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Dessin Jacek Przybyszewski NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2020 VOLUME 40 NUMÉRO 9-10 ISSN 0291-0233 ÉDITORIAL. Pandémie de Covid-19 : a-t-on tiré toutes les leçons des échecs ? Epidémie, contagiosité, R0, mesures barrières. Comprendre les mesures de prévention de la Covid-19. Physiopathologie de l’infection à SARS-CoV-2 et de la Covid-19 pour les nuls. Diagnostic biologique des infections à SARS-CoV-2. Tests de diagnostic rapide du SARS-CoV-2: se dirige-t-on vers un nouveau fiasco? Comprendre le développement des vaccins contre le SARS-CoV-2. VU DE VILLE. Fièvre et otalgie en pédiatrie : pas toujours si banal ! AU COIN DU WEB. Douleurs de croissance. Curieuse éruption du dos chez un enfant de quatorze mois. Problème de masque en famille. A D O L E S C E N C E D O S S I E R S P É C I A L C O V I D - 1 9 Direction scientifique : Pr R. Cohen

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NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2020VOLUME 40 � NUMÉRO 9-10

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� ÉDITORIAL. Pandémie de Covid-19: a-t-ontiré toutes les leçons des échecs?� Epidémie, contagiosité, R0, mesures barrières.�Comprendre les mesures de prévention de la Covid-19.� Physiopathologie de l’infection à SARS-CoV-2 et de la Covid-19 pour les nuls.�Diagnostic biologique des infections à SARS-CoV-2.� Tests de diagnostic rapide du SARS-CoV-2 : se dirige-t-on vers un nouveau fiasco?�Comprendre le développement des vaccins contre le SARS-CoV-2.� VU DE VILLE. Fièvre et otalgie en pédiatrie : pas toujours si banal !� AU COIN DU WEB. Douleurs de croissance. Curieuse éruption du dos chez un enfant de quatorze mois. Problème de masque en famille.

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pour la fabrication des masques quepour celle des outils de diagnostic del’infection à SARS-CoV-2, n’est que laconséquence de l’effondrement de notreappareil industriel.Notre incapacité à augmenter le poten-tiel d’accueil des services de réanimationsans retentissement sur la prise encharge des autres patients n’est que le re-flet de la gestion principalement comp ta -ble de nos hôpitaux et de la probléma-tique organisationnelle de nos structuresde soins, la rentabilité de l’hôpital ayantpris le dessus sur toute autre considéra-tion depuis la prise de pouvoir de la tech-nocratie durant la décennie 1990.Notre incapacité à faire respecter la loi etl’ordre dans tous les domaines a eu pourconséquence le non-respect des mesuresde distanciation et de port du masquepar une partie de la population, créantdes poches dans lesquelles le virus a pucirculer largement et librement.Notre incapacité à prévoir, anticiper etorganiser, ainsi que notre manque derigueur dans la mise en place des moyensnécessaires à l’application des mesuresd’hygiène ont provoqué l’insécurité et lechaos lors des retours en classe, pourtantjugés essentiels par tous.L’indécision de nos politiques depuis desdizaines d’années n’est que l’aboutisse-ment d’une gouvernance au jour le jour,au gré des turbulences médiatiques, doncdavantage mue par des réactions que pardes actions anticipatrices, sans vision àlong terme et empêtrée dans un principede précaution mal appliqué. Une bonnedécision prise à un mauvais moment peutdevenir une mauvaise décision.Enfin, la lourdeur de notre système ad-ministratif, en particulier dans le do-maine de la santé, a joué un rôledélétère. Les agences sanitaires (ANSM,SPF, HAS, HCSP, ARS…) ont été addi-tionnées à la DGS et à la DGOS ainsiqu’au cabinet du ministre au cours dutemps, avec des recoupements dansleurs attributions et des moyens limitéspour chacune d’entre elles. Les suites del’affaire du Mediator®, l’absence quasicomplète dans ces agences d’« expertsde terrain » ont privé ces instances de

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L a pandémie de Covid-19 a toutbousculé sur son passage, entraî-nant de nombreux bouleverse-

ments en France comme dans le mondeentier, touchant aussi bien nos modesde vie, l’économie, l’enseignement, nosrapports aux autres que nos pratiquesmédicales. Elle a surtout fait perdre leurbon sens à beaucoup de gens, et leursens clinique ainsi que leur rigueurscien ti fique à nombre de médecins.Cette épidémie a mis en exergue toutesles difficultés et les faiblesses de notresociété, de nos administrations et denotre système de santé, tant à l’hôpitalqu’en ville. La formation des médecins,davantage fondée aujourd’hui sur laconnaissance de recommandations etd’algorithmes que sur la compréhensionde la physiopathologie des maladies etl’expérience de terrain, a complexifié lasituation et n’a pas permis d’appréhen-der pleinement les divers enjeux decette crise sanitaire.Il a été suggéré que le nombre impor-tant de décès rapporté aux Etats-Unisétait dû à la rencontre de deuxépidémies, celle du SARS-CoV-2 et cellede l’obésité. C’est aussi, on peut s’au-toriser à le penser, la rencontre frontaled’une épidémie avec la bêtise humainerelayée par les réseaux sociaux. On de-mande à l’Etat tout et son contraire :des règles simples alors que la situationest complexe, figées alors que les con-naissances sont évolutives et en pro-gression constante.En mars 2020, Le président de laRépublique a évoqué une situation deguerre. En a-t-on tiré toutes les consé -quences ? Si c’est une guerre, c’est uneguerre de mouvements, non une guerrede tranchées. Si les décisions prises sontsouvent les bonnes, elles le sont àcontre temps et sans l’appui de la logis-tique indispensable.L’échec de la lutte contre la Covid-19,marqué par la survenue ces dernièressemaines d’une deuxième vague, n’estque l’exacerbation des maux quitouchent la société française depuis desdizaines d’années.Notre incapacité à être autonome, tant

EDITORIAL

PandémiedeCovid-19:a-t-ontirétoutes les leçons des échecs?

R. Cohen, pédiatre, infectiologue, ancienprésident du groupe de travail de l’Afssaps sur les anti-infectieux et ancien membre de la commission d’AMM, GRC Gemini, CHI de Créteil, GPIP, AFPA et ACTIVF. Trémolières, interniste et infectiologue, ancien vice-président du groupe de travail de l’Afssaps sur les anti-infectieux et ancienmembre de la commission de la transparence, hôpital François-Quesnay, Mantes-la-JolieR. Gauzit, réanimateur, infectiologue, ancien vice-président du groupe de travail de l’Afssaps sur les anti-infectieux, hôpital Cochin, ParisRemerciements à G. Monguillot

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spécialistes qui auraient été bien utilesen période de pandémie. Enfin, on a vuse développer une « culture » d’admi -nistration pour laquelle la préventiond’éventuels procès prime souvent surla santé publique. Cela explique engrande partie le retard de certaines dé-cisions pourtant cruciales. Il est aussiprobable que l’hypermédiatisation decette pandémie, avec des médecins auxpropos se contredisant d’une semaine àl’autre, n’a pas favorisé l’adhésion auxrecommandations…Cependant, jamais la recherche n’aavancé aussi vite, tant sur la connais-sance du virus que sur la maladie elle-même, permettant de penser aujourd’huique cette épidémie obéit aux règlesgénérales des pathologies infectieuses.La transmissibilité et la contagiositéd’un virus ne se résument pas au R0(nombre moyen d’individus infectés àpartir d’un cas contact dans une popu-lation non immunisée) et à l’intervalle inter générationnel (temps moyen entrele moment de la contamination d’unsujet et celui où il devient contamina-teur). Il faut également prendre encompte le facteur k (capacité à trans-mettre les agents pathogènes, proba-blement très différente d’un individu àl’autre), paramètre permettant d’éva -luer cette dispersion. On sait à présentque le SARS-CoV-2 a tendance à sepropager en grappes, avec des notionsde super-contaminateurs et des situa-tions de super-contaminations, maiscette donnée n’est pas intégrée dans lesstratégies de gestion de la pandémie, enparticulier dans l’application desmesures de prévention. Comme pourd’autres agents patho gènes, les formesles plus graves de la maladie, tant chezl’enfant que chez l’adulte, sont le témoinde ré pon ses immunitaires inappro-priées, excessives et/ou inadéquates.Jamais autant de connaissances n’ontété accumulées en si peu de temps, maisles milliers de publications, d’observa-tions, de travaux de recherche et d’es-sais cliniques ne forment aujourd’huique les pièces d’un patchwork qui de-mandent encore, et probablement pourplusieurs mois, à être assemblées.

La lutte contre la pandémie continue dereposer essentiellement sur les mesuresd’hygiène. Cinq sont efficaces : ladiminution du nombre de contacts, ladistanciation, le port du masque dansles milieux fermés et en extérieurlorsque la distanciation n’est pas possi-ble, l’hygiène des mains, l’aération despièces. L’utilisation des masques a étéparticulièrement confuse en débutd’épidémie, essentiellement pour deuxraisons : d’une part, le manque d’appro-visionnement indéniable ; d’autre part,la non-recommandation du port dumasque en population générale du faitde la sous-estimation initiale de latransmission «air » du SARS-CoV-2 parles microaérosols et du rôle des sujetsasymptomatiques dans la dynamique del’épidémie. Bien qu’efficaces, cesmesures réduisent le risque mais ne lesuppriment pas, et sont très con trai -gnan tes sur la durée. L’efficacité desautres mesures reste discutable en rai-son du mode de transmission du virus.Pendant des années, pour les maladiesinfectieuses, une médecine syn-dromique, voire symptomatique, a étéimposée aux médecins de terrain en lesprivant d’outils de diagnostic rapidepourtant existants, sous prétexte quecela ne changeait rien à la prise encharge des patients. Cette attitude étaitle résultat d’intérêts divers : celui deslaboratoires de pointe comme les cen-tres nationaux de référence (CNR), quitrouvaient à juste titre que ces testsétaient moins performants que ceuxqu’ils utilisaient ; celui des laboratoiresde biologie de ville, qui craignaient queces tests de diagnostic rapide (TDR) en-traînent une diminution de leur activitédans un contexte économique déjà diffi-cile pour eux ; celui de groupes demédecins qui ne veulent s’appuyer quesur des règles de décisions cliniques ouqui trouvent ces TDR trop chronophageslors de leurs consultations. Toutes cesattitudes ont largement contribué au faitque la France reste l’un des pays où l’onconsomme le plus d’antibiotiques, ainsiqu’aux difficultés rencontrées pour instaurer l’utilisation des TDR du strep-tocoque du groupe A. Que dire des TDR

de la grippe ou de protéine la C-réactive(CRP) en microméthode, utilisés depuisdes années dans de nombreux pays maisseulement par les urgences pédiatriqueset quelques pédiatres ambulatoires enFrance, sans aucune prise en charge parl’Assurance maladie ? Ainsi, on com-prend mieux les difficultés d’implémen-tation des TDR du SARS-CoV-2 dansnotre pays malgré la publication d’étu -des, notamment dans le New England Journal of Medicine, soulignant leur in-térêt depuis plus de deux mois.Enfin, on ne peut clore la liste de cesconstats sans aborder le fiasco de l’utili-sation des PCR. En début d’épidémie, lepeu d’appareils disponibles consti tuaitdéjà un obstacle, mais la limitation deces tests à quelques laboratoires hospi-taliers, puis, plus tard, la préconisationdes PCR sans ordonnance ont constituédeux erreurs majeures. Les laboratoiresde biologie de ville n’étaient pas prêts,ni en termes de personnel capable deréaliser les prélèvements et leur a na -lyse, ni en termes de réactifs, à recevoirdes centaines de milliers de demandeschaque jour. Il s’en est ensuivi des filesd’attente interminables, des délaisconsi dérables pour réaliser les prélève-ments et, surtout, des retards inaccepta-bles de délivrance des résultats rendantcomplètement inef fi cace la stratégie dedépistage des cas et d’isolement desmalades. Outre le coût faramineux decette stratégie, son échec a indis-cutablement contribué à la sur venue dela deuxième vague de l’épidémie.Aujour d’hui, alors que nous la subissonset qu’un nouveau confinement (partiel)a été imposé, il est essentiel de repenserune stratégie de dépistage efficace avecles nouveaux ou tils dont nous dis-posons, et de définir au préalable lesétapes qui seront nécessaires au décon-finement afin de pouvoir en tirer pleine-ment profit.Or, l’utilisation des tests rapides d’orien -tation diagnostique (TROD) SARS-CoV-2nous semble mal engagée, et va aboutir,si l’on persiste, au même ratage que celuides PCR. �Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts enrapport avec cet article.

