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61 1 67. De l’existence de lbsions myocardiques et valvu- laires dans les diverses formes de polgarthrites chroniques et des conclusions qu’on en peut tirer tonchant l’dtiologie et le groupement clinique des polyarthrites chroniques. Par Gunnar Kahlmeter. C’est un fait depuis longtemps bien connu que l’on trouve avec une frdquence toute particuli2re dans la polyarthrite rhumatismale aigue des signes d’endocardite et de myocardite. De nombreux auteurs soutiennent mGme - avec raison, selon moi - que le myocarde tout au nioins est constamment in- tCressC dam tous les cas de polyarthrite rhumatismale aigue. I1 devient de plus en plus hident que l’affection articulaire ne constitue point 1’ClCment central de la maladie; aussi commen- ce-t-on, d’une facon assez gCnCrale, 5 substituer 5 la dCnomi- nation de polyarthrite rhumatismale aigu2 celle d’infection rhumatismale aigue. Le virus de l’infection rhumatismale ne nous est pas encore connu, mais on est :i peu pres unanime :i penser qu’il doit exister un virus spkcifique du rhumatisme. On admet A l’heure actuelle que cette ,infection rhumatismale sp&ifiqueD est une infection chronique qui, en rGgle, donne par intermit- tence des symptiimes cliniques manifestes, tandis que, dans l’intervalle, elle se maintient dans I’organisme 5 1’Ctat latent, tout comme l’infection syphilitique, pour aboutir parfois au contraire, toujours comme la syphilis, ii une guCrison com- plkte. Les avis sont par contre fort partagb sur la question de savoir si cette infection rhumatismale CspCcifique peut donner naissance A des polyarthrites chroniques progressives. En Allemagne, la majorit6 des auteurs pensent qu’une des formes

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67. De l’existence de lbsions myocardiques et valvu- laires dans les diverses formes de polgarthrites chroniques et des conclusions qu’on en peut tirer tonchant l’dtiologie et le groupement clinique des

polyarthrites chroniques.

Par

Gunnar Kahlmeter.

C’est un fait depuis longtemps bien connu que l’on trouve avec une frdquence toute particuli2re dans la polyarthrite rhumatismale aigue des signes d’endocardite et de myocardite. De nombreux auteurs soutiennent mGme - avec raison, selon moi - que le myocarde tout au nioins est constamment in- tCressC dam tous les cas de polyarthrite rhumatismale aigue. I1 devient de plus en plus hident que l’affection articulaire ne constitue point 1’ClCment central de la maladie; aussi commen- ce-t-on, d’une facon assez gCnCrale, 5 substituer 5 la dCnomi- nation de polyarthrite rhumatismale aigu2 celle d’infection rhumatismale aigue.

Le virus de l’infection rhumatismale ne nous est pas encore connu, mais on est :i peu pres unanime :i penser qu’il doit exister un virus spkcifique du rhumatisme. On admet A l’heure actuelle que cette ,infection rhumatismale sp&ifiqueD est une infection chronique qui, en rGgle, donne par intermit- tence des symptiimes cliniques manifestes, tandis que, dans l’intervalle, elle se maintient dans I’organisme 5 1’Ctat latent, tout comme l’infection syphilitique, pour aboutir parfois au contraire, toujours comme la syphilis, ii une guCrison com- plkte.

Les avis sont par contre fort partagb sur la question de savoir si cette infection rhumatismale CspCcifique peut donner naissance A des polyarthrites chroniques progressives. En Allemagne, la majorit6 des auteurs pensent qu’une des formes

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de la polynrthrite chronique, la forme ))chroniquc sccondaire)), est due au veritable virus rhumatismal. La plupart des auteurs anglais et bon nombre d’auteurs franqais se refusent 2 ad- mettre cette nianikre de voir et estiment que ces cas, en ap- parence achroniques secondaires D ne sont autre chose qu’un dCbut aigu de la polyarthrite progressive ordinaire, la poly- arthrite chronique primaire des Allemands, la xrheumatoid arthritis Y des Anglais. On admet gCnCralement que, dans cette forme Cgalenicnt, une infection, inais d’une nutre nature que I‘infection rhumatismale vraie, constitue un facteur 6tiolo- gique obligntoire et central; cn general on considhe comme le plus vraiseniblable que l’ngent pnthogcne est une variet6 de streptocoque.

