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18 A- La « Bataille d’Alger » (janvier-octobre 1957) Le général Massu Le contexte : Depuis la fin 1956, le FLN a décidé de replier une partie des forces vives à Alger, dans la Casbah. Abane RAMDANE a pour tactique de porter la guerre à Alger et de provoquer des attentats de plus en plus horribles pour déclencher des représailles et ainsi détacher la communauté musulmane de la France. Il installe la zone autonome d’Alger, la ZAA, dans la Casbah. Pour contrer ces attentats conduits directement depuis la Casbah, des Européens se regroupent en associations diverses Ces hommes organisent un attentat rue de Thebes dans la Casbah d’Alger, le 10 août 1956 « Jusqu'au massacre de la rue de Thèbes, nous ne faisions des attentats à Alger qu'en réponse à des arrestations massives ou à des exécutions. Mais là, nous n'avions plus le choix: fous de rage, les habitants de la Casbah ont commencé à marcher sur la ville européenne pour venger leurs morts. J'ai eu beaucoup de mal à les arrêter, en les haranguant depuis les terrasses, pour éviter un bain de sang. Je leur ai promis que le FLN les vengerait. », déclarera ensuite Yacef Saädi à la journaliste Marie-Monique Robin. notamment celle créée par Robert Martel (à gauche), l’Union Française Nord-africaine, et celle d’André Achiary (à droite), ancien officier du SDEC, qui était sous-préfet à Sétif au moment de la répression. Cet attentat fait 16 morts et 57 blessés dans la population musulmane. Ce fut un évènement marquant pour le FLN car cet attentat permit de durcir l’attitude de la Casbah contre les Français.

A- La « Bataille d’Alger » (janvier-octobre 1957)

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Page 1: A- La « Bataille d’Alger » (janvier-octobre 1957)

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A- La « Bataille d’Alger » (janvier-octobre 1957) Le général Massu

Le contexte : Depuis la fin 1956, le FLN a décidé de replier une partie des forces vives à Alger, dans la Casbah. Abane RAMDANE a pour tactique de porter la guerre à Alger et de provoquer des attentats de plus en plus horribles pour déclencher des représailles et ainsi détacher la communauté musulmane de la France. Il installe la zone autonome d’Alger, la ZAA, dans la Casbah.

Pour contrer ces attentats conduits directement depuis la Casbah, des Européens se regroupent en associations diverses

Ces hommes organisent un attentat rue de Thebes dans la Casbah d’Alger, le 10 août 1956

« Jusqu'au massacre de la rue de Thèbes, nous ne faisions des attentats à Alger qu'en réponse à des arrestations massives ou à des exécutions. Mais là, nous n'avions plus le choix: fous de rage, les habitants de la Casbah ont commencé à marcher sur la ville européenne pour venger leurs morts. J'ai eu beaucoup de mal à les arrêter, en les haranguant depuis les terrasses, pour éviter un bain de sang. Je leur ai promis que le FLN les vengerait. », déclarera ensuite Yacef Saädi à la journaliste Marie-Monique Robin.

notamment celle créée par Robert Martel (à gauche), l’Union Française Nord-africaine, et celle d’André Achiary (à droite), ancien officier du SDEC, qui était sous-préfet à Sétif au moment de la répression.

Cet attentat fait 16 morts et 57 blessés dans la population musulmane. Ce fut un évènement marquant pour le FLN car cet attentat permit de durcir l’attitude de la Casbah contre les Français.

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Yacef Saädi, chef militaire FLN de la Zone autonome d’Alger, décide de riposter par des attentats visant la population civile européenne.

Ceci se passe dans un contexte qui fait que les terroristes, arrêtés et jugés, sont guillotinés comme des prisonniers de droit commun. Ramdame avait dit : « pour un militant FLN guillotiné, on tuera 100 Européens ». C’est donc une surenchère d’attentats. Cette politique de Ramdame et de Yacef Saädi est corroborée par Mohamed Larbi Ben M'hidi qui est un organisateur, un unificateur.

L’idée de Saädi est de faire poser des bombes si possible par des femmes, des femmes ressemblant à des européennes et habillées à l’européenne. de gauche à droite : Samia Lakhdari, Drif Zohra, Djamila Bouhired, Hassiba Bentbouali.

