontcomme le vent; elles viennent et puis s'en vont. Ne vous attachez pas à

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elles. N'émettez aucune colère, aucune frustration envers elles. Ne lesnourrissez pas car elles enfanteront une vaste progéniture qui vousharcèlera constamment. Observez-les, simplement, tels des nuagespassant temporairement dans le ciel de votre royaume.

Le but de la méditation n'est pas de contrôler les pensées maisde les observer, réduisant ainsi leur cadence, augmentant du fait même,l'intervalle entre chacune de leurs apparitions. Cet intervalle de paix etde félicité est le but véritable de toute méditation sérieuse.

Débutons maintenant cette pratique millénaire:

Respirez calmement.Expirez calmement.Portez toute votre attention sur ce mouvement.Inspirez … un intervalle sans action.Expirez… un espace libre.Inspirez…un espace vide.Expirez…un espace vide.Observez…soyez attentif.Inspirez…un espace vide...expirez…Respirez normalement, sans effort ni contrainte.Inspirez…un espace vide…expirez…Soyez vigilant.Observez votre inspiration, observez l'intervalle, puis l'expiration…Inspirez…un espace libre…Expirez…un espace libre…inspirez…Respirez normalement…naturellement…Soyez conscient que vous inspirez…conscient de l'intervalle…expirez.Si vous avez une longue respiration, soyez-en conscient.Si vous avez une courte respiration, soyez-en conscient.Observez le rythme de votre respiration…oubliez le reste…Oubliez tout ce qui vous entoure.Imaginez votre souffle dans l'espace de vérité.Soyez calme et détendu.Inspirez…un espace libre…expirez…Fixez votre attention sur l'espace libre.Demeurez en paix dans cet espace.Inspirez…un espace libre…expirez…Vous êtes cette inspiration…vous êtes cet espace vide…Vous êtes cette expiration…

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La respiration et celui qui respire est Un…Vous êtes ce souffle…Demeurez dans cette paix…Demeurez dans cette tranquillité et cette félicité…Toute distraction a maintenant disparu…Oubliez-vous complètement…Perdez-vous dans cette méditation du souffle…Soyez vigilant…Soyez attentif…Vivez le présent de cette méditation.Aum, ah, hum…aum, ah, hum…aum, ah, hum.

Faites l'expérience de cette méditation autant de fois que vous ledésirez. Cette expérience vous apportera le calme, la joie et le bonheurvéritable avec le désir de demeurer dans cette paix. Le jour où vousserez égaré complètement dans l'attention à votre respiration, le butsera atteint et le "Nirvana" vous sera alors accessible. Toutefois, mêmeau début de votre apprentissage, vous serez récompensé, car votreméditation vous aura rendu plus calme et réfléchi, plus paisible ettranquille. Par la même occasion, vous aurez renforcé votre vigilancepar la prise de conscience et l'attention bénéfique.

Cette méditation par la respiration, appelé aussi " Vipassanǎ ", veut dire "vision dans la nature des choses qui conduit à la complètelibération de l'esprit", et guide ses disciples vers le " Nirvâna " par laréalisation de la Vérité Ultime. Lors d'une grande époque humaine,2500 ans passés, cette pratique de méditation a permis l'éveil duBouddha historique, le Prince Gotama Siddhaharta, nommé aussiSâkyamuni afin d'identifier celui-ci au clan des Sâkya (lion).

Le vieillard fit une pause, avant de reprendre:

Comme vous pouvez le constater, cette pratique a déjà produitedes fruits remarquables et il ne tient qu'a vous d'en cueillir unenouvelle récolte. Ce qu'un être humain a déjà fait, tous peuvent le fairea déjà affirmé le Bouddha Sâkyamuni.

Le vieillard à la barbe blanche se tut. Il se recueillit silencieusement,puis penchant la tête légèrement, il joignit les mains au niveau du cœur,

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signe de prière chez les bouddhistes du monde entier. Relevant la tête etgardant les mains jointes, il reprit la parole:

Puisse cette méditation, éliminer votre souffrance et les causesde cette souffrance. Puisiez-vous être libérés de la douleur, des causesde cette douleur et de la confusion qui en résulte. Puisiez-vous trouverle réconfort et la paix de l'esprit. Par le pouvoir et la vérité de cettepratique, puisiez-vous obtenir le bonheur et les causes du bonheur,contribuant par la même occasion, à l'éveil de tous les êtres quipeuplent l'espace infini.

Aum, ah, hum…aum, ah, hum…aum, ah, hum.

Le vieillard reprit sa place en position assise, son regard tournévers le moine assis sur le trône.

Elle sortit de la torpeur où l'avait plongée cette méditation. Ellese sentait bien, toute trace de panique, de désarroi et de confusion ayantcomplètement disparus.

Le kali yuga.

Elle vit un autre moine se lever du premier cercle et s'adresser directement au moine sur le trône. Ô noble moine. De mon vivant, j'ai étudié pendant toute une vie, destextes védiques qui remonte à une très lointaine antiquité. Au début demon étude, j'ai traduit du sanskrit en langue européenne, plusieurstextes des "Upanishad" ainsi que d'autres provenant des tantras.

Pourriez-vous, Ô noble moine-errant, expliquer ce qu'est le KaliYuga et son incidence en rapport avec notre époque actuelle. Lors demes études sacrées, ceux-ci ne firent qu'obscurcir ma compréhensionenvers cette époque et cet âge des ténèbres qu'elle annonce. Sur mon litde mort, un ressentiment envers cette incompréhension à gravé dansmon cœur, un sentiment de culpabilité qui me retient prisonnier dans cemonde, qui n'en est pas un. Je vous implore Ô noble moine, d'éclaircircet énigme pour le bien de chaque être prisonnier dans l'entre-deux etde favoriser ainsi leurs délivrances. Puisse Brahmane, étendre sur cetteassemblée, ses nombreuses bénédictions.

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Cet étrange personnage, un yogi hindou provenant d'une écoletantrique, se rassit en posture du lotus, reprenant dans sa main gauche,la calotte d'un crâne humain et dans sa main droite, une flûte creuséedans un fémur.

De son vivant, elle avait vu beaucoup de gens étrange car elledemeura longtemps dans une grande ville. Cependant, celui-ci étaitencore plus étrange que tout ce qu'elle avait connu. Selon elle,transformer un crâne humain en bol de mendiant, mangeant et buvantdedans, cela dépassait l'entendement. Faire une flûte avec un fémurhumain, cela aussi était inadmissible. Porter au cou un immense collierfait d'os humain, ainsi que des bracelets aux chevilles et aux poignetsfait avec de plus petits os encore, cela était répugnant. Plus bizarreencore, était cette tête de mort momifié qui avait été réduite à la tailled'une balle de tennis et qu'il portait fièrement à son cou dénudé. Cettetête portait encore des cheveux et les yeux étaient remplacés par desperles polies. Un frisson la parcourut.

Elle sentit une vibration envahir son esprit. Elle sut immédiatementque le moine-errant allait répondre à cette étrange question.

Le moine-errant débuta par ces mots:

Ô noble bhikkhus qui avez côtoyé la mort, dormit tant de nuits dansles cimetières et passé tant de jours avec des cadavres que vous avezanalysés, disséqués. Comment avez-vous ignoré une vérité pourtant sisimple et si élémentaire? Votre vision est excellente, pourtant vous êtesaveugle. Même votre ouïe vous a induit en erreur. Vous entendez hurlerles loups et les chacals, mais vous n'entendez point la symphonie dessphères qui existe depuis l'aube des temps. En vérité. En vérité, je vous le dis! Vous avez des yeux pour voir etdes oreilles pour entendre. Ô bhikkhus, ceci est la réponse à votreinterrogation!

Se retournant vers la foule en ignorant le yogi, il reprit:

Maintenant, la curiosité a été éveillé chez tous les participants,alors, écoutez ces paroles prophétiques provenant d'un autre âge, d'uneautre époque, mais concernant surtout votre époque, votre civilisation.

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Le Kali Yuga fut une époque parmi tant d'autres, sur le grandsablier cosmique qu'est la vie. On appelle cette époque, un âgecosmique, car cela s'est passé il y a très longtemps et la durée de celle-ci est colossal, comparé à celle de votre civilisation. Dans des textestrès anciens, si anciens que le mot "année" n'existait pas encore, ondécrivit l'évolution d'une étoile, de ses planètes, et particulièrementcelle qui hébergeait une humanité. Cette connaissance étaitemmagasinée dans des livres indestructibles se trouvant dans un autreunivers, un autre plan de la conscience, accessible uniquement à desinitiés. La longue épopée de cette étoile et de sa planète habitée avaitété divisée en cinq âges précis.

Une longue période s'écoula avant qu'une civilisation semblableà la votre, physiquement et psychiquement, s'épanouisse sur cette Terre.

Cette civilisation, aujourd'hui éteinte, avait compilé ces écrits dansdes archives importantes. Afin d'exprimer ce savoir devant leur peuple,ces grands prêtres firent édifier à cette gloire, une immense statue quisymbolisait toute cette connaissance. Posé à cheval au dessus d'unfleuve donnant accès aux palais royaux, cette statue à forme humaineavait une tête qui était faite entièrement d'or. Le tronc était d'argent, lebassin était de bronze, les jambes étaient en fer et les pieds étaient enargile. Celle-ci, symbolisait donc les cinq époques de l'humanité, enpartant du haut vers le bas. L'âge d'or de l'humanité solaire à été la plus heureuse que celle-cin’ait jamais vécue. Toutes les conditions étaient réunies afin defavoriser l'éveil et l'illumination véritable des humains. Durant cetteépoque, les gens vivaient dans des corps qui étaient fait d'une matièrebeaucoup plus subtile et cette civilisation dura un temps qu'il estdifficile à imaginer pour votre époque. Le deuxième âge, celui de l'argent, en était encore un de grandebénédiction, de bonheur et de félicité encore très proche de l'âge d'or.Il n'existait aucune société organisée telle que celle que vous vivezactuellement, car les besoins n'existant pas, cela ne s'avérait donc pasnécessaire. Les gens possédaient tous des pouvoirs égaux, que vousnommez aujourd'hui; magie. A de très rare exception, on découvreencore quelques uns de ces pouvoirs sur votre monde. Les pratiquantsdu yoga appellent ceux-ci des siddhis, les occidentaux, des pouvoirssupranormaux. Certains de ces pouvoirs sont actuellementcomplètement disparus de votre époque. Parmi ceux qui restent dessiddhis, mentionnons: le contrôle de la matière et de sa mutation; vols

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dans les airs; passage à travers la matière; se rendre invisible auxautres; réduire sa taille jusqu'à la grosseur d'une atome; augmenter sataille à trois fois sa taille normale; communiquer par la pensée, desidées ou des émotions; exclure toute maladie ou tare physique;transférer sa conscience dans n'importe lequel matière inerte ouanimée; voyage intersidéral par la vision de la pensée; voir les autresmondes et ses habitants par la clairvoyance ou la clairaudience;dupliquer son corps à plus de cent exemplaires faisant une tâche ou undiscours différent dans différent endroit; fusionner avec des états deconscience différent, allant de celle de la fourmis à celui d'un soleil enpassant par les planètes, la limite étant le système solaire terrestre; lamémoire d'un seul individu pouvait contenir l'histoire complète de lacivilisation humaine, l'écriture était une chose complètement inutile.Cette époque dura des centaines de milliers d'années. La troisième époque, celle de bronze, fut le commencement de ladégradation qui fut très rapide. La durée de vie normale chutadramatiquement à mille ans. La mémoire diminua grandement et l'oncommença à inventer des méthodes afin de pouvoir se souvenir. Lescordes de couleurs noués de l'époque Incaïque est un résidu de cestechniques. Tous les pouvoirs "siddhiques" s'estompèrent et l'oncommença à voir une dichotomie entre différent individus. Celle-ci créades sentiments nouveaux chez quelques personnes. Ces sentimentsétaient complètement inconnus pour l'époque: jalousie, envie,frustration, rancune… Le quatrième âge, celle de fer, fut celle d'une dégradation encoreplus rapide se rapprochant encore plus de notre époque. L'espérancede vie diminua encore. Les pouvoirs se firent encore plus rares. Il étaitcommun de voir des enfants venir au monde et ne possédant aucunpouvoir, ne pouvant même plus communiquer avec leurs parents. Onsuppléa le manque de pouvoir par des machines et une technologie quiétait une extension des sens humains et de leurs forces. La technologiematérielle accouplée aux pouvoirs mentaux fit des miracles. Malgrécela, cet âge, comparé à la première, était une véritable descente auxenfers. Le corps humain était de plus en plus impur. Les maladies et lestares humaines firent leurs apparitions. L'immoralité, le besoin dupouvoir et les guerres apparurent à la fin de cette époque. La dernièregrande civilisation de cette époque poussèrent la technologie dans sesderniers retranchements et déclenchèrent une série de catastropheplanétaire qui les anéantirent presque tous. Votre civilisationmatérialiste découle des vestiges de cette époque et n'en est pas une deprogrès mais d'une décadence qui s'accélère encore et qui marquera la

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fin de ce monde afin que renaisse l'enfant nouveau qui annoncera unnouvel âge cosmique, un nouveau cycle. Actuellement, vous êtes à la frontière des deux âges, la fin de celledu fer et le début de l'argile, que l’on nomme Kali Yuga. Cette âgereprésente bien votre époque, un géant technologique avec des pieds enargiles et qui risque de s'écrouler à chaque instant, s'il manque deprudence. La fondation religieuse étant chaotique, celle de la moralitéinexistante, celle du pouvoir et de l'administration aux mains desmarchands de la mondialisation sans scrupules, celui du maintiens del'ordre aux mains de militaires qui font leurs propres lois etanéantissent sans scrupules leurs propres citoyens ne laisse-t-il pasprésager la catastrophe qui est toute proche? Dans la Bhagavad-Gǐtǎ, de l'épopée du Mahǎbhǎrata, on décrit le Kali Yuga, comme signifiant "La Grande Prostituée". Ainsi, cet âgeserait donc celui de la grande prostitution. Regardez autour de vous!Analyser avec discernement. Soupeser les faits. Qu'est-ce que vousvoyez? Plus personne aujourd'hui n'a le sens de l'honneur. La chevalerien'existe plus qu'au cinéma. On a institutionnalisé et commercialisé àgrande échelle la prostitution. Elle a changé son appellation par celuide; publicité, marketing, mise en marché. On se prostitue pour avoirplus d'argent, pour acquérir gloire et honneur sans l'avoir mérité. Lessportifs se prostituent pour acquérir médailles et trophées, et seconvaincre ainsi qu'ils ont eu raison de consacrer toute une vie à unseul but égoïsme et dérisoire. Le sport lui-même se prostitue afind'avoir des commanditaires pour subvenir à ses besoins financiers. Lescommanditaires se prostituent en affichant des produits mauvais pourla santé (cigarette, boissons alcooliques) pour tromper ainsi les jeunesconsommateurs incrédules et non avertie. Les dirigeants politiques seprostituent pour être reconnus, pour obtenir des renseignementsprivilégiés afin de s'enrichir et pour être reconnus publiquement afind'excuser leur manque de connaissance, d'inaptitudes et de mauvaiseadministration. Les policiers se prostituent afin d'excuser les injusticesrépressives dont ils sont les auteurs. Les avocats de la défense seprostituent en défendant celui qu'il sait coupable pour obtenir ainsi destarifs monétaires important et se faire une clientèle. Les avocats de lacouronne se prostituent pour devenir avocat de la défense afin d'avoirleur pratique privé et les avantages financiers qui en découlent. Lesjuges se prostituent pour devenir sénateurs ou ambassadeurs à la fin deleur carrière. Les vedettes de l'écran se prostituent dès leur premièrenotoriété publique en faisant des annonces publicitaires pour des

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produits qui généralement ils n'utilisent même pas. Les étudiantesdansent nues dans des clubs de nuit afin de payer leurs études. Lesenfants se prostituent en faisant chanter leurs parents pour avoir despatins à roues alignés ou des espadrilles Adidas. Les étudiants seprostituent dans des compétitions agressives de performances afin de secréer une place privilégié pour l'emploi. L'église se prostitue enchangeant ses rituels et dogmes selon les goûts de l'époque et desparoissiens. Afin d'attirer plus de monde à l'église, elle autorise desorchestres "rock" en plein service religieux, réduit la longueur de ceux-ci afin de plaire aux nouveaux fidèles impatients. Anciennement, lamesse était un acte magique qui manipulait des forces dans l'invisible;aujourd'hui, elle n'est plus que coquille vide et spectacle mondain.L'épouse se prostitue avec son mari afin de combler ses besoinsd'insécurité. Les Généraux se prostituent en autorisant la créationd'armes inutiles. Les savants et les ingénieurs se prostituent entravaillant pour l'armée et les industries d'armes à destructionsmassives afin d'acquérir gloire, notoriété et richesse. Les députés etcandidats se prostituent afin d'avoir plus de votes. Pour ce faire,promesse électorales, mensonges à répétitions et manipulation del'ignorance des gens sont la norme. Le cultivateur se prostitue enexploitant sa terre avec des produits chimiques afin d'en améliorer lerendement à l'hectare pour faire plus d'argent afin d'acheter encored'autres terre qu'il surexploitera davantage. Les gouvernements seprostituent en imposant des impôts et des taxes indirectes, sous le fauxprétexte du développement social, alors qu'en réalité, tout cela c'estavant tout pour leur propre bien être et celui de leurs bienfaiteursfinanciers qui n'auront pas d'augmentation de taxe. Comme si cen’étais pas assez, il existe encore les évasions fiscales de tout genre etles subventions généreuses. L'artiste se prostitue pour faire triompherson ego démesuré et son compte en Banque. L'art moderne n'est plusqu'une vague fumisterie commerciale manipulé par les propriétaires degalerie, des musées, des critiques artistiques, tout ceci avec l'accordtacite des artistes. Les commerçants et les industriels se prostituent àune échelle tellement grande, qu'une vaste bibliothèque n'arriverait pasà décrire toutes les magouilles et malversations dont ils sont l'auteur.La classe des marchands sont en affaire pour faire triompher le Dieudu profit qu’exigent leurs actionnaires. Aucune morale n'arrive à lesfaire changer d'objectif. Même l'assassinat alimentaire d'une nationn'arrive pas à les vaincre; MacDonald et ses bigMacs qui sont unevéritable bombe de gras pour les artères, Kellogs et ses imitationschimiques de céréales, Burger King, Harvey's, Colonel Sanders et sa

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friture grasse à cholestérol, Catelli et pâtes sans aucune valeurnutritive, St-Lawrence Sugar et son sucre blanc raffiné, véritablebombe chimique pour le corps, Seegrams et ses alcools légalementfabriqués mais qui sont plus destructeurs que toutes les droguesillégales vendues sous le manteau. On pourrait continuer avec lespoulets aux hormones, la vache folle, les fruits radiés pour lesconserver plus longtemps, les ampoules fluo-compactes et lescellulaires mains libre aux ondes électromagnétiques causant lecancer, etc. Rien n'arrête l'appétit monstrueux de ces marchandsaffamés de profit. Même, si à petit feu, ils empoisonnent une nation;qu'a cela ne tienne, ils produiront des médicaments coûteux afin des'enrichir davantage.

Des exemples comme ceux-ci, je pourrais tellement vous endonner, que vous risqueriez d'atteindre l'éveil avant même que j'aieterminé.

Un immense éclat de rire secoua la foule, ressemblant à unroulement de tambour militaire.

Elle rit aussi, avec vigueur et sincérité.

Le moine-errant continua: Maintenant, je vais vous traduire un texte très ancien, provenant parvoie orale, de l'âge de fer. Des passages de ce texte ont été interprétésdans la Bhagavan Gǐtǎ. L'auteur de ce texte disait sur lui-même qu'il était un être libéré qui avait connaissance des trois temps, c'est à diredu passé du présent et du futur. Ce récit débute ainsi:

Ô très noble Roi, Empereur du grand Royaume, par la forcedes trois temps, chaque jour voit s'accentuer le déclin de la véracité, dela spiritualité, de la compassion, de la clémence, de la durée de vie, dela force physique et mentale, de la mémoire.

Au cours de l'âge de fer aux pieds d'argile, on jugera de lavaleur et de la position sociale d'un homme selon sa richesse et nonselon ses qualités morales ou spirituelles. Les principes religieux et lajustice humaine devront se soumettre à la puissance de l'argent.

L'homme ne vivra plus que pour remplir son estomac d'alimentsdégradés, de boissons enivrantes et de désirs refoulés, espéranttoujours en retirer un plaisir sensuel de plus en plus grand.

Le mariage ne sera fondé que sur une affection passagère et cemariage restera uni tant que durera l'attrait sexuel.

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Pour réussir dans les affaires, il faudra mentir à autrui, le butjustifiant la démarche.

Les pauvres n'auront aucun droit à la justice, s'ils n'ont pasd'argent. Par contre, le beau parleur sera décrété crédible et noncoupable.

Ne pas vivre dans l'opulence sera un déshonneur et lesorgueilleux se feront passer pour des êtres pieux.

Le mariage reposera sur un accord commercial et superficiel etse résumera à quelques feuilles de papier.

L'homme se trouvera très beau avec les cheveux longs et toutedéclaration audacieuse sera acceptée comme parole de vérité absolue.

L'homme qui assumera la charge d'une famille sera considérécomme un être d'exception et l'on calculera sa piété selon la réputationqu'il aura atteinte dans la société.

Ces canailles sans scrupules déguisées en fonctionnaires del'état oppresseront tant les citoyens que ces derniers abandonnerontleurs biens et la ville pour se réfugier en campagne.

Le suicide sera devenu une chose banale, car le peuple auraperdu tout espoir.

Les mariages dureront le temps d'un feu de paille et lesdiscordes se régleront dans la violence.

Le fils reniera son père. La mère reniera ses enfants. La famillen'existera qu'en apparence. Ce sera chacun pour soi.

Trop attaché aux plaisirs des sens, à la richesse et à la gloire,égarée par ses désirs, ce peuple ne connaîtra jamais le privilège deservir le Seigneur Suprême avec amour et dévotion.

La nature humaine ne s'obtient qu'après de nombreuses etdouloureuses renaissances en différents mondes, et bienqu'impermanentes, elles présentent les plus grands avantages. Aussi,l'homme intelligent et sobre devrait-il s'attacher à remplir sur-le-champsa mission et tirer profit de cette vie avant que ne survienne à nouveaula mort. Il ne devrait pas s'adonner aux plaisirs des sens, accessibles àtous et en tout lieux.

Réveillez-vous! Comprenez le privilège dont vous bénéficiez depar votre condition humaine. Les sages ont révélé que le sentier quimène à la réalisation spirituelle est étroit, difficile d'accès, et tranchantcomme un sabre.

Rappelez-vous! Ceux que gouvernent la vertu et la sagesse peuà peu s'élèvent vers les mondes supérieurs, ceux que dominent le désiret la passion, demeurent sur la Terre, et ceux qu'enveloppent

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l'ignorance et la colère renaissent dans les mondes inférieurs. Tel est lagrande loi Karmique.

L'éblouissante lumière de l'Absolu impersonnel brille même auplus profond de la nuit, illuminent toute existence matérielle etspirituelle. Comprend cela ô disciple vertueux.

Le moine-errant se tut, penchant légèrement la tête vers l'avant,semblant se replonger dans ses réflexions d'un autre âge. Souriant en serelevant, il s'adressa de nouveau à la foule silencieuse.

Comme vous pouvez le voir, ces textes prophétiques composés il y aplusieurs milliers d'années s'adressent particulièrement à votre époque.Ils concernent aussi les derniers arrivants dans le monde du Bardo,l'entre-deux comme certains disent. Aujourd'hui, les gens n'ont plus demémoire et ont tendance à oublier facilement. On observe égalementune diminution de la force physique chez la plupart des hommes devotre époque. Pensez seulement à vos grand-parents, à vos ancêtres quiont colonisé votre pays sauvages. Rappelez-vous Samson dans votrehistoire biblique.

A votre époque, il n'est plus question de religion car celan'intéresse plus personne. Partout, les temples et les églises sont fermésou bien transformé en condominium, en restaurants ou en commercelucratif. Le Dieu de la richesse à remplacé celui de l'Amour. L'espoir,ce n'est plus de sauver son âme, d'atteindre le Nirvana ou la GrandeBéatitude. C'est plutôt de gagner à la SuperLoto ou bien au Casino.Occidentaux, n'ayez crainte. Ce n'est pas mieux en Orient. Même dansun pays aussi religieux que l'Inde, des petits temples loin des circuitstouristiques, ferment leurs portes et ne servent plus que d'abris pour leschiens abandonnés.

Autrefois, un homme se valorisait en pardonnant une insulte ouun affront. De nos jours, on se dispute constamment pour des futilitésbanales et on en vient souvent aux poings. Sur ce point, il n'y a pasgrande différence entre les hommes et les femmes. Pour une fois, danscet exemple, l'égalité existe.

Triste réalité que cette société ignorant la valeur du pardon etde la compassion. Hier, la clémence était signe de chevalerie et denoblesse. Aujourd'hui, elle est le symbole de la faiblesse. Ne voit-on pasà l'aube du troisième millénaire le Gouverneur de l'état du Texas,refuser continuellement la grâce aux condamnés à mort. Depuis 42 ans,un seul condamné à mort à eu droit à la grâce de l'état et il à même

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fallu l'intervention personnelle du président américain afin que cettegrâce soit accordés.

Dans les grandes villes surpeuplées, partout de par le monde,on assassine dans la rue et personne n'ose intervenir, le mot d'ordreétant "mêle-toi de tes affaires". Le civisme des premières sociétésgrecques à complètement disparu.

Le moine errant garda un instant de silence, puis reprit:De nos jours, avec de l'argent, on peut tout obtenir, même le

respect d'autrui, peu importe la façon dont ils ont acquis cette richesse.Il n'est plus question de juger de la valeur d'un homme selon saconduite, sa culture ou son éducation. Aujourd'hui, tout cela a étébalayé d'un simple revers de la main. Traditionnellement, l'individuétait honoré parce qu'il avait la connaissance de la réalité spirituellesuprême.

On pourra être un homme très ordinaire et se faire proclamerSaint Homme, même en l'absence de toute qualité spirituelle. Il suffirad'y mettre le prix et de jouir d'une certaine influence dans la pyramidedu pouvoir. Aujourd'hui, la pauvreté est considérée comme une honte etun déshonneur. Il est loin le temps où des moines en recherche d'absoluquêtaient pour leurs subsistances et les gens donnaient avec générosité,respectant ce noble but.

Pas d'argent, pas de Justice, c'est la règle qui domine! Pour queles jugements soient en leur faveur, il suffit d'avoir de l'argent et de sepayer de bons défenseurs. L'État ne peut compétionner contre cesbrillants avocats. Les coupures et les restrictions budgétaires font queles meilleurs juristes vont du côté des criminels et non de la justice.Curieux paradoxe que celui de l'administration judiciaire encourageantl'injustice à outrance.

Quant aux beaux parleurs et autres artistes du mensonge, peuimporte ce qu'ils racontent, on les considère comme de grands érudits,même si la majorité des gens ne comprennent rien à ce qu'ils disent.Peu importe, leurs beaux discours superficiels feront d'eux desmessagers de la vérité et de futurs gourous spirituels possédant denombreux disciples et dévots.

Avoir une femme et des enfants constituera un tel fardeaufinancier que l'on voudra même plus se marier, de peur de ne pouvoirsubvenir à leur subsistance.

L'on a instauré la démocratie en coupant la tête de la Royautémais, l'on a éliminé par la même occasion le poste de capitaine dunavire. Actuellement, ce rafiot prend eau de toutes parts, n'ayant nul

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port d'attache. Il se dirige vers nulle part, faute d'avoir un capitaine àsa barre. De nos jours, n'importe qui peut devenir chef d'état, donccapitaine de ce navire en perdition, s’il parvient à obtenir assez devotes, peu importe la façon dont il les obtient.

Les politiciens de notre époque sont pour la plupart desopportunistes ambitieux ayant pour seul soucis, d'exploiter les gens etde s'enrichir à leurs dépends. Chaque année, les impôts et les taxessont de plus en plus élevés et les citoyens harcelés veulent tous quitterla vie familiale afin de se réfugier à la campagne, loin de la ville et deses tracas.

Le mariage repose aujourd'hui sur un attrait physique mutuel etune telle union amène fréquemment le désaccord et l'insatisfaction. Cesmariages ne reposant sur aucun dialogue profond ne durent pas etgénéralement, dans la même année, la demande de divorce est faite. Unjour l'on s'aime, le lendemain on se déteste. Alors, on se met à larecherche d'un meilleur conjoint. Triste vérité, que celle de notresociété de consommation produisant un article jetable après usage,d’un sacrement sacré millénaire, celui du mariage. Dans l'antiquité, onconsultait un astrologue afin de calculer la carte du ciel de notredestiné. Celle-ci révélait le passé, présent et l'avenir en dévoilant lacompatibilité harmonique du couple, mettant ainsi le plus de chancespossibles pour le succès de cette union. Traditionnellement, lesastrologues n'étaient pas les charlatans et les vendeurs d'espoir etd'illusion que l'on rencontre partout aujourd'hui. C'était de véritablessavants emplis d'une sagesse et d'une connaissance orale qui se perdaitau fin fond des âges de l'humanité. Ainsi, les futurs époux connaissaientd'avance les défis qu'auraient à relever cette union et la responsabilitésociale que celle-ci engageait. Mutuellement, ils pouvaient ainsiparfaire leur évolution spirituelle qu'ils laissaient en héritage à leursdescendances. Aujourd'hui, ce sens du devoir et du sacré a étécomplètement annihilé par la mesquinerie de la personnalité et lavision étroite de l'attrait sexuel, superficiel et volatile. Tel un feu depaille, celui-ci consume graduellement ce qui lui sert de combustible.

Le moine errant soupira longuement avant de reprendre la parole:Toutes les qualités qui font de l'être humain une créature

merveilleuse et irremplaçable diminuent progressivement etrapidement. Ce fait nous rappelle donc, que l'âge du Kali Yugaprogresse sans cesse, de façon inquiétante en cette fin du deuxièmemillénaire.

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Ce géant au pied d'argile s'écroulera-t-il en ce début dunouveau millénaire, mettant ainsi fin à votre civilisation décadente?Cela je l'ignore! Le Kali Yuga est un océan où règnent en Maîtrel'indifférence, l'orgueil démesuré, la jalousie, la convoitise, l'avarice, lahaine et la peur et où il est très difficile de surmonter ses vices toutcomme il serait vain pour un nageur émérite de tenter de traverserl'océan à la nage.

Voilà ma réponse sur cet âge sombre et ténébreux dont vousêtes tous prisonniers. J'espère que cette brève réponse aura su éclairerle pèlerin qui sommeille en vous tous. Nous allons maintenant faire uneméditation avant de passer à l'étape suivante:

Le moine-errant se leva face à la foule et joignit les mains en positionde prière. Il éleva celle-ci au-dessus de sa tête en prononçantAum..mmmm…puis, les abaissant au devant de ses yeux, il dit je prendsrefuge dans le Bouddha, et abaissant les mains de nouveau, face à lagorge, il prononça je prend refuge dans la Dharma, et finissant lesmains encore jointes devant le cœur, il dit je prend refuge dans leSangha. Déliant les mains jointes, il s'agenouilla au sol et pencha latête jusqu'à ce que son front touche le sol. Intérieurement, il murmuraitaum, ah, hum…aum, ah, hum…aum, ah, hum…enfin, il se releva. Ilrefit ce salut bouddhiste par trois fois avant de reprendre sa position surle trône royal.

Gardant un instant de silence méditatif, il s'adressa de nouveau à lafoule immense:

Nous allons reprendre la méditation de la respiration pendantenviron un moment. Par la suite, je terminerai cette méditation par larécitation du mantra de Vajrasattva. On surnomme aussi ce mantra,celui des cents syllabes ou des cent divinités paisibles ou courroucées.Ce mantra très puissant, vous purifiera de tout votre karma négatif etattirera sur vous la bénédiction de tous les bouddhas et des divinitésaccompagnant ceux-ci.

Le moine-errant ferma de moitié ses yeux, pencha légèrement la têtevers l'avant et se plongea dans une profonde méditation. Après untemps indéterminé, il débuta par ces mots:

Je souhaite à tous, le chemin de l'éveil et de la délivrance àtravers les méandres du Bardo. Puissent les déités paisibles etcourroucées vous guider vers un royaume pur, vers une renaissanceheureuse, qui vous permettra de cheminer sur le sentier de la vraie

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liberté. Celle de la délivrance des multiples renaissances dans leSamsara. Puissent tous les Bouddhas et êtres saints, vous assister dansce pèlerinage et répandre sur vous tous, leurs bénédictions et leurspuissances.

Le moine se tut un bref instant et avec une voix rauque, il reprit:Om ah hum, benza satto, samaya manou palaya, benza satto,

tenopa tishta, dridho me bhava, soutokayo me bhava, soupokayo mebhava, anourakto me bhava, sarva siddhi me pravatcha, sarva karmasoutsa me, tsittam shri yang kourou, houng, ha ha ha ha ho, bhagavansarva tathagata, benza ma me mountsa, benzi bhava maha, samayasatto ah….

Il répéta lentement, mais sans aucune hésitation, cent huit fois cemantra sur le même ton monocorde, semblant nullement se fatiguer. Parla suite, il sembla se retourner sur lui-même, contemplant ses proprespensées et l'espace de vacuité entre elles. Il semblait avoircomplètement oublié l'immense foule qui l'entourait, n’étant nullementconcerné par ce qui s'y passait.

Le Bodhisattva Manjushri

Un silence sacré continuait de planer sur cette foule immense,générant ainsi un respect grandissant pour cet enseignement spirituelqui sortait de l'ordinaire.

Un autre énorme coup de gong retentit dans la salle, produisantencore des cercles lumineux qui allaient se perdre sur le rivage desmurs de cette enceinte disproportionnée. Six coups de gong suivirent,ayant chacun une autre tonalité qui générait alors des cercles de couleurdifférente. Les sept couleurs de l'arc-en-ciel planèrent ainsi au-dessusde la foule, accomplissant un ballet aérien mystérieux qui inondait toutela foule d'une lumière radieuse et calmante. Celle-ci était en extasedevant cette pluie de bénédictions.

Aussitôt que les cercles lumineux s'évanouirent, un nouveau sonrauque et monocorde se fit entendre. C'était un nouveau mantra quis'élevait du centre de la pièce, tout près du trône gigantesque qui enimposait par sa prestance. Le son du mantra allait en s'amplifiant,emplissant toute la salle d'un écho cabalistique.

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Elle commença lentement à en distinguer les paroles:Om, ah, rha, pa, tsa, na, di, di, di, di…Om, ah, rha, pa, tsa, na,

di, di, di, di…les di était murmurés jusqu'à ce qu'ils deviennentimperceptibles. Alors, un nouveau mantra renaissait fortement etdistinctement, tel le grondement d'un coup de tonnerre. D'un coin de lasalle qui se perdait dans le lointain, elle commença à distinguer unelumière blanche comme le cristal, plus aveuglante que le soleil maisdouce et non agressante. Par après, elle vit cette lumière s'élever dansl'espace et planer en silence au-dessus de la foule immense. Parfois, ellevoyait des rayons lumineux de couleur dorée émerger de cette sphèrelumineuse et se perdre parmi cette foule éparse.

La sphère lumineuse s'approchait de plus en plus du centre de lasalle. Elle commença à distinguer une silhouette humaine au centre decette boule lumineuse transparente. Étonné, elle remarqua que cettesilhouette fantastique était un être indicible, assis en tailleur dans laposture de méditation, volant ainsi librement dans l'espace, contredisantainsi toute les lois de la physique. L'être volant semblait se dirigerlentement vers le trône gigantesque.

Maintenant que sa curiosité était bien éveillée, elle examinaavec plus d'attention le parcours que suivait celui-ci. Elle n'en doutaitplus! C'était bien vers la direction du trône gigantesque, situé à la droitede la fontaine de feu vers lequel se dirigeait cette sphère ineffable.

Elle en fut soulagée, mais elle ne comprit pas pourquoi!

Elle était encore loin de son lot de surprises. L'extraordinaire et lefantastique faisait maintenant parti de son quotidien dans cet universétrange.

La sphère lumineuse sembla planer avec hésitation au-dessus dutrône gigantesque, puis, elle entreprit une descente en douceur verscelui-ci. Pendant combien de minutes, combien d'heures? Elle nesaurait le dire, ayant totalement perdu la notion du temps.

Lentement, la transparence de la sphère diminua et sesparticules lumineuses s'évanouirent dans l'espace environnant. Tels desnuages s'éparpillant au vent, et révélant le fond bleu du ciel solitaire,elle entrevit plus distinctement l'être fantastique. Seule subsistait uneintense lumière dorée entourant la tête de l'inconnu d'ou s'évadait

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parfois des particules lumineuses de différentes couleurs quis'évanouissaient presque aussitôt dans le néant.

Lentement, elle examina les traits de cet être étrange aux formesidéalement proportionnées. Jamais…jamais de toute sa vie, elle n'avaitvu une personne aussi belle, de corps et d'esprit.

Mon Dieu, comme elle se sentait petite devant cet être céleste,pensa-t-elle.

Elle émit un faible soupir.

L'être lumineux, d'ou émanait de son corps un halo aux couleursd'arc-en-ciel était étrangement habillé. Il portait une robe en soie rougevif, ornée de coutures d'or serties de pierres précieuses. Cette robeindiquait que celui-ci était de sang royal. Sur sa poitrine, elle distinguaclairement un chapelet composé d'os humains, de petits crânesd'animaux sertis de plumes d'oiseaux de couleurs très voyantes. Sous cechapelet, elle entrevoyait une longue écharpe éblouissante quidisparaissait derrière l'épaule gauche. Ce qui l'a surprenait dans cetteécharpe, c'était qu'elle était composée de milliers d'écailles de poissonsargentées qui reflétaient toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Celaproduisait une beauté féerique qui fit une grande impression sur elle.De son vivant, elle avait toujours été fascinée par la beauté des bijouxet des pierres précieuses.

Dans sa main droite, l'être fantastique tenait une épée imposanteà double tranchant, ressemblant beaucoup à celle des Viking dumillénaire précédent. Cette épée fantastique produisait, lorsqu'elle étaitbougée, des flammes bleues, rouges et blanches qui s'en échappaient etsemblait nullement déranger son porteur. Dans sa main gauche, ilportait un livre tibétains fait de peau de yak et de papier de riz. Lacouverture était faite de cuir repoussé recouvert par de la dorure d'or.

Ce livre, traditionnel au Tibet, n'est pas relié, toutes les pagesétant amovibles. Imprimés manuellement à l'aide de pierres gravées etd'encre à base de plantes rares, ces manuscrits sacrés sont fabriquésuniquement dans les grands monastères du pays des neiges. Le tiragedépassant rarement deux cent copies, ces livres précieux circulentseulement de Maître à disciple, suivant ainsi toute la lignée del'enseignement qui à débuté parfois au temps du Bouddha historique.

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Avant 1956, date de l'invasion du Tibet par les Chinois, il n'était pasrare dans ce pays de trouver des livres ayant plus de cinq cent ans d'âge.Une quantité phénoménale de ces précieux livres irremplaçables ont étébrûlés avec fanatisme lors de cette barbare invasion. Ces récitsdécoulants de milliers d'années de pratique spirituelle par des centainesde pratiquants et de dévot, ont ainsi été effacés à jamais de l'héritagehistorique humain. Combien de secret et de pratique merveilleuse ontété ainsi perdu à tout jamais. Ce que les occidentaux découvrent avecétonnement, ayant donné asile aux moines en fuites, n'est que le pâlereflet de ces pratiques longtemps millénaires.

Sur sa tête, l'être fantastique portait un étrange ruban d'ouétincelaient quantités de pierres précieuses et de diamants. A sesoreilles étaient suspendues deux petites boucles d'or portant de petitestêtes de mort sculpté dans l'ivoire.

Sa peau semblait de couleur pâle, mais elle n'en était pascertaine. Toute cette lumière blanche et dorée l'induisait en erreur. Sesyeux semblaient de couleur turquoise, mais, là encore elle ne pouvait enêtre sûre.

La cadence des mantras ralentit progressivement, puis cessa. Lesilence était complet et total.

Un moine âgé, qui était assis dans le premier cercle intérieurautour du trône se leva et se tourna vers la foule attentive. Habillé d'unegrande soutane blanche avec un ceinturon de corde brune enrouléeautour de sa taille, il contrastait fortement avec les autres moines vêtusde couleur rouge ou bien safran. Joignant les mains au niveau du cœur,il salua la foule attentive en se penchant légèrement vers l'avant.Gardant les mains jointes, en posture de prière, il s'adressa à la foule:

Mes ami(e)s, nous voici actuellement en présence duBodhisattva de la Divine Sagesse, le noble Seigneur Manjushri. LeSeigneur Manjushri tient dans sa main droite, le sabre tranchant de lasagesse discriminante avec lequel il tranche et déracine l'obscurité del'ignorance dans les six royaumes d'existences. Dans sa main gauche,le Seigneur tient le livre d'enseignement "le sutra de la Perfection de laSagesse" que certain appelle aussi " la Prajna-Paramita".

Le Bodhisattva Manjushri personnifie la sagesse éveillée detous les Bouddhas. Veuillez donc accepter son enseignement avec

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gratitude et dévotion. Je souhaite, que les purs enseignements dessutras et du Seigneur Manjushri, fleurissent de par les vastes mondesdisséminés dans l'univers, afin de permettre à tous d'accéder à la paixet au bonheur de l'éveil complet. Puissent tous les Bouddhas répandentsur vous tous, leurs bénédictions et leurs inspirations, source desagesse. Aum, ah, hum…aum, ah, hum…aum, ah, hum.

Le moine à la robe blanche se tut puis se rassit dans le cercle intérieur,prenant la pose de méditation du lotus. Alors, le Bodhisattva Manjushriprit la parole:

Une voix mélodieuse et grave tout à la fois, s'éleva dans lesilence de cette assemblée et cette voix semblait provenir de partout à lafois.

Intuitivement, elle savait que cette voix était celle du Maître juché trèshaut sur ce trône démesuré. Elle se rappelait, mais ne sachant comment,celui-ci s'appelait en tibétain Hjam-dyang, qui veut dire celui qui à lavoix mélodieuse. La voix reprit:

Dédions toutes les vertus provenant de l'audition de cetenseignement, de la contemplation de son sens véritable et de laméditation sur les étapes de la voie, à tous ceux qui cheminent sur lesentier de l'éveil et de l'illumination. Puisse cet enseignement leursêtres bénéfiques.

Après un bref instant de réflexion, le Seigneur reprit la parole:Le yoga, la méditation et la pratique religieuse constituent une

recherche afin de découvrir le sens et le but de la vie. Ces activitésremplissent le vide créé par les matérialistes qui dominentprésentement toute la Terre, tel qu'il avait été prédit dansl'enseignement sacré du Kali Yuga. Les religions traditionnelles sontdésertées par l'ensemble du peuple, désappointé par ses interrogationsmétaphysiques demeurées sans réponses.

La science

La science moderne, malgré sa rigueur scientifique enfantée parle rationalisme cartésien, véhicule encore de nombreuses idées fausseset l'aptitude qu'a encore la race humaine à s'auto-illusionner demeure

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malheureusement encore trop importante. Les gens croient avant toutce qu'ils veulent bien croire. Ceci est un fait incontestable.

L'univers est né de l'esprit, par la force intelligente et spirituelleet la pensée créatrice, activant la vibration des forces positives etnégatives, que vous nommez "dualité". Encore aujourd'hui, il se créedes mondes selon le même processus infini. L'électron est un "champ deforce influençable" et non une particule de matière inerte. L'atome estune concentration phénoménale d'énergie, que l'on peut influencerselon notre niveau de connaissance. En preuve, regardez les forces quevous avez réussit à déchaîner par la fission atomique d'un atome lourdd'uranium et le bombardement de celui-ci par des neutrons. L'invisibleest la vraie réalité, le visible, votre monde, n'étant que son reflet.

Autrefois, alors que j'étais auditeurs et que j'écoutais monMaître vénéré Shariputra, nous avons eu une longue discussion sur leproblème de l'existence du monde. Lors d'une incarnation antérieure,alors que je m'appelais Thot dans l'Égypte ancienne, ce problème metracassait beaucoup et j'avais alors consacré une partie de mon règne àsolutionner ce problème avec mes prêtres. La solution que j'avais alorsdécouverte était la même que celle que préconisait mon MaîtreShariputra. En éliminant la saisie du soi, j'éliminais par la mêmeoccasion, le problème que celui-ci occasionnait afin de se convaincrede sa propre existence.

La science humaine n'apprendra jamais quelle est la véritabledestinée de l'univers, ni même comment celle-ci est née. Cela estcomplètement en dehors de sa compréhension cartésienne et de sesméthodes de recherche et d'analyse. Les dernières découvertes de laphysique moderne font état de quinze nouvelles particules atomiquesplus petites que l'atome, sur lesquelles plane un épais mystère, quilaisse entrevoir des horizons encore plus lointains. Chaque nouvellesolution à un problème occasionne immédiatement une nouvelleinterrogation suite à une nouvelle énigme. La science découvre peu àpeu que ces énigmes qui en cachent d'autres, ne finiront peut-êtrejamais. Désabusé, la science moderne se tourne maintenant vers larecherche spirituelle afin de trouver des réponses à ces énigmesatemporelles. C'est ainsi que dernièrement la physique quantique aadmis que le système solaire n'est qu'une vibration électro-spirituelle,d'une concentration phénoménale d'énergie et que sa matière n'est que

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le reflet d'une illusion occasionné par une mauvaise perception de laconscience.

Cette nouvelle découverte de la physique moderne était connuedepuis la plus haute antiquité et était relaté en détail dans les textesvédiques aryens de la période Indo-européenne. Dans ces textes vieuxde plusieurs millénaires, voici un bref aperçu de ce qu'il y était écrit:"notre monde est composé de vibrations spirituelles, régie par larelativité de cette même force. Toute solidité de la matière est uneillusion car la matière n'est en fait que de l'énergie condensé à diversdegrés vibratoires.

Élément vital, ce champ d'énergie cosmique englobe chaquemolécule, chaque atome, chaque planète, de même que tous lessystèmes solaires et les galaxies. Nous utilisons la force de ce champd'énergie primordiale pour créer notre structure énergétique, astrale etéthérique, ainsi que notre forme définitive. Lors de notre décès, nousretournons cette énergie dans la grande soupe cosmique que certainsappellent Dieu, l'Un, Brahma, Samanta-Bhadra, Râ.

Dans ces même textes, il est révélé que, quinze milliardsd'années passées, la matière et l'univers tel que nous le connaissonsn'existait pas. Seul existait un champ d'énergie omniprésent. Une forcesurnaturelle, alors inconnue, a bouleversé l'ordre des choses en créantdans ce champ d'énergie incréé deux petites particules élémentairesmicroscopique. Ces deux particules étaient maintenues en cohésion parune énergie considérable; même le champ d'énergie cosmique nepouvait troubler son repos. Le champ d'énergie s'embrasa et uneréaction atomique en chaîne s'ensuivit, d'où émergea une quantitéformidable de particules atomiques qui furent dispersées dans le vastechamp d'énergie. Par agglomération sous diverses formes et à diversendroits, se créa le gaz cosmique d'où émergèrent les étoiles, galaxies,quasar ainsi que les planètes et la vie elle-même. Tout ceci n'est qu'unefacette de cette réalité cosmogonique.

Cependant, l'univers possède une vérité subjective, non-mécanique, qui ressemble plus à une pensée intelligente qu'à une vastemachine. L'esprit qui planait sur les eaux de la création en est leCréateur et sa raison d'être. Sans esprit, l'univers n'a plus sa raisond'être et cesse alors d'exister. Voilà le plus grand secret de touteconnaissance humaine. La pensée naît de l'esprit et en cet esprit, elle sedissout. L'univers naît de l'esprit cosmique et en lui il disparaîtra.

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L'esprit est la vie, le mental est le bâtisseur et le physique est l'acteur.Souviens-toi de ceci, car il en va de ton salut.

La création et le maintien de l'univers est le fait d'un EspritCosmique, d'où s'est matérialisée la toute première pensée universellecréatrice. De cet Esprit Cosmique émane l'esprit de l'homme et à cetesprit, il retournera, conscient de son état d'être. Voilà le but et laraison d'être de toute existence humaine.

Présentement, la plupart d'entre-vous avez sûrement remarquéque le jour et la nuit, ainsi que le firmament, n'existent plus. Vous vousdemandez sûrement comment cela est-il possible? Prenez doncconscience que présentement vous vous trouvez tous dans le monde duBardo, celui que l'on appelle parfois, l'entre-deux. Celui-ci est l'enversdu décor de l'univers, celui que vous verriez si vous aviez la possibilitéde voyager à travers un trou noir Cosmique. Ainsi, vous ne faites doncplus partie du monde de la forme et du désir. Cet univers est plusésotérique qu'exotérique et c'est donc le monde des causes plutôt quecelui des apparences dues aux effets de ces mêmes causes. Vous neresterez qu'un certain temps dans ce bardo; le temps nécessaire pourdécider quel sera votre prochaine renaissance. Après, vous renaîtrezdans un des six royaumes d'existences, contenu dans le Samsara, lagrande roue de la vie.

Le Seigneur Manjushri se tut, et refermant légèrement les yeux;alors, il entra dans une transe contemplative.

Du grand cercle extérieur, s'éleva une complainte mélodiqueremplie de grâce. Ce chant céleste provenait de jeunes vierges, toutesvêtues de blanc, faisant une chaîne humaine autour du grand cercle quientourait toute la scène.

L'existence de Dieu

Cette chorale mystique, entonnait le grand mantra des premierschrétiens, l'alléluia. Les nonnes étaient divisées en trois groupes quialternaient chacune des syllabes en continus. Le premier groupeentonnait par le Aaaaaaaaa….le deuxième par le Éééééééééé…letroisième par le Ooooooooo…le premier reprenait alors avec leUuuuu…, le second avec le Iiiiiiiiiii… et le dernier finissait avec le

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Aaaaaaa….Puis, une nouvelle ronde recommençait, sans instant depause, s'enchaînant l'un sur l'autre. Ce chant céleste plongeait tous lesauditeurs dans une seconde nature, favorisant la détente et laméditation.

Pendant combien de temps, ce chant merveilleux dura-t-il? Ellene pouvait le dire, cependant, celui-ci lui avait procuré une grande paixet une félicité qu'elle n'avait jamais connue auparavant.

Le Seigneur Manjushri s'adressa de nouveau à la foule silencieuse:Que tous les Bouddhas répandent sur vous tous, la lumière du

discernement mental et spirituel, accompagné par une grandecompassion.

Le Seigneur garda le silence un bref instant afin de se concentrer sur lesinterrogations mentales de la foule silencieuse. Puis, il reprit:

Est-ce que Dieu existe?Il n'est pas possible de répondre à cette interrogation, car

l'existence est un concept et Dieu ne peut être enfermé dans un concept.Dieu, c'est l'espace, le temps, la bonté, l'amour sans recherche de gain,l'Esprit de lumière, la force universelle, le pouvoir, le passé, présent etavenir réunit en un seul temps. Dieu est la cause première ou toutretournera.

Autant l'optique athée que celle du croyant se fonde surtout surla foi et l'intuition et non sur des preuves matérielles prouvant leurspoints de vue. La discussion sur l'existence ou l'inexistence de Dieu serésume à un simple débat moral. Les textes bibliques demeurentincompréhensibles à ceux qui n'ont qu'une approche littérale, car cestextes sont à double sens et parfois même à triple sens. Il y a le sensmoral, puis le sens symboliques et enfin le sens ésotérique. Ce dernierest intentionnellement caché aux profanes et au non initié.

A son début, la bible avait été conçu dans le but de dispenser àdes initiés éloignés, un enseignement secret au sus et vus de tous, maissurtout des conquérants romains. Le mot bible provient du latin,"biblia" qui signifie "les livres". La bible est donc un livre de référencepour différents enseignements relié au message véhiculé par la synthèsede l'ancien testament et renvoyant le lecteur à des livres que l'onappelle aujourd'hui, apocryphes. Cet enseignement s'est perpétuéjusqu'à l'apparition du nouveau testament qui fit alors prendre unenouvelle tangente au message originel. Celui de la narration d'un

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événement historique comportant l'héritage de l'enseignement duChrist. Jésus étant un grand initié au courant de cette approchesecrète, il a donc perpétué cette pratique en donnant plusieurs sens àson enseignement. Tous les messages et les événements du nouveautestament portent le sceau du secret caché sous la symbolique mystiqueignoré de tous profane.

Il est regrettable de constater que votre époque s'attache avecacharnement sur le seul sens littéral de la bible. Vos croyantsconstruisent alors l'édifice de toute leur vie sur une base en argile quirisque de s'écrouler à tout moment. Cette cause est aussi responsabledes excès du zèle religieux, d'intolérance, de manque de discernementet d'immaturité spirituelle qui occasionnera à coup sûr, la perte decette religion.

Liberté

Au fronton de la révolution française de 1789, il est inscritLiberté-Égalité-Fraternité, et votre civilisation actuelle découledirectement de cette action sociale. Il est donc important que voussaisissiez tout le sens, les tenants et les aboutissements, de ce grandmouvement révolutionnaire. Celui-ci fut à l'origine du principe du votequi appliquera les principes de la démocratie élaboré en GrèceAntique, des centaines d'années auparavant, sur la place publiqueagora.

Ce mouvement social s'étendra à toute l'Europe, le centre de lacivilisation de cette époque. Cette vague révolutionnaire submergeraVienne, La Toscane, Palerme, Venise, Berlin, Milan, Munich,Francfort, Prague, Hongrie, Sicile, pour finalement créer un nouveaufoyer d'incendie en Pologne. Celui-ci se terminera par la chute desrégimes communistes en Europe de l'Est, en Tchécoslovaquie, enBulgarie et en Roumanie.

La liberté c'est quoi, au juste? Posons la question, et tentons d'yrépondre!

Lors de votre naissance, est-ce que vous prenez racine dans cemonde librement, en toute connaissance de cause? Non, bien sûr! Votrenaissance s'apparente plus à une libération conditionnelle qu'a un actelibre et réfléchi. La loi karmique vous restreint à une certaine destinée

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mécanique qui représente, plus ou moins, la moitié de votre existence.Cette période sert à rembourser la dette karmique négative que vousavez accumulée dans vos vies antérieures. Ce paiement vous obligedonc à vivre des situations préprogrammées sur lequel vous n'avezaucun pouvoir de décision. En réalité, vous subissez au lieu d'agir. Laseule liberté que vous ayez est celle de pouvoir choisir les optionss'offrant à vous. Ainsi, avant même de naître sur la Terre, la loiuniverselle de cause à effet, a déjà tracé le plan de votre existence dansses grandes lignes et laissé très peu de place au libre-arbitre qu'est laliberté.

Donc, avant même de parler de liberté, vous devez faire legrand ménage karmique et rembourser les dettes accumuléesantérieurement à votre présente existence, qui s'échelonnent parfoissur plusieurs incarnations. Ainsi va la vie! La loi du karma s'appliqueuniversellement à tous les règnes d'existence et ne tolère aucuneexception.

Ainsi donc, à votre naissance, vous obtenez le statut de libéréconditionnel, prisonnier de l'existence terrestre. Affirmer le contraire,n'empêche nullement ce fait d'être réel.

De la naissance à la vie d'adulte, qu'elle est donc la somme deliberté dont vous disposez?

Pendant la période suivant votre naissance, vous êtescomplètement dépendants de vos parents biologiques pour les besoinsnaturels, la nourriture, l'affection, l'habillement, l'apprentissage dessens, etc…aussi, votre liberté est pratiquement nulle.

Puis arrive la période de votre enfance, où ce n'est guère mieux.Vous êtes encore fortement tributaires de vos parents et de votreenvironnement immédiat. Vous commencer à explorer le mondeextérieur, mais vous n'avez pas encore la liberté de choix

A partir de l'adolescence, cela s'améliore un peu, mais vousavez encore très peu de liberté. Tout votre environnement physique,communautaire, socio-économique, culturel et religieux, concourront àmodeler votre personnalité et à accentuer vos idées prédominantes,provenant de vies antérieures. Ce que vous croyez être réellementvôtres, vos décisions, vos opinions, tout cela provient d'une mémoireinconsciente accumulée lors de vie antérieurs et mélangés aux nouvelacquis de votre présente vie .Votre opinion est donc celle de personnedisparus dont vous ne vous rappelez même pas le nom, et de celle devotre environnement qui vous a formé; l'école, les parents, les amis, lesétrangers. Bien souvent, vous ne faites que répéter l'opinion émise parun autre qui vous avait fortement impressionné.

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Même en modifiant votre décision, vous tombez encore sousl'influence d'une autre mémoire collective et réagissez encore selon uneaction, ou un acquis préprogrammé. Les psychologues modernes,pratiquants le "rebirth", le "behavior" ou la psychologie"transpersonnelle" ont tous axés leurs pratiques selon cette découvertedes mémoires collectives séjournants au plus profond de notresubconscient, remontant parfois au tout début de votre enfance. Ainsi,même pour les adolescents, la liberté demeure encore très limitée.

Enfin, arrive l'âge adulte ou vous devez faire des choix parvous-même et selon la personnalité que vous avez acquise au cours detoutes ces années de formations. Vous avez l'impression d'être pluslibre, mais cette liberté de choix, ce libre-arbitre, est encore entravépar des chaînes sociale, culturelle, familiale, professionnelle, religieuseet politique. L'auto-conditionnement continue d'agir, et assimile le peude liberté que vous pensiez posséder. Mince est l'épaisseur de ce libre-arbitre pour laquelle vous avez érigé une statue nommé Liberté.

C'est seulement, lorsque vous récolté les fruits d'un karmapositif, que vous pouvez réellement dire être en possession d'une libertépleine et entière. Aussitôt que vous avez dépensé votre richessekarmique positive, votre marge de liberté diminue dans la mêmeproportion que celui-ci. Seul l'être éveillé, n'accumulant plus aucunkarma négatif, est un être entièrement libre jouissant entièrement deson droit de libre-arbitre.

Comme vous pouvez le voir, la liberté est une chose touterelative. Si nous analysons votre liberté dans un contexte mental, ladiminution de cette liberté est alors dramatique. Si nous reportons cetteanalyse dans un contexte spirituel, alors, la question dans lacirconstance ne se pose même plus.

Dans un contexte général, la liberté ne va pas sans la maîtrisede soi et le relâchement des mœurs de votre société dite civiliser a euun effet démoralisateur sur l'ensemble des citoyens. Ainsi, votre sociétéactuelle, qui est en pleine dégénérescence physique, mentale etspirituelle, accusent de nombreux problèmes demeurés sans réponses.Mentionnons le suicide des adolescents, les dépressions nerveuses danstoutes les classes de la société, même chez les enfants, l'isolement desvieillards, les familles éclatées, les mères monoparentales, l'avortementexcessif, les maladies vénériennes, le sida, le cancer, l'alzheimerprécoce, les maladies du cœur, les naissances illégitimes, la disparitionde la période adolescente en partie dû à la précocité sexuelle, la pertedu romantisme au profit de l'attrait sexuel, le stress, les "burnout" des

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professionnels, les problèmes financiers des nouveaux couples ayantbesoin de deux emplois, les problèmes psychologiques et existentiels.Dans votre monde, l'orgueil, la haine, la paresse, la jalousie, l'envie, lacupidité et l'avarice sont vos créations enfantées par votre attachementmatérialiste. Cependant, lorsque l'on laisse parler son cœur, il estpossible d'y découvrir la simplicité, la bonté, l'humilité, l'amour, lagénérosité et le détachement. Ces qualités sont les enfants de l'esprit delumière qui se souvient librement des mondes spirituels.

L'homme ne trouvera pas la raison de son existence tant qu'il nese rappellera pas, la conscience de son état antérieur de liberté. Lesanciennes écoles de mystère grecques avait inscrite au fronton dutemple de Délos, à Delphes "mourir au monde afin de renaître à la vie".C'est en cessant d'exister que l'on transcende l'existence. Étrangeparadoxe! C'est lorsque l'existence de l'homme devient une avecl'existence du grand Tout de l'univers, que celle-ci devient alors,connaissance absolue et sagesse intuitive. En transcendant l'esprit del'ego humain, l'homme se transcende lui-même afin de renaître libre. Ace moment-là, le nouvel "éveillé" devient un collaborateur conscient del'Esprit Universel qui embrasse tout. Cet homme participe en étant unedes partie de la Grande Conscience Cosmique que certain appelleDieu.

Libéré de sa condition d'homme mondain, il renaît alors en unêtre complet, un nouvel Adam, dont la liberté s'applique dans sa totalitéet ou l'obligation de renaissance dans le Samsara, les mondes de laforme et des désirs, n'est plus obligatoire. On dit de cet homme, qu'il estun être libéré qui a atteint l'éveil, l'illumination. Cet hommevéritablement libre, possède une vraie liberté de choix. Lorsqu'un telêtre décide malgré tout, de renaître dans le Samsara par compassionafin d'aider tous ceux qui souffrent, acceptant par la même occasion derepasser par la souffrance de la naissance, de la maladie, de lavieillesse et de la mort, on dit d'un tel homme qu'il est un Bodhisattva.

Le serment du Bodhisattva stipule qu'il renaîtra tant et aussilongtemps que toute l'espèce humaine n'aura pas atteint l'éveil. Peut-ondécouvrir un acte d'amour et de compassion plus grand que ce serment? Un autre choix est offert pour l'être libre et éveillé. Celui de renaîtredans le Nirvana, s'excluant définitivement de l'obligation de renaîtredans le Samsara. Certain Bouddhas choisissent cette voie plutôt quecelle du Bodhisattva. Ils peuvent malgré tout aider la race humaine parleurs bénédictions lorsqu'elle est sollicitée avec dévotion et sincérité.

Au plus haut niveau spirituel, le Sage comprend que la totalitéde l'existence est relative, conditionné et interdépendante. Le libre

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arbitre de l'homme, tel que décrié dans l'enseignement catholique,présuppose un acte volitif, une action de la volonté qui est entièrementlibre de toute influence extérieure. Si la totalité de l'existence estrelative et conditionné, comment, la simple volonté pourrait-elle d'ellemême, être libre. La volonté, la liberté et la pensée sont tous sansexception, interdépendants, conditionnés et relatifs. Il ne peut y avoirquoi que ce soit qui soit libre physiquement ou mentalement, étantdonné que toute chose sont interdépendant et relatif. La totalité del'existence est conditionnée et soumise à la loi karmique de cause àeffet. L'idée de la liberté et du libre arbitre est avant tout une inventionde l'homme, en relation avec celle de l'existence de Dieu, de l'âmeimmortelle, de même que celle du concept de punition ou derécompense divine lors de votre décès.

La révolution française n'a fait qu'exploiter une idée faussemais bien ancrée chez la plupart des gens. Ainsi, cette Liberté inscriteau fronton de la révolution française n'est en somme, qu'un pieuxsouhait qui demeure encore de nos jours, dans le domaine du subjectifet de l'illusoire.Pendant un bref instant, le Bodhisattva resta immobile, gardant lesilence tout en fixant la foule intensément. Penchant légèrement la têtevers l'avant, semblant s'immerger dans ses réflexions d'un autre âge, ilreprit avec sa voix mélodieuse:

Certains parmi vous, pensent que les renaissances multiplessont une bénédiction qui nous mène vers un idéal de perfection. SurTerre, vous nommez cette théorie fantaisiste, l'évolutionnisme. Cettethéorie possède-telle un fondement de vérité? Sur quoi s'appuie-t-ellepour confirmer ses dires?

La première mention publique de l'évolutionnisme spirituelapparut vers l'an 1815 en Angleterre, mais l'idée même, remonte à l'an1664, lors de l'établissement de la Compagnie anglaise des Indesorientales La première source d'information fut donc découvertelorsque les colonialistes britanniques pénétrèrent en Inde, etdécouvrirent la richesse des textes sanskrits védiques. Lorsqu'ilsrevinrent vers leurs patrie, l'Angleterre, les colonisateurs ramenèrentavec eux des récits traduit du sanskrit tel le Mahǎbhǎrata et la Baghavad-Gǐtǎ. C'est ainsi qu'un petit groupe de colonisateurs se regroupèrent en cercle afin d'étendre la bonne nouvelle. Les sujetsdiscutés provenaient des récits mystérieux de la Baghavad-Gǐtǎ. On y discutait alors de karma, de yoga, de chakra, d'illumination, despouvoirs siddhis, des Maîtres et de leurs disciples, de la mort et de lavie dans l'au-delà. Fasciné par toutes ces révélations, de plus en plus

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de groupes se formèrent, autant en France qu'en Angleterre, et ceux-cidonnèrent bientôt naissance au mouvement spiritualisme et à celui plusocculte de la Théosophie qui installa plus tard, sa maison mère àMadras en Inde. De ces deux mouvements ésotériques découlentl'ensemble du contenu de celui que vous appelez à votre époque, lenouvel âge.

Plus tard, le spiritualiste donna naissance à un mouvementsectaire, le spiritisme. Celui-ci prônait le dialogue avec les espritshumains désincarnés par le moyen de tables tournantes ou de sujethypertrophié psychiquement, ouvert à toutes les influences psychiquesque l'on nommera, médium. On prétendra que ceux-ci possèdent desdons de clairvoyance, de clairaudience, de voyances et de donspsychiques.

Ces deux groupes découlant de l'évolutionnisme spirituels'appuient sur la croyance en la survie de l'âme et de sa personnalité.

Les tenants de cette théorie pensent donc que les contacts"chanelling" entre les morts et les médiums sont de véritable dialogueprouvant la survie de l'âme individuelle évoluant entre deux mondes.Cette transition entre l'action et le repos permet ainsi à l'âme des'améliorer jusqu'à la perfection afin de retourner pur au Paradiscéleste, l'Éden d'où elle est issue.

Quel est exactement la véracité et l'authenticité de ces dialoguesoutre-tombe? La tradition ésotérique enseigne que la suggestion émotionnelle ettélépathique perçu par un médium est le reflet de ce qui a été. Qu'ils'agisse de corps matériel, de corps éthérique ou énergétique, de mêmeque d'empreintes mentale, ceux-ci subsistent dans des formes-penséesconçues par la multitude des désincarnés depuis des siècles et dessiècles. On évalue le nombre d'êtres humain à s'être incarnés sur Terredepuis l'apparition de celui-ci à 600 milliards d'individus.

Un miroir déformé, reflète les choses d'une manièreinhabituelle, même si dans l'image elle-même, se trouve ce qui y estreflété. Les renseignements ainsi obtenus par le médium sont souventdéformé par cet outil psychique inadéquat et l'interprétation que celui-ci en donne, est toujours le reflet de sa personnalité et de son évolutionspirituelle. Autant l'expéditeur que le récipiendaire modifie le messagepar leurs perceptions et la qualité de leur vécu spirituel. Les auditeurs,prenant cette révélation médiumnique pour une chose bien réelle, ne serendent pas compte que l'image perçu dans un miroir n'est pas laréalité elle-même, mais son simple reflet déformé plus souventqu'autrement.

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Tout individu qui passe par le Bardo laisse de profondesempreintes spirituelles et bien souvent, ces expériences peuvent êtrecaptées par d'autres personnes vivantes qui sont synchronisées sur lamême fréquence vibratoire. Ceci est naturel et dans l'ordre des choses.IL ne faut pas s'en surprendre, encore moins prendre cela pour unacquis extraordinaire. La plupart du temps, l'être désincarné résidantdans le Bardo, n'est pas plus sage ni plus intelligent que du temps deson vivant. Seul, ceux qui ont entrepris une démarche spirituelle,renforcée par de longues études, peuvent prétendre interpréter lemonde du Bardo et ce qui s'y passe réellement. Aucune démarche en cesens ne peut être entreprise dans les mondes de l'au-delà, afind'acquérir cette connaissance. Les spiritualistes et les médiumspubliques demande aux désincarnés, qui est le plus souvent plongédans la plus grande des confusions qu'il n'a jamais expérimenté de sonvivant, d'être pour les auditeurs, un sage, un gourou qui donnerarecommandation et instruction pour des problèmes d'ordre existentiels.Ces craintes et tracasserie mondaine ne peuvent que provoquer plus deconfusion dans l'esprit du décédé, occasionnant par la même occasionun important risque de renaissance dans un monde inférieur, qui luioccasionnera de grandes souffrances, difficile à imaginer pour lesvivants. La sagesse et le discernement ne s'acquiert que parl'enseignement mis en pratique lors d'une incarnation Terrestre. Mêmedans les autres mondes, cet apprentissage n'est pas possible. Tout ceque vous y apprendrez, demeurera latent en vous, mais le voile del'oubli vous en interdira l'accès, jusqu'au moment de votre éveil. Entre-temps, seule les bénédictions des Bouddhas et des êtres éveilléspourront vous donner accès à des parcelles de ces acquis d'outre-tombe. Il ne peut en être autrement.

Les évolutionnistes croient en l'existence d'une âme immortellequi conserverait la mémoire de sa personnalité et de ses expériencesantérieures puisque le médium improvise un dialogue avec le décédé,prenant pour acquis ce qui précède. La question de l'existence et de lasurvivance d'une telle âme, anime de nombreuses discussions, mêmeparmi les érudits bouddhistes. Dans le but évident d'éviter toutecontroverse, j’expliquerai seulement le point de vue historique, celui-làmême qui provient de notre Maître à tous, le Bouddha Sâkyamuni.

L'enseignement du Bouddha, nie l'existence hors ou dansl'homme d'une idée qu'on décrit comme "l'âme", le "Je", le "Soi" ou"l'Ego", et considère cette croyance comme étant fausse. Cette doctrinebouddhiste appelé "Anatta" enseigne que cette croyance en une âme,n'est qu'une autre projection mentale de l'homme, en partie due à son

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ignorance. Le problème que l'on rencontre avec cette grandeinterrogation existentielle, c'est que celle-ci nous obligent à dévoiler età expliquer en détail, une grande partie de la doctrine bouddhiste, afinde convaincre les gens de leur erreur. Cette explication pour unepersonne ignorant tout du bouddhiste n'est pas toujours une choseaisée.

Après un instant de réflexion, le Bodhisattva continua:Il est impossible et utopique de croire répondre à une telle

interrogation dans l'espace d'un seul enseignement. Pour y arriver, ilfaudrait faire une description de la véritable constitution de l'homme,dévoiler la doctrine des cinq agrégats et expliquer ce qu'est réellementla réincarnation et la renaissance dans les différents royaumes. Cetteréponse semblable à un diamant comporte plusieurs facettes et je n'endévoilerai qu'une seule.

Paradoxalement, le Bouddha soutenait l'opinion que, dénierl'existence de l'âme est aussi mauvais, qu'affirmer l'existence et lasurvie de celle-ci. Ces deux idées opposées sont avant toute chose, desliens se rattachant à la croyance en l'idée-racine "Je Suis". Dans lemonde occidental, cette idée est ancrée fortement due en partie àl'adage de la pensée cartésienne "Je pense, donc, Je Suis". En orient,principalement en Inde, on pratique depuis très longtemps une forme deyoga, ou l'exercice quotidien consiste en la récitation constante dumantra signifiant "Je suis" ou bien la variante " Cela, Je Suis ".

A la longue, cette pratique hypnotise le mental du pratiquant, etréussit parfois à développer chez lui des pouvoirs occultes surprenants.Ces pouvoirs, aussi appelé siddhis, sont une autre illusion un peu plussubtil que le rêve, et sont un autre mirage de l'esprit, camouflé encoreplus profondément dans la conscience du pratiquant. Ces nouveauxpouvoirs ne sont pas un gage de succès pour le pratiquant et n'apporteaucun acquis dans la recherche de la vérité absolue.

Depuis le début du vingtième siècle, ceux-ci ont même été lacause principale de l'émigration de nombreux faux Maîtres orientauxvers l'occident; ceux-ci étant plus qu'éblouie par tous ces pouvoirsmagiques.

Les Maîtres authentiques ne font jamais étalages de ce pouvoirtrompeur et abusif. Certain même, s'en éloigne comme si c'était lapeste. Ce qui caractérise avant tout un véritable Maître, c'est sacapacité de discernement, son intelligence vive et sa grande sagesse.

Si vous désirez un outil infaillible afin de discerner un véritableMaître, concentrer vous sur ceci: ils ont toujours un sens de l'humour

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très développé, ils s'expriment toujours avec une grande simplicité etleurs enseignements sont toujours clairs et précis. Le Maîtreauthentique a la capacité d'adapter son enseignement au niveau decompréhension de l'audience qui l'écoute. Ainsi, son enseignement neva jamais au delà de la capacité de compréhension de ses étudiants. Ilsne révèlent les enseignements secrets qu'a ceux qui sont ses disciples, etceux-ci sont rarement révélés en public. Un enseignement secret veutdire que celui-ci ne doit pas être révélé aux profanes. Ceci afin d'éviterque ceux-ci n'accumulent un karma négatif par une mauvaiseutilisation des techniques qui sont révélés. La mauvaise utilisation d'unenseignement secret cause aussi un préjudice karmique au Maître quil'a enseigné. Voici donc les raisons pourquoi les Maîtres véritables ontpeu d’admirateurs fanatiques. Ils respectent les traditions plusieurs foismillénaire, d'enseignement oral de Maître à disciples. La plus grandede leur qualité est la compassion. Ils n'ont aucune aversion pour quique ce soit, ne juge personnes, et advenant un crime contre nature, ilstiennent pour responsables, non l'individu, mais le mental de celui-ci,conséquence directe de l'ignorance. Ils combattent celle-ci par l’outilde la sagesse et de l'intelligence. Son amour englobe toutes lescréatures vivantes et il ne manifeste aucun attachement aux chosesmatérielles et mondaines. Voici donc, des balises de sécurités, quipeuvent vous guider avec prudence vers la recherche d'un Maîtrevéritable.

Égalité

Revenons à l'année précédent la révolution Français de 1789.Nous découvrons alors, qu'aucune égalité n'existait entre les Seigneurset leurs cerfs, de simple paysans ou artisans. C'est tout à l'honneur despères de la révolution française, d'avoir voulue rétablir cette injusticeflagrante. Qu'a donc enfanté ce deuxième axiome apposé sur le frontonde la révolution? En quoi cela a-t-il amélioré votre époque?

Dans la présente civilisation, l'homme de pouvoir a découvertqu'il était plus rentable d'exploiter ses semblables que de les réduire enesclavage comme au moyen-âge. Ainsi, la guillotine et le carcan à étéremplacé par l'impôt et les taxes directes et indirectes. Le systèmecapitalisme encourage la consommation à outrance au détriment del'homme et de la planète Terre, le seul refuge dont il dispose. Ilsgaspillent impunément des richesses que la Terre a mis plusieursmillions d'années à acquérir. Vos savants travaillant pour

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l'Organisation Mondiale de la Santé, ont évalué qu'en l'an 2100 laplupart des énergies fossiles seront épuisées. Pétrole, uranium,charbon, gaz naturel, tout cela aura été sacrifié à l'autel de laconsommation abusive par ce capitaliste dominateur. Ces homme depouvoir et de richesse, ne se rendent pas compte que l'homme n'estqu'un locataire sur cette Terre, et qu'en tant qu'invité, il est entièrementresponsable des biens qui lui ont été confiés. Malheureusement, lorsdes derniers sommets en Amériques sur la mondialisation, celui deQuébec et l'autre de Seattle, le citoyen s'est très vite rendu compte quecette négociation en catimini, était faite pour donner encore plus deprivilège et de droits au capitaliste sauvage, au détriment desgouvernements, de la liberté, et de l'égalité pour tous les citoyensvivants dans une démocratie.

Même si la planète court à la catastrophe, en partie due ausystème capitalisme et à ses excès, ces hommes d'affaires aveuglesconduisant une société aveuglée par la consommation effrénée et lacourse à la performance, n'ont aucunement l'intention de changerd'attitude et de direction, malgré les avertissements de plus en plusnombreux venant de spécialistes qualifiés.

Citoyens, ouvrez les yeux! Que voyez-vous? Inégalité politiqueet financière, chômage, famille monoparentale, jeunesse révoltée etdésillusionnées, inflation excessive, pouvoir d'achat qui diminue,faillites des petits commerçants étranglés par les grandes chaînes et lesOPA, saisies hypothécaires, diminution de la qualité des produitsremplacé par l'apparence visuelle et l'envahissement des marques. Ungrand maître chrétien a déjà dit; on juge un arbre par ses fruits.Regardez donc, quel fruit produit le capitalisme de votre époque ditemoderne!

L'égalité des êtres est-elle une chose qui est condamnésd'avance a demeurer utopique. Qu'en est-il de l'égalité de la naissance?Même si la société devenait socialement égalitaire, cela ne changeraitpas le fait qu'il y aurait encore des naissances d'enfants mongole, desourd et muet, d'aveugle, de retardé mental, de maladie incurable, etc.La liste des malheureux dès la naissance est longue sur votre Terre. Encomparant l'ADN de chacun, nous découvrons d'énorme différencedans le bagage génétique. Celui-ci confirme donc, que l'égalité n'existepas, qu'elle n'est qu'un leurre, et que même si le but est noble, safinalité est une utopie.

Dans mon époque, en Inde, il existait quatre caste qui divisait letissu social de notre nation. Chacun avait un rôle bien précis à jouer etil n'empiétait pas sur les pouvoirs d'une autre caste, ceci pour le

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bénéfice de toute la population. Il y avait la caste des prêtres quiétaient responsable du coté religieux de la nation, avec ses dogmes, sonenseignement et ses rituels, autant pour les morts que pour les vivants.Ensuite, il y avait la caste des soldats, ces valeureux guerriers quiétaient chargés de protéger la nation contre les envahisseurs tropcupides et envieux. Puis, il y avait la caste des marchands responsabledu bien être matériel et financier de ses citoyens. Il était interdit deprêter de l'argent dans le but d'en tirer un profit. Celui-ci devait surtoutservir à générer de la richesse chez celui qui était apte à êtremarchand, afin qu'il puisse à son tour aider les plus pauvres às'enrichir. Les marchands de mon époque avaient une lourderesponsabilité envers leurs citoyens et étaient très respectés de ceux-ci.Finalement, la dernière caste était celle des infidèles, c'est à dire celledes paysans, des apprentis, des ouvriers, des artisans et des serviteurs.Chacune des castes savaient qu'elles avaient besoin des autres castesafin que l'harmonie règne dans la maison. Ainsi, le respect de l'autre etla bonne entente étaient la norme dans la majorité du pays.

A votre époque, les marchands sont ceux qui occasionne le plusde problème, n'ayant aucun respect pour les autres castes, les petitesgens, les religieux et les soldats. Le système financier de votre époque,le capitalisme, encourage la compétition à outrance et oppose dans cebut, l'homme à ses semblables, l'humanité à la Nature, le citoyen auxdirigeants, afin de satisfaire son appétit du pouvoir. Au diable lerespect et les idéaux moraux. Seul compte le profit et les dividendespour ses actionnaires. Ils ne sont pas en affaires pour faire dessentiments! Combien de fois avez-vous déjà entendue ces commentairesdisgracieux? Voilà le reflet que votre société dite moderne et civilisé,laisse entrevoir pour un observateur extérieur et impartial!

Les gens en général, sont très mal informés de ces faits, car lacensure économique englobe tous les grands médias d'informations. Lecapitalisme moderne, chapeauté principalement par les Américains, estencore l'application de la loi du plus fort envers les plus faibles et lesplus vulnérables de votre société. Les véritables dirigeants politiquesde vos pays développés, sont les conseils d'administrations de cesgrandes entreprises et agglomérats financiers qui ne cessent de grossiret de s'étendre sur le monde, tel un cancer planétaire. Ce pouvoirocculte et non élu par le peuple, réduisent économiquement en esclavesdociles, tous ceux qui menacent leurs marge de profit et des bénéficesqui en résultent. Ces bâtisseurs d'empires financiers, n'ont nullementl'intention de changer d'attitude afin de faire avancer la causehumanitaire pour le bien général de la population. Cela irait contre

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leurs intérêts financiers et la raison d'être même de leur existence. Leprofit! Les bilans financiers annuels des vingt dernières annéesprouvent hors de tout doute, que ces compagnies multinationales etleurs actionnaires s'enrichissent de plus en plus chaque jour audétriment de la pauvreté qui s'étend partout, même dans les pays lesplus riches et les plus développés. La caste des marchands de votreépoque est très différente de celle de mon temps. Elle n'a aucun respectpour ses travailleurs et ses citoyens, n'a aucune morale autre que celledu profit. Celle-ci se condamne elle-même à se faire "hara-kiri" dansun bref avenir, afin de tenter de survivre au chaos social qu'elle auracréé. Éblouie par la facilité avec laquelle elle obtenait richesse etpouvoir, les marchands n'ont pas compris que l'Égalité exprimé par lesrévolutionnaires français, était un pré-requis et non un vague souhait.

Le Bodhisattva fit une pause, semblant réfléchir en silence à ce qu'ilallait ajouter. Puis, il reprit la parole:

Abordons le thème de l'égalité spirituelle. La loi karmiquementionne que vous tous, individuellement et collectivement, vousapportez lors de votre naissance, une quantité considérable de bagagekarmique, que vous avez accumulé depuis des millénaires et desincarnations innombrables. Le karma "conditionne" une grande partiede votre vie, afin de racheter ce karma négatif, d'en épurer les derniersrésidus, éliminant par le fait même, une grande partie de l'Égalitéspirituelle.

Par conséquent, la cupidité, l'ambition, la convoitise, le goût dupouvoir et de la richesse, de même que les acquis karmiques du passé,enlève tout espoir à votre civilisation de se prétendre Égalitaire etlibre. Les tendances antisociales et immorales de votre époque, sontbeaucoup trop ancrées profondément dans l'esprit des gens, pourespérer un changement radical amenant l'Égalité à prendre sa place.Cela est une autre utopie de la révolution française.

Fraternité

Le dernier sujet abordé, sera celui du troisième axiome de larévolution française, la Fraternité.

Reprenant la méthode de sagesse qui décrit qu'en analysant sesfruits, nous pouvons découvrir la valeur de l'arbre qui les a conçus,voyons donc ce que sont les fruits de la fraternité humaine.

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Ouvrez votre téléviseur et sélectionnez un canal de nouvelle.Vous constaterez avec horreur que la barbarie, les guerres, l'esclavage,l'exploitation sexuel des enfants, la publicité trompeuse des marques decommerce, l'exploitation des travailleurs du tiers monde, le tauxeffarants de la criminalité dans les grands centres urbains,l'exploitation des plus faibles par les plus forts, tout cela faitmaintenant partie du quotidien et est banalisés par la télévision, lesclips musicaux et les jeux vidéos. L’outil éducatif qu'est Internet, leréseau des réseaux, est devenu la tribune mondiale des contestataires,des anarchistes et des révoltés touchant toutes les classes sociales.Partout règne la grogne, l'insatisfaction, la frustration et le mépris desgens envers les autorités sociales, ses élus et les financiers en général.

Dans les générations futures, on caractérisera votre époquecomme en étant une de souffrance et d'exploitation de l'homme parl'homme, banalisé et encouragé par les dirigeants éducatifs, culturels,économiques, sociaux et politiques.

Les crimes les plus graves se planifient dans les bureaux desgrandes multinationales avec la bénédiction de la classe politique élue.La plupart de ces conglomérats financiers, manipulerons la vérité àleurs guise, possédant la majorité des médias d'informations.L'honnêteté, l'équité, la tolérance, la générosité sans espoir d'un retourde gain et la compassion ne feront plus partie de leurs écrits et serontmême exclus de leurs salles de rédactions. Entre hommes d'affaires, cesqualités humaines ne seront plus "politiquement correct", et n'étantplus "in", elles seront remplacées par l'opportuniste, la bonne affaire,la planification financière, la gestion des ressources humaines, lacadence de travail, les marges de profits et la valeur en bourse.

Si l'on compare votre économie avec celle du moyen-âge, ilsemble que le capitalisme de votre époque à produit un certain progrès.Cependant, celui-ci n'est que superficiel. Si vous analysez plus enprofondeur, vous découvrirez que l'esclavagiste a été remplacé parl'exploitation abusive du peuple et de son héritage des ressourcesnaturelles, par une minorité d'individus possédant le pouvoir et larichesse. En Amérique, 45% des impôts proviennent des particulierscontre 14% pour les sociétés. Comment votre société moderne prend-elle soin de ses vieillards; 23% des plus de 65 ans vivent d'aumônes,31% doivent continuer à travailler afin de survivre, 27% dépendent deleurs proches, qui comblent leur manque à gagner provenant de lasécurité sociale et seulement 19% de privilégiés vivent de leursépargnes accumulées pendant toute une vie de labeur. Pour l'annéefiscale 1999, au Canada, 103 compagnies ont déclarées des revenus de

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11,3 milliards $ et ont payé un total de 394,5$ millions en impôt; c'est àdire 3.5% de leurs revenus imposable. Vingt autres compagnies ontdéclaré des impôts sur le revenu reporté pour un total de 21 milliards$. Vingt autres compagnies Québécoise ont un solde d'impôts reportésde 30 milliards$. Treize autres compagnies canadiennes ont eu droit aun remboursement d'impôt de 78 millions$ alors qu'elles déclarent desprofits de 812 millions$. Sept autres compagnies ont payé seulement 33millions$ en impôt alors qu'elles déclaraient des profits de 2,4milliards$ et qu'elles ont aussi reporté 981 millions$ sur une autreannée fiscale. Cent-cinquante-huit autres compagnies ont déclarés desrevenus de 25,6 milliards$ et ont payé 2,6 milliards$ en impôt (10%).Depuis 1998, le Ministère des Finances ne publie plus les données descompagnies rentables qui ne payent pas d'impôt. Un professeurd'économie a publié le dernier recensement connu des compagnies quin'ont payé aucun impôt en reportant sur une autre année fiscale, lessommes qui sont dues. Voici, un bref aperçu de cette liste: CanadienNational =2,8 milliards$, Seagream=2,7 milliards$, Canadien Pacific= 2,6 milliards$, Alcan = 1,1 milliards$, BCE = 783 millions$,Bombardier = 583 millions$, Québécor = 545 millions$, PowerCorporation = 441 millions$, etc.