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VOLUME 40NUMERO 9-10

Médecine & enfance est répertoriée dans la banque dedonnées CNRS/PASCAL de l’INIST et dans le CISMEF duCHU de Rouen (www.cismef.org).

Directrice de la publication : Claudie Damour-Terrasson� Direction éditoriale : Marc Bellaïche, Christian Copin, Marc Koskas, Olivier Mouterde � Rédacteur en chef : Claude Geselson � Comité de rédaction : R. Cohen,H. De Leersnyder, M. Joras, A. Mosca, E. Pino, C. Philippe,J. Valleteau de Moulliac � Responsables de rubrique etconseillers scientifiques : R. Assathiany, S. Auvin, B. Bader-Meunier, F. Bajolle, M. Bellaïche, M. Berthier, E. Bidat,V. Boggio, M. Boublil, A. Bourrillon, C. Bouvattier,B. Burnand, R. Cohen, C. Copin, M.A. Dommergues,G. Dutau, J. Gaudelus, S. Gerber, J.L. Ginies, E. Gentaz,E. Jacqz-Aigrain, M. Koskas, P. Labrune, D. Le Houézec,J. Lerner, A. Mosca, O. Mouterde, M. Nicolle, C. Orssaud,E. Pino, T.A. Tran � Site internet : C. Atchia � Con ceptiongraphique : bill butt � Vi gnettes : Elisabeth Minn � Conseilartistique : Jacek Przybyszewski � Se cré tariat de rédaction :C.A. Brunie.

Revue mensuelle éditée par EdimarkSAS, société détenue à 100 % par laSAS Phili@Médical Edition, membre

du SPEPS et adhérant à sa charte de DPC par l’écrit. Représentantlégal : C. Damour-Terrasson. Siège social : 44, rue de Prony, 75017 Paris.Tél. : 01 45 74 91 01. Email : [email protected]. Fax :0146676309. Revue hors commerce, réservée exclusivement au corpsmédical. © Edimark 2020. CPPAP 0422T81720. Prix du numéro :17 euros. Impression : Corlet, 14110 Condé-sur-Noireau. Dépôt légal :4e trimestre 2020.

ÉDITORIALPandémie deCovid-19 : a-t-on tirétoutes les leçons des échecs?R. Cohen, F. Trémolières, R. Gauzit

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AU COIN DU WEB� Douleurs de croissance� Problème de masque en famille� Une curieuse éruptiondu dos chez un enfant dequatorze mois

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Epidémie,contagiosité, R0,mesures barrièresR. Cohen

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Comprendre les mesures de préventionde la Covid-19R. Cohen, A. Si Ali

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Physiopathologie de l’infection à SARS-CoV-2 et de la Covid-19 pour les nulsR. Cohen, V. Hentgen

242

VU DE VILLEFièvre et otalgie enpédiatrie : pastoujours si banal !M. Koskas, E. Eskander,N. Bosson, V. Koskas,

257

Diagnostic biologique des infections à SARS-CoV-2J. Raymond, M. Asham, R. Cohen

246

Tests de diagnosticrapide du SARS-CoV-2 : se dirige-t-on vers un nouveau fiasco?R. Cohen, R. Touitou,C. Batard, F. Trémolières

248

Comprendre le développement des vaccins contre le SARS-CoV-2R. Cohen, C. Levy, O. Launay,F. Vié Le Sage

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A ucune des explications propo-sées, que ce soit le temps et lasaison, les populations âgées,

la vitamine D, l’immunité préalable,l’immunité de groupe ou le suivi glo-bal par la population des mesures deprévention de la transmission (nombrede contacts, distanciation, masques enmilieu fermé et en situation de promis-cuité, hygiène des mains), ne rendcompte de ces différences. Une des ex-plications, peu mise en avant et issuedes avancées des recherches, résidedans la compréhension des caractéris-tiques de la transmission de la maladie,avec notamment l’existence de super-contaminateurs et de situations de super-contami na tion (tableau).Pour essayer de comprendre cette crisesanitaire, il est nécessaire de connaîtrequelquesélémentsdebase relatifs à la sur-venue et à la diffusion des épidémies [1].

Le R0 est le taux de « reproduction » desmaladies infectieuses, c’est-à-dire lenombre moyen d’individus susceptiblesd’être contaminés par une personneinfec tée. Ce taux s’applique et se calculeà partir d’une population susceptibled’être infectée, c’est-à-dire ni vaccinée,ni immunisée contre un agent patho -gène, au moyen d’une équation simple :R0 = b.c.d,– b représentant la probabilité de trans-mission,– c le taux de contact (ou nombre decontacts par unité de temps),– d la durée de contagiosité.C’est en quelque sorte une échelle deRichter des maladies transmissibles. LeR0 contribue à calculer notamment letemps de doublement d’une épidémie etpermet d’approcher le pourcentage dela population (P) qui devrait être immu-nisé (par infection naturelle ou par vac-

cination) pour empêcher le déclenche-ment ou la persistance d’une épidémie(P = 1-1/R0), c’est-à-dire pour qu’uneffet d’immunisation de groupe (herdimmunity) soit efficace.Concernant la pandémie due au SARS-CoV-2, on peut considérer qu’aucunepersonne n’était immunisée avant sasurvenue. Les premières données éva-luaient le R0 de ce virus entre 2 et 3 :cette valeur est une moyenne, certainssujets étant « hyper-contaminateurs »(pouvant contaminer plusieurs dizainesde personnes), d’autres faiblementcontaminateurs. En prenant un R0moyen de 2,5, on a donc estimé que 60à 70 % de la population devrait être im-munisée pour stopper l’épidémie. Dansce cadre et en l’absence de toute mesured’hygiène ou de distanciation en popu-lation générale, on peut imaginer que,pendant la saison froide, des millions de

La pandémie Covid-19 s’est étendue sur l’ensemble des continents. Lespays les plus touchés au départ étaient ceux de l’hémisphère Nord, peut-être pour des raisons de saisonnalité, mais aussi probablement parceque ce sont ceux qui avaient la plus forte densité de trafic aérien avec laChine (point de départ de la pandémie) et entre eux. Depuis, l’épidémien’a épargné aucun pays, mais le niveau avec lequel les pays, ou lesrégions dans ces pays, ont été concernés varie grandement en fonctionde l’organisation du pays (densité, mode de vie, système de santé) et dela précocité des mesures prises pour limiter la pandémie. Néanmoins,beaucoup d’inconnues persistent dans la compréhension de l’ensembledes phénomènes observés. Pourquoi le nombre de morts a-t-il été aussiélevé dans le nord de l’Italie mais pas dans le reste du pays ? Pourquoi,en avril, dans une ville d’Equateur, beaucoup de malades sont-ils mortsrapidement, leurs corps étant abandonnés sur les trottoirs ? Pourquoi,au printemps 2020, si peu de villes représentaient-elles une part impor-tante des décès dans le monde, alors que beaucoup d’autres, decaractéristiques similaires, étaient peu touchées ?

Epidémie, contagiosité, R0, mesures barrières

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personnes seraient infectées et, même sil’infection est individuellement bé-nigne, même si les risques de formesgraves, voire de décès, sont inférieurs à1 % ou à 1‰, des milliers de personnesseraient hospitalisées en réanimationou décéderaient.Les résultats de certaines études sug-gèrent :� d’une part, qu’un certain degré d’im-munité spécifique croisée avec les coro-navirus « communs» pourrait avoir unrôle protecteur [2] ;� d’autre part, que l’immunité innée« entraînée » pourrait également agircontre le SARS-CoV-2 [3].Cela pourrait permettre d’envisager ladiminution du pourcentage de popula-tion immunisée nécessaire pour enrayerl’épidémie.

L’intervalle intergénérationnel est ledeuxième paramètre à prendre en comp-te pour comprendre la dynamique d’uneépidémie. Dans le cas de la Covid-19, ilest de 4 à 7 jours, avec une durée d’incu-bation courte et une période de transmis-sibilité du SARS-CoV-2 qui débute avantmême l’apparition des signes cliniques,expliquant la brutalité de l’épidémie [4].Le facteur k est le troisième paramètreimportant. La capacité de transmettreles agents pathogènes est probablementtrès différente d’un individu à l’autre. Lefacteur k est la façon d’évaluer cette dis-persion, et il apparaît comme très dis-persé pour le SARS-CoV-2 [5]. De mul-tiples publications montrent qu’uneseule personne peut infecter, enquelques heures seulement, un grandnombre des individus présents avec elle(dans un lieu généralement fermé et dé-pourvu d’aération). En revanche, dansd’autres publications, le SARS-CoV-2apparaît comme beaucoup moins conta-gieux, près des deux tiers des patientsinfectant une personne ou moins. Cetterépartition très inégale et déséquilibréesignifie qu’un enchaînement de situa-tions de super-contamination dans unpays peut aboutir à un niveau de pan -démie très différent de celui d’autrespays similaires qui n’ont pas eu cette sé-rie de malchances. Cela explique aussila tendance de ce virus à se propager en

grappes. Cette donnée n’est pas encoretotalement intégrée dans les stratégiesde gestion de la pandémie, en particu-lier dans l’application des mesures deprévention. Actuellement, lorsqu’unepersonne est dépistée, on recherche descas secondaires autour d’elle pour lesisoler. Il est probablement plus intéres-sant de remonter au contact qui l’acontaminée, pour savoir s’il ne s’agit pasd’un super-contaminateur.La mise en place de mesures barrières,de distanciation et d’hygiène a pour ob-jectif de réduire le R0 de la maladie maisne peut théoriquement augmenter lepourcentage de sujets immunisés per-mettant d’arrêter l’épidémie : ces me-sures visant à limiter la contaminationont une action sur la hauteur du pic dela maladie en l’abaissant, mais ne modi-fient pas l’aire sous la courbe (le nombrede patients) (figure). C’est pour cette rai-son que certains pays (Hollande, Suède,Grande-Bretagne dans un premiertemps…) ont pris l’option de ne pas ren-forcer les mesures barrières de façonaussi drastique que ce qui a été fait enFrance et dans de nombreux autrespays. Ce ralentissement de la contagionest fondamental pour permettre aux sys-tèmes de santé de mieux faire face à l’ar-rivée massive de malades, notammentdes cas les plus graves. En outre, ces me-sures peuvent permettre d’attendre une

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Super-contaminateurs et situations de super-contamination (d’après [5])

Super-contaminateurs : facteurs favorisants� Nombre de contacts� Type de contact� Activité (crier, chanter, parler fort…)� Lieu de contact, du plus à risque decontamination au moins à risque :– fermé mal ventilé– fermé ventilé– extérieur avec promiscuité– extérieur sans promiscuité� Charge virale élevée� Répartition des particules virales (grossesgouttelettes versus aérosols) ?

Lieux de super-contamination : facteursfavorisants� Les grappes de Covid-19 se formentmassivement dans les lieux fermés mal ventilésoù de nombreuses personnes sontrassemblées :– mariages et fêtes familiales– lieux de culte– chorales– gymnases– funérailles– bars, pubs, restaurants, etc.� C’est la conjonction de plusieurs facteursqui crée les contaminations de grandeampleur :– contact prolongé– mauvaise ventilation– promiscuité– présence d’une personne hautementinfectieuse

L’effet d’un confinement est de baisser et de décaler le pic de la maladie

0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 jours

Intensité des mesures : AucuneFaible (baisse de 20 % des contacts, R = 2)Forte (baisse de 40 % des contacts, R = 1,5)Très forte (baisse de 80 % des contacts, R = 0,5)