La moudjahida Annie Fiorio-Steiner, fille de pieds-noirs fut condamnée à 5 ans de détention et sera libérée en 1961. 2 autres bombes, poséees par 3 femmes vont éclater le 30 septembre 1956 . Ces 3 femmes sont :

Zohra Drif

Samia Lakhdari

Djamila Bouhired

La bombe posée au Milk Bar, glacier très fréquenté fait 4 morts et 55 blessés.

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Elle est arrêtée, emprisonnée, amnistiée en 1961. Elle entre au Mirail en 1980, comme maître de conférences en histoire contemporaine spécialiste de l’histoire des femmes.

Le dernier grand attentat fut celui du Casino de la Corniche qui fit 8 morts et 81 blessés le 3 juin 1957. Les morts se trouvaient parmi les membres de l’orchestre qui était très populaire.

Massu est investi lui-même le 4 janvier 1957 par le Président du Conseil Guy Mollet des pleins pouvoirs civils et militaires.

Il a à sa disposition les meilleures troupes du moment, en particulier la 10ème DP qui comprend 4 régiments d’élite. 1er REP (1er régiment étranger de parachutistes) 1er RCP (1er régiment de chasseurs parachutistes) 2e RPC (2e régiment de parachutistes coloniaux) 3e RPC (3e régiment de parachutistes coloniaux) dirigé par le colonel Bigeard joue un rôle éminent dans la bataille d'Alger. Le 9ème régiment de zouaves est implanté dans la Casbah.

Djamila Amrane-Minne (Danièle Minne), française, dont les parents habitaient Oran depuis 1948, communistes, pose une bombe au bar l’Otomatic tandis que d’autres posent une bombe à la cafétéria du Coq Hardi 26 janvier 1957.

Le point culminant correspond à l’attentat de la Corniche. En juin 1957, Alger devient en partie une ville assiégée par le FLN. C’est dans ces conditions que le général Salan, investi des pouvoirs miliaires, fait appel au général Massu.

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Les Unités Territoriales (UT) sont une formation de réservistes de l'Armée française originaires des départements d'Algérie. Elles sont dirrigées par le colonel Jean Robert Thomazo.

Le 7 janvier1957, le général Massu reçoit du ministre résident Lacoste une délégation de pouvoir extrèmement large : il pourra, dans la zone de commandement, c’est-à-dire la zone d’Alger, instituer des zones où le séjour est règlementé, le séjour interdit pour certaines personnes. Il pourra assigner à résidence toute personne dont l’activité se révèle dangereuse ou est susceptible de l’être. Il pourra règlementer toutes les réunions publiques, les salles de spectacle, les débits de boisson. Il pourra autoriser les perquisitions de jour comme de nuit.

À partir de janvier 1957, l’armée est investie de tous les pouvoirs civils, de police, et militaires. Massu a des adjoints : Bigeard, Trinquier et Léger. Le colonel Trinquier est à la tête du DPU, le Dispositif de Protection Urbaine. Le DPU va se révéler très efficace sur le plan de la police. On va ficher tous les habitants des immeubles en désignant un responsable d’îlot. Ce responsable doit avertir de tout départ et arrivée. Tout nouvel arrivant sera interrogé par lui et il fera un rapport. Le capitaine Paul-Alain Léger crée assez vite un groupe appelé le GRE, le Groupe de Renseignement et d’Exploitation. Léger comprend très vite qu’il est préférable de retourner les prisonniers pour qu’ils acceptent de travailler pour l’armée française et dénoncer leurs anciens camarades. Léger fait merveille dans cette technique du retournement et peu à peu il crée un groupe d’hommes qui lui sont très dévoués. Il noyaute complètement le réseau de Yassef Saädi. Ces hommes au début sont vêtus de bleus de travail et on les appelle « les bleus de chauffe ».

Capitaine Paul Alain Léger la "Bleuïte" sur l'arres tation de Yacef Saädi

► 2:25►

www.youtube.com/watch?v=uSWqlefSVoU28 oct. 2011 - 2 min - Il y a aussi les services spéciaux, ceux qui s’occupent d’interroger les prisonniers. C’est un conglomérat très complexe où désormais l’armée va jouer un rôle important. Un certain nombre de soldats, de sous-officiers, d’officiers vont se spécialiser dans les interrogatoire, c’est-à-dire la torture très souvent. Le commandant Paul Aussaresses

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On va très vite savoir que la torture est pratiquée en particulier après l’arrestation d’Henri Alleg , un communiste qui va être torturé et qui va écrire un livre, La question, publié aux éditions de Minuit. Depuis un certain temps on dénonce dans les journaux des milieux de gauche l’utilisation de la torture.