Jean Chrétien, le premier ministre du Canada (1993-2003), sevante depuis qu'il est au pouvoir, que le Canada est le pays qui a lameilleure qualité de vie au monde. Pourtant, dans ces mêmesstatistiques, on découvre que celui-ci est le deuxième pays au mondequi emprisonne le plus pour les accusés de droit commun et le premierpour le pourcentage d'emprisonnement, avant l'obtention d'unelibération conditionnelle. Pour la même statistique, il est suivi de prèspar son voisin américain, qui est le premier pays au monde pourl'emprisonnement de ses citoyens. Ils sont deux millions à croupir dansplus de 32,420 prisons. En l'an 2000, le Canada a déclarés une baissede la criminalité pour une sixième années consécutives. Pourtant, dansla même période, les chiffres démontrent que le pourcentage de détenusa substantiellement augmenté. Je pourrais continuer longtemps aumusée des horreurs de la statistique, mais je préfère arrêter ce carnageantisocial.

Le Bodhisattva reprit son souffle un bref instant, avant de reprendre:Tous les continents, les pays et les villes, forment un tout

indivisible. L'humanité entière est ton frère, ta sœur, ta mère ou tonpère, puisque dans des milliers d'incarnations successives, vous avezété les parents de ceux-ci, ou bien les fils de celle-là. Votre vie actuelle

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ne représente même pas un seul clin d'œil de paupière comparé à votrevie toute entière. Vous êtes né un nombre incalculable de fois dans l'undes six mondes d'existences et vous vous êtes tous côtoyés un jour oul’autre. Les ennemis d'hier sont maintenant vos amis, vos parents d'hiersont maintenant vos enfants. Vous avez tous eu une bonne conduite etdes valeurs morales dans une vie et dans une autre, vous avez toustriché, volé, violé et tué en excusant ces crimes par la nécessité de lavie. Voilà la raison principale qui fait que les Maîtres qualifiés vousadjurent de ne pas chercher à porter des jugements sur vos semblables.

Un pour tous, tous pour un. Aucune créature humaine ne peutêtre exclue de ce théorème. Lorsque l'homme aide les autres, il s'aidelui-même ainsi que les siens. Lorsqu'il est généreux envers les autres, ilest généreux envers lui-même. Le Bouddha a dit; ce que tu sème danscette vie-ci, tu le récolteras dans la prochaine. Le Christ a dit: ce quetu sème aujourd'hui, demain tu le récolteras au centuple. Alors,pourquoi hésiter d’une si belle aubaine. Soyez donc des opportunistesspirituels. Vous avez tout à y gagner!

Si le bandeau de l'ignorance était subitement enlevé des yeux devos dirigeants, ils reconnaîtraient sûrement leurs torts et leur manquede compassion envers les citoyens qu'ils ont sous leur responsabilité.Un jour ou l'autre, ils récolteront ce qu'ils ont semé. Ceci est la loiinéluctable du Karma qui n'a aucune faille dans son filet. Celui qui estdevenu, à cause des bienfaits de la société où il est né, le plus importantparmi les hommes doit aussi se rappeler constamment qu'il est auservice de ceux-ci. Ce n'est pas avec les acquis matériels et le pouvoir,que l'homme peut aider son frère, mais, c'est dans l'aptitude à s'oublierpour les autres que réside la véritable force et la véritable sagesse.Cela n'est-il pas la vraie définition de la fraternité humaine?Malheureusement, dans votre civilisation actuelle, l'égocentrismedestructeur prime sur tout sentiment fraternel et est à la racine mêmede toute déviance humaine. La plus grande de toutes les vertus c'est ledon de soi. Là est la véritable Fraternité et le plus grand constatd'échec des espoirs de la révolution Française de 1789.

Penchant légèrement la tête, le Boddhisattva Manjushri joignitles mains au niveau du cœur et prononça ses souhaits en guise de motsd'adieu:

Soyez tous libéré de l'illusion du soi,et de la soif du devenir.

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Soyez tous librede tous complexe et obsession,des tracas et des nombreux problèmesqui tourmentent la masse des hommes.

Ne regrettez rien, ni le passé, ni le présent.Ne vous préoccupez pas de l'avenir.Vivez en observateur, dans l'instant présent.

Soyez libre de tous désirs égoïstes,de haine ou d'ignorance,de vanité, d'orgueil ou d'attachement,à qui, ou quoi que ce soit.

Soyez pur et doux,rempli d'amour universel,de compassion, de bonté et de tolérance.

Ne recherchez aucun gain,n'accumulez aucun bien.

Soyez libéré de l'illusion du "Moi"et du désirs de renaître dans le Samsara.

Je dédie cet enseignement à la cessation de la souffrance et descauses de la souffrance. Puissent tous ceux prisonniers des Royaumesdu désirs et de la forme êtres délivrés et atteindre l'éveil ultime.

Om, ah, rha, pa, tsa, na, di, di, di, di…

Doucement, tout doucement, on vit disparaître le Bodhisattva dans unécran de fumée évanescente. Il ne subsista qu'un immense trône vide.

Le silence, l'épais et impalpable calme, continuait de régnerdans cette immense assemblée constituée d'esprits égarés.

Le grand et noble Seigneur Manjushri était retourné vers leRoyaume des cinq pics, résidence de paix et de félicité, loin destempêtes karmiques du Bardo.

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Étrangement, personne n'avait quitté sa place et tous gardait unsilence respectueux. Intuitivement, tous savait que ce n'était pas terminéet que le meilleur restait encore à venir. Jésus n'avait-il pas attendu lafin du banquet avant de servir le meilleur vin?

Lentement, elle leva la tête vers la voûte sans étoiles, couleurd'encre satiné. Elle ne sut pourquoi elle avait eu cette envie, mais elleavait bien fait, car, là haut dans cette noirceur d'encre, il se passait deschoses bien étranges. Elle en était certaine. Quoi au juste? Elle nepouvait le décrire!

Elle semblait entrevoir de mince filet de nuage légèrementcoloré, se formant ici et là, apparaissant et disparaissant aussitôt.

Quel était encore ce phénomène, pensa-t-elle?

Des "tiglés", ces perles lumineuses de différentes couleurs,apparurent et couvrirent toute la voûte de l'immense pièce. Tombantlentement, telle une faible pluie, cette bénédiction lumineuse inondatoute l'assemblée. Cela dura un temps indéterminé et fut suivie par unepluie encore plus étrange. Celle de fleurs aux parfums délicats.

Elle était stupéfaite. Il pleuvait des fleurs de toutes couleurs etgrosseurs différentes. Il y avait des roses magnifiques, des pétunias enabondances, des œillets de toutes couleurs, même des bleue et desargentées, chose qu'elle n'avait encore jamais vue de son vivant. Le solétait complètement couvert par cette florale mystérieuse. Choseétrange, aussitôt qu’elle en touchait une, elle s'évanouissait. Plusieurspersonnes tentaient de s'en saisir, mais c'était parfaitement inutile. Ellesretournaient d'où elles étaient venue, le néant.

Plus étrange encore était le fait que, lorsqu'un moine parmi lescercles en saisissait une, celle-ci conservait sa forme et sa couleurd'origine pendant une brève période avant de disparaître.

Comment cela était-il possible, se demanda t-elle?

Instinctivement, elle eu la réponse. Ce n'était qu'une question depureté spirituelle et de résidus karmiques. Ainsi, dans l'univers où ellese trouvait, on ne pouvait posséder ce qui était étranger à notre proprenature. Sur Terre, elle pouvait semer vent et tempête et récolter le beau

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temps grâce à sa situation sociale dans la pyramide du pouvoir, même sicelui-ci avait été acquis malhonnêtement. Ici, cela était impossible. Cescônes d'ombres karmiques n'existaient pas. Aucune ombre ne seprofilait sur le sol. Nul endroit pour se cacher ou dissimuler sesmauvaises actions. Tous, ils étaient nus comme un grand livre ouvert,accessible à tous les regards inquisiteurs. Ici, aucune chose n'étaitabordable à la dissimulation. Même pas le plus faible éternuement! LeRoyaume du nulle-part est celui ou nul mensonge ne peut s'enraciner,laissant le terrain fertile à l'authenticité des esprits qui y voyagent.

La pluie de fleur s'arrêta. Il flottait dans l'air un doux parfumdifficile à décrire. C'était tout simplement céleste.

Soudainement, mille trompettes se firent entendre.

Elle sursauta légèrement. Tous les atomes de son corps vibrèrentà l'unisson des chants et de la musique des sphères qui s’ensuivirent.

Un immense coup de tonnerre, semblable à mille tonnerresterrestres se fit entendre et se répercuta sur les murs du château. Ceux-ci tremblèrent mais résistèrent à l'assaut titanesque.

Des éclairs monstrueux zébrèrent le ciel de la voûte, même siaucun nuage n'était apparent sous celle-ci. Tout le sol en trembla.

Un immense arc-en-ciel à sept couleurs apparut sous le dôme,même si aucune pluie ni rayons de soleil n'était visible.

Comment tout cela était étrange, pensa-t-elle?

De cet arc-en-ciel, surgit les dieux des dix directions. Celui dunord, du sud, de l'est, de l'ouest, des positions médianes, du zénith et dunadir. Puis, apparut, venant de l'est, la divine dakini "Vajra" qui pritposition au-dessus de la foule silencieuse, à la verticale de la fontainede feu. De l'ouest, apparut la dakini "Padma", puis du nord, la dakini"Karma", enfin, venant du sud, la dakini "Ratna". Tous prirent positiondans l'espace au-dessus de l'assemblée et demeurèrent là, en positionstationnaire, semblant attendre un événement extraordinaire. Il y avaitbeaucoup d'électricité qui semblait flotter dans l'air en effervescence.D'autres personnages surgirent encore de l'arc-en-ciel. Mille bouddhasdu passé envahirent tous les recoins du ciel au-dessus de la salle des

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trônes. Quatre créatures fantastiques, mi-homme, mi-animal, surgirentdu néant et prirent position au quatre coins de la salle. Ceux-ci étaientles Seigneurs du Karma, responsable de la Loi et de son application.

Une minuscule sphère de couleur dorée surgit de l'arc-en-ciel.Celle-ci, malgré sa petitesse, brillait d'un éclat presque insoutenable. Lesoleil terrestre était de l'ombre comparé à cette luminosité.

Elle ne sut comment, mais elle savait qu'il avait traversé desmillions d'années lumière afin de venir enseigner dans cette assembléed'égarés.

Le soleil doré prenait visuellement de plus en plus de place dansl'espace au-dessus de l'assemblée. Son éclat devenait de plus en plusinsoutenable.

Cela lui faisait mal et la réconfortait en même temps. Étrangeparadoxe, pensa-t-elle!

Sortant de nulle part, un étrange nuage couvrit la sphère,réduisant sa brillance de moitié. C'était bien ainsi! L'éclat de la sphèremystérieuse ne lui faisait déjà plus mal. Seul, la paix et la sérénitésubsistaient. Elle commença à distinguer plus nettement ce soleilétrange. À l'intérieur, elle devinait qu'il y avait une forme humaine.Cette apparition était similaire à celle du Seigneur Manjushri,personnification de la sagesse de tous les bouddhas. Cependant, lasphère dorée dégageait une force et une puissance difficilementquantifiable. Elle ne trouvait même pas les pensées pour décrire cequ'elle ressentait.

La sphère lumineuse plana au-dessus de l'assemblée pendant unlong moment, puis vint se poser directement sur la flamme de lafontaine, couvrant son feu de sa luminosité fantastique. Son intensitédiminua progressivement, laissant apparaître un bouddha merveilleux,d'où émergeait un vaste sentiment de joie et de félicité.

Subitement, sans aucun avertissement, émergea du chakra deson cœur émergea un rayon dorée qui atteignit le cœur de chaquepersonne dans l'assemblée. Elle-même ressentit fortement ce contactqui était un mélange d'amour fraternel et de compassion véritable, celleque l'on surnomme, la Maha-Bodhichitta. Comment décrire cette divine

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bénédiction, car s'en était bien une? Cela était totalement indescriptibleavec des mots. Comment décrire le baiser fraternel du grand frèreaccourant au secours de sa petite sœur, entrain de sombrer dans dessables mouvants?

Maintenant, elle distinguait avec plus de lucidité, l'être célesteau-dessus de la fontaine. Était-ce l'effet de la bénédiction? Elle serappelait avoir déjà entendue que les bouddhas et les êtres éveillés sontpartout alentour de nous, mais que nous ne les voyons pas à cause denos impuretés karmiques. Elle avait déjà lue dans un petit livre sur lesentier spirituel, un moine qui décrivait qu'elle n'avait rien à acquérirsur cette Terre. Qu'elle devait plutôt chercher à enlever des voilesobscurs qu'elle avait accumulés pendant des centaines de renaissances,car ceux-ci lui voilait la vue du réel, où se trouvait des universinnombrables habités par des êtres remplis de sagesse et de bonté.

La flamme de la fontaine avait été remplacée par un trône enforme de coussin de lune et de soleil, disposé au centre d'un lotusgigantesque à huit pétales. Assit en position du tailleur, l'être tenait danssa main gauche un bol d'aumône remplie d'amrita, le nectar des dieux,et dans sa main droite, il tenait un livre tibétain symbolisantl'enseignement de la sagesse. Huit Bodhisattva symbolisant ses huitpremiers disciples prenaient place tout autour de la fontaine.

Elle savait tout cela intuitivement, mais elle avait aussil'impression d'être un enfant en bas âge devant cet être céleste d'unestature difficilement quantifiable.

Émerveillée, elle vit les dieux des dix directions et les cinqdakinis venir se prosterner sept fois de suite devant le nouvel arrivant.Par après, il en fut de même avec tous ceux faisant partie du cercleintérieur.

Suite à un bref instant sans événement, le gong géant résonnaparmi la foule, annonçant que quelqu'un allait prendre la parole. Unjeune moine bouddhiste, de type mongoloïde, portant une tunique rougeet safran, s'adressa alors à l'assemblée:

Ô noble assemblée, disciple de toutes les religions, moi Ananda,premier disciple du Bienheureux, je m'adresse à vous tous, fidèlesauditeurs, sur la requête du Maître Vénérable, le Bouddha Sâkyamuni.

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Pour la première fois, elle entendit un long murmure parcourir lafoule, telle une vague d'océan. Elle en fut très surprise! Le silence repritses droits.

Bientôt, le Bienheureux va prendre la parole. Je vous implored'écouter avec attention Sa Parole, de l'absorber dans votre cœur, devous en délecter, car il est fini le temps ou vous pouviez agir. Ici, dansce Bardo de l'entre-deux, la seule chose que vous puissiez faire, c'estd’apprendre par l'écoute. Désormais, un très long périple vous attend.Celui du voyage karmique dans le Bardo du devenir. Suite à ce longvoyage, le temps d'une nouvelle naissance arrivera pour tous ceuxn'ayant pu se libéré de l'esclavage samsarique. Malheureusement, peud'entre-vous auront atteint la libération malgré les nombreuxenseignements reçu dans l'entre-deux. Il est très difficile d'atteindre lalibération dans ce monde-ci, lorsqu'aucune démarche véritable n'a déjàété entreprise de votre vivant, lors de votre dernière incarnation. Unerenaissance humaine est un bien d'une valeur inestimable. Si, lors devotre dernière existence humaine, vous avez gâché cette existence parla poursuite futile des biens matériels, du confort physique, del'acquisition de pouvoir et de désirs mondains, alors n'espérez pasatteindre dans le Bardo du devenir, la libération du Samsara. Vousdevrez encore repasser par les douleurs de la naissance et lessouffrances de la maladie, de la vieillesse et de la mort. Ceci est lagrande loi karmique, dont nul ne peut se dérober.

Actuellement, la seule chose que vous puissiez faire estd'écouter cet enseignement avec attention et de le graver en lettre d'ordans le centre de votre chakra du cœur, siège immortel del'indestructible goutte blanche ou siège votre esprit qui se réincarne.

Un jour, peut être, lors d'une prochaine renaissance humaine, lesouvenir impérissable de ces paroles de Sagesse, remonterons versvotre état de conscience de veille, éveillant alors dans votre cœur, ledésir ardent de la libération du monde de la souffrance. Soyez doncvigilant!

Le disciple Ananda garda le silence un bref instant avant de reprendre:

De votre vivant, lorsque vous étiez en bonne santé, vous nepensiez pas à la maladie qui pouvait vous frapper sans avertissement.Submergé par les affaires mondaines, vous ne pensiez pas à la mort

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pouvant survenir aussi soudainement que l'éclair. Notre Maître leBouddha a déjà déclaré:

"De toute les contemplations de l'esprit,celle de la mort est suprême.Ce qui est né mourra,et ce qui a été rassemblé sera dispersé.Ce qui a été amassé, sera épuisé,ce qui a été édifié s'effondrera,et ce qui a été élevé sera abaissé.La nature de toute chose est illusoire et éphémère.

Le Bouddha

Notre Maître le Bouddha, est né vers l'an 624 avant J.-C., etportait alors le nom de Prince Siddhǎrta Gautama. Le Bouddha, fut un personnage dont l'historicité n'est pas mise en doute, et qui aurait vécudu VIème siècle avant notre ère. Les dates de sa naissance et de samort sont respectivement de 624 et 544 avant Jésus-Christ.

Mayadevi, épouse de Suddhodana, modeste souverain du petitroyaume de Kosala constitué par une confédération des tribus Sakyas,sera prise de douleurs à la fin de sa grossesse, alors qu'elle rendaitvisite à sa mère, à Lumbini, petit village du Népal, au VIème siècleavant Jésus-Christ. Elle s'allongera sous un arbre et accouchera d'ungarçon du nom de Siddhârta Gautama.

Le titre de Bouddha (éveillé) lui sera accordé plus tard par sesdisciples. Il est également connu comme le Tathagata, "celui qui estvenu ainsi" prêché la bonne Loi (dharma). Ce dernier, qui apprendrales lettres, les sciences, les langues, sera initié à la philosophie hindouepar un brahmane. Un officier lui apprendra à monter à cheval, à tirer àl'arc, à combattre avec la lance, le sabre et l'épée. Les soirées serontconsacrées à la musique et, parfois, à la danse.

La légende raconte que son père fera venir les huit voyants lesplus célèbres des quatre coins de son royaume. Les sept premiersprédiront un avenir brillant au jeune homme qui devait succéder à sonpère, le dernier qu'il quittera le royaume. Le roi fera enfermer cedernier.

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Le prince tombera amoureux et épousera Yashodara à l'âge devingt ans, sa cousine germaine et fille d'un seigneur du voisinage. Lesnouveaux époux emménageront dans trois petits palais : un de bois decèdre pour l'hiver, un de marbre pour l'été et un de briques pour lasaison des pluies. Ils donneront naissance à un garçon, dix ans plustard, qui sera nommé Rahula.

Siddhârta, qui s'ennuie, entreprend souvent de longuespromenades. Il rencontrera successivement - un vieillard qui marcheavec peine, - un pestiféré couvert de bubons purulents, - une famille enlarmes qui transporte le cadavre d'un des siens vers le bûcher, - unbiksou, un moine mendiant qui, un bol à la main, quête sa nourriture.

Le prince comprendra alors que, si sa condition le met à l'abridu besoin, rien ne le protègera jamais de la vieillesse, de la maladie etde la mort. Il s'éveillera une nuit en sursaut, et demandera à sonserviteur, Chandaka, de harnacher son cheval. Les deux hommesgaloperont jusqu'à un bois proche du palais. Siddhârta, quiabandonnera à son serviteur son manteau, ses bijoux et son cheval, luidemandera de saluer son père, sa femme et sa belle-mère et de leurdire qu'il les quittait pour étudier la voie du salut. Le princeabandonnera ses vêtements de soie qu'il échangera avec la tenue d'unpauvre chasseur.

Siddhârta Gautama entreprendra une vie d'ascèse et seconsacrera à des pratiques méditatives austères. Six ans plus tard,alors qu'il se trouve dans le village de Bodh-Gayâ, il abandonnera cespratiques qui ne l'ont pas mené à une plus grande compréhension dumonde, et acceptera des mains d'une jeune fille du village, Sujata, unbol de riz au lait, mettant ainsi fin à ses mortifications. Il seconcentrera dès lors sur la méditation et la voie moyenne, celle quiconsiste à nier les excès, en refusant le laxisme comme l'austéritéexcessive. Les cinq disciples qui le suivaient l'abandonneront, jugeantcette décision comme une trahison de sa part.

Siddhârta Gautama prendra alors place sous un pippal (Ficusreligiosa) et fera le vœu de ne pas bouger avant d'avoir atteint laVérité.

Le Bouddha atteignit l'Éveil en plusieurs étapes. Lors de lapremière étape, son esprit étant "stabilisé et recueilli" il tourna sonattention vers le souvenir de ses vies antérieures; une naissance, deux

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naissances, trois, cinquante, mille, cent mille. Rien ne lui étaitinconnue; son nom, sa résidence, sa famille, etc. C'est au cours de cettenuit que lui vint cette connaissance. C'est dans la posture de prise de laterre à témoin de ses mérites passés que Bouddha accèdera à l'éveil. Ilaffirmera être parvenu à la compréhension totale de la nature et descauses de la souffrance humaine et des étapes nécessaires à sonélimination. Cette illumination, possible pour tous les êtres, s'appelle labodhi. Le Bouddha insistera sur le fait qu'il n'était ni un dieu, ni lemessager d'un dieu et que l'illumination n'était pas le résultat d'unprocessus ou d'un agent surnaturel, mais plutôt le résultat d'uneattention particulière à la nature de l'esprit humain, qui pouvait êtredécouverte par n'importe qui.

A l'instant ultime de l'Éveil, il apparut au Bouddha quela prison dans laquelle il avait été enfermé pendant des milliersd'années, avait obscurci son esprit, tel de sombres nuages d'orages, parl'ignorance et les pensées trompeuses. Son esprit avait à tort, divisé laréalité en opposés dualistes et de cela, était né des vues erronées tellele désir, les sensations, la saisie dualiste et celle du devenir. Naissance,vieillesse, maladie et mort; toutes ces souffrances n'avaient fait queconsolider les murs de sa geôle. Démasquant cet usurpateur, il éliminadu même coup les murailles de sa prison. Celle-ci ne pourra plusjamais être reconstruite car le ciment de "l'ignorance" n'existait plus.

Suite à son éveil, Gautama le Bouddha prêchera la doctrinependant 45 ans, jusqu'à l'âge vénérable de 80 ans au Kunisǎrǎ (Kusinagar en Inde, dans l'actuel Uttar Pradesh). Durant tout ce temps,il enseigna sans aucune distinction à toutes les classes d'hommes et defemmes, de groupement sociaux et même a la caste des infidèles, unechose qui ne s'était jamais vue auparavant en Inde.

Le Bouddha montra le sentier qui conduit à la libération, maisc'est à chacun de soi de faire l'effort de marcher sur ce sentier. Lesderniers mots du Bouddha seront : "L'impermanence est la loiuniverselle. Travaillez à votre propre salut".

Avant de laisser la parole au Bienheureux, laissez-moi vousdonner les conseils que le Maître lui-même me donna au début de monapprentissage spirituel:

Ayez confiance au message du Maître, non à sa personnalité;

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Ayez confiance au sens de ses paroles, non aux mots seulement;Ayez confiance au sens ultime, non au sens relatif;Ayez confiance à votre esprit de sagesse, non à votre esprit

ordinaire qui juge;Que votre confiance ainsi acquise soit votre guide, éclairant vos

pas sur le sentier de la Sagesse et de l'Illumination.

Voici venu le temps de vous présenter le Bienheureux, l'Arahantparfaitement et pleinement éveillé, parfait en sagesse et en conduite, leConnaisseur des mondes, l'Incomparable guide des êtres qui doiventêtre guidés, l'Instructeur des dieux, titans, dakinis, déesses et deshommes, le Vénérable Shâkyamuni, le Bouddha de votre ère cosmique,celle du Kali Yuga.

Par trois fois, Ananda se prosterna le front sur le sol, en récitantle mantra:

Om, muni muni, maha muniyé soha…Om, muni muni, mahamuniyé soha…Om, muni muni, maha muniyé soha.

Terminant sa dernière prosternation, suite au mantra sacré, ledisciple Ananda s'assit aux pieds du Maître, face à la foule, en posturede vajra et garda le silence. Alors, le Bouddha s'adressa à la foulerecueillie et silencieuse:

Ô noble disciples, réunis dans cet assemblée, écoutez bien mesparoles, car elles sont l'essence même de l'ultime Vérité.

Ô noble auditeurs, réunis dans cet assemblée, écoutez avecattention, l'enseignement qui peut être la cause de votre salut.

Mon Père est la Sagesse,et ma Mère est la Vacuité.Mon pays est le pays du Dharma.Je suis soutenu par la perplexitéet je suis ici pour détruire l'Ignorance,racine de tous les poisons,celui du désirs, de la colère et de l'attachement.Ce qui a été renversé,je reviens le redresser.Ce qui a été caché.je viens le révéler.

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Je montre le cheminà celui qui s'est égaré.Je suis la lampe qui illumineceux, perdus dans l'obscurité.

Écoutez mes paroles.Écoutez ma doctrine.

Quiconque applique mon enseignement, doit toujours serappeler que la vie humaine est transitoire et changeante, et que lecorps humain, bien qu'étant le "Vaisseau du Salut", n'est rien de plusque le producteur de votre souffrance. L'attachement à la vie, à lasensualité et au corps, doit être évité.

Cette existence qui est la vôtre est aussi éphémère que lesnuages d'automne. Observer la naissance et la mort des êtres estcomme observer les mouvements d'une danse.

La durée d'une vie est semblable à un éclair d'orage dans leciel. Elle se précipite, tel un torrent dévalant une montagne abrupte.Cette vie humaine est transitoire et la séparation est inévitable. Ceci estla roue de la Vie. Les êtres humains viennent ensemble puis seséparent. Il n'y a pas de quoi être troublé par cette séparation. Dans lecycle samsarique, tous sont condamnés à se revoir un jour ou l'autre.

Le souffle de la vie est semblable à un nuage.L'esprit est semblable à un éclair.La vie dans l'ensemble est semblable à la rosée sur l'herbe.Donc, renoncez à tous cela et fixer vos penséessur le but Unique et Ultime,celui de la libération du Samsara.Ô disciples, écoutez mes Paroles de Vérité,et soyez attentif à cet enseignement.

Longue est la nuit pour celui qui veille; longue est la route pourcelui qui est las de marcher; long est le cycle des naissances et desmorts pour les insensés qui ne connaissent pas la Vérité Sublime.

L'insensé qui reconnaît sa sottise est sage en cela, mais,l'insensé qui se croit sage, est à juste titre un fou.

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Si un insensé est associé à un homme sage, même toute sa vie, ilreste ignorant de la vérité, comme la cuillère ignore le goût de lasoupe.

Les insensés, les fous, se conduisent vis-à-vis d'eux-mêmescomme des ennemis, faisant de mauvaises actions dont le fruit est amer."C'est aussi doux que le miel", ainsi pense l'insensé du mal qui n'a pasencore porté ses fruits, mais quand le mal a fructifié, alors l'insensévient à en souffrir.

On doit s'associer avec celui qui fait voir les défauts comme s'ilmontrait un trésor. On doit s'attacher au sage qui réprouve les fautes.Recherche l'amitié des meilleurs parmi les hommes.

Celui qui boit à la source de la Doctrine, vit heureux dans lasérénité de l'esprit.

De même que le rocher solide n'est pas ébranlé par le vent, demême les sages restent innébranlé par le blâme ou la louange.

Comme un lac profond, limpide et calme, ainsi les Sagesdeviennent clairs, ayants écouté la Doctrine.

Il est peu d'hommes qui passent sur l'autre rive. Mais, ceux quisuivent la Doctrine bien enseignée, franchissent le domaine de la Mort,difficile à traverser.

Il ne faut pas s'attacher aux plaisirs des sens, ce qui est bas,vulgaire, terrestre, ignoble et engendre de mauvaises conséquences et ilne faut pas s'adonner aux mortifications, ce qui est pénible, ignoble etengendre de mauvaises conséquences. Évitant ces deux extrêmes, leTathâgata à découvert le Chemin du Milieu qui donne la vision, laconnaissance, qui conduit à la paix, à la sagesse, à l'éveil et auNirvâna.

Ce Chemin, c'est le Noble Sentier Octuple, à savoir: la vuejuste, la pensée juste, la parole juste, l'action juste, le moyend'existence juste, l'effort juste, l'attention juste et la concentration juste.

Ô disciple, ce Sentier conduit à la cessation de la souffrance. Lemeilleur des disciples est celui qui voit et comprend cette vérité. Cette

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compréhension est aussi le Sentier, il n'en est pas un autre qui mène àla purification de la vision. Suivez ce sentier et cela sera la confusionde Mâra. En suivant ce sentier, vous verrez la fin de votre souffrance.Vous devez faire l'effort vous-même; les Bouddhas ne font qu'enseignerle sentier. Les pratiquants méditatifs arrivent à se délivrer des entravesde Mâra.

Toutes les choses conditionnées sont impermanentes, chargéesde souffrance, et sont sans Soi.

La plupart des hommes, oublient que nous mourrons tous unjour. Pour ceux qui y pensent, la lutte est apaisée.

Ni dans les airs, ni au milieu de l'océan, ni dans les antres desrochers, nulle part dans le monde entier, il n'existe une place oùl'homme trouverait un abri contre la mort.

La différence entre la mort et la naissance, n'est qu'un instantdans notre pensée: le dernier instant de la pensée en cette vieconditionnera le premier dans ce qu'on appellera une vie suivante, quin'est en fait que la continuation de la même série. Une fois que l'on voitcela par la sagesse, on est dégoûté de la souffrance. Ceci est le sentierde la pureté.

Ô disciple, veuille sur ta parole, contrôle ton esprit, abstient toides actes mauvais; purifie toi par ces trois moyens d'action afind'atteindre ce Sentier.

Voici, Ô disciple, la noble vérité sur la souffrance. La naissanceest souffrance, la vieillesse est souffrance, la maladie est souffrance, lamort est souffrance, être uni à ce que l'on n'aime pas est souffrance,être séparé de ce que l'on aime est souffrance, ne pas avoir ce que l'ondésire est souffrance.

Voici, Ô disciple, la noble vérité sur la cause de la souffrance.C'est la "soif" du désir qui produit la ré-existence et le re-devenir, quiest liée à une avidité passionnée et qui trouve une nouvelle jouissancetantôt ici, tantôt là, c'est-à-dire, la soif des plaisirs des sens, la soif del'existence et du devenir, et la soif de la non-existence par annihilation.

Voici, Ô disciple, la noble vérité sur la cessation de lasouffrance. C'est la cessation complète de cette "soif", la délaisser, yrenoncer, s'en libérer et s'en détacher.

Avec la compréhension de Cette Noble Vérité sur la souffrance,s'élevèrent en moi, la vision, la connaissance, la sagesse, la science etla lumière.

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Ô disciple, lorsque la connaissance réelle des Quatre NoblesVérités, "Dukka, Samudaya, Nirodha et Magga" me devint parfaitementclaires, alors seulement j'ai proclamé à ce monde avec ses dieux Mâraet Brahma, ses troupes d'ascètes et de brahmanes, ses êtres célestes ethumains, que j'avais obtenu l'incomparable et suprême connaissance.Et la connaissance profonde s'éleva en moi; inébranlable est lalibération de mon esprit.

L'esprit

Tous les états mentaux ont l'esprit pour avant-coureur, et ceux-ci sont créés par l'esprit. Si un homme parle ou agit avec un mauvaisesprit, la souffrance le suit d'aussi près que la roue suit le sabot dubœuf tirant le char. Si un homme parle ou agit avec un esprit purifié, lebonheur l'accompagne d'aussi près que son ombre inséparable.

"Il m'a maltraité; il m'a vaincu; il m'a volé. Chez ceux quiaccueillent de telles pensées, la haine ne s'apaise jamais. Chez ceux quiéloignent de telles pensées, la haine s'apaise.

De même que la pluie entre dans une maison dont le chaume estdisjoint, ainsi la passion pénètre un esprit non développé.

De même qu'un poisson rejeté hors de l'eau, notre esprit tremblequand il abandonne le domaine des passions, Mâra, nous liant au cycled'existence.

L'esprit est difficile à maîtriser et instable. Il court où il veut. Ilest bon de le dominer. L'esprit dompté assure le bonheur. Que le Sagereste donc maître de son esprit car il est subtil et difficile à saisir.Errant, au loin, solitaire, sans corps et caché très profondément, tel estl'esprit. Ceux qui parviennent à le soumettre, se libèrent des entravesde Mâra.

Chez celui dont l'esprit est inconstant, qui ignore la vraie loi etmanque de confiance, la sagesse n'atteint pas la plénitude.

Celui dont l'esprit n'est pas agité ni troublé par le désir, celuiqui est au-delà du bien et du mal, cet homme éveillé ne connaît pas lacrainte.

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Quoi qu'un ennemi puisse faire à son ennemi, quoi qu'un hommehaineux puisse faire à un autre homme haineux, un esprit mal dirigépeut faire pire.

Ni mère, ni père, ni aucun proche ne nous fait autant de bienqu'un esprit bien dirigé.

Ô disciple, qu'une étoffe sale et maculée, trempée par leteinturier dans n'importe qu'elle couleur, reste d'une couleur terne, demême, quand l'esprit est impur, de malheureuses conséquences doiventêtre attendues. Que la même étoffe, pure et propre, soit trempé par leteinturier dans n'importe quelle couleur, reste d'une couleur nette, demême, Ô disciple, l'esprit qui est pur, ne peut qu'attendre d'heureusesconséquences.

La cupidité et le désir sont des impuretés de l'esprit; laméchanceté, la colère, la malveillance, l'hypocrisie, le dénigrement, lajalousie, la tromperie, la ruse, l'obstination, l'impétuosité, laprésomption, l'arrogance, la négligence et la suffisante, sont aussi desimpuretés de l'esprit.

Alors, sachant cela, le disciple repousse toutes ces impuretés del'esprit, et demeure vigilant.

La vigilance est le sentier de l'immortalité. La négligence est lesentier de la mort. Ceux qui sont vigilants ne meurent pas. Ceux quisont négligents sont déjà morts. Les insensés dans leur manque desagesse, s'abandonnent à la négligence, Le Sage garde la vigilancecomme la richesse la plus précieuse. Ne vous laissez pas aller à lanégligence, ni aux plaisirs des sens. Vigilant parmi les négligents,éveillés parmi les somnolents, le Sage avance comme un coursierlaissant derrière lui, la haridelle.

Le disciple qui s'attache à la vigilance et qui redoute lanégligence, avance comme le feu, brûlant ses entraves grandes etpetites.

Le disciple rempli d'une ferme confiance dans le Bouddha, leDharma et le Sangha, fait donc partie de la communauté des disciplesdu Bienheureux, et est donc de conduite pure, droite, correcte etbienséante. Ainsi digne, ce disciple obtiendra la connaissance de ladoctrine, celle de sa compréhension. Il obtiendra aussi le bonheur

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produit par la doctrine; en celui qui est heureux, naît la joie; en celuiqui est joyeux, le corps se calme; celui dont le corps est calmé ressentle bien-être; l'esprit de celui qui ressent le bien-être se concentre.

Alors, Ô disciples, cet homme d'une telle moralité, d'une tellequalité, d'une telle sagesse, mange un repas banal et sans aucun goût,mais son esprit n'en est pas affecté. De même qu'une étoffe sale etmaculée, lavée dans l'eau claire devient pure et nette, de même, cedisciple s'étant purifié par le triple joyau, son esprit demeure calme,détaché, libéré, dépouillé et débarrassé de tout ce qui préoccupel'esprit mondain encore plongé dans les trois poisons; celui du désirs,de la colère et de l'ignorance.

Ce valeureux disciple, ainsi libéré, peut alors faire rayonner lapensée de compassion, la pensée de bienveillance, la penséed'équanimité et celle de la sympathie joyeuse, large, profonde, sanslimite, sans haine, libérée d'inimitié, dans les dix directions de l'espace,de même que dans les trois temps, partout dans sa totalité, en tout lieude l'univers.

Alors, ce disciple comprend: "Voici ce qui est, il y a ladécroissance, l'accomplissement et l'émancipation ultérieure de cet étatconscient". Quand il sait cela et quand il voit cela, l'esprit se libère del'obstacle du désir sensuel, l'esprit se libère de l'obstacle du désird'existence, l'esprit se libère de l'obstacle de l'ignorance. Quand il estlibéré, vient la connaissance: "Ici est la libération", il sait: "Lanaissance est détruite, la vie noble est vécue, ce qui devait être achevéest achevé, plus rien ne demeure à accomplir".

Pensées juste

Ô noble disciple, que tes pensées de renoncement, dedétachement non-égoïste, que tes pensées d'amour et de non-violencesoit étendues à tous les êtres.

Ne vous occupez pas des fautes d'autrui, ni de leurs actes, ni deleurs négligences. Soyez plutôt conscient de vos propres actes et de vospropres négligences.

Écoutez cela et réfléchissez bien.

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La destruction des obstacles, Ô disciples, est pour celui qui saitet celui qui voit, non pour celui qui ne sait pas, ni pour celui qui ne voitpas.

Celui qui pense sans sagesse, Ô disciples, des obstacles nonapparus paraissent, et les obstacles déjà présents s'accroissent; pourcelui qui pense sagement, des obstacles non apparus ne paraissent pas,et les obstacles déjà présents décroissent.

L'homme ordinaire, non instruit de la Noble Doctrine, ne saitpas les choses qui doivent être pensées, ni celles qui ne doivent pas êtrepensées. Par la pensée de certaines choses, l'obstacle du désir sensuel,non apparu, paraît; l'obstacle du désir sensuel déjà présent s'accroît;l'obstacle de l'ignorance non apparu, paraît; l'obstacle de l'ignorancedéjà présent, s'accroît; l'obstacle du désir d'existence non apparu,paraît, l'obstacle du désir d'existence déjà présent, s'accroît; ces chosesqui ne doivent pas être pensées, il les pense.

Ainsi, sans sagesse, il pense: "Ai-je existé dans le passé?" "N'ai-je pas existé dans le passé?" "Qu'ai-je été dans le passé?" "Comment ai-je été dans le passé?" "Qu'est-ce qu'ayant été antérieurement, j'ai étédans le passé?" "Serai-je dans le futur?" "Ne serai-je pas dans lefutur?" "Que serai-je dans le futur?" "Comment serai-je dans lefutur?" ""Qu'est-ce qu'ayant été dans ce futur, je serai dans le futurplus lointain?" "Suis-je?" "Ne suis-je pas?" "Que suis-je?""Comment suis-je?" "Cet être d'où est-il venu, et où ira-t-il?"

Ainsi, pensant sans sagesse, l'une des six vues fausses surgiraen lui: "J'ai une âme" "Je n'ai pas d'âme" "Par l'âme, je connaisl'âme" "Par l'âme, je connais le non-âme" , ou encore cette autre vuefausse surgira en lui: "Cette âme qui est mienne, s'exprimant etressentant, reçoit ici ou là, le résultat des bonnes et des mauvaisesactions, et cette âme qui est mienne, permanente, fixe, éternelle, denature immuable, demeure ainsi éternellement".

Ceci, Ô disciples, est appelé spéculations, jungle d'opinions,désert d'opinions, perversion d'opinions, agitation d'opinions et liensd'opinions. Lié par ces liens d'opinions, Ô disciples, l'homme ordinaireet non instruit n'est pas libéré de la naissance, de la vieillesse, de lamort, des chagrins, lamentations, souffrances, peines mentales,agonies; il n'est pas libéré de la souffrance, je le dis.

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Mais, le disciple rempli de sagesse pense; "Ceci est lasouffrance" "Ceci est la cause de la souffrance" "Ceci est la cessationde la souffrance" et "Ceci est le Sentier qui mène à la cessation de laSouffrance".

Pensant ainsi, trois liens se détachent de lui; l'illusion du moi, ledoute et la croyance en l'efficacité des rites et des cérémonies.

Paroles justes

Ô noble disciples, abstient toi du mensonge, de la médisance, dela calomnie et de toutes paroles susceptibles de causer la haine,l'inimitié, la désunion, la dysharmonie entre individus ou groupes depersonnes. Abstient toi aussi de tout langage dur, brutal, impoli,malveillant ou injurieux. Abstient toi de tous bavardages oiseux, futiles,vains et sots

Semblable à une belle fleur sans parfum, la belle parole decelui qui ne la suit pas est sans fruit.

De même qu'on peut faire de nombreuses guirlandes d'unmonceau de fleurs, ainsi un homme doit accomplir de nombreusesbonnes actions.

L'odeur des fleurs ou de l'encens, n'est pas portée contre le vent;mais, l'odeur de sainteté est portée contre le vent. Dans toutes lesdirections, le saint homme répand le parfum de sa vertu, qui montemême au monde des dieux.

Le disciple du Sublime Éveillé rayonne de sagesse parmi lamasse des hommes ordinaires et aveugles.

Le disciple qui contrôle sa langue, mesure ses paroles, qui n'estpas bouffi d'orgueil, interprète la Doctrine en l'éclairant et ses parolessont douces.

Même un jeune disciple qui consacre à la Doctrine du SublimeÉveillé, illumine ce monde comme la lune émergeant des nuées..

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Ô disciple, si tu n'as rien d'utile à dire, garde un noble silence.

Action juste

Ô noble disciple, abstient toi de détruire la vie, du vol, destransactions malhonnêtes, de rapports sexuels illégitimes et aide lesautres à mener une vie pacifique et honorable.

L'insensé qui, appuyé sur des vues fausses, méprisel'enseignement des Êtres Nobles, des hommes dignes, des hommesdroits, produit lui-même les fruits pour sa destruction.

L'homme se souille par le mal qu'il a fait et il se purifie enl'écartant. La pureté et la souillure sont en lui-même; personne ne peutpurifier un autre.

Il est aisé de se faire du tort et du mal. Ce qui est bon etbénéfique est très difficile à accomplir.

En vérité, on est le gardien de soi-même; quel autre gardien y a-t-il? En se maîtrisant soi-même, on obtient un gardien difficile àgagner.

S'abstenir du mal, cultiver le bien et purifier l'esprit; tel estl'enseignement des Bouddhas.

Quiconque, en cherchant son propre bonheur, blesse lescréatures qui désirent le bonheur, ne l'obtiendra pas dans l'autremonde.

Mieux vaut ne pas faire de mauvaise action, car, après lamauvaise action tourmente celui qui l'a commise. Mieux vaut faire labonne action, qui, accomplie, ne causera nul tourment à celui qui l'acommise.

Il est bon, à l'heure de la mort, d'avoir accompli de bonnesactions.

Quand la rouille apparaît sur le fer, le fer même en est rongé.De la même manière, les mauvaises actions de l'homme le conduisent àl'état de souffrance.

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La vie est facile à l'être sans vergogne, à l'imprudent comme uncorbeau, au malicieux, au fanfaron présomptueux.

La vie est toujours dure au modeste, à celui qui recherchetoujours la pureté, au désintéressé, à l'humble, à l'homme de vie droiteet de jugement clair.

Il est bon de pratiquer la vertu tout au long de la vie. Il est bonde garder une confiance solide. Il est bon d'acquérir la sagesse. Il estbon de ne faire aucun mal.

Effort juste

Ô noble disciple, avec l'arme de ta volonté énergique, faitobstacle à l'apparition des états mentaux mauvais et malsains;débarrasse toi des états néfastes existant déjà chez l'homme; faitapparaître des états mentaux bons et sains qui n'existent pas encore etdéveloppe ceux qui sont déjà présent en l'homme.

Observateur de la Doctrine, faisant sa joie de la Doctrine,méditant sur la Doctrine, se souvenant de la Doctrine, le discipleagissant ainsi restera fermement établi en elle.

Le disciple qui, dans une demeure solitaire, tranquillise sonesprit, goûte une joie surhumaine dans la claire vision de la Doctrine.Quand il reflète comment les agrégats de l'existence naissent etdisparaissent, il goûte le bonheur et la joie. Empli de joie, transportépar le message du Bouddha, le disciple atteint l'état tranquille,l'apaisement heureux des conditionnés. Même un jeune disciple qui seconsacre à la Doctrine du Sublime Éveillé illumine ce monde comme lalune émergeant des nuées.

Il est bon de contrôler l'œil. Il est bon de contrôler l'oreille. Ilest bon de contrôler le nez. Il est bon de contrôler la langue. Il est bonde contrôler le corps. Il est bon de contrôler la parole. Il est bon decontrôler l'esprit. Dans tous les cas, le contrôle est bon. Le disciple quise contrôle est affranchi de toute souffrance. Ainsi, ce disciple mesuredans ses paroles, qui n'est pas bouffi d'orgueil, interprète la Doctrineen l'éclairant, et ses paroles sont douces à l'oreille des non-initiés.

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Il n'y a pas de concentration pour celui qui manque de sagesse;il n'y a pas de sagesse pour celui qui manque de concentration. Il estvraiment près du Nirvâna, celui en qui se trouvent la concentration etla sagesse.

On n'est pas sage parce qu'on parle beaucoup. C'est l'hommecompatissant, amical, sans malice, qu'on appelle un Sage.

Que le Sage vive en son village comme l'abeille recueille lenectar sans abîmer la fleur dans sa couleur et dans son parfum. Nevous occupez pas des fautes d'autrui, ni de leurs actes et de vos propresnégligences.

Être touché par les conditions du monde, demeuré avec unesprit inébranlable, être libre de chagrin, d'attachement et de peur,cela est une grande bénédiction.

Que nul ne souhaite de mal à un autre, ni ne méprise aucun êtresi peu que ce soit, ainsi qu'une mère au péril de sa vie surveille etprotège son unique enfant, ainsi avec un esprit sans limites, doit ontchérir toute chose vivante, aimer le monde en son entier, au-dessus, au-dessous et tout autour, sans limitation, avec une bonté bienveillante etinfinie.

Étant debout ou marchant, étant assis ou couché, tant que l'onest éveillé on doit cultiver cette pensée. Ceci est appelé la suprêmemanière de vivre. Celui qui est perfectionné ne connaîtra plus larenaissance.

Attention juste

Ô noble disciple, que ton attention soit toujours un gardienvigilant, surveillant les activités du corps, des sensations et desémotions, des activités de l'esprit et des idées, pensées et conceptionsdes choses; fait quotidiennement les pratiques de la concentration surla respiration, et ceux de la méditation sur ton esprit. Voit commenttoutes sensations et émotions apparaissent et disparaissent en toi.Surveille constamment ton esprit afin qu'il ne s'adonne pas à la haine

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ou à la convoitise, ou qu'il se laisse tromper par l'illusion et les miragesmondains.

Ô disciple, tant que vous vivrez, retiré dans une grotte ou bienmarchant sur la place central d'un marché très achalandé, vous nepourrez échapper à la vie. Vous devrez donc la regarder bien en face etla vivre. Mes disciples ne se repentent pas du passé, ils ne sepréoccupent pas de l'avenir, mais ils vivent dans le présent, l'icimaintenant. C'est pourquoi, ils sont radieux. En se préoccupant del'avenir et en se repentant du passé, les sots se dessèchent comme desroseaux verts coupés au soleil.

Quoi que vous soyez en train de faire, soyez toujours vigilant etattentif. Cultiver votre attention, votre prise de conscience, jour et nuit,à l'égard de toutes vos activités quotidienne. Étendez cette attention àtous vos actes, à tous vos mouvements physiques et mentaux, ainsi qu'atoutes vos paroles. Soyez toujours présent dans l'action présente.

Moyens d'existence juste.

Ô disciple, abstient toi de faire le commerce des armes etinstruments meurtriers, abstient toi du commerce des boissonsenivrantes, des poisons et des drogues pour fin de plaisirs, abstient toide mettre à mort des animaux, abstient toi des jeux et du commerce dela prostitution, et de tout moyen d'existence mauvais et injuste. Que taprofession soit honorable, irréprochable, et qu'elle ne nuise jamais auxautres, directement ou indirectement.

La racine du mal

Mené par le désir, on commet le mal.Mené par la colère, on commet le mal.Mené par la peur, on commet le mal.

La racine de ces trois poisons est l'ignorance.

Ô disciple, le monde est en manque et il désire avidement; il estesclave de la "soif" du désir. Ceci n'est pas la cause première, car toutest relatif et interdépendant, cependant, cette "soif" est la chose qui est

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répandue partout, et cette "soif", ce désir insatiable, a pour centrel'idée erronée de l'existence d'un "Soi", lui-même provenant del'ignorance.

Cette "soif", c'est l'attachement aux plaisirs des sens, à larichesse, à la puissance, à l'attachement aux idées, aux opinions, auxidéaux, aux théories, aux conceptions et aux croyances. Sache, Ôdisciple, que tous les conflits dans le monde, depuis les chicanesfamiliales jusqu'aux grandes guerres entre nations, ont leurs racinesdans cette "soif". Tous les malheurs sont ainsi engendrés par le désirégoïste.

Cette "soif" englobe la volition mentale ainsi que le karma.Cette "soif" est donc la racine de l'existence de la continuité, de la luttequ'on poursuit par des actes bons ou mauvais; c'est donc une descauses principales de la continuité de la souffrance.

Yam kiňci samudayadhammam sabbam tam nirodhadhammam.

Tout ce qui a la nature de l'apparition, tout cela a la nature dela cessation. La "soif", la volition, le karma, bon ou mauvais, a poureffet la force de continuer dans une direction bonne ou mauvaise. Lebien ou le mal, cela est relatif, et se trouve seulement dans le Samsâra.

Un être libéré de la fausse notion de "soi" et de cette "soif" dedevenir et de continuité, n'accumule aucun karma, et est libéré de la re-naissance.

Sache aussi Ô disciple, que l'enfant aîné de cette "soif" est laconvoitise. Traqués par la convoitise, les hommes courent en tous senscomme des lièvres poursuivis. Saisis par ses entraves, ils connaîtrontlongtemps encore la souffrance.

Ce qui est fait de fer, de bois ou de chanvre n'est pas un lienfort, mais, l'attachement aux joyaux et aux parures, aux enfants et auxépouses, est certes un lien puissant, déclarent les Sages; et c'est un lienfort dont il est pénible de se débarrasser. Cependant, certains lecoupent et choisissent la vie sans foyer; ils abandonnent les plaisirs dessens sans regarder derrière eux.

Comme l'araignée dans sa toile, il en est qui s'emprisonnentdans leur propre filet d'acharnement aux plaisirs. Les Sages

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abandonnent même cela, sans se retourner, et laissent tout souciderrière eux.

Tant qu'il y a la "soif" d'être et de devenir, le cycle decontinuité, le Samsâra, se poursuit. Il ne pourra prendre fin quelorsque la force qui le meut, cette "soif" même, sera arrachée, coupéepar la Sagesse qui aura la vision de la Réalité de la Vérité, du Nirvâna.Alors, par l'extinction de ce "désir" sera vaincu toute souffrance.

Heureux sommes-nous de vivre sans haine. Le vainqueurengendre la haine, le vaincu gît étendu dans la détresse. L'homme sageabandonne à la fois la victoire et la défaite, car il n'y a pas de plusgrand malheur que la haine.

Quiconque retient la colère montante, comme on arrête un charlancé, je l'appelle un conducteur. Les autres ne font que tenir les rênes.

Vaincre la colère par l'amour, le mal par le bien, l'avare par lagénérosité et le menteur par la vérité, donne le peu que tu possèdes àcelui qui te sollicite, par ces qualités, l'homme se rapproche des dieux.

Par le glaive de votre esprit, soyez attentif et vigilant, afin quene naissent en vous la colère, la haine ou la malveillance, qui vousconduiront immanquablement à renaître dans un royaume malheureux.

Le mal est une création arbitraire de la peur, car le mal n'existepas par lui-même. N'ayez pas peur de la maladie, de la mort, desdangers, de la pauvreté, d'aucun autre homme ou de vous-même. Soyezcourageux et sachez que votre esprit est Un avec tout Pouvoir.

N'ayez pas peur de votre mort, car ce qui est la cause de cettepeur, ce "cadavre" est présentement avec vous, ici, maintenant.

Ô noble disciple, tourne ton regard vers l'intérieur, recherche lanature de ton esprit, ainsi, libère toi de la peur de la mort en réalisantla vérité de toute vie.

Sache ô disciple, que la nature de toute chose est illusoire etéphémère; sache que les êtres à la perception dualiste prennent lasouffrance pour le bonheur, ainsi ils ont même peur de perdre cettesouffrance illusoire. La mort est un fait inéluctable de la vie. De toutes

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les empreintes, celle de l'éléphant est suprême. De toutes lescontemplations de l'esprit, celle de la mort est suprême.

Sache que toutes choses sont ainsi;Un mirage, un château de nuages,un rêve, une apparition,sans réalité essentielle, pourtant,leurs qualités peuvent être perçues.

Sache que toutes choses sont ainsi;comme la lune dans un ciel clair,reflétée dans un lac transparent;pourtant, jamais la lune n'est venue jusqu'au lac.

Sache que toutes choses sont ainsi;comme un écho issude la musique, de son et de pleurs,pourtant, dans cet écho, nulle mélodie.

Sache que toutes choses sont ainsi;comme un magicien nous donne l'illusionde chevaux, de bœufs, de charrettes,rien n'est tel qu'il apparaît.

Ignorance

Ô noble disciples, sachez que la racine de tout mal et de toutesouffrance dans le Samsâra est l'ignorance et les vues fausses. Mêmeengagé sur le sentier, votre quête demeurera voilée par cetteignorance. Gardez toujours présent dans vos cœurs, l'essence del'enseignement, ainsi, vous développerez progressivement lediscernement afin de reconnaître les multiples confusions del'ignorance.

Vaincre cette ignorance est votre ultime combat; car, de cetteignorance dépend le karma, et du karma dépend votre renaissance dansle monde de la souffrance, le Samsâra.

L'homme ignorant vieillit à la manière du bœuf; son poidsaugmente, mais non pas sa sagesse.

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Celui qui, après avoir été négligent, devient vigilant, illumine laTerre comme la lune émergeant des nuages, ainsi que celui dont lesbonnes actions effacent le mal qu'il a fait.

Le monde est aveugle; rares sont ceux qui voient. Comme lesoiseaux s'échappant du filet, peu nombreux sont ceux qui vont vers leséjour céleste.

S'abstenir du mal, cultiver le bien et purifier l'esprit; tel estl'enseignement du Bouddha et êtres éveillés. Comprend cela ô noblesdisciples.

Le Samsâra est votre esprit;Le Nirvâna est votre esprit;tout plaisir et toute douleur,ainsi que toute illusion,n'existent nulle part ailleurs,que dans votre esprit.

Acquérir la maîtrisede votre propre esprit;tel est le cœurde la pratique,ô disciple.

Soyez des lampes,soyez un refugepour vous-mêmes.Tenez solidement la vérité,comme un refuge,comme une lampe.Ne cherchez pas de refugeen dehors de vous-mêmes

Le Bouddha Sâkyamuni se tut, ferma les yeux tout en penchantla tête vers l'avant.

A cet instant, tout commença à s'évaporer, à se dissoudre dans lavacuité. Tout devint flou, inconsistant, de la substance d'un nuagecoloré de diverses teintes pastels.

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Le néant avait repris ses droits de propriété sur le bardo dunulle-part.

Le Karma

Les voiles de l'obscurcissement, s'évanouirent lentement del’esprit tourmenté de Roland. Il commença à distinguer les détails d'unerésidence, d'une pièce où se trouvaient plusieurs ombrages à formehumaine. Lentement, doucement, tout devint clair et précis. Il constataalors, qu'il était revenu au salon funéraire. Il vit près de lui, sa mère quilui souriait, ainsi que son frère Gaël. Celui-ci l'interpella:

Es-tu prêt pour un voyage de pêche, lui demanda celui-ci?

Il resta complètement figé. Il ne savait quoi répondre.

Gaël répéta sa question:

D'accord, s'entendit-il répondre inconsciemment.

Il sentit que Gaël lui prenait tendrement la main. Tout comme lepèlerinage d'avec sa mère, le paysage s'évanouis dans une brumeopaque, avant de s'éclaircir de nouveau, pour redonner naissance à unnouveau décor.

Il était assit sur un grand rocher surplombant un lac d'un bleutrès profond. Il ne distinguait pas le fond marin. Dans ses mains, iltenait une canne de pêche. Tournant la tête, il vit son frère Gaël à sadroite, assit sur un autre rocher. Celui-ci lui souriait narquoisement.Faisant un panoramique avec sa tête, il constata que cet endroit était levéritable paradis du pêcheur. Il n'eut aucun doute, que celui-ci,provenait de l'imagination fertile de son frère. C'était trop beau pourêtre vrai.

Face à lui, se trouvait un lac aux eaux tranquille, entouré demontagnes bleues, garni d'une végétation luxuriante, composé deplusieurs sortes d'arbres conifères parsemé, ici et là, de quelquesbouleau jaune. Plus loin, au fil de l'horizon montagneux, il distinguaitplusieurs arbres à feuilles dont certains avaient des feuilles jaune ourouge écarlate.

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Sans doute, était-ce des érables rouges, pensa-t-il!

C'était le début de l'automne; la température était chaude malgrétout, ce qui lui faisait penser, que c'était probablement l'été indien.

Le tapis forestier resplendissait de mille teintes, et tel un feumagique, éblouissait le cœur et les yeux. A l'embouchure du lactranquille, tombait d'une immense falaise très haute, une mince chuted'eau qui ressemblait à des cheveux d'anges. Partout où il promenait sonregard, la vie lui apparaissait protubérante.

Il vit dans le ciel quelques nuages solitaires, et parmi ceux-ci, uncouple d'aigle royal accomplissait une danse gracieuse en forme d'ovalese terminant par des cercles de plus en plus étroits. Sur terre, camouflédans les arbres, on entendait une multitude d'oiseaux d'espècesdifférentes, s'identifiant par leurs chants mélodieux. À l'autre bout dulac, il distinguait la tête d'un majestueux orignal mâle, possédant unpanache digne d'un Roi. A demi submergé dans l'eau de la rive, celui-ciles surveillaient du coin de l'œil, tout en mangeant des carottessauvages provenant de la racine des fleurs de lotus. Sur l'autre rive, ildistingua un couple de raton laveur qui s'égayait autour d'un immensecastor qui restait impassif, tout de marbre. Un bruit sourd attira sonattention vers le centre gauche du lac; c'était un Martin-pêcheur decouleur bleue royale, qui sortait de l'eau avec une prise suspendue à sonbec. Toute cette exubérance de vie avait quelque chose d'irréel.

Un clapotement d'eau le fit sursautai. Se retournant, il vit Gaël,mener un combat avec une belle truite d’environ trente centimètre delong.

Gaël lui fit signe d'approcher.

Il se leva et alla vers lui. Il admirait encore la façon dont celui-cimaniait la canne à pêche.

Voilà de quoi faire un bon repas, lui dit celui-ci.

Perplexe, il se demandait bien ce qu'il voulait dire par là. Depuisson décès, jamais il n'avait ressenti la faim ou la soif.

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Semblant deviner ses pensées, Gaël reprit:

Bienvenue dans mon univers. Tout ce que tu vois ici, je l'ai créé.Bientôt, tu pourras faire de même. Je ressens ta perplexité et lesmoindres de tes pensées. Bien sur, avec un corps mental, nous nesommes pas obligés de manger. Cependant, si je peux créer ce monde,je peux aussi y créer la faim et la soif. Dans le monde où tu vismaintenant, tes moindres désirs deviennent réalité dès l'instant volitifou tu en émets le désir. Lorsque dans les textes religieux, onmentionnait le "Jugement de morts", c'était surtout en rapport avec cephénomène, ou l'on décrivait la capacité du trépassé d'être son seuljuge et son unique bourreau. Ainsi, tes défauts et tes déviances tepourchasseront jusque dans l'au-delà en se matérialisant par la seuleforce de tes désirs inassouvis. Autant les bonnes choses que lesmauvaises, tu les recréeras. Tu seras même confronté par les actionscommises que ta mémoire aura oubliées ou que tu auras repousséesdans les derniers retranchements de ta conscience. Les méditantsreligieux ayant eu connaissance de ces faits, on décrit cela comme lasuprême Justice Divine.

Sur Terre, il s'écoule parfois une longue période de temps entrel'acte volitif et la matérialisation de notre idée. Par contre, ici, nultemps n'existe entre l'acte volitif et l'acte de création.

Au-delà de ton monde, tel ce lac idyllique, y-a-t-il d'autres créationspersonnels, lui demande-t-il?

Bien sur, lui répondit celui-ci! Certains trépassés crée leur propremonde, d'autres s'intègrent à des mondes déjà existants. De plus, ilexiste des mondes archétypaux, telles les Terres Pure des Bouddhas, ounous sommes limités dans nos créations personnelles.

Alors, pourquoi as-tu créé ce monde, si une multitude d'autresmondes existent, lui demanda-t-il?

Par choix, tout simplement! Je peux aller suivre des enseignementsdans d'autres mondes, comme ceux des Bouddhas; ou bien, lesenseignements peuvent venir à moi, sur simple requête mentale de mapart. C'est la raison pour laquelle je t'ai amené ici. Après le plaisirs dela pêche et de sa dégustation, nous irons à un enseignement sur lekarma, qui, je pense, te seras très profitable.

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Gaël pivota sur lui-même, et se remis à pêcher. La dextéritéavec laquelle il lançait sa ligne témoignait d'une grande expérience ence domaine. Pendant sa dernière incarnation terrestre, il ne manquaitjamais une journée de congé, afin que celle-ci soit aussitôt consacrée àla chasse ou à la pêche. Il lui arrivait même, de prendre l'avion pouraller dans le grand nord québécois, afin d'aller pêcher sur un lac vierge.Les récoltes qu'il en faisait étaient prodigieuses. Truite, ouananiche,perche chaude, éperlan, maskinongé, brochet ou dorée; aucune pêche eneau douce n'était exclus à son agenda.

Il se sentait un peu étourdi, par toutes ces révélations. Il secontenta d'aller se positionner derrière son frère Gaël. Après sadeuxième prise, une ombre furtive le fit lever les yeux vers le ciel. Unegrosse corneille noire bleutée vint se poser directement sur l'épaule deGaël. Celui-ci prit la parole; Te rappelles-tu de Kiti, la corneille de mon enfance?Oui…bien sur, lui répondit-il!

Gaël s'adressant à Kiti; "d'accord, mais ne prend que les yeux".

Ainsi donc, Gaël communiquait par télépathie avec sa corneille,pensa-t-il! Malgré sa surprise, il n'en laissa rien paraître.

Gaël me regarda, souriant comme un adolescent espiègle. Il savait!

Il n'existait donc aucun moyen de cacher une simple pensée,dans ce monde étrange! La moindre émotion, la moindre pensée estrévélée au grand jour, et tous y ont accès. Si seulement, il en était ainsisur Terre. Comme la vie aurait été plus simple pour lui; il aurait connuimmédiatement ceux qui allait le trahir, les hypocrites qui disaient unechose et qui en pensait une autre et ceux dont l'opinion changeaient augré des jours ou des saisons.

D'un coup d'ailes, Kiti plongea sur le premier poisson et avecdextérité, d'un seul coup de bec, il en retira un œil et l'avala. Sautant decoté et trépidant sur place, il entreprit de tourner le poisson à l'envers.

Il détourna le regard. Il estima en avoir assez vu.

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Gaël continuait de pêcher. Il attrapa une autre truite, puis,encore une autre. Il estima que c'était assez. Déposant les poissons dansun panier d'osier, il ramassa les deux autres qui n'avaient que desorbites vides à la place des yeux.

Dans un grand bruissement d'ailes, Kiti s'éleva dans les airs.Après avoir fait un cercle complet autour d'eux, il s'éloigna vers l'est enamont du lac. Rapidement, à l'horizon, ils ne distinguèrent qu'un simplepoint noir vibrant sur lui-même.

Qu'était cet horizon, qu'était ce ciel et ces montagnes? Tout celaavait l'air tellement réel, et pourtant, provenait de l'imagination de sonfrère décédé depuis plusieurs années déjà.

Gaël interrompit sa réflexion, lui intimant l'ordre de le suivre.

Immergé dans ses réflexions, il ne s'était pas aperçu du départ decelui-ci. Il s'empressa de le rejoindre. Ils contournèrent le lac par l'ouestpuis pénétrèrent dans une petite vallée verdoyante faite en pente. Ilsétaient accompagnés dans leurs descente par une rivière tumultueuse,serpentant la verte vallée. Parallèlement, un sentier bien entretenuaccompagnait cette eau chantante et rugissante parfois. Dès qu’il fut àl’intérieur de la vallée, il entrevit une clairière ou trônait au centre decelle-ci, un barrage de castor. Cet ouvrage avait créé un grand bassind'eau qui avait occasionné la formation d'une petite chute d'eau surtoute sa longueur. Près de la rive, il distingua une cabane en bois rond,construite à même les arbres dans le sol. Il ne pu s'empêcher de penserque ce refuge était "vivant".

Au centre de cet espace, était disposé un curieux totem indien,très coloré, d'ou émergeait un immense oiseau posé sur la coquille d'unetortue.

Là encore, il reconnaissait les fantasmes de son frère Gaël.Toute cette aventure le ramenait à sa petite enfance, à ses histoiresd'indiens et de "cowboy". Faisant face au totem, un feu circulaire étaitentouré par des pierres rondes ou était disposé plusieurs bûchesd'érables faisant office de siège. Il en compta treize. Ce nombre à uneforte connotation magique car il était beaucoup employé par lesanciennes écoles de mystères, lors des initiations.

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Curieux, tout de même, pensa-t-il!

Gaël ne répondit pas à son interrogation mentale. Il pénétra dansla petite cabane et en ressortit aussitôt avec une poêle en fonte, deuxassiettes métalliques, des ustensiles ainsi qu'un pot de terre cuitecontenant des bines (fèves). Il disposa le tout sur le feu et entreprit denettoyer le poisson. Après avoir évidé et nettoyé ceux-ci, il les recouvritde farine, les saupoudra d'un peu de sel et persil, puis les déposa dans lepoêle chaude contenant un peu de beurre fondu.

Tout ces gestes, fit remonter à la surface de sa conscience, lesouvenir de son père décédé, avec qui il avait fait de nombreux voyagesde pêche. Un sentiment de tristesse et de mélancolie envahi alors toutson être.

Gaël posa sa main sur son épaule en guise de pitié fraternelle.

Aucun mot n'était prononcé. Cependant, ils savaient qu'ilsétaient dans un état de grâce, de communion fraternelle, et cela leursréchauffa le cœur. Dans l'antiquité, les Pères de l'Église recherchaientcet état en instituant la communion du pain et du vin, instant bénie defraternité. Il était loin maintenant ce temps des réflexionsmétaphysiques terrestre. En ce moment, il ressentait au fond de sonêtre, que seul le temps du jugement comptait. Il savait que cet instantcrucial dénouerait le nœud complexe de son expérience d'outre-tombe.

Comment cela allait-il se passer, se demanda-t-il?

Il entendit le crépitement du poisson cuisant dans la poêle defonte et sentit cette bonne odeur de truite grillé. Curieusement, il sentitqu'il avait une faim de loup. L'appétit lui était revenu. Un peu surpris, ilsuspecta son frère d'être la cause de ce revirement. Il le regarda envision périphérique et il remarqua que celui-ci souriait comme unenfant ayant joué un bon tour.

Il répondit à son sourire par un autre un peu gêné, sachant bienque la coquille de ses pensées était fendillée de toute part, exposé augrand jour.

Sans dire un mot, il alla s'asseoir près de Gaël. Perdu dans sespensées existentielles, il regarda machinalement la cuisson du repas

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typiquement Québécois. Depuis le temps de la Nouvelle-France, cemenu n'avait guère changé, parmi les coureurs des bois Canadiensfrançais. Il n'était pas surpris que son frère lui réserve un tel repas.Grand amateur de chasse et pêche, il perpétuait la mémoire de notrepère, et des coureurs des bois qui l'avait précédé. Se rappelant sonenfance, il ne comptait plus le nombre de fois ou il avait vu son pèrerevenir du trappage avec des dépouilles de lièvre, renard, perdrix,castor, orignal ou chevreuil. Dans sa famille, manger de la viandesauvage était une chose banale.

C'est pourquoi, malgré tout, il fut ravi par le repas qu'avaitpréparé Gaël. Il demanda à celui-ci; Peux-tu m'en dire un peu plus sur le karma? Juste un instant, lui répondit celui-ci! Après le repas nous pourronsdiscuter. Nous avons tout le temps qu'il faut pour cela. Ici le temps etl'espace ne compte plus.

Alors, Gaël prit une assiette métallique et il déposa dans le fond,une grande feuille de laitue romaine. Puis, avec délicatesse, il y déposale poisson grillé, des bines déjà cuite, des petites patates rôties aubeurre et finalement, un morceau de creton.

Il saisit l'assiette que son frère lui tendait et chercha du regardune fourchette, cet instrument qui n'existait même pas au moyen-âge.On mangeait alors avec son couteau et ses mains. Les Rois ne faisaientpas exception.

Devinant ses pensées, Gaël lui tendit celle-ci. Il fut ravi deconstater qu'il prenait plaisirs à manger.

Cela faisait tellement longtemps, pensa-t-il! Il croyait avoir oublié ceplaisir tellement commun de son vivant.

Tout en débutant son repas, Gaël entama un long monologue, enprenant bien soin d'inclure entre chaque affirmation, un temps mort,une pause, afin que celui-ci puisse réfléchir et assimiler cette profondeconnaissance. Il savait par intuition que celui-ci n'oublierait jamais sesparoles. Il avait déjà acquis une mémoire prodigieuse comparé à cellequ'il avait sur Terre.

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De notre vivant, dans notre tendre jeunesse, te rappelles-tu desdiscussions animées que nous avions, sur la vie et la mort, ou bien surdes nouvelles connaissances métaphysiques découverte dans les livres?N'attendant aucune réponse à cette interrogation, Gaël continua; parmicelle-ci, la loi du karma figurait toujours en première place.

Cette connaissance ésotérique avait l'air tellement mystérieux etnous fascinaient tous, même notre mère et nos sœurs. Dans cettepériode, nous étions encore sous la dominance dictatoriale de l'églisecatholique. Par conséquent, ces nouvelles découvertes, tel le yoga oules religions orientales étaient pour nous, un véritable vent de liberté.Malgré notre évasion mentale et le souffle de notre imaginaire, nous endevinions difficilement le sens véritable.

Pourtant, c'était si simple. Au premier abord, malgré cettesimplicité naturelle, le karma est une loi aux ramifications si complexesqu'elle en a découragé plusieurs qui voulaient en interpréter son sensvéritable.

Le Bouddha lui-même, a avoué son impuissance à en découvrirtous les tenants et aboutissements, à cause des nombreuses interactionset interrelations quel implique. Chaque parole, chaque pensée, chaqueaction, même la plus petite, engendre une réaction en chaîne quientraîne la personne vers des lendemains inconnus.

Une seule petite action négative, telle une petite flammed'allumette, peut entraîner une ville entière à se consumer,occasionnant mort d'hommes, de femmes et d'enfants, créant ainsi desdettes Karmiques pouvant se répercuter sur des dizaines de viessubséquentes à cette simple action.

Une seule bonne action, comme planter une toute petite grained'arbre, peut amener à maturité un arbre gigantesque, un Séquoiavivant plus de 4000 ans. Celui-ci sera source de bonheur pour descentaines de gens; il terminera sa vie dans l'abondance d'uneproduction de bois de construction, on en fabriquera des meubles quise passeront de génération en génération, son écorce amènera la

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chaleur dans les foyers, il sera donc une source bienfaisante de confortet de bien être pour des centaines de famille. Tout cela à débuté parune simple graine planté par un écologiste qui manifestait ainsi lerespect qu'il voue à son environnement.

C'est ainsi que la moindre de nos pensée, parole ou action, peutavoir des répercussions sociales, économiques et même parfoishumanitaire, dont nous sommes responsables et devront un jour enpayer le prix, ou en récolter les bénéfices. Le Karma est une loinaturelle qui ne souffre d’aucune échappatoire. Elle n'a pas deconscience propre. Elle ne fait pas de sentiment. N'a pas le choix d'agirou non. Elle n'est qu'une loi naturelle qui œuvre à l'harmonie et àl'équilibre de l'univers. Elle fait donc ce pourquoi elle à été conçue,comme toute les autres lois naturelles.

La loi du Karma est une loi infaillible qui ne peut être détruite,ni par l'oublie, ni par procuration divine, ni par le temps, ni par aucuneautre force ou loi naturelle. Le pouvoir et l'emprise du Karma ne peutdisparaître tant et aussi longtemps qu'il n'aura pas mûrit. Il se peut quele fruit de nos actions ne soit pas encore arrivé à maturité, cependant,quand toutes les conditions seront présentes, ce fruit germera et sesrésultats nous atteindront où que nous soyons et qui que nous soyons.Cela est inéluctable.

Le spectre du karma plane continuellement sur nos vies. Nospeurs incontrôlées et nos habitudes sont la conséquence directe d'uneaction, parole ou pensée d'autrefois. Celle-ci peut remonter à quelquesannées en arrières ou bien encore plusieurs centaines de vies passées.Tout acte négatif amènera tôt ou tard, douleur et souffrance. Tout actepositif amènera sans l'ombre d'un doute, une période de bonheur, danscette vie-ci ou dans une suivante. Ceci est la loi de justice proclaméhaut et fort par les Seigneurs du Karma.

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Imaginez le spectre du karma comme étant un condor qui planetrès haut dans le ciel. Aussitôt qu'il entrevoit, à travers les nuages, saproie, il fonce sur celle-ci, les ailes refermées, à une vitesse fantastique.Lorsque la future victime entrevoit l'ombre de cette calamité, il est déjàtrop tard. Cette épée de Damoclès continuellement suspendue au-dessus de nos têtes, s'appelle l'effet karmique.

Le Bouddha en disait:"Le karma crée toute chose, tel un artiste.Le karma compose, tel un danseur".

Le résultat de nos actions est souvent différé de plusieurs vies. Ilest difficile d'isoler une cause dans un temps précis, car tout événementpeut être provoqué par une interrelation complexe de plusieurs karmaarrivant à maturité. Lorsque cela arrive, on met souvent cela sur le dosdu hasard, de la malchance ou bien du mauvais sort que nous à jeté unsorcier mystérieux. La nuit de son illumination, sous l'arbre de laboddhi, le Bouddha à déclaré:

"A l'aide de l'œil divin pur, au-delà de la portée d'une visionhumaine, je vis comment les êtres disparaissaient et revenaient àl'existence, illustres ou insignifiants, dans une condition élevée oubasse, et je compris que chacun obtenait une renaissance heureuse oumalheureuse, selon le karma qui était le sien".

Au travers de nos actes, paroles et pensées, le karma nous offrele choix de mettre un terme à notre souffrance et à ses causes, enacceptant dès à présent, l'entière responsabilité de nos actes, autantdans une présente incarnation que dans une autre plus éloigné dans letemps. Nous possédons tous le pouvoir de purifier nos actions négativeset tout ce qui nous arrive aujourd'hui est le résultat de nos actionspassées dans nos vies antérieures. Aujourd'hui, nous vivons etpréparons la destiné de notre prochaine vie. Le karma est un processusnaturel et juste. Suite aux colonisateurs britanniques en Inde, on aconfondue Karma avec destiné ou prédestination. Parfois, on a aussiprésenté cette loi comme une punition divine. Cette grossière erreur esttrès loin de la vérité.

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A chaque action, le karma appose le sceau de la responsabilitépersonnelle, mais n'occasionne aucun jugement arbitraire. La loikarmique ne devrait pas être vue comme une loi de fatalité, mais plutôtcomme un outil mis à notre disposition, afin de se préparer au bonheuret à l'éveil, but ultime de toute existence humaine.

Admettre que notre vie actuelle est le reflet de notre karmapassé, nous aideras à considérer nos souffrances et difficultés commeune conséquence naturelle, et non un échec ou une punition arbitraire.Nous cesserons de nous culpabiliser, acceptant cette douleur comme unprocessus normal de purification et de progression sur le sentier del'éveil.

Tout ce qui nous arrive aujourd'hui, est le reflet de notre karmapassé. Il en était de même lors de notre dernière incarnation sur Terre.C'est en admettant ce fait inéluctable, que nous serons convaincus etque nous cesserons de nous plaindre sur les échecs, les difficultés et lessouffrances de la vie. Nous arrêterons alors de considérer cesproblèmes comme des punitions et cesserons aussi de nous en prendreà nous même et de nous culpabiliser inutilement. Alors, s'élèvera denotre conscience, la nécessité de travailler sur nos actions, paroles etpensées afin de cesser de fabriquer du karma négatif. Progressant danscette voie, nous bénirons la souffrance qui nous force à nousquestionner et à nous purifier afin de produire de bonnes actions pourune renaissance heureuse.

Même sur Terre, nous avons tous un karma en action. Leshommes sont semblables superficiellement mais si nous creusons enprofondeur, nous retrouvons les effets du karma qui s'applique danstoute sa rigueur. Dépendant de son bagage karmique, chacun perçoit lemonde différemment, vivant ainsi dans sa bulbe karmique individuelle,exclusive et distincte des autres. Dix personnes dorment et chacun faitun rêve différent. Pourtant, pour celle-ci, chaque rêve est la réalité et

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celui des autres personnes n'est qu'un monde illusoire. Chaquepersonne, tel un rêve, perçoit la réalité selon son karma quiconditionne toutes ses perceptions.

La loi karmique est l'arrière décor de tout événement qui sedéveloppe, qu'il soit individuel ou collectif. Le mot karma en sanscritprovient de la racine KR (faire), signifiant l'acte ou l'action dans lesens d'une action volontaire. Plusieurs personnes emploient le terme"karma" pour signifier les effets d'une action, alors qu'en réalité, seseffets sont le fruit de cette action karmique. Nos comportementshabituels, nos schémas de pensées sont l'héritage de notre karmanégatif que nous renforçons par la répétition continuelle de vie en vie,restant ainsi prisonnier de la roue des naissances et des morts. Nosperceptions, telle notre façon de voir le monde et les choses qui nousentourent, ne sont qu'illusions Karmiques découlant des nombreusesactions négatives commises dans le passé. C'est ainsi que notre espritest continuellement voilé par l'ignorance de cette loi, et accepte donc àtort des pensées illusoires; naissance et mort, moi et les autres, sujet etobjet. Prisonnier du désir d'être et de devenir, l'esprit, par la sensationde la souffrance, de la vieillesse, de la maladie et de la mort, ne fait querenforcer les barreaux du mirage karmique ou il s'est lui-mêmeenfermé, dans un passé très lointain.

Nos peurs et nos habitudes découlent aussi des conséquences denos actions passées. Par l'attention, nous pouvons découvrir que ceshabitudes se reproduisent selon un schéma répétitif et d’ainsi avoir lechoix de les contrecarrer directement à la source. Ces habitudes etpeurs, peuvent aussi nous fournir de précieuses données sur nos viesantérieures et ce qui les a marqués au fer rouge du sceau karmique.

La loi karmique ne doit jamais être présentée comme celle d'unejustice morale, appliquant la notion de récompense ou de punition.Cette notion primaire provient surtout du concept d'un Dieu Suprêmeou d'un Sauveur qui se fait Juge. Ceci n'a aucun rapport avec la loikarmique. Elle en est même son opposé.

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La loi du karma en est une de causes et d'effets, d'actions et deréactions, résultant principalement d'un acte de la volonté. Le karmaest le pouvoir latent contenu dans les actions et devient aussi lerésultat de ces actions. La vérité et la force motrice qui sous-tendentune renaissance, constituent donc ce que l'on appelle le Karma. Laqualité d'une renaissance est déterminée par la nature des actionscommise dans une précédente vie, sous la force de l'intention et de lamotivation qui ont engendré ces actions.

Le karma produit par nos émotions négatives et par nos actionsmaladroites et irresponsables, est la cause de notre retour dans laronde incessante des naissances et des morts, cause de tant desouffrance et de tant de douleur. C'est pourquoi, de notre vivant, nousdevons nous préparer à affronter la mort avec sagesse et de tenter detransformer celle-ci en libération, afin de nous échapper de la tragédiecontinuelle de cette ronde diabolique. Seule une pratique spirituelle denotre vivant peut nous offrir cette opportunité.

Mon cher frère, si tu respecte la loi karmique et cultive un cœurbienveillant, empli d'amour et de compassion; si tu éveilleprogressivement en ton cœur, la sagesse de la nature de ton esprit; si tudonne par générosité sans espoir de retour; si tu travaille à purifier tonkarma négatif par des bonnes actions altruistes et avec l'aide d'unepratique spirituelle sincère, alors tu atteindras certainement la finalitéde toute existence humaine, l'éveil. Mettant finalement fin au cerclevicieux des renaissances, tu obtiendras l'illumination dans le Nirvânaet tu deviendras un exemple pour tous ceux qui recherche la vérité.

Dans ce noble idéal, tu dois entreprendre de te libérer de laprison des désirs personnels et des attachements affectifs envers tesproches, pour élargir par la suite, le champ de ta compassion afin

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d'accueillir dans ton cœur tous les êtres vivants, allant même jusqu'àembrasser les six royaumes d'existence.

… Le temps de pause se prolongea, laissant comprendre quel'enseignement de Gaël était à son terme.

Après un temps assez long favorisant une mûre réflexion, il sedécida à poser une question.

Gaël, comment reconnaîtrai-je, que je suis près du but, de l'éveil?

Tu reconnaîtras cela lorsque ta vision sera devenue comme unespace illimité et qu'elle verra ce qui n'avait jamais été vueauparavant; alors, tout s'ouvrira, telle une fleur de lotus; toutdeviendra clair, pétillant de vie et d'allégresse; toutes tes limitations sedissolveront dans le néant, la vacuité, et puis, disparaîtront pourtoujours.…

Tu reconnaîtras aussi, qu'il n'y a aucun objet à voir, car tavision sera totale, englobant toute saisie et objet de saisie quit'enchaînait au cercle des renaissances. Tu auras tranché les racinesde l'ignorance et de toute souffrance; alors, tout t'apparaîtratransparent, illusoire, semblable à tes rêves ou a un mirage dans ledésert. L'expérience de l'Éveil embrasse tout; la compassion, ladévotion, la sagesse, la clarté mentale et la béatitude. Toute penséeaura cessé d'éclore sans ton consentement. Ta volonté sera le glaive deJustice qui tranchera tout obstacle. Voilà ce que sont les signes d'unêtre illuminé.

Le karma s'applique-t-il dans le cas d'un être illuminé, lui demanda-t-il?

Un "Éveillé", même en agissant, ne produit aucun karma, car il estlibéré de la fausse notion de soi, du désir de la continuité et du devenirdes émotions, tel le besoin du plaisir des sens, une avidité passionnée,de nouvelle jouissance, etc.…

Bien que le lieu et nos futurs parents relève des lois karmiques,notre état d'esprit au moment précis de notre mort, peut modifier demanière positive, notre prochaine renaissance. Notre dernière pensée,notre dernière émotion avant l'instant précis de notre mort, aura un

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effet décisif sur notre renaissance heureuse ou malheureuse, et cela, endépit même du karma négatif accumulé. Il faut donc, en cet instantsacré, engendrer des émotions positives comme la compassion, l'amouret la dévotion envers les Bouddhas, ces êtres qui ont triomphés de lamort. Il faut principalement abandonner toute envie, désir, attachementet répulsion. Il faut autant que possible, ne manifester aucune peur,culpabilité ou regret, et remettre notre sort entre les mains d'un êtrespirituel très puissant, tel un bouddha racine; Padmasambhava,représentant la Sagesse, la Compassion et le Pouvoir de tous lesbouddhas; Sâkyamuni, le bouddha historique de notre ère; Maîtreya, lebouddha du futur.…

L'instant de la mort, offre l'occasion unique de purifier notrekarma négatif, si nous savons tirer profit de celle-ci, en contrôlantnotre état d'esprit. Aucun doute n'est possible; la compassion à l'instantde notre mort est la meilleure des protections contre une renaissancemalheureuse. Cependant, la compassion n'est pas de la pitié, ou del'atermoiement (créé par notre peur) sur le malheur des autres. Celle-cidoit être éveillée par une pratique spirituelle assidue de notre vivant,accompagné de la bénédiction des Bouddhas, afin qu'elle croissejusqu'au niveau appelé "Bodhichitta", la grande compassion des êtreséveillés.…

Les Lama tibétain, connaissant bien les effets de la compassionmanifestée au moment de notre mort, ont surnommé celle-ci, le joyauqui exauce tous les souhaits "Bodhichitta". Héritage tibétain d'unerichesse insoupçonnée, les Lama nous ont laissé une technique toutesimple pour accéder à cet état, même si nous n'avons jamais pratiquéauparavant.

Supposons, que vous soyez atteint d'une maladie mortelle, et quevous souffrez beaucoup. Votre esprit empli de compassion, en plus devotre souffrance, prenez sur vous, celle de tous ceux sur Terre quisubissent le même sort. Dirigez cette souffrance vers le centre de votrecœur et voyez là se dissoudre dans le néant. Par après, expédiez verstoutes ces personnes malades, une lumière radiante et rafraîchissantede paix, de joie et de bonheur. Terminez cet exercice en demandantl'aide de tous les bouddhas et en récitant le mantra du BouddhaVajrasattva: Aum benza satto houng…

Celui-ci voulant dire; O Vajrasattva! Puissiez-vous par votregrand pouvoir, m'apporter la purification, la guérison et latransformation.

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Mon cher frère, je termine cet exposé sur le karma, par un trèsbeau texte d'un lama tibétain, Nyoshul Khen Rinpoché:

Laisse reposer dans la grande paix naturelleton esprit épuisé,

battu sans relâche par le karma,et les pensées névrotiques,

semblables à la fureur implacabledes vagues qui déferlent

dans l'océan infini du Samsâra.Demeure

dans la grande Paix naturelle.

…Longtemps, ils gardèrent le silence. Un silence respectueux et

spacieux envers ces paroles de sagesse et de vérité éternelle.

Qui suis-je ?

