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Revue de la qualité de vie au travail N° 318 MARS/AVRIL 2008 Bimestriel du réseau Anact pour l’amélioration des conditions de travail CHANGEMENT Travail & CHANGEMENT Agir sur le stress et les risques psychosociaux • réguler les tensions • définir des indicateurs • position des partenaires sociaux ARGUMENTS (P. 5-10) Jean-Denis Combrexelle, DGT Points de vue des 8 organisations syndicales : CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGPME, CGT, FO, MEDEF, UPA. Jean-François Chanlat, Paris-Dauphine, Christine Cohidon, INVS. CÔTÉ ENTREPRISES (P. 11 À 16) Collectivité territoriale Des mots pour guérir le mal-être Médico-social Face à la violence : encourager l’échange Habitat Managers formés, gardiens d’immeubles valorisés Industrie La culture d’entreprise au rouleau compresseur Services Prévention en eau trouble Médecine du travail Se former pour mieux alerter

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Revue de la qualité de vie au travailN° 318 MARS/AVRIL 2008

Bimestriel du réseau Anact pour l’amélioration des conditions de travail

CHANGEMENTTravail

&CHANGEMENTAgir sur le stress et les risques psychosociaux

• réguler les tensions• définir des indicateurs• position des partenaires sociaux

ARGUMENTS (P. 5-10)

Jean-Denis Combrexelle, DGTPoints de vue des 8 organisations syndicales :CFDT, CFE-CGC, CFTC,CGPME, CGT, FO, MEDEF, UPA.Jean-François Chanlat, Paris-Dauphine, Christine Cohidon, INVS.

CÔTÉ ENTREPRISES (P. 11 À 16)

Collectivité territorialeDes mots pour guérir le mal-êtreMédico-socialFace à la violence : encourager l’échangeHabitatManagers formés, gardiens d’immeubles valorisésIndustrieLa culture d’entreprise au rouleau compresseurServicesPrévention en eau troubleMédecine du travailSe former pour mieux alerter

TRAVAIL ET CHANGEMENT N°318 mars/avril 2008 ENJEUX

page 2

Il existe une approche différente :prendre en compte le stress, et plus lar-gement les risques psychosociaux (voirencadré ci-dessous), comme le résultatde tensions non régulées ou insuffi-samment régulées par l’organisationdu travail et le système de relationssociales. En s’appuyant sur la réalitédu travail, sur les difficultés concrètesrencontrées par les salariés dans leurquotidien professionnel, l’entreprise

peut progresser sur le terrain de laprévention. Cetteapproche permetainsi d’analyser les

causes de ces tensions excessives etde favoriser des régulations indivi-duelles et collectives.

> Des tensions excessives La montée du malaise au travail, quis’exprime souvent par du stress, n’estpas une affaire de mode. C’est uneréalité qui correspond à une trans-formation profonde du travail et deson environnement. On voit en effetapparaître une contradiction entre les besoins de l’entreprise dont les

R arement un thème desanté au travail n’auraautant été à la une. À laune de l’actualité sociale,

comme sujet majeur de la conférencenationale sur les conditions de tra-vail de 2007 et comme sujet de négo-ciation pour les partenaires sociaux(voir encadré p. 3). À la une de la vieculturelle, avec de multiples articlesde presse, films, mettant plutôt en

évidence la souffrance et la dégra-dation des rapports humains dans letravail. Les ouvrages, conseils, stagespour gérer son stress, se relaxer, res-ter zen sont florilège. Mais ils ne pro-posent souvent qu’une solution : lagestion du problème par les seulsindividus pour mieux s’adapter auxsituations stressantes. Pourtant, c’estbien dans le travail, et en prioritédans son organisation, que cesrisques trouvent leur source : sur-charge de travail, manque de recon-naissance, relations tendues, soutiende l’encadrement insuffisant…

Par Philippe Douillet (départementsanté et travail de l’Anact) etIsabelle Mary-Cheray (Aract Centre)

Coordinateur de ce dossier : Philippe Douillet

Menaces pour les salariés et les organisations, le stress et les risques psychosociaux deviennent une

préoccupation majeure de tous les acteurs d’entreprise. Comment prévenir ces phénomènes

complexes ? Le réseau Anact propose de dépasser la seule prise en charge individuelle au profit d’une

approche s’appuyant sur l’organisation du travail. À la clé : la réduction et la régulation des tensions.

La source des risques : surcharge de travail, manque de

reconnaissance, soutien de l’encadrement insuffisant…

Si le terme « stress » est le plus souventemployé, personne n’en a la mêmedéfinition. Il est ambigu car il évoqueautant un état physiologique etpsychologique que ses causes (agentstressant) ou ses effets (impacts sur la santé). De plus, le stress n’est pas la seule forme possible d’un mal-être au travail : les violences verbales etphysiques, les types de harcèlement,

les conduites addictives, la souffrance au travail en font également partie.La notion de risques psychosociaux prenden compte toutes ces situations et les aborde dans le cadre de l’évaluationdes risques professionnels. Elle précisesurtout que la santé psychique ne peut se construire sans prendre en compte la dimension sociale du travail et des relations qui s’y nouent.

POURQUOI PARLER DE RISQUES PSYCHOSOCIAUXET PAS SEULEMENT DE STRESS ?

Agir sur le stress et les risque

page 3

Des clients très exigeants, des objectifs trop nombreux,

une équipe pas très aidante, une organisation qui change tout le temps, sans compter deux heuresde transport quotidien et desdifficultés familiales… Attention, tropde tensions, ça risque de craquer !Stress et risques psychosociauxpeuvent trouver leur origine dans le travail qui, comme toute activité

humaine, est source de tensions.Comment agir avant que ces tensionsne deviennent trop fortes ? Avantqu’elles ne portent préjudice à lasanté de salariés et à la performancede l’entreprise ? L’actualitédramatique de 2007 – avec lamédiatisation de suicides sur le lieude travail – impose aux entreprisesde s’emparer de la question, sans idéologie, sans caricature ni du management, ni des salariés :réguler les tensions, c’est d’abord «lire» l’organisation et ses contraintes de marché, de fonctionnement, de management,d’attentes individuelles, etc.Les partenaires sociaux ont biencompris la complexité du sujet endécidant de l’aborder ouvertement :un premier accord sur le stress a été signé en 2004 au niveau européen et une négociation débute en France.Point fort de la conférence nationaled’octobre 2007, prévenir le stress et les risques psychosociaux est une priorité pour l’amélioration des conditions de travail.

«S’emparer de la questionsans idéologie, sans caricature,

ni du management, ni des salariés.»

exigences s’accroissent en quantitéet en qualité et ceux des individus en demande de reconnaissance, d’autonomie… alors même que lesmodalités de régulation collective s’af-faiblissent et que l’entreprise connaîtdes changements permanents à dif-férents niveaux. Ce nouveau contexterévèle des tensions de plus en plussouvent prises en charge directementet individuellement par les personnes.Le sentiment de «mal faire son travail»,de ne plus parvenir à un « travail dequalité », progresse.

> Favoriser les régulationsÀ leur paroxysme, ces tensions engendrent des troubles psychoso-ciaux produisant pour l’entrepriseabsentéisme, turn-over, conflits, baissede production, de qualité, tensionsentre salariés ou avec les clients…Pour prévenir les risques psychoso-ciaux, il paraît tout d’abord essentiel demettre au jour les exigences contra-dictoires devenues excessives, por-

teuses de situations stressantes. Le réseau Anact a ainsi caractériséquatre grandes familles de tensionsrecouvrant la plupart des contextes.La première rassemble les tensionsliées aux contraintes du travail, laseconde aux valeurs et exigences dusalarié, la troisième aux changementsdes contextes de travail, quant à laquatrième aux relations et comporte-ments des individus (voir schéma p.4).Partir de situations concrètes de travailoù les tensions sont reconnues commepathogènes aide alors l’entreprise àcomprendre les contradictions et ledysfonctionnement des régulationsantérieures. En fonction des contextes,seules certaines tensions apparaîtrontou au contraire, devront être appré-hendées de manière globale. Parexemple, des cas de surcharge de tra-vail devenus permanents et généraux,où l’entraide n’est plus possible : lessalariés perdent alors le sens du tra-vail et les raisons de leur implication etdes conflits entre collègues devien-nent fréquents. Autre exemple : desperturbations liées à des changements

Jean-Baptiste Obéniche,directeur général de l’Anact

ÉDITORIAL

Le 8 octobre 2004, les partenaires sociaux européensont signé un accord sur le stress qui :> reconnaît l’importance du problème et de l’enjeu de prévention ;> affirme que le stress n’est pas une maladie mais fait le lien

avec la santé en cas d’exposition prolongée ;> définit des signes relevant du collectif (absentéisme, turn-over…) ;> distingue stress au travail et stress d’origine non professionnelle ;> décrit de façon détaillée les facteurs de stress qui renvoient à

l’organisation du travail : contenu et processus, environnement,problèmes de communication... ;

> souligne l’importance de la dimension collective tout en insistantsur le ressenti individuel ;

> établit le lien avec l’évaluation des risques professionnels.

En France, la conférence nationale sur les conditions de travail de l’automne 2007 a fortement abordé la question des risquespsychosociaux. Elle a relancé la négociation pour que soit transposél’accord européen sur le stress. En 2007, les partenaires sociauxeuropéens ont également signé un accord sur le harcèlement et la violence au travail.

ues psychosociauxSTRESS : DE L’ACCORD EUROPÉEN À LA NÉGOCIATION NATIONALE

TRAVAIL ET CHANGEMENT N°318 mars/avril 2008 ENJEUX

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récurrents d’organisation boulever-sent les collectifs de travail et laconstruction de perspectives profes-sionnelles. Ou encore, des problèmesde répartition de la charge et de rela-tions dégradées liés à des organisationstrop simplifiées provoquent un éloi-gnement de l’encadrement qui ne peutplus réguler les situations de travail. Les actions de prévention porterontdonc sur la réduction des tensions,mais également sur les capacités derégulation individuelle et collective.Concrètement, dans une situation de sur-charge de travail, on cherchera unemeilleure adéquation entre les moyenset les objectifs pour réduire la demandephysique, cognitive et psychologique. Oncherchera également à développer desmoyens humains, techniques ou orga-nisationnels pour tenir les objectifs :amélioration des compétences et dela formation, meilleure possibilité decoopérer, de reconnaître le travail, deconstruire du sens… En travaillant surces familles de tensions, les actionsde prévention pourront aboutir, tou-chant à divers domaines : conditionsmatérielles d’exercice du travail (parexemple, amélioration des conditionsd’accueil à un guichet…), répartition

Sur le long terme, développer unedémarche de « veille » active, en rela-tion avec les évolutions de l’entre-prise, demeure un moyen de sortir desolutions provisoires. En prenant encompte des « signaux faibles » demalaise, par exemple, des incidentsavec les clients ou entre salariés, destableaux de bord, des indicateurs cor-respondant au mieux aux réalités del’entreprise peuvent être trouvés (voirpage 17).