Un certain nomhre de chercheurs amCricains soutiennent Cnergiquement que l’infection rhumatismale aigut;, tout conime la polyarthrite progressive chronique, sont dues B un streptocoque et probahlement ;i une variCtC hkmolytique. En- fin, bon nonibre d’auteurs, et plus particulierement des auteurs francais et allemands, estiment que la polyarthrite progressive chronique n’est nullement d’origine infectieuse.

Les partisans de la nature independante de la polyarthrite chronique secondaire invoquent comme principal argunimt le lait que, tandis que les ICsions valvulaires ne se rencontrent que tr6s rarement dans les polyarthrites chroniques primaires (dans 3 5 1 % des cas, suivant les indications unanimes d’un grand nombre d’auteurs de divers pays). elles sont infiniment plus frCquentes dans les polyarbhrites chroniques secondairrs (40 % , suivant FREUND) .

En resumC, on peut donc dire que la doctrine est representee par quatre conceptions diffQentes:

1) Les formes aigues aussi bien que les formes chroniques de la polyarthrite sont dues au mCme virus, probablement un streptocoque.

2) La fievre rhumatismale aigut: possede son virus propre qui, dans la majorit6 des cas, attaque le coeur, laissant dans une proportion de 40 :i 60 % des ICsions valvulaires, mais ne donnant jamais naissance :I des polyarthrites chroniques.

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Celles-ci sont dues A un autre virus, et probablement B UII

streptocoque. 3) Le virus de la fi6vre rhumatismale aigue est spCcifique,

mais peut dans un certain nombre de cas donner naissance A des polyarthrites chroniques, polyarthrites chroniques secon- daires, dans lesquelles la frc2quence des lCsions valvulaires est presque aussi grande que dans les polyarthrites rhumatisma- les aigues. Les polyarthrites chroniques primaires sont dues A un autre virus, moins Bcardiophile., qui est probablement une variCtC de streptocoque.

4) Seule la polyarthrite aigue est due ;i une infection. Les formes chroniques sont dues ti des troubles de nature nutritive et probablement aussi B des troubles du syst6me nerveux vCgC- tatif et des glandes endocrines.

Le fait que la grande majorit6 des lbions valvulaires (80 B 90 % svivant LAWRENCE) apparaissent, comme on le sait, en liaison avec une infection rhumatismale aigue et que les autres in- fections ne dCterminent que rarement des lCsions vnlvulaires, il faut bien adunettre que la frkquence notablement plus grande (environ 10 fois plus grande) des cardiopathies de cette nature dans les polyarthrites chronique qui ont dCbutC sous une forme aigui2 semble indiquer nettement que ces cardiopathies sont dues au virus de l’infection rhumatismale aigue. La frCquence des 16sions valvulaires ne nous donne par contre aucun renseignement sur le r61e Cventuel d’une autre infection dam 1’Ctiologic de la polyarthrite chronique primaire.

I1 ne me paraft cependant pas impossible qu’une Ctude de la frkquence des m yocardites chroniques, ou plut6t des ltsions myocardiques, pQt contribuer ii rCsoudre cette question si compliquCe et si discutCe. On peut bien en effet poser en prin- cipe que les myocardites aigues ne sont pas une manifestation aussi exclusive de l’infection rhumatismale que les endocar- dites aigues. Bien au contraire, les myocardites aigues sont vraisemblablement frkquentes dans les infections de toute nature, tandis que l’endocardite s’observe presque exclusive- ment dans l’infection rhumatismale aigue.

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Si donc on notait une PrCdominance relativement marquee des lesions myocardiques sur les lesions endocardiques dans les polyarthrites chroniques primaires par coniparaison avec les formes chroniques secondaires, il semble bien qu’on en pourrait dCduire qu’une partie au moins des cas chroniques primaires a subi une infection autre que l’infection rhuma- tismale franche, une infection qui B la difference de l’infection rhumatisniale laisse ap rh elle des ICsions du myocarde no- tablement plus souvent que des lesions de l’endocarde.