Gaël reprit la parole: La mort est un miroir dans lequel se reflète l'essence de toute tonexistence passé. La mort est un autre chapitre de ta vie ininterrompue.…

Prenant conscience de la profondeur de ces paroles, et de laperplexité dans lequel celle-ci le mettait, il posa une question à Gaël:

Est-ce réellement toi, mon frère, qui prodigue de tels enseignements,d'une sublime grandeur dont je ne suis malheureusement pas apte pouren apprécier toute la profondeur?

Gaël lui répondit: Qui suis-je réellement? Suis-je réellement moi, le "moi" de celui qui portait le nom de Gaël?Avant ce "moi", j'étais! Je possédais un autre nom, un autre "moi", uneautre personnalité! Avant celle-là, j'ai aussi été, un autre "moi", uneautre personnalité! Mes renaissances multiples se perdent dans la nuitdes temps. J'ai été, durant ces existences nombreuses, ton père, ta mère,ta sœur, ton fils, ton ami et même ton ennemi le plus féroce. Cependant,ces renaissances n'étaient pas toujours sous la forme humaine. Parfois,

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j'ai été un animal vivant sur la terre ferme, d'autre fois, j'étais dans leseaux abyssales ou dans les cieux clair et limpide de liberté. D'autresfois, j'ai été une pierre, un rocher, le feu d'un volcan ou le pic enneigéd'une montagne. Plus souvent qu'autrement, je me suis retrouvé dansles mondes inférieurs de la souffrance et de la purification. Plusrarement, je me suis retrouvé dans le monde des Dieux ou des Titans,heureux et vivant dans un faste extravagant et de plaisirs excentriques,avant de retomber de nouveau dans les mondes inférieurs. Quelquesfois, j'ai subi l'expérience des esprits avides, me délectant des odeurspour seule nourriture. Oui, j'ai été tout cela, de très nombreuses fois.… Alors, qui suis-je, réellement?

Présentement, dans les atomes subtils de ce corps mental, cecorps de manifestation que j'ai créé à ton intention, se trouvent desparticules atomiques ayant appartenu à Galiléo, Mozart,Nabuchodonosor, Hitler, André, César, Pierrette, Picasso, Guy… Qui suis-je donc? Je suis bien Gaël, mais je suis aussi tout cela!

Je Suis, n'est ni matière, ni sensation, ni perception, niformation mentale, ni conscience et ni quelque chose en dehors de toutcela. Il y a la matière, la sensation, la perception, la formation mentale,la conscience, et Je Suis n'est pas indépendant de tout cesattachements. L'odeur d'une fleur, n'est pas l'odeur des pétales, dupollen ou de ses couleurs. La fleur que l'on nomme "rose", n'est ni latige de la fleur, ses feuilles vertes, ses pétales rouge ou bien sa sève.Elle est la combinaison de tous cela; sa conséquence. Lorsque cettefleur se fane et que chacune de ses composantes se désagrègent, la"rose" n'existe plus. Elle n'existera plus, même si tous ses composantssurvivent sous une autre forme. Seul subsistera la force de vie, lagrande danse cosmique, prélude à toute création ultérieure.…

Je, Être, "Gaël", est une combinaison de constituants physiques,mentaux et spirituels, agissant d'une façon interdépendante dans unflux de changement perpétuel, soumis à la loi de cause à effet, lekarma. Dans toute l'immensité de l'Univers Infinie, il n'existe rien quine soit sans mouvement, immobile, permanent ou éternel. Tout est enperpétuel changement et les anciens Sages de l'Inde Antique védiqueavait surnommé ce fait "la lila", signifiant la danse cosmique. Lesscientifiques modernes ont redécouvert cette vérité de la "Palice" avecles nouvelles recherches de la physique quantique sur les particulessubatomiques. Le monde des particules subatomiques. présente une

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danse sans fin de création et d'annihilation de matière, devenant "ondemagnétique" puis se changeant encore d'onde devenu matièrevoyageant vers le passé ou le futur, apparaissant et disparaissant en unéclair, engendrant ainsi une réalité sans fin, constamment recréé et oule temps et l'espace y perdent même leur raison d'être.… Si l'égo ou le "moi" n'existe pas, alors, qui reçoit les effets d'unkarma négatif, lui demanda-t-il?

Gaël répondit sans aucune hésitation: La conditionnalité est partout et en toute chose. Notre Maître lui-même, le Bouddha Sâkyamuni l'a affirmé ainsi; " la fausse croyance enun Soi, une âme imaginaire et non-existante est une perceptionnégative. L'enseignement de la Vérité dissipe l'obscurité des faussescroyances et produit la Lumière de la Sagesse".…Après une pause, Gaël continua: Le corps humain possède des milliards de cellules, chacune ayant samémoire propre et conditionné à être un organe particulier, un muscle,une artère, etc. L'Univers possède des milliards d'étoiles, de planètes,de galaxies et d'amas, eux-mêmes englobé dans un autre univers encoreplus vaste. Mais, l'un comme l'autre, sont illusoire et n'existe pas en"Soi", si il est séparé de ses constituants de base.

Prend l'exemple d'un arbre; il a l'air bien réel, pourtant, si tul'examine attentivement, tu constatera qu'il est en relation étroite avecl'univers tout entier; la pluie nettoie ses feuilles qui captent ainsil'énergie solaire indispensable à sa survie; le vent qui l'agite luiapporte fraîcheur, régularisant sa température et éliminant par lamême occasion, son surplus d'humidité; le sol qui le maintient en place,lui assure les éléments nutritifs nécessaire à sa croissance; le tempsavec ses saisons, la lumière du jour et celle de la lune,…tout celacontribue à faire de l'arbre ce qu'il est. A aucun moment de sonexistence, il ne peut être isolé du reste du monde, et à chaque instantvécu, sa nature se modifie imperceptiblement. On appelle l'absenced'existence indépendante de l'arbre, le vide ou la "vacuité".

Il en est de même avec la vague d'eau; elles naissent, progressevers sa croissance, meurt et se dissout dans le plan d'eau qui lui avaitdonné naissance. Son existence "vacuité" est rendu possible par laforce du vent et les propriétés de l'eau; celle-ci dépend d'autres

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circonstances indépendantes du plan d'eau. C'est ainsi que la vague est"vide" d'une identité séparée, mais existe malgré tout. Ces vaguesagitées par les mouvements de la mer, provoquent sur les fonds marins,des formations de banc de sable, plus permanents que les vagues elles-mêmes. Ces bancs, on pourrait les comparer à nos tendancesinhérentes, à des états latents découlant des formations karmiques dupassé.…

Nous sommes tous des voyageurs, résidants temporairementdans cette vie-ci et dans ce corps. Nous ne nous rappelons pas notrevéritable identité, notre nature originelle, et c'est par un réflexe de peurque nous nous improvisons une fausse identité due à notre ignorance.…

Ce voyageur, limité par l'espace et le temps, fait doncl'expérience de son être, de ses sensations, pensées et perceptions,comme étant séparés du reste de l'univers. Cette illusion de laconscience nous restreint à nos désirs égoïstes et à nos proches,renforçant encore davantage l'attachement de l'égo au monde matériel,tout en nous excluant du reste de l'humanité et des souffrances de sesmembres. La Terre compte actuellement, un peu plus de six milliardsd'individus; sur ceux-ci, 500 millions vivent dans l'aisance et les autressont dans le besoin. Dans cette dernière catégorie, 17 millionsd'enfants mourront de faim et de malnutrition cette année; 30 millionsd'adultes les suivront de près; 800 millions d'habitant sont sous-alimentés, dans le tiers-monde. Un milliard d'être humains ont de ladifficulté à se procurer de l'eau potable exempte de bactéries et decoliformes. 380 tonnes de graminées sont gaspillé chaque année dansles pays industrialisés; mesuré en argent, le budget militaire del'humanité correspond à 400 fois, le budget alloué aux Nations-Unis,pour promouvoir la paix et l'égalité sociale entre les nations.L'industrie militaire emploi plus de 100 millions de personnesqualifiées et attire dans son giron, plus de 500,000 chercheurs de hautcalibres, comparativement à quelques milliers pour l'UNESCO et laFAO. Voici donc, les fruits produits par une civilisation basé sur laprédominance de l'égo, et la sécheresse du cœur des financiers etmarchands de votre époque.…Une interrogation s'éleva dans son esprit. Avant qu'elle ne s'évanouisse,il s'en saisit et posa la question à Gaël;

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Tu décris bien la réalité du non-moi, allant même jusqu'à dénier tapropre existence! Alors, qu'est-ce que l'égo puisque le "Moi" n'existepas?

L'égo, c'est la concrétisation même de notre ignorance et son refletsur le plan physique. L'égo, c'est l'attachement à une image de nous-mêmes, créé par nous-mêmes, afin de nous rattacher à une notionillusoire du "Je" et des autres ne faisant pas partie de notre "Moi".C'est aussi l'attachement démesuré à des notions fictives; concept, idée,désirs. Ces notions que nous essayons de saisir sont par nature,insaisissable, étant irréelle et ne reposant sur aucune vérité. Notrebesoin d'attachements à ces choses nous indique, qu'au fond de nous-mêmes, nous savons bien que l'égo n'a pas d’autre existence que celledu rêve et du mirage conditionné par la peur et l'ignorance.…

Vie après vie, nous avons, tel un maçon, empilé les briques denos expériences intérieures, comme celles extérieures, et c'est ainsi quenous avons acquis la fausse certitude que, ce que nous voyons estobjectivement réel. Le lama Nyoshul Khen Rinpoche à dit:

La nature de toute chose est illusoire et éphémère.Les êtres à la perception dualiste prennent la souffrance pour le

bonheur.Ô combien pitoyable, ceux qui s'accrochent si fort à la réalité

concrète.…

Au moment de son éveil, sous l'arbre de la bodhi, le Bouddhaavait déclaré que son esprit avait été mis en prison pendant des milliersde vies, et que son geôlier portait pour nom "Ignorance". Son espritavait à tort divisé la réalité en sujet et objet, nuit et jour, froid et chaud,moi et l'autre, vie et mort. Il déclara alors, que ces vues erronéesprovenaient des sensations, du désir de devenir et de la saisie dualiste.Les souffrances des nombreuses renaissances, maladies, vieillesse etmort, n'avait fait que cimenter les murs de sa prison, plusieurs foismillénaire. Ayant vaincu l'ignorance, le Bouddha déclara que jamaisplus il ne renaîtrait.

Padmasambhava, le grand Maître tantrique, fondateur duBouddhisme au Tibet, à déclaré:

Tous les êtres ont vécu, sont morts et sont nés à nouveau unnombre incalculable de fois. Mais, parce que l'obscurité de l'ignorancevoile leurs esprits, ils errent sans fin dans un Samsâra sans limites.

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… Il avait l'impression d'être un petit enfant, ignorant toute ces choses.Mais, conscient de son ignorance, il interrogea à nouveau Gaël; lors dema vie terrestre, j'avais conscience de mon corps. Je le savais présent,là, devant moi, dans le miroir qui me faisait face. J'en étudiais lamoindre de ses réactions ou de ses besoins; faim, soif, envie, désir.

Un philosophe de l'antiquité a émit l'axiome, "Je pense, donc jesuis". Cette petite phrase symbolisait bien mes impressionsexistentielles, mes pulsions de vie à travers les portes de messensations. Avais-je tort?

Gaël reprit; Ton corps est pour toi, le centre de l'univers. Sans trop réfléchir, tut'identifie à ton égo, à ton moi, à cet fausse identité que tu traîne danstes bagages de voyageur égaré. Cette fausse identité à finit parrenforcer chez toi, l'illusion de ton existence concrète et indissociablede ton "Je", portant un nom sur une carte d'assurance socialeplastifiée. Suite à cette croyance, le monde dualiste qui t'entoure finitpar t'apparaître bien réel, solide et concret. A l'instant de ta mort, cechâteau de carte s'écroulera indubitablement; alors, la vérité toute nuet'apparaîtra, grandiose et éloquente, mais ne l'ayant pas apprise de tonvivant, l'ombre de l'oublie s'en emparera lors de ta prochainenaissance. Une nouvelle période d'ignorance et de souffrancecommencera alors pour toi, répétant encore le même schémad'existence karmique, qui dure depuis des millions d'années, telle uneronde infernale.…

Nous nous engageons sur le sentier spirituel afin de vaincre cesvues fausses par la vérité des enseignements, et de sa pratique. Seulel'épée de la méditation peut vaincre l'égo, cet ennemi implacable del'esprit, empêchant celui-ci d'accéder à sa vraie nature et à la libertéinhérente à celle-ci. Je terminerai sur ces paroles d'un éminent Lamatibétain, Jamyang Khyentsé Chökyi Lodrö:

La racine de tous phénomènes est votre esprit.S'il n'est pas examiné,il se précipite vers les expériences,ingénieux dans les jeux de la tromperie.Si vous regardez directement en lui,il est libre de toute base ou d'origine.En essence, libre de venir, de demeure ou de partir.

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La vie et la mort existent dans l'espritet nul part ailleurs.Il est le créateur du bonheuret le créateur de la souffrance.Si les portes de la perception étaient purifiées,toute chose apparaîtrait, en essence…vide.

…Après un instant de silence, Gaël dédicaça son enseignement, exprimantpar là, la fin de celui-ci:

Égaré dans le Samsârales pèlerins sont aussi illimités que l'espace;puisse la nature de leur esprit être révélé,puissent-ils tous atteindre la liberté spirituelleet leur vrai nature, celle de bouddha.

Aum, ah, hum…Aum, ah, hum…Aum, ah, hum.

Le mantra résonnait encore à travers toutes les fibres de son être subtil,lorsqu'il vit Gaël devenir progressivement translucide. Semblable à unefumée s'étirant et roulant sur elle-même, tous les traits de Gaëldiminuait d'intensité et d'éclat. Atterré, il fixait ce nuage, semblant dotéde sa propre existence .Se scindant en plusieurs partie, celui-ci disparutaussi soudainement qu'il était apparu.

Il demeurait là, seul dans la création sorti de l'imagination deson frère Gaël. L'immense totem oiseau-tortue semblait le fixer de sesgrands yeux, s'interrogeant sur l'intrus qui faisait maintenant partie deson paysage.

Il restait là, figé, ne sachant trop quoi faire.

Il tentait de rester calme et de ne pas paniquer. Il aurait bien aiméprendre "les jambes à son cou et détaler…" mais, vers quoi au juste?

Il ne savait même pas où il se trouvait.

Il pensa qu'il était peut être à l'intérieur d'un rêve, d'une fantasmagoriesortie de l'esprit de son frère.

Celui-ci n’était plus, mais sa création demeurait.

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Étrange, pensa t-il!

Cela le rendit très perplexe et insécure. Ne sachant plus quefaire, il décida de rester sur place et d'attendre les événements quiallaient sûrement se produire.

Décision prise, il s'assit donc sur la bûche qui lui avait servi desiège auparavant. Perdu dans ses pensées, il fixait les flammes bleues etrouges qui ne semblaient pas vouloir se consumer.

Tel un songe irréel, son esprit tentait, tant bien que mal,d'analyser et de synthétiser les dernières révélations de son frère. A cetinstant précis, des pensées inconnues émergèrent du plus profond deson être. Celles-ci se manifestèrent tout alentour de lui, sous formes delumières et de sons étranges. Tel un écho provenant du mont Meru, lamontagne des dieux, des mots provenant de nulle part et de partout à lafois, prononcèrent ce bref discours;

"Nous commençons à acquérir le véritable savoir lorsque nousprenons conscience de notre ignorance. Une nouvelle connaissanceprovenant directement d'une nouvelle ouverture d'esprit, et non denotre mémoire ou de notre environnement, nous permet alors de vivrel'expérience de la vraie réalité.

Cette vérité, la réalité cachée derrière tous phénomènes est situéau-delà de tous les mots et de toutes les descriptions. L'hommeprisonnier de son conditionnement intellectuel et de ses habitudesmentales est incapable d'apercevoir cette réalité dans sa vision dumonde. La réalité, tel qu'il la perçoit, n'est pas un état de connaissancemais un souvenir provenant de sa mémoire conditionné. Le présent esttoujours inconnu et nouveau. L'ignorant interprète ce qui est présent etnouveau, en terme ancien, avec des images déjà formé dans le passé.Alors, il lui manquera toujours la juste perception de la réalité, de l'iciet maintenant. La méditation permet au sage de réfléchir sur la véritablenature des choses, et de découvrir par lui-même, que cela n'est que leproduit de sa propre imagination, et que son monde de pensées estdénaturé et trompeur. Du fait, que dans notre monde les choses sont enperpétuel changement, l'esprit crée, dans son ignorance de la réalité, desimages qui semblent faites de substance permanente et réelle. C'estainsi, que l'esprit, par instinct de conservation s'est formé un "moi"

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n'étant pas plus réel qu'une abstraction de sa mémoire. Il s'est ainsiéloigné du "Tout", d'une seule et même réalité, en tant qu'Unité. Par lasuite, son "Moi" s'est dressé contre "l'autre", le "Tout", et celui-ci estdevenu "sujet-objet", véritable cause de la création du monde de ladualité, c’est à dire l'Univers physique que vous connaissezactuellement. Dans sa détresse, il s'est forgé un monde à son propreintérêt et à ainsi construit lui-même les murs de sa propre prison.Depuis des millénaires, il demeure enfermé dans ce cachot nomméSamsâra, ayant perdu la clé de sa propre nature, libre et illimité.

La plupart des gens, voient les choses telles qu'ils pensentqu'elles sont. Même au niveau intellectuel, les gens admettentdifficilement leurs torts, car elles croient avant toute chose, ce qu’ellesveulent bien croire. C'est ainsi, que les gens n'admettent pas que toutechose sont en réalité, dépouillée de toute substance, puisqu’elles ne sontpas autres chose qu'un produit de notre imagination, une projectionmentale et une hallucination. Leurs corps, en lequel ils s'attachent leplus, se modifie d'instant en instant, dans un processus sans fin. Laconstance dynamique de la cellule humaine fait que les matériauxconstituant celle-ci, sont constamment remplacés par de nouveaux,alors que la cellule elle-même reste identique. Il en est de même duprocessus mental des individus en perpétuel développement desensations, perceptions, états de conscience et instant volitif avant l'actephysique. Le mental est donc un flux stable mais continuellementsoumis aux changements.

La méditation est l'outil préconisé par les sages afin de se libérerde cette condition d'esclavage et ainsi de neutraliser la souffrance qui endécoule. Le "Moi" et l'ignorance sont la source de toute souffrancehumaine. Le bonheur et l'équilibre mental ne peuvent s'obtenir que parla stabilisation de l'esprit.

Nous devons nous servir du monde et de son contenu commed'un miroir qui, vide par nature, réfléchi ce que nous lui projetons, c'està dire, notre propre image, nos propres croyances et perceptions. C'estainsi que nos pensées d'angoisses et d'incertitudes se reflètent dans lemiroir, en attirant à nous, toutes les situations qui renforceront celle-ci,ceci étant occasionné par la loi du karma. Suite à cela, nous nousemprisonnons dans nos fixations et nos habitudes égocentriques, etagissons ainsi à partir de notre conditionnement karmique et non denotre être véritable. Tout bonheur provenant de circonstance extérieure,

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donc de la source véritable, sera un puits inépuisable de bienfait quidurera aussi longtemps que notre être demeurera dans sa véritablenature, celle d'une bonté et d'une générosité sans limite.

Il était très perplexe!

Il se demandait bien, comment il savait toutes ces choses. Deson vivant, il ne se rappelait pas avoir eu connaissances de ces faitsd'une grande profondeur de pensée. C'était sans doute, des souvenirsprovenant du plus profond de son inconscient et remontant à la surfacede sa conscience, à cause des propriétés étranges que l'on retrouvaitdans cet univers relevant plus du songe que de la réalité.

Il était encore à réfléchir sur cette dernière réflexion, lorsqu'ilremarqua le feu devant lui, qui perdait de son intensité. La danse desflammes était saisit dans l'immobilité. Surpris, il intensifia son regardafin d'être bien sur qu'il n'hallucinait pas. Il prit subitement conscienceque le problème ne venait pas du feu lui-même.

Tout le paysage qui l'entourait, perdait peu à peu sa consistanceet sa brillance. Était-ce son frère qui s'était rappelé qu'il n'avait pasdétruit sa création fantasmagorique.

Bientôt, il ne distingua plus la maison en bois rond. Le lac étaitdevenu d'un bleu-gris se fondant avec les montagnes qui l'entourait.Devant lui, seul subsistait, flou mais encore descriptif, l'immense têtede l'oiseau-tortue qui semblait flotter dans un autre univers parallèle.

Qu'adviendra-t-il de moi, pensa t-il?

Il n'eut aucun temps pour approfondir son interrogation. L'œild'un invisible cyclone l'entraînant sauvagement vers le bas, créant enlui, un vertige de peur et d'incrédulité.

Qui étais-je, fut sa dernière réflexion?

Il avait même perdu sa conscience d'existence. Il n'était plus, pensat-il! Alors, il sombra dans une inconscience vaporeuse sans aucunenotion de temps et de frontière.… Un temps indéterminé s'écoula!

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La randonnée pédestre

S'éveillant de ce cauchemar, il s'aperçut qu'il était couché sur unsol rocailleux rouge sombre, qui s'incrustait dans les chairs de son dosmeurtrie, mais il ne ressentait aucune douleur. Il savait, toutsimplement!

Là-haut, perdu dans son regard, flottait un ciel clair dégagé detoute formation nuageuse. Le soleil était haut dans le ciel, mais il n'étaitpas encore au zénith de sa trajectoire.

Que faisait-il ici, couché sur ce tapis rocailleux, tel un fakirirrespectueux du bon sens, pensa-t-il?

Il entendit un léger bruit de pas derrière lui. Il tourna la tête etaperçut un pauvre moine vêtu d'un froc épais de couleur ocre, troué etrapiécé plusieurs fois et décoloré par le temps. Dans ses mains, celui-citenait un mala, ce chapelet servant à la récitation des mantras.

Après un bref salut oriental, celui-ci lui fit signe de le suivre etne prononça aucun mot.

Il se leva et s'épousseta longuement de cette poussière semblantvenir de Mars. Prenant un moment concis, il examina le paysage quis'offrait à lui. Partout alentour, s'élevait une chaîne de montagnegigantesque, disproportionné, ingrate tout en étant merveilleusementbelle, d'une beauté sauvage et indomptée. Plusieurs de ces montagnesétaient couvertes de neige éternelle; pourtant, il faisait une chaleurtorride, presque insoutenable.

Il se demanda comment ce moine pouvait être habillé du coujusqu’à la cheville par une soutane aussi épaisse dans une chaleur aussiélevé. Cela demeurait un mystère pour lui. Regardant discrètement ensa discrétion, celui-ci lui souriait d'une manière niaise, peut être un peumoqueuse. Le moine lui fit encore signe de le suivre.

Il se mit en marche, se contentant de le suivre en silence. Enmarchant, il contemplait le paysage martien qui s'offrait à lui. Cenouveau monde était composé de montagnes rocailleuses de couleurrouge fer, de désert de pierrailles solitaire, constamment battu par unvent d'acier qui décomposait ces pierres en sable fin, semblable aux

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cendre volcanique, que chacun de ses pas faisait s'élever dans les airs.Était-il devenu un cosmonaute faisant sa première marche sur uneplanète extrasolaire où aucune vie ne semblait existée? Parmi tous cesvastes étendus de sable rocailleux et ces plateaux montagneux, iln'apercevait aucune vie végétale. Ni arbre, ni plante, pour soutenir toutevie organique.

Il s'interrogeait silencieusement;

Que faisait ici ce moine sorti du néant? Était-il réel, ou bien était-ce son esprit qui lui jouait des tourshallucinatoires? Était-il en train de rêver?

Non, s'entendit-il répondre! Quoi, s'exclama t-il! Pèlerin de nulle-part, vous ne rêvez pas, répéta le moine.

Cette voie caverneuse et étrangère, avait envahie tout son être,mais particulièrement la région de la tête. Tel un écho montagneux, ellecontinuait à se répéter mentalement, malgré le fait qu'il en avait biensaisie les paroles.

Où sommes-nous, lui demanda t-il, mentalement? À la frontière sino-tibétaine, lui répondit celui-ci, mentalement.

Principalement dans le toit du monde, la chaîne montagneuseque vous appelez Himalaya, signifiant, le pays de la neige. Nous,tibétain, appelons celle-ci, Kha-wa-chen.

Il resta bouche bée devant cette révélation. Il était encore sur laTerre, sa planète d'origine, d'autrefois, ajouta-t-il à ses pensées.

Un léger vent de mélancolie submergea tout son être. Lamémoire lui revint, aussi claire que du cristal d'Angleterre. Il sesouvenait de ses recherches tibétaines et c'est avec un regard neuf, qu'ilcontempla de nouveau le paysage qui s'offrait à lui. Effectivement, çaressemblait bien au Tibet, avec ses larges étendues de sable et sesplateaux montagneux à peine peuplé. La plupart des tibétains étaientgroupés dans les vallées où le climat était plus doux et où une maigrevégétation avait pris racine. Sur ses hauts plateaux, il pleut rarement etseules quelques tribus nomades peuvent y vivre misérablement, avec

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leurs troupeaux de yacks et de moutons, à la recherche constante denouveau pâturage vierge.

A part le vent, seul un grand silence dominait en ces lieux. Cesilence n'est pas le contraire du bruit, mais un silence intérieurenveloppant notre propre silence méditatif. A cause de la qualité de cesilence, les moines méditatifs retirés en ces lieux, ont décrit cette régionisolée, comme étant la résidence des dieux. Cette partie inhospitalièredu nord tibétain est appelé, le plateau Trans-Himalayen.

Plus au sud, on retrouve la montagne la plus sacré de ces lieuxsolitaires, le mont Kailash près du lac Manasarovar. Chaque tibétain, aumoins une fois dans sa vie, se doit de faire un pèlerinage en ce lieu,source de grande bénédiction et d'accumulation de mérites. Provenantde la fonte des glaciers environnants, ce lac est la source du fleuve leplus sacré de la région, le Gtsang-po, coulant en direction de l'est, puistraversant tout le sud du Tibet avant de pénétrer en Inde, où son nomchange pour celui de Brahmapoutre. Très peu navigable, on rencontrenéanmoins des petites embarcations en forme cubique, faites d’unestructure de branches d'arbres, recouverte de peau de yack. Quatre à sixpersonnes peuvent y prendre place, et l'on guide celui-ci, avec degrande perche en bois.

Dans les vallées du sud, le climat est plus doux et très humide.On y cultive du blé, de l'orge, des oignons, de l'ail, des pommes deterre, des petits pois ainsi que quelques arbres fruitiers, dans les vallons.Sa frontière est renommée pour ses herbes médicinales rares et peudispendieuse. Plus au sud-est, on y trouve d'épaisse forêts tropicales,inhospitalières pour l'homme. On y trouve parfois des chevauxsauvages, des cerfs, des antilopes, des loups, et le fameux "léopard desneiges", un animal remarquablement bien adapté aux climats extrêmes.On y chasse aussi le bœuf "takin" et le yack sauvage, vivant surtout engrand troupeaux. Bien dressé, le yack sert de bête de somme, demonture idéale pour les terres rocailleuses et ingrates du plateautibétain. Le yack fournit aussi le lait et la viande, un supplément deprotéines nécessaire dans ce rude climat. Bien que les tibétains soientbouddhistes, il y a peu de végétariens parmi eux, car, l'utilisation de lagraisse animale leur est indispensable pour combattre le froid et leslongs hivers. La nourriture principale se compose d'orge avec lequel onprépare la tsampa et de fromage accompagné avec de la viande demouton ou de yack. La boisson nationale est le thé au beurre, importé

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de Chine, et la boisson populaire est le chang , sorte de bière à based'orge.

Dans les provinces intérieures du Tibet, les terres appartiennentaux grands monastères, qui jouent souvent le rôle de centrecommerciaux. Il s'agit avant tout de troc avec les caravanes parcourantla route de la soie, ce long pèlerinage commercial s'étendant surplusieurs pays et qui dure des mois, accompagné par des bêtes desomme. Le plus important centre de pèlerinage au Tibet est la capitale"Lhassa", résidence principale du "Dalaï Lama", chef spirituel ettemporel des tibétains. Celui-ci est une émanation du Bodhisattva de lacompassion, Avalokiteshvara, nommé Chenrezig au Tibet. Le DalaïLama n'est pas la réincarnation du Bodhisattva, mais celle d'une de sesqualités dominante, la compassion véritable. Partout dans le pays, onretrouve le mani, le mantra de la compassion de Chenrezig Om manipadme hum, (prononcer: aum mani pémé houng). Celui-ci est gravédans la pierre des rochers ou des petites roches, inscrit sur les moulins àprières, à la base des stupas, sur les pierres plates des clôtures, dans lesboîtes à amulettes et sur les drapeaux de prières flottant au vent sur leplus haut pic montagneux.

A cet instant précis, son mental fut comme paralysé par un appelprovenant du fond de son être.

Étranger, pardonne mon intrusion indiscrète dans l'univers de tessonges éveillés. Connais-tu l'histoire du Bodhisattva Chenrézig, lepatron du Tibet?

Sans attendre une réponse, le moine se mit en marche et entama sonhistoire: Chenrézig est une manifestation du Bouddha de la compassion dansle Sambhogakaya, le corps de jouissance totale de tous les Bouddhas.Dans un passé très lointain, mille Prince firent le vœu de devenir unBouddha. Seul l'un d'eux, Chenrezig fit le vœu de ne pas atteindrel'éveil tant que tous les autres Princes ne seraient pas eux-mêmesdevenus des Bouddhas. Devant tous les Princes, il fit également, le vœude libérer tous les êtres sensibles de la douleur et des souffrances dansles six mondes du Samsâra. Face aux Bouddhas des dix directions, ilpria ainsi "puis-je aider tous les êtres à atteindre l'éveil et la liberté duSamsâra, et si jamais, je me lasse de ce noble travail, puisse mon corpséclater en mille morceaux".

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Puis, il descendit dans les mondes infernaux, afin d'accomplirson vœu. Par après, il remonta vers les autres mondes, jusqu'au mondedes dieux. Malgré le fait qu'il ait sauvé des enfers un nombreincalculable d'êtres, d'autres en quantité aussi considérable lesremplaçaient. Ce fait, le plongea dans un profond découragement etpendant un bref instant, il douta de son vœu. Alors, son corps explosaen mille morceaux et dans un cri de détresse qui se répercuta au-delà del'univers, il appela tous les Bouddhas à son secours. Mille Bouddhasd’autres ères accompagnées des mille Princes ayant fait le vœu dedevenir bouddha, accoururent à son secours, sentant son immensedétresse. Par le pouvoir divin de ces bouddhas, Chenrézig redevint Unet depuis ce temps, possède onze têtes, mille bras et un œil sur chaquepaume des mains, signifiant l'union de la sagesse et de la pratiquespirituelle. Devant tous ces bouddhas, il refit ses vœux "puis-je ne pasatteindre la complète bouddhéité tant que tous les êtres sensibles neseront pas libéré par l'éveil", et c'est ainsi que sa compassion grandit enintensité. Son œil divin lui permettait de voir tous les mondessamsariques simultanément, et devant tant de souffrance, sa douleurextirpa de ses yeux, deux larme qui devinrent par la bénédiction desbouddhas présents, les deux Tara, signifiant celle qui libère duSamsâra; la Tara verte, pour la force active de la compassion, et la Tarablanche, pour l'aspect maternel de la compassion.

A cet instant précis, tous les dieux et bouddhas présents, firentpleuvoir sur Chenrézig, une pluie de fleur magnifique de toutes lescouleurs, la Terre entière trembla et on entendit dans le ciel, les parolesdu mantra sacré Om mani padme hum . Chacune de ses syllabespurifient complètement une des six émotions négatives découlant del'ignorance. Ces émotions nous font commettre des actions négativespar l'entremise de notre corps, notre parole et notre pensée, créant ainsila cause karmique d'une renaissance dans le Samsâra, et des souffrancesqui en découleront.

Quand nous récitons ce mantra avec sincérité et dévotion,l'esprit libre de toute distraction, nous purifions ces six émotionsnégatives qui sont; l'orgueil, la jalousie, le désir, l'avidité, la colère etl'ignorance, celle-ci étant à l'origine des six mondes samsariques; lesdieux, les titans, les humains, les esprits, les enfers et le monde desanimaux. Le Nirvâna et les Terres pures des bouddhas ne se trouventpas dans le Samsâra, puisque ceux-ci ne font plus partie de la rouecyclique des renaissances.

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Ce sublime mantra nous évite la renaissance dans l'un des sixmondes, dissipant ainsi la souffrance inhérente à chacun de cesroyaumes, accomplissant alors le précieux vœu du Bodhisattva de lacompassion, l'élimination de la souffrance.

Le mani purifie aussi les agrégats de l'égo que l'on appelle, lesskandhas , parachevant ainsi les six actions transcendantes du cœur del'esprit éveillé, les paramitas qui sont; la générosité, la conduiteharmonieuse, l'endurance, l'enthousiasme, la concentration et laconnaissance transcendantes. Ce mantra est surnommé le joyau quiexauce tous les souhaits, tellement il est bénéfique et qu'il est unesource inépuisable de bénédictions. Le mani confère une puissanteprotection contre toutes influences négatives et toutes maladies. Ilpurifie aussi les voiles qui couvrent notre corps, notre parole et notreesprit, conduisant ainsi tous les êtres sur le sentier de l'éveil et del'illumination. Om représente l'essence de la forme de l'éveil, Manipadme représente la parole de l'éveil, et hum représente l'esprit del'éveil.

Après une pause mentale, le moine reprit;

La vie est aussi transitoire qu'une goutte de rosée matinale sur unbrin d'herbe, que le premier rayon de soleil évapore dans la vacuité. Nesoit pas cette goutte. Ne perd pas ton temps en de futiles travaux. Porteplutôt, présent en ton cœur, toute la douleur et le chagrin du monde,puis récite avec sincérité et dévotion, le mani en unissant ton cœur aveccelui de Chenrézig.

Om mani padme hum, hrih….Om mani padme hum, hrih…Om mani padme hum, hrih…Om mani padme hum, hrih…

Le moine termina son intervention mentale par la prononciation verbaledu mantra, qu'il récitait d'une voix monocorde, presque mécanique, sansjamais s'arrêter de marcher.

A part le bruit feutré de leurs pas, le silence reprit ses droits.

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Ils continuèrent à escalader des montagnes très escarpées, àfranchir des gouffres de vallée sur de frêle pont constitué par des câblesde lin fortement tendues, ou étaient attaché vulgairement, des planchesgrossièrement dégauchies. Ils franchirent plusieurs torrents tumultueux,provenant de la fonte des glaciers. Ils aperçurent quelques chèvres demontagnes, qui faisaient des ballets sur les rochers escarpés. Ceux-cileurs jetèrent un regard froid d'indignation, semblant peu apprécier laviolation de leurs territoires.

Pendant combien de temps avait-il marché ainsi? Il ne pouvait ledire. Cependant, il voyait le soleil se profiler à l'horizon, sonnant le glasdu jour. Bientôt, il ferait nuit. Le moine-guide continuait à murmurer lemani, sans s'occuper de son compagnon. Il était entièrement absorbépar la récitation du mani qui l'avait plongé dans une transe hypnotique.

Il sentait les pierres rouler sous ses pas. Il gravissait une hautecolline et ne ressentait aucune fatigue. Pour une si longue randonnéepédestre, cela le surprit un peu. Depuis le début de cette marche, ilsn'avaient fait aucun arrêt, prit aucune pause.

Bientôt, ils atteignirent le haut de cette montagne et virent alors,sur l'autre versant, une fertile vallée serpentant entre des vallons où ilspouvaient distinguer une rivière sinueuse serpentant entre ses dunesverdoyantes. Une route parallèle à la rivière était bien visible et on ydistinguait quelques ponts traversant d'une rive à l'autre. Dans lelointain, il vit de l'autre coté de la vallée, tout au fond, un templeregroupé par plusieurs bâtiments qui semblaient s'accrocherdésespérément aux parois des rochers. Sans doute, celui-ci était-il ladestination de ce long voyage pédestre. La vue, de ce pic rocheux, étaitfantastique, presque féerique, mais cela n'émut pas le moine qui nedaigna même pas s'y arrêter.

Sans aucun arrêt, ils continuèrent leur marche vers le bas de lavallée, surveillant chacun de leurs pas sur ce sentier très escarpé. Il estparfois plus difficile de descendre une montagne que de la monter.Avec le soleil couchant, la chaleur avait diminué et la fraîcheur de lasoirée était apparut. Parfois, ils cherchaient leur chemin, perdus parmices pierres immenses et ces rochers acérés qui leurs coupaient la vue dusentier et même celle de la vallée. On aurait dit que ce sentier avait étéconçu pour des géants d'un autre âge terrestre. À quelques occasions, ilscroisèrent des plantes agrippées aux rochers. Celles-ci étaient de

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couleurs vives, ressemblant à des chevaliers végétaux combattantsvaillamment pour la survie du royaume, contre la chaleur extrême, lasécheresse et le froid glacial de la nuit himalayenne.

Soudainement, la paix des pèlerins fut troublée par le son descors tibétain, ces immenses trompettes que l'on installe sur le toit destemples. Le bruit se répercuta dans les montagnes environnantes, enplusieurs échos disgracieux. Soudainement, le silence retomba encoreplus profondément qu'auparavant. Il était difficile de croire, que là, aubas de la vallée, une vie trépidante existait. La particularité desinstruments de musique tibétaine, c'est que ceux-ci sont conçus dans lebut de recréer les sons de notre migration dans le monde du bardo, suiteà notre décès, et n'ont aucun rapport avec l'harmonie musicale ou lessymphonies structurées dans le but de plaire à un public. Comme toutle reste, dans la vie du peuple tibétain, ceux-ci ont avant tout un but etune fonction spirituelle. Il faut se rappeler, qu'avant l'arrivé dubouddhiste au Tibet, celui-ci était un peuple de conquérants et deguerrier. Apparenté à la descendance mongole, ceux-ci régnèrent surl'ensemble du territoire chinois, de même que sur le nord de l'Independant une longue période. Après leur conversion au bouddhisme, lestibétains remplacèrent leurs armes physiques par des armes spirituelles,ayant comprit que le véritable combat se trouvait là et non sur le planphysique.

Contournant un gros rocher à l'air sombre et menaçant, semblantveiller sur la vallée, ils découvrirent une petite source d'eau, s'écoulantde la montagne vers une petite cuvette naturelle en pierre. Signe debienvenu pour les pèlerins, ils s'empressèrent de s'y abreuver. Cette eauclaire et cristalline provenait sûrement de la fonte d'un glacier et avaitun goût qu'il n'avait jamais expérimenté de son vivant. Ils reprirent leurdescente vers le village et son monastère qu'ils commencèrent àdistinguer parfaitement.

Le moine s'adressa de nouveau à lui, mentalement; Cette route que nous suivons depuis des heures, n'est praticablequ'en été ou en automne. Le reste de l'année, elle est insurmontable, carses cols montagneux culminent à plus de 4000 mètres et son tropenneigé. Ce monastère très isolé est appelé Ri-drzong . Ses habitants yobservent des règles de discipline très stricte appelé vinaya et sesmoines, dont certains sont des Lamas centenaires, n'ont droit deposséder aucun objet personnel autre que leurs habits et leurs livres de

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pratiques religieuses. Cette congrégation monastique est sous l'entièredépendance, pour leur survie, du couvent de Culinan qui se situe un peuplus haut dans la vallée. Celui-ci est le but de leur premier arrêt. Ilsdoivent y être avant la tombée de la nuit. Ces deux monastères fontpartie de l'ordre Dge-lugs-pa.

Le moine se tut, mentalement, et pressa le pas. Très rapidement,ils atteignirent le fond de la vallée et firent leurs premiers pas sur lechemin suivant la rivière presque à sec en cette saison, les glaciersayant terminé leur rage d'écouler leur surplus d'eau froide et glacé. Plusloin, il distingue, enjambant la rivière, un pont de bois en forme d'archequi est décoré de plusieurs motifs sculptés et peints. Le moine étant troppressé, il décide de traverser à gué et c'est ainsi qu'il sauta de pierre enpierre afin d'atteindre l'autre rive. Il fit de même, le moine l'exhortant dese dépêcher.

Sur l'autre rive, ils se dirigèrent vers un autre sentier qui leséloignait du premier temple, dont il distinguait bien l'architecturetypiquement tibétaine. Le monastère était composé d'un temple centralet de plusieurs bâtiments reliés entre eux par des passerelles, des cours,des escaliers et des terrasses sur les toits. Ce monastère était adossé àun pic rocheux et avait l'allure d'une forteresse médiévale, sans sestours et son donjon. Les toits en terrasse étaient recouverts de chaumeblanche et les bâtiments de forme carré ou rectangulaire, étaient entourédes vestiges d'une ancienne muraille ou l'on distinguait des fresquesreligieuses des anciens Maîtres et Saint tibétains. Il reconnut les icônesde Nagajurna, Shantideva, Je Tsong-khapa et d'Atisha.

Les murs du monastère recouvert de chaux, était faits de blocsde glaise mêlée à des brisures de pierres, séchées au soleil. Ces blocsjointés et recouvert d'argiles, provenaient sans doute du lit de la rivièrequ'ils avaient traversé auparavant. Pour augmenter la résistance au ventdominant dans ces hauts plateaux, culminant à 4000 mètres, desbranches de peupliers étaient incorporées dans les murs, imitant par là,notre béton armé. Sur les toits, des troncs d'arbres évidés avaient pourfonction d'être des gouttières. Celle-ci étaient parfois décorés à l'ocrerouge et étaient sculptées. Toutes les fenêtres étaient en bois, richementornés de motifs peints et leurs vitres provenaient du troc avec lescaravanes venant de l'Inde, à dos de yack ou de mulet.

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Il distingua sur les toits, des symboles de la foi bouddhiste. Il vitdeux cerfs menant la garde devant la roue de la loi et plusieurs petitsdrapeaux imprimés de mantra sous forme d'invocation et de prières. Surle plus haut toit plat, il vit deux immenses cors, faisant dix mètres delong. Ceux-là même dont il avait entendue l'appel quelques instantsauparavant.

Le moine lui fit remarquer que ce sentier fut une ancienne routede caravane serpentait à travers toute l'Himalaya, réunissant le mondeislamique au monde bouddhique.

Ils accélérèrent le pas car le coucher du soleil prenait placeparmi les montagnes himalayennes, se consumant inexorablement sur letoit du monde. Les cimes enneigées se couvrirent de reflet violet et laneige tourna au gris-bleu. Tout le ciel nuageux exposa sa paletted'artiste; bleu-vert, orange, turquoise, jaune-orangé se fondant dans lerouge fusion, accompagné d'une ligne violette s'étirant jusqu'au bleu-royal. Les nuages circulants dans cette exubérance de couleurs,semblait encore plus blanc, donnant l'impression d'intrus violant unterritoire interdit. Les couchers de soleil Himalayens sont parmi les plusbeaux du monde. Ils marquent d'une tache indélébile, l'écran de notreconscience visuelle.

Il avait peine à suivre le moine qui avait accéléré le pas afind'arriver au monastère avant la nuit. Le monastère vers lequel ils sedirigeaient était niché au creux de la paroi montagneuse, caché par desmassifs rocheux semblant monter la garde. Devant eux, se dressait uneparoi rocheuse escarpée, d'où dévalaient occasionnellement desavalanches de pierre, causant un vacarme épouvantable, faisant échodans toute la vallée. Occasionnellement, ils croisèrent des survivants desaules et d'abricotiers sauvages, semblant implorer leurs aides. Audétour du sentier, ils découvrirent un torrent sauvage, bouillonnant etmugissant dans une gorge lui servant de résidence. Un petit pont, peuaccueillant, semblait les mettre au défit de le traverser. Le bruit ducourant impétueux couvrait leur silence intérieur, réduisant à néanttoutes hésitations de leurs parts. Il avait hâte d'être loin de tout cetapage disgracieux semblant venir de mille dieux. L'esprit de lamontagne veillait sur eux, assurant leurs pas sur ce pont détrempé.Bientôt, ils furent sur l'autre rive, escaladant un nouveau sentierescarpé. Devant lui, à une dizaine de mètres, il vit un rocher peinturé aucouleur d'un mantra sacré. Se rapprochant davantage, de plus en plus

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près, celui-ci hébergeait dans son ombrage périphérique le sentier qu'ilssuivaient. Alors, il y distingua les syllabes du mani. Chacune de cessyllabes avaient une couleur définie en rapport avec un des six mondeset de la vertu ou défaut leur correspondant. Celle du Om était blanche,la suivante était verte, puis jaune, bleue, rouge et se finissait par unviolet gris fumée.

Culinan

Le sentier contourna le rocher mantrique, découvrant ainsi lepaysage d'un petit groupe de bâtiments recouvert d'argile et de chaux,tous regroupés dans un carré fermé et inaccessible. Les rares fenêtresétaient toutes fermées, et l'unique porte était cadenassée de l'intérieur.Aucun signe de vie ne laissais entrevoir qu'elle était habitée.

Le moine se planta debout devant la porte, ne manifestant aucunsigne d'impatience et ne prenant même pas la peine de cogner.Attendant un signe imprécis, il était envahi par le silence et la béatitudede ces lieux, lorsque soudain, l'air fut déchiré par les aboiements d'unchien hystérique se trouvant à l'intérieur du bâtiment. Revenant de sasurprise, il remarqua un volet de fenêtre s'ouvrait lentement, puisapparut le visage fortement buriné d'une nonne les dévisageant d'un airsoupçonneux. Ayant probablement reconnu le moine-guide, elle lesgratifia d'un large sourire, laissant entrevoir une dentition édentées parle temps et la misère. La nonne s'empressa alors d'ouvrir la triste portequi pleura sus ses gonds, leurs laissant le passage pour pénétrer dans lacour intérieur du monastère Culinan.

Il jeta un coup d'œil en coin au chien grogneux qui lesdévisageaient d'un air désapprobateur, ayant sans doute mis fin à sesrêves idylliques du chien pourchassant la racaille féline. Ayant referméla porte, puis verrouillée, la religieuse les dévisagea de pied en cap, puisfit signe de la suivre. La cour du monastère était de forme rectangulaireformée par un demi-toit en terrasse, sous lequel siège une grandegalerie servant autant de pièce principale que d'atelier. Le demi-toit estsoutenu par des piliers en bois, fait d'arbres grossièrement émondés,sans finition ni ornementation.

Ce sobre monastère est avant tout fonctionnel et respire l'humilitédes lieux, pensa-t-il.

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Toutes les nonnes de cette communauté religieuse sont habilléesdu vêtement de couleur brique des religieuses bouddhiques et ont tousle crâne rasé, symbole de détachement au monde. Les gens desalentours, lorsqu'ils s'adressent à elles, les appellent les "jo-mo". Laplupart de ces nonnes vivent de leur terre sur lesquelles poussent deslégumes et des céréales. Elles possèdent aussi un petit cheptel bovinpour la production du lait et du fromage.

Ils suivirent la religieuse qui les guida à travers des escaliers etdes étroites galeries jusqu'à une pièce ou brûlait un feu dans un fourrustique fait d'argile, sur lequel on avait disposé une grosse théièrepleine d'eau. Elle leurs fit signe de s'asseoir sur un grand tapis rougedéteint, posé au centre de la pièce, avant de les quitter en murmurantquelques mots qu'il ne comprit pas. Attendant la suite des événements,il examina avec plus d'attention, les lieux où il se trouvait. Le coin sudde cette grande pièce servait de séchoir à grain ou l'on traitait leséléments nécessaires à la confection de la "tsampa", la nourritureprincipale de ces religieuses. Près du séchoir, il vit plusieurs mortiers.Après séchage de ces grains de blé ou d'orge, d'haricots ou de pois, onles faisait chauffer et soufflés dans une grosse marmite, puis ils étaientfinalement pilés dans ces mortiers. Sur la grosse poutre principale, il vitaccroché un gros bonnet jaune, rappelant ceux des religieux de l'ordre"Dgé-lugs-pa", l'ordre des vertueux créé par le grand Lama Je Tsong-khapa, réformateur du bouddhisme tibétain.

A l'opposé de la pièce, près de l'entrée, était disposé un grandmoulin à prière fait de bois recouvert de cuivre repoussé, sur lequelétaient gravé les syllabes du mantra de la compassion. L'intérieur dumoulin était rempli de prières et requêtes spirituelles sous le forme defeuilles imprimées ou écrite à la main. Selon les nonnes, un tour de cemoulin à prière qui pivotait manuellement sur son axe, équivalait à larécitation de toutes les prières contenues dans celui-ci. Lorsque lemoulin à prières est tourné avec une attitude intérieure d'amour et decompassion, ceci pouvait aider tous ceux dont l'esprit tente de s'ouvrir àl'expérience d'une réalité au-delà des mots, des idées et des conceptsmondains. Près du moulin se trouvait, accroché au mur, une petiteécuelle de bois contenant un "mala" fait de 108 noyaux d'un fruit. Surle mur opposé il voyait un bidon de mazout vide à coté d'un autre plein.Le bois étant une ressource très rare, on se sert de cet accélérant afind'allumer les bouses de yak, un combustible très bon marché au Tibet.

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Une vieille religieuse entra dans la pièce et se dirigea vers lepoêle d'argile. Sur un plateau de bois était disposé une théière, troistasses d'argiles et une jatte à beurre. Après avoir rempli d'eau bouillantela théière, la vieille religieuse se dirigea vers les invités et timidement,distribua les tasses remplies ou elle avait préalablement jeté un petitcarré de beurre gras qui aide à résister au froid tibétain. Le feu centraléloignait la frontière de la pénombre et cela lui permit de distinguer lestraits de la vieille nonne. Il y vit comme dans un livre d'histoire, sur sapeau fortement burinée et ses rides profondes, le passage des saisons etle dur labeur de cette vie de sacrifice et de dévotion. Par connaissanceintuitive, il savait que ces nonnes vivaient dans une grande pauvreté etappréciait encore plus, cette offrande du thé, signe de leurs grandeshospitalités. Ceci le toucha droit au cœur, et c'est avec une grandesincérité, qu'il manifesta sa gratitude.

Quelques instant plus tard, une douzaine de sœurs, suivant lamême supérieure, venaient prendre place autour d'eux, s'assoyant entailleur pour former un cercle parfait. Seul la mère supérieure sedétacha du cercle et s'assit directement face à eux. Il constata que toutcela avait un caractère hautement symbolique. Trois personnes àl'intérieur d'un cercle, ne manquait pas de lui rappeler le moyeu d'uneroue, le Samsâra, et de ses trois poisons, la colère, l'ignorance et ledésir. Tournant la tête de gauche à droite, il constata que les nonnesformant un cercle, étaient au nombre de douze, symbole du facteur decausalité à la base même du cycle de l'existence karmique. Le plusimportant de ces facteurs est l'ignorance signifiant l'aveuglementpsychique, cause première à la naissance, des formations karmiquementales, responsables de la première prise de conscience d'être,l'individualité, et des premières notions d'idée et de volonté.

Ces notions amènent l'idée de la première renaissanceconsciente. Subordonné à cette conscience du nom et de la forme,apparaissent les cinq composants dont est issue notre personnalitéempirique: le principe des formes, la sensation, la perception, les forcesconditionnées et la conscience que nous pourrions décrire comme étantla base de notre personnalité composant notre moi véritable. Tant quel'individu n'est pas complètement formé, les sens ne peuvent rienpercevoir sans l'existence d'objets sensoriels et c'est ainsi que le sixièmesens, la pensée, est encore "vide" et inactivé. Un organe des sens, unobjet sensoriel et la conscience, sont les trois facteurs nécessaires à une

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expérience sensorielle. Le contact avec un objet sensoriel attire unesensation agréable, désagréable ou neutre. Ces sensations provoquentdes envies, ou bien des antipathies, source d'attachement ou derépulsion, nous forçant à accomplir ultérieurement, des actionschargées de karma négatif. Cet attachement produit un besoin deconservation qui nous pousse vers une nouvelle existence. Laconséquence qui en découlera sera une renaissance qui permettra à lamort de se maintenir, suite à la reconstruction d'un nouveau corpskarmique émanant des fruits de l'existence précédente. C'est ainsi queles êtres se retrouvent enchaînés dans les mondes samsariques,poursuivant une quête sans fin de naissance et de mort depuis des tempsaussi éloigné que celle de la naissance de l'univers.

La mère prit la parole, puis expliqua qu'elle était entrée dans lesordres vers l'âge de douze ans avec l'approbation de ses parents et desautorités monastiques. Lors de sa consécration par l'abbé du monastèreRi-Drzong, dont fait partie la communauté Culinan, on lui rasacomplètement la tête, puis on consulta les astres afin d'établir lescorrespondances astrologiques. Par après, la nouvelle recrue est invitéeà accepter publiquement, devant les autres nonnes, la soumissionvolontaire et entière aux trente-six règles disciplinaires de l'ordre. Ellerenonça ainsi à tous ses avoirs, présent ou à venir, elle renonça aussi àporter des beaux vêtements, des bijoux, à manger de la viande, à boirede l'alcool, etc. Tout contact avec les hommes étant exclu, elle s'imposaainsi une vie de célibat, loin de la tentation du mondain et de safamille.

Ayant pris une pause de réflexion, la révérende mère enchaîna;

Sans doute, vous avez remarqué notre pauvreté et notre dénuementtotal. Nous n'avons même pas de bibliothèque, malgré le fait que laplupart des monastères en possèdent une, mais nous avons quelqueslivres d'études, comme la "Prajnaparamitas" qui nous permet decomprendre certains aspects de la doctrine bouddhique. La plupart denos nonnes savent lire et écrire mais quelques unes sont encoreanalphabètes. Par conséquent, c'est aux autres sœurs de leur décrireverbalement l’enseignement livresque. Je suis la seule ayant,antérieurement, acquise une étude supérieure avec l'aide d'un grandLama. Cependant, il arrive, quelques fois par année, qu'un lama dumonastère Ri-Drzong viennent enseigner à mes sœurs. Aucune de nousne possède de "vajra" ou de "ghanta", signe de la dignité

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ecclésiastique, cela dans le but de leurs inculquer l'humilité. Notretemple lui-même, dédié au Bodhisattva Chenrézig, est une simple piècenue, dans lequel un autel rudimentaire a été installé. Cependant, celui-ci nous sert parfois d'entrepôt à grain suite au temps des récoltes.

Notre pratique spirituelle est avant tout, basée sur le don de soi,la dévotion, la simplicité, l'humilité et le dévouement. Notre savoir n'estpas basé sur des livres mais sur nos propres expériences et la récitationcontinuelle d'un unique mantra, celui de la compassion. La répétitionde ce mantra nous prémunies contre la renaissance dans l'un des sixmondes samsariques. Si notre pratique spirituelle nous amènes assez dekarma positif, nous pouvons espérer renaître dans une Terre pure debouddha ou bien de celles des Bodhisattva, garantissant à coup sur,l'éveil lors de la naissance suivante. La répétition de cette formulemystique nous permet d'aller au-delà des frontières de la penséecartésienne, ouvrant ainsi toutes grandes les portes de l'illumination.Grâce à la force de mantra, répété des millions de fois depuis desmilliers d'années, et à la puissance mystérieuse de ses syllabes, celui-ciélimine nos blocages énergétiques, des nœuds d'énergies dans leschakras, afin d'atteindre des niveaux de conscience élevé, permettantd'être en contact avec le monde des bouddhas, des Bodhisattva et desêtres saints, solidaire de l'Unique, que vous appelez Dieu.

Nous cultivons la terre, afin d'assurer notre subsistance etpermettons ainsi aux religieux du monastère Ri-Drzong, de seconsacrer entièrement à leurs études religieuses et à la méditation sansentraves. Lors des heures de travail, nos religieuses sont tenu à larègle du silence et à la récitation du "mani", mentalement ouverbalement, à leurs choix. Nos nonnes travaillent très durement etaprès le repas du midi, il leur est interdit de prendre une nourritureautre que le thé au beurre. Notre journée se termine par la prière encommun dans le temple à "celui qui se penche sur le monde parcompassion" puis vers 23 heures, c'est l'heure du coucher dans undortoir commun. À Culinan, la cellule individuelle serait un trop grandluxe et encouragerait injustement l'individualité, une des causes de lamisère du monde. Le lever se fait vers cinq heures du matin. Aprèsnotre bain à l'eau froide de la montagne, nous récitons des prières et le"mani" dans notre petite chapelle. Notre déjeuner se composeuniquement de "tsampa" et de thé au beurre. Celui-ci est pris encommun avant d'aller vers leurs lieux de travail. Nous sommes tousvégétariens et seul la maladie en période de disette nous permet de

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transgresser cela, avec l'autorisation du grand lama de Ri-Drzong.Notre cheptel comprend quelques vaches issues d'un croisement entreune vache indienne et un yak, dont on garde précieusement les bousespour combustion. Nous possédons aussi plusieurs moutons avec unbouc pour notre alimentation laitière. Nos cultures consistent encéréales d'orge, des légumineuses, de l'oignon et de l'ail. Celles quirestent au monastère a cause de leurs âge, file la laine des moutons etprépare l'huile de moutarde servant aux lampes d'éclairages.

Pour nous tous, la vie quotidienne est notre méditation. Notredur labeur nous rend réceptif à la créativité spirituelle et à latransformation. Notre renoncement mis au service des autres est la voiede l'acceptation de soi et de la victoire sur notre "moi" égoïste. Nouspratiquons le mantra-yoga avec la répétition du "mani", le hatha-yogapar notre travail discipliné, le bhakti-yoga par notre dévouement etnotre soumission, et le karma-yoga par nos actions non égoïstes, sansespoir de récompense intéressé. A part moi-même, nos nonnes neconnaissent pas l'état d'esprit de ceux qui "savent". Seul notresentiment d'unité avec les autres et une profonde compassion, justifienos actes. Notre compagnon de tous les jours est le silence de lamontagne qui provoque chez nos nonnes, pendant leur travail solitaire,un calme intérieur profond, renforcé par le "mani". Cet état de videintérieur obtenu par l'attitude d'abnégation et d'acceptation pendant delongues années produit généralement leurs fruits en les libérants del'attachement aux pensées, but très recherché par tous ceux pratiquantla voie méditative. Alors, toute trace de la conscience du "moi", fondcomme neige au soleil, faisant disparaître du même coup, touteconfusion intérieure, ouvrant toute grande les fenêtres de notre esprità l'état d'éveil et de l'illumination. La réalité apparaît alors pour cequ'elle est, toute vision confuse ayant été déraciné par la victoire surl'ignorance.

La révérende mère fixa alors Roland dans les yeux, tout en lui posantune question dont elle n'attendait pas de réponse!

N'est-ce pas le but de toute pratique et recherche spirituelle,demanda-t-elle?

Demeuré bouche bée, Roland ne savait trop quoi répondre! Iljeta un regard sur le moine-guide, mais, celui-ci avait la tête penché etsemblait absorbé par ses propres interrogations existentielles.

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La mère supérieure reprit la parole;

Il est maintenant l'heure de nous restaurer avant la prière du soir.Je vais donc vous souhaiter une bonne nuit. Demain, avant votredépart, votre honorable compagnon, le moine Tenpey vous feral'honneur de vous faire visiter notre humble monastère.

Sur ce, la mère supérieure se pencha pour les saluer à l'orientale,mains jointes au niveau du cœur puis les quitta, suivie de sa douzainede nonnes.

Il fixa le feu solitaire au centre de la pièce, agonisant de sesderniers éclats dans un frémissement de couleur rougeâtre et blanche.Bientôt, la nuit himalayenne les envelopperais de son manteau glacial.

Le moine Tenpey lui adressa alors mentalement ses recommandations;

Demain, nous nous lèverons tôt et je te ferai visiter le monastère,puis nous partirons d'ici. Bonne nuit voyageur!

Sortant son "mala", il se tourna vers l'est en posture deméditation puis se mit à répéter le très long mantra des cent syllabes,celui des divinités paisibles et courroucées. Il l'entendais à peinemurmuré, mais sa prescience lui en découvrait tout les mots trèsclairement: Om ah hum, benza satto, samaya manou palaya, benzasatto, tenopa tishta, dridho me bhava, soutokayo me bhava, soupokayome bhava, anourakto me bhava, sarva siddhis me pravatcha, sarvakarma soutsa me, tsittam shri yang kourou, houng ha ha ha ho,bhagavan sarva thathagata, benza ma me mountsa, benzi bhava maha,samaya satto ah…Om, ah, hum benza satto, samaya…

Il restait là, pensif, admirant le dernier soubresaut des flammes,s'étirer dans une lamentation cadavérique rouge et orange mêlé d'un peude bleu. Il ne ressentait aucune envie de dormir puisqu'il n'était plus dece monde, même s'il y participait encore, tel un sphinx dans le désert,refusant sa désagrégation temporelle.

Je, j'étais, je suis, nous, il; que représentait tous ces mots devant legouffre béant de l'éternité et de l'infinie d'être et du devenir, soupira-t-il? Que d'interrogation dans mon âme torturée?

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L'âme! Que dis-je? Que représente donc, cette combinaison fantasmagorique de tousces petits "moi", tout ces agrégats de conscience formant l'être illusoireet mortel?

Ses profondes interrogations intérieures l'empêchait de prendreconscience qu'une métamorphose s'insinuait en lui, sournoise et trèsdiscrète. En état de méditation, il crut se voir, mais d'un point situé plushaut au-dessus de sa tête, puis, tout s'était évanoui. Il relâcha saconcentration sur cet état étrange et insidieux. Il retourna à ses penséesexistentielles. Il relâcha sa crispation et cela lui revint. Il avaitl'impression qu'il devait s'extraire de son corps subtil-grossier ou ce quilui tenait lieu de corps. Soudainement, il se vit, assit devant lui-même,puis il était de nouveau, l'autre, l'immobile. Soufflé, l'intrus réapparutde nouveau. Il se voyait au prise avec un dilemme. Il résolu le problèmeen se partageant en deux…aux prises, l'un avec l'autre.

Sidéré, il se vit clairement, assit en posture de méditation sur lecoussin rouge fatigué que la révérende mère leur avait fait parvenir. Ildistingua les moindres détails de tout son corps et son visage d'ouémergeait la paix sereine d’une sincère méditation. Il sut alors qu'ilavait fait une sortie extra-corporelle. Positionné au coin supérieur droitde la pièce, il distinguait les moindres détails des choses malgré lanoirceur presque complète de l'endroit. Seul un rayon de lune pénétraitpar une étroite fenêtre pratiqué très haut sur le mur ouest. Celle-ci setrouvait à l'horizontale de sa vision. Une étrange interrogation parcourutle ciel de sa conscience; est-ce que les nonnes font aussi de pareilvoyage? Il ne pouvait répondre à son questionnement!

Il se sentit attiré vers le haut, comme tiré par les cheveux, etc'est ainsi qu'il se retrouva à l'extérieur du monastère, dans la nuittibétaine éclairé par une demi-lune sans nuage, qui reflétait d'un gris-bleuté les cimes environnantes.

La table ronde

Il se sentit encore aspiré plus haut, vers le firmament étoilé.Autour de lui, tout devint flou et vague et avait une couleur terne degris-fumée. Pendant un bref instant, il crut perdre conscience, maisreprit graduellement le contrôle de son être dupliqué. Alors, il vit sortir

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d'une brume évanescente, le décor d'une grande table ronde en pierreoccupé par une douzaine de personnes de nationalité étrangère semblantvenir d'époque différente. Il savait intuitivement, qu'il flottait au-dessusd'eux, invisible, tel l'ange Gabriel planant sur la destiné humaine. Iltentait de décortiquer les moindres gestes, paroles et émotions; ceux-cisemblant mélangé dans un maestrom cosmique. Sans doute, qu'il nemaîtrisait pas encore ses nouveaux pouvoirs sensoriels!

Là, au-dessous de lui, la discussion semblait très animée.Faisant un effort volitif, il se rapprocha du centre de la table afin deles…espionner (!).Comme ce mot sonnait moelleux au fond de son êtremémoriel, symbole d'une attitude prédominante lors de sa dernièreincarnation terrestre. Il examina plus attentivement cette assembléebigarrée et étrange. Tous semblaient provenir d’époque différente, etavoir eu des occupations diversifiées. Il le constatait par leursvêtements différents de l'un à l'autre, par leurs coiffures, par la forme deleur visage et l'attitude de leurs maintient. Tentant de percevoir le filconducteur de la conversation, il perçut plutôt une véritable cacophonieanarchique disgracieuse. Une moitié des personnes présentes parlait àl'autre moitié à l'écoute, sans qu'aucune de ces conversations aient unthème directeur en particulier. Sur Terre, il aurait appelé cela, ducommérage pris dans l'œil d'une tornade d'opinions diverses et inutiles.

Il s'interrogeait profondément sur la raison de sa présence en ceslieux et ce qui l'y avait attiré. Afin d'éclaircir sa condition d'être, il seconcentra sur chacun de ces monologues particuliers. Il tendit l'oreillespirituelle vers un couple de religieux. L'un semblait être un moinebyzantins et l'autre un prêtre de l'Égypte ancienne. Le moine avait laparole: Un vrai prophète, c'est une personne qui s'est trouvé en présence deDieu, tout en restant pleinement conscient de ce qui s'y passait. Nouspourrions faire l'analogie suivante; le rayon de soleil est indépendantdu soleil tout en connaissant la nature et la force indescriptible decelui-ci. L'extase visionnaire libère des énergies puissantes semblablesaux énergies sexuelles.

Le prêtre égyptien lui répondit: Le véritable prophète n'est jamais distrait par les illusions du passé,du présent et de l'avenir. Les paroles prophétiques laissent entrevoirdes choses "destiné" à se produire. Alors, pendant cet instant sublimed'une puissance infinie, le prophète fait subir à l'univers une distorsion

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spatio-temporelle, conduisant celle-ci à recouvrir la nouvelle réalitéd'une étiquette miroitante. Le profane s'égare lorsqu'il croit que celangage prophétique est ambigu, refusant alors à ce prophète, à cemessager, de lui accorder sa confiance. Le meilleur prophète est celuiqui guide nos pas vers une fenêtre entrouverte qui nous permet d'yplonger momentanément notre regard.

Le moine byzantin reprit; L'état de transe prophétique ne se compare pas avec les autresexpériences visionnaires. Cet état, est avant toute chose, une immersiondans la multitude au sein de l'infinité menant à la certitude quel'univers se meut par lui-même, en perpétuel changement et que sespropres lois changent aussi, sous sa propre force volitive. A traverstant de mouvement rien ne demeure permanent, fixe ou absolu. Leschoses perçues dans ces transes ont souvent un effet dégrisant etdévastateur. Ces expériences ne manquent jamais de transformerprofondément l'expérimentateur.

Était-ce la raison de sa présence ici, se demanda-t-il?

Qu'en est-il des prophéties écrites et de la sublimation de notre être,demanda le moine?

Le prêtre égyptien; La connaissance réside dans une somme de détails décrits par desmots qui n'ont eux mêmes, qu'une valeur plastique temporelle. L'imageque ces mots produisent commence à se déformer à l'instant même oùils sont formulés par écrit et que l'on y prend connaissance.L'observateur modifie le sujet observé, qui lui-même, modifieultérieurement l'observateur. Sans que le profane le sache, adhérer àces croyances livresque sans l'expérience vécue, c'est renforcer soi-même la résistance au changement. Parfois, il faut se rendre àl'évidence; pour exprimer certain concept, le langage ou l'écriture nesuffit plus. Mon peuple avait contourné ce problème en inventantl'écriture symbolique et sacré des hiéroglyphes. Pendant la mêmeépoque, plusieurs peuples sur plusieurs continents ont aussi créé cessignes sacrés. En Amérique, il y eu les olmèques, les mayas, lesaztèques et les incas. En Asie centrale, il y eut les chinois, les mongolset les japonais. En Europe, il y eu les basques, les babyloniens et lescrétois.

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Cette dialectique commençant à l'étourdir, il décida d'écouter aux autresportes;

Un vieil homme au cheveux blanc, avec une grande barbegrisonnante, était habillé de l'ancien costume des enseignants européenset semblait discuter de philosophie avec un jeune homme bien mis de sapersonne, dévoilant un costume du 18e siècle, et portant canne, chapeaumelon et pipe courbée.

Le vieil homme prit la parole;

Je suis un ardent observateur d'hommes. Je les observe autant àl'extérieur qu'à l'intérieur de moi-même, ou passé et futur se mêleparfois en moi en m'imposant d'étranges paradoxes. Métamorphosantmême ma propre chair, j'ai parfois l'impression de tout percevoir enpanoramique, mon ouïe, ma vision et mon odorat acquérant un pouvoirindividuel d'analyse et d'introspection. En vérité, on ne peut pas cachergrand chose à mes sens très aiguisés par une longue pratique. Vousseriez horrifié si vous saviez tout ce que je suis capable de déceler rienqu'avec mon odorat. Il m'est même arrivé parfois de déceler l'odeur dela mort proche, chez certain de mes sujets.

Le jeune homme lui répondit: Parfois, ma conscience s'intègre à la perception intemporelle quin'absorbe ni ne rejette. C'est ainsi que j'arrive à créer un champ sansidentité ni centre, où, même la mort devient une pure analogie. Je laissetout simplement exister ce champ sans objectifs ni désirs, ni la moindrevision de réalisation, n'aspirant à aucun résultat. C'est ainsi quej'obtiens une perception primale, omniprésente et globale. Alors, lalumière de la vraie connaissance s'imprime sur les sels d'argents de maconscience de veille.

Perplexe devant tout cela, il décida de se diriger vers le groupesuivant qui se composait de quatre personnes; un soldat portantl'uniforme prussiens, un asiatique de descendance mongole à l'air nobleet hautain, vêtue d'un habit de combat possédant les insignes d'un grandchef militaire; le troisième était un général français du temps deNapoléon premier et le dernier était un guerrier du l'ancienne empireInca du Pérou actuel.

Le général français:

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Analysez bien le politicien qui se dit conservateur et vousdécouvrirez sûrement quelqu'un qui préfère le passé à l'avenir. Pour unlibéral, vous avez de forte chance de découvrir un aristocrate en colblanc qui s'ignore. C'est ainsi que ça se passe! Les partis libérauxdégénèrent toujours en aristocratie. En ce qui concerne lesbureaucrates, ils trahissent toujours les intentions du peuple qui les ontmis au pouvoir. Les gens qui ont voté pour un parti promettant unemeilleure répartition du fardeau social, s'emprisonnentimmanquablement sans l'ombre d'un doute, dans un régime de typearistocratie bureaucratique. Parfois, par hypocrisie stratégique, ilscamouflent tout cela sous un autre nom plus redondant tel, socialisme,communisme, etc. L'oppression que l'armée exerce, au nom de ladémocratie, n'est pas pire que n'importe quelle autre.

Le soldat prussien; Les humains, par l'exemple de leurs paroles, nient l'existence tout enla confirmant dans leurs propres actes. Ils recherchent avec désespoir,l'état de paix qu'ils décrivent comme étant une situation de calme et desécurité sociale. Paradoxalement, en même temps qu'ils parlent, ilsdisséminent aussi les graines de l'anarchie et du désordre par laviolence, justifiant ainsi notre présence rassurante. S'il leur arrived'obtenir cette fameuse paix, ils s'y meurent d'un éternel ennuie et leurvisage devient aussi fade qu'un marbre dispendieux, mais n'ayantaucun poli. Regardez-les; mais regardez-les donc! Voyez ce qu'est lavérité sociale. Un paradoxe, que je vous dis!…

L'inca: Je suis à la fois, père et mère de mon peuple. J'ai aussi connu lasouffrance de ma naissance et l'extase de ma mort, là haut, dans lepyramidion ensoleillé du midi, et j'ai beaucoup appris. J'ai errélongtemps dans l'univers des formes humaines ou extra-humain, et cetunivers que vous dites voir, sentir et décrire, en réalité n'est que leproduit de votre rêve.

Prenez l'exemple d'un voyageur perdu dans le désert, sans eauni vivre. Sur une seule impulsion de son cerveau, le voyageur assoifféreconstruit l'univers; l'air chaud se transforme en d'élégante bourgadefaite de tente et de marché achalandé, puis la terre se met à ruisselerd'une pluie bienfaitrice. L'horizon se couvre de palmiers verdoyants aupied d'étang et de chute d'eau rafraîchissante. Les chauds rayons dusoleil éclairent des nuages de poussière qui se transforment en palaisaux dômes d'or et de pierres précieuses. La frontière entre l'air et la

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terre, entre l'eau et le sel s'est évanouie en une simple minuted'épuisement, et l'homme à créé le monde selon ses désirs les plussecrets. Alors, imaginez lorsqu'une personne décède; elle peut recréerses plus fantastiques créations de son esprit, comblé ses besoins lesplus secrets, devenir ce qu'elle a toujours rêve d'être. Pour cela, elle al'éternité, puisque le temps n'existe même plus.

Ainsi, si je puis concentrer mon énergie spirituelle avec adresseet expérience, je peut choisir et être de tous les royaumes. C'est ainsique je vois la vie, incommensurable dans sa diversité et inaltérabledans son Unité.

Le mongol: Pensez-vous que le pouvoir est la plus instable conquête del'homme? Malgré les changements de régime, les grandes famillescontinuent toujours de demeurer. Les bureaucraties de type religion,sont impossible à déraciner à cause de la relation qu’elles ont entre lafoi et le pouvoir. L'un s'appuyant sur l'autre, peut-on dire qu’elles sontincompatibles dans tel ou tel régime?

Le général français: De tout temps, les monarchies ont été un catalyseur moral précieuxpour toutes les formes de pouvoir politique. Les gouvernements sontutiles à leurs peuples dans la mesure où ils freinent leurs tendancesinhérentes à l'oppression et à la tyrannie. Ainsi, les monarchies aidentà réduire la taille de la bureaucratie administrative, éliminant du mêmecoup, beaucoup de parasites et d'opportunistes politique. Lesmonarchies peuvent accélérer les décisions politiques et répondent à unbesoin fondamental humain; celui du caractère tribal ou féodal quidemeurent encore inscrit dans les gènes.

Le soldat prussien: Mes ennemis me rendent plus fort, plus vigoureux et actif. Mes alliés m'affaiblissent et m'encouragent à l'indolence.

Le mongol: Celui qui n'a jamais souffert des lamentations des blessés, qui n'ajamais entendue les cris d'agonies de ceux qui allaient mourir sur leschamps de bataille, celui-là, je lui interdit de parler pour ou contre la

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guerre. J'ai tout vu. J'ai tout éprouvé. Je pourrais en dire davantage,mais à quoi bon! Vous tous, ici, savez déjà cela!

Le général français: Pour comprendre l'histoire humaine, vous devez en saisir sa trame,ses tendances, ses périodes d'accalmie qui permettent aux meneursd'hommes de s'insinuer dans son sillage. Un chef "historique" est celuiqui s'efforce de perpétuer les conditions qui ont requis sa présence.L'histoire assujettie le chef à son rôle. Il n'en va pas autrement. Prenezl'exemple de Napoléon; il est apparu à l'instant où la France avaitbesoin de lui, et non l'inverse.

L'inca: N'ayez aucun doute! Je suis mes ancêtres; ils sont mes cellules et jesuis leurs corps. Je suis le choix de leurs éveils, et leurs expériences estaussi la mienne. Leurs savoir distillés est mon héritage, et tous sont Unen moi. Je suis leur soleil, l'Inca-Roi, qui cimente tout un peuple. LaMultitude devient Unique lorsqu'elle se reflète en moi. Je suis le sentierd'or de l'éternité, devant lequel mon peuple à fait allégeance.

Le soldat prussien: La pyramide à une base carrée, tel votre esprit, qui résiste aumouvement circulaire.

Transportant ma conscience de l'autre coté de la table, jem'approchai d'un personnage très exotique. Faute de mieux, jel'appellerai; l'homme du Cro-Magnon. Peau bruni par le soleil, d'unteint cuivré, cheveux noir de jade, tombant sur les hanches, il étaitpresque nue avec pour tout costume une petite culotte en peau de bête,le poil tourné vers l'extérieur. A son cou, il portait un immense collierfait de dents d'animaux d'une grosseur impressionnante. Le front gras,un nez de type négroïde, de large pommette, des sourcils épais, un poilfournis couvrant tout le corps et parfois le visage, des yeux vifs d'unnoir profond dans un visage carré donnait à cet ancêtre une impressionde force peu commune. Monologue de raconteur, ses voisins secontentaient d'écouter, subjugués par son récit peu ordinaire.

Je suis étendue sur le dos, dans une caverne pas très grande et deforme circulaire. Le sol est humide et froid malgré la peau de chamoisque j'ai étendue par terre. L'entrée de la caverne est si basse que je n'aipu y accéder qu'en rampant sur le ventre et en me contorsionnant. Je

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me vois encore, à la lueur dansante d'une torche de résine, disposéderrière moi, maintenu par quelques pierres, dévoiler les murs et leplafond que j'ai couvert de dessin fait à partir de charbon de bois etd'une pierre rouge ocre et jaune que j'ai pulvérisé avec une autre pierrebeaucoup plus dure. Mes motifs préférés sont les créatures que jechasse et l'âme de mon peuple. Cette caverne porte ma signature quiest l'empreinte de ma main. Personne d'autre de ma tribu n'a le droitd'y pénétrer sans mon accord, car ce Temple est sacré. Les os desgrands guerriers mort à la chasse y sont entreposés au fond, sous unegrande stalactite orangé. Ici, dans la noirceur permanente, l'âme demon peuple veille à tout jamais. Une fois l'an, juste avant la périodedes grandes chasses, les épouses des guerriers décédés ont le droitainsi que le fils aîné, d'y séjourner une nuit avec l'âme du disparu. Seulle chef de clan peut les accompagner.

Là, plus que n'importe où, j'ai pris conscience de mon âmeimmortelle en tant que partie du grand Tout, de la grande âmecosmique englobant les montagnes, les cours d'eaux, les animaux, leshommes, le soleil et toutes les étoiles brillantes au-delà des nuages.

A mesure que le temps passe, les choses deviennent de plus enplus irréelles, de plus en plus étrangers à ce que je crois. Je suis laseule réalité, mais malgré cela, toute chose s'écartant de moi me faitdouter de ma propre identité.

Sur ces dernières paroles, l'homme du Cro-Magnon ferma lesyeux, croisa les deux bras en forme de croix sur la poitrine et pencha latête vers l'avant. Se refermant sur lui-même, telle un coquillage marin,il tentait tant bien que mal de recréer son passé qui lui échappais.

Pourquoi suis-je ici, se demanda-t-il encore?

Malgré le fait qu'il avait trouvé ces dialogues intéressant, il necomprenait pas le but de cet exercice. À l’instant précis de cetteréflexion, il remarqua au centre de la table, une grosse bouletranslucide, semblant faite d'un cristal très pur. Celle-ci était disposéesur un trépied métallique posé sur un tapis de velours rouge foncé. Laboule émettait une faible lueur verte fluorescente qui attirait son regardet sa pensée. Tous les autres convives avaient disparus, sauf cettesphère étrange. Attiré par la curiosité, il s'approcha de celle-ci, et

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soudainement, il fut aspiré dans un maestrom irréversible vers l'œilcentral de cette boule étrange.

Il se sentait tomber, dans un mélange de couleurs zébré par deséclairs luxuriantes. Des bulles d'air ou d'eau, éclataient à son passageen produisant un son disgracieux. Pfiouttt…Pfiattt…Pfittt..Pfioutttt…Cela dura une minute, un jour, un siècle! Il ne pouvait en être sur. Letemps s'était exclu au profit d'un éternel présent impalpable.

Soudainement, la noirceur l'envahit et un vent glacialemprisonna tous ses membres.

Il frissonna!

Aucune pensée ne s'élevait dans son esprit. Il était muet debéatitude et il entendit le son des petites clochettes d'appel pour laprière. Une aube impalpable s'infiltrait doucement mais inexorablementdans son esprit égaré d'incertitude.

Lentement, il ouvrit les yeux.

Il s'aperçut alors qu'il était revenu au monastère Culinan. Lemoine sommeillait encore sur le plancher froid, entouré d'une rudecouverture grise en laine de yack. Une lumière blancharde teinté debleue s’éveillait à l'aube himalayenne. Il entendit encore une fois, lesclochettes à prière qui sonnaient le glas de la période de recueillementpour les nonnes.

Le moine s'éveilla de sa torpeur et se mit sur son séant.L'apercevant, il le gratifia d'un large sourire, dévoilant dans un mêmetemps la blancheur de ses dents impeccables.

Il entrevit une ombre se faufiler dans l'encadrement de la porte.Tournant la tête, il vit que c'était la vieille none qui apportait sur unplateau de bois, deux tasses de thé au beurre et deux bols contenant dela tsampa. Disposant le plateau sur une table basse, elle les salua à lamanière orientale puis elle sorti précipitamment.

Le moine lui fit signe de s'approcher, afin de consommer cedéjeuner peu frugal, à l'image de ces humbles religieuses remplie desimplicité. Il sursauta! Le bruit d'un tam tam chinois retentit dans lemonastère, faisant vibrer toutes les cellules de son corps.

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Son corps avait une résonance, pourtant, il n'avait pas de corps.Paradoxalement, comment une existence peut-elle vivre d'une non-existence, se demanda-t-il?

Le moine lui fit remarquer que c'était l'heure de travail pour lesnonnes. Il entendit le bruit de leurs pas feutrés, partout dans lemonastère qui s'éveillait à la vie religieuse. Il entendit un coq chanterdans cette heure très matinale et il vit par une fenêtre, plusieurs nonness'éloigner vers le vallée en direction de pré verdoyant.

Ils mangèrent leurs tsampa et burent le thé au beurre.

Le silence retomba sur le monastère solitaire.

Le moine se leva, défroissa sa soutane par de grand coup demain, paume ouverte, puis lui fit signe de le suivre.

Il se leva et acquiesça à sa demande.

Sortant de la pièce, ils se retrouvèrent sur la galerie intérieure,puis ils se dirigèrent vers l'escalier qui donnait accès au premierplancher.

Arrivé dans la cour intérieure, il jeta un regard panoramique surl'ensemble de la construction. Ce sobre monastère ne comportait aucunélément décoré, ni aucune ornementation; comparé à la coutumetibétaine, celui-ci n'était pas la norme.

L'humilité dans sa forme la plus pure, pensa-t-il.

Entre les piliers soutenant la galerie, était disposée de grossepierre sur laquelle étaient posé des théières à thé, semblant observer lesintrus qui traversait la cour réservé à des nonnes. Ils passèrent devantun dortoir commun et jeta un coup d'œil par une fenêtre entrouverte. Iln'aperçût pour tout mobilier, que quelques gros coffres en bois et descouvertures posé à même le sol de terre battue. Il n'aperçût aucun lit niaucun matelas. Le confort à l'occidental était complètement inconnu aumonastère Culinan. Le moyen-âge s'était immobilisé entre ces murs depierres et d'argile. Les fenêtres ne comportaient aucune vitre. Seule unetoile épaisse en bloquait l'ouverture pendant la nuit ou les jours de

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tempête. Aucuns occidentaux ne pourraient survivre à une réclusionaussi dure physiquement.

Le moine lui indiqua une porte basse avec l'inscription dumantra de la compassion gravé sur celle-ci, indiquant par la mêmeoccasion, que cette pièce devait être la petite chapelle dédié àChenrézig. Pénétrant à l'intérieure, ils découvrirent une petite piècenue, ne possédant pour tout mobilier qu’un autel composé d'une tablebasse rustique sur laquelle était disposé une statue du Bouddha en terrecuite peinte à la main. Devant la statue, était disposé six coupescontenant de l'eau pour fin d'offrande aux bouddhas et pour la pratiquede la purification du corps, de la parole et de l'esprit. En arrière del'autel, était suspendue deux thang-ka peint sur coton et représentant leBodhisattva de la compassion, Chenrézig. Sur le sol de terre battue étaitdisposé quelques coussins de couleurs fades sur des tapis aussi fade.Une lampe à beurre brûlait perpétuellement devant la statue duBienheureux. Celle-ci produisait avec la danse de la flamme, un jeud'ombres qui faisait apparaître le Bodhisattva comme un personnagemenaçant sur le mur arrière. C'était le seul éclairage dont disposait lapièce. A gauche de la statue brûlait des bâtons d'encens dans un petitcontenant de sable fin. Une étroite fenêtre sur le mur latéral, près duplafond, laissait pénétrer un soupçon du jour himalayen dans cet antrede recueillement. Malgré la pauvreté des lieux, une atmosphère de paixet de sérénité régnait en ces lieux. Il décida de sortir, un peu gênéd'avoir violé l'intimité de ces lieux interdit aux profanes.

Dehors, l'air était frais et sec. Le soleil commençait à fairedanser une panoplie de couleur pastel se reflétant sur les plaines deneige près des cimes montagneuses. Le moine l'enjoignit de se presser,car ils avaient une bonne demi-journée de marche avant d'atteindre leprochain monastère, responsable de l'ermitage du pic de l'aigle, butultime de ce voyage.

Enfin, il connaissait la destination de son périple, se disait-il.Cependant, le but lui était encore inconnu.

Il se sentait en très grande forme physique. Ceci était sûrementdû à cause de l'altitude et de la richesse de son oxygène. Pourtant, surTerre, il aurait éprouvé malaise et fatigue immédiate, le corps n'étantpas acclimaté à pareil altitude. Le peuple des vallées et celui de lamontagne himalayenne, n'avait rien en commun!

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Le salut de la vieille nonne édentée et les aboiements du chiengrogneux furent les seules adieux qui jalonnèrent leur départ précipitédu monastère Culinan. Pourtant, il savait qu'il n'oublierait pas de sitôtl'humble monastère ou côtoyait pauvreté matérielle et richessespirituelle.

Ils suivirent le sentier qui menait vers l'autre versant de lamontagne et qui serpentait dangereusement entre des précipicesprofonds et de hautes parois rocheuses. Ils n'eurent pas à marcher bienlongtemps avant de croiser leur premier Stupa. Véritable monument depierre dédié à la foi bouddhiste, ceux-ci parsème tous les chemins depèlerin sur toute la zone périphérique entourant le Tibet, patried'adoption du Bouddhisme. Comparable au clocher des églisesoccidentales, le stupa pointe une flèche vers le ciel, indiquant son butfinal. Véritable livre de pierre, sa base carré symbolise le mondephysique. Celle-ci est surmontée d'un dôme qui symbolise les mondesintermédiaires du bardo. La base de la pointe est soutenue par six carrésindiquant les mondes du samsâra. Sa flèche est surmontée du croissantde lune et du soleil indiquant par là, la liberté de l'existence dualiste. Cemonument est un rappel au pèlerin de persévérer sur le sentier de l'éveilOccasionnellement, près des grands monastères, on enterrait dansceux-ci, lors de sa construction, les reliques des grands lamas ou saintayant marqué cette région.

