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Amamère:«Je neretiensquelesheuresensoleillées.»

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Longetdurestlecheminquidel'Enferconduitàlalumière.

JohnMlLTON,LeParodiéperdu

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PREMIÈREPARTIE

UnePluieD’Étincelles

L'hommenaîtpoursouffrirCommel'étincellepourvoler.

Job5,7

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1.LePortail

LEFROIDCINGLANTdelasemaineprécédenteavaitlaisséplaceàunsoleiléclatant.ClarytraversaenhâtelacourpoussiéreusedeLukeenrelevantlacapuchedesonblousonpournepasavoirlescheveuxdans la figure.Si le temps s'était réchauffé, le vent qui soufflait de l'EastRiverpouvait êtrebrutal. Iltransportait une odeur chimique à peine perceptible, qui se confondait avec la puanteur de Brooklyn,mélanged'asphalte,devapeursd'essenceetdesucrebrûléémanantdelaconfiserieabandonnée,situéeenbasdelarue.Simonl'attendaitsousleporche,vautrédansunfauteuildéfoncé.SaconsoleDSposéesurlesgenoux,

ildéplaçaitsonstyletsurl'écranàtouteallure.—Encoregagné, lança-t-il commeelle le rejoignaitenhautdesmarches. Je suisen trainde faireun

cartonàMarioKart.Claryrepoussasacapuche,secouasescheveuxetcherchasesclésdanssapoche.—Oùétais-tupassé?J'aiessayédetejoindretoutelamatinée.Simonselevaetrangeasaconsoledanssasacoche.—J'étaischezEric.Onarépétéaveclegroupe.Clarycessades'acharnersurlaserrurepourluijeterunregardinterloqué.—Tuveuxdirequetufaistoujourspartie...—Dugroupe?Pourquoipas?Iltenditlebras.—Laisse-moifaire.Clary se tint tranquille pendant que Simon tournait la clé d'un geste expert dans la vieille serrure

rouillée.Samainfrôlalasienne;ilavaitlapeaufroide,delamêmetempératurequel'airextérieur.Ellefrissonna.Ilsavaientmisuntermeàleurébauchederelationamoureuselasemaineprécédente,etellesesentaitencoretroubléechaquefoisqu'ellelevoyait.

—Merci.Ellerepritsaclésansleregarder.Ilfaisaitchauddanslesalon.Clarysuspenditsavesteàlapatèredanslecouloiretsedirigeaversla

chambred'amis,Simonsurlestalons.Ellefronçalessourcils.Savaliseétaitgrandeouvertesurlelit;sesvêtementsetsescarnets,disséminésdanstoutelapièce.

— Je croyais que tu partais à Idris pour deux jours, observaSimon en embrassant le désordre d'unregardconsterné.

— Jenesaispasquoiemporter.J'aitrèspeuderobesetdejupes.Imaginequejen'aiepasledroitdeporterdespantalonslà-bas!

—Quelleidée!Tuparsàl'étranger,cen'estpasunvoyagedansletemps!—MaislesChasseursd'Ombressonttellementvieuxjeu,etIsabelleneportequedesrobes...Clarys'interrompitensoupirant.— Laisse tomber. Je projette toutesmes angoisses au sujet demamère surma garde-robe. Parlons

d'autrechose.Comments'estpasséelarépétition?Vousn'aveztoujourspasdenompourlegroupe?—C'étaitsympa.Onchercheunnouveauslogan,untrucunpeuironique.Simonsehissasurlebureauetlaissapendresesjambesdanslevide.—TuasexpliquéàÉricetauxautres...—Quejesuisunvampire?Non.Cen'estpaslegenredesujetqu'onpeutaborderfacilement.

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—Peut-être,maiscesonttesamis.Tudevraislesmettreaucourant.Avecunpeudechance,ilsverrontentoilenouveaudieudurock,commelevampireLester.

—Lestât,corrigeaSimon.C'estunpersonnagedefiction,Clary.Etpuis,jenetevoispasteprécipiterpourannonceràtespropresamisquetuesuneChasseused'Ombres.

—Quelsamis?Monami,c'esttoi.ClarysevautrasurlelitetlevalesyeuxversSimon.—Etmoi,jetel'aidit,non?—Tun'avaispaslechoix.Latêtepenchée,Simonétudiasonvisage;lalumièredelalampedechevetsereflétaitdanssesiris.—Tuvasmemanquer,dit-il.—Toiaussi,réponditClary,bienqu'elleattendîtcedépartavecuneimpatiencefébrile.Elleenéprouvaitdespicotementsdanstoutlecorps.«JevaisàIdris!Chantaitunepetitevoixdanssa

tête.JevaisvisiterlevieuxpaysdesChasseursd'OmbresetlaCitédeVerre.Jesauveraimamère...EtjeseraiavecJace.»LesyeuxdeSimonétincelèrentcommes'illisaitdanssespensées.— Redis-moipourquoitudoisterendreàIdris?demanda-t-il.MadeleineetLukenepeuventpass'en

chargeràtaplace?— Mamère s'est procuré le sortilège qui l'a mise dans cet état auprès d'un sorcier, Ragnor Fell.

D'aprèsMadeleine, lui seulpeutnousexpliquercomment ledéfaire.Or, ilne l'a jamais rencontrée. Ilconnaissaitmamère,etMadeleinepensequ'ilmeferaconfianceparcequeje luiressemblebeaucoup.Lukenepeutpasveniravecmoi.Apparemment,ilnepeutpasentrerdansAlicantesanslapermissiondel'Enclave,quin'estpasprèsdelaluiaccorder.Et,parpitié,neluienparlepas:ilestvraimentfurieuxdenepaspouvoirm'accompagner.S'ilneconnaissaitpasMadeleine,ilnem'auraitjamaislaisséepartir.

—MaisJaceetlesLightwoodserontlà-bas,euxaussi.Ilst'aideront.Jacetel'apromis,non?Çaneledérangepasquetufassespartieduvoyage?

—Biensûrqu'ilmedonnerauncoupdemain.Etçaneluiposeaucunproblème,évidemment.MaisClarysavaitquecen'étaitpaslavérité.

Elle s'était rendue directement à l'Institut après s'être entretenue avecMadeleine à l'hôpital. AvantLuke,Jaceavaitétélepremieràquielleavaitrévélélesecretdesamère.Ilavaitblêmi.

—Tun'iraspas là-bas, avait-ildécrété.Quitte à ceque je t'attache jusqu'àcequecette lubie te soitpassée,maistunemettraspasunpiedàIdris.Claryavaiteul'impressionderecevoirunegifle.Ellecroyaitqu'ilseraitcontent.Elleavaitcourutout

aulongdutrajetdel'hôpitaljusqu'àl'Institutpourluiannoncerlagrandenouvelle,etvoilàqu'illatoisaitd'unregardsévère,immobilesurleseuil.

—Maisvous,vousyallez.— Oui, il le faut bien. L'Enclave a rappelé à Idris tous ses membres à l'occasion d'un énorme

rassemblementduConseil.IlsvontvoterlesmesuresàprendrecontreValentin,etcommenoussommeslesderniersàl'avoirvu...Clarybalayad'ungestesonexplication.—Sivousyallez,alorspourquoijenepeuxpasvousaccompagner?Devantlasimplicitédesaquestion,lacolèredeJaceredoubla.—Parcequetuneseraspasensécuritélà-bas.—Etici,alors?J'aimanquémefairetuerunedouzainedefoislemoisdernieret,toutcetemps,jesuis

restéeàNewYork.

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—Valentinconcentrait tousseseffortssur lesdeuxInstrumentsMortelsquise trouvaient ici,ditJaceentresesdents.Maismaintenant,ilvareportersonattentionsurIdris,toutlemondelesait...

—C'estloind'êtreunecertitude,intervintMaryseLightwoodenémergeantdelapénombreducouloir.La lumière implacableduhalléclairases traits fatigués.L'étatdesonépoux,RobertLightwood,qui

avaitétéatteintpardupoisondémoniaqueaucoursdelabatailledelasemaineprécédente,requéraitdessoinsconstants;Claryn'osaitpasimaginercequ'elleendurait.

—Enoutre,l'EnclaveveutfairelaconnaissancedeClarissa,reprit-elle.Tulesais,Jace.—L'Enclavepeutallersefairevoir.—Jace!s'exclamaMaryse,d'untonpourunefoistrèsmaternel.Surveilletonlangage.—Cen'estpasparcequ'ilsveulentquelquechosequ'ilfauttoujoursleleurdonner,protesta-t-il.Maryse lui lança un regard signifiant qu'elle savait exactement ce qu'il entendait par là et qu'elle

n'approuvaitguère.—L'Enclaveasouventraison,Jace.LeurvolontéderencontrerClarymesembleraisonnable,aprèstout

cequ'elleatraversé.Ellepourraitleurrévéler...—Jeleurdiraitoutcequ'ilsontbesoindesavoir.MarysepoussaunsoupirettournasesyeuxbleusversClary.—Alors,sij'aibiencompris,tutiensànousaccompagner?— Seulementpourquelques jours.Promis, je nevousgênerai pas, lançaClaryd'un ton suppliant en

évitantleregardfurieuxdeJace.— La question n'est pas là. Le tout est de savoir si tu acceptes de rencontrer l'Enclave pendant ton

séjour. Ils veulent s'entretenir avec toi. Si tu refuses, je doute que nous obtenions l'autorisation det'emmeneravecnous.

—Non...ditJace.—j'accepte,réponditClaryavecempressement.Unfrissonluiglaçaledos.Jusqu'àprésent,leseulreprésentantdel'Enclavequ'illuiavaitétédonnéde

uncôtoyer,c'étaitl'Inquisitrice,quin'avaitpasétéd'unecompagnietrèsagréable,c'étaitlemoinsqu'onpuissedire.Marysesemassalestempesduboutdesdoigts.—Alors,c'estréglé.Elle-mêmenesemblaitpastrèsdécidée,pourtant;Elleparaissaitaussifragileettenduequ'unecorde

deviolon.—Jace,accompagneClaryjusqu'àlasortieetretrouve-moidanslabibliothèque.J'aiàteparler.Et, sans un mot d'adieu, elle regagna la pénombre. Clary la regarda s'éloigner avec l'impression

d'avoir reçuunedoucheglacée.Alecet Isabelleparaissaient sincèrementattachésà leurmère,et elleétaitcertainequeMaryseavaitbonfond,maisellen'étaitpas trèschaleureuse.Unplisévèrebarra labouchedeJace.

—Tuescontente?—J'aibesoind'alleràIdris,queçateplaiseounon,rétorquaClary.Jedoislefairepourmamère.—Marysefait tropconfianceàl'Enclave.Elles'estpersuadéequ'ilsétaient irréprochables,et jene

peuxpasavancerlecontraireparceque...Ils'interrompitbrusquement.—ParcequeceseraitparlercommeValentin.Clarys'attendaitqu'ilexplosemaisilsecontentaderépondre:—Personnen'estparfait.Pasmêmel'Enclave.

Ilappuyasurleboutondel'ascenseur.—C'estvraimentàcausedemasécuritéquetuneveuxpasquejevienne?demandaClaryencroisant

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lesbras.Lasurprisesepeignitsursonvisage.—Qu'est-cequetuveuxdire?Pourquelleautreraison?Claryavalasasalive.—Parceque...«... tum'as dit que tu n'avais plus de sentiments pourmoi, et c'est bien dommage puisque,moi, je

ressenstoujourslamêmechose.D'ailleurs,jepariequetulesais.»—...jen'aipasenvied'avoirmapetitesœurdanslespattes?suggéra-t-ild'untonnarquois.L'ascenseur s'arrêta dans un cliquetis. Poussant la grille, Clary se glissa à l'intérieur avant de se

tournerversJace.—Jen'yvaispaspourtoi.Jeveuxaidermamère.NOTREmère!Jen'aipaslechoix,tucomprends?Si

jenefaisrien,elleneseréveillerapas.Tupourraisaumoinsfairesemblantdet'intéresseràelle.Jace posa lesmains sur ses épaules : ses doigts effleurèrent la peau nue au-dessus de son col et,

malgréelle,ellefrissonna.Ilavaitdescernessouslesyeux,remarqua-t-elle,etlesjouescreuses.Lepullnoirqu'ilportait faisait ressortir sapeaumeurtrieet sescils sombres.Elle l'auraitpeint toutencontrastes,avecdesdégradésdenoir,deblanc,degrisetquelquestouchesd'oricietlà.

—Laisse-moim'enoccuper,murmura-t-ild'untonpressant.Jel'aideraipourtoi.Dis-moioùaller,àquirendrevisite.

—Madeleineaprévenulesorcierquec'estmoiquiirai.IlattendlafilledeJocelyne,passonfils.mainsdeJaces'agrippèrentàsesépaules.

—Tul'informerasqueleprogrammeachangé.C’estmoiquiirai,pastoi.—Jace…—Jeferaicequetuvoudras,situprometsderesterici.—Jenepeuxpas.—Pourquoi?

Ilreculacommesiellevenaitdelerepousser.—Parcequec'estmamère,Jace.— C'estaussilamienne,répliqua-t-ilavecfroideur.Aufait,pourquoiMadeleinen'estpasvenuenous

trouvertouslesdeux?Pourquoitoiseule?—Tusaispourquoi.—Parcequ'àsesyeux,tueslafilledeJocelyne,alorsquejeseraitoujourslefilsdeValentin.Ilrefermalagrilled'ungestebrutal.Pendantquelquessecondes,ellel'observaàtraverslesbarreaux

entrecroisés.Unlosangeenferforgéencadraitunœilmordoréquilafixaitd'unairfurieux.—Jace...Avec un grincement, l'ascenseur se mit en branle et l'emporta dans les ténèbres silencieuses de la

cathédrale.

—Allô,Clary?IcilaTerre!s'écriaSimonenagitantlesbras.Tuesréveillée?—Désolée,qu'est-cequetudisais?Claryseredressaetsecoualatêtepourchassersesidéesnoires.Ellen'avaitpasrevuJacedepuisleur

altercation.Iln'avaitpasdécrochéletéléphonequandellel'avaitappeléparlasuite,aussiavait-elledûorganiser son voyage à Idris avec les Lightwood. Alec avait joué les intermédiaires embarrassés etréticents.PauvreAlec,tirailléentreJaceetsamère,quiessayaittoujoursd'agiraumieux!

—QueLukeestrentré,ondirait.Simonsautadubureausurlequelilétaitassisaumomentoùlaportedelachambres'ouvrait.

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—Oui,c'estbienlui.—Salut,Simon.Luke semblait serein ; unpeu fatigué, peut-être. Il portait uneveste en jean élimée, une chemise en

flanelleetunvieuxpantalonenveloursrentrédansdesbottesquiavaientconnudesjoursmeilleurs.IlavaitrepousséseslunettessursescheveuxbrunstirantbeaucoupplussurlegrisquedanslesouvenirdeClary.Iltenaitsouslebrasunpaquetnouéavecunrubanvert,qu'iltenditàClary.

—Jet'aitrouvéquelquechosepourtonvoyage.—Ilnefallaitpas!protesta-t-elle.Tuasdéjàtantfait...Elle songea aux vêtements qu'il lui avait achetés après que tous ses objets personnels avaient été

détruits.Illuiavaitaussidonnéunnouveautéléphoneetdumatérieldedessinsansmêmequ'elleaiteuàdemander.Désormais,toutcequ'ellepossédaitétaitdescadeauxdeLuke.«Ettun'approuvesmêmepasquejeparte!»D'unaccordtacite,ilsévitaientd'aborderlesujet.

—Enlevoyant,j'aipenséàtoi.L'objetàl'intérieurdelaboîteétaitenveloppédansplusieurscouchesdepapierdesoie.Clarydéchira

lepapieretsesdoigtsrencontrèrentuntissudouxcommelafourrured'unchat.Ellelaissaéchapperunhoquetdesurpriseendécouvrantunmanteauvertbouteilleunpeurétroavecunliseréd'or,desboutonsdecuivreetunelargecapuche.Elleledépliasursesgenoux,encaressaamoureusementlevelours.

—Ça ressemble à quelque chose que porterait Isabelle ! s’exclama-t-elle. On dirait un manteau devoyageconçuexprèspourunChasseurd'Ombres.

—Exactement.Avecça,tutefondrasdanslamasseàIdris,observaLuke.Ellelevalesyeuxverslui.

—Tutiensvraimentàcequejeleurressemble?—Clary,tuesl'unedesleurs.Avecunsourireempreintdetristesse,ilreprit:—Etpuis,tusaiscommentilstraitentlesétrangers.Plustuessaierasd'entrerdanslemoule...Simonseraclalagorge,etClaryluilançaunregardcoupable:elleavaitpresqueoubliésaprésence.

Ilexaminasamontre,l'airpréoccupé.—Fautquej'yaille.—Maistuviensd'arriver!J'avaispenséqu'onpourraittraînerunpeu,regarderunfilm...—Tudoisfairetesbagages.Simonluiadressaunsourireradieuxcommelesoleilaprèslapluie.Elleauraitpresquepucroireque

toutallaitbienpourlui.—Jerepasseraitedireaurevoir.—Allez,reste...—Jenepeuxpas,dit-ild'untonsansappel.J'airendez-vousavecMaia.—Oh...Bon...Maia,songeaClary,étaitunegentillefille.Intelligente.Jolie.Maiaétaitaussiunelycanthropeetelle

avaitunfaiblepourSimon.Maispeut-êtrequec'étaitdansl'ordredeschoses.Peut-êtrequelanouvelleamiedeSimondevaitêtreuneCréatureObscure.Aprèstout,ilétaitl'undesleurs,àprésent.Enthéorie,iln'étaitmêmepascenséfréquenterdesChasseursd'Ombres.

—Danscecas,tuferaismieuxd'yaller.—Oui,j'yvais.UnelueurindéchiffrablebrillaitdanslesyeuxsombresdeSimon.C'étaitnouveaupourClary:avant,

ellelisaittoujoursenluicommedansunlivreouvert.Ellesedemandasic'étaitunautreeffetsecondaireduvampirisme.

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—Aurevoir,lança-t-il.Ilsepenchapourl'embrassersurlajoueenécartantunemèchedesescheveux.Puisilmarquauntemps

d'arrêtetrecula,l'airdésorienté.Étonnée,ellefronçalessourcilsmaisils'étaitdéjàéloignéenfrôlantLukesurleseuil.Elleentenditlaported'entréeclaquerderrièrelui.

— Ilestvraimentbizarre,cestemps-ci!s'exclama-t-elleenserrantcontreellelemanteauenvelourspourseréconforter.Tucroisquec'estcettehistoiredevampire?

—Pasforcément,réponditLuke,l'airvaguementamusé.DeveniruneCréatureObscurenechangerienàcequ'onressent.Niàcequ'onest.Donne-luiletemps.C'esttoiquiasrompuaveclui.

—Pasdutout.C'estlui.—Parcequetun'étaispasamoureusedelui.C'estunesituationdélicate,etjetrouvequ'ils'ensortavec

élégance. La plupart des garçons de son âge bouderaient dans leur coin ou viendraient rôder sous tafenêtreavecuntransistor.

—Pluspersonnenepossèdecegenredetruc.Ça,c'étaitdanslesannées80.Claryselevapéniblementdulitetenfilasonmanteau,qu'elleboutonnajusqu'aucouens'émerveillant

deladouceurduvelours.—J'aimeraisjustequeSimonredeviennenormal.Elle étudia son reflet dans le miroir et en fut agréablement surprise : le vert faisait ressortir ses

cheveuxrouxetrehaussaitlacouleurdesesyeux.EllesetournaversLuke.—Qu'est-cequetuendis?Ilétaitadosséàlaporte,lesmainsdanslespoches.Uneombrepassasursonvisage.—Tamèreavaitunmanteauexactementcommecelui-ciàtonâge,secontenta-t-ilderépondre.Clary enfonça les ongles dans le tissu velouté des manches. L'allusion à sa mère et l'expression

attristéedeLukeluifirentmonterleslarmesauxyeux.—Onpasselavoiraujourd'hui,d'accord?s'enquit-elle.J'aimeraisluidireaurevoiravantdepartir,et

luiexpliquercequejecomptefaire.Lukehochalatête.—Oniraàl'hôpitalunpeuplustard.Et,Clary?—Quoi? fit-elle sansparvenirà le regarderdans lesyeuxmais,quandelle sedécida,elleconstata

avecsoulagementquesatristesses'étaitdissipée.—Êtrenormal,çan'ariendesiextraordinaire,dit-ilensouriant.

Simon regarda le papier qu'il tenait à la main puis la cathédrale en plissant les yeux. L'Institut sedétachaitsurlecielbleu,unblocdegranitavecdesfenêtresenogive,ceintparunehautemurailledepierre.Desgargouillesperchéessurlescornicheslefixaientd'unœiltorvecommepourlemettreaudéfid'approcherlagrandeporte.L'édificeneressemblaitenrienaupremieraperçuqu'ilenavaiteu:ilavaitalors l'apparence d'un bâtiment à l'abandon, mais les charmes n'avaient pas d'effet sur les CréaturesObscures.Tun'espaslebienvenu.Cesmotsletranspercèrentcommedel'acide.Iln'auraitsudiresic'étaientles

gargouillesquiavaientparléoulavoixdanssatête.Cetendroitestuneéglise,ettuesdamné,—Laferme,marmonna-t-ild'untonmalassuré.Detoutefaçon,jem'enfiche,deséglises.Jesuisjuif.Unegrilleenfers'encadraitdanslemurenpierre.Simonposalamainsurleloquet,s'attendantqu'elle

soit réduite en cendres,mais rien ne se produisit.Apparemment, la grille, elle, n'était pas sanctifiée.Après l'avoir poussée, il s'avançadans l'alléemenant à la porte. Il n'avait pas fait quelques pas qu'ilentenditdesvoixfamilièresàproximité.Oupeut-êtren'étaient-ellespassiproches.Iloubliaitsouventquesonouïe,demêmequesavue,s'était

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considérablementdéveloppéedepuisqu'ilavaitététransformé.Ileutd'abordl'impressionquelesvoixsetrouvaientjustedevantlui,maisensuivantlecheminétroitquicontournaitl'Institut,ilaperçutungroupedegensquisetenaientàbonnedistance,àl’autreboutdujardin.L'herbeypoussaitlibrement,débordantsurlesalléesquiserpentaientparmilesmassifsderosesjadisentretenusavecsoin.Ilyavaitmêmeunbanc de pierre envahi par le chiendent.A avant que lesChasseurs d'Ombres n'y élisent domicile, cetendroitabritaitunevéritableéglise.D'abord,ilvitMagnus,adosséàunmurcouvertdemousse.Ilauraitétédifficiledenepaslevoir:il

portaitun tee-shirtblancmouchetédepeintureetunpantalondecuirauxcouleursde l'arc-en-ciel.Sahautesilhouettesedétachaittelleuneorchidéemulticoloresurlerestedugroupe,composédeChasseursd'Ombres enhabit noir :Alec, pâle et tendu ; Isabelle, ses longs cheveuxnoirs rassemblés en tressesretenuespardesrubansargentés,deboutprèsd'unpetitgarçonquidevaitêtreMax,lecadetdelafratrie.Prèsd'euxsetenaitleurmère,uneversionplusgrandeetplusmaigredesaproprefille,quiarboraitlamêmechevelurenoire.AsoncôtésetrouvaitunefemmequeSimonneconnaissaitpas.D'abord,ilcrutqu'elleétait trèsâgée,carelleavaitlescheveuxpresqueentièrementblancs,maislorsqu'ellesetournaversMaryse,ils'aperçutqu'ellen'avaitpasplusdetrente-cinqouquaranteans.Enfin,ilrepéraJace,unpeuàl'écartcommes'iln'étaitpasdesleurs.Ilavaitluiaussirevêtulatenue

desChasseursd'Ombres.QuandSimonportaitdunoir, ilavait l'airderevenird'unenterrement, tandisquecettecouleurfaisaitressortirlecôtécoriace,menaçantdeJace,etsablondeur.LesépaulesdeSimonseraidirent,etilsedemandasiletempsoul'oubliviendraientunjouràboutdesonressentimentpourJace.C'étaitunsentimentdontiln'étaitpasfier,etquipesaitcommeunepierresursoncœursansvie.Ilyavaitquelquechosed'étrangedanscerassemblement...Maisàcetinstant,Jacesetournaverslui,

comme s'il venait de sentir sa présence et,même à cette distance, Simon distingua la petite cicatriceblanchesursagorge,justeau-dessusducoldesonhabit.Sarancœursedissipa.Jaceluiadressaunsignedetêteimperceptible.

— Jerevienstoutdesuite,dit-ilàMaryseenprenantuntonqueSimonn'auraitjamaisemployéavecsapropremère.C'était celui d'un adulte s'adressant à un autre adulte. Maryse lui donna son accord en agitant

distraitementlamain.—Jenecomprendspaspourquoic'estsilong,disait-elleàMagnus.C'estnormal?—Cequinel'estpas,c'estlaristournequejevousfais,répliqua-t-ilentapotantlemurdutalondesa

botte.D'habitude,jedemandeledouble.—Cen'estqu'unPortailtemporairequidoitseulementnousemmeneràIdris.Etjecomptesurvouspour

lerefermerderrièrenous.Cesontlestermesdenotremarché.Ellesetournaverslafemmeàcôtéd'elle.—Etturesteraspourvérifierqu'ils'estacquittédesatâchejusqu'aubout,n'est-cepas,Madeleine?Madeleine.C'était donc elle, l'amiede Jocelyne.Simonn'eut pas le tempsde l'étudier, cependant :

Jacel'entraînaitdéjààl'écartenletirantparlebras.Ilscontournèrentlacathédraleparl'autrecôté.Àcetendroit, les herbes étaient encore plus hautes, et le chemain envahi par les broussailles. Jace poussaSimonderrièreungroschêneetsedécidaenfinàlelâcherenjetantdesregardsdepartetd'autrepours'assurerqu’ilsn'avaientpasétésuivis.

—C'estbon.Onpeutdiscutertranquillementici.Effectivement,ilsétaientplusaucalmeàcetendroit;lesmursimposantsdel'Institutabsorbaientles

bruitsdutraficenprovenancedeYorkAvenue.—C'esttoiquim'asdemandédevenir,observaSimon.J'aitrouvétonmessagecoincédanslemontant

demafenêtreenmeréveillantcematin.Tunetesersjamaisdutéléphonecommelesgensnormaux?

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—Passijepeuxl'éviter,vampire,répliquaJace.IlobservaSimond'unairsongeur,commes'illisaitlespagesd'unlivre.Deuxémotionscontradictoires

sepeignaientsursonvisage:unlégerétonnementmêléàcequiressemblaitàdeladéception.—Alors,c'esttoujoursvrai?Tupeuxsortirlajournée.Mêmelesoleildemidinetebrûlepas.—Oui.Maistulesavaisdéjà.Tuétaislà.Iln'eutpasbesoindepréciserdavantage:ilvit,àl'expressiondeJace,qu'ilsesouvenaitdufleuve,de

lacamionnette,du soleil se levant sur l'eau,descrisdeClary. Il se rappelait toutcelaaussibienqueSimon.

—J'avaispenséque,peut-être,çadisparaîtraitavecletemps,lançaJacesansgrandeconviction.—S'ilmeprendl'enviedepartirenflammes,jeteleferaisavoir.

Simonn'avaitjamaiseubeaucoupdepatienceavecJace.— Si tum'as demandé de traverser toute la ville dans le simple but dem'examiner sous toutes les

coutures,laprochainefois,jet'enverraiunephoto.—Etjel'encadreraipourlamettresurmatabledenuit.Mais,manifestement,Jacen'avaitpaslecœuràplaisanter.— Ecoute,sijet'aifaitvenir,c'estpouruneraison.Bienquejerépugneàl'admettre,vampire,nous

avonsunpointcommun.—Unecoiffuresensationnelle?suggéraSimon,cependantluinonplusn'étaitpasd'humeuràrire.QuelquechosedansleregarddeJacelemettaitmalàl'aise.—Clary,ditcelui-ci.Prisdecourt,Simonrépéta:—Clary?—Clary.Tusais.Petite,rousse,toujoursmallunée.— Jenevoispas enquoionest tous lesdeuxconcernés,objectaSimon,mêmes'il pensait tout le

contraire.Néanmoins,iln'avaitpasparticulièrementenvied'avoircetteconversationavecJace,nimaintenantni

jamais.N'existait-il pas un codemasculin qui interdisait toute discussion portant sur les sentiments ?Apparemmentnon.

—Toicommemoi,ontientàelle,non?déclaraJaceenlejaugeantduregard.Elleestimportantepournousdeux.

—Tuveuxsavoirsijetiensàelle?Le verbe « tenir » semblait pour lemoins insuffisant. Simon en vint à se demander si Jace ne se

moquaitpasdelui,cequi,enl'occurrence,auraitétécruel,mêmevenantdesonrival.L'avait-ilfaitvenirici dans le seul but de le ridiculiser parce que ça n'avait pas marché entre Clary et lui?Même s'ils'accrochaitencoreaufaibleespoirquelasituationchangerait,queClaryetJacefiniraientparéprouverl'unpourl'autrel’affectiondemiseentreunfrèreetunesœur...Son regard croisa celui de Jace, et son espoir vacilla. Il n'affichait pas la désinvolture d'un frère

parlantdesasœur.D'unautrecôté,ilétaitclairqu'ilnel'avaitpasfaitvenirpoursepayersatête:sapropretristessenereflétaitdanslesyeuxdeJace.

—Necroispasqueçameplaîtdeteposercesquestions,lâcha-t-ild'untoncassant.Jedoissavoircequetuesprêtàfairepourelle.Est-cequetumentirais,parexemple?

—Mentir?Aquelsujet?Qu'est-cequisepasse?Simon comprit enfin ce qui l'avait chiffonné en voyant les Chasseurs d'Ombres rassemblés dans le

jardin.—Attendsuneseconde.VouspartezpourIdrismaintenant?Claryestpersuadéequec'estcesoir.

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— Je sais. Et je veux que tu racontes aux autres qu'elle t'a envoyé ici pour les prévenir qu'elle neviendraitpas.Ilfautleurdirequ'elleneveutplusalleràIdris.Ilyavaitdelanervositédanssavoix,ouautrechose,uneémotionsibizarrevenantdeJacequeSimon

avaitdumalàmettreledoigtdessus.Ilavaitl'impressionqu'illesuppliait.—Ilstecroiront.Ilssaventàquelpointvousêtes...proches.Simonsecoualatête.—Tuesincroyable.TumedemandesdefairequelquechosepourClary,maisenréalitéc'estunefaveur

pourtoi.Ilsedétournapours'enaller.—Pasquestion.Jacelerattrapaparlebras.—C'estpourelle!J'essaiedelaprotéger.Jepensaisquelà,aumoins,tuaccepteraisdem'aider.SimonfixaavecinsistancelamaindeJaceagrippéeàsonbras.—Commentpourrais-jelaprotégersitunem'expliquespascontrequoi?—Tunepeuxpasmefaireconfiance,sijetejurequec'estimportant?réponditJacesanslelâcher.—Tuneterendspascompte,elletientvraimentàalleràIdris.Sijedoisl'enempêcher,ilmefautune

sacréebonneraison.JacepoussaunsoupiretlâchalebrasdeSimonàcontrecœur.— Cequis'estpassésurlebateaudeValentin,dit-ilàvoixbasse.LarunequeClaryadessinéesurle

mur...ehbien,tuasvulerésultat.—Elleadétruitlebateauetsauvénosvies.—Neparlepassifort,soufflaJaceenjetantunregardanxieuxautourdelui.—Qu'est-cequetuinsinues?Quelesautresnesontpasaucourant?demandaSimon,incrédule.—Onestquatreàsavoir:toi,moi,LukeetMagnus.C'esttout.—Maisqu'est-cequ'ilss'imaginent?Quelenavireasombréaumomentopportun?—JeleurairacontéqueleRitueldeConversionavaitmaltourné.—Tuasmentiàl'Enclave?Simonoscillaitentrel'admirationetlaconsternation.— Oui, je leur aimenti. Isabelle etAlec savent queClary détient le pouvoir de créer de nouvelles

runes, alors je ne pourrai sans doute pas cacher très longtemps ce fait à l'Enclave ou au nouvelInquisiteur.Maiss'ilssavaientqu'ellepeutdécuplerlepouvoirdesrunesordinairesetleurconférerunepuissancedestructriceinimaginable,ilschercheraientàenfaireunecombattante.Etellen'apaslacarrurepourça.Ellen'apasétéélevéedanscebut...Ils'interrompitcommeSimonsecouaitlatête.—Quoi?—TuesunNephilim.Tun'espascenséagirdansl'intérêtdel'Enclave?Siçaimpliquedeseservirde

Clary...—Tuveuxqu'elleseretrouveenpremièrelignefaceàValentinetsonarmée?—Biensûrquenon.Maismoi,jenesuispasl'undesvôtres.Jen'aipasàchoisirmapriorité,Claryou

mafamille.LevisagedeJaces'empourpra.—Tun'yespasdutout.Sij'estimaisqu'ellepouvaitêtreutileàl'Enclave...Or,cen'estpaslecas.Elle

seferatuer,c'esttout...—Mêmesituétaisconvaincudesonutilité,tuneleslaisseraispasl'avoir.—Qu'est-cequitefaitpenserça,vampire?

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—Parcequetulaveuxtoutepourtoi.Jaceblêmit.—Alorsturefusesdem'aider?Turefusesdel'aider,elle?Simon hésita. Avant qu'il ait pu répondre, un cri perçant, désespéré déchira le silence puis cessa

brusquement.Jacefitvolte-face.—Qu'est-cequec'était?D'autrescrisretentirent,auxquelssuccédaungrandbruitmétalliquequifittinterlesoreillesdeSimon.—Ilestarrivéquelquechose...lesautres...Jace s'était déjà éloigné dans l'allée en se faufilant à travers les broussailles. Après un moment

d'hésitation, Simon le suivit. Il avait oublié à quel point il courait vite désormais, et il eut tôt fait derattraperJaceaumomentoùiltournaitaucoindel'église.Un véritable chaos les attendait dans le jardin.Une brume blanche s'était levée, et une odeur forte

flottait dans l'air, l'odeur caractéristique de l'ozone, à laquelle se mêlait un relent douceâtre. Dessilhouettessurgissaientdetoutesparts:Simonendistinguaitdesparcellesquandellesémergeaientd'unetrouée dans le brouillard. Il aperçut Isabelle, fouettant l'air de ses tresses au moment où elle faisaitclaquersonfouet,quifenditlabrumecommeunéclairdelumière.Ellerepoussal'assautd'unecréatureénormequis'avançaitverselled'unpaspesant.Simoncrutd'abordqu'ils'agissaitd'undémon;or,c'étaitimpossible,ilfaisaitgrandjour.Enserapprochant,ilvitquelachoseavaitformehumainemaisqu'elleétaitbossue.Elletenaitàlamainunegrosseplancheenboisqu'ellebrandissaitaveuglémentendirectiond'Isabelle.Toutprèsdelà,àtraversuntroudanslemur,Simonvoyaitlesvoiturescontinuerleurbonhommede

chemindansYorkAvenue.Au-delàdel'Institut,lecielétaitdégagé.— Des Damnés, murmura Jace, les yeux étincelant de fureur, en tirant de sa ceinture l'un de ses

poignardsséraphiques.Ilyenadesdizaines.IlécartaSimond'ungestebrusque.—Resteici,compris?Simon se figea quelques secondes tandis que Jace s'élançait vers le brouillard. La lumière de son

poignardnimbalabrumed'unelueurargentée;dessilhouettessombressurgissaientçàetlà.Simon,quiavait l'impression de les voir à travers un panneau de Verre dépoli, s'efforça désespérément decomprendre se qui se passait de l'autre côté. Isabelle avait disparu. Alec, le bras couvert de sang,embrocha un Damné et le regarda s'écrouler à ses pieds. Un autre se dressa derrière lui, mais Jaceaccourut,unpoignarddanschaquemain.Ilbonditet,avecunmouvementdecisaille,tranchalatêteduDamné,qui libéraun flot de sangnoir.Simoneutunhaut-le-cœur : le sangdégageait uneodeur âcre,nauséabonde.IlentenditlesChasseursd'Ombress'interpellerdanslebrouillard;lesDamnés,eux,neproféraientpas

unson.Soudain,labrumesedissipa,etSimonvitMagnus,deboutprèsdumur,l'airhagard.Desflammesbleuesjaillirentdesesmainstandisqu'untrounoirs'ouvraitdanslapierre.Ilsemitàscintillercommeunmiroir,etdesremousseformèrentàsasurface.

—LePortail!braillaMagnus.TraversezlePortail!MaryseLightwoodsurgitdelabrumeenportantsonfils,Max,danssesbras.Elles'arrêtapourcrier

quelquechosepar-dessus sonépaule,puisplongeaà travers lePortail etdisparutà l'intérieurdumur.Alec luiemboîta lepasen tirantpar lebras Isabellequi traînaitderrièreelle son fouetéclaboussédesang. Au moment où il la poussait vers le Portail, un Damné jaillit du brouillard en brandissant uncouteau.Simons'élançaenappelantIsabelle,butasurunobstacle,ettombaenavant.Ilserelevad'unbondetse

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retournapourvoircequil'avaitfaittrébucher.C'étaitlecorpsd'unefemme.Onluiavaittranchélagorge,etsesyeuxgrandsouvertsavaientprisunéclatbleutédanslamort.Dusangmaculaitsescheveuxblancs.Madeleine.—Simon,attention!s'écriaJace.Levant les yeux, Simon vit le Chasseur d'Ombres se précipiter vers lui en levant ses poignards

séraphiques poissés de sang.LeDamnéqui poursuivait Isabelle se dressa au-dessus de lui.Un rictusdéformaitsonvisagecouturé.Simonfitunpasdecôtéaumomentoùlemonstreallaitlepoignardermais,malgrésesnouveauxréflexes, iln'eutpas le tempsde l'esquiver.Unedouleurfulgurante leparalysaettoutdevintnoir.

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2.LesToursD'Alicante

«TOUTELAMAGIEDUMONDEnesuffiraitpaspourtrouveruneplacedeparkingdansuneruedeNewYork»,songeaitClarytandisqu'elleetLukefaisaientletourdupâtédemaisonspourlatroisièmefois.Ilsn'avaientpasréussiàgarerlacamionnette,etlaplupartdesvoituresétaientstationnéesendoublefile.Enfin,Lukes'arrêtaàcôtéd'unebouched'incendieetcoupalemoteuravecunsoupir.

—Valesrejoindre,lança-t-il.Jet'apportetavalise.Claryhocha la tête,maishésitaavantd'ouvrir laportière.Elleavait l'estomacnouépar l'anxiétéet,

pourlaénièmefois,elleregrettaqueLukenepuissepusveniravecelle.—J'auraispenséque,pourmonpremiervoyageàl’étranger,j'auraisunpasseportsurmoi.SaremarquenefitpassourireLuke.—Jesaisquetuesnerveuse,maistoutirabien.LesLightwoods'occuperontbiendetoi.«Oui,jetel'airépétéunmilliondefois»,pensaClary.Elledonnaunepetitetapesurl'épauledeLuke

avantdedescendredelacamionnette.—Àbientôt.Elle franchit l'allée de pierre craquelée ; le bruit de la circulation s'éloignait à mesure qu'elle

s'approchaitde l'église.Cette fois, il lui fallutquelques instantspourchasser le charmequiprotégeaitl'Institut.Elleavaitl'impressionqu'unsortilègesupplémentairemasquaitlavieillecathédralecommeunenouvellecouchedepeinture.Elledutfourniruneffortmentalpéniblepourvoirlaréalité.Enfin,l'édificeluiapparuttelqu'ilétait.Lagrandeporteenboisluisaitcommesionvenaitdelalustrer.Uneodeur de brûlé flottait dans l'air. Fronçant les sourcils, elle posa lamain sur le loquet. «Moi,

ClaryMorgenstern,Nephilim,demandel'accèsàl'Institut...»Laportes'ouvritengrandetClaryseglissadanslapénombre.Ellejetaunregardautourd'elle,cligna

desyeux,s'efforçantdedéterminercequiavaitchangéàl'intérieurdelacathédrale.Ellecompritcequilachiffonnaitaumomentoùlesbattantsserefermaientderrièreelle:lanefétaitplongéedanslenoir;laseuleclartéprovenaitdelarosaceau-dessusdesatête.Or,chaquefoisqu'elleétaitvenueàl'Institut,desdizainesdeflammesvacillaientdanslescandélabresalignéslelongdel'alléequiséparaitlesbancs.Ellesortitdesapochesapierrederuneet labranditdevantelle.Unrayondelumière jaillitdeses

doigtsetilluminalescoinspoussiéreuxduvieilédificetandisqu'elles'avançaitversl'ascenseurprèsdel'auteldésert.D'ungesteimpatient,elleécrasaledoigtsurleboutond'appel.Rienneseproduisit.Auboutdetrentesecondes,ellepressadenouveaulebouton,encoreetencore,

puiscollasonoreilleàlagrille.Silence.Lecœurbattant,Claryremontal'alléeencourantetpoussalalourdeporte.Deboutsurlesmarchesde

l'église,ellejetaunregardaffoléautourd'elle.Lecieln'assombrissait,etl'odeurdebrûléétaitdeplusenplusforte.Yavait-ileuunincendie?LesChasseursd'Ombresavaientpeut-êtreétéévacués.Pourtant,lebâtimentétaitintact...Unevoixdouce,veloutée,familière,s'éleva.—Cen'étaitpasunincendie.Unehautesilhouetteémergeadelapénombre,lescheveuxrassemblésenépisirréguliersquiformaient

unecouronne sur soncrâne.L'hommeportaituncostumeen soienoire surunechemisevert émeraudechatoyanteetdesbagueschargéesdepierreriesauxdoigts.Unepairedebottesluxueusesetunebonnedosedepaillettescomplétaientsatenue.—Magnus?ChuchotaClary.

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— Jesaisceque tupenses,mais iln'yapaseude feu.Cetteodeur,c'est labrume infernale,uneespècedebrouillarddémoniaquequialtèreleseffetsdelamagie.

——Unbrouillarddémoniaque?Alorsçasignifiequ'ilyavaitdes...—Oui,desDamnés.Ilsontattaquél'Institutdansl'après-midi.Ilyenavaitdesdizaines.—Jace.LesLightwood...—Labrumeinfernalerendaitmespouvoirsinefficaces.Lesleursaussi.J'aidûlesenvoyeràIdrispar

lebiaisduPortail.—Maispersonnen'aétéblessé?—Madeleineestmorte.Jesuisdésolé,Clary.Claryselaissatombersurlesmarches.Ellen'avaitpastrèsbienconnuMadeleine,maiscettefemme

avaitservidelienténuentreelleetsamère-savéritablemère,laChasseused'Ombresintrépidequ'ellen'avaitjamaiscôtoyée.

—Clary?Qu'est-cequisepasse?Lukes'avançadansl'allée,lavalisedeClaryàlamain.Assise,lesbrasnouésautourdesesgenoux,

elle écouta Magnus renouveler ses explications. Malgré sa peine pour Madeleine, elle éprouvait unimmense soulagement. Jace et lesLightwood étaient sains et saufs.Elle se répéta silencieusement cesmots:«Jaceestsainetsauf.»

—LesDamnésonttousététués?s'enquitLuke.— Non,réponditMagnusensecouantlatête.UnefoislesLightwoodpassésparlePortail,ilssesont

dispersés.Apparemment,cen'estpasmoiqui les intéressais.Quand j'ai refermé lePortail, ilsavaienttousdisparu.Clarylevalatête.—LePortailestfermé?Mais...tupeuxencorem'envoyeràIdris,n'est-cepas?LukeetMagnuséchangèrentunregardgêné.LukeposalavalisedeClaryparterre.—Magnus?repritClaryd'unevoixstridente.Ilfautquej'yaille.—LePortailestfermé,Clary...—Alorsouvres-enunautre!— Cen'estpassisimple,protestalesorcier.L'EnclaveesttrèssoucieusedeprotégerAlicantecontre

lesintrusionsàcaractèremagique.Leurcapitaleestunlieusaintàleursyeux:c'estunpeuleurVatican,leurCitéinterdite.LesCréaturesObscuresnepeuventpasyentrersansautorisation,etlesTerrestresn'ysontpaslesbienvenus.

—MaisjesuisuneChasseused'Ombres!— Tuestoutjusteunenovice.Enoutre,lestourspréviennenttoutetéléportassionsdansl'enceintede

laCité.Pourquej'ouvreunPortailmenantdirectementàAlicante,ilfaudraitqu'ilst'attendentdel'autrecôté.En l'envoyant là-bas sans leurpermission, j'enfreindrais laLoi, et jen'aipas enviede courir cerisquepourtesbeauxyeux,macocotte,malgrél'affectionquej'aipourtoi.ClarysetournaversLuke.— Maisilfautquej'ailleàIdris!Mamèreabesoindemoi.Ildoitexisterunautremoyenquele

Portail.— L'aéroportleplusprochesetrouvedanslepaysvoisin.Sionarrivaitàpasserlafrontière-etje

disbien«si» -,ondevraitentreprendreun longvoyagepérilleuxà traversdes territoirespeuplésdeCréaturesObscures.Ilnousfaudraitdesjourspourgagnerlaville.

Claryétaitauborddeslarmes.«Pasquestionquejepleure»,sedit-elle.— Clary, repritLukeavecdouceur.OnpourraCommuniqueravec lesLightwood.Onferaensorte

qu'ils aient toutes les indications nécessaires pour le procurer l'antidote de Jocelyne. Ils contacteront

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l'ell...Claryselevaensecouantlatête.

— Il faut que ce soitmoi.Madeleine répétait que Fell n'accepterait pas de traiter avec quelqu'und'autre.

—Fell?RagnorFell?IntervintMagnus.JepeuxluienvoyerunmessagepourluiannoncerlavenuedeJace.Lukeseragaillardit.—Tuentendsça,Clary?Avecl'aidedeMagnus...MaisClarynevoulaitriensavoir.Elles'étaitpersuadéequ'ellepourraitsauversamère,etdésormais

ellenepouvaitplusque s'asseoir à sonchevet enpriantpourquequelqu'und'autre, àdesmilliersdekilomètresdelà,parvienneàs'acquitterdesondevoiràsaplace.ElledévalalesmarchesenbousculantLuke,quiessayaitdelaretenir.—J'aibesoind'êtreseulequelquesinstants.—Clary...MalgrélesappelsrépétésdeLuke,elles'éloignaencourant,contournalacathédraleetpritl'alléequi

bifurqueverslepetitjardinsituédanslapartieestdel'Institut,ensuivantl'odeurdebrûlé,àlaquellesemêlaitcellenettementplusfortedelamagiedémoniaque.Lejardinétaitencorenoyéçàet làsousdesrubans de brume accrochés à unmassif de roses ou à une pierre. La terre portait les stigmates de labataillequis'étaitdérouléeàcetendroitet,prèsdel'undesbancsdepierre,unetraînéerougesombreluifitdétournerlesyeux.Soudain,ellesefigea.Surlemurdelacathédralesubsistaientlestraces,reconnaissablesentretoutes,

de lamagie runique, qui brillaient d'un éclat bleuté sur une pierre grise. Elles formaient un rectanglesemblableauraidelumièrequifiltreàtraversuneporteentrouverte...LePortail.Undéclic se fit en elle.Elle se remémorad'autres symbolesqui scintillaientdangereusement sur la

coquemétalliqued'unnavire,puisdutremblementquiavaitébranlélemonstredeferavantqu'ilnesedésagrège, et des eaux noires de l'East River se déversant à l'intérieur. « Ce ne sont que des runes,songeât-elle.Des symbolesque je suiscapablededessiner.Simamèrepeutenfermer l'essencede laCoupeMortelledansunboutdepapier,alorsjepeuxcréerunPortail.»Elles'approchadumuretsortitsastèledesapoche.S'efforçantdenepastrembler,elleappliquala

pointedel'objetsurlapierre.Puisellefermalesyeuxet,derrièrelesténèbresdesespaupières,ellesemitàtracermentalementdesligneslumineusesévoquantdesportes,desvoyages,descontréeslointaines,quis'assemblèrentpourformeruneruneaussigracieusequ'unoiseauenpleinvol.Clarynesavaitpassielleétaitancienneousic'étaitellequil'avaitinventée,maiselleexistaitdésormaiscommes'ilenavaittoujoursétéainsi.Portail.Elle continua à dessiner, et des lignes noires comme du charbon jaillirent de la stèle. La pierre

grésilla, une odeur acide de brûlé lui monta aux narines. Des éclairs bleus surgirent derrière sespaupières,ellesentitdelachaleursursonvisagecommesiellesetenaitdevantunfeu.Avecunsoupir,ellebaissalamainetouvritlesyeux.La rune qu'elle avait tracée s'épanouissait telle une fleur sombre sur le mur. Soudain, les lignes

semblèrent fusionnerpuis sedéroulerpour se reformer, quelques instantsplus tard,donnant lieuàunnouveausymbolequiévoquaituneportescintillante,plushautequeClary.Ellen'arrivaitpasàdétacherles yeux de sonœuvre. Elle brillait dumême éclat que le Portail dissimulé derrière le rideau, dansl'appartementdeMmeDorothea.Clarytenditlebraspourlatoucher...

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Etrecula.Lamortdansl'âme,elleserappelaque,pourseservird'unPortail,ilfallaitsereprésenterl'endroitoùl'onvoulaitserendre.Or,ellen'étaitjamaisalléeàIdris.Onluiavaitdécritunpaysagedevalléesverdoyantes,deforêtsobscures,demontagnesetdelacsmiroitants.EtAlicante,lacitéauxtoursdeverre.Ellepouvaits'imagineràquoicelaressemblait,maisaveccegenredemagie,l'imaginationnesuffisaitpas.Siseulement...Claryretintsonsouffle.ElleavaitdéjàvuIdrisen songeet,sanss'expliquercomment,ellesutque

rêveetréaliténefaisaientqu'un.Aprèstout,n'avait-ellepasrêvédeJaceluidisantqueSimonnepouvaitpasresterparcequ'ilnefaisaitpluspartiedumondedesvivants?Peuaprès,ilétaitmort...Ellereportasonattentionsursonrêve.ElledansaitàAlicante,dansunegrandesalledebaltouted'or

etdeblancavecunplafondétincelant.Ilyavaitunefontaine-unevasqueenargentaveclastatued'unesirèneensoncentre-etdeslampionssuspendusdanslesarbresau-dehors.Claryétaitvêtuedeveloursvert,commeencemomentmême.Commesielleévoluaittoujoursdanssonrêve,elles’avançaverslePortail.Sesdoigtsrencontrèrent

un rideau de lumière qui s'ouvrait sur un endroit brillamment éclairé. À présent, elle contemplait unmaelström scintillant au travers duquel elle distingua bientôt l’ébauche d'un paysage, une chaîne demontagnes,unboutdeciel...—Clary!Lukeaccourut,levisagedéforméparlacolèreetl’angoisse.DerrièreluivenaitMagnus;sesyeuxde

chatétincelaientdanslaclartééblouissantequibaignaitmaintenantlejardin.—Clary,arrête!Lesbouclierssontdangereux!Tuvatefairetuer!Maisilétaittroptardpourreculer.Au-delàduPortail,lalumièredorées'intensifia.Clarypensaaux

mursd'ordans lagrandesalledesonrêve,à leurscintillement renvoyépar leverre taillé.Lukeavaittort;ilnecomprenaitrienàsondon.Aquoiboncraindrecesboucliersquandonpouvaitcréersapropreréalitérienqu'enladessinant?—Ilfautquej'yaille,cria-t-elleens'avançant,lesbrastendus.Jeregrette,Luke...AumomentoùelleallaitfranchirlePortail,illarejoignitd'unbondetlasaisitparlepoignet.Telle

une tornadedéracinantunarbre,unepuissance inconnue les soulevade terre.ToujoursprisonnièredeLuke qui lui serrait le bras comme un étau, Clary vit les Voitures et les immeubles de Manhattandisparaître dans un tourbillon tandis qu'une rafale de vent cinglante l'aspirait dans un néant nimbé delumière.

Simon fut réveillé par un clapotis régulier. Il se redressa et une terreur soudaine lui paralysa lapoitrine : ladernière foisqu'il avait été réveillépar lemurmuredesvagues, il était prisonnier sur lebateaudeValentin,etcebruitténuleramenaàcejourfunesteavecunefulgurancesemblableàunseaud'eauglacéeenpleinefigure.Maisunbrefregardàlarondeluirévélaqu'ilsetrouvaitdansuntoutautreendroit.Ilétaitallongésur

unlitconfortabletendudecouverturesmoelleusesdansunepetitechambrepropretteauxmursbleupâle.Desrideauxsombresmasquaientlafenêtre,maislafaiblelumièrequifiltraitautraversétaitsuffisantepourquesesyeuxdevampiredistinguentnettementlapièce.Untapisauxcouleursvivesrecouvraitlesoletunearmoireàglaceétaitadosséeàunmur.Unfauteuilavaitététiréprèsdulit.Simonrepoussasescouverturesetfitdeuxconstats:d'abord,qu'ilétaitencorevêtudujeanetdutee-

shirt qu'il portait en allant retrouver Jace à l'Institut. Ensuite, que la personne assise dans le fauteuilsomnolait,latêteappuyéesurlamain,seslongscheveuxnoirsretombantcommeunchâlefrangésursesépaules.

—Isabelle?

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Telundiablesortantdesaboîte,ellerelevabrusquementlatêteetouvritlesyeux.—Ooooh,tuesréveillé!s'écria-t-elleenseredressant.QuelsoulagementpourJace!Onétaitpresque

sûrsquetufiniraisparmourir.—Hein?Pourquoi?Simonavaitlevertigeetsesentaitunpeunauséeux.Ilparcourutlapièceduregard,clignadesyeux.—Jesuisàl'Institut?Dèsl'instantoùcettequestioneutfranchiseslèvres,ilcompritquec'étaitimpossible,bienentendu.—Euh...Onestoù,là?

Lagênesepeignitsurlevisaged'Isabelle.—Attends,tuveuxdirequetuneterappellespassequis'estpassédanslejardin?D'ungestenerveux,elletirasurlebordencrochetdufauteuil.—LesDamnésnousontattaqués.Ilsétaienttrèsnombreux,etlabrumeinfernalenousempêchaitdeles

repousser.MagnusaouvertlePortail,etonseprécipitaittousdanssadirectionquandjet'aivucourirvers nous. Tu as trébuché... surMadeleine. Il y avait unDamné juste derrière toi ; apparemment, tul'avaispasvu,maisJace,si.Quandilt'arejoint,ilétaittroptard.LeDamnét'avaitdéjàpoignardé.Tuperdaisbeaucoupdesang.JaceatuéleDamné,puisilt'atraînéjusqu'auPortail,a-t-elleconclu.Elleparlaitàtouteallure,etavalaitlamoitiédesmots,sibienqueSimondevaitseconcentrerpourla

suivre.—Nous,onétaitdéjàdel'autrecôté,etlaisse-moitedire,toutlemondeaétésacrémentsurprisquand

Jaceadébarquéavectoiquisaignaispartoutsurlui.LeConsuln'étaitpascontentdutout.Simonavaitlabouchesèche.—LeDamném'apoignardé?Cela semblait impossible. Pourtant, il avait guéri après avoir eu la gorge tranchée par Valentin.

Cependant,ilauraitdûsesouvenir...Secouantlatête,ilbaissalesyeuxsursesvêtements.—Où?—Jevaistemontrer.Avantmêmequ'ilaitpuréagir,Isabelles'étaitassisesurlelitàcôtédeluietelleavaitposésesmains

froides sur son estomac.Elle releva son tee-shirt, dénudant une bandede peaupâle barrée d'une finebalafrerouge,àpeineunecicatrice.

—Là,reprit-elleenpassantlesdoigtsdessus.Çafaitmal?—N...non.LapremièrefoisqueSimonavaitvuIsabelle,ill'avaittrouvéesidébordantedevitalitéetd'énergie

qu'ilavaitcruavoirenfintrouvécellequiéclipseraitl'imagedeClary,laquellesemblaitenpermanenceimprimée derrière ses paupières. Quand il avait été transformé en rat par sa faute lors de la fêteorganiséeparMagnusBane,ilavaitcomprisqu'Isabelleétaitpeut-êtreunpeutroptoutfeutoutflammepourungarçonordinairecommelui.

—Onharcèlelevampirequandilesttropfaiblepoursedéfendre,Isa?lançaunevoixamuséedepuisleseuil.Jesuisàpeuprèssûrquetuviolesaumoinsl'undesAccords.Jace.Ilétaitentréàpasdeloup,sibienquemêmeSimonnel'avaitpasentendu.Refermantlaporte

derrièrelui,ilsourittandisqu'Isabellerabattaitletee-shirtdeSimon.— Je luimontrais juste l'endroitoù ilaétépoignardé,protesta-t-elleen regagnantsonfauteuilavec

précipitation.Qu'est-cequisepasse,enbas?Ilssontencoreentraindesedisputer?LesouriredeJacedisparut.— Maryseestalléeà laGardeavecPatrick.L'EnclavesiègeencemomentmêmeetMalachia jugé

préférablequ'elleviennes'expliquerenpersonne.

Page 21: A ma mère - ekladata.comekladata.com/2GQmyPUw15Ftsb60orRUEJhCxjI/CLARE-Cassandra-La … · —Peut-être, mais ce sont tes amis. Tu devrais les mettre au courant. Avec un peu de

Malachi.Patrick.Garde.CesnomsétrangessebousculaientdanslatêtedeSimon.—S'expliqueràproposdequoi?IsabelleetJaceéchangèrentunregard.— Toi, répondit-il enfin. Ils veulent savoir pourquoi nous avons emmené un vampire avec nous à

Alicante,cequi,accessoirement,estcontraireàlaLoi.——Alicante?OnestàAlicante?LapaniquequisubmergeaSimonlaissabientôtplaceàunedouleurfulguranteaucreuxdesonventre;

ilsepliaendeux.—Simon!s'écriaIsabelle,affolée,entendantlamainverslui.Çanevapas?—Va-t'en,Isabelle,l'implora-t-ilensetenantl'estomac,lesyeuxtournésversJace.Fais-lapartir.Isabellerecula,l'airvexé.—C'estbon,jem'envais.Paslapeinedemelediredeuxfois.Et,selevantd'unbond,ellequittalapièceenclaquantlaportederrièreelle.LesyeuxambredeJace

neposèrentfroidementsurSimon.—Qu'est-cequisepasse?Jetecroyaisguéri.Simonlevalamainpourleteniràdistance.Ilavaitungoûtmétalliquedanslabouche.—Cen'estpasIsabelle,dit-ilentresesdents.Jenesuispasblessé,j'ai...j'aifaim.J'aiperdubeaucoup

desang,alors...j'aibesoindeleremplacer.— Biensûr,ditJace,dutondequelqu'unquivientd'êtreéclairésurundétailscientifiqueintéressant

quoiqu'unpeusuperflu.Sursonvisage,l'inquiétudelaissaplaceàunméprisamuséquimitSimonenfureur.S'iln'avaitpasété

aussiaffaibliparlasouffrance,ilseseraitjetésurlui.Ilsecontentaderépliquerdansunsouffle:—Vatefairevoir,Wayland.—Wayland,vraiment?Sanssedépartirdesonairnarquois,JacebaissalafermetureÉclairdesaveste.—Non!s'écriaSimonenreculant.Mêmeaffamé,jen'aipasl'intentiondereboiretonsang.Jacefitlagrimace.—Commesij'allaistelaisserfaire.Il sortit de la poche intérieurede savesteune flasque enverre àmoitié remplied'un liquide rouge

tirantsurlebrun.— J'aipenséqueçapourraitt'êtreutile.Danslacuisine,j'aipressédansmesdoigtsdelaviandecrue

pourenextrairelesang.Jen'aipastrouvémieux.SimonarrachalaflasqueàJace.LesmainsduvampiretremblaienttellementqueleChasseurd'Ombres

dutl'aideràdévisserlebouchondelabouteille.Leliquideàl'intérieurétaitinfect,tropclairettropsalépourêtreconsidérécommeduvraisang,avecunarrière-goûtdésagréablepropreauxviandesvieillesdequelquesjours.

—Berk!fitSimonaprèsquelquesgorgées.Dusangmort.Jacelevalessourcils.—C'esttoujourslecas,non?—Quandl'animalestmortdepuislongtemps,sonsungprendunmauvaisgoût.C'estmeilleurquandc'est

frais.—Maistun'asjamaisbudesangfrais...si?CefutautourdeSimondeleverlessourcils.—Euh...àpartlemien,évidemment,repritJace.Etjesuissûrqu'ilavaitungoûtfantastique.Simonreposalaflasquevidesurlebrasdufauteuilprèsdulit.

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—Çanetournepasrondcheztoi,marmonna-t-il.Ilavaitencore legoûtdusangavariédans labouche,maisaumoins ladouleurs'étaitcalmée. Il se

sentaitragaillardi,commes'ilvenaitd'ingurgiterunremèdeauxeffetsimmédiatsouunedroguevitale.Ilsedemandasileshéroïnomaneséprouvaientlemêmesoulagement.

—AlorsjesuisàIdris.—ÀAlicante,pourêtreexact.Lacapitale.Laseuleville,àvraidire.Jaceallaàlafenêtreetécartalesrideaux.—LesPenhallownevoulaientpascroirequelesoleilnet'affectaitpas.Cesonteuxquiontposéces

rideaux.Maistudevraisvenirvoir.SimonselevadulitetrejoignitJaceàlafenêtre.Quelquesannéesplustôt,samèrelesavaitemmenés,sasœuretlui,enToscane:unesemainedeplats

depâtes trop riches, depain sans sel et depaysagesbrunispar l'automne.Samère accélérant sur lesroutesétroitesenlacet,manquantdepeuencastrerleurFiatdanslesmagnifiquesbâtimentsanciensqu'ilsétaientvenusvisiter.Ilserappelaits'êtrearrêtésurunecollinesurplombantunepetitevilledunomdeSanGimignano,auxmaisonsocreetauxtoursmajestueusesquisemblaientmonteràl'assautduciel.Silacitéquis'étendaitsoussesyeuxavaitdûluirappelerunendroit,ç'auraitétécelui-là.Maiselleavaitparailleursuncôtétellementétrangequ'elleneressemblaitàriendecequ'ilavaitvujusqu'ici.Lafenêtreparlaquelleilregardaitlavillesetrouvaitàl'étaged'unevastedemeure.Levantlesyeux,il

distinguaunavant-toitdepierreetlecielau-delà.Lamaisonétaitséparéed'unautrebâtimentmoinshautparuncanalétroitauxeauxsombresavecquelquespontsaménagésçàetlà;c'étaitdelàqueprovenaitleclapotisquil'avaitréveillé.Lademeuresemblaitbâtieàflancdecolline.Encontrebas,desmaisonsenpierredecouleurclaire,séparéespardesruellesétroites,s'agglutinaientaubordd'uncercledeverdure:des bois, cernés par des collines à l'horizon.Vuesd'ici, elles évoquaient de longuesbandesvertes etbrunesmouchetéesdecouleursautomnales.Au-delàs'élevaientdesmontagnesescarpéescouronnéesdeneige.Cependant, toutcelan'avait riend'étrange.Cequi l'était, en revanche,c'étaientceshautes tours,qui

semblaientavoirétéseméesparhasarddanslaville,lesquellesétaientterminéesparuneflècheconçuedansunmétalargentéquiréfléchissaitlalumière.Ellessemblaientpercerlecielcommeautantdedaguesétincelantes, et Simon se rendit compte qu'il avait déjà vu cematériau auparavant chez lesChasseursd'Ombres;c’étaitlemêmequ'ilsutilisaientpourfabriquerleslamesdeleurspoignardsséraphiques.—Cestoursserventàrepousserlesdémons,expliquaJaceenréponseàlaquestionmuettedeSimon.

Ellescontrôlentlesboucliersquiprotègentlaville.Grâceàelles, lesdémonsnepeuventpaspénétrerdansAlicante.L'airpuret froidquientraitpar la fenêtren'avait riendecommunavec l'atmosphère irrespirablede

NewYork : ilne transportait aucuneodeurd'ordures,de fumée,de feroudegens.Malgré lui,Simonaspira une grandebouffée avant de se tourner vers Jace : certaines habitudes humaines avaient la viedure.

— Dis-moiquemavenueicin'estqu'unaccident,lança-t-il.Dis-moiqueçanefaisaitpaspartied'unplandestinéàempêcherClarydevousaccompagner.Sansluiaccorderunregard,Jaceréprimaunsoupir.— D'accord,j'aicrééunearméedeDamnéspourqu'ilsattaquentl'InstitutettuentMadeleine,toutça

afinqueClaryresteàNewYork.Etmonplandiaboliqueamarchécommesurdesroulettes.—Oui,ilamarché,répliquacalmementSimon.— Écoute,vampire, leplan,c'étaitde tenirClaryéloignéed'Idris,pasde t'amener ici. Je t'ai traîné

jusqu'auPortailparceque,sijet'avaisabandonné,blesséetinconscient,lesDamnést'auraienttué.

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—Tuauraispuresterenarrièreavecmoi...— Ils nous auraientmassacrés tous les deux.On ne pouvaitmême pas les compter avec la brume

infernale.Mêmemoi,jenesuispasdetailleàluttercontrecentDamnés.—Etpourtant,jepariequeçatecoûtedel'admettre.—Tuesuncrétin,ditJaced'untonégal.MêmepouruneCréatureObscure.Jet'aisauvélavieet,pour

ça,j'aidûenfreindrelaLoi.Cen'estpaslapremièrefois,d'ailleurs.Tupourraistemontrerunpeuplusreconnaissant.

—Reconnaissant?répétaSimonenserrantlespoings.Situnem'avaispasforcéàveniràl'Institut,jeneseraispasici.Jen'étaispasd'accorddepuisledébut.

—Tum'asbienditquetuferaisn'importequoipourClary.Çafaitpartieducontrat.AvantqueSimonaitpurétorquer,onfrappaàlaporte.—Ohé?fitIsabelledel'autrecôtédubattant.Simon,tuasfinitacomédie?IlfautquejeparleàJace.—Entre,Isa,criacelui-cisansquitterSimondesyeux.IlavaitdansleregardunelueurdedéfiquidonnaitàSimondesenviesdemeurtre.Isabelleentradans

untourbillondecheveuxnoirsetdevolantsargentés.Lehautblanccorsetéqu'elleportaitdénudaitsesbrasetsesépaulescouvertsderunes.Simonsupposaitquec'étaitunchangementagréablepourelledepouvoirmontrersesMarquesaugrandjour,dansunendroitoùellesn'attireraientpasl'attention.

— Alecs'envaà laGarde,annonça-t-elle sanspréambule.Avantdepartir, ilvoudrait teparlerdeSimon.Tupeuxdescendre?Jacesedirigeaverslaporte.S'apercevantqueSimonlesuivait,illuijetaunregardnoir.—Toi,turestesici.—Non.Sivousdevezparlerdemoi,jeveuxêtrelà.Pendantquelquesinstants,SimoncrutqueJaceallaitperdresonsang-froid.Sonvisages'empourpra,il

ouvrit la bouche pour protester, les yeux étincelants.Mais, au prix d'un effortmanifeste, il parvint àmaîtrisersacolère,serralesdentsetsourit.

—Commetuvoudras.Suis-moi,vampire.Jevaisleprésentertoutelapetitefamille.

LapremièrefoisqueClaryavaitvoyagéparlebiaisd'unPortail,elleavaiteul'impressiondevoler,

dedégringolerdanslevide.Cettefois,illuisemblaqu'onl'avaitprécipitéeaucœurd'unetornade.UneviolentebourrasqueluifitlâcherlamaindeLuketandisqu'uncris'étranglaitdanssagorge.Ellesesentitaspiréeparuntourbillonnoiretor.Une surface plate, dure et scintillante comme un miroir surgit devant elle. Elle plongea dans sa

directionensecouvrantlevisagedesesmains.Aprèsavoirtraversélasurfacedumiroir,elles'enfonçadans d'épaisses ténèbres bleutées. Privée d'air, elle suffoqua tandis qu'une torpeur glacée s'emparaitd'elle...Soudain,ellesentitqu'onl'agrippaitpar lecoldesonmanteauetqu'onlatiraitverslasurface.Elle

battitfaiblementdespiedsmaisn'eutpaslaforcedesedégager.L'obscuritéindigoautourd'elleviraaubleupâle,puisaudoré,tandisqu'elleémergeaitàlasurfacedulac-carils'agissaitbiend'unlac-pouraspirerunegrandeboufféed'air.Dumoins,elleessayamaiss'étrangla,etdestachesnoiresobstruèrentsavue;quelquechosel'entraînaverslefondàtoutealluretandisquedesalguess'enroulaientautourdesesbrasetdesesjambes.Ellesedébattitpourselibéreretentrevit,pendantunefractiondesecondsterrible,une créature mi-homme mi-loup aux oreilles pointues comme des dagues et aux babines retrousséedécouvrantdescrocsd'uneblancheuréclatante.Ellevoulutcrieretavalaunegorgéed'eausale.