Ce qui ne prouve Cridemment pas que l’infection subie a nCcessairement une signification Ctiologique. On peut imagi- ner en effet que les 16sions du myocarde pourraient Ctre des skquelles des infections banales que chacun subit au cows de son existence. I1 faut donc coniparer la frequence des lesions myocardiques dans les polyarthrites chroniques primaires arec les conditions d’un matCriel clinique composC d’individus en bonne santC ou d’individus n’btant atteints d’aucune affec- tion pouvant Ctre soupConnCe de provoquer une myocardite et appartenant B la mGme classe d’Pge que les polyarthrites chroniques primaires.

Sur ces prdmisses, il m’a paru qu’il y aurait un certain intCrCt a rassembler le mathiel de polyarthrites chroniques rCuni h l’hdpital d ’ h depuis que nous disposons d’un Clectrocardiographe 1928). Comme materiel de comparai- son, j’ai choisi - comme ))cas norniaux)) - 45 malades de I’h6pita1, atteints d’affections ne pouvant Ctre consid6rCes camme ayant une influence sur les cardiogrammes (nhroses, sciatique, Cpilepsie, etc.) et 72 infirniieres adjointes de l’h6pi- tal St-Erik, toutes en bonne sante et dont les cardiogranimes ont CtC obligeamment mis :N nia disposition par le Dr Ernst Wikner, professeur-agrCgC et medecin en chef de cet h6pital.

I1 va de soi qu’une dtude de cette nature est entachCe de nombreuses sources d’erreur, mnis elk n’a pour objet que de nous donner une orientation gCnCrale et il senihle bien qu’cn raison de l’ahondance du matCrie1, elle puisse conduire aux rCsultats que nous en attendons.

Les avis peuvent Ctre partagCs sur ce qu’il convient de con- siderer comme des Ccarts pathologiques du cardiogramme et

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plus encore sur les Ccarts qui doivent Ctre interpret& c o m e signes d’une alteration myocardique. Je n’ai tenu ici aucun compte des IBgers Ccarts dans la forme du complexe QRS ou des crochets, non plus que de la valeur negative de Trrr, bien que plusieurs auteurs considcrent Cgalement ces Ccarts comme indiquant une 16sion myocardique anterieure. Les systoles supplementaires sans modifications Clectrocardio- graphiques n’ont pas davantage CtC coanptdes comme des for- mes pathologiques de cardiagrammes.

Comme signes Clectrocardiographiques d’altBration du myo- carde, je n’ai fait entrer en ligne de compte que les phBno- menes suivants:

1) Un allongement de la conduction de 0,20 ou au-dessus, constat6 A I’un quelconque des examens.

2) Des alterations certainement pathologiques du complexe QHS (dans la plupart des cas, blocs de branche ou blocs d’arborisation) .

3j UnTr nCgatif. J’cri exclu de ma statistique, m8me dans les groupes de

contrble, tous les cas au-dessus de 50 ans, tous les individus ofteints de ntphrite, ou pre‘sentant une hypertension supk- rieure ci 160 mm. ou enfin tous les cas ayant des antkce‘dents syphilitiques. Dans le groupe IV, celui des chroniques pri- maires. de m8me que dans les groupes te‘moins, j’ai kgalement Climine‘ tous les cas ayant eu antkrieurement une fihvre rhu- matismale.

Notre materiel ahs i sBlectionnB, qui se trouve rBuni dans le tableau cidessous, comprend 37 cas de polyarthrite chro- nique secondaire et 48 cas de polyarthrite chronique primaire, ainsi que 117 cas temoins, de santB normale. Dans le but de constituer, en vue d’une discussion ulterieure, un materiel de comparaison ndcessaire touchant I’action exercCe sur le myo- carde par les infections aigues, j’ai Bgalement compris dans mon Ctude 172 cas de polyarthrite aigue et subaigue, ainsi que 68 cas d’autres maladies infectieuses (influenza, pneumonie, erythGme noueux, pyBlite, etc.) , appartenant tous i I’h6pital d’Aso.