Le moine s'arrêta devant le stupa, qui portait la cicatrice gravédu mantra de la compassion sur sa base, et fit trois fois le salutbouddhiste de la prise de refuge. Rapidement, il fit trois fois le tour dustupa, en sens inversé d'une montre, tout en récitant le mani.

Quittant le soldat de pierre, ils continuèrent leur voyage vers lehaut de la montagne. Bientôt ils durent longer le bord d'une paroirocheuse afin d'accéder à une corniche étroite leur permettant decontourner un immense piton rocheux. Il était surpris par toutes cesvoltiges et acrobaties s'apparentant plus à l'escalade montagneuse qu'aun serein pèlerinage religieux. Il interrogea mentalement le moine surcette révélation tardive.

Bien sur! Dans ma jeunesse, j'ai été un guide sherpa et j'ai guidé lespremières grandes expéditions occidentales vers ces sommets inviolés.C'est lors d'une de ces expéditions que j'ai eu la révélation du monde

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spirituel. La montagne n'avait plus de secret pour moi, cependant, il enétait tout autrement pour ce qui était du monde spirituel. C'est suite àcette dernière expédition que j'ai pris les ordres monastiques.

Voyant que le moine était dans de bonne condition, il décida depousser plus loin ses interrogations existentielles, et lui demanda alors:

Vénérable moine Tenpey, lors de notre présence au monastèreCulinan, je n'ai pas vu les nonnes faire des exercices yogiques, desétudes livresques, de la méditation ni aucune cérémonie religieuse.Quel est donc la pratique spirituelle dominant en ces lieux de sainteté etd'humilité?

Le moine lui répondit: Leurs pratiques est bien plus que de la méditation ou des cérémoniesreligieuses. La voie qu'elles ont choisie est celle de l'acceptation de soiet de la victoire sur ce soi dénaturé. Ce dur sentier leur garantie uncaractère formé par leur volonté de souffrir, de donner et de servir, pourla plus grande gloire de la Divine Compassion, la Bodhichitta.Contrairement au modèle masculin de la voie monastique, elles nes'accrochent pas avec trop de dévotion à leurs idées religieuses ousociales, sachant bien qu'elles sont ignorantes en ces domaines vue leurmanque d'étude. Étant entièrement ouverte à tout ce que la vie peut leurapporter, n'ayant pas l'état d'esprit de ceux "qui savent", ellesconservent ainsi une grande simplicité et une sincérité remarquabledans toutes leurs actions. Ne les connaissant peu, on serait porté àcroire qu'elles sont naïves et enfantines. Comme le disait votre prophèteJésus de Nazareth, elles sont redevenues les petits enfants du Divin.

Leur véritable pratique se cache dans leurs travaux journaliers,dans ce combat sans but autre que le don de soi, entièrement,totalement. Lorsque leurs travaux sont accomplis avec une grandeattention et un grand abandon de soi, la notion de leur propre présenceest annihilée et alors survient l'ici-maintenant, l'instant-présent. Ainsi,le travail est pour elles "méditation en mouvement", toutes énergiesétant investies complètement dans l'action, sans aucun processus deprojection de pensée ou d'interprétation rationnelle de ce qu'elles font.Leurs "moi" s'efface au profit de la vigilance dans la réalité, celle ouaucune confusion intérieure n'existe. Seul une grande paix et un grandcalme, qui n'est cependant pas l'absence de bruit, illumine la toile defond de leur conscience et leurs procurent cet instant inexprimable

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qu'on appelle, le "Nirvana", l'illumination, l'état de Bouddha. N'est-cepas là, le but que recherche chaque pèlerin?

La réponse du moine le laissa perplexe. Il n'aurait jamais cru qu'unequestion aussi simple allait produire une réponse aussi élaboré. Il enavait pour des jours à méditer sur cela!

Le silence mental reprit ses droits de cité!

La randonnée pédestre continuait. Ils avaient presqueentièrement contournés l'immense piton rocheux, véritable gardien deces endroits bénis des Dieux. Le soleil s'élevait maintenant au-dessusdes montagnes célestes de l'Himalaya et réchauffait la terre et le visagedes voyageurs, par la distribution généreuse de ses chaleureux rayons.Aucun nuage ne menaçait l'horizon et le ciel était d'un bleu turquoisefaisant penser à la mer des Caraïbes et de ses îles majestueuses. Ceciétait une caractéristique de ces hautes montagnes. La lumière, la clarté,l'effrayante luminosité de ses pics enneigés étaient tout ce qu'un peintrepouvait rêver dans ses moments d'exaltations artistiques.

Les pierres continuaient de se lamenter sous leurs pas, semblants'émouvoir de cette sacrilège présence en ses lieux saints. Contournantla dernière muraille du pic rocheux, ils aperçurent une légère valléebaignée dans une douce lumière d'un blanc orangé se reflétant sur ladépouille d'un glacier siégeant au fond de celle-ci. Ils entrevirent deslongs piquets de bois rustique, planté à la verticale du sol rocailleux.Ceux-ci soutenaient de longues bandes de tissu blanchi, presquetransparent, ou l'on distinguait l'inscription de mantra et de formulesacré. Physiquement, ceux-ci indiquaient le point le plus haut dusentier, où bien le sommet de la montagne.

Le moine Tenpey, s'approchant du précipice surplombant legroupement des piquets mantriques qui le fit sursautai, lorsqu'il cria; Il-lha-lha-ha-ho!… Il-lha-lha-ha-ho!… Il-lha-lha-ha-ho!…

Il sut plus tard que ceci était le cri de victoire du pèlerin ayantatteint sa destination sans dommage et remerciant les dieux d'avoirveillé sur lui.

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Le monastère Lamayuru

Ils attendirent que la formule de gratitude se perde dans l'échodes montagnes, puis entreprirent la descente en direction de la vallée.Ils pouvaient distinguer sur l'autre versant, un monastère à mi-hauteurde la montagne. Ce monastère, beaucoup plus vaste que celui deCulinan, comportait une quarantaine de bâtiments, tous reliésensembles par des passerelles, des escaliers et des murs mitoyens.Malgré différente élévation architecturale, ce monastère semblait faitd'un seul tenant. Tous ses murs étaient d'un blanc pur, se découpantavec agressivité sur la montagne couleur de rouille. Les toits platsétaient d'un rouge ocre tirant sur l'orangé. A l'est, surplombant lemonastère, trônait un immense Stupa de pierre où l'on distinguait à labase de la coupole, deux immenses yeux bleus semblant les observer.Sur le plateau, ils remarquèrent une rivière tumultueuse serpentant àtravers un oasis forestier, perle très rare parmi ce paysage désertique.

Le monastère de Lamayuru est reconnu dans la région pour sadiscipline très stricte et son intransigeance envers les moines paresseuxque l'on retrouve parfois dans les monastères tibétains.

Le moine Tenpey lui fit remarquer que ce monastère faisaitpartie de l'ordre Sa-kya-pa, et qu'ils allaient demander une audienceavec un Dge-bzhes un docteur en philosophie tibétaine.

Le soleil était maintenant à son zénith et ses chauds rayons dumidi firent qu'ils accélérèrent le pas afin d'atteindre leurs destinations etde pouvoir ainsi bénéficier d'un peu d'ombre. Deux autres interminablesheures furent nécessaires avant d’arriver au pied de la montagnedonnant refuge à cet imposant monastère. Au pied de celle-ci, ilscroisèrent un paysan assis sur une grosse roche, qui les dévisageait d'unair incrédule. Celui-ci avait disposé devant lui quelques paniers d'osiersrempli d'abricots et de légumes variés. Le moine Tenpey s'immobilisadevant lui, et demanda ce qu'il faisait là.

Le regard tourné vers le monastère, le paysan expliqua, qu'étantplus jeune, il avait abandonné intentionnellement l'habit du moine,ayant succombé aux charmes de la vie mondaine et de ses mirages.Aujourd'hui, il lui était interdit de dépasser le petit Stupa qui se trouvaitun peu plus loin, face à eux, près du chemin menant au monastère. Ilexpliqua encore qu'il attendait patiemment sur cette roche, que les

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moines du monastère veuille bien venir cueillir cette offrande, enmontrant les paniers d'un signe de la main. Aujourd'hui, sa femme,reflet du miroir mondain comme il dit, l'avait quitté et chaque jour, il seconsolait en apportant des offrandes au monastère qui l'avait jadisaccueillit.

Laissant ce paysan à sa culpabilité, ils continuèrent leur route.Passant devant le petit Stupa, le moine Tenpey en fit trois fois le tour,tout en récitant le mani. La forme de celui-ci symbolisait les différentschakras humains ainsi que les forces par lequel le monde s'était créé.

Plus ils avançaient, plus la route étroite s'élargissait. Finalement,ils arrivèrent devant un grand espace dégagé servant de place publiquelors des festivités ou le plus petit paysan était invité. En aucuneoccasion, les civiles n'avaient le droit de pénétrer à l'intérieur del'enceinte du monastère. Dans les bâtiments dont ils avaient accès,aucune fenêtre ni porte ne débouchaient sur la cour intérieure dumonastère.

Au centre de cette place publique, il remarqua un gong de pierred'une époque révolue. Selon le nombre de coup, celui-ci servait encoreà appeler les moines à la prière, aux repas, aux études religieuse ainsiqu’à la manifestation sociale. Ce tam tam était composé d'un gros arbreévidé, dont une des extrémités était bouché par une grosse pierre plateayant la particularité d'émettre des notes musicales lorsqu'elle étaitfrappée. Le tronc était suspendu au-dessus du sol par des cordes dechanvre sous un gros chevalet rustique fait de petits arbres nues, sansécorces, et recouvert d'une couche d'huile protectrice ou de graisseanimale. Frappé avec une petite pierre ronde, de la grosseur d'un poing,le son du gong se répercutait dans toutes les montagnes environnantes.Il était impossible de ne pas l'entendre, même si on se trouvait à deskilomètres de celui-ci.

Ils arrivèrent face à la muraille et virent un jeune novice leursfaire signe d'aller le rejoindre sur le toit en terrasse du plus bas desbâtiments. Il indiqua du doigt pointé ou se trouvait l'escalier en formed'échelle, donnant accès à cette terrasse. Arrivé au sommet, il jeta uncoup d'œil en contrebas, dans la vallée, et aperçue le fermier remettantses offrandes végétales à deux novices.

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Entendant du bruit derrière lui, il se retourna pour apercevoir unmoine adulte qui se dirigeait vers eux. Les saluant cordialement, ilexpliqua que cette terrasse donnait accès à la salle de congrégation dumonastère, et il invitait les nouvelles venues à les accompagner.

Ils pénétrèrent par une petite porte carrée dont tout le cadrage enbois était peint de symboles bouddhistes agrémenté de fleur de lotus.Après avoir parcouru un long corridor bas et très sombre, ils entrèrentdans une petite pièce qui semblait être un endroit d'enseignementparticulier qui servait aussi de bibliothèque. Dans le fond de la pièce,on remarquait disposé dans des étagères adossées aux murs, desrouleaux de soie noué par un cordon en son centre. Il devina que toutcela devait être des textes sacrés. Ceux-ci étaient au nombre d'unecentaine et dans un autre coin, il remarqua d'autres rouleaux dedifférentes largeurs, contenant des Thang-ka , ces fameuses peinturessacrés peintes sur soie ou coton, montée en rouleaux. Dans un autreangle de la pièce, il aperçut une châsse richement ornée de dessin et demotif de couleur vert, jaune, rouge et or. Au-dessus se trouvait la statuede Shrïderi, cachée aux yeux des néophytes comme lui, par un rideaude soie. Sur le sol au centre de la pièce, était disposée une petite tablebasse au centre d'un grand tapis oriental venant de Chine. Une dizainede petit coussin était disposé tout autour de la table basse. Une petitethéière montait la garde au centre de la table, sans aucune tasse pourjustifier sa présence. Témoignage de respect, ils quittèrentprécipitamment la pièce pour s'engager dans un escalier de pierre, pourfinalement se retrouvé sur une autre terrasse extérieure.

Pendant un bref instant, ils furent aveuglés par le chaud soleilhimalayen. Petit à petit, ils s'habituèrent à cette aveuglante clarté, etvirent devant eux, une immense porte en bois sculpté, fermé par unénorme cadenas de couleur cuivre patiné. Pendant que le moine ouvraitle cadenas, il examina de plus près les motifs sculptés de la porte. Ilreconnaissait les grands Saints tibétains ainsi que quelques dieux danssa forme courroucée, mais d'autres motifs le laissaient perplexe, car iln'en avait jamais vu de semblables. Grinçant sur ses gonds, dans unelongue limitation semblant se plaindre de leur intrusion, les portesenjolivées de fer et de cuivre repoussé, s'ouvrirent sous la poussée dureligieux. Se retrouvant dans la pénombre intérieure du hall, ils durentse réhabituer lentement à cet éclairage. C'est à ce moment qu'ilsdistinguèrent contre le mur du fond, un splendide autel sur lequelreposait une statue du Bouddha historique, richement ornée de pierre

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précieuse et de mala pendant à son cou qui était aussi recouvert parplusieurs échappe blanche finement tissé. Devant le bouddha étaitdisposé 108 petits vases de terre cuite, remplie d'eau servant à la grandecérémonie de l'offrande. A la gauche du bouddha était posée une statueplus petite de Je Tsong-Kha-pa, fondateur de l'ordre bouddhiste desBonnets Jaunes. A coté de ce grand Lama, on distinguait un petit Stupasculpté en pierre blanche. A la droite du bouddha, il y avait deux autrespetites statuettes. Celle de Bouddha du futur, Maitreya et celle dubouddha de la guérison, Amitayous. Sur le mur arrière de l'autel étaitdisposés des dizaines de Thang-ka du panthéon bouddhiste; ilreconnaissait le grand lama poète Milarepa, le saint Naropa, DharmaVajra, Losang Chögyen, Trinley Nyima, Losang Yeshe, Manjushri.

Tout autour de cet autel, était disposé sur différent niveau, descentaines de lampes à beurre, ne laissant planer aucune ombre sur lesstatues des bouddhas. Partant de la porte d'entrée, une allée centrale serendait directement à l'autel disposé tout au fond de cette grande pièce.De chaque coté de cette allée, était disposé une rangée de bancs devantlequel on voyait une table basse rectangulaire ou l'on disposait lestextes d'études et de prières, ou bien les objets de cultes comme laclochette ou le tambour. Sur un autre banc plus haut, disposé à l'écartprès de l'autel, il distinguait des instruments de musique; trompettesd'argents, tambourins avec le bâton à angle crochu, cors gigantesques etpipeaux ornés de turquoise. Tous ces instruments étaient ceux del'orchestre du temple.

Au fond de la pièce, à droite de l'autel, on voyait deux trônessurplombant toute l'assemblée monastique. Ces sièges appartenaientaux deux tulku du monastère, dont leur lignée a commencé il y a decela, près de deux milles ans. Le trône le plus haut était destiné au lamasupérieur, considéré comme la réincarnation de Jampel Gyatso,principal détenteur de la doctrine et fondateur du monastère. Le secondun peu plus bas, était celui de Gyalwa Rinpoché, considéré comme laréincarnation de Dönyö Drubpa, le fils spirituel de Jampel Gyatso. Cestrônes ne servaient pas en hiver, car ces deux lamas passaient cettesaison dans une région plus tempéré de l'Inde. Derrière le grand trône,était disposé les 108 volumes du canon bouddhique, consistant enbandes de papiers rectangulaires non reliées entre elles, soutenue pardeux planchettes de bois franc, soigneusement pliées dans des pièces desoie et de brocard.

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Le religieux les invita à s'asseoir sur un banc et après le salutd'usage devant la statue du Bouddha, il les quitta sans explication. Lemoine Tenpey fit de même devant la statue du Bouddha, en ajoutant laprise de refuge puis vint s'asseoir près de lui, en murmurant tout bas lemantra de Sâkyamuni; Om muni muni, maha muniyé soha…Om munimuni maha muniyé soha…Om muni muni maha muniyé soha.

Une silhouette sombre se détacha de l'ouverture de la porte et sedirigea vers l'autel, accompagné par la pénombre du Temple. Devant lastatue du Bouddha, il fit trois saluts d'usage puis se dirigea vers lesinvités. Il s'adressa au moine Tenpey; Étrangers, soyez les bienvenue. Je vous attendais. Je suis le Lamasupérieure en l'absence des autres Lamas partie pour l'Inde.

Sans plus de préambule, il s'assit en face d'eux sur un petit bancde bois. Ce geste était une chose surprenante, car au Tibet, il est d'usageque le lama supérieur prenne place sur un siège plus élevé que celui deses élèves ou invités. Le siège le plus élevé symbolise donc le titre et lasupériorité académique de l'occupant.

Il pensa que le geste du Lama était prémédité, cela dans le butde donner un caractère plus personnel à l'entretien et à l'égalité desintervenants. Le supérieur était vêtu d'une épaisse soutane jaune-orangefoncé et tenait dans ses mains un immense mala, composé de petits ossculpté en forme de tête de mort. Après une brève conversation enlangage tibétain avec le moine Tenpey, le premier moine noviceréapparut avec un plateau contenant de la tsampa et du thé au beurreaccompagné par des fruits secs.

Après s'être restauré, le lama tibétain, conformément à laphilosophie religieuse de son pays, lui demanda de formuler saquestion. Cela le surprit un peu, car, depuis le début de ce pèlerinage, lemoine Tenpey ne lui avait jamais expliqué le but final de cet exercicepédestre.

La réalité

Son étonnement passé, il formula ce qu'il pensait être la questionla plus essentielle dans sa recherche spirituelle;

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Maître, depuis mon arrivé dans ce monde étrange, j'ai beaucoupappris, j'ai compris beaucoup de grandes vérités et j'ai assimilébeaucoup de concept qui m'étais complètement étranger. Néanmoins,un sujet reste encore très obscur à ma compréhension et celui-ci est unobstacle majeur à mon cheminement spirituel. Pourriez-vous, Ôhonorable Lama, m'enseigner ce qu'est la réalité?… Le monde et lesobjets inanimés qui en font partie sont-ils réel?…Est-ce que lescréatures vivantes sont réelles, ou bien, ne sont-elles pas plus qu'unmirage qui compose la trame de mon esprit?

Il se tut respectueusement, attendant la réponse du lama.

…Celui-ci réfléchissa longuement avant de donner une réponse qui soitsatisfaisante pour son rang de docteur en religion tibétaine, possédant letitre de Dge-bzhes.

Toussant légèrement, il débuta sa réponse par ces mots; Quand la vérité commence à s'éveiller d'un long sommeil, telles lespremières lueurs de l'aurore dans le ciel, la personne comprend quec'est seulement en transcendant le domaine de la séparation et enatteignant la Supra-conscience de l'immuable Unité de toutes chosesqu'il résoudra ses interrogations existentielles. Plus le disciple méditesur ce que l'égo a de commun avec les autres “égos", plus elledécouvre que celui-ci est impersonnel et commun avec tous les autres“égos". Méditant sur cela, il arrive facilement à la conclusion qu'unseul et même facteur est le cœur de la personnalité de chacun. Ainsi,aucun individu, dans son essence réelle ne possède d'individualité, d'unégo qui lui est propre. Il ne saurait y avoir quelque chose comme mon"Soi" , mais seulement le "Soi".

Ce n'est qu'en se perdant soi-même que l'on se trouve;Ce n'est que par l'abandon de soi-même, que l'on vaincra ce soi;Ce n'est qu'en mourant sur la croix du Samsâra, que l'on

atteindra la vie abondante et que l'on deviendra une lampe de sagessepour les autres.

C'est en rendant impersonnelle, la personnalité mondaine, parl'extinction de son "égo" que l'on saisit bien ce qu'est la vacuité, le videde toute chose objective faisant partie de l'Univers. Il faut tenterd'annihiler la tendance hérité du karma, qui nous pousse à accorder

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plus d'importance au "Soi", en partie due aux résultats de l'attachementaux activités mondaines.

Dans cet état d'observateur, "l'égo" se perd lui-même enplongeant dans l'être intérieur sans limite, ni fondation, ni déterministe.Il n'y a rien à quoi la personne s'oppose elle-même. C'est ens'identifiant avec tout événement tel qu'ils sont que "l'égo" devient videde "Soi". La réalité apparaît alors comme elle se doit d'être et noncomme étant particulière à un individu, selon ses propres tendanceskarmiques. Toutes choses deviennent alors aussi claires que l'eautranslucide d'un lac qui n'est pas distorsionnée par l'activité des vaguesà sa surface. Lorsque "l'égo" s'identifie à un "Soi" personnel, c'estcomme-ci le lac calme se transformait en rivière. Tenter de percevoir laréalité "réelle" de son fond rocailleux est une chose totalementillusoire.

Notre Maître à tous, le Bouddha, n'a jamais dit que l'âme ou le"Soi" n'existait pas. Il a enseigné qu'il n'y avait pas de "Soi" ou d'âmequi soit réel, non-transitoire, et qui possède une existence séparée,indépendante, Unique et éternelle.

Plus l'homme est civilisé et éduqué d'une manière académique,véritable produit mondain pour la main-d'œuvre sociale, moins il estcapable de se connaître lui-même, dans le sens de l'aphorisme bienconnu "Gnothi seauton" (connais-toi toi même). L'homme primitif et lepaysan illettré sont plus proche de la vrai vision de la réalité, etl'appréhende plus facilement, lorsqu'elle leur est enseigné. Les GrandsMaître de l'Antiquité proclamèrent unanimement, que le néophyte doitdevenir comme un petit enfant avant de pouvoir entrer dans leRoyaume de la Vérité.

Pour contrôler la multitude, l'État de même que les grandescorporations, utilisent les instincts animaux chez l'homme. Celui-ci doitles transcender afin d'acquérir le contrôle de soi et la volonté qui sontles conditions préliminaire pour celui qui veut maîtriser la sciencedivine de l'esprit.

Pendant des âges sans nombre, l'esprit microcosmique aexpérimenté la sensualité Samsarique dans les mondes du désir. Tel unpapier buvard, il a absorbé les "concepts" illusoire d'un mirage sansfin. Dans sa condition primordiale, il était aussi incolore et clair qu’un

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diamant pur. Lors de sa migration Samsarique, il a absorbé tant deconcepts variés, qu'il a perdu sa transparence et son absence decouleur d'origine. Les Sages ont nommé cette conditiond'obscurcissement, l'ignorance (Avidya). Ces ténèbres sont ce quimaintient l'esprit captif dans le Samsâra, et c'est précisément ce que ledisciple doit avant tout purifier pour atteindre l'éveil et voir réellementce qu'est la réalité en face de lui-même. Avant de débuter cettepurification salvatrice, l'aspirant doit reconnaître le caractère illusoireet irréel des concepts et le graver en son cœur. Il doit arriver àcomprendre que le monde des concepts humains est seulement leproduit découlant de l'esprit microcosmique, de même que celui del'esprit Macrocosmique est l'Univers. Il doit faire l'effort de tenter decontrôler son activité mentale jusqu'au point ou il peut n'en produireaucune.

Aspirant à la réalité, comprend cette noble vérité; lorsquel'esprit est pacifié et qu'il n'émet aucune activité mentale, il est Un;lorsqu'il fait émaner l'intelligence par son activité mentale, celle-cipense les êtres, les fait exister, et devient les êtres. Dans sonUniversalité, l'intelligence contient toutes les entités comme le genrecontient toutes les espèces, comme le tout contient toutes les parties.L'intelligence réside en elle-même et se possédant en elle-même, elle estla plénitude de toutes choses.

Par contre, la pensée ne se pense pas d'elle-même. La penséeest la cause qui fait penser les autres êtres. Cependant, la cause ne peutpas être identifiée à ce qui est causé, à l'effet qui en découle. La causede toutes choses existantes ne peut être conçue comme étant le bien quien émane, mais comme le bien qui transcende tous les autres biens.L'Un ne contient pas de différence. Il est éternellement présent et noussommes éternellement présents dans l'Un, dès que nous ne contenonsplus aucune différence. Celui qui veut atteindre à cet état de non-différenciation, dois se retirer en lui-même et s'analyser lui-même.L'homme acquiert le contrôle d'une machine en étudiant sonmécanisme. L'aspirant à l'éveil doit étudier la pratique de la méditationet par cette pratique se découvrir lui-même.

L'aspect fini de l'esprit, non dominé par une pratique spirituelle,est aussi indiscipliné qu'un taureau sauvage. Celui-ci doit être attrapéavec la corde de la concentration de l'esprit sur un seul point. Le

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pratiquant doit rechercher l'origine, la nature et les pouvoirs de cetteforce qui circule dans tout son corps.

Partout où va l'esprit, il le devient!

En fixant son esprit sur le commerce, cet homme devientcommerçant. Cet homme n'est donc que le produit de l'accumulationpar la force de sa volonté, des concepts mentaux appelés commerce. Ilen est de même pour tout. Chacun est devenu, ce à quoi, son esprit estallé.

Le Samsâra n'est rien de plus que ta propre pensée.Avec effort, tu dois donc purifier ta pensée.Ce que tu pense, tu le deviens.Ceci est le mystère éternel,Ô noble pèlerin.

Dans l'au-delà, le caractère de l'existence dépend avant-tout du caractère du contenu mental du trépassé lors du décès,exactement comme le caractère de l'existence humaine est déterminépar le contenu mental de l'expérimentateur selon l'étape de sa vie. Laseule différence entre l'un et l'autre, c'est que la mort est un instantpassif qui digère les expériences de l'état humain. Par contre, la viehumaine est un état d'activité positive qui s'active selon les conceptsque la personne à accumulés en tant que contenu mental. Nouspourrions dire que, l'un est le contenant et l'autre est le contenu.

Dès que l'esprit du décédé est dépouillé de son enveloppephysique grossière, qui lui a permis d'accumuler des concepts, celle-cirelâche automatiquement la tension mentale née des activités de la vieterrestre. Poussé par la loi karmique, il commence à fonctionnermécaniquement et tel un automate, il voyage d'un monde à un autre,jusqu'à l’épuisement de ses énergies mentales. Par la suite, il choisitune renaissance dans votre monde, afin d'accumuler une nouvelleénergie mentale résultant de l'existence humaine et de l'accumulationde concepts mentaux. Tout comme l'activité végétale produit ducharbon que l'on peut brûler afin de produire de l'énergie sous formede lumière ou de chaleur, l'esprit humain accumule de l'énergie latentepar les activités humaines et libère celle-ci dans les mondes de l'au-delà. Le but de l'aspirant à l'éveil, est de mettre un terme à ce cerclevicieux en tentant d'arrêter la force qui accumule toujours une nouvelle

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énergie lui permettant de refaire un nouveau tour sur ce manègediabolique.

La technique que nous employons est avant tout d'acquérir lacompréhension juste selon laquelle la nature finie de l'esprit est due àdes éternités de formation de concepts mentaux mal dirigés. Ensuite,par l'analyse psychique du contenu mental, nous arrêtons cette activitémentale afin de découvrir le caractère purement illusoire des conceptsformant ce contenu. Cette découverte crée une désillusion concernantle monde de la réalité apparente. Nous prenons alors, la fermerésolution de purger l'esprit de son ignorance afin de le restaurer dansson état primordial. Toute cette démarche amène la compréhension del'inséparabilité et de l'Unité de toutes les choses et de tous les esprits.L'Union ineffable avec l'Esprit Unique est le fruit de cette pratiquespirituelle qui transcende le microcosme et le macrocosme, par lacomplète sublimation de la Vie, et de la transmutation de l'ignoranceen sagesse. Cette dernière mutation dépend de l'élimination hors del'esprit conscient, de toutes les semences mentales de concept, activesou latentes karmiquement, du désir d'existence et de tous les élémentsd'ignorances résiduelles.

Le néophyte nonchalant et paresseux, qui perd son tempsprécieux en poursuivant des buts mondains est comme un fou, qui va denaissance en naissance, maintes et maintes fois, et, devenant unemenace pour toute créature sensible, sème sans cesse la discorde, lajalousie, la confrontation et l'égoïsme. Celui qui fait mauvais usage decette faveur qu'est la vie humaine, est beaucoup plus stupide que celuiqui emploie une couronne royale pour donner à boire à ses pourceaux.

Le salut spirituel ne s'acquiert pas avec l'aide de l'âme, ni avecl'aide d'un Dieu de miséricorde qui accorde punition ou récompense,tel que préconisé dans plusieurs cultures occidentales. L'éveil,l'illumination et l'ignorance transmué en Sagesse, dépend entièrementd'un seul critère; la délivrance de l'esprit enchaîné par des lienssamsarique ou karmique, imposés par l'ignorance en la croyanceerronée que les apparences sont réelles et qu'il existe un "Soi", uneâme immortelle individualisée. Lorsque l'on délie les liens del'attachement à la personnalité, alors apparaît un état d'absoluquiétude des activités mentales qu'on appelle "l'état naturel de l'esprit".L'aspirant sur cette voie, avance vers un état qui est au-delà du "Soi".A la fin de son cheminement, il se perd dans l'océan cosmique de l'Être

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Unifié. Son esprit microcosmique illusoire se dissout dans l'EspritUnique, le parfait état de Bouddha. Ceci n'est pas une perte maisplutôt, l'éveil de sa véritable nature primordiale.

Lorsque l'ignorance à été surmontée,lorsque le "Soi" a été dissous alchimiquementen ses composants karmiques,lorsque la petitesse de l'hommeest devenue la grandeur d'un Bouddha,alors, le but est atteint.La grande Vérité se dévoile,la réalité s'éclaire d'un jour nouveau,les renaissances ne sont plus obligatoires,l'esprit dévoile ses ailes immobilisées par le karmaet profite d'une liberté, si chèrement acquise.

L'esprit de l'homme doit toujours être pénétré d'amour et decompassion, en pensées et en actions, et diriger celles-ci vers le serviceà tous les êtres sensibles, quel qu'ils soient. Seul ceci lui permettra deretrouver sa vrai nature originelle. Le maître Nâgâjurna à posé desbalises afin d'amoindrir ce parcours tortueux. Il a nommé celle-ci, lesSept Richesses Divines; la foi, la chasteté, la charité, la connaissance,la sincérité unie à la modestie, l'abstention d'action injuste et lasagesse.

Naturellement, (peut être même sans qu'il ne s'en rende compte)l'homme recherche un éclairci parmi les nuages de son ignorancespirituelle. Ô noble aspirant sur le sentier, sache que ce rayon de soleilexiste. Nous appelons celui-ci, le "Dharma". Uses-en avec sagesse etintelligence de cœur, car ses pratiques peuvent t'amener les pouvoirsque nous appelons "siddhis". Malheureusement, le pouvoir fascinant etéblouissant de ceux-ci pousse souvent hors du véritable sentier, ledisciple qui était pourtant sincère. Dans le monde des hommes, vousdites que la possession du pouvoir politique et mondain corrompt l'éluqui était pourtant bien intentionné à ses débuts. Il en est de même avecle pouvoir spirituel, si tu ne demeure pas vigilant et sur tes gardes.Voici un aperçu de ce qu'est ces "siddhis"; ton pouvoir de perceptionde la vision, de l'audition, du toucher et de l'odorat seront multiplié pardix. Tu découvriras un goût surnaturel en ne buvant que de l'eau et ent'abstenant de toute nourriture. Pourtant, tu conserveras une parfaitesanté de même qu'une confortable chaleur pour ton corps en ne portant

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aucun vêtement, même parmi les hivers les plus froid. Tu acquerras unelégèreté du corps avec la rapidité de la marche sans fatigue par lecontrôle de ta respiration, ta vision concentré sur le pouvoir desétoiles. Tu prolongeras ta vie énormément et acquerra un savoir aussiillimité qu'un ciel sans nuage, au moyen du jeûne et de l'enseignementde la vacuité. Des cailloux et du sable, tu extrairas des élixirsguérissant tout. Tu transmueras la chair des cadavres en nourrituresaine. En produisant de l'essence d'or, tu prolongeras la vie de celuiqui est condamné. En produisant de l'essence d'argent, tu guérirastoute maladie et neutralisera tout poison. Tu marcheras sur l'eau et tuvoleras dans les airs sans l'aide d'aucune machine. Tu obtiendras lamaîtrise totale sur les cinq éléments; terre (essence), eau (boisson), feu(l'espace), l'air (respire), l'éther (vacuité).

Cependant, rappelle-toi toujours que les trois mondes sontmalgré tout, des prisons. Même celui qui est né "Dharma-râja" dans lemonde des dieux, ne peut échapper aux plaisirs du monde et à lasouffrance de la mort. Même celui qui à vaincu et qui possède le"Dharma-kaya", s'il ne sait pas comment diriger son esprit, ne peutbriser les chaînes de l'existence samsarique et de ses souffrances.Apprend donc toujours à être patient, à purifier ton esprit afind'atteindre à la claire vision pour parvenir à la délivrance et à l'état debouddha.

Il y a des aspirants qui passent de lumière en lumière, d'autresqui passent de ténèbres en ténèbres, d'autres qui passent de la lumièreaux ténèbres, et d'autres qui passent des ténèbres à la lumière.Étranger, de ces quatre, soit donc le premier. Tel est mon souhait leplus cher.

Sur cette requête à la manière tibétaine, le supérieur se leva,puis les remercia en faisant le salut oriental de bénédictions. Tournantsur lui-même, il les quitta sans ajouter une seule parole, indiquant parlà-même, que l'entretien était terminé!

Il entendit les derniers mots du Lama très faiblement, car unebrume blanchâtre, épaisse et intangible, apparue de nulle-part, l'avaitcomplètement engloutie. Il ne voyait même plus le sympathique moineTenpey ni le siège ou il était précédemment assit.

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Il entendit un gong étrange faire vibrer toute la brumeimpalpable qui le tenait prisonnier du néant, d'où nul ne s'échappe,pensa-t-il!

Alors, commença à bourdonner, d'abord doucement, puis ens'amplifiant, des sons étranges ressemblant à des mots qui tournoyaientsur eux-mêmes afin de s'amalgamer pour produire des phrasesintelligibles. Il se dit que ce néant devait sans doute être intelligent!

Vois l'univers dans un grain de sable;Regarde l'humanité dans ce champs de blé;Écoute la mer des Sages et des Poètes du passé;Ressens le vent qui balaie les civilisations;De tes mains, saisit l'infini;En ton cœur, siège l'éternité;Vois où est ta véritable demeure,et ta véritable identité.

Tel furent les premiers mots qu'il entendit. Concentrant toute laforce de sa perception d'éveil, il écouta attentivement le dialogue del'intangible brume mystérieuse.

En état de rêve existe toutes les actions; aussi juste puisse-ellessembler, transcende-les et recherche la connaissance du réel.

Les Préceptes intangibles.

Tous les états de conscience dans l'existence des mondes faisantpartie du Samsâra doivent être regardés comme faisant partie d'unrêve. De même que les actions accomplis en état de veille, celles-ci sontaussi irréelles que les actions accomplis lors d'un rêve.

Le Samsâra et le Nirvâna ont leurs sources dans l'Esprit Unique.Cependant, rappelle-toi que cet esprit n'a lui-même, ni forme, nisubstance.

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La Vérité Non-née, comme le Dharma-kaya ou l'astre qui donne lejour, ne croît ni ne décroît dans son éclat. Tout ce qui est né, à été, estdevenue ou sera, font partie du Samsâra et est une illusion. N'oubliejamais cela!

Comme le rêve d'un homme sourd et muet, la Vision de la Réalité nepeut être décrite par le langage, car tous ces moyens decommunications par la langue dépendent de concepts Samsariques nésd'expériences dans le Samsâra illusoire.

Dans leurs essences, la Vacuité et les formes objectives sont Une,sans circonférence ni centre. Appréhende-les comme telles!

Le Sage ne doit songer qu'à la religion et non à son gagne-pain, cardès sa naissance, ses moyens d'existences ont été décrétés par lesSeigneurs du Karma. N'oublie pas cela!

L'être humain est une entité "globale". Même si la manifestation deses actions sont distinctes, sa source est Unique.

Les illusions nées de l'ignorance sont la racine de tout mal; observeet reste toujours vigilant. Tel est ton armure!

Lorsque tous les êtres se seront éveillés du rêve de l'existenceterrestre, de celui des mondes Samsariques et de l’expérience desrenaissances, alors l'état complet et final de la Bouddhéité aura étéatteint. Dans l'ancien testament, on décrit ceci comme le retour del'Adam primordial. L'existence n'est rien de plus qu'une expérience del'esprit.

Le progrès, l'évolution, l'ère technologique ne sont rien de plus quedes opérations mentales. L'esprit de l'homme façonne lui-même tous ceschangements. Dans l'Esprit Unique, est la somme du Tout de laconscience.

Le rêve de l'existence terrestre ou autre n'a pour but que depermettre au rêveur d'atteindre la Sagesse qui découle du plein éveil del'état de bouddha.

Le Samsâra est le produit du rêve de l'Esprit Unique. La réalitéillusoire de l'existence Samsarique est entièrement relative au rêveur.

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Si celui-ci s'éveille et ne soutient plus sa création, celle-ci cesse d'être.Médite sur ce grand mystère qui t'est maintenant dévoilé.

La mesure de toutes choses est l'homme qui voit au-delà de l'illusiondu monde et du "Soi", dès qu'il a atteint la compréhension de ce qu'ilest. L'esprit et le monde sont inséparables. Sans esprit, il n'y aurait pasde monde. L'esprit est la source de tout ce que l'homme perçoit en tantqu'espace, temps et univers.

L'idée, la pensée et l'objet de celle-ci sont inséparable. Les trois ontleurs origines dans l'esprit ou conscience, qui est la seule vraie réalité.

L'Esprit Unique est le foyer cosmique de la conscience qui est touten Tout. Nulle pensée qui ne soit sa pensée; nul univers qui ne soitindépendant de lui; il est à la fois, le contenant et le contenu. Nuln'existe en dehors de lui.

État de veille, sommeil, mort, vie après la mort et renaissance nesont que des émanations illusoires de l'esprit microcosmique. La Terreet la lune, Mars et la ceinture d'astéroïdes, n'ont pas plus d'existenceréelle que le monde vivant de votre état de rêve. La substance n'aaucune existence hors de l'esprit et ne relève en réalité subjective quede concepts mentaux.

L'ignorance, comme l'humidité de l'aurore, ne peut jamais êtrecomplètement éliminé. Ne t'attarde pas trop sur ce terrain. Le Sageentre dans le sentier, et se dirige vers la seule finalité, la Libération.

Comme l'eau dans la glace, toute création, à l'intérieur comme àl'extérieur, est contenue dans l'esprit Unique microcosmique. Chercheà comprendre cela!

Partout où il y a la vie, il y a l'esprit. Celui-ci n'a ni forme, ni placeni mesure; cependant, il participe de la réalité incréé, transcendant letemps et l'espace renfermant tout.

Cherche en ton esprit les corps qui sont quadruples et inséparables.Ne craint pas l'inconnu et ne recherche aucun gain. Ceux-ci sont lestrois corps divins amalgamé à ton corps physique illusoire.

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De toutes les occupations mondaines, la plus distinguée et la plusnoble est celle de la recherche de la Sainte Vérité. Donne-toi corps etcœur à cette tâche sur le sentier de l'éveil. Celui-ci est le but ultime detoute existence. À l'heure de ta mort, celle-ci sera ton guide et tonprotecteur.

Rappelle-toi si tu le peut, que dans l'au-delà, tout les états de laconscience font partie du "Samsâra", donc sont totalement illusoires.Le seul état acceptable et vrai, est celui de la Quiétude où il n'y aaucune pensée ni aucune action volitive.

Telle la nuit de noce d’un fiancé, bienheureuse est l'aurore de laSagesse quand celle-ci est dévoilée. Tant qu'elle n'enlève pas son voilede mariée, celle-ci ne peut être expérimentée ni décrite avec précision.

Comme un soleil libre de nuage, brillant et resplendissant estl'Esprit Unique. Cependant, ne compare pas celui-ci avec ton propreesprit microcosmique non-illuminé, car pour l'instant, celui-ci n'estqu'obscurité.

La vie humaine n'est qu'un édifice de dualités réciproques,interdépendantes et agissantes les unes par rapport aux autres.Souviens-toi que tu ne peux connaître celle-ci, sans connaître ouexpérimenter ses opposés. Alors, tu atteindras la libération en obtenantl'état de transcendance dans lequel toutes les dualités deviennent laSagesse non-différenciée.

Les différentes opinions qu'ont les gens, concernant les choses oules événements, sont simplement dues à des concepts mentauxdivergents. Il n'existe pas une bonne chose comparé à une mauvaisechose. Les tendances karmiques que l'on nomment "vâsânâs" sont lacause des désirs et des attractions qui par moments, peuvent être bonsparce que cela plaît, et à d'autres moments, mauvais parce qu’ilsdéplaisent. Essai d'éviter toute aversion ou attachement, et ne conçoitaucun préjugé envers qui ou quoi que ce soit. Ceci est la voie de laSagesse sans frontière.

Dans ton monde, même le mal peut servir le but de l'éveil. Il forceles hommes à la prudence et l'empêche de sombrer dans l'indolence etl'illusion de la sécurité permanente mondaine. Parmi les nombreuxdisciples du Bouddha Sâkyamuni, l'on retrouvait des meurtriers et des

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bandits de grand chemin mélangé avec des courtisanes. Pourtant, danssa grande sagesse, jamais il ne refusa sa direction spirituelle à ceux-ci.Autant l'homme que la femme, le saint ou le brigand, sont semblable etc'est pure folie d'être mentalement troublé par des apparencesillusoires et des concepts mentaux libertins.

Les concepts dualistes sont les chaînes qui emprisonnent l'Espritdans une geôles d'illusions et de rêves, sur lesquelles les hommesconcentrent leurs regards, fascinés et éblouies par ce miragehypnotique qui durent depuis des millénaires.

La vraie valeur humaine est celle du don de soi. Quitte donc la voiede la souffrance, de la solitude, de l'ignorance, et chemine sur le sentierde la compréhension par la Sagesse et le partage fraternel.

La connaissance exacte est celle d'un mirage toujours changeant etfugitif, tel les nuages dans un ciel d'automne. Ne t'y attache pas, et nedoute pas, que le monde étudie l'irréel, l'intangible et l'impalpable, touten ne sachant pas que ces phénomènes et apparences résultent decauses dont il ignore l'existence. Il prend le reflet dans le miroir pourla réalité finale, alors que sa vue étroit et rétrécie l'empêche de voirl'autre, le réel sous les apparences dualistes.

Il n'existe nul lieu dans l'Univers manifesté ou tu peux échapper àtoi-même et au résultat Karmique de tes propres actions. Un jour oùl'autre, tu devras en subir les conséquences, dans ta vie actuelle oudans les suivantes. Même les disciples accomplis sur la voie, de mêmeque leurs Maîtres avant d'atteindre la libération finale, l'état debouddha, doivent expérimenter cette dernière épreuve. Ô noble disciple sur la voie de la Sagesse et de la Libération, que tapersévérance et ta foi soit ton bouclier. Lorsque tu te sentiras seul etlas du combat, adresse tes prières au Bouddha du passé, du présent etdu futur afin de recevoir force, bénédictions et source d'inspiration.Grave en ton cœur en lettre d'or et d'airain, le nom du Bouddha dupassé, Dipamkara, appelé le Lumineux; du présent, grave le BouddhaSâkyamuni, le noble des Lions; enfin, du futur grave le BouddhaMaîtreya, celui qui Aime. Ne doute pas et tu recevras aide etassistance, je te le promet.

L'Esprit Unique que vous appelez Dieu, est la Cause de toutes lescauses, la Réalité Ultime et Tous les autres aspects du tout, visible et

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invisible. Tous les états de conscience font partie intégrale etinséparable de cet Esprit Unique. Si tu médite profondément cetterévélation, tu découvriras la pierre philosophale des alchimistes et leSaint-Graal de Joseph d'Arimathie. Tu transformeras en or pur, le plusvil des métaux et tu obtiendras la vie éternelle.

Ton esprit est son propre temps et de lui-même peut faire du passéou du futur, son présent. Dans sa condition naturelle, pure etprimordiale, il transcende le temps et l'espace, le Samsâra et leNirvâna. La finalité de ceux-ci ne sont qu'une unité non-différenciée.Cette perception d'éternité absolue peut être perçu par un espritdiscipliné, même dans ton monde physique. Occasionnellement, tu asnommé ceci, voyance, psi, extrasensoriel!

Le temps n'est qu'une mesure du mouvement. L'Esprit en tantqu'éternité est l'éternel présent, mais il n'est ni le passé, ni le futur.Dans son état naturel, il est le calme, l'immobile, l'immuable. Le tempsdébute avec le mouvement volitif de la pensée; lorsque l'esprit du Sagetranscende par concentration sur l'unité, ce mouvement de la pensée estinhibé. Par la cessation de cette pensée, le temps n'existe plus; seuldemeure l'éternité, l'éternel présent ici et maintenant. La béatitude etl'illumination sont les fruits de cette obtention.

Tu ne peux penser l'espace en dehors de la diversité des chosesexistant dans ce même espace. Ceux-ci ne sont qu'une autremanifestation de la dualité de ton monde. Le temps et l'espace n'existepas en dehors de sa relation avec la conscience Samsâriqueparticulière. Aucune des deux n'a une existence absolue mais relative.La loi de la relativité générale découverte par votre grand savantAlbert Einstein, s'applique aussi sur le plan spirituel. Réfléchie surcela!

La Connaissance, qui est la nature d'une chose telle qu'elle estexprimé par sa définition, et le Connaisseur de cette même chose, doitdevenir cette Connaissance afin d'atteindre à la Vérité Absolue; telcelui qui veut connaître l'existence, doit cesser d'exister afin d'enacquérir le sens véritable. Telle est la finalité de toutes vérités.

L'Esprit Unique (Dieu), n'étant pas un "Soi", un "Moi", un "Ego", nepeut se voir lui-même. Il n'est ni une chose, ni un objet de perception, niun amalgame de consciences éparses, tel que celui de l'esprit

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microcosmique, aussi, il ne peut savoir qu'il est. Sa véritable Nature estde connaître et non d'être connu. Il n'est pas séparé des autres choses,ni n'est en ceux-ci. Rien ne le possède. Il Est ce qui possède Tout.

Soudain, un éclair venant de nulle part zébra son horizonincertain. Il ne pouvait dire si celle-ci venait du haut ou du bas.L'espace et le temps n'avait plus aucune existence intrinsèque.Cependant, il avait ressentie dans tout son être, ou ce qui semblait êtreson être, la force de cet éclair qui venait autant du dedans que du dehorsde lui-même. Il était devenu le contenant et le contenu de cet espaceintangible et impalpable. La voix sans voix, claire et précise, continuason monologue, ignorant cette lueur brève et éclatante.

L'existence se manifeste comme les vagues d'un océan. L'état naturelde la mer est une masse d'eau immobile et uniforme. Lorsque cettemasse est troublée par le vent, le mouvement naît et les vaguesapparaissent. Ces vagues produisent un autre mouvement qui créed'autres vagues. Compare ceci à l'état naturel de ton esprit qui est unemer calme, à ta pensée qui est le mouvement, et aux produits de tespensées, émotions, désirs et attachement, qui sont les vagues de cettemer troublée. Il est plus facile d'expérimenter l'état naturel de l'océan,sans vagues ni mouvement, car la transparence de ses eaux laissentfacilement entrevoir les fonds marins, sa vase et les débris qui y loges.Pour connaître véritablement ton esprit dans cet état de mer calme, tudois suspendre l'action de ta pensée, de ton imagination et de tesconceptions mentales. Ce qui restera sera l'Esprit dans son état naturelpur et sans tache, libre et sans limite.

Comme une image reflétée par un miroir, la somme totale de lanature irréelle de toutes les apparences phénoménales constitue leSamsâra. Fais l'effort de t'en libérer afin de découvrir l'apparenceréelle de ce qui se reflète dans le miroir de l'existence.

Dans l'Antiquité de ton monde, le grand Sage Plotin a dit;"Nous devons avancer dans le sanctuaire, y pénétrer, si nous enavons la force, fermant les yeux au spectacle des chosesterrestre. Celui qui se laisse égarer par la poursuite de cesombres vaines, les prenant pour des réalités, ne peut saisirqu'une image aussi fugitive que la forme incertaine, reflétée parles eaux et ressemble à ce jeune sot qui, désirant saisir sa propreimage reflétée dans l'eau, disparut emporté par le courant.

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L'esprit de l'homme est un reflet microcosmique de l'Esprit Unique,et, inséparable de celui-ci, il participe de sa nature vide et dépourvuede base. Pour comprendre ceci, tu dois par une pratique spirituellesincère et juste, atteindre l'état de "samâdhi". Alors, ton œil divin terévélera ce dharma sacré (vérité absolue).

Lorsque les ténèbres de l'ignorance sont dispersées par la lumièrede la Sagesse Divine, toutes les apparences illusoires sont dissipées,comme le brouillard de l'aurore au lever du soleil.

Ce qui donne au monde son aspect illusoire de réalité, c'est un fauxconcept siégeant dans l'esprit mondain de l'homme, selon lequel lemonde est réel. Lorsque ce concept est déraciné par l'esprit tranchantd'une compréhension de la vrai nature de l'esprit, et que l'union sacréde l'esprit microcosmique s'unit avec l'Esprit Macrocosmique, alorstoutes choses apparentes des phénomènes Samsariques s'évanouissentdans le néant et cesse d'exister. Seul demeure la Vacuité primordiale etnon-différenciée, qui est la place originelle de chaque chose et dechaque apparence.

Les degrés de "l'ignorance" sont multiples, mais celui de la Réalitéest originellement Unique.

L'essence véritable des choses ne sont pas les phénomènes visiblesmais les noumènes dissimulés. Derrière le décor de l'abstrait et duconcret, est le domaine des idées et l'Esprit Unique, l'unité cohérentede toutes choses concevables, abstraite ou concrète, "shunyata" ouvacuité, ineffables et non-différenciées.

Le monde découle d'une pensée et n'est qu'une idée. Lorsque l'Espritcesse de penser, le monde se dissout. Seul demeure une grandebéatitude indescriptible. Lorsque le même Esprit recommence à penser,le monde renaît de ses cendres et la souffrance reprend ses droitslégitimes karmiques. Il ne tient qu'a toi de trancher à la source cettefausse conception de l'existence idéalisé.

Un coup de tonnerre monstrueux accompagna un autre éclair vifet aveuglant, zébrant dans le Tout et le Nulle-part. L'intrus n'interrompitpas le flux du monologue intangible. Malgré l'éclair zigzagant dans saconscience éclaté, il ne perdit pas sa concentration sur les révélations del'impalpable intangible.

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La matière est la quintessence même de l'énergie mentale,phénomène qui est à la base de la création de l'Univers avec sesmillions de galaxies et ses milliards d'étoiles. Celui-ci découle d'unepensée Unique, d'une Intelligence incommensurable provenant del'Esprit Unique Cosmique. Ce mystère découlant de l'union des trois-kaya (les trois corps divin) est difficilement compréhensible pourl'esprit de l'homme prisonnier du Samsâra.

Néanmoins, sache que l'Esprit est l'essence Primordiale danslaquelle, trois aspects Divins sont Unique. Le premier aspect est le"Dharma-kaya" [l'Esprit est incréé et participe de la vacuité]; lesecond aspect est le "Sambhoga-kaya" [L'esprit est vide et radieux parSoi] et le dernier aspect est le "Nirmana-kaya" [L'esprit est non-obscurci et brille pour toutes les créatures vivantes].

Je t'ai dévoilé le plus grand de tous les mystères; chaque jour deta vie, médite sur celui-ci. Il t'apportera Sagesse et Connaissance.

Il n'existe aucune distinction entre l'esprit et la matière. Seulel'ignorance de l'homme est la cause de cette méprise et n'apparaît qu'enconsidération du "fini" dans le Samsâra, le cycle infernal des vies etdes morts successives. Originellement, toutes choses ne sont ni esprit nimatière, ni sagesse ni ignorance, ni existantes ni inexistantes, mais sontavant toutes choses, indescriptibles, indéfinissables, et inexprimables.Renonce à comprendre ce qui est incompréhensible. Tu témoignerasainsi que tu as atteint une grande Sagesse.

L'Unité est la nature qui engendre toutes choses, mais n'est aucuned'elles. L'Unité n'est pas une quantité, ni une qualité, ni intelligence, nistable, ni mobile, ni une chose particulière. L'Unité est le sans-forme,car elle est au-delà des apparences, du mouvement ou de la stabilité.L'Un ne peut être énuméré avec quoi que ce soit d'autres, même pasavec l'unicité. Il ne peut être quantifié d'aucune manière, car il est lamesure sans être lui-même mesuré.

L'incapacité de l'homme à écrire ses lois à la lumière de la SagesseDivine font qu'il perpétue ainsi la guerre, la souffrance et l'injustice.Afin de garder la cohésion de la Société, il viole les droits les plusélémentaires de ses membres les plus démunis et les plus vulnérables.Ce qu'il sème dans les cours de justice et sur les champs de batailleproduit toujours de nouvelle récolte. Ses semailles continueront jusqu'àce qu'il ait reconnu individuellement et collectivement, l'imperfection

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de ses lois comparé avec la loi Supérieure de l'Unité Divine de toutechose, qui exclut tout racisme ou division des êtres. Après plusieursmillénaires, en dépit des révélations des Saints, Sages et Bouddhas,l'homme n'est pas meilleur ni plus fraternel et l'ignorance (avidya)justifie encore le combat des Boddisattva qui demeure inébranlable.

Aucune chose vivante n'a d'existence individuelle comme l'a affirméle Bouddha. Cependant, toutes choses sont en union éternelle etinséparable avec la Toute conscience universelle. La seule vraie réalitéest celle de l'Esprit Unique dont tous les esprits microcosmiques sontdes parties illusoires. Chaque chose concevable est à la racine idée etpensée provenant de l'Esprit.

La voie du pèlerin véritable est celle ou il renonce à son "Soi", et àla vie mondaine, afin de parvenir à la connaissance du Soi au-delà dusoi, le Soi de Tous, l'Esprit Unique par delà l'esprit. Cette existence estmentalement incompréhensible à celui qui n'est pas illuminé.

Les pensées non-contrôlées sont comme une jolie femme s'admirantdans un miroir. Celle-ci ne conduit pas à la Sagesse qui découle de laconnaissance spirituelle. L'action découlant de cette pensée, produitdes fruits amers. Ainsi, des causes primaires naissent les causessecondaires, formant ainsi une dualité illusoire. Connais cette vérité!

Le souvenir des désirs passés nous charment comme l’arc-en-cielaprès la pluie. Ne t'y attache pas, car cette sensualité est comme lesrides à la surface d'un étang; fugitifs et trompeurs.

Tel le vol d'un oiseau, goût et dégoût ne laisse pas de trace dans leciel. Ne t'attache pas à ces expériences qui sont comme les nuages,toujours changeants selon les expériences mondaines ou sensuelles.

Ce n'est qu'en pacifiant les opérations mentales de l'esprit mondainque tu peux atteindre à la compréhension de l'Esprit. C'est seulementlorsque le monde objectif s'est évanouit que tu peux appréhenderl'esprit dans son vrai état, celui de sa nature calme et paisible.

Tu pense que la joie et les peines proviennent de causes opposées.Cependant, rappelle-toi que la cause et la racine de cette causesommeille en toi-même. Si jamais ta foi te pousse à ignorer cette vérité,

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médite sur les résultats Karmiques de ta destiné. Soit toujoursl'observateur vigilant, qui observe l'observable.

L'état de bouddha ne provient pas de l'effort extrême mais del'apprentissage de l'équilibre entre Sagesse et Connaissance, créantl'harmonie dans les trois temps.

L'homme citadin, bien enfoncé dans sa vie mondaine et le confort dela ville, se croit en sécurité. Cependant, un feu de foyer se déclare etconsume toute la ville. Cette cité est celle de la nature mondaine,enflammé par les feux de la convoitise, de la haine et de l'ignorance,dans laquelle le citadin se croit à l'abri de tout mal.

Au-dessus de la rivière tumultueuse des naissances, de la maladie,de la vieillesse et de la mort, il n'existe pas de pont. Dès aujourd'hui,applique-toi à construire le vaisseau pour la traverser.

Dans les mondes Samsârique, tous les phénomènes découlent del'esprit. Sans l'esprit, l'existence objective ne peut être. N'ayant aucuneforme, l'esprit ne peut se voir lui-même. Tous les phénomènes sontcréés par des notions imparfaites provenant de l'esprit fini. Semblable àun miroir, toute existence sont comme des reflets, sans aucunesubstance sur quoi s'appuyer, et ne sont que des fantômes de l'esprit.Quand celui-ci agit, toutes sortes de choses se produisent. Quand celui-ci cesse d'agir, toutes ces choses s'évanouissent dans la vacuité.

La Sagesse Divine de l'Esprit ne peut être connue que dans l'étatréel d'éternité, car, celui-ci est son propre temps. A aucun moment,l'Esprit Unique n'a eu d'origine et n'aura de fin; étant éternel, il ne peutêtre connu en terme de temps. L'Esprit de l'homme ne peut connaîtredans sa globalité l'Esprit Unique supra-mondain.

Tu te demande ce qu'est le Nirvâna! Écoute avec attention mesparoles de sagesses. Lorsque l'ignorance est détruite et déraciné à saracine même, l'esprit prend son envol vers une véritableindividualisation. Comme il n'est plus troublé par l'ignorance, il abolila particularisation du monde environnant. De cette façon, lesconditions et le principe de la souillure, leurs sous-produits et lestroubles mentaux sont tous abolis. Alors, on appelle l'état qui s'ensuit,le Nirvâna ou toutes les manifestations spontanées de l'activité peuventêtre accomplies sans peine. Les idées fausses cessent alors de

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prédominer, le monde objectif antérieur cesse d'exister, les forcesnaturelles cessent de se produire et les pouvoirs artificiels de l'esprit del'homme cessent d'exister. Ceci est la transmutation de l'esprit del'homme en l'aspect Infini et supra-mondain. Cet état ou les forces de lavéracité travaillent seules, se nomme le Nirvâna.

L'Esprit de l'Homme est la racine de toutes les qualités. L'EspritIncréé primordial est dépourvu de toute qualité et est au-delà desaffirmations. L'Esprit d'origine est vacuité non-différencié et iltranscende les attributs Samsariques.

Les hommes se rencontrent sur la place du marché et conclues desaffaires, puis, lorsque tout est terminé, ils se séparent. Ainsi en va-t-ilde tes parents et de tes amis, qui sont des visions séduisantes et desmirages trompeurs; brise ce lien de l'attachement et tranche le nœuddes sentiments. Il en est de même avec ton pays et ta communauté, qui,tout comme un campement de nomades ne sont que transitoires sur lesentier vers l'éveil et la libération de la condition humaine.

Ne te moque jamais et ne doute pas de la Loi Karmique. Celle-ci estentièrement impartiale, juste et sûre, et sera infailliblement efficacejusqu'à la fin des temps. Aussi, abstiens-toi toujours de la plus petiteaction injuste, même bénigne. A coup sûr, celle-ci germera uneconséquence que tu devras expier, tôt ou tard.

Tel le soleil dont la nature est connu sur Terre grâce auréchauffement de ses rayons, l'Esprit de l'homme est au-delà de lanature, mais il se révèle dans des formes corporelles. Pourcomprendre la nature de l'Esprit Unique que tu nomme Dieu, tu doisinhiber toutes les facultés de ton esprit microcosmique humain. Ce quipense n'est pas pensé, mais ce qui possède la pensée. Dans ce quipense, se révèle la dualité, mais dans le principe Un, l'Esprit Unique,nul dualité ne peut exister.

Consacre-toi le plus ardemment possible, au sentier du Dharmasacré et au service de tes semblables. Parce que, de quelque manièreque ce soit, le destin se chargera de t'apporter vêtement et nourriture.Tes sentiments d'insécurité sont aussi impalpables qu'une brised'automne et ne change rien à ton futur, puisque celui-ci n'est pasencore né. Aie la foi et la confiance en ta destiné sacré.

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Lorsque naît les passions séduisantes, protège-toi avec le bouclierde la Sagesse Divine qui enseigne leurs natures transitoires etillusoires.

Pour réalise l'expérience spirituelle qui te conduira à l'éveil ou à lalibération Samsarique, le savoir ou la culture n'est pas essentielle.Pour celui qui a compris de lui-même la vérité, les explications ettentatives de description sont toute à fait inutile. Pour décrireconvenablement le goût réel du miel, il est mille fois préférable d'ygoûter.

Toutes les choses que tu peux concevoir sont, en dernière analyse,Esprit, conçue par lui et retournant en lui. Donc, seul l'Esprit existe etest une réalité. Tout le reste n'est que fumée d'illusion et même leschoses objectives comme le Samsâra et le Nirvâna font partie de cemonde des apparences et sont dans leurs essences, l’Esprit. Tous lesthèmes que tu utilise pour décrire ces choses ou ces états, ne sont enréalité, rien de plus que des symboles que tu as imaginés avec tonmental. Aucune différence n'existe entre le Samsâra et le Nirvâna, carceux-ci n'ont pas d'existence propre, autre que "per se"; seul subsiste laquintessence de l'Esprit. Même cette description que je te donne n'estqu'un concept mental imparfait découlant du Samsâra et n'est donc pasla Vérité Absolue.

Pendant ta jeunesse et l'âge adulte, pratique l'austérité et lapatience, car, lorsque tu seras vieux, il est très difficile de changer seshabitudes qui ont pris racine dans notre être inconscient.

L'esprit individuel ne possède pas de caractéristiques Samsariques.Cependant, toutes les choses qui sont nées et qui viennent à l'existence,étant Samsariques, sont transitoires, irréelles et illusoires. Seule laQuintessence transcendant la forme, l'existence, la naissance et l'être,ne possède pas l'attribut Samsarique. La Quintessence ne connaît niforme, ni limitation, ni condition préalable. Incréé, ton Esprit estsimple et naturel, mais ne participe pas de la Nature. Il est au-delà decela, étant d'une nature non-samsarique. Ce qui à été engendré etformé, peut aussi être dispersé et détruit. Seul ce qui est au-delà de laforme et de la création peut transcender ceux-ci. Ainsi, la Quintessenceet la Sagesse Naturelle est supérieure à l'état d'existence, car elle estl'Unité incréé de toutes existences.

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Reste détaché des amitiés qui égarent et qui tendent à te rendresemblable à eux-mêmes en te volant, tel un subtil cambrioleur, ce quifait ton unicité naturelle. Recherche plutôt la présence de compagnonsqui cheminent sur le sentier du Dharma. Aie une confianceinébranlable en la Sagesse et en ceux qui l'appliquent dans leursquotidiens.

Rappelle-toi toujours que les pensées indisciplinés sont plusnombreuses que les grains de sable d’une belle plage festival.Quelques-unes d'entre elles, naissent des conceptions d'écoulant del'ignorance, d'autres de l'ignorance des sens provenant de désirsimpulsifs, et d'autres de mauvais concepts mentaux. Difficile àdistinguer, elles ont de subtiles différences que seul les bouddhaspeuvent distinguer. Applique-toi dès maintenant à être le gardien, lejuge et le bourreau de tes propres pensés.

Aussi longtemps que tu resteras attaché aux apparences trompeuses,tu ne pourras les transcender. Ne t'attache pas à la roue Samsârique,car, telle une plume d'oisillon ballottée par une faible brise tu tepromèneras de vie en vie, prisonnier de ce cercle infernal qui ne mènevers aucun but véritable.

Il est indigne de se rebeller contre ses propres ennemis, car ceux-cisont le résultat de nos propres actions, tels des vieux vêtementsentreposé dans les placards du grenier. Rejette tes pensées devengeance et de tort, car ceux-ci ne peuvent que t'être préjudiciable.Tel qu'enseigné par le Bouddha, transmue cette haine par le pouvoir dela compassion et de l'amour.

La réalité, pour être reconnue comme telle, doit être dépourvue dedépendance à l'égard d'une chose extérieure à elle-même, comme,l'Esprit Unique, pour être réel, se doit d'être dépourvu de racine etd'origine. Rien d'autre que l'esprit mondain n'est concevable etcompréhensible lorsqu'on aborde le sujet de la réalité réel.

L'au-delà de la vie est l'autre versant où l'énergie universelle del'Amour Divin s'écoule librement, te pénètre et te donne un corps subtilsemblable à un habit de lumière, personnifiant l'étincelle même de lavie éternelle.

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La lumière de la Lune est une illusion, car c'est le reflet indirect dela lumière du soleil. Il en est de même de l'esprit mondain et de l'EspritUnique. La fonction naturelle de l'esprit de l'homme et de l'EspritUnique est de penser, d'imaginer, puis de concevoir cette vision dans laréalité objective. La cathédrale du moyen âge est le produit de l'espritde l'architecte, comme l'Univers est le produit de l'Esprit Unique. Unrêve est pour le rêveur ce qu'un château est pour l'esprit créateur. Toutce qui est perceptible samsariquement, a été conçu par l'esprit, dansl'esprit, nulle par ailleurs. Saisie cette vérité éternelle!

Rejette les affaires mondaines et le temps consacré aux opinions etbavardages inutiles qui sont comme des mauvaises herbes dans unjardin potager. Cultive plutôt les prières de refuge qui purifient tessouillures de la parole passée, les pèlerinage et les retraites quipurifient tes fautes du corps, la foi humble et la dévotion pure quinettoie ton esprit des pensées injustes.

Cultive le calme d'esprit, mais ne te laisse pas envahir par laparesse trompeuse. Tire ta force du non-obstrué, du non-retenu, etlaisse le courant s'écouler naturellement, sans imposer ni suppressionni indifférence de ta part. Ne supprime pas tes tendances passionnéesou tes pensées indésirables par la force excessive découlant de tavolonté. L'origine de ces tendances, découlant généralement du karmapassé, doivent être analysé afin d'être déraciné par la lance de latranscendance et de la transmutation qui ne connaît ni obstacle nifrontière.

N'aspire pas au pouvoir mondain qui corrompt et qui est souvent lacause d'une forte accumulation de karma négatif, occasionnant parfoisune renaissance malheureuse dans les royaumes inférieurs. N'aspirepas à la richesse ni à la gloire mondaine; celle-ci est souvent caused'avarice et d'égoïste. Impartialement, soit généreux et fais l'aumône àchacun sans écouter les bavardages de ton intellect qui juge etcondamne. Soit brave de cœur et fixe ton esprit sur le Dharma sacré.

La mort est un passage unique; cependant, aucune mort neressemble à une autre. Rappelle-toi que le lendemain de ton décès,personne ne pourra t'aider. Aussi, cultive dès maintenant ton Amour etta Sagesse, afin que ce prochain voyage ne soit pas une période dechagrin et de culpabilité. Le Bouddha à affirmé que la générosité ducœur était une cause certaine d'une renaissance heureuse lors d'une

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prochaine migration. Soit donc opportuniste spirituellement et investiedès maintenant. Quotidiennement, faire un seul acte d'amourdésintéressé, te garantira une arrivé heureuse lors de ce nouvel arrêtde voyage.

Dans l'Esprit du rêveur, il y a le passé, le présent et le futur. Il y al'espace et le temps. L'esprit est Un, la conscience est Une; lorsquel'esprit cesse d'être l'Un de toutes choses et apparaît comme le multiple,alors se produit le sommeil, le rêve, l'état de veille, la naissance, la vieet la mort. Tous ces divers états de la conscience sont la manifestationdu Samsâra, la source de toutes les illusions.

Ami, sache que la libération du bien et du mal s'obtient par laconnaissance de l'Esprit. Cette dualité est fondamentale, car, d'elledécoule toutes les autres dualités, même celle du Samsâra et duNirvâna. Tant et aussi longtemps que tu restera attaché aux apparencesdualistes, tes pensées et tes actions n'auront pour résultats rien de plusque des états après la mort, tel le bonheur céleste ou les souffrancesinfernales des mondes inférieurs, et ton retour une fois encore dansl'existence cyclique du Samsâra.

Dès que tu sais que ton propre esprit participe de la Nature dela Sagesse et de la Vacuité, alors, les concepts de bon ou de mauvaisKarma cessent d'exister. Regarde une journée de pluie; dans les nuagesdu ciel, il semble il y avoir une fontaine d'eau qui fournit toute cetteaverse; pourtant, en réalité, cela n'est nullement le cas. Il en est demême avec le bien et le mal qui n'ont aucune autre existence que cellede la Vacuité. Comme toutes les dualités, ces concepts mentaux sontinconcevables hors de sa source ultime, l'Esprit Unique. Dans lavacuité de l'Esprit Unique, cesse toutes les autres dualités. Méditeprofondément sur cette vérité, car parfois, il est difficile d'en saisir tousles tenants et les aboutissements. Prie ton Guru et les bouddhas afinque ceux-ci te dévoile l'ultime vérité.

Il entrevit un dernier éclair fugace bleu d’azur, avant que nes'éteigne la voix de l'intangible dialogue. Sa pensée concentrée surautant de révélations se révolta et refusa de garder le silence.Faiblement, elle émit ce commentaire étrange;

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À la tortue j'ai demandé,en quoi est donc faite ta carapace?Celle-ci m'a répondue,en craintes et peurs accumuléesdepuis des millions d'années.Il n'y a rien de plus duret de plus tenace.Même le diamant ou l'acierne peuvent les surpasser!

Ceci fut les dernières paroles énigmatiques qui firent écho à cetétrange dialogue, avant de sombrer dans un océan de calme et de bien-être, sans aucune action ou pensée pour venir troubler son bien-être.L'heure du repos avait-il donc sonné?

--- Eureka! …cette courte méditation de calme lui apporta unerévélation surprenante; il savait intuitivement que ce dialogue étrange etcette brume mystérieuse était son subconscient secret qu’il avaitaccumulé pendant des milliers de siècle passés et de nombreuserenaissance dans la forme, faisant office d’école pour son EspritUnique. Malgré tout ces acquis philosophique, il n’avait pu atteindrel’éveil car il avait échoué à intégrer celle-ci à son être véritable.

La Voie Lactée avait disparu, les océans s'étaient figés, lesfeuilles et le vent avait cessé de souffler, les fleurs avaient perdu leursparfums, la table d'hôte s'était évanouie. Même l'air frais du matin et lachaleur du midi avait cessé d'être. C’est à ce moment précis qu’ilsombra encore une autre fois, dans le néant.

Le reflet de l'Univers dans la conscience de l'homme est lefondement même de sa force, si celui-ci adhère au principe du bonheuret de la liberté, en trouvant chez l’autre, ce qu'il a découvert en lui-même. Gnothi seauton…

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Deuxième partie

Le terrible Bardo

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Reprenant ses sens, il fut incapable de faire le moindre geste. Ilse sentait impuissant, enchaîné dans une substance cristallinetranslucide, qui l'empêchait de faire le moindre petit mouvement. Dansun sifflement aigu, un éclair jaillit de nulle part, zébra un espaceinconnu et l'accompagna d'un bruit de tonnerre infernal qui fit vibrer laplus petite de ses cellules nerveuses. L'orage devint de plus en plusagressive, faisant danser de peur, le bruissement des feuillus alentour.Des montagnes de flammes crépitèrent tout alentour de lui, glaçant lesang dans ses veines.

A la verticale de sa vision, il entrevit lors d'un nouvel éclair,deux immenses têtes de serpents qui s'entrechoquèrent par unenlacement de leurs écailles métalliques. De nouveau, une lueuraveuglante l'enserra dans ses serres et il vit tous les objets inconnus quil'entourait, frémir et vaciller avant d'émettre un halo de lumière irisée.

Paralysé, il baignait au sein d'une sorte d’éthers mystérieux quil'opprimait de corps et d'esprit. Toutes ses tentatives pour commander àson corps un mouvement, si minime soit-il, fut un échec. Une puanteurmonstrueuse oppressait sa poitrine. Ses courtes respirations absorbaientles rares bulles d'oxygènes qui flottaient encore dans l'étroit espacecristallin. Ses veines gonflées à bloc et ses nerfs mis à vifs, secontractèrent dans un spasme d'angoisse indescriptible, au sein de sageôle inconnu.

Malgré sa totale paralysie, il gardait encore sa consciencelucide. Cependant, ses pensées ne semblaient pas dépasser la frontièrede cette prison de verre mystérieuse. Abasourdie par la répétition de ceschocs lumineux et de leurs résonances inharmoniques, il tomba dansune sorte d'hébétude qui l'empêchait de percevoir les penséesintelligibles issues de son esprit. Après un temps insondable, où lebourdonnement était devenu démentiel et confus, il s'écria fou de rageet de désespoir "Ahhhhhh!…" puis, il rugit comme un lion affamédepuis des siècles " Roarrrrr…" . Alors, il sentit le cristal faiblir puis sedissoudre dans la vacuité. Subitement, il s'éveilla de ce qui semblait êtreun cauchemar et se vit assit sur un grand fauteuil de cuir derrière ungrand bureau noir ébène. La pièce où il se trouvait semblait être unebibliothèque luxueuse, un fumoir d'une autre époque. Plusieurs peinturetapissait les murs, mais il n'en reconnut aucune. Au centre de la pièce, ilvit un beau buste de bronze posé sur une colonne de marbre vert. Il s'yapprocha afin d'en distinguer le visage et voulut le saisir, lorsque

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soudainement, la figure métallique lança une hideuse fantasmagoried'éclairs bleuâtres et grimaça dans un effrayant rictus de hainecolérique. Instinctivement, il recula d'effroi et s'appuya au dossier de lachaise faisant face au bureau. Celle-ci se métamorphosa en unmonstrueux serpent vert qui l'enlaça dans ses anneaux de plus en plusserrés et il sentit ses os s'émietter dans un affreux craquement. Alors, ilvit le sang gicler de ses veines gonflées et couvrir tout le serpent vert detaches rouges claires. Redressant la tête immense, le serpent lui fit faceet planta ses crocs acérés dans sa poitrine immobile. Aussitôt, il sentitune douleur fulgurante déchirer l'artère de sa vie.

Il sombra dans un état léthargique entre la veille et le sommeil.Il vit des immenses pierres se détacher subitement de la muraille ettomber dans un fracas indescriptible sur le sol ou il était étendu. Il vitune ombre humaine s'approcher et se pencher sur lui. Ses yeuxbrillaient avec ardeur, ses cheveux était court sur son front, mais il avaitd'immense sourcil qui faisait apparaître moins important, un immensenez crochu semblable au bec d'un vautour affamé. Son visage ridé,horrible et bizarre n'était rien comparé à l'étrange manière dont il étaithabillé. Une grande cape rouge vermeil, garni d'or et d'argent,recouvrait ses épaules musclées et formait des plis bouffants. Un largechapeau français de couleur noir feutrée, de la période Napoléoniennecouvrait toute sa tête. Celui-ci portait en son centre une immense plumerouge sang, porté en travers du chapeau qui pointait vers le sol,semblant dire "tu es condamné". Il portait, non un mais deux fleurets,qui semblait être aiguisé pour la chirurgie et non pour la guerre.

Le vilain personnage s'approcha aussi près de son visage, qu'ilpouvait distinguer l'émail jauni de ses dents décharnées. Alors,soufflant dans son oreille, celui-ci lui dit "eh bien l'ami, commenttrouves-tu notre cachot? ".

Vilain temps, s'écria-t-il! Il pensa; y a-t-il une puissance qui peut résister au trépas ?

Ni l'un, ni l'autre, n'entendait le mugissement sourd de l'orage, niles cris effrayés des mouettes dans leurs vols incertain. Cet ouraganproduisait dans les longs corridors du château, des sifflements aigus etdes plaintes enfantines qui se répercutaient impétueusement jusqu'à soncachot qui était situé au deuxième étage du donjon. Parfois, la lueurblafarde de la lune et les éclairs s'immisçaient en hôte dans son obscur

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geôle. Le spectre à la cape rouge s'éloigna dans un grand rictus dejouissance, sans même lui expliquer la raison de sa présence. Pendantun instant il resta calme et silencieux, tentant ainsi de découvrir parl'ouïe, ce qu'il était devenu. Seul le bruit de l'orage et le crépitement dela pluie sur le toit de bronze du donjon parvenait jusqu'à lui. Il sentitune vague d'angoisse s'élever vers sa conscience de veille et, fou deterreur il tenta de se libérer de ses chaînes métalliques enserrants sespoignets et ses chevilles. Celle-ci rivé à même le sol refusèrent decoopérer et c'est ainsi qu'il retomba inerte sur le plancher, totalementépuisé.

Soudain, sans aucun avertissement, d’autres flammes bleuesapparurent dans les intercisses entre les pierres du cachot, et bientôt,toutes les parois en furent recouvertes. Il sentit une bouffée de chaleurétouffante et étourdissante l'entourer telle une tornade dansant une valsemaléfique. Tout à coup, le plancher se déroba sous lui et s'écroula sibruyamment que tout le donjon en trembla sur ses fondations. Destorrents de flammes agiles s'évadèrent de ce gouffre béant, d'autress'élevèrent dans les airs par la force de l'air chaud, en pétillantjoyeusement, elles attaquèrent tout le voisinage du château. Tel unearmée de barbare Huns, elles envahirent le village des paysans et laforêt de conifère précieux qui faisait la fierté des habitants de la région.La toiture du donjon s'était déjà écroulée, toute la charpente était enflamme et seules quelques fortes solives de l'étage supérieur résistaientencore à l'attaque rougeoyante. Les flammes qui s'élevaient de plus enplus hautes lui dérobèrent toute vision panoramique derrière l'apparencetrompeuse des choses.

L'horreur et l'effroi, le désespoir et la peur, se pressait toutcontre lui, tel une amante en chaleur. Des figures grimaçantessemblaient guetter les premiers sons qui sortiraient de sa bouchecrispée. A l'horrible cri de terreur qu'il poussa, il se réveilla baigné desueur, prêt à s'évanouir de nouveau, mais il résista vaillamment.

Ô mon Dieu, qu'est-ce qui m'arrive, s'entendit-il prononcé?

Éperdu d'angoisse, transi de peur, il prit la fuite à travers levillage en feu, franchi les portes de la ville et s'élança dans la froidenuit, courant à perdre haleine, seulement éclairé par la pleine lune quiprojetait ses ombres menaçantes à chaque détour du chemin rocailleux.

Bientôt, il atteignit un carrefour au centre duquel brûlait un feu

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de bois. Celui-ci siégeait au centre d'un grand trépied métallique quisoutenait un immense chaudron noir ébène. Dansant autour de cettebouilloire ancienne, il crut entrevoir trois vieilles femmes nainesdécharnés et hideuses.

Est-ce que je rêve, se demanda t-il?

Délicatement, sans faire de bruit, il s'approchât de ce simulacred'une veille de Sabbat. Alors, il vit avec horreur le détail de ces visagesratatinés par la haine et l'orgueil, de ces nez crochus par l'avidité, deces minces bouches édentés aux rictus décharnés par la froideur ducœur. Il remarqua qu'elles avaient toutes des yeux verts luisant malgréla noirceur profonde de la nuit. Les sorcières dansaient autour duchaudron noir avec une grande frénésie et d’étrange geste. Leurscheveux en broussailles voltigeaient autour d'elles dans une cadenceinharmonique répugnant à la mélodie magnifique des hommes decultures. Leurs vêtements déchirés et mal rapiécés laissaient entrevoirdes seins sans vie, pendant bas la poitrine, et une peau repoussantejaunie comme un vieux parchemin. Un gros chat de gouttière aux yeuxoranges feux les suivaient dans cette danse macabre en lançant parfoisdes cris et des miaulements épouvantables qui vous glaçait le sang.

Soudainement, le gros chat sauta dans les airs et plongeadirectement dans le chaudron bouillant. Disparaissant de sa vue, il vitl'eau et le feu se mettre à crépiter, à siffler et à pétiller. Les troissorcières dansèrent et gesticulères encore plus rapidement tout enlançant des cris affreux. De l'immonde écume bouillonnante apparuemilles figures immondes s'évanouissants tour à tour en un mouvementincessant et angoissant. Parfois, c'était des bêtes fantastiques singeantles expressions humaines et à d'autres occasions, c'était des faceshumaines tentant vainement d'échapper à la forme animale qui lespénétraient en une lutte sans merci. Les sorcières se jetèrent par terre ense convulsant dans tous les sens, enfonçant jusqu'au sang dans leursmamelles immondes, leurs ongles crochus et leurs doigts osseux.

Un bruissement d'ailes se fit entendre derrière lui. Il se tournabrusquement et vit un immense vautour qui l'examinait d'un regardspectral et froid. Celui-ci ouvrit le bec tout grand et éjecta une vapeurfétide qui l'enveloppa complètement. Alors, il s'affaissa dans unfrémissement glacial, perdant une grande part de sa conscience deveille. Il eut alors l'impression de s'extraire de son propre corps, de se

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partager en deux parties égales, aux prises l'une avec l'autre. Par après,la miséricorde et la compassion apparurent sous la forme d'un coq quichanta en célébrant haut et fort, une nouvelle journée d'existence enplein jour.

Seul et épuisé, évanoui sur de la pierraille servant de couvert augrand chemin, il resta là, immobile au bord de la grande route. Malgréson épuisement, il se traîna hors de la route jusqu'à un taillis voisin où ils'endormit profondément.

Réminescence

Il fit des rêves sans substance, perdu dans un brouillard remplid'oubli et d'inconsistance impalpable. Le temps et l'espace avait cesséde battre à l'unisson de la vie. Finalement, il sentit qu'il s'extirpait de cetinstant d'éternité.

Il ne reconnut pas l'endroit où il se trouvait, ni les arbresgigantesques et la végétation qui l'entourait. Et pourtant, il savaitintuitivement que cet endroit ne lui était pas inconnu. Il ressentait qu'ilavait reculé dans un temps si lointain, qu'aucun repère ne pouvait l'aiderà identifier ces montagnes, ces rivières et cette vallée.

Très haut dans le zénith, le soleil dégageait une chaleurétouffante et les petits torrents des collines commencèrent à chantergaiement à travers les pierres de leurs lits calcaires. Finalement, lesheures passèrent et la température devint encore plus chaude, puis lechant des eaux augmentèrent d'intensité, leurs débits grossissant sanscesse. Plusieurs semaines s'écoulèrent, et comme la chaleur ne cessaitde croître, ces torrents des hautes montagnes grossissaient à vue d'œil,charriant des eaux de plus en plus bourbeuses qui se répandirent dansles basses vallées.

Les hommes des basses vallées virent leurs champs cultivésavec tant de peine, être envahi par les eaux marécageuses et lespêcheurs de coquillages au bord de la mer déclarèrent que les maréesmontaient mais ne redescendaient plus.

Par après, il vit les vents de la mer s'élever et transporter aveceux, de lourd nuages menaçants, chargés de pluie qui tomba sur les

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cimes des montagnes, faisant fondre les dernières neiges qui dévalèrentdes torrents de boue, emportant tout sur leurs passages. Huttes,animaux, culture et même les hommes qui étaient demeuré dans labasse-vallée, emplissait les cavernes pas très élevé par les immondiceset cadavres de ces malheureuses victimes de la folie d'une températuredéréglé.

Ce n'était pas encore fini, car les eaux de la mer montèrentencore et le rivage ne fut plus le même et les bateaux des hommes sefracassèrent sur les rochers où furent emportés au large, perdu dans lesgrandes eaux anonyme.

Par après, la terre eut comme un grand frisson et de gigantesqueraz de marée s'élevèrent de plusieurs centaines de mètres, ravageanttout jusqu'aux hautes collines, et sans arrêt, la pluie ravivait le soltrempé qui disparaissait en boue épaisse vers les vallées submergées.Les pluies elles-mêmes étaient chargées de boue, de cendre de laves devolcans qui avaient été dispersées dans les airs et qui retournaientmaintenant au sol mère.

L'étoile du nord n'occupait plus tout à fait la même position,quand, parfois il pouvait la distinguer parmi l'accumulation de nuéesqui pesait sur la Terre. Les cendres des volcans et les lavesrougeoyantes comblaient les vallées où périssaient hommes et bêtessauvages. Seuls ceux qui avaient pris refuge, dès les signesannonciateurs de la catastrophe, sur les plus hautes collines,survécurent. A la fin de ces temps de fin du monde, une vie socialerudimentaire avait survécu, mais avait presque tout perdu et tout oubliéde leurs passés. La plupart des cavernes sacrées ou s'étaient élaboré lerituel de l'ombre, la grande maîtrise de l'homme sur la nature, avaienttous été envahie par les eaux enragés, le ciel sans lune et la mer.

De nouveaux cours d'eaux tracèrent leurs routes sinueuses dansla boue des vallées. Par la loi de la pesanteur, les eaux issues de la fontedes glaces s'en sont allées vers les mers dont le niveau avait monté deplusieurs dizaines de mètres. Par le fait de l'accroissement de la vitessede la rotation terrestre, ces eaux s'étaient ruées vers l'équateur et avaientproduit sur tout son pourtour, une sorte d'immense bourrelet.

Tout avait commencé par l'apparition d'une comète très vive quiavait frôlé la Terre. Celle-ci avait occasionné une grande chaleur qui

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avait brûlé, en certain endroit, même le sol. Au nord, les glaceséternelles avaient fondu, et plus au sud, les volcans de tous lescontinents s'étaient éveillés de leurs longs sommeils. Par la suite, avaitapparue le grand déluge qui avait remodelé toutes les terres qui avaientpu en réchappée. Des centaines d'espèces animales avaient presquecomplètement disparu de la surface de la Terre. Le trois-quarts del'humanité avait aussi disparu tel un feu de paille.

Sa vision ultra-lucide lui avait montré cette dernière image, suiteà ses interrogations existentielles, lorsque subitement, tout le décor deson esprit changea radicalement.