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Quelques instantsplus tard, elle sentitqu'on la sortaitde l'eauetqu'on la traînait sur laberge.Desmainslaplaquèrentsurlesol,facecontreterre,etluicomprimèrentledosjusqu'àcequ'elleaitexpulséunjetd'eausaumâtre.Elle toussait encorequandLuke la retourna.Sasilhouette sedétachait suruncielbleumouchetéde

nuages blancs. L'expression douce qui le caractérisait d'ordinaire avait disparu ; s'il n'avait plus sonapparence de loup, il semblait furieux. Il la fit asseoir et la secoua brutalement jusqu'à ce qu'elle sedécideàlerepousserfaiblementavecunhoquetdestupeur.

—Luke!Arrête!Tumefaismal...Il lâchasesépaules, luiprit lementond'unemainpour la forcerà lever la têteetplantasonregard

danslesien.—Tuasrecrachétoutel'eau?—Jecrois,répondit-elledansunsouffle.—Oùesttastèle?Commeellehésitait,ilrepritd'untonsévère:—Clary.Tastèle.Trouve-la.Sedétachantdelui,ellefouillasespochestrempéespuisleregarda,lamortdansl'âme.—Jecroisquejel'aiperduedanslelac,gémit-elleenreniflant.La...lastèledemaman...—Bonsang,Clary.Luke se leva en se tenant la tête à deux mains. Lui aussi dégoulinait de la tête aux pieds ; l'eau

ruisselait de son jean et de sa grosse veste en flanelle. Ses lunettes, d'habitude perchées sur son nez,devaientêtrerestéesaufonddulac,ellesaussi.IlconsidéraClaryd'unairsombre.

—Tuvasbien,c'estl'essentiel.Enfin,pourl'instant.Tutesensbien,n'est-cepas?Ellehochalatête.—Luke,qu'est-cequinevapas?Pourquoituasbesoindemastèle?Sans répondre, il jeta un coup d'œil autour de lui comme s'il cherchait de l'aide. Clary suivit son

regard.Ilssetrouvaientsurlaberged'ungrandlacauxeauxbleupâlequiscintillaientsouslesoleil.Ellesedemandasic'étaitlàl'originedelalumièredoréequ'elleavaitvueàtraverslePortailentrouvert.Lelacn'avaitplusriendesinistremaintenantqu'ellesetrouvaitsurlaterreferme.Toutautours'élevaientdescollinesverdoyantesplantéesd'arbresdontlefeuillagecommençaitàseteinterd'oretdebrun.Au-delàsedressaientdehautesmontagnesausommetenneigé.Claryfrissonna.—Luke,quandonétaitdansl'eau...tut'estransforméenloup?J'aicruvoir...—Leloupnagemieuxquel'homme,répondit-il,laconique.Etilestpluscostaud.J'aidûteporterdans

l'eau,ettunem'aspasétéd'ungrandsecours.—Jesais,désolée.Tu...tun'étaispascenséveniravecmoi.— Sansmoi, tuseraismorte.Magnusapourtantétéclair.Tunepeuxpas teservird'unPortailpour

pénétrerdanslaCitédeVerreàmoinsquequelqu'unnet'attendedel'autrecôté.—IladitquelaLoil'interdisait.Iln'apaspréciséque,sij'essayaisd'allerlà-bas,jeseraisparachutée

àdeskilomètres.—Ilt'aexpliquéqu'ilyadesbouclierstoutautourdelavillequiempêchentdesetéléporter.Cen'est

passafautesituasdécidédefairejoujouavecdespouvoirsquitedépassent.Lefaitquetudétiennesundonnesignifiepaspourautantquetusachest'enservir.

—Jesuisdésolée,ditClaryd'unepetitevoix.Qu'est-cequec'estquecetendroit?—LelacLyn.Amonavis,lePortailnousatransportésaussiprèsquepossibledelaville.Onestdans

lesenvironsd'Alicante.

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Ilregardaautourdeluietsecoualatête.—Tuasréussi,Clary.NoussommesàIdris.— Idris ? répéta-t-elle en fixant le lac d'un air hébété.Mais... tu viens de dire qu'on était dans les

environsd'Alicante.Jenevoisaucunemaison.— Onestàplusieurskilomètres.Tuvoiscescollinesauloin?Lavilleestdel'autrecôté.Envoiture,

onmettraituneheure,maisonvadevoirmarcher,etçanousprendrasansdoutetoutl'après-midi.Lukescrutaleciel.—Onferaitmieuxdesemettreenroute.Clarys'examinad'unairdésemparé.Laperspectivedemarcherunejournéeentièredansdesvêtements

mouillésnel'enchantaitguère.—Iln'yapasd'autresolution?—Tuasdessuggestions,Clary?répliquaLuke,lavoixvibrantedecolère.Aprèstout,c'esttoiquinous

asconduitsjusqu'ici.Ilmontradudoigtl'horizon.— Là-bas,desmontagnes.Onnepeutlesfranchirqu'enpleinété.Onseraitmortsdefroidavantd'en

avoiratteintlesommet.Ilsetournapourindiqueruneautredirection.— Parlà,deskilomètresdeforêtquis'étendentjusqu'àlafrontière.Cescontréesnesontpashabitées,

dumoinspasparleshumains.Au-delàd'Alicante,ilyadesterrescultivéesetdesmaisonsdecampagne.Onarriverapeut-être àquitter Idris,maisdans tous les cas, ondevra traverser laville.Uneville, aupassage,oùlesCréaturesObscuresnesontpasvraimentlesbienvenues.Claryledévisageabouchebée.—Luke,jenesavaispas...— Bien sûr que tu ne savais pas. Tu ignores tout d'Idris. D'ailleurs, ça ne t'intéresse pas. Ça te

contrariait qu'on t'ait laissée en plan, voilà tout, alors, comme un petit enfant, tu as fait ta crise. Etmaintenant,onestlà,perdus,mortsdefroidet...Ils'interrompit,levisagefermé.—Viens.Enroute.Claryluiemboîtalepasdansunsilencecontrit.Alorsqu'ellemarchait,lesoleilséchaitsapeauetses

cheveux,maissonmanteauenveloursétaitgorgéd'eaucommeuneéponge.Ilpesaitsurelletelunrideaudeplombtandisqu'elletrébuchaitsurlespierresetdanslabouepoursuivrelesgrandesenjambéesdeLuke. Après quelques tentatives pour engager la conversation, elle renonça. Il s'obstinait à ne pasrépondre. Jusqu'alors, elle n'avait jamais commis de faute qui ne puisse être rachetée par une excuse.Cettefois,apparemment,c'étaitdifférent.A mesure qu'ils progressaient, le relief était de plus en plus accidenté, avec des points d'ombre

semblablesàdestachesdepeinturenoire.Enyregardantdeplusprès,Clarys'aperçutquec'étaientdescavernescreuséesdanslaroche.Certaines, trèsprofondesenapparence,seperdaientdansl'obscurité.Elle se figura des chauves-souris ainsi que toutes sortes de créatures effrayantes terrées dans lesténèbres,etfrémit.Enfin,aprèsavoircheminésurunsentierétroitserpentantentrelescollines,ilsdébouchèrentsurune

large route bordée de cailloux. Le lac miroitant dans le lointain avait pris une teinte indigo dans lalumière déclinante de l'après-midi. La route traversait une plaine herbeuse puis se perdait dans lescollinesàl'horizon.Clarysentitsoncouragel'abandonner:lavillen'étaittoujourspasenvue.Lukescrutalescollines,laminesombre.—Onestplusloinquecequejecroyais.Çafaitsilongtemps...

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—Peut-êtrequ'enprenantuneautreroute,onpourraitfairedustopou...—Clary.Iln'yapasdevoituresàIdris.Devantl'airébahidesoninterlocutrice,Lukepartitd'unrireamer.— Les boucliers détraquent les machines. La technologie moderne - les téléphones portables, les

ordinateurs-nemarchepasici.Alicantes'éclaireprincipalementgrâceàlalumièredesort.—Oh,fitClaryd'unepetitevoix.Et...onestàquelledistancedelaville,àpeuprès?—Ilnousresteencoreduchemin.Sanslaregarder,Lukesepassalamaindanslescheveuxd'ungestenerveux.—Ilyaquelquechosequetudoissavoir.Claryseraidit.Si,unpeuplustôt,elleauraitdonnén'importequoipourqueLukeluiadresselaparole,

maintenantellepréféraitqu'ilsetaise.—Laissetomber...—Tuasremarquéqu'iln'yavaitnibateauxnipontonssurlelacLyn...bref,rienquipuissesuggérerque

leshabitantsd'Idrisfréquententlesparages?—Jemesuissimplementditqu'ilétaittroploindetout.—Pas si loin que ça. C'est à quelques heures demarche d'Alicante. Le fait est que ce lac... (Luke

poussaunsoupir.)Tun'asjamaisremarquélemotifquiornelesoldelabibliothèqueàl'InstitutdeNewYork?Clarycilla.—Si,maisjen'aipascompriscequ'ilreprésentait.—C'estunangeémergeantdeseauxdulacavecunecoupedansunemainetuneépéedansl'autre.C'est

uneimagerécurrentechezlesNephilim.D'aprèslalégende,l'angeRaziel,sortantdulacLyn,estapparuàJonathanShadowhunter,lepremierChasseurd'Ombres,pourluiremettrelesInstrumentMortels.Depuislors,celacestenquelquesorte...

—Sacré?suggéraClary.— Maudit.LeseauxdulacsontnocivespourlesChasseursd'Ombres.Enrevanche,ellesn'ontaucun

effetsurlesCréaturesObscures.LePetitPeuplel'appelleleMiroirdesRêvesetboitsoneaucarelledonneraitdesvisions.MaispourunChasseurd'Ombres,absorber l'eaudu lacest trèsdangereux.Ellecausedesfièvres,deshallucinations,etpeutmêmerendrefou.Clarysentittoutsoncorpsseglacer.—Jecomprendsmieuxpourquoituasautantinsistépourquejelarecrache.Lukehochalatête.— Et pour que tu retrouves ta stèle.Avec une rune de guérison, on aurait pu dissiper les effets de

l'eau.Sanselle,onvadevoirt'emmeneraussivitequepossibleàAlicante.Ilexistedesremèdesetdesherbesàmêmedetesoigner,etjeconnaisquelqu'unquienasûrementensapossession.

—LesLightwood?—Non,quelqu'und'autre.—Qui?Lukesecoualatête.—J'espèrejustequecettepersonnen'apasdéménagéaucoursdesquinzedernièresannées.— Mais jecroyais t'avoirentendudireque lesCréaturesObscuresn'avaientpas ledroitdepénétrer

dansAlicantesanspermission.Lesourirequ'il luiadressa lui rappela leLukedesonenfance,qui l'avait rattrapéequandelleétait

tombéedelacageàpoulesdansleparc,celui-làmêmequil'avaittoujoursprotégée.—Certainesrèglessontfaitespourêtredétournées.

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Lamaison des Penhallow rappelait l'Institut à Simon : elle semblait elle aussi provenir d'un autre

siècle.Lescouloirsetlacaged'escalier,toutenboissombresetenpierre,étaienttrèsétroits;leshautesfenêtres offraient une vue imprenable sur la ville. La décoration était manifestement d'inspirationasiatique:unshojisedressaitsurleseuildupremierétage,etdegrandsvasesenlaqueornésdemotifsfloraux étaient posés sur les rebords des fenêtres. Sur les murs, des sérigraphies représentaient desscènes de la mythologie des Chasseurs d'Ombres avec une touche d’orientalisme : on y voyait desseigneurs de guerre brandissant des poignards séraphiques scintillants, des créatures coloréessemblablesàdesdragonsetdesdémonsauxyeuxrondscommedesbilles.

—MmePenhallow-Jia-dirigel'InstitutdePékin.EllepartagesontempsentreicietlaCitéinterdite,expliquaIsabellecommeSimons'arrêtaitpourexamineruntableau.LesPenhallowsontunefamilletrèsancienne.Ettrèsriche.

— Jem'enétaisaperçu,marmonna-t-ilen levant lesyeuxvers les lustreschargésdependeloquesencristalpareillesàdegrosseslarmes.

Derrièreeux,Jacepoussaungrognement.—Bougez-vous.Onn'estpaslàpourfairedutourisme.Simonenvisageaderépliquerpuisdécidaqueçan'envalaitpaslapeine.Ildescendità touteallure

l'escalierquidébouchaitsurunevastepiècemêlantdemanièreinsolitelemoderneetl'ancien:unebaievitréedonnaitsurlecanal,etdelamusiquesedéversaitd'unechaînestéréoqueSimonneparvintpasàrepérer.Enrevanche,iln'yavaitnitélévision,niDVD,niCD,outoutautreobjetqueSimonassociaitavec un salon moderne. Des canapés moelleux étaient rassemblés autour d'une vaste cheminée danslaquelleunfeucrépitait.Deboutprèsdel'âtre,Alec,entenuedeChasseurd'Ombres,enfilaitunepairedegants.Illevalesyeux

aumomentoùSimonentraitdanslapièce,etfronçalessourcilscommeàsonhabitude,maisnefîtaucuncommentaire.Deuxadolescents,ungarçonetunefillequeSimonn'avaitjamaisrencontrésauparavant,étaientassis

surlescanapés.Lafilleavaitunairasiatique,desyeuxenamande,descheveuxnoirsbrillantstirésenarrière,uneexpressionmalicieuse,etunpetitmentonpointudechat.Siellen'étaitpasd'unebeautéàcouperlesouffle,elleattiraitimmédiatementleregard.Legarçon aux cheveuxnoirs assis à côté d'elle était, lui, exceptionnellement beau. Ilmesurait sans

doutelamêmetaillequeJacetoutenparaissantplusgrand,mêmeassis.Ilétaitsvelteetmusclé,avecunvisagepâle,aristocratique,trèsmobile,despommettessaillantesetdesyeuxnoirs.Ildégageaitquelquechosedecurieusementfamilier,etSimonavaitlavagueimpressiondel'avoirdéjàrencontré.Lafilleparlalapremière.—C'estlevampire?ElledévisageaSimondelatêteauxpiedscommepourprendresesmesures.—Jamaisjen'enavaisvud'aussiprès...Enfin,saufceuxquej'avaisprévudetuer,évidemment.Ellepenchalatêtedecôté.—Ilestmignon,pouruneCréatureObscure.—Excuse-la,ellealevisaged'unangeetlesmanièresd'unMoloch,déclaralegarçonensouriant.PuisilselevaettenditlamainàSimon.—Jem'appelleSébastienVerlacetvoicimacousine,AlinePenhallow.Aline...— Jeneserrepaslamainàunvampire,lâcha-t-elleenseradossantauxcoussinsducanapé.Ilsn'ont

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pas4d’âme,tulesaisbien.LesouriredeSébastiensefigea.—Aline...—C'estlavérité.C'estpourcetteraisonqu'ilsn'ontpasderefletetqu'ilsnepeuventpassortirlejour.Simonreculaostensiblementdanslaflaquedelumièredevantlafenêtre.Lesoleilquiluichauffaitle

dos projetait une ombre bien nette sur le sol, qui s'étirait jusqu'aux pieds de Jace. Aline poussa uneexclamationdesurprisemaissegardade faire lemoindrecommentaire.Ce futSébastienquiparlaenposantsurSimonunregardintrigué.

—C'estdoncvrai?LesLightwoodm'enontparlé,maisjene...— Tunenousaspascrus?l'interrompitJace,prenantlaparolepourlapremièrefoisdepuisl'arrivée

deSimon.Onn'auraitjamaisinventéunechosepareille.Simonest...uniqueensongenre.—Unefois,jel'aiembrassé,renchéritIsabellesanss'adresseràquelqu'unenparticulier.Alinelevalessourcils.— IlsvouslaissentvraimentfairecequivouschanteàNewYork,ondirait,lança-t-elled'unairmi-

horrifiémi-envieux.Ladernièrefoisquejet'aivue,Isa,tun'auraismêmepasenvisagéunesecondede...—Ladernièrefoisquetul'asvue,elleavaithuitans,intervintAlec.Leschoseschangent.Bon,maman

adûpartirencatastrophe,doncquelqu'undevrarendresonrapportàsaplace.Étantleseulàavoirdix-huitans,jesuisaussileseulàpouvoiryallerpendantquel'Enclaveestenréunion.

—Onlesaura,répliquaIsabelleenselaissanttomberdansunfauteuil.Tunousl'asdéjàditcinqfois.Alec,tropoccupéàsedonnerdesairsimportants,ignoralaremarquedesasœur.— Jace,commec'esttoiquiasamenélevampireici,tuenesresponsable.Nelelaissepasmettreun

pieddehors.«Levampire»,songeaSimonavecamertume.Unjour,ilavaitsauvélavied'Alec,etpourtantillui

donnait du « vampire ». Même de la part d'Alec, qui était sujet à des accès de mauvaise humeurinexplicables, c'était odieux. Peut-être que son attitude avait quelque chose à voir avec le fait qu'ilssoient à Idris. Alec avait probablement besoin d'affirmer encore davantage son statut de Chasseurd'Ombres.

—C'estpourçaque tum'as faitdescendre?«Ne le laissepasmettreunpieddehors»?Çanemeseraitpusvenuàl'idée,detoutefaçon.Jaces'affalasurlecanapéàcôtéd'Aline,quisemblaravie.—Tu feraismieux de te dépêcher de rentrer de laGarde.Dieu sait quels actes de débauche on est

capablesdecommettresanstaprésencepournousguider.AlecconsidéraJaced'unaircalmeetsupérieur.—Jecomptesurtoipourmaintenirl'ordre.Jeseraideretourdansunedemi-heure.Ildisparutdansunlongcouloirpuis,quelquesinstantsplustard,leclaquementd'uneporterésonnaau

loin.—Arrêtedeletourmenter,lançaIsabelleenjetantàJaceunregardsévère.C'estluiquidoitrendre

descomptes.Simon ne put s'empêcher de remarquer qu'Aline était assise tout près de Jace. Leurs épaules se

touchaientpresquebienqu'ilyeûtbeaucoupdeplacesurlecanapé.—Çane t'a jamais effleuréque, dansunevie antérieure,Alec ait été unevieille harpie entouréede

chats qui passait son temps à houspiller les enfants du voisinage dès qu'ils posaient un pied sur sapelouse?répliqua-t-il.Alinegloussa.—Toutçaparcequ'ilestleseulenâged'entrerdanslaGarde...

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—C'estquoi,laGarde?s'enquitSimon,lasdenepascomprendredequoiilsparlaient.Jaceluijetaunregardhostile;samainseposasurcelled'Aline,quiétaitplaquéesursacuisse.—Assieds-toi,dit-ilenindiquantunfauteuild'unsignedetête.Amoinsquetun'aiesl'intentiondete

suspendreauplafondcommeunechauve-souris?«Super.Deschauves-souris,maintenant.»Malàl'aise,Simons'exécuta.—LaGardeestlelieuderéunionofficieldel'Enclave,réponditSébastien,quis'étaitvisiblementpris

depitiépourSimon.C'estlàqu'onlégifère.C'estaussilelieuderésidenceduConsuletdel'Inquisiteur.SeulslesChasseursd'Ombresayantatteintl'âgeadultesontautorisésàypénétrerlorsquel'Enclaveestenréunion.

—Enréunion?répétaSimon,sesouvenantdecequ'avaitditJaceavantdedescendre.Ce...cen'estpasàcausedemoi?Sébastienrit.—Non.ToutlemondeestlàpourparlerdeValentinetdesInstrumentsMortels.Ilsessaientdesavoir

cequ'iladerrièrelatête.Jacegardalesilence,maisenentendantlenomdeValentin,ilseraidît.—Eh bien, il va se mettre en quête duMiroir, non ? déclara Simon. Le troisième des Instruments

Mortels.IlestàIdris?C'estpourçaquetoutlemondeestici?Ilyeutunbrefsilence,puisIsabellerépondit:—Leproblème,c'estquepersonnenesaitoùsetrouveleMiroir.Enfait,personnenesaitdequoiil

s'agit.—C’estunmiroir.Tusais,unpanneaudeverreréfléchissant.Enfin,jesuppose.—Cequ’Isabelleessaiedet'expliquer,ditSébastiend'untonaffable,c'estquenousignoronstoutdece

Miroir. Il est souventmentionnédans les récits desChasseursd'Ombres,maisonne sait pasoù il setrouve,nidequoiilal'airni,surtout,enquoiconsistesonpouvoir.

—OnprésumequeValentinestàsarecherche,poursuivitIsabelle,maisçanenousaidepasbeaucouppuisque nous ne savons pas où il est.LesFrèresSilencieux auraient peut-être pu nousmettre sur unepiste,maisValentinlesatoustués.Iln'yenaurapasd’autresavantlongtemps.—Ilssonttousmorts?s'exclamaSimon,surpris.Jecroyaisqu'iln'avaittuéqueceuxdeNewYork.La Cité des Os ne se trouve pas réellement à NewYork. C'est un peu comme... tu te souviens de

l'entréedelaCourdesLumièresàCentralPark?ÇanesignifiepaspourautantquelaCoursoitsousleparc.C'estpareilaveclaCitédesOs.IlexisteplusieursentréesmaislaCitéelle-même...Isabelles'interrompitcommeAlineluifaisaitdiscrètementsignedesetaire.Simondévisageatourà

tour les personnes présentes : toutes affichaient la même méfiance, car elles venaient de prendreconsciencequ'ellesétaientàdeuxdoigtsderévélerlessecretsdesNephilimàuneCréatureObscure.Unvampire.S'iln'étaitpasàproprementparlerunennemi,iln'étaitsûrementpasdignedeconfiance.Alinefutlapremièreàromprelesilence.PosantsesbeauxyeuxsurSimon,ellelança:—Alors...commentc'est,d'êtreunvampire?—Aline!s'écriaIsabelle,consternée.Cen'estpasunequestionàposer!—Pourquoi?Iln'estpasvampiredepuistrèslongtemps,n'est-cepas?Ildoitdoncserappelerceque

c'estd'êtrehumain.EllesetournadenouveauversSimon.— Est-cequelesangalemêmegoûtpourtoi,désormais?Ouilaunesaveurdifférentecomme…du

jusd'orange,parexemple?Moi,j'auraistendanceàpenserque...—Ç'alegoûtdupoulet,réponditSimondansl'espoirdelafairetaire.—Ahbon?fit-elle,ébahie.

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—Ilsemoquedetoi,Aline,intervintSébastien.Etilabienraison.Jetedemandeencorepardonpourmacousine,Simon.Ceuxd'entrenousquiontétéélevéshorsd'IdrissontengénéralplusfamiliersdesCréaturesObscures.

—MaistuasgrandiàIdris,non?s'étonnaIsabelle.Jecroyaisquetesparents...—Isabelle!l'interrompitJace.Troptard.LevisagedeSébastiens'assombrit.— Mes parents sont morts. Une attaque de démons, près de Calais... Ce n'est rien, c'était il y a

longtemps.Ilbalayad'ungestelesexcusesmaladroitesd'Isabelle.—Matante-lasœurdemonpère-m'aélevéàl'InstitutdeParis.—Alorstuparlesfrançais?Isabellepoussaunsoupir.—J'aimeraistellementconnaîtreuneautrelangue!MaisHodgen'ajamaisjugéutiledenousenseigner

autrechosequelegrecancienetlelatin,quepluspersonneneparle.— Je parle aussi le russe et l'italien. Et quelques mots de roumain, déclara Sébastien en souriant

humblement.Jepourraist'apprendre...—Leroumain?Impressionnant,lâchaJace.Cen’estpasunelanguetrèsusitée.—Tuleparles,toi?demandaSébastienavecintérêt.—Oh! sipeu, répliquaJace,unsouriredésarmantaux lèvres,etSimoncompritqu'ilmentait.Mon

roumain se limite àquelquesphrasesutilesdu type : «Est-ceque ces serpents sontvenimeux?»Ouencore:«Maisvoussemblezbienjeunepourêtreofficierdepolice.»Sébastienneparutpasgoûterlaplaisanterie.Simonluitrouvaunairbizarre.Cen'étaitqu'unevague

impression,maisilluisemblaqueSébastiencachaitquelquechosederrièresoncalmeapparent.—J'aimevoyager,dit-ilsansquitterJacedesyeux.Maisc'estbond'êtrederetour,n'est-cepas?Jace,toutoccupéàjoueraveclesdoigtsd'Aline,marquaunepauseavantdedemander:—Qu'est-cequetuveuxdire?—Seulementquerienn'égaleIdris,mêmesinousautres,Nephilim,nousapprenonstantbienquemalà

nousacclimaterailleurs.Tun'espasd'accord?—Pourquoitumeposescettequestion?rétorquaJaced'untonglacial.Sébastienhaussalesépaules.—Ehbien,tuasgrandiici,non?Ettun'étaispasrevenudepuisdesannées,sijenem'abuse?—Tuasbiencompris,intervintIsabelle,quimontraitdessignesd'impatience.Jaceaimeprétendreque

personneneparledelui,alorsqu'ilsaitbienquec'esttoutlecontraire.—Pourjaser,onjase.JacejetaunregardnoiràSébastien,maiscelui-cineparutpass'enémouvoir.Simonneputs'empêcher

d'éprouverunecertaineestimepourleChasseurd'Ombresauxcheveuxnoirs.Ilétaitrarederencontrerquelqu'unquiresteinsensibleauxrailleriesdeJace.

—Cesdernierstemps,àIdris,onneparlequedetoi,desInstrumentsMortels,detonpère,detasœur...reprit-il.

— Apropos,Clarissaétaitcenséevousaccompagner,n'est-cepas?renchéritAline.J'étaisimpatientedelarencontrer.Ques'est-ilpassé?SilevisagedeJacedemeuraimpassible,illâchalàmaind'Alineetserralepoing.—Ellen'apasvouluquitterNewYork.Samèreestàl'hôpital.«Ilneditjamais"notremère".C'esttoujours"sa"»,songeaSimon.—C'estbizarre,observaIsabelle.Jecroyaisvraimentqu'elletenaitàvenir.

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—Etc'estlecas!s'exclamaSimon.Enfait...Jaceselevad'unbond.—Maintenantquej'ypense,ilfautquejem'entretienneavecSimonenprivé.D'unsignedetête, il indiqualaporteàdoublebattantsituéeà l'autreboutdelapièce,unelueurde

défiedansleregard.— Suis-moi,vampire,dit-il,etSimoneut lanette impressionqu'unrefusdesapartsesolderaitsans

douteparunedémonstrationdeviolence.Allonsparlerunpeu.

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3.Amatis

ENFIND'APRÈS-MIDI,LukeetClaryavaientlaissélelacderrièreeuxetmarchaientd'unbonpassuruneplaine envahie par les herbes hautes qui semblait ne jamais finir. Çà et là émergeait une collinesurmontéederochersnoirs.Claryétaitépuisée,etsesbottesglissaientsurl'herbemouilléecommesielleprogressait sur dumarbre enduit de graisse.Quand ils eurent quitté la plaine pour un petit sentier deterre,elleavaitlesmainsensangàforcedetomber.Lukemarchaitdevantelleàgrandesenjambées.Detempsàautre,ilcommentaitunélémentdupaysage

digned'intérêtavecunevoixd'outre-tombe,telleguidetouristiqueleplusdéprimédumonde.—OnvientdetraverserlaplainedeBrocelinde,lança-t-il.Ilsatteignaientàprésentlesommetd'unecollinesurplombantuneépaisseforêts'étirantversl'ouest,à

l'endroitoùlesoleilbaissait.—Etvoicilaforêt.Autrefois,lesboisrecouvraientlamajoritédesbassesterresdupays.Laplupartont

été rasés afin d'aménager des voies de communication vers la cité, et par la même occasion de sedébarrasser desmeutes de loups et autres nids de vampires qui y vivaient. La forêt deBrocelinde atoujoursétéunrefugepourlesCréaturesObscures.Ils cheminèrenten silence sur la routequi longeait la forêt surplusieurskilomètres.Aundétourdu

chemin,lesarbressemblèrentseraréfier,etunecollinesedressadevanteux.Parvenuedel'autrecôté,Clary cligna des yeux : àmoins qu'elle n'ait la berlue, c'étaient bien des habitations qu'elle voyait encontrebas.Desdizainesdemaisonnettesblanchesproprementalignées.

—Onestarrivés!s'exclama-t-elle.Elles'élançaets'arrêtaauboutdequelquesmètres,s'apercevantqueLukeétaitrestéenarrière.Ellese

retournaetlevitquisecouaitlatête,plantéaumilieudelaroutepoussiéreuse.—Non,marmonna-t-ilenvenantàsarencontre.Cen'estpaslaville.—Alorsc'estunvillage?Tum'avaispourtantditqu'iln'yavaitpasd'habitationsdanslesparages...—C'estuncimetière.TucroyaisquelaCitédesOsétaitleseullieuderecueillementquenousayons?

C'est la nécropole, reprit-il avec tristesse, l'endroit où nous enterrons ceux quimeurent à Idris. Il vafalloirlatraverserpouratteindreAlicante.Clary n'était pas allé dans un cimetière depuis la nuit où Simon était mort, et ce souvenir la fit

frissonnertandisqu'elleparcouraitlesalléesétroitesquisedéroulaientcommedurubanblancparmilesmausolées.L'endroitétaitbienentretenu:lemarbreluisaitcommes'ilvenaitd'êtrelustré,etl'herbeétaitfraîchement coupée. Des bouquets de fleurs blanches avaient été déposés sur les tombes : elle crutd'abord qu'il s'agissait de lis mais elles dégageaient une odeur inconnue, épicée, et elle en conclutqu'ellesdevaientêtreoriginairesd'Idris.Chaque tombeauévoquaitunepetitemaisondont l'entréeétaitparfoisprotégéeparunegrilleenferforgé.LesnomsdesfamillesdeChasseursd'Ombresétaientgravésau-dessusdesportes.Cartwright.Merryweather.Hightower.Blackwell.Midwinter.L’und'eux l'arrêta:Herondale.

—C'estlenomdel'Inquisitrice,dit-elleensetournantversLuke.—Oui,c'estletombeaudesafamille.Regarde.A côté de la porte, des noms étaient gravés dans le marbre gris : Marcus Herondale. Stephen

Herondale.Lesdeuxhommesétaientmortslamêmeannée.Claryavaitbeauhaïrl'Inquisitrice,elleneputs'empêcherd'éprouverde lacompassionpourcettefemme.Perdresonmarietsonfilsdansunlapsdetempsaussibref...SouslenomdeStephenfiguraienttroismotsdelatin:AVEATQUEVALE.

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—Qu'est-cequeçasignifie?— « Salut, et porte-toi bien. » C'est extrait d'un poème de Catulle. Ce sont les mots d'adieu que

prononcent lesNephilim à un enterrement ou lors d'un décès sur un champde bataille.Allez, viens...Mieuxvautnepastraînerici,Clary.Lukelapritparl'épauleetl'entraînaloindutombeau.«Peut-êtrequ'ilaraison»,songea-t-elle.Mieuxvalaitnepastroppenseràlamortencemomentmême.

Ellerestasursesgardestandisqu'ilssedirigeaientverslasortiedelanécropole.Ilsapprochaientdelagrilleenferquandellerepéraunmausoléepluspetitquelesautresquisedétachaittelunchampignonblancsurl'ombred'unchênefeuillu.Lenomfigurantau-dessusdelaporteluisautaauvisagecommes'ilfinitinscritenlettresdefeu.Fairchild.»Clary...Lukeessayadelarattraperparlebrasmaiselles’étaitdéjàéloignéeencourant.Avecunsoupir,illa

suivit sous l'arbre. Immobile, elle lut lesnomsde sesparents-parents et de ses arrière-grands-parentsqu'ellen’avaitjamaisconnus.AloysiusFairchild.AdeleFairchildnéeNightshade.GranvilleFairchild.Etjusteendessous:JocelyneMorgensternnéeFairchild.Unfrissonluiparcourutlecorps.Voirlenomdesamèreravivaitlecauchemarqu'ellefaisaitparfois:

elleassistaitàsonenterrementetpersonnenevoulaitluiexpliquercommentelleétaitmorte.—Maiselleesttoujoursenvie!s'exclama-t-elleenlevantlesyeuxversLuke.Ellen'estpas...—L'Enclaven'ensavaitrienàcetteépoque,répondit-ilavecdouceur.Clarypoussaunsoupir.Ellen'entendaitplusLukeetnelevoyaitplus.Unecollinesedressaitdevant

elle ;des tombesémergeaientdela terre telsdeséclatsd'os.Sur l'uned'elles,elle lut, tracéenlettresinégales sur la pierre noire : Clarissa Morgenstern, 1991-2007. Sous l'épitaphe, un dessin grossierd'enfantreprésentaituncrâneauxorbitesbéantes.Claryreculadansuncri.Lukelaretintparlesépaules.

—Clary,qu'est-cequinevapas?—Là...regarde...bafouilla-t-elleentendantlebras.Mais la vision avait disparu.Devant elle, il n'y avait qu'une étendued'herbeverte et lesmausolées

blancsproprementalignés.— J'ai vu ma propre tombe, reprit-elle en frissonnant. Sur la pierre, il était écrit que je mourrais

maintenant...cetteannée.Lukeserembrunit.— C'estl'eaudulac.Tucommencesàavoirdeshallucinations.Viens...ilnenousrestepasbeaucoup

detemps.

JaceescortaSimonàl'étage,lelongd'unpetitcouloirjalonnédeportes.Ils'arrêtadevantl'uned'ellesl'ouvritd'uncoupdecoude,l'airfurieux.

—Entre,dit-ilenpoussantSimonàl'intérieur.Ilssetrouvaientdansuneespècedebibliothèquetapisséedelivres,meubléedevastescanapésetde

fauteuils.—Ici,ondevraitêtretranquilles...Il s'interrompit comme émergeait de derrière un fauteuil le visage d'un petit garçon brun.Avec ses

lunettes,ilavaituneexpressionsérieuseettenaitunlivreàlamain.SimonconnaissaitsuffisammentleshabitudesdelecturedeClarypours'apercevoir,mêmeàcettedistance,qu'ils'agissaitd'unmanga.Jacefronçalessourcils.—Désolé,Max.Onréquisitionnelapièce.Ilfautqu'ondiscuteentreadultes.— MaisIsaetAlecm'ontdéjàchassédusalonpourlamêmeraison,gémitMax.Oùest-cequejesuis

censéaller,moi?

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Jacehaussalesépaules.—Danstachambre?D'ungeste,ilindiqualaporte.—Ilesttempsd'allerservirtonpays,gamin.Ouste!L'airabattu,Maxs'éloignaenserrantsonlivresursapoitrine.Simoneutunpincementaucœur:quelle

plaied'êtreassezâgépours'intéresserauxhistoiresdesadultesetenmêmetempstropjeunepourêtreautorisé à rester !Enpassant prèsde lui, le garçon lui jetaun regard suspicieux. «C'est le vampire»,semblaientdiresesyeux.?—Viens.Jace poussa Simon devant lui et verrouilla la porte. La pièce, à présent plongée dans une semi-

pénombre,sentaitlapoussière.Jaceallatirerlesrideaux,révélantunegrandefenêtrepanoramiquequidonnait sur le canal. L'eau venait lécher le mur de la maison à quelques dizaines de centimètres encontrebas,sousunbalconenpierregravéederunesetd'étoilespoliespartemps.JaceposaunregardfurieuxsurSimon.—Qu'est-cequiteprend,vampire?—Quoi?C'esttoiquim'aspratiquementtraînéjusqu'iciparlescheveux!—TuétaissurlepointdeleurrévélerqueClaryn'ajamaisrenoncéàsonprojetdeveniràIdris.Tu

saiscequiseseraitpassésijet'avaislaisséfinir?Ilsl'auraientcontactéepourorganisersavenue.Etjet’aidéjàexpliquépourquoiilfautl'éviteràtoutprix.Simonsecoualatête.— Je ne te comprends pas. Parfois, tu agis comme si tout ce qui compte, c'est Clary, et à d'autres

moments...Jace le regarda fixement.Desparticules depoussièredansaient dans l'atmosphère, créant un rideau

scintillantentrelesdeuxgarçons.—Continue.— Tu flirtais avecAline, tout à l'heure.À cemoment-là, tu ne donnais pas l'impression queClary

comptaitbeaucouppourtoi.—Cenesontpastesaffaires.Etpuis,Claryestmasœur,jeterappelle.—Moiaussi,j'étaisprésentcejour-là,àlaCourdesLumières.Jemesouviensdesparolesdelareine

«Lebaiserquidélivreracettejeunefilleestceluiqu'elledésireleplusensecret.»—Pasétonnantquetut'ensouviennes.Çaterongelacervelle,hein,vampire?Simonlaissaéchapperunhoquetdesurprise.—Ahnon!Ilesthorsdequestionquejemedisputeavectoiàcepropos.C'estridicule.—Alorspourquoituremetslesujetsurlatable?—Parceque,situveuxquejementeàtoustesamisChasseursd'Ombres,situveuxquejeprétendeque

c'étaitladécisiondeClarydenepasvenir,situveuxquejefeignedenepasêtreaucourantpoursespouvoirs,tuvasdevoirm'accorderunepetitefaveur.

—Soit.Qu'est-cequetuveux?Simonrestasilencieuxquelques instants, lesyeuxfixéssur lesmaisonsenpierrequis'alignaientau

bordducanalmiroitant.Au-delàdeleurstoitscrénelés,ildistinguaitlesommetscintillantdestours.—JeveuxquetufassesensortedeconvaincreClaryquen'aplusdesentimentspourelle.Etnevapas

meserinerquetuessonfrère,jelesaisdéjà.Tulabercesdefauxespoirsalorsquetusaisparfaitementquevousn'avezaucunavenirensemble.Jenedispasçaparcequejelaveuxtoutàmoi,maisparcequejesuissonamietquejeneveuxpasqu'ellesouffre.Jace contempla sesmains délicates, aux longs doigts calleux, zébrées de fines cicatrices blanches,

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vestigesd’anciennesMarques.C'étaientlesmainsd'unsoldat,pascellesd'unadolescent.—Jeleluiaidéjàdit,répondit-ilenfin.—Oh.Simon,quines'attendaitpasàpareillecapitulation,eutpresquehontedesarequête.«Clarynem'ena

jamais parlé», fut-il tenté de dire. Mais pourquoi l'aurait-elle fait ? En y réfléchissant, ces dernierstemps) elle lui semblait étonnamment silencieuse et effacéedèsque lenomde Jace surgissait dans laconversation.

—Ehbien,voilàquiestréglé.Undernierdétail...—Oui?fitJaceavecindifférence.—Qu'aditValentinquandClaryatracélarunesurlebateau?Memequelquechose?—«Menemenetekelupharsin»,récitaJaceavecunsourireencoin.Tunetesouvienspas?C'estun

extraitdel'AncienTestament,vampire.C'esttonlivre,pourtant.—Lefaitquejesoisjuifnesous-entendpasquejeconnaisselaBibleparcœur.—C'est«l'inscriptionsurlemur»:«Dieuamesurétonroyaumeetl'alivré;tuasétépesédansla

balanceettonpoidssetrouveendéfaut.»C'estunprésagederuine.Çaparledelachuted'unempire.—MaisquelestlerapportavecValentin?— Iln'yapasquelui;noussommestousconcernés.LespouvoirsdeClarychamboulenttoutesles

véritésreconnuesparl'Enclave.Aucunêtrehumainn'estcapabledecréerdenouvellesrunes,seulslesangesontcettefaculté.LedondeClary...ehbien,c'estunsigne,apparemment.Lestempschangent.LesLoischangent.Lesvieillesméthodesneserontpeut-êtreplusjamaisvalables.Demêmequelarébelliondesangesamisuntermeaumondetelqu'onleconnaissaitjusqu'alorsenscindantleparadisendeuxetencréant l'enfer,cettenouvelleèrepourraitcoïncideravec la findesNephilimactuels.Ceciestnotreguerreauparadis,vampire,etilnepeutyavoirqu'unseulvainqueur.Or,monpèreabienl'intentiond'êtrecelui-là.

Malgrélefroid,Claryétouffaitdanssesvêtementshumides.Degrossesgouttesdesueurdégoulinaient

sur son visage et dans le col de son manteau. Luke la main sur son bras, lui faisait presser le pascependant que le jour déclinait rapidement. Alicante était en vue, à présent. La ville, bâtie dans unevalléepeu:encaissée,étaitcoupéeendeuxpar lerubanargentéd'unerivièrequisemblaitdisparaîtreparmileshabitationsavantderesurgirauxconfinsdelacité.Desmaisonsenpierreclaireavecdestoitsdetuilerougeetunentrelacsderuellesenpente,sombres,sinueuses,s'étendaientàflancdecolline.Ausommet de celle-ci s'élevait un édifice imposant en pierre noire, flanqué de quatre tours scintillantesindiquantlesquatrepointscardinaux.D'autrestoursidentiques,hautesetmiroitantescommedescristauxde quartz, émergeaient ça et là entre les habitations telles des aiguilles de verre perçant le ciel. Lalumière déclinante du soleil minait leur surface de petits arcs-en-ciel. C'était un spectacle à la foisétrangeetmerveilleux.«Nulnesaitcequ'estunevilleavantd'avoirvuAlicanteetsestoursdeverre.»—Qu'est-cequetudis?demandaLuke.Clary ne s'était pas aperçue qu'elle avait parlé tout haut. Gênée, elle répéta sa phrase, et Luke la

considéraavecétonnement.—Oùas-tuentenduça?—CesontlesmotsdeHodge.Lukel'examinaattentivement.

—Tuestouterouge.Commenttesens-tu?Claryavaitlanuquedouloureuse,labouchesèche,lecorpsfiévreux.

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—Jevaisbien.Remettons-nousenroute,d'accord?Lukepointaledoigtdansunedirection.Al'entréedelaville,avantlespremièreshabitations,Clary

distinguaunearcheàl'ombredelaquelleétaitpostéunChasseurd'Ombresenhabitnoir.—LaPorteduNord.C'estparlàquelesCréaturesObscuressontcenséespénétrerdanslacité,pourvu

qu'elles aient une autorisation écrite.Des gardes surveillent cet endroit jour et nuit. Si nous étions envisite officielle ou si nous avions obtenu la permission d'entrer, c'est ce chemin que nous aurionsemprunté.—Maisiln'yapasdemuraillesautourdelaville,observaClary.Çaneressemblepasbeaucoupàune

porte,d'ailleurs.— Lesbouclierssontinvisiblesmaisilssontbeletbienlà.Cesontlestoursquilescontrôlent.Elles

sontvieillesd'unmillierd'années.Tulesentirasenpassantprèsd'elles.Unefoisdeplus,ilposaunregardinquietsurlevisagerougideClary.—Prête?Ellehocha la tête. Ils contournèrent laportepar l'est, àun endroit où lesbâtiments se resserraient.

Après lui avoir fait signe de garder le silence, il la guida vers un passage étroit entre deuxmaisons.Claryfermalesyeux,craignantdeheurterdepleinfouetunmurinvisibleaumomentoùilspénétreraientdans lesruesd'Alicante.Or, riende telneseproduisit.Elleéprouvaunepressionsoudainecommesielle se trouvait dans un avion en train d'amorcer un atterrissage, ses oreilles se débouchèrent, puisl'impressionsedissipa,etelleseretrouvadanslaruellequi,commen'importequelleautreruelledanslemondeapparemment,sentaitlepipidechat.Clary jeta un coup d'œil entre deux édifices et aperçut une rue plus grande bordée d'échoppes qui

montaitâl'assautdelacolline.—Iln'yapersonnedanslecoin,observa-t-elleaveétonnement.Danslapénombre,levisagedeLukeavaitprisuneteintegrisâtre.—IldoityavoiruneréunionàlaGarde.C'estleseulévénementsusceptibledeviderlesrues.—Maisc'estunebonnenouvelle,non?Personnenerisquedenoussurprendre.— Ouietnon.Labonnenouvelle, effectivement, c’estque les rues sontpresquedésertes.Mais tous

ceuxquenousviendronsàcroisernousremarquerontd'autantplus.—JecroyaisquetoutlemondeétaitàlaGarde.Lukeesquissaunsourire.—Neprendspastoutaupieddelalettre,Clary.Parla,j'entendaislaplupartdeshabitantsdelaville.

Lesenfants,lesadolescents,tousceuxquinesontpastenusd'assisteràlaréunion,n'yserontpasLes adolescents. Clary pensa à Jace, et son pouls s’emballa tel un cheval prenant le départ d'une

course.Lukefronçalessourcilscommes'illisaitdanssespensées—Encemomentmême,j'enfreinslaLoienmepromenantdansAlicantesansavoirsignalémaprésence

àl'Enclave.Sionmereconnaît,ilsepeutqu'onaitdegravesennuis.Illevalesyeuxversl'étroitebandedecielrougivisibleentrelestoits.—Ilnefautpasqu'onrestedanslarue.—Jecroyaisqu'onallaitcheztonami.—Onyva.Etcen'estpasuneamieàproprementparler.—Maisqui…—Suis-moi.Lukes'engouffradansunpassageentredeuxmaisons;ilétaitsiétroitqueClarypouvaiteffleurerles

deuxmursdesdoigtstoutenmarchant.Ilsdébouchèrentsuruneruepavéebordéed'échoppes,dontlesbâtiments gothiques semblaient tout droit sortis d'un conte de fées. Sur les façades de pierre étaient

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gravées toutes sortes de créatures mythiques : des têtes de monstres revenaient constamment, enalternanceavecdeschevauxailés,desespècesdehuttesjuchéessurdespattesdepoulet,dessirèneset,bienentendu,desanges.Desgargouillesgrimaçantessaillaientdechaque toit,etpartoutonapercevaitdesrunes:peintessurlesportes,cachéesdanslemotifabstraitd'unesculpture,suspenduesàdeschaînesenmétalquitintaientcommedescarillonsdanslabrise.Desrunesdeprotectionoudechancedestinéesàfavoriserlecommerce.Àforcedelesregarder,Claryavaitlevertige.Ilsmarchèrent en silence, dans l'ombre des édifices. La rue était déserte, les portes des boutiques

fermées à double tour. Clary jetait des coups d'œil furtifs aux vitrines qu'ils croisaient, s'étonnant detrouverdans l'uned'ellesunassortimentde chocolatshorsdeprix etdans la suivanteunéventail toutaussivariéd'armesplusmenaçanteslesunesquelesautres:sabres,massues,gourdinshérissésdeclous,poignardsséraphiquesdetaillesdifférentes.

—Iln'yapasd'armesàfeu,observa-t-elled'unevoixquiluiparuttrèslointaine.—Quoi?fitLuke.—LesChasseursd'Ombresn'utilisentpasd'armesàfeu,ondirait.—Lesrunesempêchentlapoudredes'enflammer.Personnenesaitpourquoi.Enrevanche,ilarriveque

lesNephilimaientrecoursaufusilcontreleslycanthropes.Pasbesoind'unerunepournoustuer...Uneballeenargentsuffit,expliqua-t-ild'untonmorne.Soudain, il leva la tête.Dans la lumièredéclinantedu jour,onauraitpusansmal l'imaginerdresser

l'oreillecommeunloup.—J'entendsdesvoix.LaréunionadûsetermineràlaGarde.Laprenantparlebras,ill'entraînaversunepetiteplaceavecunpuitsaucentre.Devanteux,unpont

en arc enjambait un canal étroit dont les eaux semblaient presque noires dans la pénombre. Claryentendaitàprésentdeséclatsdevoixrésonnerdanslesruesvoisines.Sonvertiges'intensifia:elleavaitl'impressionquelesolsedérobaitsouselle.Horsd'haleine,elles'adossaaumurdelaruelle.

—Clary,chuchotaLuke.Clary,tuvasbien?Ilparlaitd'unevoixétrange,légèrementpâteuse.Ellelevalesyeuxversluietretintsonsouffle.Ses

oreilles s'étaient allongées, il avaitdesdents effilées commedes rasoirs, et sesyeux jaunesbrillaientd'unéclatféroce...

—Luke,marmonna-t-elle.Qu'est-cequit'arrive?—Clary,répéta-t-ilentendantverselledesmainsdéforméesauxlongsonglesbrunâtres.Çanevapas

?Mllereculaenpoussantunhurlement,sanscomprendrelaraisondesapeur:elleavaitdéjàvuLukese

transformerauparavant,etilneluiavaitjamaisfaitlemoindremal.Maislaterreurs'immisçaitenelletelleunechosevivante,incontrôlable.Lukelapritparlesépaulesetelleserecroquevillasurelle-mêmepoursesoustraireàcesyeuxjaunesdebête.Ils'efforçaenvaindelafairetaireenlasuppliantdesavoixhumaine,cellequ'elleavaittoujoursconnue.

—Clary,jet’enprie…—Lâche-moi!Lâche-moi!—C’estl’eau.Tusouffresd’hallucinations.Ressaisis-toi!Àcesmots, il l'entraînadeforcevers lepont.Ellesentitdes larmes inonderses jouesbrûlantesde

fièvre.—Cen'estpaslaréalité.Tienslecoup,jet'enprie,reprit-ilenlaguidantsurlepont.La puanteur de l'eau stagnante assaillit Clary. Des créatures semblaient se mouvoir sous les flots

verdâtres.Untentaculenoirenjaillit,sonextrémitéspongieusehérisséededentsacérées.Elles'écartadel'eauetungémissementsourds'échappadesagorge.

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Luke la rattrapa aumoment où ses genoux se dérobaient sous elle et la souleva dans ses bras. Ladernièresfoisqu'ill'avaitportée,elledevaitavoircinqousixans.

— Clary, souffla-t-il, mais ses mots se perdirent dans un rugissement inintelligible tandis qu'ilslaissaientlepontderrièreeux.Ils longèrent de hautesmaisons étroites qui évoquèrent àClary les façades deBrooklyn...Àmoins

qu'ellenefûtvictimed'unehallucinationdanssonproprequartier?L'airautourd'ellesemblaitdeplusenplus vicié à mesure qu'ils progressaient, les lumières des maisons alentour flamboyaient comme destorches, des reflets lugubres, phosphorescents, dansaient sur le canal en contrebas. Clary avaitl'impressionquesesossedissolvaientdanssoncorps.

—Onyest.Lukes'arrêtabrusquementdevantunemaisonettambourinaàlaporteenappelant.D'unrougecriard,

elleétaitornéed'uneurnedorée.SouslesyeuxdeClaryellepritlaformed'uncrânehideuxgrimaçantunsourire.«Cen'estpas réel», se répéta-t-elleavecvéhémenceenétouffantuncride sonpoing,qu'ellemorditjusqu'àsentirlegoûtdusangdanssabouche.Ladouleurluiéclaircitmomentanémentlesidées.Laportes'ouvritàlavolée,etunefemmeenrobeen

apparutsurleseuil,uneexpressionmi-étonnéemi-furieusesurlevisage.Elleavaitlescheveuxlongs;unhalodemèchesbrun-griss'échappaitdesesdeuxtresses.Unelueurfamilièrebrillaitdanssesyeuxbleus.Unepierrederunescintillaitdanssamain.

—Quiêtes-vous?demanda-t-elled'untonimpérieux,Quevoulez-vous?—Amatis,ditLukeens'avançantdanslaflaquedelumière,Clarydanslesbras.C'estmoi.Lafemmeblêmit,vacillaets'appuyaauchambranle.—Lucian?Luke fitmine d'entrermais la dénomméeAmatis lui barra le passage et secoua la tête avec tant de

violencequesestressess'agitèrententoussens.—Commentoses-tuteprésenterici,Lucian?—Jen'avaispasvraimentlechoix,répliqua-t-ilenresserrantsonétreinteautourdeClary.Lajeunefilleétouffauncri.Elleavaitl'impressiond'avoirlecorpsenfeu;ladouleurirradiaitdans

chacunedesesterminaisonsnerveuses.—Va-t'en,sifflaAmatis.Situparssur-le-champ...—Jenesuispasvenupourmoi.Jesuislàpourelle.Elleestentraindemourir.Lafemmeledévisagead'unairinterdit.—Amatis,jet'enprie.C'estlafilledeJocelyne.Ilyeutunlongsilence,aucoursduquelAmatisrestafigéetelleunestatuesurleseuil.Claryn'auraitsu

diresic'étaitlasurpriseoul'horreurquilaclouaitsurplace.Lajeunefilleenfonçalesonglesdanssespaumes,maismême la souffrance ne lui était plus d'aucune aide : lemonde se dissolvait en couleursdélavées,telunpuzzledontlespiècess'éparpillaientàlasurfaced'unlac.Elleentenditàpeinelavoixd'Amatisquandcelle-ci,s'effaçantpourleslaisserpasser,déclara:

—Trèsbien,Lucian.Tupeuxl'emmeneràl'intérieur.

QuandSimonetJaceretournèrentdans lesalon,Alineavaitdisposésur la tablebassedesassiettes

contenantdupainetdufromage,dugâteau,despommes,ainsiqu'unebouteilledevin,à laquelleMaxn'eutpasl'autorisationdetoucher.Ils'assitdansuncoinavecunepartdegâteau,sonlivreouvertsurlesgenoux.Simoneutunélandesympathiepourl'enfant:ildevaitsesentiraussiseulqueluiaumilieudesriresetdesbavardagesdupetitgroupe.

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SimonseraiditenvoyantAlineeffleurerlepoignetdeJacepourprendreunquartierdepommedansuneassiette.«Pourtant,çat'arrange,cettesituation»,songea-t-il.Malgrétout,ilnepouvaits'empêcherdepenserquec'étaitmanquerderespectàClary.Jacecroisasonregardpar-dessus la têted'Alineet luiadressaunsourirecarnassier.Détournant les

yeux,Simonexaminalapièceets'aperçutquelamusiquequ'ilavaitentendueunpeuplustôtneprovenaitpasd'unechaînestéréomaisd'unappareiltarabiscoté.Il envisagea d'entamer la conversation avec Isabelle, mais elle bavardait avec Sébastien, dont le

visageavenantétaittournéverselle.Auneépoque,Jaces'étaitmoquédel'attirancequ'éprouvaitSimonpourelle,orSébastien, lui, semblaitmanifestementà lahauteur.Mais lesChasseursd'Ombresavaientappris,dès leurplus jeuneâge,àgérern'importequellesituation,n'est-cepas?Pourtant, le regarddeJacelorsqu'ilavaitannoncésonintentionden'êtreriendeplusqu'unfrèrepourClaryavaitdequoifairedouterSimon.

—Onestàcourtdevin,annonçaIsabelleenreposantlabouteillesurlatable.Jevaisenchercher.Avecunclind'œilàl'intentiondeSébastien,elledisparutdanslacuisine

—Sijepeuxmepermettre,jetetrouvebiensilencieux,ditcelui-ciensetournantversSimonavecunsouriredésarmant.Toutvabien?Pourquelqu'und'aussibrun,Sébastienavaitleteinttrèspâle,commes'ilfuyaitlesoleil.Simonhaussa

lesépaules.—Jusqu'àprésent,jen'aipaspumettremongraindesel.Laconversationportesoitsurlapolitiquedes

Chasseursd'Ombressoitsurdesgensquejeneconnaispas,voirelesdeux.LesouriredeSébastiens'évanouit.

—Nousformonsuncerclefermé,nousautresNephilim,àforced'êtrecoupésdumonde.— Tu ne trouves pas que c'est vous qui vous fermez aux autres ? Vous méprisez les humains

ordinaires...— Mépriser?Lemotestunpeufort,protestaSébastien.Et toi, tupensesvraimentquelemondedes

humainsaccepteraitdefrayeravecnous?Noussommes lapreuvevivantequ'ilssefourvoientchaquefoisqu'ilsserépètent,pourserassurer,qu'iln'yapasdevampires,dedémonsoudemonstressouslelit.IlsetournaversJacequilesobservaittousdeuxensilencedepuisquelquesminutes.—Tun'espasd'accord?Jacesourit.—Dececrezicâvaascultamconversatia?Unelueurdecuriositéamusées'allumadansleregarddeSébastien.—M-aiurmàritdecândaiajunsaici,répondit-il.Nu-midauseamadacânumaplacioridacâesti

atâtdebânuitoreutoatâlumea.Jen'airiencontrelefaitdepratiquermonroumain,poursuivit-ilenselevant,maisavectapermission,jevaisvoircequiretientIsabelledanslacuisine.Jaceleregardas'éloigneravecuneexpressionperplexe.—Qu'est-cequ'ilya?Ilneparlepasroumain,enfindecompte?s'enquitSimon.—Si,réponditJace,lessourcilsfroncés.Si,illeparletrèsbien.AvantqueSimonaitpuluidemandercequ'ilentendaitparlà,Alecentra,l’airaussisoucieuxqu'àson

départ.SesyeuxseposèrentbrièvementsurSimon;ilsemblaitunpeuperdu.—Déjàderetour?lançaJace.—Jenevaispaspouvoirrester.Alecsepenchapourprendreunepommesurlatabledesamaingantée.—Jesuisjusterevenulechercher,reprit-ilenesquissantungesteendirectiondeSimon.Ont'attendà

laGarde.

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Alineparutsurprise.—Ahbon?fit-elle,maisJace,lâchantsamain,s'étaitdéjàlevéducanapé.—Qu'est-ce qu'ils lui veulent ? dit-il d'un ton dangereusement calme. J'espère aumoins que tu t'es

renseignéavantdeleurpromettredeleramener.—Évidemment!s'exclamaAlec.Jenesuispasstuptde.—Mouais,fitIsabelle,apparuesurleseuiletsuiviedeSébastienquitenaitunebouteilleàlamain.Tu

n'espastoujoursunelumière,ilfautbienl'admettre.Alecluijetaunregardassassin.—IlsrenvoientSimonàNewYorkparlePortail.—Maisilvientd'arriver,protesta-t-elleavecunemoueboudeuse.Cen'estpasdrôle!—Cen'estpascensél'être,Isa.LavenuedeSimonestunaccidentet,d'aprèsl'Enclave,lemieuxest

qu'ilrentrechezlui.—Parfait,déclaracelui-ci.Avecunpeudechance,jeseraideretouravantquemamèreaitremarqué

madisparition.C'estquoi,ledécalagehoraireentreicietManhattan?—Tuasunemère?Alinesemblaitabasourdie.Simonchoisitd'ignorersaquestion.—Sérieux,c'estparfait,répéta-t-il.Jen'aiqu'uneenvie,c'estquittercetendroit.—Tul'accompagnes?demandaJaceàAlec.Ettuvérifiesquetoutirabien?IlséchangèrentundecesregardscodésqueSimonconnaissaitbien,parcequ'ilyavaitparfoisrecours

avecClaryquandilsnevoulaientpasqueleursparentssachentcequ'ilsmijotaient.—Quoi?fit-ilenlesobservanttouràtour,Qu'est-cequisepasse?AlecdétournalesyeuxetJacesouritd'unairplacide.—Rien.Toutvabien.Félicitations,vampire:tuvasrentrercheztoi.

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4.VampireDeJour

LANUITÉTAITTOMBÉEsurAlicantequandSimonetAlecsortirentdelamaisondesPenhallowpoursedirigerverslaGarde.Lesruesdelaville,étroitesetsinueuses,sedévidaientcommedepâlesrubansdepierresousleclairdelune.L'airétaitglacial,bienqueSimonneressentequevaguementlefroid.Alec,feignantd'êtreseul,marchaitdevantluiensilence.Danssonautrevie,Simonauraitdûpresserle

pasensoufflantcommeunbœufpoursemainteniràsahauteur;àprésent, ils'apercevaitqu'ilpouvaitattraperAlecsanslamoindredifficulté.—Çadoit te peser de devoir jouer les escortes pourmoi, dit-il enfin tandis qu'Alec, l'airmorose,

gardaitlesyeuxfixésdroitdevantlui.Ilhaussalesépaules.—J'aidix-huitans, jesuismajeur,doncc'estmoi le responsable.Jesuis leseulàpouvoirpénétrer

danslaGardependantuneréuniondel'Enclave,etpuisleConsulmeconnaît.—Qu'est-cequec'est,unConsul?— L'équivalent d'un très haut fonctionnaire au sein de l'Enclave. Il compte les votes duConseil et

interprètelaLoipourl'Enclave.Iljoueaussilesconseillerspourl'Inquisiteur.Siledirecteurd'unInstitutrencontreunproblèmequ'ilnesaitpasrésoudreseul,ils'adresseauConsul.

—L'Inquisiteur?L'Inquisitrice,tuveuxdire!Jecroyaisqu'elleétaitmorte.—Onluiavitetrouvéunremplaçant.l'InquisiteurAldertree.Simon contempla les eaux noires du canal en contrebas. Ils avaient laissé la ville derrière eux et

marchaientmaintenantlelongd'unepetiteroutebordéed'arbres.—Avraidire,lesinquisitionsn'ontpasbeaucoupréussiàmonpeupleparlepassé,observa-t-il.Alecnefitaucuncommentaire.—Laissetomber.C'estjusteuneblaguesurl'histoiredesTerrestres.Çanepeutpast'intéresser.—Tu n'es pas un Terrestre, fît remarquer le Chasseur d'Ombres. C'est pourquoi Aline et Sébastien

étaientsicurieuxdeterencontrer.MêmesiSébastienn'enarienmontré:ilsecomportetoujourscommes'ilavaittoutvu.

—Est-cequ'Isabelleetlui...?demandaSimonsansréfléchir.Aleclaissaéchapperunricanement.—IsabelleetSébastien?C'estpeuprobable.Sébastienestungentilgarçon.Isabellenes'intéressequ'à

destypesinsortablesquenosparentsdétesteraientàcoupsûr.Terrestres,CréaturesObscures,escrocsdepetiteenvergure...

—Merci.Jesuisravid'êtreclassédanslamêmecatégoriequedescriminels.—Je croisqu'elle fait çapour attirer l'attention.C’ESTla seule fille de la famille, donc elle se sent

obligéedeprouverenpermanencequ'elleestunedureàcuire.—Peut-êtrequ'elleessaiesimplementdedétournerl'attentiondetoi,suggéraSimond'unairabsent.Vu

quetesparentsnesaventpasquetuesgay.Sanscriergare,Alecs'arrêtaaubeaumilieudelaroute,etSimonfaillits'affalersurlui.

—Euxnon,maislerestedumondeestaucourant,Apparemment.—TuoubliesJace.Ilnesaitpas,luinonplus,jemetrompe?Alecsoupirabruyamment.Simonletrouvapâle,àmoinsquecenesoitl'effetduclairdelune.—Jenevoispasenquoiçateregarde.Oualorstucherchesàmemenacer.—Moi,temenacer?Jene...

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—Alorspourquoi?s'écriaAlec,etlavulnérabilitéquiperçaitdanssavoixpritSimonaudépourvu.Pourquoituabordeslesujet?—Parceque, laplupartdutemps, j'ai l'impressionquetumedétestes.T'inquiète, jesaisqueçan'a

rien de personnel, même si je t'ai sauvé la vie. Tu détestes lemonde entier, on dirait. Et puis, nousn'avonspratiquementrienencommun.Maisquandje tevoisregarderJace,etquejemevoisregarderClary,jemeditquepeut-être...nouspartageonsquelquechose.Etque,decefait,tupourraismehaïrunpeumoins.

—AlorstunevaspasmoucharderauprèsdeJace?TuasavouétessentimentsàClaryet...— Etcen'étaitpasunetrèsbonneidée.Maintenant,jepassemontempsàmedemandersionpourra

redeveniramiscommeavantousic'estirréparable.Peut-êtrequ'enrencontrantquelqu'und'autre...—Quelqu'und'autre,répétaAlec,quis'étaitremisaàmarcheràtouteallureengardantlesyeuxrivés

surlaroute.Simons'élançapourlerattraper.— Tu vois très bien de quoi je parle. Par exemple, je suis persuadé queMagnusBane t'apprécie

beaucoup.Etc'estungarsplutôtcool.Ils'yconnaîtpourorganiserdesfêtes.Mêmesij'aiététransforméenratcettefois-là.

— Mercipourletuyau,répliquasèchementAlec.Maisjenecroispasqu'ilm'apprécietantqueça.Ilm'aàpeineadressélaparolequandilestvenuouvrirlePortailàl'Institut.

—Tudevraispeut-êtrel'appeler,suggéraSimon,bienquel'idéedeconseilleràunchasseurdedémonsdesortiravecunsorcierluiparûtpourlemoinsbizarre.

—Impossible.Iln'yapasletéléphoneàIdris.Çan'apasd'importance,detoutemanière,conclutAlecd'untonabrupt.Onestarrivés.VoicilaGarde.Devanteuxs'élevaitunehautemurailledanslaquelles'encastraituneénormegrillegravéederunes,et

bienqueSimonsoitincapabledelesdéchiffrer,iléprouvaunsentimentdevertigefaceàlacomplexitéetàlapuissancequiémanaitd'elles.Lagrilleétaitgardéepardeuxangesdepierreauvisageàlafoisbeauetféroce.Chacund'euxtenaitàlamainuneépéeetunecréature-croisementimprobableentreunrat,unechauve-sourisetunlézard-agonisaitàleurspiedsendécouvrantsesdentsacérées.Simoncontemplalachoseunlongmoment,etendéduisitqu'ils'agissaitd'undémon,maiscelaauraittoutaussibienpuêtreunvampire.Alcepoussalagrilleet luifitsigned'entrer.Al'intérieurdel'enceinte,Simonclignadesyeux, l'air

égaré.Depuisqu'ilétaitdevenuvampire,savuenocturnes'étaitaiguiséeaupointd'êtreaussiperçantequ'unrayonlaser,maislesdizainesdetorchesalignéeslelongdel'alléemenantauxportesdelaGardel'aveuglaient.IlselaissaguiderparAleclelongd'uncheminpavéquiréfléchissaitlalumièrealentour,etquelqu'uns'avançapourleurbarrerlepassage,lebraslevé.—Voicidonclevampire,lançaunevoixgrave.Simonlevalesyeux,éblouiparlaclarté;ilenauraitversédeslarmess'ilpouvaitencorepleurer.«De

lalumièredesort,songea-t-il.Lalumièredesangesmebrulelesyeux.Pasétonnant.»L'hommequisetenaitdevanteuxétaittrèsgrand.Ilavaitleteintjaunâtre,lespommettessaillantes,le

nezenbecd'aigle,lefronthautsousundômedecheveuxnoirscoupésras.BaissantlesyeuxsurSimon,Ilprit l'airdégoûtéd'unemployédumétroregardantpasserungrosratsur lesrailsdansl'espoirqu'ilseferaitécraserparlaprochainerame.—Je vous présente Simon, déclara Alec d'un ton mal assuré. Simon, voici le Consul Malachi

Dieudonné.Est-cequelePortailestprêt,monsieur?—Oui,réponditMalachiavecunlégeraccent.Toutestprêt.Viens,vampire,ajouta-t-ilenfaisantsigne

àSimondelesuivre.Plusvitenousaurontterminé,mieuxcelavaudra.

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SimonallaitobéirquandAlecleretintparlebras.—Un instant, dit-il au Consul. Il sera renvoya directement àManhattan, n'est-ce pas ? Et il y aura

quelqu'unpourl'accueillirdel'autrecôté?—Bienentendu.PuisquelesorcierMagnusBanaétourdimentpermisauvampiredeveniràIdris,ilse

chargedesonretour.— SiMagnusn'avaitpaslaisséSimonfranchirlePortail,ilseraitmort,objectaAlecd'untonunpeu

brusque.—Peut-être.C'estcequeprétendenttesparents,etl'Enclaveachoisidelescroire.Contremonavis,en

fait.Néanmoins,personnenedevraitintroduireinconsidérémentdesCréaturesObscuresdansl'enceintedelaCitédeVerre.

—Cettedécisionn'apasétépriseàlalégère,protestaSimonaveccolère.Nousétionsattaqués...—Tuparleraslorsquetuyserasinvité,vampire»Lamaind'AlecsecrispasurlebrasdeSimon,etuneexpressionmi-hésitantemi-suspicieusesepeignit

sursonvisage.—Allons,Consul!Lavoixquivenaitde résonnerdans lacourétait si aiguëqueSimons'étonnaqu'elleappartienneau

petithommerondouillardquisehâtaitdansleurdirection.Ilportaitunegrandecapegrisepar-dessussesvêtementsdeChasseurd'Ombres,etsoncrânechauve?luisaitdanslalumière.

—Iln'estpasnécessaired'effrayernotreinvité.—Invité?répétaMalachid'untonoutragé.Lepetithommes'arrêtadevantSimonetsonvisages’éclaira.—NoussommesravisquetuacceptesderentreràNewYork.Celanousfacilitebeaucoupleschoses.II sourit à Simon qui recula, ébahi. Jusqu'alors, il ne se rappelait pas avoir rencontré un Chasseur

d’Ombresaussiheureuxdelevoir,mêmedutempsouilétaitencoreunTerrestre,etencoremoinsdepuisqu'ilavaitététransformé.

—Oh,j'allaisoublier!repritl'inconnuensefrappantlefront.Jenemesuismêmepasprésenté.JesuislenouvelInquisiteur.MonnomestAldertree.IltenditlamainàSimonqui,empêtrédansuntourbillondepenséesconfuses,laserradebonnegrâce.—Ettut'appellesSimon,c'estbiença?— Oui,réponditcelui-cienlibérantsamaindelapoignemoiteetfroided'Aldertree.Paslapeinede

meremercier.Toutcequejeveux,c'estrentrerchezmoi.—J'ensuispersuadé!Malgrélesmanièresjovialesd'Aldertree,unéclairpassadanssesyeuxtandisqu'ilparlait.Simonn'eut

pas le temps de déchiffrer son expression car il se tourna précipitamment vers l'allée pavée quicontournaitl'édifice.—Parici,situleveuxbien,Simon.Simons'avançaet,commeAlecfaisaitminedelesuivre,Aldertreelevalamain.—Nousn'avonsplusbesoindetoi,Alexander.Mercidetonaide.—MaisSimon...bredouilla-t-il.—Ils'ensortiratrèsbiensanstoi,lerassural'Inquisiteur.Malachi,accompagnezAlexanderjusqu'àla

sortie, jevousprie.Etdonnez-luiunepierrederunepourretrouversonchemins'iln'apaspenséàenemporteraune.Letrajetestunpeutraîtrelanuit.Etavecunautresourirebéat,ilpoussaSimondevantluisousleregardméduséd'Alec.

