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À la mémoire de Jean FOUACE † décédé le 10 mars 2015 Jean Fouace a travaillé pendant 32 ans, de 1966 à 1999, comme profes- seur de gymnastique et maître nageur à l'Hôtel du Parc de Villars-sur-Ollon. En 2013, cinq ans après sa retraite, une grave maladie, le mésothéliome, lui ayant été diagnostiquée, il a fait appel à notre Comité d'aide aux victimes de l'amiante (CAOVA). C'est l'un des membres du Comité, expert de EPFL, qui a répondu à son appel et, curieux hasard, c'est lui-même qui l'avait accueilli et accompagné en 1985 au cours de l'expertise amiante demandée par le propriétaire de l'hôtel. L'expert, se fondant sur les mesures de l'Institut de santé au travail (IST) avait conclu dans son rapport: L’enlèvement du flocage est recommandé pour la grande salle de la piscine […] afin d'éliminer complètement l'amiante du bâti- ment. En effet, les flocages qui recouvraient les plafonds, effectués en 1966, étaient très dangereux pour la santé du personnel et de la clientèle de l'hôtel. Ce danger était connu publiquement puisque l'hôtel qui figurait dès 1985 sur la liste des 4'000 bâtiment à risque en Suisse devait être désamianté sans tarder, d'autant plus que le flocage, accessible à la main, était abîmé par en- droits. Pourtant, à ce jour, aucun désamiantage n'a été effectué. C'est certainement la raison pour laquelle Jean Fouace a été exposé à l'amiante au cours des 28 ans qui se sont écoulés entre les avertissements officiels et médiatiques et la déclaration de sa maladie dont l'origine ne fait aucun doute, s'agissant d'un mésothéliome, un cancer fatal de la plèvre spé- cifique de l'amiante. Ce drame révèle une fois de plus les carences de la Confédération, des Cantons, de la SUVA et du proprié- taire de l'hôtel en matière de prévention des dangers de l'amiante. Ces dangers ne pouvaient être ignorés d'au- tant plus que le journal Le Matin du 6 août 1985 sous le titre: La liste secrète des flocages à l'amiante,en faisait clairement mention. Comme trop d'autres morts de l'amiante, Jean Fouace a été victime d'une grave incurie qu'il s'agit de dé- noncer. À cet effet, CAOVA avec l'encouragement de ses proches, publie ci-après ses derniers témoignages pour que l'on sache combien sont cruelles les dernières années de souffrance et d'angoisse pour qui sait qu'il va mourir. Adieu l'ami, ton souvenir restera toujours dans nos cœurs. Nous ferons de ton exemple une arme contre l'indifférence face à la souffrance de tous ceux et celles qui comme toi ont perdu la vie, alors que tu as consacré tout ton temps de travail de sportif pour que tes semblables restent en bonne santé. CAOVA, 21.3.2015 Type de bâtiment: Hôtel restaurant Flocage appliqué par CTW-Spray à Morat. Numéro du répertoire fédéral du 15.3.1985 Année d'exécution des travaux de flocage Surface floquée: 520 m 2 , ép. 50 mm. Teneur en chrysotile du flocage: 11 à 25% Fonction du flocage: isolation acoustique Genre de paroi flo- quées: plafonds Fonction du flocage: isolation acoustique Flocage est accessi- ble, donc dangereux Registre des constructions traitées avec du flocage d'amiante, Office fédéral de la protection de l'environnement. 15.3.1985 Article de Le Matin du 6.8.1985 où l'hôtel du Parc est mentionné L'hôtel du Parc, aujourd'hui La piscine où travaillait Jean Fouace (1985)

À la mémoire de Jean FOUACE - caova.chcaova.ch/wp-content/uploads/2015/03/hommage-a-j-fouace.pdf · officiels et médiatiques et la déclaration de sa maladie ... La liste secrète

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À la mémoire de

Jean FOUACE †décédé le 10 mars 2015

Jean Fouace a travaillé pendant 32 ans, de 1966 à 1999, comme profes-seur de gymnastique et maître nageur à l'Hôtel du Parc de Villars-sur-Ollon. En2013, cinq ans après sa retraite, une grave maladie, le mésothéliome, lui ayantété diagnostiquée, il a fait appel à notre Comité d'aide aux victimes de l'amiante(CAOVA). C'est l'un des membres du Comité, expert de EPFL, qui a répondu àson appel et, curieux hasard, c'est lui-même qui l'avait accueilli et accompagnéen 1985 au cours de l'expertise amiante demandée par le propriétaire de l'hôtel.L'expert, se fondant sur les mesures de l'Institut de santé au travail (IST) avaitconclu dans son rapport: L’enlèvement du flocage est recommandé pour lagrande salle de la piscine […] afin d'éliminer complètement l'amiante du bâti-ment. En effet, les flocages qui recouvraient les plafonds, effectués en 1966,étaient très dangereux pour la santé du personnel et de la clientèle de l'hôtel.

Ce danger était connu publiquement puisque l'hôtel qui figurait dès 1985 surla liste des 4'000 bâtiment à risque en Suisse devait être désamianté sanstarder, d'autant plus que le flocage, accessible à la main, était abîmé par en-droits. Pourtant, à ce jour, aucun désamiantage n'a été effectué.

C'est certainement la raison pour laquelle Jean Fouace a été exposé àl'amiante au cours des 28 ans qui se sont écoulés entre les avertissementsofficiels et médiatiques et la déclaration de sa maladie dont l'origine ne faitaucun doute, s'agissant d'un mésothéliome, un cancer fatal de la plèvre spé-cifique de l'amiante.