La prévention des risques psychosociauxest donc une réelle opportunité dedialogue dans l’entreprise, avec lessalariés, leurs représentants, l’enca-drement, les préventeurs et tous ceuxqui ont à agir pour favoriser l’implicationdes salariés. Car, au bout du compte,le souhait de la plupart d’entre eux, c’estde « pouvoir bien faire leur travail ».Avec la montée des risques psycho-sociaux, il apparaît plus nettementque c’est aussi une condition de leurbonne santé… ■

des tâches et des fonctions, formationet parcours professionnel, soutien àl’encadrement pour exercer ses mis-sions, communication…

> De l’analyse à l’action

Souvent, avec l’appui des services desanté au travail, des entreprises réagis-sent et engagent des démarches col-lectives. Elles le font pour des raisonsdifférentes et dans des circonstances

variées. Ce peut être, en urgence etsur un mode curatif, ou plus en amont,traitant du sujet « à froid », par exemple,lors de l’évaluation des risques. Si lecadre légal et jurisprudentiel de laresponsabilité de l’entreprise est unappui de plus en plus important pouragir, c’est tout de même souvent lesouci de maintenir des collectifs detravail cohérents, des relations de tra-vail apaisées et une intention d’effi-cacité qui motivent ces actions deprévention.

On cherchera aussi une meilleure adéquation entre

les moyens et les objectifs pour réduire la demande

physique, cognitive et psychologique.

Les quatre familles de tensions

les résultatsproduits par ces tensions

tensionsdu côté des

valeurset exigences

du salariég

tensions du côté des

changementsdu travail

tensions du côté des contraintes

du travailtensions du côté

des relations,des comportements

Activité de travail

pour la personne :santé, satisfaction,

employabilité

pour l’entreprise :Production, absentéisme, climat social

Source : Prévenir le stress et les risques psychosociaux au travail, réf : page 19

TRAVAIL ET CHANGEMENT N°318 mars/avril 2008 ARGUMENTS

PPourquoi le stress et les risques psychosociaux ont-ils été des thèmesmajeurs de la conférence nationalesur les conditions de travail ?Nous considérons que la diversité desquestions liées à la santé au travail estun enjeu à la fois pour les salariés et pourl’efficacité des entreprises. Le stress, danssa dimension anormale, les troubles mus-culosquelettiques et les cancers profes-sionnels ont été parmi les sujets de santéau travail portés par la conférence natio-nale. Concernant le stress et les risques psy-chosociaux, de nombreuses entreprisesprennent des mesures, conscientes de lacomplexité du sujet. Il y a souvent unmélange de causes professionnelles etpersonnelles qui rend le sujet difficile àaborder. Il était légitime et normal queces questions, portées notamment depuisquelques années par le réseau Anact,soient posées aux partenaires sociauxdans le cadre de cette conférence.

Quelles sont les principales conclusionsde la conférence sur ces thèmes ?Première orientation : s’appuyer sur desindicateurs qui permettent d’objectiver l’in-tensité du stress, à la fois son existence etéventuellement son caractère anormal, etsortir des appréciations subjectives. Car ily a une méconnaissance du sujet et unmanque d’indicateurs. Le stress peut êtrelié à une mauvaise organisation du travail,à des relations difficiles entre un salariéet un public de plus en plus exigeant… Les

causes sont multiples et les manifestationstrès diverses. Une mission confiée à deuxexperts, en association avec l’Anact et l’INRS,va proposer une batterie d’indicateurs pourune véritable politique de prévention auniveau national, notamment des branches,et au niveau des entreprises. L’idée estd’obtenir des outils concrets et opération-nels. Une seconde proposition : engager lanégociation entre les partenaires sociaux pourdécliner l’accord européen de 2004 sur lestress. L’accord reste général et le but estde l’adapter à la situation française avec, dansun premier temps, une négociation au niveauinterprofessionnel puis, dans un secondtemps, une déclinaison dans les brancheset les entreprises. Là encore, il faut sortirdu catalogue des bonnes intentions pourmodifier de façon effective la qualité desrelations du travail.

Comment se traduiront concrètementdans les entreprises ces pistes detravail ?Beaucoup d’entreprises n’ont pas attenduqu’il y ait un accord pour prendre des dis-positions. Celles qui ont compris que les phé-nomènes de stress anormal altèrent nonseulement la santé de leurs salariés maisaussi leur compétitivité ont déjà mis en

place des mesures, plus particulièrementcertaines grandes entreprises. Le but estmaintenant d’inciter et d’appuyer les autres,pour les aider à acquérir une bonne connais-sance du phénomène, à associer les par-tenaires sociaux, comité d’entreprise etCHSCT, à la constitution de plan d’actionset d’indicateurs pour mesurer l’efficacité desmesures prises. L’un des enjeux majeurs :porter ces questions dans les moyenneset les petites entreprises et les outiller.Par ailleurs, la formation du managementet des cadres intermédiaires est essen-tielle en la matière.

Quelles suites attendez-vous ?La négociation interprofessionnelle vaconstituer un cadre d’appui extrêmementimportant. Le ministre a souhaité que laconférence sur les conditions de travailpuisse faire le point au cours du premiertrimestre 2008 sur la mise en œuvre desactions. Enfin, il me semble que la démons-tration de liens entre différentes pathologiesest à renforcer. Montrer par exemple,comme l’a fait le réseau Anact, qu’unemauvaise organisation du travail peutgénérer un stress anormal et des troublesmusculosquelettiques est très pertinentpour monter un plan de prévention adapté.

Stress : un enjeu pour l’amélioration des conditions de travailLa conférence nationale sur les conditions de travail d’octobre 2007 a mis en avant la nécessitéde prévenir le stress et les risques psychosociaux, thèmes fortement portés pour la premièrefois par l’État. Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail, fait le point sur les conclusions de la conférence et l’actualité sociale du sujet.

Les invités du réseau Anact Propos recueillis par Béatrice Sarazin (rédactrice en chef).

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JEAN-DENISCOMBREXELLE, directeur général du travail.

TRAVAIL ET CHANGEMENT N°318 mars/avril 2008 ARGUMENTS

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Sur quels fondements la négociation sur le stress, dont l’objectif est a minima une transpositionde l’accord européen de 2004, peut-elle s’appuyer ? Toutes les organisations syndicales tendentvers une vision partagée, objective et mesurable du phénomène. Elles en livrent ici leur approche.

CComment votre organisation réagit-elle à l’ouverture de négociations surle stress et quels enjeux y voyez-vous ?Nous y sommes bien sûr favorables etsouhaitons que ces négociations aillentbien au-delà de la simple transpositiondu texte de l’accord européen. Ce sera lapremière fois en France que les parte-naires sociaux aborderont au fond le stressau travail. Pour le moment, nous obser-vons une position de déni de la part desorganisations patronales. Elles ne contes-tent pas qu’il y ait des salariés stressésmais elles refusent d’admettre que l’or-ganisation du travail puisse engendrerde la souffrance, voire une atteinte à lasanté. L’ouverture de cette négociationdevrait, nous l’espérons, faire évoluer lesesprits vers la reconnaissance de l’exis-tence d’organisations de travail patho-gènes. Nous devons sortir d’une gestionindividuelle du stress et venir à une réflexion sur les organisations du travail.Pour nous, ce sera le cœur du débat.

Quelles actions concrètes votre organisation mène-t-elle sur le sujet ? Les salariés ont de moins en moins leurmot à dire sur l’organisation de leur tra-vail. Ce constat, nous l’avons fait lors dela formation-action que nous avons menéesur l’intensification du travail : des équipesCFDT sont allées auprès des salariéspour observer leur travail et les écouter.Lorsque l’on rend aux salariés leur capa-cité d’expression et leur pouvoir d’agir,on parvient à dénouer certaines crispa-tions et à faire émerger des solutionsconcrètes. Ce que nous voulons négo-cier : l’ouverture d’espaces permettantune réelle expression des salariés sur leur travail.

l’entreprise : l’organisation du travail etles relations employeur – salarié ne sontpas les mêmes au sein de petites entre-prises et de grandes entreprises. Cela doitêtre pris en compte. Deuxièmement, nousdevons prioritairement concentrer nosefforts dans l’objectif d’une plus forte sen-sibilisation et prévention de ces risqueset de leurs conséquences. Troisièmement,il est un préalable nécessaire : admettreque les troubles psychosociaux peuventêtre la résultante de nombreux facteursexternes à l’entreprise.

Quels enjeux y voyez-vous ? Il faudra veiller à ne pas créer d’amal-games simplistes qui aboutiraient, à terme,à faire peser sur l’ensemble des employeursla responsabilité de nombreuses situa-tions qu’ils ne font eux-mêmes que subiret dont ils ne contrôlent aucun paramètre.Le stress et les risques psychosociauxont des causes multiples. Il peut y avoirdes facteurs externes, extra profession-nels (difficultés financières, familiales…),fragilisant les personnes. Le travail n’estalors que le révélateur de difficultés pluspersonnelles. Il peut également existerdes facteurs environnementaux exposantles salariés à des actes d’incivilité, de vio-lence verbale émanant de personnesétrangères à l’entreprise, par exempledans le cadre d’interventions dans desquartiers difficiles. Les chefs d’entreprisey sont d’ailleurs également exposés.

Quels besoins vos adhérents vous renvoient-ils ?Il convient de ne pas aboutir à un dispo-sitif faisant peser sur les employeurs uneprésomption générale de mauvaises intentions concernant la santé de leurssalariés par une certaine forme de « diabolisation » de l’entreprise, qui necorrespond absolument pas aux entre-prises artisanales, très attachées à leurpersonnel. On ne saurait nier certainessituations particulières qui doivent nousamener à nous entendre sur les moyensde prévenir ces risques.