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LemondeautourdeClaryétaitdevenuflou.Lukelaportaàl'intérieurdelamaisonets'avançadansunlong couloir, précédé d'Amatis qui éclairait leurs pas de sa pierre de rune. Prise de délire, Claryregardaitlecorridorsedéroulerinterminablementdevantellecommedansuncauchemar.Soudain,ellesentitqu'onl'allongeaitsurunsolglacéetquedesmainsétendaientunecouverturesursoncorps.Desyeuxbleusperçantssebraquèrentsurelle.

—Elleal'airvraimentmalenpoint,Lucian,observaAmatisd'unevoixérailléecommecelled'unvieuxdisque.Queluiest-ilarrivé?

—ElleabulamoitiédulacLyn.LavoixdeLukeseperditdans le lointainet,pendantquelques instants,Clary recouvra lavue.Elle

étaitallongéesurlecarrelaged'unecuisineet,quelquepartau-dessusdesatête,Lukefourrageaitdansunplacard.Lacuisineavaitdesmursjaunesécaillésetunvieuxfourneauenfonteétaitadosséàl'und'eux.Lesflammesquicrépitaientàl'intérieurluibrûlaientlesyeux.

—Anis,belladone,hellébore…Lukenedétournaduplacard,lesbraschargésdebocauxenverre.—Est-ce que tu veux bien faire bouillir tout ça, Amatis ? Je vais la rapprocher du fourneau, elle

frisonne.Claryessayadeluiexpliquerqu'ellen'avaitpasbesoinqu'onlaréchauffe,qu'elleétaitdéjàbrûlantede

fièvre,mais elle ne parvint qu'à émettre des sons inarticulés.Elle s'entendit gémir tandis queLuke lasoulevaitdanssesbras,puiselleressentitunechaleuragréabledanslecôtégauche:ellenes'étaitmêmepasaperçuequ'elleavaitfroid.Ellesemitàclaquerdesdentsetsentitlegoûtdusangdanssabouche.Lemondecommençaàtanguerautourd'ellecommedel’eauqu'onagitedansunverre.

—LeLacdesRêves?lançaAmatisd'untonincrédule.Claryneladistinguaitpasnettementmais,apriori,ellesetenaitprèsdufourneau,unelonguecuillère

enboisàlamain.—Qu'est-cequevousfabriquiezlà-bas?Est-cequeJocelynesaitoù...Puis le monde autour de Clary disparut - le monde du moins, avec ses murs jaunes et la chaleur

réconfortantedesflammesderrièrelagrilledufourneau.ClaryvitleseauxdulacLyn.Dufeusereflétaitsurl'ondecommesurduverrepoli.Desangesmarchaientsurlasurface,leursailesblanchespoisséesdesangpendaientdansleurdos,lesattachesbrisées,ettousavaientlevisagedeJace.D'autresangesétaientlà,euxavaientdesailesnoirescommelanuit,etilslouchaientlefeuenriant...

—Ellenecessed'appelersonfrère.Lavoixd'Amatisrésonnaitàsesoreillescommesiellesetrouvaittrèsloinau-dessusd'elle.—IlséjournechezlesPenhallow,ruePrincewater.Jepourraispeut-être...—Non,ilvautmieuxqueJacen'ensacherien.«Est-cequej'étaisentraind'appelerJace?Pourquoij'auraisfaitunechosepareille?»sedemanda

Clary,maiscequestionnementfutdecourtedurée,etleshallucinationsreprirentdeplusbelle.Cettefois,ellevitIsabelleetAlec,quisemblaientrevenird'unebataillesanglante.Leurvisageétaitsouillédeterreetdelarmes.Puisilsdisparurent,etellerêvad'unhommesansvisage,avecdesailesnoiresdechauve-souris. Il sourit et du sang s'écoula de sa bouche. Clary ferma les yeux et pria pour que les visionscessent.Unlongmoments'écoulaavantquedesvoixprèsd'ellenelaramènentàlaréalité.

—Bois,luiditLuke.Clary,ilfautquetuboives!ça.Ellesentitdesmainssursondos;quelqu'unpresséunchiffontrempésurseslèvres.Unliquideamer

augoûtatroces'écoulagoutteàgouttedanssabouche,ellemanquas'étouffer,eutunhaut-le-cœur,maisquelqu'un lamaintenait fermement par les épaules. Elle finit par avaler le breuvagemalgré sa gorge

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enfléequilafaisaitsouffrir.—Voilà,repritLuke.Avecça,tudevraistesentirmieux.Clary entrouvrit les yeux. Agenouillés à côté d'elle Luke et Amatis l'observaient ; la même lueur

inquiètebrillaitdansleursyeuxpresqueidentiques.Sonregardseposaau-delà,etellenevitrien-niangesnidémonsaffublésd'ailesdechauve-souris-,riend'autrequedesmursjaunesetunethéièrerosepâleenéquilibreprécairesurunreborddefenêtre.

—Jevaismourir?murmura-t-elle.Lukesouritd'unairlas.

—Non.Iltefaudraunpeudetempspourreprendredesforces,maistusurvivras.—Bien.Clary était trop épuisée pour ressentir quoi que ce soit, y compris du soulagement. Elle avait

l'impression qu'on lui avait ôté tous les os en laissant sa peau pendre comme un costume trop grand.Jetantunregardéteintautourd'elle,elleditsansréfléchir:—Tuaslesmêmesyeux.Lukecilla.—Dequoiparles-tu?—Lesmêmesyeuxqu'elle,reprit-elleenreportantleregardsurAmatis,quisemblaitperplexe.Ilssont

dumêmebleu.

Lukeesquissalefantômed'unsourire.—Ehbien,cen'estguèresurprenant,étantdonné...Jen'aipaseul'occasiondefairelesprésentations.

Clary,voiciAmatisHerondale.Masœur.

L'Inquisiteursetutdèsqu'AlecetleConsulfurenthorsdeportéedevoix.Simonlesuivitdansl'étroitealléepavéeéclairéeparlalumièredesort,ens'efforçantdenepasclignerdesyeux.Ilavaitl'impressionquelesmursdelaGardesedressaientautourdelui telunnavireémergeantdesvagues.Deslumièresbrillaientauxfenêtres,teintantlecielderefletsargentés.D'autresfenêtresétaientpercéesaurasdusol,laplupartéquipéesdebarreaux,etonnedistinguaitquelesténèbresau-delà.

Enfin,ilsatteignirentuneporteenboisquisedécoupaitauboutd'unpassagevoûté.Aldertrees'avançapourladéverrouiller,etleventredeSimonsenoua.Depuisqu'ilétaitdevenuvampire,ilavaitremarquéquel'odeurcorporelledesgenssemodifiaitselonleurhumeur.Or,cellequedégageaitl'Inquisiteuravaitunrelentamerdecafé,maisenbeaucoupmoinsagréable.Simonéprouvaunpicotementfamilierdanslamâchoire l'avertissant que ses crocs voulaient sortir et il s'écarta de l'Inquisiteur au moment où ilfranchissaitlaporte.

Le long couloir blancqui s'étendait au-delà avait des alluresde tunnel, comme s'il avait été creusédanslaroche.L'Inquisiteurpressalepasenfaisantdanserlalumièredesapierrederunesurlesmurs.Malgrésespetites jambes, ilsedéplaçait remarquablementvite,et tournait la têtede tempsàautreenplissant lenezcommepourhumer l'air.Simondut accélérer à son tourpour le rattraper. Ilspassèrentdevantuneénormeportegrandeouverte.Au-delà,Simondistinguaunamphithéâtreavecdesrangéesdesièges, chacunoccupé par unChasseur d'Ombres vêtu de noir.Des éclats de voix furieux résonnaientdanslasalleetilperçutdesbribesdeconversationenpassant.

—MaisnousignoronsaujustecequeveutValentin!Iln'acommuniquésesintentionsàpersonne..!

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— Peu importe ce qu'il cherche ! C'est un renégat et un menteur. Pensez-vous vraiment que nousgagnerionsàessayerd'apaisersacolère?

—Savez-vousqu'unepatrouilleatrouvélecadavred’unenfantloup-garouauxabordsdeBrocelinde?Ilavaitétévidédesonsang.IlsemblequeValentinaitachevéleRituelicimêmeàIdris.

— Avec deux des Instruments Mortels en sa possession, il est plus puissant que n'importe quelNephilim.Nousn'auronspeut-êtrepaslechoix...

—MoncousinestmortsurcebateauàNewYork!Iln’estpasquestionquenouslaissionsValentins'entireraprèstoutcequ'ilafait!Ilfautluirendrelamonnaiedesapièce!Simonralentitlepas,curieuxd'enentendredavantage,maisl'Inquisiteurs'agitaitentoussenstelleune

grosseabeilleirascible.— Avance,dit-ilenbrandissantsapierrederunedevantlui.Nousn'avonspasbeaucoupdetemps.Jedoisretournerlà-basavantlafindelaréunion.Àcontrecœur,Simon laissa l'Inquisiteur lepousserdans le couloir tandisque lesdernièresparoles

entenduesdans la salle résonnaient encore à sesoreilles.Le souvenirde cettenuit-là sur lebateau lehantaitencore.Commeilsarrivaientdevantuneportegravéed'unerunenoire,l'Inquisiteursortituneclédesonmanteau,l'introduisitdanslaserrureetfitsigneàSimond'entreravecforcegestesdebienvenue.Ilpénétradansunepiècenueàl'exceptiond'unetapisseriereprésentantunangeémergeantd'unlac.Il

tenait une épée dans unemain et une coupe dans l'autre. Simon, qui avait déjà vu l'Épée et laCoupeauparavant, futmomentanément distrait.Ce n'est qu'en entendant la serrure cliqueter qu'il comprit quel'Inquisiteurlesavaittousdeuxenfermésdanslapièce.Iljetaunregardautourdelui.Ellenecomprenaitpasd'autresmeublesqu'unbancetunetable,surlaquelleétaitposéeuneclochedécorativeenargent.

—LePortail...Ilestici?bredouilla-t-il.—Simon,Simon...Aldertreesefrottalesmainscommeunenfantàlaperspectived’unefêted’anniversaire.—Tuesvraimentsipressédepartir?Avant,j'avaisespéréteposerquelquesquestions...— Pasdeproblème,déclaraSimonavecunhaussementd'épaulesgêné.Allez-y,demandez-moiceque

vousvoulez.— Comme tu es coopératif! C'est formidable! s'exclama Aldertree. Alors, quand es-tu devenu un

vampire,exactement?—Ilyadeuxsemaines.—Etcommentest-cearrivé?Tut'esfaitattaquerdanslarue?Àmoinsqu'onnet'aitmordudanstonlit

?Sais-tuquit'atransformé?—Euh...pasprécisément.—Mais,mongarçon!s'écriaAldertree.Commentpeux-tuignorerunechosepareille?IlposasurSimonunregardsincèrementintrigué.Àpremièrevue, ilsemblait inoffensif,à l'exemple

d'ungrand-pèreoud'unvieiloncleexcentrique.Simonavaitdûs'imaginercetteodeuraigre.—Cen'estpassisimple,protesta-t-il.Il s'efforçade relater sesdeuxvisitesà l'hôtelDumort, l'unesous la formed'un rat, l'autresousune

emprisesifortequ'ilavaiteul'impressiond'êtreprisonnierd'unepincegéante.— Bref,conclut-il,àlasecondeoùj'aimisunpieddansl'hôtel,onm'aattaqué.Jenesaispaslequel

d'entreeuxm'atransformé.Peut-êtrequ'ilsétaientplusieurs.—Oh,çanesentpasbon,gloussal'Inquisiteur.C'esttrèsfâcheux.—Jesuisbiend'accord.—L'Enclavenevapasêtrecontente.—Hein?Qu'est-cequeçapeutluifaire,lafaçondontj'aiététransforméenvampire?

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—Ehbien,ceseraitdifférentsiont'avaitattaqué,déclaraAldertreecommeàregret.Maissitut'eslivréauxvampires,c'estunpeucommesituvoulaisendevenirun.—Jen'aipasvouluêtreunvampire!Cen'estpaspourcetteraisonquejesuisentrédanscethôtel!—Biensûr,biensûr,déclaraAldertreed'untonapaisant.Changeonsdesujet,tuveuxbien?

Sansattendrederéponse,ilpoursuivit:— Comment se fait-il que les vampires t'aient laissé vivre, jeune Simon ? Étant donné que tu t'esaventuré sur leur territoire, ils auraientdû se repaîtrede ton sang jusqu'aubout,puisbrûler toncorpspourt'empêcherderenaître.Simon ouvrit la bouche pour répliquer. Il aurait fallu expliquer à l'Inquisiteur que Raphaël l'avait

emmenéàl'Institut,puisqueJace,ClaryetIsabellel'avaientconduitaucimetièreetqu'ilsavaientgardéunœilsurluipendantqu'ils'extirpaitdesatombe.Cependant,ilhésita.Bienqu'iln'aitqu'unevagueidéedufonctionnementdelaLoi,ildoutaitqu'ilsoitdansleshabitudesd'unChasseurd'Ombresderegarderunvampirerenaîtreoudeluifournirlesangdesonpremierrepas.

—Jen'ensaisrien.J'ignorepourquoiilsm'onttransforméaulieudemetuer.— Mais l'un d'eux a dû te laisser boire son sang sans quoi... eh bien, tu ne serais pas ce que tu es

aujourd'hui.Nevapasmedirequetuneconnaispaslenomdetonmaître!«Monmaître?»Simonn'yavaitjamaispenséen;cestermes.IlavaitbulesangdeRaphaëlpresque

parijaccident.Enoutre,ilavaitdumalàleconsidèrescommesonmaître.Raphaëlavaitl'airplusjeunequelui.

—J'aibienpeurquesi.—Oh,c'estbiendommage,ditl'Inquisiteuravecunsoupir.—Qu'est-cequiestdommage?—Ehbien,lefaitquetumementes,mongarçon.Aldertreesecoualatête.— Etmoiquiespéraisquetucoopérerais.C'estvraimentterrible.Tun'envisagespasdemerévélerla

vérité,mêmeàtitredefaveur?—Maisjevousdislavérité!—Queldommage,répétal'Inquisiteurd'unairaccablé.

Iltraversalapièceetfrappaàlaportesanscesseildesecouerlatête.—Qu'est-cequisepasse?s'enquitSimonavecinquiétude.EtlePortail?—LePortail?Aldertreepouffa.—Tunepensaistoutdemêmepasquej'allaistelaisserfiler?AvantqueSimonpuisseprotester,laportes'ouvritàlavoléeetdesChasseursd'Ombresvêtusdenoir

firentirruptiondanslapièce.Desmainsrobusteslesaisirentparlebrasetluijetèrentunsacsurlatête.II donna des coups de pied à l'aveuglette et entendit quelqu'un pousser un juron. Il sentit qu'on lerepoussaitviolemmentetunevoixfurieuserugitdanssonoreille:

—Recommence,vampire,etjetevidedel'eaubénitedanslegosier.Ensuite,jeteregarderaimourirencrachantdusang.

— Assezdemenaces!fit lapetitevoixde l'Inquisiteur(ilsemblaitcontrarié).J'essaieseulementdedonnerunepetiteleçonànotreinvité.Ilavaitdûserapprochercar,àtraverslesacquiluicouvraitlatête,Simonsentitdenouveausonodeur

étrange,unpeuamère.—Simon,Simon,repritAldertree.Cefutunplaisirdeterencontrer.J'espèrequ'unenuitdanslaprison

delaGardeaural'effetescomptéetque,demainmatin,tutemontrerasunpeupluscoopératif.J'entrevois

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encoreunbelavenirpournousdeux,unefoisquenousauronsdépassécepetitdifférend.Samainvintseposersurl'épauledeSimon.

—Emmenez-leausous-sol.Simonpoussaunhurlementétoufféparlesac.LesChasseursd'Ombresletraînèrenthorsdelapièce,

puislepoussèrentdansunlabyrintheinterminabledecouloirssinueux.Ilsparvinrentaupiedd'unescalierqu'onlui fitgrimperdeforce. Il ignorait toutde l'endroitoù ilsétaient,exceptéqu'uneodeurdepierrehumide flottait autour de lui et que l'air devenait de plus en plus moite et froid à mesure qu'ilsdescendaient.Enfin,ilss'arrêtèrent.Simonperçutunbruitsemblableauraclementdumétalsurlapierre,puisonle

poussasansménagementetilatterritsurlesgenoux.Ilentenditlecliquetisd'uneportequiserefermait,etun bruit de bottes qui s'éloignait. Il se releva péniblement, ôta le sac de toile et le jeta à terre.L'impressiond'étoufferqu'il éprouvait jusqu'alors sedissipa,et il réprima l'envied'aspirerunegrandeboufféed'aircarcen'étaitdésormaisplusunenécessitémaisunsimple réflexe ;cependant, ilavait lapoitrinecompriméecommes'ilmanquaitdesouffle.Il se trouvaitdansunecelluleauxmursdepierrenue,dotéed'uneseule fenêtreàbarreaux justeau-

dessusd'un lit étroit,visiblement très inconfortable.A traversunepetiteporteentrouverte, ildistinguauneminusculesalledebainséquipéed'unlavaboetdetoilettes.Àsadroite,uneautreportesedécoupaitdansdegrosbarreauxenferfichésdanslesoletleplafond.Unerunenoireétaitgravéesurlapoignéeencuivre.Enyregardantdeplusprès,ilconstataquechaquebarreaudesacelluleétaitcouvertderunes,ycomprisceuxdelafenêtre.Même s'il se doutait que la porte était verrouillée, Simon ne put s'empêcher de vérifier. Il saisit la

poignéeàpleinemainetreculaavecunhurlementdedouleur.Demincesvolutesdefumées'élevèrentdesapaume;undessincomplexes'étaitimprimésursalpeau.IlressemblaitunpeuàuneétoiledeDavidàl'intérieurd'uncercle,des runesdélicates tracéesentre les lignes.Simonavait l'impressiond'avoirétébrûléauferrouge.Ilserralepoingengémissant.

—Qu'est-cequec'estqueça?murmura-t-il,bienqu’ilsedoutâtquepersonnenepouvaitl'entendre.—C'estleSceaudeSalomon,réponditunevoix.Ilparaîtqu'onpeutylirel'undesvéritablesnomsde

Dieu.Ilrepousselesdémonsetceuxdetonespèce,étantunarticledetafoi.Simonseredressabrusquement.Lasurpriseluifitpresqueoubliersamainendolorie.

—Quiestlà?Quiaparlé?— J'occupelacelluleàcôtédelatienne,vampire,réponditlavoixaprèsunsilence(c'étaitlavoixun

peurauqued'unhommed'uncertainâge).Lesgardesontpassélajournéeàdiscuterdumeilleurmoyendeteconfiner ici.Alors, à taplace, jenemedonneraispas lapeined'essayerde sortir.Tu feraismieuxd'économisertesforcesjusqu'àcequetuaiesdécouvertcequel'Enclaveattenddetoi.

— Ils ne peuvent pasme retenir ici, protesta Simon. Je ne suis pas de cemonde.Ma famille vas'apercevoirdemadisparition.

— Ils s'en sont occupés. Il existe des sortilèges très simples, quemême un sorcier débutant sauraitutiliser,capablesdedonneràtesparentsl'illusionquetonabsenceestparfaitementjustifiée.Unvoyagescolaire. Une visite à un membre de la famille. C'est très faisable. Tu crois qu'ils n'ont jamais faitdisparaîtreuneCréatureObscureauparavant?

Lavoixdel'inconnunetrahissaitnimenacenirévolte;elleseconsentaitd'énoncerdesfaits.—Quiêtes-vous?Unvampire,vousaussi?C'estdonciciqu'ilsnousretiennentprisonniers?Cettefois,sesquestionsn'obtinrentpasderéponse.Ilfitunenouvelletentative,maisàl'évidence,son

voisinavaitdécidéqu'ilavaitassezparlé.LadouleurdanslamaindeSimons'étaitcalmée.Baissantlesyeux,ilconstataquesapeaunecomportaitplusaucunetracedebrûlure,maisqueleSceauétaittoujours

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imprimésursapaume,commesionl'avaittracéàl'encrenoire.Ilexaminalesbarreauxdesacelluleets'aperçutque,outrelesrunes,ilsétaientcouvertsd'étoilesdeDavidetdecitationsdelaTorahenhébreu.Lesgravuressemblaientrécentes.«Lesgardesontpassélajournéeàdiscuterdumeilleurmoyendeteconfinerici»,avaitditl'homme.Combledel'ironiecen'étaitpastantsanaturedevampirequileretenaitentrecesmursquelefaitd'êtrejuif.IlsavaientconsacrédesheuresàgraverleSceaudeSalomonsurlapoignéedelaporteafinqu'ilsebrûleenlatouchant.Illeuravaitfallutoutcetempspourretournerlesarticlesdesafoicontrelui.C'estàlalumièredecedernierconstatqu'ilperditcequiluirestaitdesang-froid.Ilselaissatomber

surlelitetenfouitsatêtedanssesmains.La rue Princewater était plongée dans la pénombre quandAlec revint de laGarde. Les volets des

maisons étaient fermés, et seuls quelques réverbères alimentés par la lumière de sort projetaient desflaquesdelumièrelaiteusesurlespavés.LademeuredesPenhallowétaitlamieuxéclairéeduquartier:desbougiesbrillaientauxfenêtres,etunraideclartéjaunefiltraitàtraverslaported'entréeentrebâillée.Jace était assis sur le muret du jardin. Il leva les yeux à l'approche d'Alec et frissonna

imperceptiblement.Ilneportaitqu'unevestelégèreetlefroidétaittombéaucoucherdusoleil.Leparfumdélicatdesdernièresrosesflottaitdansl'airglacial.Alecs'assitsurlemuretàcôtédesonami.—Tum'asattendudehorstoutcetemps?—Quiaditquejet'attendais?—Touts'estbienpassé,sic'estcequit'inquiète,j'ailaisséSimonavecl'Inquisiteur.—Tun'espasrestépourt'assurerqu'ilétaitreparti?—Touts'estbienpassé,répétaAlec.L'Inquisiteuràpromisdel'escorterenpersonnejusqu'au...—L'Inquisiteurapromis,l'interrompitJace.Ladernièrepersonnequiaitoccupéceposteaoutrepassé

sespouvoirs.Siellen'étaitpasmorte,l'Enclavel'auraitsuspenduedesesfonctions,voirefrappéed'unemalédiction.Qu'est-cequinousprouvequecenouvelInquisiteurn'estpasunfoufurieux,luiaussi?

—Ilm'asemblétrèscorrect,protestaAlec.Gentil,même.Ils'estmontréparfaitementpoliavecSimon,écoute,Jace.C'estcommeçaqueprocèdel'Enclave.Onnepeutpastoutcontrôler.Ilfautbienleurfaireconfiance,sansquoic'estlechaos.

—Ilsontbeaucoupdérapécesdernierstemps,admets-le.—Peut-être,concédaAlec,maissitucommençaisàtecroireplusmalinquel'Enclaveetau-dessusde

laLoi,tunevaudraispasmieuxquel'InquisitriceniqueValentin.JacetressaillitcommesiAlecl'avaitgiflé.Celui-cisentitsonventresenouer.

—Pardon,dit-ilentendantlamain.Jenevoulaispas.Un rai de lumière éblouissante illumina soudain le jardin. Levant les yeux, Alec vit la silhouette

d'Isabelles'encadrerdans laporteéclairée. Ilcompritàsesmainsposéessurseshanchesqu'elleétaitfurieuse.

—Qu'est-cequevousfabriquezdehorstouslesdeux?Toutlemondesedemandaitoùvousétiezpassés.Alecsetournaverssonami.—Jace...

Maiscelui-ci,aprèss'êtrelevéd'unbond,ignorasamaintendue.—J'espèrepourtoiquetuasraisonausujetdel'Enclave,secontenta-t-ildedire.Alec le regarda regagner lamaison au pas de charge. Soudain, lesmots de Simon lui revinrent en

mémoire! «Je passemon temps àme demander si on pourra redevenir amis comme avant ou si c'estirréparable.»

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Laportesereferma,etAlecseretrouvaseuldanslejardinplongédanslapénombre.Ilfermalesyeuxuninstant,etunvisages'imprimabrièvementderrièresespaupières.Cen'étaitpasceluideJace,pourunefois.Savisionavaitdesyeuxvertsauxpupillesfendues.Desyeuxdechat.Rouvrantlesyeux,ilfourrageadanssasacoche,ensortitunstyloetuncarnetàspiralesquiluitenait

lieude journal.Aprèsavoirarrachéune feuilledepapier, ilgriffonnaquelquesmotsenhâteet,de lapointedesastèle,traçauneruneaubasdelafeuille.Toutallaplusvitequ'ilnel'auraitcru:aprèss'êtreenflammé,leboutdepapiers'envolacommeuneluciole.Bientôt,iln'enrestaqu'unetraînéedecendresquis'éparpillatelunnuagedepoudreblanchesurlesmassifsderoses.

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5.UnTrouDeMémoire

CLARY S'ÉVEILLA au beaumilieu de l'après-midi ; un rayon de lumière pâle braqué en plein sur sonvisage dessinait des nuances de rose derrière ses paupières.Elle sursauta et ouvrit les yeux à grand-peine.La fièvre s'était dissipée, et avec elle l'impression que ses os se dissolvaient et se brisaient à

l'intérieur de son corps. Elle jeta un regard intrigué autour d'elle: Elle se trouvait dans la chambrequ'Amatisdevaitréserveràseshôtes:lapièceétaitpetite,peinteenblanc,lelitrecouvertd'unédredonenpatchworkauxcouleursvives.Desrideauxendentellesuspendusàdesfenêtresenformedehublotslaissaient entrer la lumière du jour. Elle se redressa lentement, s'attendant à être submergée par unnouveauvertige.Rienneseproduisit.Ellesesentaitenparfaitesanté,etmêmebienreposée.S'extirpantdulit,elleexaminasatenue.Elleportaitunpyjamafroissé,d'unblancimmaculé,quiétaitbeaucouptropgrandpourelle:lesmanchespendaientcomiquementsursesmains.Elle s'avançavers l'unedes fenêtres circulaires et jeta un coupd'œil au-dehors.À flancde colline

s'alignaientdesmaisonsenpierreclairedontlestoitsdebardeauxsemblaientavoirétécoulésdansdubronze.Cecôtédelamaison,àl'opposéducanal,donnaitsurunpetitjardinquel'automneavaitteintéd'oretderoux.Surunetreilles'enroulantcontreunmur,unedernièreroseperdaitsespétalesbrunis.Lapoignéede laporte trembla,etClary regagnaenhâteson lit justeavantqu'Amatisentreavecun

plateau dans les mains. Elle leva les sourcils en voyant que Clary était réveillée, mais ne fit aucuncommentaire.—OùestLuke?demandalajeunefilleenrabattantlacouverturesurellepourêtreplusàsonaise.Amatis déposa sur la table de nuit le plateau chargé d'une tasse remplie d'un liquide fumant et de

tartinesdepainbeurré.—Tudevraismangerquelquechose.Tutesentirasmieux.—Jemesensbien.OùestLuke?Amatis s'installa dans un fauteuil près de la table, croisa les mains sur ses genoux et observa

calmementClary.Alalumièredujour,ondistinguaitnettementlesridesdesonvisage:elleparaissaitbeaucoup plus âgée que Jocelyne bien qu'a priori elles n'aient pas une grande différence d'âge. Lescheveuxbrunsd'Amatisétaientstriésdegris,etelleavaitlesyeuxrougiscommesiellevenaitdepleurer.

—Iln'estpaslà.—Quoi?Iln'estpaslàparcequ'ilestalléacheterduCocaaucoindelarueou...— Ilestparticematinàl'aubeaprèst'avoirveilléetoutelanuit.Quantàsadestination,ilnel'apas

précisée.Le ton d'Amatis était sec et, si Clary n'avait pas été épuisée, elle se serait peut-être amusée de sa

ressemblanceavecLukeencemomentmême.—Lorsqu'ilvivaitici,avantsondépartd'Idrisetaprèssa...Transformation,ilétaitàlatêted'unemeute

quiavaitéludomiciledanslaforêtdeBrocelinde.Ilm'aannoncéqu'ilallaitleurrendrevisitaimaisiln'apasspécifiépourquoi.Ilm'aseulementditqu'ilseraitderetourd'iciquelquesjours.

—Ilm'alaisséeseuleici?Qu'est-cequejesuiscenséefaire?L'attendreenmetournantlespouces?—Ilnepouvaitpast'emmeneraveclui!Enoutre,ilnepeutpasteramenercheztoidansl'immédiat.Tu

as enfreint la Loi en venant ici, et cela n'échapperai pas à l'Enclave. Tu ne peux pas compter sur samagnanimitépourtelaisserpartir.

— Je n'ai pas envie de rentrer chez moi. Je suis ici pour... rencontrer quelqu'un. J'ai un devoir à

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accomplir.— Luke m'a expliqué. Laisse-moi te donner uni conseil : tu ne trouveras Ragnor Fell que s'il le

souhaite.—Mais...—Clarissa,ditAmatisenplantantsonregarddanslesien.NousattendonsuneattaquedeValentinàtout

moment.PresquetouslesChasseursd'Ombresd'Idrissontenville,souslaprotectiondesboucliers.Leplussûrpourtoi,c'estderesteràAlicante.Claryseraidit.Sileconseild'Amatisluisemblaitraisonnable,ilneparvenaitpaspourautantàfaire

taire lapetitevoixdans sa têtequi lui soufflait que samissionnepouvaitpas attendre. Il lui faudraitretrouverRagnorFelldanslesplusbrefsdélais:elledevaitsauversamèredèsàprésent.Réprimantunaccèsdepanique,elleaffectauntondésinvolte—Lukenem'ajamaisditqu'ilavaitunesœur.—Pourquoil'aurait-ilfait?Nousn'avonsjamaisétéproches.—Ilm'aditquevousvousappeliezHerondale.C'estlenomdel'Inquisitrice,n'est-cepas?—Oui,réponditAmatis,levisagecrispécommesilesmotsluicoûtaient.C'étaitmabelle-mère.Qu'avaitracontéLukeausujetdel'Inquisitrice?Qu'elleavaitunfils,quiavaitépouséunefemmeayant

danssafamilledes«élémentsindésirables».—VousétiezlafemmedeStephenHerondale?Amatisparutsurprise.

—Tuconnaissonnom?—Oui,c'estLukequimel'adit.Maisjecroyaisquesafemmeétaitmorte.Quec'étaitpourcetteraison

quel'Inquisitriceétaitaussi...«Odieuse»,songea-t-elle,maisl'adjectifluisemblacruel.

—...amère,dit-elleenfin.Amatispritlatassequ'elleavaitapportée;samaintremblaitunpeu.

— Oui,elleestmorte.Elles'estsuicidée.JeparledeCéline,lasecondeépousedeStephen.J'étaislapremière.

—Vousaviezdivorcé?—Quelquechosedanscegenre-là.D'ungestebrusque,AmatistenditlatasseàClary.

—Tiens,bois.Ilfautquetuteremplissesleventre.Claryacceptadistraitementlatasseetavalaunegorgéedeliquide;ilétaitépaisetsalé.Cen'étaitpas

duthémaisdelasoupe,contrairementàcequ'elleavaitcruenpremierlieu.—Etqu'est-cequis'estpasséensuite?Lesyeuxperdusdanslevague,Amatisrépondit:

—QuandLukeaété...quand il luiestarrivéceque tusais,Valentins'estmisenquêted'unnouveaulieutenant.IlachoisiStephen:nousvenionsalorsderejoindreleCercle.D'aprèsValentin,iln'étaitpasconvenablequelafemmedesonplusprocheamietconseillersoitlasœurd'un...

—Loup-garou.—Ilaemployéunautreterme,déclaraAmatisavecamertume.IlaconvaincuStephend'annulernotre

mariage et de se trouver une nouvelle épouse qu'il aurait soin de choisir pour lui. Céline était trèsjeune…trèsdocile.

—C'esthorrible.Amatissecoualatêteavecunrireforcé.

—C'étaitilyalongtemps.Stephens'estmontrégénéreux,jetrouve:ilm'adonnésamaisonpuisila

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emménagédanslemanoirdesHerondaleavecsesparentsetCéline.Jenel'aijamaisrevuparlasuite.J'ai quitté le Cercle, bien entendu. Ils ne voulaient plus de moi. La seule à me rendre visite, c'étaitJocelyne.Ellem'amêmeracontéqu'elleétaitalléevoirLuke...(Amatisrepoussasescheveuxgrisonnantsderrièresesoreilles.)J'aiapprislamortdeStephenplusieursjoursaprèssondécès.QuantàCéline...jel'avaishaïe,etpourtantj'aieudelapeinepourelle.Elles'esttranchélespoignets,paraît-il...Ilyavaitdusangpartout.(Ellepoussaungrandsoupir.)J'aiperçuImogèneauxfunéraillesdeStephen,alorsqu'ilsinhumaient son corps dans lemausolée familial.Elle n'amêmepas eu l'air deme reconnaître.On l'anommée Inquisitrice peu après. L'Enclave pressentait Que personne, mieux qu'elle, n'aurait pupourchasser impitoyablement les anciensmembres duCercle... et elle a vu juste. Si Imogène avait pulaverlesouvenirdeStephendansleursang,ellel'auraitfait.Claryseremémoraleregarddurdel'Inquisitrice,ets'efforçad'éprouverdelacompassionpourelle.—Jecroisqueçal'arenduecomplètementfolle,observa-t-elle.Elleaétéhorribleavecmoi,etavec

Jace,surtout.Onauraitditqu'ellesouhaitaitsamort.— C'estlogique.Tuesleportraitcrachédetamère,etc'estellequit'aélevée,maistonfrère...Est-ce

qu'ilressembleautantàValentinqueturessemblesàJocelyne?—Non,réponditClary.Jaceneressemblequ'àlui.

Unfrissonluiparcourutledosàlapenséedesonfrère.—IlesticiàAlicante,songea-t-elletouthaut.Sijepouvaislevoir...—Non,ditAmatisd'untonsansappel.Tun'aspasledroitdesortirdelamaisonnidevoirquiquece

soit,etsurtoutpastonfrère.—Voussous-entendezquejesuisreléguéeicicommeuneprisonnière?s'exclamaClary,horrifiée.— C'estl'affaired'unjouroudeuxet,detoutemanière,tun'espasencoresurpied.Tudoistereposer.

L'eaudulacafaillitetuer.—MaisJace...— C'estunLightwood.Tunepeuxpasallerlà-bas.Alasecondeoùilsteverront,ilseninformeront

l'Enclave.Or,tun'espaslaseuleàavoirdesennuisaveclaLoi.Lukeestconcerné,luiaussi.«MaislesLightwoodnemetrahiraientjamaisauprèsdel'Enclave,pensaClary.Jamaisilsneferaient

unechosepareille...»Lesmotsmoururentsurseslèvres.Ellecomprenaitqu'ellen'avaitaucunmoyendeconvaincreAmatisquelesLightwoodqu'elleavaitcôtoyésquinzeansplustôtn'étaientplus:RobertetMarysen'avaientplusrienencommunaveclesfanatiquesaveuglémentloyauxqu'ilsétaientalors.Cettefemmeétaitpeut-être lasœurdeLuke,maisc'étaituneétrangèreauxyeuxdeClary.Luke lui-mêmenel'avaitpasvuedepuisseizeans;iln'avaitjamaismentionnésonexistence.Claryseradossaauxoreillersetfeignitd'êtrefatiguée.

—Vousavezraison.Jemesenspatraque.Jecroisquejeferaismieuxdedormirunpeu.—Bonneidée.

Amatissepenchapourluiprendrelatassevidedesmains.— Si tu veux prendre une douche, la salle de bains est au bout du couloir. Tu trouveras des vieux

vêtementsàmoidansuncoffreaupieddulit.Avued'œiltufaisàpeuprèslamêmetaillequemoiàtonâgedoncilst'irontpeut-être.Contrairementàcepyjama,ajouta-t-elleavecunpâlesourirequeClaryneluirenditpas.Elledevaitseretenirdenepasdonnerdescoupsdepoingdefrustrationdanslematelas.Dèsl'instant

ou la porte se referma surAmatis,Clary sauta du lit et se rendit dans la salle de bains avec l'espoirqu'une douche chaude lui éclaircirait les idées. À son grand soulagement, malgré leur mode de vievieillot,lesChasseursd'Ombrescroyaientapparemmentauxvertusdelaplomberiemoderneetdel'eaucourante.Elletrouvamêmeunsavonàlaforteodeurcitronnéepourdébarrassersescheveuxdel'odeur

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persistantedulacLyn.Quandellesortitdelasalledebains,emmaillotéedansdeuxserviettes,ellesesentaitbeaucoupmieux.Deretourdanslachambre,ellefouillalamalled'Amatis.Lesvêtementssoigneusementpliésavaient

étéenveloppésdansdupapierdesoie.Lecoffrecontenaitdestenuesd'écolièreoucequiyressemblait:degrospullsenmérinosavecunepochedepoitrinerebrodéed'uninsigneévoquantquatreCcollésdosàdos;desjupesplisséesetdeschemisiersboutonnésauxmanchesétroites.Unerobedemariéeblanchereposait entre deux couches de papier, et Clary la mit de côté avec des gestes précautionneux. Endessous, elle trouva une autre robe, en soie argentée celle-là, avec de fines bretelles rehaussées depierreries. « C'est le genre de vêtement que ma mère aurait porté pour aller au bal avec Valentin»,songea-t-ellemalgréelleavantde remettre la robeàsaplaceen faisantglisser le tissu froidet satinéentresesdoigts.ToutaufonddelamallesetrouvaitunetenuedeChasseurd'Ombresqu'elledépliasursesgenoux,intriguée.Lapremièrefoisqu'elleavaitvuJaceetlesLightwood,ilsportaientleuruniformedecombat : desvêtementsmoulants coupésdansun tissunoir très solide.Deprès, elle constataqu'ils'agissait en réalité d'un cuirmat très fin, souple et près du corps.La tenue se composait d'une vestezippéeetd'unpantalonse fermantaumoyend'unsystèmed'attachescompliquées.Elleétaitcomplétéed'unegrosseceinture,conçuepourporterdesarmes.Bienentendu,Claryauraitdûenfilerunpulletunedes jupesplisséesqu'elleavait trouvéesdans la

malle.C'était sansdoutecequ'Amatisattendaitd'elle.Mainquelquechose l'attiraitdansceshabitsdeguerrier;elles'étaittoujoursdemandédequoielleauraitl'air…Quelquesminutesplustard,lesserviettesgisaientaupieddulitetClarys'examinait,surpriseetunrien

amusée,danslemiroirenpied.Latenueluiallaitparfaitement:sansêtretropserrée,elleépousaitlescourbesdeseshanchesetdesapoitrine.Claryavaitl'impressiond'avoirdesformes,cequiétaitnouveaupourelle.Cesvêtementsneluidonnaientpasl'allured'uneguerrièreredoutable-elledoutaitquedetelsvêtements existent -mais, aumoins, elle semblait plusgrande, et lenoir créait uncontraste saisissantavecsacouleurdecheveux.«Jeressembleàmamère»,pensa-t-elle,interloquée.Jocelyne,soussesairsdepoupée,avaittoujourseuunmorald'acier.Clarys'étaitsouventdemandéce

quesamèreavaitvécuautrefoispourêtreaussiforteetindomptable,aussicourageuseetentêtée.«Est-cequetonfrèreressembleautantàValentinqueturessemblesàJocelyne?»avaitdemandéAmatis,etClaryauraitvoulurépondrequ'ellen'avaitrienencommunavecsamère,quecettedernièreétaitbelle,contrairement à elle.Cependant, la Jocelyne qu'avait connueAmatisi vait comploté contreValentin etforgéensecretuneallianceentreNephilimetlesCréaturesObscures,quiavaitdétruitleCercleetsauvéles Accords. Cette Jocelyne-là n'aurait jamais consenti à rester entre les quatre murs d'une chambrependantquelemondesedésagrégeait.Sansprendreletempsderéfléchir,Claryallapousserleverroudelaporte,puiselles'avançaversla

fenêtreetl'ouvrit.Latreilles'agrippaitaumurdepierrecomme...«Commeuneéchelle,songea-t-elle.Etonnerisqueriensuruneéchelle.»Prenantunegrandeinspiration,elleenjambalereborddelafenêtre.Les gardes revinrent chercher Simon le lendemain matin. Ils l'arrachèrent sans ménagement à un

sommeilagité,peupléderêvesétranges.Cettefois,ilsneprirentpaslapeinedeluibanderlesyeuxet,tandisqu'ilsl'escortaienthorsdesacellule,iljetauncoupd'œilfurtifàtraverslagrilleducachotvoisin.S'ilavaitespéréentrapercevoirlepropriétairedelavoixrauquequ'ilavaitentenduelanuitprécédente,ilétaitdéçu.Laseulechosevisibleau-delàdesbarreauxévoquaituntasdehaillons.Lesgardesluifirentemprunterunesuccessiondecouloirsgrisâtres,lepoussantdevanteuxdèsqu'il

faisaitminederalentir.Enfin, ilspénétrèrentdansunepiècedont lesmursétaient tapissésdeportraits

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d'hommes et de femmes en tenue de Chasseurs d'Ombres. Les cadres des tableaux étaient gravés demotifsruniques.Sousleplusimposantsetrouvaituncanapérougeoùétaitassisl'Inquisiteur,ungobeletenargentàlamain.IlletenditàSimon.

—Unpeudesang?Tudoisavoirfaimàcetheure.A la vue du liquide rouge, Simon se sentit défaillir, ses veines aimantées par le sang comme des

ficellesactionnéesparunmarionnettiste.C'étaitunesensationdésagréable,presquedouloureuse.—C'estdusang...humain?—Voyons,mongarçon!gloussaAldertree.Nesoispasridicule!C'estdusangdechevreuilbienfrais.Simongardalesilence.Ilsentitunpicotementdanssalèvreinférieure:sescrocsvenaientdesortirde

sesgencives,etlegoûtdesonpropresangsursalangueluidonnalanausée.Aldertreefitlagrimace.—Seigneur...

Puis,setournantverslesgardes,ilordonna:—Laissez-nous,messieurs.Unefoislesgardespartis,ils'arrêtasurleseuiletregardaSimond'unairouvertementdégoûté.—Non,merci,lâchacelui-ci,lalanguepâteuse.Jen'enveuxpas.—Tescrocsenontdécidéautrement,jeunehomme,répliquaAldertreed'untonaffable.Tiens.Bois.IltenditlacoupeàSimon,etl'odeurdusangfraisserépanditdanslapiècecommeleparfumdesroses

dansunjardin.Sesincisives,àprésentcomplètementsorties,entaillèrentsalèvreinférieure.Ladouleurelréveillacommeunegifle.Arrachantlegobeletdesmainsdel'Inquisiteur, il levidaentroisgorgéespuishonteux,leposasurlebrasducanapéd'unemaintremblante.«Inquisiteur:1.Simon:0»,pensa-t-il.

—J'espèrequetun'aspaspasséunenuittropdésagréabledanstacellule?Noscachotsnesontpasdeschambres de torture, mon garçon, mais des lieux de réflexion. Il faut réfléchir pour avoir les idéesclaires,tunetrouvespas?J'espèrequetuenasprofitépourméditer.Tum'asl'aird'êtreunjeunehommeraisonnable.

L'Inquisiteurpenchalatêtedecôté.—Jet'aiapportémoi-mêmeunecouverture.JeneVoulaispasquetutombesmalade.—Jesuisunvampire.Nousnesentonspaslefroid.—Oh,fitlepetithomme,l'airdésappointé.— Mercipour les étoilesdeDavid et leSceaudeSalomon, ajouta sèchementSimon.C'est toujours

agréablederencontrerdesgensquis'intéressentàmareligion.—Biensûr,biensûr!s'exclamaAldertree.Formidables,cesgravures,n'est-cepas?Etàtouteépreuve,

évidemment!J'imaginequ'iltesuffiraitdetoucherlaportedetacellulepourquelapeaudetamainparteen lambeaux!gloussa-t-il,visiblementamuséparcetteperspective.Bref.Pourrais-tu reculerd'unpas,mongrand?Justepourmefaireplaisir.

Simons'exécuta.Rienneseproduisit,etpourtantl'Inquisiteurouvritdegrandsyeux.—Jevois,souffla-t-il.—Vousvoyezquoi?—Regardeoùtues,jeuneSimon.Simonjetauncoupd'œilautourdelui:rienn'avaitchangédanslapièce,etilluifallutquelques

instantspourcomprendredequoiparlaitAldertree.Ilsetenaitsousunelucarneautraversdelaquellefiltraitunrayondesoleiléblouissant.

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Aldertreesetortillaitpresqued'excitation.—Tu es en plein soleil, et ses rayons n'ont aucun effet sur toi. Jamais je n'aurais cru cela possible.

Enfin,onm'enavaitparlémaisjen'aijamaisrienvudetel.Simongardalesilence.

—Laquestionquis'impose,évidemment,poursuivitAldertree,estlasuivante:connais-tul'originedecephénomène?

—Peut-êtrequejesuisplusgentilquelesautresvampires.Simonregrettainstantanémentsesparoles.Aldertreeplissalesyeux,etuneveineapparuttelungros

versursatempe.Manifestement,iln'aimaitpaslesplaisanteriesquandiln'enétaitpasl'auteur.—Trèsamusant.Questionsuivante:es-tuunvampirediurnedepuisquetuessortidetatombe?—Non,réponditSimond'untoncirconspect.Danslespremierstemps,lesoleilmebrûlait.Lemoindre

rayonmetransperçaitlapeau.— Certes, déclara Aldertree en hochant vigoureusement la tête, comme s'il ne devait pas en être

autrement.Alors,quandas-turemarquépourlapremiersfoisquetupouvaistepromenerenpleinjour?—C'étaitlelendemaindelagrandebataillesurlebateaudeValentin...— Au cours de laquelle il t'a capturé, c'est bien ça ? Il t'a gardé prisonnier sur son bateau avec

l'intentiond'utilisertonsangpourcompléterleRitueldeConversionInfernale.—Voussavezdéjàtout,ondirait.Vousn'avezplusbesoindemoi.—Ohnon,loindelà!s'écriaAldertreeenlevantlesbrasauciel.Simonremarquaqu'ilavaitdetoutespetitesmains,sipetitesqu'ellessemblaientdisproportionnéespar

apportàsesbrasdodus.—Tuasbeaucoupd'éclaircissementsàm'apporter,moucher!Parexemple,jenepeuxm'empêcherde

medemandersiquelquechosesusceptibledemodifierlanatures'estproduitsurcebateau.Uneidée?« J'ai bu le sang de Jace », songea Simon. L'espace d'une seconde, il fut tenté d'en faire part à

l'Inquisiteurparpureméchanceté,puislalumièresefitbrusquementdanssonesprit:«J'aibulesangdeJace.»Etait-cecelaquil'avaittransformé?Qu'ils'agisseounond'unepossibilité,devait-ilraconteràl'InquisiteurcequeJaceavaitfaitpourlui?ProtégerClary,c'étaitunechose;protégerJaceenétaituneautre.Ilneluidevaitrien.Aprèsréflexion,cen'étaitpaslastrictevérité.Jace,enluioffrantsonsang,luiavaitsauvélavie.Un

autreChasseurd'Ombresaurait-ilagidemêmepoursauverunvampire?Etmêmes'ilnel'avaitfaitqueparamourpourClary,quelleimportance!Simonsesouvintd'avoirditàcemoment-là:«J'auraisputetuer.»Jaceavaitrépondu:«Jet'auraislaisséfaire.»Iln'osaits'imaginerquelsennuisattendaientJacesil'Enclaveapprenaitqu'ilavaitsauvélavied'unvampireparcebiais.

—Jenemerappellepluscequis'estpassésurlebateau,déclara-t-il.Valentinavaitdûmedroguer.Lestraitsd'Aldertreesedécomposèrent.—Quellenouvellefâcheuse!J'ensuisdésolé.—Moiaussi,ditSimonmalgrélui.—Alorstunetesouvienspasd'unseuldétail?— Seulementdem'êtreévanouiquandValentinm'aattaqué.Jesuisrevenuàmoiunpeuplustarsur...

surlaplate-formedelacamionnettedeLuke.Riendeplus.Aldertreeresserralespansdesacapeautourdelui.

— IlparaîtquelesLightwoodsesontprisd'affectionpourtoi.Maislesautresmembresdel'Enclavénesemontrerontpasaussi...compréhensifs.TuasétéfaitprisonnierparValentin,tuesressortidecetteconfrontationavecunnouveaupouvoirexceptionnel,etvoilàqu'on te retrouveaucœurd'Idris.Auvudesapparences,qu'est-cequ'onendéduira,àtonIavis?

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SilecœurdeSimonavaitencorepubattre,ilselseraitemballé.—Vouspensezquej'espionnepourlecomptedeValentin.

Aldertreepritl'airoutragé.— Mongarçon,mongarçon!Jetefaisconfianceçavadesoi.Maisquantàl'Enclave,j'aibienpeur

qu'elle soit plus suspicieuse. Nous avions tant espéra que tu pourrais nous aider ! Vois-tu - et je nedevraitpastedirecela,maisjesensquejepeuxmeconfieràtoi-,l'Enclaveestdansdesalesdraps.

—Ahbon?fîtSimon,perplexe.Maisquelestlerapportavec...—Voilà,l'Enclaveestdivisée...enguerreavecelle-même,pourrait-ondire,encesheuresagitées.Des

erreursontétécommisesparmonprédécesseuretd'autres...Peut-êtrequ'ilvautmieuxnepass'étendresur le sujet. Mais, vois-tu, l'autorité même de l'Enclave, du Consul et de l'Inquisiteur est remise enQuestion.Valentin semble toujours avoir une longueur d'avance sur nous, comme s'il connaissait nosprojetsavantl'heure.NileConseilniMalachineserangerontàmonavisaprèscequis'estpasséàNewYork.

—Jecroyaisquec'étaitl'Inquisitrice...—C'estMalachi qui l'a nommée à ce poste. Bien sûr, il ne pouvait pas savoir qu'elle deviendrait

complètementfolle...—Mais,objectaSimonavecunepointed'aigreur,laencorec'estunequestiond'apparences.

Laveineréapparutsurlefrontd'Aldertree.—Tuesmalin.Ettuasraison.Lesapparencessontimportantes,surtoutenpolitique.Onpeuttoujours

manipulerlesfoules,pourvuqu'onaitunebonnehistoireàleurservir.IlsepenchaversSimon,lesyeuxrivéssurlui.

—Laisse-moi t'en raconter une.Autrefois, lesLightwood faisaient partieduCercle.Un jour, ils ontreniéleursopinionsetbénéficiédenotreclémenceàconditionqu'ilsquittentIdrispourNewYork,oùilsdirigeraient l'Institut.Leur attitude irréprochable leur a permis de regagner la confiancede l'Enclave.Maisduranttoutcetemps,ilssavaientqueValentinétaittoujoursenvie.Duranttoutcetemps,ilssontrestéssesfidèlesserviteurs.Ilsontprissonfilssousleur...

—Ilsn'étaientpasaucourant...— Tais-toi! rugit l'Inquisiteur,etSimonn'osapasprotester. Ils l'ontaidéàretrouver lesInstruments

Mortels et à accomplir leRituel deConversion Infernale. Lorsque l'Inquisitrice a découvert ce qu'ilsmanigançaient,ilssesontarrangéspourl'élimineraucoursdelabataillesurlebateau.Etmaintenantlesvoilà ici, aucœurde l'Enclave,pournousespionneret révélénosplansàValentinau furet àmesurequ'ilsvoientlejour.Ainsi,ilpourraitnousvaincreet,aufinalimposersavolontéàtouslesNephilim.Ilst'ontemmenéaveceux - toi, levampirequi supporte la lumièredu jour -pournousdistrairede leursvéritablesobjectifs:restaurerlagloireduCercleetabolirlaLoi.

Lesyeuxporcinsdel'Inquisiteurétincelèrent.—Qu'est-cequetupensesdecettehistoire,vampire?— Jelatrouvedingue,répliquaSimon,etplusdureàavalerquelePèreNoël.Jenesaispasceque

vousespérezobteniravecce...—«Espérez»?Jen'espèrepas,vampire.Jesaisauplusprofonddemoiqu'ilestdemondevoirsacré

desauverl'Enclave.—Aumoyend'unmensonge?—Aumoyend'unehistoire.Lesgrandspoliticientissentdejolieshistoirespourinspirerleurpeuple.—Jenevoispasenquoilefaitd'incriminerlesLightwoodpeutinspirer...— Il faut toujours sacrifier quelqu'un. Quand les membres du Conseil se seront trouvé un ennemi

communetunebonneraisondesefieràl'Enclave,ilsseserrerontlescoudes.Quevautlavied'uneseule

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famille en comparaison de tout cela ? En fait, je doute que les enfants Lightwood subissent lesconséquencesdecesrévélations.Ilsneserontpasinquiétés.Bon,peut-êtrelefilsaîné.Maislesautres...

—Vousnepouvezpasfaireça!SerécriaSimon.Personnenevouscroira.— Les gens croient ce qu'ils veulent. Et l'EnclaveVeut un coupable. Je peux le leur offrir sur un

plateau.Toutcedontj'aibesoin,c'esttoi.—Moi?Qu'est-cequejeviensfairedanstoutça?

Levisagedel'Inquisiteurétaitmaintenantrouged'excitation.—Confessetescrimes.AvouequetuesàlasoldedesLightwoodetquevousêtestousdemècheavec

Valentin. Je ferai preuve de clémence à ton égard. Je te renverrai auprès de ton peuple, j'en fais leserment.Maisj'aibesoindetaconfessionpourquel'Enclavemecroie.

—Vousvoulezquejeconfesseunmensonge.Simonavaitconsciencederépéterlesparolesdel'Inquisiteur,maislespenséessebousculaientdanssa

têteet iln'arrivaitpasàse fixersuruneseule.LesvisagesdesLightwooddéfilaientdanssonesprit :Alec, reprenant son souffle sur le chemin de laGarde ; les yeux noirs d'Isabelle posés sur lui ;Maxpenchédursonlivre.EtJace.Jaceétaitdesleurscommesilemêmesangcoulaitdanssesveines.L'Inquisiteurn'avaitpas

prononcésonnom,maisSimonsavaitqu'ilpaieraitaveclesautres.Ets'ilsouffrait,Clarysouffriraitaveclui.Commentpouvait-il se sentir liéàcesgensquinevoyaienten luiqu'unecréatureméprisable,unemoitiéd'humaindanslemeilleurdescas?Ilobserva lesyeuxde l'Inquisiteur ; ilsétaientnoirscommeducharbon.Plongersonregarddans le

sien,c'étaitcommecontemplerdesténèbresinsondables.—Non,dit-ilenfin.Jerefusedefaireça.— Le sang que je t'ai donné, tu n'en auras pas d'autre tant que tu n'auras pas changé d'avis, lâcha

Aldertree,dontletonn'avaitplusriend'affable.Tuverrasqu'onpeutviteavoirtrèssoif.Simonneréponditrien.

—Uneautrenuitencellule,alors,conclutl'Inquisiteurenselevantpourappelerlesgardes.C'estcalmelà-bas,n'est-cepas?Riendetelqu'uneatmosphèrepaisiblepourguérirlestrousdemémoire.

SiClaryétaitpersuadéed'avoirmémorisélecheminqu'elleavaitprislaveilleavecLuke,ellecompritbienvitequecen'étaitpastoutàfaitlecas.Prendreladirectionducentre-villeluisemblaitlemeilleurmoyendeserepérer,maisunefoisqu'elleeuttrouvélaplaceaupuitsabandonné,elleneputserappelersielledevaittourneràdroiteouàgauche.Elleoptapourlagauche,etseperditdansundédalederuellessinueusesquiseressemblaienttoutes.

Enfin,elledébouchasurunerueplus largebordéed'échoppes.Despassantssepressaientde l'autrecôté sans prêter attention à elle. Quelques-uns portaient leurs vêtements de combat, mais la plupartdéambulaientdansleurtenuequotidienne.Ilfaisaitfroid,et leslongsmanteauxd'unautreâgeétaientàl'ordredujour.Unventcinglantsoufflaitsurlaville,etClarylongeaavecunpincementaucœuràsonmanteaudeveloursvertsuspendudanslachambred'amisd'Amatis.

Luken'avaitpasmenti:lesChasseursd'OmbresÉtaientvenusdesquatrecoinsdumondepourassisterau sommet. Clary croisa une Indienne vêtue d'un somptueux sari doré, avec deux poignards incurvéspendusàunechaîneluiceignantlataille.Unhommegrandàlapeausombre,avecunvisageanguleuxdeguerrieraztèque,inspectaitlavitrinesurchargéed'unearmurerie;desbraceletsdumêmemétalbrillantqueles toursornaientsespoignets.Aubasdelarue,unhommeenlonguerobeblanchedenomadedudésertconsultaitunplandelaville.Aprèsl'avoirvu,Clarytrouvalecouraged'approcherunepassante

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enlourdmanteaudebrocartpourluidemanderladirectiondelaruePrincewater.S'ilyavaitunmomentou leshabitants de laville ne semontreraient pas suspicieux enversunepersonne égarée, c'était bienCelui-là.

Son instinct s'avéra juste : sans la moindre hésitation, la femme lui donna en hâte une séried'indications.

—Puis,auboutducanalOldcastle,prenezàgauche,traversezlepontdepierre,etvoustrouverezlaruePrincewater.

ElleadressaunsourireàClary.—Vousrendezvisiteàquelqu'unenparticulier?—Oui,lesPenhallow.—Oh,c'estlamaisonbleueauxmouluresdoréesdontl'arrièredonnesurlecanal.Elleestgrande,vous

nepouvezpaslarater.Elle se trompait.Certes, lamaisonétaitvaste, cependantClarypassadevant sans s'arrêteravantde

s'apercevoirdesonerreuretderebroussercheminpour l'observerdeplusprès.Elleétaitplus indigoquebleueenréalitémais,làencore,laplupartdesgensn'avaientpaslamêmenotiondescouleursqueClary.Lecommundesmortelsnesavaitpasdifférencier le jaunecitrondusafran.Commesicesdeuxnuancesétaientinterchangeables!Quantauxmoulures,ellesn'étaientpasdoréesmaisd'unbeaubronzesombrequitémoignaitdel'anciennetédelamaison.Toutdanscetendroitsuggéraitlepoidsdesans...«Çasuffit»,pensaClary.Ellelaissaittoujourssonespritvagabonderdanstouteslesdirectionsquand

elleétaitnerveuse.Elleessuyasespaumesmoitessursonpantalon;lecuirétaitrêcheautoucher,commedesécaillesdeserpent.Aprèsavoirgravilesmarchesduperron,ellefrappaleheurtoirmassifreprésentantlesailesd'unange,

quirésonnacommeuneénormeclochedans lesentraillesde lamaison.Quelques instantsplus tard, laports'ouvritetIsabelleLightwoodapparutsurleseuil,lesyeuxécarquillésdestupeur.

—Clary?—Salut,Isabelle,lança-t-elleavecunsourirepenaud.

Isabelles'appuyacontrelechambranle,l'airlugubre.—Ohnon!fit-elle.Deretourdanssacellule,Simons'affalasur le litetentendit lepasdesgardess'éloigner. Ildevrait

passer une autre nuit en prison pendant que l'Inquisiteur attendait qu'il se «souvienne». «Au vu desapparences,qu'est-cequ'onendéduira?»avait-ildit.Mêmedans sespirescauchemars,Simonn'auraitpaspus'imaginerqu'onl'accuseraitunjourd'êtredemècheavecValentin.Cethommeétaitconnupourhaïr lesCréaturesObscures. Il luiavait tranché lagorgeafinde leviderdesonsang, le laissantpourmort.Maisl’Inquisiteurneconnaissaitprobablementpascedétail.Simonperçutdubruitdel'autrecôtédumur.— Jedoisadmettrequejecommençaisàmedemandersitureviendrais,ditlavoixrocailleusedela

veille.J'imaginequetun'aspasdonnéàl'Inquisiteurcequ'ilvoulait.—Ondiraitquenon,réponditSimonens'approchantdumur.Iltâtaenvainlapierrepourtrouverunefissureluipermettantdevoirdel'autrecôté.—Quiêtes-vous?—C'estunhommeentêté,cetAldertree,repritlavoix,commesiderienn'était.Iln'abandonnerapas.

Simons'adossaaumurhumide.

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—Alorsjevaisrestericiunbonmoment.—Jeprésumequetune,vaspasmedirecequ'ilattenddetoi?—Pourquoitenez-vousàlesavoir?

L'inconnupartitd'unrirequiévoquaitleraclementdumétalsurlapierre.—Jesuisicidepuispluslongtempsquetoi,vampire,etcommetupeuxlevoir,iln'yapasbeaucoupde

distractions,alorstoutestbonàprendre.Simon croisa les mains sur son ventre. Le sang de chevreuil l'avait à peine rassasié et la soif

l'aiguillonnaitencore.—J'aientendulesgardesbavardersurtoncompte,repritl'homme.Ilparaîtquetupeuxtepromeneren

pleinjour.Personnen'avaitvuçaauparavant.Ilyapourtantdeslégendesquicirculentsurlescréaturesdetonespèce.Tulesconnais?—Non.MaTransformationestassezrécente.Voussemblezensavoirlongsurmoi,ditesdonc.— Lesgardesaimentbienéchangerlesragots.EtlesLightwoodsetéléportantavecunvampireblessé,c'estunmorceaudechoix.Cependant,jedoisavouerquejenem'attendaispasàtevoirdébarquericiavant qu'ils n'aménagent la cellule exprès pour toi. Ce qui m'étonne, c'est que les Lightwood aientacceptéqu'ilst'emmènent.

— Pourquoi s'y seraient-ils opposés ? répliqua Simon avec amertume. Je ne suis qu'une CréatureObscure!

—AuxyeuxduConsul,oui,peut-être.MaispourlesLightwood...—Quoi,lesLightwood?

Ilyeutunbrefsilence.—LesChasseursd'Ombresquiviventendehorsd'Idris-enparticulierceuxquidirigentlesInstituts-

onttendanceàêtreplustolérants.Enrevanche,l'Enclavelocaleestbeaucoupplus...rigide.—Etvous?s'enquitSimon.VousêtesaussiuneCréatureObscure?—UneCréatureObscure?Simonn'enétaitpascertain,maisilcrutdécelerdelacolèredanslavoixdel'étranger,commesisa

questionleblessait.—MonnomestSamuelBlackburn.JesuisunNephilim.Ilyaplusieursannées,j'aifaitpartieduCercle

avecValentin.J'aimassacrédesCréaturesObscureslorsdel'Insurrection.Alorstupensesbienquejenesuispasl'undesvôtres.

—Oh...Simonavalasasalive.Saboucheavaitungoûtdesel.S'ilsesouvenaitbien,lesmembresduCerclede

Valentinavaientétécapturésetpunisparl'Enclave,exceptéceuxqui,àl'exempledesLightwood,avaientréussiànégocieruncompromisouacceptaientl'exilenéchangedupardon.

—Vousêtesrestéicidepuislors?— Non. Après l'Insurrection, j'ai pu m'enfuir d'Idris avant qu'on me fasse prisonnier. J'ai vécu à

l'étranger pendant des années jusqu'au jour où, croyant bêtement qu'onm'avait oublié, je suis revenu.Evidemment,ilsm'ontcapturédèsmonarrivée.L'Enclaven’apassonpareilpourtraquersesennemis.Ilsm'onttrainédevantl'Inquisiteur.J'aiétéinterrogépendantdesjours.Unefoisqu'ilsenonteuterminéavecmoi,ilsm'ontjetéici.

Samuelsoupira.— LesFrançaisontbaptisécegenred'endroitune«oubliette».C'estlàqu'onjettelesrebutsqu'on

chercheàrayerdesamémoire.Ilsypourrissentlàsansimportunerlemondedeleurpuanteur.OK.JesuisuneCréatureObscure,doncjesuisunrebut.Maisvous,vousêtesunNephilim.

—J'étaisdemècheavecValentin.Doncjenevauxpasmieuxquetoi.Jesuismêmepire,carjesuisun

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renégat.— Pourtant, beaucoup d'autres Chasseurs d'Ombres ont fait partie du Cercle. Les Lightwood, les

Penhallow...—Ilsl'onttousrenié.IlsonttournéledosàValentin.Pasmoi.—Ahbon?Maispourquoi?— Parce que j'ai plus peur de lui que de l'Enclave et, si tu avais un peu de jugeote, vampire, tu

penseraiscommemoi.

— MaistuescenséeêtreàNewYork!s'écriaIsabelle.Jacenousaditquetuavaischangéd'avisetquetupréféraisresterauchevetdetamère!

— Il amenti, annonçaClary sanspréambule. Il nevoulait pasque jevienne, alors ilm'amenti surl'horairedevotredépart,etilvousaracontéquej'avaischangéd'avis.Tuterappelles,tumedisaisqu'ilnementaitjamais?C'estarchifaux!

— En tempsnormal, ildit lavérité,objecta Isabelle,quiavaitblêmi.Dis-moi, tuesvenue icipourSimon?

— Quoi?Non.SimonestensécuritéàNewYork,Dieumerci.Etildoitêtresacrémentfrustrédenepasavoirpumedireaurevoir.

—L'airméduséd'IsabellecommençaitàtapersurlesnerfsdeClary.Bon,laisse-moientrer,Isabelle.IlfautquejevoieJace.

—Alors...tuesvenueicitouteseule?Tuasobtenuunepermissiondel'Enclave?Jet'enprie,répondsoui.

—Pastoutàfait...—TuasenfreintlaLoi?s'exclamaIsabelled'uneVoixstridente.(Ellepoursuivitdansunmurmure:)Si

Jacel'apprend,ilvanousfaireunecrisedenerfs.Clary,tudoisrentrercheztoi.— Non,maplaceestici,rétorqua-t-elleens'étonnantelle-mêmedesonobstination.Etilfautqueje

parleàJace.—Cen'estpaslemoment.Isabelle jetaunregardanxieuxautourd'ellecommesielleespérait trouverquelqu'unsusceptiblede

l'aideràchasserClary.—Jet'enprie,rentreàNewYork.S'ilteplaît...—Jecroyaisquej'étaistonamie,Isa,susurraClarydansl'espoirdelaculpabiliser.Isabelle se mordit la lèvre. Elle portait une robe blanche et ses cheveux relevés en chignon lui

donnaient l'air plus jeune.Derrière elle,Clary distinguait un hall d'entrée haut de plafond, tapissé deportraitsàl'huileapparemmenttrèsanciens.

—Tuesmonamie.MaisJace...Oh,lala,qu'est-cequec'estquecetaccoutrement?Oùas-tutrouvécesvêtements?

—C'estunelonguehistoire.—Tunepeuxpasdébarquericicommeça!SiJacetevoit...—Oh,etalors?Isabelle,jesuisvenuepourmamère.Jaceneveutpeut-êtrepasdemoiici,maisilne

peutpasmeforceràresterlà-bas.Maplaceestici,Mamèreabesoindemoi.Tuagiraispareilpourlaitienne,pasvrai?

—Biensûr!Mais,Clary,Jaceasesraisons...—J'adoreraislesentendre.

Clarysefaufilasouslebrasd'Isabelleetpénétraidanslehalldelamaison.

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—Clary!glapitIsabelleens'élançantderrièreelle,maiselleavaitdéjàparcourulamoitiéduhall.Tandisqu'ils'efforçaitdeluiéchapper,elleconstataquelamaison,toutenhauteur,étaitbâtiesurle

mêmemodèlequecelled'Amatis,maisqu'elleétaitbeaucoupplusvasteet richementdécorée.Lehalldébouchaitsurunepiècedotéedegrandesfenêtresdonnantsuruncanal.Desbateauxblancsvoguaientsur ses eaux calmes, leurs voiles portées par le vent comme des aigrettes de pissenlits.Assis sur uncanapéprèsd'unedesfenêtres,ungarçonsemblaitabsorbédanslalectured'unlivre.—Sébastien!criaIsabelle.Nelalaissepasmonter!Legarçonlevalesyeux,surpris,et,uninstantplus,tard,ilseplantadevantClaryafindeluibloquer

l'accès à l'escalier. Elle s'arrêta net; jamais elle n'avait vu quelqu'un bouger aussi vite, excepté Jace.L'inconnunesemblaitmêmepashorsd'haleine.Illuisouriaitd'unairtranquille.