Ce drame révèle une fois de plus les carences de la Confédération, des Cantons, de la SUVA et du proprié-taire de l'hôtel en matière de prévention des dangers de l'amiante. Ces dangers ne pouvaient être ignorés d'au-tant plus que le journal Le Matin du 6 août 1985 sous le titre: La liste secrète des flocages à l'amiante,en faisaitclairement mention.

Comme trop d'autres morts de l'amiante, Jean Fouace a été victime d'une grave incurie qu'il s'agit de dé-noncer. À cet effet, CAOVA avec l'encouragement de ses proches, publie ci-après ses derniers témoignagespour que l'on sache combien sont cruelles les dernières années de souffrance et d'angoisse pour qui sait qu'il vamourir.

Adieu l'ami, ton souvenir restera toujours dans nos cœurs. Nous ferons de ton exemple une arme contrel'indifférence face à la souffrance de tous ceux et celles qui comme toi ont perdu la vie, alors que tu as consacrétout ton temps de travail de sportif pour que tes semblables restent en bonne santé.

CAOVA, 21.3.2015

Type de bâtiment:Hôtel restaurant

Flocage appliqué parCTW-Spray à Morat.

Numéro du répertoirefédéral du 15.3.1985

Année d'exécutiondes travaux de flocage

Surface floquée: 520 m2, ép. 50 mm.

Teneur en chrysotiledu flocage: 11 à 25%

Fonction du flocage:isolation acoustique

Genre de paroi flo-quées: plafonds

Fonction du flocage:isolation acoustique

Flocage est accessi-ble, donc dangereux

Registre des constructions traitées avec du flocage d'amiante,Office fédéral de la protection de l'environnement. 15.3.1985

Article de Le Matin du 6.8.1985où l'hôtel du Parc est mentionné

L'hôtel du Parc, aujourd'hui

La piscine où travaillait Jean Fouace (1985)

Jean Fouace écrivait le 7 mai 2014

PING-PONG JUSQU'À LA MORT ?

Encore en vie, j'ai 80 ans et suis un des "miraculés" ayant survécu au mésothéliome. Cette maladieprofessionnelle contactée en Suisse à la piscine du Grand Hôtel du Parc à Villars, pendant plus de 30 ans (1966 à1999) a été diagnostiquée en 2013 seulement. Comme je passe ma retraite au Chili, cela donne le parcours suivant:diagnostic à l'institut du cancer de Santiago en avril 2013; opération le 7 mai 2013 au London Bride Hospital par leprofesseur Loic Lang et par la suite chimio et radiothérapie au Centre anticancéreux à l'Hôpital Lacassagne à Nice,pendant 5 mois.

Avant de rentrer au Chili, j'ai contacté la SUVA à Genève pour savoir comment procéder pour obtenirl'indemnisation prévue par la loi. Celle-ci me dirigea vers l'Hotela, l'assurance de mon ex employeur. Après deuxmois, j'ai réussi à prendre contact et ai reçu une invitation à me présenter au siège de l'assurance à Montreux. J'aidonc répondu que si mon état de santé le permettait, je me rendrais à leur invitation s'ils me payaient les voyages al-ler-retour. Bien entendu cela a transformé la convocation en l'envoi d'un questionnaire de type à rebuter le pluspossible la victime. Certaines questions me reportant à 60 ans en arrière ! Un peu plus tard, j'ai reçu une missive medirigeant de nouveau vers mon assureur : quatre mois d'attente!

Excédé par cette mauvaise volonté de traiter le dossier rapidement, j'ai contacté le Comité d'aide et d'orientationdes victimes de l'amiante (CAOVA) et grâce à son aide j'espère obtenir un résultat positif sur l'acceptation de mademande. L'avocat de la CAOVA m'a communiqué certains résultats qui font qu'après une décision de la Cour dejustice européenne, la loi suisse devait être changée et que nous interviendrons auprès de la SUVA pour l'indemnitélégale et auprès de l'Hotela pour les dommages Intérêts.

L'espérance de vie moyenne pour cette maladie après l'opération est de 35 mois; comme un an est passé depuis,il me reste deux ans de survie. Donc il me reste le challenge de vivre centenaire pour espérer un jour être dédomma-gé ! Ceci est bien sûr un challenge que je ne suis pas sûr de gagner... Mais grâce au jugement de la Cour européennedes droits de l'homme, mon fils pourra peut-être en profiter. Mon constat est simple, on se moque du client !

Au Royaume Uni, I'allocation du montant hebdomadaire est d'environ 185 Euros soit aux environs de 800 francssuisses par mois. Si c'est nécessaire, les victimes peuvent en plus faire une action en dommages-intérêts auprèsdes Assurances de leurs employeurs. Pourquoi la Suisse ne prendrait-elle pas exemple sur cela ?

La réponse est: POURQUOI FAIRE SIMPLE, SI ON PEUT FAIRE COMPLIQUÉ ? Jean Fouace

Puis Jean Fouace écrivait le 3 octobre 2014

Il faut espérer. J’ai 80 ans passé. Atteint d’un mésothéliome, j’ai été sauvé par l’intervention chirurgicale auLondon Bridge Hospital et par la suite du Centre anticancéreux de Nice.

Cela fait 10 mois que je survis alors que j’étais condamné à deux mois maximum avant cette intervention. Vousêtes sportif, et je le suis aussi, je vous signale que huit mois après mon opération, j’ai effectué une randonnée de 100km à vélo en cinq heures, le parcours, il est vrai, ne comportait pas de difficultés majeures.

Donc, jeunes hommes continuez à vous battre et aider toutes les victimes de l’amiante à s’en sortir.

Bien sincèrement,Jean Fouace