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baisse «naturelle» du R0, l’agent patho-gène se transmettant moins facilementpendant la saison estivale (dans l’hémi-sphère Nord), comme c’est le cas pour levirus de la grippe, le VRS ou d’autres co-ronavirus humains.La transmission du SARS-CoV-2 se faitessentiellement par les grosses goutte-lettes émises en toussant, éternuant ouparlant, mais aussi par les micro-goutte-lettes persistant longtemps dans les at-mosphères confinées et, plus rarement,par les mains et les objets contaminés.D’où l’importance du port du masquepar l’ensemble de la polulation dans leszones à risque, de l’aération fréquenteet régulière des pièces, du renforcementde l’hygiène des mains et, à un degrémoindre, des surfaces et des objets. Enpopulation générale, la distanciation àplus d’un mètre (deux mètres pour lesAnglais, un mètre et demi pour les Alle-mands) et le confinement, en dimi-nuant le nombre de sujets contacts, ontdémontré leur efficacité en permettant :� d’inverser la courbe épidémique, cequi signifie que le R0 est descendu endessous de 1 ;� de réduire de façon considérable lepourcentage de sujets porteurs à un mo-ment donné du SARS-CoV-2.Mais la contrepartie de cette efficacitéest que, à la sortie du confinement, seulun petit pourcentage de la population(environ 10 %) a produit des anticorpscontre ce virus, laissant les autres tou-jours susceptibles de s’infecter. Cela aide àcomprendre que ces mesures de

protection, si elles permettent decontrôler transitoirement une épidémie,ne peuvent pas la stopper et ne peuventêtre maintenues indéfiniment.Pour se protéger de cette épidémie, la me-sure complémentaire la plus efficace estla mise au point d’un vaccin. Plus de troiscents candidats vaccins, utilisant diffé-rentes technologies, sont en développe-ment, et une douzaine d’entre eux sont enphase 3. Enfin, deux (Pfizer et Moderna)ont donné des résultats d’efficacité cli-nique à court terme et de tolérance.Enfin, des traitements diminuant lacharge virale, comme des antiviraux sileurs effets sont confirmés, ou d’autresmédicaments pourraient être essentielsen diminuant la contagiosité et le R0.Les modèles mathématiques laissentpenser que des épidémies à prédomi-nance hivernale et récurrentes deSARS-CoV-2 se produiront successive-ment jusqu’à ce qu’une immunité degroupe soit constituée [4].En l’absence d’autres interventions, ilsera sans doute nécessaire de maintenirles recommandations de distanciationphysique et d’hygiène jusqu’en 2022, defaçon prolongée et/ou intermittente,afin de préserver les capacités hospita-lières. Le développement des traite-ments et d’une capacité accrue de soinsintensifs, en permettant un assouplisse-ment et une périodicité des gestes barrières, accélérera l’acquisition d’uneimmunité de groupe.Des études sérologiques longitudinalessont nécessaires pour déterminer, d’une

part, le pourcentage de la populationimmunisée et, d’autre part, la durée depersistance des anticorps. Même en casd’élimination apparente, la surveillancedu SARS-CoV-2 devra être maintenue,car une résurgence pourrait être pos-sible jusqu’en… 2024.Personne n’a de recette universelle pourorganiser et réussir le déconfinement.Néanmoins quelques axes paraissentpertinents :� il est probable que l’on ne retrouverapas de sitôt la situation antérieure ;� la diminution massive du nombre depatients Covid-19 dans les hôpitaux, enparticulier en réanimation, est le pre-mier préalable ;� la mise à disposition de tests de dia-gnostic en quantité suffisante pour dépister les patients Covid-19 et lesisoler de façon stricte est le deuxièmepréalable ;� l’application des mesures barrièresdevra être poursuivie longtemps, avec :– pour les professionnels de santé,masque chirurgical, hygiène rigoureusedes mains, des surfaces et des objets,aucune personne en salle d’attente oupas plus d’une famille et avec masquepour les adultes, aération des pièces,– pour la population générale, mesuresbarrières et masque dans les transportsen commun ou les milieux fermés ac-cueillant plusieurs personnes, ainsiqu’en extérieur quand la distanciationn’est pas possible. �L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en rapportavec la rédaction de cet article.

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Références[1] COHEN R. : « Transmissibilité, contagiosité, éviction de lacrèche, couverture vaccinale…», Méd. Enf., 2008 ; 28 : 199-201.[2] GRIFONI A., WEISKOPF D., RAMIREZ S.I. et al. : «Targets ofT cell responses to SARS-CoV-2 coronavirus in humans with

Covid-19 disease and unexposed individuals», Cell, 2020 ; 181 :1489-1501.e15.[3] NETEA M.G., DOMÍNGUEZ-ANDRÉS J., BARREIRO L.B. etal. : «Defining trained immunity and its role in health and disea-se», Nat. Rev. Immunol., 2020 ; 20 : 375-88.[4] HE X., LAU E.H., WU P. et al. : «Temporal dynamics in viral

shedding and transmissibility of Covid-19», Nat. Med., 2020 ; 26 :672-5.[5] TUFEKCI Z. : «This overlooked variable is the key to the pan-demic. It’s not R. », The Atlantic, September 30, 2020 (www.theatlantic.com/health/archive/2020/09/k-overlooked-variable-driving-pandemic/616548).

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CE QU’IL FAUTCOMPRENDRE

Comme beaucoup de virus respira-toires, les coronavirus se transmettentessentiellement par les grosses (60 à100 mm) et moyennes (10 à 50 mm)gouttelettes émises en toussant, en éter-nuant mais aussi, dans une moindremesure, en parlant [1, 2]. Lorsqu’ellessont émises, ces grosses gouttelettes,tombent sur le sol ou sur les surfacesenvironnantes à une distance largementinférieure à deux mètres et persistentpeu de temps dans l’atmosphère. Les virus contenus dans ces grosses goutte-lettes pénètrent dans l’organisme pré-férentiellement par inhalation et sontgénéralement arrêtés par les voies aériennes supérieures, lieu de réplica-tion primaire habituel du SARS-CoV-2.Ces virus peuvent également pénétrer

dans l’organisme par les muqueusesbuccales ou oculaires.A côté de cette transmission par goutte-lettes, une transmission dite « air »semble aussi jouer un rôle non négli-geable en milieu fermé. En effet, dansdes environnements clos, les microgout-telettes (1 à 10 mm) contenant éventuel-lement des virus restent plusieurs heuresen suspension dans l’air et sont diffuséessur de plus grandes distances (plusieursmètres) [1, 3]. Ces microgouttelettes sontsouvent inha lées directement dans lesvoies aériennes inférieures.En dehors des masques FFP2, lesmeilleures façons de se protéger de latransmission par ces microgouttelettessont :� l’aération fréquente des pièces, carles microgouttelettes se diluent rapide-ment dans l’atmosphère ;� le port d’un masque anti-projection,même «alternatif », pour limiter la pro-

jection de ces microgouttelettes partous en milieu fermé.L’importance accrue du rôle de la trans-mission « air » et les résultats d’étudesrécentes montrant que des patientsasymptomatiques ou pré-symptoma-tiques, donc sans éternuement ni toux,sont capables de transmettre les SARS-CoV-2 ont ravivé l’inquiétude et incité leCDC aux Etats-Unis et l’Académie demédecine en France à recommander, àprésent, le port du masque en popula-tion générale [4, 5].Les mains contaminées sont égalementresponsables de la transmission des vi-rus, par contact entre les individus oupar contact entre les objets ou les sur-faces et les individus [1, 2].Comme tous les virus enveloppés, lesSARS-CoV-2 sont très sensibles aux me-sures d’hygiène : nettoyage fréquentdes mains avec des produits hydroal-cooliques, mais aussi avec de l’eau et du

Les gestes barrières et les mesures de distanciation sociale sont encoreaujourd’hui des mesures incontournables, à même de ralentir l’évolution del’épidémie en diminuant la contagiosité du SARS-CoV-2. Il faut préciser d’em-blée qu’aucune de ces mesures n’est suffisamment efficace prise isolément, etque, même lorsqu’elles sont toutes appliquées, ces mesures réduisent beau-coup le risque mais ne l’éliminent pas.Ce n’est que par une bonne compréhension des mécanismes de transmissionde cette maladie et son appropriation par la majorité de la population que l’onluttera efficacement contre la pandémie. Ce n’est malheureusement pas cequ’ont favorisé les autorités jusqu’à présent en multipliant les mesures coerci-tives souvent inefficaces. Depuis le début de la crise, la pénurie de masques acristallisé les polémiques dans les médias, chez certains politiques et parconséquent dans la population. En effet, il est difficile de comprendre com-ment on peut passer, en population générale, de «masque inutile » à «masqueobligatoire » même en extérieur. En réalité, le port du masque est un des outilsimportant de prévention de la transmission, mais il doit s’intégrer dans unestratégie plus globale de prévention de l’infection à SARS-CoV-2. Son intérêtdépend essentiellement des circonstances.

Comprendre les mesures de préventionde la Covid-19

R. Cohen, pédiatre, infectiologue, GRC Gemini, CHI de Créteil, GPIP, AFPA et ACTIVA. Si Ali, CHI de Créteil

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savon; désinfection des surfaces et ob-jets avec un produit javellisé, de l’alcoolà plus de 60° ou un autre produit désin-fectant habituel.En l’absence de nettoyage, les SARS-CoV-2 peuvent persister plusieurs heuressur les surfaces et les objets. Selon cer-taines études expérimentales (in vitro,avec nébulisation artificielle), la duréede persistance d’une activité potentiel-lement contaminante dépend du typede surface (matériau) et des conditionsenvironnementales [6] :� les virus persistent mieux à 4 °C qu’àdes températures plus élevées ;

� ils survivent plus longtemps sur dessurfaces lisses que sur des surfaces ru-gueuses. Ainsi, on ne retrouve plus de vi-rus contaminants sur les papiers au boutde trois heures, plus sur le bois et les tis-sus au bout de deux jours, mais leur per-sistance est plus longue sur le carton, leplastique, l’aluminium, le verre et l’acier(poignées de porte, robinets). Etonnam-ment, les virus semblent persister long-temps sur la surface des masques.Ce n’est pas parce que les virus peuventsurvivre quelques heures ou quelquesjours sur une surface que l’on sera systé-matiquement contaminé en touchant

cette surface. La peau fait barrière, et ilfaut que la main porteuse de virus toucheune muqueuse (bouche, nez ou œil) pourqu’il y ait un risque de contamination.Quelle que soit la surface, il faut retenirque la concentration de virus diminuerégulièrement au cours du temps et queplus on s’éloigne du moment où la sur-face a été contaminée, moins il y a devirus. Plusieurs études suggèrent que latransmission par les objets et les sur-faces joue un rôle mineur dans la dyna-mique de l’épidémie.Ces explications doivent aider à mieuxcomprendre l’arsenal des mesures pro-posées pour limiter la transmission duSARS-CoV-2 et les variations de straté-gie dans le temps.

LES MESURES BARRIÈRESLE PORT DU MASQUETrois types de masque sont disponibles :� le masque type FFP2 ou N95 est leplus étanche et le plus efficace en cas derisque de contamination «air » : c’est ce-lui qu’il faut privilégier en réanimationet dans toutes les situations nécessitantun geste invasif des voies respiratoires,ou chaque fois qu’il existe un risqued’aérosolisation. Il est cependant plusdifficile à porter ;� le masque FFP1 ou chirurgical a undouble objectif : d’une part, et c’est l’ob-jectif principal, éviter les projections degouttelettes et, d’autre part, protégerdes grosses gouttelettes émises par au-trui, protection qui ne s’avère efficacequ’en situation de face à face, le masquene protégeant pas les côtés du visage.C’est ce masque qui doit être porté sys-tématiquement par les soignants ;� enfin, les masques dits «alternatifs »ou «maison», dont le pouvoir de protec-tion n’est pas assuré, mais dont l’objectifprincipal est de limiter les projections degouttelettes dans l’atmosphère.Quel que soit le masque, les règles d’uti-lisation sont strictes. Pour une efficacitémaximale, il faut :� positionner le masque correctementdès le début de l’utilisation, le mainteniren place et ne jamais le remettre en po-sition après l’avoir mis autour du cou;

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MESURES PROPOSÉES EN FONCTION DES SITUATIONSPersonnel soignant en structure Covid-19Dans ce cadre, la protection maximale des soignants est indispensable :� port d’un masque chirurgical dans le service ;� au contact des malades : port d’un masque FFP2 (en fonction des disponibilités et du typede soin), lunettes, surblouse et gants.Personnel soignant recevant tous types de patientsDans la mesure où tout patient est susceptible d’être porteur du SARS-CoV-2, qu’il consulte poursuspicion de Covid-19 ou non, certains gestes et mesures d’hygiène doivent être appliqués :� port d’un masque chirurgical durant tout le temps des consultations et hygiène rigoureusedes mains ;� désinfection des surfaces et du matériel ainsi qu’aération régulière des lieux ;� en cas de geste invasif sur les voies respiratoires, port de gants (qui doivent être changésaprès chaque patient), de lunettes, d’une surblouse et d’un masque FFP2;� il est recommandé de prévoir une tenue supplémentaire pour se changer avant de rentrerchez soi et de laver rapidement les vêtements qui peuvent être porteurs de virus (les trans-porter dans un sac plastique fermé).Patient se rendant en consultationToute personne se rendant en consultation, pour quelque pathologie que ce soit, devrait s’équi-per d’un masque chirurgical ou alternatif, à la fois pour protéger les autres et se protéger.Particulier sortant pour «activité physique»Lors des déplacements brefs en extérieur liés à l’activité physique, le port du masque ne pré-sente aucun intérêt si la personne est seule et ne prévoit pas d’entrer dans un lieu où ellepourrait rencontrer des gens. Cependant, dans la majorité des villes de France, le port dumasque est obligatoire dans la rue.Particulier sortant pour effectuer des achats ou pour aller travaillerQue la recommandation de porter un masque à l’extérieur du domicile soit en vigueur ou non(selon les villes et les régions), la prudence recommande le port d’un masque chirurgical oualternatif avant d’entrer dans un magasin ou dans un moyen de transport collectif. Celui-ci doitêtre positionné avant l’entrée dans un milieu fermé et ne pas être touché avec les mains duranttoute la durée de portage. S’il est gardé en position, le même masque peut être utilisé pour allerdans différentes boutiques ou moyens de transport au cours d’un même déplacement.Une désinfection ou un lavage des mains rigoureux est nécessaire.Le port prolongé de gants est déconseillé car, les virus persistant longtemps sur le plastique,les gants peuvent être une source de contamination.