—VoicidonclafameuseClary.Son sourire éclairait son visage, et Clary sentit sa gorge se nouer. Pendant des années, elle avait

dessinélamêmehistoire,celled'unfilsderoifrappéd'unemalédictioncondamnantàmourirtousceuxqu'ilaimait.Elleavaitmistoutesonimaginationauservicedubeauprinceromantiqueetmystérieux,etvoilà qu’il se tenait devant elle. Lamême peau claire, lesmêmes cheveux ébouriffés, et un regard sisombreque lespupilles semblaient se fondre avec l'iris.Despommetteshautes et biendessinées, desyeux bordés de longs cils noirs. Elle était sûre de rencontrer ce garçon pour la première fois, etpourtant…Illadévisagead'unairperplexe.—Jenecroispas...Onseconnaît?Incapablederépondre,Clarysecoualatête.—Sébastien!Leslonguesmèchesd'Isabelleavaientéchappéàleursépinglesetretombaientsursesépaules.—Nesoispasgentilavecelle,lança-t-elle,furieuse,ellenedevraitpasêtrelà.Clary,rentrecheztoi.Auprixd'unimmenseeffort,ClarydétachalesyeuxdeSébastienetjetaunregardnoiràIsabelle.—Quoi,tuveuxquejerentreàNewYork?Etcommentjevaism'yprendre?—Commentas-tufaitpourarriverjusqu'ici?demandaSébastien.EntrerdansAlicante,c'estpresqueun

exploit.—J'aiutiliséunPortail.—UnPortail?répétaIsabelle,étonnée.Maisiln'yaplusdePortailàNewYork.Valentinlesadétruits

touslesd...— Je ne vous dois aucune explication, l'interrompitClary. Pas avant que vous ayez répondu àmes

questions.Pourcommencer,oùestJace?—Iln'estpaslà,réponditIsabelleaumomentoùSébastienannonçait:«Ilestàl'étage.»

Isabellesetournabrusquementverslui.—Sébastien!Boucle-la!—Maisc'estsasœur!protesta-t-il,stupéfait.Iln'apasenviedelavoir?Isabelleouvritlabouchepourrépliquerpuisseravisa.Clarycompritqu'ellepesaitlepouretlecontre

: valait-ilmieux expliquer leurs rapports complexes à un Sébastien ignorantmanifestement tout de lasituation,oucauserunemauvaisesurpriseàJace.Pourfinir,ellelevalesbrasauciel,l'airdésemparée

—Trèsbien,Clary.Vas-y,faiscequitechantesanstesoucierdesautres.Tun'enfaistoujoursqu’àtatête,detoutefaçon.ClarylançaàIsabelleunregardlourddereprocheavantdesetournerdenouveauversSébastien,qui

s'effaçasansunmotpourla laisserpasser.Ellemontélesmarchesquatreàquatre,entenditvaguementIsabelles'enprendreaupauvreSébastien.C'étaitduIsabelletoutcraché:dèsqu'ilyavaitungarçondans

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lesparagesetqu'elleavaitbesoindeblâmerquelqu'unlafauteretombaitsurlui.Au sommet des marches, une alcôve vitrifiée surplombait la ville. Assis dans le renfoncement, un

enfant était plongé dans sa lecture. Il leva les yeux aumoment oùClary émergeait de l'escalier, l'airsurpris!

—Jeteconnais.—Salut,Max.JesuisClary...lasœurdeJace.Tuftesouviens?

LevisagedeMaxs'éclaira.— C'esttoiquim'asmontrécommentlire Naruto,dit-ilenluitendantsonlivre.Regarde,jem'ensuis

procuréunautre.Celui-làs'intitule...— Max,jen'aipasletempsdebavarder.Jejetteraiuncoupd'œilàtonlivreplustard,c'estpromis,

maistusaisoùestJace?Maxserembrunit.

—Là-dedans,répondit-ilenmontrantdudoigtladernièreporteauboutducouloir.Jevoulaisluitenircompagnie,maisilm'aditqu'ilavaitdeshistoiresd'adulteàrégler.Toutlemondemerépètelamêmechose.

—Jesuisdésolée,marmonnaClary,l'espritailleurs.Lespenséessebousculaientdanssatête.Quedirait-elleàJaceenlevoyant?Quelleseraitsaréaction

?Ensedirigeantverslaporte,ellesongea:«Surtout,nepassemettreencolère.Crierneserviraitqu'àlemettresurladéfensive.Ilfautqu'ilcomprennequej'aimaplaceiciautantquelui.Jen'aipasbesoind'êtresurprotégée,jenesuispasensucre!Moiaussi,jesuisforte...»Elleouvrit grand laporte et entradansunebibliothèqueauxmurs tapissésde livres.Lapièce était

brillamment éclairée ; la lumière du jour se déversait par une grande fenêtre panoramique. Jace étaitdeboutaumilieude lapièce. Iln'étaitpas seul.Une filleauxcheveuxnoirs,queClaryvoyaitpour lapremièrefois,seblottissaitcontrelui,ettousdeuxéchangeaientunbaiserpassionné.

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6.Tensions

PRISEDEVERTIGE,Claryeutsoudainl'impressionqu'iln'yavaitplusd'airdanslapièce.Ellereculaenheurtantlechambranledesonépaule.Alertésparlebruit,Jaceetl'inconnues'écartèrentl'undel'autre.Clary se figea. Ilsavaient tous lesdeux le regard fixé surelle.Elle remarquaque la filleavaitdes

cheveux noirs et raides longs jusqu'aux épaules, et qu'elle était particulièrement jolie. Les derniersboutonsdeson chemisier, défaits, laissaient entrevoir la bretelle d'un soutien-gorge endentelle.Clarycrutqu'elleallaitvomir.Lafillereboutonnaenhâtesonvêtement,l'airmécontent.

—Pardon,lança-t-elleenfronçantlessourcils,maisquies-tu?Claryneréponditpas.EllegardaitlesyeuxrivéssurJace,quil'observaitd'unairincrédule.Ilavait

pâlietlescernessoussesyeuxressortaientsursapeaublême.—Aline,dit-ild'unevoixblanche.VoicimasœurClary.—Oh...Oh!

Levisaged'Alinesedétenditetellesouritd'unairgêné.—Désolée!Envoilàunefaçondefaireconnaissance!Salut,moic'estAline.Elles'avançaversClary,lamaintendue,sanscesserdesourire.«Jenevaispaspouvoirlatoucher»,

songea Clary avec un sentiment croissant d'horreur. Elle se tourna vers Jace qui, visiblement, avaitdéchiffré l'expression de son regard. Le visage fermé, il rattrapa Aline par les épaules et lui glissaquelquesmotsàl'oreille.Ellesemblasurprise,haussalesépaulesetsedirigeaverslaportesansunmot.Claryse retrouvaseuleavecJace,qui la regardait toujourscommesi sonpirecauchemarvenaitde

prendreviesoussesyeux.—Jace,dit-elleenfaisantunpasdanssadirection.

Ilrecula.—Aunomdel'Ange,Clary,qu'est-cequetufaisIci?

Malgrétout,laduretédesavoixlablessa.—Tupourraisaumoinsfairesemblantd'êtrecontentdemevoir.—Jenesuispasdutoutcontentdetevoir.S'ilavaitretrouvéunpeudesescouleurs,lescernessoussesyeuxressortaientencoretellesdestaches

grisessursapeau.Claryattenditqu'ilpoursuive,mais ilsecontentade laconsidérerd'unairhorrifié.Ellenotadistraitementquelesmanchesdesonpullnoirpendaientsursesbrascommes'ilavaitperdudupoids,etqu'ils'étaitrongélesonglesjusqu'ausang.

—Çaneteressemblepas,dit-elle.Jedétestequandtutecomportescommeça...—Oh,vraiment?Ehbien,jeferaismieuxdemereprendre,alors.C'estvrai,toitufaistoujoursceque

jetedemande.—Tun'avaispasledroitdemementir!s'écria-t-elle,prised'unsubitaccèsderage.Tun'avaispasle

droit...—J'aitouslesdroits!rugit-il.

Jusqu'alors,Claryneserappelaitpasl'avoirentenduéleverlavoixcontreelle.—J'aitouslesdroits,espèced'idiote.Jesuistonfrèreetje...—Etquoi?Jenet'appartienspas,quetusoismonfrèreounon!Derrière Clary, la porte s'ouvrit à la volée. C'était Alec, sobrement vêtu d'un long manteau bleu

marine, les cheveux en désordre. Il était chaussé de bottes boueuses et son visage d'ordinaire sereinaffichaituneexpressionincrédule.

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— Qu'est-cequisepasseici?lança-t-ilenregardanttouràtourClaryetJaceavecétonnement.Vousavezl'intentiondevousentre-tuer?

—Pasdutout,répliquaJace.Claryétaitsurlepointdepartir.Commeparmagie,sacolèreretomba,etilretrouvasonsang-froidhabituel.

—Bien,fitAlec.Parcequejedoisteparler,Jace.—Est-cequ'ilyaencorequelqu'undanscettemaisoncapabledem'accueillird'un:«Salut,content

detevoir»?marmonnaClary.IlétaitbeaucoupplusfaciledeculpabiliserAlecqu'Isabelle.

—Jesuiscontentdetevoir,Clary,dit-il,saufquetun'espascenséeêtrelà.Isabellem'aexpliquéquet’étaisvenuepartespropresmoyens,etjesuisvraimentimpressionné...—Tupourraiséviterdel'encourager?MaugréaJace.—Maisjedoisvraimentm'entreteniravecJace.Tupeuxnousdonnerquelquesminutes?—Moiaussi,jedoisluiparler.C'estausujetdenotremère...—Etmoi,jen'aiaucuneenviedebavasseravecl'unoul'autredevousdeux,grommelaJace.—Si,si,jet'assure,lepressaAlec.Ilfautvraimentqu'onparle.—J'endoute.

JacereportasonregardsurClary.—Tun'espasvenueseule,n'est-cepas?demanda-t-ild'untoncirconspect,commes'ils'apercevaitque

lasituationétaitencoreplusgravequecequ'ilavaitcrudeprimeabord.Quit'aaccompagnée?Clarynevoyaitaucuneraisondeluimentir.

—Luke.Jacepâlit.

—MaisLukeestuneCréatureObscure!Tusaislesortqueréservel'Enclaveàceuxquinesesontpasfaitconnaîtreavantdepénétrerdans laCitédeVerre?Venirà Idris,c'estunechose,maisAlicante?Sanseninformerpersonne?

—Non,réponditClaryàmi-voix,maisjedevinecequetuvasdire...—SiLukeettoinerentrezpasimmédiatementàNewYork,vouslesaurezbienasseztôt!Jacerestasilencieuxquelquesinstants,lesyeuxtoujoursrivéssurClary.Ledésespoirquiperçaitdans

sonattitudelabouleversa.Aprèstout,c'étaitluiquilamenaçait,etnonlecontraire.— Jace, intervintAlec d'une voix qui trahissait la panique.Tu ne t'es pas demandé où j'ai passé la

journée?—Tuportesunnouveaumanteau,observaJacesansaccorderunregardàsonami.J'endéduisquetues

alléfairedushopping.J'ignorepourquoitutiensabsolumentàm'enquiquineravecça,enrevanche.—Jenesuispasalléfairedushopping!protestaAlecaveccolère.J'étais...Laportes'ouvritdenouveau.Isabelleentradansunfroissementdejuponsblancs,puisellerefermala

portederrièreelleetjetauncoupd'œilàClaryensecouantlatête.—Jet'avaisbienditqu'ilpiqueraitunecrise.—Ah,lefameux«jet'avaisbiendit»!s'exclamaJace.Envoilàuneremarqueconstructive!

Claryleconsidérad'unairhorrifié.— Comment oses-tu plaisanter? murmura-t-elle. Tu viens de menacer Luke, qui t'aime et te fait

confiance,ettoutçaparcequec'estuneCréatureObscure.C'estquoi,tonproblème?—Lukeestici?s'exclamaIsabelle,affolée.Oh,Clary...— Non, il n'est pas ici ! Il est parti ce matin Dieu sait où.Mais je comprends mieux maintenant

pourquoiilnepouvaitpasrester.SansaccorderunregardàJace,ellepoursuivit:

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—C'estbon,tuasgagné.Onn'auraitjamaisdûvenir.Jen'auraispasdûfabriquercePortail...—TuasfabriquéunPortail?s'écriaIsabelle,ébahie.Seulunsorcierenestcapable.Etilssecomptent

surlesdoigtsdelamain,ceuxquienontlepouvoir.LeseulPortaild'IdrisestàlaGarde.—C'estjustementcedontjevoulaisteparler,glissaAlecàl'oreilledeJace.

L'étatdecelui-cines'arrangeaitguère;ilsemblaitsurlepointdedéfaillir.—Tusais,mapetitecoursed'hiersoir,repritAlec.LepaquetquejedevaisremettreàlaGarde...—Arrête,Alec!soufflaJace,etledésespoirquiperçaitdanssavoixréduisitl'autregarçonausilence.

Ilsemorditlalèvreetfixasonamisansmotdire.MaisJacenesemblaitpluslevoir;ilconsidéraitClaryd'unairsévère.

—Tuas raison,dit-il enfind'unevoixétranglée,commesi lesmots luicoûtaient.Tun'auraispasdûvenir.Je t'aiexpliquéquecetendroitn'étaitpassûrpourtoi,mais j'aimenti.Lavérité,c'estquejeneveuxpasdetoiici:tuesimprudenteetirréfléchie.Tusèmeslapagaillepartoutoùtupasses.C'estdanstanature,Clary.Tun'asaucuntact.

—Moi,jesèmelapagaille?répéta-t-elledansunsouffle.—Oh,Jace!fitIsabelleavectristesse,commesic'étaitluiquivenaitd'essuyerdesreproches.

Ilneluiaccordapasunregard;sesyeuxrestaientfixéssurClary.— Tun'asaucunejugeote.Tulesaisbien,Clary.Onn'auraitjamaisatterriàl'hôtelDumortsituavais

prislapeinederéfléchir.—EtSimonseraitmort!Çanecomptepas?J'aipeut-êtreétéimprudente,mais...—Peut-être?répéta-t-ilenélevantlavoix.—Maisjen'aipasprisquedesmauvaisesdécisions!Aprèscequis'estpassésurlebateau,tum'asdit

quejevousavaissauvélavie...Jacedevintblanccommeunlinge.

—Tais-toi,Clary,TAIS-TOI,siffla-t-ilavecuneférocitésoudaine.—Surlebateau?

Aleclesobservatouràtourenouvrantdegrandiyeuxétonnés.—Qu'est-cequis'estpassésurlebateau?Jace...— Je t'ai justedit çapourque tucessesdegeindre rugit Jace sans sepréoccuperd'Alec.Tuesune

catastropheambulante,Clary!TuneserasjamaisunevéritableChasseused'Ombres.Tun'espascapabledepensercommenous, tunetesouciespasdubien-êtredesautres...D'ailleurs, tunepensesqu'àtoi!Maiscettefois,uneguerreseprépare,etjen'ainiletempsnil'enviedetesuivrecommeuntoutoupourm'assurerquetunenousferaspastuer!Claryluijetaunregardinterdit.Ellenesavaitquerépondre;jamaisencoreilneluiavaitparléainsi.

Ellen'auraitmêmejamaisimaginéqu'ilpuisseavoirdesmotsaussidursàsonencontre.Bienqu'elleaitparfoisprovoquésacolèreparlepassé,ilneluiavaitjamaistémoignédehainejusqu'àprésent.

—Rentrecheztoi,Clary,reprit-ild'untonlas.Tous lesprojetsdeClaryfondirentcommeneigeausoleil :sonvagueespoirderetrouverFellpour

sauversamère,plusrienn'avaitd'importance, lesmotsnevenaientplus.Ellesedirigeavers laporte.Alec et Isabelle s'effacèrent pour la laisser passer, le regard tourné ailleurs, l'air embarrassé. Clarysongea qu'elle aurait dû être humiliée et furieuse, mais il n'en était rien, Elle se sentait juste vidée.Arrivéedevantlaporte,elleseretourna.Jacenel'avaitpasquittéedesyeux.Lalumièreentrantparlafenêtre derrière lui n'éclairait pas son visage; elle ne distinguait que quelques mèches blondesréfléchissantlesoleilcommedesfragmentsdeverre.

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— Quand tum'as appris queValentin était tonpère, je ne t'ai pas cru, déclara-t-elle.Pas seulementparcequejerefusaisd'ycroire,maisaussiparcequetun'avaisriendecommunaveclui.Apparemment,jemesuistrompée.Etsurcesmots,ellesortitdelapièceenrefermantlaportederrièreelle.—Ilsvontm'affamer,gémitSimon.Allongésurlesoldesacellule,ilsentaitlapierrefroidecontresondos.Danscetteposture,ilvoyait

leCielàtraverslesbarreauxdesafenêtre.PeuaprèssaTransformation,àl'époqueoùilcroyaitneplusjamaisrevoirlalumièredujour,ils'étaitsurprisàpensersanscesseausoleil,auxchangementsducielaucoursdelajournée:laclartépâledumatin,lebleuvifdel'après-midi,lecrépusculebleucobalt.Ilgisait,étendudanslenoir,tandisqu'unesuccessiondebleusildéfilaitdanssonesprit.Aprésent,danssacelluledelaGarde,ilsedemandaitsilalumièredujourettoussesbleusneluiavaientétérendusquepourpasserlerestedesacourteetmisérableviedanscetespaceminusculeavecpourseulhorizonuncoindecielàtraverslesbarreauxd'unepetitefenêtre.

—Vousm'avezentendu?reprit-ilenélevantlavoix.L'Inquisiteuradécidédem'affamer.Plusdesang.Simonperçutdumouvementdel'autrecôtédumur,puisunsoupirsonore.— Je t'ai entendu, répondit Samuel. Seulement, je ne peux rien y faire. (Un silence, puis :) Je suis

désolépourtoi,vampire,siçapeutt'aider.—Non,çanem'aidepasvraiment.L'Inquisiteurm'ademandédementir.Ilveutquejeproclamequeles

LightwoodsontdemècheavecValentin.Alorsilmerenverrachezmoi...Laisseztomber.Jenesaispaspourquoijevousracontetoutça.Vousn'avezprobablementaucuneidéedecedontjeparle.

— Détrompe-toi.J'aibienconnulesLightwood.NousfaisionstouspartieduCercle.LesLightwood,lesWayland,lesPangborn,lesHerondale,lesPenhallow.Touteslesbonnesfamillesd'Alicante.

— EtHodgeStarkweather,ajoutaSimonenpensantauprécepteurdesLightwood.Ilenfaisaitpartielluiaussi,n'est-cepas?

— C'estexact.Maisiln'étaitpasissud'unefamilletrèsrespectée.Hodgeétaitungarçonprometteuràuneépoque,maisjecrainsqu'iln'aitpasétéàlahauteurdesespromesses.(Unsilence.)AldertreehaitlesLightwooddepuis l'enfance.Iln'étaitniriche,nibeau,ni intelligent,et ilsn'étaientpas trèsgentilsaveclui.Jecroisqu'ilnes'enestjamaisremis.

—Riches?s'étonnaSimon.JecroyaisquetouslesChasseursd'Ombresétaientpayésparl'Enclave.Àlamanièreducommunisme,enquelquesorte.

— En théorie, tous lesChasseurs d'Ombres touchent lamême rémunération.Ceux qui occupent despostessupérieursauseinde l'Enclaveouquiontplusderesponsabilités- lesdirecteursd'Institut,parexemple-reçoiventunsalaireplusélevé.Ensuite,ilyaceuxquiviventendehorsd'Idrisetontchoisidegagner leurviedans lemonde terrestre ; cen'est pas Interdit, tant qu'ils reversent unepartie de leursgainsàl'Enclave.Mais...(Samuelhésita.)...tuasvulamaisondesPenhallow,n'est-cepas?Qu'est-cequetuenaspensé?Simonréfléchitquelquesinstants.—C'estuntrèsbelendroit.— C'est l'une des plus luxueuses demeures d'Alicante, tu veux dire. Ils ont une autre propriété, un

manoiràlacampagne,àl'instardepresquetouteslesfamillesfortunées.Vois-tu,ilexisteunautremoyenpour lesNephilimdegagnerde l'argent.C'estcequ'onappelle lebutindeguerre.QuandunChasseurd'OmbrestueundémonouuneCréatureObscure,toutcequ'ilspossèdentluirevientdedroit.Donc,siunrichesorcierenfreintlaLoi,etqu'ilestéliminéparunNephilim…

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Simonfrémit.—Alors,lemeurtredesCréaturesObscuresestuneactivitélucrative?— Çapeutledevenir,réponditSamuelavecamertume,pourpeuqu'onnesoitpastropregardant.Tu

comprendsmaintenantpourquoitantdeNephilims'opposentauxAccords.Enréglementantl'éliminationdesCréaturesObscures,onsupprimeunesourcederevenunonnégligeable.C'estpeut-êtrelaraisonpourlaquellej'airejointleCercle.Mafamillen'étaitpasriche,etlefaitd'êtreméprisépouravoirrefusadel'argentsale…Samuels'interrompit.—MaisleCerclemassacraitaussidesCréaturesObscures,objectaSimon.— Oui,mais sesmembres considéraient que c'était leur devoir sacré. Ils n'étaient pasmotivés par

l'appâtdugain.Saufqu'aujourd'huijenecomprendspasenquoic'étaitdifférent.Ilpoursuivitd'untonlas:—Valentinavaitledondenousfaireavalern'importequoi.Jemerevoisdeboutàsescôtés,lesmains

couvertesdesang,lesyeuxbaisséssurlecorpssansvied'unefemme,pensantquej'avaisforcémentbienagipuisqueValentinenavaitdécidéainsi.

—Cettefemme,c'étaituneCréatureObscure?Samuelsoupiradel'autrecôtédumur.

—Tudoiscomprendrequej'auraisfaitn'importe?quoipourluiplaire.Lesautresaussi,ycomprislesLightwood.L'Inquisiteurenestconscient,etc'estcequ'ilessaied'exploiter.MaistudoissavoiraussiquemêmesituacceptesdejeterleblâmesurlesLightwood,iltetuerasansdoutepourtefairetaire.

—Peuimporte.Jen'aipasl'intentiondecéder.JerefusedetrahirlesLightwood.—Vraiment?ditSamueld'untondubitatif.Pourquoi?Tutesouciesdoncdeleursort?—Jeneveuxpasmentiràleursujet.—Maistuveuxrentrercheztoi,n'est-cepas?Simonscrutalemurcommes'ilpouvaitvoirl'hommequisetrouvaitdel'autrecôté.—Vousmentiriezàmaplace?Samuelsemitàtoussercommeunasthmatique.Manifestement,iln'étaitpasentrèsbonnesanté.Mais

l'atmosphèreétaitfroideethumideet,bienqueSimonnesentîtrien,unêtrehumainnormaldevaitvuêtreaffecté.

—Jenesuispaslemieuxplacépourdonnerdesconseilsdemoralemais,oui,sansdoute,jementirais.J'aitoujourschoisidesauvermapeauavantcelledesautres.

—Jesuissûrquecen'estpasvrai.— Tutetrompes.Avecl'âge,Simon,tut'apercevrasque,quandlesgensteconfientquelquechosede

peuglorieuxsurleurcompte,ilsdisentgénéralementlavérité.«Maismoi,jenevaispasvieillir»,songeaSimon.—C'estlapremièrefoisquevousm'appelezparmonprénom,dit-iltouthaut.—Toutarrive.— QuantauxLightwood,jenelesaimepasbeaucoup.Enfinsi,j'aimebienIsabelleet,d'unecertaine

manière,j'aiapprisàapprécierJaceetAlec.Seulementvoilà,ilyaunefilledansl'histoire,etJaceestsonfrère.

—Ilyatoujoursunefille,observaSamuelet,pourlapremièrefois,ilsemblaitsincèrementamusé.

Dèsl'instantoùlaporteserefermasurClary,Jaces'affaissacontrelemurcommesisesgenouxsedérobaientsouslui.Ilavaitleteintgrisâtre,etsestraitstrahissaientàlafoisl'horreur,lechocetune

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espècedesoulagementcommes'ilvenaitd'éviterdejustesseunecatastrophe.

—Jace,ditAlecenfaisantunpasverslui.Tucroisvraiment...—Sortez,lança-t-ild'unevoixsourde.Touslesdeux.—Pourquoi?Pourtelaissergâchertavietoutseul?rétorquaIsabelle.Qu'est-cequit'apris,bonsang?Jacesecoualatête.—Jel'airenvoyéechezelle.C'étaitlameilleurssolution.—Tunel'aspasseulementrenvoyée,tul'aslaminée!Tuasvusatête?—Çaenvalaitlapeine.Tunecomprendraispas.—Oui,çavalaitpeut-êtrelecouppourelle.J'espèrequ'ilenserademêmepourtoi,aufinal.

Jacesedétourna.—Isabelle,laisse-moitranquille.S'ilteplaît.Ellejetaunregardébahiàsonfrèreadoptif.Jacenedisaitjamais«s'ilteplaît».Alecposalamain

surl'épauledesasœur.—Net'inquiètepas,Jace.Jesuissûrqu'elles'enremettra.JacelevalatêteetregardaAlecsanslevoir.— Ça m'étonnerait. Tant qu'on y est, qu'est-ce que tu voulais me dire ? Tu insinuais que c'était

important.—Jenevoulaispast'enparlerdevantClary...JacereportaenfinsonattentionsurAlec.—Quoi?Qu'est-cequ'ilya?Alechésita.IlavaitrarementvuJaceaussicontrarié,etiln'osaitimaginersaréactionfaceàd'autres

mauvaisessurprises.Cependant,ilnepouvaitpasluicacherlavérité.Ildevaitsavoir.— Hier, annonça-t-il à voix basse, quand j'ai emmenéSimon à laGarde,Malachim'a promis que

MagnusBanel'attendraitdel'autrecôtéduPortail,àNewYork.Or,j'aienvoyéunmessageàMagnus.J'aieudesesnouvellescematin.Iln'ajamaisrécupéréSimonàNewYork.D'ailleurs,ilprétendqu'iln'yaaucunetéléportassionsdepuisledépartdeClary.

— Peut-être que Malachi s'est trompé, suggéra Isabelle après avoir jeté un regard furtif à Jace.Quelqu'und’autreauraaccueilliSimondel'autrecôté.EtMagnusapeut-êtretortausujetdecettehistoiredetéléportation.

Alecsecoualatête.—JesuisalléàlaGardecematinavecmaman.J’avaisl'intentiondequestionnermoi-mêmeMalachià

cesujet,maisenlevoyant,jenesaispascequim'apris,jemesuiscachédansuncoin.Jel'aientendudonneràl'undesgardesd'allerchercherlevampirepourquel'Inquisiteurl'interrogedenouveau.

—Tuessûrqu'ilsparlaientdeSimon?demandaIsabellesansconviction.Peut-être…— Ils ont dit qu'il avait été bien bête de croire qu'on le renverrait à NewYork sans lui poser de

questions. L'un d'eux a ajouté qu'il n'en revenait pas qu'on ait pu avoir le culot de le faire entrer àAlicante, pour commencer. EtMalachi a répondu : «Eh bien, venant du fils deValentin, il fallait s'yattendre.»

—Oh,murmuraIsabelle.Jace…Lespoingsserrés,Jacesetenaitimmobile,etdescernescreusaientsesyeuxcommes'ilsmenaçaientde

s'enfoncerdanssoncrâne.End'autrescirconstancesAlecl'auraitprispar l'épaule,maisquelquechosedansl'attitudedesonfrèreadoptifledissuada.

—Sicen'étaitpasmoiquil'avaisemmené,déclaraJaced'untonégal,commes'ilrécitaitlesmotsd'unautre,ilsl'auraientpeut-êtrelaissérepartir.Ilsauraientpensé...

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—Arrête,Jace,cen'estpastafaute,intervintAlec.Tuluiassauvélavie.—Oui,pourquel'Enclavepuisseletortureràsaguise.Quellefaveur!QuandClaryl'apprendra...Ilsecoualatête.—Ellecroiraquejel'aifaitvenirexprèspourlelivreràl'Enclave.—Maisnon!Tun'avaisaucuneraisondeluifaireça.—Peut-être,maisaprèslafaçondontjel'aitraitée...— Personnene tecroiraitcapabled'unechosepareille,Jace,objectaIsabelle.Aucundeceuxqui te

connaissent.Jaceluitournaledosetsedirigeaverslafenêtrepanoramiquequidonnaitsurlecanal.Ilrestalàun

longmoment,perdudanssacontemplation.Lalumièredujourteintaitd'orsescheveuxblonds.Soudain,avantqu'Alecaitletempsderéagir,ilyeutunénormefracas,etunepluiedeverrebrisés'abattitdanslapièce. Jace examina sa main avec un intérêt d’étaché tandis que de grosses gouttes de sangéclaboussaientlesolàsespieds.Isabelle regarda tour à tour Jace et le trou dans la vitre autour duquel s'étaient formées de fines

craqueluresargentéespareillesàunetoiled'araignée.—Oh,Jace,gémit-elled'unevoixàpeineaudible.Quest-cequ'onvadireauxPenhallow?Clarytrouvalasortiesanssavoircomment.Dansunbrouillard,elleparcourutuneséried'escalierset

de couloirs, se rua vers la porte d'entrée et, une fois parvenue sur le perron, faillit vomir dans lesmassifs de roses. N'ayant pas grand-chose à régurgiter, elle dévala les marches, franchit la grille ets'aventuradanslavilleàl'aveuglette.Elleneserappelaitplusquelledirectionelleavaitpriseàl'allerni comment rentrer chez Amatis, mais cela n'avait plus grande importance. Elle n'était pas presséed'annoncer àLuke qu'ils devraient quitterAlicante le plus tôt possible, sans quoi Jace les livrerait àl'Enclave.Ets'ilavaitraison?Elleétaitpeut-êtreimprudenteetirréfléchie.Ellen'évaluaitpeut-êtrepasassez

les conséquences de ses actes. Les visages de Simon et de Luke s'imprimèrent dans son esprit, netscommeunephotographie…Elles'arrêtapours'adosseràunréverbère.Avecsapetitecageenverre,ilévoquaitleséclairagesvieillotsquijalonnaientlestrottoirsdeParkSlope.Bizarrement,cettepenséelaréconforta.—Clary!Une voix inquiète la fît sursauter. Immédiatement, elle pensa : Jace, et tourna la tête. Sébastien, le

garçon brun qu'elle avait rencontré dans le salon des Penhallow, se tenait devant elle, hors d'haleinecommes'ilvenaitdecouriruncentmètres.Elleéprouvalamêmeimpressiondedéjà-vuquelorsdeleurpremièrerencontre,maisilyavaitautre

chosequedel'aversionoudelasympathie.Enfaitelleéprouvaitunecertaineattirancepourcetinconnu.Sabeautén'avaitrienàenvieràcelledeJace,saufqu'ilétaitaussibrunqueJaceétaitblond.Cependantmaintenantqu'ellepouvaitl'observerdeplusprèselles'apercevaitquesaressemblanceavecsonprinceimaginairen'étaitpasaussifrappantequ'ellel'avaitcrudeprimeabord.Elletenaitjusteàcertaindétails:laformedesonvisage,saposture,l'éclaténigmatiquedesesyeuxnoirs...

—Tutesensbien?demanda-t-ilavecdouceur.Tuessortiedelamaisontelleune…Ils'interrompit.Clarysecramponnaittoujoursauréverbèrecommeàunebouée.—Qu'est-cequis'estpassé?—Jeme suis disputée avec Jace, répondit-elle en s'efforçant demaîtriser sa voix.Tu sais comment

c'est.

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—Non,justement,dit-ild'untonpresquecoupable.Jen'ainifrèresnisœurs.—Tuenas,delachance,lâcha-t-elleens'étonnaitelle-mêmedel'amertumequiperçaitdanssavoix.—Tunepensespascequetudis.Ilfitunpasverselleet,àcetinstantprécis,leréverbères'allumaenlesnimbantd'unhalodelumière

blanche.Sébastienlevalesyeuxetsourit.—C'estunsigne.—Lesignedequoi?—Lesignequetudevraismelaisserteraccompagnercheztoi.— Maisjenesaispasoùc'est.Jesuissortieendoucedelamaisonpourvenirici.Jenemesouviens

pasducheminquej'aipris.—Chezquiséjournes-tu?

Claryhésita.—Jenelerévéleraiàpersonne,jelejuresurl'Ange.Elleouvritdegrandsyeux.Cen'étaitpasunepromesseanodine,pourunChasseurd'Ombres.— D'accord, dit-elle avant d'être tentée de revenir sur sa décision. Je suis logée chez Amatis

Herondale.—Jesaisprécisémentoùellehabite.Enroute,lança-t-ilenluioffrantlebras.

Claryesquissaunsourire.—Tunelâchesjamaislemorceau,toi.

Ilhaussalesépaules.—J'aiunfaiblepourlesdemoisellesendétresse.—Quelsexisme!—Tun'yespasdutout.Jeproposeaussimesservicesauxmessieurs.Pasdefavoritisme.Et,avecungrandgestethéâtral,illuioffritdenouveaulebras.Cettefois,ellel'accepta.Alec referma derrière lui la porte de la petite chambremansardée et s'avança vers Jace. En temps

normal,sesyeuxétaient,tellelacLyn,d'unbleupâleetlimpide,maisleurteinteavaittendanceàchangerselon son humeur. En ce moment même, ils étaient de la couleur de l'East River par une journée detempête.Quantàl'expressiondesonvisage,elleétaittoutaussiorageuse.

—Assieds-toi,ordonna-t-ilenmontrantunfauteuilprèsdelalucarne.JevaischercherdesbandagesJaceobéit.Lachambrequ'ilpartageaitavecAlecaudernierétagedelamaisondesPenhallowétait

meubléededeuxlitsétroitsadossésaumur.Leursvêtementsétaientsuspendusàdesparèresfixéeslesuneàcôtédesautres.Lapiècecomportaituneseulefenêtrequilaissaitentrerunpeudelumière:lanuittombait,etlecielau-dehorsseteintaitd'indigo.Jace regardaAlec s'agenouillerdevant le sacdevoyagequ'ilvenaitde sortirdedessous son lit. et

fouillabrutalementdedansetserelevaentenantà lamainla trousseàpharmaciedont ilsseservaientparfoisàdéfautderunes.Ellecontenaitdel'antiseptique,descompresses,unepairedeciseauxetdelagaze.

—Tunevoudraispasplutôtutiliserunerunedeguérison?s'enquitJace,intrigué.—Non.Tupeuxtoujours…Alecs'interrompitetjetalatroussesurlelitavecunjuroninaudible.Ilseplantadevantlepetitlavabo

et se lava lesmainsavec tantdevigueurqu'il éclaboussa tout autourde lui. Jace l'observait avecunecuriositédétachée.Unedouleursourdecommençaitàsepropagerdanstoutesamain.Alectiraunechaiseàluiets'assitenfacedeJace.

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—Donne-moitamain.Jaceobéit.Ildevaitadmettrequ'elleétaitenpiteuxétat.Lapeaudesphalangesétaitouverte.Dusans

séchéluisouillaitlesdoigts.Alecfitlagrimace—Tuesunimbécile.—Merci.Jacepritsonmalenpatiencetandisqu'Alec,unepinceàlamain,s'efforçaitdedélogerunfragmentde

verreenfoncésouslapeau..—Pourquoituneteserspasd'unerunedeguérison?Mablessuren'apasétécauséeparundémon,que

jesache.— Parcequ'ilmesemblequeçateferaitdubiendesouffrirunpeu,réponditAlecenprenantleflacon

bleu d’antiseptique. Tu guériras comme un Terrestre. Lentement et péniblement. Peut-être que ça tedonnerauneleçon.Ilversadel'antiseptiquesurlescoupuresdeJaceavantdeconclure:—Maisj'endoute.—Jepeuxmoi-mêmetracerunerunedeguérison,tusais.AlecsemitàbanderlamaindeJace.—SitutiensvraimentàcequelesPenhallowapprennentlavéritésurleurfenêtre,vas-y.D'ungestebrusque,ilfitunnœudaubandage,etJacegrimaçadedouleur.—Tusais,sij'avaissuqueturéagiraiscommeça,jenet'auraisriendit,repritAlec.—Etmoij'étaisloindem'imaginerque,enm'enprenantàcettefenêtre,jetemettraisdanstoustesétats.—C'estjusteque…Unefois lebandage terminé,Alecexamina lamaindeJacequ'il tenait toujoursdans lessiennes.Le

lingeblancétaittachédesangàl'endroitoùilavaitpressélesdoigts.—Pourquoitut'infligesça?JenefaispasallusionàcettefenêtremaisàClary.Pourquoitutepunis?

Lessentiments,çanesecontrôlepas.—Quelssentiments?demandaJaced'unevoixdépourvued'émotion.—Jevoisbiencommenttularegardes.Lesyeuxd'Alecétaientperdusdanslevague.— Tunepeuxpasl'avoir,poursuivit-il.Jusqu'àprésent,tunesavaispascequec'étaitquedevouloir

quelquechosesanspouvoirl'obtenir.Jaceplantasonregarddanslesien.—Qu'est-cequ'ilyaentreMagnusBaneettoi?Aleceutunmouvementderecul.—Je...rien...— Jenesuispasidiot.AprèstadiscussionavecMalachi,c'estversMagnusquetut'estourné,avant

mêmedenousenparler,àmoiouàIsabelle...— Ilétaitleseulàpouvoirrépondreàmaquestion,c'esttout.Iln'yarienentrenous,s'emportaAlec

puis,voyantleregarddeJace,ilajoutaàcontrecœur:Plusmaintenant,entoutcas.Çateva?—J'espèrequecen'estpasàcausedemoi.Alecblêmit.—Qu'est-cequeturacontes?—Jesaiscequeturessenspourmoi.Maissitum'aschoisi,c'estqu'avecmoitunecoursaucunrisque.

Enfait,jenesuisqu'unprétextepourt'éviterdet'investirdansunevraierelation.Jaceavaitconscienced'êtrecruel,maisils'enfichait.Blesserceuxqu'ilaimait,c'étaitpresqueaussi

efficacequedesefairedumal,quandiltraversaitcegenredemauvaisepasse.

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—Çava,j'aicompris,rétorquasèchementAlec.D’abordClary,puistamain,etmaintenantmoi.Vaaudiable,Jace.

—Tunemecroispas?Trèsbien.Embrasse-moi.Alecledévisagead'unairhorrifié.

— Tuvois?Malgrémonphysiquededieugrec,tun'envisagespasnotrerelationsouscetangle.SiturepoussesMagnus,cen'estpasàcausedemoi,c'estparceque tuas troppeurd'avouerauxautres tessentimentspourlui.L'amourvasouventdepairaveclemensonge,c'estlareinedelaCourdesLumièresquimel'adit.Tuasbondosd'insinuerquejememensàmoi-même.Tuenfaisautant.

Jaceseleva.—Etmaintenant,jeveuxqueturecommences.—Qu'est-cequetumechantes?demandaAlec,levisagefermé.—Menspourmoi,lançaJaceenprenantsavestesuspendueàlapatère.Lesoleilsecouche.Ilsnevont

pastarderàrentrerdelaGarde.Jeveuxquetuleurracontesquejenedescendraipascesoirparcequejenemesenspasbien.Dis-leurque j'ai trébuchéàcaused’unvertige,etquec'estcommeçaque j'aicassélafenêtre.

—D'accord,maisàunecondition:jeveuxsavoiroutuvas.—ÀlaGarde.JevaisfaireévaderSimon.Lamère deClary avait toujours appelé «l'heure bleue » la période qui sépare le crépuscule de la

tombédelanuit.Elleprétendaitquelalumièreétaitplusintenseetplusmystérieuseàcetteheure,etquec'était lemoment idéalpourpeindre.Claryn'avait jamaisvraimentcompriscequ'elleentendaitpar làjusqu'àcequ'elledéambuledanslesruesd'Alicante.À New York, l'heure bleue ne l'était pas vraiment. La lumière naturelle était éclipsée par les

lampadairesetlesnéons.JocelynedevaitpenseràIdrisendisantcela.Ici,lalumièresefractionnaitenun arc-en-ciel de violets sur les pavés dorés de la ville, et les réverbères diffusaient une clarté siéblouissante que Clary avait l'impression de ressentir de la chaleur quand elle passait dessous. Elleregrettaitquesamèrenesoitpasavecelle.Jocelyneluiauraitmontrélesquartiersd'Alicantequiavaientuneplacedanssessouvenirs.«Pourtant,ellenet'arienracontédecettepériodedesavie.Ellel'atenuesecrète.Etpeut-êtrequetu

n'ensaurasjamaisrien.»Elleeneutunpincementaucœur.—Jetetrouvebiensilencieuse,ditSébastien.Ilstraversaientunpontenjambantlecanal.Surlapierreétaientgravéesunemultitudederunes.—Jepensaisauxennuisquim'attendentàmonretour.Jemesuisenfuieparlafenêtre,etAmatisàdû

s'apercevoirdemonabsence.Sébastienfronçalessourcils.—Pourquoituespartieendouce?Tun'aspasledroitderendrevisiteàtonfrère?—Jen'étaismêmepascenséeveniràAlicante.Jedevaisresterchezmoi,biensagement.—Ah!Voilàquiexpliquebeaucoupdechoses.—Ahbon?Elleluijetaunregardintrigué.Desombresbleutéesdominaientsursescheveuxbruns.—Toutlemondechangeaitdecouleurquandtonnomsurvenaitdanslaconversation.J'enaidéduitqu’il

yavaitdestensionsentretonfrèreettoi.Tunel’appréciespas?—Hein?

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Ces dernières semaines, elle avait tellement réfléchi à ses sentiments pour Jace qu'elle n'avait pasvraimentprisletempsd'étudiercettequestion.

—Désolé.C'estlafamille...Onneseposepaslesquestionsencestermes-là.—Biensûrquejel'apprécie,répliqua-t-ellebrusquement.C'estjusteque...ilmemethorsdemoi.Ilme

donnesanscessedesordres…—Enpureperte,apparemment.—Commentça?—Ilmesemblequ'enfindecomptetufaistoujourscequetuveux.Venantd'unétranger,cetteremarquelasurprit.—C'estvrai.Maisjenepensaispasqu'ilsemetteraitdansunétatpareil.—Ils'enremettra,lâchaSébastienavecdédain.

Claryl'observaavecinsistance.—Ettoi,tul'aimesbien?— Oui.Maisjenecroispasquecesoitréciproque,réponditSébastiend'untonchagrin.Quoiqueje

dise,j'ail'impressiondel'agacer.Al'angledelarue,ilstournèrentpourdébouchersurunegrandeplacepavéebordéedehautsbâtiments

étroits,aucentredelaquelles'élevaitlastatueenbronzedel'angeRaziel,quiavaitdonnésonsangpourcréerlaracedesChasseursd'Ombres.Àl'extrémiténorddelaplacesedressaituneénormeconstructionen pierre blanche. Un grand escalier de marbre menait à une galerie bordée de colonnes, derrièrelaquelle se trouvait une porte à double battant. Dans la pénombre du crépuscule, l'édifice offrait unspectacle saisissant… et bizarrement familier. Clary avait l'impression d'avoir déjà vu cet endroitauparavant.Samèrel'avait-ellepeint?

— C'estlaplacedel'Ange,expliquaSébastien,etvoicilaGrandeSalledel'Ange.C'estlàqu'ontétésignéslesAccords,puisquelesCréaturesObscuresnesontpasautoriséesàpénétrerdansl'enceintedelaGarde.Onl'arebaptiséelaSalledesAccords.C'estunlieuderéunionoùsetiennentlesréjouissances:mariages,bals,cegenred'événements.Enrésumé,c'estlecœurdelaville.Ilparaîtquetouslescheminsymènent.

—Çaressembleunpeuàuneéglise...Maisvousn'enavezpas,ici?— Cen'estpasnécessaire.Lestoursnousprotègent.Nousn'avonsbesoinderiend'autre.J'aimevenir

ici.C'estunendroit...paisible.Claryleconsidéraavecsurprise.—Tun'habitespasici?— Non,jevisàParis.JesuisjustevenurendrevisiteàAline.C'estmacousine.Mamèreetsonpère

mononclePatrick,sontfrèreetsœur.Lesparentsd'Alineontdirigél'InstitutdePékinpendantplusieursannées.Ilssontrevenuss'installeràAlicanteilyadixans.

—LesPenhallownefaisaientpaspartieduCercle,si?L'étonnementsepeignitsurlevisagedeSébastien.Ilseluttandisque,laissantlaplacederrièreeux,

ilss'engageaientdansundédalederuesplongéesdansl'obscurité.—Pourquoitumeposescettequestion?dit-ilenfin.—Euh...ehbien,parcequelesLightwoodenétaientmembresAumomentoùilspassaientsousunréverbère,ClaryregardaSébastienà ladérobée.Avecsonlong

manteaunoiretsachemiseblanche, il ressemblaitàuneillustrationennoiretblancd'ungentlemandel’époquevictorienne.Sescheveuxnoirsquibouclaientsursestempesdonnaientfurieusementenviedeledessiner.

— Ilfautquetucomprennesqu'ungrandnombredejeunesgensd'Idrisetd'ailleursfaisaientpartiedu

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Cercle.MononclePatrickl'arejointdanslespremierstempsdesonexistence,maisill'aquittéquandils'est aperçu que Valentin ne plaisantait pas. Les parents d'Aline n'ont pas non plus pris part àl'Insurrection:mononcleestpartiàPékinpourfuirValentin,etc'estlà-bas,àl'Institut,qu'ilarencontrématante.LorsquelesLightwoodetlesautresmembresduCercleontétéjugéspouravoirtrahil'Enclave,lesPenhallowontvotépourqu'onlestraiteavecclémence.C'estgrâceàeuxqu'onlesaenvoyésàNewYorketqu'ilsontévitéunemalédiction.Ilsleuronttoujoursététrèsreconnaissants.

—Ettesparents?Ilsenfaisaientpartie?—Pasvraiment.MamèreétaitplusjeunequePatrick.Ill'aenvoyéeàParisjusteavantsondépartpour

Pékin.C'estlàqu'ellearencontrémonpère.—«Était»?—Elleestmorte.Monpèreaussi.C'estmatanteElodiequim'aélevé.—Oh...fitClary,sesentantbête.Jesuisdésolée.—Jen'aipasbeaucoupdesouvenirsd'eux.Quandj'étaisplusjeune,j'auraisaiméavoirunfrèreouune

sœurplusâgésquipuissentmeparlerd'eux.SébastienobservaClaryd'unairsongeur.—Jepeuxteposerunequestion?PourquoiestvenueàIdrissitusavaisquetonfrèreleprendraitmal?Avantqu'elleaitpurépondre,laruelleétroitequ'ilssuivaientdébouchasuruneplacetteaucentrede

laquelletrônaitunpuitsàl'abandonilluminéparleclairdelune.—LaplacedelaCiterne,annonçaSébastien,visiblementdéçu.Onafaitplusvitequeprévu.Claryjetauncoupd'œilducôtédupontquienjambaitlecanaletdistingualamaisond'Amatisauloin.

Touteslesfenêtresétaientéclairées.Ellepoussaunsoupir.—Merci,jevaismedébrouiller,maintenant.—Tuneveuxpasquejet'accompagnejusqu'à…—Non.Saufsituveuxavoirdesennuis,toiaussi.—Tucroisquejevaism'attirerdesennuispourt'avoirraccompagnéecheztoiengentleman?—Personnen'estcensésavoirquejesuisâAlicante.C'estunsecret.Etpuis,netevexepas,maistues

unétranger.—J'aimeraisteconnaîtreunpeumieux.Illuilançaunregardàlafoistimideetmalicieux,commes'ilcraignaitd'essuyerunrefus.—Sébastien,lança-t-elleavecunelassitudesoudaine,jesuisflattée,maisjen'aipasl'énergied'investir

dansunenouvelleamitié.Désolée.—Jenevoulaispas…Maiselles'éloignaitdéjàendirectiondupont.Ami-chemin,elletournalatête.Sousleclairdelune,Il

paraissaitétrangementtristeavecsescheveuxquitombaientsursonvisage.—RagnorFell.Illadévisageasanscomprendre.—Hein?—Tum'asdemandélaraisondemaprésenceici.Mamèreesttrèsmalade;ellerisquedemourir.Le

seul à pouvoir l'aider, c'est un sorcier du nom deRagnor Fell. Seulement voilà, je ne sais pas où letrouver.

—Clary...—Bonnenuit,Sébastien,dit-elleensedétournant.Clary eut beaucoup plus demal à escalader la treille qu'elle n'en avait eu à descendre. Ses bottes

glissaient sur lemurhumide, et ce fut avecun immense soulagementqu'elle parvint à sehisser sur le

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reborddelafenêtre.Son euphorie fut de courte durée. Elle n'avait pas mis un pied par terre que la pièce fut soudain

inondéede lumière.Amatisétait assiseauborddu lit, ledos trèsdroit,unepierrede runeà lamain.Cettedernièrebrillaitd'unéclataveuglantquiaccentuaitlescontoursanguleuxdesonvisageetlesridesaucoindesabouche.ElleexaminaClaryensilencependantunmomentinterminable,puisdéclara:

—Danscesvêtements,tuesleportraitcrachédeJocelyne.Claryseredressapéniblement.

—Je...jesuisdésoléed'êtresortiecommeça..flAmatisrefermalamainsurlapierrederune,etClarycilladanslapénombre.

—Change-toi,ordonnalafemme,puisrejoins-moidanslacuisine.Etnet'avisepasderessortirparlafenêtreoutulatrouverasverrouilléeàtonretour.Claryhochalatête,lagorgenouée.Amatisselevaetsortitsansunmot.Clarysedébarrassaenhâtede

satenuedeChasseused'Ombresetenfilasespropresvêtements,àprésentsecs,quiétaientsuspendusàunecolonnedulit.Letissudesonjeanétaitunpeuraidemaiselleseréjouitderemettresonvieuxtee-shirt.Puis,aprèsavoirrejetéenarrièresatignasseébouriffée,elledescenditl'escalier.Ladernière foisqu'elleavaitvu le rez-de-chausséede lamaisond'Amatis,elleétaitenproieàdes

hallucinations.Elleserappelaitdescouloirss'étirantindéfinimentetuneénormehorlogedegrand-pèredont les tic-tacrésonnaient tels lesbattementsd'uncœurmoribond.Àprésent,ellese trouvaitdansunpetitsalonaccueillantsimplementmeubléavecunvieuxtapisenpatchworksurlesol.LescouleursvivesetlesdimensionsétroitesdeslieuxluirappelaientunipeusonpropresalonàBrooklyn.Elletraversalapièce sans bruit et entra dans la cuisine où le fourneau allumé dispensait une lumière réconfortante.Amatis était assise à la table, un châle bleu drapé autour des épaules. Par contraste, ses cheveuxsemblaientencoreplusgris.

—Salut.Clarys'arrêtasurleseuil.Elleavaitdumalàdéchiffrerl'humeurd'Amatis.

—Jen'aipasbesoindetedemanderoùtuétais,dit-ellesansleverlesyeuxdelatable.TuesalléevoirJonathan, n'est-ce pas ? Il fallait s'y attendre, j'imagine.Peut-être que, si j'avais des enfants, je seraiscapablededéterminerquandonmement.Maisj'espéraistantnepasdécevoirmonfrère,pourunefois!

—Quoi?— TUsaiscequis'estpasséquandilaétémordupurunloup-garou?lançaAmatisenregardantdroit

devantelle.Oh,çadevaitarriver:Valentinfaisaittoujourscourirdesrisquesidiotsàsesdisciples,cen’était qu'une question de temps. Quandmon frère a étémordu, il est venume trouver. Il avait peurd'avoircontractélemallycanthropique.Etmoi...

—Amatis,vousn'êtespasobligéedemeracontertoutça...—Jel'aichassédechezmoienluidemandantdenepasreveniravantd'êtresûrqu'iln'étaitpasatteint.

J’ai reculé... je ne pouvais pas m'en empêcher. (Sa voix tremblait.) Il voyait bien l'horreur qu'ilm'inspirait,c'étaitécritsurmonvisage.Ilcraignait,endevenantunloup-garou,queValentinluiordonnedemettrefinàsesjours,etj'airépondu...j'airéponduquec'étaitpeut-êtrelameilleuresolution.Clarylaissaéchapperunhoquetdesurprise.Amatislavalesyeux.Toutenelletrahissaitledégoûtde

soi.—Lukeavaittoujoursétésibon,malgrétoutcequeValentinluiimposait...Parfois,j'avaisl'impression

que Jocelyne et mon frère étaient les seules personnes foncièrement bonnes que je connaisse. Je nepouvaispasmerésoudreàl'idéequ'ildevienneunmonstre...

—MaisLukeesttoutsaufunmonstre.— Al'époque,jenesavaispas.AprèssaTransformation,ils'estenfui,etJocelynes'estefforcéesans

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relâchedemeconvaincrequ'ilétait resté lemême,qu'ilétait toujoursmonfrère.Sanselle, jen'auraisjamaisconsentiàlerevoir.Jel'aiautoriséàsecacherdanslacavelorsqu'ilestrevenuàAlicante,justeavant l'Insurrection,mais jevoyaisbienqu'ilnemefaisaitpasentièrementconfiancedepuisqueje luiavaistournéledos.Jecroisqu'ilnelepourraplusjamais.

— Ilvousafaitsuffisammentconfiancepourvenirfrapperàvotreportequandj'étaismalade,objectaiClary.Ilvousalaisséeseuleavecmoi...

— Iln'avaitpasd'autreendroitoùaller.Etregardelerésultat!Jen'aipasputegarderentrecesmursuneseulejournée.

LecœurdeClaryseserra.Enfindecompte,elleauraitpréféréêtreréprimandée.—Cen'estpasvotrefaute.J'aimentietjesuissortieendouce.Vousn'ypouvezrien.— Oh,Clary.Tunecomprendspas?Onpeuttoujoursagir,maislesgenscommemoiseconvainquent

systématiquementducontraire. Jemesuispersuadéequ'iln'yavait rienà fairepourLukeetque jenepouvaispasempêcherStephendemequitter.J'aimêmerefuséd'assisterauxréunionsdel'Enclave:Jeme disais que je ne pouvais pas influencer leurs décisions, alors que je déteste leurs agissements.Etquandjemedécideenfin...ehbien,jefaistoutdetravers.

Sesyeuxétincelèrentàlalueurdufeu.—Vatecoucher,Clary,conclut-elle.Dorénavant,tupourrasalleretveniràtaguise.Jen'essaieraipas

det'enempêcher.Aprèstout,commetul'asdit,jen'ypeuxrien.—Amatis...Ellesecoualatête.—Non.Vatecoucher.S'ilteplaît.Àcesmots,ellesedétournaetfixaobstinémentlemur.Clarytournalestalonsetremontalesmarches

quatreàquatre.Arrivéedanssachambre,ellefermalaported'uncoupdepiedetsejetasurlelit.Elleavaitenviedepleurer,maisleslarmesnevinrentpas.«Jacemedéteste,pensa-t-elle.Amatismedéteste.Jen’aipaseuletempsdedireaurevoiràSimon.Mamèreestmourante.EtLukem'aabandonnée.Jenemesuis jamaissentieaussi seule,etc'estentièrementma faute.»Lesyeuxsecs,elle s'absorbadans lacontemplationduplafondetsongea:«Àquoibonpleurerquandiln'yapersonnepourteconsoler?Etsurtout,quandtun'esmêmepascapabledeteréconfortertoi-même?»

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7.LàOùLesAngesOntPeurDeS'Aventurer

SIMONFUTRÉVEILLÉaubeaumilieud'unrêvedesoleiletdesangparunevoixquil'appelait.—Simon!Simon,debout!Ilselevad'unbond-parfois,ils'étonnaitencoredelarapiditédesesmouvements-etseretournadans

lesténèbresdesacellule.—Samuel?chuchota-t-ilenscrutantl'obscurité.Samuel,c'estvous?—Approche-toidelafenêtre,Simon.A présent, la voix, vaguement familière, trahissait une certaine irritation. Simon la reconnut sur-le-

champet, jetantuncoupd'œilà travers lesbarreaux, ilvit Jaceagenouillédans l'herbe,unepierrederuneàlamain,quileregardaitens'efforçantdedissimulersonagacement.

—Tufaisaisuncauchemarouquoi?—Peut-êtrequejenesuistoujourspasréveillé.Simonavaitlesoreillesquibourdonnaient.S'ilavaitencoreeuunpouls, ilauraitpenséquec'était le

sangquibattaitdanssesveines,maislapulsationsemblaitàlafoisplusténueetplusproche.Lapierrederunedessinaitdesjeuxd'ombreetdelumièreétrangessurlevisageblêmedeJace.—Alorsc'estlàqu'ilst'ontmis.Jenesavaismêmepasqu'ilsseservaientencoredecescellules.Iljetauncoupd'œildepartetd'autre.— D'abord, jemesuis trompédefenêtre.J'ai flanquéunesacréefrousseà toncamaraded'infortune,

c’estmoiquiteledis!Bellegueule,malgrélabarbeetleshaillons.Ilmerappellelesclochardsdecheznous.Àcetinstant,Simondécouvritl'originedubourdonnement.Larage.Ilsentitvaguementl'extrémitéde

sescrocsfrottercontresalèvreinférieure.—Jesuisraviquetoutçat'amuse,lâcha-t-il.—Tun'espascontentdemevoir,c'estça?Jedoisadmettrequejesuissurpris.Onm'atoujoursditque

maprésence suffisait à illuminerunepièce. Je croyaisque c'était doublementvalabledansuneprisonhumide.

— Tusavaiscequiallaitarriver,pasvrai?« Ils te renverrontdirectementàNewYork»,hein?«Aucunproblème.»Saufqu'ilsn'enavaientpasdutoutl'intention.

—Jen'étaispasaucourant.Jacesoutintsonregardsansciller.

—Jesaisquetunemecroirasjamais,maisjepensaisdirelavérité.—Soittumens,soittuesunidiot.—Alorsjesuisunidiot.—Jesuistentédecroirequetucumuleslesdeux.—Jen'avaisaucuneraisondetementir.Etcessedemontrerlescrocs.Çamerendnerveux.—Tantmieux.Situveuxsavoirpourquoi,c'estparcequejeflairel'odeurdusang.—C'estmoneaudeCologne.Eaudecoupurerécente.

Jacelevasamaingaucheemmaillotéedansdelagazetachéedesang.Simonfronçalessourcils.

—Jecroyaisque,chezvous,onguérissaitvite.

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—Mamainestpasséeàtraversunefenêtre,etAlecmetunpointd'honneuràcequejecicatrisecommeunTerrestre,histoiredemedonneruneleçon.Tuvois,jet'aiditlavérité.Çat'épate,hein?

—Non.J'aid'autreschatsàfouetter.L'Inquisiteurmeharcèledequestions,etjen'aipaslesréponses.Ilpersisteàm'accuserd'avoirmismespouvoirsdevampireauservicedeValentin.Ilcroitquej'espionnepoursoncompte.

Unelueurd'inquiétudes'allumadanslesyeuxdeJace.—Aldertreeaditça?—Ilinsinuequel'Enclaven'enpensepasmoins!—Çasentmauvais.S'ilsdécrètentquetuesunespion,lesAccordsnes'appliquerontplusàtoncas.Pas

s'ilsseconvainquentquetuasenfreintlaLoi,entoutcas.Jacejetaunregardfurtifautourdeluiavantdepoursuivre:

—Onferaitmieuxdetefairesortird'ici.—Etensuite?Oùmecacherez-vous?Simons'étonnadesa réaction. Iln'avaitqu'uneenviequittercetendroit,etpourtant lesmotsavaient

jaillideseslèvres.—IlyaunPortailici,dansl'enceintedelaGarde.Sionletrouve,jeterenverrai...—Ettoutlemondesauraquetum'asprêtémainforte.Jace,ilsn'enontpasqu'aprèsmoi.Àvraidire,je

doutequ'ilss'intéressentàuneCréatureObscure.IlsessaientdeprouverquelesLightwoodsonttoujoursencontactavecValentinetqu'ilsn'ontjamaisquittéleCercle.Mêmedanslapénombre,SimonvitJaceblêmir.—Maisc'estridicule.IlsontcombattuValentinsurlebateau.Robertafailliylaisserlavie...— D'après l'Inquisiteur, ils auraient sacrifié lesNephilimqui se battaient à leurs côtés pour donner

l'illusionqu'ilsétaientlesennemisdeValentin.Ilsontperdul'ÉpéeMortelle,etc'esttoutcequ'ilaretenu.Regarde, tu as essayé de mettre en garde l'Enclave, et ils n'en ont pas tenu compte. Maintenant,l'Inquisiteurchercheunboucémissaire.S'ilpeutfairepassertafamillepourdestraîtres,alorspersonnenepourrablâmerl'Enclavepourcequis'estpassé,etilseralibredemenertranquillementsabarquesansrencontrerlamoindreopposition.Jaceenfouitlatêtedanssesmains,ettiradistraitementsursescheveux.—Jenepeuxpastelaisserici.SiClaryl'apprend...—J'auraisdûmedouterquec'étaitçaquit'inquiétait,répliquaSimonavecunrireamer.Alorsneluidis

rien.Detoutefaçon,elleestàNewYork,D...(Ils'interrompit,incapabledeprononcerlemot«Dieu».)Tuavaisraison.Jesuiscontentqu'ellenesoitpasvenue.Jacerelevalatête.—Hein?— Cesgensde l'Enclave sont des fous.Qui sait cequ'ils lui feraient subir s'ils avaient vent de ses

pouvoirs?Tuavaisraison,répétaSimonet...(Et,commeJacenerépondaitpas,ilajouta:)Ettuferaismieuxdesavourercemoment.Jenelerediraipasdesitôt,Jaceluijetaunregardhébété,etSimonseremémoraavecunfrissondemalaisel'expressiondeson

visagesurlebateau,alorsqu'ilagonisait,couvertdesang,surlesolfroid.—Alorstuveuxresterici?dit-ilenfin.Jusqu'àquand?—Jusqu'àcequ'onaittrouvéunemeilleuresolution.Maisilresteunpetitdétailàrégler.

Jacelevalessourcils.—Lequel?— L'Inquisiteur a décidé dem'affamer. Jeme sens déjà très faible.Demain, je serai peut-être...On

verrabien.Maisjen'aipasl'intentiondecéder.Etjeneveuxplusjamaisboiretonsang,ajouta-t-ilen

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hâte.Dusangd'animalferal'affaire.—Jepeuxt'enprocurer.

Jacehésita.—Est-cequetuasrévéléàl'Inquisiteurquejet'avaislaisséboiremonsang?

Simonsecoualatête.LesyeuxdeJaceétincelèrent.—Pourquoi?—Tuasassezd'ennuiscommeça,jesuppose.—Écoute,vampire,protègelesLightwoodsiçatechante,maisnet'occupepasdemoi.

Simonlevalatête.—Pourquoi?Comme Jace le dévisageait de l'autre côté des barreaux, Simon put presque s'imaginer la situation

Inverse:luidehors,etJaceàl'intérieurdelacellule.—Parceque,répondit-il,jeneleméritepas.Claryfutréveilléeparundrôledebruit.Onauraitditletintementdecaillouxsurunetoitureenmétal.

Elleseredressa,jetaunregardahuriautourd'elle.Lebruitserépéta.Aprèsavoirrepoussésacouvertureàcontrecœur,elleallaouvrirlafenêtreetuncourantd'airglacétransperçasonpyjama.Ellesepenchaau-dehorsenfrissonnant.Quelqu'unétaitdeboutaumilieudujardinetelleeutuncoupaucœurencroyantreconnaîtrelahaute

silhouetteminceauxcheveuxébouriffés.Puisl'intruslevalatêteetelles'aperçutqu'ilétaitbrun.Pourladeuxièmefois,elleavaitespéréquecesoitJaceetcenotaitqueSébastien.Il tenait à lamain une poignée de cailloux. Il sourit en la voyant etmontra du doigt la treille.Elle

secoualatêteetindiqualebasdelamaison:«Retrouve-moidevantlaporte.»Aprèsavoirrefermélafenêtre,elledévalal'escalier.Lamatinéeétaitbienavancée:lesoleilentraitparlesfenêtres,maistoutesleslumièresétaientéteintesetlamaisondemeuraitsilencieuse.«Amatisdoitencoredormir»,pensa-t-elle.Ellesedirigeaverslaporteetpoussaleloquet.Sébastiensetenaitsurlapremièremarcheduperron,

etelleéprouvadenouveaucettevagueimpressiondedéjà-vu.Elleesquissaunsourire.—Tujettesdespierrescontremafenêtre.Jecroyaisqu'onnefaisaitçaquedanslesfilms.—Jolipyjama,observa-t-il.Jet'airéveillée?—Peut-être.— Désolémaisçanepouvaitpasattendre.Tuferaismieuxderemontert'habiller.Onpasselajournée

ensemble.—Jetetrouvebiensûrdetoi,rétorqua-t-elle.MaispourlesgarçonsdotésduphysiquedeSébastien,l'assuranceallaitsansdoutedesoi.Ellesecoualatête.—Jeregrettemaisc'estimpossible.Jenepeuxpasquitterlamaison.Pasaujourd'hui.UnplidecontrariétébarralefrontdeSébastien.—Tuessortiehier,non?—Jesaismaisc'étaitavant...«Avantqu'Amatisnememetteplusbasqueterre.»—Jenepeuxpas,unpointc'esttout.Et,s'ilteplaît,n'essaiepasdemeconvaincre,tuveuxbien?— D'accord.Jen'insistepas.Maislaisse-moiaumoinst'expliquerlaraisondemavenue.Etensuite,

promis,situveuxquejeparte,j'obéirai.—Qu'ya-t-il?Illevalatête,etellesedemandacommentdesyeuxaussinoirspouvaientbrillercommedel'or.

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—JesaisoùtupeuxtrouverRagnorFell.

IlfallutmoinsdedixminutesàClarypourremonterlesmarchesquatreàquatre,enfilersesvêtement,griffonnerunmotpourAmatisetrejoindreSébastienquil'attendaitaubordducanal.Ilsouritenlavoyantcourirverslui,horsd'haleine,sonmanteauvertsouslebras.

—Jesuislà,lança-t-elleens'arrêtantdevantlui.Onyva?Sébastieninsistapourl'aideràs'habiller.—Personnenem'avait jamaisaidéàmettremonmanteauauparavant,observa-t-elleendégageantses

cheveuxquis'étaientcoincésdanssoncol.Apartpeut-êtrelesserveursdanslesrestaurants.Tuasétéserveur?

—Non,maisj'aiétéélevéparuneFrançaise,luirappelaSébastien,cequiimpliquecertainesmanières.Clary souritmalgré sa nervosité. Sébastien n'avait pas son pareil pour lamettre de bonne humeur,

songea-t-elleavecunvagueétonnement.Ilétaitmêmetropdoué.—Oùallons-nous?—Fellhabiteàl'écartdelaville,réponditSébastienenprenantladirectiondupont.

Claryluiemboîtalepas.—C'estloin?—Troploinpourmarcher.Nousallonsdevoirtrouverunmoyendetransport.

Clarys'arrêtanet.—Quoi?Sébastien,ilfautresterprudent.Onnepeutpasrévélernosprojetsaupremiervenu.C'estun

secret.Sébastienlaconsidérad'unairpensif.—Jetejuresurl'Angequel'amiquinousemmènen'ensouffleramotàpersonne.—Tuenessûr?—Sûretcertain.«RagnorFell», pensaClary tandis qu'ils traversaient les rues bondées. « Je vais rencontrerRagnon

Fell.»Ensonfor intérieur, l'excitationrivalisaitavecl'inquiétude.MadeleineavaitdécritRagnorFellcommeunpersonnagehorsducommun.Ets'iln'avaitpaslapatienceouletempsdel'écouter?Sielleneparvenaitpasàleconvaincredesonidentité?S'ilnesesouvenaitpasdesamère?Pourajouteràsanervosité,chaquefoisqu'ellecroisaitungarçonblondouunefillebruneauxcheveux

longs,ellecroyaitreconnaîtreJaceouIsabelle.Maiscelle-cichoisiraitprobablementdel'ignorersiellesse rencontraient, pensa-t-elle avec tristesse, et Jace était sans doute chez les Penhallow en train debatifoleravecsanouvellepetiteamie.

— Tu as peur qu'on nous suive ? demanda Sébastien en surprenant son regard au moment où ilss'engageaientdansunepetiterueàl'écartducentreville.

—J'ail'impressiondecroisersansarrêtdesgensquejeconnais,admit-elle.JaceoulesLightwood.—JenecroispasqueJaceaitquittélamaisondesPenhallowdepuissonarrivée.Ilpasseleplusclair

desontempsàbouderdanssachambre.Etpuisils'estsalementblesséàlamainhier...—Ils'estblessé?Maiscomment?Oubliant de regarder où ellemarchait, Clary trébucha contre une pierre. Sur la route qu'ils avaient

empruntée,lespavésavaientlaisséplaceaugravierssansqu'elles'enaperçoive.—Onyest,annonçaSébastienens'arrêtantdevantunepalissade.IIn'yavaitpasdemaisonsalentour :à lazonerésidentielleavaitbrusquementsuccédé lacampagne

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aveccettepalissaded'uncôtéet,del'autre,unchemincaillouteuxquidescendaitverslaforêt.Unportailferméparuncadenass'encadraitdanslaclôture.Sébastiensortitdesapocheunegrosseclé

etl'ouvrit.—Jerevienstoutdesuite,lança-t-ilenrefermantleportailderrièrelui.Clarycollasonœilàunintersticedansleboisdelapalissadeetdistinguaunecabanerougeautoitde

bardeauxquisemblaitdépourvuedeporteetdefenêtres...Leportail s'ouvrit etSébastien réapparutavecun sourire jusqu'auxoreilles. Il tenaitunharnaisà la

main.Ungrandchevalblancetgrisavecunemarqueenformed'étoilesurlefrontlesuivaitdocilement.—Cechevalestàtoi?s'exclamaClary.Quiauncheval,denosjours?