Il regardait les bombardiers de nuit, ces grandes ombres grisesqui transportait la mort mais qui le fascinait avant tout. Il voyait le cielcoloré par l’explosion multiple des fusées rouges et vertes et tel unartiste s'exécutant sur une toile gigantesque, il voyait des lignes fines etblanches apparaître, tracé par la trajectoire des balles traçantes et desobus. Il regardait les flammes qui suivaient en enflammant plusieursmaisons et bâtiments dans la ville. Les éclairs blancs des canons et lesgerbes bleutées de l'artillerie lourde qui répondait à cette symphoniemacabre étaient ce qui le fascinait le plus. Il avança péniblement parmiles roches de la rive et les débris de ce conflit, trébuchant parfois dansla noirceur subite d'un arrêt des hostilités avant de se relever etd'affronter de nouveau les obus qui sifflait en passant près de lui. Dansson cœur de petit orphelin abandonné, il y avait bien longtempsmaintenant qu'il côtoyait la mort et qu'il ne la craignait plus.

Il vit une petite entrée de sous-sol, isolé dans la pénombre,l'invitant à se reposer dans l'évasion par le rêve. Il pénétra dans cet antreobscur et tiède, s'assit par terre et s'endormit malgré le bruit des obus etles rafales de pistolet mitrailleurs. Il rêva à son père décédé qui lui fitun discours sous la forme d'une prose;

Mon fils, n'ait pas de peine, ne te décourage pas, et soitcourageux.

N'est-ce pas toi qui as choisit tes parents, le lieu et l'heure,l'année et ta nation, de même que le jour de ta naissance.Tu choisissais ainsi de traverser le baptême du feu,celui de l'eau et de la terre dans l’enfer de cette guerre.Mon fils, crois en la puissance des forces supérieures,qui firent se déchaîné toutes ces calamités,

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afin que tu puisse suivre ta destinéque tu t'étais tracés dans une vie antérieure.Mon fils, grave profondément en ton cœurCes paroles " Ô mon Seigneur, juste est ton jugement,aussi, de ma Russie natale brûlé par l'envahisseur,faites que mon malheur trempe mon cœur et mon âmedans le feu des profondeurs mystérieuses du courageafin que je sois purifier comme le cristalpuis renforcée comme la meilleur des aciersque j'offre en sacrifice à mon pays, à mes parents disparuset à mes amis morts ou vivant, emprisonné dans les sous-solsdes maisons de Stalingrad sous le feu de l'ennemi impitoyable.Ô mon Dieu, faites moi fondre comme le métalet que je devienne canon, obus ou mortier ".

Encore adolescent, il se souvenait mal de tout ce qui s'était passédepuis le début de cette guerre impitoyable. Une chose qu'il se rappelaitbien, c'était le grenier ou sa grand-mère l'avait caché pendant quelquesmois. Pendant combien de temps? Il ne s'en rappelait pas car il en avaitperdu la notion dans ces bouleversements d'une vie si incertaine etéphémère.

Dans le grenier de cette vieille maison de ville de trois étages, ils'était réfugié derrière une fausse paroi en brique que des voisinscharitables leurs avaient offerts. Plusieurs personnes qu'ils neconnaissait pas, des gens âgés pour la plupart, se terraient en silencedurant le jour, immobilisé par la peur d'être découvert et étouffé par lachaleur que les plaques de tôle ondulée du toit produisait dans legrenier. Lorsque la nuit venait, ils sortaient de leurs trou et prenait unpeu d'exercice dans les corridors supérieurs de l'immeuble. Encore là, lapeur régnait en reine car ils ne devaient faire aucun bruit révélant leurprésence aux autres voisins qui n'auraient pas manqué de les délater auxautorités allemandes. Aussi, il mettait plusieurs épaisseurs de bas delaine en guise de chaussette et ne s'adressait la parole qu'avec desmurmures en sourdine. Parfois leurs greniers sentaient le brûlé,conséquence indirecte du ghetto qui flambait.

Un jour, au petit matin, après des mois d'attente angoissé, ilsentendirent des aboiements de chiens hystériques et des bruits de pasferrés directement au-dessus d'eux. Les Nazis avaient passé directementsur le toit plat et cherchait leur précieuse cachette. Sur les murs, ils

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entendirent des petits coups de semonces qui auscultait les murs del'autre côté de leurs pièces. Alors, il entendit ces paroles qu'il nepourrait jamais plus oublier; "Asta! Asta! Who sind die Juden? ". Ladernière image qu'il avait gravé était celle de sa grand mère grimaçante,d'un silence de mort et de tous les yeux qui était écarquillés dansl'attente sordide. Après, tout s'était passé tellement vite qu'il ne s'ensouvenait plus.

Comme un vieillard malgré son jeune âge, il vivait dans le passéet il aimait s'en rappeler malgré les douleurs et les peines que celui-cilui occasionnait à chaque fois.

C'est ainsi qu'il se rappelait souvent le Collège privé ou sesparents l'avait placé et qui était réputé pour son sérieux et sa bonneéducation. Il se rappela un jour ou les étudiants de sa classe avaient àfaire une dissertation sur le bien ou le mal:

Existe-t-il un bien commun à tous ou bien celui-ci n’est-il aucontraire qu'une autre exclusion faisant partie de la longue liste deceux-ci ? Le bien de qui ou le bien pour qui ? En quoi consiste donc ceprécieux bien ? Est-ce que le mal est son contraire, ou bien est ce plutôtune chose que ceux qui prône leurs bien, ne peuvent accepter ? Le bienest-il immuable et permanent, ou bien le mal d'hier est le biend'aujourd'hui et vice et versa. Est ce que les sociétés des hommes ontévolués depuis des siècles, sur l'image qu'ils se font du bien ?

Au cours de l'évolution de l'humanité, les différents systèmesreligieux et moraux qui ont subsisté ou se s'ont éteint on conduit aurétrécissement de cette notion de bien. Celle-ci à plutôt bien servi lesobjectifs de pouvoir mondain des sociétés politique et religieuse demême que celle des biens nantis de ce monde. Le triomphe duchristianisme à exclus du monde vivant dans sa totalité, l'idée qui étaitproposé par le bouddhisme et les païens, du bien et du mal intrinsèqueen toute chose et ont remplacé celle-ci par le bien et le mal applicableuniquement au monde des hommes. Des siècles de guerres, decolonisation et de pouvoir ont fractionné celle-ci en bien et mal descatholiques, celui des protestant, celui des musulmans, celui desorthodoxes, celui du pouvoir politique, celui du pouvoir juridique, celuide la nation, de ta ville, de ta communauté, celui des blanc et celui desnoirs, celui des riches et celui des pauvres, celui des idéalistes et celuides pragmatiques, avant de se fragmenter encore en des sous-classesde bien ou de mal. Finalement, ce bien mena au triomphe d'une famille,

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d'un État, d'une classe ou d'une croyance et contribuèrent ainsi à créerdu mal au nom du bien de celui-ci. C'est ainsi, qu'au nom d'un idéal,d'une idée ou d'un concept de bien, les hommes firent la guerre etbeaucoup de sang coulèrent pour cette cause. Cette notion d'un tel bienest ainsi devenu un véritable fléau et causèrent un mal plus grand quel'idée du mal lui-même.

La lutte contre l’hérésie en France, en Italie, en Allemagne, etles tortures de l'inquisition, la guerre entre les protestants et lescatholiques, les persécutions contre la science et la liberté, lesgénocides de peuples entiers, les négriers coloniaux brûlant les villagesde nègre en Afrique; au nom du bien des nations ou d'une personne,ceux-ci firent plus de mal que le mal lui-même. Tout cela causa plus desouffrance que les criminels causant le mal pour le mal.

L'homme perçoit la vie comme une lutte entre le bien et le mal,cependant l'expérience à prouvé qu'il n'en a pas toujours été ainsi, carces même hommes ont au fil des siècles, découvert leurs impuissance àréduire ce mal. Des milliers de livres ont décrit comment vaincre lemal, et des dizaines de prophètes sauveurs ont établi les bases denouvelle religion qui prônait le bien contre le mal. Pourtant, au nom deces religions de l'amour, ont a exterminé des dizaines de milliers degens.

Qu’apportèrent à l'humanité ces doctrines de paix et d'amour?La cruauté de la vie a fait naître le bien dans ces adeptes brûlant dudésir de transformer le monde à l'image du bien qui sommeille en eux.Pourtant, ceux-ci n'ont pu empêcher la naissance de l'horreur Nazi etdu fascisme Allemand qui a plané sur le monde. Cette période degrande souffrance mondiale a fait que les cris de ses victimes et lespleurs de ses mourants ont empli l'air d'une odeur nauséabonde et ontpendant des années noirci le ciel et éteint le soleil par la fumée desfours crématoires. Tous ces crimes ont été commis au nom du bien "desNazis". Pendant la même période, en Sibérie, des milliers d'enfants depaysans déportés mourraient dans la neige de faim. De Moscou àLeningrad, en passant par toutes les villes de Russie, des milliers degens de toutes classes sociales confondues furent déportés dans desconvoies à bestiaux vers la Sibérie; tout cela était justifié par l'idée dubien de l'État.

Alors, peut être que la vie se justifie par le mal, se disa-t-il!

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Le bien n'est pas dans l'éthique des philosophes, ni dans lespublications des prophètes, ni dans les doctrines sociales ou dans lanature. On le retrouve avant tout dans le cœur des petites gens sous laforme de la bonté naturelle quotidienne. Les paysans et les citadinsportent en leur cœur l'amour du vivant et ce sentiment les pousses àvouloir protéger la vie à tout prix. Sur des champs de batailles, contretoute logique et commandement militaire, on à vu des soldats ennemismanifesté des actes de bonté naturelle en donnant à un soldat blessé unpeu d'eau et de pain. On retrouve la même bonté naturelle chez lajeunesse qui a pitié de la vieillesse, chez les vieux qui offre un repas àun ancien bagnard, chez des citadins allemands qui ont caché des juifspendant la dernière guerre mondiale. Cette bonté naturelle d'unindividu à l'égard d'un autre, est une bonté sans idéologie, hors du bienreligieux ou social. On retrouve parfois cette bonté naturelle mêmechez les animaux ou bien des hommes envers ceux-ci ou même encore,envers la nature elle-même.

Cette bonté manifeste ce qu'il y a de plus humain en l'homme, etdéfinit ce qui est le plus élevé chez celui-ci. Cette bonté sans discoursest instinctive et lorsqu'elle est délimitée par une religion, telle lechristianisme des origines, elle se ternit et perd de son intensité. Saforce réside dans la simplicité et dans le silence du cœur de l'homme, etnon sur l'autel de la sainteté des églises.

Même aux portes des chambres à gaz et près des fossescommunes des fusillés, cette bonté naturelle continue de survivre enl'homme.

Ma foi est né du feu des fours crématoires, elle à transcender lebéton insensible des chambres à gaz et chevauché les nuages sortantsdes cheminées d'incinérateur, s'entendit-il prononcé!

La bonté naturelle de l'homme est invincible et le mal estimpuissant devant cette puissance calme et inviolée. L'amour aveugle etmuet représente la puissance caché de l'homme, véritable petitelanterne brillante dans l'évolution de celui-ci. L'histoire des hommesn'a jamais été celle d'un combat entre le bien et le mal, telle qu'apréconisée pendant des siècles les religions occidentales, mais celui dumal cherchant à éteindre la petite lanterne d'humanité qui sommeille enl'homme.

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On l'avait jeté dans un wagon à bestiaux avec sa grand-mère etles autres occupants du grenier. Dans le wagon, il avait reconnut un deses anciens enseignants de même que d'autres élèves plus âgés que lui,venant d'une école technique.

L'aspiration au bonheur de vivre et aux plaisirs de la vie avaientété remplacés par: tenter de respirer un peu d'air frais, faire ses besoins,uriner, tuer les poux et sa pensée avait été envahie par une seuleobsession, celle de boire. Un soir, alors que son wagon était parqué surune voie de garage avec le reste du convoi, il s'était lié d'amitié avecune jeune femme mûre, au visage émacié par la souffrance intérieure.Sonia lui racontait parfois sa vie passé à étudier dans des contréeslointaine dont il n'avait jamais même entrevue une pensée d'existence.Il ignorait tout de cette vie hors de Russie.

Sonia lui raconta ses études faites à Zurich puis à Paris, sesvacances passées sur la côte d'Azur ou en Italie, et les concerts qu’ellesavaient donnés dans plusieurs grandes capitales du monde. Elle luiparlait de ses amies, ses petits copains, ses plats préférés, ses effetspersonnels qu'elle avait laissé dans l'appartement de Moscou. Elle luiracontait ses conversations téléphoniques qu'elle avait eu, et les petitsmots qu'elle prononçait tous les jours; Dobrédien! Kak dila? bonjour,comment ça va? Fille d'un médecin chirurgien célèbre qui avait étéarrêté en 1937, lors des purges de Staline, puis exécuté, Sonia était unepersonne réservé et timide. Ayant fait des études de chant, de temps entemps elle tentait de chanter pour éloigner le mauvais sort, mais pascomplètement convaincue, elle n'arrivait jamais à terminer sa chanson.Personne dans le train ne lui en voulait car tous ressentaient le mêmedésarroi.

Elle lui raconta ce qu'il n'arrivait pas à comprendre. Le 12septembre 1942, une poignée de personne dans l'entoura d'Hitler avaitpromulgué la loi la plus racisme de l'histoire de l'humanité. Tous lesjuifs d'Europe étaient déclarés hors la loi et passaient directement sousl'autorité de la Gestapo. Trois hommes, Hitler, Himmler etKalteinbrummer, avait décidé d'anéantir tout un peuple plusieurs foismillénaire, la nation juive de l'ancien testament. De Kiev, Moscou,Odessa, Budapest, Vienne, Amsterdam, et de plusieurs autres villesimportantes d'Europe, arrivaient des millions de gens emprisonnés dansdes wagons à bestiaux. La seule chose que tous ces gens disparates

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avaient en commun était leur nationalité juive. Sans distinction de raceou de continent, tous était destiné à l'extermination.

Ce qui le surprenait le plus, malgré son jeune âge, c'était quetous ces codétenus continuaient à se préoccuper de petits détailsquotidiens et à se mettre en colère dans cet espace clos pour des raisonsbanales et insignifiantes. Au cours de la nuit, le train s'arrêta à deuxreprises. Il écoutait le bruit de pas des soldats allemand et russe et lesordres incertains qui étaient prononcés dans sa langue d'origine.Comme tous les autres, il souffrait de la soif et de la faim. Dans sespoches, il restait des miettes de biscuit qu'il avait partagé avec Sonia. Ilrêvait de légumes frais et de soupe "bortsch" débordante de choux, sonlégume préféré. Même si cette existence était misérable, il ne pouvaits'empêcher de frissonner de terreur à la pensée d'une mort prochaine.

Le bruit de la pluie clapotant sur les toits de tôles des wagons àbestiaux s'imposèrent dans l'univers de sa pensée à l'attention dumoindre bruit inconnu. Sautant soudainement sur ses pieds, il déchira lecol de sa chemise et le poussa dans un intervalle entre deux planches dumur. Aussitôt que le tissu fut imbibé d'eau, il retira celui-ci de la fissureet en bue l'eau en le mâchant. Bientôt, tous firent de même etpoussèrent des dizaines de lambeaux à travers les fentes des murs ouentre la porte du wagon et le plancher.

A la fin de cette semaine, il avait la tête pleine de conversation,de disputes et de récit fantastique ou son esprit s'était élargi à lagrandeur de toute l'Europe, grâce à sa copine Sonia. Nombreux était leshistoires qu'il entendait sur le but de ce voyage affreux et de sadestination. La plupart pensait qu'on les emmenait dans des camps oùils pourraient exercer leurs métiers ou spécialités. Certains espéraientqu'ils seraient placés dans des baraques pour invalides vu leurs grandsâges ou leur incapacités physiques. Cependant, sa grand-mère étaitbeaucoup plus lucide. Elle savait bien que celui-ci était son derniervoyage et elle en parlait ouvertement avec son petit fils. Cinq jour plustard, la faim et la soif avait eu raison d'elle. Elle s'endormit un soir pourne plus jamais se réveiller.

Il sentit un immense trou se creuser dans son être lorsque celle-ci fut emportée par son destin. Son cadavre demeura dans le wagonjusqu'à la fin du voyage qui dura dix sept jours. Chaque jour, lesAllemands entrouvraient la porte et lançait quelques pains sec

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accompagner d'une petite cruche d'eau pour toute nourriture. Lerationnement était donc la norme quotidienne et tous demeuraient surleur faim. Ceux qui mourraient étaient empilés au fond du wagon,dégageant une odeur fétide et immonde. Le dernier jour du voyage, lesportes s'ouvrirent bruyamment et tous furent obligés de descendre surun quai de gare fortement gardé par les SS et les collaborateurs puisés àmême le bassin des prisonniers juifs des semaines passées. Malgrél'horreur de cette situation, personne ne les détestaient car tous savaientbien, qu'ainsi ils repoussaient l'échéance de leur extermination. Avec unpeu de chance, peut être qu'ils se rendraient jusqu'à la fin de la guerreafin de sauver leurs précieuses personnes.

L'énorme troupeau humain de 42 wagons à bestiaux se regroupasur cet espace dégagé de tous regards indiscret. Tous respirèrentprofondément, éloignant ainsi la puanteur de mort des wagons àbestiaux.

Comme il faisait bon d'être de nouveau à l'air libre, dit-il à une Soniaépeurée par les longues capotes des soldats SS et du bruit que faisaientleurs bottes ferrées sur le sol d'asphalte.

Une petite armée d'homme habillés de bleu et coiffés de képisavec un bandeau blanc attaché au bras gauche, criaient des ordres dansun mélange de russe, d'allemand, de polonais et de yiddish et poussaientsans ménagement les passagers du train en formation d'une longuecolonne de six rangs, s'étendant sur des centaines de mètres.

Die kolonne marsch! Chagome march!

Il entendit le bruit des portes des wagons qu'on fermait avecfracas. Le convoi pédestre se mit en branle lentement vers unedestination dont personne n'avait été avisé mais dont plusieurs sedoutait mais gardait respectueusement le silence. Tout en marchant, ilregardait le vert paysage forestier et écoutait avec une attentionsoutenue, les rares chants d'oiseaux qui accompagnait cette marcheforcée. Il ressentait dans le plus profond de son être que c'étaitprobablement la dernière fois qu'il voyait cette manifestation de la vieterrestre. Il en savourait toutes les senteurs, celle des arbres et desfleurs, et de l'air chaud qui courrait sur son cou par les vents dominantsvenues du sud. Le moindre bruit naturel nourrissait son âme déchiré, luirappelant parfois des souvenirs heureux, comme celui d'une excursion

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de pêche suite au passage par dessus un petit pont ou coulait un petitruisseau qui pétillait joyeusement parmi la pierraille du lit nautique.Après plus de trois heures de marches, dans la grisaille nuageuse d'unechaude journée d'été, ils virent au loin apparaître comme dans unmirage, une ville sortit de nulle part, qui était couverte d'un plafondnuageux grisonnant, la couvrant complètement. De grandes cheminéesd'usines se mélangeaient à ce brouillard étrange d'où on distinguait unhalo noir et rouge montant dans le ciel et qui embrassait celui-ci d'unelueur menaçante. De temps en temps, on voyait une langue de feus'éjecter de ces cheminées, semblant vouloir agresser le ciel qui résistaitimpassiblement.

La colonne silencieuse passa sous une entrée de fer et debarbelés. Sur celle-ci, siégeait une pancarte ou il était écrit en grosselettres rouges, le mot allemand Konzentrationslager Auschwitz-Birkenau. Sous ce nom diabolique se trouvait une autre inscription faitede métal forgé, clôturant toute la largeur de l’enceinte Arbeit machtfrei. Il ne connaissait pas cette langue, aussi il n'avait aucune idée de ceque cela pouvait bien vouloir dire. Plus tard il apprendrait par uncodétenu que cette inscription sarcastique signifiait le travail rend libre.Cette entrée vers l'enfer était gardée par deux miradors ou siégeait desmitrailleuses qui pointaient étrangement vers l'extérieur. Celle-ci étaitpour empêcher les condamnés à mort de l'autre camp de venir seréfugier vers celui des travailleurs. Passé ce portique, la route bifurquavers la droite et se dirigea vers la grande place ou siégeait plusieursbâtiments bas de couleur gris, aux toits plats ne contenant aucunefenêtre autre que celle de la porte d'entrée métallique. Au milieu de laPlace publique, siégeait une estrade rectangulaire en bois ou unedizaine de prisonniers musiciens prenaient place avec leurs instrumentsrudimentaires.

Aussitôt que les nouveaux arrivants pénétrèrent dans la place,l'orchestre se mit à jouer des airs symphoniques classiques. Les notesde musiques qui s'imposèrent parmi la puanteur des immondices, lebruit des sirènes et les fils barbelés, avaient quelques choses d'irréelmais, malgré tout, adoucissait le cœur de ceux qui allaient mourir. Cettemusique n'en était pas une d'espoir mais celle du sentiment aveugle dela vie qui s'exprime dans toute sa beauté malgré l'horreur de lasituation.

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Les gardiens du camp sélectionnèrent des hommes pour lestravaux forcés dans le nouveau camp qui sera construit dans lesmarécages voisin. Ceux-ci auraient la vie sauve, mais cela ne serait quepartie remise. Comme du bétail, dès qu'ils ne seraient plus bon à rien,leurs forces épuisés, ils seraient immédiatement dirigés vers l'abattoirdes Nazis. La mort révélait ainsi son caractère banal et sa simplicitéenfantine. Grâce à l'effort Nazi, ce passage était devenu bien simple;c'était comme traverser un petit ruisseau sur une simple planche enguise de pont. Qu'y avait-il d'effrayant à cela? Pendant cette périodetroublé de la destiné humaine, une des choses les plus surprenante fut lasoumission totale par lequel des millions de gens allèrent à la mort.Devant les lieux d'exécutions, des files d'attentes se constituaient et lesvictimes elles-mêmes veillaient à la bonne marche de cette exécution.Des millions d'innocents ont vécu dans les camps qu'ils avaientconstruit eux-mêmes et qu'ils surveillaient. Les fours crématoires et leschambres à gaz où ils périrent presque tous avaient aussi été construitgrâce à leurs labeurs. Résignés, ils assistèrent sans broncher àl'extermination de leurs semblables et parfois, ils allaient même à voterpour sélectionner ceux qui seraient les prochaines victimes. Parfois, deshommes se disputaient dans la file d'attente à savoir qui passerait lepremier. Devant des fausses sanglantes, attendant la prochaine salve demitrailleuse, on entendait des voix crier "Brave gens, n'ayez pas peur.C'est juste cinq minutes à passer, puis c'est terminé". Autant l'espoirque le désespoir engendrait la soumission des gens promis à la mêmedestiné, l'anéantissement.

Jamais dans toute l'histoire de l'humanité n'avait-on vu unepareille soumission massive. La contrainte exercé par État totalitaire àété ainsi capable de paralyser l'esprit de l'homme, celle de la nationjuive et du peuple russe.

Paradoxalement, malgré cette soumission, toutes ces victimesont démontré que l'instinct de liberté est invincible et siège au plusprofond du cœur de l'homme. Même lorsque la liberté est étouffée parun système totalitaire ou l'esclavage par destin, l'homme ne renoncejamais à celle-ci de son plein gré. La liberté, c'est le symbole de la vie,et le processus de la mort est celui de l'anéantissement de celle-ci.

Perdu parmi les octaves et les notes de musiques, il était plongédans les profondeurs de son inconscient. Telle une brebis égarée, il secolla tout contre le corps frêle de Sonia. Celle-ci eut un petit

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frémissement, mais elle ne rejeta pas cette manifestation d'affection.Elle l'entoura de ses bras, passés autour de ses épaules et retomba dansses pensées existentielles.

Elle pensait: ce qui était le plus terrible lorsqu'on est proche dugouffre, c'est ce que l'on ne peut partager, même si ce sentiment en estun de peur, d'impuissance ou de désespoir. C'était ce qui lui arrivait ence moment même. Elle le désirait ardemment, mais l'âme ne pouvaitpartager en l'absence de son fils, des parents, de ses frères et sœurs, deson père, de sa mère et des amis. Sonia emportait avec elle son plusgrand secret, le sentiment de sa vie, le miracle de sa conscience quiréunit en un tout, le bien et le mal, la honte et la fierté, la paix et lacolère, le mépris et l'admiration, la révolte et la sérénité, la crainte et lecourage, l'étonnement et la peur qui paralyse autant son esprit que sesmembres. Tout ce qu'elle avait vécu depuis sa plus tendre enfancejusqu'à aujourd'hui, se retrouvait maintenant dans ce sentiment secret,unique et muet de cette unique vie. Elle aurait bien aimé se confier àson jeune ami, mais elle savait bien que ceci serait son derniermensonge. Celui-ci n'était pas en âge de la comprendre, aussi elle se tutse contentant de le serrer plus fort dans ses fragiles bras renduesquelettiques par les privations des dernières semaines.

La colonne s'ébranla de nouveau et fut dirigé, telle des agneauxmené vers l'abattoir, entre des rouleaux de barbelés et des miradorsmenaçants, vers un grand bâtiment bas sans aucune fenêtre.

Entre deux rangs, à cause de sa petite taille, il vit le bâtimentgris aux deux portes métalliques grandes ouvertes.

Aussitôt que les gens avaient traversé cette porte de l'enfer, lebruit des pas diminuait et s'éteignait presque aussitôt. Ils pénétrèrentdans un grand vestiaire sombre, illuminé par un éclairage diffusprovenant de petites ouvertures rectangulaires au plafond. Le vestiaireétait entouré par des bancs coulés dans le ciment et ceux-ci étaitnuméroté avec des grands traits de peinture blanche. Le vestiaire étaitdivisé en deux, sur sa longueur, par une cloison à demi-hauteur; leshommes devaient se déshabiller d'un côté et les femmes et enfants, del'autres. Des préposés en blouse blanche déambulaient à travers lafoule, distribuant des conseils sur la nécessité de disposer leschaussettes à l'intérieur de leur chaussure et de mémoriser le numéromarqué sur le banc. Toute cette hypocrisie visait uniquement à rassurer

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les gens afin d'éviter une panique potentielle, tout en faisant croire àceux-ci que tout cela était le préalable indispensable avant l'activité desdouches.

Les murmures et les voix étaient mis en sourdine par la qualitéinsonorisante de ces lieux.

Malgré la nudité de tous ces gens disparates, la compassion etl'affection des uns envers les autres se dégageait de chaque regard.Cette perle humaine d'une générosité sans limite continuait de brillermalgré la noirceur de la nuit qui s'annonçait. Cela, même le bourreauallemand en ressentait toute la grandeur. Lorsque être humain est nudevant tous les autres qui font de même, il se rapproche de ce qu'il estréellement, son moi véritable.

En cet instant, ce qu'elle voyait, c'était le corps dénudé d'unpeuple promis aux martyr, mais qui demeurait malgré tout, fier etnoble. A l'exception des femmes coiffeuses qui avaient débuté la tonte,elle ne vit aucun garde. Après que celle-ci s'éloignèrent, les gens sesentirent un peu plus libre. Certains sommeillaient, d'autresconversaient à voix basse et quelques unes prenaient le temps de plieravec soin leurs vêtements malgré sa saleté. Question d'habitude sansdoute!

Dans un autre bâtiment adjacent au premier, le chef duSonderkommando prenait le téléphone et donnait l'ordre de charger legaz maléfique. Les boîtes métalliques contenant le "Zyklon B"semblable à des pots de confitures furent positionnées sur les conduitsdestinés à leurs usages et qui alimentait en divers point, la chambre àgaz.

Le responsable du groupe spécial attendait impatiemment l'ordrerituel enclenchant le processus de mort. Il alluma la funeste lamperouge, et subitement, à chaque extrémité du vestiaire apparut des gardesSS habillé tout de noir, qui cria brusquement l'ordre "Aufrecht "(debout). De grande matraque noire attaché à leurs poignets, ilsindiquèrent à la foule nue et rasé, la direction que celle-ci devaitprendre. Les gens pénétrèrent dans un large couloir qui avait lapropriété de posséder une courbe descendante du plancher. C'est doncdans un mouvement tout naturel, tel celui de l'écoulement des eauxdans une turbine, que les gens pénétraient de plus en plus profondément

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dans l'antre de la bête d'acier et de ciment. Le seul bruit que l'onentendait était celui du bruissement de pas feutrés sur le sol de cimentet les dalles de béton grises. Le mouvement aspirant se faisaitnaturellement, sans violence, s'autogérant de lui-même. Quel espritdiabolique pouvait avoir imaginé une telle méthode aspirant la viemême vers un trou noir mortel. Soudainement, l'entrée en acier apparutet la foule franchit le seuil sans même avoir pu résister. Le sol de cettepièce avait récemment été lavé et elle ressentit le froid pénétrer dans sesmembres inférieurs par la plante de ses pieds. Le plafond était plus baset l'éclairage était plus faiblement produit par ces lumières encastréessous des verres épais et incassables.

Les nouveaux arrivants poussaient ceux qui étaient déjà entréepar des petits mouvements de coudes et d'épaules jusqu'à ce que latotalité de la foule fût à l'intérieur de l'enceinte mortelle. Le bruit despas s'interrompit, les plaintes se firent plus rares et quelques pleursépars créèrent un murmure sombre au-dessus de cette foule compacte.L'acier de la porte qui se fermait sur leurs destinés créa un bruit sourdimmoral. On entendait le bruit cadencé des respires et on sentait lachaleur des corps qui se côtoyaient. Même les sentiments et les penséess'unissaient en un tout unique, représentant peut être l'Adam primordial.Plusieurs ventilateurs encastrés dans le plafond se mirent en marche. Lesilence des gens se fit plus encore plus pesant, car nul besoin d'exprimerdes choses quand le futur se limite à quelques minutes. Plus personnesn'avaient de doute là-dessus.

Elle avait de plus en plus de difficulté à respirer, et il en était demême du jeune homme qui se blottissait tout contre elle. Dans sajeunesse, elle avait lue des livres qui affirmaient que la dernière penséeest la plus important pour une renaissance dans un autre monde. Elletentait bien de se concentrer sur quelques choses mais des bruits decymbales prenaient toutes la place dans sa tête et l'empêchait de penser.Le gaz qu'on lui donnait n'apportait pas la vie, elle la chassait. Sa tête semit à tourner. Elle fit un effort pour voir mais ses yeux étaientdésormais aveugles et elle n'entendait plus les gens se lamenter. Descorps inertes s'affaissèrent sur elle et elle sentit la chaleur de son sangcouler de ses oreilles et de son nez. Sa dernière pensée fut, tout ce quiavait été Sonia avait cessé d'être. On l'avait tué.

Malgré la vitalité de sa jeunesse, il n'avait pu résister longtempsaux gaz meurtriers. Sa dernière pensée fut pour la différence du poids

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entre l'État meurtrier et son propre corps fragile. Il voyait cet Étatcomme de grands yeux rouges qui lui craquerait tous les os du corps etlui crierait de disparaître. On l'avait tué.

Les détenus qui vivaient dans les casernes de l'unité spécialenuméro 1 s'occupaient de desservir les chambres à gaz, le dépôt du gazmortel et les fours crématoires. Ceux-ci étaient mieux que la plupart desautres détenus. Ils mangeaient dans une cafétéria et recevaient trois foisplus, à part égale, que les autres détenus.

Les soldats qui s'occupaient des fours crématoires étaient exclusdes escortes et bénéficiaient d'un traitement privilégié comparé auxautres combattants. Leurs familles avaient droit aux rations alimentairesréservées aux officiers supérieurs, à de meilleurs logements relocaliséshors des zones de bombardements. Celui qui était de surveillancedevant le judas, devait quand l'action était terminée, donner le signal dudéchargement de la chambre à gaz en actionnant le mécanisme quicommandait l'ouverture des dalles mobiles du plancher. Ce mécanismepermettait de faire basculer ces dalles en position verticales faisant ainsitomber dans le sous-sol, le contenu de la grande chambre à gaz. C'estdans ces locaux que la matière organique était soumise aux traitementsdes brigades des dentistes qui en extrayaient les métaux précieux. Paraprès, les dépouilles étaient dirigées par convoyeur vers les fourscrématoires afin d'être transformé grâce à l'énergie thermique en engraisminéraux phosphatés, en chaux, en ammoniaque, en gaz carbonique etsulfureux.

Chaque soir, le chef des dentistes transmettait au responsable dela chambre à gaz la collecte de celui-ci. Le chef du Sonderkommandodistribuait à la fin de semaine, un petit paquet contenants quelquescouronnes d'or à ceux qui avaient travaillés dans les fours ou leschambres à gaz. Le chef du Kommando, le Strumbannfürer Dartsuftprovenant d'une famille de paysan, avait débuté comme simple soldatavant de gravir les échelons: attaché à la protection de l'état-major, puissecrétaire au poste d'officier d'ordonnance, attaché militaire àl'administration et à la direction des camps puis finalement finir commechef d'un Sonderkommando, un camp de la mort. Son destin avait faitde lui un bourreau qui avait à son actif à la fin de la guerre, 590 000victimes. Lorsque la voie de sa conscience tentait de le ramener àl'ordre, celui-ci se justifiait en avouant son impuissance devant desforces aussi puissantes qu'une guerre mondiale et de tout ce qui en

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résultait. Il se voyait comme une victime du destin plutôt que celui d'unbourreau. Il en était de même avec ses soldats qui disaient n'avoir pasd'autres choix que celui d'obéir aux ordres supérieurs.

Malgré quelques remords au début, le Strumbannführer aimaitson travail et l'accomplissait méticuleusement. Vingt quatre heures àl'avance, il obtenait l'horaire des convoies, le nombre de wagons, laprovenance de celui-ci et le total des personnes détenues. C'est ainsiqu'ils pouvaient planifier à l'avance le travail de dizaine de détenuscoiffeurs, dentistes, escorteurs et manutentionnaires. Dartsuft necomptait plus le nombre de kilo d'or qu'il avait fait parvenir à sa femmeet qui faisait partie de sa part du butin. Il inscrivait mécaniquementchaque jour dans son grand régiste comptable, le poids et la descriptionde ces métaux saisie. Il se prenait parfois à rêver à la retraite dorée queceux-ci lui apporterait. Cependant, un doute effleurait parfois sonesprit, "allaient-ils gagner la guerre ?".

Tout ce plan diabolique et calculateur avait été soigneusementcalculé, réfléchie, programmé et exécuté sous les ordres d'une seulepersonne, froide, calculatrice et terriblement efficace:l'Obersturmbannführer Eichman.

Une main le secoua violemment et une voix irritée fit irruptiondans son sommeil où se mêlaient le fracas des bombes et le hurlementdes victimes des chambres à gaz.

Tout se mit à bouger et il décida de ramper sur le sol comme unnouveau né. La terre frémissait et les arbres oscillait comme des jouetsbranlants, et, peu à peu, se mirent à tomber sur le sol. Cela produisaitun bruit étrange et effroyable lorsque ces branches se mirent tous enchœur à se fendre et à casser comme de vulgaire bâton d'allumette. Desexplosions de lave incandescence jaillirent du cratère béant, provoquantdes ondes de choc et des formidables bouffées de chaleur.

Une violente secousse le projeta sur le sol et il sentit le soufflebrûlant lui caresser le visage. Il se releva et poursuivit sa route entitubant, paniqué par la densité des cendres du volcan qui tombait surlui. En quelques minutes, le jour devint la nuit et les premiers éclairszébrèrent les nuages en ébullition. La jungle était imprégnée d'humiditéet l'air était saturé de moiteur. Sans aucun avertissement, un orageélectrique se déclara et une explosion aveuglante de lumière blanche

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bleuâtre l'aveugla partiellement. Des éclairs brèves crépitèrent etdansèrent tout alentour de lui et le grondement du tonnerre se manifestabrutalement. Celui-ci lui causait des vives douleurs aux tympans et lesondes de chocs le promenaient telle une marionnette folle.

Alentour, les arbres continuaient de gémir en craquants, et sefendillaient en sifflants et en projetant des nuages d'humidité sous leschocs des éclairs qui les traversaient. À demi aveuglé par toutes cetteeffervescence lumineuse, il se dirigea tel un automate en étant persuadéqu'il allait mourir. Il ne se rendait pas compte, qu'étant déjà mort, il nepouvait mourir.

Un arbre gigantesque, presque monstrueux, s'abattit avec fracasdevant lui, lui barrant le chemin vers la forêt, sa seule source dedélivrance. Tandis qu'il escaladait péniblement le monstre, épuisant sesdernières forces, des éclairs continuaient de frapper l'arbre mort,s'insinuant dans l'humidité entre le tronc et l'écorce. Tandis qu'ils'agrippait péniblement à une grosse branche humide, un éclair luifrappa la main et curieusement, il ne ressentie aucune douleur. Justeune peur incontrôlable, indicible qui paralysait la volition de sa pensée.

Enfin, il émergea de cette escalade difficile, toussant etgesticulant, tout son coté droit brûlé et noirci par la foudre. Courantdroit devant lui, sans même se retourner, il finit par émerger de cetenfer d'obscurité. Ayant traversé une prairie sec et désertique, il seretourna et vit la montagne être engloutie sous ses propres cendres.Sans aucune goutte d'eau pour se désaltérer, il pénétra dans la forêttropicale, avançant péniblement, les vêtements brûlés et déchirés, levisage hagard et ses traits étirés par cette pénible épreuve.

Sans prononcer une seule parole, il traversa ce monde sinistredépourvu de son manteau verdoyant par celui du gris des cendresvolcaniques. Les cours d'eaux étaient noirs de suie et les rivières étaientdes mares d'ou émergeaient des écumes grisâtres. Le bleu du ciel avaitété remplacé par la grisaille des cendres volcaniques, illuminé parfoispar la lueur rouge du brasier montagneux. L'air elle-même était d'ungris vaporeux. Autour de lui, il vit des centaines d'oiseaux tombés duciel, asphyxiés par les vapeurs des gaz mortel. Tous les animaux de laforêt émettaient des cris et des hurlements plaintifs comme un concertsymphonique accompagnant un convoi funéraire.

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Alors qu'il débouchait dans une clairière, il fut reçu par uneaverse de braises brûlantes qui faisait fumer le sol sous ses pieds.Zigzaguant sans cesse, il cherchait à éviter cette pluie provenant ducœur de l'enfer volcanique. Soudainement, il vit un immense blocrocheux en fusion qui se dirigeait directement sur lui. Nul moyenn'existait pour l'éviter car il n'en avait pas le temps. Il ferma les yeux,immobile, attendant le moment funeste de son départ vers un mondemeilleur. Celle-ci fut sa dernière pensée.

Lorsqu'il reprit conscience, il était dans un grand canot rabaskaavec plusieurs autres voyageurs français, indiens ou métis et il pagayaitvigoureusement en tête de celui-ci, avec sa longue pagaie de 2,70 m,afin d'éviter les rochers et de se faufiler dans les passages étroits. Lorsde la traversé des rapides dangereux, le pagayeur de devant et celui dederrière étaient les plus important et sur ceux-ci reposaient toute lasécurité et la vie du groupe de voyageur.

Né d'un père américain, le fougueux Pond, et d'une mèreindienne de la tribu chipewyans, son père avait été le premier à ouvrir lepassage plus à l'ouest, au-delà de la Baie d'Hudson, vers le lacAthabasca en 1778. Cette grande expédition lui avait apporté gloire etrichesse. C'est ainsi, qu'il avait passé toute sa vie entouré de pionnier etde voyageur, ce qu'il était devenu lui-même par la force des choses.

Cette existence était rude et ingrate, pourtant il ne l'auraitéchangé contre rien d'autre. Cette expérience des grands espaces et del'impression de liberté que celle-ci lui procurait était amplementsuffisante pour justifier son choix. Malgré le fait qu'il était perdu aufond des bois, grelottait de froid et de faim, maugréait contre lesmoustiques et la dysenterie, jamais il n'avait regretté son choix.

Il avait passé sans encombre les rapides et était maintenant surune rivière calme et tranquille, reflétant sur l'eau tel un miroir, lepaysage sauvage fantastique de l'ouest canadien. Le soleil commençaità montrer le bout de son nez au-dessus de la verdure forestière. Alors, ilaccéléra la cadence jusqu'à 40 coups de pagaie par minutes car ilsavaient encore 105 kilomètres à faire pour cette étape quotidienne. Sajournée avait commencé à six heures du matin et elle ne se termineraitpas avant neuf heures du soir (21hr).

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Chaque canot était décoré de motifs indiens aux couleurs vives.Ceux-ci mesuraient 7,50m de long et étaient montés par huit voyageurs.Ils pouvaient transporter jusqu'à une tonne et demi de marchandise etleurs maniabilité leurs permettaient de naviguer dans des étroitschenaux pour remonter vers le nord. Ces canots, propriétés de laCompagnie du Nord-Ouest, dont son père avait été un des membresfondateurs avec les Écossais était le concurrent direct de la Compagnieanglaise de la baie d'Hudson en ce qui concernait la traite des fourrures.Ces rudes et infatigables voyageurs descendaient la rivière Outaouaisen chantant et en criant aux montagnes environnantes que leurs canotsétaient lourdement chargés de ballots de peaux de castors, martres,loutres, visons, belettes, lynx et loups. Ces voyageurs s'appelaient eux-mêmes des Nor'Ouesteurs pour signifier qu'ils allaient au-delà despistes les plus lointaines vers le nord-ouest canadien.

Cette "route de la fourrure" se rendait vers l'ouest jusqu'au grandlac Supérieur, puis vers le nord-ouest jusqu'au lac Athabasca, soit unparcours navigable de plus de 4800 kilomètres entrecoupés par desdizaines de portages.

Tout en pagayant, il rêvassait à ce qu'il avait vécu depuis troissemaines. Comme à chaque année, à la fonte des glaces au mois dejuin, il entreprenait ce long voyage en canot afin d'amener les ballots depelleteries à l'entrepôt fortifié appartenant à la Compagnie qui étaitsitué à moitié chemin entre ses quartiers d'hiver, le Fort Chipewayen, etMontréal, le siège de la Compagnie du Nord-Ouest.

Les associés de la Compagnie partait dès le début mai deMontréal et se dirigeait au rendez-vous situé à mi-chemin, le GrandPortage près de la rive septentrionale du lac Supérieur. Une flottille secomposait de plusieurs brigades. Chaque brigades étaient composéd'une trentaine de grand canot d'écorce de 12 mètres de longueur,hébergeant dix voyageurs comme membre d’équipage, et lourdementchargé de marchandise afin de commencer une nouvelle année de traite.Les gens du nord apportaient des fourrures et repartaient avec de lamarchandise de traite. Ceux du sud apportait cette traite et revenait àMontréal avec les précieuses pelleteries qui seraient expédié en Europeet en Angleterre. A cette époque, le plus gros marché pour la fourrureétait celui du chapeau et la peau la plus populaire était celle du castor.Ce voyage de 1600 km prenait un mois et demi et se terminait d'unemanière très dure. Les voyageurs devaient partager sur une distance de

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15 km, des ballots de traite et de vivre pesant 40 kg chacun, sur unepiste rocailleuse et à travers des fonds boueux. Celui-ci posait un ballotau creux des reins et maintenait celui-ci grâce à une sangle de cuirappuyé sur le front afin de soulager la région lombaire en bandant lesmuscles du cou, une technique qui était un héritage des indiens. Après,on disposait un autre ballot par dessus le premier, ceci étant la chargeréglementaire. Chaque voyageur devait ainsi faire quatre voyages aller-retour afin de s'acquitter de sa tâche. C'est cette épreuve qui avait valu àcet endroit qui était officiellement le Fort William, le nom pleinementjustifié de Grand Portage.

Ceux qui arrivaient de la direction opposé, le nord-ouest,arrivaient vers le début de juillet, la période de dégel étant plus tard. Ladistance était un peu plus longue, mais leurs canots étant plus petit etétroit, ils étaient donc plus maniables et plus rapide. De plus, parmi tousles voyageurs, ceux-ci étaient réputé comme les plus endurcies et lesmeilleurs pagayeurs de la Compagnie. Ces hommes du nord étaientvêtus de peaux de daim, et avec leurs cheveux longs flottant au vent etcourant avec leurs ballots, on les confondait souvent avec les indiens.Mieux payés que ceux de Montréal à cause de la prime d'éloignement etde solitude, ils manifestaient leurs mépris envers ceux de la métropole.La ration de voyage des gens du nord se composait en pemmican à basede bison séché, de graisse animale et de baies. Ils traitaient ceux deMontréal de mangeurs de lard, car les rations des gens de l'Est secomposaient d'un pâté de lard et de maïs.

Les derniers groupes de voyageurs arrivaient à la mi-juillet.Ainsi, les premiers arrivés devaient passés deux semaines à ne rienfaire. Pas facile pour des rudes gaillards habitués à pagayer durementseize heures par jour. Aussi, il était commun de voir ceux-ci s'empiffrerde pain et de viande fraîche et aussi à boire à leur soûl d’un alcool demauvaise qualité. Dans le Fort il y avait une taverne que l'on appelait laCantine salope ou les voyageurs en manque pouvaient s'égayer etdépenser leur paye en boisson forte avec l'aimable concours d'indiennesCris, Chippewas et de métis.

La dernière semaine de juillet était le grand jour du bal annuel etdu banquet donné par les propriétaires. A l'extérieur du Fort, de grandsfeux étaient allumés et les voyageurs savaient qu'ils étaient temps demettent leurs habits du dimanche. Dans la grande salle illuminés pardes centaines de bougies, une grande table de banquet faites de

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planches contenait un repas pantagruesque composé de viandes debœuf, jambon fumé, poissons blancs et pommes de terre provenant dujardins du Fort, ainsi que de mets fins comme la langue de bison et laqueue de castor. Les mets étaient apprêtés par des traiteurs venusdirectement de Montréal. On servait des rasades de porto et de madère,et d'autres puisaient à même un tonneau un punch composé de rhum etd'alcool. Quand tous avaient bien mangé, on tassait les tables contre lesmurs et la grande danse commençait. Le chef de l'endroit ouvrait le balpar une branle d'Écosse, puis les pagayeurs prenaient possession de lapiste avec leurs sets carrés et les accompagnateurs violoneux. Lesguides indiens assistaient impassible à cette manifestation de blanc,assit en tailleur sur le sol par dessus des nattes colorés. La danse seterminait aux petites heures du matin, et malgré leurs gueules de bois,les voyageurs de la Compagnie entreprenaient la nouvelle saison dès lepetit matin.

Malgré la rudesse de ce travail, les voyageurs craignaient plus lamonotonie du voyage que la difficulté de celui-ci. Toutes les occasionsétant bonnes pour se divertir à quelques jours du Grand Portage, lecourant des rivières s'inversait alors vers le nord et ceci était uneoccasion favorable pour se divertir. Les nouveaux étaient initié en étantaspergé avec une branche de thuya trempés dans l'eau coulant vers lenord, puis, un tonneau de rhum était ouvert afin d'accompagner leschants et les danses en solitaire. Ceux qui traversaient le grand lacWinnipeg qui est presque une mer intérieure lançaient des défis auxautres équipages afin de tromper leur ennui. Les brigades de canots semettaient en ligne et lançant le cri de guerre des indiens, la coursedébutait; la cadence du ramage s'élevant alors jusqu'à soixante coups depagaies à la minutes. A une occasion, il se rappelait une course entredeux brigades du Nord-Ouest qui avait duré deux jours et deux nuitssans interruption. La course s'était terminée par une nulle due àl'épuisement des deux équipages.

Encore perdu dans ses pensées, il se rappela l'histoire étrangequ'un raconteur avait conté au Fort William à propos d'un americano-canadien nommé Jean Tanner. Celui-ci avait neuf ans lorsqu'il futenlevé par des indiens Shawnees. Dans la région des Grands Lacs, il futadopté par une matrone, Net-no-kwa de la tribu des Outaouais. A l'âgede vingt ans, devenus un guerrier et un chasseur émérite, il fut nomméchef de sa tribu. Comme tous les indiens de cette époque, il chassait etservait de guide pour les blancs. Pendant la guerre entre la Compagnie

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du Nord-Ouest et celle de la compagnie de la baie d'Hudson, ils'identifia tellement à ceux-ci qu'il abandonna sa tribu. Malgré son bonvouloir, il fut incapable de s'intégrer à ceux-ci et se retrouva finalementrejeté par les deux peuples. Désespéré, il raconta son histoire à unmédecin de Sault-Saint-Marie qui en publia le récit. Dans ce livre, ondécouvre que sa tribu menait une vie misérable, divisé entre la faim, lamaladie et l'alcoolisme. Toujours en quête de gibier, ceux-ci pouvaientpasser plusieurs jours sans manger. Les beuveries duraient des joursentiers, couchés près du feu, et le suicide n'était pas une chose rare chezceux-ci. Pendant une période de beuverie, sa mère adoptive Net-no-kwavendit 120 peaux de castors, quelques peaux de bisons bienapprêtés et d'autres articles deconfection indienne pour trois tonnelets de rhum. Le fruit de tant delabeur s'était évanoui dans les effluves de l'alcool. Il n'est pas étonnantqu'aux réveils, ceux-ci songeaient aux suicides. Lors de la signature dutraité de la Grande Paix de Montréal en 1701, Jean Tanner avait servid'interprète. Le récit de Jean Tanner sombra dans l'oublie comme satribu et celui-ci très découragé, déclina de jour en jour. Par un beaumatin d'automne, celui-ci disparut en forêt et on ne le revit jamais plus.

Il trouvait cette situation déplorable car les indiens étaient ceux-là même qui avaient permis le développement de la traite des fourruresdans ce grand pays, le Canada. Aussi, en plus de la fourniture premièrede ce commerce très lucratif, les indiens fournissaient aux blancsd'autres produit de première nécessité comme le maïs, le riz sauvage, dupemmican, du sucre d'érable, des mocassins et des canots. Ils guidaientceux-ci à travers les routes de l'eau incluant des centaines de rivières,leurs montraient comment pêcher en hiver et circuler dans la neige et lefroid avec des raquettes et des traîneaux tirés par des chiens. Lesvoyageurs appréciaient tellement les chiens de tire qu'ils avaientfabriqués pour eux des petites bottes afin de protéger leurs patteslorsqu'ils traversaient des étendues de glace tranchante. Les chiensaimaient tellement cette innovation qu'ils se couchaient sur le dos engémissant et en remuant les pattes afin de faire comprendre qu'ilsvoulaient qu'on les leur mît.

Cependant, l'article qui était le plus apprécié des blancs fut lesfilles des indiens. Il était de tradition dans ce grand nord, que les pèresde famille indien vendent leur fille, souvent âgée de douze à quatorzeans seulement, pour quelques bonnes couvertures chaudes. Lesvoyageurs francophones ne ressentaient aucun scrupule à acquérir ainsi

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une épouse afin de rendre plus supportable la solitude de l'hiver boréal.Celle-ci apprenait très tôt à faire la cuisine, à raccommoder, à tanner lecuir et à faire des vêtements chauds pour l'hiver. La femme indienneétait de constitution robuste et très forte comparé aux femmes ducontinent. Elles dépeçaient le gibier et courbait des baguettes d'osierafin de tendre les peaux humides pour les faire sécher. Elles tressaientles lanières de cuir servant de base d'appui pour les fameuses raquettesindiennes. Elles ramassaient le bois à brûler et récoltaient les écorcesde bouleaux afin de les coudre ensembles pour ensuite les coller sur lacarcasse des canots. En plus d'enseigner la langue indienne à sonhomme, elle s'occupait à lui donner une belle progéniture, tout cecipour une modique somme d'achat.

Les traiteurs des Forts négociaient avec les chefs indien pourl'achat de ses filles, car celle-ci apportaient en plus les relations de sonpère et les particularités de sa tribu. Ils en coûtaient généralement un oudeux chevaux pour le prix d'une pareille cession. Ces alliancesconsolidait les relations avec la tribu de l'endroit et empêchait que touteguerre se déclare entre ceux-ci. Après plusieurs années passésensembles, les voyageurs découvraient avec étonnement qu'ils nepouvaient plus se passer de leurs épouses et de leurs enfants. Dansplusieurs provinces de l'ouest canadien, ceux-ci seront à la base mêmedu futur peuple canadien, aventurier et coureur des bois. Les relationsentre indiens et traiteurs étaient dépourvues de tout antagonisme, étantfondé avant tout sur l'intérêt mutuel, et malgré quelques excès de part etd'autres, elles épargnèrent à l'ouest canadien les guerres qui décimèrentle voisin américain et firent des milliers de victimes chez les Peaux-Rouges. Au fil des générations entre voyageurs français, trappeursindiens et traiteurs écossais, les relations amicales firent que leursdescendances et leurs coutumes s'interpénétrèrent et fusionnèrent pourle bien de tous les canadiens.

Un sursaut du canot dû à une houle en colère le fit sortir de satorpeur méditative. Bandant tous ses muscles, il pagaya vigoureusementafin de reprendre le contrôle du canot lors d'un passage plus étroit,agrémenté de rapide, mais pas très dangereux, juste de quoi le garderconscient hors du sentier de la rêvasserie. Passé celui-ci, il se mit àchanter:

Le six août, l'année dernière,à Grand Portage, je me suis engagé,

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Les milieux (pagayeurs) entonnèrent en criant

à Grand Portage, je me suis engagé

celui-ci reprit:

Pour y faire un grand voyage,au pays des Nor'Ouesteurs,

au pays des Nor'Ouesteurs.

parmi tous les sauvages.Ah, que l'hiver est long,

ah que l'hiver est long,

Que ce temps est ennuyant,Canadien errant, je me suis en-aller,

Canadien errant, je me suis en-aller,

dans des pays étrangers,

dans des pays étrangers, Ohé, Ohé,

Ohé, Ohé, comme la vie du voyageur est belle

Ohé, Ohé, comme la vie du voyageur est belle,

Je m'y suis engagé

Je m'y suis engagé,

Ohé, Ohé

Ohé, Ohé.

Si tu vois mon pays,

Si tu vois mon pays,

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va dire à mes amis,

va dire à mes amis,

que je me souviens d'eux,

que je me souviens d'eux, Ohé, Ohé,

Ohé, Ohé.

Après un dernier cri de guerre indien, les chanteurs se turent etle calme reprit ses droits de cités sur la rivière solitaire et tranquille.Voilà bientôt seize heures qu'ils pagayaient, ils étaient maintenanttemps de préparer le campement pour la nuit. Au détour d'unescarpement rocheux, dénué de toute végétation, ils virent une petiteplage sauvage et le chef du convoi fit signe d'aborder. Une foisdébarqué, les voyageurs retournèrent les canots et s'en firent un abripour passer la nuit. Pendant que le marmiton, nom donné au cuisinier,préparait le dernier repas avant le coucher, les autres firent un grand feuafin de faire fondre des boules de résine de sapins servant à calfeutrerles coutures endommagées du canot. Parfois, ce stratagème devait sepasser plusieurs fois dans une seule journée qui avait été trop rude surl'écorce du canot, généralement lors du passage d'un rapide tortueux.Après avoir bien festoyé, ils prirent le temps de fumer une petite pipeen terre cuite, bourrée de tabac noir avant d'aller au lit sous le grandcanot d'écorce.

Il rêva qu'il avait contourné plus d'une centaine de rapide et qu'ilentreprenait le portage de Methye, long d'une vingtaine de kilomètres etqu'après une descente escarpé de 200 mètres, il remettait les canots àl'eau, dans la rivière à l'Eau-Claire. Celle-ci l'amenait à la rivièreAthabasca qui le conduisait après une randonnée facile de 400 km auposte tant choyé des Nor'Ouesters, le fort Chipewyan.

Là, il reçut un accueil choyé en retrouvant ses amis, ens'embrassant et en faisant la distributions des petits cadeaux ramenés duGrand Portage. Le jour même il y avait banquet et bal. Même si on étaitplus à l'étroit, celui-ci était aussi animé que celui du Grand Portage. Lelendemain, il vit les trappeurs indiens arriver de partout. Ceux-ci lessaluaient à quelques mètres de la porte fortifiée en tirant plusieurs

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salves de fusils en l'air et en poussant de grands cris de joie. A l'entréedu magasin, ils déposaient leurs armes et on leur donnait alors, à boireet à fumer. Après avoir fumé le calumet de la paix et de la fraternité,ceux-ci commentait alors les nouvelles de la région et ce qui s'étaitpassé durant leurs absences. A mesure que les indiens buvaient durhum, ceux-ci perdaient peu à peu leurs taciturnités naturelles dans unbrouhaha général. Lorsque les squaws (femme indienne) avaient finiede construire les grandes huttes couvertes de branches de pins et desapins, toute la troupe s'allongeaient autour du feu et buvait pendantvingt quatre heures d'affilés. Le lendemain, malgré la beuverie de laveille et de ses effluves latentes, ils s’échangeaient le wanpones(offrande scellant une entente entre blanc et indien) et l'on discutait detraite.

Le chasseur indien recevait à crédit un fusil, de la poudre, desballes, un piège à castor, une couverture chaude et divers articles qu'ildevait rembourser par des peaux, l'argent étant inconnu dans cecommerce. Deux peaux pour les petits articles, six pour une couvertureet quatorze pour un fusil; un tonnelet d'alcool de 35 litres valait 30peaux. Celui-ci était un alcool à 900 mélangé à une quantité d'eau afind'en réduire la force, plus ou moins selon la tribu qui en faisaitl'acquisition, et on lui donnait le nom de "rhum pied-noir".

Il sentit qu'on lui brassait l'épaule et il s'éveilla. Il faisait encorenuit et ses compagnons se préparaient pour un nouveau départ. Ilsprendraient leurs petits déjeuners lorsqu'il ferait jour et que le soleilserait au-dessus des arbres. On appelait cet arrêt une "pipe" car c'était letemps que durait cette pause.

Encore très loin du fort Chipewyan, ils se trouvaient encore surla rivière Pigeon, pagayant vers l'ouest. Il avait encore des dizaines delacs à traverser en direction du nord et encore plus de portage à faire.Ses rêves n'avaient nullement abrégés la durée de ce grand voyage.Continuant en direction nord-ouest, la rivière devint si étroite que lesvoyageurs ne pouvaient plus avancer à la pagaie contre le courant tropfort. Alors, ceux-ci se mirent debout et poussèrent le canot grâce à desgrandes perches de bois à bout ferré. Plus loin, ils sautèrent sur la riveset tirèrent le canot avec des cordelles, certains tenant le canot éloigné dela rive et de ses rochers acérés avec les grandes perches de bois.Lorsqu'il n'y avait plus rien à faire, on retirait le canot de l'eau et l'on sepréparait pour un portage. Les milieux s'occupaient de transporter les

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ballots et le derrière et le devant comme lui-même, de transporter lecanot sur leurs épaules. Ce portage était le seizième qu'ils avaient faitdepuis leur départ de Grand Portage. Ils en restaient encore 64 avantd'arriver à fort Chipewyan.

Passé cet obstacle, la rivière calme s'élargissait énormément et ilsavait qu'il pourrait pagayer jusqu'au lever du soleil au-dessus desarbres avant de rencontrer un autre portage suite à des rapidestumultueux. Les voyageurs augmentèrent la cadence à 45 coups depagaie par minute afin de gagner du temps pour avoir une "pipe" un peuplus longue pour se reposer. Suite à l’orage de la journée précédente,des arbres morts s'étaient écroulés sur la piste du dernier portage et lesavaient retardés quelques peu. Bientôt ils furent en vue du rapide etdécidèrent d'accoster pour le petit déjeuner. Lors du repas, la discussions'envenima sur la nécessité d'affronter le rapide afin de gagner dutemps. Ceci était formellement interdit par la compagnie mais il était denotoriété publique que les voyageurs désobéissaient allègrement auxtraiteurs quand celui-ci ne faisait pas partie de l'expédition. La moitiédes hommes étaient pour la désobéissance civile alors que l'autrevoulait respecter les ordres du grand patron. On tira à la courte pailleafin de solutionner le problème. Ceux en faveur d'affronter les rapidesl'emportèrent.

Après avoir prit soin de bien amarrer les ballots et d'équilibrer lepoids entre ceux-ci pour une meilleure portance il monta à l'avant et lesautres hommes poussèrent le canot à l'eau. L'été avait été très chaud etle cour d'eau était beaucoup moins élevée que d'habitude. Dès le débutdu rapide, il s'aperçut de son erreur en découvrant des dizaines derochers qu'il n'avait jamais vue et qu'il devait esquiver avec sa granderame. Il ne pouvait même pas prévenir ses compagnons étant tropoccupé à se concentrer sur les écueils inconnus.

A quoi bon les avertir qu'il se dit! De toute façon, il était trop tardpour reculer.

Il continua à pagayer furieusement, la sueur coulant sur sonfront malgré la buée occasionnée par les rapides. Parfois, une goutte desueur s'immisçait entre la commissure de ses lèvres et il en savourait legoût amer et salé, celui du courage et de la témérité des voyageurs qu'ilse dit intérieurement.

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A mi-chemin du rapide, il risqua un regard vers l'arrière et vitles autres canots qui s'étaient élancés lutter vigoureusement pour leursurvie. Les milieux pagayaient rageusement afin de maintenir l'élan ducanot, tandis que lui-même et le derrière jouaient adroitement afind'éviter les rochers menaçants qui les environnaient de toutes parts.

Cet instant d'inattention lui fut fatal. Alors qu'il ramenait sonregard vers l'avant, il vit ce rocher immergé qu'il n'avait jamais vue,immense et en forme d'un tranchant de tomahawk, apparaîtresubitement devant lui et couvrir presque la moitié de la largeur de larivière. Dans une fraction de seconde, il espéra que ceux derrière lui leverrait car il savait bien que c'en était fini de lui. Aucune technique decanotage ne pouvait éviter à la dernière minute un obstacle aussi grand.Il crispa tout ses muscles en attente du choc funeste et criant par dessusle bruit des flots, Sainte mère de Dieu, s'en est finit de nous. Le grandcanot de cèdre escalada puis, pendant quelques secondes, s'immobilisaau-dessus de l'obstacle, avant de se fracasser en son milieu et de sebriser sur les autres rochers. Tous les téméraires voyageurs furentaspirés avec les restants du canot dans les remous échelonnés le long durapide le plus dangereux des rivières du nord. Les canots en arrièresayant vu ce qui s'était passé longèrent immédiatement la rive afind'éviter cet écueil et en furent quitte pour une bonne peur. Ne retrouvantpas les cadavres de leurs compagnons, ils sculptèrent des croix de boisà leurs noms et les plantèrent sur la rive, près de ce dangereux récif.Telle était la coutume en ces temps éloignés.

Ayant été prit par surprise, il n'eut pas le temps de réagir et futimmédiatement engloutie par les flots, ses lourds vêtements et sesbottes l'empêchant de lutter dans cet enfer glacial. Il remarqua lespetites bulles qui éclataient devant ses yeux et qui provenaient de sonair vital venant de ses poumons. C'était sa vie qui s'en allait, maiscurieusement, il n'était pas paniqué. Semblable à un trou noir, il s'étaitenglouti en lui-même, absorbant sa luminosité vers ce centregravitationnel situé dans le néant. La dernière image qu'il vit dans saconscience mémorielle était le dessin qu'avait fait de lui, un artiste depassage à Grand Portage. Celui-ci l'avait montré sur une crête rocheuseavec un indien qui lui indiquait la direction de l’ouest.

A cet instant précis, la prise de conscience se fit instantanémenten lui-même. Il devint l'observateur qui observe celui qui est observé etcette observation l'amena à comprendre que tout ceci était irréel. Ce

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qu'il avait vécu, c'était le panorama de ses vies passées qu'il voyait telun spectateur regardant un film ou une pièce de théâtre. Pendant desmilliers d'années, il s'était prit à être lui-même un acteur dans le feu del'action; d'autres fois, il assistait à ceci en tant que spectateur et à d'autreoccasion, il s'était presque éclipsé en prenant le rôle de celui qui faitl'entretien ménager du théâtre. Comme il s'était berné lui-même duranttout ce temps se disa-t-il! Jamais il ne s'était posé la question del'existence réelle de tout ceci et du mirage de ses centaines de viespassées. Toutes ces vies qu'il pensait avoir vécu n'était en réalité qu'uneprojection de sa pensée, tentant de lui faire croire que ceci était laréalité. Cette projection n'était qu'une autre création de son esprit afinde le convaincre de son existence propre, de se rassurer qu'il n'était passeul avec lui-même. Pendant tout ce temps, des milliers d'années et descentaines d'incarnations plus tard, il s'était menti à lui-même afin de nepas constater que son existence n'était qu'un leurre.

Maintenant, il savait! Il comprenait que sa pensée était à la basede toutes réalités et que son énergie était plus puissante que toutl'univers. Les dernières découvertes scientifiques n'avaient-elles pasprouvées hors de tout doute que l'univers était infini dans l'espace etdans le temps, mais que sa courbe était aussi l'expression de cette réalitéprovisoire.

Semblable à une longue nuit de sommeil, il s'éveillait lentementà cette nouvelle réalité et l'expansion de son esprit semblait englobertout l'univers. Telle une huile précieuse enfermée pendant des centainesd'années dans un vase avant que celui-ci n'éclate en des dizaines demorceaux éparses, il se sentait maintenant libéré; aucune agitationmentale désordonnée de sa pensée et de ses émotions ne viendrait plusjamais troubler cette paix et cette conscience claire et primordiale, videet nue comme un ciel sans nuage; qu’il se dit!

L'esprit de l'homme est semblable à un vase en terre cuite, dontle contenu est son esprit mélangé aux différents états de conscienceappelé dans l'univers mondain, la personnalité. Le contenant est lecorps qui maintient la cohésion de ce contenu que les bouddhistesappellent, des agrégats. Lorsque ce vase se brise en mille morceaux, lecontenu s'écoule sur le sol et est réabsorbé par la terre qui représente laconscience universelle, manifestation du Tout Unique. Alors, l'essence

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de ce contenu, l'esprit, s'évapore dans l'air, retrouvant là sa vraienature. Si celui-ci ne reconnaît pas l'air et la lumière, comme étant savrai demeure, il se fait capturer de nouveau par les nuages karmiquesqui le retransformera par condensation, en fine gouttelette de pluie quiretournera au sol d'une nouvelle renaissance, dans un nouveau vase quideviendra une fois de plus, les murs de sa nouvelle geôle. Voilà la vraiecondition de l'homme actuel. Condition que généralement il ignorejusqu'à ce qu'il s'éveille. C'était bien ce qui lui était arrivé. Maintenant,il en était convaincu.

La luminosité fondamentale

Il avait vu tant de choses dans toutes ses vies, que, tenter de lesdécrire étaient une chose impensable. Il avait vu tant de gens de toutesraces et d’âges différentes mourir. Il avait vu tant de personne s'élever àun rang élevé et d'autres se rabaisser presque au rang de l'animalsauvage. Il avait vu tant de guerres, de fléaux, et de tragédies humainespartout dans le monde qu'il lui arrivait parfois de douter del'intelligence du destin.

Pourtant, il savait maintenant que tous ces changementsn'avaient pas plus de réalité qu'un rêve, et s’il regardait au fond deschoses, il comprenait qu'il n'existait rien qui soit permanent et durabledans tout l'univers.

Il savait que ceux qui ressentent de l'angoisse et de la peurdevant la mort, n'avaient pas réalisé cette vérité immortelle del'impermanence de toute vie. La peur du changement était une choseviscérale chez la plupart des êtres humains. Même si la plupart desnations croient en une chose qui n'est pas la réalité, pourtant ellecontinue depuis des millénaires à construire des fondations illusoiressur lesquels elles bâtissent leurs empires. A ses yeux, la sociétéhumaine pense que le changement est synonyme de perte et desouffrance; c'est pourquoi elle s'obstine à croire que la permanence luiprocurera la sécurité, même si elle est continuellement confrontée etcontredite par la mort qui l'assiège de toute part. La mort est un faitinéluctable de la vie et elle le demeurera toujours, quoi que les hommesou les nations en pensent.

Tu me demande ce qui survit à la mort?

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L'univers en entier est un bouillonnement de vie et de mort quise manifeste perpétuellement. Le monde subatomique est aussi unedanse sans fin de création et de destruction, de matière devenanténergie et d'énergie devenant matière. Tel des éclairs furtifs, desmondes transitoires apparaissent et disparaissent dans un temps irréel etdans un espace utopique. Les feuilles des arbres, les saisons, la lumièredu jour et de la nuit, la température, l'eau des rivières et les glaces desocéans, les personnes que vous croisez dans la rue, les cellules de toncorps, les neurones de ton cerveau qui se détériore, les expressionsfaciales différentes selon tes humeurs et tes émotions, tout cela changecontinuellement sans que tu n'aie aucun effort à faire. Tu te rappelle tesamis d'enfance, les lieux où tu as grandi, et toutes tes actions passéescomme si cela avait été des images provenant d'un rêve. Rien dans tonexistence n'est durable ou stable. Tes pensées et tes émotions étantimprévisibles, que vas-tu penser dans un instant? Rappelle-toi qu'achaque instant tu es entrain de mourir ainsi que toute personne et toutechose que tu connais! Dans tout ce ballet éphémère, seul l'instantprésent t'appartient, aussi fais en bon usage et traite tous les êtres quelsqu'il soit, avec compassion et générosité.

Ce qui survit à la mort d'un être humain, c'est ce qui lui est leplus précieux. Sa bonté fondamentale et sa compassion naturelle. La vieentière de celui-ci est un enseignement qui lui permet de découvrir cettepuissante bonté et un entraînement visant à lui permettre de la réaliseren lui-même. Chaque fois que la vie te donne une leçond'impermanence, elle te rappelle en même temps cette grande vérité. Situ utilise correctement les obstacles et les difficultés de la vie afind'acquérir cette richesse humaine, ta vie sera une source inépuisable debénédictions et d'accumulation de mérites pouvant se changer en forceafin d'aider avec plus d'efficacité tes semblables.

Les Bouddhas montrent le chemin qu'ils ont parcourus afind'acquérir le salut par leurs efforts et leur propre volonté, sans aucuneaide divine ou céleste autre que leur foi en eux-mêmes. C'est pourquoi,par cette démonstration, le bouddhisme se démarque de toutes autresreligions et s'affirme avant tout comme un enseignement pratique ducontrôle mental humain, pouvant être appliqué directement au quotidienafin de se libérer de sa condition d'esclavage dans la roue desrenaissances. Le premier illuminé qui fut libéré de sa conditiond'esclave et qui montra par la suite la voie, le Bouddha Historique à

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affirmé lors d'un enseignement publique que "nous sommes tous ce quenous avons pensé, et nous serons tous ce que nous pensonsactuellement".

L'homme doit lui même éliminer les murs de sa captivité etenfin admettre que ses limites physiques, mentales et spirituelles sontcelles-là même qu'il s'est fixé. Cette reconnaissance est la clé qui mèneà sa liberté et la première marche vers le Nirvặna libérateur. La plus grande victoire qu'un homme puisse prétendre est celle d'avoir vaincuson propre Moi destructeur. Les yeux des profanes ne voient que letransitoire, l'irréel, le sans-valeur tel l'or et l'argent. Les yeux duvéritable pèlerin voit le réel, le précieux, le permanent et le supra-mondain, car il perçoit tout à travers sa propre vision intérieure.

Malgré ses succès nombreux en science, en art, en architecture,en médecine, en politique, en astronomie et en physique, la sociétéd'aujourd'hui à construit la charpente de sa civilisation sur quatre piliersbranlants: son défaitisme, sa désillusion, sa décadence sociale et sondécouragement sans espoir. Elle n'a pas su vaincre ses peurs ancestraleset surmonter les tares du désir effréné, de l'ambition démesurée et del'avidité de tous ses membres. L'homme moderne s'est enchaîné lui-même à l'éphémère et au mirage mondain, c'est pourquoi, plus quetoute autre époque, la souffrance est si largement répandue sur lasurface de la Terre.

Tu me demande encore si tu survivras à la mort?

Pour répondre à ton interrogation, sache qu'il n'existe riencomme une âme ou un soi qui survivrait au grand passage. Il n'existeaucune substance ni entité permanent qui survit en l'homme.

Cependant, rappelle-toi que ce que tu nomme la vie, est unassemblage disparate de combinaisons d'énergies physiques et mentalesqui se modifie continuellement, naissant et mourant dans unmouvement sans fin, celui-ci n'étant jamais identiques pendant deuxinstants consécutifs. Pendant la durée de toute ta vie, tu nais et tumeures à chaque instant, pourtant tu continue d'exister sans qu'il y aitune substance permanente immuable telle qu'une âme. Lorsque toncorps physique ne sera plus, tes énergies continueront malgré toutd'exister en prenant une autre forme corporelle lors d'une renaissance.Les énergies mentales d'un être sont douées du pouvoir de prendre une

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autre forme, qui ne sera pas obligatoirement humaine, et de croître à samaturité avant de dépérir jusqu'à un nouveau cycle. Comme aucunesubstance permanente n'existe, rien ne transmigre d'une vie à l'autre. Cecourant de conscience qui continu d'une vie à l'autre change à chaqueinstant et n'est rien de plus qu'un mouvement. C'est comme un coursd'eau qui s'écoule; l'eau du matin n'est pas la même que celle du midi, etcelle de la nuit aussi. Cependant, cela demeure un cour d'eau qui resteassez longtemps au même endroit, dans le même lit de rivière. Si tu luidonne un nom, celui-ci demeure mais ne veut pas dire que c'est toujoursla même eau qui y circule. Cette rivière est là, elle à l'air d'exister,cependant, dans le fond, elle n'est rien d'autre qu'un mirage.

Un enfant né, il grandit et va à l'école. A l'âge adulte il se mariepuis à des enfants. Dans sa vieillesse, il meurt seul et abandonné detous. Si tu regarde les photos de tous ces clichés de vie, tu verras despersonnes bien différentes, cependant ceux-ci ne sont pas des autrespersonnes. Seul le mouvement est permanent.

Lorsqu'un homme meurt et qu'il renaît dans une autre contrée, iln'est ni la même personne ni une autre entité. Il est une continuité dansune série de vie toutes différentes les unes des autres. La différenceentre ta mort et ta renaissance, n'est qu'un instant dans ta pensée. Tadernière pensée dans ta dernière vie conditionnera le premiermouvement dans ta vie suivante. Celle-ci ne sera en fait que la mêmecontinuité de la même série. Tant que tu auras soif d'être, tu continuerasde renaître dans le Samsâra et le cycle de ta continuité se poursuivrajusqu'à ta propre délivrance lorsque tu t’éveilleras et que tu cheminerascourageusement vers le Nirvâna. Là est la véritable mission de tous êtresur Terre. Cependant, celui-ci ne sera jamais complètement libre tantqu'il n'aura pas aidé ses semblables à atteindre la même condition deliberté.

L'homme possède en lui-même la nature de se manifester etd'apparaître, mais il possède aussi le germe de sa propre destructionafin de disparaître. Les agrégats dont il est constitué ont tous cepouvoir, cette nature de la cessation.

Le corps de l'homme est construit sur une charpente possédantles cinq agrégats suivants: celui de la terre apportant la solidité de lamatière, celui de l'eau apportant la fluidité des sensations, celui du feuapportant la chaleur des perceptions, celui de l'air apportant le

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mouvement des formations mentales et enfin celui de l'éther luiapportant la conscience de l'esprit.

L'homme se divise donc en cinq parties bien distinctes; celui dela matière, celui des sensations, celui des perceptions, celui desformations mentales et celui de la conscience, chacune ayant leurdivision respectives et leurs états de conscience propre:

La matière possède la conscience de l'œil pour les formesvisibles, celle de l'oreille pour les sons, celle du nez pour les odeurs,celle de la langue pour les saveurs et celle du corps pour les chosestangibles. Ceux-ci ne produisent pas d’effets karmiques.

Les sensations plaisantes, déplaisantes ou neutres, sont produitespar les sens et viennent de l'extérieur; œil, oreille, nez, langue, corps, etobjet mental venant du monde des idées. Ceux-ci ne produisent pasd'effets karmiques.

Les perceptions sont de six sortes en rapport avec les sixfacultés intérieures et les six objets extérieurs. Ceux-ci ne produisentpas d’effets karmiques.

Les formations mentales sont au nombre de 52. Elles sont tousdes actes volitionels bons ou mauvais et se divise en trois groupesdistincts:

Volition karmique = la volition est une construction mentale etune activité. Sa fonction est de diriger l'esprit dans la sphère des actionsbonnes, mauvaises ou neutres. Ayant voulu ou ayant agit au moyen ducorps, de la parole ou de l'organe mentale, celui-ci produit des effetskarmiques conséquents à ceux-ci.

Formes de volition = six formes en rapport avec six facultésintérieures et ses six objets correspondants dans le monde extérieur.

Action volitionnelle = l'attention, la volonté, la détermination, laconfiance, la concentration, la sagesse, l'énergie, le désir, la répulsion,la haine, l'ignorance, la vanité, l'idée du soi. Ceux-ci produisent deseffets karmiques.

La conscience = celle-ci possède six formes en relation avec sixfacultés extérieures (œil, oreille, nez...) qui a pour objet un phénomènecorrespondant (forme, son, odeur, saveur, choses tangible, objetmentaux). La conscience n'est pas un esprit par opposition à la matière.

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Elle ne reconnaît pas un objet; elle est seulement un acte d'attention à laprésence d'un objet. Exemple: bleu (conscience visuelle). La perceptionreconnaît que c'est du bleue (conscience de la reconnaissance).

Le tronc de l'existence humaine à besoin de quatre racines afinde perpétuer la continuation des êtres. Celle-ci sont: la nourriturematérielle, le contact des organes des sens, la conscience, la volitionmentale de vouloir vivre, d'exister de nouveau et de devenir de plus enplus. On a surnommé cet état, "la soif d'être". Les trois manifestationsde cette "soif" sont: la volition, la volition mentale, et le karma. Tousmanifeste le même sens, c'est-à-dire le désir, la volonté d'être etd'exister. Ces quatre racines réunis en une, sont la cause première del'apparition de la souffrance, et ce désir se retrouve directement dansl'agrégat des formations mentales constituant l'homme.

Les effets karmiques d'une action découlant d'une volitionmentale peuvent continuer à agir même dans la vie suivante. L'hommen'est donc qu'une combinaison de forces et d'énergies différentes réunisen un tout qui donne naissance alors à une identité illusoire appelé"Ego" ou "Soi" d'une personne. La mort physique occasionne ledémantèlement de cet amalgame d'agrégat disparate et changeant,cependant la force de cette "soif" continue d'exister et survie à cedécès. Cette force du devenir est l'une des plus puissante force del'univers, qui perpétue la vie et l'existence du monde entier, de mêmeque le prolongement de la souffrance humaine dans le Samsâra, en seréincarnant continuellement dans un nouveaux corps d'existence.

Tout à coup, il réalisa qu'il était en dialogue avec l'intangible, cenulle-part qui devait sûrement être lui-même, sa propre conscience quidevait remonter à des millions d'années et avait vécu des milliersd'existences différentes. La mémoire de toutes ses vies devait avoiracquis cette connaissance et toute cette sagesse!

Comme pour confirmer son appréhension, la voie mystérieusese tut et il resta prostré dans le silence le plus complet.

...

Pendant combien de temps dura cette inaction et ce grandsilence? Il ne pourrait le dire, le temps ayant perdu toute sa raison

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d'être. D'ailleurs, comment se faisait-il qu'il se posait cette question?Étrange!

Ainsi, il n'était plus qu'une coquille vide. La vie avait quitté soncorps puis celui-ci s'était dissolu. Il n'avait éprouvé aucun regretlorsqu'il avait vu celui-ci s'évanouir en fumée crématoire. Sa vie avaitété tellement malheureuse. Comment pouvait-il en éprouver desregrets?

Puis, tous les aspects négatifs de son esprit subtil avaient aussifondu comme neige au soleil. Les poisons du désir, de la colère et del'ignorance avaient retourné dans le néant de la vacuité. Alors, s'étaitélevé la nature primordiale de son esprit, semblable à un ciel sansnuages. Il avait été soulagé d'un grand poids et il se sentait léger commel'air, et même encore plus. Tout ce qui voilait son esprit d'éveil s'étaitévanoui. Comme le lever du soleil au petit matin, un grand amourindescriptible, une grande compassion pour tous les êtres s'étaientélevée dans l'horizon de sa nouvelle conscience claire et pure.

C'est à cet instant précis que l'aube de sa LuminositéFondamentale s'était élevée devant lui. Cette première expérience de laclaire lumière était le rayonnement naturel de la sagesse de son espritqui manifestait ainsi sa simplicité toute nue et l'immensité immaculéede sa profondeur. Sa conscience elle-même s'était dissoute dans l'espacede vérité qui embrassait tout. La nature de toute chose s'ouvrit à sonregard, vide et nu comme le ciel. Dénué de circonférence ou de centre,sa Nature primordiale, pure et sans voile, rayonnante et intelligenten'avait jamais été souillée par toutes ces vies et morts, ou par cesmigrations dans les mondes du désir, de la forme ou du sans forme.Tout cela il le sût sans que personne ne le lui révèle.

Dès qu'il avait perdu la protection de son corps physique et lesoutien du monde matériel, les énergies du Bardo était devenus uneaccablante réalité objective. Celle-ci semblait occuper tout le mondeextérieur qui l'environnait. Aussitôt qu'il avait fait l'erreur de voir sesvisions comme extérieure à lui-même, il réagissait à la peur ou auxautres émotions négatives, et ceci le menait vers une illusion encoreplus grande. Toutes ces expériences qui s’élevaient dans le Bardoétaient le rayonnement naturel de son esprit inventif et créateur. Cesapparitions fugaces étaient l'énergie de sagesse de son propre esprit quimanifestait ainsi des expériences de non-dualité, ou l'espace et le temps

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était transcendé. Toutes ces visions étaient donc son propre esprit qui semanifestait à lui-même, tentant ainsi de s'arracher du carcanSamsârique.

S'il n'est pas capable de reconnaître son propre esprit dans toutesces manifestations de l'entre-deux, ou s'il est incapable de supporter cesvisions aussi éblouissante que le soleil, alors ses réactions instinctivesde peur s'élèveront et l'attirera immanquablement vers une renaissancedans un des six mondes. Ses habitudes, ses anciens réflexes et sonconditionnement passé se raccroche à la saisie dualiste et celle-ci ayantla fonction d'ancrer, elle le maintiendra dans l'univers illusoire duSamsâra. La base de l'esprit ordinaire est obscurcie par les tendanceskarmiques héritées de l'ignorance et des habitudes acquises pendantplusieurs vies. Sans une pratique spirituelle, il est très difficiled'échapper à ce que nous sommes réellement et à ce que nous avons été.Même si la mort t'offre l'occasion de te libérer lorsque la claire lumièrede l'aube fondamentale s'élèvera, sache que peu de personne yparvienne.

Tout l'espace qui l'environnait était d'un bleu azuré très profond.Droit devant lui, l'eau du lac était une lumière blanche. La terre et lesmontagnes étaient jaune ocre et le vent tourbillonnait dans des teintesvertes tendres, se mélangeant parfois au vert émeraude. Seul le feu dufoyer gardait sa couleur terrestre, le rouge flamboyant. Sans vouloir seposer la question, il savait le pourquoi de tout ceci qui était l'expressionnaturelle des qualités mentales de son esprit.

La lumière étant le potentiel de tout, il possédait donc un corpsde lumière que les bouddhistes avaient surnommé, corps d'arc-en-ciel.Même dans l'univers physique, il savait que la matière était un océand'énergie lumineuse, celle-ci n'étant que de la lumière condensée,presque figé.

Semblable à un mirage dans le désert, tout le paysage chatoyantétait en perpétuel mouvement et se changeait aussi vite qu'un coup devent. Il reconnaissait tous ses paysages familiers et même des villesqu'il avait visitées voilà très longtemps. Transparent, multicolore, sanslimite de direction ou de dimension, cette vision panoramique englobaittout son environnement du moment, et s'éclatait dans un monde fluidede sons harmoniques, de couleurs flamboyantes et de lumièreaveuglante.

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Aussi soudainement que ceci était apparut, tout l'espace sedissolvait en luminosité, car il n'avait pu stabiliser cet instant glorieux,cette manifestation rayonnante de la nature de son propre esprit.

Alors, le Bardo de la luminosité dans l'union s'éleva.

Des centaines de sphère de lumière, de couleurs et de grosseurdifférente apparurent dans l'espace qui l'environnait et remplit toutcelle-ci. Comme les bulles d'air, lorsqu'il s'était noyé, celle-ci éclatèrentdans un bref sifflement et laissèrent apparaître différents personnages.Il reconnut différent bouddhas tenant à la main divers attributs,éblouissant de lumière et la plupart entouré d'un halo de lumière dorée,symbole de leur éveil. Il reconnut des bodhisattvas célèbres et d'autresqu'il n'avait jamais vue. Il vit plusieurs déités de tailles, de forme et decouleurs différentes.

Soudainement, une rais de lumière fine jaillit de son cœur ets'unit aux cœurs de tous les bouddhas présent. Des petites sphèreslumineuses apparaissaient dans ces rayons, s'enroulaient autour d'euxavant de disparaître de nouveau. Ce ballet lumineux avait quelquechose de féerique. Aussi soudainement que les déités étaient apparues,celle-ci se dissolvaient en lui et le rayon unifiant se résorbait en soncœur.

Les cinq bouddhas des cinq familles apparurent avec leursparèdres. Ceux-ci symbolisaient les cinq agrégats de l'Ego, les cinqsagesses fondamentales, et les cinq émotions négatives. Par après,apparut les huit bodhisattvas des six mondes.

Il était tellement impressionné qu'il se recueilli et demanda labénédiction de tous les bouddhas. Alors, il vit ceux-ci élever leurs bolsd'aumônes et laisser s'écouler un mince filet d'amrita, le breuvage desdieux. Celui-ci tomba sur le sommet de sa tête et coula fraîchement lelong de ses 72 000 canaux méridiens, purifiant ses vents et ses gouttes,et éliminant tous son karma négatif. Dans une brève prière, il remerciaceux-ci pour toutes les faveurs qui lui avaient été accordés.

Il était encore à se recueillir lorsqu'un formidable coup detonnerre jaillit et fit apparaître des éclairs gigantesques qui zébrèrenttout l'horizon. La vision des bouddhas s'était évanouie comme par

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enchantement. Seul avait subsisté ce ciel qui devenait de plus en plusgrisonnant, accumulant des nuages menaçants qui n'arrêtaient pas de semétamorphoser en des visages hideux et en des figures grotesque etricanantes.