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� éviter de le toucher, car cela peut al-térer ses capacités filtrantes et parceque, dans une ambiance contaminée,les virus sont concentrés sur le masquedu fait de la respiration et vont souillerles mains ;� changer le masque toutes les 4 h s’ils’agit d’un masque chirurgical, toutesles 8 h s’il s’agit d’un FFP2, et à chaquefois qu’il est mouillé, abîmé ou souillé ;� bien se désinfecter ou se laver lesmains lors du retrait du masque, carelles peuvent être contaminées.Il était classique de dire que, après leretrait, il fallait jeter immédiatementun masque chirurgical ou laver très ra-pidement un masque alternatif. Desétudes récentes suggèrent que les qua-lités filtrantes des masques chirurgi-caux sont peu altérées par le lavage,même en machine.

LES MESURES D’HYGIÈNEFace au SARS-CoV-2, plusieurs mesuresd’hygiène sont indispensables pour en-diguer la transmission :� se laver les mains très régulièrement,avec de l’eau et du savon ou un solutéhydroalcoolique, car elles sont un vec-teur important de la propagation du vi-rus. Le lavage avec de l’eau et du savonpeut être suffisant s’il est effectué de fa-çon rigoureuse et durant au moins 20 s ;� tousser ou éternuer dans son coudeou dans un mouchoir pour éviter la pro-jection des gouttelettes porteuses de virus sur autrui et dans l’air ;� utiliser des mouchoirs à usage uniqueet les jeter ;� saluer sans se serrer la main, éviterles embrassades et le contact physique ;� désinfecter les surfaces et objets sus-ceptibles d’être touchés ;� aérer régulièrement les pièces etlieux clos pour réduire la quantité desmicrogouttelettes porteuses de virus quiauraient pu être émises par un sujetcontaminé et seraient restées en sus-pension dans l’air.

LES MESURES DE DISTANCIATIONL’utilité des mesures de distanciationsociale, parmi lesquelles figure le confi-nement, n’est plus à démontrer dans le

contexte d’une épidémie virale commela Covid-19.Le SARS-CoV-2 ne circule pas seul, cesont les hommes et les femmes qui lefont circuler et le transmettent, par-fois sans en être conscients (porteursasympto matiques, pré-symptomatiquesou pauci-symptomatiques). En l’absencede mesures de distanciation et d’hygiè-ne, un sujet infecté contamine enmoyenne deux à trois personnes ; deplus, des cas de patients hyper-contami-nateurs, susceptibles de contaminer desdizaines de personnes, ont été rappor-tés. Les mesures de distanciation visentà limiter la propagation des virus en li-mitant le nombre de contacts. Pour êtreefficaces, elles doivent être respectéesde façon stricte et par chacun :� se tenir à une distance d’au moins1 m (1,5 m en Allemagne; 6 pieds, soitenviron 2 m, dans les pays anglo-saxons) les uns des autres pour éviterd’être atteint par la projection des gout-telettes porteuses de virus ;� réduire les déplacements au strict mi-nimum nécessaire ;� se confiner : rester chez soi en respec-tant les gestes barrières nécessaires àchaque situation permet de réduire lenombre de contacts, donc les risques depropagation et/ou d’infection.Enfin, le temps de contact joue un rôleprobablement important. Il est très im-probable de contracter ce virus en croi-sant pendant quelques secondes unepersonne dans la rue.Finalement, la prévention de la diffu-

sion de cette pandémie peut se conce-voir comme une table reposant surquatre pieds (figure).L’effet du port du masque et des mesuresd’hygiène ne se résume pas à la diminu-tion du risque d’infection contre leSARS-CoV-2. Même si une infection sur-vient, le risque de passage d’une formeasymptomatique à une forme cliniqueplus ou moins grave est diminué grâce àces mesures. En effet, la diminution del’inoculum viral infectant semble réduirele risque de maladie après une contami-nation [7]. Certains ont évoqué la possi-bilité d’une immunisation (variolisa-tion) grâce aux masques [8]. �Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts enrapport avec la rédaction de cet article.

Références[1] MUSHER D.M. : « How contagious are common respiratorytract infections», N. Engl. J. Med., 2003 ; 348 : 1256-66.[2] COHEN R. : « Transmissibilité, contagiosité, éviction de lacrèche, couverture vaccinale… », Méd. Enf., 2008 ; 28 : 199-201(www.infovac.fr/docman-marc/public/covid-19/1654-lien-a-du-lien-2-covid-19-contagiosite-m-e-mai-08/file).[3] NATIONAL ACADEMIES OF SCIENCES, ENGINEERING,AND MEDICINE : «Rapid expert consultation on the possibility ofbioaerosol spread of SARS-CoV-2 for the Covid-19 pandemic»,The National Academies Press, April 1, 2020.[4] ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE : « Pandémie de Covid-19 : mesures barrières renforcées pendant le confinementet en phase de sortie de confinement», communiqué, avril 2020.[5] CENTERS FOR DISEASE CONTROL AND PREVENTION :« How to protect yourself & others », https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/prevent-getting-sick/prevention.html.[6] CHIN A.W., CHU J.T., PERERA M.R. et al. : «Stability of SARS-CoV-2 in different environmental conditions », Lancet Microbe,2020 ; 1 : e10.[7] BIELECKI M., ZÜST R., SIEGRIST D. et al. : «Social distancingalters the clinical course of Covid-19 in young adults : a compa-rative cohort study», Clin. Infect. Dis., 2020 ; ciaa889.[8] GANDHI M., RUTHERFORD G.W. : « Facial masking forCovid-19. Potential for ‘variolation’ as we await a vaccine», N. Engl.J. Med., 2020; 383 : e101.

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Limitation des risques de transmission du SARS-CoV-2

1er pied 2e pied 3e pied 4e pied

Le risque est toujours beaucoup plus important en milieu fermé qu’en extérieur

Nombrede

contacts

Distanciation Mesuresd’hygiène

Gestesbarrières

Masques

Tempsde

contact

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O n doit concevoir le spectre cli-nique des infections à SARS-CoV-2 comme une pyramide

ayant les formes asymptomatiques pourbase et les décès pour sommet (figure 1).La forme de cette pyramide peut changeren fonction des comorbidités, des fac-teurs ethniques et socio-économiques,de l’âge et des outils diagnostiques dis-ponibles. La pyramide chez l’enfant estainsi beaucoup plus petite et beaucoupplus plate.Entre le moment de contact avec leSARS-CoV-2 et les formes les plusgraves peuvent se succéder plusieursétapes en cascade : exposition, infection(mise en évidence du virus et/ou séro-logie positive), maladie bénigne, mala-die grave, décès (figure 2).Le passage d’une étape à l’autre dépendde différents facteurs extrinsèques etintrin sèques (figure 3). Ces mêmes fac-teurs sont aussi capables d’expliquerque, parmi les membres d’une même fa-mille dormant dans la même chambresans aucune protection, certains serontinfectés, avec des symptômes plus oumoins marqués, alors que d’autres neseront pas contaminés.Parmi les facteurs extrinsèques, troissont importants à souligner :� le premier est la quantité de virus in-fectants (inoculum). Dans de nom-breuses maladies infectieuses, la gravitéde la maladie peut être proportionnelleà l’inoculum. Cela semble aussi être lecas pour le SARS-CoV-2 : une élégante

étude réalisée dans des casernessuisses a montré que, lorsque des me-sures barrières ont été mises en place,le nombre de militaires infectés a étéréduit de façon significative, et que,parmi les sujets infectés malgré les me-sures barrières, la proportion de sujetssymptomatiques a diminué de façonencore plus nette [2]. Certains auteursont suggéré que le port du masque pou-vait agir comme une « variolisation »,de petites quantités de virus pouvantimmuniser le sujet sans déclencher demaladie grave [3] ;� le deuxième réside dans les varia-tions génétiques. Ces virus, commed’autres, mutent. Il n’est pas exclu quedes variations génétiques puissent in-fluencer leur transmissibilité et leur pa-thogénicité, voire faire qu’ils échappentà une réponse immunitaire spécifiqueinduite par des infections préalables ouune vaccination. A ce jour, il n’y a pasde preuve de l’implication de ces varia-tions dans l’évolution de la maladie [4] ;� le troisième est l’aggravation de lamaladie liée à des co-infections virales(comme la grippe) ou bactériennes. Làencore, nous disposons de quelques ob-servations mais pas de preuve.Parmi les facteurs intrinsèques, le systè-me immunitaire de l’hôte a un rôle àdouble tranchant : il est le plus souventprotecteur, mais il est aussi parfois res-ponsable des complications de la mala-die. En dehors de la réponse immuni -taire (immunité innée, immunité adap-

tative et immunité croisée avec lesautres coronavirus), l’expression des ré-cepteurs ACE2 semble être le secondfacteur intrinsèque capable d’influer surle cours de la Covid-19 (encadré p. 244) :� l’immunité innée est, avec l’effet bar-rière des microbiotes et les téguments,une des premières lignes de défense [5].Elle repose sur différents types de cel-lules, dont les macrophages, les polynu-cléaires, les mastocytes… Son efficacitépeut être améliorée par l’entraînementimmunitaire ;� les SARS-CoV-2, après s’être fixés surles récepteurs ACE2 des cellules respira-toires rhinopharyngées, pénètrent dansces cellules et utilisent toute la machi-nerie intracellulaire pour répliquerleurs ARN, reconstituer des virions etles libérer en lisant les cellules infec-tées. Les enfants présentent moins derécepteurs à la surface de leurs cellules,ce qui explique peut-être en partie leurmoindre sensibilité à ce virus [6] ;� le SARS-CoV-2 est assez différent desautres coronavirus, et, d’une façon gé-nérale, les anticorps dirigés contre lescoronavirus habituels n’exercent pasd’effet protecteur en population géné -rale. Néanmoins, il n’est pas exclu quel’immunité cellulaire et l’immunité hu-morale dirigées contre les coronavirushabituels puissent jouer un rôle ; nous yreviendrons [7, 8] ;� l’immunité spécifique (ou adaptative)observée chez les enfants après une in-fection à SARS-CoV-2 apparaît comme

Pour une bonne utilisation des outils diagnostiques et des traitements propo-sés pour cette infection virale, comprendre quelques éléments dephysiopathologie est utile, voire nécessaire [1]. Au cours de cette épidémie,l’expérience a montré que le même virus pouvait donner des tableaux cliniquestrès différents suivant les personnes, allant de formes complètement asympto-matiques (aucun symptôme mais RT-PCR ou test antigénique positif et/ousérologie positive) jusqu’au décès.

Physiopathologie de l’infection à SARS-CoV-2 et de la Covid-19 pour les nuls

R. Cohen, pédiatre, infectiologue, GRC Gemini, CHI de Créteil, GPIP, AFPA et ACTIVV. Hentgen, service de pédiatrie, Centre hospitalier de Versailles

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significativement différente de celle desadultes [9] ;� enfin, les comorbidités favorisant lesformes graves de Covid-19 sont bienmoins fréquentes chez l’enfant (en toutcas en Europe) que chez l’adulte.Le temps d’incubation moyen est estiméà environ 7 jours après l’exposition.Après une phase ORL initiale qui durejusqu’à 10 jours et au cours de laquellel’excrétion maximale du virus se produit5 à 8 h avant le début des symptômes,la plupart des personnes infectées gué-rissent spontanément, comme dans uneinfection virale classique. Une partiedes personnes infectées évoluent versune pneumonie, parfois sévère, dont ladurée moyenne d’apparition est de9 jours. L’excrétion virale chez ces per-sonnes est prolongée et induit une ré-ponse inflammatoire de l’hôte associéeà des niveaux accrus de cytokines pro-inflammatoires, d’où un tableau hyper-inflammatoire dénommé «orage cytoki-nique» et potentiellement fatal.Sur le plan immunitaire, le SARS-CoV-2présente plusieurs particularités parrapport aux autres virus respiratoires (fi-gure 4) [1, 10]. Le SARS-CoV-2 infecte enpremier lieu les muqueuses du nez et dela gorge. Parfois, les défenses immuni-taires innées permettent de le stopper àce niveau, sans mise en route de l’im-munité spécifique. Il faut noter cepen-dant que l’infection à SARS-CoV-2 estune de celles qui font le moins monterla production locale d’interférons 1 et 3.Cependant, la voie de l’interféron de type 1 joue un rôle majeur : plusieursétudes ont montré que des patients pré-sentant des anomalies dans la voie del’interféron 1 ont une clairance viralemoindre et sont à risque plus élevé defaire des formes graves. Si ces premièresdéfenses ne suffisent pas, l’immunitéspécifique (humorale et cellu laire)contrôle l’infection chez la majorité despatients [11, 12]. La plupart des maladesde la Covid-19 n’ont que des symptômesORL plus ou moins marqués ou sontasymptomatiques. Les manifestationscliniques initiales semblent liées essen-tiellement à la réplication virale. En revanche, les manifestations tardives et

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Figure 2La cascade des infections à SARS-CoV-2 et les facteurs susceptibles de l’influencer

Figure 3Places respectives de la réplication virale et de la réponse immuno-inflammatoire dansles manifestations de l’infection à SARS-CoV-2

Exposition

Incubation Signes ORL Pneumonie Maladie grave Décès

Immunité innée(entraînée ?)