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J’ai pleinenient conscience que, lorsqu’il s’agit de myocar- dites aiguss, ce n’est pas la valeur absolue de la conduction qui prouve l’existence d’une myocardite (un allongenient de la conduction pouvant avoir exist6 anthrieurement) , niais bien la Inodification subie par le dClai de conduction au cours de la p6riode d’observation. C’est ainsi, p. ex., qu’un cas oh le dClai A.-V. est, pendant le cows de la maladie, pass6 de 0.12 ii 0,16 doit donc Ctre considCrC comme un cas de myocardite aiguE, tandis que l’observation isol6e d’un d6lai A.-V. de 0,20 n’est pas nkcessairement le signe d’une myocardite en cours. Si. ni6me dans les cas aigus de myocardite, je n’ai pris que ceux dans lesquels le dClai .9.-V. atteignait ou dbpassait 0,20, c’etait dans le but d’ktablir une limite uniforme devant, dans les cas chroniques, indiquer avec certitude l’existence d‘une l6sion myocardique (sans donner Cvidemment d‘indication certaine sur la date d’cippccrition de cette lbion). En choisis- sant, m&me dans les cas aigus, 0,20 comnie liinite de ce qui peut 6tre considCrfi coninie un d6lai de conduction patholo- gique, je m’expose Cvideninient ii ,laisser passer)) un assez grand nombre de cas dans lesquels il a exist6, k un nionient donnC de la maladie, un allongement de la conduction, sans que cet allongement ait jamais atteint 0,20. Mnis cette ,muti- lation) des cas positifs de myocardite atteint necessairement les cas d’infections non rhumatismales dans la mCme propor- tion que les deux groupes de fi&vre rhumatisniale. Or, dans la question qui nous occupe ici - celle de savoir si de la frC- quence des lCsions myocardiques dans les polyarthrites chro- niques secondaires et primaires on peut tirer quelque con- clusion sur la diffkrence Cventuelle de ces deux groupes au point de vue 6tiologique - ce qui importe exclusivement, c’est la proportion rCciproque qui existe entre la frCquence de certaines altCrations 6lectrocardiographiques, d’une part dans l’infection rhumatismale aigue, et de l’autre dans les autres infections. Cette proportion doit, ii mon sens, donner des indi- cations correctes, m&me si le nombre absolu des myocardites aigues est trop faible.

J’ai enfin introduit 6galement dans le tableau l‘existence de lesions valvulaires dans les divers groupes. A cet Cgnrd, je

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n'ai cependant tenu compte que des cas prCsentant un souffle diastolique, c.-A.-d. des Ihions valvulaires certaines; les chiff- ies indiqub constituent donc des minima.

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I1 ressort du tableau qu’en ce qui concerne le groupe I , qui coniprend les cas classiques de polyarthrite rhumatismale aigue, avec tempkrature Blevke et signes articulaires pronon- cks, il existait des signes de 16sion myocardique dans 42 % des cas et des lksions valvulaires dans 51 % (60 % des cas ayant un Clectrocardiogramme pathologique et 45 % un Blectro- cardiogramme normal).

Si I’on compare ces chiffres avec ceux du groupe V (infec- tions aigues autres que l’infection rhumatismale) , on constate que 12 % seulement des cas prksentent un Clectrocardio- gramme pathologique et 4,4 % des signes certains de lesions valvulaires. Des ltsions myocardiques marqutes se retrouvent donc dans l’infection rhumatismale uigue auec une frtquence plus de 3 fois suptrieure ir celle que l’on constate dons les autres infections aigues; gitant aux lesions valvulctires cer- taines, elles sont environ 10 fois plus frtquentes duns l’infec- tion rhumatismale que duns les autres infections.

Le groupe I1 (106 cas) coniprend les cas auxquels les Anglais donnent le nom de ,subacute rheumatic fever,, dBbutant sous une forme plus ou moins nettement aigue, mais ou la fihvre reste modkrBe (au-dessous de 38’) et oil les sympt6mes arti- culaires sont infiniment plus attCnuCs que dans le groupe It le plus souvent insignifiants et souvent trhs passagers. Cette forme d’infection rhumatismale est, au cours des dix dernieres anndes, devenue notablement plus frCquente que la fihvre rhumatismale classique. En ce qui concerne leur type clinique, la plupart de ces cas 6voluent c o m e une ficvre rhumatis- male nbknigne, mais, dans bien des cas, leur tableau clinique diffhre du tableau normal. C’est ainsi qu’on constate, avec une frkquence plus particulihre, des manifestations pkri- articulaires et pkritendineuses, souvent localiskes i une 011

deux articulations et frkquemment fugaces, en un mot, une sorte de type ~allergique..