Était-il tombé en enfer, qu'il se demanda?

Cette formidable manifestation de mille tonnerres et deplusieurs centaines d'éclairs vives dura plusieurs jours et vit l'apparitionde 42 déités paisibles et de 58 déités courroucées. Celles-cis'assemblèrent selon la structure de leur mandala, par groupe de cinq, etcette vision fantastique hors de toute description possible emplit latotalité de sa vision, autant intérieure qu'extérieur à lui-même. Nepouvant supporter une pareille vision, une peur indicible s'insinua enlui, grandissante de jour en jour, jusqu'à ce qu'une terreur aveugle lesubmerge et qu'il ne s'évanouisse.

Le Bardo de la dissolution dans l'union de la Sagesse s'éleva.

S'éveillant de ce cauchemar qu'il ne comprenait pas, il vit unemince rais de lumière s'éjecter de son cœur et donner naissance à uneautre vision dont il distinguait les moindres détails, clair et précis. Il vitapparaître cinq tapis de lumières resplendissantes, symbolisant lesdivers aspects de la sagesse se dérouler et être survolé par cinq sphèreslumineuses de couleurs différents. Le premier qu'il vit était d'un bleuprofond, surmonté de cinq sphères chatoyantes de couleur bleu saphir.Celui-ci représentait la Sagesse de l'espace qui embrase tout.

Le deuxième qu'il vit au-dessus du premier était de couleurblanche semblable à de la lumière cristallisé. Cinq sphères d'uneblancheur cristalline le surmontaient. Celui-là représentait la Sagessesemblable au miroir.

Le troisième était de couleur jaune flamboyant et les sphèresétaient de couleur dorée. Ce qu'il représentait était la Sagesse del'égalité.

Le quatrième était rouge et ses sphères étaient de couleur rougerubis. Celui-ci représentait la Sagesse du discernement.

Le dernier était vert forêt et était surmonté par une seule sphèresemblable à une plume de paon, avec toutes ses couleurs chatoyantes etcriardes. Il symbolisait la Sagesse qui accomplit tout après l'éveil d'unbouddha. Ces cinq Sagesse étaient donc des potentiels d'éveil. Cela il lecomprenait.

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N'ayant pu stabiliser cette vision, celle-ci se résorba dans lasphère couleur de paon avant de disparaître devant sa vision.

Dissolution de la Sagesse dans la présence spontanée.

L'immensité de cette vision est inconcevable et inexprimable.Elle englobe le tout dans la conscience d'un esprit humain et cela nedure que l'instant d'un claquement de doigt, cependant pour celui qui levit, cet instant est presque l'éternité.

Cet état de pureté primordiale se lève comme un ciel clair etlimpide, sans aucun nuage pour bloquer cette vision fantastique. Lesdéités paisibles et courroucées réapparaissent calmement, les pursroyaumes des bouddhas se laissent voir et l'ensemble des six mondes del’existence Samsârique se dévoilent.

Toutes les possibilités de l'existence humaine sont apparentes: laconfusion jusqu'à la Sagesse, la renaissance jusqu'à la libération, lesvies passées et les futures, le souvenir de tous les enseignementspassées et même celle qui n'ont jamais été entendues, les pouvoirs deperception et de mémoire extraordinaire.

Après cet instant de félicité furtive, la vision se dissout dans sonessence originelle.

Il avait encore manqué l'opportunité de se libérer grâce à laClaire lumière du Bardo de la luminosité fondamentale. Il avait ainsiperdu la clé de son Nirvâna, de son repos bien mérité après toutes sessouffrances due aux renaissances dans la roue cyclique du Samsâra.Avant de replonger dans l'univers des renaissances, il eut une dernièrevision de ce qu'il avait perdu, le Nirvâna.

Il vit son propre esprit dans l'état primordial non modifié. Il vitla transcendance et l'annihilation totale des apparences. Il vit le soufflequi éteint la flamme de la sensualité corporelle. Il vit le dévoilement dela réalité et l'éveil du rêve le la Maya. Il vit ses passions dominées parl'analyse, les comprit et les transmua afin de les appliquer à des butsplus noble que l'activité mondaine.

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Il comprit qu'il lui fallait renoncer au monde, non parce quecelui-ci était cause de souffrance et de douleur, mais parce qu'il n'avaitpas plus de réalité qu'un rêve. Il comprit que cet état de rêve, le monde,n'était qu'une des facettes de l'existence Samsârique et que celle-cin'apportait aucune satisfaction. Il comprit qu'il devait s'éveiller de cerêve afin de vivre le réel, l'état d'éveil qui apporte le Nirvâna hors desmirages samsâriques.

Il acquit la compréhension que le Samsâra et le Nirvâna qui sontles dualités ultimes, sont Unique et conduisent à la délivrance del'esprit, but final de toute pratique spirituelle. Il accéda à laconnaissance que le Nirvâna n'est ni existence ni annihilation, ni être ninon-être, car tout concept relève de dualités illusoires. Le Nirvânatranscende toutes les affirmations humaines et ne peut être comprisintellectuellement car il n'est relatif à aucune chose. Il transcende larelativité et il est au delà de toute conception philosophique oureligieuse. Il est le soleil de la vacuité qui émet lumière et énergie, maisles transcende toutes deux car en tant que vacuité, il est la source detoute existence. Malgré qu'il soit l'initiateur de toutes les activités dumonde, il demeure calme et inchangé dans sa nature primordiale.

Le Nirvâna est au-delà du Samsâra, du monde sensoriel et desdésirs, le Kama-loka avec ses six règnes d'existence cycliques et laperpétuation de la souffrance.

Le Nirvâna est au delà du Rupa-loka, le monde des formespurifiées et des structures avec ses seize cieux de Brahma et ses quatredomaines de méditation ou prédomine la beauté et l'intégrité.

Le Nirvâna se situe dans le monde du sans forme, l'Arupa-lokade nature purement spirituelle. Sphère de l'informe, sans monde, sansstructure, ou seul existe des sensations spirituelles divisé en troisniveaux appelé illumination dans le Nirvâna. La première étape est lasensation conditionnelle ou imparfaite. La deuxième estinconditionnelle ou parfaite. La dernière étape est la sensation nonlocalisé et absolu, dans lequel les sensations de limitations de temps etd'espace n’existent plus.

Le Nirvâna est un état au delà de tous les états, comme celui dela maladie, de la vieillesse et de la mort. Il est l'émancipation duconditionné et de l'existentiel tel que l'homme le connaît et il n'est pas

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l'annihilation de l'être, comme certain le pense. Le Nirvâna transcendel'ignorance, la racine de tous les poisons, et va au delà des phénomèneset des apparences transitoires. Il est le triomphe sur la mentalité animalede l'homme mondain et représente ainsi, l'évolution supérieure de celui-ci.

L'état de Nirvâna est un état de paix et de félicité qui est lavéritable force chez l'homme. Cet état lui accorde le pouvoir desbénédictions suprêmes afin de travailler au bien de l'humanité et de tousles êtres sensibles des univers samsâriques, permettant ainsi d'accomplirdes miracles dont l'homme ne soupçonne même pas l'existence. Cet étatn'est pas différent de l'état d'un Bouddha, et celui-ci est moins éloignéde soi que les poils sur notre peau. La capitale de ce royaume, leNirvâna, siège en notre cœur. Ne cherchez pas plus loin.

Le Samsâra

La route de l'excès mène au palais de la Sagesse, tel fut sa dernièrepensée avant qu'il ne sombra dans le néant.

Le monde des enfers

Lorsqu'il reprit conscience, il se trouvait environné d'unelumière gris fumée qui lui semblait rassurante et agréable. Cependant,sa clairvoyance lui disait que celle-ci était l'expression de sa colère etde sa haine. Alors, comment cela se faisait-il qu'il s'y sentait bien? Il yavait là un paradoxe qu'il n'arrivait pas à comprendre. Malgré cettesituation bizarre, il se rappelait, alors qu'il était dans le Bardo de laClaire lumière, il avait subit deux échecs successif qui l’amèneraient tôtou tard à se réincarner une nouvelle fois. D'abord, il n'avait pasreconnut le fondement de la nature de son esprit, ensuite il avait aussiignoré l'énergie sous-jacente à cette même nature. C'est ainsi qu'il étaitdevenu par la force des choses, juge et accusé et qu'il avait lui mêmepromulgué la sentence qui arriverait bientôt.

Il savait s'en savoir comment, que s'il ne reconnaissait pas lesémotions négatives lorsque celle-ci s'élèveraient et se figeraient, ilcréerait ainsi par lui-même les mondes illusoires qui l'emprisonnerait

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dans le cycle des naissances et des morts. Ceux-ci seraient le refletobjectif de la manifestation de l'ignorance, occasionnant une réalitéillusoire créée par lui-même.

Il se sentait encore léger comme un papillon et libre d'aller oùbon lui semblait. Auparavant, il s'était envolé dans l'espace et dans letemps, allant même jusqu'à visiter l'antique Atlantide de même quePompéï avant l'éclatement du volcan. Il avait rendu visite à ses proches,à tous ceux qu'il aimait et il leur avait caressé doucement le visage,mais ceux-ci n'avaient rien ressentie. Cela l'avait rendu très triste.

Sa mémoire des goûts et des odeurs s'étaient décuplés, aussi ilen avait profité pour se faire une dégustation gastronomique digne d'unRoi. Il avait entouré toute la table de ses fleurs préférés, les lilasmauves, les roses rouge, les oiseaux du paradis, les glaïeuls, les lilas etce qu'il préférait par dessus tout, les fleurs du muguet, tellementodorante avec ses petites clochettes blanches immaculées. Sa table debanquet comprenait des dizaines de mets succulent mais aucune viandeanimale autre que des fruits de mer et des mollusques fraîchementpêché.

Il aurait bien aimé repartir en voyage et découvrir de nouvelleterre, cependant, cette brume grise l'immobilisait comme dans un étaugigantesque. C'était sans doute la loi Karmique qui commençait às'appliquer dans son cas précis. Cela aussi il le savait, sans pourtantsavoir comment.

Lentement, la brume grise commença à s'élever et dévoilaprogressivement un paysage tellement fantastique qu'il en resta presquebouche bée.

Il se trouvait sur une grande plaine déserte qui était situé aucentre d'une vallée montagneuse et désertique ressemblant à un paysagelunaire. Ce paysage de fin du monde aurait pu être celui qui auraitsubsisté après le passage d'une bombe atomique. Si les couleurs étaientcelle du désert, la prédominance de celle du volcan était indiscutable: legris maussade et les jaunes criards se mélangeaient aux rouges ardentset aux bruns profonds. Des plaines de sel étincelantes s'étendaientcomme un tapis d'aiguilles minuscules finement ciselées, s'étirantesvers un ciel bas et menaçant. Tout autour de lui, des volcans crachaientde la fumée et laissaient d’autres cicatrices là où s’étaient déposées lescoulées de laves précédentes. Éparse dans la vallée, des fosses d'un vert

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profond semblaient bouillonner. Un mince ruban de verduresquelettique survivait vers le nord-est en provenance de la partie sud dudésert. Cette plaine aride était constamment soumise aux cisaillementset à de violents tremblements de terre.

Il voyait, parsemé inégalement sur la plaine, des sources d'eauxchaudes colorés signalant par là que l'activité volcanique n'était pasterminée. Celle-ci se produise lorsque l'eau de surface s'infiltre à traversdes fissures puis entre en contact avec les roches en fusion de la coucheinférieure. Sous la force thermique, l'eau se retrouve refoulée vers lehaut à travers des couches de sels et de minéraux, d'où elle émergecolorés par ceux-ci. L'eau rouge, jaune et brune est causée par lesoxydes et hydroxydes du fer. Lorsque cette eau refroidit, ses selsminéraux se cristallisent pour former des stalagmites et des monticulesvivement colorés.

Il décida de marcher en direction nord-est, vers l'endroit où ilavait aperçu la petite bande de verdure éparse. Le sol était couvert d'unepetite herbe cornée qui semblait entièrement brûlée et desséchée, ce quidonnait à celle-ci sa couleur ocre. A l'ouest du sinistre paysage, lesmontagnes d'un noir d'encre étaient soulignées d'un mince trait delumière qui l'empêchait de se confondre au vide bleu-noirci du ciel. Lesoleil était haut dans le zénith et la chaleur était accablante. Lors dehaltes fréquentes, il se blottissait à l'ombre des rochers et s'enveloppaitla tête de chiffon avant de continuer. Parfois, la nature prenant le passur le reste, il se demandait s'il aurait assez de force pour continuer.Rien ne pouvait le protéger contre le vent torride qui soulevait devantlui des nuages de sable brûlant d'une couleur rouge sang. On aurait ditl'enfer en mouvement.

En atteignant la bande d'herbe et d'acacias, il vit que celle-ciavait pour compagnon une rivière calme et tranquille, serpentant àtravers les collines dénuées et rocailleuses. Il monta sur une petitecolline afin de voir où se dirigeait cette rivière. C'est alors qu'il vit dansle lointain en direction du sud, deux lacs vert émeraude. Pendant sixjours et six nuits, il se dirigea vers ceux-ci. Il circula péniblement àtravers des marécages remplis de pythons gigantesques et pendant deuxjours, il dut traverser une coulée de lave craquelée et fendillée issusd'un volcan tout près, qui avait perdu son sommet lors de l'éruption.Dans cette région la chaleur était étouffante et il lui semblait avoirpénétré à l'intérieur même d'un fourneau. Malgré sa fatigue, la faim et

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la soif le tenaillait constamment. Pendant le jour, il ne trouvait aucuneombre ou s'abriter et la seule eau potable qu'il avait bu, était chaude etsaumâtre. A chaque coucher du soleil, une tempête de sable lui tombaitdessus et le froid glacial du désert lui rappelait qu'il n'avait nulleflamme pour se réchauffer. Comme il se sentait misérable dans sasolitude, constamment torturé par la faim et la soif, la chaleur et lefroid. Le troisième jour, il avait attrapé un poisson-chat, mais il devaittoujours être sur ses gardes car la rivière boueuse était infestée decrocodiles affamés.

Les derniers jours, le cours d'eau se transforma en marécages etil aperçut un groupe de pélicans blanc qui plongeaient la tête dans l'eauafin de cueillir les petits poissons et crustacés constituant leursnourritures. Un hippopotame furieux d'être dérangé, souffla un jet devapeur d'eau par les narines avant de plonger avec calme. S'approchantd'une touffe d'herbes et d'arbustes plus compacte, il vit apparaître untroupeau d'une dizaine de gazelles bien adaptée au désert quisoulevèrent avec leurs sabots un nuage de poussière volcanique ens'éloignant au galop. Un peu plus loin, il vit un âne sauvage plus gras etplus gros que ses proches congénères civilisés disparaître aussitôt qu'ilse sentit découvert.

S'approchant de plus en plus de la rive du lac qui apparaissaitmaintenant au loin, il découvrit que le sol était parsemé de verrevolcanique constitué de fragments d'obsidienne d'un noir brillant.Même si ses pieds étaient bien protégé, il ne pouvait faire plus quequelques dizaines de pas sur cette lave aux arêtes aiguës et sur un solaussi brûlant. Il s'éloigna perpendiculairement de cette terre de verrecoupante et passa par un ravin serpentant entre un ancien volcan et lelac d'émeraude. Les flancs du volcan crachaient encore une fuméesulfureuse jaune dont la puanteur lui faisait lever le cœur. Une partie durebord du cratère avait été arraché lors d'une éruption ancienne et il vitpar cette intercisse, des langues de feu encore en fusion dans la cuve ducratère.

Se rapprochant de la rive, il longea d'épais fourrés de papyrusqui lui dissimulait la fraîcheur du monde aquatique. Il reconnut legrognement et les solos de trombone des hippopotames qui s'ébrouaientdans l’eau peu profonde, mais ceux-ci demeuraient dissimulés par lavégétation des berges. Il suivit l'une des pistes tracées par un

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hippopotame qui se déplacent comme des bulldozers à travers lesbuissons les plus épais.

Il s'éloignât du lac en bifurquant vers l'est afin d'entrer dans unpassage rocheux qui conduisait au deuxième lac. Celui-ci aurait pus'appeler La Porte de l'Enfer tellement ses parois étaient tourmentéessous l'effet du vent alcalin. A l'entrée de la gorge, il croisa des buissonsnains d'acacia seyal parsemé d'épines tranchantes. Sur l'un deux, ilremarqua une grosse goutte de sève transparente qui était transpercé deplusieurs trous minuscules causés par des fourmis. Celle-ci sécrète del'acide formique qui irrite les animaux qui tentent de brouter les feuillesdu buisson. Ainsi, la coopération entre ces deux espèces différentescontribue à la survie de ceux-ci. Curieusement, La Porte de l'Enfer étaitun refuge pour les oiseaux et le gibier ainsi qu'un très beau terrain dechasse pour les prédateurs. Petits félins, rapaces, léopard, vautour,chacals et hyènes, serpentaires, lézards, serpents et petits rongeursétaient parmi les locataires de cette région torturée. Même si cetterégion ressemblait aux méandres de l'enfer, il se dit qu'il était loin del'enfer de Dante décrite dans les peintures de Jérôme Bosch. Il n'avaitvu aucune des flammes éternelles consumant des âmes pécheresses.

S'approchant de la crête de la paroi orientale de la vallée, ilescalada une coulée de lave d'obsidienne durci avant d'atteindre sonobjectif. Une forte odeur de souffre remplit l'air, le sol grondait etsifflait tout autour de lui et ce qui semblait être une fumée était enréalité de la vapeur jaillissant d'une centaine de petites crevassesminuscules. Incroyablement, des fleurs de lavande pâle poussaient surla crête, arrosées par les vapeurs des petites fumerolles de la vallée.Encore plus incroyable, était le fait que des poissons pouvaient survivredans le lac près des sources d’eau chaudes bouillonnante de carbonatede sodium. Ces poissons survivaient en se nourrissant d'algues vertesqui poussaient près des sources chaudes, ou l'alcalinité et la températureaurait cuit quiconque s'y serait aventuré. Ce lac était aussi le lieu dereproduction d'un immense groupe de flamand rose estimé à deuxmillions d'individus.

Dès qu'il aperçut le second lac qui était un monstrueuxamoncellement de soude pure, celui-ci exerça sur lui une fascinationétrange. La couleur dominante du lac était le rose et près de sesrivages, la mince couche d'eau laissait apparaître les verts, les gris et lesbruns sombre de la roche. Au coucher du soleil, le lac de soude se

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transformait en couleur d'or pur, mais sous le chaud soleil du midi,celui-ci devenait un enfer scintillant. La couleur rose du lac est due auxalgues qui prolifèrent dans ce liquide mortel. Celui-ci est abrité par desfalaises abruptes et les volcans qui l’entourent, transformant le lac enun miroir parfait, d'un calme absolu. Les reflets combinés des rochesvolcaniques grises et noires, du ciel bleu, de la brume constante quis'élève du lac et des mirages flottants à sa surface, occasionné par lachaleur torride, provoque chez le nouveau visiteur une confusionvisuelle totale. C'est ainsi, qu'il n'arrivait pas à saisir ou commençait larive et où finissait le lac. Il vit une autruche qui s'était aventurée sur lacroûte de soude blanche bordant la rive, puis qui avait heureusementchangé d'idée et avait sagement rebroussé chemin.

Après avoir descendu la colline abrupte des couléesvolcaniques, il s'était approché précautionneusement du lac étrange.Près de la rive, le sol de soude blanche était durcie, mais plus ilavançait, plus celui-ci devenait fragile. Bientôt, se pieds s'enfoncèrentdans un limon noir et puant. Une pellicule d'eau rosâtre jonchée decadavres de sauterelles recouvrait la couche de soude molle, jusqu'à ceque finalement, ses pieds s’enfoncent dans une boue à l'eau sulfureused'une forte odeur putride. A certain endroit, la soude s'était cristalliséeen plaques relevés ressemblant à des feuilles de nénuphars. En dessousde ceux-ci, la vase était moins spongieuse mais plus collante. A unmoment, il se retrouva à quatre pattes et à chaque halte de repos, ils'enfonçait lentement dans la boue noire qui se trouvait sous la croûtede soude. C'est à cet instant précis qu'il décida de rebrousser chemin parcrainte de ne plus pouvoir parvenir à se dégager les pieds. Lorsqu'il futrevenu au rivage stable, il découvrit ses jambes qui étaient couvertesd'ampoules rouges vin et celles-ci noircissaient à l'air vif, sous sespropres yeux. Contournant le lac par la rive occidentale, il se tintéloigné de la rive de celui-ci et se dirigea d'un pas incertain à traversdes centaines de cadavres de petits poissons et de mollusques dont il nedevinait pas la provenance.

Dans la chaleur du midi, couvert de sueur et à demi-aveuglé parle mirage du lac, il se dirigeait vers une destination inconnue sanssavoir pourquoi ni vers quel but il réalisait tout ceci. Pendant combiende temps dura ce pèlerinage forcé et quel destination avait-il atteint? Ilne le savait pas car tout se passait comme s'il visionnait un film qui serépétait sans cesse et qui n'avait pas de fin. Sans cesse, il visionnait lesmême paysages, endurait les mêmes souffrances et se posait les mêmes

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interrogations. La dernière pensée qu'il eut dans ce film où il étaitacteur malgré lui, c'était qu'il se trouvait dans le Royaume de l'enferchaud sans aucune présence humaine pour le soutenir.

Las de cette longue randonnée pédestre, il s’étendit à l’ombred’un vieux chêne tout rabougri par les éléments de cet univers infernal,puis il sombra très tôt dans un néant sombre et brutal.

Les gros flocons de neige qui tombait, ne l'aidait pas à serappeler.

Où sont-ils allés mes souvenirs, qu'il se demanda?

Il ne sait pas. Il ne voit ni le ciel, ni l'horizon dans la lumièreblanche qui l'entoure. Il ne sait plus rien.

Il s'avance et il voit un corps dans la neige. Il est étendu. Peut-être est-il mort!

Il s'approche et lui demande: Qui es-tu?

Je ne sais pas, lui répondit-il! Puis, il rajouta: Il est difficile detrouver une réponse quand on n'a pas de question à poser!

Il reprit: il fait froid. Je suis issu d'un lieu éloigné, peut-être au-delàdes nuages, du ciel ou au-delà des étoiles. Puis, sans rajouter un seulmot, il retomba inconscient dans la neige.

Depuis des jours et des jours, il marche sur une plainesilencieuse couverte de neige et de glace. Toute la plaine est blanche etdes arbres squelettiques sans aucunes feuilles produisent de grandessilhouettes bleues grise qui souillaient d'ombres cette plaine immaculée.La neige tombe et il continue d'avancer. Il n'arrive pas à distinguer leciel de la plaine, celle-ci ayant la même teinte de couleur qui sedissolvait sans fin dans la blancheur de cette neige.

Il décida de fuir.

Il fuyait dans la blanche neige qui ralentissait ses pas entourbillonnant autour de lui.

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Tout en fuyant, la peur s'élevait en lui, accompagnant le froid etla faim qui le torturait, en plus des souvenirs qui s'agitaient dans sa tête.

Tous ces souvenirs lui faisaient mal.Il ne comprenait pas ce que tout cela voulait dire!

L'intangible lui répondit: Découvrir l'existence de quelques choses quel'on ne comprend pas est le début de la Sagesse !

En cet instant même, perdu dans la neige et le froid, il compritque l'impression de savoir était le plus parfait obstacle à laconnaissance.

L'intangible répondit: La Sagesse nous apprend à regarder au-delà dece qu'on croit savoir!

Beaucoup de temps s'était écoulé mais il poursuivit son cheminsans réellement savoir pourquoi. Parfois il désirait s'arrêter et il nesavait comment faire. Un immense froid glacial dans la nuque luiintimait l'ordre de continuer, sans cela...

Il continua à avancer car il ne savait toujours pas comments'arrêter!

Souvent, il ressentait une présence près de lui et d'autres fois laprésence se manifestait sous la forme d'un cadavre qui semblait flottersur des eaux gelées d'un fleuve qu'il ne connaissait pas.

En d’autres occasions, cette présence c'était la peur. Celle-là, illa connaissait bien. Cette connaissance s'était incrustée en lui depuis desmillénaires et des centaines d'incarnations dans le monde de la matière.

La neige s'était arrêté et le froid était moins brûlant. Cela, il lesentait dans ses os. Il trouvait curieux que le froid brûlait autant qu'unfeu brûlant, peut être même plus. Bientôt, il arriva au sommet d'unecolline et dans le paysage tout blanc qui se dévoilait à lui, il reconnut laligne d'horizon. Dans le lointain, il vit une tour scintillante qui siégeaitau sommet d'une colline. Instinctivement, il sût et il prit la direction decelle-ci. Cette pensée qui l'avait guidé n’était que l'ombre d'une pensée,plus légère même que cela, cependant cette pensée était plus blancheque la neige.

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La tour mystérieuse était encore loin, très loin au-delà de lavallée environnée par la brume. Il pénétra dans cette vallée en pente,entièrement caché par une brume épaisse qui avait la consistance d'unnuage éclairé par les phares d'une auto pendant une nuit d'orage. Aufond de la vallée il vit la lueur d'un feu qui brillait au loin.

Il augmenta le pas en direction de la lueur. Il entendit quelqueschoses bruire dans la brume et la tache sombre s'éloignât dans lablancheur de la neige sans qu'il ne sache ce que c'était. Un tremblementirrésistible le secoua légèrement et il eut peur. Il se mit à courir carmaintenant, il avait vraiment peur. Une peur folle, aveugle, à laquelle ilne pouvait échapper. Ce dernier événement inconnu avait touché unecorde sensible et il n'était plus le même. Il continu de courir endirection de l'étincelle de lumière devant lui. Peu à peu, l'étincellegrandit jusqu'à ce que ce soit un homme qui était assis près d'un feu,perdu dans la plaine toute blanche.

Il n'avait pas les idées très claires. Le silence et la blancheur dela neige lui embrouillait l'esprit. Peut-être trouverait-il son propre corpsendormi près de ce feu et qu'il ne saurait pas ce qu'il avait fait duranttout ce temps. Il avait vu tant de terre et tant de saisons. Elles étaienttoutes ainsi. Il y avait tant de saisons et tant d'hivers. Elles étaient toutesainsi.

Lorsqu'il arriva près du feu qui n'en était pas un, puisque rien nebrûlait, seule une flamme bleue provenant de la combustion du méthaneenfermé dans les glaces sortait de cette neige en ne dégageant aucunechaleur, puis il vit l'étranger. Celui-ci était aussi blanc que la neige,semblant même provenir de celle-ci. Alors, il lui demanda:

Es-tu un ange?

Un ange! La question n'a pas de sens pour moi.

Un ange est un messager. Portes-tu un message, lui demanda-t-il?

Un message! Je ne sais pas.

Tu devrais le savoir. Qui es-tu?

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Je suis celui qui a été, répondit-il!

Que fais-tu ici, lui demanda-t-il!

J'étudie le ciel et la terre, les étoiles et les saisons. J'observe ce queje vois et je vois ce que j’observe. Je cherche ce que je ne connais pas etje ne connais pas ce que je n'observe pas. J'observe que tu es ici, mais jene sais pas pourquoi!

Je m'étais endormi et lors de mon réveil, j'étais seul sur une vasteplaine toute blanche. Il n'y avait plus de volcan, ni de vallée déserte,mais juste une grande plaine de neige. J'ai marché longtemps, pendantdes jours et des nuits, et maintenant, je suis ici. J'ai faim et j'ai soif.

Faisant signe de la tête qu'il comprenait, l'étranger blanc luipassa un petit bol d'eau qui était près du feu. Après qu'il eut bu, celui-cilui passa une grossière lance sculpté dans une grosse branche et dont lebout était très effilé, en lui disant: Va dans les buissons près du ruisseau. Tu y trouveras du petit gibier.

Au premier abord, il parut un peu surprit puis il prit la lance etse dirigea vers la direction que l'étranger lui indiquait. Il n'avait pas faitcent mètres, qu'il vit un petit ruisseau qui serpentait entre des petitsbuissons sans aucunes feuilles. Pénétrant dans les buissons, il vit desempreintes de pas imprimés dans la neige et sut que celle-ci était celled'un lapin. S'arc-boutant à demi, il se mit à la chasse en suivant cesempreintes bien nette et visible. Étant donné la visibilité de celle-ci, ilétait évident que ces empreintes étaient fraîches et qu'elles ne devaientpas remonter à plus de quelques minutes. Il accéléra le pas pourfinalement apercevoir un gros lapin tout blanc avec une petite queueronde grise pâle, blotti dans la neige sous les buissons. Celui-ci, lesoreilles grande ouverte à la verticale, le regardait de ses grands yeuxtristes. Élevant la lance bien haute, comme un lanceur de javelotolympique, il bandait tout ses muscles du bras impitoyable, comme unecatapulte s'apprêtant à donner la mort. Avant même qu'il ne projettecelle-ci, le lapin s'adressa à lui par télépathie:

Que cherches-tu?

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Surpris il répondit, tout le monde cherche quelques choses! Lorsquel'on ne cherche plus, c'est parce que l'on croit avoir trouvé, lui répondit-il!

Tu pourrais me dire merci, dit le lapin.

Pourquoi, lui demanda-t-il?

Parce que tu vas me manger!

Je ne remercie pas les lapins. C'est de la nourriture, lui dit-il.

T'ayant entendu venir, j'aurais pu m'en aller et te laisser sans rien àmanger, dit le lapin!

Je n'ai pas à te remercier d'être venu puisque c'est moi qui t'ai pistépar tes empreintes!

Celui-ci lui répondit: si tu as vu mes empreintes, c'est parce que j'aibien voulu!

Il ne savait trop quoi répondre à ceci, aussi il abdiqua:

C'est bon. Je te remercie!

Reprenant sa pose du lancement de javelot, il bandit tout sesmuscles, puis lança celui-ci avec force.

Alors qu'elle allait atteindre la cible, le lapin disparutinstantanément sans même manifester le moindre soupçon. La lancerustique était plantée exactement au centre de l'empreinte qu'avait laisséle lapin.

Complètement médusé, il regardait la lance, puis l'empreinte,sans comprendre ce qui s'était réellement passé. Dépité, il reprit la lanceet se mit de nouveau à la chasse. Cette fois-ci, il fut moins chanceux.Après plusieurs heures de recherche il n'aperçut aucun gibier niempreinte révélatrice, aussi, il décida de retourner vers le feu del'étranger. Il avait envie de pleurer, mais il n'y parvenait pas. Il voudraitbien tout abandonner; la neige et la vallée. Il se dit qu'il ne lui restaitqu'une seule espérance et celle-ci était une illusion qui gardait silence.

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Lorsqu'il fut revenu au feu, il vit que l'étranger avait disparu. Ils'assit près du feu et se dit qu'il était seul. Il était déçu, et celui qui estdéçu, rêve et cultive des ambitions qui conduisent au désastre.

La nuit allait bientôt tomber sur le désert blanc et sa solitude. Ilvit apparaître les premières étoiles dans le firmament et se dit qu'il yavait bien longtemps qu'il n'avait vu celles-ci. Le silence de la neige lecouvrit de son grand manteau blanc, alors il s'étendit près du feu ets'endormit la tête remplie d'angoisse et de songes troublés.

Il rêva que son esprit lui imposait sa réalité objective, et que cecadre arbitraire était distinct de ce que lui rapportait ses sens. Une chosequi existe ne peut être transformée en elle-même puisqu'elle existe déjà.Quoiqu'il arrivait, il ressentait qu'il y avait sûrement une leçon à retirerde tout cela. Cependant, cela n'était pas toujours aussi évident.

Le lendemain, il se leva et vit que le désert blanc était encoreplus blanc, puisqu'une faible averse de neige avait débuté durant la nuit.Le feu s'était éteint et il avait terriblement froid. La faim et la soifcontinuait à le tenailler. Il ne comprenait pas comment cela étaitpossible, puisque durant la nuit, il avait eu la révélation que tout cecin’était qu'illusion. Il devait y avoir quelque chose qu'il n'avait pascomprit.

Il se dirigea vers le petit ruisseau pour boire avant de prendre ladirection où il avait aperçu la dernière fois, l'immense tour blanche àl'horizon.

La vallée était immense et il marcha très longtemps avant quel'averse de neige ne s'arrête. L'horizon était bas, la neige était blanche etle silence siégeait sur son trône glacial. Au loin, la tour se rapprochait.Il continuait à avancer, ne s'arrêtant même pas pour écouter le murmurede la vallée. La vallée avait une voix mais il refusait de l'entendre. Ellelui parlait de son passé, celui qui vivait en lui. Il ne voulait pasconnaître.

La tour blanche comme neige se rapprochait de plus en plus. Ilvit un grand condor andin qui tournoyait autour de celle-ci. Ses longuesailes de près de trois mètres d'envergure se raidissaient et se cambraientafin de suivre les courants d'air et garder sa trajectoire. Il se demandait

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bien, pourquoi celui-ci voletait autour de cette tour puisqu'il étaitévident qu'il ne pouvait y trouver aucune charogne.

Il continua à marcher en direction de la tour, mécaniquement,sans même avoir une pensée pour s'interroger sur la pertinence de celle-ci à se trouver en un tel endroit. Plus il s'approchait et plus la stupeur selisait sur son visage. La tour avait une hauteur fantastique mais ce qu'ille surprenait le plus, c'est qu'elle était sculptée d'un seul bloc dans unepierre blanche semblable à du marbre d'Italie. Aucune fenêtre ni aucuneporte n'était apparente et la tour ne possédait aucune aspérité. Il fit deuxfois le tour complet et ne découvrit pas comment entrer dans la celle-ci.Découragé, il était complètement subjugué par cette intrigue, alors il selaissa tomber dans la neige à l'ombre de la tour.

C'est à cet instant précis qu'il se rappela la parole du Bouddha:Le Karma crée toute chose, tel un artiste,Le karma compose, tel un danseur.

Pour le Karma, le passé ou l'avenir, c'est la même chose.N'avancer que les jours où il fait soleil, c'est-à-dire ceux ne possédantaucune difficulté était la garantie que l'on n'atteindrait jamais le but queles Seigneurs du Karma avait fixé. C'est ainsi qu'il se dit que toute cetteneige et cette immense tour avaient définitivement un but, mais lequel?

La voie de l'intangible répondit à son interrogation: la renaissancehumaine n'a qu'un seul but. Celui d'aimer tout les êtres vivants et departager une véritable compassion pour eux.

Soudainement, la Nature de son esprit, source de toutecompréhension, se manifesta. Toute la structure de la tour et toute laneige qui l'environnait disparut progressivement et fut remplacé par unenouvelle vision. Avec celle-ci, il vit tout alentour de lui, autant àl'extérieur qu'à l'intérieur. Cette vision était totale, intégrale, sansprécédent et parfaite. Cependant, celle-ci était dénuée de toute référenceordinaire, puisqu'il n'y avait aucun "objet" à voir ou à saisir.

Ses nouvelles perceptions lui révélèrent que l'éveil de satendance fondamentale à l'attachement était directement la cause de sonpassage dans l'hiver froid. Séduit par la lumière gris fumée symbolisantla haine ou la colère, qui était sa tendance habituelle, il avait pénétrédans celle-ci, choisissant ainsi sa renaissance dans ce monde d'angoisse

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et de douleur. Cette émotion négative prédominante dans le courant deson esprit avait alors activé des forces karmiques puissantes, véritablescréateurs de ces mondes illusoires du Samsâra.

C'était donc ses émotions négatives qui l’avaient emprisonnédans ce nouveau cycle de naissance et son passage dans les mondes del'enfer. La saisie dualiste de ses apparitions s'était solidifiée, donnantainsi naissance à ce monde d'angoisses et de douleurs. Cetteprogression vers une réalité illusoire créée de toutes pièces avait unnom: l'ignorance. Tout ce qui lui était arrivé était donc le résultat et lereflet exact de son karma passé. Cela il le comprenait. En lui, nesubsistait aucun doute.

Il se dit: l'essentiel est souvent invisible à nos yeux!

Ce qui s'était passé, devait se passer. Il y avait sûrement uneraison, un motif, c'était ainsi. Ce qui importait avant tout, c'étaitcomment il réagissait à tout cela. L'essentiel ce n’était pas de savoir,mais de devenir puisque tout change et tout meurt comme une dansesans fin. Qu'y avait-il donc de vrai derrière toutes ces apparences? Cettequestion était celle qui provenait de sa Sagesse discernant qui lui disaitque sa réponse était l'interrogation elle-même! L'ignorance de cettevérité fait que l'homme souffre interminablement jusqu'à ce qu'il briseses chaînes par sa sagesse intuitive et qu'il proclame son droit à laliberté.

A cet instant de réflexion, il revit les événements de toutes sesvies passées. Il revit ceux-ci dans les moindres détails et l’implicationde celle-ci se répercutant sur sa vie et sur ceux de son entourageimmédiat. Il revit même les effets karmiques de ses actions sur le karmasocial de sa communauté, de sa ville et de sa nation. Il fit l'expériencedes effets que ses actes avaient produits chez les autres. Il fitl'expérience de toutes les émotions négatives que ses actionsirréfléchies avaient provoquées chez les autres. Il souffrit autant queceux-ci avaient souffert. Il vit clairement le karma négatif qu’avaientproduit ses pensées, même si celle-ci ne s'était pas rendue jusqu'àl'action. Il savait malgré son savoir qu'il ne pouvait arrêter la marche dujugement.

Comme dans un film au ralentie, il ressentit toutes les émotionsqu'il avait éprouvées pendant toute son existence terrestre et reconnut

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toutes les images de sa dernière vie. Il vit comment sa vie avait affectécelle de tous les autres et plusieurs fois, il ressentit une profondetristesse et éprouva du remords. En ces instants, il était lui-même cespersonnes qu'ils avaient blessées ou celles qu'ils avaient aimées. Ilrevivait de mémoire, toutes les pensées, toutes les actions et toutes lesparoles qu'ils avaient eu durant cette vie, même celles dont il n'avaitaucuns souvenirs. Il vit les effets que ceux-ci avaient eux sur chacunedes personnes qui avaient été en contact avec lui, de près ou de loin,connus ou inconnus. Il vit aussi les effets inconnus et très subtils queses actions avaient produits sur les plantes, les animaux, le sol, l'air etl'eau. Il vit même les effets mystérieux que ses actions avaient produitsdans les autres mondes. Il comprit que le Karma était une loi d'équilibrequi ne souffrait d’aucune échappatoire.

Il revit l'immense tour et fut de nouveau environné de silencedans la solitude blanche.

Comme c'est étrange tout cela, se dit-il!

Cette neige et ce silence étaient très mystérieux. Touchant latour de ses mains, il fut surpris de constater que celle-ci pénétrait àl'intérieur et n'offrait aucune résistance, semblant être faite de lumièreblanche figée. Alors poussant plus loin son exploration de l'inconnue, ilpénétra à l'intérieur de l'immense tour. Il se demanda comment il sefaisait qu'il se mouvait comme un fantôme?

Le monde des esprits

Il se retrouva sur une plage toute jaune. Lui-même était blanc ettout le paysage alentour de lui était jaune ocre. Une blancheur jaunâtrel'enveloppait tout entier. Il était attiré comme par un aimant, subjuguépar ce paysage fantastique, même si au fond de lui-même, une petitevoie lui disait que cette couleur était le symbole de l'avidité du mondedes esprits.

La plage sillonnait un grand lac dont il ne distinguait pas lesrives, celles-ci étant perdues dans une clarté blanchâtre impalpable. Auloin, près de la rive, il vit des formes silencieuses qui se mouvaientcomme des automates. Sa clairvoyance lui révéla que cette colonneétrange était une légion de morts récents. La plage devint de plus en

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plus blanche et bientôt ce ne fut plus une terre mais un ciel. Il vit laterre au-dessous de lui et celle-ci n'était qu'une colonne de trépassés quimarchaient dans tous les sens, sans trop savoir vers où se diriger. Cetteprocession d'ombres hautes et minces, trapus et massives, noires ougrises, avançaient mécaniquement vers lui, puis disparaissait dansl'horizon, mélangeant une plainte lancinante au silence quil'environnait. Lorsque la colonne passait au-dessous de lui, il demeuraitmuet à regarder celle-ci puis leurs faisaient des signes afin de se faireconnaître, mais personne ne lui répondait. Il ne parvenait pas à saisir sic'était une plainte, des pleurs ou des paroles. Après leurs passages, lescolonnes laissaient des traces de pus et de sang putride qui souillaient lablancheur du paysage. Peu de temps après, ces empreintess'évanouissaient, remplacées par la blancheur immaculée et lebrouillard jaunâtre qui flottait librement dans ce paysage étrange.

Venant d'une autre direction, il vit une colonne encore plusimpressionnante. Celle-ci était composée d'une colonie de vieillards endéchéance, d'une centaine d'obèses à la mine hagarde, de rescapés de laroute et d'autres accidents variés. Toutefois, le gros de la troupe setrouvait au centre de la colonne et était des éclopés provenant de toutesles couches sociales de la société humaine. Cette partie de la colonneétait une vraie cour des miracles, colorée par un charivari de prothèseset de béquilles. Un brouhaha permanent s'échappait de cette colonne.

Il ressentait une grande compassion pour toute cette souffrancecar il savait bien que ces boiteux, ces sourds et ces aveugles voyaientdes formes dans les mondes du Bardo, entendaient des sons etpercevaient avec tous les autres organes du corps qui devenaient encoreplus aigus et complets que lors de leur vie terrestre. Il savait bien queson nouveau corps mental possédait les facultés sensorielles normalesdu corps du plan terrestre en plus des facultés surnaturelles que luioffrait son nouveau corps de lumière. Néanmoins, ce corps mental étaitun corps de désirs très différent du corps de matière grossière. Celui-ciavait la propriété de passer à travers des masses de matières sansaucune difficultés; il pouvait aussi se rendre en quelque endroit qu'ildésirait à la vitesse de la pensée. Cependant, ces pouvoirs étaientinaccessibles si son esprit était trop obscurci par les brumes del’ignorance et l'étroitesse de son développement spirituel.

Intuitivement, il savait qu'il possédait un corps mental et quecelui-ci avait une certaine liberté de mouvement. Toutefois, il existait

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deux endroits où son corps mental ne pouvait aller. C'était la matrice desa future mère et le lieu où tous les Bouddhas avaient atteint l'éveil,Vajrasâna. Ces deux endroits représentaient l'entrée vers le Samsâra etcelle du Nirvâna. Aussi, une renaissance dans un de ces lieux mettaitfin soudainement à l'existence de l'esprit dans les mondes du Bardo.Lorsqu'un couple humain fait l'amour, des hordes d'esprits serassemblent avec l'espoir de renaître grâce aux liens karmiques,cependant, un seul réussira avec l'aide des Seigneurs du Karma. Lesautres devront continuer de cheminer dans ce royaume de la souffranceet se rongeront de désespoir jusqu'à la prochaine occasion.

Apparaissant d'une autre direction, il vit une petite colonnemoins impressionnante que les autres. Cependant, celle-ci était encoreplus surprenante. Elle était constituée d'hommes et de femmesrichement vêtu de vêtement de soie brodé d'or et d'argent. Des centainesde rayons d'arc-en-ciel se répercutaient sur les milliers de bijoux faitsde pierres précieuses et de diamants somptueux. Entre toutes lesépoques et les différentes nations qui constituaient cette procession derichesse, seule une chose les rassemblaient toutes. La possession desbiens les plus dispendieux et les plus rare et l'avidité qui avait mené àcette acquisition. Cette cupidité était la source même de leur passagedans le monde des esprits. L'homme aveuglé par l'avidité court aprèsl'illusion plutôt que le réel et l'évanescent plutôt que le permanent. Ils'instruit dans l'ignorance, gonflé d'orgueil par ses propres créationspérissables. Tâtonnant dans l'ombre, aveuglé par la brume desapparences découlant de sa cupidité, il ne peut percevoir lerayonnement du réel qui est aussi près de lui que la distance de soncœur de celle de sa peau. Aussi longtemps que son esprit perçoit entermes de dualité, il reste soumis aux mondes du Samsâra et s'attachealors aux faux désirs d'immortalité ou d'annihilation.

Une lueur verte apparue soudainement, sur la blancheur de laplage. Semblable à de la fumée, elle s'étirait, se roulait et se condensaiten des formes imprécises. Son éclat et son opacité augmentait d'instanten instant. Atterré, il fixait cette lumière mouvante dotée de sa propreexistence. Avec fascination, il contemplait cet inexplicable phénomène.C'est à ce moment qu'il vit le brouillard se scinder en plusieurs parties,chacune d'elles prenant rapidement une forme humaine. Ces formes seregroupèrent afin de former une nouvelle colonne qui entreprit unenouvelle procession. Se rapprochant d'eux, il entendit des voix dans unelangue inconnue. Aucun de ces mots ne lui parut familier. Aucune de

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ces personnes ne parut remarquée sa présence malgré le fait qu'il setrouvait directement devant la colonne. Invisible et transparent, ilscontinuèrent à marcher autour de lui et même en travers de lui, commes'il n'existait pas. Puis, aussi soudainement qu'ils étaient apparut, ilsparurent se dissoudre et leurs voix se turent. Il resta immobile etsilencieux sur la plage blanche maintenant déserte. Il avait assisté enspectateur impuissant à l'arrivée d'un nouveau groupe d'esprit.

Cet événement avait produit chez lui un phénomène encore plusétrange; la nostalgie des choses de la Terre. Sans doute, avait-il besoind'élément plus tangible que la lumière translucide du monde des esprits.Il y avait tellement longtemps qu'il vivait dans l'intangible et l'irréel. Ilavait besoin de renifler la senteur des fleurs de champs, celle des forêtsde conifères et même les odeurs viciées des villes. Dès qu'il émit lavolition de ce désir, son environnement s'était subitementmétamorphosé. Il se retrouvait à l'intérieur d'un débit de boisson qu'ilconnaissait bien pour l'avoir fréquenté de son vivant.

Il avait la tête lourde, presque douloureuse et il ressentait quemille pensées et souvenirs allaient jaillir dans sa mémoire. L'inquiétudeavait remplacé son besoin des choses tangibles. Peu à peu, il sentaitl'angoisse l'étreindre jusqu'à l'étouffement. L'étrangeté de cephénomène dépassait tout ce qu'il pouvait concevoir. Il éprouvait uneattirance ineffable vers les effluves d'alcools qu'émettait des buveursinconnus, proche de s'enivrer. Ces corps inconnus perdaient leursconsistances physiques et devenaient semblables à des champignonsinformes émettant des odeurs alcooliques sous la forme d'une faiblebrume jaunâtre. Lorsque les buveurs atteignaient le point d'être rassasiéjusqu'au dégoût, la brume devenait rougeâtre et des légions d'espritss'agglutinaient autour de l'ivrogne ciblé. Alors, les esprits respiraientdoucement ces effluves et se trémoussaient de plaisirs. Puisqu'il savaitqu'il avait pris la forme d'un esprit, tout cela le troublait énormément.

Il venait de comprendre où et comment les esprits avides senourrissaient. De son vivant, il avait toujours détesté l'alcool et la bière.Même s'il en éprouvait le désir, il se refusait de se nourrir à cette sourcequ'il jugeait dégradante. Tant qu'à se nourrir d'odeur, il aurait préférécelle des roses ou de sa fleur préféré, le muguet.

Dès qu'il avait émit cette pensée, il s'était retrouvé dans unjardin, entouré d'arrangements floraux et de bouquets de toutes sortes.

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Dès l'émission de sa volition, son désir avait matérialisé la force de sapensée. Il s'était rassasié de toutes ces bonnes odeurs dont il n'avaitjamais soupçonné l'intensité et le goût. Dans le silence de sa solitude,loin des bruits de la civilisation, il entendit le faible bruit des ailes depapillons voyageant d'une fleur à l’autre afin de se nourrir. Lebattement de leurs ailes était à peine perceptible, mais par une attentionsoutenue, il l'entendait de mieux en mieux.

Il était si lucide, qu'il percevait des soupirs et des gémissementsdans le jardin et ceux-ci se mêlaient au léger grésillement d'un grillondomestique qui s'était niché à la base d'un plant fleurie. Il se sentitenvahi par l'angoisse que l'on éprouve dans le voisinage des esprits etqu'il ne connaissait pas encore. L'esprit n'était-il pas le seul capable desaisir réellement ce qui se passait dans l'environnement, qui voyait, quientendait, et qui ressentais réellement ce qui se passait en lui. Tel unfaible nuage gris passant dans un ciel clair, une pensée errante lui ditqu'il était une mauvaise herbe?

Surpris, il se répondit mentalement: grâce à l'association qu'ontles mauvaises herbes avec la pluie, la lumière, la chaleur et le froid,celle-ci respirent la santé et la vigueur de la jeunesse. Toute cettecommunauté agit comme un seul être vivant, prospère et bien équilibré,partageant le rationnement subtil des éléments nutritifs du sous-sol.Cette belle harmonie est renforcée par la collaboration inconditionnelledes animaux et des insectes (abeilles, oiseaux, araignées et petitsmammifères) qui vivent sur la même portion de territoire. La véritablemauvaise herbe est apparue lorsque l'homme a effectué son premierlabour, sélectionnant ainsi les plantes qui devaient prédominer. Parcette action irréfléchie, il a lui-même invité les plantes les plus robusteset les plus vigoureuses, à prendre possession du terrain que l'hommevenait de mettre à l'état vierge.

Un oiseau mouche verdoyant de lumière cristalline passa devantlui et alla butiner une violette dix fois grosse que lui-même. Cetévénement aérien le fit sortir de sa réflexion sur les mauvaises herbes.De retour au jardin fleuri, il remarqua autour de lui, des dizaines depapillons magnifiques et des insectes aux couleurs métalliquessemblant provenir d'un autre monde. De longues guirlandes d'orchidéesse déployaient vers le ciel, enroulées comme des tire-bouchons autourdes petits arbustes qui l'entouraient. Étant maintenant, rassasié d'odeurset de d'essences forestières, il pensa pour la première fois que ce jardins

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était superbe et splendide. Cependant, malgré cette générosité de laNature florale, il reconnaissait en celle-ci, un autre mirage de la Maya,découlant de l'appétit de convoitise et d'avidité profondément enracinéau plus profond de lui même, du courant de sa conscience qui renaît devie en vie, grâce au pouvoir du Karma.

Il se rappelait partiellement les enseignements bouddhisme deson Maître spirituel. Dans le cas d'un pratiquant spirituel qui venait demourir, et que celui-ci voyait sa famille avides et hypocrites sequereller pour l'héritage, alors il était possible qu'une telle conduitepuisse l'aider à réaliser que tout ceci était de la Nature du Samsâra.Cette simple pensée pouvait générer en lui un profond sentiment derenoncement et de compassion pouvant lui être bénéfique dans le Bardodu devenir.

Le souvenir de ses enseignements passés eu pour effet d'activeren lui sa mémoire ancestrale remontant à des milliers de vies passés.Une vision panoramique s'imposa à son esprit. Il vit des centaines decimetière où des esprits restaient prisonniers de leurs formescorporelles. Parfois, il arrivait que des vivants dont leurs taux vibratoireétaient en harmonie avec eux, les aperçussent assit sur leur monumentfunéraire.

Il vit des dizaines de maisons où avait eu lieu un drame humain.Celui-ci remontait parfois à des centaines d'années passées. Les espritsde ces victimes restaient prisonniers de la demeure où avait eu lieu cedrame ainsi que de la dernière émotion de peur et de vengeance quiavait pris corps dans leurs mentales. On surnommait ceux-ci, desfantômes. On retrouvait ce genre d'esprit obnubilé par une forteémotion d'attachement ou de répulsion, et d'un fort désir de cupidité,sur tous les continents et dans tous les endroits inimaginables de laTerre. Un fort sentiment de convoitise à la vue du bonheur des autresétait souvent la cause d'une telle hantise et d'une renaissance assuréedans le monde des esprits avides, jusqu'à ce que le karma ait eu letemps d'épurer et de purifier leurs esprits malades.

Il vit le dernier groupe d'esprits prisonniers de l'environnementterrestre. Ceux-ci l'étaient par la force de leurs attachements excessifs.C'était les Roméo et Juliette de toutes les époques; c'était les enfants quine pouvaient se séparer de leurs parents ou l'inverse; c'était les soldats

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trop attaché à leurs carrières militaires; c'était les politiciens et chefsd'État trop attaché au pouvoir que conféraient leurs rang.

Il vit des moines de centaines de temples bouddhistes ethindouistes offrir des offrandes aux mondes des esprits et ceux-cis'agglutiner autour de ces offrandes.

Il vit dans des résidences privés des centaines de gens tenter decommuniquer avec le monde des esprits avec des tables Oui-Ja. Ilconstata que des esprits moqueurs s'amusaient avec ceux-ci et tentait deles induire en erreur.

Il vit de nombreux groupes spirites s'illusionner eux-mêmes surleurs prétendues communications avec les morts. Il éprouva de la peinelorsqu'il constata que les plus entreprenant de ces adeptes, entamaientdes pratiques spirituelles visant à développer les chakras et que lesseuls résultats qu'ils obtenaient était le développement de maladiepsychique ou corporelle inguérissable.

Derrière lui, une forte odeur animale mit tout ses sens en alerte.Il tourna la tête et se retrouva dans une immense vallée verdoyante devie animale et végétale. Il sut immédiatement que la couleurprédominante verte de ce monde manifestait le symbole même del'ignorance. Parmi les arbres, il remarqua immédiatement des figuierssuperbes et des acajous d'Afrique plus grand et plus somptueux que leschênes et les hêtres de Grande-Bretagne. De nombreux ruisseaux, clairset purs comme le cristal dévalaient à travers les escarpementsmontagneux.

Dans la partie inférieure de la vallée, un arbre dominait tous lesautres par sa taille et sa stature, tel un empereur régnant sur sonroyaume. Celui-ci était le Baobab dont les tribus africaines étaientpersuadées qu'il abritait les esprits de la nuit. Il possède un troncbulbeux immense pouvant avoir jusqu'à vingt mètres de circonférenceet ses branches ont l'air de racines sorties de terre.

Cette forêt luxuriante abritait une faune extrêmement variée.Des singes bleus de Sykes jouaient et bondissaient d'une branche àl'autre. Des babouins dégringolaient des branches en poussant des crisaigus. Des bruits de branches cassées annonçaient la présenced'éléphants dans la forêt. La végétation était si dense qu'il était

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impossible de voir le troupeau d'éléphants, même à trente mètres.Vautré dans un bassin de rivière, un rhinocéros noir aux réactionsparfois imprévisibles, reniflait bruyamment et balançait la tête de droiteà gauche, espérant ainsi découvrir la présence de l'ennemi. Très myope,souvent incapable de distinguer nettement sa cible, il perdait ainsil'avantage de sa tonne et demi de poids lancé comme une locomotiveemballée.

Instinctivement, il se dirigea vers le centre de la vallée, où ilavait aperçu à travers un éclairci forestier, un lac magnifique, presquecirculaire. Afin de ne pas s'égarer, il entreprit de suivre un petit ruisseauqui se déversait vers le lac. Soudain, à un élargissement du ruisseau, sapaix ambiante fut troublée par le vacarme de mille oiseaux passant auras des arbres. L'instant de surprise passé, il continua à suivre le coursd'eau jusqu'à ce qu'il débouche sur une plage solitaire en pente douce.Sous le ciel clair du matin, hérons, ibis et huppes d'Afrique jaillissaientd'arbres en arbres. Des dizaines de tourterelles pleureuses composaientune symphonie musicale de roucoulements et de battements d'ailes quise répercutait sur la surface des eaux limpides du lac rond.

Devant lui s'étendait un plan d'eau qui s'écoulait à travers unezone d'arbres morts siégeant au plus profond d'une petite vallée quiavait été submergé par une récente élévation du niveau du lac. Laplupart des sommets de ces arbres morts abritaient des nids d'oiseauxqui avaient choisie de nicher le plus près possible de leurs garde-manger aquatiques. Il y retrouvait des cormorans, des martins-pêcheurset des hérons ardoisé qui créaient une zone d'ombre circulaire sur l'eaugrâce à ses grandes ailes afin d'attraper le petit poisson appelé épinoche.

En son centre, il distinguait une île plate qui donnait refuge àune colonie de grand Pélican blanc. L'île des Pélicans était enpermanence survolée par des sternes noires aux ailes blanchespourchassant les insectes que l'odeur de la fiente attirait. Le grandPélican blanc pouvant peser jusqu'à 12 kg. est un oiseau très maladroitmais, dès qu'il quitte le sol il devient plus agile et gracieux qu'unplaneur. Le lieu de prédilection pour les pélicans partie à la pêche est leruisseau en amont qui s'écoule à travers une zone d'arbres morts.Chaque matin, les grands Pélicans se regroupent en bande qui pousseles poissons grâce à leurs immenses becs qu'ils plongent à l'unissondans l'eau. Les poissons apeurés s’éloignent vers la seule sortiedisponible qui est une partie du plan d'eau peu profond. Alors, la

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flottille composé généralement d'une quarantaine de grand Pélicanblanc plongent leurs becs aussi volumineuse qu'une grande épuisette depêcheur, pouvant contenir jusqu'à dix litres d'eau, et remplissent leursbecs de petits poissons en une seule puise. Pour maintenir sa taille,celui-ci doit consommer jusqu'à un kilo de poissons par jour.

L'eau du lac reflétait les montagnes et le ciel qui se confondaientdans un même éclat, mélangeant ceux-ci aux reflets bleu-turquoises deses eaux douces, presque cristallines. Ses rives étaient entouréesd'acacias à sommet plat et de groupements de lits de papyrus, dérivantcomme des îles flottantes. Le papyrus n'est en aucune façon un roseau,mais c'est une plante qui pousse en une masse très dense qui ressembleà des îles. Cependant, lorsque l'on y pose le pied on constate que cetteîle n'est pas de la terre ferme. Ces îles flottantes offrent un couvert etdes postes d'observations à plusieurs sortes d'oiseaux aquatiques. Leplus petit de ces oiseaux qui mesure à peine dix centimètres de long estle martin-pêcheur huppé qui effectue ses plongeons à partir des tiges dupapyrus. La coloration des tiges de papyrus s'accorde parfaitement avecle camouflage du plus grand héron du monde, l'héron Goliath avec ses1,5 m de haut. Immobiles, de minuscules hérons crabiers s’embusquentparmi les tiges de ces îles afin d'attraper les épinoches qui passent àleurs portées, partageant parfois le même terrain de chasse avec lesaigrettes garcettes.

Des touffes de nénuphars abritaient des petits oiseaux quiconnaissaient le poids que ces feuilles pouvaient supporter. Parmi lesoiseaux arpentant cette surface frémissante à la recherche d'insectes etde larves, il reconnut le plus léger d'entre eux, la bergeronnetteafricaine. Il vit plusieurs sortes de petits échassiers tels guignettes, cul-blanc et sylvains. Les chevaliers combattants, échassiers de plus grandetaille, beaucoup plus lourd devaient traverser rapidement parmi lesfeuilles, s'ils ne voulaient pas couler avec celle-ci.

Il reprit la direction de la sortie de la vallée, vers la savane quise profilait à l'horizon. La végétation devenait de plus en plus verte etde plus en plus luxuriante. Les arbres étaient plus hauts et les sous-boisétaient plus denses, hébergeant des colonies d'insectes piqueurs et deparasites très nombreux. Les arbres très haut au-dessus de sa têteenfermaient toute les autres espèces dans une serre ou l'humidité régnaiten Maître et ou le jour laissait la place aux ombres ténébreuses de cesgéants forestiers. Afin d'éviter les nombreux obstacles dont son chemin

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était semé, il devait se tortiller, ramper et se faufiler en serpentant sur lapiste sauvage. Finalement, il atteignit l'orée de la forêt et vit la plainedorée qui l'aveugla presque par la soudaineté de cet éclairage à l'opposéde l'ombre de la grande forêt.

Aussi loin qu'il pouvait voir, s'étendait la savane et lesnombreuses espèces d'acacia dont le parfum aromatiques de ses fleursfaisaient sur l'éléphant le même effet que faisait l'anis sur les chiensdomestiques. Peu avant la saison des pluies, l’arbre se couvrait debelles fleurs blanches très appréciées des babouins. Pendant la saisonsèche, ses branches pendaient sous le poids des gousses jaunes vrillésrenfermant les graines que les éléphants s'empressaient de consommer.Le système digestif de l'éléphant et ses excréments était le mode depropagation idéale afin de faire germer celle-ci et de disperser lasemence en des lieux bénéficiant d'un éclairage suffisant. Une grainesimplement tombé de l'arbre hôte sur le sol ne peut germer par elle-même. Sans cette collaboration entre le monde animal et le mondevégétal, la savane ne peut survivre. Lorsque les acacias disparaissent,les éléphants ne peuvent survivre et le mode de vie de la savane semeurt. Seul subsiste les crevasses et les rides de l'érosion conduisantfinalement à un espace désertique.

Pendant des milliers d'années, l'ancêtre de l'homme à vécu enharmonie avec les espèces animales et végétales. Toutes tueriesd'animaux étaient uniquement faite dans le but de se nourrir. Les seulesarmes qui étaient utilisées étaient les arcs et flèches, lances ou piègesnaturels. Cependant, au XIXe siècle, les explorateurs britanniques etallemands introduisirent l'usage d'armes à feu. La chasse effrénée quis'ensuivit ne fut pas pour une question de subsistance mais pour leplaisirs, le sport et les trophées empaillés et enfin de permettrel'implantation de grand territoire d'exploitation agricole. Ce peu derespect des espèces animales s'est étendue à l'ensemble de la planète etont semé dans l'héritage génétique des futures générations animales, lacrainte de l'homme.

Les animaux ont ainsi acquis par instinct une peur encore plusgrande que celle que leurs causaient les prédateurs des autres espècesanimales. Ils ont appris à vivre avec la crainte constante et la fuitecomme seule alternative. Même les dangereux hippopotames ont apprisque durant le jour, seul les eaux argentées des lacs et rivières leursgarantissaient la sécurité.

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Avançant dans la couleur d'or de la savane africaine, il vit unpromontoire rocheux solitaire dans la plaine et se dirigeaimmédiatement vers celui-ci. Après l'avoir escaladé, il s'assit pour s'yreposer et admirer le paysage qui s'offrait à ses yeux. La naissance dansce monde harmonique lui apparaissait comme une chose positive et unrepos pour l'esprit.

Soudainement, la voix de l'intangible se manifesta;

Il est illusoire de croire qu'une renaissance en ce monde est unechose positive, de même qu'il est illusoire de croire que celui-ci estharmonique. L'équilibre naturel est une formule publicitaire inventéepar les écologistes moderne. En vérité, rien n'est plus instable que cetteéquilibre qui balance constamment d'un côté et de l'autre. Prenezcomme exemple les bouleversements géologiques, les changementsclimatiques, l'extinction d'une espèce aux dépens d'une autre, ladisparition d'une espèce végétale, les éruptions volcaniques et sescendres qui voilent le ciel, les tremblements de Terre, les périodesglacières et la chute d'une grosse comète ou d'un astéroïde pouvantaffecter l'axe de rotation de la planète. La dernière cause dedéséquilibre au détriment des espèces animales est celle de laprédominance de l'homme sur la Nature et celle de l'exploitationabusive des richesses de la Terre et de sa vie animale par celui-ci.

Après une pause silencieuse, l'intangible reprit:

Pour l'esprit, une renaissance dans le monde animal n'offre aucunavantage puisque ce monde est le symbole même de l'ignorance. Lorsde leurs existences, les animaux sont constamment obnubilés par lacrainte et la peur des prédateurs. Tout leurs temps est entièrementconsacré à la recherche de la nourriture et à la protection de saprogéniture contre les prédateurs. Ne possédant pas le sens de la raison,ils ne peuvent donc se remettent en question et n'ont donc aucunechance d'évoluer sur le plan de l'esprit. Seul le rachat de karma négatifoccasionné antérieurement par l'ignorance apporte un point positif à unerenaissance dans ce monde. Ce monde est surtout destiné à tous ceuxqui laissent leur sensualité animale prendre le dessus sur leur humanité,ainsi que ceux qui refuse de croire à l'existence post-mortem.

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Le silence télépathique reprit ses droits dans son esprit torturé. Ilfit un effort afin de vaincre une nouvelle émotion qui prenait racine auplus profond de lui-même. Malgré cet effort, il reconnut que ceci étaitinutile puisqu'il ne pouvait empêcher un nuage de passer dans le cielclair de son esprit, cela relevant de la nature même de celui-ci. Toute savision fut envahie par une brume rougeoyante. Dès cet instant il sut quececi représentait l'éveil de la jalousie qui sommeillait en lui.

Le monde des Titans.

Un nouveau jour se leva. Le soleil rouge sorti des brumesmatinales et jeta ses rayons de soleil dorés sur le feuillage des arbres.Les pinsons et les rossignols entremêlaient leurs plus heureusesmélodies afin de manifester leurs gratitudes envers l'aurore quis'éveillait.

Il avait l'impression de marcher dans un très beau jardin, garnide plantes et de fleurs inconnus. Les petits oiseaux dans les buissons leregardaient avec curiosité et crainte. Il croisa un arbre étrange qui avaitde grandes feuilles sombres d'ou pendait tel des clochettes d'église, despetites fleurs blanches minuscules qui dégageait une odeur particulièreressemblant au parfum du sureau. Le bruissement des feuilles de l'arbresemblait l'inviter à s'étendre à l'ombre de ses branches afin de s'yreposer. Attiré par cette force attractive, il s'étendit sur le tapis de petiteverdure au pied de l'arbre mystérieux. Alors, il crut entendre dans l'airla vibration sonore d'une plainte qui effleurait l'arbre et lui arrachait dessoupirs angoissants. Alerté par ce chant de sirène maléfique, il s'éjectade ce piège émotif et continua son exploration.

Il déboucha dans une clairière et vit que le pays était divisé endeux ; d’un bord, il voyait la vallée verdoyante et cultivée et de l'autre,il voyait une sombre forêt de bois d’hêtres, d’érables piqués, deconifères remplie de fleurs et de fruits sauvages, parfois interrompu parl'éclaircie des prairies humides couvertes d’un tapis fleurie de lyssauvage jaunes et orangés, accompagné par la marguerite blanche aubouton d'or. En bas de cette vallée grouillante d’activités, il voyait untorrent tumultueux terminant sa course folle dans un petit réservoirrocheux de forme ovale. Alentour, les champs regorgeaient d'avoine etde sarrasin, d'orge et de millet, de maïs et de blé couleur d’or, vaguant

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comme la mer au moindre coup de vent. Les paysans vaguaient à leursoccupations à travers champ et le bétail broutait paisiblement des trèflesà quatre feuilles inclus dans la motte de gazon. Éparpillés parmi lesprés, était clairsemé des cerisiers sauvages lourdement chargés de fruitsqui attiraient toute la gent ailée picoreuse chantant gaiement,manifestant ainsi leur contentement envers cette prestigieuse tabled’hôte de la nature.

À cet instant de ses réflexions il vit au loin l'imposant châteaumoyenâgeux, constitué de pierre rouge, juché telle une cigogne géanteau sommet d’un pic montagneux caché au fond de la vallée entre deuximmenses soldats rocheux semblant monter la garde. Ses yeuxs'agrandirent de curiosité et d'émerveillement devant une pareillearchitecture sortant de l'ordinaire.

Il distinguait autour du château, un plan d'eau faisant figure defossé, isolant la forteresse de toute attaque extérieure. Il était encoreloin du domaine et discernait avec peine les détails de cette constructiontitanesque. Passé la plaine paysanne où il se trouvait, il devait encoretraverser une dense forêt s’interposant entre lui et l’objet convoité, lemajestueux château. Par conséquent, il décida de continuer son étrangepèlerinage dans ce nouveau monde.

Bientôt, la forêt de conifère qui entourait le domaine fut en vue.Il pénétra dans l'ombre de celle-ci et admira les majestueux pinscentenaires qui trônaient parmi les sapins bleus et les cèdres aux bellesodeurs. Il perçut alors les délicieux arômes provenant de cette forêt. Lefeuillus très dense de celle-ci, empêchait la clarté de pénétrer jusqu’ausol gazonné, mais malgré cela, les rares rayons de soleil quiréussissaient à passer dégageait une clarté très vive par réflexion sur lesmillions de feuilles des érables rouges et des bouleaux blancs.

Cette allégresse fut de courte durée. A mesure qu'il avançaitvers le château, il contemplait le paysage qui devenait de plus en plusdésolant. Une crainte muette commença à paralyser les muscles de sonestomac, juste sous le plexus solaire. Continuant son chemin à travers laforêt qui s'éclaircissait de plus en plus, il croisa des animaux sauvagesétranges qui se faufilaient à travers cette solitude végétale désolante.Dès qu'il se concentrait sur un de ces groupes d'animaux, il ressentaitdes émotions sinistres, des meurtres gratuits et voyait des cadavres

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sanglants qui étaient jeté dans l'abîme des profondeurs marines. Sansqu'il ne comprenne pourquoi, une souffrance indicible s'empara de luiet une grande compassion étreignit son cœur.

Vite, il dut se rendre à l'évidence. La nature ne se dévoilait pas àlui par l'effervescence de ses vertes prairies, ni de ses champs en fleurs,ni des sources d'eaux qui chantaient à ses oreilles, mais dans l'effroi desentassements rocheux chaotiques des rivages marins et par des forêtsinhospitalière qui ralentissait sa randonnée pédestre. Les voix qu'ilcroyait entendre n'était pas les murmures de la brise du soir, ni le douxbruissement des feuillus, mais du fracas des vagues se brisant sur lesrochers, du tonnerre des cataractes et des grincements douloureux desécorces d'arbres se frottant l'une contre l'autre.

Sur le chemin rocailleux, il croisa d’immense rocher de basalteportant à leurs cimes des aspérités volcaniques, des ravins à pic au fondduquel serpentait une rivière tumultueuse; des montagnes marbrées deprairies vertes pigmentées de jaune floral; des vallées profondes noyéesdans la pénombre des canyons, tapissés de plantes grimpantes et degrottes creusées dans des falaises dénudées, recouvertes de mousseveloutée dû au suintement des sources coulant sur ses flancs. L’horizonlointain se découpait en un contour de dentelures bleues épousant laforme des montagnes et des vallées. Au sommet d’une colline abrité duvent entre deux montagnes gigantesques, le chemin rocailleuxs’élargissait soudainement en suivant les faibles mouvements paysagersdes collines verdoyantes de gazon et de cultures maraîchères.

Au loin, il distinguait des troupeaux de vaches et des chaletsrustiques cachés sous l’épaisseur des arbres, dans des îlots verdoyantsau centre de champs cultivés. Sur le sommet des montagnes, il voyaitdes bergers le saluant par de grands signes de leurs bras étendusverticalement. Leurs abris à peine perceptibles, constituées de pierresplates empilées, se confondaient avec les collines en formant des plisparmi les rochers placés là, aux hasards du temps et des éboulements.En chemin, il croisa des paysans sympathiques, des bergers solitaires etd’autres voyageurs qui partageaient avec lui le chemin maintenant pavéqui menait indubitablement au château du Seigneur de ce domaine.

Tout en cheminant sur le chemin, il remarqua au loin plusieurstours de guets solitaires qui étaient disposées sur la crête des montagnes

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environnantes, entourant le domaine du fabuleux château d'un filetd'alerte pouvant communiquer entre eux par des signaux lumineuxproduits grâce à des miroirs réfléchissants. Ce fait l'amena à croire qu'ilse trouvait dans une contrée guerrière prise avec des conflits,probablement territoriaux. Il se refusa de juger ceux-ci, sachant bienque les critiques n'engendrent que frustration et diminue la capacité dudiscernement et de la compassion chez les hommes.

Dès qu'il entrevit la forteresse de pierre, il bifurqua vers celle-ci. La contrée qui l'entourait était déserte et sauvage. Seuls quelquesgroupements d'herbes éparses verdissaient au milieu de la rocaille etdes sables mouvants. Pour toute végétation, il remarqua seulement uneplante grimpante sèche et chétive qui tentait vainement d'escalader lemur de la muraille nue qui s'élevait du côté de la mer. Le chant despetits oiseaux avait été remplacé par l'écho du croassement descorbeaux et les cris aigus des mouettes charognards.

Brusquement, sans avertissement, il fut frappé par un éclair defeu qui l'atteignit directement au cœur. Il tenta de crier, mais son cris'étouffa dans sa poitrine oppressée et tout ce qu'il entendit ne fut qu'unfaible râle. Incapable de faire le moindre mouvement, il tentât deregrouper ses pensées afin d'analyser cette situation d'urgence. Il restaimmobile quelques minutes seulement, mais celle-ci lui parurent uneéternité. Soudainement apparurent dans son champ de vision rétrécie,deux silhouettes de soldats venant de nulle part. Ceux-ci portaient unecotte de maille, un casque métallique et des armes blanches semblablesà celles que portaient les chevaliers du moyen-âge. Sans même qu'ilsprononcèrent une seule parole, ceux-ci lui attachèrent les poignets et letraînèrent sans ménagement comme un vulgaire animal de compagnie.La direction qu'ils prirent était manifestement celle du château.

A l'approche du fossé circulaire inondé entourant le château, lechemin doubla de largeur. Les pierres polies du pavé étaient alorsremplacées par d'immenses dalles de marbre roses veiné de rougecramoisie. De chaque coté du chemin, des statues magnifiques enmarbre de différentes couleurs, représentaient des animaux mythiquesaccompagnés de différentes Princes et chevaliers portant couronne,diadème et collier royaux. Un embranchement menait du pont-levis à laroute principale. A cet instant, il entendit une agréable musiqueinterrompue par le grincement des chaînes ouvrant la herse deprotection extérieure. Alors apparurent douze pages accompagnés de

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ménestrels et de jongleurs faisant une haie d'honneur à la petite troupe.La troupe joyeuse pénétra sous la double herse en bois contenu dansune pièce voûtée qui était défendu par des mâchicoulis. Aussitôt qu'ilspénétrèrent dans la basse-cour du château, il vit que l'intérieur étaitbeaucoup moins austère que l'extérieur défensif. Il y avait de vraiesfenêtres colorées par de splendides vitraux et un donjon doré sedressaient en plein centre de l'enceinte châtelaine devant un très beaujardin parsemé de fleurs de toutes espèces différentes. Le carillon duchâteau, sonnerie de cloches vives et gaies, éveillèrent en ces lieux,portes et fenêtres qui s'ouvrirent et laissèrent apparaître de ravissantspersonnages curieux qui dévisagèrent la petite troupe.

Le donjon était la partie principale de la forteresse. Cette toursans autres fenêtres que les meurtrières, était constituée d’une doubleenceinte circulaire appelée, la chemise. Le donjon était la partie la plusfortifiée du château, où pouvaient se réfugier les domestiques advenantla perte militaire des autres fortifications. A l’intérieur ils y retrouvaientdes logis, la salle principale, une chapelle ainsi qu’un puits d’eaupotable. Ses greniers et sa cave étaient toujours plein de grain et devivre afin de pouvoir soutenir un siège de plusieurs mois. L’enceintefaisait le tour du château par un chemin de ronde qui permettaitd’accéder au donjon en tout temps. Chaque domestique se devait defaire un service militaire de quarante jours par an, cependant l’art ducombat était réservé aux chevaliers et non aux paysans.

Par le passé, les barbares voisins avait bien tentés de démolirces murs épais par la sape ou la mine, mais de nouvelles mesures avaitfait échec à leurs entreprises. Une de ces mesures avait été laconstruction d’un petit talus au pied du mur et l’ajout de cent tours,positionnées par deux tiers à l’extérieur de l’enceinte, éliminant ainsipour leurs adversaires, tout angle mort.

Ces mineurs avaient tentés de creuser en avant du fossé, desgaleries souterraines afin de pénétrer incognito à l’intérieur du Château,de préférence pendant la nuit, lorsque tous les valeureux soldats étaientalors assoupis. Lors de la construction de la forteresse, ils avaient puiséles pierres au pied de celle-ci, creusant par la suite un fossé de vingtmètres de large par quinze mètres de profondeur. Par la suite, ilsavaient détournées un cour d’eau afin d’inonder le fossé, éliminant dumême coup tout nouvel assaut des mineurs.

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Les sapeurs leurs avaient causé beaucoup plus de tracasserie.Protégés par un toit monté sur un chariot, ils s’approchaient du murd’enceinte et enlevaient à force de bras les pierres du bas de lamuraille, afin d’y faire une brèche. Ils n’espéraient pas traverser le murayant parfois une épaisseur de douze mètres, aussi, ils remplissaient lafaille par des matières combustibles incluant des résineux et de l’huileanimale et y mettait le feu avant de s’enfuir. Sous l’action du feu etd’une forte chaleur, la pierre se fendillait, se craquait, s’éclatait, et lamuraille s’écroulait, produisant ainsi une brèche par lequel l’ennemipénétrait. Par conséquent, ils avaient donc ménagé des ouvertures(mâchicoulis), dans le plancher des tours et des chemins de ronde situéau-dessus des murailles, afin de jeter sur les sapeurs, pierres, projectilesou huile brûlante. A l’angle des murailles, ils avaient construit deséchauguettes afin d’y abriter des guetteurs solitaires qui pouvaient tirersur les assaillants, des flèches d’arbalètes grâce à de petites rainuresappelées archères. Aujourd’hui, la paix et la sérénité régnait dans leRoyaume des Titans, mais ce n’était pas sans peine que tout cela s'étaitréalisé.

Le Pont-levis à bascule était manœuvré à l’aide de chaînes etde treuils. Si le temps manquait pour lever le pont, deux herses glissantdans ses rainures en interdisaient immédiatement l’accès et lesmâchicoulis situé au plafond permettaient alors de bombarder l’ennemi.En avant de cette porte, une tour fortifié nommé barbacanecompliquait encore la tâche de l’envahisseur imprudent.

Un impressionnant soldat, vêtu d'une armure noire quiémettait des reflets bleutés s'approcha de lui à grand pas. Il étaitaccompagné par un petit groupe d'autres soldats portant un uniformerouge et noire et des armes toutes différentes, dénotant ainsi leursstatuts et rôles. Une grande Dame, vêtue toute de jaune et portant unchapeau blanc en forme de cône, d'où était suspendue un très long châlede la même couleur, marchait au côté du grand chevalier noir qui devaitbien mesurer 2,5 m. Celui-ci marcha avec assurance vers lui et luiadressa ces quelques paroles.

Bienheureux visiteurs, veuillez accepter nos excuses pour la manièrecavalière dont vous avez été traité. Nos adversaires sont toujours trèsrusés et nos craintes et peurs ont créé cette terrible méprise en ce quivous concerne. Il est de coutume en notre royaume d’offrir un

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somptueux banquet lorsqu’un visiteur daigne nous faire l’honneur desa présence. Veuillez accepter notre amicale invitation, car cette fêtedemande votre présence auprès de notre Reine et de ses notables, Duc,Marquis et Comte. Notre Roi étant en mission de guerre, la Reine sefera un plaisirs de vous accueillir. Quel est votre réponse?

J'accepte vos excuses, de même que votre invitation! Ce sera unhonneur pour moi de faire la connaissance de votre Reine.

Alors, la grande Dame en jaune s'approcha et l'invita à luiprendre l'avant bras, manifestant ainsi une invitation à la suivre. Lagrande noblesse de celle-ci l'impressionna tellement qu'il n'offrit mêmepas un soupçon de résistance.

Alors, toute la petite troupe se dirigea à travers escaliers depierre, passage piétonne et passerelle militaire, vers la salle desbanquets ou l’attendait la Reine des Titans. Il traversa de longs et hautscorridors. La forme vague des chapiteaux, des piliers et des arceaux luiapparaissait comme suspendues dans les airs. Le bruit sourd de leurspas faisaient résonner les murs de pierre qui murmurait "ne nousréveillez pas...ne nous réveillez pas! ". Après avoir traversé plusieurspièces froides et sombres il pénétra dans une grande pièce qui possédaitplusieurs cheminées ou laquelle pétillait des braises ardentes. Les mursde cette salle était faite de lambris massifs et le plafond de ciseluresdorées servant à encadrer des tableaux de chasses fantastiques. Entreces tableaux étaient disposés des sculptures grandeurs nature dechevaliers équipés pour la guerre et représentant les ancêtres de lafamille royale.

Passant entre une rangée de soldats en tenue d’apparat, tenantlance effilée, mains libre bien appuyée sur le pommeau de l’épée, latroupe pénétra dans la salle du banquet où tous les gens étaient occupé àparlementer, négocier, traiter, palabrer ou simplement socialiser. A cetinstant, tous les convives se retournèrent vers les nouveaux venus et lesilence se fit. Dans cette grande salle démesurée, il aperçut deravissants personnages bien accoutrés pour la circonstance. Les Damesportaient des chapeaux à plumes de paons assorties de longues robespresque translucides, à traîne, de couleurs flamboyantes et diversifiées.Les hommes étaient tous en tenue d’apparat, symbolisant le titre et lafonction. Parmi les notables des lieux, il remarqua le Duc, chef militairedu Domaine, le Marquis qui défend la marche (frontière) et le Comte,

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compagnon et ami du Roi, chargé d’apporter sa précieuse aide à laReine. Il distinguât aussi de nombreux chevaliers agrémentés de cape etd’épée, leurs écussons bien identifiés sur leurs vêtements. Plusieurspetits pages âgés de douze à seize ans accompagnaient les écuyers,futur chevalier après leur adoubement. On voyait aussi parmi cettefoule, la cour de la Reine et les serviteurs privilégiés, les pucelles et leschambrières, les jongleurs et les acrobates, ainsi que les ménétriers etles troubadours de la langue d’Oc.

Faisant suite à un murmure à peine perceptible, la foule sedivisa en son centre, découvrant un passage d’où apparue la Reine desTitans qui se dirigea d’un pas lent et gracieux, faisant penser à unegazelle, vers la petite troupe nouvellement arrivée.

Grande et élancé, reflétant la fraîcheur de la rose malgré songrand âge, le visage de la Reine était blanc comme les lys ses jouesétaient roses comme les œillets et son gracieux sourire était couleur decerise. Son visage respirait la bonté et ses yeux d’un bleu éclatantreflétaient, tel un miroir de l’âme, la bienveillance sommeillant en soncœur. Ses cheveux bouclés semblables à des fils d’or très fin rythmaientla cadence de ses pas feutrés. Sa beauté indescriptible étaitindéfinissable et exultait le bonheur des demi-dieux. Une merveilleuserobe faite de pétales de roses rouge resplendissait de mille feux,rivalisant avec l’éclat des milliers de diamants qui composait lediadème royal quelle portait fièrement enchâssé dans sa chevelure d’or.

La Reine lui tendit la main. Il suivit docilement celle-ci qui leguida jusqu’au siège voisin du trône et l’invita cordialement à s’asseoir.Le trône royal avait la forme d’un pétale de rose, entièrement recouvertd’un coussin de petits rubis. Toute la salle du trône était embauméed’un parfum de lys et de rose suave. Cette vaste pièce était décoréedans sa périphérie, d’immense bouquet sauvage d’amarante rouge, decrocus, de narcisse jaune et de jacinthes des bois aux couleurs rose,bleue et blanche. En comparaison des autres mondes qu'il avait visités,il était émerveillé par toute cette exubérance de fleurs colorées etparfumées. La Reine lui tendit une coupe de cristal de roche finementciselé, contenant du vin à l’eau de rose, puis l’invita à boire en sacharmante compagnie. Ensuite, elle fit signe aux nombreux Ménestrelsde continuer à jouer la pastourelle du Comte Jean de Brienne, qui futRoi de Jérusalem et Régent de Constantinople. La vielle, le galoubet etla musette se remirent donc à jouer, enchantant le nouveau visiteur.

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" Sous l'ombre d'un boistrouvai pastoure à mon goût ;contre l'hiver était bien protégéela fillette aux blonds cheveux.La voyant sans compagnie,je laisse mon cheminet vais vers elle.Aé ! Aé ! Aé !

La fille n'avait compagnonHormis son chien et son bâton.A cause du froid,serrée dans sa cape,elle était blottie contre un buisson.Aux accents de sa flûteelle évoque Garinet et Robichon.Aé ! Aé ! Aé !

Quand je la vis,aussitôt je me dirige vers elle,mettant pied à terre,et lui dis : Pastourelle, mon amie,de bon cœur je me rends à vous :faisons tonnelle de feuillage,gentiment nous nous aimerons.Aé ! Aé ! Aé !

Seigneur, ôtez-vous de là !Ce langage je l'ai déjà entendu.Je ne suis pasÀ la disposition de quiconque me dit :Viens ça !Vous avez beau avoir selle dorée,Jamais Garinet n'y perdra :Aé ! Aé ! Aé !

Pastourelle,si tu veux bien,tu seras dame d'un château.Ôte ta pauvre chape grise,mets ce manteau de fourrure;

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Ainsi tu ressembleras à la fraîche rosequi vient de s'épanouir.Aé ! Aé ! Aé!

Seigneurvoilà un grand engagement;mais bien folleCelle qui accepte ainsi,d'un simple inconnue,manteau de fourrure ou parure,si elle ne cède à sa prièreet ne consent à ses vœux.Aé ! Aé ! Aé !

Pastourelle,sur ma foi,je te trouve si belleque je ferai de toi,si tu veux, dame parée,noble et fière.Laisse l'amour des truands,et te remets toute à moi.Aé ! Aé ! Aé !

Seigneur, paix !je vous en prie;je n'ai pas le cœur si vil;j'aime mieux humble bonheursous la feuilléeavec mon ami,que d'être dame !dans une chambre lambrisséepour que chacun me méprise.Aé ! Aé ! Aé !Chanta la bergère "

A cet instant, la Reine se tourna vers le visiteur et luientretint ce discours rempli de sagesse:

Ami voyageur, sache que le déroulement de toute notre vie n'estqu'une suite de joie et de peine. De bons choix et d'autres

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n'occasionnant que malheur; de fautes impardonnables et d'erreursregrettables ou malgré un sincère repentir, nous retombons malgré tout,de sorte que l'existence humaine n'est qu'une vaste fantasmagorie. Cetteinterminable pièce de théâtre, parfois heureuse, d'autres foisdésagréables, nous enveloppent continuellement de ses mirages etillusions qui ne cesseront seulement qu’à la descente du rideau del'existence terrestre, c'est à dire, à l'heure de votre mort. Ne regrettejamais le passé car ce qui s'est passé ne reviendra jamais ! Cesse demettre tes espoirs sur le futur car ce temps-là n’est pas encore né et rienn’est plus imprévisible que le futur. Vie seulement dans l'ici et lemaintenant et oublie les regrets et les tracasseries qui empoisonnentl'existence. Ainsi, tu pourras saisir chaque minute de ta vie dans la joieet la sérénité. Si tu suis à la lettre mes sages conseils je ne doute pointque ta vie sera agréable et sera une source de bonheur pour tous ceuxqui t’environneront sur le chemin de ta destiné. Soit donc toujoursfidèle à mes conseils car ceux-ci proviennent de la Sagesse des Âges.