Quels besoins vos adhérents vous renvoient-ils ?Le point négatif : nous sommes inter-pellés bien trop tard, au moment où sur-vient la catastrophe, le suicide de plus enplus fréquemment. Nous devons parve-nir à aborder ces situations autrementqu’« à chaud », en amont. C’est une despropositions que nous avons faites lorsde la conférence nationale sur les condi-tions de travail : l’instauration d’un droitd’alerte qui contraigne l’employeur à agirsur l’organisation du travail lorsque appa-raissent les premiers signes de dégra-dation d’une situation. Enfin, l’approcheindividuelle de type gestion du stress nepeut aboutir à une quelconque préven-tion. Il faut au contraire que les employeursréorientent leurs stratégies d’entreprisevers la prise en compte de l’améliorationdes conditions de travail. Ce n’est que decette façon que nous pourrons trouverdes terrains d’entente pour signer desaccords sur le stress au travail, en ouvrantle débat entre partenaires sociaux sur letravail et son organisation.

page 6

HENRI FOREST, secrétaire confédéral de la CFDT(Confédération française démocratique du travail).

DANY BOURDEAUX, présidente de la commission sociale de l’UPA (Union professionnelle artisanale).

CComment votre organisation réagit-elle à l’ouverture d’une négociation sur le stress professionnel ?Les partenaires sociaux doivent transpo-ser l’accord-cadre européen sur le stressau travail. C’est la raison pour laquelle, àce stade des discussions, il convient defaire preuve de la plus grande prudence.En effet, les troubles psychosociaux sontde nature complexe. Cela doit conduirechacun des acteurs à rester mesuré. À ceteffet, pour nous, trois paramètres doiventêtre intégrés. Premièrement, la taille de

Le point de vue des partenaires sociaux Propos recueillis par Béatrice Sarazin.

Les organisations syndicales veule

C

CComment votre organisation réagit-elleà l'ouverture de négociations sur le stresset quels enjeux y voyez-vous ?Nous sommes déjà signataires de cet accordau niveau européen et interpellons le patro-nat pour lancer cette négociation depuis2004. Nous sommes donc satisfaits, d’au-tant que le ministre du Travail est aussidemandeur. C’est aussi la première fois quel’État porte la question de cette façon. Auminimum, il y aura transposition de l’accordeuropéen de 2004, mais nous espérons allerplus loin. Parvenir à se mettre autour d’unetable sur le sujet des risques psychosociauxest une avancée. Tout comme la reconnais-sance que le travail peut être une source dedégradation de la santé mentale. Mainte-

Comment votre organisation réagit-elleà l'ouverture de négociations sur le stresset quels enjeux y voyez-vous ?La négociation sur le stress est victime dupiétinement de celle sur la pénibilité. Voilàquatre ans que l’accord européen est signé,il est donc temps qu’elle ait lieu. Les enjeuxsont multiples. Le stress doit être reconnucomme un problème collectif lié au contextede l’organisation, du contenu et de l’envi-ronnement du travail. Il faut sortir de l’idéepréconçue que ce phénomène appartientà la seule sphère individuelle de chaquesalarié. Des solutions collectives doiventêtre trouvées. Une fois cette reconnaissance« collective » faite, nous devrons imaginerdes actions d’identification, de prévention

page 7

et de gestion du stress. Et, surtout, convaincreles employeurs d’aborder très concrète-ment le problème pour apprendre à le détecter, en sensibilisant l’ensemble de la hiérarchie. Si ce travail-là n’est pas réalisé, de nouvelles tragédies auront lieu.

Quelles actions concrètes votre organisation mène-t-elle sur le sujet ? Cela fait de nombreuses années que nousdénonçons les situations de stress, danstous les secteurs. Car elles ne sont pasexclusives de tel ou tel milieu profession-nel mais relèvent plutôt de modes de mana-gement. Mener des actions concrètes auquotidien est très difficile pour les délé-gués. Quand un salarié appelle au secours,il est déjà tard. Une difficulté supplémen-taire du traitement du stress vient de l’im-brication fréquente avec le harcèlement,son corollaire. C’est bien entendu au tra-vers des institutions représentatives dupersonnel tels le CHSCT, le CE ou les DPque se développe l’action des délégués.C’est pour renforcer cette action que lanégociation interprofessionnelle doit avoir

Nous chercherons aussi d’autres parte-naires de confiance, pour construire aveceux des indicateurs nous permettant defaire reconnaître une situation de stress.

Quels besoins vos adhérents vous renvoient-ils ? Ils manifestent surtout le désir de parleren confiance, de mettre en lumière ce quin’a pas fonctionné, quitte à avoir le couragede revenir sur des modes d’organisationqui ne fonctionnent pas et sont pathogènes.Pour l’heure, ils considèrent que leur paroleest niée et délaissée. Je vois beaucoup d’adhérents venant des secteurs de la santé,de la métallurgie, de la chimie… Tous expri-

ment cette mêmes o u f f r a n ce , ceretour au « travailleet tais-toi », alors

que chacun aspire à « bien travailler ».Devant une telle manifestation de détresse,il faut un renversement car, dans leurrecherche de l’efficacité économique, cer-tains employeurs ont oublié l’humain. Personne n’a le droit de mettre en dangerles salariés. Nous, organisations syndicales,et vous, institutions, n’avons pas le droit denous taire.

impérativement lieu, ce qui permettraensuite au syndicat de se l’approprier dansl’entreprise pour discuter sa mise en œuvre.

Quels besoins vos adhérents vous renvoient-ils ? Ils sont à la hauteur des enjeux. Les déléguéssur le terrain sont démunis, car souventconfrontés à des hiérarchies intermédiairesprofessionnellement compétentes mais quine savent pas gérer des relations humainesdifficiles, compte tenu de la pression du ren-dement et de la performance.

Les cas les plus complexes remontent auniveau des structures de l’organisation. Dansune grande entreprise, ce sont plusieursstrates de hiérarchie qui vivent sous pres-sion et il faut pouvoir faire des états des lieuxavant d’agir. La négociation doit permettrede développer des outils sérieux de préven-tion et de résolutions des problèmes pouréviter tout contentieux, et surtout les drames.

JEAN-MARC BILQUEZ, secrétaire confédéral de FO (Force ouvrière).

JEAN-FRANÇOIS NATON, conseiller confédéral, représentantde la CGT (Confédération généraledes travailleurs) à la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la Cnam.

lent agir en commun

Quand un salarié appelle

au secours, il est déjà tard.

nant, nous devrons aller vite à l’essentiel.Tout va dépendre de l’état d’esprit et de laresponsabilité des organisations patronales.L’enjeu le plus important : s’attaquer à ladimension collective du problème pour neplus s’en tenir à une posture individuellepointant la faiblesse d’une telle ou d’un tel.

Quelles actions concrètes votre organisation mène-t-elle sur le sujet ? Il y a avant tout une prise de consciencetrès forte, un électrochoc général après lamédiatisation des suicides, beaucoup desollicitations pour parler de ces sujets. Il existe une réalité enfin mise en débat etque nous dénonçons depuis longtemps :

la souffrance au travail existe dans notrepays. Elle a des incidences humaines etéconomiques dans les entreprises et meten danger notre société. Nous allons avoirbesoin de faire des formations, d’être épau-lés, accompagnés, et un partenaire commele réseau Anact sera pertinent pour nousaider dans la compréhension et l’analysedes problèmes de risques psychosociaux.

Il existe une réalité enfin mise en débat :

la souffrance au travail existe dans notre pays.

TRAVAIL ET CHANGEMENT N°318 mars/avril 2008 ARGUMENTS

page 8

C

cité au travail et parfois causer des pro-blèmes de santé. C’est bien là le cadre denos réflexions.

Quels enjeux y voyez-vous ?Les objectifs de l’accord européen sont clairement définis : le premier est dedévelopper la prise de conscience et la compréhension par les employeurs, les travailleurs et leurs représentants de la question du stress au travail et d’attirerleur attention sur les signes pouvant indiquer sa survenue.Le deuxième objectif est de fournir uncadre aux employeurs et aux salariés

pour identifier et prévenir les problèmesde stress au travail, malgré la complexitéde ce phénomène, le stress pouvant êtred’origine extérieure au travail.Enfin, l’accord précise que la préventioncomporte de multiples facettes et peutimpliquer une analyse d’éléments diverstels que l’organisation du travail maisaussi les conditions et l’environnement

Comment votre organisation réagit-elleà l’ouverture de négociations sur lestress et quels enjeux y voyez-vous ?Le Medef a participé activement aux tra-vaux ayant abouti à l’accord européen du8 octobre 2004 sur la prévention du stresssur les lieux du travail. Cet accord constateclairement que le stress professionnel estreconnu au niveau international, européenet national comme une préoccupation pourles employeurs et les travailleurs. Il doitêtre aujourd’hui transposé en France parles partenaires sociaux, et nous y sommesfavorables. Les discussions sont actuel-lement en cours.L’accord européen définit bien le cadre desréflexions en précisant que le stress n’estpas une maladie mais qu’une expositionprolongée au stress peut réduire l’effica-

de travail, la communication et les rela-tions interpersonnelles, ainsi que le vécusubjectif des salariés.

Quels besoins vos adhérents vous renvoient-ils ?Les entreprises qui ont mis en place desévaluations de ce risque ou des politiquesde prévention sont nombreuses : il esterroné de dire que la France est en retard,qu’elle ne fait rien en ce domaine et secontente de nier cette question.Comme dans l’ensemble des autres paysindustrialisés, ce sont les PME qu’il fautaider en priorité: les moyens d’information

et de formation sur le stress autravail ainsi que les offres deprévention disponibles sont maladaptés aux contraintes et aux

besoins de ces entreprises. Par ailleurs,des initiatives émergent pour concilier lavie privée et la vie professionnelle etconcourent ainsi à prévenir ce risque pourles salariés concernés. Il n’existe pasd’outil « référent » pour l’information desentreprises sur ce type de risque permettantde sensibiliser les acteurs de l’entrepriseà une meilleure prévention.

CComment votre organisation réagit-elleà l’ouverture de négociations sur le stresset quels enjeux y voyez-vous ?Notre organisation réclame depuis long-temps la prise en compte des conditions detravail d’ordre psychique et cognitif aumême titre que les autres. Nous y voyonsle résultat, tardif, de notre action. Nousnous impatientons devant la pression de lasouffrance de nos salariés, alors que celafait plus de trois ans que l’accord euro-péen sur le stress a été signé et que 20 payssur 27 l’ont déjà transposé. Les enjeuxque nous y voyons : ceux d’une dynamisa-tion de la prévention. La reconnaissance despathologies liées au stress comme mala-dies professionnelles aura des retombéesfinancières sur les entreprises. Celles-ciseront incitées à être plus vigilantes sur lesconditions de travail.

