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M0iecine et Maladies Infectieuses -- 1982 -- 12 -- N° 5 -- 275. ANALYSE DE LIVRE L'ORGANISATION PANAMERICAINE DE LA SANTE : ORIGINE ET EVOLUTION, par NORMAN HOWARD-JONES, Gen6ve, Organisation Mondiale de la Sant6, 1981, 20 pp. Ce fascicule est le cinqui6me que l'Organisation Mondiale de la Sant6 consacre h l'histoire de la Sant6 Publique internationale. Sp6cialiste dans ce domaine, le docteur N. Howard-Jones avait d6jh publi6 en 1975 ,, Les bases scientifiques des Conf6rences Sanitaires Internationales 1851-!938 ,, et, en 1979 ,, La Sant6 Publique Internationale entre les deux guerres. Les probl6mes d'organisation ,,. I1 expose ici avec la m~me comp6tence comment les Etats-Unis se joignirent, h partir de 1881, aux pays europ6ens pour aboutir hun accord sur les r~glements de quarantaine internationale. Ils avaient 6t6 les seuls, parmi les seize pays invit6s en 1866 h Constantinople, h la troisi6me conf6rence sanitaire internationale, h d6cliner I'invitation. Lorsqu'ils furent enfin conscients du risque d'introduction chez eux du chol6ra (import6 pour lapremi~re lois en Am6rique du Nord en 1837) et de la fi~vre jaune, les Etats-Unis prirent l'initiative d'organiser h Washington en 1881 la Cinqui6me Conf6rence Sanitaire Internationale. Celle-ci rut h l'origine de la cr6ation du Bureau Sanitaire Panam6ricain, int6gr6 h l'Organisation Mondiale de la Sant6 en 1949, tout en restant ,, entit6 ind6pendante ,,. C'est un si6cle d'histoire de la Sant6 publique et des organismes internationaux que N. Howard-Jones expose avec son 6rudition habituelle. Nous ne lui ferons qu'une critique : avoir attribu6 h Carlos Finlay la priorit~ de la th6orie du rSle du moustique dans la transmission de la fi~vre jaune. Si, comme le dit Norman Howard-Jones, c'est effectivement le 18 f6vrier 1881 que Carlos Finlay, repr6sentant des colonies espagnoles de Cuba et de Porto-Rico h la Cinqui~me Conf6rence Sanitaire internationale, d6clara que la transmission de la fi~vre jaune exigeait l'intervention d'un agent interm6diaire, Stegomya aedes, il ne fur nullement ,, le premier h 6mettre la th6orie d'un insecte vecteur de maladie ,,. D6s 1717, Lancisi avait sugg6r6 que le paludisme pouvait ~tre li6 aux moustiques. Mais, surtout, en mati6re de fi~vre jaune la priorit6 ne peut ~tre accord6e h Finlay comme le font cependant la plupart des auteurs : cette priorit6 dolt revenir h Beauperthuy, trop peu connu, qui affirma un quart de si~cle avant Finlay le rSle des moustiques dans la transmission de la fi6vre jaune. N6 le 27 aofit 1807 h la Guadeloupe, Louis-Daniel Beauperthuy fit ses 6tudes m6dicales h Paris et soutint en 1837 sa th6se ,, De la climatologie ,,. L'ann6e suivante fl se rend ~ la Guadeloupe off s6vit la fi6vre jaune : il observe que la maladie ,, n'arrive pas dans les localit6s 61oign6es des moustiques ,,. En 1839 il s'6tablit au V6n6zuela, off il v6cut jusqu'h sa mort, en 1871, et 6tudia la fi~vre jaune et sa transmission. ,, Pendant la saison s6che, 6crit-fl, d6favorable aux moustiques, les fi~vres cessent... On ne peut consid6rer la fi6vre jaune comme contagieuse... Sans moustiques la fi6vre jaune ne se propage pas... On 6vite la maladie en 6vitant leur piqfire... ,, I1 d6montre qu'une simple moustiquaire suffit h pr6server l'homme. Ses observations furent publi6es en 1854 dans la Gaceta Official de Cumana et adress6es deux ans plus tard h l'Acad6mie des Sciences de Paris. Finlay semble en avoir eu connaissance mais ne les cita jamais. A Beauperthuy donc revient la priorit6 de la d6couverte du r51e du moustique dans la transmission de la fi6vre jaune. D'une fa¢on plus g6n6rale, si l'on excepte Lancisi, Beauperthuy aura 6t6 le premier ~ invoquer le rSle d'un insecte dans la transmission d'une maladie infectieuse. Le rSle de la tique dans la fi6vre du Texas ne sera incrimin6 par Th. Smith et L.F. Kilborn qu'en 1893, comme le rappelle N. Howard-Jones ; celui du moustique dans la transmission des h6matozoaires sera d6montr6 par P. Manson et R. Ross de 1884 h 1898. Celui de la puce dans la peste, par P.L. Simond en 1898 et celui du pou darts le typhus par Ch. Nicolle en 1909. H.H. MOLLARET 275

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M0iecine et Maladies Infectieuses -- 1982 -- 12 -- N ° 5 -- 275.