Sébastiencaressaamoureusementsamonture.—ChezlesChasseursd'Ombres,beaucoupdefamillesontunchevalàl'étable.Aucasoùtunel'aurais

pasremarqué,iln'yapasdevoituresàIdris.Ellesnemarchentpasbienavectouscesboucliersdanslesparages.Il tapota le cuir clair de la selle, orné d'un blason représentant un serpent qui sortait d'un lac en

ondulant.LenomVerlacétaitinscritau-dessous.—Enroute!

Claryrecula.—Jenesuisjamaismontéeàcheval.—C'estmoiquiconduiraiWayfarer,larassura-t-il,Tuserasassisedevantmoi.Le cheval hennit doucement.Clary remarqua avec un certainmalaise qu'il avait des dents énormes.

Elles'imaginacesdentss'enfoncerdanssajambeetpensaàtoutessescamaradesaucollège,quirêvaientdeposséderunponey.Ellesdevaientêtrefolles.«Unpeudecourage,sedit-elle.Mamann'auraitpashésité,elle.»

—Bon,lança-t-elleensoupirant.Allons-y.

LesbonnesrésolutionsdeClarydurèrentletempsqueSébastien,aprèsl'avoiraidéàsemettreensellese hisse à son tour derrière elle. Il éperonna sa monture qui s'élança au triple galop sur la routecaillouteuse,lacontraignantàs'agrippersifortàlasellaqu'ellelaissadesmarquesd'onglesdanslecuir.La route s'étrécissait à mesure qu'ils s'éloignaient de la ville, et bientôt d'épais bouquets d'arbres

apparurentdechaquecôtételsdesmursdeverdurebloquantlavue.Sébastientirasurlesrênes,lechevalralentit,etlecœurdeClaryseremitàbattrenormalement.Tandisquesapaniquerefluait,ellepritpeuàpeuconscienceducorpsdeSébastiencontrelesiendesesbrasautourd'elleetdesonodeur,agréableetpoivrée,trèsdifférentedecelledeJace,quisentaitlesavonetlesoleil.Nonquelesoleilaituneodeurmaiss'ilfallaitentrouverune...Claryserralesdents.MêmeenprésencedeSébastien,alorsqu'elleétaitenroutepourrencontrerun

puissantsorcier,ellesesurprenaitàpenseràJace.Elles’efforçadeseconcentrersur lepaysage.Lesarbres se raréfiaient et, à présent, la campagne s'étendait de chaque côté de la route, offrant une vuecharmantebienqu'austèreavecsesvastesétenduesd'herbetraverséesçàetlàparunchemindepierres.Dedélicatesfleursblanches,semblablesàcellesqu'elleavaitpuobserverdanslanécropoleavecLuke,parsemaientlescollinescommedesfloconsdeneige.

— Comment tuas faitpourdécouvriroùhabiteRagnorFell ?demandaClarycommeSébastien,d'ungestehabile,faisaitfaireuneembardéeàsamonturepouréviteruneornière.

—MatanteÉlodiepossèdeunsacréréseaud'informateurs.EllesaittoutcequisepasseàIdris,mêmesiellen'ymetjamaislespieds.Elledétestequitterl'Institut.

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—Ettoi?TuvienssouventàIdris?— Non.Ladernièrefois, j'avaisàpeinecinqans.Jen'avaispasrevumononcleetmatantedepuis,

alors jesuiscontentd'être là.C'est l'occasionde rattraper le tempsperdu.Etpuis, Idrismemanquait.Riennes'enrapproche.C'estlaterrequiveutça.Ellenousmanquequandnoussommesloin.

—Jaceavaitlemaldupays,luiaussi.Maisjecroyaisquec'étaitlefaitd'avoirétéélevéici.—IlagrandidanslemanoirdesWayland,n'est-cepas?C'estàdeuxpasdel'endroitoùnousallons.—Tum'asl'airbienaucourant.— N'exagéronsrien!répliquaSébastienenriant.Maisc'estvraiquelamagied'Idrisopèresurtoutle

monde,mêmesurceuxqui,àl'instardeJace,ontdebonnesraisonsdedétestercetendroit.—Pourquoidis-tuça?—Ehbien,c'estValentinquil'aélevé,non?Iladûvivreunenfer.

Claryhésita.—Jenesaispas.Avraidire,ilengardeunsouvenirmitigé.JecroisqueValentinétaitunpèrehorrible

parcertainscôtés,maisqueJacen'aconnuriend'autrequelepeud'affectionetdegentillessequ'il luitémoignait.

Unevaguedetristesselasubmergea.—Ilmesemblequ'ilalongtempsgardéunsouvenirémudelui,reprit-elle.—Jen'arrivepasàcroirequecethommesoitcapabledegentillesse.C'estunmonstre.—Jaceestsonfils.Etcen'étaitqu'unenfantàl'époque.JecroisqueValentinl'aimait,àsamanière!—Non,lâchaSébastiend'untonbrutal.C'estimpossible.Clarysursautaetfuttentéedeseretourner,mailelleseravisa.TouslesChasseursd'Ombresétaientun

peuchatouilleuxausujetdeValentin-ellefrémitensongeantàl'Inquisitrice-etellenepouvaitpasleurenvouloir.

—Tuassansdouteraison.—Onestarrivés,annonçaSébastienavectantdebrusqueriequeClarysedemandasiellel'avaitblessé.

Ilselaissaglisserdesonchevalmais,quandillevalesyeuxverselle,ilsouriait.—Onaétéplus rapidesqueprévu,déclara-t-il enattachant les rênesduchevalà labranche laplus

bassed'unarbre.D'ungeste,ilfitsigneàClarydedescendreet,aprèsunmomentd'hésitation,elleselaissatomberdans

sesbrasensecramponnantàluimalgréelle,lesjambesflageolantesaprèslalonguechevauchée.Ellesentit lesoufflechauddeSébastiencontresanuqueetfrissonna.Sesmainss'attardèrentsurson

dos, et il la lâcha à contrecœur. Consciente qu'elle rougissait, elle pria intérieurement pour que lablancheurdesapeaunelatrahissepas.

—Alors...c'estici?lança-t-elleenjetantunregardautourd'elle.Ilsavaientfaithaltedansunpetitvallonnichéentredeuxcollines.Unrideaud'arbresnoueuxmasquait

une clairière. Leurs branches décharnées se détachant sur le ciel bleu étaient d'une beauté presquesculpturalemais,hormiscedétail...

—Iln'yarienici,lâcha-t-elleenfronçantlessourcils.—Clary.Concentre-toi.—Tuveuxdirequec'estuncharme?Mais,d'habitude,jen'aipasbesoinde...—ÀIdris,lescharmessontengénéralpluspuissantsqu'ailleurs.Ilfautsouventfaireplusd'efforts.

Illapritparlesépaulesetlafitpivoterdoucement.—Regardelaclairière.Claryprocédaàlapirouettementalequiluipermettaitdedissocierlecharmedecequ'ildissimulait,

elle s'imagina en train de frotter de l'essence de térébenthine sur une toile afin d'ôter les couches de

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peinturequimasquaientletableauendessous.Soudainapparutunepetitemaisonenpierreavecuntoitpointuetunecheminéecrachantunmincerubandefumée.Unealléesinueusebordéedecaillouxmenaitàla porte. Sous les yeux de Clary, la fumée cessa de décrire des volutes et prit la forme d'un pointd'interrogationtremblotant.

Sébastienéclataderire.—Jecroisqueçasignifie:quiestlà?Claryresserra lespansdesonmanteauautourd'elle.Leventnesoufflaitpasbienfort,etcependant

ellesesentaitglacéejusqu'auxos.—Tuasfroid?s'enquitSébastienenpassantlebrasautourdesesépaules.Aussitôt,lepointd'interrogationquisedessinaitau-dessusdelacheminéesedésagrégeapourformer

de petits cœurs.Clary se déroba à l'étreinte de Sébastien, à la fois gênée et coupable comme si ellevenait d'être prise en faute. Elle pressa le pas dans l'allée, Sébastien sur les talons. Ils en avaientparcourulamoitiéquandlaportes'ouvritbrusquement.Bienqu'ellefûtobsédéeparl'idéederetrouverRagnorFelldepuisqueMadeleineluiavaitrévéléson

nom,Clarynes'était jamaisdemandédequoi ilavait l'air.Sion luiavaitposé laquestion,elleauraitdécritunhommemassifetbarbuavecunealluredeViking.Maisl'individuquis'avançasurleseuilétaitgrandetmince,avecdescheveuxnoirscoiffésenépi.Il

portaituntee-shirtmoulantenrésilledoréeetunpantalondepyjamaensoie.IlposasurClaryunregardvaguementintriguéentirantsurunepipeauxproportionsgigantesques.Bienqu'ilneressemblâtenrienàunViking,ellelereconnutimmédiatement.MagnusBane.

—Mais...SébastienparaissaitaussisurprisqueClary.IlregardaMagnusbouchebée,l'airhébété.

—Vousêtes...RagnorFell?bégaya-t-il.Lesorcier?Magnusôtalapipedesabouche.

—Non,jesuisRagnorFell,ledanseurexotique.Sébastiensemblaitàcourtdemots.QuantàClary,siellenesavaitpastropàquois'attendre,ellene

pensaitcertainementpastombersurMagnus.— Noussommesvenusvousdemanderdel'aide,repritsoncompagnon.Jem'appelleSébastienVerlac,

voiciClarissaMorgenstern.SamèreestJocelyneFairchild...— Çam'estbienégaldesavoirquiestsamère, rétorquaMagnus.Jenereçoisquesur rendez-vous.

Revenezunautrejour.Mars,ceseraitparfait.—M...Mars?bredouillaSébastien,horrifié.—Vousavezraison.C'esttroppluvieux,commemois.Quepensez-vousdejuin?

Sébastienseredressad'unairdigne.—Jenecroispasquevousayezconsciencedel'Importance...—Sébastien,netedonnepascettepeine,lâchaClaryavecdégoût.Ilessaiedet'emmêlerlespinceaux.

Ilnepeutpasnousaider,detoutefaçon.Sébastienparutencoreplusdécontenancé.

—Maisjenevoispaspourquoi...—Bon,çasuffit,décrétaMagnusenclaquantdesdoigts.

Sébastiensefigea,labouchegrandeouverte,lamaintendue.—Sébastien!Clary s'avança pour le toucher, mais il était aussi rigide qu'une statue. Seul le mouvement

imperceptibledesapoitrineprouvaitqu'ilrespiraitencore.—Sébastien?répéta-t-elle.

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Cependant, elle avait déjà compris que c'était sans espoir : il ne pouvait ni la voir ni l'entendre.Furieuse,ellesetournaversMagnus.

—Jen'arrivepasàcroirequetuaiesfaitunechosepareille!C'estquoi,tonproblème?Jenesaispascequ'ilyadanscettepipe,maiselleadûtegrillerlecerveau!Sébastienestdenotrecôté.

— Etmoi, jenesuisducôtédepersonne,Clarychérie, répliquaMagnusenagitantsapipe.C'est tafautesijel'aifigé.TuétaisàdeuxdoigtsdeluirévélerquejenesuispasRagnorFell.

—Maistun'esPASRagnorFell!Magnuscrachaunnuagedefuméeetladévisagead'unairsongeur.

—Viens.J'aiquelquechoseàtemontrer.Tenant la porte de la maisonnette, il lui fit signe d'entrer. Après avoir jeté un regard incrédule à

Sébastien,ellelesuivitàl'intérieur.Le cottage était plongé dans la pénombre. Dans la faible clarté qui filtrait par les volets, Clary

distingua lescontoursd'unevastepièceoùflottaituneodeurétrangededétritusbrûlés.Magnusclaquadesdoigtsunedeuxièmefoisetdesflammesbleutéesenjaillirent.Claryeutunhoquetdesurprise.Lapièceétaitsensdessusdessous:lesmeublesavaientétéfracassés,

lestiroirsouverts,leurcontenuvidéparterre,leslivresdéchirés,lesvitresbrisées.—Hier soir, j'ai reçuunmessagedeFellmedemandantde le rejoindre ici,déclaraMagnus.Amon

arrivée,j'aitrouvésamaisondanscetétat.Toutavaitétédétruit,etçaempestaitledémon.—Maislesdémonsnepeuventpasfoulerlesold’Idris!—Jen'affirmerien,jeconstate.C'étaituneodeurd’originedémoniaque.Ragnorétaitallongéparterre.

Mort.Quisavaitquetuétaisàsarecherche?—Madeleine,murmuraClary.Maisonl'atuée,elleaussi.Sébastien,Jace,Simon.LesLightwood...—Ah,fitMagnus.SilesLightwoodsontaucourant,l'Enclaveaussi,etValentinadesespionsparmises

membres.—J'auraisdûmetaireaulieudequestionnertoutlemondeàsonsujet,gémitClary,horrifiée.C'estma

faute.J'auraisdûprévenirFell...—Dois-je te rappelerque tun'arrivaispasàmettre lamainsur lui?Ecoute,Madeleineet toi,vous

considériez juste Fell comme unmoyen d'aider tamère.Vous ne pensiez pas qu'il pourrait intéresserValentinpourd'autresraisons.S'ilignorecommentréveillertamère,ilsaitprobablementquesonétataunrapportavecunobjetqu'ilconvoite.Unlivredesortilègesenparticulier.

—Commenttuasdécouverttoutça?—C'estRagnorquimel'adit.—Mais...

Magnusl'interrompitd'ungeste.—Lessorciersontdesmoyensdecommuniquerentreeux.Ilspossèdentleurproprelangage.

Illevalamaindanslaquellebrûlaitlaflammebleue.Deslettresdefeuapparurentsurlesmurs,commedel'orliquidegravédanslapierre,formantdesmotsillisibles.

—Qu'est-cequeçaveutdire?demandaClary.— Juste avantdemourir,Ragnora écrit cemessageafinque lepremier sorcierqui franchirait cette

porteapprennecequiluiétaitarrivé.MagnussetournaversClary,etleslettresd'orilluminèrentsesyeuxdechat.

— LesserviteursdeValentinl'ontattaquépourrécupérerleLivreBlanc.AvecleGrimoire,ilcompteparmilestraitésdemagielespluscélèbresjamaisécrits.LaformuledelapotionabsorbéeparJocelyne

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etcelledesonremèdesetrouventdanssespages.Claryécarquillalesyeux.

—Alorsilétaitcachéici?—Non.Ilappartenaitàtamère.RagnorluiaseulementsuggéréoùlecacherpourqueValentinnemette

paslamaindessus.—Où?— DanslemanoirfamilialdesWayland.Ilsvivaienttoutprèsdecheztesparents,c'étaientleursplus

prochesvoisins.Ragnoraconseilléàtamèrededissimulerlelivrechezeux,làoùValentinn'iraitjamaislechercher.Danslabibliothèque,plusprécisément.

—MaisValentinaoccupélemanoirdesWaylandpendantdesannées!Ilauraitdûletrouver...—Ilétaitcachédansunautrelivrequ'ilnerisquaitpasd'ouvrir.

Magnuseutunsourireencoin.—Recettessimplespourlesménagères.Onnepeutpasnierquetamèrealesensdel'humour.—AlorstuesalléchezlesWayland?Tuascherchélelivre

Magnussecoualatête.— Clary,desboucliersprotègentlemanoir.Ilsnesontpasseulementcenséséloignerl'Enclavemais

aussietsurtoutlesCréaturesObscures.Sij'avaisletempsdemepenchersérieusementsurlaquestion,jeparviendraispeut-êtreàlesneutraliser,mais...

—Alorspersonnenepeutentrerdanscemanoir?s’écriaClary,désemparée.—Jen'aipasditça.Personnellement,jeconnaisaumoinsunepersonnequiensoitcapable.—TuparlesdéValentin?—Je parledesonfils.

Clarysecoualatête.— Jacen'accepterajamaisdem'aider,Magnus.Ilneveutpasdemoiici.Jedoutemêmequ'ilveuille

encorem'adresserlaparole.Magnusluilançaunregardpensif.

—Etmoi,jecroisqu'iln'yapasgrand-chosequeJaceterefuseraitsituleluidemandais.Claryouvritlabouchepourprotester,puisseravisa.Magnusavaitdevinélessentimentsd'Alecpour

Jace,ceuxdeSimonpourelle.Cequ'elleéprouvaitpourJacedevaitseliresursonvisageencemomentmême,etMagnusn'avaitpassonpareilpourdéchiffrerlesexpressions.Elledétournalesyeux.

—Admettonsquej'arriveàleconvaincred'allerrécupérercelivreaumanoiravecmoi,etensuite?Jenesaispasjeterunsortnifabriquerunantidote…

Magnusricana.— Tucroisque je t'ai raconté toutçapour leplaisir?Unefoisque tuserasenpossessionduLivre

Blanc,jeveuxquetumel'apportesimmédiatement.—Celivret'intéresse?—C'estl'undesmanuelsdesortilègeslespluspuissantsaumonde.Biensûrqu'ilm'intéresse.Enoutre,

ilappartientdedroitauxEnfantsdeLilith.C'estàunsorcierqu'ilrevient.—Maisj'enaibesoin...pourguérirmamère…— Il ne t'en faut qu'une seule page, que tu pourras garder. Le reste est pour moi. En échange, je

préparerail'antidotepourtoietjel'administreraiàJocelyne.C'esthonnête,commemarché.Iltenditlamain.

—Topelà.Aprèsunehésitation,Claryluiserralamain.

—J'espèrequejenevaispasleregretter.

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Magnussetournagaiementverslaporte;surlesmurs,leslettress'éteignaientdéjà.—Lesregretsneserventàrien,tunetrouvespas?Dehors, le soleil semblait particulièrement éblouissant après les ténèbres de la maisonnette. Clary

clignadesyeuxetretrouvalascènequ'elleavaitlaisséeenentrant:lesmontagnesauloin,Wayfarerentraindemâchonnerpaisiblementdes touffesd'herbe,etSébastien immobilecommeunestatue, lamaintoujourstendue.EllesetournaversMagnus.

—Tuveuxbienledéfigermaintenant,s'ilteplaît?Magnussourit.—Jedoisdirequej'aiétésurprisenrecevantlemessagedeSébastiencematin.Ilprétendaittefaire

unefaveur,riendemoins.Commentl'as-turencontré?—C'estuncousind'amisdesLightwood.Ungentilgarçon,jet'assure.— Gentil?Beaucommeundieu,oui!observaMagnusenposantunregardrêveursurl'intéressé.Tu

devraislelaisserici.Jepourraism'enfaireunportemanteau.—Non.Tunepeuxpaslegarder.—Pourquoidonc?Ilteplaît?

LesyeuxdeMagnusétincelèrent.— Entoutcas,toituluiplais,reprit-il.Jel'aivuessayerdeteprendrelamaincommeunécureuilse

jetantsurdesnoisettes.—Parlonsplutôtdetesamours.Desnouvellesd'Alec?— Il refuse d'admettre que nous sommes ensemble,Alors je l'ignore.L'autre jour, ilm'a envoyé un

message. Ilétaitadresséau«sorcierBane»,commesij'étaisunparfaitétranger. Ilenpince toujourspourJace,àmonavis,bienquecetterelation-làn'aitaucunechanced'aboutir.Maisj'imaginequetuesfamilièredecegenredeproblème.

—Oh, la ferme,marmonnaClary en jetantun regardnoir àMagnus.Ecoute, si tu refusesdedéfigerSébastien,jenebougeraipasd'iciettunerécupérerasjamaisleLivreBlanc.

—Oh,çava,tuasgagné.Jepeuxtedemanderunserviceencontrepartie?Neluirévèlepascequejet'aiconfié,amidesLightwoodoupas.Àcesmots,Magnusclaquaimpatiemmentdesdoigts.Sébastienrepritviecommelepersonnaged'une

vidéosurpausequ'onremettraitenmarche.—...ilrefuserait.C'estunequestiondevieoudemort.—AvecvousautresNephilim,c'esttoujoursunequestiondevieoudemort,répliquaMagnus.Allez-

vous-en.Vouscommencezàm'ennuyer.—Mais...—Ouste!fitMagnusd'untonmenaçant.Desétincellesbleuesjaillirentdeseslongsdoigts,etuneodeurdebrûléenvahitsoudainl'atmosphère.

Sesyeuxdechat étincelèrent.Mêmesi elle savaitqu'il jouait la comédie,Claryneput s'empêcherdereculer.

—Jecroisqu'ondevraitluiobéir,Sébastien.—Mais,Clary...—Partons,insista-t-elleenleprenantparlebraspourl'entraînerdeforceversWayfarer.Illasuivitàcontrecœurenmarmonnant.Claryjetauncoupd'œilpar-dessussonépauleavecunsoupir

desoulagement.Magnusétaitplantésurleseuildelamaisonnette,lesbrascroiséssurlapoitrine.Posantsonregardsurelle,ilsouritetluiadressaunclind'œilimperceptible.

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—Jesuisvraimentdésolé.Sébastienposalamainsurl'épauledeClarytandisque,del'autre,illaprenaitparlataillepourl'aider

àsemettreenselle.Ignorantlapetitevoixquiluisoufflaitdenepasremontersurcecheval-nisuraucunautre,d'ailleurs-,elleselaissahissersurlaselleenessayantdes'imaginerqu'ellesetenaitenéquilibresurungroscanapébringuebalantetnonsurunecréaturedechairetd'osquirisquaitdelamordreàtoutmoment

— Pourquoi?demanda-t-ellecommeilenfourchaitsamontureavecunefacilitéà lafoisagaçanteetrassurante.

—Al'évidence,luisavaitcequ'ilfaisait,songea-t-elletandisqu'ilsepenchaitpourprendrelesrênes.— PourRagnorFell.Jenem'attendaispasàuntelrefus.Lessorcierssontcapricieux.Tuenasdéjà

rencontré?—Oui.MagnusBane.C'estleGrandSorcierdeBrooklyn.Ellese retournapour lancerundernier regardà lamaisonnettequidisparaissaitdans le lointain.La

fuméesortantdelacheminéeformaitdepetitessilhouettesdansantes.DesMagnusminiatures?Acettedistance,Claryn'auraitpaspuenjurer.

—Est-cequ'ilressembleàFell?—Oh,énormément.Net'inquiètepaspourFell.Jesavaisqu'onrisquaitd'essuyerunrefus.— Mais je t'avais promis mon aide, protesta Sébastien, l'air sincèrement contrarié. Eh bien,

heureusementquej'aiautrechoseàtemontrer;lajournéeneserapascomplètementperdue.—Qu'est-cequec'est?demanda-t-elleensetournantverslui.Lesoleil,àprésenthautdansleciel,auréolaitd'orlescheveuxnoirsdeSébastien.Ilsourit.—Tuverras.Amesurequ'ils s'éloignaient d'Alicante, desmursde feuillage sedressaient depart et d'autrede la

route, s'ouvrant çà et là sur des panoramas d'une beauté improbable : lacs bleu glacier, valléesverdoyante,montagnes grises, fleuves argentés, ruisseaux bordés de fleurs.Clary se demandait à quoiressemblait la vie dans cette contrée. Sans la présence rassurante des gratte-ciel autour d'elle, elle sesentaitnerveuse,presquevulnérable.Nonquelesenvironssoientinhabités.Detempsàautre,letoitd'ungrandbâtimentdepierreémergeait

d'entre les arbres. Sébastien lui expliqua en criant dans son oreille que c'étaient des propriétés decampagneappartenantàdesfamillesfortunées.EllesévoquaientàClarylesvastesdemeuresanciennesquibordentl'Hudson,aunorddeManhattan,unlieudevillégiatureoùlesrichesNew-Yorkaisvenaientpasserl'étéunsiècleplustôt.Devanteux,laroutecaillouteuseavaitlaisséplaceàunchemindeterre.Claryfuttiréedesarêverieau

momentoù,parvenuausommetd'unecolline,SébastientirasurlesrênesdeWayfarer.—Nousysommes,annonça-t-il.Claryouvritdegrandsyeux.Ellesetrouvaitdevantuntasdedécombresnoircisqui,auvudecequ'il

enrestait-unboutdecheminéetoujourspointévers lecieletunpandemurdanslequels'ouvraitunefenêtre-,avaientjadisdûêtreunemaison.Duchiendents'épanouissaitparmilesfondations,vertsurlenoirdelapierre.

—Jenecomprendspas.Pourquoisommes-nousici?— Tunedevinespas?s'étonnaSébastien.C'esticiquetamèreettonpèreontvécu,etquetonfrèrea

vulejour.CesontlesruinesdumanoirdesFairchild.Pourlaénièmefois, lavoixdeHodgerésonnadanslatêtedeClary.«Aprèsavoiralluméungrand

feu,ils’estjetédedansavecsafemmeetsonenfant.Sursaterrecalcinée,personnen'arienbâtidepuis.Onprétandqu'elleestmaudite.»

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Sans un mot, elle sauta au bas du cheval et dévala la pente de la colline malgré les appels deSébastien.Leterrains'aplanissaitàl'endroitoùs'élevaitjadislamaison;lespierresnoirciesdel'alléecraquèrentsoussespieds.Parmilesherbeshautes,ellerepéraunescalierquis'arrêtaitabruptementàunmètredusol.

—Clary...Sébastienlarejoignitbientôtmaiselles'aperçutàpeinedesaprésence.Apaslents,ellefitletourde

la propriété.Des arbres calcinés, àmoitiémorts.Un vaste terrain en pente, qui devait être ombragé,autrefois.Elledistinguaauloinletoitd'unautremanoir,justeau-delàdelacimedesarbres.Lesoleilsereflétaitsurdesfragmentsdeverreindiquantl'emplacementd'unefenêtresurleseulpandemurencoredebout. Elle l'avança parmi les ruines, se représenta la répartition des pièces, dénicha même unvaisselier,renversémaispresqueintact,etquelquesdébrisdeporcelaineparmilaterrenoire.

Autrefois, une belle demeure s'élevait à cet endroit et des gens bien vivants l'habitaient. Samère yavaitVécu,s'yétaitmariée,yavaiteuunenfant.PuisValentinavaittoutréduitencendreset,enlaissantcroireàsonépousequesonfilsétaitmort,contraintcettedernièreàdissimulerlavéritéàsafille...UnetristesseimmenseenvahitClary.Plusd'unevieavaitétébriséeàcetendroit.Elleportalamainàsajoueets'étonnaitpresquedelasentirhumide:elles'étaitmiseàpleurersanss'enapercevoir.

—Clary,jeregrette.Jepensaisquetuvoudraisvoirlemanoir.Sébastien s'était frayéun cheminparmi lesdécombrepour la rejoindre en soulevantdesnuagesde

cendreavecsesbottes.Ilsemblaitinquiet.—Oh,maisjesuiscontentedel'avoirvu.Merci.Le vent qui s'était levé rabattait les mèches sombre de Sébastien sur son visage. Il sourit d'un air

piteux.— Çadoitêtredurdes'imaginer toutcequis'estpassé ici.Tamèreadûfairepreuved'uncourage

incroyable.—Oui,soufflaClary.Elleatoujoursétécourageuse.—Toiaussi,dit-ileneffleurantsonvisage.—Sébastien,tunesaisriendemoi.—Cen'estpasvrai.D'ungestedélicat,presquetimide,ilpritsonmentondanssamain.— J'ai tellement entenduparler de toi,Clary ! Je sais que tu as affronté tonpèrepour récupérer la

CoupeMortelle,etquetuesentréedansunhôtelinfestédevampirespourvolerausecoursdetonamiC'estIsabellequim'atoutraconté.Sanscompterlesrumeurs.Lapremièrefoisquej'aientendutonnom,j'aieuenviedeteconnaître.J'étaiscertainquetuétaisquelqu'und'extraordinaire.

—J'espèrequetun'espastropdéçu,répliqua-t-elleavecunrireforcé.—Non,pasdutout,murmura-t-ilenl'attirantcontrelui.Claryfuttropsurprisepourréagir,mêmelorsqu'ilsepenchaverselleetqu'ellecomprit,unpeutrop

tard,cequ'ils'apprêtaitàfaire.Instinctivement,ellefermalesyeuxtandisqu'ilposaitseslèvressurlessiennes,etunfrissonluiparcourutledos.Uneenviebrutaled'êtreembrasséepournepluspenseràriens’emparad'elle.Ellenouasesbrasautourdesoncou,àlafoispournepasperdrel'équilibreetpourseserrerfoutrelui.Les cheveux de Sébastien étaient doux au toucher sans être soyeux comme ceux de Jace. Pourquoi

fallait-ilqu'ellepenseà lui encemomentmême?Ellechassa son imagede sonesprit.Sébastien luicaressalajoue.Sesgestesétaienttendres,malgrésesdoigtscalleux.Evidemment,Jaceavaitlesmêmes

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mains rugueuses, à cause des combats : peut-être en allait-il de même pour tous les Chasseursd'Ombres...De nouveau, elle s'efforça de repousser cette pensée,Mais rien n'y fit. Elle voyaitmême les yeux

ferméslespleinsetlescreuxdecevisagequ'ellen'avaitjamaisréussiàdessiner,bienqu'ilrestegravédanssamémoire;lesjointuresdélicatesdesesmains,sesépaulescouvertesdecicatrices...Ledésirqui l'avaitsubmergéerefluainstantanément.Elleseraidit tandisqueSébastienpressaitses

lèvres sur les siennes et enlaçait sanuque.Elle avait l'Impressionquec'était encoreplusmalquededésirersansespoirquelqu'unqu'ellenepourraitjamaisavoir.Et soudain, dansun sursaut d'horreur, comme si elle venait d'êtreprécipitéedansun trounoir, elle

reculaetmanquatrébucher.SiSébastiennel'avaitpasretenue,elleseraittombée.Illadévisagead'unairhagard,lesjouescramoisies.

—Clary,qu'est-cequinevapas?—Rien,répondit-elled'unevoixàpeineaudible.Riendutout.C'estjusteque...jen'auraispasdû.jene

suispasprête...—Tutrouvesquec'estallétropvite?Onpeutralentir...Ilavançalamainverselleet,involontairement,ellereculadenouveau.Ilparaissaitabasourdi.—Jenevaispastemanger.—Jesais.— Ils'estpasséquelquechose?s'enquit-ilenrepoussantsescheveuxenarrièreet,cettefoisencore,

elleréprimal'enviedesedéroberàsescaresses.Est-cequeJace...—Jace?

Avait-ildevinéqu'ellepensaitàlui?—Jaceestmonfrère.Qu'est-cequ'ilvientfairelà-dedans?Ouveux-tuenvenir?—Jecroyaisjuste...

Ilsecoualatête;sursonvisage,latristesseledisputaitàlaconfusion.—Peut-êtrequequelqu'unt'afaitdumal.Doucementmaisfermement,Claryrepoussasamainquis'attardaitsursajoue.—Non.(Ellehésita.)Cen'estpasbien,c'esttout— Commentça?fit-il,incrédule.Clary,ilyaquelquechoseentrenous.Tulesaisaussibienquemoi.

Désl'instantoùjet'aivue...—Sébastien,arrête...— Tuescellequej'attendsdepuistoujours,jel'aisenti.Ettul'assenti,toiaussi,jel'aivu.Tunepeux

paslenier.Claryneressentaitriendetel.Elleavaitseulementeul'impression,audétourd'uneruedansuneville

étrange,detombersursamaison.Ensomme,ellel'avaitrienéprouvéd'autrequ'unsentimentsurprenantetlégèrementdésagréabledefamiliarité.Commequandonpense:«Qu'est-cequeçafaitlà,ça?»

—Tut'esfaitdesidées,dit-ellesimplement.Laragesoudaine,incontrôlablequ'ellelutdanssesyeuxlapritparsurprise.—Cen'estpasvrai!s'écria-t-ilenluisaisissantlespoignets.

Elletentadesedégager.—Sébastien...—Cen'estpasvrai.

Sesyeuxlançaientdeséclairsetsonvisageblêmeétaitunmasquedecolère.—Sébastien,répéta-t-elleens'efforçantdegardersoncalme.Tumefaismal.

Ilsedécidaàlalâcheretelles'aperçutqu'ilrespiraitavecpeine.

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—Jesuisdésolé,murmura-t-il.Jecroyais...«Ehbien,tut'estrompé»,avaitenviededireClary,maiselleravalasesmotsdepeurqu'ilseremette

encolère.—Ondevraitrentrer,lâcha-t-elle.Ilvabientôtfairenuit.Il hocha distraitement la tête, apparemment aussi gêné qu'elle par sa réaction. Se détournant, il se

dirigea versWayfarer, qui paissait tranquillement à l'ombre d'un arbre. Clary hésita quelques instantsavantdelesuivre.Ellen'avaitpasd'autrealternativedetoutefaçon.Ellejetauncoupd'œilfurtifàsespoignets:lesdoigtsdeSébastienyavaientlaisséunemarquerouge.Mais,leplusbizarre,c'étaientcestachenoires,semblablesàdel'encre,sursapeau.Sansmotdire,Sébastienl'aidaàseremettreenselle.

— Jesuisdésolé,jen'insinuaisriendutout,déclara-t-ilenfin.Jaceneferaitjamaisrienquipuissetenuire.Jesaisquec'estpourtonbienqu'ilarenduvisiteàsonvampireemprisonnédanslaGarde...Soudain, le monde sembla s'arrêter. Clary entendit sa propre respiration siffler à ses oreilles et

contemplasesmains,figéescommecellesd'unestatuesurlepommeaudelaselle.—Unvampire?murmura-t-elle.

Sébastienposasurelleunregardsurpris.—Oui.Simon,celuiqu'ilsontramenédeNewYorkaveceux.Jecroyaisquetuétaisaucourant.Jacenet'ariendit?

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8.UnParmiLesvivants

SIMONFUTTIRÉDESONSOMMEILparunrayondesoleilsereflétantsurunobjetqu'onavaitdûglisserparlesbarreauxdesafenêtre.Ilseleva,lecorpsankyloséparlafaim,etvitqu'ils'agissaitd'uneflasqueenmétaldelatailled'unthermosàcafé.Unboutdepapieravaitétéenrouléautourdubouchon.Simonledépliaetlut:Simon,C'estdusangdebœuf,toutfraisdechezleboucher,J'espèrequeçaferal'affaire.Jacem'arépété

cequetuasdit,etjeveuxquetusachesquejetetrouvetrèscourageux.Tienslecoup,ontrouveraunmoyendetesortirdelà.

XOXOXOXOXOXOXIsabelle

SimonsouritàlavuedesXetdesOquis'alignaientenbasdelapage.Visiblement,lesdébordementsd’affection d'Isabelle n'avaient pas trop pâti des circonstances actuelles. Il dévissa le bouchon de laflasque.

Ilavaitengloutiplusieursgorgéesdesangquandunfrissonentrelesomoplateslefitseretourner.

Raphaëlsetenaitaumilieudelapièce,lesmainsnouéesderrièreledos.Ilportaitunevestesombreetune chemise blanche impeccablement repassée. Une chaîne en or brillait à son cou. Simon manquas'étrangler.Ildéglutitàgrand-peineetobservaRaphaëlavecdesyeuxronds.

—Commentes-tuentré?LesouriredeRaphaëlavaittoujoursquelquechosedecarnassier,mêmequandilnemontraitpasles

crocs.—Net'affolepas.—Jenem'affolepas,protestaSimon.Cen'étaitpastoutàfaitvrai.Iln'avaitpasrevuRaphaëldepuislanuitoù,aumoyendesesongles,il

s'étaitextirpédesa tombecreuséeenhâtedans leQueens,ensanglantéetcouvertdebleus. Il revoyaitencoreRaphaëlluijeterdessachetsdesangaprèslesavoirouvertsavecsesdents,commeunanimal.Cen'étaitpasunsouvenirqu'ilchérissait.Ilauraitpréféréneplusjamaisavoiraffaireauvampire.

—Lesoleilbrilleencore.Comment...— Je ne suis pas vraiment là, l'interrompit Raphaël d'une voix suave. Ce n'est qu'une projection.

Regard«Ilpassalamainàtraverslemurdepierreàcôtédelui.—Jesuiscommelafumée.Jenepeuxpastefairedemal.Etréciproquement,biensûr.—Moi,jen'airiencontretoi,répliquaSimonenreposantlaflasquesurlelit.Jeveuxjusteconnaîtrela

raisondetavisite.— TuasquittéNewYorktrèssoudainement.Tusaisquetuescenséinformerlechefvampiredeton

secteurdetesabsences,n'est-cepas?—Lechefvampire?Tuparlesdetoi,là?Jecroyaisquec'étaitquelqu'und'autre…—Camillen'estpasencorerentrée.Pourlemoment,jelaremplace.Tusauraistoutcelasituprenaisla

peinedet'intéresserànoslois.— MondépartdeNewYorkn'étaitpasprévu.Et,neleprendspasmal,maisjenemeconsidèrepas

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commel'ununel'undesvôtres.—Dios,marmonnaRaphaëlenbaissantlesyeuxcommepourdissimulersonamusement,tuestêtu.—Commenttuarrivesàdireça?—C'estl'évidencemême,non?—Non,jeparledecemot.LagorgedeSimonseserra.—Toi,tuarrivesàledireetmoi,jenepeuxpas.Unelueurmalicieuses'allumadanslesyeuxdeHiphaël.— Quoi,Dios?L'âge.Lapratique.Etlafoi,oulapertedelafoi:c'estunpeulamêmechose,d'une

certainemanière.Avecletemps,tuapprendras,petitnovice.—Nem'appellepascommeça.— Mais c'est ce que tu es. Tu es un Enfant de laNuit. N'est-ce pas pour cela queValentin t'a fait

prisonnieretvidédetonsang?Pourcequetues?—Tusemblesbieninformé.

Raphaëlplissalesyeux.— J'aiaussientendudirequec'estenbuvantlesangd'unChasseurd'Ombresquetuavaisacquisce

don.C'estvrai?Simonsentitsescheveuxsedressersursatête.— C'estridicule.Silesangd'unChasseurd'Ombrepouvaitdonnerauxvampireslafacultédesortiren

pleinjour,çasesauraitdepuislongtemps.LesangdeNephilimseraitdevenuunmetsdechoix.EtlapaixentrevampiresetChasseursd'Ombresseraitimpossible.Donc,c'estunechancequ'iln'ensoitrien.UnpetitsourireétiraleslèvresdeRaphaël.— Trèsjuste.Enparlantdemetsdechoix,tuterendscompte,n'est-cepas,quetuasprisbeaucoupde

valeur?JeneconnaispasuneCréatureObscuresurcetteterrequin'aimeraitpasmettrelamainsurtoi.—Ycompristoi?—Évidemment.—Etqu'est-cequetuferaissituyparvenais?Raphaëlhaussalesépaules.— Peut-êtresuis-je leseulàpenserquelefaitdesupporter la lumièredusoleiln'estpasuncadeau,

contrairementàcequecroientlesautresvampires.NousnesommespaslesEnfantsdelaNuitsansraison.Jepourraisbien,àl'instardel'humanitéànotreencontre,teconsidérercommeuneabomination.Jecroisquetureprésentesundangerpournotreespèce.Tunevaspasresteréternellementdanscettecellule.Unjour,tudevrassortiretaffronterlemondeànouveau.M'affronter,moi.Maislaisse-moitedireunechose.Jejuredenetefaireaucunmal,etdenepasessayerdeteretrouver,siàtontourtuprometsderesteràl'écart une fois qu'Aldertree t'aura libéré. Si tu acceptes de t'exiler si loin que personne ne puisse teretrouver,etdenejamaiscontacterceuxquetuasconnusdanstaviemortelle,alorsjetiendraiparole.jenepeuxpastefairepropositionplushonnêteMaisSimonsecouaitdéjàlatête.

—Jenepeuxpasabandonnermafamille.OuClary.Raphaëlpoussaungrognement.

—Ilsnefontpluspartiedetavie.Tuesunvampire,désormais.—Maisjeneveuxpasenêtreun!— C'estreparti!Tunetomberasjamaismaladeninemourras,turesteraséternellementjeuneetfort.Tunevieilliraspas.Dequoiteplains-tu?«Éternellementjeune»,songeaSimon.Cettepersperspectiven'étaitpasdéplaisante,apriori,maisqui

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auraitvouluavoirseizeansjusqu'àlafindumonde?C'étaitunechosequed'avoirtoujoursvingt-cinqans,maisseize?Restertoutesaviecegarçondégingandé,nejamaisavoirlecorpsetlevisaged'unadulte…Sanscompterqu'avecsonairjuvénileilnepourraitjamaiscommanderunverredansunbar.—Enoutre,ajoutaRaphaël,tun'esmêmepasobligéderenoncerausoleil.Simonn'avaitaucuneenviedes'aventurerdenouveausurceterrain-là.

—J'aientendulesautresparlerdetoiàl'hôtelDumort.Jesaisquetuportesunecroixtouslesdimanchespourrendrevisiteàtafamille.Jepariequ'ilsnesontmêmepasaucourantquetuesunvampire.Alorsnevienspasmeserinerquejedoisrenonceràmavied'avant.C'esthorsdequestion.

LesyeuxdeRaphaëlétincelèrent.— Cequepensema famillen'aaucune importance.Cequicompte,c'estcequemoi jecrois.Unvraivampireaccepted'êtremort.Toi,tuagiscommesitufaisaistoujourspartiedesvivants.C'estencelaquetuesundangerpournous.Turefusesd'admettrequetun'esplusenvie.LesoirtombaitquandClaryrefermalaportedelamaisond'Amatisderrièreelle.Aprèsavoirtiréle

verrou, elle resta un longmoment adossée au battant, les yeuxmi-clos, le corps lourd de fatigue, lesjambesdouloureuses.Lavoixd'Amatisrésonnadanslesilence.

—Claiy?C'esttoi?Immobile,Claryselaissadériverdanslesténèbresapaisantesquis'étendaientderrièresespaupières

closes.Encetinstant,elleavaittellementlemaldupaysqu'ellepouvaitpresquesentirl'odeurmétalliquedesruesdeBrooklyn.Ellevoyaitsamèreassisedanssonfauteuil,lalumièrepâlequifiltraitàtraverslesfenêtresouvertesdel'appartementéclairantsatoiletandisqu'ellepeignait.

—Clary?La voix s'était rapprochée. Clary ouvrit les yeux, Amatis se tenait devant elle, les mains sur les

hanches,sescheveuxgrisonnantsramassésenunchignonsévère.—Tonfrèreestlà.Ilt'attenddanslacuisine.—Jace?Claryfitdesonmieuxpournepastrahirsacolèreetsonétonnement.Ellenevoulaitpaslaisseréclater

saragedevantlasœurdeLuke.Amatisluilançaunregardinterrogateur.—Quoi,jen'auraispasdûlelaisserentrer?Jecroyaisquetuvoulaislevoir.—Non,tuasbienfait,réponditClaryens'efforçantdemaîtrisersavoix.Jesuisfatiguée,c'esttout.—Hum...fitAmatis,l'airdubitatif.Bon,jesuisàl'étagesijamaistuasbesoindemoi.Jevaisfaireune

sieste.Clarysedemandaitpourquoidiableelleauraitbesoind'Amatis,maisellesecontentadehocherlatête

etsedirigeaentraînantlespiedsverslacuisineinondéedelumière.Unecorbeilledefruits-oranges,pommesetpoires-trônaitsurlatable,ainsiqu'unegrossemichedepain,dubeurre,dufromageetuneassiettede…cookies?Amatisavaitpréparédescookies?Jace était assis à la table, appuyé sur les coudes. Ses cheveux blonds étaient ébouriffés et le col

entrouvertdesachemise laissaitvoirun réseauépaisde lignesnoires sur sapeau. Il tenaituncookiedanssamainbandée.AlorsSébastienn'avaitpasmenti:ils'étaitbeletbienblessé.

—Bon,tuesrentrée,lança-t-il.Jecommençaisàcroirequetuétaistombéedanslecanal.Clary le dévisagea sans mot dire ; elle se demanda s’il pouvait lire la colère dans son regard. Il

s'adossaàsachaise,unbrasnonchalammentposésurledossier.Sanssonpoulsquibattaitàtouteallureàlabasedesagorge,elleauraitcruàsesairsdétachés.

—Tuasl'airépuisée,ajouta-t-il.Oùas-tupassélajournée?

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—JesuisalléefaireuntouravecSébastien.—Sébastien?LasurprisequisepeignitsurlevisagedeJaceétaitjubilatoire.—Ilm'araccompagnéehiersoir,expliquaClary,Sonespritmartelaitlesmêmesmotscommelesbattementsd'uncœurmalade:«Dorénavant,jeserai

tonfrèreetriend'autre.»—Jusqu'àmaintenant,ilaétéleseuldanscettevilleàmetémoignerunpeudegentillesse,poursuivit-

elle.Donc,oui,j'étaisavecSébastien.—Jevois.Impassible,Jacereposasoncookiedansl'assiette.—Clary,jesuisvenuteprésentermesexcuses,jen'auraispasdûtetraitercommeça.—Non,eneffet.—JesuisaussivenutedemandersituenvisageaisderentreràNewYork.—Encore!—Tun'espasensûretéici.— Qu'est-cequit'inquièteàcepoint?demanda-t-elled'unevoixatone.Tuaspeurqu'ilsmejettenten

prisoncommeSimon?Sil'expressiondeJacenechangeapas,ilrecula,sachaisecommesiellel'avaitpoussé.—Simon?— Sébastienm'a racontécequi luiest arrivée IIm'aditque tu l'asamené icietqu'ensuite tu lesas

laissésl'emprisonner.Tufaistoutpourquejetedéteste,maparole!—TuasconfianceenSébastien?Tuleconnaisàpeine,Clary.—Alorscen'estpasvrai?IlsoutintsonregardaveclamêmeexpressionfigéequeSébastienquandellel'avaitrepoussé.—Si.Clary s'empara d'une assiette sur la table et la lui jeta au visage. Il se baissa pour l'esquiver en

envoyantvalsersachaise,etl'assiettesefracassasurlemurjusteau-dessusdel'évierenrépandantunepluiedeporcelaine.Ilbonditaumomentoùelleréitéraitsongestesansmêmeprendrelapeinedeviser:ladeuxièmeassietterebonditsurleréfrigérateuravantdesecasserendeuxmoitiésauxpiedsdeJace.

— Commentas-tuosé?Simonavaitconfianceentoi.Oùest-il,maintenant?Qu'est-cequ'ilsvontluifaire?

—Ilvabien.Jeluiaiparléhiersoir...— Etça,c'étaitavantouaprèsqu'ons'estvus?Tutecomportaiscommesi toutallaitpourlemieux

danslemeilleurdesmondes…—C'estl'impressionquejet'aidonnée?Jaceétouffaunrireamer.— Jedoisêtremeilleuracteurquejenelepensais,reprit-ilavecunsourirenarquois,quifitenrager

Clary.Comment osait-il se moquer d'elle ? Elle tendit la main vers la corbeille de fruits puis se ravisa

brusquement,écartalachaised'uncoupdepiedetsejetasurlui,sachantquec'étaitladernièrechoseàlaquelleils'attendrait.Laviolenceetlasoudainetédesongesteleprirentdecourt;ilreculaetsecognacontrelecomptoirde

lacuisinetandisqu'elles'affalaitàmoitiésurluientendantlesbrasàl'aveuglette,sansmêmesavoircequ'elleferaitensuite…Maisc'était sanscompter sur la rapiditéde Jace,Sonpoing rencontra samain tendueet,nouant ses

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doigtsautourdessiens,illaforçaàbaisserlebras.Ellepritsoudainconsciencedelaproximitédeleurscorps.

—Lâche-moi!—Tuvasmefrappersij'obéis?demanda-t-ild'unevoixàlafoisrauqueetdouce,lesyeuxbrillants.—Tulemérites!Ilpartitd'unriredésabusé.—Tupensesvraimentquej'avaistoutmanigancé?Tumecroiscapabled'unechosepareille?—Tun'aimespasSimon,tunevaspasprétendrelecontraire.Jaceluilâchalamain.Ellereculacommeiltendaitversellelapaumedesamaindroite.Illuifallutun

momentpourcomprendrequ'ilmontraitlacicatriceirrégulièreaucreuxdesonpoignet.— Tuvoiscettecicatrice?Jemesuisentaillélepoignetpourdonnermonsangàtonamilevampire,

J'ai bien failli y laisser ma peau. Et maintenant tu m'accuses de l'avoir abandonné sans le moindrescrupule?ClaryexaminalacicatricedeJace;uneparmitantd'autres,detoutesformesetdetoutestailles.— Sébastienm'a raconté que c'est toi qui avait amené Simon ici, et qu'ensuiteAlec l'avait escorté

jusqu'àlaGardeavantdelelivreràl'Enclave.Tuauraisdûtedouter...— C'étaitunaccident.Jeluiavaisdonnérendez-vousàl'Institutpourdiscuterdetoi.Jepensaisqu'il

pourraitpeut-êtreteconvaincrederenonceràcevoyage.Siçapeutteconsoler,iln'amêmepasvouluenentendre parler. Peu après son arrivée, nous avons été attaqués par des Damnés. J'ai dû le traînerjusqu’auPortail.C'étaitçaoulelaissermourir.

—Maispourquoil'avoirconfiéàl'Enclave?Tuauraisdûsavoir…— Onl'aconduità laGardeparcequec'est làquese trouve leseulPortaild'Idris. Ilsnousavaient

promisdelerenvoyeràNewYork.—Etvouslesavezcrus?Aprèscequis'estpasséavecl'Inquisitrice?— Clary, cette femme était une anomalie dans le système. C'était peut-être ton premier aperçu de

l’Enclave,maismoi j'ai l'habitude...L'Enclave,c'estnous.LesNephilim.Noussommesassujettisà laLoi.

—Saufquevousnelarespectezpas.— Non, c'est vrai, admit Jace d'un ton las. Et tu sais le pire ?C'est deme rappeler les colères de

Valentineàcesujet.Ilrépétaitquel'Enclaveétaitcorrompue,qu'elleavaitbesoind'unebonnepurge.Et,parl'Ange,jesuisbiend'accordaveclui.Clarygardalesilence,d'abordparcequ'ellen'avaitrienàobjecter,ensuiteparcequ'àsastupéfaction

Jacel'attiracontreluisansmêmeréfléchiràsongeste.Etellelelaissafaire.Atraversletissublancdesa chemise, elle distinguait les contours de sesMarques qui s'enroulaient sur sa peau. Elle éprouval'enviefurieused'appuyerlatêtecontresontorseetdesentirsesbrasautourd'elle.

— Il a peut-être raison sur ce point, déclara-t-elle enfin.Mais dupoint devuede laméthode, il setrompe,ettulesais.Jacefermalespaupièresàdemi.Desombresgrises,vestigesd'insomnies,secreusaientsoussesyeux.— Jene saisplus rien.Tacolère est justifiée,Clary. Jen'auraispasdû faire confianceà l'Enclave.

J'avais tellement envie de croire que l'Inquisitrice était une exception, qu'elle agissait sans leurautorisation,etqu'ilyavaitencoredumériteàêtreunChasseurd'Ombres.

—Jace?chuchotaClary.Ilouvritlesyeux.Ilsétaientmaintenantsiprèsl'undel'autrequemêmeleursgenouxsetouchaientet

qu'ellesentaitlesbattementsdesoncœurcontreelle,«Éloigne-toi»,sedisait-elleensonforintérieur,maissesjambesrefusaientdeluiobéir.

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—Quoi?fit-ild'unevoixtendre.—JeveuxvoirSimon.Est-cequetupeuxm'emmenerauprèsdelui?Ils'écartad'unmouvementbrusque.—Non.Tun'esmêmepascenséeêtreàIdris.Ilesthorsdequestionquetuailleslà-bas!—Maisilvafinirparcroirequetoutlemondel'aabandonné!— Je suis allé le voir. J'avais l'intention de le faire évader, quitte à arracher ses barreaux demes

propresmains.Maisilarefusé.—Ilveutresterenprison?— Apparemment, le nouvel Inquisiteur en a aprèsmoi etma famille.Aldertree essaie de nous faire

porterlechapeau.Commeilnepeutpastorturerl'undenous-l'Enclaveneletoléreraitpas-iltentedefaire avouer à Simon qu'on est tous demèche avecValentin. Simon pense que, si je l'aide à s'enfuir,l'Inquisiteursauratoutdesuitequec'estmoi,etceseraencorepirepourlesLigthtwood.

—C'esttrèsnobledesapart,maissonplanàlongterme,c'estquoi?Resterenprisonjusqu'àlafindesesjours?

Jacehaussalesépaules.—Onn'aencoreriendécidé.

Clarypoussaunsoupird'exaspération.— Ah,leshommes!Bon,écoute.Cedonttuasbesoin,c'estd'unalibi.IlfautquelesLightwoodettoi

vousvoustrouviezàunendroitoùtoutlemondepourravousvoirpendantqueMagnusiradélivrerSimonpourlerameneràNewYork.

— Désolédetedécevoir,Clary,maisMagnusneselaisserajamaisconvaincre.IlabeautrouverAlectrèsmignon,ilnesemettrapasl'Enclaveàdospourtesbeauxyeux.

—Ilaccepterapeut-êtredenousaiderenéchangeduLivreBlanc.Jaceouvritdegrandsyeux.

—Hein?Claryl'informabrièvementdelamortdeRagnorFell,delaprésencedeMagnuschezluietdumanuel

desortilèges.Perplexe,Jacel'écoutajusqu'aubout.—MagnusprétendquecesontdesdémonsquiontassassinéFell?—Non,iladéceléuneodeurd'originedémoniaquesurleslieux.D'aprèslui,Fellauraitététuéparles

«serviteursdeValentin».Iln'arienditdeplus.— Certainespratiquesdemagienoiredégagentuneodeurdémoniaque,observaJace.SiMagnusest

restévague,c'estsansdouteparcequ'iln'estpastrèscontentqu'unsorcierexercelamagienoiredanslesparages alors que c'est interdit par la Loi.Mais ce n'est pas la première fois queValentin s'offre lesservicesd'unEnfantdeLilithpourfairesonsaleboulot.Rappelle-toil'enfantsorcierqu'ilatuéàNewYork.

—IlavaitbesoindesonsangpouraccomplirleRituel.Oui,jem'ensouviens.Claryfrémitàcettepensée.—Jace,est-ilpossiblequeValentinveuillecelivrepourlesmêmesraisonsquemoi,àsavoirréveiller

mamère?reprit-elle.— Peut-être.Ou, à en croireMagnus, il le convoite juste pour le pouvoir qu'il pourrait en retirer.

Dansl'unoul'autrecas,onaintérêtàmettrelamaindessusavantlui.—Ilyadeschancespourqu'ilsetrouvedanslemanoirdesWayland,àtonavis?—Jesaisqu'ilestlà-bas,répondit-il,àlastupéfactiondeClary.Cebouquinderecettes,jel'aidéjàvu

danslabibliothèque.C'estleseullivredecuisinequ'ellecontienne.Claryenavaitletournis;elles'étaitpresqueinterditd'ycroire.

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—Jace...situm'emmènesaumanoiretqu'ontrouvelelivre,jerentreraiavecSimonàNewYorketjenereviendraipas,jetelejure.

—Magnusavaitraison:cetendroitestprotégépardessortilègesdestinésàégarerlesvisiteurs.Jepeut'yemmenermaisc'estloind'ici.Ilnousfaudramarcherpendantaumoinscinqheures.

— Claryprit lastèlependueà laceinturedeJaceet labranditentreeux ;aussitôt,elle répandit lamêmelumièreblancheetténuequelestoursdeverre.

—Quiparledemarcher?

—Tureçoisd'étrangesvisiteurs,vampire,observaSamuel.D'abordJonathanMorgensternpuislechefVampiredeNewYork.Jesuisimpressionné.«JonathanMorgenstern?»IlfallutunmomentàSimonpourcomprendrequ'ils'agissait,biensûr,de

Jace.Assisparterreaumilieudesacellule,ilretournaitdistraitementlaflasquevidedanssesmains.—Apparemment,jesuisplusimportantquejenel'auraiscru.—EtIsabelleLightwoodquit'apportedusang!Delalivraisondeluxe!

Simonlevalatête.—Commentsavez-vousquec'estIsabellequimelaapporté?Jenevousairiendit...— Jel'aivueparlafenêtredemacellule.Elleressembletraitpourtraitàsamère.Enfin,lorsqu'elle

étaitjeune.Aprèsunsilencegêné,Samuelajouta:— Tu sais sans doute que ce sang n'est qu'une solution temporaire. Tôt ou tard, l'Inquisiteur se

demanderapourquoitun'espasmortdefaim.Envoyantquetuteportescommeuncharme,ilendéduiraquetuasunecombineet,detoutefaçon,ilt'éliminera.

— Alorsilnemeresteplusqu'àm'enremettreàJace:ilm'apromisqu'ilstrouveraientunmoyendemesortirdelà.CommeSamuelnerépondaitrien,Simonreprit:—Jeluidemanderaidevouslibérer,vousaussi.Jenevouslaisseraipasmoisirici.Samuelréprimaunricanement.—Oh,jedoutequeJaceMorgensternacceptedemesecourir.Enoutre,cetteprisonestlecadetdetes

soucis,vampire.Bientôt,Valentinattaqueralavilleetnousseronsprobablementtousmassacrés.—Commentpouvez-vousenêtreaussisûr?— Nous étions proches, à une époque. Je connaissais ses projets. Il a l'intentionde neutraliser les

boucliersd'Alicanteetdefrapperl'Enclaveenpleincœur.—Maisjecroyaisqu'aucundémonnepouvaitfranchircesboucliers.Ilssontindestructibles,paraît-il.— C'est cequ'ondit. Il fautdu sangdedémonpour lesdésactiver, et celanepeut être fait quede

l'intérieur.Or,commeaucundémonnepeutpénétrerdans laville...Ehbien,c'est leparadoxe idéal,apriori.CependantValentinprétendqu'ilatrouvélemoyendecontournercetobstacle,etjelecrois.D'unefaçonoud'uneautre,ilparviendraàdétruirecesboucliers,puisilenvahiralavilleavecsonarméededémons,etilsnoustuerontjusqu'audernier.L'assurancetranquillequiperçaitdanslavoixdeSamuelglaçalesangdeSimon.—Voussemblezterriblementrésigné.Réagissez!Vousdevriezavertirl'Enclave.—Jel'aidéjàfaitpendantmoninterrogatoire.J'airépétécentfoisqueValentinprévoyaitdedétruireles

boucliers;onnem'apasécouté.L'Enclaveestpersuadéequ'ilsrésisterontéternellement,toutçaparcequ'ilsonttenuunmillénaire.MaisilenallaitdemêmepourRomeavantl'invasionbarbare.Unjouroul'autre,touteslesmuraillestombent.

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Samuelpartitd'unrireamer.—Lesparissontlancés,vampire.Quitetueralepremier?Valentin,lesautresCréaturesObscuresou

l'Enclave?

Quelque part entre leur point de départ et leur destination, Clary lâcha lamain de Jace. Quand latornadel'eutrecrachée,elleatterritlourdementparterre,seredressaaveclenteuretjetaunregardautourd'elle.Elleétaitassiseaumilieud'untapispersanmasquantlesold'unevastepièceauxmursdepierre.Desmeublesrecouvertsd'undrapblancétaientdisposésçaetlà;danslapénombre,ilsévoquaientdegrosfantômesbossusetmalhabiles.Desrideauxenveloursétaientsuspendusauxfenêtres;lasaletéleuravaitdonnéuneteintegrisâtre,etdesparticulesdepoussièredansaientsousleclairdelune.

—Clary?Tuvasbien?

Jace émergea de derrière une énorme forme dissimulée sous un drap, qui devait être un pianomajestueux.

— Oui,répondit-elleengrimaçantdedouleur.(Soncoudelafaisaitsouffrir.)Amatisvaprobablementmetueràmonretour,étantdonnéquej'aicassétouteslesassiettesetouvertunPortailaubeaumilieudesacuisine.

—Siçapeutteconsoler,lança-t-ilenl'aidantàserelever,tum'asvraimentimpressionné.—Merci.Claryparcourutlapièceduregard.—Alorsc'esticiquetuasgrandi?Ondiraitledécord'uncontedefées.— J'auraisplutôtpenchépourunfilmd'horreur.Bonsang,jen'avaispasrevucetendroitdepuisdes

années!Dansmonsouvenir...—Iln'yfaisaitpasaussifroid?Claryfrissonna,boutonnasonmanteau.Cependant,lefroidquis'insinuaitenellen'étaitpasuniquement

physique;elleavaitl'impressionquecesmûrsn'avaientjamaisconnunichaleur,nirires,nilumière.—Non,lacorrigeaJace.Ilatoujoursfaitfroidici.J'allaisdirequ'iln'yavaitpasautantdepoussière.Ilsortitunepierrederunedesapoche,quis'illuminaentresesdoigts.Saclartélaiteuseéclairason

visageenfaisantressortirsespommettessaillantesetlecreuxdesestempes.—Ici,c'estlebureau.Nous,oncherchelabibliothèque.Suis-moi.Il laguida le longd'uncouloir tapissédemiroirsrenvoyant leurreflet.Claryn'avaitpasconscience

jusqu'alorsd'êtreaussidépenaillée:sonmanteauétaitcouvertdepoussièreetelleavaitlescheveuxenbataille. Elle essaya de les aplatir discrètement et entrevit le sourire narquois de Jace dans l'un desmiroirs.Pourune raisonmystérieuse - sansdoutequelquemagiepropreauxChasseursd'Ombres -, sacoiffureétaitimpeccable.Dechaquecôtéducouloirs'alignaientdesportesouvertespourcertaines;Claryentraperçutd'autres

pièces,aussipoussiéreusesetabandonnéesenapparencequelebureau.MichaelWaylandn'avaitpasdefamille,d'aprèsValentin,aussiconclut-ellequepersonnen'avaithéritédelademeureaprèsla«mort»decedernier.Elleavaitpourtantprésuméqu'ilétaitrevenuvivreentrecesmursmais,manifestement,cen'était pas le cas. Tout en ces lieux évoquait lamorosité et l'absence. Or, à Renwick, Valentin avaitdésignélemanoircommesa«maison»,ill'avaitmontréàJaceparlebiaisduPortail-miroir-souveniridylliquede champsverdoyants etdebellespierres -mais, là encore, il avaitmenti, songeaClary.Àl'évidence, Il n'avait pas investi les lieux depuis des années ; peut-être avait-il décidé de laisser la

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demeuretomberenruine,àmoinsqu'iln'yvîntàl'occasionpourarpentercommeunfantômesescouloirsobscurs.Ils s'arrêtèrentdevantuneporte auboutducouloir. Jace l'ouvritd'uncoupd'épauleet s'effaçapour

laisserentrerClary.Elles'étaitattendueàtrouverlamêmebibliothèquequ'àl'Institutet,eneffet,cettepièce,sansenêtrelaréplique,luiressemblaitunpeu:onytrouvaitlesmêmesmurstapissésdelivres,lesmêmeséchellesmontéessurroulettespermettantd'accéderauxplushautesétagères.Enrevanche,iln'yavaitnidômenibureau.Desrideauxdeveloursvertrigidifiésparlapoussièreétaientsuspendusauxfenêtresdontlespanneauxdeverre,dansdescamaïeuxdevertetdebleu,scintillaientauclairdelunecommedugivrecoloré.Au-delà,onnedistinguaitquelesténèbres.—Voici donc cette fameuse bibliothèque, chuchotaClary, sans trop savoir pourquoi elle baissait la

voix.Ilrégnaituneatmosphèreparticulièredanscettegrandemaisonvide.Jacelaregardasanslavoir,les

yeuxassombrisparlevoiledusouvenir.—Jem'asseyaisprèsdecette fenêtrepour faire lesdevoirsquemonpèremedonnaitchaque jour.A

chaquejournéecorrespondaitunelanguedifférente:françaislesamedi,anglaisledimanche...maisjenemesouviensplusqueljourétaitdédiéaulatin…Est-cequec'étaitlelundioulemardi?Soudain,ClaryeutunevisiondeJaceenfant,assissurlereborddelafenêtre,unlivreenéquilibresur

lesgenoux,leregardtournévers...versquoi?Yavait-ildesjardinsau-delàdecettefenêtre?Unevuedégagée?Unmurd'épinesinfranchissablecommetautourduchâteaudelaBelleauboisdormant?Ellese l'imaginait lisant tandisque la lumièredudehorsprojetaitdesrefletsvertsetbleussursescheveuxblonds,sonpetitvisagetropsérieuxpourungarçondedixans.

—Jenem'ensouvienspas,répéta-t-il,leregardperdudanslevague.Claryposalamainsursonépaule.—Cen'estpasgrave,Jace.Ilsursautacommes'ilvenaitdes'éveillerd'unrêveetfitquelquespasdanslapièceens'éclairantdesa

pierrederune.Ils'agenouillapourinspecterunerangéedelivreset,quandilseredressa,il tenaitl'und'euxàlamain.

—Levoilà!Recettessimplespourlesménagères.Clary le rejoignit en hâte et lui arracha l'ouvrage des mains. C'était un livre ordinaire avec une

couverturebleue.Quandellel'ouvrit,desparticulesdepoussières'envolèrentdesespagescommeautantdemites.Ungrostroucarréavaitétédécoupéaucentredulivre.Telunécrinprotégeantunbijou,ilcontenaitun

ouvragepluspetitreliédecuirblanc,dontletitreenlatinétaitinscritenlettresd'or.Claryreconnutlesmots « livre » et « blanc »,mais en feuilletant ses pages. Elle constata avec surprise qu'elles étaientcouvertesd'uneécritureminusculeettrembléedansunelangueinconnue.

—C'estdugrecancien,ditJaceenjetantuncoupd'œilpar-dessussonépaule.—Tusaisledéchiffrer?—Jenelelispasbien,admit-il.Çafaitdesannées.MaisMagnussaurait,j'imagine.IlrefermalelivreetleglissadanslapochedumanteauvertdeClaryavantdesetournerdenouveau

verslesrayonnageseneffleurantduboutdesdoigtslesrangéesd'ouvrages.—Tuaimeraisenemporter?s'enquit-ellegentiment.Situveux...

Jacerit.—Jenepouvaislirequeceuxqu'ilmedésignait.Surcesétagères,ilyadeslivresquejen'avaismême

pasledroitdetoucher.Surlaplushauteétagère,ilindiquaunerangéedevolumesreliésdecuirmarron.

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—Un jour, j'ai pris un de ceux-là, histoire de comprendre pourquoi on en faisait tout un plat. J'aidécouvert que mon père tenait un journal sur moi. Il l'avait Intitulé: «Notes sur mon fils, JonathanChristopher ». Ilm'a fouetté avec sa ceinture en apprenant que je l'avais lu. Jusqu'alors, je ne savaismêmepasquej'avaisundeuxièmeprénom.UnebrusqueboufféedehainepoursonpèresubmergeaClary.—Ehbien,Valentinn'estpasici,quejesache.—Clary...ditJaced'untonmenaçant.Maiselles'étaitdéjàhisséesurlapointedespiedspourprendreunlivresurl'étagèreinterdite,qu'elle

laissatomberàsespieds.—Clary!—Oh,arrêteunpeu!Elle réitéra son geste, et un deuxième livre, puis un troisième atterrirent par terre en soulevant un

nuage,de-poussière.—Atontour.Jacelaconsidéraquelquesinstants,puisunlégersourireétiraseslèvreset,d'ungrandgestedubras,il

fit tomber tous les livres qui restaient sur l'étagère. Il éclata de rire... et s'interrompit brusquement enlevantlatêtecommeunchatdressel'oreilleenpercevantunbruitlointain.

—Tuasentendu?«Entenduquoi?»allaitdemanderClaryquand,soudain,ellesefigea.Ilyavaitbeletbienunbruit,qui

s'intensifiait à présent.Onaurait dit le grincementd'unemachinequi semet enmarche.Cela semblaitprovenirdel'intérieurdumur.D'instinct,ellereculad'unpasaumomentoùlaparoidevanteuxcoulissait,révélant une ouverture grossièrement creusée dans la pierre. Au-delà, un escalier se perdait dans lesténèbres.

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9.MauvaisSang

— JE NE ME SOUVENAIS MÊME PAS qu'il y avait une cave ici, dit Jace en jetant un coup d'œil parl'ouverture.Il leva sa pierre de rune ; elle éclaira les parois noires et luisantes d'un passage creusé dans un

matériaulissequeClarynereconnutpas.Lesmarchessuintaientd'humidité.Al'odeurdemoisisemêlaitunrelentétrange,métallique,quin'auguraitriendebon.

—Àtonavis,qu'est-cequ'ilya,là-dessous?demanda-t-elle.—Jen'ensaisrien.Jace posa le pied sur la première marche comme pour en tester la solidité, puis s'engagea dans

l'escalieravecunhaussementd'épaules.Ami-chemin,ilsetournaversClary.—Tuviens?Tupeuxm'attendreenhautsitupréfères.Ellejetaunregardàlabibliothèquedéserte,frémitetseprécipitaderrièrelui.L'escaliers'enroulaiten

cercles de plus en plus étroits, comme s'ils progressaient à l'intérieur d'une énorme conque. L'odeurs'intensifiaitàmesurequ'ilsdescendaient,etbientôtlesmarchesdébouchèrentsurunevastesalledontlesmurs rongés par l'humidité étaientmaculés de taches sombres. Le sol couvert de pentagrammes et derunesétaitjonchédepierresblanches.Jacefitunpasetquelquechosecraquasousselpieds.—Desos,chuchotaClary.Cequ'ilsavaientd'abordprispourdespierresétaitenréalitédesossementsdetoutesformesettailles,

répandussurlesol.—Qu'est-cequ'ilfabriquaitici?s'étonna-t-elle.Lapierrederune,brûlantedanslamaindeJace,nimbaitlesalentoursd'uneclartéinquiétante.—Desexpériences,réponditJaced'untonmorne.LareinedelaCourdesLumièresadit...—D'oùproviennentcesos?D'animaux?Jaceéparpillauntasd'ossementsdelapointedupied.—Non.Pastous.LapoitrinedeClaryseserra.—Jecroisqu'ondevraitremonter.Ignorantsasuggestion,Jacelevalapierrederunedanssamain.Ellesemitàbrillerplusintensément,

répandantunevivelumièreblanchequiéclairaléscoinsdelasalle.L'und'euxétaitdissimuléderrièreunetenture.Ilyavaitquelquechosederrière,uneformerecroquevillée...