Expression nasaledes récepteurs ACE2

Immunité spécifique(adaptative)

Comorbidité

Exposition réduite au virus(taille de l’inoculum)

Caractéristiquesdes virus

Co-infections(virus, bactéries)

Infection Maladie Maladie grave Décès

Phase virale

Phase inflamatoire

Figure 1Pyramide des manifestations cliniques du SARS-CoV-2

Adultes

Enfants

Décès

Soinsintensifs ouréanimation

Formeplus grave

hospitalisée

Formesymptomatique

ambulatoire

Forme asymptomatique

Formepauci-symptomatique

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graves sont, chez l’adulte (pneumo -pathie grave, thrombose, atteintesneuro logiques et rénales…) comme chezl’enfant (syndrome de Kawasaki aty-pique), clairement liées à des réponsesimmunitaires inappropriées, excessiveset inadéquates. En effet, lorsque la pre-mière phase de la réponse immunitairen’a pas réussi à entraîner une clairancevirale, d’autres voies immunitaires sontalors recrutées avec une forte expres-sion de cytokines [13]. De faibles dé-fenses antivirales innées et des proces-sus pro-inflammatoires élevés font par-tie des caractéristiques essentielles dela Covid-19 sévère [14].Si les patients guérissent « naturelle-ment » d’une maladie infectieuse, c’estque leur système immunitaire a réussi àcontrôler l’infection grâce à l’action sou-vent combinée des anticorps neutrali-sants et de l’immunité cellulaire. La ma-ladie est donc immunisante pour l’im-mense majorité des patients. Il faut sou-ligner que la charge virale diminue net-tement dès que les anticorps sont détec-tables. Cependant, les anticorps détec-tés par des tests de diagnostic rapide oudosés par ELISA après la maladie témoi-gnent du contact avec le virus et de cette immunisation. Cela ne veut pas di-re que ces anticorps dosés en routinesont eux-mêmes protecteurs. Ils peu-vent témoigner de la présence d’anti-corps neutralisants et de la mise en place d’une immunité cellulaire, maisils n’excluent pas la présence d’anti-corps facilitants pouvant aggraver lamaladie lors d’un contact ultérieur.Une proportion non négligeable (10 à20 %) des patients ayant été infectés etguéris gardent une PCR positive dans lessemaines ou mois qui suivent l’infection.Cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pasguéris. Si la majorité d’entre eux sontasymptomatiques, quelques-uns se plai-gnent d’asthénie, d’autres ont des symp-tômes respiratoires ou digestifs persis-tants sans que l’on puisse affirmer que leSARS-CoV-2 en est responsable. Plus in-quiétant, une dizaine de cas de réinfec-tions certaines avec des souches viralesdifférentes ont été rapportés. Si certainsd’entre eux étaient asymptomatiques ou

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Immunité innée, immunité entraînée, immunité adaptative(spécifique), mémoire immunitaire, je n’y comprends plus rien !En dehors des microbiotes (effet barrière) et des téguments, la défense contre les agentspathogènes repose sur l’immunité innée et l’immunité adaptative (ou acquise).L’immunité innée repose sur de nombreuses cellules : macrophages, polynucléaires neutro-philes, éosinophiles, basophiles, cellules tueuses, cellules présentatrices d’antigènes… etprobablement de très nombreuses autres cellules, dont les cellules épithéliales. Ces cellulessont capables de phagocyter et de détruire des agents pathogènes reconnus comme étran-gers, notamment en sécrétant des cytokines. C’est une réponse non spécifique, rapide etefficace (à condition que la quantité de pathogènes et les facteurs de pathogénicité ne ladébordent pas). Il n’y a pas de mémoire immunitaire à proprement parler, mais l’entraîne-ment induit par des infections ou des vaccinations récentes pourrait améliorer l’efficacité del’immunité innée par des phénomènes épigénétiques, en déroulant plus rapidement la chro-matine et en majorant la vitesse et l’intensité de la production de cytokines. On parle alorsd’immunité entraînée. Depuis quelques mois, l’immunité innée «entraînée» a été mise enexergue et pourrait être impliquée dans la protection contre le SARS-CoV-2.Bien entendu, l’immunité innée «collabore» avec l’immunité adaptative, notamment grâceaux cellules présentatrices d’antigènes. L’immunité acquise repose sur les lymphocytes B(sécréteurs d’anticorps) et T. Elle est extrêmement efficace, mais nécessite 7 à 14 jours pourêtre activée. Elle est spécifique d’un agent pathogène et s’accompagne d’une mémoire immu-nitaire permettant de raccourcir les délais de réponse en cas de nouvelle infection avec lemême pathogène.Depuis quelques années, de multiples publications soulignent les effets collatéraux positifs decertains vaccins. Le meilleur exemple est certainement celui de la vaccination contre la rou-geole, qui a réduit la mortalité infantile due aux infections bien au-delà de la prévention de lamortalité directement liée à la maladie. En effet, si on savait depuis longtemps que la rou-geole était immunodéprimante, on sait maintenant qu'une partie au moins de cet état est liéeà un amnésie immunitaire, les patients infectés redevenant «naïfs » vis-à-vis de pathogènescontre lesquels ils étaient déjà immunisés, ce qui explique la surmortalité observée [17]. Demême, plusieurs études ont suggéré que la vaccination par le BCG avait réduit, dans certainspays en voie de développement, la mortalité et la morbidité liées aux autres maladies infec-tieuses. Cet effet collatéral positif est resté inexpliqué pendant longtemps [18].

Immunité innée et immunité adaptative

Immunité innée

MacrophagesCellules dendritiques

PolunucléairesCellules mastocytaires

Cellulles tueusesNombreuses autres cellules

RapideNon spécifique

Efficace (sous certaines conditions)Pas de mémoire immunitaire

mais entraînement

Immunité adaptative(spécifique)

Lymphocytes T

�Lymphocytes B

Nécessite 10 à 14 joursSpécifique d’un pathogène

Très efficaceMémoire immunitaire �

raccourcissement de la réponse

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pauci-symptomatiques, d’autres étaientfranchement plus graves. Des questionsrestent donc en suspens : on ignore en-core quel pourcentage des sujets infec-tés une première fois est susceptible derefaire des formes symptomatiques,dans quels délais ces réinfections peu-vent survenir, et si ces réinfections sontliées à des pertes des anticorps ou del’immunité cellulaire plus rapides ou àla présence d’anticorps facilitants. Ce

point sera aussi à surveiller après la vac-cination.Des infections préalables à l’infection àSARS-CoV-2 par d’autres coronavirussont-elles susceptibles de protégercontre la Covid-19 ? Des études suggè-rent un certain degré de protection croi-sée entre les coronavirus habituels et leSARS-CoV-2. En effet, les auteurs ontdétecté des cellules T CD4+ réagissantau SARS-CoV-2 chez environ 40 à 60 %

des personnes non exposées, ce qui témoignerait d’une reconnaissance descellules T chez les patients préalable-ment infectés par les coronavirus habi-tuels. De même, une autre étude, trèsrécente, montre la présence d’anticorpsayant une activité anti-spike chez despatients n’ayant jamais été infectés parle SARS-CoV-2 [15]. Ces anticorps préva-lent particulièrement chez les enfants.Les études sur la présence et la persis-tance des anticorps anti-SARS-CoV-2donnent des résultats assez discordants.Si des études populationnelles mon-trent une relative stabilité des tauxd’anticorps [15, 16], d’autres plus limitéesont montré des baisses des titres d’anti-corps variables d’un individu à l’autre etparfois rapides chez certains patients.Une étude a même évalué la demi-viedes anticorps : 54 jours pour les anti-corps anti-nucléoprotéines, 85 jourspour les anticorps anti-spike.Enfin, des études portant sur l’immuni-té cellulaire sont plutôt rassurantes.Dans une étude récente, une mémoireimmunitaire impliquant au moins troiscomposantes de l’immunité cellulaireétait mesurable chez 90 % des sujets5 mois après l’infection, suggérant quel’immunité contre le SARS-CoV-2 de-vrait, chez la majorité des patients, seprolonger bien au-delà de ce délai. Lamajorité mais pas tous… Comme ditplus haut, un certain nombre de pa-tients ont présenté une deuxième infec-tion à SARS-CoV-2 attestée… �Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts enrapport avec la rédaction de cet article.

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Figure 4Présentation schématique de la chronologie de la charge virale, des réponsesimmunitaires et des tableaux cliniques de la maladie (d’après [1])

– 5 0 2 4 6 8 10 12 14

Charge virale Anticorps

Réplication viralerhinopharynx et oropharynx

Réponses immunitairesinappropriéesexcessivesinadéquates

Durée en jours depuis le début des symptômes

Maladie bénigne

Maladiesévère

Maladiecritique

Phas

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ré-s

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tom

atiq

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n

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Médecine& enfance

LA RT-PCRC’est l’examen de référence. Il consiste àamplifier, à partir d’une amorce spéci-fique, l’ARN du virus ou un ou plusieursgènes codant pour des protéines (S, Nou E). Dans le thermocycleur, la poly-mérase multiplie des milliers de foisl’ARN viral présent dans le prélèvementgrâce à des cycles d’amplification. Cettemultiplication permet de détecter defaibles quantités de particules virales.Une RT-PCR négative après 40 cycles si-gnifie que les gènes du SARS-CoV-2n’ont pu être amplifiés, attestant l’ab-sence du virus sur ce prélèvement. Deuxexplications : soit le malade n’était pasinfecté au moment du prélèvement, soitle prélèvement était de qualité insuffi-sante (prélèvement insuffisant dépour-vu de cellules respiratoires).Pour limiter le risque d’erreur tech-nique, la PCR comporte toujours l’ampli-fication d’un gène «contrôle» (gène pré-sent dans les cellules respiratoires) (figu-re 2). De plus, la présence d’inhibiteursde PCR (absence de positivité du té-moin) rend l’examen invalide.Si le test est positif, cela signifie que du matériel génétique a été amplifié.

L’interprétation dépend alors dunombre de cycles de multiplication àpartir duquel le prélèvement s’est posi-tivé. Si ce nombre est inférieur à25 cycles de seuil (ct), cela témoigned’une charge virale élevée ; entre 25 et30 ct, la charge virale reste forte ; au-delà de 30-33 ct, la charge virale estconsidérée comme faible, et le patientcomme peu ou pas contagieux.La RT-PCR reste en moyenne positive17 jours, mais avec des écarts types trèslarges variant de 7 à 65 jours. Elle se po-sitive en moyenne 4 jours après lacontamination et 3 jours avant les pre-miers signes cliniques.Les charges virales diminuent enmoyenne 14 jours après la contamina-tion et 7 jours après les premierssignes cliniques (quand les anticorpsapparaissent).➜ Une PCR positive témoigne de la pré-sence de l’ARN du SARS-CoV-2 dans lenasopharynx du patient, mais il n’im-plique pas que le patient soit encorecontagieux (ct>30-33). La contagiositéet la charge virale diminuent rapide-ment 7 jours après les premiers symp-tômes et 14 jours après la contamina-tion. La PCR peut rester positive bien

plus longtemps, mais avec des chargesvirales faibles.➜ Une PCR négative témoigne du faitque le patient n’est pas infecté, ou quele test est trop précoce ou trop tardif parrapport à la contamination. Dans le pre-mier cas, il faut répéter l’examen quel -ques jours plus tard. Dans le second cas,il faut demander une sérologie si le ta-bleau est compatible, par exemple PIMS(syndrome inflammatoire multi-systé-mique pédiatrique) chez l’enfant.