La Reine se tut et il en profita pour prendre la parole :

-- Votre majesté, dans le silence obscur du labyrinthe de mes pensées,le passé m'attire tel un aimant mystérieux et le présent me fait peur,car l'avenir c'est la mort ! Je pleure chaque nuit tous ceux qui ont vécuet qui ne sont plus. Mes tragiques regrets couvrent de leurs ailes toutce que j'ai fais. Ayez pitié de moi, tous ceux qui ne sont plus ! Car, j'aifailli dans la tâche d'immobiliser l'horloge du temps. Le jour, la nuit,l'heure, la minute et la seconde, tout cela continue de s'égrener versl'infini et le néant. Adieu ceux qui ont été ! Je vous ai tant aimé dansmes rêves et mes pensées!

La Reine des fées fut très surprise de ces paroles et maîtrisantson trouble, elle continua:

Oh douce nature ! Oh rustique innocence !Parfois, tisse-tu ta toilede vérité dans le cœur même des plus petits ! Sache qu'il est impossiblede faire échec à l'antre de la mort. Telle une fleur fanée, même laReine des Titans peut être foudroyée par l'étreinte de la mort quiannonce rarement son funeste venu. Reste donc vigilant et demeure surtes gardes; soit toujours généreux de ta personne et ait toujours le cœurrempli de bonté. Ainsi, à cette heure fatidique, nulle crainte ne viendratroubler la vue de ton cœur. Rappelle-toi toujours que nous ne sommes

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que de simple voyageur de passage sur ces gîtes temporaires que sontles mondes du Samsâra.

La Reine des Titans reprit :

-- Rappelle-toi toujours, en vieillissant, que les hommes ont perdu ledon de simplifier les choses et la vie. La seule attitude qu'ils ont, estcelle de compliquer toute chose, même les plus simples et les plusbanales, et par le fait même, se compliquent aussi la vie et l'existencejusqu'à en devenir très malheureux. Toute personne rechercheinconsciemment le bonheur qui est si près d'eux qu'ils ne peuventconcevoir cela, ceci paraissant trop simple pour eux.

Il s'aventura à poser une question qui lui paraissait un peu indiscrète:

Votre Majesté, j'aimerais vous poser une question qui m'apparaîtessentielle à la poursuite de mon voyage! Pourquoi votre époux, le Roi,s'acharne-t-il à faire la guerre puisque vous vivez dans un royaume quipossède toutes les belles choses qui puissent être imaginées?

Un petit nuage colérique passa sur le visage sans ride de laReine. Une pointe d'agressivité dans la voix, elle répondit:

L'intrigue et les rivalités font parti de notre monde que nousappelons entre nous, Asuras, mais que vous nommez Titan. Cependant,nous sommes des dieux au même titre et au même pouvoir que lemonde des Devas, que vous nommez Dieux. Nous aspirons tous à plusde pouvoir, plus de richesse et à plus de plaisirs. Cependant, nousdevons nous exercer à la pratique de la guerre et à son idéalisation, car,un jour, nous affronterons le monde des Devas et nous vaincrons.

La Reine mit fin à cet entretien en se levant et en tapant desmains. Tous s'immobilisèrent sur-le-champ et la Reine fit signe autrompéor ; celui-ci annonça à grand son de trompette, le moment depasser à table pour le banquet. Tous les poêles et toutes les cheminéescrépitaient de feux bien alimentés en combustible. Depuis son arrivé letournebroche grinçait et les escaliers de pierres retentissaient sans cessedu passage des maîtres et valets empressés et joyeux.

Il sut immédiatement que sa question avait été trop indiscrèteet qu'elle avait touché le cœur même de la Reine. Maintenant il savait

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que ce monde représentait la jalousie, ce sentiment douloureuxqu’éprouvent ceux qui ont des désirs de possession envers lespersonnes ou les biens matériels. Certains allaient même jusqu'à envierceux qui possédait une grande intelligence ou qui manifestait un grandtalent dans un domaine de la vie. Le monde remarquait plus la jalousiedes couples et des amants, mais la jalousie envers ceux qui pratiquaitune profession en milieu de travail, celle dans le monde du sport etsurtout celle dans le monde des artistes étaient beaucoup plus répandue.

Les petits pages et les serviteurs commencèrent à garnir laplantureuse tablée. Les mets s'empilèrent un à coté de l'autre et nesemblait pas vouloir s'arrêter. On retrouvait, se côtoyant sansdiscrimination : des bartavelles, outardes, hures de sangliers farcies,poules, chapons, colverts, oies cendrées, pigeons, paons et cygnesrevêtus, lapins, poissons et écrevisses, œuf, fromage, lait de vache,chèvres ou brebis, crème, beurre et caillebotte. Au centre était disposéun grand vaisseau de légumes bouillis contenant : fèves nouvelles, poisen casses, bettes, laitues, chicorée, roquette, pourpier, choux, oignons,ail des bois, carottes, navets et poireaux. Les vins étaient parfumés auxfleurs, à l'absinthe, aloès, hysope, myrte, anis, romarin, girofle,muscade, gingembre, cannelle, sauge. L'alliance du salé et du sucréavec le miel était la règle. L'accompagnement des viandes étaitconstitué par des fruits, de même que la fin du repas.

Tous prirent place à la grande table de banquet en forme de Uet mangèrent à satiété. Les serviettes pour s'essuyer les mains étaientbelles et douces. On mangeait avec ses doigts et son couteau, mais onse lavait les mains entre chaque service. En guise d'entremets, oninvitait des jongleurs, des acrobates, des dompteurs qui faisaient danserdes ours et des singes. On écoutait des ménestrels qui chantaient enlangue d'oïl des complaintes guerrières et des troubadours racontaientdes récits de bataille et de butin. Après le repas et s'être de nouveau lavéles mains, chacun resta à sa place et but du vin, comme c'était l'usage.Le bruits des coupes entrechoquées résonnaient avec écho dans cettevaste cathédrale de pierre et les gais refrains des chasseurs inspiraient lagaieté et la bonne humeur.

Malgré le fait qu'il trouvait tout cela merveilleux etfantastique, il ne pouvait s'empêcher de penser que tout ceci n'étaitqu'un mirage et que seul l'esprit était la réalité.

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Ce grand festin gargantuesque se termina par des jeux enplein air telles les quilles, le mail, la paume courte et longue, les partiesd'échecs, de tables (tric-trac) ou de dés. Les vieillards racontaient desrécits évoquant les temps anciens où il était question d'autres Roiguerrier et de technique de guerre ou de chasse. La soirée se termina parla chanson de Roland, née d'une complainte chantée par les pèlerins deCompostelle.

Tous se séparèrent pour aller dormir. On lui fit donner un bainet on lui prêta une robe de nuit toute faite de satin avant de le conduireà un grand lit de baldaquin. Le lit était fait de plumes d'oies et la couetteétait en duvet de canard. La couverture était une peau d'ours et uneautre de chèvre disposé à l'intérieur. On mit dans le lit une briquechaude enveloppée de linge afin qu'il ne prenne pas froid. La pleinelune qui transperçait les larges fenêtres cintrées, produisait une lueurétrange dans les coins obscurs où ne pouvaient arriver les pâles refletsdes feux de foyer et celui des chandeliers.

Ayant repris son calme, la Reine vint lui souhaiter bonne nuitet lui donna en souriant, un baiser en guise d'adieu. Très fatigué parcette longue journée, ses paupières s'abaissèrent sur une chaude nuitétoilée. Avant de sombrer dans les bras de Morphée et de succomber ausommeil, il ne put s'empêcher de penser: même si la Reine des Titansavait acquise une grande sagesse, celle-ci n'était pas encore gage desuccès puisqu'un résidu des tendances émotives négatives de la jalousiela ferait chuter de nouveau dans les mondes inférieurs et tel uncarrousel diabolique, tout serait encore à recommencer.

Une autre journée sans nom, venait de se terminer.

Le monde des Dieux

Le soleil s'élevait sur la ligne d'horizon, teintant le ciel pâle dumatin d'une couleur orangé. L'océan perdit subitement sa grisaille de lanuit et reprit les éclatantes couleurs de l'archipel paradisiaque.

Étendu sur une plage solitaire d'une blancheur immaculée, ilsavait que ce sable fin provenait de la désintégration graduelle pendantdes centaines d'années, des coraux provenant de la grande barrière decorail qui entourait l'île. Se levant, il marcha sur ce sable tiède, doux et

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léger. Tout en suivant le rivage il admirait le paysage luxuriant quil'environnait. Il appréciait grandement cette promenade dans la solitudeet le silence qui n'était troublé que par le doux clapotement des vaguesse brisant sur le rivage. D'aussi loin qu'il portait son regard, il ne voyaitqu'une mer dont les eaux transparentes couleur vert d'émeraude semélangeait avec le bleu royal de l'océan.

Òu suis-je, se demanda-t-il?

L'intangible ne répondit pas à son appel!

Seul l'écho de ses pensées répondit à ses interrogations. Destonnes de souvenirs, de mots et de phrases à jamais enfouies au fond delui-même, décidèrent soudainement de remonter à sa conscience deveille, tel des laves incandescentes s'éjectant d'un volcan en éruption.Ceux-ci produisirent des émotions passagères aussi futiles qu'unmirage. Cependant, il n'arrivait pas à calmer la sourde anxiété etl'angoisse qui prenait de plus en plus de place dans son esprit.

Il décida de s'éloigner de la plage et prit la direction de l'île ensuivant un sentier qui menait vers l'intérieur. L'île aphrodisiaquepossédait toutes les qualités et les caractéristiques des îles des mers dusud. Les cris aigus, les gazouillements légers, le rugissement et lescroassements nocturnes témoignaient de la diversité de sa vie animale.Les délicates senteurs des essences forestières et les fortes odeurs desfleurs sauvages témoignaient aussi de la diversité de sa flore végétalecroissant dans cette île. Des bruissements à peine perceptibles,révélaient des mouvements menus dans la forêt vierge; une pomme depin tombant sur le tronc d'un arbre mort, des feuilles jouant les unes surles autres en émettant un crissement de papier froissé et des cailloux quidégringolaient d'une pente abrupte.

Le sentier bien entretenu et facile d'accès, semblait plutôtoffrir à ses promeneurs une visite écologique de ses écosystèmes encontraste avec celle d'escalader une montagne abrupte et imposante. Auloin, en son centre, il distinguait un ancien volcan éteint qui laissait lavégétation tropicale envahir ses flancs rocheux. Parfois, a un détour dusentier, la forêt luxuriante s'ouvrait ou se refermait sur lui. Ces mêmearbres gigantesques laissaient quelquefois filtrer des rais de lumière endévoilant ainsi une nouvelle facette de sa nature diversifié. Parallèle ausentier, des gros troncs d'arbres morts recouvert de mousse créaient des

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ombrages semblant cacher des êtres de légende. Il était fasciné devantcette nature puissante, odorante et mystérieuse.

Où allait-il dans cette direction?

Il aurait aimé ralentir le temps, le serrer dans ses mainscomme une coulée de sable, afin d'en ralentir grain par grain,l'inexorable avancement du temps et des événements. Il commençait àsentir le poids de toutes ses aventures dans les mondes samsariques. Ilavait bien besoin d'un repos, de quelques siècles d'attentes enperspectives, après toutes ces pérégrinations.

Les premiers résidents qu'il vit, causèrent sur son visageparcheminé, une expression de stupeur et d'étonnement. Tel unnoctambule éblouie par le soleil matinal, il mit sa main en visière afinde distinguer l'apparition qu'il voyait au loin. Dans une clairière prèsd'une chute d'eau qui se jetait dans un bassin en forme circulaire, ilvoyait des ombres furtives faisant des arabesques accompagnant desmouvements gracieux ressemblant à une chorégraphie sans scène, ayantla nature pour tout décor. Il pressa le pas afin de rejoindre ceux-ci.

Malgré son scepticisme, il savait bien qu'il ne pouvait sementir et qu'il avait rendez-vous avec sa vérité.

Soudainement, le sentier se divisa en deux parties biendistingues. La partie orientale se dirigeait vers les danseurs et l'autrepartie était bien différente de la première. Elle était toute pavée dedalles blanches polies qui reluisaient au soleil. Intrigué, il modifia saroute et oublia les danseurs furtifs. Le sentier blanc était en pente douceet se dirigeait vers le bas d'une petite vallée. A intervalle régulier, ilremarqua sur le coté du sentier des statue de pierre représentant despersonnages mythiques dont il ne connaissait pas la signification.Parfois, un coup de vent éveillait les feuilles des arbres au repos,emportant vers l'ouest une odeur de terre humide se mélangeant à celledes orchidées sauvages.

Brusquement, à l'orée de la forêt, il découvrit une plaine auxcheveux d'or vaguant au vent. Au centre de celle-ci, il remarqua un petitlac cristallin entourant une presqu'île de rêve. Dans ce petit royaume, ilvit parmi les arbres fruitiers et les jardins fleuries plusieurs bâtiments enpierre remontant à l'époque de la Grèce Antique. Sur le plan d'eau, ilvoyait des dauphins magnifiques sautant hors de l'eau et virant autour

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de jeunes homme possédant des corps splendides. Dès qu'il se mit enmarche sur la route traversant la plaine en direction du lac, une conquetibétaine se fit entendre. Il sut immédiatement que ceci était un messagede bienvenue. Alors, il vit au loin un char romain avec deux rouesrecouvert d'or et de pierres précieuses tiré par deux chevaux blanc. Lesroues du char réfléchissaient le soleil et lançaient des milliers de rayonscolorés dans toutes les directions, l'aveuglant presque.

Comme le char se rapprochait, il distingua finalement leconducteur qui n'était auparavant qu'une silhouette indécise prendreforme. Ce qui le surprit le plus, c'est qu'il était visible mais transparent.La terreur s'empara de son esprit. Alors, il fit appel à tout son couragepour se maîtriser. Un casque doré, probablement recouvert d'or pur étaitorné de plume brillamment colorés couvrant ainsi la tête de ce fantômeétrange. Son armure était toute d'argent ou de platine et couvrait toutesa poitrine. Au centre de l'armure, il distingua un visage sculpté endemi-relief portant une couronne royale.

Le fantôme le fit monter dans le char d'une autre époque. Sansprononcer une seule parole, il donna l'ordre aux chevaux de faire demi-tour et de prendre la direction de l'île fantastique. Alors qu'il pénétradans les rues de cette bourgade antique, il remarqua l'étrangeté de leurshabillements, aussi translucide que leurs corps. Les hommes étaientvêtus comme des dieux, portant des coiffures très particulièresressemblant à celle des anciens incas. Leurs corps étaient vêtus detissus qu'il n'avait jamais vus. Certains portaient des manteaux nouéssur les épaules par des anneaux d’or. D'autres, étaient vêtues plussimplement de tuniques blanches décorés de très beaux motifs dont ilne reconnaissait pas les dessins étranges.

Il entendait des voix parlant dans une langue inconnue. Aucunde ses mots ne lui paraissait familier. Les gens semblaient bouger àquelques centimètres du sol, un peu comme des automates de sciencefiction. Ce qui le surprit le plus chez ces gens, c'est qu'ils passaient àtravers les obstacles comme si ceux-ci n'existaient pas.

Finalement, le char s'arrêta dans l'enceinte d'un Acropole deforme circulaire, soutenus par une centaine de colonnes doriquesdisposées également tout autour. Toute la façade était faite de pierresblanches émaillées et reluisantes au soleil. Le conducteur lui montra laporte de bronze sculpté représentant un calendrier sous la forme de la

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pierre du soleil et lui fit signe d'entrer, aucune escorte n'étantdisponible pour le guider. Pénétrant à l'intérieur, il piétina des dalles demarbre veiné d'or et d'argent qui dirigeait celui-ci vers une ouverture enplein air situé au centre de la pièce. Au centre de ce jardin intérieur, ilvit une fontaine d'eau splendide où pataugeaient deux canards branchusqui resplendissaient comme des diamants au soleil. Autour de lafontaine de cristal translucide abritant dans ses eaux plusieurs variétésde poissons rouges dont certain étaient albinos, il vit des gens disposésautour d'un mobilier de pierre finement sculpté, remontant certainementà la Rome Antique.

De longs fauteuils en marbre blanc se terminaient sur un côtéplus élevé ou était disposé un coussin en guise d'appui tête. Le fauteuilétait recouvert par des coussins de soie et de lin agrémentés de dessinssuperbes. Devant chacun de ces fauteuils servant aussi de lits pour lasieste, il y avait une table base sculpté dans la même matière. Sur celle-ci était disposée une variété d'aliment fin digne d'un banquet royal. Despersonnages richement vêtus, de tous âges et de toutes racesconfondues, étaient constamment environnés par des déesses ou desépouses qui satisfaisaient leurs moindres désirs. Disposé dans descavités entre les colonnes intérieures, des musiciens de différentesépoques jouaient des airs symphoniques mettant à l'honneur la flûte depan, la clarinette, le violon et les petites cymbales. Celui qui semblait leplus âgé avec sa grande barbe blanche l'invita à partager son banquet enlui signifiant un siège pour une seule personne sans appui tête.

Une grande diversité de papillons très gracieux voletait par ci,par là, tournoyant autour des invités sans que ceux-ci n'y portentattention. Le chant des pinsons et le roucoulement des colombesblanches, emblème de la douceur, de la pureté et de la paix, suspendaitle temps en créant une atmosphère de calme et de sérénité qui seprolongeait jusqu'en son cœur. Dès qu'il fut assit, le chef des dieuxs'adressa à lui avec une pointe d'arrogance:

Étranger, que recherches-tu dans mon Royaume?

Suis-je en train de rêver, lui demanda-t-il?

Le dieu lui répondit:

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Le monde du rêve ne diffère pas de celui de l'état de veille. Ces deuxmondes sont entièrement subjectifs car ils sont le produit de notreesprit. Le penseur et la pensée ne peuvent exister l'un sans l'autre. C'estla force de notre imagination qui crée les mondes intérieurs etextérieurs à nous-mêmes. Une imagination vive est capable de fairesurgir comme par enchantement, dès qu'on la sollicite, toutes les imagesdu passé, donnant à chacune d'elles la forme et les couleurs qui lui sonpropres. La forme qui se présente à nous est donc différente pourchacun d'entre-nous, puisque chacun est le maître incontesté de sonpropre royaume.

Suite à une pause de silence, il reprit:

Je viens de te révéler un mystère éternel dont des milliers d'humainsfont une quête depuis des millénaires. J'espère étranger que tu memanifesteras ta gratitude.

Surpris, il se demanda comment un dieu qui avait tenuauparavant des propos d'une grande sagesse pouvait soudainementdémontrer autant d'arrogance et d'orgueil!

Hautain, le chef des Dieux reprit:

Étranger! Si tu as une autre question, posez là vite car mon temps estprécieux.

Puisque vous avez été capable de créer votre propre monde danslequel vous vivez des instants de bonheur et de félicité incalculable,alors, pourquoi avoir choisie la forme humaine?

Étonné, le dieu reprit:

Pour l'esprit immortel, l'apparence humaine est une sorte d'uniformequi lui permet d'établir un contact avec ses semblables, les autresesprits. L'identité des apparences est donc conforme à son identitéfoncière, puisque tous, nous appartenons au même monde. La vie est unassemblage inépuisable dans lequel le passé, présent et avenir, toi etl'autre, ne semblait avoir qu'une valeur relative. Souviens-toi toujoursque la matière est capable d'influencer l'esprit, de même que celui-ci estcapable de modifier la matière.

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Ainsi, ce que je vois est peut être irréel, s'exclama-t-il!

L'être humain ne voit pas avec les yeux mais avec son esprit, luirépondit le dieu!

A cet instant, une merveilleuse déesse au corps fin et élancé,vêtue d'une robe blanche translucide, laissant paraître son corpsmerveilleux, s'approcha du chef des dieux. Elle lui tendit un énormediamant translucide qu'il saisit de ses deux mains et qu'il éleva devantlui, à la hauteur des yeux. Tout à coup, il vit le visage du vieillard à labarbe blanche rajeunir graduellement, ses cheveux devenir de plus enplus noir ainsi que sa barbe. Par la suite, une liane sortie de ce diamantmagique, s'éleva dans les airs jusqu'à rejoindre le bord du toit duplafond ouvert en forme cylindrique. Tel un boa constrictor géant, elleprit vie et s'enroula sur la moindre des aspérités ou support constituantla charpente du toit, jusqu'à ce qu'elle fit le tour de celui-ci en refermantle cercle végétal. A cet instant, des dizaines de fleurs sauvages etd'orchidées apparurent parmi les feuilles et les petites broméliacées.Des oiseaux-mouches aux couleurs métalliques se mirent à puiser lenectar dans les corolles des fleurs. Le chef des dieux concrétisait ainsile pouvoir qu'a l'esprit sur la matière.

Il n'était nullement impressionné par la démonstration depuissance du chef des dieux. Grâce à ses pouvoirs paranormaux, il vitbeaucoup plus loin que cette démonstration créatrice. Se concentrantsur le diamant, utilisant ses facettes comme des écrans de cinéma, il vittous les dieux qui vivaient dans un faste éblouissant, recherchantplaisirs sur plaisirs, sans s'accorder l'instant d'une réflexion spirituelle.Lors de la mort de l'un deux, il constata les signes du déclin et vit lesautres dieux, déesse et épouses charmantes, s'éloigner de lui comme s'ilavait la peste noire. Abandonné de tous, seul subsistait le souvenir desinstants de bonheur incommensurable qui augmentait encore plus sonanxiété et l'intensité de sa souffrance. Seul et dans la détresse, celui-cimourût dans des tourments qui deviendrais alors la cause d'unerenaissance dans les mondes inférieurs.

Il ressentait une immense compassion pour ceux quipérissaient dans la douleur et la solitude.

Il décida de poser une dernière question:

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La qualité de vie dans votre monde parait supérieure à tout ce quej'ai vu dans les autres mondes. Pourtant, je n'ai vu personne faire unedémarche spirituelle afin de se libérer de la condition de l'existencesamsarique. Y aurait-il une chose qui m'aurait échappé et qui seraitsupérieure à toutes les démarches spirituelles connues?

Le chef des dieux s'empourpra, s'indigna, puis leva les brasvers le ciel. A cet instant, un éclair déchira le ciel et le coup de tonnerrequi s'ensuivit fit vibrer toute les molécules de son corps. Le chef desdieux s'était mis en colère.

Soudainement, tout s'assombrit autour de lui. Le monde desdieux disparut et il se retrouva flottant en apesanteur dans un nuagebleu tirant sur le violet. Plongé dans ses réflexions, il comprit que la viehumaine avait énormément plus de valeur que celle dans le monde desDieux. Maintenant il comprenait que la souffrance humaine était lamatière première guidant vers l'éveil. Tout ce qui était absent du mondedes Dieux, la douleur, le chagrin, les frustrations et les difficultés de lavie étaient là pour le réveiller et l'obliger à s'échapper du cycle duSamsâra, cause réelle de toutes ses souffrances.

Une nouvelle révélation lui permis de comprendre que cesmondes samsariques existaient aussi dans son esprit microcosmique.Ces mondes existaient intérieurement à l'état latent, tels des grainesdans un jardin, prêt à germer selon les tendances et les émotionsnégatives qui croissaient selon les choix qui avaient été fait auparavant.Ces mondes existent donc dans la manière dont nous laissons nosémotions négatives projeter et cristalliser des univers entiers autour denous, définissant ainsi la forme, l'atmosphère et le contexte de notre viedans ces mondes. Là, était le véritable arbitre de l'homme qui menait àsa condition de libéré ou d'esclave selon son propre choix.

Il comprit par la même occasion que l'homme ordinaire secroyait en possession d'un esprit Unique qui était le sien et cettecroyance était la racine même de l'illusion qui a donné naissance à ladoctrine de l'âme. Tous les hommes sont mentalement Un et l'humanitéforme une Unité d'illusions mentales afin que celle-ci puisse créer unehallucination collective. Sans cela, le monde humain n'existerait pas etla civilisation des hommes seraient une multitude de monde illusoire etdistinct créé par chaque esprit individualisé. Ainsi, l'évolution sur Terredeviendrait impossible puisque chaque homme verrait le monde d'une

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manière différente. Même si des milliers de rayons solaires répandent lavie sur Terre, dans la réalité, seul le soleil est Unique. Ainsi, parce quetous les esprits de l'humanité sont collectivement Un, les hommes voitdonc tous le même mirage des apparences phénoménales; les mêmesocéans, les mêmes montagnes, les mêmes nuages et entendent lesmêmes sons, goûtent les mêmes saveurs et ressentent les mêmessensations.

Cette collectivité de l'esprit permet l'uniformité et lacontinuité de la connaissance humaine, dirige l’activité de celle-ci etfaçonne tous ses concepts, l'enfonçant ainsi de plus en plusprofondément dans ses perceptions illusoires due à son ignorance. Lamultitude des créatures humaines étant une simple cellule, constituentcollectivement le corps d'un seul organisme multicellulaires illuminémentalement par L'Esprit Unique Cosmique. Étant tous membres duseul et même corps, l'autre et le soi sont donc identiques. Cependant, lesdirigeants actuels étant dans l'ignorance de cette grande vérité,perpétuent les guerres des hommes contre d'autres hommes, ignorantainsi les torts que ses membres causent à leurs propres corps.

L'homme doit regarder l'Univers des phénomènes quil'entoure, non comme une chose dont il doit s'échapper, mais plutôtcomme l'empreinte créatrice de la puissance de l'Esprit Unique enéternelle évolution. Avec cette approche découlant d'un début desagesse, la vie sur Terre devient donc un privilège d'une grande richesseet l'opportunité suprême pour l'esprit humain, d'atteindre l'éveil quiconduit à l'illumination et à la condition de liberté d'un bouddha.

Ce n'est qu'en transcendant le mirage illusoire de lacollectivité des humains, que l'esprit de l'homme sage contemple l'Unitéabsolue de l'ensemble de l'Univers. Cet homme reconnaît alors que laconnaissance humaine nourrit l'illusion collective, tandis que la Sagessedécoulant de la recherche spirituelle, transcende toutes les illusionsmondaines. Indifférent aux plaisirs et à la douleur, cet homme reconnaîtalors que, sans la dualité, l'univers samsarique n'existerait pas. Celle-ciproduit l'équilibre du temps et de l'espace, créateur des mondes infinis,concrétisant la forme de cette matière illusoire. L'étape suivante feraque cet homme partiellement libéré, cherchera à épuiser sonattachement à la connaissance mondaine, cause d'accumulation dekarma négatif. Dans toute l'histoire de l'humanité, les hommes Sagesfurent les guides et les maîtres de la culture des hommes. Par contre,

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ceux qui ont acquit une grande connaissance mondaine ont été lesSeigneurs de nombreuses guerres entre nations et furent la causeprincipale des âges sombres de l'humanité.

La Sagesse est éternelle. Elle ne connaît ni passé, ni futur, etelle dissout indubitablement les brumes de l'illusion. Devant la sagesse,les ténèbres de l'ignorance fuit, laissant toute la place à la connaissancevraie de la réalité. Le seul but du rêve de l'existence terrestre, c'est depermettre au rêveur d'atteindre la Sagesse découlant de l'éveil.L'illusion de l'existence cède la place au réel, l'ignorance à lacompréhension, la croyance en un Égo à celle du Soi de Tous,concrétisant ainsi, la croyance en l'Esprit Unique qui est au-delà del'esprit mondain.

Le sanctuaire

Il avait été exclu des mondes samsariques de la roue del'existence, de la vie et de la mort. Il s'était retrouvé, sans qu'il ne sachecomment, dans une des terres pures des boddhisattvas. Ceux-ci étaientparfois nommé petits bouddhas, car, ayant atteint l'éveil presquecomplet, il ne restait que quelques résidus de formation mentale(skandha) à éliminer afin d'atteindre l'état de bouddha complet. C'estdonc par choix qu’ils refusaient d'éliminer ce résidu karmique, afin dedemeurer dans le Samsâra pour d'aider les autres à atteindre l'étatd'éveil complet, tel que promis dans le serment des boddhisattvas.

Généralement, ces terres pures n'étaient pas accessibles aunon-illuminé, car, elles représentaient les premières portes donnantaccès au Nirvana, l'obligation de la renaissance dans le Samsâra n'étaitplus une chose obligatoire. C'est donc par un état de grâce qu'il s'étaitretrouvé dans la première terre pure qui en comptait dix avantd'atteindre la première terre des bouddhas. Au-delà de ces dernièresterres, l'évolution continuait encore, mais en donner une description,même partielle, était une chose impossible pour un être non-éveillé.

Graduellement, la brume bleue-violette s'évanouit et laissaapparaître une curieuse architecture en forme de mandala. Dans lecentre d'une plaine verdoyante, éclairé par un soleil orange sous un cielrose cramoisie, sillonné par des nuages violet, il y avait cette forteresseimmense de forme carré, faite de murs épais ou était sculpté des

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personnages tenants des guirlandes dans les mains. Chaque angle desmurs étaient décorés de crânes humains blanchis par le temps. Ausommet des murs, il distinguait des makaras, sorte de monstre marinmythologique, disposés à intervalles réguliers et soutenant dans leursgueules, une immense chaîne d'or qui faisait tout le tour de la forteresseextérieure. Quatre portes différentes donnaient accès à la forteresse etétait situé dans chacun des points cardinaux. Ces portes d'entrées étaientconçut avec onze parties superposées dirigeant le pèlerin vers une desonze étages du palais intérieur. Chacune des portes étaient fabriqueravec des pierres précieuses de différentes couleurs et étaient soutenuspar des piliers en métaux précieux tout aussi différent l'un de l'autre.

À l'intérieur de l'enceinte, il vit le palais intérieur possédantonze étages, qui était surmonté d'un dôme fait d'or et d'argent, soutenantune sculpture représentant la lune et le soleil. Huit vajras symbolisantle pouvoir spirituel suprême protégeait le palais intérieur des influencesnégatives. Ses murs extérieurs très épais étaient fait de marbre blancrecouvert par des carreaux d'or décorés avec des dessins formé à l'aidede pétales de lotus blanc. Quatre entrées protégées par une ceinture devarjas étaient situées à chaque point cardinal. Chacune de ces entréesétaient surmontée par le symbole du dharma-chakra entouré par huitrayons symbolisant le noble sentier octuple. Deux gazelles en pierre,l'une noire et l'autre blanche, montaient la garde de chaque côté del'entrée, personnifiant l'Unité de l'absolue, le ying et yang chinois.Chacune des fenêtres du temple possédaient des rideaux de soie quiétaient alourdis par des chaines d'or pur, empêchant le profane d'avoiraccès au mantra sacré, cause d'accumulation de karma négatif lorsquel'on n'est pas prêt pour cette vérité spirituelle.

Pénétrant à l'intérieur, il vit une enceinte circulaire entouréd'un rideau de flamme bleue qui empêchait tout intrus d'aller plus loin.Cette ceinture de feu représentait la connaissance qui détruit toutes lesillusions et les idées fausses sous la forme de cadavres. À l'orée de cesflammes, était disposé huit champs d'ossements et de cadavresreprésentant la destruction de "l'Ego", le "moi" froid et calculateur.

Traversant la ceinture de feu et le tapis d'ossements, il vit aucœur de cet espace, une Agora de forme circulaire qui était légèrementenfoncé dans le sol. Au centre de ce cercle en forme de lotus ayant huitpétales diaprés, brillait intensément une lumière aveuglante provenantd'un gros diamant brut monté sur un petit trépied métallique. Tout

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autour de cette vision lumineuse, étaient assis en position de lotus, cinqvieillard portant chacun une robe monastique de différentes couleurs.Ceux-ci semblaient plongés dans une profonde méditation. Face à laflamme, était assit un jeune moine, encore adolescent, vêtue de la robemonastique rouge et jaune safran, tenant dans la main gauche, laclochette rituelle et dans l'autre main, un double vajra. Entourant ceux-ci, huit Dakinis montaient la garde. Près du diamant lumineux, symbolede l'unification mystique du méditant avec l'absolu, il distingua à sagauche un Kartari, et à sa droite, un Kapala. Cette lumière représentaitaussi la véritable nature de l'homme, qui est obscurcie par les préjugés,les idées et les illusions. Le but de la méditation est de transformer cesdistorsions mentales en force menant à l'éveil et à la libérationintérieure.

Il se souvient que l'architecture du mandala était lareprésentation grandeur nature de celle utilisée par les méditantsbouddhistes. Le mandala est un plan de l'esprit ou sont représenté lesprocessus intérieurs, hiérarchisés comme sur une carte routière. Lecentre du mandala représente l'intégration totale de la consciencehumaine dans les cinq skandhas. Le mandala est donc un archétyped'intégration psychique. Méditant sur celui-ci, le pratiquant devient parla force de son imagination, le centre d'un cercle dont la circonférencese perd dans l'infini. Par la suite, il devient le centre de son univers dontil est le seul maître. Finalement, il devient l'Univers, la barrière entreindividu et absolu étant dissoute par la force de sa méditation.

Il s'approchait du petit groupe de moine méditant sur les cinqdhyani bouddhas, Vajra-Sattva, Amitabha, Amogha-siddhi, Ratna-Sambhava, et Vairochana, lorsqu'il fut soudainement frappé au cœurpar un rayon couleur d'or provenant du cœur du jeune moine, assit aucentre de la pièce. Instantanément il comprit qu'il avait l'autorisationd'interroger chacun des moines sur un sujet particulier, mais un seulsujet par moine interrogé était autorisé.

Il se dirigea vers le premier moine, à sa gauche, qui était vêtutout de blanc. Celui-ci le fixait intensément. Alors, il lui posa laquestion suivante:

Ô honorable moine. Pouvez-vous me renseigner sur le but et lavéracité de la réincarnation?

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La réponse ne se fit pas attendre:

Ami voyageur, écoute ma parole de vérité, car celle-ci provient duplus profond des âges, et remonte à l'apparition humaine sur votreTerre.

La continuité de l'esprit est sans origine et remonte jusqu'à unedimension infinie. Les vies successives d'une série d'existence ne sontpas reliées par l'identité mais par la conditionnalité.

Actuellement, ce que tu es, est ce que tu as été. Examine ta conditionprésente afin de connaître ta vie passé et profite de ces révélations pouraméliorer ton existence afin de renaître dans de meilleures conditions.Prie les bouddhas afin de renaître dans une famille ou tu pourraspratiquer le saint dharma. Ne blâme jamais le mauvais sort, lamalchance, le destin ou le karma car, ceux-ci ne sont pas prédéterminéet ne sont pas une fatalité irréversible. Le karma désigne avant toutnotre capacité à créer et à évoluer dans un environnement immergédans la joie ou la peine, la souffrance ou le bonheur, la facilité oul'adversité, seul ou avec ses semblables.

Après un bref instant de silence, le moine reprit:

Lors d'une renaissance humaine, l'esprit de celui-ci n'est ni identiqueà ce qu'il était lors de son décès, ni totalement différent. La vie et lamort sont comme le mouvement d'une danse. Un pas se termine et unautre en équilibre, débute presque simultanément. Un pas meurt et unautre renaît. Cependant, cette chorégraphie se déroule dans unmouvement servant à créer une danse unique, aussi, tous cesmouvements individuels sont conditionnés dans le seul but de créer unedanse individuelle. Un seul esprit, une seule vie atemporelle se déroulelors de plusieurs existences sous différentes formes ou personnages, telsles costumes ou les différents actes d'une pièce de théâtre. Méditesouvent sur ceci, sur l'impermanence et la fragilité de la vie, car là est laraison même de ton existence.

Il est important que chaque pratiquant spirituel enseigne laconnaissance de la survie après la mort, car, sans cette croyance, lasociété humaine se polarisera vers le développement social à courtterme et sur l'individualisme, sans se soucier des résultats futurs de

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leurs actions. Cette attitude sera alors la cause d'une grande souffranceultérieure par l'accumulation de karma négatif et de renaissances dansles mondes inférieurs. La croyance en l'après-vie encourage ceux qui ycroient à devenir plus responsables socialement. Ils ressentent lanécessité d'avoir une bonne morale personnelle, un code de conduiteaxé sur la compassion et l'entraide communautaire.

Le moine se tut et garda le silence pendant de longues minutes. Alors, illui posa une autre question qu'il jugeait importante, même s’il n’avaitdroit qu’a une seule question.

Noble moine. Pourquoi ne conservons-nous pas le souvenir de nosvies antérieures?

Comme le dit si bien l'adage populaire; "la mémoire est une facultéqui oublie". Lorsqu'ils atteignent l'âge adulte, la plupart des gens ontoubliés les événements de leurs enfances. Seuls subsiste quelquesvagues souvenirs, flous et indécis, remontant parfois de leurssubconscient. Parfois, certains oublient même un événement qui s'estdéroulé une semaine auparavant, même si cette expérience était trèsvive au moment où elle a eu lieu. Si des souvenirs aussi récents se sontévanouis de la conscience de veille, alors comment ceux remontant àdes vies antérieures peuvent-ils subsister.

Le temps est notre plus fidèle allié pour mettre un baume d'oubli surles profondes blessures psychologiques refusant de se cicatriser, telcelle de la perte d'un être cher. L'existence terrestre serait impossible sinous n'avions pas comme allié, le temps de l'oubli.

La mécanique des souvenirs et de la mémoire, découle directementde la loi du karma. Lorsqu'une personne atteint l'éveil et l'illumination,le rideau de scène de ses vies antérieures tombe et dévoile à celui-citoutes les existences qui ont été siennes avant sa délivrance. Lors d'unenseignement public, le Bouddha à relaté à ses disciples, cinq cent deses vies antérieures et ce qui avait été l'action essentielle justifiant cetteexistence.

Pour le profane, l'oubli de ses vies antérieures est une grandebénédiction. Comment une personne pourrait-elle vivre sa nouvelleexistence, sachant que dans le passé elle a été assassin, bourreau,esclave, tortionnaire, victime de l'holocauste nazi, etc.!

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Lorsqu’Henri Ford découvrit les valeurs de la théorie de laréincarnation, (1947) celui-ci déclara; "le temps ne m'étais plus comptéet je cessai d'être l'esclave des aiguilles de la pendule. Alors, mon désirle plus cher est de partager avec mes semblables, la sérénité qu'apporteune telle perspective de la vie".

La renaissance humaine n'est pas reliée par l'identité mais par laconditionnalité. La personnalité humaine est constituée d'agrégatdisparate différent qui s’unit afin de former une nouvelle enveloppe,siège de l'esprit et de la continuité de la conscience. Comme le corps, lapersonnalité ne survit pas à la mort. Ce qui survit c'est l'essence mêmede nos expériences vécues intensément et des acquis qui demeurentsous la forme de talent dès la naissance. Représenté sous la formetemporelle, ceux-ci totalisent à peine quelques minutes de toute une viehumaine.

Donc, le souvenir des vies passées, de même que l'acquis de talentqui se manifeste dans une vie, sont un processus d'évolution qui permetà des maîtres, de rendre le monde meilleur et de tenter de les libérer deleurs conditions d'esclavage samsarique. Parmi ces Maîtres du passé, onpeut mentionner les bouddhas et les boddhisattvas, Léonard da Vinci,Abraham Lincoln, Mozart, Saint-François d'Assise, Gandhi, Einstein,etc.

Les êtres vivants qui renaissent dans l'existence cyclique, le font nonpar choix, comme certains l'affirme, mais en raison de causes et deconditions antérieures, et de l'existence précédente dans l'étatintermédiaire. Le corps humain est temporaire parce qu'il est le produitde l'union de l'ovule et du sperme humain, cependant, il est l'hôte quiabrite le corps permanent subtil indestructible, siège de l'esprit quisurvie de vie en vie. Au moment de la mort, celui-ci quitte le corpsgrossier et recherche une autre demeure afin de continuer son voyage.

Trois Royaumes constituent l'existence cyclique: le Royaume duDésirs (Kama Loka) est celui qui lie l'existence aux perceptionssensorielles et aux émotions changeantes qui déterminent unmouvement circulaire infini à travers six règnes d'existence. Parmiceux-ci, seul le monde humain offre l'opportunité de se libérer enaccédant à l'éveil, car ce monde possède tous les outils nécessaires à

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l'illumination et à l'enseignement du Dharma. Les cinq autres mondesn'offrent pas cette bénédiction des maîtres et des bouddhas.

Le deuxième Royaume, celui de la Forme purifiée, (Rupa Loka) ouseul les perceptions de la vue et de l'ouie existent est un monde ou lesstructures sont d'une extrême beauté et d'une grande intégrité.Cependant, ce monde n'offre l'opportunité de se libérer qu'auxbodhisattvas du dixième niveau, qui réside en Akanishta, et qui pratiquela voie du mantra secret.

Le dernier Royaume, celui du sans Forme (Arupa Loka) est unmonde ou aucune forme physique n'existe, de nature purementspirituelle, ou seul des sensations spirituelles existent comprendplusieurs niveau. Malgré cela, cette sphère de l'informe n'offre à seshabitants, aucune possibilité de progresser vers l'éveil, même si ceux-cipratique les sutras ou le mantra secret.

La Terre est un microcosme et participe de l'Alpha et l'Oméga.Véritable laboratoire et champs d'expérimentation physique,psychologique et mental, tous les règnes d'existences y sont représentés.

Lorsque tu manifeste du dédain envers les plus pauvres et les plusdémunis de la société, que seul ton bien-être te préoccupe, nemanifestes-tu pas l'orgueil des dieux?

Lorsque tu crève de jalousie comme vous dites sur Terre, et que tuutilise la violence afin de t’accaparer ce qui ne te revient pas de droit,cela ressemble beaucoup au monde des Titans et de leur vain combat.

Lorsque tu manifeste ta colère et ta haine parce que tu es vagabondet sans logis, que tu as faim et froid, inconsciemment tu dis que ceci estl'enfer sur Terre!

Lorsque ton ignorance te pousse à te vautrer dans la sensualité, lesexcès sexuels, l'obésité et la gourmandise, tous tes désirs dirigés surl'assouvissement des besoins du corps, ceci n'est-il pas le réflexeconditionné du monde animal?

Lorsque tu refuse à faire charité envers tes semblables et que tu chérites biens matériels au point que ton attachement à ceux-ci à priorité sur

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tes enfants, ton épouse et tes semblables, ton avidité ne manifeste-t-ilpas que ta réelle demeure est celle des esprits avides.

Ainsi, lors de ton passage sur Terre, tu décide par tes actions, ce quesera ta prochaine destination, suite à ton décès. Même si tu blâme lesautres pour ton mauvais sort et que tu mens à toi-même, les choix quetu feras dans ta présente vie décideront de ta prochaine renaissance surTerre ou dans les autres mondes. Il se peut même que la diversité de testendances négatives fera que tu devras renaître dans plusieurs de cesdifférents mondes avant de pouvoir continuer ton pèlerinage sur Terre.

Pour que tu puisses obtenir une meilleure renaissance lors de tonprochain voyage, permet moi ami étranger de t'offrir ces conseils quidécoulent de ma sagesse acquise au fil des siècles. Réfrène toujours tesémotions négatives car celles-ci sont la cause d'une grandeaccumulation de karma négatif. Essai de pratiquer le juste milieu danstoutes les activités de ta vie afin d'atteindre l'équilibre qui mène à lasagesse et à la connaissance. Cultive ta compassioninconditionnellement envers tous ceux qui souffrent dans tous lesmondes samsariques. Soit toujours vigilant et devient l'observateur quiobserve en toute occasion.

Le moine joignit les mains et fit le salut de bénédictionyogique, signifiant par là, la fin de l'entrevue. Fermant les yeux, ilretomba dans la profondeur de sa méditation.

Lentement, il s'approcha du moine à la robe jaune et lui posacette question:

Ô noble moine. Pouvez-vous m'expliquer ce qu'est réellement laconnaissance et son rapport avec la réalité?

Il y a la connaissance astronomique, principalement appliqué àl'homme. Il y a la connaissance théologique, qui est celle d'une doctrinereligieuse. Il y a la connaissance des arts et métiers, qui permetd'acquérir une meilleure compréhension des activités mondaines deshommes. Il y a la connaissance linguistique qui permet decommuniquer entre les hommes, et vers le déchiffrement de l'énigme del'existence en communiquant avec le monde des dieux, des démons etdes autres créatures sensibles. Il y a la connaissance philosophique quipermet de connaître et de comprendre la vie afin de pouvoir la

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maîtriser. Il y a la connaissance spirituelle qui permet de connaîtrel'esprit, d'acquérir la sagesse divine des choses supra-mondaine menantà la réalité au-delà des mondes du Samsâra. Parmi toutes lesconnaissances humaines, cette dernière est la plus précieuse.

L'enseignement est nécessaire pour guider et montrer la voie,cependant, pour atteindre à la vision de la connaissance parfaite et de lasagesse découlant de l'expérience acquise, l'effort individuel estnécessaire, la connaissance étant une tâche que chacun doitentreprendre pour lui-même.

La connaissance astronomique s'occupe principalement du calcul desdistances célestes, de la physique, de la mécanique de l'Univers, etnégligent complètement l'essentiel pour l'être humain: l'étude judicieusedes connaissances astronomiques appliqué à une meilleurecompréhension existant entre l'homme et les différents corps célestescomposant son univers. Dans l'antiquité, l'astrologie à joué ce rôle,cependant, celle-ci est trop dénaturé de nos jours et ses données de basecomporte trop d'erreur de calcul et d'interprétation. Tout commel'astronomie, celle-ci est utilitaire mais est devenue complètementstérile du point de vue spirituel.

L'étude de la chimie à suivit le même parcours que celui del'astronomie. Les chimistes modernes n'ont recherché que lesdécouvertes ayant un but purement utilitaire, développant par là,l'égoïsme des fabricants de médicaments au dépend de l'altruismehumain. Traditionnellement, l'alchimie recherchait la quête spirituellede l'élixir de vie, de la pierre philosophale pouvant guérir toutes lesmaladies, et de la transformation des vils métaux en de plus noble,symbolisant par là, la recherche spirituelle qui cherchait à transmuerl'être humain en être divin.

La science moderne et la philosophie ont été détournées de leurs butsaltruisme d'amélioration de l'homme. Pour les anciens, uneconnaissance qui ne pouvait élever le niveau de vie spirituel deshommes ne méritait pas d'être appelé une science. La sciencefondamentale est largement dirigée vers la production et l'innovation del'armement de guerre. Ceci dénote l'immaturité de la race humaine et desa fausse connaissance qui s'est ainsi éloigné de la sagesse véritable. Ceque la science empirique appelle connaissance fondamentale n'est enréalité qu'un mirage fugitif toujours en métamorphose. Au lieu d'étudier

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la réalité, les scientifiques modernes étudient l'irréel, les apparencesplutôt que la cause, avant de se perdre dans une description élaboréedes effets de celle-ci, complètement inutile à la compréhensionessentielle de l'objet étudié.

Parmi les dernières découvertes de la physique quantique, une d'ellesrejoint les affirmations des Sages de l'Antiquité qui affirmait quel'Univers était un phénomène mental que vous nommeriez aujourd’hui,un hologramme et qu'il était le produit de l'Esprit Cosmique Unique.Notre Univers et tout ce qu'il contient est le résultat d'une penséeintelligente incommensurable, démontrant par là même que la matièredécoule de la conscience et non l'inverse. Comme les Rishis de l'IndeAncienne l'ont enseigné, le monde est l'enfant de l'Esprit Unique carsans celui-ci, le monde n'existerait pas. L'Esprit est donc la Source detout ce que l'Homme perçoit en tant qu'espace, temps et Univers.

L'enseignement occidental à pour mission principale de développer laprospérité économique en créant une demande artificielle des besoinsde consommation afin de faire fonctionner les usines à plein régime.L'exploitation abusive des richesses de la Terre plutôt que celle desconnaissances humaines intérieures, n'est nullement un signe de progrèspour l'humanité. L'éducation axée sur la compétition accroît lesdisparités économiques entre nations du nord et celles du sud,produisant ainsi encore plus de souffrance dans le tiers-monde.L'éducation occidentale n'est donc qu'un simple exercice menant àl'acquisition d'une connaissance spécialisé afin de pouvoir gagner sa viedans la communauté des hommes. Elle est très loin de l'éducationsupérieure qui est spécifiquement dirigé vers le seul but unique detranscender les apparences trompeuses afin d'accéder à un étatsupérieur. La tradition enseigne que le pouvoir spirituel transcende toutce que les hommes sont si fier, l'éducation et la culture. Prenezl'exemple de Jeanne d'Arc en France ou de Sainte-Catherine de Sienneen Italie, qui fit une retraite spirituelle de trois ans avant d'atteindre àl'illumination. Malgré que ni l'une ni l'autre ne savait lire ou écrire etprovenait d'un milieu paysan, en leur époque, elles dominèrent la viepolitique de leur pays.

Dans la société dite moderne, la connaissance est illusoire et failliblecar elle relève presque entièrement de phénomène transitoire etéphémère. Cette fausse connaissance abuse l'homme et lui cache laréalité sous les voiles de la Maya. La sagesse est l'unique racine de la

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véritable connaissance et celle qui permet aux Sages d'appliquercorrectement cet acquis. Employé correctement, la connaissancedevient une voie menant à la Sagesse servant de guide dans la quête dela connaissance de soi. Cependant, la connaissance mondaine fait partiedu royaume de l'illusion qui mène toujours à une déception amère, demême que la vie physique conduit toujours à la mort. Trop enracinédans la croyance en l'infaillibilité de la connaissance et du savoir, leprofane va de désillusion en désenchantement. Bien des forces trèspuissantes, découverte par la science occidentale ont été utilisé avanttout pour la dégradation ou la destruction de l'homme. Tant que laconnaissance ne sera pas transmuée par la Sagesse de la compréhensionspirituelle, l'homme se condamne à vivre dans l'illusion, perpétuantainsi la souffrance de ses semblables, car celle-ci est inhérente à lanature illusoire découlant de l'ignorance. Seule la transcendance del'esprit mondain au supra-mondain éliminera une fois pour toute lasouffrance qui perdure chez l'homme.

La compréhension de l'Un, ne peut être acquise par l'étude dessciences, ni par la force de la pensée, mais par une présence qui mène àl'illumination de l'esprit de l'homme. Il arrive un temps dans l'évolutiond'un homme, où celui-ci doit oublier tout ce qu'il a apprit afin d'accéderà une connaissance supérieure et d'admettre par là même que l'Unité estineffable et indescriptible. Dans l'antiquité grecque, le Maître et poètePlotin avait déclaré à propos de la connaissance:

"Nous devons avancer dans le sanctuaire, y pénétrer, si nousen avons la force, fermant nos yeux au spectacle des choses terrestres.Celui qui se laisse égarer par la poursuite de ces ombres vaines, lesprenant pour des réalités, ne peut saisir qu'une image aussi fugitive quela forme incertaine reflétée par les eaux et ressemble à ce jeune sot qui,désirant saisir sa propre image reflétée dans l'eau, disparut emportépar le courant".

Après un instant de silence respectueux, le moine répondit au deuxièmeaspect de la question, la réalité:

Originellement, la Réalité était Unique, cependant, les degrés del'ignorance étaient multiples. La recherche de la connaissance neconduit pas nécessairement à la compréhension de la Réalité Absolue.Pour être réelle, la réalité doit être dépourvue de dépendance enversquelques choses d'extérieur à elle-même.

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Comme l'a dit le Bouddha, aucune chose vivante n'a d'existenceindividualisé car toutes sont en union éternelle avec la conscienceuniverselle. Le corps humain, les sensations, les concepts, lesperceptions, de même que l'esprit mondain ou la conscience sont lesreflets illusoires de la réalité, comme le multiple est le reflet de l'Un.Prenez le clair de lune des amoureux; celui-ci n'est pas la lumière de lalune mais, est en réalité, le reflet de la lumière du soleil. La lumière dela lune est donc irréelle et n'est pas ce qu'elle paraît être en réalité. Il enest de même avec tout ce qui se trouve dans les mondes du Samsâra etqui semblent pourtant très réelles, faisant partie intégrale de notreréalité. Pourtant, tout ceci fait partie d'un mirage qui se reflète tel uneimage sur la surface calme d'un lac. Pour connaître la réalité, on doitd'abord commencer par rechercher le réel. Seul l'Esprit Unique, laGrande Conscience Ultime dans sa Nature Primordiale est le réel.Celui-ci ne peut être connu que par lui-même et non par sesmanifestations samsariques. Le Sage recherche la compréhension deson propre esprit microcosmique afin de comprendre l'esprit dans sonétat vrai. Cependant, celui-ci ne peut être compris à l'aide de choseextérieure mais par la Sagesse du cœur qui illumine l'esprit de l'hommeet le transcende.

La vision de l'Unité de l'Humanité et de l'inconscient collectif nereprésente pas la réalité, mais est une étape vers cette découverte.Espérer ou aimer croire à une chose n'implique pas nécessairement quecette chose soit réelle. Tant que les hommes seront égarés par lesmirages charmeurs du Samsâra, ils seront maintenu en esclavage parl'ignorance inhérente à cette condition, et seront donc incapable dereconnaître la réalité sous les apparences, tant pour eux mêmes quepour les autres. La seule manière d'éviter ceci est de trancher la racinede l'ignorance par la Sagesse discriminant découlant d'une grandeaccumulation de mérite.

L'état de conscience de veille ou du sommeil, du moment de larenaissance ou de la mort, de l'après mort dans l'état intermédiaire, demême que celui dans les autres mondes samsariques, ne sont pas réelspuisqu'ils ne sont que des émanations illusoires de l'esprit de l'homme.Même si tout notre vécu quotidien à l'air très concret, celui-ci n'est pasplus solide ni plus réel que les choses vues en état de rêve. Parfoismême, il s'avère que les couleurs, les odeurs et les émotions vécues enétat de rêve supplantent ceux de l'état de veille, car en réalité, ceux-ci

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ne sont que des concepts mentaux. La thèse matérialiste est fallacieusecar les Maîtres bouddhistes ont démontré que la substance physique n'aaucune existence hors de l'esprit. L'objet physique, son idée et la penséequi à mené à sa conception sont inséparable de leurs origine quidécoule de l'Esprit. La connaissance de l'Esprit est donc ce qui soustend à toute vision de la réalité.

Chacun voit les doctrines du monde selon ses propres conceptsmentaux. Telle une chose est vue, telle elle apparaît: ceci est une desplus grandes vérités du monde dévoilé par la recherche spirituelle et parl'illumination d'un de ses membres. L'attachement aux chosesmatérielles et voir dans l'Unité la multiplicité est une des plus grandeserreurs du monde moderne et du profane immergé par l'ignorance. Unhomme en bonne santé ne voit-il pas le monde très différemment decelui qui est malade. Lorsqu'un individu interprète une œuvre d'art ouune composition littéraire, ne le fait-il pas de manière différente selonla condition qu'il est dans l'instant présent. Si vous lui demandez defaire la même critique quelques années plus tard, la conclusion risquefort d'être très différente. Il en est de même avec les non-illuminés quivoient tout ce qui est perceptibles aux sens comme une chose réel ettangible, alors que les illuminés transcendant les apparences voientceux-ci comme étant des phénomènes irréels.

Le sentier de l'éveil à pour but ultime de réveiller l'humanité de sacondition d'hallucination collective selon laquelle il y aurait des âmesimmortelles évoluant dans un Univers composé de mondes réels,d'enfers et de paradis. Le choc de ce réveil se produit lorsque laconnaissance spirituelle s'unit à la Sagesse discriminante.

Même si la Réalité Absolue a été expérimenté par plusieurspratiquants spirituels au gré des siècles, celle-ci est très difficile àdécrire à l'aide de mots car ceux-ci ne sont que des concepts découlantde l'esprit mondain prisonnier du Samsâra. La plus élevé des penséeshumaines ne peut être qu'éphémère car jamais elle ne pourra décrirel'Absolue Vérité. Les termes du langage humain utilisé dans le but deconduire le novice vers la découverte de la Vérité sont très imparfait etdoit en dernière analyse être abandonnés. Que ce soit des mots, desphrases ou des métaphores comme celles couramment employé par lesMaîtres lors d'enseignement publique, ceux-ci font partie intégrale dumonde de la dualité et seront donc pour le néophyte une sourced'erreurs ou de penchant à l'erreur dont il lui sera très difficile de se

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débarrasser ultérieurement. L'Esprit Absolu transcende la dualité durejet ou de l'acceptation et est insensible aux opinions humaines et à sespensées désordonnées.

De l'atome à l'Univers, la réalité manifeste l'esprit qui n'a nulleforme, n'occupe aucun espace et est sans mesure. Pourtant, celui-ciparticipe de la Réalité incréé, transcendant le temps, l'espace etrenfermant le Tout. Seule la vision de cette connaissance peut être utileau pèlerin qui chemine sur le sentier de l'éveil. Faisant suite au salut debénédiction, le moine reprit sa posture de méditation.

Il s'approcha du moine suivant qui était habillé tout de rouge cramoisi:

Ô bienheureux moine! Les sujets de méditations sont multiples ettrès variés. Quel serait la méditation la plus précieuse et la plusprofitable pour un profane voulant méditer sur le sentier de l'éveil?

Valeureux étranger, ton questionnement est plus que justifiable dansle contexte de décadence qui environne le monde moderne et sa vue àcourt terme qui le mènera indubitablement à sa perte!

Lorsque je vois le Soleil se coucheret la lune se lever;lorsque je vois les vagues se briser sur les rocherset la verdure du rivagecéder la place au sable de plage;lorsque j'entend les battements de mon cœuret que ma respirations meurtà chacune de mes expirations.

Lorsque toutes ces petites mortstémoignent du grand décès,alors, je vois le vrai visagede l'impermanence de toute choseset du mirage de sa stabilité.

Le Bouddha nous a enseigné que la vie est aussi brève qu'un éclairdans le ciel. La méditation sur l'impermanence est une voie Royale quimène le méditant vers une conscience plus lucide de son existence etdes buts de celle-ci.

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La vie humaine n'est rien de plus qu'un ballet de formes éphémèresqui changent continuellement dans un mouvement sans fin. Toutes lesactions passées, tous les amis de notre enfance, toutes les opinions quenous avons défendues avec acharnement, tous les gens que nous avonsvus mourir, tous les fléaux humains et les guerres du passées, tout celanous apparaît aujourd'hui comme un rêve, celui de l'impermanence.Pensez aux cellules de votre cerveau qui se détériorent avec l'âge, àl'expression de votre visage qui se modifie sans cesse au gré desévénements, à votre vie sociale qui semble merveilleuse aujourd'huimais qui sera peut être demain d'une tristesse inconsolable, à nospensées et à nos émotions qui sont aussi imprévisible que la météo.Tout ces faits ne démontrent-ils pas que ceux-ci sont transitoire et aussiimpermanent qu'un rêve. Regardez au fond des choses et vous verrezqu'il n'existe rien qui soit constant et permanent.

La méditation sur l'impermanence est une couronne royale contenantplusieurs joyaux exauçant les souhaits. Le premier de ceux-ci concernel'angoisse qu’éprouvent les gens devant l'approche de la mort. Lors dela perte d'un être cher, la majorité des gens ressentent une grandesouffrance et un immense vide dans le cœur. La croyance en lapermanence des choses et de la vie humaine, procure une faussesensation de sécurité. L'être illuminé, de même que le pratiquantspirituel de la voie du Mahayana savent bien que, paradoxalement, laseule chose de vraiment permanent dans le monde Samsarique est lacroyance en l'impermanence. L'acceptation et la connaissance de laréalité de l'impermanence, libère de la croyance erronée en lapermanence des choses, aux attachements trompeurs sur laquelle laplupart des gens ont bâti leurs vies. Il est parfaitement inutile de tenterde saisir l'insaisissable. Cette attitude fait diminuer l'intensité de ladouleur d'une perte d'un être cher et par la même occasion diminueral'attachement que les gens ont envers les autres, créant ainsi un mondenouveau, un nouvel état de conscience.

Le prochain joyau de cette méditation sera celui de l'importance queles gens accordent à leur bien-être et à leurs corps. Comprenantl'impermanence de la vie, ils prendront ainsi conscience qu'ils n'étaientque des voyageurs parmi le courant indestructible de la vie et que leurscorps physiques n'est qu'un emprunt temporaire afin de visiter leRoyaume Terrestre. La perte d'un être cher est aussi moins douloureusepuisque tous les êtres sont condamnés à se revoir, lors d'une renaissanceultérieure, aussi longtemps qu'ils ne se seront pas libérés du Samsâra.

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Une autre facette de ce joyau est celles d'éviter de gaspiller inutilementsa vie à la recherche insensée des biens de consommations, ceci étant laplus importante distraction éloignant les gens de la recherchespirituelle. L'auto-préoccupation de soi-même, la vie mondaine et larichesse sont parmi les plus grands obstacles à la réflexion et la pratiquespirituelle.

Le joyau suivant de la méditation sur l'impermanence rappelle lagrande opportunité qu’offrent la vie humaine et le potentiel de celle-ciafin d'atteindre à la nature de l'éveil. La méditation à aussi laparticularité de nous rapprocher de la vérité par la compréhension quidécoule de cette pratique spirituelle. Suite à cela, les épreuves de la viesont comprises non comme des désastres, mais comme une expériencemenant à un refuge intérieur.

Le dernier joyau nous amène à nous interroger ainsi: si à toutmoment, tout change et meurt, alors qu'y a-t-il de réel? Qu'y a-t-il devrai derrière les apparences? Qu'est-ce qui survit à la mort? Cesquestionnements sur le sens de la vie ne peuvent que nous êtresbénéfiques, et cette réflexion peut nous conduire à modifier notre façonde voir le monde. Suite à ceci, une grande paix, une joie et uneconfiance nouvelle s'élève en nous-mêmes et nous amènent à acquérirla certitude qu'il existe "quelque chose" que rien ne peut détruire et quine peut mourir. Tout ceci se découvre en nous-mêmes et par soi-mêmegrâce à la pratique de la méditation sur l'impermanence.

Le but de la méditation sur la permanence est donc de susciter chez lepratiquant un changement réel au plus profond de son cœur, par lacontemplation sur la mort. Après quelques temps, le renoncements'élèvera et fera naître en lui, une tristesse qui lui fera prendreconscience de la futilité de son existence. Paradoxalement, une joiedécoulant de son renoncement remplacera sa peine et lui montrerad'autres horizons, loin devant lui. Une force nouvelle et profondel'inspirera constamment afin qu'il réalise qu'il n'est pas enchaîné auxhabitudes mondaines, à la naissance et à la mort, et qu'il ne tient qu'a luide faire le choix de changer sa vie pour influer sur sa futurerenaissance.

La fausse croyance en la stabilité et la permanence de la vie humaineempêche celui-ci de vivre normalement. Le bonheur que tous tendentde saisir est par nature impermanent et insaisissable. La réalisation de la

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pratique méditative de l'impermanence produit le plus précieux de tousles joyaux, la compassion humaine envers ses semblables.

Le moine se tut et retomba dans le silence méditatif.

Il s'approcha du moine suivant, habillé d'un vert tendre:

Ô noble moine. Dans mon grand pèlerinage qui s'achève, j'ai vu degrande chose, j'ai ressenti toutes sortes d'émotions et j'ai écouté desenseignements d'une profondeur insoupçonnés. Cependant, uneinterrogation demeure et cause chez moi incompréhension et confusion.Pourriez-vous dans votre grande Sagesse me décrire ce qu'est l'esprit?

Sans aucune hésitation, le moine à la robe verte répondit:

L'évolution est une opération de l'esprit microcosmique de l'hommequi crée pour lui-même continuellement de nouvelles résidences. Dansle cours de l'évolution humaine, il y a expansion continue de l'espritmicrocosmique jusqu'à ce qu'est été atteint l'union avec l'Esprit Unique.Tel un changement de marée, l'inspiration et l'expiration alternée, lesesprits microcosmiques redeviennent Un, puis l'Un redevient multiple,créant ainsi un nouveau cycle Samsarique, manifestant par là, lesbattements même du cœur du Cosmos. De la grande ConscienceCosmique, coule un mince filet d'eau représentant la consciencemicrocosmique de l'homme. Au fil du temps, ce mince filet d'eaudeviendra ruisseau, puis fleuve qui retournera à la mer unique, l'EspritCosmique, source de toute manifestation et de toute vie.

Dans tout le Samsâra, parmi tous les êtres sensibles, les aspects del'Esprit sont infinis et les divers modes de ses manifestations sontinnombrables. Le méditant doit regarder l'Univers, centré sur l'Esprit etnon sur la religion, l'éducation et les manifestations de l'homme. Parmiles divers aspects de l'Esprit, nous reconnaissons une importantedivision entre l'Esprit Samsarique qui parcourt le cycle multiple desrenaissances, et l'Esprit Nirvanique qui a atteint la quiétude parfaite etla félicité par l'illumination, et demeure donc hors du cycle desrenaissances.

Dans la classification de l'Esprit, selon l'Abhidharma, nousdécouvrons:

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L'Esprit Samsârique. l'Esprit Nirvanique. l'Esprit manifesté au travers de la sensualité animale. l'Esprit manifesté au travers des organismes et formes vivantes. l'Esprit manifesté indépendamment des formes. l'Esprit dans sa condition primordiale non modifié de nudité. l'Esprit dont la conscience non-modifié transcende le Samsâra et le

Nirvana.

D’autres divisions existent encore selon les manifestationsSamsariques. Cependant, afin de simplifier la compréhension de ceconcept, disons qu'en bas de l'échelle, il y a l'Esprit ordinaire, appeléSem.

Celui-ci est l'Esprit de l'homme non-illuminé. C'est donc un Espritdiscursif, dualiste, qui saisit ou rejette ce qui est extérieur à lui-même.Celui-ci ne peut fonctionner qu'en relation avec un point de référenceextérieur projeté par lui et perçu faussement. Inconstant et futile, l'espritordinaire est immergé par des désirs parfois très contradictoires,manipule des intrigues et s'enflamme de colère ou d'attachementpossessif amoureux, crée des vagues de pensées négatives et d'émotionsirraisonnées et s'y complaît comme un pourceau dans la boue. Haine,jalousie, Avidité, désirs, orgueil, jalousie, rancune, cruauté, ambition,peur, possession et luxure font partie de l'environnement de l'Espritordinaire et du combat de son existence. Si celui-ci ne purifie pas sonesprit ordinaire par la pratique de la méditation, alors, lorsqu'il meurt,son Esprit ordinaire s'évanouit dans la vacuité. Seul subsiste lesempreintes karmiques nécessaire à une nouvelle incarnation et lasemence indestructible de l'Esprit non-modifié dans sa nudité. Laméditation est la route qui mène vers l'éveil; elle permet de démasquerles illusions et d'épuiser les mauvaises habitudes afin de ramenerl'Esprit à sa vraie nature. L'ignorance de ceci est la source de toutessouffrances Samsariques et maintien la tendance de l'esprit à le distrairedu but ultime de toute existence humaine, la délivrance du cycle desrenaissances et de la souffrance inhérente à celle-ci. Le but ultime de laméditation est de relier le ciel et la Terre, l'absolu et le relatif. Le ciel,sans entrave ni limite, représente sa vrai condition d'Esprit libéré alorsque la Terre représente sa condition ordinaire d'esclave prisonnier duSamsâra.

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Le Sem, l'esprit humain n'est que le reflet de l'Esprit supra-mondain.Dans l'ancien testament, il est fait mention de deux Adam. Le prophètebiblique annonce qu'a la fin des temps, l'Adam qui représente l'esprithumain retournera à sa source originelle afin de reformer l'Adamprimordial, qui est l'esprit supra-mondain décrit dans les sutrasbouddhisme.

L'Esprit de l'homme, sous son aspect fini, ne peut reconnaître l'Espritsupra-mondain, purgé de l'ignorance, sous son aspect infini. Seul lespratiquants spirituels du Mahayana reconnaissent celui-ci puisqu'ils ontréintégrer leur nature essentielle, celle de la nature primordiale de leursEsprit. La finalité de l'Esprit supra-mondain est l'Esprit Unique ou leTout redevient ce qu'il a toujours été, Unique.

Les Maîtres du Mahayana ont surnommé ce qu'ils ont découvertderrière l'abstrait et le potentiel, l'Esprit Unique, qui est l'unitépotentielle ou cinétique de toutes choses concevables. La grande voiedu Mahayana va au-delà de tous les enseignements traditionnels, desanciens Oracles et des écoles de Mystère. Cet enseignement est laquintessence de toutes les pratiques spirituelles qui conduit l'Esprithumain au supra-mondain; le multiple à l'Un; qui conduit la forme et samanifestation au-delà de ce qui est incréé; qui guide l'Esprit Samsariquejusqu'au Nirvana.

L'Esprit se compose d'idée et de concepts, et sa première fonctionconsiste à émettre une pensée par une action volitive de son pouvoir decréer. L'Univers qui nous entoure découle de l'idée, qui elle-mêmeprovient de l'Esprit qui pense. Connaître l'Esprit, c'est aussi connaître lamatière, car la matière est esprit. En dernière analyse, l'Esprit et lamatière est impossible à distinguer l'un de l'autre, car la matière estl'aspect illusoire de l'esprit, cristallisé dans une manifestation. Du pointde vue de la science, l'Esprit est l'Unique racine de toutes les formesd'énergies, l'initiateur des vibrations, la source inconnue des rayonscosmiques, de la lumière, de la chaleur, du magnétisme, de l'électricité,de la radioactivité, et de toutes substances organiques ou inorganiques,visibles ou invisibles, provenant de tout les règnes de la nature. L'Espritest le créateur des lois naturelles, l'architecte des particulessubatomiques, le semeur des mondes planétaires et des galaxies,l'administrateur de l'Univers, le promoteur de tout ce qui fut, ce qui est,

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et ce qui sera, le Grand Souffle cosmique, le But de tout pèlerinage et lafin de toute existence.

L'Esprit Unique est la somme de toutes consciences et l'union de tousles aspects microcosmiques chez l'homme. En transcendant son "Moi"microcosmique, l'homme se transcende lui-même et devientconsciemment un participant de l'Esprit Universel qui embrasse laConscience Cosmique, s'éveillant ainsi à sa vrai nature d'illuminé et delibéré. L'Esprit microcosmique est l'enfant de l'Esprit MacrocosmiqueUnique, aussi, sa conscience peut retourner à sa source originelle etdevenir en essence, Un avec Elle. La goutte cesse d'être une goutted'eau en retournant à l'océan, cependant, l'Océan est-il constitué demillions de gouttes individualisées ou bien est-il constitué d'une massed'eau non-différenciée? Nul homme ne peut répondre à cette questiontant et aussi longtemps qu'il demeure dans sa condition d'homme nonilluminé. Lorsqu'un homme atteint à l'illumination, unissant son Espritmicrocosmique avec l'Esprit macrocosmique, sa fractionmicrocosmique de conscience cesse d'exister, et le cosmos illusoire quil'entoure s'évanouit comme dans un rêve. Seul subsiste la vacuitéprimordiale qui est la place naturelle de chaque chose et de chaqueapparence. Ce qui donne au monde son aspect illusoire d'être réel, c'estun faux concept dans son Esprit mondain. Lorsque l'homme transcendetoutes les apparences et atteint l'état Vrai, dépouillé de toutes illusions,dans sa nudité semblable au calme, d'un sommeil sans rêve, alors, il aatteint l'état de Samâdhi. Même si l'Esprit Unique illumine desmyriades d'esprit finis, il demeure une Unité inséparable qui n'a nullepensée semblable à ceux des hommes. Bien que toutes choses soientcontenues en lui, il n'est pas une chose. Même s'il comprend toutesexistences, lui-même n'a pas d'existence propre. Si le principe premier,l'Esprit Unique pensait, il posséderait donc un attribut. Par conséquent,au lieu d'être le principe premier il deviendrait le second et perdraitainsi son attribut d'être l'Unique. Devenu multiple, il deviendrait alorstoutes les choses qu'il pense, même s’il se limitait à ne penser qu’à lui-même, il confirmerait ainsi sa multiplicité et perdrait alors son Unicité.Puisque ce qui pense est multiple, donc le Principe qui n'est pasmultiple ne pense pas, confirmant ainsi qu'il est le premier, l'EspritUnique. Ainsi donc, la pensée de même que l'intelligence sontultérieure à l'Esprit Unique et sont donc une création de l'Espritmicrocosmique.

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Tous phénomènes Samsariques sont constitués d'esprit et sans celui-ci, il n'y aurait pas d’existence objective. Les notions imparfaites dansl'Esprit déterminent les différences entre toutes existences qui sontsemblables à un reflet dans un miroir, puisque l'esprit, étant sans forme,ne peut se voir. Ainsi, toute existence n'est qu'un fantôme de l'esprit.

Dans son état vrai, l'Esprit immaculé, sans forme et non modifié esttotalement nu, relevant de la nature de la vacuité. Celui-ci est vide ettransparent, hors du temps et sans dualité, incomposé, sans couleur etsans obstacle, incompréhensible en tant que chose mais concevable entant qu'Unité de toutes choses, sans étant cependant ces choses ettranscendant toute différenciation. L'Esprit Unique, pour être réel, doitêtre sans racine, ni source ou origine.

Toutes choses objectives sont nées de concepts mentaux et en dehorsde l'Esprit, n'ont aucune réalité. Ainsi, tous les phénomènes étant dansl'Esprit, ceux-ci ne possèdent donc aucune forme extérieure et n’ontdonc aucune apparence objective pouvant être justifiés. Puisque cesphénomènes naissent de fausses idées et concept provenant de l'Espritqui est indépendant de ceux-ci, alors tous phénomènes sont doncirréels. Ainsi, si toutes choses sont en dernière analyse Esprit, seull'Esprit a une réalité intrinsèque. Le monde des choses objectives, leSamsâra et le Nirvana sont, dans leur essence Esprit. En dehors decelui-ci, elles sont inconcevables. La fonction naturelle de l'Esprit étantde penser, d'imaginer et de concevoir, l'Univers est autant le produit del'Esprit, qu'une cathédrale du moyen-âge l'était de l'Esprit mondain deson architecte. Ceci est vrai autant pour l'Esprit mondain que pourl'Esprit supra-mondain. Autant qu'un rêve est réel pour le rêveur, autantle monde des apparences semblent réel pour l'Esprit mondain. Ce qui aété conçu dans le Samsâra provient de la matrice de l'Esprit.

L'Esprit ordinaire est un reflet microcosmique de l'Esprit Unique,participe de sa nature vide, est dépourvue de fondation et demeureinséparable de l'Esprit Unique. La compréhension de cet aspect del'esprit ne peut être réellement saisie que dans l'état de transeSamadhique, car celui-ci ne peut être démontré intellectuellement.Jusqu'à ce que toutes les activités mentales, de même que les pensées nesoient transcendées, la Nature de l'Esprit ne peut être comprise. Tantque l'homme s'attache aux apparences et à la dualité de celles-ci, sespensées et ses actions créent les états d'après la mort, de bonheur céleste

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ou d'afflictions infernales, et lie son Esprit ordinaire au cycle desrenaissances dans le Samsâra.

L'esprit microcosmique est une énergie invisible capable de mettre enactivité le cerveau physique, tout comme une onde actionne un poste deradio. Lorsque le cerveau est activé il produit l'activité des pensées, toutcomme le poste de radio produit des sons. Les objets matériels sontavant tout la manifestation d'une pensée. Il est aussi dit dans la grandeépopée indienne du Mahabharata que si Brahma, (l'Esprit Cosmique del'Univers, le Saint-Esprit des Chrétiens) cesse de penser l'Univers,celui-ci cesse d'exister. Il ne peut en être autrement de l'Esprit humain,de ses concepts créés et manifesté grâce à l'action de ses pensées! Étantdonné que le monde n'est qu'une pensée, il est logique de croire quelorsque l'Esprit cesse de penser le monde, celui-ci cesse d'exister. Cequi reste et demeure, c'est une béatitude indescriptible. Lorsque l'Espritcommence à penser, le monde réapparaît et la souffrance renaît. Mêmesi nous trouvons cette affirmation principalement chez les bouddhisteset les hindouistes, nous la retrouvons aussi expliquées différemmentdans le Bruce Codex des gnostiques chrétiens, de même que dans leBerlin Codex du christianisme ésotériques.

Le but du pratiquant spirituel consiste à relier l'aspect microcosmiquede l'Esprit ordinaire, pur et rayonnant de façon innée, mais submergésous les voiles de l'ignorance, avec sa source originelle, l'EspritMacrocosmique. Transcendant ainsi toutes les dualités et toutes lesapparences illusoires de la vie Samsarique, l'Esprit ordinaire atteintalors l'éveil et le cœur de son Esprit est alors illuminé par la grandevérité, sa Nature originelle d'Unité dans la multiplicité. La techniqueutilisée par les maîtres bouddhistes consiste à méditer sur l'aspect leplus Divin de l'Esprit, afin de découvrir la vraie nature de l'intellecthumain. Voici un aperçu de cette méditation: visualise-toi, dans tamanifestation humaine, et élimine ton corps en mettant de coté lepouvoir subtil qui l'a façonné. Par la suite, visualise sous la forme d'unnuage sur un fond de ciel clair et translucide, ton avidité, tes colères, tasensualité et toutes les passions inférieures qui t'attire vers le mondephysique; vois ce nuage se dissoudre dans le néant. Au-dessus de taconscience siège l'image de l'intelligence qui émane de l'esprit;visualise au-dessus de celui-ci la "Nature du Bien" qui transcende lebeau. Cette Nature est la source et l'essence du Beau, aussi, amalgamecelui-ci avec ton principe spirituel. Enfin, visualise que de multiple, tonEsprit ordinaire est devenu Unique. L'Esprit dans son état naturel est

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comparable à un lac calme et paisible, sa surface étant comme unmiroir, ne produisant aucunes vagues. L'Esprit sous son aspectSamsarique est comparé au même lac soulevé par des vagues vivesreprésentant les pensées, et par le vent, symbolisant le cours despensées.

Le "Prana" et l'Esprit ont tous deux une source commune, et la forcevitale pranique a aussi la même source que l'égotisme. Lorsque lePrana est maîtrisé, l'Esprit le devient aussi et la respiration le devientégalement. Durant l'existence humaine, l'Esprit conserve le Prana dansle corps et au moment du décès du corps, l'Esprit et le Prana le quittentsimultanément. Les pensées aussi sont la manifestation de l'Esprit, et lapremière pensée-racine qui surgit de celui-ci est celle de la notionfausse du "Je" égoïste. D'innombrables Vasanas, des tendanceskarmiques héritées du passé résident aussi dans l'Esprit. Lorsque letemps est propice, ces tendances négatives s'élèvent comme des vaguesd'océan et peuvent alors submerger le pratiquant qui n'y est pas préparé.Par la méditation sur la Réalité, ces Vasanas peuvent être suppriméesmalgré leurs profondeurs ou leurs durées.

L'Esprit dans sa condition naturelle, transcende le temps. Du passé ilfait le présent, du futur il fait aussi le présent, car celui-ci est son propretemps. Le temps mène à l'éternité et l'espace mène à l'infini, cependant,ni l'un ni l'autre, conçu dans le Samsâra ne peuvent exister en dehors deleurs relations avec la conscience Samsarique, donc, ils n'ont qu'uneexistence relative et non une existence absolue. Le Samsâra est leproduit du rêve de l'Esprit Unique, ainsi, sa réalité est entièrementillusoire et relative. Lorsque l'Esprit Unique ne soutiendra plus saCréation, celle-ci cessera d'être. L'Homme, toutes ses sciences et sasensualité engendrée pas son Esprit s'évanouira dans le vide et le néant.Dans la conscience de l'Esprit Unique, l'Univers des êtres individualiséssans liens entre eux n'a pas d'existence propre.

La Nature de l'Esprit ressemble à un ciel vide, pur depuis l'origine,illuminé par un soleil lumineux non voilé, brillant par compassion surtous les êtres. Personne n'a jamais pu décrire parfaitement cette Naturede l'Esprit, ni la désigner perfectiblement. Rien ne peut l'améliorer ni ladétruire. Le Samsâra et le Nirvana n'ont aucune incidence sur elle. Ellen'a jamais connue la naissance ni la mort, n'a jamais existé ni inexisté etn'a jamais connue l'illusion. Elle est sans limite et ne peut être classifiéedans une catégorie particulière. La tradition bouddhiste décrit celle-ci

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comme "la Sagesse de l'ordinaire". Paradoxalement, ce qui estextraordinaire dans le monde humain, c'est l'hallucination complexeprovoquée par la vision trompeuse du Samsâra qui voile complètementla nature ordinaire et naturelle de l'Esprit. La Nature de l'Esprit est laclarté radieuse de la conscience pure, claire et parfaite de l'instantprésent, nue et éveillée.

La nature de ton Esprit est semblable à ton propre visage que tu nepeux voir sans une aide extérieure. Le but de l'enseignement et duMaître, est de positionner un miroir devant tes yeux afin que tu voiesdirectement ce que tu n'as jamais vu, une vision totale, intégrale etparfaite qui est sans précédent.

La Nature de l'Esprit est aussi la nature de toute chose. En bénéficiantd'un entraînement approprié, il est possible de réaliser la nature del'esprit et de découvrir ce qui est immortel en nous-mêmes etéternellement pur. Cette vérité spirituelle n'est pas ésotérique ets'adresse à l'ensemble de l'humanité. La réalisation de la nature del'Esprit ne veut pas dire que le pratiquant accède à l'état de bouddhamais que graduellement, les voiles de l'illusion se dissipent chezl'homme ordinaire. Reconnaître cette nature de l'Esprit, suscite chez lepratiquant une nouvelle vision du monde qui le pousse à venir en aide àtous les êtres, grâce à une compassion véritable. De plus, la réalisationde la nature de l'Esprit donne l'habileté de voir avec lucidité lameilleure façon de venir en aide aux autres grâce à ses aptitudespersonnelles. L'entraînement de l'Esprit consiste à acquérir uneconnaissance précise de son fonctionnement par l'enseignementspirituel et grâce à l'expérience acquise par la pratique de la méditation.Alors, cette précieuse compréhension sert à pacifier l'Esprit afin de lerendre plus malléable pour en obtenir la maîtrise parfaite afin d'utiliserses possibilités pour aider les autres.

Les manifestations de la nature de l'Esprit sont les pensées et lesémotions qui s'élèvent de l'Esprit pour finalement se résorber dans sanature essentielle. Si non reconnue ou enrichi par la pratique spirituelle,son rayonnement peut devenir le germe de la confusion. Aussi, leméditant doit demeurer vigilant envers ses pensées et ses émotions pourgarder une attitude de détachement bienveillante et ouverte enverscelles-ci, tel un grand-père contemplant l'amusement de ses petitsenfants. Évitez les impulsions négatives et cultiver la patience enverscelles-ci est l'attitude idéale et juste.

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Quel que soit la profession ou le mode de vie d'une personne, lanature de l'Esprit demeure toujours présente et toujours parfaite au-delàde la confusion des êtres sensibles non-illuminés. Une personne ayantatteint l'État parfait d'éveil par la manifestation de la nature de sonEsprit décrivais ainsi son expérience: "Lentement, ce qui a émergé dema conscience, c'était la nécessité de vivre l'amour, de la communiqueraux autres, d'apprécier la joie et le plaisirs qui m'entourait, mêmeparmi les choses les plus infimes de la vie. Une grande compassions'éleva en mon cœur envers ceux qui avaient des maladies incurables etqui étaient prêt de la grande Faucheuse de Vie. Je voulais tellementleurs faire savoir que le processus de la mort était naturel et qu'iln'était qu'un prolongement normal de leur présente vie".

Cette conscience d'éveil, la Nature de l'Esprit est la Source même detoute compréhension et demeure inchangée à l'intérieur même del'Esprit enveloppée et obscurcie par l'agitation mentale des pensées etdes émotions indisciplinées. Il est illusoire de croire que le flot despensées d'un Esprit ordinaire est une continuité. En réalité, lorsqu'unepensée meurt et retourne à sa source, l'Esprit, une autre naît et prend larelève. Cependant, entre ces deux pensées, un petit intervalle estdiscernable pour un méditant expérimenté, et celui-ci a alors un aperçude la Nature de son Esprit. La tâche principale de la méditation est depacifier et ralentir les pensées et les émotions afin de rallonger cetintervalle d'éveil de la conscience.

Lorsque la clarté et la confiance envers la Nature de l'Esprit permetaux pensées et aux émotions de se libérer naturellement de la loikarmique de cause à effet, alors les émotions sont vus directement pource qu'elles sont; la manifestation vibrante de l'énergie même de laNature de l'Esprit. Cinq Sagesse découlent de cette pratique: La Sagesse de l'espace qui embrasse tout. Elle procure le pouvoir

de la compassion. La Sagesse semblable au miroir. Celle-ci procure le pouvoir de

réfléchir avec précision. La Sagesse de l'égalité. Elle amène l'absence de parti pris vis-à-

vis les impressions. La Sagesse du discernement. Elle donne l'accès au pouvoir de

distinguer clairement sans les confondre, les différentsphénomènes qui se manifeste lors de la pratique méditative.

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La Sagesse qui accomplit tout. Elle donne le pouvoirspontanément présent d'inclure toute chose dans son état déjàparfait et achevé.

La culture moderne n'offre aucun encouragement ni aucune structureafin d'étudier le sens des enseignements spirituels. La société moderneencourage plutôt les gens, de manière implicite ou explicite, à chasserde leurs esprits, l'idée même de faire ces études ou de les partager. Larépression de ce qui était l'essence même des philosophes del'Antiquité, Gnôthi seauton (connais-toi toi-même), représentant larecherche de notre véritable identité est l'aspect le plus sombre de lacivilisation dite moderne.