—Jace,murmuraClary.Qu'est-cequec'estqueça?Ilneréponditpas.Clarys'aperçutqu'ilavaitdégainésonpoignardséraphiquequiscintillaitdansla

lumièretelleunelamedeglace.—Jace,non…Troptard.Ils'avançaverslatentured'unpasdécidé,l’écartadelapointedesalamepuislajetaà

terre.Elles’affaissadansunnuagedepoussière.Jacechancelaetlapierrederuneluiglissadesmains.Avantqu'ellenetombeparterre,Claryentrevit

son visage livide, figé d'horreur. Ramassant la pierre, elle la brandit au-dessus d'elle, impatiente dedécouvrircequiavaitàcepointbouleverséJace.D'abord elle ne distingua qu'une forme humaine enveloppée dans un linge blanc. Des menottes

attachéesàdegrosanneauxdemétalscellésdanslesolemprisonnaientsespoignetsetseschevilles.«

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Commentpeut-ilencoreêtreenvie?»songeaClary,horrifiée,tandisqu'ungoûtdebileluiemplissaitlabouche.Lapierrederunetrembladanssamain,etlalumièrevacillanteéclairalesmembresdécharnésduprisonnier,quiportaitlesstigmatesd'innombrablestortures.Sonvisagesquelettiqueétaittournéverselle,révélantdesorbitesbéantesàlaplacedesyeux.Puisunbruissements'éleva,etelles'aperçutquecequ'elleavaitprispourdeshaillonsétaitenréalitédesailesquisaillaientdesondoscommedeuxcroissantsdeluned'unblancimmaculé,seuletouchedepuretédanscettesallesordide.Ellelaissaéchapperunhoquetdesurprise.—Jace!Tuasvu...—J'aivu.—Tum'avaispourtantditquelesangesn'existaientpas...quepersonnen'enavaitjamaisvu...Jacejuraentresesdentsetsepenchaverslacréaturerecroquevilléesurlesole,puisreculad'unbond,

commes'ilvenaitdeheurterunmur invisible.Baissant lesyeux,Claryvitque l'angeétaitaccroupiaucentre d'un pentagramme fait de runes entrelacées gravées à même la pierre ; elles répandaient unelumièrediffuse,phosphorescente.

—Lesrunes,chuchota-t-elle.Ellesfontobstacle.—Maisildoitbienyavoirunmoyendel'aider.protestaJace.L'angelevalatête.Lamortdansl'âme,Claryconstataqu'ilavait,commeJace,descheveuxblondset

bouclés qui accrochaient la lumière. Son visage lacéré évoquait un tableau demaître abîmé par desvandales.Soudain, ilouvrit laboucheetunsonpresquemusicals'enéchappa,uneseulenoteà lafoisdouceetperçante,quiressemblaitvaguementàuneplainte…Unflotd'imagesdéfiladevantlesyeuxdeClary.Elleserraittoujourslapierrederunedanssamain,

mais celle-ci ne brillait plus. Elle fut brusquement transportée dans un rêve éveillé où les souvenirsaffluaientsouslaformedefragmentsd'images,decouleurs,desons.Ellesetrouvaitaucentred'unecavepropreetnue,unegranderuneavaitététracéeenhâtesurlesol,

Debout à côté du symbole, un homme tenait un livre ouvert dans unemain et une torche dans l'autre.Quand il leva la tête, Clary reconnut Valentin. Un Valentin beaucoup plus jeune, au visage lisse etséduisant.Ilsemitàpsalmodierdesincantations,etlarunes'enflamma.Bientôt,lesflammesmoururent,révélantuneformerecroquevilléedanslacendre:unangeauxailesdéployées,couvertesdesang,telunoiseauabattuenpleinciel.Lascènechangea.Valentinse tenaitàprésentprèsd'unefenêtreavecune jeunefemmerousseàson

côté.Unanneauenargentd'aspectfamilierétincelaàsondoigtcommeill'enlaçait.Lecœurserré,Claryreconnutsamère.Sestraitsdejeunefilleavaientquelquechosededouxetdevulnérable.Elleportaitunechemisedenuitblancheet,indubitablement,elleétaitenceinte.

— LesAccordsne sontpas seulement lapire idéeque l'Enclaveait jamais eue,mais aussi laplusgrandecalamitéquipuissefrapperlesNephilim,disaitValentind'untoncourroucé.Laperspectived'êtreenchainésàcescréatures…

—Valentin,protestaJocelyneensouriant,assezdepolitique,jet'enprie.Elle noua les bras autour du cou de sonmari avec une expression aimante qui se reflétait dans le

regarddecelui-ci,maisClarycrutydéceleruneautreémotion,etunfrissonluiparcourutledos...Valentin étaitmaintenant agenouillé aumilieu d'une clairière.La lune éclairait le pentagrammenoir

qu’ilavaittracédanslaterre.Lesbranchesdésarbresfermaientunevoûteépaisseau-dessusdesatète;les feuillesde cellesqui surplombaient le pentagrammeavaientnoirci.Une femmeaux longs cheveuxsoyeuxétaitassiseaucentredel'étoileàcinqbranches.Elleavaituncorpsminceetgracieux,sesbrasblancsétaientnus,etsonvisageétaitdissimuléparlapénombre.Elletendit lamaingaucheet,commeelle ouvrait les doigts,Clary vit que sa paume était entaillée.Unmince filet de sang s'écoulait de la

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blessure;ellelerécolta,goutteàgoutte,dansunecouped'argentposéeauborddupentagramme.Lesangparaissaitnoirauclairdelune,àmoinsqu'ilnelesoitréellement.— L'enfant né avec ce sang dans les veines aura un pouvoir plus grand que celui des DémonsSupérieursquipeuplentlesabyssesentrelesmondes,annonça-t-elled'unevoixdouceetmélodieuse.Ilserapluspuissantqu'Asmodée,plus fortque le shedim des tempêtes.Avec l'entraînement adéquat, iln'est rien dons il ne sera capable. Je dois cependant t'avertir que son pouvoir le privera de sonhumanité.

—Mesremerciements,damed'Edom,ditValentinet,aumomentoùils'avançaitpourprendrelacouperempliedesang,lafemmelevalatête.Claryconstataalorsquesi,parailleurs,elleétaitd'unebeautésaisissante,elleavait,enguised'yeux

deuxorbitesvidesparlesquellesémergeaientdestentaculesnoirs.Claryétouffauncridefrayeur...Laforêtetlanuitdisparurent.Jocelynefaisaitmaintenantfaceàquelqu'unqu'ellemasquaitàlavude

Clary.Ellen'étaitplusenceinte,etsachevelureretombaitendésordresursonvisageépouvanté.—JenepeuxpasresteravecluiunjourdeplusRagnor.J'ailusonjournal.Savez-vouscequ'ilafaità

Jonathan?Mêmelui,jenelepensaispascapabledeça.Sesépauless'affaissèrent.

—Ilautilisédusangdedémon.Jonathann'estplusunêtrehumain,c'estunmonstre...Elle sevolatilisa.À saplace,Valentin faisait les centpas autourd'uncerclede runes;unpoignard

séraphiqueétincelaitdanssamain.«Pourquoit'obstines-tuànepasmeparler?marmonna-t-il.Pourquoinemedonnes-tupascequejeveux?»Ilbranditsoncouteau,l'angesetorditdedouleur,etunliquidedorécommeunrayondesoleils'écouladesablessure.«Siturefusesdem'apporterdesréponses,repritValentin,tupeuxaumoinsmedonnertonsangpourmoietmafamille.Ilnousseraplusutilequ'àtoi.»A présent, Clary se trouvait dans la bibliothèque dumanoir desWayland. Le soleil entrait par les

fenêtres,inondantlapiècedevertsetdebleus.Desvoixetdeséclatsderireluiparvenaientdelapiècevoisineoùdonnaitunefête.Agenouilléeprèsdesrayonnages,Jocelynejetauncoupd'œilautourd'elleavantdesortirunlivredesapocheetdeleglissersuruneétagère…ElledisparutetClaryvitlacaveoùellesetrouvaitencemoment.Lemêmepentagrammeétaittracé

surlesol,etaucentredel'étoilegisaitl'ange.Valentinsetenaitprèsdeluiet,cettefoisencore,iltenaitàlamainunpoignardséraphique.Ilsemblaitplusâgéàprésent;cen'étaitplusunjeunehomme.«Ithuriel,lança-il. Nous sommes de vieux amis maintenant, est-ce pas ? J'aurais pu t'enterrer vivant sous cesruines,etpourtantjet'aiemmenéiciavecmoi.Pendanttoutescesannées,jet'aigardéàmescôtésdansl'espoirqu'unjourtumerévéleraiscequejeveuxsavoir.»Ilserapprochaduprisonnierenbrandissantsonpoignarddontlalumièrefitscintillerlabarrièrede

runes.«Ent'invoquant,j'espéraisquetum'expliqueraispourquoiRazielnousacréés,nous,laracedesChasseurs d'Ombres, sans nous accorder les dons des Créatures Obscures : la rapidité des loups,l'immortalitéduPetitPeuple,lespouvoirsmagiquesdessorciers,l'invulnérabilitédesvampires.Ilnousalaissésnus,sansautreprotectioncontreleshôtesdel'enferquecesMarquestatouéessurnotrepeau.Pourquoi leurs pouvoirs devraient-ils être supérieurs aux nôtres ? Pourquoi ne pouvons-nous pasbénéficierdecequ'ilspossèdent?»Assisaucentredel'étoilequil'emprisonnait,l'angedemeuraimmobilecommeunestatuedemarbre,

les ailes repliées. Ses yeux n'exprimaient rien d'autre qu'une immense tristessemuette.Valentin fit lagrimace.

—Soit.Gardelesilence.Ilyaurad'autresoccasions.Ilbranditsonpoignard.— Je détiens la CoupeMortelle, Ithuriel, et bientôt j'aurai l'Épée enma possession.Mais sans le

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Miroirjenepeuxpascommencerl'invocation.Ilnememanqueplusquelui.Dis-moioùilsetrouve,etjetelaisseraimourir.Lascènesedésintégra,etClaryentrevitd'autresimagesdésormaisfamilièrespuisqu'ellesprovenaient

desescauchemars:desangesavecdesailesblanchesounoires,deslacsmiroitants,del'or,dusangetJace,sedétournantd'elle,sedétournanttoujours.Elletenditlebraspourleretenir,etpourlapremièrefoislavoixdel'angerésonnadanssatête.Cenesontpaslespremiersrêvesquejetemontre.Lavisiond'unerunesurgitdunéant,telunfeud’artificederrièresespaupières.Cetterune-là,ellela

voyaitpourlapremièrefois:puissante,élémentaire,elleévoquaitunsimplenœud.Elledisparutenunéclairet,àcetinstant,lechantdel'angesetut.Claryréintégrasoncorps;ellechanceladansl'obscuritéde lasallemalodorante.L'angegisaitdanssoncoin, imobileetsilencieux, lesailesrepliées, telleunesculptureàl'effigiedumalheur.Clary laissa échapper un sanglot. « Ithuriel. » Le cœur serré, elle tendit les bras vers le prisonniermalgrélabarrièrederunes.Depuisdesannées,ilagonisaitseuldanscesténèbres,enchaînéetaffamé,maislamortnevoulaitpasledélivrer…Juceétaittoutprèsd'elle.Ellecompritàsonairbouleverséqu'ilavaiteulesmêmesvisionsqu'elle.Il

contemplalepoignardséraphiquedanssamainpuisreportaleregardsurl'ange.Sonvisageaveugleétaittournéverseuxetsemblaitlessupplierensilence.Jacefitunpas,puisunautre.Sonregardrestaitfixésurl'angeetClaryeutl'impressionquetousdeuxcommuniquaientsansl'aidedesmots.LesyeuxdeJaceétincelaientcommedesdisquesd'or.—Ithuriel,chuchota-t-il.Lepoignarddanssamains'illuminacommeunetorche.Salumièreétaitaveuglante.L'angelevalatête,

commesilaclartégénéréeparlalamevenaitdeluirendrelavue.Iltenditlesbras,etleschaînesquiretenaientsespoignetscliquetèrent.—Clary,ditJace.Lesrunes.Pendantunbrefmoment,elleledévisageasanscomprendre.Duregard,illuisignifiad'approcher.Elle

lui tendit lapierrederune,sortitsastèledesapoche,ets'agenouillaprèsdesrunes.Ellessemblaientavoirétécreuséesdanslapierreavecunobjetpointu.Ellejetauncoupd'œilàJace.L'expressiondesonregardlasurprit;elleylutuneconfianceaveugleenelleetsescapacités.Delapointedelastèle,elletraçaplusieurslignessurlesolquisedilatèrentcommesielletrempaitleboutd'uneallumettedansdusoufre.Unefoissatâcheterminée,elleseleva.Lesrunesscintillaientdevantelle.Jaces'avançaàsoncôté.Il

avaitrempochésapierrederune,etlaseulesourcedelumièreémanaitdesonpoignardséraphique.Iltenditlamain,etcettefoisparvintàfranchirlabarrièrederunes.L'ange lui prit le poignard. Il ferma ses yeux aveugles et, l'espace d'un instant, Clary crut le voir

sourire.Retournantl'armedanssamain,ilenappuyalapointesursonsternum.Etouffantuncri,Claryfitminedes'élancer,maisJacelaretintd'unepoignedeferjusteaumomentoùl'angesepoignardait.Satêteretombaenarrière,samainlâchalecouteau,dontlemanchesaillaitdesapoitrine,àl'endroit

oùsetrouvaitsoncœur...si lesangesavaientuncœur,cedontClaryn'étaitpascertaine.Soudain,desflammes jaillirent de la blessure et le corps de la créature s'embrasa. Les chaînes qui retenaient sespoignets rougeoyèrent comme du fer laissé trop longtemps dans l'âtre. Clary songea aux peinturesmédiévalesreprésentantdessaintsextatiquessurlebûcher.Lesailesdel'angesedéployèrentavantdes'enflammeràleurtour.N'ytenantplus,Clarydétournalesyeuxetenfouitsonvisagecontrel'épauledeJace.—Çavaaller,murmura-t-ilenlaserrantcontrelui,labouchedanssescheveux.

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Mais l'airétaitsaturédefumée,etelleavait l'impressionque la terre tremblaitsoussespieds.Jacechancela,etellecompritalorsquecen'étaitpasl'effetduchoc:lesolbougeaitvraiment.Lespavéssecraquelèrentautourd'eux,etunepluiedepoussières’abattitduplafond.L'angen'étaitguèreplusqu'unecolonne de fumée ; les runes autour de lui brillaient d’un éclat aveuglant. Clary les étudia pour endéchiffrerlesens,puisposasurJaceunregardpaniqué:—Lemanoir...ilétaitenchaînéàIthuriel.S'ilmeurt,lemanoir…Ellen'eutpasletempsdefinirsaphrase:Jacel'entraînaitdéjàversl'escalierbranlant.Elletrébucha,

se cogna le genou sur unemarche,mais il la releva et elle se remit à courir aumépris de sa jambeendolorie,lespoumonspleinsdepoussière.Après avoir gravi lesmarches quatre à quatre, ils déboulèrent dans la bibliothèque.Dans son dos,

Clary entendit un grondement étouffé aumoment où le reste de l'escalier s'effondrait.A la surface, lasituationn'étaitguèreplusenviable:lesmursdelabibliothèquetremblaient,leslivresdégringolaientdeleursétagères.Lesdébrisd'unestatuetteétaientéparpilléssurlesol.Jaces'emparad'unechaiseet,avantqueClaryaitpuposer lamoindrequestion, la jeta surunedes fenêtresàvitrauxqui sebrisadansundélugedeverre.Au-delàs'étendaitunepelouseéclairéeparlalunedélimitéeparunrideaud'arbres.Ilssemblaientsi

loin!«Jenepeuxpassauterd'aussihaut!»pendClary.ElleallaitenfairepartàJacequandellevitsesyeuxs'agrandird'effroi.L'undesbustesenmarbrequis'alignaientsur lesétagèressupérieuresbasculadanslevide;ellel'esquivaauderniermoment,etils'écrasaàuncheveudel'endroitoùellesetenaitunesecondeplustôt.Unesecondeplustard,Jacelasoulevadanssesbraset,aprèsl'avoirportéejusqu'àlafenêtre,illajeta

danslevidecommeunvulgairesacàpatates.Elletombadansl'herbe,dévalalapenterouléeenbouleetfinit sa course contre une butte qu'elle heurta de plein fouet, puis elle se redressa en secouant sachevelurepleinedebrindilles.Uninstantplustard,Jacelarejoignitetserelevad'unbondpourscruterlemanoir.Clarysuivitsonregardmaisill'entraînaitdéjàversuncreuxentredeuxcollinesenluiserrantlebrasàluienfairedesbleus.Sansluilaisserletempsderéagir,illapoussadevantluietsejetasurellepourfaireécrandesoncorps.Unénormegrondementrésonnadanslanuit;onauraitdituntremblementde terre ou une éruption volcanique.Un nuage de poussière blanche s'éleva. Pendant un brefmomentd'hébétude,Clarycrutqu'ils'étaitmisàpleuvoir,etcompritqu'ils'agissaitenfaitd'unepluiedeverreetdegravats;lesrestesdumanoireffondrétombaientautourd'euxcommeunegrêledeballes.Jace se serra contre elle ; son cœurbattait si fort à ses oreilles qu'il couvrait presque le fracasdu

manoirquis'effondrait.Levacarmesetutpeuàpeu,commedelafuméesedissipantdansl'air,etlaissabientôtplaceauxcris

strisentsdesoiseauxaffolés.Par-dessusl'épauledeJace,Clarylesvittournoyerdanslecielnocturne.—Jace,dit-elleàmi-voix.Jecroisquej'aiperdutastèle.Il s'écarta un peu d'elle en se hissant sur les coudes, et la regarda avec insistance. Même dans

l'obscurité, elle distinguait son propre reflet dans ses yeux. Il avait le visage couvert de suie et depoussière,etlecoldesachemiseétaitdéchiré.

—Cen'estpasgrave.Tantquetun'espasblessée.Sansréfléchir,elleeffleurasesbouclesduboutdesdoigts;ilseraiditetsonregards'assombrit.— Tuavaisunbrind'herbedanslescheveux,expliqua-t-elle,labouchesèche,tandisquel'adrénaline

refluaitdanssesveines.Lesderniers événements - la découverte de l'ange, l'effondrement dumanoir - lui semblaientmoins

réelsquecequ'ellelisaitàprésentdansleregarddejace.—Tunedevraispasmetoucher,lâcha-t-il.

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Clarysuspenditsongeste.—Pourquoi?— Tulesaisbien,marmonna-t-ilenroulantsurledos.Tuasvucequej'aivu,non?Lepassé,l'ange.

Nosparents.Claryneserappelaitpasl'avoirentenduprononcercesmotsauparavant:«Nosparents.»Ellehésita

àluiprendrelamain,craignantsaréaction.Ilcontemplaitlecield'unairabsent.—Oui,j'aivu.—Alorstusaiscequejesuis,murmura-t-ild'unevoixtenailléeparl'angoisse.Jesuisenpartiedémon,

Clary.Tucomprendscequeçasignifie?Sonregardlatransperçacommeunpoignard.— Tuasvucequ'afaitValentin,non?Ilaexpérimentécesangsurmoiavantmêmequejevienneau

monde.Jesuisunmonstre.Unepartdemoi-mêmeincarneceque,toutemavie,j'aicherchéàdétruite,LesparolesdeValentinresurgirentdanslamémoiredeClary:«Ellemereprochaitd'avoirfaitdeson

filsunmonstre.»—Maislessorcierssontenpartiedémons-regardeMagnus-etçanefaitpasd'euxdesmons...—OnparledeDémonsSupérieurs,là.Tuasentenducequ'aditcettefemme.«Sonpouvoirlepriveradesonhumanité.»—Cen'estpasvrai,protestaClaryd'unevoixtremblante.C'estimpossible.Çanetientpasdebout…—Maissi!Çaexpliquetout!LedésespoiretlacolèresepeignaientsurlevisagedeJace.Sousleclairdelune,Claryvitscintiller

sachaîneenargentautourdesoncou.— Oui,çaexpliquequetusoisunChasseurd'Ombreshorspair,loyal,intrépide,honnête,soittoutce

qu'undémonn'estpas!—Çaexpliquemessentimentspourtoi,lâcha-t-ild'unevoixatone.—Jenecomprendspas.Jacelafixaunlongmomentensilence.Malgrél'espacequilesséparait,elleavaitl'impressiondele

sentircontreelle,commesisoncorpsétaitencorecollécontrelesien.—Tuesmasœur.Monsang,mafamille.Monrôleestdeteprotéger...

Ilpartitd'unrireamer.— .. de te protéger des garçons qui ont de vilaines pensées sur ton compte.Or, j'ai exactement les

mêmes.—Maistum'asditque,dorénavant,toutcequit’intéressait,c'étaitd'êtremonfrère.— J'aimenti.Lesdémonsmentent,Clary.Tusais,lepoisondémoniaqueprovoqueparfoisdeslésions

internes.Onne saitmêmepasqu'on est blessé, alors qu’on saigne à l'intérieur.Être ton frère, c'est lamêmesouffrance.

—MaisAline…—Jedevaisaumoinsessayer.C'estcequej'aifait,Expliqua-t-ild'unevoixblanche.Maisjenedésire

personned'autrequetoi.Jen'aimêmepasenviededésirerquelqu'und'autre.Iltenditlebras,caressaunemèchedesescheveux.—Maintenant,aumoins,jesaispourquoi.—Moinonplus,jeneveuxpersonned'autrequetoiditClarydansunsouffle.Jacesehissasurlescoudes.L'expressiondesonvisageavaitchangé.Unelueurindolente,qu'ellene

luiavait jamaisvue,s'étaitalluméedanssonregard. Ileffleurasaboucheensuivant lecontourdeseslèvresduboutdesdoigts.

—Tudevraispeut-êtrem'empêcherdecontinuer,chuchota-t-il.

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Clary ne protesta pas. Elle n'avait pas envie qu'il arrête; elle était lasse de dire non, de s'interdired'écoutersoncœur.Qu'importaitleprixàpayer.Ilsepenchaverselle,frôlasajouedeseslèvres,etcesimpleeffleurementlafittremblerdelatêteaux

pieds.—Situveuxquej'arrête,dis-lemaintenant,murmura-t-il.Commeellenerépondaitrien,ildéposaunbaisersursatempe.—Oumaintenant,reprit-ileneffleurantdeslèvressapommette.Ou…MaisClaryl'avaitdéjàattirécontreelle,etlerestedesaphrasefutnoyésoussesbaisers.Collésl'un

à l'autre, ils roulèrent dans l'herbe. Elle sentait des pierres s'enfoncer dans son dos et son épaulel'élançait, mais plus rien ne comptait que Jace. Soudain, les doigts de Clary rencontrèrent un objetmétallique,etsurprise,ellerecula.Jacesefigea.

—Qu'est-cequ'ilya?Jet'aifaitmal?—Non,c'estcetruc,répondit-elleeneffleurantl'anneaud'argentpenduàsoncou.Ellel'examinadeplusprès.Lemétalnoirci,lemotifenformed'étoile...Elleconnaissaitcettebague.

L'anneaudesMorgenstern.CemêmeanneauquibrillaitaudoigtdeValentindanslerêvequel'angeleuravaitmontré.Ilenavaitfaitcadeauàsonfils,conformémentàlatradition.

— Désolé,ditJaceeneffleurantsa joueduboutdudoigtavecuneintensitérêveusedansleregard.J'avaisoubliéquejeportaiscettefichuebague.Soudain,lesangdeClaryseglaçadanssesveines.—Jace,implora-t-elleàmi-voix.Jace,arrête.—Arrêtequoi?C'estcettebaguequitegêne?—Non.Nemetouchepas.Arrête-toiuneseconde.Les traitsde Jace se figèrent.Sonexpression rêveuse laissaplaceàunairperplexe.Pourtant, ilne

répliquapas;samainretomba.—Jace,reprit-elle.Pourquoi?Pourquoimaintenant?—Dequoituparles?—Tuprétendaisqu'iln'yavaitplusrienentrenous.Que...quesionselaissaitaller,onferaitbeaucoup

demalautourdenous.—Jetel'aidéjàexpliqué.J'aimenti.Tucroisquejen'aipasenviede…— Non.Non, je ne suis pas bête à ce point. Je vois bien que oui.Mais quand tum'as dit que tu

comprenaisenfinpourquoituéprouvaiscessentiments-làpourmoi,qu'est-cequetuentendaisparlà?Si, au fond, elle connaissait la réponse, elle devait l'entendrede sabouche. Jaceprit samain et la

portaàsajoue.—Tutesouviens,chezlesPenhallow,quandjet'aiaccuséedesemerlapagaillepartoutoùtupasses?—Non,j'avaisoublié.Mercidemelerappeler.Ignorantsonsarcasme,Jacereprit:—Jeneparlaispasdetoi,Clary,maisdemoi.Ça,c'estmoi.Ildétournalevisage.— Aumoins,maintenant,jesaiscequinevapaschezmoi.C'estpeut-êtrepourcetteraisonquej'ai

autantbesoindetoi.SiValentinm'atransforméenmonstre,iln'estpasimpossiblequ'ilaitfaitdetoiuneespèced'ange.LuciferaimaitDieu,non?C'estcequeprétendMilton,entoutcas.

—Jenesuispasunange.EttunesaismêmepascequeValentinafaitdusangd'Ithuriel.Ilatrèsbienpus'enservirsurlui...

— Iladitquecesangétaitpour luiet sa famille, répliquaJaced'un ton tranquille.C'estde làqueviennenttespouvoirs,Clary.D'aprèslareinedelaCourdesLumières,noussommestouslesdeuxdes

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expériences.— Je ne suis pas un ange, Jace, répéta-t-elle. J'oublie de rendre les livres à la bibliothèque. Je

téléchargeillégalementdelamusique.Jemensàmamère.Jesuisunefilletrèsordinaire.—Non,paspourmoi,déclara-t-ilenplantantsonregarddanslesien.Ilnesubsistaitplusriendesonarrogancehabituelledanssonattitude:ellenel'avaitjamaisvuaussi

désarméetcependant,cettevulnérabilités'accompagnaitd'unprofondméprispourlui-même.—Clary,je...—Lâche-moi!—Quoi?LaflammequibrûlaitdanslesyeuxdeJaces'éteignitet,l'espaced'uninstant,lastupéfactionsepeignit

sursonvisage.Commec'étaitdurdesoutenirsonregardenluirésistant!Toutenl'observant,ellesongeaque,mêmesiellenel'avaitpasaimé,cettepartd'ellequiappréciait labeautéenchaquechose-etencelaelleétaitbienlafilledesamère-l'auraitquandmêmedésiré.Maisc'étaitprécisémentparcequ'elleétaitlafilledesamèrequec'étaitimpossible.

—Tum'astrèsbienentendue.Laissemesmainstranquilles.S'écartantdelui,elleserralespoingspourempêchersesmainsdetrembler.Immobile,illadévisagea

d'unairfuribond.—Tuveuxbienm'expliquercequit'arrive?—At'entendre,tumedésiresparcequetuesmauvais.Engros,tut'estrouvéuneautreraisondetehaïr.

Tutesersdemoipourteprouverquetunevauxrien.—Jen'aijamaisditça!—Soit.Alorsjeveuxentendredetabouchequetun'espasunmonstre,querienneclochecheztoique

tuvoudraisdemoimêmesitun'avaispascesang-làdanstesveines.Retenantleursouffle,ilssedéfièrentduregardpuisilserelevaavecunjuron.Claryl'imitaentitubant

un peu.Le vent cinglant lui donnait la chair de poule et elle avait l'impression d'avoir les jambes encoton.De ses doigts engourdis, elle boutonna le col de sonmanteau en refoulant ses larmes. Pleurern'arrangeraitrien.Desparticulesdepoussièreetdecendreflottaientencoredansl'air,etl'herbealentourétaitjonchéede

débris : fragments demeubles ; pages de livres ; un bout d'escaliermiraculeusement intact. Clary setournaversJacequishootaitdanslesdécombresavecunejoiemauvaise.

—Onestfichus,lança-t-il.—Quoi?

— Tutesouviens?Tuasperdumastèle.Tun'asplusaucunmoyendefabriquerunPortail,maintenant,annonça-t-ilavecunejubilationamère,commesilasituationleréjouissaitpourquelqueraisonobscure.Jenevoispasd'autresolution:ilvafalloirmarcher.

Mêmeentempsnormal,lapromenaden'auraitguèreétéagréable.Accoutuméeauxlumièresdelaville,Clary avait du mal à croire qu'Idris puisse être aussi sombre une fois la nuit tombée. Les ténèbresépaissesquibordaientchaquecôtédelaroutesemblaientgrouillerdecréaturesinvisibleset,mêmeavecla pierre de rune de Jace, elle n'y voyait qu'à quelques pas devant eux.La lumière des phares et desréverbèresluimanquait,ainsiquelesbruitsdelaville.Hormislecrissementrégulierdeleursbottessurlegravieret,detempsàautre,l'exclamationdesurprisequ'ellelaissaitéchapperentrébuchantsurunepierre,unsilencedemortplanaitsurleslieux.Auboutdequelquesheures,lespiedsdeClarycommencèrentàfatiguer.Elleavaitlabouchesèche.La

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températureavaitconsidérablementchuté,etellecheminaitenfrissonnant,ledosvoûté,lesmainsenfouiedans les poches de son manteau. Cependant, tout cela aurait été supportable si Jace avait daigné luiadressalaparole.Iln'avaitpasprononcéunmotdepuisqu'ilsavaientquittélemanoir,saufpouraboyerdesordresluimontreroùtournerlorsqu'ilsparvenaientàunembranchementsurlaroute,ouluiindiqueruneornière.Enfin, le ciel commença à s'éclaircir à l'est. Clary qui avançait telle une somnambule, releva

brusquementlatête.

—Ilesttôtpourquelejourselève.Jaceladévisageaavecdédain.

—C'estAlicante.Lesoleilnese lèverapasavantaumoins troisheures.Ceque tuvois,cesont leslumièresdelaville.Tropsoulagéedetoucheraubutpourseformaliserdesonattitude,Clarypressalepas.Parvenusàuncroisement, ilss'engagèrentsurunlargechemindeterreàflancdecolline,quiserpentait le longdelapenteavantdedisparaîtrederrièreunvirage.Bienquelavillenesoitpasencoreenvue,lanuitsemblaitplusclaire,etuneétrangelueurrougeâtreilluminaitleciel.R—Onyestpresque,lançaClary.Ilexisteunraccourciparlacolline?

Jacefronçalessourcils.—Ilyaquelquechosedebizarre,dit-ilbrusquement.

Ils'élançasurlarouteensoulevantdepetitsnuagesdepoussièrequiprenaientuneteinteocredanslalumière.Clary luiemboîta lepasmalgrésespiedsmeurtris.Parvenuaudétourduvirage,Jaces'arrêtanet, et Clary faillit s'affaler sur lui. En d'autres circonstances, l'incident lui aurait peut-être semblécomique.Lecielàprésentécarlateéclairaitlacollinecommeenpleinjour.Despanachesdefumées'élevaient

delavalléeencontrebasensedéployantcommelesplumesd'unpaonnoir.Émergeantdelafumée,lestours de verre d'Alicante semblaient percer le ciel comme autant de flèches enflammées. À traversl'épaisse nappe, Clary distinguait l'éclat des flammes ; à cette distance, les foyers disséminés dansAlicanteévoquaientunepoignéedejoyauxétincelantséparpilléssurunlingenoir.Celasemblait incroyable,etpourtantc'étaitvrai :postéssurlacolline, ilscontemplaientunevilleenflammes.

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DEUXIÈMEPARTIE

DeSombresEtoiles

ANTONIO:Nevoulez-vouspasresterpluslongtemps?Nevoulez-vouspasquejevousaccompagne?SÉBASTIEN:Non,sivouslepermettez.Monétoilerayonned'unesombrelumièreau-dessusdematête.

Lamalveillancedemondestinpourraittroublerlevôtre.C'estpourquoijedoisvousprierdemelaisserendurerseulmessouffrances.Ceseraitmalrécompenservotreamitiéquedevousenimposeruneseule.

WilliamSHAKESPEARE,LaNuitdesrois

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10.FerEtFeu

—ILESTTARD,gémitIsabelleentirantlesrideauxendentelledelafenêtredusalon.Ildevraitdéjàêtrerentré.

— Soisraisonnable,Isabelle,lançaAlecdecetonsupérieurqu'ilemployaitparfoispourluirappelerqu'ilétaitlefrèreaînéetque,sielleétaitsujetteàl'hystérie,luigardaittoujourssoncalme.Nonchalammentvautrésurl'undesfauteuilstroprembourrésquiflanquaientlacheminée,ilsemblait

vouloirluimontrerjusquedanssaposturequ'ilnet'inquiétaitpaslemoinsdumonde.— TuconnaisJacequandilestcontrarié,ilfautqu’ilsorte.Iladitqu'ilpartaitsepromener.Ilfinira

bienparrentrer.Isabellesoupira.Elledéploraitpresquel'absencedesesparents,quin'étaientpasrevenusdelaGarde.

Quelquesoitlesujetdesdiscussions,laréunionduConseils'éternisait.—Cen'estpasparcequ'ilconnaîtbienNewYorkqu'ilsauraserepérerici...—IlconnaîtAlicantemieuxquetoi.Assisesurlecanapé,sescheveuxnoirsrassemblésenunegrossetresse,Alineétaitabsorbéedansla

lectured'unouvragereliédecuirbordeauxqu'elleavaitposésursesgenoux.Isabelle,quin'étaitpasunegrande lectrice, enviait cette capacité à se plonger dans les pages d'un livre. Elle aurait eu d'autresraisonsdejalouserAline.D'abord,sabeautédélicateetmenue;Isabelleétaitsigrandequ'elledépassaitd'unetêtetouslesgarçons.Cependant,elleavaitrécemmentdécouvertquelesautresfillesn'étaientpasseulementlàpourêtreenviées,ignoréesouméprisées.—Ilavécuicijusqu'àl'âgededixans,poursuivitAline.Vous,vousn'êtesvenusquedeuxoutroisfois.Isabelleportalamainàsagorge.Lependentifornantsoncouvenaitd'émettreunepulsationbrusque,

or ilnevibraitqu'enprésenced'undémonet ils étaientdans l'enceinted'Alicante. Ilnepouvaitpasyavoirdedémonsdanslesparages.Lebijoudevaitêtredéfectueux.

—Detoutefaçon,jenecroispasqu'ilsoitpartisebaladerenville.Aleclevalesyeux.

—Tupensesqu'ilestallévoirClary?— Elleestencore là?s'étonnaAlineen refermantson livre. Jecroyaisqu'elleétait rentréeàNew

York,Chezquiséjourne-t-elle,aufait?IsabellehaussalesépaulesetsetournaversSébastien.

—Demande-le-lui.Allongésurlecanapéenfaced'Aline,Sébastienétaitluiaussiplongédansunlivre.Illevalesyeux.

—Vousparliezdemoi?«Cegarçonest ladouceur incarnée», observa Isabelle avecunepointed'agacement.D'abord, elle

s'était laissé charmer par son physique avantageux, ses pommettes saillantes et ses yeux noirs,impénétrables, mais à présent, sa personnalité affable et compatissante lui tapait sur les nerfs. Ellen'aimait pas les garçons qui ne se mettaient jamais en colère. Dans l'esprit d'Isabelle, la rage étaitsynonymedepassion,doncd'unbonmoment.

—Qu'est-cequetulis?demanda-t-elled'untonbrusque.UnedesbandesdessinéesdeMax?— Oui,réponditSébastienenbaissantlesyeuxsurl’exemplaired’AngelSanctuaryenéquilibresurle

brasducanapé.J'aimebienlesdessins.Isabellepoussaunsoupirexaspéré.Sonfrèreluijetaunregardnoir.—Sébastien,euh...JacesaitquetuesallétepromeneravecClary?s'enquit-il.

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Sébastienparutamusé.—Cen'estpasunsecretd'État.Jeluienauraisparlésijel'avaiscroisé.—Jenevoispasoùestleproblème,fitremarquerAlined'untonsec.Sébastienn'arienfaitdemal.Il

voulaitmontrerIdrisàClarissaavantsondépart,etalors?Jacedevraitseréjouirquesasœurs'occupeunpeu.

—Ilesttrès...protecteur,parfois,déclaraAlecaprèsunebrèvehésitation.Alinefronçalessourcils.

—Ildevraitlalâcherunpeu!Cen'estpasbonpourelled'êtretropcouvée.Vousauriezdûvoirsatêtequandellenousasurpris!Acroirequ'ellen'avaitjamaisvupersonnes'embrasserauparavant!Quisait?C'estpeut-êtrelecas.

— Tun'yespasdutout,lâchaIsabelleenrepensantaubaiserqueJaceavaitéchangéavecClaryàlaCourdesLumières.Ce souvenir l'indisposait : Isabelle n'aimait pas ressasser ses problèmes, et encoremoins ceux des

autres.—Alorsqu'est-cequ'ilsepasse?demandaSébastien.Ilseredressasursonsiègeenrepoussantunemèchedecheveuxnoirs,etIsabelles'aperçutqu'ilavait

lapaumeentaillée.—Ilmedétestesansraison?reprit-il.Jenecomprendspascequej'aipuf...Unepetitevoixl'interrompit.—C'estmonlivre.Max se tenait sur le seuil de la pièce, vêtu d'un pyjama gris. Ses cheveux bruns étaient ébouriffés

commes'ilsortaitdulit.Ilfixaitd'unœilnoirlemangaposéprèsdeSébastien.—Quoi,ça?dit-ilenluitendantl'exemplaired’AngelSanctuary.Tiens,petit.Maxtraversalapièceaupasdechargeetluiarrachalabandedessinéedesmains.—Nem'appellepas«petit»,lâcha-t-ilenjetantunregardcourroucéàSébastien.Celui-ciselevaenriant.—Jevaischercherducafé,annonça-t-ilensedirigeantverslacuisine.(Puis,s'arrêtantsurleseuil,Il

demandaàlacantonade:)Quelqu'unveutquelquechose?Unchœurderefusluirépondit.Avecunhaussementd'épaules,ildisparutderrièrelaporte.—Max!s'exclamaIsabellesuruntondereproche.Nesoispasimpoli.—Jen'aimepasqu'onmeprennemesaffairé,protesta-t-ilenserrantlemangacontrelui.—Grandisunpeu.Iltel'ajusteemprunté,répliqua-t-elleplussèchementqu'ellenel'auraitvoulu.(Elle

s'inquiétaitencorepourJace,etserendaitbiencomptequ'ellepassaitsesnerfssursonpetitfrère.)Detoutefaçon,tudevraisdéjàêtreaulit.Ilesttard.

—J'aientendudubruitsurlacolline.Çam'aréveillé.Maxclignadesyeux;quandilneportaitpasseslunettes,lemondedevenaitflouautourdelui.—Isabelle...Letonsuppliantdesavoixretintl'attentiondesasœur.—Quoi?fit-elleensedétournantdelafenêtre.—Çaarrivequedesgensescaladentlestoursdeverre?

Alineéclataderire.—Non,voyons!D'abord,c'estillégal,ensuite,pourquoiferait-onunechosepareille?Isabellejugeaqu'Alinen'avaitpasbeaucoupd'imagination.Elle-mêmeauraitputrouvertoutessortes

deraisonsd'escaladerlestours,neserait-cequepourcrachersurlespassants.Maxfronçalessourcils.

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—Etpourtant,ilyavaitquelqu'un.Jesaiscequej'aivu...—Tuasdûrêver,l'interrompitsasœur.Lestraitsdel'enfantsedécomposèrent.Sentantvenirlacrise,Alecselevaetlepritparlamain.—Viens,Max,dit-ilavecdouceur.Ilestl'heurederetournersecoucher.—Ondevraittousenfaireautant,déclaraAlineenselevantàsontour.EllerejoignitIsabelleàlafenêtreet,d'ungesteautoritaire,elletiralesrideaux.—Ilestpresqueminuit.QuisaitquandilsrentrerontduConseil?Çanesertàrienderest...Lependentifd'Isabelleseremitbrusquementàvibreret,soudain,lafenêtredevantlaquellesetenait

Alinevola en éclats.D'énormesgriffes souillées de sang et de liquidenoir surgirent de l'obscurité etl'emportèrentavantqu'elleaitpupousseruncri.Isabelles'emparadesonfouet,posésurlatableprèsdelacheminée,etfitunpasdecôtépouréviter

Sébastienquirevenaitencourantdelacuisine.—Vachercherdesarmes,aboya-t-ellecommeilparcouraitlapièced'unregardahuri.Puiselles'élançaverslafenêtre.Prèsdelacheminée,Alecs'efforçaitderetenirMaxquisedébattait

encriantpouréchapperàsonfrère.Illepoussaverslaporte.«Bien,pensaIsabelle.FaissortirMaxdelapièce.»Unventglacés'engouffraitparlafenêtrecassée.Isabellerelevasajupeetfittomberàcoupsdepied

lesderniersfragmentsdeverreenremerciantlessemellesépaissesdesesbottes.Puiselleglissalatêteparl'ouverture,franchitlafenêtred'unbondetatterritdansl'alléepavéeencontrebas.Apremièrevue,ellesemblaitdéserte.Iln'yavaitpasderéverbèreslelongducanal;laseulelumière

émanait des fenêtres des maisons voisines. Isabelle progressa avec prudence, son fouet en électrumenroulécontresahanche.Cefouetétaituncadeaud’anniversairedesonpèrepoursesdouzeans.Ilavaitfiniparfairepartied'elle-même,commeunprolongementdesonbrasdroit.Les ténèbres s'épaississaient à mesure qu'elle s'éloignait de la maison. Elle prit la direction

d'Oldcastle Bridge, le pont qui enjambait le canal. Sous le pont, Il faisait noir comme dans un four.Soudain,ellevituneformeblancheremuerdansl'obscurité.Isabelle s'élança, coupa par la haie d'un jardin, bondit et atterrit sur le petit quai de brique qui

s'étendait sous le pont. Son fouet éclaira les ténèbres d'une vive lumière argentée, et elle vit Alineétendue, immobile,aubordducanal.Unénormedémoncouvertd'écailles ledressaitau-dessusd'elle,l'écrasantdetoutsonpoids,lagueulepenchéesursoncou.Or,çanepouvaitpasêtreundémon.Ilsn'étaientjamaisentrésdansAlicante.Sousleregardéberlué

d'Isabelle, la créature leva la tête et flaira l'air comme si elle venait de sentir sa présence. Isabelles'aperçutqu'elleétaitaveugle:unerangéededentsacéréesémergeaitdesonfront,làoùauraientdûsetrouverlesyeux.Surlapartieinférieuredesatête,sagueulebéantes'ouvraitsurdescrocsdégoulinantde bave, pareils à des défenses d'éléphant. Le monstre balaya l'air de sa longue queue, et Isabelleconstataenserapprochantqu'elleétaithérisséedepetitsosaussicoupantsquedesrasoirs.Alineremuaetpoussaungémissementétouffé.Lesoulagementd'Isabelle,quil'avaitcruemortejusqu'à

cetinstant,futdecourtedurée.CommeAlinesetordaitdedouleur,soncorsagedéchirélaissavoirdessillonsensanglantéssursapoitrine,etIsabellevitquelacréatureavaitplantésesgriffesdanslatailledesonjean.Unevaguedenauséelasubmergea.Ledémonn'avaitpasl'intentiondetuerAline...dumoinspastout

de suite. Le fouet d'Isabelle s'anima dans sa main telle l'épée flamboyante d'un ange vengeur. Elles'élançaetl'abattitsurledosdudémon,quipoussaunhurlementdedouleurets'écartad'Aline.Ilseruasursonassaillante,sesdeuxgueulesgrandesouvertes,enlacérantl'airdesesgriffes.Reculantàtâtons,ellefitclaquersonfouetunedeuxièmefoiset leblessaàlatête,auventreetauxpattes.Sesmultiples

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blessureslibérèrentunjetdesangetd'ichor.Unelonguelanguefourchuejaillitdesagueulesupérieure;elleétait terminéeparunaiguillonsemblableàceluid'unscorpion.D'une torsiondupoignet, Isabelleabattit son fouet, qui s'enroula autour du monstrueux appendice. Le démon poussa un long hurlementtandisquelelienenélectrumflexibleseresserraitautourdesalangue,quitombaavecunbruitmouillé,répugnant,surlesbriquesduquai.Sedétournant,ilbattitenretraiteenondulantcommeunserpent.Isabelle s'élança à sa poursuite. Il avait parcouru lamoitié du quai quandune silhouette sombre se

dressadevantlui.Unobjetétinceladansl'obscurité,etledémons'affaissaensetordantdedouleur.Isabelles'arrêtanet.Alinesetenaitau-dessusdelabête,unedagueàlamain.Lesrunessurlalame

étincelèrentaumomentoùellel'abattaitsurledémonquisetortillaitàsespieds.Ellelefrappaencoreetencore,jusqu'àcequ'ilcessederemuer,etildisparut.Quandelle levala tête,sonvisagenetrahissaitaucuneémotion.Ellenefitpasminederamener les

pansdesoncorsagedéchirésursapoitrine.Dusangs'écoulaitabondammentdesesblessures.—Aline...tuvasbien?demandaIsabelle.Aline lâchasonarme.Sansunmot,elle sedétournaetdisparutdans lapénombredupont.Prisede

court, Isabelle poussa un juron et s'élança derrière elle. Elle regrettait d'avoir opté pour une robe envelourscesoir-là,maisaumoinselleportait sesbottes. Juchéesurdes talonshauts,ellen'aurait sansdoutepaspurattraperAline.L'extrémité du quai débouchait sur un escalier en fer quimenait à la ruePrincewater.La silhouette

indistincted'Alineseprofilaausommetdesmarches.Isabelle lasuivit tantbienquemal,gênéepar letissulourddesarobe.Arrivéeenhautdel'escalier,ellelacherchadesyeux......etrestabouchebée.Ellesetenaitàl'entréedelagranderuequibordaitlamaisondesPenhallow.

Aline avait disparu parmi la foule qui se bousculait. Des démons semblables à la créature lézardqu'Alineavaitachevéesouslepontévoluaientpardizainesaumilieudesfuyards.Deuxoutroiscorpsgisaientdéjàsur lachaussée,dontunvieillard, lacagethoraciqueouverte.«Evidemment,pensa-t-elle,l'espritembruméparlapanique.TouslesadultesenâgedesebattresontàlaGarde.Enville,ilnerestequelesenfants,lesvieuxetlesmalades...»La nuit résonnant de cris se teintait de rouge, et une odeur de brûlé avait envahi l'air. Les gens se

précipitaienthorsdechezeux,puiss'arrêtaientnetenvoyantlaruegrouillantedemonstres.C'étaitimpossible,inimaginable.Jamaisparlepasséundémonn'avaitfranchilesboucliersdestours.

Etpourtant,ilsétaientdesdizaines,descentaines,voireplus,àenvahirlesruesdelavillecommeunemarée nauséabonde. Isabelle avait l'impression d'être piégée derrière un panneau de verre : elleobservait la scène, incapable de bouger. Immobile, elle regarda un démon s'emparer d'un garçon quis'enfuyaitetlesouleverdanslesairsenenfonçantsesdentspointuesdanssonépaule.Legaminpoussaunhurlement,maissoncriseperditdanslaclameurgénéralequienflaitpeuàpeu:

mugissementsdesdémons,appelsdésespérés,bruitsdepassurlepavé,craquementsdeverrebrisé.Plusbasdanslarue,quelqu'uncriaquelquechosequ'Isabellenecompritpas.Ellelevalesyeux.Leshautestoursveillaientsurlavillecommed'ordinairemais,aulieuderefléterlalueurargentéedesétoilesoulerougeoiementde lacitéenflammes,ellesétaientgrisescommelapeaud'uncadavre.Leuréclats'étaitterni.UnfrissonparcourutIsabelle.Pasétonnantquelesruesgrouillentdemonstres:lestoursd'Alicanteavaientperduleurmagie.Lesboucliersquiprotégeaientlavilledepuisunmillénairen'étaientplus.SiSamuelgardaitlesilencedepuisdesheures,Simon,lui,étaitbienréveillé.Incapabledetrouverle

sommeil,ilcontemplaitlésténèbresd'unœilmornequanduncriretentit.Illevabrusquementlatête.Rien.Iljetaunregardégaréautourdelui:avait-ilrêvécecri?Ildressa

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l'oreille;même s'il avait désormais l'ouïe fine, il n'entendit que le silence. Il était sur le point de serallongerquandleshurlementsreprirentdeplusbelle,luiperçantlestympanscommeautantd'aiguilles.Ilssemblaientprovenirdel'extérieur.Après s'être juché sur le lit pour regarder par la fenêtre, il vit l'étendue d'herbe et, au-delà, les

lumièreslointainesdelavillequiscintillaientfaiblementàl'horizon.Ilplissalesyeux.Quelquechoseavait changé, les lumières lui semblaient moins brillantes que dans son souvenir, et des pointsrougeoyantssedéplaçaientdansl'obscurité.Unpâlenuagedefuméeondoyaitau-dessusdestours,etuneodeurdebrûléflottaitdansl'air.

—Samuel!appelaSimon,paniqué.Samuel,ilsepassequelquechose.Il entendit des portes s'ouvrir à la volée, des bruits de bousculade, des éclats de voix.Collant son

visageauxbarreaux,ilvitdéfilerdespairesdebottesquicouraiententrébuchantsurlescailloux.DesChasseursd'Ombress'interpellaientenprenantladirectiondelaville.

—Lesboucliersnefonctionnentplus!—OnnepeutpasabandonnerlaGarde!—Ons'enmoque!Nosenfantssontlà-bas!Leursvoixs'éloignaientdéjà.Simonreculadelafenêtreetchuchota:—Samuel!Lesboucliers...LavoixdeSamuelluiparvintdistinctementdel'autrecôtédumur.—Jesais.J'aientendu.Il ne semblait pas effrayé. Plutôt résigné, voire vaguement satisfait que les événements lui donnent

raison.—Valentinaprofitédelaréunionpourattaquerlaville.Bienvu.—MaislàGarde...c'estuneforteresse.Pourquoiilsnerestentpasàl'abri?—Tulésasentendus.Touslesenfantssontenville.Ilsnepeuventpaslesabandonner.«LesLightwood.»SimonpensaàJace,puissereprésentaavecunenettetéterrifiantelepetitvisage

pâled'Isabelleencadréparunemassedecheveuxnoirs,sadéterminationaucombat,lesXetlesOdepetitefilleconcluantlemotqu'elleluiavaitécrit.

—Maisvousaviezprévenul'Enclave!Pourquoiilsnevousontpascru?— Parcequelesbouclierssontleurseulereligion,Poureux,douterdeleurpouvoiréquivautànier

qu'ils ont été choisis et qu'ils bénéficient de la protection de l'Ange.Autant se considérer comme unTerrestreordinaire.Simon revint à la fenêtre, mais la fumée s'était épaissie, et un brouillard gris pâle lui masquait

désormaislavue.Iln'entendaitplusdecrisau-dehors;quelquesvoixluiparvenaientencore,maisellessemblaientbienloin.

—Ondiraitquelavillebrûle.— Non,répondit tranquillementSamuel.Jecroisquec'est laGarde.Sansdouteunfeudémoniaque.

Valentinprendrad'assautlaforteresses'illepeut.— Mais... bredouilla Simon. Mais quelqu'un va venir nous chercher, dites ? Le Consul ou... ou

Aldertree.Ilsnenouslaisserontpasmouririci.—TuesuneCréatureObscure.Jesuisuntraître.Tupensesréellementqu'ilsvontvenirnoussauver?

—Isabelle!Isabelle!Alec secoua sa sœur.Elle leva lentement la tête ; levisageblêmede son frère sedétachait sur les

ténèbres derrière lui. Son arc sanglé dans son dos dépassait de son épaule.C'était lemême arc dont

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s'était servi Simon pour tuer leDémonSupérieurAbbadon.Elle ne se souvenait pas d'avoir vuAlecveniràsarencontre;c'étaitcommes'ils'étaitmatérialisédevantelle,telunfantôme.

—Arrête,murmura-t-elled'unevoixtremblanteensedégageant.Alec,arrête.Jevaisbien.—Onnediraitpas.

Illevalatêteetjuraentresesdents.—Ilfautdéguerpird'ici.OùestAline?Isabelle regardaautourd'elle ;aucundémonenvue.Assisesur lesmarchesduperronde lamaison

d'en face, une femme poussait des cris d'orfraie. Le cadavre du vieil homme gisait toujours au beaumilieudelarue,etlapuanteurdégagéeparlesdémonsétaitomniprésente.

—Undémonaessayédela...dela...Isabelleretintsarespiration.Foid'IsabelleLightwood,ellen'étaitpasdugenreàcéderà l'hystérie,

quellequesoitlasituation.—Onaréussiàletuer,puiselles'estenfuie.J'aitentédelasuivre,maisellecouraittropvite.

Levantlesyeuxverssonfrère,elleajouta:—Desdémonsdanslaville.Commentest-cepossible?— Jene sais pas, répondit-il en secouant la tête.Lesboucliers ne fonctionnent plus, ondirait. J'ai

croisé quatre ou cinq démonsOnis en sortant de lamaison. L'un d'eux rôdait près des buissons. Lesautressesontenfuis,maisilspourraientrevenir.Viens.Retournonsàl'intérieur.La femme assise sur le perron sanglotait toujours. Ses pleurs les accompagnèrent tandis qu'ils se

hâtaientverslamaisondesPenhallow.Silarueavaitétédésertéeparlesdémons,desexplosions,descrisetdesbruitsdepasleurparvenaientdesruesvoisines.Aumomentoùilsgravissaientlesmarches,Isabellejetauncoupd'œilderrièreelle;ellevitunlongtentaculesurgirdel'obscuritéetsouleverdusolla femmeéplorée.Ses sanglots semuèrent enhurlements. Isabelle allait fairedemi-tour,maisAlec lasaisit par le bras et la poussa à l'intérieur avant de verrouiller la porte derrière lui. Lamaison étaitplongéedanslenoir.— J'aiéteint les lumièrespouréviterqued'autresn'arrivent,expliqua-t-ilenguidant sasœurvers lesalon.Maxétaitassisparterreprèsdel'escalier,lesbrasnouésautourdesgenoux.Deboutdevantlafenêtre

Sébastienclouaitdesplanchesqu'ilavaitprisesprèsdel’âtrepourcondamnerlafenêtrecassée.—Voilà,dit-ilenposantsonmarteausuruneétagère.Çadevraittenirquelquetemps.IsabelleselaissachoiràcôtédeMaxetluicaressalescheveux.—Çava?— Non, répondit-il enouvrantdegrandsyeuxapeurés. J'ai essayéde regarderpar la fenêtre,mais

Sébastienm'aforcéàmecoucherparterre.—Ilaeuraison,intervintAlec.Ilyavaitdesdémonsdanslarue.—Ilssontencorelà?—Non,ilssesontdispersésdanslesrues.Ilvafalloirqu'onréfléchisseàunpland'action.Sébastienfronçalessourcils.

—OùestAline?—Elles'estenfuie,annonçaIsabelle.C'estmafaute.J'auraisdû...Alecl'interrompitd'untonsec.

—Tun'yespourrien.Sanstoi,elleseraitmorte.Bon,onn'apasletempsdeselamenter.Jevaispartirà la recherched'Aline. Jeveuxquevous restiez ici tous les trois. Isabelle,veille surMax.Sébastien,finisdesécuriserlamaison.

—Ilesthorsdequestionquetuyaillesseul!protestaIsabelleavecindignation.Emmène-moiavectoi

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!—C'estmoil'adulteici.Faitescequejevousdis,ordonnaAlecd'untoncalme.Nosparentsvontsans

doute revenir de laGarde d'uneminute à l'autre.Mieux vaut que vous restiez à l'abri.On serait viteséparésdehors.Jeneprendspaslerisque.(IlsetournaversSébastien.)Compris?Celui-ciavaitdéjàsortisastèle.—Jevaismarquerlamaisonpourlaprotéger.—Merci.Alecsedirigeaverslaporte,jetaundernierregardàIsabelle,puissortit.

—Isabelle,chuchotaMaxdesapetitevoix.Tusaignes.Ellebaissalesyeux.Ellenesesouvenaitpasdes'êtreblesséeaupoignet,pourtantMaxdisaitvrai:du

sangtachaitlamanchedesavesteblanche.Elleseleva.—Jevaischerchermastèle.Jerevienstoutdesuitet'aideraveclesrunes,Sébastien.—Cen'estpasderefus,lança-t-ilenhochantlatête.Lesrunesnesontpasmaspécialité.Réprimantl'enviedeluidemandercequepouvaitbienêtresaspécialité,Isabellemontaàl'étage.Elle

sesentaitfourbueetavaitbienbesoind'uneruned'énergie.Ellepouvaittoujourssemarquerelle-même,bienqu'AlecetJaceaienttoujoursétéplusdouésqu'elleaveccegenrederunes.Unefoisdanssachambre,ellecherchasastèleetquelquesarmessupplémentaires.Toutenglissant

despoignardsséraphiquesdanssesbottes,ellepensaàAlecetauregardqu'illuiavaitlancéavantdefranchir laporte.Cen'étaitpas lapremièrefoisqu'ellevoyaitsonfrèrepartirensachantqu'ellene lereverraitpeut-êtreplus.C'étaitunfaitqu'elleacceptaitdepuistoujours,unepartdesavie.Ilavaitfalluqu'elle rencontre Simon etClary pour comprendre que, chez la plupart des gens, il n'en allait pas demême.Ilsnevivaientpasaveclamortpourcompagnepermanente,aveccesouffleglacéaucreuxdelanuquemêmeparlesjournéeslesplusordinaires.ElleavaittoujourséprouvébeaucoupdeméprisenverslesTerrestres,commetouslesChasseursd'Ombres:ellelestrouvaitmous,stupides,grégairesdansleurcomplaisancevis-à-visd'eux-mêmes.Aprésent,ellesedemandaitsitoutecettehainenedérivaitpasdufait qu'elle était jalouse.Commecedevait être agréable, dèsqu'unprochepassait laporte, denepastremblerpourlui!Àmi-chemindansl'escalier,sastèleàlamain,ellesentitquequelquechoseclochait.Lesalonétait

désert.Max etSébastien avaient disparu. Il y avait uneMarquedeprotection inachevée sur l'unedesplanchesqueSébastienavaitclouées.Lemarteaudontils'étaitservin'étaitpluslà.Sonventresenoua.—Max!cria-t-elleenpivotantsurelle-même.Sébastien!Oùêtes-vous?LavoixdeSébastienluiparvintdelacuisine.—Isabelle...parici.Isabellefuttellementsoulagéequ'elleeneutlevertige.—Sébastien,cen'estpasdrôle,dit-elleenentrantdanslacuisine.Jecroyaisquevous...Elle laissa la porte se refermer derrière elle. Il faisait sombre dans la pièce. Elle cherchaMax et

Sébastiendansl'obscuritémaisnedistinguaquedesombres.—Sébastien?répéta-t-elled'unevoixhésitante.Sébastien,qu'est-cequetufabriquesdanslenoir?Où

estMax?—Isabelle.Ellecrutdécelerdumouvementdevantelle,unesilhouetteplusclairesedétachantsurlapénombre.La

voixdeSébastien se fit suave, chaleureuse,presquecaressante.Ellene s'était pas aperçue jusqu'alorsqu'ilavaituneaussijolievoix.

—Isabelle,jeregrette.

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—Sébastien,tuesbizarre.Arrêteçatoutdesuite.—Jeregrette.Vois-tu,detous,c'esttoiquejepréférais.—Sébastien?—Detous,répéta-t-ildumêmetontranquille,c'esttoiquimeressemblaisleplus,apriori.Etàcesmots,ilabattitsonmarteausurelle.Alecparcourutlesruellesobscuresdelavilledévoréeparlesflammessanscesserd'appelerAline.

EnquittantlequartierdePrincewaterpourgagnerlecœurdelacité,ilsentitsonpoulss'accélérer.LesruesévoquaientuntableaudeBoschgrandeurnature:descréaturesgrotesquesetmacabresgrouillaientdanstouslescoins,etdesscènesd'uneviolenceabjectesejouaientsoussesyeux.Desétrangersaffolésle bousculaient sans lui accorder un regard et s'éloignaient en hurlant sans la moindre idée de leurdestination.Lapuanteurdesdémonsetdelafuméeimprégnaitl'atmosphère.Certainesmaisonsétaientenflammes;d'autresn'avaientplusdevitres.Lespavésétaientjonchésd'éclatsdeverre.Ens'approchantd'unbâtiment,ildistinguasurunmurcequ'ilpritd'abordpourunetachedepeinturedécolorée;c'étaitenréalitéuneénormetraînéedesangfraisquiavaitéclabousséleplâtre.Ilfitvolte-face,jetauncoupd'œildans chaque direction, mais ne vit rien qui puisse expliquer l'origine de ce sang, et s'enfuit à toutesjambesAlec était le seul des enfantsLightwood à se souvenir d'Alicante. Il n'était qu'un bambin lorsqu'ils

avaientquittélaville,etpourtantilavaitgardédesimagesdestoursétincelantes,desruesenvahiesparlaneigeenhiver,desguirlandeséclairéessuspenduesauxmaisonsetauxéchoppes,del'eaujaillissantde la fontainede la sirènedans laGrandeSalle. Il avait toujourséprouvéunpincementaucœurenyrepensant,etcaressél'espoirquesafamillerentreraitunjouraubercail.Or,voirlavilledanscetétatétaitundéchirement.EntournantdansunboulevardquimenaitàlaSalledesAccords,ilvitunemeutedeBélialss'engagerdansunpassagevoûtéenpoussantdessifflementsatroces. Ils traînaientderrièreeuxuneformeindistinctequisetordaitdedouleursurlespavés.Ils'élançaàleurpoursuitemaisilsavaientdéjà disparu. Avachi au pied d'une colonne, un corps gisait, immobile, dans une mare de sang. Desfragments de verre brisé craquèrent sous les bottes d'Alec tandis qu'il s'agenouillait pour retourner lecadavre.Après avoir jeté un bref regard à son visage bouffi, violacé, il se détourna avec un frisson,soulagéquecenesoitpasquelqu'undesaconnaissance.Unbruitluifittournerlatête.Ilsentitlapuanteurdelacréatureavantmêmedelavoir;uneénorme

silhouettevoûtées'avançavers luide l'autrecôtéde larue.UnDémonSupérieur?Alecn'attenditpasd'enavoirlecœurnet.Iltraversalarueencourant,sedirigeaversl'unedesplushautesmaisonsetsautasur le rebordd'une fenêtrecassée.Enquelquesminutes, ilparvintàgagner le toit.Aprèsavoirôté legravierdesesmainségratignées,ilscrutalavillequis'étendaitàsespieds.Lestoursenruinerépandaientunelueurternesurlesruesgrouillantes,oùdescréaturesbondissaient,

rampaient, rôdaient dans l'ombre des immeubles comme des cafards tapis dans les ténèbres d'unappartement,Lanuitrésonnaitdecris:hurlementsdefrayeur,appelsportésparlevent,rugissementsdetriomphedesdémons.Delafumées'élevaitdesmaisonsenpierreclaireetcouronnaitlesflèchesdelaSalledesAccords,LevantlesyeuxverslaGarde,AlecvitunefouledeChasseursd'Ombresdescendrelacollineens'éclairantdeleurpierrederune.L'Enclavevenaitsejoindreàlabataille.Ils'avançaauborddutoit.Àcetendroit,leshabitationsétaienttrèsprocheslesunesdesautres,leurs

avant-toits se touchaient presque ; il était donc facile de sauter d'unemaison à l'autre. Il progressa àtravers les toits en franchissant d'un bond la courte distance qui les séparait. Le vent glacé qui luifouettaitlevisageluiprocuraitunesensationdebien-êtreetchassaitlapuanteurdesdémons.

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Il courait depuis quelquesminutes quand il fit deux constats : le premier - il se dirigeait vers lesflèchesblanchesdelaSalledesAccords.Lesecond-quelquechosebrillaitentredeuxruelles.Onauraitdit une pluie d'étincelles bleues. Alec avait déjà assisté à ce phénomène auparavant. Il contempla lascènependantquelquesinstants,puisrepritsacourse.Letoitleplusprèsdelaplaceétaitenpenteraide.Ilselaissaglisserjusqu'aubordentrébuchantsur

lésbardeauxcassés.Enéquilibreprécaire,àdeuxpasduvide, il jetauncoupd'œilencontrebas.Laplacede laCiterne se trouvait juste endessous,mais sonchampdevisionétait enpartiemasquéparl’énormepoteauenferquisedressaitfaceaubâtimentenhautduquelils'étaitréfugié.Uneenseignedeboissuspendueaupoteausebalançaitdanslabrise.Au-dessous,laplacegrouillaitdedémonsIblis,cesêtres dotés d'une forme humaine mais dont le corps était constitué d'une substance semblable à unpanache de fumée noire d'où émergeaient deux yeux jaunes et perçants. Ils avaient formé un rang ets'avançaientlentementversunesilhouettevêtued'unlongmanteaugrisqu'ilsacculaientpeuàpeucontreunmur.Alecobserval'hommesansbouger,etlereconnutàundosétroit,àsescheveuxnoirsenbataille,auxflammesbleuesquijaillissaientdesesdoigtscommedesluciolessurexcitées.Magnus.LesorcierdéchaînaitsespouvoirscontrelesIblis.Unrayonbleutouchaenpleinepoitrineun

démonquifondaitsurlui.Aveclebruitd'unseaud'eauqu'onjettesurunfeupourl'étouffer,ilchancelaetdisparut dans une explosion de cendres. D'autres vinrent prendre sa place - les Iblis n'étant pas descréatures très intelligentes - et Magnus déchaîna un autre déluge de flammes bleues. Plusieurs Iblistombèrent,maisunautredémon,plusmalinquesessemblables,eutl'idéedel'attaquerdebiais.Ilfonditsurlui,prêtàfrapper...Alecnepritpasletempsderéfléchir; ilsautadanslevideenserattrapantauborddutoit,puisse

laissa descendre le long du poteau enmétal pour ralentir sa chute, et atterrit en douceur. Surpris, ledémon fil volte-face et tourna vers lui ses yeux jaunes étincelant comme des gemmes. L'espace d'uninstant,Alecsongeaque,s'ilavaitétéJace,ilauraiteuunbonmotavantdetirersonpoignardséraphiquede sa ceinture pour le planter dans lemonstre. Celui-ci poussa un cri étouffé et fut renvoyé dans sadimensionenrépandantsurAlecunepluiedecendres.

—Alec?fitMagnusenouvrantdegrandsyeux.Ils'étaitdébarrassédesderniersIblis,etlaplaceétaitmaintenantdéserteàl'exceptiond'euxdeux.—Tu...mviensdemesauverlavie?Alecsavaitqu'ilauraitdûrépondre:«Evidemment,jesuisunChasseurd'Ombres,c'estmondevoir.»

C'estcequeJaceauraitditàsaplace.Ilavaittoujourslabonnerepartie.Or,malgrélui,Aleclançad'unevoixvibrantedecolère:

—Pourquoitunem'aspasrappelé?J'aiessayédetejoindreplusieursfois.Magnusledévisageacommes'ilavaitperdul'esprit.,— Lavilleestassiégée.Lesboucliersnefonctionnentplus,lesruesgrouillentdedémons,ettuveux

savoirpourquoijenet'aipasrappelé?—Exactement!rétorquaAlecavecunemouerenfrognée.Exaspéré,Magnuslevalesbrasauciel,etquelquesétincellesjaillirentdesesdoigts.—Tuesunidiot.—C'estpourçaquetunem'aspasrappelé?Parcequetumetrouvesstupide?—Maisnon,fitMagnusens'avançantverslui.Sijenel'aipasfait,c'estquej'enaiassezquetuneme

fassessignequelorsquetuasbesoind'unservice.C'estfatigantdetevoirfairelesyeuxdouxàquelqu’und'autrequi,enl'occurrence,net'aimerajamais,lui.

—Parcequetoi,tum'aimes?— Imbécile de Nephilim, répliquaMagnus d'un ton patient. A ton avis, qu'est-ce que je fais là ?

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Pourquoi j'ai passé mon temps, ces dernières semaines, à soigner tes crétins d'amis dès qu'ils seblessaient? Pourquoi je t'ai tiré de toutes les situations ridicules dans lesquelles tu t'es fourré ? SanscompterquejevousaiaidésàremporterunebataillecontreValentin.Ettoutçagratis!