LA DÉTECTIOND’ANTIGÈNES DANSLE NASOPHARYNX

Les tests antigéniques détectent les anti -gènes du SARS-CoV-2, qui sont des pro-téines virales, à partir d’un prélèvementnasopharyngé. Il s’agit le plus souventde la protéine de nucléocapside NP. Cestests utilisent la technique d’immuno-chromatographie (comme les tests degrossesse ou du streptocoque dugroupe A, de la grippe ou du paludis-me). Un anticorps fixé sur une membra-ne retient l’antigène présent dans le pré-lèvement. Ces tests permettent de poser

Depuis le début de la pandémie, des commentaires multiples, souventnégatifs, ont été émis sur les outils de diagnostic biologique de l’infectionà SARS-CoV-2. N’a-t-on pas entendu, au début de la pandémie, que lasensibilité de la PCR n’était que de 70 %, que la sérologie ne servait àrien, que les tests antigéniques étaient très peu sensibles ? Décrire lesperformances de sensibilité et de spécificité de ces tests par rapport auxautres techniques durant toute la période où le diagnostic peut être posén’a pas d’intérêt. En réalité, les tests disponibles, lorsque les prélève-ments sont faits à bon escient et au bon moment de la maladie puistechniqués correctement, sont d’excellents outils diagnostiques, tout àfait comparables à ceux dont on dispose pour la majorité des maladiesinfectieuses communautaires. Cependant, il est fondamental de position-ner chaque test en fonction du stade de la maladie (figure 1).

Diagnostic biologique des infections à SARS-CoV-2

J. Raymond, laboratoire de bactériologie, hôpital Bicêtre, Le Kremlin-BicêtreM. Ashmam, interne, cabinet de pédiatrie, Saint-Maur-des-FossésR. Cohen, pédiatre, infectiologue, GRC Gemini, CHI de Créteil, GPIP, AFPA, ACTIV

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un diagnostic d’infection par le SARS-CoV-2 en phase précoce lorsque la multi-plication du virus est à son maximum. Lasensibilité du test est corrélée à la chargevirale et à la contagiosité. D’après l’OMS,les tests antigéniques du SARS-CoV-2,avec une sensibilité ≥80% et une spécifi-cité ≥97 % par rapport au test RT-PCRde référence, peuvent être utilisés pourdiagnostiquer une infection à SARS-CoV-2 quand les RT-PCR ne sont pas dis-ponibles ou que l’utilité clinique du dé-pistage serait compromise par des délaistrop longs d’obtention des résultats.

LES TESTS SÉROLOGIQUESUn test sérologique détecte la présenced’anticorps de classe IgG ou IgM dans lesang, dirigés contre un antigène (soit lanucléocapside, soit la protéine d’enve-loppe spike S, très immunogène). Cesanticorps se développent après une in-fection par le virus SARS-CoV-2. Il existedeux types de tests sérologiques :� des tests rapides d’orientation dia-gnostique (TROD) individuels, qui peu-vent détecter les IgM, les IgG ou la pré-sence des deux sans les différencier. LesTROD peuvent être réalisés à partir desérum, de plasma ou de sang total pré-levé par piqûre au bout du doigt ;� des tests immunochimiques en plaque(ELISA) qui détectent les IgG et les IgM,et sont réalisés sur sérum ou plasma.Ces tests permettent de déterminer si lapersonne a été infectée par le virus aucours des semaines précédentes, maisils ne permettent pas d’établir un dia-gnostic précoce de l’infection, puisquela production d’anticorps spécifiquespar le système immunitaire nécessite uncertain temps, variant de quelques joursà quelques semaines.La détection des IgM seules ou combi-née IgM et IgG (TROD et bientôt ELISA)peut être utilisée en complément d’unerecherche d’ARN viral par PCR sur pré-

lèvement nasopharyngé pour diagnosti-quer l’infection à SARS-CoV-2 chez unpatient ayant des symptômes évoca-teurs de Covid-19, car les IgM sont lespremiers anticorps à apparaître.Les IgG (ELISA) apparaissent enmoyenne 14 jours après le début dessymptômes et persistent au minimumplusieurs mois chez la majorité des su-jets infectés. Par contre, un pourcentagefaible mais réel de patients perd ses an-ticorps au-delà de trois mois. Si le résul-tat est positif, il permet d’affirmer quela personne a eu un contact avec le vi-rus SARS-CoV-2, symptomatique ounon. Si le résultat est négatif, plusieursinterprétations sont possibles :� la personne n’a jamais rencontré levirus ;� la personne est ou a été infectée maisles anticorps ne sont pas encore appa-rus (dans ce cas, ils seront très proba-blement présents lors d’un second pré-lèvement réalisé à distance, au moins15 jours plus tard) ;� la personne a été infectée et a perduses anticorps au bout de quelques mois ;� la personne est infectée mais elle nedéveloppe(ra) pas de réponse anticorps(notamment du fait d’une immunodé-pression).

EN RÉSUMÉLes performances de tous ces tests sontexcellentes si les examens sont réalisésau bon moment.La RT-PCR met en évidence le génomedu SARS-CoV-2 dans les prélèvementsbiologiques. Un résultat positif permetde diagnostiquer une infection mais nepermet pas de préciser si le patient estcontagieux ; c’est là que la notion decharge virale prend toute sa valeur :� charge virale élevée (= nombre de ctfaible) : le patient est probablementcontagieux ;� charge virale faible (= nombre de ct

élevé, > 30-33) : le patient est proba-blement non contagieux.Les tests antigéniques permettent undiagnostic rapide. Leur spécificité estexcellente. Leur sensibilité est égale-ment excellente quand la charge viraleest forte, notamment en début de mala-die (patient probablement contagieux),moins bonne quand elle est faible.Les sérologies permettent un diagnos-tic rétrospectif. Une sérologie positiverend très improbable le risque decontagiosité. �Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts enrapport avec la rédaction de cet article.

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Figure 1Place des différents tests diagnostiques par rapport à la date de contamination

Figure 2RT-PCR

Charge virale

7,552,500

102030405060708090

10 12,5 15 2017,5 2522,5 27,5 30Jours

Titred’anticorps

Charge virale Virus vivant Anticorps

PCR Test antigénique Sérologie

PCR négative. Seule la courbe témoin (en vert)augmente en fonction du nombre de cycles.

PCR positive. Les trois courbes (témoin et deuxgènes SARS-CoV-2) montent : la charge viraleest élevée (< 25 ct).

PCR positive. Les trois courbes (témoin et deuxgènes SARS-CoV-2) montent : la charge viraleest faible (> 33 ct).

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L es TROD-SC-2 sont fondés sur lamême technologie antigéniqueque celle utilisée depuis quarante

ans pour les tests de diagnostic rapidede grossesse, d’angine ou de grippe, lesantigènes ciblés étant ceux spécifiquesdu SARS-CoV-2. L’association de re-cherche en pathologie infectieuse com-munautaire ACTIV a été, depuis la findes années 1980, promotrice de l’instal-lation des tests de diagnostic rapide dustreptocoque du groupe A en France [1-3],puis de ceux de la grippe ainsi qued’autres tests de diagnostic rapide [4].Depuis le mois de juillet, plusieurs arti -cles américains plaident pour leur lar-ge utilisation, leurs auteurs considé-rant qu’ils pourraient constituer untournant dans l’évolution de la pandé-mie, presque au même titre que lesvaccins [5, 6]. Aux Etats-Unis, la Foodand Drug Administration a publié enseptembre 2020 une évaluation rigou-reuse et favorable de ces tests [7]. Legroupe de recherche en infectiologiepédiatrique communautaire ACTIV acommencé des études cliniques dès lemois de septembre.Ce n’est qu’à la mi-octobre que la HauteAutorité de santé (HAS) s’est prononcée

favorablement sur l’utilisation de cestests, sous certaines conditions [8]. Elles’est, à juste titre, prononcée pour l’uti-lisation préférentielle de ces tests chezdes patients symptomatiques et lors despremiers jours de la maladie. Pourquoicette proposition est-elle pour l’instantla plus raisonnable ? Parce que la sensi-bilité des tests antigéniques est bienmeilleure lorsque la charge virale estélevée, ce qui est le cas lors des pre-miers jours des symptômes. De plus,contrairement à la RT-PCR, la fenêtrede positivité de ces tests est brève : 7 à10 jours (figure 1). Enfin, cette techniquene comportant aucune amplification, laqualité du prélèvement rhino pharyngéest essentielle, exigeant une techniqueencore plus rigoureuse que pour laRT-PCR. Au début du mois d’août, nousavions proposé un algorithme prenanten compte les performances de cestests (figure 2).Dans un premier temps, l’ARS Ile-de-France a demandé aux médecins den’utiliser ces tests qu’au cas où ils nepourraient obtenir un résultat de PCRen moins de 48 h [9]. Comment peut-onimaginer, avec la surcharge de travailactuelle, que les médecins puissent

accéder à ce type de renseignementpour chaque malade ?L’Assurance maladie a précisé lesmodes de rémunération des profession-nels de santé qui utiliseraient les TROD.Ce mode de rémunération, peut-êtretrop favorable, pourrait entraîner unesurutilisation. En outre, alors qu’il pa-raissait logique que les médecins (notamment généralistes, pédiatres eturgentistes) soient la clé de voûte dudéploiement de ces tests, puisque ceux-cis’adressent préférentiellement à des pa-tients symptomatiques, d’autres profes-sionnels de santé ont été autorisés à lesréaliser. Cela risque d’avoir un effet péjo-ratif sur la stratégie escomptée. En effet,enseigner le prélèvement rhinopharyngéaux professionnels de santé non coutu-miers de la technique est envisageable,mais encore faut-il que ces profession-nels puissent intégrer les résultats obte-nus à la chronologie de l’infection et autableau clinique (date de contaminationéventuelle, symptômes présentés, etc.),c’est-à-dire qu’ils soient à même d’éva-luer la probabilité pré-test et les consé-quences cliniques du résultat. Formeren quelques heures des professionnelsde santé non médecins au diagnostic

Après une phase de silence des administrations, une agitation browniennes’est installée en France quant à l’intérêt des tests de diagnostic rapide duSARS-CoV-2 (TROD-SC-2). Comparativement aux RT-PCR, les TROD sontmoins sensibles sur la durée, mais ils permettent d’identifier rapidement etprécisément les personnes susceptibles de transmettre l’infection. Le meilleur test n’est pas nécessairement celui qui permet le plus de dia-gnostics d’infections à SARS-CoV-2. Utilisés à bon escient, les TRODpeuvent être un élément clé dans le dépistage, le traçage et l’isolement despersonnes infectées. Il est indispensable de prendre des mesures claires et rigoureuses, et de définir les indications des TROD et le juste rôle dechacun des acteurs de santé.

Tests de diagnostic rapide du SARS-CoV-2: se dirige-t-on vers un nouveau fiasco?