A N A L Y S E DE LIVRE

L'ORGANISATION PANAMERICAINE DE LA SANTE : ORIGINE ET EVOLUTION,

par NORMAN HOWARD-JONES, Gen6ve, Organisation Mondiale de la Sant6, 1981, 20 pp.

Ce fascicule est le cinqui6me que l 'Organisation Mondiale de la Sant6 consacre h l 'histoire de la Sant6 Publique internationale. Sp6cialiste dans ce domaine, le docteur N. Howard-Jones avait d6jh publi6 en 1975 ,, Les bases scientifiques des Conf6rences Sanitaires Internationales 1851-!938 ,, et, en 1979 ,, La Sant6 Publique Internationale entre les deux guerres. Les probl6mes d'organisation ,,.

I1 expose ici avec la m~me comp6tence comment les Etats-Unis se joignirent, h partir de 1881, aux pays europ6ens pour aboutir h u n accord sur les r~glements de quarantaine internationale. Ils avaient 6t6 les seuls, parmi les seize pays invit6s en 1866 h Constantinople, h la troisi6me conf6rence sanitaire internationale, h d6cliner I'invitation. Lorsqu'ils furent enfin conscients du risque d' introduction chez eux du chol6ra (import6 pour lapremi~re lois en Am6rique du Nord en 1837) et de la fi~vre jaune, les Etats-Unis prirent l ' initiative d'organiser h Washington en 1881 la Cinqui6me Conf6rence Sanitaire Internationale. Celle-ci rut h l'origine de la cr6ation du Bureau Sanitaire Panam6ricain, int6gr6 h l 'Organisation Mondiale de la Sant6 en 1949, tout en restant ,, entit6 ind6pendante ,,.

C'est un si6cle d'histoire de la Sant6 publique et des organismes internationaux que N. Howard-Jones expose avec son 6rudition habituelle.

Nous ne lui ferons qu'une critique : avoir attribu6 h Carlos Finlay la priorit~ de la th6orie du rSle du moustique dans la transmission de la fi~vre jaune. Si, comme le dit Norman Howard-Jones, c'est effectivement le 18 f6vrier 1881 que Carlos Finlay, repr6sentant des colonies espagnoles de Cuba et de Porto-Rico h la Cinqui~me Conf6rence Sanitaire internationale, d6clara que la transmission de la fi~vre jaune exigeait l ' intervention d 'un agent interm6diaire, S t e g o m y a aedes, il ne fur nullement ,, le premier h 6mettre la th6orie d 'un insecte vecteur de maladie ,,.

D6s 1717, Lancisi avait sugg6r6 que le paludisme pouvait ~tre li6 aux moustiques. Mais, surtout, en mati6re de fi~vre jaune la priorit6 ne peut ~tre accord6e h Finlay comme le font cependant la plupart des auteurs : cette priorit6 dolt revenir h Beauperthuy, trop peu connu, qui affirma un quart de si~cle avant Finlay le rSle des moustiques dans la transmission de la fi6vre jaune.

N6 le 27 aofit 1807 h la Guadeloupe, Louis-Daniel Beauperthuy fit ses 6tudes m6dicales h Paris et soutint en 1837 sa th6se ,, De la climatologie ,,. L'ann6e suivante fl se rend ~ la Guadeloupe off s6vit la fi6vre jaune : il observe que la maladie ,, n'arrive pas dans les localit6s 61oign6es des moustiques ,,. En 1839 il s'6tablit au V6n6zuela, off il v6cut jusqu'h sa mort, en 1871, et 6tudia la fi~vre jaune et sa transmission. ,, Pendant la saison s6che, 6crit-fl, d6favorable aux moustiques, les fi~vres cessent... On ne peut consid6rer la fi6vre jaune comme contagieuse... Sans moustiques la fi6vre jaune ne se propage pas... On 6vite la maladie en 6vitant leur piqfire... ,, I1 d6montre qu'une simple moustiquaire suffit h pr6server l 'homme.

Ses observations furent publi6es en 1854 dans la Gaceta Official de Cumana et adress6es deux ans plus tard h l'Acad6mie des Sciences de Paris. Finlay semble en avoir eu connaissance mais ne les cita jamais.

A Beauperthuy donc revient la priorit6 de la d6couverte du r51e du moustique dans la transmission de la fi6vre jaune. D'une fa¢on plus g6n6rale, si l 'on excepte Lancisi, Beauperthuy aura 6t6 le premier ~ invoquer le rSle d 'un insecte dans la transmission d'une maladie infectieuse. Le rSle de la tique dans la fi6vre du Texas ne sera incrimin6 par Th. Smith et L.F. Kilborn qu'en 1893, comme le rappelle N. Howard-Jones ; celui du moustique dans la transmission des h6matozoaires sera d6montr6 par P. Manson et R. Ross de 1884 h 1898. Celui de la puce dans la peste, par P.L. Simond en 1898 et celui du pou darts le typhus par Ch. Nicolle

en 1909. H.H. MOLLARET

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