L'Esprit Unique est le foyer cosmique de toute conscience. Rienn'existe en dehors de lui; nulle pensée, nul objet, nul Univers et nulEsprit microcosmique n'est indépendant de lui, de même que chaqueEsprit est inséparable des autres Esprits. L'Esprit Unique est sansorigine et sans fin. Éternel, il ne peut être connu ou conçu en fonctiondu temps. Passé, présent et futur sont des concepts de l'EspritSamsarique. Pour l'Esprit Unique illimité, le temps, l'espace et lamatière n'existe pas, cependant, dans l'État vrai, l'Esprit contient laforme et la matière, le temps et l'espace qui naquit avec l'Univers.Même si le temps défini le mouvement, il ne l'a pas engendré car il n'endéfini que sa mesure. L'éternité est un présent sans fin, sans passé nifutur. Toute chose provenant du vide de la vacuité depuis l'éternité sontdans leurs essences inséparables, leur Nature étant la duréetranscendant le temps et l'espace. Dans l'état vrai, l'éternité n'a nicommencement ni fin dans sa durée. La conception du temps dans l'étatde rêve ou dans celle de l'état de veille est très différente. Tous les étatsdu rêve, de la veille, de la vie après la mort et du Samsâra dans satotalité sont donc irréels. Le temps commence par l'émission d'unepensée formant une saisie. Lorsque l'Esprit du méditant atteint parconcentration sur l'Unité la transcendance de celle-ci et que le cours desa pensée est inhibé conjointement avec l'arrêt de la pensée, le tempscesse et cède la place à l'éternité. Lorsque le pratiquant spirituel atteintl'état d'éveil, il transcende l'espace et le temps, et porte alors le nom deparfait Éveillé.

Dans les textes anciens de l'Inde, il est écrit que, lorsque le Bouddhaeu atteint l'illumination, son premier souhait fut de partager avec lereste du monde la totalité de ce qu'il avait réalisé. Cependant, dans son

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infinie compassion, il vit combien il lui serait difficile de propager sesdécouvertes, car, bien que la nature intérieure de tous les hommes soitidentique à celle du Bouddha, celle-ci demeure enfouie au plus profondde l'Esprit ordinaire des gens. Au XXIe siècle, c'est encore plus difficile,car l'homme moderne est tellement conditionné à porter son regard versl'extérieur, qu'il est presque épouvanté à l'idée d'étendre celui-ci versson être intime, profondément à l'intérieur de lui-même. La culturemoderne ne donne aucune indication pour ce qu'un étudiant spirituelpeut y découvrir. La vie trépidante de l'époque actuelle élimine laplupart des risques que quelqu'un entreprenne une démarche derecherche intérieure. Dans un monde voué à la distraction, aux bruits etaux activités effrénées, le silence et la pacification des pensées et desémotions est une chose terrifiante et peut même être décrite comme uneforme de folie. Alors, l'homme moderne en proie à la frénésie ressentqu'un vide se creuse de plus en plus dans son cœur. Par conséquent, ilse met à la recherche d'une identité de remplacement et s'accroche avecdésespoir à une fausse identité découlant de l'ignorance, et à la saisied'un "Soi" illusoire qu'il appelle l'Ego.

L'Unité étant la nature qui engendre toutes choses, elle ne peut êtreaucune de ces choses et ne peut être décrite ou énuméré. L'Un demeureen toi et ne contient rien qui soit dépendant. Pour atteindre à cet Unité,utilise l’outil précieux de la méditation et chemine sur le même sentierque tous les êtres éveillés. Rappelle-toi toujours de ces paroles duMaître Sri Ramana Maharashi: "De même qu'un pêcheur de perles, aidépar de lourdes pierres attachées à ses pieds, plonge dans le fond desocéans et s'empare de perles précieuses, ainsi l'homme, aidé d'unevolonté inébranlable plonge profondément en lui-même et s'empare duplus précieux de tous les joyaux, sa liberté spirituelle grâce àl'illumination de son Esprit mondain".

Tu te demande ce qu'il y avait avant l'Esprit Unique! Sache que ceciest l'interrogation absolue, le mystère des mystères et comme l'a dit lePrince Shri Singha de Birmanie: "Nul n'a encore découvert la CausePremière, ni la Cause Seconde! Comment donc un homme qui estencore un homme, peut-il résoudre une telle énigme? Les plus Sagesparmi les Gurus, les Bouddhas, ont déclaré par le passé qu'on nepouvait résoudre de pareilles énigmes qu'en transcendant l'existencehumaine afin d'accéder à la Claire Lumière de la Réalité en cessantd'exister samsariquement. Tel qu'enseigné dans les anciennes écolesdes mystères, en Égypte et en Grèce, c'est seulement en perdant sa vie

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que l'existence et la cause de l'existence deviennent connaissable.Lorsque la vie microcosmique se dissout dans la vie macrocosmique,elle ne perd rien de plus que l'illusion d'un mirage d'identitéindépendante, et l'Esprit qui retrouve la conscience de son état antérieurde liberté découvre alors une vie Unique beaucoup plus abondante.

Suite au salut de bénédiction bouddhiste, le moine reprit sa méditationsur les dhatus, ces lieux d'existences à être réalisés par la pratique de laméditation.

Alors, il se déplaça jusqu'au dernier moine de couleur bleuazur et lui posa cette question:

Ô noble moine. Tout au long des enseignements de mon grandpériple, il est fait mention de l'état idéalisé de Bouddha et de laperfection absolu que celui-ci apporte. Pouvez-vous m'en dire un peuplus sur cette manière d'être ou de devenir?

Après une période de réflexion, celui-ci commença son allocution parces mots:

Bienheureux étranger qui avez parcouru d'innombrables mondes, quiavez reçu d'inestimables enseignements d'une profondeur incalculable,que pourrais-je ajouter de plus que vous ne sachiez déjà?

Les bouddhas sont ceux qui ont vaincus l'ignorance et qui se sontélevé au-dessus du mirage de la vie mondaine par le pouvoir de leurspropres volontés grâce à la connaissance acquise par l'apprentissaged'un yoga. Véritable Guide de l'Humanité par leurs exemples, chaqueépoque a vue un Bouddha Historique montrer la voie à ceux quivoulaient se libérer de leurs conditions d'esclavage Samsarique.

Dans un passé si lointain que l'homme moderne n'en a plus aucunemémoire, le Bouddha Dipamkara, (le Lumineux) fut le premier de laligné a enseigner l'Humanité et à montrer la voie du bouddhisme. Pourl'époque actuelle, le Bouddha Historique fut Sâkyamuni (le Lionvainqueur) qui enseigna la Voie par le pouvoir de la Connaissance et dela Sagesse, et qui permettra le dévoilement de l'enseignement tantriqueet la voie du mantra secret en permettant l'incarnation du secondbouddha, Padmasambhava (le Vainqueur des Nagas). Le dernier desbouddhas historiques sera celui du futur, Maitreya (Celui qui aime) qui

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apparaîtra à la fin de ce cycle planétaire, dans quelques milliersd'années, afin d'enseigner de nouveau la voie du mantra secret abrégépour que tous aient la possibilité de se libérer avant la fin des temps.

Un bouddha est un homme libéré, qui se tient au sommet d'unemontagne et qui regarde en contrebas dans la vallée, ceux qui sont dansla détresse. Vigilant parmi les négligents et ceux qui dorment, il va del'avant grâce à sa grande Sagesse. Attentif, il contemple aveccompassion l'humanité souffrante et prend diverse forme afin de veniren aide à ceux-ci. Ses manifestations sont multiples et innombrables etles formes qu'ils utilisent afin de venir en aide aux hommes sontinfinies. Vainqueur de la mort et ayant atteint l'état de bouddha parfaitpar l'illumination, celui-ci contrôle toute matière et manifeste ainsi toutcorps vivant de même que la matière inerte afin d'enseigner tous leshommes.

La nature de bouddha, libre et sans limites, est fondamentalement sisimple et si naturelle que rien ne peut la corrompre ni la souiller, cardans sa pureté, elle est au-delà du concept même de pureté oud'impureté et possède la clarté radieuse de la conscience pure, parfaite,de l'instant présent, nue et éveillée. Chaque personne possède un guideintérieur qui découle de sa nature de bouddha. Ce maître intérieurs'efforce de ramener chaque personne au rayonnement et à l'espace deson être véritable. Celui-ci ne fait qu'un dans sa compassion infinieavec la compassion de tous les bouddhas et de tous les êtres éveillés.Travaillant sans relâche à ton évolution, il use de toutes sortes demoyens et de situations afin d'instruire, d'éveiller, cela depuis descentaines de vies passées. Il n’oublie jamais que tes souvenirs, teshabitudes et tes peurs, sont la conséquence de tes actions, paroles etpensées d'autrefois. Comme le Bouddha l'a affirmé, tout acte positifconduit, tôt ou tard, au bonheur. Tout acte négatif conduit, tôt ou tard, àla souffrance et au malheur.

Au nombre des choses faisant obstacles à la pratique spirituelle nousdénombrons, le doute et les vues erronées, nous-mêmes et nos étatsd'âmes, le temps consacré aux préoccupations mondaines futiles, ladifficulté d'intégrer les enseignements et les pratiques à la viequotidienne et celui de transformer souffrances et émotions en outilsd'éveil. D'autres obstacles plus subtils sont ceux de l'intelligence, del'intellect et de l'esprit logique de la personnalité qui sont en réalité lesgermes de l'illusion et aveugle plus souvent qu'autrement.

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Parmi les humains, rare sont ceux qui ont la bonne fortune d'entrer encontact avec des enseignements véridiques et sincères qui peuvent leslibérer de leurs conditions d'esclavage samsarique. Pour ceuxdécouvrant un tel enseignement, plus rare encore sont ceux quiprennent celui-ci à cœur et le concrétise dans leurs actionsquotidiennes.

Le vrai chemin de la Liberté commence par le lâcher prise, acquisgrâce à l'outil de l'attention parfaite. Celui-ci consiste à être attentif auxpensées et à examiner la nature véritable de celles-ci, sans pourtantanalyser passé ou futur, et sans s'attacher aux expériences de joie ou detristesse, afin d'atteindre à l'état d'équilibre parfait. Car, en vérité je te ledis; la seule chose qui survivra à la mort physique, c'est la bontéfondamentale existant en chacun de nous. La vie entière est unentraînement visant à réaliser en nous-mêmes cette bonté fondamentaleet cette compassion naturelle afin d'apporter de la joie et de l'aide à tousles êtres sensibles prisonniers du Samsâra. Si l'être mondain consacraitun dixième du temps qu'il consacre à la recherche du bonheur, à sacarrière et à gagner de l'argent, il obtiendrait ce but en quelques annéesà peine, puis, finalement l'état d'éveil complet en une seule vie. Il n'y aaucun mal à désirer être heureux, mais ce que nous cherchons à saisirest par nature insaisissable. Lorsque l'homme moderne étudie l'esprit, ilne fait qu'examiner ses projections, pensées et émotions découlant decelui-ci, ensuite, il pense que cela est réellement l'esprit. Il ne se rendpas compte qu'il est induit en erreur car il ne possède pas la Vue juste,qui est la totalité de la compréhension de la Nature de l'Esprit. Dans lebouddhisme, la Vue c'est de voir les choses tel qu'elles sont, de savoiret de réaliser que la nature de l'Esprit est la vrai nature de toute chose etqu'elle est la Vérité Absolue.

En méditation sous un arbre banian, le Bouddha atteignitl'illumination et l'éveil parfait. Son esprit étant purifié, libre de touteimperfection, stable et inébranlable, il comprit que l'ignorance de savrai nature avait été la source de ses nombreuses renaissances et de sessouffrances dans le Samsâra. Par après, il réalisa que la distraction deson Esprit était la tendance qui donnait naissance à cette ignorance etque seule la pratique de la méditation pouvait ramener l'Esprit à sa vraiNature. Prenant conscience que l'ignorance était la cause racine de sasouffrance, il décida alors de la démasquer. Il pensa à tous ces gensdotés d'une intelligence remarquable, qui semblait souffrir davantage à

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cause de cette brillante intelligence gardé en otage par l'ignorance etutilisé librement à ses propres fins. C'est une erreur de croire quel'ignorance est le reflet de la stupidité, de la sottise et de la passivité. Aucontraire, l'ignorance est habile, rusée, ingénieuse et possède unegrande intelligence à créer les jeux de l'illusion occasionnant les vueserronées. Comme l'a déjà dit le Bouddha:

Qu'avez-vous à redouter l'éléphant sauvage,qui ne peut que blesser votre corps, ici et maintenant.Car, tomber sous l'emprise de gens mal aviséset de vues erronées,non seulement détruit le mérite accumulé par le passé,mais également, vous barre le chemin de votre future liberté.

Suite à son illumination, le Bouddha comprit que son Esprit avaitdivisé la réalité en soi et autrui, sujet et objet, naissance et mort, et queces distinctions étaient nées de vues erronées écoulant des sensations,du désir et de la saisie dualiste. Il vit que la souffrance de la naissance,vieillesse, maladie et mort n'avaient fait que consolider les murs de sonignorance.

Au moment de sa mort physique, le Bouddha enseigna avec celle-cil'impermanence de toute vie, et déclara en plus:

De toutes les empreintes,celle de l'éléphant est suprême.De toutes les contemplations,celle de la mort est suprême.

Faire le choix de devenir un bouddha, ce n'est pas le fait de vouloiracquérir l'état d'un être supérieur, loin de là. C'est de simplementaccepter d'éliminer graduellement en soi les voiles de la confusion et del'illusion qui emprisonne notre propre Nature innée de bouddha et dedevenir un être humain plus authentique. Cette vérité spirituelle n'estpas exclusive, ni compliqué, ni ésotérique; relevant du simple bonssens, elle s'adresse à l'ensemble de l'humanité. L'éveil est une réalité quise réalise encore aujourd'hui pour des milliers d'êtres humains et quepromettent la plupart des traditions mystiques du monde. Soit libre detoute aversion ou d'attachement; garde ton esprit pur et relie celui-ci auBouddha; tel est l'essence de l'enseignement bouddhiste.

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Au début de toute pratique spirituelle sincère, il est plus important dedécouvrir la véracité de l'enseignement que celle de découvrir un maîtreauthentique, même si celui-ci est une émanation de cette vérité.Concernant ceci, le Bouddha a déclaré:

Fiez-vous au message du maître, non à sa personnalité;fiez-vous au sens du message, non aux seuls mots;fiez-vous au sens ultime, non au sens relatif;fiez-vous à votre Esprit de Sagesse,non à votre Esprit ordinaire qui juge.

La signification de la posture de méditation correcte représente lacompréhension secrète que le pratiquant possède bien la Nature debouddha, l'encourageant ainsi à se manifester. Celle-ci est donc unemarque de respect envers soi-même, en tant que bouddha potentiel. LeBouddha historique ne s'est jamais attribué de statut divin. Il savait bienque la Nature de bouddha faisait partie du patrimoine de l'humanité etde tout être sensible. Lorsqu'un être atteint la Nature de l'Esprit, il estlibéré naturellement de toute souffrance, de la peur de la naissance, dela mort et de l'état intermédiaire, et il atteint alors naturellement lafélicité et la joie qui s'élèvent de cette réalisation. Seule l'omnisciencede l'état d’éveillé permet d'atteindre la libération du cycle desrenaissances samsariques. La pratique de la méditation et de lapurification amène à maturité le cœur et l'esprit du pratiquant et luidévoile progressivement la compréhension juste de la Vérité.

Lors de l'apprentissage du Mahayana, le plus grand des yogasmenant à l'éveil, le disciple doit choisir entre trois pratiques différentesmenant vers des buts tout aussi différent. Le premier choix est le yogade la piété choisie par la multitude des humains utilisant l'aide d'unereligion pour tout enseignement. Le résultat de ce choix mène auxmondes des Dieux, le Paradis des chrétiens, mais ne libère pas de lacondition Samsarique. Le deuxième choix est celui de la connaissancephilosophique appelé Pratyeka pouvant mener au Nirvana et àl'obtention de la condition d'un bouddha partiellement libéré. Ce yogaest pratiqué par les êtres solitaires évoluant par eux-mêmes etn'enseignant pas. Le troisième choix est celui de la voie du Mahayanaou de la pratique des six Paramitas, les vertus transcendantales. Cettevoie est celle conduisant à l'état de Bodhisattva et ultérieurement à celledu Bouddha Parfait. Ceux-ci enseignent aux êtres dans les six mondes

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Samsariques ainsi qu'aux autres Royaumes d'existence inconnus deshommes non-illuminés.

Depuis un temps sans commencement, l'état de bouddha est unecaractéristique naturelle de l'Esprit et doit d'abord être réaliséintérieurement. Cet état inné en chacun, n'attend que l'élimination del'ignorance pour briller comme un soleil, non voilée par les nuages del'illusion. L'homme qui refuse par ignorance de retrouver son étatd'origine est comme une plume ballottée par les vents de l'existence etva de vie en vie, accumulant amertume et souffrance. Tel qu'exprimépar l'Oracle de Delphes, c'est en se connaissant soi-même que l'hommeapprend à dissoudre sa conscience microcosmique impersonnaliséedans la conscience supra-mondaine macrocosmique afin d'accéder àl'état de bouddha. Aussi longtemps que le pèlerin est un être séparé,puis a des idées et des fonctions séparées, il ne possède qu'uneintelligence finie et ne peut donc faire profiter son expérience et saconnaissance qu'a un nombre restreint de personne. Dès qu'il atteintl'état d'un être éveillé, il n'est plus qu'Un seul être, qu'Une seuleintelligence infinie, qu'Une seule fonction Unifiée, pouvant ainsi rendreservice à une multitude de gens.

L'essence universelle d'un bouddha, semblable à un miroir sanspoussière, se manifeste sous trois aspects différents appelés le tri-kâya,les trois corps divins. Ceux-ci sont les trois formes par lesquellesl'essence d'un bouddha est mystiquement personnifiée.

Dharma-Kâya = le véritable corps de vérité d'un bouddha, sansaucune forme, symbolisant l'essence primordiale, essence divinede l'être, éternellement existant par lui-même, dans lequel tous lesbouddhas en Nirvana demeure dans une inconcevable Unité. Lasagesse est la cause de l'obtention du corps de vérité et de lacompréhension juste de Shunyata, la vacuité. Contrairement auxesprits ordinaires microcosmique, l'esprit omniscient d'unbouddha peut choisir de prendre la forme humaine ou autreapparence matérielle.

Sambhoga-Kâya = le corps de jouissance, dans les mondescélestes, où demeure les dhyani bouddhas, illuminés etbodhisattvas lorsqu'ils vivent dans des formes non-humainessamsariques. Ce corps illusoire n'est visible qu'a ceux qui ont

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atteint cet état, les bodhisattvas supérieurs et les Bouddhas, et nepeuvent pas être perçu par les êtres ordinaires.

Nirmana-Kâya = le corps d'émanation dans lequel vivent lesbouddhas et bodhisattvas lorsqu'ils travaillent parmi les hommes.La particularité de ce corps est que c'est celui d'une personne quiest morte, qui a traversé l'état intermédiaire et reprit unerenaissance consciemment, sans interrompre son entraînementspirituel d'une vie à l'autre, et sans n’en perdre aucun souvenir.

Certaine personne étant près d'atteindre l'état de bouddha refuse cetacquis par compassion pour tous ceux qui souffre dans les mondes duSamsâra, et se méritent alors le titre de Bodhisattva. Les Vainqueurs dela Vie et de la Mort donc font vœux de ne pas entrer en Nirvana jusqu'àce que tous les êtres aient retournés à l'union divine. Ils savent que tousles êtres s’éveilleront du rêve terrestre, du cauchemar des états après lamort et de la renaissance, seulement lorsque le but de l'état de bouddhaaura été atteint. Bien qu'eux-mêmes aient atteint la bouddhéité, ils nepourront jouir de l'état de bouddha complet, seulement lorsque lamultitude humaine aura aussi atteint ce but. Le grand BodhisattvaShantideva à déjà écrit ce texte révélateur;

Tant qu'existeront l'espace et les êtres sensibles,puis je moi aussi demeurer,pour abolir la misère du monde.

Il ajoute à propos de la bodhicitta, la compassion au cœur de tous lesbodhisattvas, et ce qui les motives à renaître dans les mondes de lasouffrance afin de venir en aide aux autres:

C'est l'élixir suprêmequi abolit la souveraineté de la mort.Le trésor inépuisablequi élimine la misère du monde.Le remède incomparablequi guérit les maladies du monde.L'arbre qui abrite tous les êtres.Las d'errer sur les chemins de l'existence conditionnée.Le pont universel,qui mène à la libération des existences douloureuses.

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La lune de l'esprit qui se lève,et apaise la brûlure des passions du monde.Le grand soleil qui finalement dissipeles brumes de l'ignorance du monde.

Shantideva

L'idéal du Bodhisattva est de prendre sur lui-même la souffrance detous les êtres sensibles, et de cheminer sur le sentier de l'éveil, non pourlui-même, mais pour le bénéfice des autres. Acceptant consciemmentles souffrances du Samsâra, il choisit de revenir de vie en vie afin demettre sa Sagesse et sa Compassion au service de toute l'humanité.Dans la tradition du Bodhisattva, la bodhicitta est la source et la racinedu chemin spirituel depuis ses origines.

Le monde moderne à un besoin urgent de l'idéal du Bodhisattva, desa vision altruiste et de sa grande sagesse dans tous les domainesd'activités humaines. Des Bodhisattvas œuvrant en économie, enpolitique, dans le domaine juridique, en médecine et en tous les autressecteurs sociaux, en tant que vecteur de compassion et de sagesse pourle bien de toutes les classes sociales, seraient sans aucun doute, lameilleure chose qui puisse être souhaité pour l'avenir de l'humanité etde la planète Terre.

Le moine à la robe bleue azur leva les mains à hauteur desyeux et les frappa sèchement ensemble. Alors, une portion de l'espaceenvironnant s'entrouvrit et laissa apparaître l'image en deux dimensionsd'une vision provenant du passé du Bienheureux.

Bien qu'il n'y ait aucun nuage dans le ciel et que le soleil brillait avecéclat, il vit apparaître un arc-en-ciel de cinq couleurs. L'air fut rempli del'odeur de l'encens et du son des cymbales, du gong et des conquesreligieux. Des vapeurs s'élevèrent de la mer en formant des nuagesgrisonnants. La pluie se mit à tomber et les gouttelettes setransformèrent en fleurs qui s'épanouissaient en tombant.

Alors, le bouddha Sâkyamuni apparut sur le fond du ciel et émit deson cœur un rayon de couleur dorée qui éclaira une portion de la Terre.Afin de dompter le mal, celui-ci prit de nombreuses formes: à uneoccasion, il apparut comme un mendiant, puis, une autre fois comme un

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enfant âgée de huit ans, un éclair, un oiseau, un insecte, une prostituée,un médecin ou un riche mécène. D'autrefois, il devenait un bateau sur lamer afin de secourir les naufragés ou bien encore, l'eau qui permettaitd'éteindre un feu meurtrier. Prenant le rôle d'un enseignant, il éveillaitle paresseux et l'ignorant, ou donnait l'exemple à toutes les créaturessensibles en accomplissant des actions héroïques. Il utilisait toujoursl'aspect le plus approprié à la situation, répandant enseignement etbénédictions à ceux qui en avait besoin. Simultanément, il pouvaitapparaître en cent endroits différents sous différentes formes; tel était larécolte qu'apportait l'état de bouddha pleinement éveillé.

Plus tard, il écrivit sur des feuilles de palmiers, sur de la soie ou dupapier laqué, avec de l'encre d'or, d'argent et de cuivre, l'ensemble deses enseignements les plus secrets, et les enferma dans des pots decéramiques, dans des boîtes garnis d'or et de pierres précieuses, dansdes crânes ou dans des réceptacles de pierres qu'il cacha précieusementdans les endroits les plus secret et les plus inaccessibles. Seul lesTertöns et les Tulkus avaient le pouvoir de les découvrir et de lesramener au jour. C'est ainsi qu'après plus de 2500 ans, l'œuvre duBouddha continuait à fleurir partout dans le monde.

Ayant interrogé tous les moines, il s'approcha du jeunePalchem Lama qui se trouvait au centre de la pièce et lui adressa laquestion qu'il considérait comme celle la plus important.

Rinpoché, Maître possédant la Connaissance et la plus hauteSagesse; pouvez-vous me dire ce qu'est le bonheur véritable?

Le bonheur

Le bonheur, c'est avant tout la capacité qu'a chacun à être heureux,d'être dans un état de satisfaction et de plénitude complète. Un hommeheureux est un homme qui est satisfait de son sort et porté à l'optimiste.

Être heureux, c'est de toujours souhaiter un bonheur durable à autrui. Être heureux, c'est de développer la bienveillance avec persévérance

et de pratiquer la bonté en toute occasion. Être heureux, c'est d'être libre de toute compétition, désir de

possession et saisie dualiste, de lutte et de soif de réussite sociale.

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Être heureux, c'est de reconnaître le caractère onirique de la vie etd'avoir éliminé toutes attachements ou aversions.

Être heureux, c'est d'avoir le cœur rempli d'amour et de compassionmalgré l'attitude des autres envers soi-même.

Être heureux, c'est de voir les persécutions injustes comme sic'étaient un rêve et garder malgré cela une attitude positive.

Être heureux, c'est d'aborder sans distraction, le chemin de laréflexion, de la contemplation, de la méditation et d'abandonnertoute paresse qui éloigne du but.

Être heureux, c'est de reconnaître la voie spirituelle qui exige unapprentissage et une purification continuelle et de comprendre quecela exige temps et efforts constant.

Être heureux, c'est d'éviter d'imprégner sa vie de colères, peurs,attachements et aversions, cause d'une renaissance malheureuse.

Être heureux, c'est de ne jamais regretter le passé qui est sans retouret ne reviendra jamais.

Être heureux, c'est de ne pas naître de faux espoirs en le futur, carcelui-ci n'est pas encore né et demeure imprévisible.

Être heureux, c'est de vivre ici et maintenant afin de demeurer dansla joie et d'oublier les tracasseries qui empoisonnent l'existence.

Être heureux, c'est d'éviter la compétition maladive qui prédominedans tous les domaines de la société moderne, renforçant par làl'égoïsme et l'individualisme perpétuant la souffrance.

Être heureux, c'est de toujours avoir de la compassion envers lemalheur et la souffrance des autres, afin de semer au vent, sagesse etgénérosité de cœur.

Être heureux, c'est de toujours s'éloigner de ceux qui cultivent laconvoitise, la haine et l'ignorance qui ne sont que source d'ennui etde malheur sans repos.

Être heureux, c'est de pratiquer la patience et la tolérance en touteoccasion.

Être heureux, c'est de ne jamais blâmer les circonstances de la vie oules autres, car chacun est responsable de sa propre destiné.

Être heureux, c'est de cheminer sur le pèlerinage terrestre qui estcelui de la recherche de sa propre identité.

Être heureux, c'est de ne jamais juger ni critiquer les autres car cecin'engendre que frustrations et découragements, aveuglant ainsi notrecapacité de discernement.

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Être heureux, c'est d'être rempli de gratitude envers la vie et lescompagnons qui partagent notre destiné, car sans eux, tu ne seraisrien.

Être heureux, c'est de ne pas se laisser envahir par la peur, leremords ou la culpabilité, car ceux-ci ne sont que des squelettes quidorment dans nos placards.

Être heureux, c'est de toujours se rappeler que la vie est transitoire etimpermanente et que nul ne connaît l'heure de sa propre mort.

Être heureux, c'est de prendre conscience que la vie humaine est leplus grand des bienfaits et de ne pas gaspiller ce temps précieux ende futiles travaux.

Être heureux, c'est d'être en paix avec soi-même et le monde quinous entoure.

Être heureux, c'est de vouloir que chaque instant de notre vie soitinoubliable.

Cultive toujours en ton cœur ton aptitude au bonheur, car iln'y a pas d'âge pour être heureux. Chaque époque de la vie procure sapart de bonheur, de joie et de peine. Cela fait partie de la vie et tu nedois pas t'y révolter.

Malgré tes désillusions et tes rêves brisés, l'ingratitude et lesinjustices sociales, la disparité des richesses et les exclus de la société,dis-toi bien que le monde est merveilleux et que tu mérite ton héritageau bonheur, car tu es l'enfant de l'Univers et tu fais partie d'eux.

N'oublie jamais qu'en plus de l'homme, du plus petit insecte jusqu'auplus grand mammifère terrestre, chacun aspirent au bonheur et tententd'éviter la souffrance. Le bouddhisme enseigne que la souffrance faitpartie de la vie; que sans celle-ci, on ne pourrait apprécier la joie qui estla cause du bonheur. L'état de bonheur parfait, c'est d'arriver à intégreren un Tout, notre dimension physique, émotive, mentale et spirituelle.Cependant, ce que nous appelons "Bonheur" est avant tout un état debien-être subjectif et illusoire. Seul l'état après l'éveil et l'illuminationspirituelle peut être réellement appelé un état bienheureux de Bonheur.

Néanmoins, il y a l'état subjectif de bonheur "mondain" et lesdernières études scientifiques ont déterminés que l'argent et la sécuritéfinancière n'était pas la cause du bonheur. Cette étude auprès de centmillionnaire américains à révélé que ceux-ci n'étaient pas plus satisfaitsque les gens ordinaires. Une autre étude portant sur les gagnants à la

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loterie a démontré qu'un an après avoir gagné le gros lot, ceux-ci n'étaitpas plus heureux qu'avant.

Par contre, le couple offre un rempart contre la solitude, amenant unréconfort contre l'adversité, valorisant en plus le rôle de conjoint etcelui de parent contribuant ainsi à se rendre plus accessible à l'état debonheur. Les gens extravertis et optimistes, jouissant d'une bonne santéphysique et mentale possèdent des traits de caractères rendant plus aisésl'accès au bonheur. Ceux possédant ces traits se sentent souvent fiersd'eux-mêmes et sont donc plus maîtres de leurs destinés. Ces études surle bonheur ont décortiqués huit points essentiels améliorant l'humeur etson incidence sur l'état de bonheur:

1. Vivez l'instant présent avec intensité et créativité.2. Gérez le temps précieusement et avec réalisme.3. Demeurez toujours positif et rejetez toutes émotions négatives.4. Cultivez les amitiés et les contacts sociaux.5. Ne restez pas oisif ou inactif.6. Agissez toujours comme si vous étiez heureux.7. Conservez toujours un nombre d'heure de sommeil équilibré.8. Soyez constant dans votre pratique spirituelle.

Afin de se manifester concrètement, le bonheur à besoin du plaisir,de la représentation de celui-ci et de la présence d'une autre personne.Même si un enfant possède toute les compétences pour devenirintelligent, il ne transformera aucune de ses compétences enperformance, s'il n'a pas autour de lui un parent, une école ou unenvironnement social. S'il n'a aucune représentation visuelle de cequ'est une pomme, il ne peut jouir du plaisir de consommer celle-cipuisqu'il ignore ce que c'est.

Dans le monde moderne, on confond souvent bien-être et bonheur, etce combat est fait en fonction d’un malaise à vivre parmi les autres. Acause d’un but purement égoïste, le sens de la vie disparaît puisqu'il nepeut se développer que par une conquête sur la culture sociale et lanature corrompu par la pollution, la radiation atomique, l'abus desmédicaments, l'exploitation abusive, etc. À notre époque, l'hommemoderne à tout pour être heureux, sauf le bonheur! Même si la libertéest un allié dans la recherche du bonheur, l'abus de liberté n'amène pasnécessairement à être plus heureux. En Antiquité, à une époque où la

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vie se déroulait au gré des rites, les gens étaient plus heureux malgré lefait qu'ils étaient moins libres.

Comme la joie, le plaisirs est aussi un allié du bonheur. Ladescription exacte du plaisir est physique. C'est comme l'exemple deprendre un bon vin pendant un repas gastronomique. La joie est plusintellectuelle et se situe au niveau psychologique des émotions. Lebonheur englobe les deux premiers et rajoute le rapport que nous avonsavec soi et avec le monde qui nous entoure. Le dernier allié au bonheurest l'amour individuel qui découle de l'amour courtois provenant de lafin du moyen-âge et qui est plutôt centré sur l'amour-passion deschevaliers et des ménestrels. Cet amour à la Cupidon est beaucoup pluscentré sur les besoins du corps physiques et émotifs que sur le véritableamour qui ne cherche pas à combler un besoin et qui ne demande rienen retour.

Depuis la dernière révolution industrielle, un schisme et une énormedistorsion s'est créé avec l'économie du mieux-être. Maintenant, lebonheur passe essentiellement par la valorisation du travail et laconsommation des biens matériels. Cette nouvelle forme d'esclavage estbeaucoup plus pernicieuse et peu de gens n'ont pas succombé à sesattraits hypnotiques. Jusqu'au XVIIe siècle, la religion répondait aubesoin existentiel et aux interrogations mystiques qui allaient au-delàdu plaisir de soi. Aujourd'hui, la religion est en déclin, la science s'estéloigné de la sagesse et de la moralité, et la philosophie refuse deprendre la relève, aussi il incombe maintenant à chacun de trouver sapropre voie.

Tout comme les maux du corps, les événements de la vie sont deslangages qu'il faut décrypter afin de s'ouvrir et de s'éveiller à notredestiné. Au delà des obstacles, des difficultés et de la souffrance, il y ades significations plus profondes, pleine de bienveillance et de bonnesintentions. Obnubilé par notre besoin de sécurité et nos préoccupationscentrées sur la jouissance, la possession et la puissance, nous devenonsincapable de lire l'événement qui se reproduit sans cesse ni d'en repérerles mécanismes et les enjeux. Lorsque perçu comme tels, lesévénements positifs donnent de l'énergie et transforme celle-ci en bien-être et en amour conduisant au bonheur. A l'inverse, les événementsperçu négativement réveillent des blessures, rouvrent des cicatrices desouffrance et de douleur, qui consument énormément d'énergiepranique, drainant ainsi le bien-être et l'amour qui devaient conduire au

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bonheur. En réalité, même un traumatisme peut servir de révélateur àun potentiel inconnu et inexploité. Quelque soit l'événement, intérieurou extérieur, celui-ci possède deux facettes de la même réalité où tout àun sens.

Quand un accident arrive, qu'une maladie survient ou qu'un être aiménous quitte, il peut être difficile de percevoir en quoi cet événementpeut être positif, cependant, passé la période d'insécurité, il est possiblede découvrir la part de miracle dans cette situation. Un adage populaireprovenant des indiens Assiniboine de la Côte-Ouest du Canada, disait"dans tout événement, dans toute rencontre, recèle un cadeau du GrandEsprit".

En notre époque de violences généralisées, les situations négatives etles difficultés quotidiennes malheureuses semblent laisser plus de tracesdans notre esprit que celles des événements joyeux. Sans doute, celacaractérise-t-il notre époque de distractions, de permissivités et dedéfaitisme devant l'environnement perpétuellement changeant et lesdisparités sociales qui nous assaillent de toutes parts. Malgré tout, laSagesse des anciens nous enseignent qu'il est préférable en toutecirconstance de demeurer positif et d'harmoniser ce qui nous vient de lavie, afin de l'accueillir positivement pour l'intégrer et l'assimiler dansnotre quotidien.

Valoriser la vie, l'amplifier et la répandre à notre tour avec amour, neserait-il pas le sens de notre venue et de notre passage sur Terre. Larecherche individuelle du bonheur est avant tout un mythe puisquecelui-ci découle des actions et de tous les aspects de notre vie, commele fruit découle des saisons, de la température, du rayonnement solaireet de la maturité de l'arbre dont les fleurs ont été fécondées.

La vision futuriste du bouddhisme âgé de plus de 2500 ans, révèleque la vie et la mort existent seulement dans l'esprit et que celui-ci estle principal architecte du bonheur ou de sa souffrance. Le grandphysicien Albert Einstein (1879-1955) à déjà affirmé que l'être humainfaisait partie intégrale d'un Tout appelé "Univers" et qu'il faisaitl'expérience de celui-ci, de ses pensées et de ses sensations commeétant séparés du reste, créant ainsi une sorte d'illusion d'optique de saconscience. Le grand peintre et poète anglais William Blake (1757-1827) à déjà écrit:

Si les portes de la perception étaient purifiées,

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toute chose apparaîtrait telle qu’elle est...infinie.

Lorsque l'on s'identifie à ce qui est irréel et qui n'est qu'uneconfusion de notre esprit, puis que nous utilisons ce mirage pour nousjuger et nous condamner, nous alimentons alors le manque d'amour deSoi dont tellement de gens ont souffert. Il est crucial de ne pas porter dejugement autant sur les autres que sur soi-même, mais plutôt de réaliserque nous sommes comme plusieurs entités vivant l'une dans l'autre,telles les fameuses poupées Russe. Il faut admettre aussi que nousavons tous des problèmes qui minent notre droit au bonheur, et qu'endéfinitive, ceux-ci sont irréels et pas aussi insurmontables que l'onserait porté à le croire.

La joie qui provient du renoncement n'est pas ordinaire, puisqu'elledonne naissance à une force nouvelle, à une inébranlable confiance et àune inspiration constante lorsqu'on réalise que nous ne sommes pasréellement enchaînés à nos habitudes malsaines mais qu'on peut seservir de celles-ci dans le but noble de se libérer de la conditiond'esclave samsarique. Quelque soit notre présente condition, nouspouvons sûrement l'utiliser avec Sagesse et habileté afin d'inspirer ledésir d'atteindre à la libération. Notre relation d'interdépendance entrechaque chose et chaque personne, nous dévoile notre responsabilitéenvers chacune de nos actions, de nos paroles, de nos pensées et nouslie karmiquement à tous les êtres et choses dans le Samsâra. Dans notrerelation avec nos semblables, nous devons reconnaître que nouspartageons tous les mêmes sentiments, les mêmes peurs, les mêmessouffrances et que nous manifestons tous le même désir d'être heureux.Il ne faut jamais tenter de se dérober de sa souffrance, car celle-ci sertsouvent d'enseignement afin de faire grandir en soi la compassion né dubesoin de venir en aide aux autres. Par conséquent, notre souffrance estnotre plus fidèle allié pour la compréhension de la souffrance d'autrui.

Dans notre désir d'obtenir le bonheur tant recherché, nous tentons desaisir l'objet de nos désirs afin de les posséder totalement. Nousconfondons ainsi, attachement et amour, puis, coupable d'orgueil, nousperdons alors ce que nous avons si fortement désiré. Ce qui reste, c'estle souvenir de cette quête infructueuse et les cicatrices de l'attachementcoupable. Nous souhaitons tous le bonheur, mais malhabile et ignorant,toutes nos actions et nos émotions produisent l'effet contraire et nous enéloignent toujours davantage. Bien souvent, l'idée que l'hommeordinaire se fait du bonheur est plutôt une projection égocentrique, un

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amour de Soi immodéré, révélant par la même occasion, la racine deson mal et de celui qu'il inflige inconsciemment aux autres.

La projection égocentrique conduit à chérir exagérément sa proprepersonne, créant ainsi une aversion au malheur et à la souffrance.Même si le malheur et la souffrance n'ont aucune existence objective,l'aversion et l'attachement donnent vie à cette non-existence. Cetteaversion coupable attire sur soi toute l'adversité et les obstacles dontnous faisons l'expérience dans notre vie quotidienne. Les fruits de cemirage sont l'anxiété, les attentes trompeuses et la peur injustifié. Cetteaversion peut être vaincue par l'épée de la Sagesse qui tranche à laracine l'Esprit égocentrique et son attachement à un Soi inexistant. Cequi restera sera réel et ne fera plus partie du rêve de l'existence.

La vie n'est pas un mystère qui doit être révélé ou découvert, maisune réalité que nous devons vivre. Le rêveur n'a pas besoin de chercherun sens à la vie, puisqu'il vit.

Je termine cet enseignement sur ces paroles ;

La nature de toute chose est illusoire et éphémère,semblable à un homme léchant du miel sur le fil d'un rasoir,tournez plutôt votre attention vers l'intérieur.

Renaissance

Soudainement, en un instant aussi bref qu'un clin d'œil, toutson environnement se métamorphosa en une brillante lumière decouleur bleue qui engloba tout sur son passage. Celle-ci fut par aprèsabsorbé, tel un trou noir cosmique, dans une tornade invisibleprovenant du chakra de son cœur. Alors, son propre corps devint aussilumineux que la lumière du soleil, et tout son contenu, organes, os,sang, nerfs se fondirent en lumière et disparurent peu à peu dans lenéant. C’est ainsi que son corps apparut comme une coquille vide, sapeau devint claire et aussi transparent qu'un arc-en-ciel, n'offrant plusaucune résistance à la matière. Son nouveau corps lumineux de couleurbleue commença à diminuer progressivement et simultanément de latête et des pieds. Finalement, un simple petit point lumineux pas plusgros que la pointe d'un stylo pénétra dans sa conscience indestructibleau centre du chakra de son cœur, demeure principale de son Esprit. Le

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point lumineux s'émancipa en cinq couleurs différentes qui serépandirent dans les huit rayons donnant accès aux 24 canaux et au 24lieux. Finalement, toute la lumière se répandit dans les 72 000minuscules méridiens avant de revenir à la goutte indestructible de sonEsprit et de se dissoudre en elle. S'élevant jusqu'au nada, le pointlumineux s'évanouit alors dans la claire lumière de la vacuité. Tel unegoutte d'eau déversée dans l'océan, son Esprit se mélangea à l'EspritCosmique, et pendant un bref instant, atteint à l'état de Vérité parfaite etnon-née du plein éveil de la claire lumière fondamentale.

Suite à sa purification et à son accumulation de mérites, tous lesbouddhas des trois temps et des dix directions apparurent. Une myriaded'étincelles lumineuse se mit à voltiger et à tourbillonner autour de lui.Une vision semblable à un feu vif crépitant dans la nuit, tel des milliersde lucioles apparurent. Il n'éprouvait plus aucune sensation de plaisir,de douleur ou d'indifférence, de solidité ou de froideur et il perçu ce quisemblait être un ciel clair et vide, inondé d'une éclatante lumièreblanche. Son esprit bien établi dans l'assise de la sérénité, il éprouvaitun grand état de Paix et de Félicité.

Dans les écrits du premier Panchen Lama, Losang Chökyi Gyaltsen,on retrouve cette définition de l'esprit: l'esprit est vide de forme (libre etprivé de matérialité), connaît des objets (sa fonction est de connaître lesobjets) , dont la nature est clarté (luminosité fondamentale). Ainsi, àdéfaut de rencontrer un objet, l'esprit ne peut se manifester. La présenced'un objet visuel sans la faculté de reconnaître celui-ci, ne peut conduireà la connaissance de cet objet. Il en est de même pour son opposé.L'esprit ne peut émettre une conscience visuelle si l'objet est inexistant.Cet état d'existence, ou d'être sans manifestation n'était-il pas l'Espritd'origine, dans sa condition de paix et de félicité?

Les conditions karmiquement favorables à sa renaissance apparurent.Il entrevit pendant un court moment l'image de ses futurs parents quiaccomplissait l'acte sexuel. A ce moment précis de la conception faisantsuite à l'apparition de la claire lumière, il s'incarna dans la matricehumaine et sombra dans une inconscience vaporeuse. Avec ledéveloppement et les modifications du fœtus, son Esprit deviendra deplus en plus grossier et l'oublie de sa véritable nature deviendra encoreune fois Maître de sa future destinée. Pour l'homme ordinaire nonlibéré, un nouveau cycle de naissance dans le Samsâra débutera,

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perpétuant encore une fois, les souffrances inhérentes à cette conditiond'esclavage qui dure depuis des millénaires.

Ainsi prenait fin, son pèlerinage dans l’entre-deux monde.

Conclusion

Mourir dans l'ignorance, sans aucun contrôle sur l'acte mortel,entraîne la perte de tout ce que vous avez été et de ce que vous vousêtes efforcé d'apprendre avec tant d'acharnement dans votre dernièrevie. Souvenez-vous des bancs scolaires, de l'apprentissage de votremétier, des acquis sociaux et psychologiques et même de votreapprentissage en tant que parent. Suite à votre décès, tout ce quisubsistera de vous, ce sera seulement les empreintes de cetteconnaissance qui s'épanouira dans votre prochaine vie en tant que talentinné. Une bien maigre consolation puisque vous devrez encore passerpar les mêmes difficultés déjà rencontrées et entreprendre le mêmeapprentissage dans votre quête de la connaissance spirituelle oumondaine.

À l'opposé, un méditant accompli, contrôlant sa mort selon lesenseignements précieux du mantra secret, poursuivra sa pratique dansla prochaine vie et seule son enveloppe charnelle aura changé. Saconnaissance demeurera donc intacte et inchangée. La particularité d'unméditant accompli se révèle donc par la faculté de poursuivre sonapprentissage spirituel pendant et après le processus de sa propre mort.Il a aussi apprit qu'il était capital de mourir heureux, dans un étatd'esprit positif. Décédé sous l'emprise de la colère, de la peur, del'attachement ou de l'aversion, fera chuter inexorablement celui-cidans les mondes inférieurs, où il expérimentera de très grandessouffrances, même si durant sa vie terrestre, il avait entreprit une bonnepratique spirituelle ou bien qu'il ait été une personne bénévole qui àaidé un nombre incalculable de gens dans la misère. Cette descente auxenfers, est occasionnée par un état d'esprit confus et négatif à l'instantde la mort, et ceci est une particularité de la loi karmique où nul n'ajamais pu s'y dérobé.

À l'inverse des êtres ordinaires de l'état intermédiaire qui renaissentsans but ni choix dans la matrice de leurs futures mères, le méditantexpérimenté décide du lieu et de l'heure de sa propre renaissance.

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Décédé normalement comme tous les gens, il a traversé consciemmentl'état intermédiaire et reprit une nouvelle naissance sous son contrôlesans jamais interrompre son entraînement spirituel d'une vie à l'autre.Même s'il ne jouit pas encore du corps d'émanation d'un bouddha,lequel n'est acquis que grâce au corps de jouissance du fruit, il peutnéanmoins jouir des acquis de sa pratique si celle-ci est sincère eteffective. Là réside la véritable Justice et l'immense Bonté manifestépar l'Esprit Cosmique.

Dans l'enseignement mille fois précieux du Vajrayana, il estexpliqué que la meilleure des préparations au processus de la mort estcelle des pratiques consciente lors de l'état de sommeil ordinaire. Cettepratique millénaire procure trois fruits indispensables:

1. Elle protège le pratiquant de toute peur pendant le processus dela dissolution mortelle.

2. Elle donne le pouvoir de choisir les conditions de notreprochaine naissance.

3. Elle permet de transférer les acquis de notre pratique actuelledans la prochaine existence.

Afin que l'enseignement du bouddhisme en Occident demeure pur,comme lors de ses origines, il est essentiel d'examiner avec attentiontoutes nos croyances et d'harmoniser celle-ci en accord avec lesenseignements du Bouddha historique, Sâkyamuni. En notre époque dedistraction et de rapidité, les gens ont tendances à croire sans lamoindre hésitation, les propos qui sont dévoilé par une personnecharismatique ou de renommé sociale. Comparativement à l'époque duBouddha, l'humble et l'indigent est exclus de l'enseignement spirituel,même si celui-ci est déjà un disciple accompli pouvant instruire avecprécision et expérience vécus. La présente civilisation se caractérise parle manque de discernement qu'elle manifeste lorsqu'il s'agit de réalitéintérieure et l'importance qu'elle accorde à tout ce qui est superficiel etinconsistant. Elle à rejeté les religions traditionnelle plusieurs foismillénaires afin de remplacer celles-ci par des sectes qui durent l'instantde vie d'un champignon suite à une nuit d'orage. Tel un marin égaré surun navire sans capitaine, l'homme moderne court d'une secte à l'autre,d'un mouvement spirituel à un guide sorti de nulle part, sans aucunbagage spirituel ni aucune tradition. La quête elle-même est devenue lebut spirituel, et les maîtres, des produits de consommation qu'il fautexpérimenter l'un après l'autre. Dans toutes les sphères de notre société,

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cette course effrénée dénote du manque de discernement et de sagessedont l'ensemble du tissu social fait preuve. Ce que le monded'aujourd'hui à le plus besoin, c'est de compassion et de Maître véritablepour l'enseigner. L'Éveillé, le parfaitement Illuminé, le Bouddha lui-même à déclaré en faisant référence à la qualité de discernement lorsd'enseignement publique:

"N'acceptez pas mes enseignements seulement parce qu'on m'appelleBouddha ".

Lorsque vous pratiquerez un enseignement que vous avez choisieavec soin, dès le début, oubliez l'enseignant ou le Maître qui le donne etarrêter vous seulement aux paroles et aux écrits de celui-ci. Alors, sivous trouvez que cela est parfaitement logique, sans faute et parfait,acceptez-le. Dans le cas contraire, rejetez-les sans aucune hésitation etsans tenir compte du charisme de l'enseignement ou de sa notoriétépublique.

Dans chaque enseignement, efforcez-vous de découvrir le sens desmots afin de pouvoir intégrer celui-ci à votre vie et oubliez larhétorique qui est nulle car jamais une poésie malgré ses rimes ou labeauté de ses mots n'a été la source de l'éveil ou d'illumination d'unpratiquant. Cherchez à pénétrer le sens indirect des mots et tentez d'ydécouvrir le sens définitif participant de la vacuité et de la vérité ultime.

Ne vous laissez pas égarer par des états de conscience trompeurs etfallacieux, cause constante d'égarement ne menant qu'a la confusion.Cherchez plutôt à placer votre confiance dans la Sagesse del'enseignement et dans les expériences vécues et dévoilés par les autrespratiquants depuis des millénaires. La ligné d'un enseignement garantiela véracité de celui-ci, de ses expériences communes à chacun et desmêmes résultats obtenus lorsque celui-ci est correctement exécuté. Plusla ligné des Maîtres et disciples est longues et ininterrompue, plus celle-ci est gage de succès et d'authenticité pour le nouveau disciple quis'engage sur le sentier étroit de la connaissance de soi.

L'enseignement de la voie bouddhiste, au cours de cet âge du monderemonte au Bouddha Sâkyamuni en Inde, vers l'an 623 av. J.-C. Laplupart des vérités dévoilées dans ce livre proviennent del'enseignement tantrique du Vajrayana et de celui du Mahamudra.Ceux-ci remontent principalement aux grands maîtres du mantra secret

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de l'Inde ancienne, qui les ont transmis aux tibétains. La ligné duMahamudra, de père spirituel à disciples, remonte au BouddhaVajradhara, mais le premier maître humain de cette lignée remonte à JeTsong-khapa en l'an 1357-1419 et cette chaîne n'a jamais étéinterrompue, même de nos jours. Les pratiques d'éveil sont encore lesmêmes que celles employés deux millénaires plutôt. Dans la languetibétaine, bouddhisme se dit "Nangpa", ce qui signifie, "tourné versl'intérieur". Tous les enseignements bouddhistes n'ont donc qu'un seulbut; celui de découvrir la nature de son Esprit afin de se libérer de sacondition de prisonnier dans le cycle des renaissances samsariques.

Fin

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Hors texte

Le Mantra des 100 syllabes

Véritable bénédictions de tous les Bouddhas, la récitationquotidienne de ce mantra, tel qu'il se prononce actuellement, assure àcelui qui le récite avec sincérité, la purification de tout son karmanégatif, gage d'une renaissance heureuse lors de son prochain périple.Ce mantra représente les cent divinités paisibles et courroucées quiapparaîtront lors de l'état intermédiaire dans le bardo du devenir.

“Om Bèndza Sato Samaya Manoupalaya Bèndza SatoTénopa Tiktra Drido Mé Bhava Souto Khayo Mé

Bhava

Soupo Khayo Mé Bhava Anourakto Mé Bhava SarvaSiddhi Mèmtra Yatsa Sarva Karma Soutsamé Tsitam

Chriya Kourou Houng

Ha Ha Ha Ha Ho Bhagavann Sarva TathagataBèndzar Mamé Mountsa Bèndzi Bhava Maha

Samaya Sato Ah”

Cette version est celle de la lignée Kagyupa

Le lettre sanscrite centrale est le plus sacré de tout les mantras, le OM.

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Tableau historiquede la recherche humaine sur la continuité

de la vie après la mort.(ouvrages imprimés ou auteurs)

1600 ans av. J.C. Le Livre des Morts ÉgyptiensCe texte concerne les différents rituels destinés àaider les défunts dans leur itinéraire posthume.

427-346 av. J.C. PlatonDans la République, l’élève de Socrate décrit minu-tieusement la manière dont les âmes désincarnéessont envoyées vers leur nouveau destin, cette répar-tition s’opérant selon les lois de la métempsycose.

70-19 av. J.C. VirgileDans l’Énéide, le grand poète national del’empire romain s’attarde sur la description desEnfers, séjour mythologique des défunts.

183-252 Origène205-270 Plotin

Ces deux philosophes gnostiques, maîtres de filede l’école d’Alexandrie, soutiennent des thèsesfavorables à la réincarnation. En l’an 543, surl’instigation de l’empereur Justinien, l’épiscopatromain condamne formellement la doctrined’Origène, de même que celle de Plotin.

VIe siècle Arthur, roi du pays de Galles, entouré de Merlinl’Enchanteur, de Lancelot du lac et du chevalierde la Table Ronde, inspirent toute la littératuremystique de la quête du Graal. Du celtisme auchristianisme, cette histoire exalte une vision à lamagique et spirituelle des relations entrel’homme, le cosmos et la mort.

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VIIIe siècle Le Livre des Morts tibétainsDans le Bardo Thodol, les maîtres du boud-dhisme tibétain dépeignent les différentesdtapes que le défunt est appelé à franchir avantde s’incarner dans un nouveau corps.

938-1003 Sylvestre IICe pape, l’un des plus brillants esprits de sontemps, avait la réputation de communiquerrégulièrement avec de mystérieuses puissancesinvisibles.

1265-1321 DanteL’œuvre visionnaire du grand poète italien repré-sente une vaste synthèse entre le christianisme etla mythologie paienne de l’Antiquité.

1412-1431 Jeanne d’ArcLes fameuses voix et les dialogues surnaturels dela pucelle d’Orléans ont joué un rôle historiquemajeur et ont profondément marqué l’inconscientcollectif.

1493-1541 ParacelseAlchimiste, occultiste, visionnaire, il s’est efforcéde jeter un pont entre la vie terrestre et ledomaine des entités subtiles.

1527-1608 John DeeMagicien britannique, célèbre pour son (miroirnoir) qui lui permettait de faire apparaître desesprits.

1550-1574 Charles IXCe jeune monarque, dont la mère Catherine deMédecis s’entourait de sorciers, mages et divins,semble avoir eu recours à des cérémonies magi-ques et à des évocations diaboliques. Sa mort pré-maturée, à 24 ans, est peut-être même la consé-quence de telles pratiques.

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1566-1625 Jacques Ier d’Angleterre et d’ÉcosseFils de Marie-Stuart, il succède sur le trôned’Angleterre et d’Ecosse à la grande Élisabeth.Passionné de magie et d’occultisme, il est censéavoir procédé à plusieurs évocations d’esprits.

XVIIe Cette période marque à la fois le développementdu rationnalisme cartésien et une extension consi-dérable de la sorcellerie, notamment dans l’entou-rage des rois et des princes. De nombreuses per-sonnes essayaient d’entrer en contact avec lesforces sombres de l’univers, la face cachée dumysticisme et de la sainteté selon eux.

1617-1692 Elias AshmoleMathématicien, astrologue, alchimiste, cabbaliste,il anime avec John Moor et William Lilly, un petitgroupe affilié aux Rose-Croix qui entretient unecorrespondance suivie avec toutes les sociétéssecrètes européennes de l’époque. Il est égale-ment l’un des fondateurs du rite maçonnique écos-sais. Il exerça une influence considérable sur tousles occultistes du XVIIe au XXe siècle.

1688-1772 SwedenborgCe grand voyant suédois eut d’innombrablesvisions extatiques et prophétiques qui le proje-taient dans un monde peuplé d’entités spirituelleset ses disciples fondèrent de multiples associationsdont l’Église de la Nouvelle Jérusalem qui compteencore actuellement plusieurs centaines demilliers de fidèles.

1734-1815 MesmerAvec ses théories sur le magnétisme animal et sesdémonstration, Mesmer connut une renomméemondiale, mais fut aussi en butte à de puissantennemis qui lui firent une sérieuse réputation decharlatan. En occident, il fut l’un des premiers àessayer d’élaborer une théorie expliquant les phé-nomènes paranormaux.

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1727-1774 Martines de Pasqually1743-1803 Louis Claude de Saint-Martin

Respectivement fondateur et propagateur duMartinisme, mouvement initiatique dont les rituelsvisent à soulever le voile d’ignorance qui obscur-çit les réalités spirituelles qui serait la JérusalemCéleste avec ses légions d’anges et archanges.

1743-1795 CagliostroConnus surtout pour ses intrigues à la cour deLouis XVI, il avait probablement développé desfacultés peu commune qui lui permettait d’ouvrircertaines portes sur l’invisible. Il mourut dans lesgeôles du Saint-Siège ou il fut l’une des dernièresvictimes de l’Inquisition.

1757-1827 William BlakeGrand peintre pré-romantique, il exécuta toute unesérie de dessins et de toiles ou il s’efforça de fixerquelques-unes de ses plus saisissantes visions spi-rituelles. Ses œuvres nous donnent l’impressiond’être littéralement enveloppées, submergéesd’entités invisibles radieuses ou monstrueuses.

1772-1801 NovalisDans ses nombreux poèmes et romans inachevés,ce jeune représentant du romantisme naissantcherche un itinéraire conduisant à un état d’illu-mination ou l’homme, dépassant sa conditionlimitée, serait en mesure de percevoir les subtilsdomaines de l’âme désincarnée.

1799-1850 BalzacProfondément influencé par les courants spiritua-listes de l’époque, l’auteur de la ComédieHumaine exprime ses convictions dans Seraphitaet La Recherche de l’Absolu.

1802-1885 Victor HugoA Jersey, ou l’écrivain s’est exilé avec sa famille,se déroulent les premières séances de spiritisme.

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Au cours des mois suivants, d’innombrables espritse manifesteront par le truchement du guéridon deJ.-C. à Shakespeare et de l’Océan à la Mort.

1804-1869 Allan KardecFondateur et grand prophète du spiritisme. En1857, il écrit et publie le Livre des Esprits, pré-senté comme le troisième testament. En 1858 ilcrée la Revue Spirite, et en 1861, il publie le Livredes Médiums et décède 8 ans plus tard.

1805-1844 Joseph SmithJeune berger américain qui, grâce à son guide spi-rituel et surnaturel, l’ange Moroni, découvre en1823, le manuscrit du prophète mormon. Ce texterévèle le voyage de la 12e tribu d’Israël qui, ayanttraversé toute l’Asie et franchit le détroit deBéring, se sont alors installée en Amérique ou leChrist est venu enseigner après sa crucifixion

1809-1849 Edgar Allan PoeA travers ses récits fantastiques, l’écrivain contri-but largement à la propagation d’un spiritualismeromantique dont les prolongements sont encoretrès sensibles de nos jours.

1810-1875 Eliphas LeviMagicien et cabaliste, l’abbé Constant exerce unascendant considérable, notamment par son ou-vrage majeur: Dogmes et Rituels de Haute Magie.En 1854, il évoque l’esprit du philosophe antiqueApollonius de Tyane, contemporain de J.-C. SelonEliphas, cette communication post-mortem luid’importantes révélations.

1830 Publication du premier livre spirite La voyante dePrevorst par le docteur Justinus Kerner 1768-1854de la célèbre Frédérica Hauffe qui fut sa patiente.

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1831-1891 Helena BlavatskyIssue de la vieille noblesse russe, elle épouse àl’âge de 17 ans un vieux général qu’elle aban-donne presque aussitôt. Voyageant dans le mondeelle décide de se fixer à Londres ou elle acquiertune solide réputation de magicienne, s’entrete-nant régulièrement avec des entités surnaturelleset suscitant toutes sortes de phénomènes paranor-maux spectaculaires. Son guide spirituel est un in-visible sage tibétain du nom de Kout Houmi, quil’initie aux arcanes des plus anciennes traditions.Ceci lui permettra de publier une œuvre volumi-neuse comprenant plusieurs milliers de pages etqui deviendra par la suite la bible du mouvementthéosophique, la Doctrine Secrète.

1832-1919 CrookesCélèbre physicien passionné de spiritisme et derecherches métapsychiques s’intéresse particuli-èrement au cas de la médium Florence Cook qui,lors de séances publiques, fait apparaître le fan-tôme d’une jeune femme appelé Katie King.

1838-1889 Villiers de l’Isle AdamToute son œuvre et notamment Axel sont impré-gnée d’occultisme et de spiritisme.

1842-1925 Camille FlammarionEn compagnie du grand dramaturge VictorienSardou, l’astronome étudie le cas de la médiumSicilienne Eusapia Palladino (1854-1918).

1846-1912 Louis AntoineSuite à des messages spirites, il fonde une nou-velle religion basé sur une vision essentiellementénergétique et vibratoire de la vie; sa femme luisuccède lors de son décès, et aujourd’hui, l’ordreportant le nom de Antoinisme regroupe plus deun million d’adeptes en Europe occidentale, et ledialogue avec l’invisible se continue encore.

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1846-1927 Léon DenisA la mort d’Allan Kardec, Léon Denis succède aumouvement spirite et sous sa direction l’anti-cléri-calisme et l’anti-catholicisme s’intensifient Il fitdes conférences à travers toute l'Europe défendantactivement l'idée de la survie de l'âme.

1847 Premier congrès spirite aux Etats-Unis à Manchester et aussi l’affaire des sœurs Fox, qui entrent encommunication avec le fantôme de Hydesville.

1854-1891 RimbaudPur représentant de la voyance poétique, le créa-teur tenant davantage du mage et du prophète,habité par des forces qui le dépassent, que dusimple narrateur psychologue ou sociologue.

1847-1933 Annie BessantCette championne de la cause féministe succèdeà Héléna Blavatsky à la tête de la Société Théo-sophique. Elle rencontre l’adolescent Krishna-murti qu’elle adopte et qu’elle présente publi-quement comme le nouveau bouddha et lefutur messie, mais en 1927, Krishnamurtirejette cette fantasmagorie et rompt avec lathéosophie.

1848-1907 Joris Karl HuysmansSes livres témoignent de la présence des invi-sibles et de l’éternel conflit opposant les forcesdu bien à celles du mal, surtout dans son romanprincipal; Là-bas (1891).

1849-1905 Maître PhilippeThaumaturge, occultiste, guérisseur, ce Lyon-nais réalisa de véritables miracles en obtenantla guérison de cas réputés incurables. A la courdu tsar Nicolas II, il réussit à soulager le petittsarévitch Alexis en combattant avec succèsses violentes crises d’hémophilie. Philippe attri-buait ses dons de guérison à ses contacts avec

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l’univers des anges et des saints.

1850-1935 Charles RichetPrix Nobel de médecine et de physiologie en1913, sociologue, philosophe, psychologue,curieux de tout, Il consacre une grande partie desa vie à l'étude des phénomènes paranormaux .C’est ainsi qu’il sera amené à étudier la célèbremédium Marthe Béraud, plus connu sous le nomd’Eva Carrière. Celle-ci sera aussi enquêtépar Arthur Connan Doyle et Houdini. Tous con-firmerons l’authenticité des phénomènes.

1859-1941 Henri BergsonPhilosophe spiritualiste français dont l’œuvre et ladoctrine représentent une réfutation des théoriesmécanistes et scientifiques dominant la cultureoccidentale de la fin du XIXe siècle. Il adopte lesthèses évolutionnistes ou il voit l’émergence pro-gressive d’une réalité spirituelle à l’œuvre dansles moindres particules au fin fond de la matière.grand chercheur dans le domaine métapsychiqueil a écrit plusieurs livres sur les pratiques spirites.

1861-1897 Stanislas de GuaitaÉrudit occultiste, mort prématurément des suitesd’absortion massive de drogues, a constitué à lafin du siècle dernier un important carrefour litté-raire et philosophique ou se rencontraient deschercheurs spirituels de tous les courants initia-tiques et métaphysiques de cette époque.

Dans son œuvre maîtresse, Au seuil du mystère, ilpropose une synthèse de toutes les grandes inter-rogations spirituelles de son temps.

1861 L’autodafé de Barcelone. A la requête del’Évèque de Barcelone, le Saint-Office fait saisiren douane des centaines de caisse contenant desoeuvres spirite. Empilés sur un buffet, ces livres

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sont publiquement brûlés par le bourreau de Cata-logne, Mais la foule hurle; A bas l’Inquisition.

1861-1925 Rudolf SteinerSteiner se proclame plus occidental et chrétienqu’oriental et bouddhiste, et provoque en 1913 lascission de la Fédération Allemande de la SociétéThéosophique alors dirigé par celui-ci.

1865-1916 Papus (Dr. Gérard Encausse).Papus est l’un des principaaux maîtres d’œuvresdu grand renouveau occidental des pratiquesmagiques et initiatiques. Son immense travailencyclopédique embrasse les domaines les plusdivers; astrologie, tarot, magnétisme, voyance,magie, etc. Il expose d’une manière très complèteet détaillée les méthodes d’évocation et de com-munication avec les morts, de voyage en astral oude dédoublement.

1868-1932 Gustav MeyrinkÉcrivain occultiste et cabaliste, son œuvre dépeintà la fois les itinéraires de la quête initiatique etl’action des puissances invisibles.

1870 Le savant Gaetan Leymarie introduit le spiritismeau Brésil pour la première fois. Avec la participa-tion du catholicisme et du Macumba, il y devientle mouvement religieux dominant, au point telqu’en 1957 le gouvernement n’a pas hésité àémettre un timbre pour célébrer le centenaire dela publication du Livre des Esprits.Le MacumbaSemblable au Vaudou, il mélange également lescroyances animistes importés d’Afrique par lesesclaves noirs et la doctrine catholique. La partproprement spirite et le commerce avec les mortsy jouent un rôle encore plus déterminant. Le Ma-cumba est le mouvement religieux le plus impor-tant au Brésil.

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1875-1945 Aleister CrowleyCélèbre magicien anglais qui déchaîna d’intensepolémiques, il déclencha par ses attitudes provo-quantes, de très nombreux scandales en son épo-que. Se surnommant lui-même la Bête de l’Apo-calypse, il prétend contrôler des légions démonia-ques dont il est le maître. Cela ne l’empêche pasde mener une vie d’errance pathétique, traqué parla maladie et les créanciers qui n’ont nullementpeur de ses légions de démons.

1882 Travaux de Charcot sur le somnambulisme. Créa-tion de la ‘Society for Psychical Research’ ou lephilologue anglais Myers joue un rôle décisif,ainsi que le philosophe Henry Sidgwick qui pré-side le groupe.

1884 Fondation à Paris de la Société Théosophiqued’Orient et d’Occident.

1886-1961 René GuénonAu nom de la vraie tradition ésotérique, il con-Damne le spiritisme et la théosophie dans sesLivres : L’Erreur spirite et Le Théosophisme.

1887 Fondation en Angleterre de la Golden Dawnsous l’égide de Samuel Liddell Mathers; puis,consécration des temples Isis-Uranus à Londres,Amon-Râ à Édimbourg et Ahator à Paris. Lorsde cérémonies grandioses, les adeptes reçoiventdes messages de l’astral et des visions de l’au-delàcependant, l’idéologie de la société semble avoirété inspiré par des dirigeants du IIIe Reich et despenseurs officiels nazis.

1889 Congrès spirites de Paris auxquels participent desreprésentants du monde entier.

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1919 Fondation du Caodaisme, chez les Animistes(actuel Vietnam). Cette petite secte basée sur lescommunications avec les morts devint en quel-ques années une puissante religion dont la doc-trine s’efforce de concilier le christianisme et lebouddhisme. Après la guerre 14-18, l’église cao-daiste regroupait plus de un million de fidèles,surtout au Vietnam du sud, en Europe et auxÉtats-Unis.

1922-1923 Congrès international spirite de Londres; créationde la Fédération Spirite Internationale à Liège.

1929 Ancien berger devenu médium, de renomméeInternationale, Josef Weissenberg fonde l’égliseDes Sérieux Chercheurs de l’Au-delà, qui regrou-pe à Berlin, plusieurs milliers de fidèles. Con-damnant le spiritisme d’Allan Kardec, il procla-me que lui seul et ses médiums ont le pouvoir decommuniquer avec les désincarnés. Son succèsen Allemagne est considérable, mais il disparaît àl’avènement du nazisme qui interdit la secte etdisperse les médiums.

1950 Découverte de l’effet Kirlian, procédé permettantde photographier l’aura des individus.

1959 Jurgenson réussit à enregistrer en surimpression,des voix de défunts. Il décrit longuement cetteexpérience dans son livre Radiophonie avec lesdéfunts publié en 1967. L’institut parapsycholo-gique de Fribourg obtiendra des résultats compa-rable en 1970.

1960 Publication du Matin des Magiciens, par LouisPauwels et Jacques Bergier qui créent par la suitela revue Planète et Le réalisme fantastique. Cemouvement connaît un retentissement considéra-ble et donne une espèce de légitimité à des do-maines réputés marginaux et maudits.Il contribueaussi à faire connaître au grand public les travaux

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scientifiques menés en parapsychologie parl’école américaine de Rhine, celle du soviétiqueVassilief, de l’allemend Hans Bender ou du fran-çais Rémi Chauvin. Il popularise aussi les thèsesde Colie Wilson et de Jean Charron, Le mondeéternel des Eons, ainsi que les enquêtes paranor-males du professeur Robert Tocquet. N’oublionspas par ailleurs l’ouvrage bien documenté du Dr.Moody La vie après la vie et les ouvrages de PaulMisraki, ardent défenseur du spiritisme.

La tradition au fil des âges

Dans la Mésopotamie antique

Pour les Assyriens et les Babyloniens, les morts étaient un souffle, unevapeur. Ils pouvaient hanter les maisons. Le destin des hommes étaitfixé dans l'autre monde. Les morts connaissaient notre destinée etpouvaient donner des conseils.

Dans l'Égypte antique

Les Égyptiens croyaient en un kha, qui, pour certains éruditscorrespond au périsprit du mort. C'est ce kha qu'ils essayaient de retenirdans le tombeau en lui préparant des offrandes. Dans certainesconditions ils invoquaient les morts pour obtenir d'eux des rêvesprémonitoires.

Dans la tradition hébraïque

La loi de Moïse, le Deutéronome, interdisait aux hébreux d'interrogerles spectres et d'invoquer les morts. Selon le premier Livre de Samuel,Saül consulta néanmoins la nécromancienne d'Endor pour s'entreteniravec l'esprit de Samuel avant une bataille contre les Philistins.

Dans l'Antiquité occidentale

En Gaule, les druides, et plus particulièrement les vates, invoquaientrégulièrement les morts dans des enceintes de pierre édifiées en pleinenature. Peuple et souverains les consultaient. Ce fut le cas deVercingétorix qui, avant de soulever la Gaule contre César, se renditchez les prêtresses de l'île de Sein pour consulter les âmes des héros

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morts. À la même époque, les religions nordiques se construisaientautour de la communication permanente entre le clan et ses défunts quile protégeaient, puisqu'ils étaient détenteurs du plein savoir. Unecommunication d'autant plus permanente qu'il n'existe pas de frontièreréelle entre les deux mondes.

Dans la tradition grecque

Dans la Grèce antique, l'évocation des morts était codifiée, lacommunication avec les défunts faisait partie intégrante de la religion,elle disposait de ses prêtres, de ses temples, et même de sa fête annuellequi n'est pas sans rappeler, elle aussi, notre jour des Morts.

Dans la tradition romaine

Le monde romain qui s'adonnait volontiers à des pratiques magiques,les réprouva à peu près de tout temps dans ses lois, dès la loi des XIITables, mais celle-ci ne semblait pas viser les nécromans. Le régimeimpérial, autoritaire, n'aimait guère les devins qui, autant que lesvendeurs de philtres et de charmes, pouvaient encourager les ambitieuxà l'assaut du pouvoir : Tibère, Néron, Claude, Dioclétien sévirent sanssuccès, comme en témoignent de nombreux procès en sorcellerie. Parculture et par tradition, les empereur, les généraux, et tout le peuple dela Rome antique se pressaient chez les sibylles, des prophétesses dont leministère fondé sur la communication avec l'au-delà s'exerça d'abord enGrèce, avant d'être popularisé dans toutes les contrées du vaste empire.La plus célèbre d'entre elles était la sibylle de Cumes, prêtressed'Apollon. Elle rendait par écrit les oracles qui lui parvenaient duroyaume des morts.

Dans la tradition des Évangiles

Certains auteurs des Évangiles comparent les anges à des esprits etutilisent ces deux mots comme synonymes. En grec (la langue desÉvangiles) le mot "ange" signifie très exactement "messager" de l'au-delà. Marie dialogue avec l'Ange Gabriel et Jésus s'entretient avecMoïse et Élie, tous les deux pourtant décédés au moment de cetentretien.

Dans la tradition de l'islam

Mahomet s'entretient avec l'ange Gabriel. Par ailleurs, les djinnsinvisibles (ou jinn) peuvent intervenir dans la vie courante. Lemarabout est une figure traditionnelle de l'Afrique. Des mystiques

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musulmans affirment être en contact avec l'au-delà. Enfin, lamanifestation des défunts est considérée comme une possibilité par laplupart des courants de pensée de l'islam.

Dans le shintoïsme

Selon la religion ancestrale du Japon, un nombre considérable d'espritsinvisibles agissent en permanence dans les évènements terrestres.

Dans l'animisme des traditions premières

La majorité des traditions, dites premières, entretiennent unecommunication avec l'au-delà par le biais du chamanisme. Les chamansdes premiers peuples d'Amérique, d'Asie, de l'extrême Nord del'Europe, de l'Afrique et de l'Océanie assurent le lien entre le visible etl'invisible. Les échanges avec les défunts ne représentent qu'une part deleurs fonctions. Le chamanisme se perpétue encore de nos jours.

Dans la tradition du vaudou

Appelé candomblé au Brésil ou santeria à Cuba, le vaudou est unevariante de rites traditionnels africains importés par les anciensesclaves. Les esprits des morts sont honorés lors des enterrements etpeuvent prendre possession de danseurs lors de cérémonies rythmées demusiques enivrantes.

L'expansion du christianisme met un frein aux échanges avec l'au-delà.Dès l'an 318, l'empereur Constantin publie un décret interdisant « lacommunication avec les âmes des défunts ». Certains temples dessibylles sont alors détruits. Durant les siècles suivants le clergé luttecontre cette pratique qui faisait la force des anciennes religions etl'associe généralement au diable, personnage issu de sa propre tradition.La nécromancie devient alors synonyme de magie noire, dans le sensoù l'on considère que ce sont des démons qui se manifestent et non plusdes esprits.

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Glossaire

Abhidharma: Doctrine supérieure, dans le tripi-taka.

Agora: Place publique centrale ou la vie politique, religieuse etéconomique de la cité dans l'Antiquité grecque.

Amrita: Immortalité, synonyme de Nirvâna.

Ânâpânasati: Une forme de méditation consistant à maintenirl'attention sur l'inspiration et l'expiration. Celle-ci la premièreméditation enseigné par le Bouddha.

Anatta: Non-âme, ou non-Soi.

Anicca: Impermanent.

Arahant: Un être qui est libre de toute entrave, souillure et impureté,et ayant atteint le Nirvâna dans la quatrième et dernière étape. Celuiqui est libéré de la renaissance.

Âtman: Âme, Soi ou Ego.

Atta sarana: Prendre soi-même comme son propre refuge.

Attadîpa: Prendre soi-même comme sa propre protection.

Avidya: L'ignorance ou l'illusion.

B

Bhava: Continuité. Devenir existence.

Bija Mantra: Racine d'un mantra.

Bhâvanâ: Méditation, culture mentale.

Bodhi: L'arbre sous lequel le Bouddha obtient l'Éveil. L'arbre de laSagesse, le Ficus Religiosa.

Bodhichitta: La grande compassion.

Bodhisattva: Petit bouddha. Être ayant atteint l'état de bouddha, maisrefusant de purifier les dernières empreintes karmiques afin dedemeurer sur Terre afin d'aider les autres.

Brahma: Être Suprême, créateur de l'Univers dans l'hindouisme.

Brahma-vihâra: Demeure Suprême. L'Amour Universel, la compas-sion, la joie sympathique et l'équanimité.

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Buddha: L'Éveillé.

C

Cetanâ: Volition mentale.

Chakra: Roue ou centre d'énergie psychique du corps, très importantdans les pratiques du Mahamudra. Symboliquement: disque tranchantles racines de l'existence illusoire, dont la trame est formé par la soifde vivre et par l'attachement à la vie. Seul quatre chakras sont utiliséesdans le bouddhisme, contrairement à sept dans l'hindouisme.

Chanda: Volonté.

Citta: Esprit.

D

Dâkini: Déité féminine du bouddhisme vajrayana, importante dans lespratiques tantriques tibétaines.

Dâna: Don, charité.

Deva: Un Dieux, une déité, un être céleste.

Dharma: Vérité, enseignement, doctrine, droiture, piété, moralité,justice, nature, toutes choses et tout état conditionné ou inconditionné.Dharma-chakra : (sanskrit) La roue de la Loi fait partie des huitsymboles de bon augure du bouddhisme, abondamment représentésdans l’iconographie. Elle symbolise l’enseignement du Bouddha.Dhyana: Recueillement ou l'état d'esprit obtenu par une méditation.Dhyani-buddha : Les cinq bouddhas de contemplation (Vairocana,Akshobhya, Ratnasambhava, Amitabha et Amoghasiddhi), créés parl'Adibuddha, le premier bouddha.Dzogchen: Pratique spirituelle tibétaine représentant le coeur del'enseignement de tous les bouddhas, axé principalement sur lapratique de la méditation sur l'Esprit.

H

Hinayâna: Enseignement traditionnel du "Petit véhicule" se référantaux anciennes écoles orthodoxes du bouddhisme.

K

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Kala : (mot sanskrit) Monstre léonin fréquemment représenté dansl'art de l'Indonésie et dans celui de la péninsule indochinoise, et quidans les Veda représente le temps destructeur, la destinée, la mort.

Kâma: Désir pour les plaisirs des sens.

Karma: Loi de cause à effet, par l'action volitionnelle.Kapala: Coupe rituelle taillée dans un crâne humain.Kartari: Couperet rituel

Karunâ: Compassion.

M

Magga: Sentier, Voie, chemin.

Mahâ-bhûta: Quatre grands éléments: solidité, fluidité, chaleur etmouvement.Mahâyâna: Enseignement du "Grand véhicule".Maitreya : Le Bouddha du futur (le Bienveillant) actuellement dieuau ciel Tushita jusqu'à son ultime renaissance humaine.Makara : Mot sanskrit désignant un monstre mythique qui empruntedes traits au crocodile, au dauphin et à l'éléphant et qui est souventreprésenté dans l'art de l'Inde en étant associé au kala.Mâla: Rosaire bouddhiste, principalement constitué de 108 billesfaites de noix ou de petits os.

Mâna: Orgueil.

Mantra: Utilisé dans une technique de méditation tibétaineconsistant à unir l'esprit au son d'un mantra signifiant "ce qui protègel'esprit de la négativité". Le mantra représente aussi l'essence du sonet l'expression de la vérité qu'il symbolise.Mandala: Le mandala est un plan de l'esprit ou sont représenté lesprocessus intérieurs et le centre du mandala représente l'intégrationtotale de la conscience humaine dans les cinq skandhas.Mahamudra: Signifiant Grand Sceau. Enseignement axéprincipalement sur les pratiques tantriques, et offrant l'opportunitéd'accéder à la bouddhéité en une seule vie.Manasikâra: Attention.Maya : Mot sanskrit désignant dans la pensée hindoue, notamment levedanta, l'apparence illusoire qui non seulement cache la Réalité, maisprovoque l'ignorance.

Mettâ: Amour Universel.

N

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Nirodha: Cessation de la "soif" de la souffrance.

Nirvâna: "Extinction". Réalité Ultime et Vérité Absolue.

Nissarana: "Sortie". Liberté ou libération.

Nivarana: Obstacle, empêchement.

Nada: Racine d'un mantra.

Nirmana kaya: Corps d'émanation d'un bouddha. Le dernier du Tri -kaya vers l'obtention de l'éveil.Nobles Vérités : les Quatre Nobles Vérités sur lesquelles reposent lescroyances bouddhiques : il s’agit de définir la souffrance, d’endéterminer la provenance, d’accepter que l’on puisse y mettre fin et decomprendre comment y parvenir.

P

Pancakkhanda: Les cinq agrégats, " matière, sensations, perception,activités mentales et conscience".Parinirvâna: "Souffler complètement". La mort finale d'un Arahantou d'un bouddha qui entre en Nirvâna.Prâna: Énergie vitale, mouvement et rythme qui pénètre toutl'univers. Force d'énergie subtile et active dans l'inspiration. Uncontact télépathique peut être établi par un transfert du prâna, et laguérison à distance repose aussi sur cette énergie transféré à l'autre.Panchen Lama: Plus haute autorité ecclésiastique dans lebouddhisme tibétain après celle du Dalaï Lama.Paramitas: Les six actions transcendantes du cœur de l'esprit éveillé,qui sont; la générosité, la conduite harmonieuse, l'endurance,l'enthousiasme, la concentration et la connaissance transcendantes.Patisotagâmi: Allant contre le courant.Pratyeka : On les nomme pratyeka-bouddha, ce qui veut dire "poursoi"; ils ont atteint l’Éveil seulement "pour eux-mêmes". Lespratyeka-buddha sont assez rarement évoqués dans la littératurebouddhique ancienne. Bien que Arhat et Bouddha, soit parvenus àl’Éveil par leurs propres efforts et sans avoir entendu d’enseignement,les pratyaka ne sont d’aucune "utilité" pour l’humanité parce qu’ilsn’enseignent pas. Cette impossibilité est due autant à leurs capacitésinsuffisantes qu’aux circonstances : ils sont devenus bouddha à uneépoque où les êtres étaient incapables de recevoir ou de comprendreleur enseignement.

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R

Ratanattaya: Le triple joyau, représentant le Bouddha, le Dharma(l'enseignement) et le Sangha (l'ordre des partiquants).Rishi : ermite, sage, saints auxquels auraient été révélés les hymnesvédiques et séjournant généralement dans l’Himalaya.Rûpa: Matière, forme.

Rinpoché: Précieux maître.

S

Sambhoga: Deuxième corps du Tri-kaya; corps de jouissance.

Sakadâgâmi: "Celui qui retourne une fois". Seconde étape dansl'atteinte du Nirvâna.Skandkas: Les cinq éléments constituant la personnalité humaine.Ces forces permettent à l'Ego de se maintenir et, par là, d'être unesource continuelle de souffrance et de désarroi.Samâdhi: Concentration atteinte par une haute méditation. Disciplinementale obtenu par une longue pratique.

Samsâra: Continuité de l'existence cyclique.

Samvara: Bonheur et félicité suprême acquit lorsque kundaliniatteint le chakra de la tête en suivant le canal central à partir de labase.

Samudaya: Apparition, origine de dukkha "la soif".

Sangha: Communauté bouddhiste.

Sati: Attention, prise de conscience.

Sotâpanna: "Entrant dans le courant", première étape dans lapratique spirituelle menant vers le Nirvâna.Stûpa: Construction en forme de tour dans laquelle les reliques duBouddha ou des êtres ayant atteint l'éveil sont conservé.

Sutra: Enseignement par des écrits traditionnels.

Sem: L'esprit ordinaire chez l'homme.

Shunyata: Vacuité.

T

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Tathâgata: "Celui qui à trouvé la vérité", synonyme du Bouddha etdes autres bodhisattvas. Tathâ: signifie la vérité; gata: venue, arrivé.

Tara: Boudda féminin représentant la mère de tous les bouddhas.

Thera-vâda: "École des Anciens", forme orthodoxe et originale dubouddhisme, acceptée et pratiquée principalement au Ceylan, enBirmanie, Thaïlande, Cambodge, Laos et Chittagong.Tripitaka: "Les trois corbeilles". Triple canon, les trois principalesdivisions canoniques de l'enseignement du Bouddha en Viraya, codede discipline, Sutta, discours, et Abhidharma, la doctrine supérieure.

Tantra: Textes et cultes constituant le fondement du tantrisme..

Tummo: Pratique du feu intérieur "la féroce", dans le Mahamudra.Cette pratique de méditation engendre la grande béatitude simultanée,et est pratiqué par la plupart des disciples du mantra secret.Tulku: Un méditant accompli qui meurt, va dans l'état intermédiaireet renaît consciemment sans jamais interrompre sa pratique.Tertöns: Enseignements sacrés provenant d'un bouddha et caché pourles futures générations afin de garder sa pureté d'origine.

U

Upanishad: Textes sacrés hindous, remontant à 700 ans avant J.-C etvisant à libérer l'homme du cycle des renaissances.

V

Vacuité: Doctrine du Vide, dévoilé enseigné principalement par legrand maître Indien Nagarjuna (1er siècle ap. J.-C)Vajra : foudre, diamant; l’une des formes du bouddhisme tantrisme(véhicule de diamant, progression par la foudre).Vasana : Un vasana est un faisceau ou agrégat de samskaras decaractère similaire. Ces samskaras sont les imprégnations que lesdésirs antérieurs (y compris dans des incarnations précédentes) ontlaissé dans le mental, et qui agissent comme des réminiscencesinconscientes des pulsions innées. Au plan pratique, il est assez ardude distinguer entre vasanas et samskaras, ils se chevauchent ets'interpénètrent constamment ! Un vasana constitué donne un trait decaractère qui modèle inconsciemment les désirs et les habitudes,fournit les motivations et structure les tendances du comportementspontané.Véda: Livres sacrés hindous écrit à partir de 1800 av. J.-C et révélépar Brahma. Ce sont des recueils de prières, d'hymnes et de formulesse rapportant à l'entretien du feu sacré.

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Védique: Langue des Véda qui est une forme archaïque du sanscrit.

Vipassanâ: Vision intérieure analytique.

Vue: La Vue juste est une perspective complète de la nature del'esprit et de la réalité.

Viriya: Énergie.

W

Wanpones: Offrande constitué d'un lacet de perles colorés, scellantune entente lors de la signature d'un traité entre blanc et indien.