Dans ce groupe 11. on note une proportion d’klectrocardio- grammes pathologiques de prbs de 30 % et une proportion de lksions valvulaires certaines de 22 % . LL‘S 16sions myo- cardiques sont donc, dans ce groupe, presque aussi frkquentes que dms le groupe I . tandis que les lksions valvulaires

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n’atteignent m&me pas la moitiC de celles que l’on constate dans le groupe I.

Cette particularit6 pourrait peut-&tre &tre attribuCe au fait que, dans ce groupe 11, celui des formes Bsubaiguesn, il existe un certain nombre de cas dus, non A une infection rhumatis- male vraie, mais i une autre infection determinant sans doute des lCsions myocardiques dans une proportion presque aussi grande que l’infection rhumatismale vraie, mais ne pro- voquant pas dans la m&me mesure des lhions valvulaires. Comme je viens de le signaler, les cas du groupe I1 ne prCsen- tent pas tous le type clinique de la fievre rhumatismale h Cvolu- tion bCnigne. Par comparaison avec le groupe V (infections non rhumatismales) , la frCquence des lCsions myocardiques du groupe I1 est environ 2 fois et demi plus grande tandis que celle des lCsions valvulaires est largement 5 fois supkrieure.

Les chiffres que je viens d’exposer m e paraissent indiquer que, duns le groupe I I , des polyarthrites subaigues, on se trouue, au moins en majeure partie, en prCsence d’une infec- tion rhumatismale uraie, mais que certaines autres infections ayant, par rapport 2r l’infection rhumatismale franche, une moindre affinitk pour l’endocarde que pour le myocarde, peuvent parfaitement Ptre la cause d’un certain nombre de CQS Cvoluant cliniquement comme des polyarthrites subaigugs.

Le groupe I11 comprend, d’une part des cas chroniques secondaires suivant la terminologie allemande, c.-8.-d. des cas ayant dCbutC comme une fikvre rhumatismale classique (= Groupe I), et, d’autre part des cas ayant dCbutC sous une forme subaigue (= Groupe 11), mais Ctant passCes 8 la forme chronique et ayant pendant cette Cvolution prCsentC des pCrio- des d’hyperthermie. Parmi la 37 cas de ce groupe ayant CtC souniis I l’examen Clectrocardiographique, 10 cas de lCsions myocardiques, soit une proportion de 27 % qui concorde particulikrement bien avec celle du groupc prCcCdent, o~ nous a r o m not6 29 % d’klectrocardiogrammes pathologiques. Des lCsions valvulaires certaines existaient dans une proportion de 24 %.

Ces chiffres concordent si exuctement avec ceux d u groupe prCcCdent que, toutes re‘serves faites en ruison du nombre

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relatiuement restreint d e ccis d u groupe I I I , o n est bien oblige‘ de toute facon de reconnoitre qu’ir en juger par la statistique, que l’infection ou les infections qui de‘terminent les formes chroni- ques secondaires ont, pour l’endocarde comme pour le myo- carde, une aussi grande affinite‘ que les infections qui prouo- quent la ficure rhumatismale subaigui; (Groupe I I ) . Peut-&tre le virus est-il aussi en ce qui concerne les formes chroniques secondaires celui de l’infection rhumatismale dans la majorit6 des cas et celui d’une autre infection dans qiielques cas.

Nous en arrivons enfin au Groupe IV, qui comprend les cas de polyarthrite chronique primaire suivant la terniinologie allemande ou de xrhenmatoid arthritis,, suivnnt la nomen- clature anglaise, c.2k-d. les cas dkbutant sous une forme nette- nient chronique, insidieusc et qui, durant toute leur evolution, ne prksentent pas de fCbrilitC, au moins caractCrisPc. 9ous trouvons ici, parini les 18 cas examines h 1’Clertrocardio- graphie, 6 cas prkentant un Clectrocardiogramme patholo- gique (12,5 % ) , pourcentage qui n’atteint pas la moitie de celui que l’on note dans les formes chroniques secondaires (27 % ) . Les lCsions valvulnires atteignent une proportion dc 8.3 z . Les le‘sions myocnrdiques sont donc plus de deux fois et les le‘sions ualuulaires prZs d e trois fois plus fre‘quentes drins les for- m e s chroniques secondaires. Plus caracteristique est peut-&tre encore la proportion entre le pourcentage des lesions valvu- laires et celui des 1Csions myocardiques dans les deus groupes: elle est en effet de 0,9 dans le groupe chronique secondaire et de 0,6 dans le groupe chronique primaire.