R. Cohen, pédiatre, infectiologue, GRC Gemini, CHI de Créteil, GPIP, AFPA et ACTIV R. Touitou, médecin généraliste, ACTIVC. Batard, pédiatre, ACTIVF. Trémolières, interniste et infectiologue, hôpital François-Quesnay, Mantes-la-JolieRemerciements à G. Monguillot

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semble une gageure bien difficile. Cettesituation, dans laquelle les pharma-ciens sont à la fois fournisseurs de testsaux médecins et utilisateurs contre ré-munération, entraîne également desdifficultés d’approvisionnement pourles médecins. Il apparaît en effet quecertains pharmaciens préservent leurstock de TROD pour leur propre usage.Nous sommes loin d’être opposés àl’implication des pharmaciens ou desinfirmiers dans le dépistage, en parti-culier dans les régions où le nombre demédecins est insuffisant, mais nousdésapprouvons les conditions dans les-quelles cela se déroule aujourd’hui :tentes devant les pharmacies en pleineville, promotion de la gratuité du testsans ordonnance (comme pour les PCRen septembre-octobre), test réaliséchez des patients asymptomatiquessans notion de contage [10].Il est à redouter que le mésusage de cestests (non-respect volontaire ou non desindications, mauvaise qualité du prélève-ment, mauvais « timing » du prélève-ment, par exemple au-delà de J4 chez lespatients symptomatiques) et l’absenced’explications claires aux patients surleurs avantages et leurs limites fassentque cette stratégie de dépistage soit unenouvelle fois excessivement coûteuse etinefficace, voire discrédite l’utilisationdes TROD dans les mois à venir, favori-sant de nouveaux cycles confinement-déconfinement jusqu’à l’arrivée d’unvaccin et/ou d’un traitement.Pourtant, ces tests de dépistage rapidedu SARS-CoV-2 ont des qualités indé-niables : rapidité des résultats (moinsde 20 mn), simplicité, pas de plateautechnique, excellente spécificité, bonnesensibilité pendant la période de conta-giosité, coût inférieur. Certes, comparésaux RT-PCR, les TROD sont moins sen-sibles sur la durée, mais le meilleur testn’est pas nécessairement celui qui per-met le plus de diagnostics d’infections àSARS-CoV-2 mais celui qui identifie ra-pidement et précisément les personnessusceptibles de transmettre l’infec-tion [11-16]. Le fiasco que nous avonsconnu avec les PCR en septembre 2020ne doit pas se renouveler. Utilisés à bon

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Figure 2Démarche diagnostique en fonction du résultat du TROD-SC-2

Suspicion de Covid-19

TROD-SC-2

Patient à faiblerisque (pas de

contact fréquent, pasde facteur de risquede Covid-19 grave)

Surveillance

Risque fort

RT-PCR

Déclenchement du traçageet de l’isolement

+ –

Figure 1Chronologie schématique des symptômes, de la contagiosité et de la positivité des examens complémentaires pour les infections à SARS-CoV-2

Contagiosité– 2 à 4 jours avant les symptômes– Les patients asymptomatiques peuvent être

contagieux– La contagiosité diminue après 1 semaine de

symptômes et 14 jours après la contamination

PCR– Une PCR positive ne signifie pas forcément

que le patient est contagieux– Tenir compte de la clinique, de l’existence

ou non de symptômes et de la dateestimée de contamination

– Si une PCR est positive chez un patientasymptomatique, sans date de contactconnue, considérer celui-ci comme étant endébut de maladie (sauf si sérologie positive)

Symptômes

Contamination Maladie

Contagiosité

TROD-SC-2

PCR

Sérologie (Ac)

0 74 15 21 28

0 74 15 21 28

Asymptomatiques

Graves Séquelles..........Bénins

0 7 15 21 28

0 74 15 21 28

0 74 15 21 28

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escient, les TROD peuvent être un élé-ment clé dans le dépistage, le traçage etl’isolement des personnes infectées. Ilest indispensable de prendre des me-sures claires et rigoureuses, et de défi-nir les indications des TROD et le justerôle de chacun des acteurs de santé.Ce n’est qu’à ce prix que la sortie du se-cond confinement, qui approche, pour-ra être réussie.A notre sens, ces TROD ont trois indica-tions :� le diagnostic des patients lors despremiers jours des symptômes (en in-cluant les plus de soixante-cinq ans etles personnes fragiles, avec contrôlePCR en cas de négativité pour euxseuls). Cela est, et restera, l’indicationprincipale. Si le test est positif, cela per-met au médecin de déclencher le pro-cessus d’isolement et de traçage, et, s’ilest négatif, d’envisager d’autres dia-gnostics, les symptômes dus à la Covidressemblant largement à ceux induitspar d’autres pathogènes ;� avant la participation à un événe-

ment potentiellement contaminant, ilspeuvent permettre de déterminer le ni-veau (fort ou faible) du risque de conta-mination. Les TROD-SC-2 sont utilisésaujourd’hui dans de nombreux paysavant de prendre l’avion. On pourraitétendre dès aujourd’hui cette pratiqueaux voyages prolongés en train. Lorsquela circulation du virus SARS-CoV-2 di-minuera à un niveau où l’épidémiepourra être contrôlée, il faudra égale-ment envisager la réalisation de cestests avant les réunions professionnellesou festives ;� le dépistage de masse est la troisièmeindication possible. Mieux que la PCR,qui reste positive bien au-delà de la pé-riode de contagiosité, le TROD-SC-2peut permettre à un moment T de repé-rer les sujets potentiellement conta-gieux. On peut envisager ce dépistagedans les entreprises, les universités, leslycées, voire en population générale, àdeux conditions cependant : une organi-sation rigoureuse dans le temps et dansl’espace, et la répétition du dépistage

dans un délai rapide afin de repérer lespatients en phase d’incubation (figure 1).Enfin, il faut dès maintenant envisagerl’utilisation de ces TROD dans la popula-tion générale et non uniquement pourles professionnels de santé. Nous avonsaujourd’hui la certitude que les lieuxclos, a fortiori mal ventilés, où lesmasques ne peuvent être portés sont deslieux préférentiels de contamination.Va-t-on se résoudre à laisser fermés tousces lieux durant de longs mois, avec lesconséquences économiques, sociales etculturelles qui en découlent ? Va-t-on serésoudre à empêcher les mariages ettous les événements familiaux tels qu’ilsse déroulaient antérieurement ? Nepeut-on imaginer de dépister pour lesrendre à nouveau possibles ? Nous pen-sons qu’il faut engager rapidement uneréflexion approfondie sur toutes ces me-sures… Certes, cela ne sera pas simple,mais rien n’est simple dans cette pandé-mie, et il faut avancer. �Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts enrapport avec cet article.

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L ’Agence britannique de réglemen-tation des médicaments et desproduits de santé (agence auto-

nome réactivée depuis la sortie de l’Europe du Royaume-Uni) a délivré uneautorisation d’utilisation d’urgence et acommencé les vaccinations ciblées le8 décembre 2020. On peut penser quecette rapidité est uniquement le fait deraisons politiques (Brexit, nationalisme,et Premier ministre en fâcheuse posturedans les sondages), mais ce serait nierune partie de la réalité. En effet, les Britanniques ont été régulièrement desprécurseurs dans le domaine de la vacci-nologie et souvent avec succès. Sans re-monter jusqu’à Jenner (encadré), ce sontles premiers qui, sans preuve cliniquemais uniquement sur des données im-munologiques, ont introduit les vaccinsconjugués contre le méningocoque C,puis la vaccination méningocoque B, etqui ont réduit le nombre de doses devaccin contre les infections à pneumo-coque du nourrisson. Depuis, la quasi-

totalité des pays européens ont suivileur démarche, notamment pour lesvaccins contre le méningocoque C etles infections à pneumocoque. Pour lavaccination, contrairement aux autori-tés de santé françaises, qui, depuis desannées, suscitent une défiance desFrançais du fait de décisions parfois in-cohérentes, les autorités britanniquesont acquis la confiance de leurs conci -toyens : ils sont 85 % à vouloir se fairevacciner contre le SARS-CoV-2, alors quemoins de 50 % des Français le feraient.Le but de cet article est d’analyser les

données les plus récentes concernantla vaccination contre le SARS-CoV-2,afin de répondre aux questions les plusfréquentes.

LES DIFFÉRENTS TYPESDE VACCINS CONTRELE SARS-CoV-2 [1-3]

Face à un agent pathogène, le systèmeimmunitaire déclenche une réponse luipermettant de l’éliminer et de protégerl’organisme en cas de nouveau contact,

Dix mois après la découverte du SARS-CoV-2 et face à l’ampleur dela pandémie mondiale qu’il a provoquée, la vaccination apparaît êtrel’arme indispensable si l’on ne veut pas que cette situation perdureplusieurs années, avec les conséquences désastreuses que l’on peutprévoir, tant en termes de décès que de répercussions sur l’écono-mie mondiale. L’arrivée prochaine de vaccins efficaces ne doit paspour autant nous faire oublier que les mesures d’hygiène, la bonneutilisation des outils diagnostiques et une prise en charge optimaledes patients les plus gravement atteints restent encore, pour plu-sieurs mois, nos seules défenses contre ce virus.L’annonce début novembre des premières données d’efficacité desvaccins ARN messager (ARNm) de Pfizer-BioNTech puis de Moderna,suivie d’un dépôt rapide des demandes d’autorisation de mise sur lemarché le 1er décembre 2020 et de la première autorisation auRoyaume-Uni le 2 décembre 2020 ont ouvert un nouveau chapitrede cette épidémie et suscitent depuis de nombreuses questions.

Comprendre le développement des vaccins contre le SARS-CoV-2

R. Cohen, pédiatre, infectiologue, GRC Gemini, CHI de Créteil, GPIP, AFPA, ACTIV, J.P. Stahl, infectiologie, université et CHU Grenoble-Alpes,C. Levy, université Paris-Est, IMRB-GRC GEMINI, Clinical Research Center (CRC), CHI de Créteil, ACTIV, O. Launay, université Paris-Descartes, Paris, F. Vié Le Sage, pédiatre, Saint-Germain-en-Laye, AFPA

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DOSSIE

RSPÉCIAL

CO

VID

-19 •

Directionscientifique :Pr R. Cohen

L’attitude avant-gardiste des Anglais en termes de vaccination remonte aux débuts de la vac-cination et à Jenner. Le 14 mai 1796, pour protéger un jeune garçon contre la variole, il avaitutilisé du pus provenant d’une maladie apparentée à la variole, la vaccine des vaches.Dans sa XIe lettre philosophique, Voltaire, qui vivait à cette période en Angleterre, rapportaitque les Anglais disaient que « les autres Européens sont des lâches et des dénaturés» et que,dans l’Europe chrétienne, les Anglais étaient considérés comme «des fous et des enragés : desfous, parce qu’ils donnent la petite vérole à leurs enfants pour les empêcher de l’avoir ; desenragés, parce qu’ils communiquent de gaité de cœur à ces enfants une maladie certaine etaffreuse, dans la vue d’un mal incertain».

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soit grâce à la présence d’anticorps spé-cifiques fonctionnels (neutralisants, op-sonisants ou lytiques), soit grâce à uneimmunité cellulaire provoquant la des-truction de ces agents pathogènes oudes cellules infectées. Jusqu’à présent,les vaccins utilisés chez l’homme sontconstitués d’agents pathogènes (bacté-ries ou virus) vivants, atténués ou inac-tivés, ou d’antigènes isolés (vaccinssous-unitaires) (tableau I), et aucun vac-cin disponible n’est constitué d’ADN oud’ARN messager (ARNm). Malgré cela,ce sont les vaccins ARNm qui sont lespremiers disponibles pour lutter contrele SARS-CoV-2.

LES VACCINS À ARNm [2]

Par différents systèmes, dont l’utilisa-tion de nanoparticules lipidiques, lesARNm peuvent pénétrer dans les cel-lules et ainsi utiliser la machinerie cel-lulaire pour fabriquer des antigènes qui

seront reconnus comme étrangers par lesystème immunitaire, suscitant une ré-ponse protectrice. Dans le cas duSARS-CoV-2, l’antigène est la protéine S(pour spike), qui permet à ce virus depénétrer et d’infecter les cellules.La nouveauté de ces vaccins (il n’exis-tait pas de vaccin contre les corona -virus) comme de la technologie utilisée(l’introduction d’un acide nucléique vi-ral dans l’organisme) inquiète forte-ment. Il est important de rappeler queces vaccins sont en cours de développe-ment depuis plus de dix ans et qu’ilsprésentent l’énorme avantage, par rap-port à leurs homologues traditionnels,d’une mise au point et d’une fabricationmoins complexes et plus rapides. S’ilsn’ont pas été utilisés chez l’homme jus-qu’à présent, c’est en raison, d’une part,de la remarquable efficacité des vaccinsde technologie classique et, d’autrepart, de leurs conditions de conserva-tion, qui posent des problèmes logis-

tiques. L’introduction d’acides nu-cléiques dans notre orga nisme par cesnouveaux vaccins soulève l’hypothèsede la modification du capital génétiquedes cellules infectées. En réalité, cettemodification apparaît très improbable,car il s’agit d’ARN. Les ARNm sont desmolécules très fragiles, très vite dégra-dées, notamment par des enzymesnommées ARNases, présentes en grandnombre dans les cellules. Lorsqu’ils sonttranscrits à partir d’un génome viral ouà partir d’un ADN de la cellule aprèsleur passage dans les ribosomes, lesARNm ne survivent que quelques mi-nutes, avant d’être très rapidement dé-gradés dans le cytoplasme cellulaire.Les ARNm n’ont pas la capacité de pé-nétrer dans les noyaux des cellules, et lapossibilité d’intégration dans le génomecellulaire semble improbable. La demi-vie très courte des ARNm est probable-ment une des raisons justifiant l’admi-nistration de deux doses de vaccin.Les vaccins ARNm, bien que très promet-teurs, présentent cependant, encore au-jourd’hui, deux inconvénients majeurs :des températures de stockage très bassespour certains (de l’ordre de – 80°C) dufait de leur fragilité; des doutes quant àla manifestation d’effets indésirables en-core « inconnus» en raison de leur carac-tère nouveau.