Quelles actions concrètes votreorganisation mène-t-elle sur le sujet ? Un groupe de travail, dans le cadre de l’ob-servatoire du stress initié par le DrBernardSalengro, formé de différents profession-

nels (médecins du travail, intervenants enconditions de travail, psychologues, ergo-nomes, assistantes sociales et psychiatres),constate la montée de cette préoccupa-tion. Elle est largement confirmée par les

résultats réguliers du baromètre du stressque la CFE-CGC suit depuis quelquesannées tous les six mois avec Opinion Way.Les demandes d’appui, de renseignementsou de formation sur le sujet augmententaussi. Il nous faut maintenant aller plus loinet explorer les termes et les facteurs quiles sous-tendent (stress, pression, contrainte,astreinte…).

Quels besoins vos adhérents vous renvoient-ils ?Témoignages spontanés, analyses desmédecins du travail dans leurs pratiques,comptes rendus des appels téléphoniquesde la ligne d'appel Psya, résultats du baro-mètre… Toutes ces sources montrent que,parmi les grands facteurs de stress, lacharge de travail excessive (qui a tendanceà s’accroître) est le plus important. Situationd'autant plus mal vécue qu’elle s’associe àla perte de sens et d’autonomie, au manquede reconnaissance. Le contexte du travail

est également très influent, puisquesont citées très fréquemment différentes contraintes (éthique,émotionnelle, relationnelle). Les

situations de concurrence interne, de har-cèlement moral et de rudoiement publicsont très présentes. Mais, en matière de pré-vention, il n’existe pas de recette toutefaite. Cela doit être réfléchi et débattu avectous les acteurs (personnel, direction etencadrement) pour préférer l’approchecollective et organisationnelle à l’approcheindividuelle.

FRANÇOIS PELLET, conseiller médical du MEDEF(Mouvement des entreprises de France).

HENRI KIRSTETTER, président de l’union régionale CFE-CGC (Confédération française de l’encadrement CGC) d’Alsace.

Une exposition prolongée au stress

peut réduire l'efficacité au travail.

En matière de prévention,

il n’existe pas de recette toute faite.

C

page 9

CComment votre organisation syndicaleréagit-elle à l’ouverture d’une négocia-tion sur le stress professionnel ? En 2004, la CGPME a pris une part activeà la négociation européenne au sein del’UEAPME et a approuvé la signature dece premier texte sur le stress. Nous abor-dons donc la prochaine négociation demanière très ouverte puisque nous avonsplaidé en faveur d’une transcription del’accord européen dans les textes légauxet réglementaires français. L’accordeuropéen a l’avantage de bien définir cequ’est le stress. Et il ouvre des pistes à

JEAN-FRANÇOIS VEYSSET, vice-président en charge des affairessociales de la CGPME (confédérationgénérale des petites et moyennes entreprises).

Quels besoins vos adhérents vous renvoient-ils ? Ils ont besoin d’un cadre juridique surlequel s’appuyer pour peser dans le rap-port de force avec l’employeur. Le sujetest très délicat dans la façon de l’abor-der : autant un accident de travail estvisible et permet d’agir, autant le stressest difficile à démasquer. Le CHSCT etle médecin du travail n’ont, pour l’heure,pas les moyens de le faire. Nos membresde CHSCT doivent également être mieuxformés pour parvenir à analyser plus enprofondeur les difficultés des postes detravail, prendre en compte la dimensionorganisationnelle et collective du stress.Nos cadres, en particulier, disent qu’ilssont devenus une catégorie de salariésà part, rejetés par les directions, dont

ils ne sont plus lesconfidents, et parles salariés sur les-quels ils sont obli-

gés de mettre la pression qu’eux-mêmessubissent. Leur souffrance est réelle etelle est devenue difficile à contenir.

Comment votre organisation réagit-elleà l'ouverture de négociations sur le stresset quels enjeux y voyez-vous ?C’est un minimum. Nous accusons unretard de plusieurs mois par rapport à lanégociation de l’accord européen d’oc-tobre 2004 qui prévoyait une transposi-tion dans les pays signataires les troisannées suivantes. Nous y sommes évi-demment très favorables et satisfaits

qu’elle ne soit pas noyée dans la négo-ciation sur la pénibilité, ce que nous avonsdemandé. Le sujet nécessite une négo-ciation à part entière qui doit apporter unsocle minimal permettant à nos militantsde l’adapter et le renégocier dans lesentreprises. La question de la mesurereste entière et le travail sur les indica-teurs est primordial. Car il est particu-lièrement difficile de faire la part deschoses entre le stress professionnel etcelui dû à l’évolution de la société. Oùcommence le stress au travail quand, parexemple, vous passez deux heures dansles transports pour vous y rendre ?

Quelles actions concrètes votre organisation mène-t-elle sur le sujet ?Nous avons déjà beaucoup travaillé autourde forums des délégués syndicaux pourorganiser l’expression et les remontéesde nos militants sur le sujet. Nous avonsainsi réuni nos représentants des Obser-vatoires régionaux de santé au travail(Orst) et des associations régionales devotre réseau, ainsi que nos membres deCHSCT. L’objectif : donner libre cours àla parole et les laisser s’exprimer ce qu’ilsvivent dans les entreprises. Nous avonsessayé d’analyser et de trouver les mauxconvergents (horaires décalés, aug-mentation des cadences…) pour contri-buer à définir les indicateurs.

JACKY DINTINGER, secrétaire général de la CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens).

Nos cadres, en particulier, disent qu'ils sont

devenus une catégorie de salariés à part.

travers des préconisations partagées.Si nous arrivons déjà à le transposer auniveau national, ce sera un pas impor-tant franchi. Restons raisonnables dansnos objectifs pour garder une chanced’aboutir !

Quels enjeux y voyez-vous ? Il faut établir le socle d’une préoccupa-tion devenue nationale. Nous devonsnous appuyer sur des actions concrètes,des recettes simples d’implication desentreprises. Il s’agit de mieux utiliserles dispositifs existants, de mieux s’ap-proprier les outils conçus par les par-tenaires sociaux. Nous devons tenircompte des spécificités de la France,sans oublier que nous avons aussi à nouspréoccuper des territoires d’outre-mer.S’adapter à la diversité des salariés etdes chefs d’entreprise : c’est déjà en soiun défi pour trouver les bonnes solu-tions.

Quels besoins vos adhérents vous renvoient-ils ?Ils sont demandeurs de formations àl’accueil de nouveaux salariés puisqu’ilsse retrouvent souvent en situation detutorat, apprentissage, parrainage… Cesbesoins qu’ils expriment vont nous per-mettre de faire des propositions concrètesdans ce sens. Nous menons déjà, à l’ini-tiative de nos structures territoriales etavec notre institut de formation sociale,

une démarche de prévention des risquesprofessionnels consistant à des ren-contres-formations : nos adhérents yprennent conscience de la nécessité detravailler dans une meilleure ambianceet un meilleur climat social… Cela leurpermet de mieux manager leurs colla-borateurs, d’être plus pédagogues. LesPME doivent aussi comprendre que celaaméliore leur performance. Nous devonsfaire évoluer les états d’esprit de ceuxpour lesquels nous agissons et l’approchede la classe politique. À cet égard, larécente négociation sur la modernisa-tion du marché du travail est exemplairedans la transparence et le respect quechacun a eu les uns des autres.

Nous devons faire évoluer

les états d'esprit.

TRAVAIL ET CHANGEMENT N°318 mars/avril 2008 ARGUMENTS

page 10

QQuel est le degré de prise de consciencedu stress dans les entreprises ?Le MBA RH de Paris-Dauphine a récem-ment mené une enquête sur le stress descadres auprès de 300 directeurs des res-sources humaines. Il apparaît qu’il existeaujourd’hui une réelle prise de consciencedu côté des DRH. La très forte médiatisa-tion de cette thématique, les diverses étudesmenées, de même que les directives euro-péennes, ont fortement joué dans ce sens.Souvenons-nous qu’il y a encore seule-ment deux ans, le Medef ne considérait pasle stress comme un problème.

Pour autant, on ne peut pas dire quecela se traduise dans la réalité pardes mesures structurantes…Si les DRH ont intégré cette question, cen’est pas le cas des directions générales.Or, rien ne pourra se faire dans les entre-prises sans l’impulsion de ces dernières.En outre, les entreprises se sont engouf-frées dans une idéologie de la performanceà tout crin, où les cadres, de plus en plusmassivement victimes de la pression, n’osentpas parler de leur vulnérabilité. De plus, ily a en France un vrai problème au niveaude la formation des managers – formationsinitiales et continues – qui tient encore cetteproblématique à l’écart. Du moins dans ladescription des cursus. J’ai fait un tour d’ho-rizon assez exhaustif des libellés affichéspar les grandes écoles : nulle mention dustress et des risques psychosociaux. Laquestion du stress est sans doute un peuplus présente au sein des universités.

Par quel côté faut-il aborder la question?Les actions, quand elles existent, se limi-tent souvent à des séminaires sur la gestion du stress qui relèvent essentiel-lement du registre curatif, mais en aucun

travail et de ses facteurs de risque pro-fessionnels. Nous avons constitué unréseau de près de 300 médecins du tra-vail volontaires, chargés de constituer unéchantillon de salariés auxquels ils doi-vent soumettre un questionnaire. À par-tir des informations ainsi recueillies, noustravaillons à la production d’indicateursde santé mentale et d’expositions pro-fessionnelles déclinés selon la catégorieprofessionnelle et le secteur d’activité.

Et pour les autres volets ?Dans un deuxième pan du programme,nous avons demandé à des médecins dutravail de rédiger des monographies declinique médicale du travail (20 à 30 parrégion). Ces descriptions qualitativeséclaireront les résultats obtenus dans lecadre de l’enquête épidémiologique. Enfin,troisième volet, nous allons analyser lesdonnées d’attribution d’invalidité pourcause psychiatrique, en fonction de variablescomme le secteur d’activité et la catégo-rie professionnelle ; nous souhaiterionsà terme qu’elles fassent partie des don-nées systématiquement recueillies parl’assurance-maladie.

Quels sont les premiers enseignements?Encore en phase pilote, il est trop tôt pourformaliser des enseignements significa-tifs au plan macroscopique. Néanmoins,les premières analyses montrent des résul-tats cohérents avec la littérature épidé-miologique, par exemple, un degré de lati-tude décisionnelle qui croît avec le niveaude qualification alors que les différencessont moins nettes pour la demande psy-chologique et le soutien social. Elles met-tent en évidence une souffrance psychiquenotable – en particulier 16 % des salariésdéclarent au moins un épisode de violenceou de discrimination au cours des 12 der-niers mois – une souffrance potentielle-ment plus marquée dans certains sec-teurs tels que la finance, l’administrationpublique, la santé ou l’action sociale.Pour plus de précisions, premiers résultats deSamotrace sur le site www.invs.sante.fr

JEAN-FRANÇOIS CHANLAT, sociologue, professeur à Paris-Dauphine,spécialiste de l’anthropologie des organisations.