Le fait que les erreurs moyennes sont, ainsi qu’il ressort du tableau, assez, ClerCes, enlcre sans doute de sa valeur h cette diffCrence entre les pourcentages proportionnels. hlnis elk me parait nCanmoins indiquer assez clairement oue les deux groupes doiuent uraisemblablement auoir pour e‘tiologie des in- fections diffe‘rentes, ou que si une seule et m&me infection ne constitue pas le facteur etiologique exclusif de tout un groupe, un seul virus doit cependant jouer dans un des groupes un r6le prCpondCrant et un autre virus prCdominer dans l’autre groupe. Le fait que l’infection rhumatismale franche. qui a pour l’endorarde une nffinitC marquee, constitue bien plus

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souvent le facteur Ctiologique dans le groupe I11 que dans le groupe IV me parait corrobord, non seulement par la diffe- rence prCcitCe qui existe entre le pourcentage proportionnel des lCsions valvulaires et celui des l&ions myocardiques, mais encore par cette circonstance, que parmi les cas prCsentant un Clectrocardiogramme pathologique, on notait 60 % de lCsions valvulaires dans le groupe I, 45 % dans le groupe 11, 40 % dans le groupe 111, et 17 % seulement dans le groupe IV.

La question qui se pose est alors celle-ci: est-il vraiment si certain que, somme toute, une infection quelconque joue un r61e Ctiologique dam la polyarthrite chronique primaire, une infection de nature autre que l’infection rhumatismale, une in- fection ayant une affinitC notablement moins grande que celle-ci pour le myocarde et surtout pour I’endocarde. Ou bien les lCsions myocardiques ou valvulaires, que l’on recontre cependant en petit nombre mCme dans le groupe chronique primaire, tiennent-elles A ce que ces malades ont subi des in- fections occasionnelles, dkpourvues de tout r81e Ctiologique.

I1 peut y avoir quelque intCrCt B comparer la frequence drs lksions myocardiques et valvulaires dam le groupe IV avec cette mCme frCquence, soit dans des infections aigues, non rhumatismales, soit chez des individus normaux appartenant au mCme groupe d’kge (Groupes V, VI a et VI b). Nous no- tons alors dans le groupe des polyarthrites chroniques primai- res 12,5 % de lbions myocardiques et 8,3 % de 1Qions valvu- laires; dans le groupe ,infections aigues non rhumatismales )), un pourcentage respectif de 12 % et de 4,4 % et, dans les deux groupes d’individus normaux, 2,s % et 2,8 % (Groupe VI a, infirmicres normales), et 2,2 et 2,2 (Groupe VI b, malades atteints d’affections ne pouvant Ctre soupqonnCes dc donner des complications cardiaques) . Les cas tCmoins (Groupe VI) qui prkentaient des 16sions cardiaques Ctaint 2 infirmi6res du groupe VI a dont l’une avait une altkration du complexe QRS et la seconde une conduction de 0,20, ainsi que autres infir- mi6res atteintes de rCtrCcissement mitral (sans signes de Ibion myocardique), qui dkclarhrent n’avoir pas eu de fi6vre rhumatismale; dans le groupe VI b, on notait une femme de 40 ans, atteinte de nitvrose et prksentant, outre des signes

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d’auscultation de rCtrCcissement mitral, un Clargissenlent pathologique du cmplexe QRS, bien qu’elle affirmat n’avoir jamais eu de fibvre rhumatismale.