RÉSULTATS DES ESSAISDE PHASE 3

Le tableau II résume les études de phase 3 de certains vaccins pour les-quels des résultats d’efficacité et de sé-curité ont été annoncés par voie decommuniqué de presse, sans donnéesscientifiques publiées à ce jour, en de-hors de la publication dans le Lancetpour le vaccin d’AstraZeneca [4] de celledans le New England Journal of Medicinepour le vaccin de Pfizer [5]. Les résultatsà court terme sont plus qu’encoura-geants. Ils vont au-delà des espoirs de lamajorité des experts. Néanmoins, les ar-ticles concernant les études de phase 3de ces vaccins (Pfizer- BioNTech, Moderna) ne sont pas encore publiés au10 décembre 2020, date à laquelle la

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Tableau ILes différents types de vaccins en développement clinique au 7 décembre 2020

Type de vaccin Nombre de vaccins Principaux vaccins Vaccins antiviraux contre le SARS-CoV-2 contre le SARS-CoV-2 utilisés chez l’homme en phase 2 ou 3 basés sur la même technologie

Virus 8 Sinovac® Hépatite A, inactivés vaccin qui sera utilisé polio injectable, au Maroc encéphalite à tique

Virus 1 Rougeole, oreillons,vivants rubéole, varicelle,atténués fièvre jaune, polio oral,

rotavirus, grippe nasal

Protéine 16 Dont le vaccin de Hépatite B,recombinante Novavax et celui de Papillomavirus,

Sanofi-GSK méningocoque B

Vecteur viral 14 Astra-Zénéca Ebola(vaccin d’Oxford),vaccin russe (Spoutnik 5),Janssen,vaccins chinois

Vaccin ARNm 7 Pfizer-BioNTech AucunModernaCurevac

Vaccin ADN 7 Aucun

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Food and Drug Administration (FDA)aux Etats-Unis vient de rendre son rap-port concernant le vaccin Pfizer-BioNte-ch [6]. L’European Medicinal Agency de-vrait rendre ses conclusions à la fin dumois de décembre.Les premières données d’efficacité desdeux vaccins à ARNm sont remar-

quables, mais de nouvelles questionsvont se poser, tant pour la surveillancedes patients déjà inclus dans les étudesque pour le développement d’autres vac-cins contre le SARS-CoV-2 [6, 7]. En effet,est-il éthique de ne pas vacciner les pa-tients à risque préalablement inclus dansles groupes placebo des études Pfizer-

BioNTech ou Moderna, sachant aujour-d’hui que les vaccins sont efficaces etdès lors qu’ils auront obtenu une auto-risation de mise sur le marché (AMM) ?Peut-on conduire de nouvelles étudescomportant un groupe placebo alorsque des vaccins efficaces sont dispo-nibles ? Il serait raisonnable d’envisa-ger d’autres modalités d’études, tellescelles de « non-infériorité », plus com-plexes et plus coûteuses à mener, oud’accepter de fixer des paramètres im-munologiques prédictifs d’efficacité(« surrogate markers ») ainsi que desdonnées de tolérance.Les effets indésirables décrits dans lesessais de phase 3 sont des réactions (lo-cales ou générales) classiques qui peu-vent être observées avec n’importe queltype de vaccin : douleur au point d’in-jection, maux de tête, fébricule, fa-tigue… A ce jour, les événementsgraves pouvant être imputé à une molé-cule d’ARN enveloppée dans une nano-particule lipidique sont rarissimes. Unrecul plus important sera nécessairepour détecter des effets indésirablesplus rares, ou pas encore apparus aprèsquelques mois d’utilisation de ces vac-cins dans le cadre des études cliniques.Après la première journée de vaccina-tion au Royaume-Uni, deux profession-nels de santé ayant reçu l’injection ontprésenté une réaction anaphylactique.Ces deux personnes avaient des antécé-dents allergiques connus et disposaientd’un stylo auto-injecteur d’adrénaline.La MHRA a alors recommandé aux per-sonnes ayant un antécédent de réactionallergique significative à un vaccin, unmédicament ou un aliment de ne pas sefaire vacciner. Dans le rapport déposéauprès de la FDA, le laboratoire avaitrapporté que 0,6 % des participants àl’étude ayant reçu le vaccin avaient si-gnalé des réactions allergiques, versus0,5 % de ceux ayant reçu le placebo [6].Par ailleurs, l’incidence des réactionsanaphylactiques pour tous les vaccinsest estimée à 1/100000 à 1/1 millionde doses.Que dire des vaccins chinois et russes ?L’opacité qui entoure leur développe-ment empêche toute opinion, mais lefait qu’un certain nombre d’entre eux

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Tableau IIPrincipales données disponibles des études de phase 3 de certains vaccins chezl’adulte (informations provenant des firmes pharmaceutiques)

Fabricant Pfizer-BioNTech Moderna AstraZeneca-OxfordUniversity

Type de vaccin ARNm ARNm Vecteur viral(adénoviruschimpanzé)

Antigène Spike Spike Spike

Adjuvant 0 0 0ARNm encapsulé dans ARNm encapsulé dans Vecteur viralune particule lipidique une particule lipidique non réplicatif

Nombre de doses 2 doses 2 doses 2 doseset intervalle 3 semaines 4 semaines 4 semainesentre les doses

Etudes «pivot» 43651 sujets 30000 sujets 11636 sujetsde phase 3 21823 vaccinés 15000 vaccinés 5807 vaccinés

21828 placebo 15000 placebo 5829 placebo

Comparateur Placebo Placebo MéningococciqueACYW

Contre-indications Grossesse et/ou Grossesse et/ou Grossesse et/ouimmunodépression immunodépression immunodépression

Durée de la 4 semaines après 2 semaines après 2 semaines aprèssurveillance la 2e dose la 2e dose la 2e dose

Effets indésirables 0,6 % 0 1graves

Effets indésirables Asthénie : 3,8 % Asthénie : 9,7 % Donnéesde grade 3 Céphalées : 2 % Céphalées : 4,5 % non encoreles plus fréquents Myalgies : 8,9 % disponibles

Arthralgies : 5,2 %

Nombre de cas de 170 196 131Covid-19 confirmés (2 groupes)

Efficacité 95 % (IC95% : 90-98) 94 % (IC95% : 90-97) 70 % (IC95% : 55-81)

Nombre de cas graves 10 30 2Vaccinés/placebo 1/9 0/30 0/2

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soient basés sur des technologies plusclassiques, notamment des vaccins inac-tivés, n’est pas très rassurant. En effet,en utilisant l’intégralité du virus, diffé-rents antigènes vont susciter la produc-tion d’anticorps. Parmi ces anticorps,certains reconnaîtront la protéine S,mais d’autres, en identifiant des struc-tures différentes, au lieu d’avoir un rôleprotecteur, pourraient au contraire faci-liter et favoriser l’infection (anticorpsfacilitants). Ce risque a été observé surle modèle animal pour des vaccinscontre d’autres coronavirus et pourd’autres maladies comme la dengue.D’une façon générale, les processus devalidation des vaccins chinois et russessont propres à chacun de ces pays ets’affranchissent de l’homologationinter nationale par l’OMS. Ils paraissentmoins exigeants que les processus devalidation par la FDA ou par l’Agenceeuropéenne des médicaments.

RECOMMANDATIONSD’UTILISATIONDES VACCINS CONTRELE SARS-CoV-2

Les recommandations dépendent desdonnées d’efficacité et de sécurité desvaccins ainsi que de leur disponibilité,qui sera échelonnée dans le temps.L’efficacité semble démontrée pour lamaladie Covid-19 prouvée par RT-PCRsur une durée de quelques semaines.Aucune démonstration n’est encore dis-ponible pour la transmission du SARS-CoV-2, ce qui ne signifie pas qu’il n’y apas d’effet de groupe, mais seulementque les preuves ne sont pas encore ap-portées à ce jour.

La sécurité ne bénéficie également qued’une courte durée de surveillance.Néanmoins, sur les 75000 patients in-clus dans les études, aucune différenceen termes d’effets indésirables n’a étéobservée entre ceux ayant reçu un vac-cin et ceux des groupes placebo.Enfin, la disponibilité des produits vaexiger un étalement des vaccinations.Le rapport bénéfice/risque individuelest très probablement élevé pour les su-jets âgés, pour ceux qui ont des facteursde risque de forme sévère ainsi quepour leurs soignants, en particulier encas de facteurs de risque. Tant que desdonnées de sécurité sur des périodesplus prolongées ne seront pas dispo-nibles et qu’un effet de protection degroupe n’aura pas été mis en évidence,le bénéfice pour les sujets plus jeunesne pourra être affirmé. Les enfants,quant à eux, ne seront pas prioritairesdans les programmes de vaccination, dufait de la faible incidence de la maladieet des formes graves, ainsi que de leurrôle modeste dans la dynamique del’épidémie (peu malades, moins infec-tés, moins infectants). A ce jour, aucunenfant de moins de douze ans n’a été in-clus dans les études de phase 3, maisl’Académie américaine de pédiatrie arécemment demandé aux industriels deréaliser des essais chez les enfants [8].Dans les pays occidentaux, les pre-mières recommandations de vaccina-tion sont sensiblement les mêmes. EnFrance, le 30 novembre 2020, la Com-mission technique des vaccinations dela Haute Autorité de santé (HAS) a pu-blié des recommandations pour la vac-cination contre la Covid-19. Ces recom-mandations ont pris en compte lesconnaissances sur les groupes à risquede formes graves de cette maladie, les

données d’efficacité potentielle des vac-cins (à ce stade uniquement sur la mala-die et non sur la transmission) et lesprévisions concernant leur disponibilitéprogressive.Considérant les informations prélimi-naires dont elle dispose, la HAS a établides priorisations en cinq phases [7] :� phase initiale (dès la mise à disposi-tion des premières doses de vaccins) :– les résidents d’établissements ac-cueillant des personnes âgées et les rési-dents en services de long séjour,– les professionnels exerçant dans cesétablissements présentant eux-mêmesdes facteurs de risque ;� phase secondaire :– les personnes de 75 ans et plus, encommençant par les plus âgées ou parcelles présentant une ou plusieurs co-morbidités,– puis les personnes de 65 à 74 ans, enpriorisant celles présentant une ou plu-sieurs comorbidités,– puis les professionnels des secteurs dela santé et du médico-social âgés de50 ans et plus et/ou présentant une ouplusieurs comorbidités, quel que soit lemode d’exercice.La HAS considère qu’aucune orientationde vaccination selon le statut infectieuxvis-à-vis du SARS-CoV-2 des individus nepeut encore se dégager; elle prendra encompte les données de séro prévalence,les connaissances sur la durée d’immuni-té par l’infection naturelle et les résultatsdes essais cliniques selon le statut initialinfectieux vis-à-vis du SARS-CoV -2 lorsde l’élaboration de la stratégie vaccinale.Enfin, ces recommandations seront ame-nées à évoluer en fonction de nouvellesinformations. �Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts enrapport avec la rédaction de cet article.

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Références

[1] «Coronavirus (Covid-19)», 5 décembre 2020, www.infovac.ch/fr/les-vaccins/par-maladie/coronavirus-covid-19.[2] KRAMMER F. : « SARS-CoV-2 vaccines in development », Nature, 2020 ; 586 : 516-27.[3] JEYANATHAN M., AFKHAMI S., SMAILL F. et al. : « Immuno-logical considerations for Covid-19 vaccine strategies », Nat.

Rev. Immunol., 2020 ; 20 : 615-32.[4] VOYSEY M., COSTA CLEMENS S.A., MADHI S.A. et al. : «Sa-fety and efficacy of the ChAdOx1 nCoV-19 vaccine (AZD1222)against SARS-CoV-2 : an interim analysis of four randomisedcontrolled trials in Brazil, South Africa, and the UK», December08, 2020 ; doi : 10.1016/S0140-6736(20)32661-1.[5] POLACK F.P., THOMAS S.J., KITCHIN N. et al. : «Safety andefficacy of the BNT162b2 mRNA Covid-19 vaccine», December10, 2020 ; doi : 10.1056/NEJMoa2034577.[6] « FDA briefing document Pfizer-BioNTech COVID-19 vacci-

ne », Vaccines and Related Biological Products Advisory Com-mittee Meeting, Dec 10, 2020.[7] WHO AD HOC EXPERT GROUP ON THE NEXT STEPS FORCOVID-19 VACCINE EVALUATION : « Placebo-controlled trialsof Covid-19 vaccines - Why we still need them », N. Engl. J.Med., 2020 ; doi : 10.1056/NEJMp2033538.[8] AAP : « Covid vaccine trials should begin including childrennow », https://services.aap.org/en/news-room/news-releases/aap/2020/covid-vaccine-trials-should-begin-including-children-now-says-american-academy-of-pediatrics.