QQuelle est la finalité du programmeSamotrace, piloté par l’INVS ?Ce que nous visons avec cette enquêteépidémiologique, c’est la mise en placed’un système de surveillance nationalpérenne de la santé mentale en lien avecl’activité professionnelle. Il existe aujour-d’hui des indicateurs locaux ou sectoriels,mais pas encore de référent à la fois mul-tisectoriel, multiprofessionnel et repré-sentatif à l’échelle nationale.

Sur quel dispositif repose-t-il ?Le programme, encore en phase pilote,avec un dispositif concentré sur quatrerégions (Rhône-Alpes, Centre, Poitou-Charentes, Pays de Loire), se déploie entrois volets. Le premier, baptisé « épidé-miologie en entreprise » vise une analysedescriptive de l’état de santé mentale au

cas – ou alors de manière très marginale– d’un travail sur les organisations. Indivi-dualiser la question du stress, c’est éviterde se poser les bonnes questions. Si l’onveut attaquer le problème, il faut l’appro-cher au travers des organisations. En asso-ciant les directions, les représentations dupersonnel, les syndicats, les universitaires.Le stress au travail est une question trèscomplexe. Les suicides au Techno-centrede Renault nous interrogent tous. Mais onne peut pas dire que Renault soit une entre-prise à la traîne en matière sociale. AZFavait mis en place des normes de sécuritéhyper strictes. Ça n’a pas empêché l’ex-plosion. On aura beau déployer toutes lesnormes ISO en cours, si l’on ne s’attaquepas à la dimension qualitative de la vie dansl’entreprise… Mais les quelques expé-riences menées montrent que c’est possible et que ça marche.

Comment aborder la question du stress au travail autrement que de manière strictement

curative? En s’interrogeant d’abord sur les organisations. Mais aussi en mettant en place des

outils d’observation référents, fondés sur des indicateurs déclinables à l’échelle nationale.

CHRISTINE COHIDON, médecin épidémiologiste au département santé-travail de l’Institut national de veille sanitaire (INVS).

Les invités du réseau Anact Propos recueillis par Muriel Jaouën (journaliste).

Mettre en place des indicateurs de santé

TRAVAIL ET CHANGEMENT N°318 mars/avril 2008 CÔTÉ ENTREPRISES

ainsi à recentrer le sujet sur la réa-lité du travail au quotidien pourmontrer ce qui peut engendrer dela souffrance. Tout d’abord, l’histoireet l’évolution de la mairie : l’orga-nisation s’est structurée et moder-nisée, de nouveaux critèresd’efficacité et de rentabilité appa-raissent aux côtés de ceux de laqualité de service… Un boulever-

sement culturelimportant pastoujours bienvécu, par rapport

à un passé très marqué par l’ac-tion sociale. De plus, la mairie secaractérise par une forte diversitédes lieux et des activités de tra-vail. Des services techniques aux ser-vices petite enfance, en passantpar l’administration… Tout le per-sonnel ne vit pas au même rythmeni avec les mêmes contraintes (suivides tâches, reporting…). Le mana-gement ne peut donc pas être homo-gène. Cela a provoqué des tensions

La souffrance au travail… Une réalité dont chacun a conscience à la mairie de Clermont-Ferrand

mais qui ne revêt pas la même signification pour tous. L’Aract Auvergne est donc intervenue pour

aider direction et organisations syndicales à partager un diagnostic de la situation.

MAIRIE DE CLERMONT-FERRANDSecteur : publicActivité : collectivité territorialeEffectifs : 3 000 salariésRégion : Auvergne

Des mots pour guérir le mal-être

Par Stéphanie Rousset (Aract Auvergne) avec Béatrice Sarazin.

Si un mot peut caractériser toute la démarche entreprise par la Ville de Clermont-Ferrand, c’est celui du paritarisme. D’abord parce que, avant même l’interventionde l’Aract Auvergne, un groupe de travail est constitué avec tous les représentantsde la mairie, au niveau de la direction et des organisations syndicales. Ensuite,c’est la position paritaire de l’Aract qui motive son choix pour animer le groupe detravail et faire avancer l’ensemble des acteurs vers une sortie par le haut. Enfin,la suite de l’intervention en 2008 s’inscrit dans le même esprit et avec un seul motd’ordre : rester sur le terrain du débat et de l’écoute.

Débattre et écouter

L e sujet taraude les respon-sables de la mairie et lesorganisations syndicales

depuis plusieurs années… La souf-france au travail s’est expriméede différentes manières à la mairiede Clermont-Ferrand, d’une plainteet un procès pour harcèlement aumal-être qu’expriment les sala-riés lorsqu’ils rencontrent lemédecin du travail. Bien conscientesde la difficulté à faire face, direc-tion et organisations syndicalessouhaitent mettre en place ungroupe de travail pour débattredu problème et trouver des solu-tions. Une démarche paritaire dont

elles proposent à l’Aract Auvergned’assurer l’animation (voir encadré).Chacun semble prêt à aboutir etl’ensemble des participants faitpreuve d’un volontarisme et d’unemotivation très forts. Mais l’Aractse rend vite compte que le mot nerecouvre pas toujours la mêmesignification pour tous. Son premierobjectif : aboutir à un diagnostic partagé et une vision commune dece que l’on met derrière le termede souffrance. Son point d’appui :les situations de travail au quotidien.

Un état des lieux

Représentant de toutes les orga-nisations syndicales, médecin dutravail, DRH, adjoint du directeurgénéral des services, assistantesociale, adjoint au maire en chargede l’hygiène et la sécurité… chaquemembre du groupe de travailexplique sa position et ce qu’il vit entant que salarié. L’Aract parvient

Recentrer le sujet sur la réalité du travail au quotidien

pour montrer ce qui peut engendrer de la souffrance.

qui n’ont pas été régulées, desincompréhensions laissées en l’état.

Les enjeux pour en sortir

Ce travail de diagnostic réalisé enconcertation et la restitution despremiers éléments créent le déclic:chacun a joué le jeu de la transpa-rence mais, désormais, il faut per-mettre à la collectivité de seréapproprier les conclusions de cetravail. Prochaine étape, en 2008 :une formation-action sur les risquespsychosociaux en redonnant à cetteapproche une dimension collectiveet en la restituant dans le travaild’évaluation des risques profes-sionnels. En interne, l’action faitl’objet d’une communication auprèsde tous les agents de la mairie.Chacun aujourd’hui partage unevision des enjeux pour sortir d’unesituation jusqu’alors confuse oumal comprise. ■

page 11

TRAVAIL ET CHANGEMENT N°318 mars/avril 2008 CÔTÉ ENTREPRISES

page 12

Violence verbale, psychique,entre jeunes mais aussi àl’égard des adultes et de

l’institution, portes cassées, pres-sion, chantage… Depuis 2003, cesagressions se multiplient, moyend’expression quotidien des enfantset adolescents en diff icultés psychologiques accueillis dans l’ensemble thérapeutique de Bellesagne. Conséquences sur lasanté des professionnels de l’éta-blissement : usure professionnelle,épisodes dépressifs… La préven-tion de la violence est pourtant unepréoccupation majeure de l’institu-tion. Un diagnostic est effectué en2004 et un plan de formation, «Faireface à la violence », est mis en place.Mais le malaise persiste. La direc-tion et les délégués du personnel del’Itep font alors appel à l’Aract Lan-guedoc-Roussillon. Objectif : ana-

lyser l’existant pour éviter et mieuxgérer les situations de violences.Plusieurs lieux d’échange sont misen place : un comité de pilotage(direction, délégués du personnel,médecine du travail) suit le projet ;un groupe de travail (éducateurs,agents d’entretien…) analyse lesdysfonctionnements et construitdes pistes de solutions. Enfin, ungroupe « projet » (direction, cadres,« préventeurs » externes) traduiten actions concrètes les proposi-tions du groupe de travail.

Identifier les violences

Différentes formes de violence sontidentifiées ainsi que des momentset des lieux potentiels. L’accent estmis sur les difficultés organisa-tionnelles. Parmi celles-ci, uneapplication incohérente du règle-ment intérieur et des difficultéspour établir des sanctions adap-tées. L’organisation matérielle estensuite passée au crible : les condi-tions sont bonnes mais les foyerspas toujours suffisamment adap-tés pour les jeunes ; la salle deséducateurs, lieu d’échange et de« repli », n’est pas investie. Enabordant les problèmes d’organi-sation, une insuffisante intégra-tion des stagiaires et un manquede communication interne ressor-

tent fortement. Enfin, une cohé-sion d’équipe doit être trouvée avecl’ensemble du personnel.

Une réorganisationavant tout

Pour pallier ces dysfonctionne-ments, différentes mesures de pré-vention et de gestion des situationsde violence peuvent être prises :renforcement de la cohésion deséquipes, actualisation et appro-priation du règlement intérieur,adaptation des lieux de vie et detravail. Une organisation facilitantl’entraide et la présence de tiersest prévue pendant et après lesmoments de violence. Entre autres,pour répondre à la violence desjeunes, des partenariats avec desservices de pédopsychiatrie, juges,etc., sont mis en place. Sur la cla-rification des rôles et missions desprofessionnels, des fiches de postevont être élaborées, une réflexioncollective sur la fonction d’éduca-teur « relais » et sa collaborationavec la direction va être menée.Différentes possibilités permet-tant aux fonctions isolées d’êtremieux intégrées dans les équipeset mieux connues des jeunes vontêtre également proposées. ■

Céline Baujard (chargée de communication, Anact)

Confronté à une montée de la violence de ses usagers, l’institut thérapeutique éducatif

et pédagogique de Bellesagne décide de mettre en place un plan d’action pour l’enrayer

et réduire ainsi la souffrance des salariés.