Dans nos deux groupes tbmoins, comprenant en tout 115 individus, one trouve donc que de trks rares cas de lesions myocardiques ou valvulaires (de 2 i 3 ’%). Ces chiffres con- cordent d’une faqon particulibrement exacte avec les chiffres donnCs par le dCpouillement de materiel important et notam- rnent avec les chiffres donnes par un rapport du ,Ministry of National Service, public en 1920. De ce rapport publib par I’administration anglaise, il ressort que parmi les ~2.500.000 recrues amCricaines on coniptait 3,5 de lesions cardiaques, et 2,4 % parmi les 10.000 recrues Ccossaises. On doit consi- dCrer comme assez remarquable que, parmi les 48 polyarthrites croniques primaires ayant CtC examinees ,i 1’Clectrocardiographe et n’ayant, a ma connaissance, pas eu de fikvre rhumatismalc, j’aie trouvC 8,3 de lesions valvulaires et 12,5 % de lesions myocardiques. Ainsi que l’indique l’ordre de grandeur des erreurs moyennes, il peut Cvidemment se faire que des circon- stances accessoires interviennent et les sources d’erreur se multiplient naturellement dans un materiel de ce genre: niais la difference de frCquence des lesions cardiaques que l’on constate entre les polyarthrites chroniques primaires et les cas tCmoins est cependant si nette que les re‘sultats que j’ai obtenus me paraissent, nu moins dnns Line certnine mesure, indiquer qu’une infection joue vraisemblablement un r61e dans In gen2se de la polyarthrite chronique p i m a i r e , bien que cettp infec- tion doioe probablement &re d’une autre nature que l’infection rhumatismale urctie. Ce qui n’iniplique pas necessaireiiient que le virus soit unique, spCcifique, ainsi que le prbtendent certains auteurs amkicains. I1 se pourrait t r b bien, ainsi que le pensent notaniment certains auteurs francais (REZANCON, PEIRRE-MATHIEU WEIL) , que plusieurs virus diffcrents (strep- tocoques, entkrocoques et peut-@tre m@me le bacille tuherculeux) soient susceptihles de dkterminer, chez certains individus prPdis- poses - constitutionnellement ou par allergie - cles polgnrthri- tes chroniques primaires. Peut-Etre pourrait-on, dans line cer- taine mesure, invoquer l’appui de cette conception le fait

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que, dans notre materiel, la frkquence des lCsions myocardi- q u a et valvulaires dans la polyarthrite chronique primaire ( rap . 12,5 et 8,3 % ) , correspond de bien plus prks aux abiffres donnCes par les infections aigues autres que l’infec- tion rhumatismale (angine, influenza, pneumonie, Crytheme noueux), ofi j’ai not6 12 % de lesions myocardiques et 4,4 % de lCsions valvulaires, qu’8 ceux des individus sains ou non atteints d’affections infectieuses (2 B 3 % seulement de lCsions tant myocardiques que valvulaires) .

Les rksultats de mes recherches me paraissent donc indiquer qu’il existe une ue‘ritable polyarthrite chronique secondaire rhumatismale, prouoque‘e selon toute urnisemblance pcir Ie m&me uirus comme la fi6vre rhumatismale aigue, et - d’autre cote‘ - que l‘infection rhumatismale uraie ne constitue pas la cause de la polyarthrite chronique primaire, mais qu’une infection de nature diffe‘rente - qui n’est peut-&tre pas unique - entre probablement comme facteur inte‘grant dans l’e‘tiologie de cette forme de polyarthrite, au moins dans une proportion im- portante des cas.

A ce propos, je rappellerai en terminant que, dans les recher- ches que j’ai BffectuCes sur l’image morphologique du sang dans les diverses formes de polyarthritas aiguk et chroniques, recherches que j’ai communiqukes au 10e congrks scandinave de Mdecine interne B Helsingfors (1921) et au l l e congres scandinave d’Oslo en 1923, j’ai constate bien plus frCquem- ment une anCmie prononcCe et certaines altdrations du tableau leucocytair dans les groupes que j’ai design& par les chiffres I, TI et 111 que dam le groupe IV, celui des Dpolyarthrites chroni- ques primaims non farilesa, suivant la dCnmination que j’avais alors donnCe j! ce groupe. Je aherchai alors 5 Ctablir que, selon toute vraisemblance, c’Ctait l’infection rhumatis- male spCcifique qui dkterminait ces modifications de l’image hCmatologique et que, par suite, la polyarthrite nchronique primaire, devait avoir une Ctiologie autre que le virus rhuma- tismal spCcifique. Mes rCsultats ont ultkrieurement CtC con- firm& de divers cdtCs et mes conclusions sur la signification de l’image hematologique dans la discussion de 1’Ctiologie des polyarthrites ont CtC, e l la aussi, gheralement admises. La

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prCsente Ctude sur la frkquence des 1Csions. myocardiques dans les differentes formes de polyarthrite nie parait de nature :I

apporter ii cette manikre de voir une nourelle confirmation.