Le gouvernement nie l’utilisation de la torture. Même après la fin de la guerre, les responsables militaires de la bataille d’Alger vont nier que la torture ait été utilisée. Puis Massu reconnaîtra la torture. Bigeard s’en tire avec une pirouette

En mai 2001, le général Paul Aussaresses publie un livre où il raconte dans le détail l’arrestation, la torture de Larbi Ben M'hidi par exemple. Il raconte la dernière phase de l'exécution du chef du FLN, dans une ferme, à une vingtaine de kilomètres au sud d'Alger: "Nous avons isolé le prisonnier dans une pièce déjà prête. Un de mes hommes se tenait en faction à l'entrée. Une fois dans la pièce, avec l'aide de mes gradés, nous avons empoigné Ben M'Hidi et nous l'avons pendu, d'une manière qui puisse laisser penser à un suicide". Ce livre fait polémique.

Vidéo Ina - [Tortures en Algérie], vidéo [Tortures en Algérie], vidéo ...

► 2:14► 2:14

www.ina.fr/art-et.../video/.../tortures-en-algerie.fr.html1 juil. 2009 - 2 min

Les Français ont torturé systématiquement notamment lors de cette bataille d'Alger . Les tentatives de justification que l’on retrouve lors de nombreux témoignages : vous arrêtez quelqu’un qui a posé une bombe qui va éclater dans quelques heures faisant des dizaines de morts, ne faut-il pas le torturer au nom des libertés de conscience ou bien faut-il le torturer pour sauver des vies humaines. Ces conditions ont pu exister mais la torture est devenue systématique. La torture a été pratiquée par des unités spécialisées souvent, parfois par des soldats du contingent qui se déchainent dans un contexte particulier. D’une manière générale, ceux qui ont servi n’ont pas été acteurs ou témoins mais il y a une certaine hypocrisie quand on dit « on est venu les chercher pour les interroger » car tout le monde savait que la torture était pratiquée.

Le général Jacques Pâris de Bollardière est le seul officier supérieur à avoir condamné ouvertement la pratique de la torture pendant la guerre d’Algérie. En 1957, il tente par tous les moyens de dénoncer "certains procédés" en vigueur dans la recherche du renseignement en Algérie. Sa prise de position publique lui vaut une sanction de soixante jours d’arrêt ...Il finira par quitter l’armée. Il meurt en 1986.

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Torture en Algérie : Jacques de Bollardière , Torture ... L’utilisation de ces méthodes, de ces interrogatoires « musclés » selon les termes de Bigeard, ces perquisitions, ces pleins pouvoirs donnés à Massu, permettent en quelques mois, de « pacifier » (dans le sens européen ) la ville d’ Alger. Le réseau de Yacef Saädi au sein de la Casbah est demantelé et le nombre d’attentats va énormément baisser.

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Il y a des rafles, des perquisitions.

La grève déclenchée le 28 janvier 1957 par le FLN tourne court. Le FLN avait décidé la grève : les petits boutiquiers ne devaient pas ouvrir leur magasin.La grève est suivie mais aussitôt Massu ordonne à ses troupes d’ouvrir de force les magasins.

Dans la seconde moitié de 1957, l’efficacité du dispositif est incontestable et le nombre d’attentats diminue très fortement.

Interview Massu - Ina www.ina.fr › Art et Culture › Littérature

4 remarques :

– L’armée française a mis au jour des caches d’armes. Elle a obtenu l’organigramme complet de l’organisation du FLN à Alger. – Une partie de l’opinion métropolitaine a mal vécu cette bataille et la considère comme une défaite morale, compte tenu de tous les moyens utilisés pour arriver à la victoire et en particulier la torture. Henri Alleg bien sûr, l’historien Pierre Emmanuel Vidal-Naquet, et d’autres que l’on retrouvera dans le réseau Jeanson. Pour eux, ce sont des victoires à la Pyrrhus et les Français sont en train de se déconsidérer à leurs yeux et aux yeux de l’opinion internationale. – Cette bataille d’Alger a abouti à un effet contraire : elle a solidarisé la population musulmane autour du FLN qui est apparue à ses yeux comme un défenseur. – Les Européens, les « Français d’Algérie » n’oublieront pas que c’est un général qui a fait cesser ces attentats. Et le général Massu a gagné la bataille d’Alger et le cœur des Algérois et Algéroises.