INSTITUT THÉRAPEUTIQUE ÉDUCATIF ET PÉDAGOGIQUE (ITEP)DE BELLESAGNESecteur : médico-socialActivité : ItepEffectifs : 50 salariésRégion : Languedoc-Roussillon

C O N TACT

Thierry Pradère, AractLanguedoc-Roussillon,[email protected]

JEAN-PAUL BRINGER, directeur de l’Itep Bellesagne

»

Des solutions collectivesCe diagnostic a permis de recréer du lien dans l’établissement.Personnel et direction ont cherché collectivement dessolutions. Chacun a pu s’exprimer librement. D’ores et déjà,nous avons décidé de redonner de la place à des réunionsgénérales pour échanger. Nous allons rénover la salle deséducateurs pour en faire un lieu de convivialité. Autre pointsur lequel nous travaillons : la mise en place d’un dispositifde GPEC pour avoir une vision claire de la pyramide des âges, des cursus professionnels et anticiper l’usureprofessionnelle des éducateurs. Des collaborateurs vontainsi partir en formation de tuteur pour apprendre à formerles nouveaux professionnels.

Face à la violence : encourager l’échange

«

page 13

Des managers de proximité d’Alliade Habitat, société propriétaire et gestionnaire de

30 000 logements sociaux (HLM), ont suivi une formation-action. Objectifs : mieux définir

les risques psychosociaux des gardiens et employés d’immeuble et élaborer des pistes

d’action. Certaines commencent à se concrétiser.

Vu de l’extérieur, les loca-taires paraissent la sourceprincipale de la difficulté du

métier de gardien d’immeuble. Maisà y regarder de plus près, la réalitéest, comme souvent, plus complexe.C’est en effet l’un des enseigne-ments de la formation-action, menéeconjointement par l’Anact et l’or-ganisme de formation Afpols, endirection des managers de proxi-mité d’Alliade Habitat, afin de lesaider à prévenir les risques psy-chosociaux chez les gardiens etemployés d’immeuble. « Les gar-diens ont plutôt fait remonter desfacteurs de fragilisation liés à leursconditions de travail et leur souhaitd’être reconnus comme interlocu-teur privilégié pour tout ce quiconcerne nos locataires et nos rési-dences, que ce soit par leurs col-lègues ou par nos prestataires,indique Sandrine Briet, responsabledes ressources humaines chezAlliade. Ils ont finalement intégréla problématique liée aux clients.»

Un temps précieuxd’écoute

La formation-action a regroupé6 gestionnaires habitat, sur les 24que compte la société (lire encadré).Les facteurs de fragilisation, à la foispsychique et physique, ont été listésau cours de réunions de leur équipede gardiens. Une observation surle terrain s’est révélée égalementun temps précieux d’écoute. Denombreux managers sont en effetd’anciens gardiens. Ils croient toutsavoir ou presque du métier, alorsqu’ils en ont souvent oublié lessources de fragilisation. Le senti-ment de non-reconnaissance aainsi été soulevé, les gardiens

Managers formés, gardiensd’immeubles valorisés

gardiens vis-à-vis des intervenantsexternes et collaborateurs de l’en-treprise. En l’espace de un an, desactions concrètes ont pu être vali-dées par le comité de pilotage,formé pour agir sur cette action de prévention, et la direction.Dorénavant, un point d’eau seraainsi installé tous les trois étages.Les gardiens vont également sevoir attribuer une carte profes-sionnelle de la société Alliade, et une nouvelle organisation doit per-mettre de les considérer davan-tage comme des interlocuteurs àpart entière. Toutes ces disposi-tions tendent finalement vers unobjectif : une valorisation profes-sionnelle, en redonnant du sens àleur travail comme rempart auxrisques psychosociaux. ■

Caroline Delabroy (journaliste).

n’appréciant guère que des inter-ventions aient lieu sur la résidencesans qu’ils en soient prévenus, oud’apprendre après coup la visited’un collaborateur interne. Autreexemple cité : les produits de net-toyage, jugés inefficaces ou inadé-quats par leurs utilisateurs, etpourtant recommandés par lesservices compétents, nourrissantl’impression de ne pas être écouté,et donc reconnu.

Une grille des risques

L’établissement d’une grille desrisques a permis, plus générale-ment, de dégager quatre facteursde fragilisation : le transport del’eau et le nettoyage, le traitementdes déchets et des encombrants, lesvêtements de travail et les produitsd’entretiens mais aussi le rôle des

Constitués autour des gestionnaires habitat, les groupes de travail se sont penchés sur la prévention des risques psychosociaux despersonnels de proximité d’Alliade Habitat. Ils comprenaient aussi bien des gardiens que différents intervenants de l’entreprise. Si le constat de cette formation-action surl’absentéisme et la motivation ne peut sedresser que sur le long terme, Sandrine Brietmesure d’ores et déjà des bénéfices, sur

le court terme, de cette action-formation qui se poursuit jusqu’à la fin du premier semestre2008 : « On ressent que les gens sont remobilisés et se sentent entendus. Par ailleurs, les gestionnaires ont évolué dansleur management, dans la façon de travailler en équipe, de favoriser la participation dechacun… Je crois au final beaucoup plus à ces formations sur le terrain qu’à des formationsplus classiques. »

Des bénéfices sur le court terme

C O N TACT

Geneviève Trouiller,départementcompétences, travail et emploi à l’Anact :[email protected]

ALLIADE HABITATSecteur : habitatActivité : logement socialEffectifs : 566 salariés, dont 234 gardiens d’immeubleet 73 employés d’immeubleRégion : Rhône-Alpes

Alliade Habitats’est portévolontaire pourexpérimentercette action, le groupeconnaissant un fort tauxd’absentéisme

plus de10 % chez lesgardiensd’immeubleet un nombre nonnégligeable delicenciementspour inaptitude.

SANDRINE BRIET, directrice des ressources humaines d’Alliade Habitat

»

«

TRAVAIL ET CHANGEMENT N°318 mars/avril 2008 CÔTÉ ENTREPRISES

sif dans la traduction des règles etla transmission, à l’opérationnel,des objectifs de fonctionnement.Cela se traduit également par laredéfinition des postes, notam-ment celui de la fonction ressourceshumaines. Elle doit avoir un rôledans la gestion de carrières et l’ap-pui aux managers et pas seulementun rôle administratif. À ces leviersd’action s’ajoute le renforcementdes collectifs de travail par leséchanges et le dialogue, la recherched’objectifs communs... «Nous pré-voyons une réunion de concerta-tion avec les différents acteurs del’entreprise pour mettre en placedes indicateurs pour mesurer l’im-pact des actions menées », noteJean-Claude Lacruche. ■

Céline Baujard

page 14

La culture d’entreprise au rouleau compresseur

Depuis 2000, date de l’acquisition de Thermodyn SAS par GE, inquiétude et perte de repères

prennent de l’ampleur chez les salariés. À l’origine : les changements organisationnels

et les nouvelles procédures (production, qualité…).

Sentiments de tension et demalaise chez les salariés deThermodyn SAS, fabricant

pour l’industrie pétrolière et gazière.La cause majeure invoquée : lerachat de l’entreprise centenaire duCreusot par la division « pétroleet gaz » du géant américain GE en2000. Un choc culturel entre unmanagement et une culture à l’amé-ricaine. Surtout, la nouvelle orga-nisation matricielle, les nouveauxprocessus de production et le mana-gement qui en découlent déstabi-lisent les salariés. Sur la demandedu CHSCT et de l’inspection du tra-vail, Thermodyn décide de faireappel à l’antenne Anact Bourgogne.Objectif : avoir une compréhen-sion globale des conditions de tra-vail des salariés et trouver desmarges de manœuvre pour lesaméliorer. Direction et CHSCT sou-haitent une approche visant à ne pasdramatiser la situation.

Le choc des cultures

Nouvelle organisation, nouveaumanagement…, les 150 entrevuesréalisées auprès des salariés desdifférents services et de l’enca-drement font apparaître des diffi-cultés d'adaptation à la culture GE.Une culture axée sur les résultatset le contrôle, source de tensions etde sentiment de perte de maîtrisedu processus de travail. Les sala-riés font face à une intensificationdu travail engendrant maux de dos,fatigue, insomnie. Le travail dansl’urgence, une surinformation etune demande de « faire le justenécessaire » entraînent un tri despriorités dont l’arbitrage est laisséà l’individu. Conséquence : un surin-vestissement des règles de GE

contribuant à rigidifier les procé-dures. « On a voulu faire beaucoupplus que l’on nous demandait »,précise Jean-Claude Lacruche,secrétaire du CHSCT.

Renforcement du collectif

Enfin, le passage à une organisa-tion matricielle avec des pouvoirsde décision redistribués entre lesite du Creusot et le site italien aentraîné des pertes de repèresdans les processus décisionnels.Point accentué par la barrière de lalangue.L’accompagnement du changementest l’une des clés pour résoudreces différentes tensions. Il peutpasser par un renforcement dumanagement qui joue un rôle déci-

THERMODYN SAS (division Oil & Gas de GE)Secteur : industrie du pétrole et gaz, génération électrique et marineActivité : conception et fabrication de compresseurs et turbines à vapeurEffectifs : 550 salariésRégion : Bourgogne

BENOIT RIVET, directeur du site Thermodyn

»

Premières actions pour réduire les tensions

Cette intervention a permis de préciser et d’objectiver les problèmes sans les dramatiser. À l’issue du diagnostic, nous avons, avec les responsables sécurité et communication, soumis au personnel un document restituant les actions à mener à la suite des recommandations de l’Anact et du travail avec le CHSCT et les partenaires sociaux. Il propose une série de premières actions simples pourréduire les tensions et éviter le repli sur soi des collaborateurs : encourager les tête-à-tête plutôt que la communication écrite, proscrire l’abus de courriels, demander à la hiérarchie d’être plus sur le terrain… Un nouveau collaborateur a été recruté au service ressources humaines. Nous voulons également améliorer le cadre de vie au travail du personnel en rénovant les bâtiments…

«

C O N TACT

Sylvie de Jesus,antenne AnactBourgogne,[email protected] Caroline Sennegon,antenne AnactBourgogne,[email protected]

page 15

paration en amont avec les syndi-cats d’immeuble ou les associa-tions sur place… Lors d’interven-tion d’urgence, lesrecommandationssont claires : ne pas intervenir denuit sans accompagnement ou surle lieu même de déclenchementd’une alarme sans être avec unagent de sécurité… En curatif, lesalarié est accompagné par le ser-vice contentieux s’il souhaite por-ter plainte, sa hiérarchie est infor-mée de la situation et le psychologuedu travail est à sa disposition. Desmesures concrètes qui cassent letabou autour du sujet.Une note de service reprenanttoutes ces mesures est envoyée àl’ensemble du personnel, direc-tion comme salariés. Tous reçoiventle même message : face à uneagression ou à un risque, des pro-cédures existent. À titre préventifou curatif, un dispositif accom-pagne le salarié, qui n’est plusseul avec son malaise. ■

Béatrice Sarazin

dans les cinq agences. Cela nousa permis de finir d’élaborer desconsignes très concrètes. »Ces rencontres, en présence dupsychologue du travail, ont faitremonter les besoins, et la hié-rarchie a compris, et même parfoisdécouvert, des situations de travaildifficiles.