RESUME. Une Ptude sur la frCquence des lCsions niyocardiques dCce-

lables par l’blectrocardiographie et des lCsions valvulaires cliniquement Ctablies, portant sur un materiel de 1 7 1 cas de polyarthrite rhumatismale aigue, 85 cas de polyarthrite chro- nique et 185 cas tCmoins a montrC: 1) Que dans la fikvre rhumatismale, la frCquence des lCsions

niyocardiques graves est trois fois plus grande que dans quelques autres infections aigues, mais que celle des lCsions valvulaires est 10 fois supCrieure.

2) Que dam la xfikvre rhumatisniale subaigue,, les lCsions myocardiques sont 2 fois et demi plus frequentes que dans les infections non rhumatismales et les lCsions valvulaires 5 fois plus frPquentes. Les lCsions myocardiques ne sont donc gukre ici plus rares que dans la fievre rhumatismale aigue, tandis que les frCquence des lkions valrulaires est moindre de moitie. Ce fait pourrait peut-&tre &tre consi- dCrC comme indiquant que d’autres infections, ayant une affinitC notablenient plus faible pour l’endocarde que l’in- fection rhumatismale mais dkterminant une proportion <i

peu pres Cgale de lCsions myocardiques, peuvent, elles aussi, &tre mises en cause dans un certain nomhre de cas appartenant ii ce type clinique. Que dans la polyarthrite xchronique secondaire,, les lesions moycardiques et valvulaires ont une frequence 5 peu pr&s &gale ~ celle des fornies subaiguiis. Ce qui semblerait indi- quer que la majeure partie au moins des polyarthrites chroniques secondaires sont dues 5 une infection rhuma- tismale franche, mais que le tableau clinique que l’on observe dans certains cas peut &tre determink par une autre infection ayant pour l‘endocarde moins d’affinitC que l’infection rhumatismale vraie.

4 ) Que dans le g r o u p des Bpolyarthrites chroniques primai-

3)

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resp, on note, par comparaison avec le groupe chronique secondaire, moins de la moitiC de lCsions myocardiques et un tiers environ de lCsions valvulaires. Jointe au fait que, parmi les polyarthrites chroniques primaires avec modifications Clectrocardiographiques, la proportion , des lCsions valvulaires n’Ctait que de 1 7 %, tandis qu’ellc Ctait de 40 % dans les formes chroniques secondaires, de 45 % dans les formes subaigucs et de 60 % dans les formes aiguCs, cette constatation permet de supposer que, vraiseni- blablement, l’infection rhumatimale vrai ne constitue que dans un nombre restreint de cas la cause de la polyarthrite chronique primaire, mais que par contre elle dCtermine, au moins dans la majorit6 des cas, la polyarthrite cronique secondaire.

5) Que, par comparaison avec un materiel comprenant di- verses infections aigues non rhumatismales, les lesions myocardiques et valvulaires Ctaint au moins aussi fre‘quen- tes dans les polyarthrites chroniques primaires que dans ces autres infections aigucs, mais que dans un matCriel assez nombreux, comprenant des individus normaux ou atteints d’affections ne pouvant &tre soupqonnCes deter- miner des lCsions cardiaques, on ne totait que quelques cas isolCs de lCsions myocardiques ou valvulaires.

I1 semble donc, si l’on joint ce fait aux autres rCsultats de notre 6tude qu’une infection d’une nature indtterminCe joue un r61e Ctiologique dans la genkse de la polyarthrite chronique primaire. Nous ne pouvons nous prononcer sur la nature de ce r61e non plus que sur la spCcificitC du virus. Peut-&tre diffC- rents virus peuvent-ils, chez des individus prCdisposCs donner naissance par la voie allergique ii des polyarthrites chroniques primaiies. La concordance assez exacte constathe au cours de cette Ctude entre la frCquence des lCsions myocardiques et valvulaires dans les polyarthrites chroniques primaires et celle que l’on note dans un certain nombre d’autres infections non rhumatismales de diverse nature (angine, Crythhme noueux, pneumonie) pourrait peut-&tre Ctre considCrCe comme corro- borant cette hypothbe.

XVI. Nord. kongress. - 40.