—Jen'avaispasvuleschosessouscetangle,admitAlec.—Évidemment.Tunevoisrien!LesyeuxdeMagnusétincelaientderage.—J'aiseptcentsans,Alexander.Jesaisquandçanemarchepas.Tesparentsnesaventmêmepasque

j’existe.Alecluijetaunregardincrédule.—Jecroyaisquetuavaistroiscentsans!—Bon,huitcents.Maisjenelesfaispas.Bref,ons'éloignedusujet,là.Cequejevoulaisdire...Alecne sut jamais la suite : àcet instantprécis,unedouzained'Iblisdéferlèrent sur laplace. Il les

regardas'avancer,bouchebée.—Etzut!Magnussuivitsonregard.Lesdémonslesencerclaientdéjàenlesfixantdeleursprunellesjaunes.—Tucherchesàchangerdesujet,Lightwood.—Tusaisquoi?criaAlecendégainantundeuxièmepoignardséraphique.Sions'ensort,jetepromets

deteprésenteràtoutemafamille.Magnuslevalesbras,etdepetitesflammescouleurazurjaillirentdesesdoigts,éclairantd'unelueur

bleutéesonvisagesouriant.—Marchéconclu,dit-il.

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11.TousLesHôtesDeL'enfer

—Valentin,soufflaJace.Livide,ilobservalavilleencontrebas.Atraversl’écrandefumée,Clarycrutdistinguerledédaledes

ruesétroitesrempliesdefuyardsqui,vusd'ici,ressemblaientàdesfourmisaffolées.Maisenscrutantdenouveaul'obscurité,ellenevitriend'autrequed'épaisnuagesnoirsquidégageaientuneodeurdebrûlé.

—Tucroisquec'estValentinleresponsable?demanda-t-elle.C'estpeut-êtreunsimpleincendie…—LaPorteduNordestouverte.Jacemontradudoigtunpointàl'horizon.Comptetenudeladistanceetdelafumée,Clarynevoyait

pasgrand-chose.—Elleesttoujoursfermée,entempsnormal,reprit-il.Etlestoursnebrillentplus,Lesboucliersontdû

êtredésactivés.Iltiraunpoignardséraphiquedesaceinture.—Ilfautquej'aillelà-bas.Lagorgeserrée,Clarymurmura:—Simon…— IlsontdûlefaireévacuerdelaGarde.Net'inquiètepas,Clary.Ilestprobablementmieuxlàoùil

est. Les démons le laisseront sans doute tranquille. Ils ne s'en prennent pas aux Créatures Obscuresd'habitude.

—Jesuisdésolée,chuchota-t-elle.LesLightwood…Alec...Isabelle...— Jahoel,criaJace,et lepoignardséraphiques'illuminadanssamainbandée.Clary, jeveuxquetu

restesici.Jereviendraitechercher.Lacolèrequibrillaitdanssesyeuxdepuisqu'ilsavaientquittélemanoirs'étaitdissipée.Lecombattant

avaitreprisledessus.Clarysecoualatête.—Non.Jeviensavectoi.—Clary...Jaces'interrompit.Uninstantplustard,Claryentenditunepulsationsourdedominéeparunbruitpareil

aucrépitementd'unénormefeudejoie.Illuifallutunbonmomentpourendevinerl'origine,dissocialesdeuxsonscommeunmusiciendécomposeennotesunmorceaudemusique.

—Cesontdes...—...loups-garous,ditJaceenregardantderrièreelle.Suivant son regard, elle lesvitdéferler sur lacollinevoisinecommeuneombrequi s'étalait.Leurs

yeuxétincelantsbrillaientdansl'obscurité.Ilsétaientdescentaines,voiredesmilliers.Leurshurlements,qu'elleavaitd'abordprispourlecrépitementd'unfeu,résonnaientdanslanuitnoire.Sonventresenoua.Elleconnaissaitlesloups-garous.Elleavaitcombattuàleurscôtés.Maisceuxqui

seprécipitaientverseuxn'étaientpaslesloupsdeLuke;personneneleuravaitdemandédeprendresoind'elle,denepasl'attaquer.EllerepensaàlaférocitédelameutedeLukequandelleétaitlâchéesurunennemi,etsoudainelleeutpeur.À côté d'elle, Jace poussa un juron. Pas le temps de dégainer une autre arme. Il l'attira contre lui,

l'enlaçant de son bras libre, et brandit Jahoel dans son autre main. La lumière du poignard étaitaveuglante.Claryserralesdents...Les loups fondirent sur eux telle une vague tandis qu’une clameur assourdissante s'élevait. Les

premièresbêtesdelameutebondirent,touscrocsdehors,etJaceagrippalatailledeClary...Au derniermoment, les loups s'écartèrent en libérant un espace d'un bonmètre autour d'eux.Clary

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suivait des yeux, incrédule, deux bêtes, l'une au poil lustré etmoucheté de noir, l'autre, énorme, à lafourrure gris acier. Elles atterrirent sans bruit derrière-eux et reprirent leur course sans même leuraccorder un regard. Ils étaient cernés par les loups, et cependant aucun d'eux ne les approcha. Ilsdéfilaienttelleunearméed'ombrestandisquelalunejetaitdesrefletsd'argentsurleurpelage,déferlantcommeune vague sur Jace etClary, puis s'écartant au derniermoment.Les deuxChasseurs d'Ombresauraient toutaussibienpuêtredesstatuesvu lepeud'attentionque leurprêtaient les lycanthropesquipassaient,lagueulebéante,lesyeuxfixéssurlaroutedevanteux.Bientôt,ilsdisparurentàl'horizon.Jacesetournapourregarderfilerlesretardatairesquitentaientde

rattraperleurscompagnons.Lesilencerevint,seulementtroubléparlaclameurétoufféeprovenantdelaville.JacelâchaClaryetsonbrasquitenaitJahoelretomba.

—Riendecassé?—Qu'est-cequisepasse?murmura-t-elle.Ilsnesesontmêmepasarrêtés.—IlsvontàAlicante.Jacedégainaunautrepoignardséraphique,qu'illuitendit.—Tiens,tuenaurasbesoin.—Alorstunemelaissespasici?—Àquoibon?Onn'estensécuriténullepart.Mais...(Ilhésita.)Tuserasprudente?—Promis,réponditClary.Qu'est-cequ'onfaitmaintenant?Jacecontemplalacitéenflammesau-dessousd'eux.—Oncourt.

Ce n'était pas facile de suivre le rythme de Jace, et maintenant qu'il courait à toute allure, c'étaitpresqueimpossible.Clarysentaitqu'ilseforçaitàralentirpourl'attendre,etquecelaluicoûtait.La route s'aplanissait au pied de la colline et serpentait parmi un bouquet d'arbres aux branches

touffues,créant l'illusiond'untunnel.QuandClarydébouchade l'autrecôté,elleaperçutdevantelle laPorteduNord.Au-delà,elledistinguadesflammesainsiqu'uneépaissenappedefumée.Jacel'attendait,posté sous l'arche. Il tenait Jahoel dans une main et un second poignard séraphique dans l'autre, etpourtantleursdeuxhaloscombinésseperdaientdanslaclartééblouissantedelacitéenflammes.

—Lesgardes!s'écria-t-elle,pantelante,enlerejoignant.Oùsont-ilspassés?—L'und'euxestlà-bas,derrièrecebosquet.

Jaceindiquadumentonladirectionparlaquelleilsétaientarrivés.—Ilsl'ontmisenpièces.Non,neregardepas.(Ilbaissalesyeux.)Tutiensmaltonpoignard.Comme

ça ajouta-t-il en joignant le geste à la parole. Et tu vas devoir invoquer un ange. Cassiel me paraîtindiqué.

—Cassiel,répétaClary,etlepoignards'illumina.Jaceladévisageacalmement.

— J'aurais aimé avoir le temps de te préparer à tout tu ça.Bon, en théorie, quand on a aussi peud'entraînementquetoi,onnedevraitpaspouvoirseservird'unpoignardséraphique.Jem'ensuisétonnéparlepassé,maismaintenantqu'onsaitcequ'afaitValentin...Claryn'avaitaucuneenvied'évoquercesujet.—Oualorstuaspeurqu'avecunbonentraînementjedeviennemeilleurequetoi.Jaceesquissaunpâlesourire.—Quoiqu'iladvienne,Clary,resteavecmoi.Compris?Ilplantasonregarddanslesiencommepourexigerunepromessesilencieuse.

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Sansqu'ellepuisses'expliquerpourquoi,lebaiserqu'ilsavaientéchangédansl'herbe,surlapropriétédesWayland,luirevintenmémoire.Illuisemblaquecemomentétaitàdesmillionsd'années,commesic'étaitarrivéàquelqu'und'autre.—Jeresteavectoi.—Bien,dit-ilensedétournant.Allons-y.Ils franchirent la porte côte à côte. Comme ils pénétraient dans la ville, elle prit conscience de la

clameurdelabataillecommesiellel'entendaitpourlapremièrefois:unmurdesonsoùsemêlaientcrishumainsetrugissementsdebêtes,fracasdeverrebriséetcrépitementsdeflammes.Ellesentitsonsangbattredanssesoreilles.La cour au-delà de la porte était déserte. Des silhouettes recroquevillées gisaient çà et là sur les

pavés ;Clary se forçaàdétourner le regard. Jace l'entraînaversune ruevoisine ; apparemment, ilnetenait pas à rester à découvert.A cet endroit, les vitrines des échoppes avaient été saccagées et leurcontenu éparpillé dans la rue. Une forte odeur de détritus flottait dans l'air. Clary la reconnut sur-le-champ.Ellesignalaitlaprésencededémons.

—Parici,soufflaJace.Ils s'engagèrent dans une autre ruelle étroite. Un feu brûlait à l'étage d'une desmaisons bordant la

chaussée mais, visiblement, l'incendie n'avait pas gagné les autres bâtiments. Bizarrement, Clary seremémoradesphotosduBlitzàLondresquimontraientladestructionfrappantauhasard.Levantlesyeux,elles'aperçutquelaforteressedominantlavilleétaitcernéeparunnuagedefumée

noire.—LaGarde!—Jetel'aidit,ilsontévacué...Jaces'interrompitaumomentoùilspénétraientdansuneruepluslarge.Là,plusieurscorpsgisaientsur

la route. Certains étaient des enfants. Jace s'élança et, après une hésitation, Clary le suivit. En serapprochant, elle constata qu'ils étaient trois.Aucund'eux, songea-t-elle avec un soulagementmêlé deculpabilité, S'était assez âgé pour êtreMax.Non loin se trouvait le corps d'un vieil homme, les brasécartéscommes'ilavaittentédefairebarragedesonproprecorpspourprotégerlesenfants.Soudain,Jacesefigea.—Clary...Retourne-toi.Lentement.Claryobéit.Derrièreelle,ilyavaitunepâtisseriedontlavitrineétaitcassée.Lesrestesdesgâteauxen

expositionétaientéparpillésparmileséclatsdeverreetlesang;leurglaçageformaitdelonguestraînéesrosessur lespavés.Uneénormecréature informeetvisqueuses'extirpade lavitrine.Deuxrangéesdedentsémergeaientde soncorpsallongé,mouchetédedébrisdeverre, commes'il s'était roulédansdusucre.Ledémonatterritsurlespavésetrampadansleurdirection.Àlavuedececorpssuintantetflasque,

Clarysesentitprisedenausée.Ellereculaetmanquas’affalersurJace.—C'estunBéhémoth,expliqua-t-ilsansquitterdesyeuxlacréature.Ilsmangenttoutetn'importequoi.—Mêmeles…?—Oui,mêmeleshumains.Resteàl'arrière.Sanssefaireprier,ClaryseréfugiaderrièreJaceengardantleregardfixésurleBéhémoth.Quelque

chosechezcemonstreladégoûtaitencoreplusquetouslesdémonsqu'elleavaitcroisésjusque-là.Ilsemouvaitcommeunelimaceaveugle,etsuintait...Parchance,iln'avançaitpastrèsvite.Jaeen'auraitpasbeaucoupdemalàl'éliminer.Commes'illisaitdanssespensées,ilsejetasurledémonenfendantl'airdesonpoignardséraphique.

Lalames'enfonçadansledosdelabêteaveclemêmebruitquelorsqu'onécraseunfruittropmûrd'un

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coupde talon.Un spasme le parcourut, puis il disparut et se reformabrusquement, à quelques pas del'endroitoùilsetrouvaituninstantplustôt.Jacerecula.—C'estbiencequejecraignais,marmonna-t-il.C'estundémonsemi-corporel.Ceseradifficiledele

tuer.— Alorslaissetomber,gémitClaryenletirantparlamanche.Aumoins,ilsedéplacelentement.Ça

nouslaisseletempsdefuir.

Jace la suivit à contrecœur. Ils s'apprêtaient à revenir sur leurspas, quand ledémon sematérialisajuste devant eux, pour leur barrer le passage. Il avait grossi, semblait-il. Il émit un bruit étouffé,semblableauxstridulationsfurieusesd'uninsecte.

—J'ail'impressionqu'iln'apasenviequ'ons'enaille.—Jace...Maisilseruaitdéjàsurlacréatureenfaisanttournoyersonpoignardpourladécapiter.Elledisparut

denouveaupourréapparaîtreuninstantplustard,cettefoisderrièrelui,etsedressadetoutesahauteur,révélantunventrecouvertdestriescommeceluid'uncafard.Jacefitvolte-faceetplantasonpoignarddanssonabdomen.Unliquideverdâtre,épaiscommedumucus,éclaboussalalame.Jace recula avec une grimace de dégoût. Le Béhémoth avait repris ses stridulations ; du liquide

s'écoulaitencoredesablessure,maisilContinuaitàprogresserd'unairdécidé.—Jace!criaClary.Tonpoignard...Jacebaissalesyeux.LemucusproduitparledémonavaitrecouvertlalamedeJahoel,ternissantson

éclat.SousleregardébahideJace,lepoignards'éteignitcommeunfeuenterrésouslesable.Illelaissatomberavecunjuronavantquelasubstancevisqueusen'aitpul'atteindre.LeBéhémothrepartitàl'assaut.Jacesebaissaet,s'interposantentreluietledémon,Clarylançason

poignardquiallaseficherjusteendessousdesdentsdelacréatureavecunbruitrépugnant.Ellerecula,horrifiée,aumomentoùledémonétaitsecouéd'unautrespasme.Apparemment, ildevaitdépenserunecertainequantitéd'énergiepoursereformerchaquefoisqu'ilétaitblessé.S'ilsparvenaientàl'atteindreplusieursfoisdesuite...Ducoindel'œil,Claryvitunéclairdefourrurebrunetgriss'avanceràtoutealluredansleurdirection.

Ilsn'étaientplusseulsdanslarue.Jaceseretourna,lesyeuxécarquillés.—Clary!Derrièretoi!Claryfitvolte-face,Cassielàlamain,aumomentoùleloupsejetaitsurelle,lesbabinesretroussées

sursescrocs. Jacecriaquelquechosequ'ellen'entenditpas,maiselle lutde lapeurdanssesyeux,ets'écartabrusquementpourlaisserlepassageauloup.Ilpassaprèsd'elle,toutesgriffesdehors,lecorpsarc-bouté,etplaqualeBéhémothausolavantdeledéchiqueterdesescrocs.Le démonpoussa un hurlement ou quelque chose d'approchant : une espèce de gémissement suraigu

évoquantlebruitd'unballonquisedégonfle.L'écrasantdetoutsonpoids,leloupavaitenfouilemuseaudanssamassevisqueuse.Ilfrémit,sedébattitdansunderniereffortpoursereformer,maisleloupneluienlaissapasletemps.Sescrocss'enfoncèrentunpeuplusprofondément,etilarrachadegrosmorceauxdechairtremblotantecommedelagelée,sanssesoucierduliquideverdâtrequijaillissaitdelacréature.UndernierspasmeagitaleBéhémoth,sesdentsacéréesclaquèrentcommeilsedébattait,puisildisparut,nelaissantderrièreluiqu'uneflaquegluante.Le loup émit un grognement de satisfaction et se tourna vers Jace et Clary, les yeux brillants. Jace

dégainaunautrepoignarddesaceintureetlebranditd'unairmenaçant.Leloupgronda,lespoilshérissés

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lelongdesonéchine.ClaryretintJaceparlebras.—Non...arrête.—C'estunloup-garou,Clary...—Ilatuécedémonpournoussauver!Ilestdenotrecôté.AvantqueJacepuisselarattraper,elles'avançalentementversleloup,lesmainstendues,etluiparla

d'unevoixdouce:—Pardon.Onestdésolés.Onsaitquetunenousveuxaucunmal.Elles'arrêtacommelabêtelaconsidéraitd'unairimpassible.—Qui...quies-tu?reprit-elle.JetantunregardàJacepar-dessussonépaule,ellefronçalessourcils.—Poseça,tuveux?Jaceparut sur lepointde luiexpliqueren termesnonéquivoquesqu'ilne fallait jamaisdéposer les

armesfaceaudangermais,avantqu'ilaitpuprononcerunmot,lelouppoussaungrognementetsedressadetoutesahauteur.Sespattesetsondoss'allongèrent,samâchoireserétracta;quelquessecondesplustard,unejeunefillesetenaitdevanteux.Elleportaitunetuniqueblanchecrasseuse,sescheveuxcrépusétaienttressésàl'africaineetunecicatriceluibarraitlagorge.

— Commentça,qui jesuis?maugréa-t-elleavecunegrimace.Jen'arrivepasàcroirequevousnem'ayezpasreconnue.Lesloupsn'ontpastouslamêmeApparence,voussavez.Ah,leshumains!Clarypoussaunsoupirdesoulagement.—Maia!—Ehoui.Commed'habitude,jeviensvoussauverlamise,répliqua-t-elleensouriant.Elleétaitcouvertedesangetd'ichor;silestraînéesrougeetnoirétaientmoinsvisiblessursafourrure

deloup,ellesjuraientsursapeausombre.Elleportalamainàsonventre.—Pouah,dégoûtant!Direquej'aimâchécetruc!J'espèrequejenesuispasallergique.—Qu'est-cequetufabriquesici?demandaClary.Onestcontentsdetevoir,hein,mais...—Vousn'êtespasaucourant?s'écriaMaiaendévisageanttouràtourJaceetClaryavecstupéfaction.

C'estLukequinousafaitvenir.—Luke?Lukeestici?Maiahochalatête.—IlnousademandédelerejoindreàIdris.Onaprisl'avionjusqu'àlafrontièreetparcourulerestedu

cheminàpied.Lesautresmeutessesonttéléportéesdanslaforêt,oùons'étaittousdonnérendez-vous.LukenousaexpliquéquelesNephilimavaientbesoindenotreaide...Vousnesaviezpas?

—Non,réponditJace,etjedoutequel'Enclaveenaitétéinformée.Ilsn'aimentpastropréclamerl'aidedesCréaturesObscures.Maiaseraidit,lesyeuxétincelantdecolère.—Sansnous,vousaurieztousétémassacrés.Iln'yavaitpersonnepourprotégerlavilleànotrearrivée.—Tais-toi,intervintClaryenjetantunregardnoiràJace.Jeteremerciedufondducœurdenousavoir

sauvés,Maia, et Jace aussi,même s'il préférerait se creverunœil quede l'admettre.Pas lapeinedemettra de l'huile sur le feu, s'empressa-t-elle d'ajouter en voyant l'expression deMaia, on n'a pas detempsàperdre.Ilfautqu'onailletoutdesuitechezlesLightwood,ensuitej'essaieraideretrouverLuke...

— LesLightwood?Jecroisqu'ilssesontréfugiésdanslaSalledesAccords.C'estlàqu'onemmènetoutlemonde.J'aivuAlec,entoutcas,etpuislesorcier,celuiaveclescheveuxcoiffésenépis.Magnus.

—SiAlecestlà-bas,alorslesautresaussi.Envoyantl’airsoulagédeJace,Clarydutseretenirdeleprendredanssesbras.—Cen'estpasbêtederassemblertoutlemondelà-bas,reprit-il.C'estunendroitsûr.

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Ilglissasonpoignardséraphiquedanssaceinturés—Allons-nous-end'ici.

Clary reconnut l'intérieurde laSallédesAccordsdés l'instantoùelleentra.C'était l'endroitqu'elleAvaitvudanssonrêve,lorsqu'elleavaitdanséavecSimonpuisavecJace.«C'estlàquej'essayaisd'allerquandj'aifranchilePortail»,songea-t-elleenbalayantduregardles

murs blancs et le plafond haut avec son énorme verrière à travers laquelle elle distinguait le cielnocturne.Lasalle,quoique trèsvaste, luisemblaitpluspetiteetmoins luxueusequedanssonrêve.Lafontaineornéed’unesirènetrônaitensoncentre;siellefonctionnaitencore,elleparaissaitternie,etlesmarchesqui y conduisaient étaient occupéespar des rescapés, blessés pour la plupart.DesChasseursd'Ombres se pressaient dans tous les coins, s'arrêtant de temps à autre pour examiner un visage dansl'espoirderetrouverunparentonunami.Lesolétaitsouillédeboueetdesang.CequifrappaClaryenparticulier,c'étaitlesilencequirégnaitdanslasalle.ChezlesTerrestres,dans

les heures qui suivaient une catastrophe, les gens s'interpellaient, poussaient des hurlements. Or, onn'entendaitpasunbruit.Lessurvivantsétaientassisensilence;certainsavaientlatêtedanslesmains,d'autresregardaientdanslevague.Lesenfantsétaientblottiscontreleursparents,maisaucunnepleurait.Claryremarquaaussi, tandisqu'elletraversait lasalle,JaceetMaiaàsescôtés,ungrouped'individusdébraillésquiformaientuncercleprèsdelafontaine.Ilssetenaientàl'écartdelafoule,etenlesvoyantMaiasourit.—Mameute!S’exclama-t-elleenseprécipitantverseux,nes'arrêtantquepourjeteruncoupd'œilà

Clary.JesuissûrequeLukeestquelquepartdanslesparages,ajouta-t-elleavantderejoindrelegroupe,quiseresserraautourd'elle.L'espace d'un instant, Clary se demanda ce qu'il adviendrait si elle décidait de suivre la jeune

lycanthrope.L'accueilleraient-ils comme l'amie deLuke ou la traiteraient-ils avecméfiance, aumêmetitrequen'importequelChasseurd'Ombres?

—Restelà,ditJacecommes'ilvenaitdeliredanssespensées.Cen'estpasunebonne…Claryn'eutpasletempsderépliquer,carelleentenditquelqu'uncrierlenomdeJace,etAlecs'avança

verseux,pantelant,enjouantdescoudesparmilafoule.Ilavaitlescheveuxendésordreetsesvêtementétaienttachésdesang.Lesoulagementet lacolèresepeignaientsursonvisage.IlagrippaJaceparledevantdesaveste.

—Oùétais-tupassé?—Quoi?fitJace,indigné.Aleclesecouasansménagement.—Tuétaiscenséallerfaireuntour!Qu'est-cequetuasfabriquépendantsixheures?—C'étaitunelonguepromenade.—Jevaistetuer,marmonnaAlecenlâchantlavestedeJace.J'ysongesérieusement.—Ceseraitcontre-productif,non?Jacejetaunregardautourdelui.—Oùsontpasséslesautres?—IsabelleetMaxsontchezlesPenhallowavecSébastien.Mesparentssontpartisleschercher.Aline

esticiavecsesparents,maiselleneparlepasbeaucoup.Elleapasséunmauvaisquartd'heureavecundémonRahabprèsd'uncanal.Isaluiasauvélavie.

—EtSimon?demandaClary,inquiète.Tul'asvu?IlauraitdûrevenirdelaGardeaveclesautres.Alecsecoualatête.

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— Non,iln'estpaslà.Maisjen'aipasvunonplusl'InquisiteuretleConsul.Ildoitêtreaveceux.Ilsontpeut-êtrefaithaltequelquepartou…Ils'interrompit.Unmurmurevenaitdeparcourirlasalle.Claryvitlegroupedelycanthropesleverla

têtecommeunemeutedechiensdechasseflairantungibier.Elleseretourna…EllevitLukes'avancer,épuiséetcouvertdesang.Oubliantsacolère,ellecourutau-devantdelui,trop

heureusedelesavoirenvie.Ilparutsurprisenl'apercevant,puissourit,lasoulevadanssesbrascommequandelleétaitpetitefilleetlaserracontresoncœur.Uneodeurdesangetdefumées'accrochaitàsesvêtements. Elle ferma les yeux pendant quelques secondes et repensa à la manière dont Alec s'étaitagrippé à Jace à son arrivée. C'était pareil dans toutes les familles : quand on s'était inquiété pourquelqu'un,on leprenaitdans sesbrasen le sermonnantunpeu, et la colère retombaitvite.Cequ'elleavaitditàValentinétaitlastrictevérité.Lukeétaitsafamille.Illareposaàterreavecunegrimacededouleur.—Doucement,marmonna-t-il.Undémonm'aeuàl'épauleprèsdupontdeMerryweather.Ils'interrompitpourexaminerlevisagedeClary.—Ettoi,tuvasbien?—Quelspectacletouchant!fitunevoixglacialederrièreeux.Claryseretourna.Unhommedehautestatures'avançaverseuxenfaisantvoler lespansdesacape

bleue.Sonvisageàmoitiédissimulésousuncapuchonévoquaitceluid'unestatue,avecsespommettessaillantes,sonprofild'aigleetsespaupièresépaisses.

— Lucian, reprit-il sans accorder un regard à Clary, J'aurais dû deviner que c'était toi qui avaisorchestrécette...cetteinvasion.

—Invasion?répétaLuke,etsoudain,sameutevintseposterjustederrièrelui.Ilsavaientbougésivitequ'ilssemblaientsurgisdenullepart.—Cen'estpasnousquiavonsenvahilaville,Consul.C'estValentin.Nousessayonsseulementdevous

aider.— L'Enclaven'apasbesoindevous.VousavezenfreintlaLoienpénétrantdanslaCitédeVerre.Tu

devraislesavoir.—Vousêtesenmauvaiseposture,çacrèvelesyeux.Sinousn'étionspasvenus,laplupartd'entrevous

seraientmortsàl'heurequ'ilest.Lukeparcourutlasalledesyeux;plusieursgroupesdeChasseursd'Ombress'étaientrapprochéspour

lesécouter.Certainssoutinrentsonregardtandisqued'autresbaissaientlatête,l'airhonteux.Cependant,constataClaryavecétonnement,aucund'euxnesemitencolère.

—Sijesuisvenuaujourd'hui,c'estpourteprouverquelquechose,Malachi,repritLuke.—Quoidonc?rétorqualeConsulavecfroideurs—Vous avez besoin de notre aide pour vaincraValentin. Je ne parle pas seulement des lycanthropes

maisdetouteslesCréaturesObscures.—Quepouvez-vouscontreValentin?lâchaMalachiavecdédain.Jetecroyaisplusmalin,Lucian.Tu

étais des nôtres, autrefois. Pour affronter tous les dangers et protéger le monde du mal, nous avonstoujoursétéseuls.NouscombattronsValentinavecnospropresarmes.LesCréaturesObscuresferaientmieuxdes'écarterdenotrechemin.NoussommesdesNephilim:nousmenonsseulsnosbatailles.

—Cen'estpastoutàfaitvrai,intervintunevoixsuave.Magnus Bane s'avança, vêtu d'un long manteau scintillant. Il portait une ribambelle d'anneaux aux

oreillesetaffichaitunairnarquois.—Vousavezfaitappelauxsorciersplusd'unefoisparlepassé,etvouslesavezpayésgrassement.Malachifronçalessourcils.

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—Jenemerappellepast'avoirinvitéàséjournerdanslaCitédeVerre,MagnusBane.—Tunel'aspasfait.Lesbouclierssontdésactivés.—Vraiment?répliqualeConsuld'untonlourddesarcasme.Jen'avaispasremarqué.— C'est terrible, ironisaMagnus en feignant l'inquiétude.Quelqu'un aurait dû vous prévenir. (Il se

tournaversLuke.)Dis-lui,toi,quelesbouclierssontdésactivés.Lukesemblaitexaspéré.— Malachi,pourl'amourduciel,noussommesforts.Noussommesnombreux.Commejetel'aidéjà

dit,nouspouvonsvousaider.LavoixduConsulmontad'unton.—Etmoijetedisquenousnevoulonspasdevotreaide!Unpetitgroupes'étaitrassemblépourassisteràlaquerelleopposantLukeauConsul.Unefoiscertaine

quepersonneneprêtaitattentionàelle,ClaryrejoignitdiscrètementMagnusetluiglissaàl'oreille:—Viens,ilfautquejeteparle.Profitons-enpendantqu'ilssechamaillent.Magnusluilançaunregardinterrogateur,puishochalatêteet l'entraînaàl'écartenfendantlafoule,

Apparemment,aucundesChasseursd'Ombresetdesloups-garousrassemblésn'avaitàcœurdebarrerlepassageàcesorcierquilestoisaitduhautdesonmètrequatre-vingt-cinq,avecsesyeuxdechatetsonsourireinquiétant.

—Qu'est-cequ'ilya?demanda-t-il.—J'ailelivre.Clarysortitl'ouvragedelapochedesonmanteaudéchiréenimprimantdestracesdedoigtssalessur

sacouvertureivoire.—JesuisalléedanslemanoirdeValentin.Ilétaitdanslabibliothèque,commetul'asdit.Et...(Ellese

tutenrepensantàl'angeemprisonnédanslacave.)Aucuneimportance.Tiens,prends-le,ajouta-t-elleentendantleLivreBlancàMagnus.Illeluipritdesmainsetenfeuilletaquelquespagesenouvrantdesyeuxémerveillés.—C'estencoremieuxquecequ'onm'avaitraconté,annonça-t-il,ravi.J'aihâtedemepenchersurces

sortilèges.—Magnus!LetonsecdeClaryleramenaàlaréalité.—Mamèred'abord.Tuaspromis.—Etjetiendraimapromesse,déclaralesorcieravecunhochementdetêtesolennel.—Ilyaautrechose,ajouta-t-elleenpensantàSimon.Avantquetut'enailles...—Clary!fitunevoixpantelantederrièreelle.Etonnée,ClarytournalatêteetseretrouvanezànezavecSébastien.Ilétaitsanglédanssatenuede

Chasseurd'Ombresquiluiallaitàmerveille,songea-t-elle,commes'ilétaitnépourlaporter.Alorsquetout lemonde autour de lui était dépenaillé et couvert de sang, il était indemne à l'exception de deuxégratignuressursajouegauche.—Jem'inquiétaispourtoi.JesuispasséchezAmatisencheminversici,maistun'yétaispasetelle

m'aditqu'ellenet'avaitpasvue...—Jevaisbien.Claryjetauncoupd'œilàMagnus,quiserraitleLivreBlanccontresapoitrine.—Ettoi?reprit-elle.Tonvisage…Elle tendit la main pour toucher sa blessure qui saignait encore. Sébastien haussa les épaules et

repoussasonbras.— Unefemelledémonm'aattaquéprèsdelamaisondesPenhallow.Maisjevaissurvivre.Qu'est-ce

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quisepasse?—Oh,rien.JebavardaisavecMa...Ragnor,réponditprécipitammentClary,s'apercevantavechorreur

queSébastienneconnaissaittoujourspaslavéritableidentitédeMagnus.—Maragnor?fit-ilenlevantlessourcils.Bon.Qu'est-cequec'estqueça?Illançauncoupd'œilintriguéauLivreBlanc.ClaryregrettaitqueMagnusn'aitpasprisl'initiativede

lecacher.Illetenaitdesortequeleslettresimpriméessurlacouverturesoientbienvisibles.MagnusconsidéraSébastienpendantquelquesinstantsenlejaugeantdesesyeuxdechat.—C'estunlivredesortilèges.RienquipuisseintéresserunChasseurd'Ombres,donc.—Ilsetrouvequematantecollectionnecesouvrages.Jepeuxyjeteruncoupd'œil?Sébastientenditlamain.AvantqueMagnusaitpurefuser,Claryentenditquelqu'unl'appelerparson

nom,etvitJaceetAlecs'avancerverseuxaupasdecharge.Nil'unnil'autrenesemblaitréjouidevoirSébastien.

—Jecroyaist'avoirdemandéderesteravecMaxetIsabelle!s'écriaAlec.Tulesaslaissésseuls?Sébastien,quiavaitlesyeuxfixéssurMagnus,setournalentementversAlec.— Tes parents sont arrivés comme tu l'avais prévu, répliqua-t-il froidement. Ils m'ont envoyé te

prévenirquetoutlemondeallaitbien.Ilssontenchemin.—Ehbien,fitJaced'untonlourddesarcasme.Mercid'avoirtransmislemessagedèstonarrivée.—Jenevousaipasvustoutdesuite.J'aid'abordrepéréClary.—C'estparce-quetulacherchais.—Jedevaisluiparlerseulàseul.IlsetournaversClary,etl'intensitédesonregardlamitmalàl'aise.Ellenepouvaitmalheureusement

pasluiexpliquerqu'ilnedevaitpasladévisagerainsienprésencedeJaceet,enoutre,ilavaitpeut-êtreuneinformationimportanteàluiconfier.Ellehochalatête.

—D'accord.Justeuneseconde.VoyantJacesefiger,elleajouta:—Jerevienstoutdesuite.MaisJacenelaregardaitpas;ilavaitlesyeuxrivéssurSébastien.Laprenantparlepoignet,ill'entraînaverslafoule.Ellejetauncoupd'œilenarrière.Ilsavaienttous

leregardfixésurelle,ycomprisMagnus.Ellelevitsecouerimperceptiblementlatête.Elles'arrêtanet.—Sébastien!Stop.Qu'ya-t-il?Qu'est-cequetuasàmedire?Sanslâchersonpoignet,ilrépondit:—J'aipenséqu'onpourraitallerfaireuntourdehorshistoiredediscuterenprivé...—Non.Jeveuxresterici.!LavoixdeClarytremblaitunpeu,commesiellehésitait.Sedégageantd'ungestebrusque,ellereprit:—Qu'est-cequit'arrive?—LelivrequeFelltenaitàlamain...LeLivreBlanc...Tusaisoùilsel'estprocuré?—C'estdeçaquetuvoulaismeparler?— C'estunmanuelde sortilègesextrêmementpuissant. Ilyabeaucoupdegensqui lecherchent, et

depuistrèslongtemps.Clarypoussaunsoupirexaspéré.—Trèsbien,Sébastien.Voilà:cesorciern'estpasRagnorFellmaisMagnusBane.—MagnusBane?SébastienpivotasursestalonspourobserverMagnusavantdeposerunregardaccusateursurClary.—Tulesavaisdepuisledébut,pasvrai?TuconnaisBane.— Oui,etjetedemandepardon.Maisilnevoulaitpasquejeterévèlesonidentité.Etilestleseulà

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pouvoirm'aider.C'est pourquoi je lui ai donné leLivreBlanc. Il contient un sortilège susceptible desauvermamère.Les yeux de Sébastien étincelèrent, et Clary eut le même sentiment de malaise qu'après l'avoir

embrassé;commesi,faisantunpasaveclacertitudedefoulerlaterreferme,elleétaittombéedanslevide.

— TuasdonnéleLivreBlancàunsorcier?s'exclama-t-ilen l'agrippantdenouveaupar lepoignet.UnesaleCréatureObscure?Clarysefigea.— Comment peux-tu dire une chose pareille? s'indigna-t-elle en baissant les yeux sur la main de

Sébastienquiluienserraitlepoignet.Magnusestmonami.Sébastiendesserrasonétreinte.—Pardon.Jen'auraispasdû.C'estjuste...TuconnaisbienMagnusBane?—Mieuxquejeteconnais,c'estcertain,rétorqua-t-elled'untonglacial.Tournantlatêteversl'endroitoùelleavaitlaisséMagnus,JaceetAlec,elleconstataavecsurpriseque

Magnusavaitdisparu.Restésseuls,AlecetJacelesobservaientd'unairdésapprobateur.Suivantsonregard,Sébastienserembrunit.—J'aimeraisbiensavoiroùilestpartiavectonlivre.—Cen'estpasmonlivre,aboyaClary.Jeleluiaidonné.Etcenesontpastesaffaires,detoutefaçon.

Ecoute,c'étaittrèsgentildetapartdem'aideràchercherRagnorFellhier,maislà,tumedonnesfroiddansledos.Jeretourneauprèsdemesamis.Elles'apprêtaitàs'éloignerquandilluibarralepassage.—Jeregrette.Jen'auraispasdûdireça.Seulement,Voilà...tunesaispastout,Clary.—Explique-moi.—Allonsdehors,jeteraconteraitoutel'histoire,dit-ild'untonpressant.Clary,jet'enprie.

Ellesecoualatête.—IlfautquejerestepourattendreSimon.

C'étaitenpartielavérité.—D'aprèsAlec,ilsramènentlesprisonniersici...—Clary,personnenet'aprévenue?Ilslesontlaisséslà-bas.Jel'aientendudelabouchedeMalachi.

IlsontévacuélaGarde,maisilsn'ontpasemmenélesprisonniersaveceux.D'aprèsMalachi,cesdeux-làsontdemècheavecValentin,detoutefaçon.Onnepouvaitpasleslibérer,c'étaittroprisqué.Soudain,Clarysesentitprisedevertige,aubordîlelanausée.—Tumens.—Jetejurequec'estlavérité.LamaindeSébastienserefermadenouveausursonpoignet,etellechancela.—Jepeuxt'emmeneràlaGarde.Jet'aideraiàlesortirdelà.Maistudoismepromettreque...—Ellen'arienàtepromettreSébastien,intervintJace.Lâche-la.Stupéfait,Sébastiens'exécuta.ClarysetournaversJaceetAlec,quiaffichaientunairsévère.Lamain

deJaceétaitposéesurlemanchedupoignardséraphiquequipendaitàsaceinture.—Claryfaitcequ'elleveut,protestaSébastienavecuneexpressionfigée,inquiétantesurlevisage.Or,

làelleveutveniravecmoi.Nousallonssauversonami,Celuiquevousavezjetéenprison.Alecblêmit,maisJacesecoualatête.—Jenet'aimepas,observa-t-ild'unairsongeur.Jesaisquetoutlemondet'apprécie,Sébastien,mais

pasmoi.C'estpeut-êtrejustementparcequetufaistropd'effortspourgagnerl'estimed'autrui.Oualorsj'ail'espritdecontradiction.Maisjenet'aimepas,etjen'aimepastafaçondet'agripperàmasœur.Si

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elleveutallerchercherSimonàlaGarde,trèsbien.Elleiraavecnous,pasavectoi.—C'estàelledechoisir,non?rétorquaSébastienaveclamêmeexpression.TousdeuxsetournèrentversClary.Ellejetauncoupd'œilversLuke,quisedisputait toujoursavec

Malachi.—Jeveuxresteravecmonfrère.Unelueurindéchiffrables'allumadansleregarddeSébastien,maisunefractiondesecondeplustard,

elleavaitdisparu.SiClaryneputl'identifier,ellesentitsescheveuxsedressersursanuque,commesiunemainglacéevenaitdel'effleurer.

—Çavadesoi,lâcha-t-ilavantdes'effacerpourleslaisserpasser.Alecprit la têtedutrioenpoussantJacedevant lui.Ilsétaientàmi-chemindelaportequandClary

ressentitunevivebrûlureauniveaudupoignet.Ellebaissa lesyeux, s'attendantà trouverunemarquerougeàl'endroitoùlesdoigtsdeSébastienl'avaientagrippée,maisnevitrienàl'exceptiond'unetraînéedesangsursamanche,quiavaitdûfrôlerlablessurequ'ilavaitauvisage.Fronçantlessourcils;ellepressalepaspourrattraperlesautres.

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12.DeProfundis

LESMAINSDESIMONétaientpoisséesdesang.Ils'étaitbrûlélespaumesàforcedes'acharnervainementsurlesbarreauxdesacellule,etavaitfini

pars'effondrersurlesol,horsd'haleine.Lesyeuxfixéssursesmains,ilavaitregardéd'unairhébétéleslésionsserefermeretlapeaunoirciesedesquameaussivitequesurunevidéodiffuséeenaccéléré.Del'autrecôtédumur,Samuelpriait.Simon,lui,nelepouvaitpas.Ilavaitdéjàessayéauparavant:le

nomdeDieuluibrûlaitlalangueets'étranglaitdanssagorge.Ilsedemandapourquoiilpouvaitformulerdesmotsparlapenséesanspourautantêtrecapabledelesprononcer.Luiquipossédaitlavieéternelleetlepouvoirdesepromenerausoleildemidinepouvaitmêmepasrécitersadernièreprière.Lafuméeavaitcommencéàs'immiscerdanslecouloir.Uneodeurdebrûléluimontaitauxnarines,et

ilentendaitlecrépitementdufeuquis'étendait.Pourtant,ilsesentaitétonnammentdétaché.Quelleironied'avoirobtenulavieéternellepour«mourir»brûlévifàl'âgedeseizeans!Unevoix étouffée lui parvint par-dessus le craquementdes flammes. «Simon ! »La fuméedans le

couloirétaitunsigneavant-coureurdelachaleurquil'oppressaitmaintenantcommeunmur.—Simon!C'étaitlavoixdeClary.Ill'auraitreconnueentretoutes.Ilsedemandasicen'étaitpaslefruitdeson

imagination,unsouvenirsensorieldel'êtrequ'ilavaitleplusaimédanssavie,l'accompagnantjusqu'auseuildelamort.

—Simon!Espèced'idiot.Jesuislà!Àlafenêtre!Simonselevad'unbond.Soncerveaun'auraitpaspuimaginerça...Atraversl'écrandefumée,ilvit

quelque chose bouger derrière les barreaux. En se rapprochant, il s'aperçut que des mains s'ycramponnaient.Ilmontasurlelit,etcriapar-dessuslechuintementdesflammes.

—Clary?—Oh,mercimonDieu!Unemainsetenditverslui,lesaisitparl'épaule.—Onvatesortirdelà.—Comment?s'écriaSimon,nonsansraison,maisilyeutunremue-ménageau-dehors,etlesmainsde

Clary disparurent, bientôt remplacées par d'autres plus grandes, indubitablement masculines, auxphalangescouvertesdecicatricesetterminéespardelongsdoigtsdepianiste.

—Tienslecoup.LavoixdeJaceétaitcalme,confiantecommes'ilsbavardaientàl'occasiond'unefêteetnonàtravers

lesbarreauxd'undonjonenflammes.—Tudevraispeut-êtrereculer,reprit-il.Simons'exécutadocilement.LesmainsdeJaceagrippèrentlesbarreaux.Ilyeutuncraquementsonore,

et la fenêtre céda avant de s'écraser juste à côté du lit.Une pluie de gravats s'abattit dans la cellule,formantunnuageblanc.LevisagedeJaces'encadradansl'ouverture.—Viens,Simon!cria-t-ilensepenchant.Simon prit lesmains de Jace et se laissa hisser vers la surface. Prenant appui sur le rebord de la

fenêtre,ilseglissaau-dehors.Uninstantplustard,ils'affalaitdansl'herbehumide.Levantlesyeux,ilvituncercledevisagesanxieuxau-dessusdelui.

—Tuasunesalemine,vampire,observaJace,Qu'est-cequiestarrivéàtesmains?

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Simons'assitdansl'herbe.Sesblessuress'étaientrefermées,maislapeauétaitencorenoireàl'endroitoùilavaitagrippélesbarreaux.Avantqu'ilaitpuprononcerunmot,Claryleserradanssesbras.

—Simon!JenesavaismêmepasquetuétaisàIdris.Jusqu'àhiersoir,jetecroyaisàNewYork…—Ehbien,moinonplusjenesavaispasquetuétaisici.(IljetaunregardnoiràJace.)Enfait,onm'a

explicitementaffirmélecontraire.—Jen'aijamaisrienditdetel,protestaJace.Jemesuissimplementgardéderétablirlavérité.Etpuis

jeviensdet'éviterd'êtrebrûlévif,alorstun'aspasledroitdetemettreencolère.Brûlévif.SimonsedétachadeClaryet jetaunregardautourdelui. Ilsse trouvaientdansunjardin

cernésurdeuxcôtésparlesmuraillesdelaforteresse,etsurlesdeuxautresparunbosquettouffu.Uneallésdegravierserpentaitentrelesarbresendirectiondelaville;elleétaitbordéedetorches,éteintespour la plupart. Il leva les yeux vers la Garde. D'ici, on aurait à peine pu deviner qu'il y avait unincendie:unmincepanachedefuméenoiresedéroulaitdansleciel,etlalumièrequibrillaitauxfenêtresavaitunéclatparticulier,maislesmursépaisdel'édificeavaientréussiàgarderlesecret.

—IlfautlibérerSamuel,décréta-t-il.—Quiça?lançaClary.—Jen'étaispasleseulprisonnier.Samuelsetrouvedanslacellulevoisinedelamienne.—Letasdehaillonsquej'aivuparlafenêtre?S'enquitJace.—Oui.Ilestunpeubizarre,maisc'estunbravehomme.Onnepeutpaslelaisserici.Simonserelevapéniblement.—Samuel!Pasderéponse.Ilcourutjusqu'àlafenêtrebasse,muniedebarreaux,quijouxtaitcelleparlaquelleil

s'étaitévadé,etnedistinguaqu'uneépaissenappedefumée.—Samuel!Vousêteslà?Uneformevoûtéeremuadanslesténèbres.D'unevoixaltéréeparlafumée,Samuelrépondit:—Laissez-moitranquille!Allez-vous-en!—Samuel!Vousallezmouririci!Simontiradetoutessesforcessurlesbarreaux.Rienneseproduisit.—Laissez-moi!Jeveuxrester!Simonjetaunregarddésespéréautourdelui.—Bougedelà!ditJaceenlerejoignant.Ildonnaungrandcoupdepieddans lesbarreauxqui tombèrentdans lacelluledeSamuel.Celui la

poussauncrirauque.—Samuel!Vousvoussentezbien?L'espaced'uninstant,Simoneutlavisiond’unSamuelcoincésouslesbarreaux.—ALLEZ-VOUS-EN!braillaleprisonnier.Simonlançauncoupd'œilàJace.—Jecroisqu'ilpensevraimentcequ'ildit.Jacesecouasatêteblonde,l'airexaspéré.—Ilfallaitquetutetrouvesuncopaindecelluleàmoitiétimbré,hein?Tunepouvaispastecontenter

decompterlesmoutonsoud'apprivoiserunrat,commen'importequelprisonniernormal?Sansattendrederéponse,Jacerampadansl'ouverture.—Jace!criaClary.Elleseprécipitaverslui,Alecsurlestalons,maisils'étaitdéjàengouffrédanslacellule.Ellejetaun

regardfurieuxàSimon.—Pourquoitun'aspasessayédel'arrêter?— Ilnepouvaitpaslaissermourircepauvrehomme,intervintAlec,àlasurprisegénérale,bienque

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lui-mêmeparaisseunpeuinquiet.C'estmalconnaîtreJace...Ils'interrompitaumomentoùdeuxmainsémergeaientdelafumée.AlecensaisitunetandisqueSimon

prenaitl'autre,et,ensemble,ilshissèrentSamuelhorsdelacellulecommeunsacàpatatesavantdeledéposer dans l'herbe. Quelques instants plus tard, Simon et Clary aidèrent Jace à remonter : lui, enrevanche,étaitbeaucoupmoinslourd,etilpoussaunjuronquandilsluicognèrentmalencontreusementlatêtesurlereborddelafenêtre.Aprèss'êtredégagéd'ungestebrusque,ilrampaloind'euxetselaissatomberdansl’herbe.

—Aïe!fit-il,lesyeuxtournésversleciel.Jecroisquejemesuisclaquéunmuscle.Aprèss'êtreredressé,iljetauncoupd'œilàSamuel.—Est-cequ'ilvabien?Recroquevillé sur le sol, l'homme se balançait d’avant en arrière en se cachant le visage dans les

mains.—J'ail'impressionqueçanetournepasrondchezlui,observaAlec.IIsepenchapourtoucherl'épauledeSamuel,quisursautaetmanquatomberàlarenverse.—Laisse-moitranquille,gémit-il.Jet'enprie.Laisse~moi,Alec.Alecsefigea.—Qu'est-cequevousvenezdedire?—Ilveutquetulelaissestranquille,intervintSimon,maisAlecneparutpasl'entendre.Ils'étaittourné

versJacequiavaitblêmi.—Samuel,repritAlecd'untonsévère.Otezlesmainsdevotrevisage.—Non,criaSamuelenbaissantlatête,lesépaulestremblantes.Non,s'ilteplaît.Non.—Alec!s'écriaSimon.Tunevoispasqu'ilsesentmal?ClaryagrippaSimonparlamanche.—Simon,qu'est-cequisepasse?Jace s'avança pour examiner la silhouette prostrée de Samuel. Il s'était égratigné les doigts sur le

reborddelafenêtreet,enrepoussantsescheveuxdedevantsesyeux,illaissadestraînéessanglantessursajoue,cedontilneparutpass'apercevoir.Lesyeuxécarquillés,labouchebarréeparunplisévère,ilordonafroidement:

—Chasseurd'Ombres,montre-noustonvisage.Samuelhésitapuisbaissalesbras.Simon,quin'avaitjamaisvusestraits,futfrappéenledécouvrantsi

vieux,siémacié.Uneépaissebarbegriseluimangeaitlevisage,ilavaitlesyeuxenfoncésetlesjouescreuséesderides.Etcependant,illuiparutétrangementfamilier.Alecouvritlabouchemaisaucunsonn'ensortit.CefutJacequiparla:—Hodge.

—Hodge?répétaSimon,désorienté.Maisc’estimpossible!Hodgeest...EtSamuelnepeutpas…— Ehbien, c'estdans sonhabitude, apparemment,observaAlecd'un tonamer. Il aimebien se faire

passerpourcequ'iln'estpas.—Maisilm'adit...bredouillaSimon.Lamain deClary se referma sur samanche, et lesmotsmoururent sur ses lèvres. L'expression de

Hodgeendisaitsuffisammentlong.Ellenetrahissaitnilaculpabiliténil'horreurd'avoirétédémasqué,maisunimmensechagrin.

—Jace,chuchota-t-il.Alec...Jesuisvraimentdésolé.Rapidecommel'éclair,Jacedégainaunpoignarddontilappuyalapointesurlagorgedesonancien

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précepteur.Lesflammesalentoursereflétèrentsurlalame.—Jeme fichedevos excuses. Je veuxquevousmedonniez une raisonde nepas vous tuer sur-le-

champ.—Jace,attends,intervintAlec,affolé.Soudain,uneexplosiondéchiralesilence,etunepartiedutoitdelaGardes'enflamma.Unevaguede

chaleurmiroitadans l'air et les flammes illuminèrent lanuit,de sortequeClarydistinguaitmaintenantchaquebrind'herbeetchaqueridesurlevisagehâveetsaledeHodge.

—Non,marmonnaJace.Leregardinexpressifqu'ilposasurHodgerappelaàClaryquelqu'und'autre:Valentin.—Voussavezcequem'afaitmonpère,n'est-cepas?Vousconnaisseztoussesvilainssecrets.AlecregardatouràtourJaceetHodgesanscomprendre.—Dequoituparles?Qu'est-cequ'ilya?LevisagedeHodgesedécomposa.—Jonathan...—Voussaviezdepuis toujours,etvousnem'avezriendit.Pendant toutescesannéesà l'Institut,vous

n'avezriendit!—Je...jen'étaispassûr,murmuraHodge.Tun'étaisqu'unbébéladernièrefoisquejet'avaisvu...Jene

savaispasvraimentquituétais...encoremoinscequetuétais.—Jace?Leregarddésemparéd'Alecallaitdel'unàl'autre,maisaucund'euxneprêtaitattentionàlui.Hodge

Semblaitprisonnierd'unétauquiseresserraitautourdelui;sesmainstremblaientetilouvraitdegrandsyeuxeffrayés.Clary repensaà l'homme impeccablementvêtuqui luiavaitoffertdu théetdesconseilsaimablesdanssabibliothèquetapisséedelivres.Cetteimageluisemblaitàdesannées-lumière.

— Je ne vous crois pas, cracha Jace.Vous saviez queValentin était toujours en vie. Il vous a toutraconté...

—Ilnem'ariendit,protestaHodge.LorsquelesLightwoodm'ontapprisqu'ilsavaientrecueillilefilsdeMichaelWayland, je n'avais pas entendu parler de Valentin depuis l'Insurrection. Je croyais qu'ilm'avait oublié. J'aimême prié pour qu'il soitmort. Puis, la veille de ton arrivée, Hugo est venumetrouveravecunmessagedeValentin.«L'enfantestmonfils.»C'esttoutcequ'ilyavaitd'écrit.J'ignoraissijedevaislecroire.Je...jemesuisconvaincuqu'avecunseulregardj'enauraislecœurnet,maisiln'yavaitpasl'ombred'unepreuve.Rien!Alors,j'aipenséqu'ils'agissaitpeut-êtred'uneruse,maisdansquelbut?Tunesavaisrien,jem'ensuisviteaperçu.Quantàl'objectifdeValentin...Jaceparlad'unetraite,commesilesmotsjaillissaientdesabouchesansqu'ilpuisselescontrôler.—Vousauriezdûmedirecequej'étais!J'auraispuagir!Metuer,peut-être.HodgelevalatêteetregardaJaceàtraverssescheveuxsalesetemmêlés.—Jen'étaispassûr,répéta-t-ilàmi-voix,commepourlui-même.Etquandj'hésitais,jemedisaisque,

peut-être,l'éducationcomptaitdavantagequelesang,qu'onpourraitt'apprendre…— M'apprendrequoi?Ànepasdevenirunmonstre?s'écriaJaced'unevoixtremblante,maissamain

quitenaitlecouteaunebougeapas.Laissez-moirire!Ilafaitdevousunlâcheetunflagorneur!Vous,vousétiezenâgedecomprendre!Vousauriezpuvousbattre!LeregarddeHodges'assombrit.—J'aifaitdemonmieux.— Jusqu'au retourdeValentin,oui, concéda Jace.Ensuite,vousavezpréféré luiobéir.Vousm'avez

livré à cet homme comme un chien sur lequel il vous aurait demandé de veiller pendant quelquesannées...

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— Et puis vous vous êtes enfui, renchéritAlec.Vous nous avez abandonnés.Vous croyiez vraimentpouvoirvouscacherici,àAlicante?

— Jenesuispasvenuicidanscebut,protestaHodged'unevoixblanche.Monintentionétaitd'arrêterValentin.

—Vousnepensezpasqu'onvavouscroire?répliquaAlecaveccolère.Vousaveztoujoursétédesoncôté.Vousauriezpuluitournerledos...

— Jamais jen'auraispuprendreune telledécision!s'écriaHodge.Tesparentsontpudémarrerunenouvellevie,eux...Jen'aijamaiseucettechance!J'aiétécoincéàl'Institutpendantquinzeans...

—C'étaitnotrefoyer!Était-cedoncsiterribledevivreavecnous,defairepartiedenotrefamille?— Vousn'yêtespourrien.Jevousaitoujoursaimés.Maisvousn'étiezquedesenfants.Etunendroit

qu'onvousinterditdequitternepeutpasêtreunfoyer.Jepassaisparfoisdessemainessansparleràunautreadulte.AucunChasseurd'Ombresnesefiaitàmoi.Mêmetesparentsnem'aimaientpasbeaucoup;ilsmetoléraientparcequ'ilsn'avaientpas lechoix.Jen'ai jamaispumemarierniavoirdesenfantsàmoi. Je n'ai jamais eu de vie.Un jour ou l'autre, vous seriez partis, et je n'auraismême pas eu cetteconsolation-là.J'aivécudanslapeur,pourlepeuquej'aivécu.

—Vousnevoudriezpasqu'onvousplaigne!s'emportaJace.Pasaprèscequevousavezfait.Qu'est-cequevousaviezàcraindre,enfermédansvotrebibliothèque?Lesmites?C'estnousquiallionscombattrelesdémons!

—IlavaitpeurdeValentin,intervintSimon.Tunevoispas?Jaceluijetaunregardvenimeux.—Ferme-la,vampire.Çaneteconcernepas.—Cen'étaitpasvraimentValentinquejecraignais,déclaraHodgeenregardantSimonpourlapremière

foisdepuisqu'ilétaitsortidesacellule.IlyavaitdansceregardunecertainetendressecequiétonnaClary.—C'étaitmaproprefaiblesseàsonégard,reprit-il.Jesavaisqu'ilreviendraitunjouroul'autreetqu'il

essaieraitànouveaudecontrôlerl'Enclave.Jesavaisaussicequ'ilavaitàm'offrir:laliberté.Unevie.Uneplacedanscemonde.J'auraispuredevenirunChasseurd'Ombres,danssonmondeàlui,alorsquec'étaitimpossibledanscelui-ci.Leregretquiperçaitdanssavoixétaitpresquedouloureuxàentendre.—Jesavaisquejeseraistropfaiblepourrefusersaproposition.— Regardezcequevousyavezgagné!crachaJace.UnevieàmoisirdanslescachotsdelaGarde!

Çavalaitlapeinedenoustrahir?— Tuconnaislaréponse.Valentinm'adélivrédemamalédiction,commeill'avaitpromis.Jecroyais

qu'ilmeréintégreraitdansleCercle,oucequ'ilenrestait.Ilnel'apasfait.Mêmeluinevoulaitpasdemoi.J'aicomprisquejen'avaisplusmaplacedanscemonde.Toutcequej'avais,jel'aivendupourunmensonge.Ilcontemplasesmainssales.— Ilnemerestaitqu'unechancedemeracheter,enapprenantqueValentinavaitmassacrélesFrères

Silencieuxetqu'ildétenait l'ÉpéeMortelle, j'aideviné la suite : il essaieraitdemettre lamain sur leMiroirMortel.IlluifallaitlestroisInstruments.Or,jesavaisqueleMiroirsetrouvaitici,àIdris.

—Attendez!fitAlec.Vousvoulezdirequevoussavezoùilestetquil'aensapossession?—Personne,nilesNephilimnilesCréaturesObscures,nepeutposséderleMiroirMortel.— Vous avezvraiment pété les plombs, là-dedans, répliqua Jace enmontrant d'un signede tête les

fenêtresdudonjondévoréparlesflammes.Claryobservaitd'unairanxieuxletoitdelaGardenimbéd'unhalorougeoyant.

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—Jace,lefeus'étend.Ondevraitdéguerpird'ici.Enparleraenchemin...— J'aiétéprisonnierdel'Institutpendantquinzeans,poursuivitHodgecommesiderienn'était.Jene

pouvaispasmettreunpieddehors.Jepassaistoutmontempsdanslabibliothèqueàchercherlemoyendemedélivrerdelamalédictionquel'Enclaveavaitjetéesurmoi.J'aidécouvertqueseulunInstrumentMortelpouvaitlalever.Jedévoraistousleslivresayanttraitàlamythologiedel'Ange,quiavaitsurgideseauxdulacpourremettrelesInstrumentsMortelsàJonathanMorgenstern,lepremierNephilim.Ilsétaienttrois:laCoupe,l'Epée,leMiroir...

—Onconnaîtl'histoire,l'interrompitJaceavecimpatience.C'estvousquinousl'avezracontée.— Tucroistoutsavoir,maisiln'enestrien.Enparcourantlesdifférentesversionsdelalégende,je

retombais toujours sur lamême illustration.Nous l'avons tousvue : l'Ange sortantdu lac avec l'Epéedans une main et la Coupe dans l'autre. Je ne comprenais pas pourquoi le Miroir n'était jamaisreprésenté.Puis,unbeaujour,j'aieul'illumination:leMiroir,c'estlelac.Ilsnefontqu'un.LamaindeJacequitenaitlepoignardretombalentement.—LelacLyn?Claryrepensaaulac,telunmiroirvenantàsarencontre.—Jesuistombéedanslelacenarrivantici.D'aprèsLuke,ilpossèdedespropriétésbizarres.LePetit

Peuplel'appelleleMiroirdesRêves.Hodgeacquiesçaavecenthousiasme.— Exactement.Jemesuisrenducomptequel'Enclaveignoraittoutdecettehistoire.Elleesttombée

dansl'oubli.Valentinlui-mêmen'estpasaucourant…Il fut interrompuparunvacarmeassourdissant : la tour situéede l'autrecôtéde laGardevenaitde

s'effondrerenprojetantunepluied'étincelles.— Jace,intervintAlecd'untonpressant.Onnepeutpasresterici.Debout,dit-ilàHodgeenletirant

parlebras.Vousracontereztoutçaàl'Enclave.Hodgeserelevaenchancelant.Commecedevaitêtretriste,songeaClaryavecunpincementaucœur,

de vivre une existence entachée par la honte en sachant que, si c'était à refaire, on recommencerait !Hodgeavaitrenoncédepuislongtempsàmeneruneviemeilleureoudifférente;ilvoulaitseulementneplusavoirpeur,etparconséquentlapeurnelequittaitjamais.

—Venez,ordonnaAlecenpoussantHodgedevantlui.Jaces'interposapourleurbarrerlepassage.—SiValentinl'apprend,quesepassera-t-il?—Jace,pasmaintenant...gémitAlec.— S'il révèle cette histoire à l'Enclave, nous ne saurons jamais les détails. A leurs yeux, nous ne

sommesquedesenfants.Hodgenousdoitbiença.Ilsetournaverssonancienprécepteur.—Vous vouliez arrêterValentin, c'est bien ce que vous avez dit ?Qu'est-ce qu'ilmanigance ?Quel

pouvoirpeut-ilretirerdeceMiroir?Hodgesecoualatête.—Jenepeuxpas...—Etjeveuxlavérité.LepoignardétinceladanslamaindeJace.—Pourchaquemensongequevousdirez,jevouscouperaiundoigt.Oudeux.Hodgereculaetl'effroisepeignitsursonvisage.—Jace,non!s'indignaAlec.Cesméthodessontdignesdetonpère.Cen'estpastoi,ça.—Alec,répliquaJacecommeàregret,sansregardersonami.Tunesaispasvraimentquijesuis.

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Leregardd'AleccroisaceluideClary.«Ilnecomprendpasl'attitudedeJace,pensa-t-elle.Iln'estpasaucourant.»

—Jace,Alecaraison.Onn'aqu'àlivrerHodgeàl'Enclave;illeurraconteracequ’ilnousadit...— S'ilavaiteul'intentiondeleurenparler,ill'auraitdéjàfaitdepuislongtemps.Lefaitqu'ilsesoit

abstenuprouvequec'estunmenteur.—Onnepeutpassefieràl'Enclave!protestaHodge,audésespoir.C'estunnidd'espionsàlasoldede

Valentin. Je ne pouvais pas leur révéler où se trouve leMiroir. Si Valentinmettait lamain sur lui, ilserait...Iln'eutpasletempsd'acheversaphrase.Unéclairargentézébral'obscurité.Alecpoussauncri.Hodge

écarquilla lesyeuxet titubaense tenant lapoitrine.Aumomentoù il tombaà la renverse,Claryvit lemanche d'une dague dépasser de sa cage thoracique, Alec s'élança pour rattraper le vieil homme, ledéposadoucementsurlesoletlevadesyeuxéplorésversJace;lesangdeHodgeavaitéclaboussésonvisage.

—Jace,pourquoi?—Cen'estpasmoi...Jaceétaitdevenulivide,etClarys'aperçutqu'ilserraittoujourssonpoignarddanssamain.Simonfit

volte-faceetscrutalesténèbres.Soudain,unesilhouettefamilière,auxcheveuxnoirsébouriffés,émergeades arbres. Comme elle s'avançait vers eux, l'incendie éclaira son visage et se refléta dans ses yeuxsombres.

—Sébastien?fitClary.Médusé,Jacesetournaverslejeunegarçonquis'étaitarrêtéàlalisièredubosquet,l'airhésitant.—C'esttoiquiasfaitça?—Jen'avaispaslechoix,protestaSébastien.Ilallaitvoustuer.—Avecquoi?Iln'étaitmêmepasarmé.—Jace,intervintAlec.Viensm'aider.—Ilallaitvoustuer,répétaSébastien.II...Jaces'agenouillaauprèsd'Alecenrengainantsonpoignard.Celui-citenaitHodgedanssesbras,etdu

sangmaculaitsachemise.—Prendslastèledansmapoche,dit-ilàJace.Tenteuneiratze...Figéed'horreur,Clary sentitSimon remuerprèsd'elle.Se tournantvers lui, elle s'aperçutqu'il était

blanccommeunlinge.Enrevanche,sesjouesbrûlaientdefièvre.Elledistingualeréseaudeveinesquis'étendaitsoussapeaucommelesbranchesdélicatesd'uncorail.

—Lesang,chuchota-t-ilsanslaregarder.Ilfautquejem'éloigne.Claryfitminedeleretenirparlamanche,maisilsedégagead'ungestebrusque.—Non,Clary,jet'enprie.Laisse-moi.Çaira;jerevienstoutdesuite.Ilfautjuste...AvantqueClarypuisselerattraper,ildisparutdansl'ombredesarbres.—Hodge,gémitAlec,paniqué.Hodge,tenezhon...LevieuxprécepteurtentavaguementdesesoustraireàlastèledeJace.Sonvisageétaitdevenugris.

SonregardallaitdeJaceàSébastien,quisetenaittoujoursdansl'ombre.—Non,Jonathan...—Appelez-moiJace,ditJacedansunmurmure.Hodge posa les yeux sur lui. Clary peinait à déchiffrer l'expression de ce regard ; elle y lut de la

supplicationmaisaussidelaterreur.Illevalamaincommepourseprotégerpuischuchota:«Non,pastoi»etunfiletdesangs'écouladesabouche.LatristessesepeignitsurlevisagedeJace.

—Alec,occupe-toidel'iratze...Jecroisqu'ilneveutpasquejeletouche.

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HodgesecramponnaàlamanchedeJace,etditd'unevoixàpeineaudible.—Tun'espas...Puisilrenditsonderniersouffle.Cemomentn'eutriendepaisible,contrairementàcequeClaryavait

vudanslesfilms:lavoixdeHodges'étrangladanssagorge,ilémitungargouillisetsesyeuxroulèrentdanssesorbitesavantqu'ilnes'immobilise, lebrasmaladroitementrepliésous lui.Alec lui fermalesyeuxduboutdesdoigts.

—Vale,HodgeStarkweather.— Il nemérite pas tant d'honneur ! se récriaSébastien d'un ton outragé.Ce n'était pas unChasseurs

d'Ombres,maisuntraître.Alecrelevabrusquementlatête.AprèsavoirdéposélecorpsdeHodgedansl'herbe,ilseredressa,les

yeuxétincelantdecolère.Sesvêtementsétaientconstellésdetachesdesang.—Qu'est-cequetuensais,toi?Tuviensdetuerunhommesansdéfense,etunNephilim,quiplusest.

Tuesunassassin.— Tucroisquejenesaispasquiétaitcemisérable?rétorquaSébastienavecunegrimacedemépris.

StarkweatherfaisaitpartieduCercle.Ilatrahil'enclaveet,enreprésailles,ellel'amaudit.Ilméritaitlamort, or l'Enclave a fait preuve d'indulgence, et regardez où ça l'amenée ? Il nous a tous trahis unesecondefoisenéchangeantlaCoupeMortellecontrelapromessed'êtredélivrédesamalédiction.Unemalédictionplusqueméritée. (Il s'interrompitpour reprendresonsouffle.) Jen'auraispeut-êtrepasdûm'encharger,maisvousnepouvezpasnierqu'ill'abiencherché.

— Commentsefait-ilquetuensachesautantsurlui?s'étonnaClary.Etqu'est-cequetufabriquesici,d'abord?JecroyaisquetudevaisresterdanslaSalledesAccords.Sébastienhésita.— Vousétiez longsà revenir, répondit-il enfin. Jem'inquiétais. J'aipenséquevousauriezpeut-être

besoindemoi.—Et,pournousaider,tuastuél'hommequenousinterrogions?Parcequ'ilavaitunpasséobscur?Ça

n'aaucunsens!—Ilment,intervintJace.IlconsidéraSébastiend'unœilglacial.—Etilmentmal,enplus.Jetecroyaiscapabledemieuxretombersurtespattes,Verlac.Sébastiensoutintsonregardsansciller.—Jenevoispasdequoituparles,Morgenstern.—Cequ'ilveutdire,déclaraAlecens'avançant,c'estquesitonactetesemblejustifié,tun'aurasaucun

malàt'expliquerdevantleConseil,n'est-cepas?Unangepassa,puisSébastiensouritdecesourirequiavaitcharméClaryparlepassé,maisqui lui

donnaitàprésentlamêmeimpressiond'inadéquationqu'untableauaccrochédeguingoissurunmur.—Évidemment.Ils'avançaverseuxd'unpasnonchalant.Acroireque toutallaitpour lemieuxdans lemeilleurdes

mondes,etqu'ilnevenaitpasdecommettreunmeurtredesang-froid.— Bon,jetrouveunpeubizarrequevousvousmettiezdansunétatpareil, toutçaparcequej'ai tué

l'hommeàquiJacemenaçaitdetrancherlesdoigtsunparun.—Ilneseraitpasalléjusque-là,objectaAlec.—Toi...tuparlessanssavoir,crachaJace.—Ettoi,tuesfurieuxparcequej'aiembrassétusœuretqu'elleenpincepourmoi.—C'estfaux!s'écriaClary,àl'indifférencegénérale.Enfin,ladeuxièmepartie.—Elleacettemanie,quandonl'embrasse,depousserunpetithoquetdesurprise.C'estcharmant.Mais

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tuasdût'enapercevoir?Sébastiens’étaitarrêtéjustedevantJace,unsouriremielleuxsurleslèvres.—C'estmasœur...bredouillaJace.Ilsemblaitaubordéelanausée.— Tasœur!Vraiment?Tucroisquelesgensn'ontpasremarquélafaçondontvousvousregardiez?