Soutenir les salariés

Les consignes, élaborées en com-mun, insistent notamment sur l’as-pect préventif dans les quartiersdifficiles : choix des horaires, pré-

Menaces verbales ou phy-s i q u e s , a g re s s i o n s ,insultes… Les salariés de

la Société des eaux de Marseillesont confrontés à des situationsdifficiles face à des usagers par-fois désespérés. Lorsqu’ils inter-viennent pour couper l’eau parcequ’une facture n’a pas été payéeou lorsqu’ils se rendent dans desquartiers sensibles, les relationspeuvent vite dégénérer. C’est cequi ressort, en 2003, du documentd’évaluation des risques profes-sionnels pour les salariés des cinqagences en contact avec le public.En 2005, le CHSCT est interpellésur plusieurs cas graves d’agres-sion (voir encadré). En toile de fond,le stress monte. Aidée de la Cramdes Bouches-du-Rhône et un secré-taire de CHSCT très impliqué, l’en-treprise décide d’agir.

Des situations de travail difficiles

Jean-Pierre Lieutaud, conseillersécurité et conditions de travail,expose l’approche : «La démarchepluridisciplinaire entre médecindu travail, psychologue et DRH atoujours été recherchée sans êtreconcrétisée. Mais, en 2005, la situa-tion a nécessité de revenir sur lefond du problème : le stressengendré par l’agressivité du public.Premier impératif : expliquer laréalité du travail à ceux qui n’étaientpas sur le terrain (DRH, direction,président du CHSCT…) et les consé-quences pour les salariés. Grâceà la “causerie” (rencontre d’uneheure sur un sujet de sécurité),déjà en place en 2003, le thèmede la violence externe a été abordé

Prévention en eau trouble

SOCIÉTÉ DES EAUX DE MARSEILLESecteur : servicesActivité : transport et traitement de l’eauEffectifs : 800 salariésRégion : Paca

GÉRARD BONOMO, secrétaire du CHSCT«

65 communes1 352 000 habitants desservis254 000 abonnés650 installations

En confiance avec la hiérarchie

J’étais interpellé par des collègues qui étaient menacés et j’ai réalisé un état des lieux, répertoriant ainsi plus d’unedizaine d’accidents graves. Quand j’ai pris conscience de ce qui arrivait, j’ai réuni la direction et les délégués du personnel pour leur exposer la situation. Et nous avonsmis en place les causeries. Les réunions se sont dérouléesde manière très solennelle : quand un salarié expliquecomment il a été braqué avec un revolver, la hiérarchieavoue son désarroi. Nous avons consigné par écrit tout ce qui avait été dit. La direction a envoyé un message fort en permettant cette démarche écrite. Je reconnais que celaa été long et qu’il a fallu être patient. Mais nous avonsréussi à créer la confiance avec la hiérarchie. C’est la clépour réussir quand on doit traiter ce type de problème. »

En 2003, la Société des eaux de Marseille réalise son document unique d’évaluation des

risques professionnels. Un élément fort en sort : les salariés sont souvent confrontés

à la violence et l’agressivité des usagers. Aidée par la Cram, l’entreprise lance un travail

pour prévenir ces situations engendrant stress et mal-être.

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Au-delà des difficultés exprimées parles médecins du travail, ce sontleurs pratiques professionnellesqu’ils ont pu investir : moyens de tra-vail (organisation, système de ges-tion des ressources humaines,matérielles…), prise en compte desévolutions législatives, contextuelles,démographiques, outils dont ils dis-posent pour réaliser le passage desdonnées individuelles aux donnéescollectives, suivi des données, etc.

Des suitesopérationnelles

La démarche leur a égalementpermis de contribuer à l’élaborationd’une plaquette de communicationà destination de leurs collèguesdes services de santé au travail etune boîte à outils avec exemple decourrier, points de méthode, ques-tions clefs en consultation, mémosur les structures relais en Aquitaine. Dans le prolongement de ce tra-vail, l’Aract Aquitaine intègre aujour-d’hui l’équipe pédagogique d’unnouveau séminaire universitaire1.Le travail se poursuit égalementavec l’animation d’un grouped’échanges des inspecteurs etcontrôleurs du travail autour deleur rôle dans la prévention et de leurcollaboration avec les médecins dutravail. ■

1. Université Paul-Segalen, Bordeaux-2,séminaire intitulé « santé mentale et risquespsychosociaux » du professeur Patrick Brochard.

Se former pour mieux alerter

Face au stress, à l’absentéisme et aux risques psychosociaux, les médecins du travail,

véritables acteurs de la prévention, sont parfois dépassés. Aujourd’hui, ils cherchent

des relais, des échanges au sein des entreprises. Certains d’entre eux ont décidé de suivre

une formation-action initiée par la DRTEFP et l’Aract Aquitaine.

«On se sent parfoiss e u l , d é m u n i …Après avoir repéré,

on fait quoi ? Quels sont les relaispossibles, quel positionnementavoir…» Ces questions que seposent les médecins du travailface à des situations de troublespsychosociaux ont déclenché enAquitaine un travail de formationauprès de vingt-deux d’entre eux.L’Aract de la région, en partena-riat avec la DRTEFP, a porté cedispositif expérimental. Objectifs :alterner apports théoriques etméthodologiques, analyser et trans-férer les pratiques au sein desstructures de médecine du travail.

Sérier les indicateurs

Les médecins ont particulièrementcreusé deux approches : la construc-tion de l’alerte, avec le passage durepérage d’indicateurs individuelsà celui d’indicateurs collectifs, et laformalisation de cette alerte auprès

de l’employeur (document unique,fiche d’entreprise, courrier). Objectif : agir sur le plan collectif.Il s’agit dans l’approche indivi-duelle de rechercher, préconiseret surveiller l’altération de la santéavec des questions clefs dans le diagnostic médical sur le som-meil, l’état de fatigue… lors desvisites médicales. L’approche col-lective consiste, elle, à repérerdes données collectives et leursévolutions pour cerner les indica-teurs d’alerte comme le taux absen-téisme, le nombre de demandesde visites médicales spontanées,le nombre de visites d’embauche,les symptômes (troubles muscu-losquelettiques par exemple…), leclimat social et relationnel…

Une formation pour des medecins du travailThème : prévention des troubles psychosociaux22 médecins du travailRégion : Aquitaine

Par CarolineRagazzi (Aract Aquitaine)Avec BéatriceSarazin

Intérêt majeur de cette formation : « le conceptde formation-action qui a permis de mettre enplace un réseau pour intervenir, avec uneressource psychologique et une méthodologieconstruite ensemble. Je vois mal un médecin du travail aller seul en entreprise. Il est important d’être plusieurs à faire face et de prendre le recul nécessaire pour ne pas subirle stress de l’intervenant…», témoigne unparticipant, le docteur Jean-Claude Vergne,médecin du travail du Cist 47.Autre intérêt très opérationnel de ces échanges :

« Avoir des outils objectifs et surtout, savoir sesituer dans une entreprise sur le plan médical,se situer davantage dans une action pluspréventive que curative complète le docteurSabine Guyon, médecin du travail d’un serviceaquitain. Dans une entreprise, je me suispositionnée sur de l’information à froid, alorsque se profilaient des conflits. Dans une autre,j’ai mis en place une formation auprès demembres du CHSCT et de l’encadrement afin dedéfinir les risques psychosociaux, pour que tousmettent les mêmes mots dessus. »

Savoir se situer dans l’entreprise

»

« JEAN-CLAUDE VERGNE ET SABINE GUYON, médecins du travail

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Se mettre d’accord sur les risques psychosociaux

• S’ENTENDRE SUR CE QUI DÉCLENCHEL’ACTION DE PRÉVENTION

– Quel est le problème ?– De quoi et de quelles situations veut-on parler ?– Quels termes sont utilisés pour identifier le problème ?

• PRÉCISER CE QUI MOTIVE L’ACTION– Anticiper pour préserver la santé des agents. – Répondre aux obligations réglementaires.– Inverser des indicateurs de santé qui se dégradent

(absentéisme, accidents du travail).– Régler des situations de relations dégradées, etc.

E Cette étape de formulation permet d’engager un débat social et de construire en communla compréhension des situations problématiques. C’est une condition pour une actionefficace dans la durée.

Repérer les risques psychosociaux et les inclure dans le document unique

• LA DÉMARCHE COMPREND PLUSIEURS ÉTAPES– Identifier des situations concrètes de travail qui génèrent

des tensions excessives portant atteinte à la santé dessalariés ou à la performance de l’entreprise.

– Analyser ces tensions sous l’angle des exigences contra-dictoires qui les sous-tendent. On peut les catégoriser :tensions liées aux contraintes de travail, aux exigenceset valeurs des salariés, aux changements des contextesde travail, aux relations et comportements.

– Repérer les défauts de régulation. – Remonter aux causes dans l’organisation du travail,

le management, les politiques RH, la communication…

Bâtir des indicateurs spécifiques

• REPÉRER DES SITUATIONS DE MAL-ÊTREAU TRAVAIL : DIFFÉRENTS INDICATEURS À COMBINER– Indicateurs de gestion des ressources humaines : un forttaux d’absentéisme, des départs, des dépassements d’horaires, un turn-over important dans tel ou tel service,des tensions relationnelles.– Indicateurs issus des Services de Santé au Travail : déve-loppement de pathologies spécifiques, constat de sur-enga-gement ou démotivation, expression de fatigue importante… – Indicateurs issus du fonctionnement de l’entreprise :défauts qualité, tensions avec les clients.– Indicateurs de tensions sociales ou de malaise : plaintesdirectes des salariés auprès de l’encadrement, conflits larvés.

• ÊTRE ATTENTIF AUX SIGNAUX FAIBLES – À côté des indicateurs classiques (ex. taux d’absentéisme). – Attention aux signes diffus et implicites de malaise(plaintes récurrentes, non implication, situations deretrait, de tensions...).

• FAIRE ATTENTION À L’INTERPRÉTATION Elle ne prendra véritablement de sens que si ces donnéessont en lien avec le contexte particulier de travail del’entreprise et si un travail collectif de diagnostic et d’analyseest réalisé.

• INCLURE LE RISQUE PYSCHOSOCIAL DANS LE DOCUMENT UNIQUE – Depuis la loi de décembre 1991, il appartient au chef

d’entreprise d’évaluer les risques a priori et de mettreen place un plan d’action. Le document uniqueconsigne les résultats de cette évaluation qui doit aussiporter sur la santé mentale.

– Si ce risque reste difficile à évaluer, la formalisation et le suivi d’indicateurs spécifiques devraient permettre une meilleure anticipation.

E Il faut ensuite pouvoir croiser ces indicateurs de différente nature et les analyser pourdéceler les tensions, surveiller l’évolution de la situation, anticiper des contextes de crise.

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E Cette catégorisation permet le repérage de facteurs de régulation dans les registresdu management, des politiques RH, de la conduite des changements, du dialogue social.

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LE COÛT DE L’EXCELLENCERéussir à tout prix, être performant coûte que coûte, être le meilleur dans une sociétéqui rejette les perdants : le management par l’excellence est devenu symptomatique de la société moderne. Pour l’individu, il a un coût : un stress permanent de ceux qui se brûlent les ailes dans l’obsession de la performance. L’ouvrage de Nicole Aubert etVincent de Gaulejac Le Coût de l’excellence, réédité en 2007, est tombé à point dansl’actualité sociale.

Le Coût de l’excellence, par Nicole Aubert et Vincent de Gaulejac, Seuil, rééd. 2007.

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L’exigence du « toujours plus », de la qualité totale, de l’idéal de la perfection, a déferlé dans les entreprisesnord-américaines dans les années 1980. Et s’estpropagée comme une traînée de poudre partout ailleurs.Le prix à payer est lourd : tension et stress perpétuel,burn out (brûlure interne), dépression… Nicole Aubert,consultante et enseignante en sciences humaines, et Vincent de Gaulejac, professeur de sociologie,décortiquent le phénomène en le restituant dans sadimension psychologique. Dans Le Coût de l’excellence,publié en 1991 et réédité en 2007, ils montrent aussicombien, parallèlement à cette course à l’excellence,l’entreprise s’est posée comme nouveau lieu dedéveloppement individuel de salariés à la recherched’un idéal. La rencontre de ces deux tendances,recherche de l’excellence et atteinte d’un idéal à traverssa place dans l’entreprise, produit les « maladies del’excellence ». Lorsque l’idéal s’écroule, l’individutombe, souvent gravement.

Malades de l’excellenceL’édition de 1991 avait déjà marqué les esprits :témoignages de cadres à différents moments de leurcarrière, description et analyse des systèmes demanagement par l’excellence, lutte entre un idéal d’un Moi hyperperformant et une réalité renvoyée parl’entreprise plus difficile à admettre. Sa réédition estintéressante à différents points de vue. Tout d’abord, iléclaire toujours les réalités actuelles. Les témoignagessont tout aussi bouleversants, surtout en les replaçantdans l’actualité sociale de ces derniers mois : à lire ou àrelire Noémie et le burn out. Cette jeune gestionnairecomptable réussit professionnellement de nombreusesannées, dans une multinationale ; elle donne tout à sontravail, qui le lui rend bien : reconnaissance et promotionsont au rendez-vous. Mais l’entreprise opère un virage

stratégique, s’agrandit considérablement et l’organisationchange. Noémie devient un pion, une employée commeune autre à laquelle on impose un chef qu’elle estimemédiocre. Son idéal s’écroule et elle avec. À méditeraussi : M. X analysant son évolution de carrière parseméede désillusions, à la recherche du « pouvoir absolu »,constatant qu’il a sacrifié sa vie privée, montrant qu’il a essayé d’avoir beaucoup tout en essayant d’être… Ensuite, les situations décrites se retrouventaujourd’hui. Elles se seraient même plutôt aggravées :« C’est un visage beaucoup plus rude, ne donnant priseà aucune idéalisation, qui se fait jour désormais. La logique du “toujours plus performant” s’est ainsicumulée avec la logique du “toujours plus vite” »,analysent les auteurs dans leur propos introductif. Enfin, depuis 1991, de nombreux autres chercheurs ontétayé et confirmé les thèses de cet ouvrage, devenu doncprécurseur : le système de management par l’excellenceest toujours une réalité que les médecins du travail, les DRH, les partenaires sociaux ou les enseignants degestion reconnaissent encore rencontrer. Des cadres etdes employés confirment que la tendance s’est durcie,que le mouvement s’accélère et, d’une façon plusdramatique, qu’ils n’y voient pas d’issues… Quelles solutions envisager? Les auteurs s’emploient àdonner quelques pistes dans l’ensemble de l’ouvrage, ne serait-ce que par les exemples qu’ils donnent et lessituations dénoncées. Ils y consacrent le dernier chapitrede manière succincte : il s’agit surtout d’amorcer unvirage idéologique pour mettre fin à la logique du profitet de parvenir à concilier approches économique,organisationnelle et individuelle. Une nécessairepluridisciplinarité dans la prévention dont certainesentreprises commenceraient tout juste à prendreconscience. ■

Béatrice Sarazin

« Pénibilité : les ouvriers sontstressés eux aussi », DominiqueWaltisperger, Santé et Travail,n° 57, janvier 2007, p. 42-45.

« Stress : prévenir ou seulementguérir ? », Entreprise & Carrières,n° 804, mars 2006, p. 14-23.

« Le stress, le travail etl’emploi : conditions de travail etorganisation », Les Cahiers desFPS, n° 3, février 2006, 32 pages.

« Prévenir le stress d'origineprofessionnel », Travail etChangement, n° 298, novembre2004, 16 pages.

BROCHURES ET GUIDES

« Stress au travail : du repérageà l’action en Picardie », guideCESTP-Picardie, Les Cahiers, n°2,septembre 2007, Aract-Picardie.

« Risques psychosociaux :stress, mal-être, souffrance…Guide pour une démarche deprévention pluridisciplinaire :un enjeu collectif de la santé etde la qualité de vie au travail »,Catherine Brun, Aract Aquitaine,2005, 23 pages.

Que faire et comment faire pour que le travail reste unlieu de construction de soi plutôt que de souffrance, unlieu d'intégration harmonieuse plutôt que de relationsdestructrices, de réalisation collective et performante?La démarche concertée et pragmatique proposée parle réseau Anact intègre les dimensions psychologiqueet sociale, et permet d’identifier, de comprendre et deréguler les tensions susceptibles d’engendrer destroubles psychosociaux.

Prévenir le stress et les risques psychosociaux au travail, Benjamin Sahler, Michel Berthet, Philippe Douilletet Isabelle Mary-Cheray, éd. de l’Anact, 2007, 268 pages. Pour commander : www.anact.fr

TRAVAIL ET CHANGEMENT, le bimestriel du réseau Anact pour l’amélioration des conditions de travail.Directeur de la publication : Jean-Baptiste Obéniche – directeur de la rédaction : Gilles Heude – responsable des éditions : Sylvie Setier – rédactrice en chef : Béatrice Sarazin, [email protected] au dossier : Céline Baujard ; Philippe Douillet ; Isabelle Mary-Cheray ; Anne-Marie Gallet ; Caroline Ragazzi ; Stéphanie Rousset.

Réalisation Reed Publishing - chef de projet : B. Lacraberie ; journalistes : C. Delabroy. M. Jaouën ; secrétaire de rédaction : F. Saïdi-Tournoux ; illustrateur : Tino ; directrice artistique :A. Ladevie ; fabrication : P. Fontenaille – 2, rue Maurice-Hartmann, 92133 Issy-Les-Moulineaux – impression : Imprimerie Chirat, 744, rue Sainte-Colombe, 42540 Saint-Just-La-Pendue.Dépôt légal : 2e trimestre 2008. Une publication de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, 4, quai des Étroits, 69321 Lyon Cedex 05, tél. : 04 72 56 13 13.

Différentes brochures sontdisponibles sur le site del’INRS : concept et préventiondes risques psychosociaux,démarches de prévention et un tout nouveau guide sur les indicateurs pour aiderles entreprises à détecter ces risques. À télécharger sur www.inrs.fr

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Consultez le dossier en ligne« Les risques psychosociaux » :de quoi s’agit-il, les chiffres,des cas d’entreprises ; des études et des guides… sur www.anact.fr

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reOUVRAGES

Faire face aux exigences du travailcontemporain, Pascal Ughetto,éd. de l’Anact, 2007, 157 pages.

Le Drame humain du travail : essaide psychopathologie du travail,Louis Le Guillant et Yves Clot,Eres, 2006, 261 pages.

Les Enjeux psychiques du travail :introduction à la psychodynamiquedu travail, Pascale Molinier,Payot, 2006, 335 pages.

L’Idéal au travail, Marie-Anne Dujarier, Le Monde/PUF,2006, 237 pages.

Le Stress des cadres,Bernard Salengro, L’Harmattan (coll. «Questions contemporaines»),2005, 185 pages.

Le Stress au travail,Patrick Légeron, Odile Jacob (coll. «Poche»), 2003, 381 pages.

Le Deuxième Corps, Marie Pezé,La Dispute (coll. «Le genre dumonde»), 2002, 150 pages.

Le Stress, Jean-Benjamin Stora,PUF (coll. «Que sais-je?», n° 2575),2002, 127 pages.

Stress au travail et santé psychique, Michel Neboit et Michel Vézina, Octares, 2002, 310 pages.

ARTICLES

« La reconnaissance au travail »,Travail et Changement, n° 317, février2008, 16 pages.

« Le stress au travail, une réalité :quelle prévention, quels acteurset quels outils ? Nancy, 1er et 2février 2007 », Documents pour le médecin du travail, n° 110, juin 2007, p. 199-223.

« Suicides : le monde du travail enaccusation », Entreprise &Carrières, n° 861, juin 2007, p. 22-35.

PRÉVENIR LE STRESS ET LES RISQUES PSYCHOSOCIAUX AU TRAVAIL

FORMATIONS DU RESEAU ANACTFormation « Stress et risquespsychosociaux : élaborer unedémarche de prévention centrée surl’organisation du travail », à Lyon les 17 et 18 juin puis 25 et 26 novembre2008. Renseignements : [email protected]él. : 04 72 56 13 71

En savoir plus : www.anact.frRéseau ANACT pour l’amélioration des conditions de travail

Avec le soutien du Fonds Social Européen En partenariat avec :

Un rendez-vous régulier pour s’informer, témoigner, échanger et agir• Tout savoir sur les parcours professionnels– Un forum le 29 mai 2008 à Paris

(ateliers, stands, tables rondes…)– Un sondage– Un numéro Travail & Changement (mai-juin 2008)

• Et toujours, plus de 100 manifestations partout en France :visites d’entreprise, films, débats…