Çasevoitcommelenezaumilieudelafigure!Toutlemondetrouveçamalsainetdégoûtant,tupeuxmecroire!

—Çasuffit,marmonnaJaceenluidécochantunregardassassin.—Sébastien,pourquoituracontesdeshorreurspareilles?s'écriaClary.—Parceque,enfin,jepeuxdirecequej'aisurlecœur!répliqua-t-il.Vousn'avezpasidéeducalvaire

quec'étaitdefairesemblant!Votreseulevuemerendmalade.Toi,ajouta-t-ilensetournantversJace,quandtunebavespassurtasœur,tuteplainssansarrêtquetonpapanet'aimaitpas.Franchement,quipourraitleluireprocher?Toi,espèced'idiote,cracha-t-ilens'adressantàClary,tuesalléedonnerunlivreinestimableàunsorcier.Unsang-mêlé!Qu'est-cequit'estpasséparlatête?Quantàtoi,dit-ilàAlec,onconnaîttoustonproblème.Onnedevraitpasaccepterlesgenscommetoiauseindel'Enclave.Tumedégoûtes.Alecblêmit,bienqu'ilsemblâtplussurprisquefurieux.Clarynepouvaitpasl'enblâmer:elle-même

avaitdumalàcroirequeSébastien,avecsonsourireangélique,puisseproférerdeshorreurspareilles.—Tufaisaissemblant?s'étonna-t-elle.Maispourquoi?Amoins...àmoinsquetunousespionnespour

lecomptedeValentin,conclut-elledansunéclairdelucidité.Sébastienplissalesyeuxetunegrimacedeméprisdéformasesbeauxtraits.—Enfin,ilsontcompris!Franchement,j'aiconnudesVoracesplusmalinsquevous.—Onn'estpeut-êtrepastrèsfutésmaisnous,aumoins,onesttoujoursenvie,lâchaJace.—Pasmoi,peut-être?rétorquaSébastienavecdédain.—Pluspourlongtemps.LeclairdelunesereflétasursonpoignardaumomentoùilsejetaitsurSébastien.Claryn'avaitjamais

vuquelqu'unsemouvoiraussivite.Jusqu'àcequeSébastienriposte.Rapide comme l'éclair, il évita le coupde son assaillant et le désarma sansdifficulté.Lepoignard

tombaparterre.AprèsavoirsaisiJaceparledosdesaveste,Sébastienlesoulevadeterreetleprojetadanslesairsavecuneforcesurhumaine.IlallaheurterlemurdelaGardeets'affalasurlesol.

—Jace!ClaryseruasurSébastienpourl'étrangler.Mais,aprèsavoirfaitunpasdecôté,ilrepoussasesmains

tenduescommeonécarteuninsectedureversdelamain.Claryreçutuncoupàlatêtequil'envoyaroulersurlesol,ets'immobilisatandisqu'unbrouillardrougeluiobstruaitlavue.Alecpritsonarcdanssondos,l'armaetvisaSébastiend'ungestesûr.—Resteoùtuesetmetslesmainsderrièretondos.Sébastienéclataderire.—Tun'oseraspas,cracha-t-il.Il s'avança d'un pas désinvolte vers Alec qui, d'un mouvement gracieux, décocha sa flèche. Elle

décrivitunarcdecercleetmanquasacible.Claryn'auraitsudiresiSébastiens'étaitbaisséous'ilavaitesquisséunpasdecôté.Laflèchepassaprèsdeluietallaseficherdansuntroncd'arbre.Alecn'eutqueletempsd'ouvrirdegrandsyeuxébahis;Sébastienfonditsurluietluiarrachal'arcdesmains,puislebrisaendeuxd'uncoupsec,etlecraquementduboisfitfrémirClarycommes'ils'agissaitd'unos.Elletentadeseredresserens'efforçantd'ignorerladouleurquiluiVrillaitlecrâne.Jacegisaitàquelquespasd'elle,immobile.Maiselleavaitbeaufaire,sesjambesrefusaientdeluiobéir.

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Aprèsavoirjetéauloinlesdeuxmorceauxdel'arc,Sébastienrepartitàl'assaut.Alecavaitdégainéunpoignardséraphiquequiétinceladanssamainmais,unefoisencore,Sébastienesquivalecoup,saisitsonassaillant à la gorge et le souleva de terre. Il serra de toutes ses forces avec un sourire cruel tandisqu'Alecledébattaitensuffoquant.

—J'aidéjàréglésoncompteàunLightwoodAujourd'hui,murmuraSébastien.Jenepensaispasavoirl'occasionderecommenceraussivite.Soudain, telleunemarionnettedontonauraitactionné les fils, il fitunbondenarrière.Libéré,Alec

l'affaissadansl'herbeensemassantlecou.Unefoiscertainequ'ilétaithorsdedanger,ClaryreportasonattentionsurSébastien,etvituneombrequis'accrochaitàsondoscommeunesangsue.Ilsetintlagorgeensuffoquantetpivotasurlui-mêmepoursedébarrasserdelacréaturequiessayaitdel'étouffer.CommeilsetournaitdansladirectiondeClary,unrayondeluneéclairaleursdeuxcorpsetelleaperçutlevisagedesonassaillant.C'étaitSimon.Sesmains enserraient le coudeSébastien et ses incisivesblanches luisaient dans la

pénombrecommedesaiguillesenos.Clary,quioubliaitsouventqueSimonétaitunvampire,nel'avaitpasvuedanspareilétatdepuislanuitoùils'étaitextraitdesatombe.Incapablededétournerlatête,elleobservalascène,lesyeuxécarquillésd'horreur.LeslèvresretrousséesdeSimondécouvraientsescrocsacéréscommedesdagues.Illesplantaprofondémentdansl'avant-brasdeSébastien,quipoussauncridedouleuretsejetaparterre,Simontoujourscramponnéàlui.Lesdeuxadversairesroulèrentdansl'herbesanscesserdecombattre,engrognantcommedeschiensenragés.Sébastiensaignaitàplusieursendroitsquand ilparvintenfinàse relever. Ildécochadeuxviolentscoupsdepieddans lacage thoraciquedeSimon.

—Espècedepetitevermine.Ilallaitlefrapperdenouveauquandunevoixcalmes'éleva:—Ataplace,j'éviterais.Clarylevalatête,etunautreélancementfulgurantluitransperçalecrâne.Jacesetenaitàquelquespas

deSébastien,levisagecouvertdesang,unœilenfléetàmoitiéfermé,unpoignardséraphiqueàlamain.—Jen'aijamaistuéunêtrehumainavecça,lança*-t-il.Maisj'aibienenvied'essayer.Sébastien jeta un coup d'œil à Simon, cracha par terre et prononça quelquesmots dans une langue

inconnuedeClary.PuisilsedétournaaveclamêmerapiditéterrifiantequequandilavaitattaquéJace,etdisparutdanslesténèbres.Claryessayadeserelever,maislasouffranceétaitintolérable,etelles'affaissadansl'herbehumide.

Quelques instants plus tard, Jace se pencha au-dessus d'elle et l'examina d'un air anxieux. La vue deClarysebrouillaencoreunefois,àmoinsquecehaloblanc.CettelumièreétrangequinimbaitJacenesoitlefruitdesonimagination...ElleentenditlavoixdeSimon,puiscelled'AlecquitenditunobjetàJace...Unestèle.Uneminuteplus

tard,ladouleurrefluaetlebrouillardsedissipa.—Matête...—Tuasunecommotioncérébrale,expliquaJace.L’iratzedevraitt'aideràtesentirmieux,maisilfaut

qu'on t'emmène voir unmédecin de l'Enclave.Ce genre de blessure, c'est traître. (Il rendit sa stèle àAlec.)Tucroisquetupeuxtelever?Claryhochalatête.Malluienprit:ellevittrente-sixchandellesetSimonaccourutpourlasoutenir,

reconnaissante, elle s'appuya contre lui et attendit que son vertige se dissipe. Elle avait encorel'impressionqu'elleallaits'effondreràtoutinstant.

—Tun'auraispasdût'attaqueràSébastien.Tun'étaismêmepasarmée.Qu'est-cequit'apris?— Qu'est-cequinousapris, tuveuxdire, intervintAlec. Il t'a soulevécommeun fétudepaille. Je

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n'avaisjamaisvuquelqu'untedonnerautantdemal.— Ilm'aeuparsurprise,protestaJace.Iladûsuivreunentraînementparticulier.Jenem'yattendais

pas.— Jecroisqu'ilm'acasséuneoudeuxcôtes,gémitSimonense tâtant lacage thoraciqueavecune

grimace.Cen'estrien,ajouta-t-ilensurprenantleregardinquietdeClary.Jevaisguérirenunclind'œil.Mais,pasdedoute,Sébastienestunadversairedetaille.(IlsetournaversJace.)Àtonavis,çafaisaitlongtempsqu'ilnousépiait?Jacejetaunregardsombreendirectiondesarbres.— L'Enclave finira bien par l'attraper, et il sera maudit, probablement. J'aimerais bien qu'ils lui

réserventlemêmechâtimentqu'àHodge.Ceneseraitquejustice.Simonseretournapourcracherdanslesbuissonsets'essuyalabouchedureversde,lamain.—Sonsangaungoûtinfect.— Je suppose qu'on peut ajouter ce détail à la liste de ses qualités. Jeme demande ce qu'il avait

manigancéd'autrepourcesoir.—IlfautretourneràlaSalledesAccords.Alecsemblaittendu,etClaryserappelaqueSébastienavaitfaitallusionàunautreLightwood.—Tupeuxmarcher,Clary?—Oui,répondit-elle.EtHodge?Onnepeutpaslelaisserici.—Ilfaudrabien.Ontrouveraletempsderevenirlecherchersionsurvitàcettesoirée.Comme ilsquittaient le jardin, Jace s'arrêtapourôter saveste et en recouvrit levisage inaniméde

Hodge.Claryenvisagead'allerleréconforter,maisquelquechosedanssonattitudel'endissuada.MêmeAlecrenonçaàluiproposerunerunedeguérisonpourtant,endescendantlacolline,ilboitait.Ilss'engagèrentsurlaroutesinueuse,l'armeàlamain,prêtsàriposter,tandisquelaGardeenflammes

éclairait le ciel. Ils ne croisèrent aucun démon, cependant. Le calme qui régnait alentour et la clartéétrange nimbait le paysage troublaient Clary; elle avait l’impression de marcher dans un rêve. Elletitubaitdefatigue,Leseulfaitdemettreunpieddevantl'autreétaituneépreuve.ElleentendaitAlecetJacediscuterdevantelle,etleursvoixluisemblaienttrèslointaines.

— Jace, tu ne penses pas ce que tu as dit àHodge, protestait Alec d'un ton presque implorant. Taparenténefaitpasdetoiunmonstre.QuoiqueValentinaitputefairequandtuétaispetit,quoiqu'ilt'aitenseigné,cen'estpastafaute...

— Jen'ai pas envied'enparler,Alec.Nimaintenant ni plus tard.Nemequestionneplus jamais là-dessus,répliquaJaced'untonféroce,etAlecsetut.Claryvoyaitbienqu'ilétaitblessé.«Quellenuit!»longea-t-elle.Unenuitoùtoutlemondeavaiteu

sonlotdesouffrances.EllechassadesonespritlevisagedeHodge,l'expressionpathétique,suppliantequ'ilavaiteuejuste

avant de mourir. Si elle n'avait aucune sympathie pour cet homme, il ne méritait pas de finir ainsi.Personne neméritait cela. Elle repensa à Sébastien, à sa façon de semouvoir avec la rapidité de lafoudre. Hormis Jace, elle n'avait jamais vu quelqu'un se déplacer aussi vite. Elle devait élucider cemystère :qu'était-ildoncarrivéàSébastien?CommentcecousindesPenhallowavait-ilpuaussimaltournersansquepersonnenes'enaperçoive?Elleavaitcruqu'ilcherchaitàl'aideràsauversamère,or,toutcequil'intéressait,c'étaitderetrouverleLivreBlancafindeleremettreàValentin.Magnuss'étaittrompé : ce n'était pas à cause des Lightwood queValentin était remonté jusqu'àRagnor Fell. C'étaitparcequ'elles'étaitconfiéeàSébastien.Commentavait-ellepuêtreaussibête?Bouleversée,elleremarquaàpeinequ'ilsentraientdanslaville.Lesruesétaientdésertes,lesmaisons

plongées dans l'obscurité.La plupart des réverbères avaient été détruits; les pavés étaient jonchés de

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débris de verre.Des voix résonnaient dans le lointain et l'éclat d'une torche crevait de temps à autrel'obscuritéentredeuximmeubles.

—C'esttrèscalme,observaAlecenjetantunregardétonnéautourdelui.—Etçanesentpasledémon,renchéritJaceenfronçantlessourcils.C'estbizarre.Venez.SiClarycommençaitàsesentirdenouveaud'attaque,ilsnecroisèrentpasunseuldémonvivantdans

les rues de la ville. En passant près d'une ruelle, ils virent un groupe de quatreChasseurs d'Ombresrassemblésautourd'unecréaturequiseconvulsaitàleurspieds.Ilslatransperçaientàtourderôleavecdelongueslancespointues.Clarydétournaleregardenfrissonnant.LaSalledesAccordsétaitéclairéecommeenpleinjour;delalumièredesortsedéversaitparses

portesetsesfenêtres.Tandisqu'ilsgravissaientenhâtel'escalier,Clarypritgardeànepastomber.Sesvertiges avaient empiré. Lemonde vacillait autour d'elle comme si elle se trouvait à l’intérieur d'unglobe tournant sur lui-même. Au-dessus de sa tête, les étoiles ressemblaient à des traînées blanchespeintessurlecielnoir.

—Tudevraist'allonger,suggéraSimon.(Et,commeellenerépondaitpas:)Clary?Auprixd'unimmenseeffort,elleesquissaunsourire.—Çava.Unefoisparvenuàl'entréedelasalle,Jacefithalteetsetournaversellesansunmot.Danslalumière

Impitoyable,lesangsursonvisageavaitprisuneteintesombreetsonœilenfléétaithideux.Unbourdonnementsourds'élevaitdelasalle;descentainesdepersonnesconversaientàvoixbasse,et

leur murmure résonnait aux oreilles de Clary comme les battements d'un cœur monstrueux. La clartéaveuglantedestorchesassociéeàlalumièresurnaturelleluipicotaitlesyeuxetaltéraitsavue:ellenedistinguaitàprésentquedesformesetdescouleursindistinctes.Dublanc,del'or,etlecielnocturneau-dessusdesatêtequiavaitprisuneteinteplusclaire.Quelleheurepouvait-ilbienêtre?

—Jenelesvoispas,ditAlecencherchantsafamilleparmil'assemblée.Ilsdevraientêtrerentrés...Sa voix paraissait lointaine, comme s'il parlait du fond d'un puits.Clary s'appuya à une colonne et

sentit lamain deSimondans son dos. Il glissa quelquesmots à Jace, l'air anxieux.Sa voix se perditparmilesdouzainesd'autresquienflaientpuissetaisaientcommeunressac.

—Jen'aijamaisvuça.Lesdémonsonttousdisparu.—L'aubeestproche,c'estprobablementcequilesaurafaitfuir.Ilscraignentlalumièredusoleil.—Non,ilyaautrechose.—Tupréfèresnepaspenserqu'ilsreviendrontdemainsoir,oulesoird'après,c'estça?—Nedispasça.Iln'yaaucuneraisonpourqu'ilsreviennent.Onaurarétablilesboucliersd'icilà.—EtValentinlesdésactiveraencoreunefois.—Peut-êtrequec'esttoutcequ'onmérite.Valentinapeut-êtreraison:ennousalliantaveclesCréatures

Obscures,nousavonsperdulesfaveursdel'Ange.—Tais-toi.Unpeuderespect.Ilssontentraindecompterlesmortssurlaplace.—Lesvoilà,annonçaAlec.Là-bas,prèsdel'estrade.Ondirait...Ils'interrompitets'avançaverssafamilleenfendantlafoule.Claryplissalesyeux.Peineperdue:elle

nediscernaquedestachesdecouleur.Sansunmot,JacesuivitAlecenjouantdescoudes.Clarylâchalacolonnepourleuremboîterlepasettrébucha.Simonlarattrapainextremis.

—Ilfautquetut'allonges,Clary.—Non,murmura-t-elle.Jeveuxsavoircequis'estpassé...Simon suivit Jace des yeux, et son visage s'assombrit. Appuyée à la colonne, Clary se hissa sur la

pointedespiedspourvoirpar-dessuslafoule…...etaperçutlesLightwood.MarysetenaitdanssesbrasIsabellequisanglotait.Assisparterre,Robert

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Lightwoodserraituncorpscontrelui.Claryrepensaàl'unedespremièresfoisoùelleavaitvuMax,Al'Institut,endormisuruncanapé,seslunettesdeguingoissursonnez.«Ils'endortpartout»,avaitditJace.Or,immobiledanslesbrasdesonpère,ilsemblaitdormir,maisClarysavaitqu'iln'enétaitrien.Alectombaàgenouxetpritlamaindel'enfantdanslasienne.QuantàJace,ilrestaenretrait,leregard

perdu comme s'il se demandait ce qu'il faisait là. Clary aurait voulu le serrer dans ses bras, maisl'expression de Simon et le souvenir de l'épisode du manoir l'en dissuadèrent. Elle était la dernièrepersonnesurcetteterreàpouvoirréconforterJace.IgnorantSimonquil'appelait,ellesedétournaetcourutverslaporte,malgrésonvertigeetsatêtequi

l’élançait, puis dévala les marches et s'arrêta pour aspirer une grande bouffée d'air glacé. Au loin,l'horizonétaitzébréderougeetlesétoiless'éteignaientdansleciel.Lanuittouchaitàsafin.L'aubeétaitlà.

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13.UnLieuOùRègneLaDouleur

CLARYS'ÉVEILLAENSURSAUTd'unrêvepeupléd'angescouvertsdesang,sesdrapsenroulésautourd'elle.Dans la chambre d'amis, l'obscurité était totale et elle se sentit soudain oppressée comme si elle setrouvait dans un cercueil. Elle tendit lamain vers la fenêtre, écarta les rideaux pour laisser entrer lalumière,etlesrefermaenclignantdesyeux.LesChasseursd'Ombresincinéraientleursdéfuntset,depuisl'attaquedesdémons,lecielàl'ouestde

lavilleétaitnoirdefumée.Leseulfaitderegarderparlafenêtreluidonnaitlanausée,aussiserésigna-t-elle à laisser les rideaux fermés. Dans l'obscurité de la pièce, elle ferma les yeux et tenta de seremémorersonrêve.Larunequ'Ithurielluiavaitmontréenecessaitdeclignotercommeunnéonderrièreses paupières. Une rune toute simple, dont le tracé évoquait un nœud. Cependant, elle avait beau seconcentrer elle ne parvenait pas à déchiffrer ce qu'elle signifiait. Elle savait seulement qu'elle étaitincomplète,commesiceluiquil'avaitcrééen'avaitpaseuletempsdel'achever.«Cene sontpas lespremiers rêvesque je temontre»,avaitdit Ithuriel.Fouillant samémoire, elle

revitSimon,lespaumesmarquéesd'unecroix,Jaceavecdesailesdansledos,deslacsgelésétincelantcommeunmiroir.L'angeluiavait-ilenvoyéaussicesvisions?Elleseredressaavecunsoupir.Sisesrêvesétaientsinistres,laréalitén'étaitguèreplusréjouissante.

Lesimagessebousculaientdanssonesprit:Isabelle,enlarmesdanslaSalledesAccords,tirantsursescheveuxnoirsaupointdeselesarracher.Maryses'enprenantàJiaPenhallow.Legarçonqu'ilsavaientaccueillisousleurtoit,leurpropreneveu,étaitliéaumeurtredesonfils.S'ils'étaitralliéàValentin,quedevait-onpenserd'eux?criait-elle.Alec,s'efforçantdecalmersamère,etdemandantl'aidedeJace,quirestaitplantélà,lesbrasballants,tandisquelesoleilselevaitsurAlicanteetilluminaitlaverrièredelasalle.—Lejourselève,avaitditLuke.(Clarynel'avaitjamaisvuaussifatigué.)Ilvafalloirramenerles

mortsici.Il avait dépêché des patrouilles dans la ville afin qu'elles rassemblent les corps des Chasseurs

d'Ombresetdeslycanthropessurlaplaceàl'extérieurdelaGrandeSalle,cettemêmeplacequeClaryavaittraverséeencompagniedeSébastienenfaisantremarquerquelaSalledesAccordsressemblaitàune église. A ce moment-là, elle avait trouvé l'endroit joli avec les jardinières et ses devantures deboutiquespeintesdecouleursvives.Àprésent,laplaceétaitrempliedecadavres.Maxsetrouvaitparmieux.Àlapenséedupetitgarçonquiparlaitdemangasavectantdesérieux,sagorgesenoua.Unjour,elle lui avaitpromisde l’emmeneràForbiddenPlanet.«Je lui aurais achetédes livres, songea-t-elle.Tousleslivresqu'ilvoulait.«N'ypensepas.»Repoussantsesdraps,Claryselevaet,aprèsunedoucheviteexpédiée,elleenfila

lejeanetlesweat-shirtqu'elleportaitenarrivantdeNewYork.Avantd'yglisserlatête,elleenfouitlevisage dans le coton de son sweat dans l'espoir que l'odeur de Brooklyn ou un parfum de lessive -n'importequoiquipuisseluirappelersaville-s'yattarderaitencore,maislevêtementavaitétélavéetsentaitlesavoncitronné.Avecunsoupir,elledescenditl'escalier.Lamaisonétaitvideàl'exceptiondeSimon,qu'elletrouvaassissurlecanapédusalon.Derrièrelui,

lesoleilentraitparlafenêtreouverte.Commeleschats,ilcherchaittoujoursuneflaquedelumièrepours'ylover.Cependant,malgrésesexpositionsquotidiennes,sapeaurestaitd'uneblancheurd'ivoire.Ellepritunepommedanslacorbeillesurlatableets'assitàcôtédeluienrepliantlesjambessouselle.

—Tuasréussiàdormir?

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—Unpeu. (Il la dévisagea un bref instant.)C'estmoi qui devrais te poser cette question.Tu as descernessouslesyeux.Encoredescauchemars?Ellehaussalesépaules.—Toujourslamêmerengaine:desimagesdemort,dedestruction,d'angesnoirs.—Unpeucommedanslavraievie,quoi.—Ouimais,aumoins,quandjemeréveille,c'estfini.Ellecroquadanssapomme.—Laisse-moideviner,reprit-elle.LukeetAmatissontpartisassisteràuneautreréunionàlaSalledes

Accords.—Oui.Jecroisquec'estcelleoùilsdoiventdéciderdesautresréunionsàvenir.Simontiranégligemmentsurlafranged'uncoussin.—DesnouvellesdeMagnus?—Non.Clary s'efforçait d'oublier qu'elle ne l'avait pas revudepuis trois jours, et qu'il n'avait donné aucun

signede vie.Rienne l'empêchait de disparaître dans la nature avec leLivreBlanc.Elle se demandacommentelleavaitpuaccordersaconfianceàquelqu'unquiportaitautantd'eye-liner.

—Ettoi?lança-t-elleeneffleurantlebrasdeSimon.Tutienstoujourslecoupici?Elleavait insistépourqu'il rentreàNewYork,enlieusûr.Mais,bizarrement, ils'yétaitfermement

apposé.Pourquelqueraisonmystérieuse,ilvoulaitrester.Elleespéraitquecen'étaitpaspourprendresoind'elle ;elleavait failli luiavouerqu'ellen'avaitpasbesoindesaprotectionmaiss'étaitabstenuecar,aufond,ellen'auraitpassupportédelevoirpartir.Alorsilétaitrestéet,ensonforintérieur,Claryenéprouvaitunsoulagementcoupable.

—Tuas...tusais...toutcequ'iltefaut?—Tuparlesdesang,là?Oui,Maiam'enapportetouslesjours.Nemedemandepasoùelleletrouve.Lapremièrematinéequ'avaitpasséeSimonchezAmatis,unlycanthropes'étaitprésentéàlaporte,tout

sourires,avecunchatvivantdanslesbras.—Dusangfraispourtoi!s'était-ilexclaméavecunfortaccent.Simonavaitremerciéleloup-garouet,aprèssondépart,ilavaitlibérélepauvrechat,lecœuraubord

deslèvres.—Lesang,ilfautbienseleprocurerquelquepari,avaitfaitremarquerLuke,amusé.—Pasquestion,avaitrépliquéSimon.J'aiunchat.Lukeavaitpromisd'entoucherdeuxmotsàMaia.Depuis lors, le sang lui était livré dans des bouteilles : de lait. Clary ignorait commentMaia se

débrouillaitet,àl'instardeSimon,ellen'avaitpasenviedelesavoir.Ellen'avaitpasrevuMaiadepuislanuitdelabataille;leslycanthropescampaientquelquepartidanslaforêtvoisine,etseulLukerestaitenville.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Simon en appuyant la tête contre les coussins et en l'observantderrièresescilsbaissés.Toi,tuasl'airdequelqu'unquiveutsavoirquelquechose.Claryavaitplusieursquestionsàluiposer,maiselleserabattitsurlaplusfacile.—Hodge,lança-t-elleaprèsunehésitation.Quandtuétaisenprison...tun'asjamaisdevinéquec'était

lui?—Jenepouvaispaslevoir.Jel'entendaisàtraversunmur.Onparlaitbeaucoup.—Ettul'aimaisbien?Jeveuxdire...ilétaitgentil?— Gentil?Jen'ensaisrien.Torturé,triste,intelligent,compatissant,parmoments...Oui,jel'aimais

bien.Jecroisqu'ilsevoyaitunpeuàtraversmoi,d'unecertainemanière...

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—Nedispasça!Claryseredressabrusquementetmanquafairetombersapomme.—Tun'asrienencommunavecHodge.—Tunemetrouvespastorturéetintelligent?—Hodgeétaitunsalebonhomme.Pastoi,décrétaClary.Iln'yarienàajouter.

Simonsoupira.— Lesgensnenaissentpasbonsoumauvais.Peut-êtrequ'ilyadesprédispositionsàlanaissance,

maisl’important,c'estlafaçondonttumènestabarque.Etlesgensquetufréquentes.Valentinétaitl'amideHodge,etjenecroispasqu'ilaiteuquelqu'und'autredanssaviepourl'aideràs'améliorerouàsedépasser.Sij'avaismenélamêmeexistence,jenesaispascequejeseraisdevenu.Maisj'aimafamille.Etjet'ai,toi.Claryluisouritmaissesmotsavaientunerésonancedouloureuse.«Lesgensnenaissentpasbonsou

mauvais.»Elleavaittoujoursétédecetaviset,pourtant,parmilesimagesquel'angeluiavaitmontrées,elleavaitvusamèretraitersonpropreenfantdemonstre.ElleauraitaimépouvoirseconfieràSimon,lui raconter toutescesvisions,maisc'était impossible. Il aurait aussi fallu lui révéler lesdécouvertesqu'elle avait faites au sujet de Jace. Or, c'était son secret, pas celui de Clary. Simon lui avait déjàdemandé ce que Jace avait voulu dire quand il s'en était pris à Hodge, et elle s'était contentée derépondrequ'elleavaitdéjàdumalàcomprendreoùilvoulaitenvenirlaplupardutemps.Siellen'étaitpascertainequeSimonl'aitcrue,iln'avaitpasréitérésaquestion.Descoupsfrappésàlaportecoupèrentcourtàlaconversation.Lessourcilsfroncés,Claryposason

trognondepommesurlatable.—J'yvais.Un courant d'air glacial s'engouffra dans lamaison quand elle ouvrit la porte. Aline Penhallow se

tenaitsurleseuil,vêtued'unevesteensoieviolettepresqueassortieauxcernessoussesyeux.—Ilfautquejeteparle,dit-ellesanspréambule.Étonnée,Claryneputquehocherlatêteetluiouvritgrandelaporte.—D'accord.Entre.—Merci.Alinesedirigeaverslesalond'unpasdécidéetlabousculaaupassage.EnvoyantSimonassissurle

canapé,ellesefigea,laboucheouverte.—Maisc'est...—Levampire?Simonsouritetdécouvritlégèrementsesincisive,Claryn'aimaitpastropquandilavaitcesourire-là.

Alinesetournaverselle.—Est-cequejepeuxteparlerseuleàseule?—Non,réponditClaryenserasseyantàcôtédeSimon.Toutcequetuasàmedire,ilpeutl’entendre

aussi.Alinesemorditlalèvre.— Soit.Écoute, il faut que j'aie une conversation avecAlec, Jace et Isabelle,mais j'ignore où les

trouver.Clarypoussaunsoupir.—Ilsontfaitjouerleursrelationspourobtenirunemaisonenville.Lafamillequil'occupaitestpartie

àlacampagne.Alinehochalatête.Depuislesattaques,beaucoupdegensavaientquittéIdrisenlaissantderrièreeux

desmaisonsvides.

Page 149: A ma mère - ekladata.comekladata.com/2GQmyPUw15Ftsb60orRUEJhCxjI/CLARE-Cassandra-La … · —Peut-être, mais ce sont tes amis. Tu devrais les mettre au courant. Avec un peu de

— Ilsvontbien,sic'estcequetuveuxsavoir,repritClay.Moinonplus,jenelesaipasrevusdepuislabataille.JepeuxleurtransmettreunmessageparlebiaisdeLuke,situytiens...

—Jenesaispas.Alineavaitrecommencéàsemordillerlalèvre.— MesparentsontdûannoncerlanouvelleàlatentedeSébastien,quivitàParis.Elleétaitvraiment

contrariée.—Sansblague!répliquaSimon.

Alineluilançaunregardnoir.— D'aprèselle,çaneluiressemblepasdutout.elleestpersuadéequ'ils'agitd'uneerreur,alorselle

m'aenvoyédesphotosdelui.Alinesortitdesapochequelquesphotographiescornéesqu'elletenditàClary.Lesclichésmontraient

ungarçonhilareauxcheveuxbruns,d'unebeautéatypique,avecunsouriremalicieuxetunnezunpeutropgrand.IlavaitunebonnetêteetneressemblaitpasdutoutàSébastien.

—C'estluitoncousin?—C'estSébastienVerlac.Cequisignifie...—QuelegarçonquisefaisaitappelerSébastienestquelqu'und'autre?IClary,enproieàuneagitationcroissante,seremitàexaminerlesphotos.—J'aipenséquesilesLightwoodapprenaientquiSébastien-ouquelquesoitsonnom-n'estpasnotre

cousin,ilsconsentiraientpeut-êtreànouspardonner,bredouillaAline.— Jesuiscertainequ'ilscomprendront,ditClaryd'untoncompatissant.Maisçanes'arrêtepaslà.il

faudraprouveràl'EnclavequeSébastienn'estpasqu'ungaminquiamaltourné.Valentinl'aenvoyéicipournousespionner.

—Ilétaittellementconvaincant!gémitAline.Ilsavaitdesdétailsseulementconnusdemafamille,Desanecdotesd'enfance...

— Ce qui nous amène à la question suivante, intervint Simon. Qu'est-il arrivé au vrai Sébastien ?Apparemment,ilaquittéParispourIdrisetn'estjamaisarrivéàdestination.CefutClaryquirépondit.— Valentinadûpourvoiràcedétail.Ilavaitprobablementtoutmanigancédepuisledébut:ildevait

connaître l'itinéraire de Sébastien, il l'aura intercepté en chemin. Et si c'est arrivé à ce pauvreSébastien…

— Il doit y en avoir d'autres, conclut Aline. Tu devrais en informer l'Enclave et Lucian Graymark(Devantl'airsurprisdeClary,elleajouta:)Lesgensl'écoutent.C'estcequem'ontracontémesparents.

—Peut-êtrequetudevraisveniravecnousetluienparlertoi-même,suggéraSimon.Alinesecoualatête.— Jenemesenspascapabled'affronterlesLightwood.SurtoutIsabelle.Ellem'asauvélavieet…je

mesuisenfuie.Jenesaispascequim'apris.—Tuétaissouslechoc.Cen'estpastafaute.Alineneparutpasconvaincue.—Etmaintenant,sonfrère...(Elles'interrompit.)Bref.Jetedoisaussiuneexplication,Clary.—Ahbon?fitClary,désarçonnée.—Alinepritunegrandeinspiration.— Tu sais, il ne s'est rien passé entre Jace et moi. C'est moi qui l'ai embrassé. C'était un genre...

d'expérience.Etçan'apastrèsbienmarché.Clarysesentitrougir.«Pourquoimeraconte-t-elleça?»—Oh,c'estl'affairedeJace,paslamienne.

Page 150: A ma mère - ekladata.comekladata.com/2GQmyPUw15Ftsb60orRUEJhCxjI/CLARE-Cassandra-La … · —Peut-être, mais ce sont tes amis. Tu devrais les mettre au courant. Avec un peu de

—Etpourtant,tusemblaiscontrariéesurlemoment.Unlégersourireétiraleslèvresd'Aline.—Etjecroisquejesaispourquoi,ajouta-t-elle.—Ahbon?—Écoute,tonfrère,ilpapillonne.Toutlemondelesait;ilestsortiavecbeaucoupdefilles.Tuaseu

peurqu'enbatifolantavecmoi,ilaitdesennuis.Aprèstout,nosfamillessont...étaientproches.Maistun'aspasàt'inquiéter.Cen'estpasmontype.

—C'estbienlapremièrefoisquej'entendsçadelubouched'unefille,intervintSimon.JecroyaisqueJaceétaitlegenredegarçonquiplaisaitàtoutlemonde.

— Moiaussi,etc'estpourçaquejel'aiembrassé.J'essayaisdéjàdesavoirsiungarçonpouvaitmeplaire.«ElleaembrasséJace, songeaClary.Etpas lecontraire.»Ellecroisa le regarddeSimonqui riait

souscape.—Etalors?Tuenesarrivéeàuneconclusion?

Alinehaussalesépaules.—Jenesuispasencoredécidée.Maisaumoins,tun'aspasàt'inquiéterpourJace.«Siseulement!»—IlfauttoujoursquejemefassedusoucipourJace.LaSalledesAccordsavaitétéréagencéeenhâteaprèslanuitdelabataille.Depuisladestructionde

la Garde, elle servait désormais de chambre au Conseil, de lieu de rassemblement pour ceux quirecherchaientdesmembresdeleurfamilledisparus,etonyéchangeaitaussilesdernièresnouvelles.Lafontaineaucentreavaitétéasséchéeet,departetd'autreonavaitinstallé,faceàl'estrade,desrangéesdebancssurlesquelsétaientassislesparticipantsàlaréunionduConseiltandisque,danslesalléesetsouslesarcades,desdizainesd'autresNephilimfaisaientlescentpas,l'airanxieux.L'endroitn'avaitplusriend'unesalledebal.Uneatmosphèreparticulièreflottaitdansl'air,mélanged'attenteetdenervosité.Sil'Enclaves'étaitregroupéeaumilieudelasalle,desmessesbassessetenaientdanstouslescoins.

Clarysaisitdesbribesdeconversationalorsqu'elle traversait lasalleavecSimon.Apparemment, lestoursfonctionnaientànouveau.Lesboucliersavaientétérétablis,maisilsétaientmoinsefficacesqueparlepassé.Ouplusefficaces,selonlessources.Desdémonsavaientétérepéréssur lescollinesausud.Lesmaisonsde campagne avaient étédésertées, d'autres familles avaient quitté la ville, et abandonnél'Enclaveparlamêmeoccasion.Surl'estrade,cernéspardescartesd'Alicante,setenaientleConsul,quinecessaitdejeterdesregards

suspicieuxautourdelui,etunpetithommegrassouilletvêtudegris,quigesticulaitenparlant.Cependant,personnenesemblaitprêterattentionàlui.

—Ohmince,c'estl'Inquisiteur,marmonnaSimonàl'oreilledeClary.Aldertree—EtvoiciLuke,ajouta-t-elleenl'apercevantparmilafoule.Debout près de la fontaine asséchée, il était en grande conversation avec un homme en tenue de

combat,dontlapartiegaucheduvisageétaitdissimuléeparunbandage.ClarycherchadesyeuxAmatiset la trouva assise seule au bout d'un banc, le plus loin possible des autres Chasseurs d'Ombres. EnvoyantClary,elleouvritdegrandsyeuxétonnésetfitminedeselever.LukeaperçutClary à son tour, fronça les sourcils et glissaquelquesmots à l'oreillede l'hommeau

bandagepours'excuser.Puis,levisagefermé,ilsedirigeaversClaryetSimonquis'étaientréfugiésprèsd'unecolonne.

— Qu'est-ce que vous fabriquez ici ? Vous savez pourtant que les enfants ne sont pas autorisés à

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assister aux réunions de l'Enclave.Quant à toi... (Il jetaml regard noir Simon.)Ce n'est pas une trèsbonneidéedetepavanerdevantl'Inquisiteur,mêmes'ilnepeutplusriencontretoi.Unsouriremalicieuxétiraseslèvres.—Amoinsqu'ilnechercheàcompromettrel'éventualitéd'uneallianceentrel'EnclaveetlesCréatures

Obscures.—Tul'asdit!Simonfitsignedelamainàl'Inquisiteur,quifeignitdenepasl'avoirremarqué.—Arrête,Simon.Onn'estpasvenusicipourrien.ClarytenditlesphotographiesdeSébastienàLuke.—JeteprésenteSébastienVerlac.Levrai.LevisagedeLukes'assombrit. Ilexaminalesphotossansmotdire tandisqueClaryluirépétaitmot

pourmot l'histoired'Aline.Desoncôté,Simonsedandinaitd'unpiedsur l'autreen jetantdes regardamauvaisàAldertree,quimettaitunpointd'honneuràl'ignorer.

—Alors?Est-cequelevraiSébastienressembleàl'imposteur?demandaLuke.—Pasvraiment,réponditClary.LefauxSébastienétaitplusgrand.Et,àmonavis,ilétaitblond.Illes

teignaitforcément;personnen'alescheveuxaussinoirs.«Etaprèslesavoirtouchés,j'avaisdunoirsurlesdoigts»,pensa-t-elle.— Bref,Alineainsistépourquejevousmontrecesphotos,àtoietauxLightwood.Elleapenséque,

s'ilsapprenaientqu'iln'avaitpasdeliendeparentéaveclesPenhallow,alorspeut-être...—Ellenelesapasencoremontréesàsesparentsn'est-cepas?—Non,pasàmaconnaissance.J'aidansl'idéequ'elleestd'abordvenuemetrouver.Ellevoulaitquije

temetteaucourant.Ilparaîtquelesgenst'écoutent.—Quelques-uns,peut-être,concédaLuke.

Iljetauncoupd'œilàl'hommeaubandage.—J'étaisjustemententraindediscuteravecPatrickPenhallow.Valentinétaitsonamiautrefois,etila

peut-être gardé unœil sur la famillePenhallowpar la suite.D'après tes dires,Hodgeprétendait qu'ilavaitdesespionsici.(IlrenditlesphotosàClary.)Malheureusement,lesLightwoodneparticiperontpasauConseilaujourd'hui.LesfunéraillesdeMaxavaientlieucematin.Ilssontsansdouteaucimetière.

Devantl'airdécomposédeClary,ilajouta:—C'étaitunecérémonieintime.Seulelafamilleétaitconviée.«MaisjesuislafamilledeJace»,protestaunepetitevoixdanssatête.Uneautrevoix,plusinsistante

celle-là,luisouffla:«Etilt'aditqu'ilnevoulaitpasdetoiici.ÇavautsansdoutepourlesfunéraillesdeMax.»

— Peut-êtrequetupourraisleurentoucherdeuxmotscesoir,suggéra-t-elle.C'est...c'estunebonnenouvelle,non?QuelquesoitceSébastien,iln'estpasliéàleursamis.

— Ceseraitunemeilleurenouvelleencoresinousconnaissionssavéritableidentité,marmonnaLuke.J'aimeraisbiensavoiraussiquisontlesautresespionsdeValentin.Ilssontforcémentplusieursàs'êtreOccupésdesboucliers.Çanepouvaitêtrefaitquedel'intérieur.

—D'aprèsHodge,ilfautdusangdedémonpourlesneutraliser,intervintSimon.Or,onnepeutpasenintroduiredanslaville.Maisapparemment,Valentinatrouvéunmoyen.

—Quelqu'unapeintuneruneavecdusangdedémonausommetdel'unedestours,expliquaLukeavecun soupir. Preuve que Hodge avait raison. Malheureusement, l'Enclave a toujours eu une confianceaveugleensesboucliers.Maismêmel'énigmelapluscomplexeasasolution.

—C'estaveccegenredetrucqu'onsefaitavoirdanslesjeuxvidéo,observaSimon.AlasecondeoùtuprotègestaforteresseavecunSortilèged'InvincibilitéTotale,quelqu'untrouvelemoyendeladétruire.

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—Simon,marmonnaClary.Laferme.— Iln'estpasloinducompte,admitLuke.Onignorecommentilsontréussiàintroduiredusangde

démonàl'intérieurdelavillesansdéclencherlesboucliers.(Ilhaussalesépaules.)Maispourl'heure,c'est le cadet denos soucis. Ils ont été rétablis,mais nous savonsdéjà qu'ils ne sont pas infaillibles.Valentin pourrait revenir à tout moment avec une armée encore plus puissante, et je doute que noussoyons capables de le repousser. Les Nephilim ne sont pas assez nombreux, et ceux qui restent sontprofondémentdémoralisés.

— Et lesCréaturesObscures? lançaClary.TuasditauConsulque l'Enclavedevait s'en fairedesalliés.

— Jepeux le répéteràMalachietàAldertreesurtous les tons,çanesignifiepasqu'ilsm'écoutent,répliquaLuked'untonlas.S'ilsmelaissentrester,c'estparcequel'Enclaveavotépourqu'onmegardecommeconseilleretquemameuteasauvélapeaudequelques-unsdesesmembres.Maislàencore,çaneveutpasdirequ'ilsveulentplusdeCréaturesObscuresàIdris...Quelqu'unpoussaunhurlement.Amatis se levad'unbondenportant lamainà sabouche, lesyeux rivés sur l'entréede la salle.Un

hommese tenaitsur leseuil,auréoléde la lumièredudehors.Cen'étaitqu'unesilhouette,etClarydutattendrequ'ilaitfaitquelquespasdanslasallepourdistinguersonvisage.C'étaitValentin.Pour une raison obscure, le premier détail qui la frappa fut sa barbe rasée de frais. De ce fait, il

ressemblaitdavantageaujeunehommeencolèrequeluiavaitmontréIthuriel.Ilportaitunecravateetuncostume à rayures très fines impeccablement coupé. En outre, il n'était pas armé. Il aurait pu êtren'importequelpassantdanslesruesdeManhattan.Ilauraitpuêtren'importequelpèreanonyme.Ilneparutpasremarquer laprésencedeClaryetneregardapasdanssadirection.Sesyeuxétaient

fixéssurLuketandisqu'ils'avançaitdansl'alléeétroiteentrelesbancs.«Commentose-t-ilseprésentericisansarmes?»s'étonnaClary.Laréponseàsaquestionnesefit

pasattendre:l'InquisiteurAldertreepoussaunrugissementd'oursblessépuis,s'arrachantàMalachiquiessayaitdeleretenir,ildévalamaladroitementlesmarchesdel'estradeetsejetasurValentin.Ilpassaàtravers le corpsde sonennemicommeuncouteau traversantune feuilledepapier.Celui-ci suivit desyeuxavecunintérêtdétachélepetithommequitrébucha,secognacontreunecolonneets'étalaparterrede tout son long.LeConsul accourut pour l'aider à se relever avec une expressionde dégoût à peinedissimuléeet,l'espaced'uninstant,Clarysedemandasic'étaitValentinouAldertreequifaisaitl'objetdesondédain.Unfaiblemurmureparcourutlasalle.Avecuncouinementulcéré,l'Inquisiteursedébattitcommeunrat

prisaupiège tandisqueMalachi l'escortait fermementpar lebrasenhautde l'estrade,etqueValentintraversait la salle sans leuraccorderun regard.LesChasseursd'Ombresqui s'étaient rassemblésprèsdesbancss'écartèrentcommeleseauxde lamerRougedevantMoïse.Claryfrissonnaen levoyantsedirigerversl'endroitoùellesetenaitavecLukeetSimon.«Cen'estqu'uneprojection,sedit-elle.Iln'estpasvraimentlà.Ilnepeutpastefairedemal.»Acôtéd'elle,Simontremblait,luiaussi.ClaryluipritlamainaumomentoùValentins'arrêtaitaupied

del'estrade.Sonregardseposasurelle,ladétaillatranquillementcommepourprendresesmesures,puispassasurSimonsanslevoirets'arrêtasurLuke.—Lucian.Luke lui rendit son regard sans unmot.C'était la première fois qu'ils se retrouvaient dans lamême

piècedepuislesévénementsdeRenwick,songeaClary.Saufquelorsdeleursprécédentesretrouvailles!Luke était blessé et couvert de sang. A présent, il était plus facile de relever les différences et les

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similitudesentrelesdeuxhommes:Luke,envestedeflanelleetjeanélimé,avaitunebarbedetroisjourset des cheveux grisonnants. Valentin, en costume élégant et hors de prix, avait à peu près conservél'apparencedesesvingt-cinqans,malgrélafroideuretlasévéritédesestraitsdonnantl'impressionque,aufildutempsilsemuaitpeuàpeuenstatuedepierre.—Ilparaîtquel'Enclavet'anommémembreduConseil,déclara-t-il.Jenem'étonneguère,étantdonné

lacorruptionetlamédiocritéquisévissentparmisesrangs,qu'elletolèrelaprésencedebâtardsetdedégénérés.IIs'exprimaitd'untonplacide,voireaffable,sibienqu’onenoubliaitpresquelevenindesesparoles.

SonregardseposasurClary.—Clarissa,tutraînesencoreaveccevampire.Quandleschosesseserontunpeutassées,ilfaudraque

l'onaitunediscussionsérieuseconcernantlechoixdetesanimauxdecompagnie.Ungrognementsourds'échappadelagorgedeSimon.Claryserrafortsamaindanslasienne,maisil

neparutpass'enapercevoir.—Tais-toi,souffla-t-elle.Jet'enprie.MaisValentin ne prêtait déjà plus attention à eux.Après avoir gravi lesmarches de l'estrade, il se

tournapourfairefaceàlafoule.—Tantdevisagesfamiliers!Patrick.Malachi.Amatis.Amatis se tenait immobile, les yeux étincelant de haine. L'Inquisiteur se débattait encore pour se

libérerdelapoignedeMalachi.Valentinleconsidérad'unairamusé.—Tiens, toiaussi tues là,Aldertree. J'aientendudireque tuétais indirectement responsablede la

mortdemonvieilamiHodgeStarkweather.Queldommage!— Tuadmetsdoncquec'est toiquiasdésactivé lesboucliers, lançaLuke, retrouvantenfinsavoix.

C'esttoiquiasenvoyétouscesdémons.—Oui,etjepeuxenenvoyerencore.Mêmelesmembresdel'Enclave,sistupidessoient-ils,devaient

s'yattendre,non?Toi,Lucian,tut'yattendais,n'est-cepas?—Oui.Maismoi,jeteconnais,Valentin.Alors,tuesvenunégocierouteréjouirdetavictoire?—Nil'unnil'autre,réponditValentinenparcourantduregardlafoulesilencieuse.Jen'aipasbesoinde

négocier, ajouta-t-il, et malgré son ton calme, sa voix se répercuta dans la salle comme si elle étaitamplifiée.Etiln'yapaslieudeseréjouir.LamortdetouscesChasseursd'Ombresnemeprocureaucunplaisir;nousnousfaisonsdéjàassezraresdansunmondequiadésespérémentbesoindenous.Maistoutcela,nousledevonsencoreàl'Enclave,etàsesrèglesabsurdesédictéesdansleseulbutd'opprimerlesChasseurs d'Ombres. Je n'ai fait que mon devoir. C'était le seul moyen de me faire entendre. CesChasseursd'Ombresnesontpasmortsparmafaute;ilsontpériparcequel'Enclavem'aignoré.SonregardseposasurAldertree;levisagedel'Inquisiteurétaitlivideetdéformépardestics.—Beaucoupd'entrevousfaisaientpartiedemonCercle,jadis,reprit-il.C'estàvousquejem'adresse

désormais,etàceuxquienavaiententenduparlermaissetenaientàl'écart.Voussouvenez-vousdecequej'avaispréditvoilàquinzeans?AmoinsquenousnousopposionsauxAccords,lacitéd'Alicante,notrebienleplusprécieux,seraitbientôtenvahiepardeshordesdedégénérésvenuspiétinernoschèrestraditions.Commejel'avaispressenti,toutcelas'estproduit.LaGarden'estplusqu'untasdecendres,lePortail a été détruit, nos rues grouillent de monstres. De la racaille à moitié humaine prétend nousimposersaloi.Aussi,mesamis,mesennemis,mesfrèresaunomdel'Ange,jevousledemande:est-cequevousmecroyez,maintenant?EST-CEQUEvousMECROYEZ?Il balaya l'assemblée du regard comme s'il espérait une réponse. Unemer de visagesmédusés lui

faisaitface.CefutLukequirompitlesilence.—Valentin,tunevoisdoncpascequetuasfait?CesAccordsqueturedoutaistantn'ontpasinstauré

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l'égalité entre lesNephilimet lesCréaturesObscures. Ilsnenousontpasdonné ledroit de siéger auConseil.Touteslesvieillesrancœurssonttoujoursdemise.Tuauraisdûcompterlà-dessusmaisçanet'apassuffi,etàprésenttunousoffreslaseulechosesusceptibledenousunir.Unennemicommun.LesjouespâlesdeValentins'empourprèrent.—Jenesuispasl'ennemidesNephilim.L'ennemi,c'esttoi.Tuessaiesdelesentraînerdansuneguerre

perdued'avance.Tucroispeut-êtrequelesdémonsquetuasvussontlesseulsquej'aieàmadisposition?Ilsnereprésententqu'uneinfimepartiedetousceuxquejepeuxinvoquer.

— Nousaussi,noussommesplusnombreuxquetunelepenses.AutantducôtédesNephilimquedesCréaturesObscures.—LesCréaturesObscures?RicanaValentin.Ellesprendrontlafuiteaupremiersignededanger.Les

Nephilimsontnéspoursebattreetpourprotégercemondequihaitlesreprésentantsdetonespèce.Cen'estpassansraisonquel'argentvousbrûle,etquelalumièredujourréduitenpoussièrelesEnfantsdelaNuit.

—Moi,ellenemefaitrien,lançaSimond'unevoixforte,auméprisdesrecommandationsdeClary.—Jet'aivut'étranglerenvoulantprononcerlenomdeDieu,vampire,répliquaValentinenriant.Quant

aufaitquetusupporteslalumièredusoleil..«(Ilsetutetsourit.)Tuesuneexception,peut-être.Maistun'enespasmoinsunmonstre.«Unmonstre. »Clary se souvint des paroles deValentin sur le bateau : « Tamèreme reprochait

d'avoirfaitdesonfilsunmonstre.Elles'estenfuieavantquejepuissefairedemêmeavectoi.»Jace.Laseuleévocationdecenomluiserralecœur.«Aprèstoutcequecethommeafait,ilestlàà

nousparlerdemonstres...»—Leseulmonstreici,c'estvous,cria-t-ellemalgrésarésolutiondegarderlesilence.J'aivuIthuriel,

reprit-ellecommeilladévisageaitd'unairsurpris.Jesaistout...—J'endoute.Sic'étaitlecas,tutiendraistalangue,pourlebiendetonfrèreetletien.«NevenezpasmeparlerdeJace!»eut-elleenviederépliquermais,contretouteattente,uneautre

voixféminines'éleva.—Etmonfrère?Amatiss'avançaaupieddel'estrade,lesyeuxlevésversValentin.Lukesursautaetsecoualatête,mais

elleneprêtapasattentionàlui.Valentinfronçalessourcils.—Quoi,tonfrère?L'interventiond'Amatisleprenaitmanifestementaudépourvu,àmoinsquecenesoitletondedéfiqui

perçaitdanssavoix.Desannéesauparavant,ill'avaitreléguéeparmilesfaiblesincapablesdeluitenirtête.Or,Valentindétestaitêtresurpris.!

—Tum'asditqu'iln'étaitplusmonfrère.Tum'asenlevéStephen.Tuasdétruitmonclan.Ettuprétendsquetun'espasunennemidesNephilim?Tunousastousmontéslesunscontrelesautres,famillescontrefamilles,tuasruinénosviessanslemoindrescrupule.Tudisdétesterl'Enclave,maisc'estpartafautequ'elle estdevenuemesquineetparanoïaque.Nousavionspourhabitudedenous faire confianceentreNephilim.Tuastoutbouleversé.Jenetepardonneraijamaiscela.(Savoixsebrisa.)Àcausedetoi,j'aireniémonfrère.Celanonplus,jenetelepardonneraipas.Pasplusquejemepardonnedel'avoirécouté.

—Amatis...fitLukeenesquissantunpasverssasœurmais,d'ungeste,elleluisignifiades'arrêter.Lesyeuxbrillantdelarmes,ellesetenaitbiendroite,etcefutd'untonfermequ'ellereprit:

— Il futun tempsoùnousétions tousprêtsà t'écouter,Valentin.Etnousavons touscepoids sur laconscience.Mais c'est terminé, tum'entends ?Cette époque est révolue.Y a-t-il quelqu'un dans cettesallequin'estpasdecetavis?Clarylevalatêteetparcourutduregardl'assembléedeChasseursd'Ombres.Elleeutl'impressionde

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contemplerl'ébauchegrossièred'unefoule,avecdestachesblanchesenguisedevisages.EllevitPatrickPenhallow,quiserraitlesdents,l'InquisiteurquitremblaitcommeunebranchefrêleagitéeparleventetMalachi,dontl'expressiondemeuraitimpénétrable.Personnenedisaitmot.Si elle s'attendaitqueValentin s'emportedevant le silencedesNephilim,elle futdéçue.Sonvisage

demeuraimpassible,commes'ilavaitprévuleurréaction.— Trèsbien,déclara-t-il.Sivousrefusezd'entendreraison, jedevraiemployer laforce.Jevousai

déjàmontré que je peuxdésactiver les boucliers qui protègent votre ville. J'ai vu que vous les aviezrétablis,maisc'estpeineperdue.Jepeuxrecommencerquandbonmesemble.Accédezàmesexigencesouvousdevrezaffrontertouslesdémonsquepeutinvoquerl'ÉpéeMortelle.Jeleurordonneraidenepasépargnaunseuld'entrevous,homme,femmeouenfant.Àvousdechoisir.Unmurmureparcourutlasalle.—Tuvasdélibérémentanéantirtonproprepeuple,Valentin?demandaLuke,médusé.—Parfois,lesarbresmaladesdoiventêtreabattuspourpréserverlaforêt.Sitoussontatteints...Ilsetournaverslafoulehorrifiée.— À vous de choisir, répéta-t-il. Je détiens la CoupeMortelle. Si j'y suis obligé, je créerai une

nouvelle racedeChasseursd'Ombres.Cependant, jemedoisdevous laisserunechance.Si l'Enclaverenonceàtoussesprivilègesetacceptedereconnaîtresansconditionmonautorité,jevousépargnerai.Tous lesChasseursd'Ombresdevrontprêterunsermentd'allégeanceetporterune runepermanentedeloyautéàmonégard.Cesontlestermesdemonmarché.Lesilencetombasurlafoule.Amatisportalamainàsabouche;lerestedelapiècesemitàdanser

autourdeClary.« Ilsnepeuventpas se rendre», s'insurgea-t-elle.Maisquel choix leur restait-il ?«Valentin les tient sous sa coupe, pensa-t-elle, résignée, aussi sûrement que Jace et moi sommesprisonniersdecequ'ilafaitdenous.Noussommestousenchaînésàluiparnotrepropresang.»Uneéternitésemblas'écouleravantquelapetitevoixsuraiguëdel'Inquisiteurnerompelesilence.—Tonautorité?s'écria-t-il.Quelleautorité?—Aldertree...LeConsuls'efforçadeleretenirmais,aprèss'êtredégagéd'ungestebrusque,ilseruaversl'estrade,

lesyeuxrévulsés,encriantinlassablementlesmêmesmots,commes'ilavaitperdul'esprit.Ilgravitlesmarchesdel'estradequatreàquatreenbousculantAmatisaupassage,etseplantadevantValentin.Jesuisl'Inquisiteur,compris?L'Inquisiteur!JefaispartieduConseil!C'estmoiquiédictelesrègles,

pas toi ! Je ne te laisserai pas faire, espèce d'arriviste, de crapule à la solde des démons...Avec uneexpression qui trahissait vaguement l'ennui, Valentin tendit le bras comme pour toucher l'épauled'Aldertree, ce qui était a priori impossible dans lamesure où il n'était qu'une projection. Sous l'œilhorrifié de l'assemblée, sa main transperça la peau, la chair et les os de l'Inquisiteur, et disparut àl'intérieurdesacagethoracique.Unesecondeàpeines'écoula,durantlaquellelasalleentièreregarda,bouchebée, lebrasgauchedeValentinenfoncéjusqu'aupoignetdanslapoitrinedupetithomme.Puis,d'unesecousse,iltorditlepoignet,commes'ilessayaitdetournerunboutondeporterécalcitrantL'Inquisiteurpoussauncriettombacommeunepierre.Le bras deValentin étaitmaintenant poissé de sangquimaculait le lainage luxueuxde son costume

jusqu'aucoude.Baissantlamain,ilparcourutduregardlasallerévulséeetsesyeuxs'arrêtèrentsurLuke.— Je vous donne jusqu'à demain soirminuit pour réfléchir àma proposition. J'attendrai avecmon

arméedanslaplainedeBrocelinde.Siàminuit,jen'aipasreçudemessagedel'Enclavem'annonçantsacapitulation,jemarcheraisurAlicante,etcettefoisiln'yaurapasdequartier.Vousavezjusqu'àdemain.Usezdutempsqu'ilresteavecsagesse.

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Et,àcesmots,ildisparut.

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14.LaPremièreNuit

—VOYEZ-VOUSÇA,fitJacesansregarderClary.Il ne lui avait pas accordé un regard depuis qu'elle et Simon avaient franchi la porte de làmaison

qu'occupaientprovisoirementlesLightwood.Appuyéàlabaievitréedusalon,ilcontemplaitlecielquis'assombrissaitàvued'œil.—Jeparsauxfunéraillesdemonpetitfrèreet,paf!Jeratelafête.—Arrête,Jace.Alecétaitavachidansl'undesfauteuilsélimésquifiguraientparmilesraresmeublesdelapièce.La

demeure dégageait cette atmosphère un peu curieuse et inhospitalière qui caractérise les maisonsd'étrangers.Sesmursétaienttapissésdepapierfleuridansdestonspastel,etlemoindreobjetsemblaituséjusqu'àlacorde.Unbocalenverreremplidechocolatstrônaitsurlapetitetableprèsd'Alec;Clary,quimouraitdefaim,enavaitengloutiquelques-unsqu'elleavaittrouvéssecsetdurssousladent.Ellesedemandaquelgenredepersonnesavaitvécuici.«Legenrequitiresarévérenceaumoindredanger»,songea-t-elleavecaigreur.Cesgens-làméritaientqu'onleurprenneleurmaison.

—Quoi?répliquaJace.IlfaisaitassezsombredehorspourqueClaryvoiesonvisagesereflétersurlavitre.Ilportaitlatenue

dedeuildesChasseursd'Ombres:ilsnemettaientpasdenoiràl'occasiondesfunérailles,puisquec'étaitlacouleurarboréesurlechampdebataille.Enpareillecirconstance,leblancétaitdemise,etlavestequ'avaitrevêtueJaceétaitrebrodéederunesrougesauniveauducoletdespoignets.Contrairementauxrunes de combat, qui touchaient à l'agression et à la protection, elles étaient censées apporter duréconfort.Ilportaitaussiauxpoignetsdesbraceletsenmétalfrappésderunesidentiques.Alecétaitluiaussientièrementvêtudeblancaveclesmêmesrunesrougeetorbrodéessurletissudesoncostume.Parcontraste, ses cheveux semblaient d'unnoir de jais.Quant à Jace, il faisait penser àun ange avec seshabitsblancs.Maisunangevengeur.

— Pas lapeinedepasser tesnerfssureux!s'exclamaAlec.En toutcas, tun'asaucuneraisond'envouloiràSimon,ajouta-t-ilavecunemouecontrariée.Clarys'attendaitàunerepartiefurieusedeJace,maisilsecontentaderétorquer:—Clarysaitquejenesuispasencolèrecontreelle.Simon,lescoudesappuyéssurledosd'unfauteuil,levalesyeuxaucieletchangeadesujet:— Cequejenecomprendspas,c'estcommentValentins'yestprispourtuerl'Inquisiteur.Jecroyais

quelesprojectionsétaientinoffensives.—Entempsnormal,oui,expliquaAlec.Cenesontquedesillusions.Del'aircoloré,pourainsidire.— Pascettefois. Ilaenfoncélebrasdanssacagethoraciqueet ila tourné... (Claryfrissonna.)Ily

avaitbeaucoupdesang.—C'estSimonquiadûêtrecontent,ironisaJace.Simonignorasaremarque.—Est-cequ'onadéjàvuunInquisiteurquinesoitpasmortdansd'horriblescirconstances?songea-t-il

touthaut.C'estunpeucommelamalédictiondubatteurdesSpinalTap.Alecsepassalamainsurlevisage.

— C'est fouquemesparentsn'enaientpasété informés!Jenesuispaspresséde leurannoncer lanouvelle.

—Oùsont-ils,aufait?demandaClary.Jelescroyaisàl'étage.

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Alecsecoualatête.— Ilssontencoreà lanécropole. Ilsserecueillentsur la tombedeMax.Ilsvoulaientresterunpeu

seuls.—EtIsabelle?s'enquitSimon.Oùest-elle?

Jaceserembrunit.—Ellerefusedequittersachambre.EllepensequecequiestarrivéàMaxestsafaute.Ellen'amême

pasvouluassisteràlacérémonie.—Vousavezessayédeluiparler?—Non,onluiaflanquédesgifles!Maismerciduconseil.—Jedemandaisçacommeça,protestaSimond'unepetitevoix.—Onluiracontera,pourSébastien,déclaraAlec.Çal'aiderapeut-êtreàsesentirmieux.Ellerépète

sansarrêtqu'elleauraitdûseméfierdecetype,mainsic'étaitunespion...Alechaussalesépaulesetreprit:—Personnen'arienremarqué.PasmêmelesPenhallow.—Jevousavaisbienditquec'étaituntocard.—Oui,maisc'estparceque...Alecs'interrompitets'enfonçadanssonfauteuil.Ilparaissaitépuisé:sapeausedétachait,grise,surla

blancheurimmaculéedesesvêtements.—Peuimporte.Unefoisqu'ellesauracequemijoteValentin,jenevoispascequipourraitluiremonter

lemoral.— Est-cequ'ilvavraimentleverunearméededémonscontrelesNephilim?songeaClarytouthaut.

C'estencoreunChasseurd'Ombres,toutdemême!Ilnepeutpasanéantirsonproprepeuple.— Nous sommes ses enfants, et ça ne l'a pas empêché de nous nuire, observa Jace en plantant son

regarddanslesien.Alorscommentveux-tuqu'ilsesouciedesonpeuple?Aleçlesdévisageatouràtour,etClarycompritàsonairahurietdésemparéqueJaceneluiavaitpas

encoreparléd'Ithuriel.—Entoutcas,onaaumoinsrésoluuneénigme,repritJacesansaccorderunregardàAlec.Magnusa

essayéd'utiliserunerunedefilaturesurlesaffairesqueSébastienalaisséesdanssachambre.Or,iln'arécoltéaucunindiceaveccequenousluiavonsdonné.Rien.

—Qu'est-cequeçasignifie?— Que ces affaires appartiennent au véritable Sébastien Verlac. Le faux Sébastien les lui a

probablementVolées.EtsiMagnusn'entireriendutout,c'estparcequelevraiSébastien...— Estmort,conclutAlec.EtleSébastienqu'onconnaîtestbientropmalinpourlaisserderrièreluile

moindreobjetsusceptibledenousaideràretrouversa trace.Onnepeutpastraquerquelqu'unaveclepremiertrucquinoustombesouslamain.Ilfautquecesoituneffetpersonnel:unhéritagedefamille,unestèle,unebrosseavecdescheveuxdelapersonnerecherchée...

—Dommage,ditJace.Sionavaitpulesuivre,ilnousauraitsansdoutemenéstoutdroitàValentin.Jesuiscertainqu'iladûseprécipiterventreàterrechezsonmaîtrepourluirendreunrapportComplet.Illuiapeut-êtreracontélathéorietorduedeHodgeausujetdulac-miroir.

—Cen'estpeut-êtrepassitorduqueçaobjectaAlec.Ilsontpostédesgardessurlesroutesmenantaulac,etinstallédesboucliersquilesavertirontsiquelqu'unsetéléportedanslesparages.

—Super!Jemesensbeaucoupplusensécuritémaintenant.—Ceque jenecomprendspas,marmonnaSimon,c'estpourquoiSébastienest restéaussi longtemps

danslecoin.AprèsavoirtuéMax,ilrisquaitdesefaireprendre;ilnepouvaitplusjouerlacomédie.Même s'il croyait s'être débarrassé d'Isabelle alors qu'il l'avait juste assommée, comment allait-il

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expliquerqu'ils'enétaitsortiindemne?Ilauraitfiniparêtrearrêté.Alors,pourquoiêtrerestéjusqu'àlafindelabataille?Pourquoiest-ilvenumechercheràlaGarde?Jesuisàpeuprèssûrqu'ilsefichaitpasmaldemonsort.

—Enfait,jecroisqu'ilestrestépourmoi,annonçaClary.LesyeuxdeJaceétincelèrent.—Pourtoi?Ilespéraitobtenirunautrerendez-voustorride,tuveuxdire?Clarysesentitrougir.—Non.Etçan'avaitriendetorride.D'ailleurs,cen'étaitmêmepasunrendez-vous.Bref,làn'estpasla

question.Quand il est venume trouver dans la Salle desAccords, il a tenté par tous lesmoyens dem'entrainer dehors sous prétexte de discuter tranquillement. Il avait une idée derrière la tête. J'ignorelaquelle.?

—Peut-êtrequec'étaitvraimenttoiqu'ilvoulait.DevantlamineexaspéréedeClary,ilajouta:—Non,cen'estpascequetucrois.Ilcherchaitpeut-êtreàteconduireauprèsdeValentin.—Valentinsesouciedemoicommed'uneguigne.Ç'atoujoursététoiquil'intéressais.LeregarddeJaces'assombrit.— C'estcommeçaquetuvoisleschoses?lâcha-t-ild'untonglacial.Aprèscequis'estpassésurle

bateau,c'esttoiquil'intéresses.Cequisignifiequetuvasdevoirêtretrèsprudente.Avraidire,ceseraitunebonneidéedenepassortirdanslesjoursquiviennent.Tun'aurasqu'àt'enfermerdanstachambrecommeIsabelle.

—C'esthorsdequestion.—Jem'enseraisdouté.Tunecherchesqu'àmepourrirlavie,pasvrai?—Toutnetournepasautourdetoi,Jace,répliquaClaryaveccolère.—Peut-être,maistudoisreconnaîtrequec'esttrèssouventlecas.Claryréprimal'enviedehurler.— PourenreveniràIsabelle,intervintSimonaprèss’êtreraclélagorge,jedevraispeut-êtreallerlui

parler.— Toi ? s'exclamaAlec. (Puis un peu gêné par sa réaction, il s'empressa d'ajouter :)C'est juste...

qu'ellerefusemêmed'ouvriràsaproprefamille.Pourquoielleaccepteraitdetevoir,toi?—Peut-êtreparceque,justement,jenefaispaspartiedesafamille,suggéraSimon.Il se tenait debout au milieu de la pièce, les mains dans les poches. Plus tôt dans la journée, en

s'asseyant à côté de lui, Clary avait remarqué les cicatrices blanches au niveau de son cou et de sespoignets, vestiges des blessures que lui avait infligées Valentin. Sa rencontre avec les Chasseursd'Ombres l'avait transformé, et pas seulement en apparence. Il avait profondément changé. Il se tenaitdroit,latêtehaute,etaccueillaitlesremarquesdeJaceetd'Alecavecdétachement.LeSimonquijadislescraignaitouétaitmalàl'aiseenleurprésencen'étaitplus.Soncœurseserra,etelles'aperçutavecétonnementqueceSimon-làluimanquait.—Jecroisquejevaisallerluiparler,annonça-t-il.Çanecoûteriend'essayer.— Maislanuitvabientôttomber,protestaClary.OnapromisàLukeetàAmatisderentreravantle

coucherdusoleil.—Jeteraccompagnerai,proposaJace.QuantàSimon,ilsauraretrouversonchemindanslenoir,Pas

vrai,Simon?— Évidemment!s'écriaAleccommes'ilcherchaitàs'amenderdesaréactiondésobligeante.C'estun

vampire...Etjeviensdecomprendrequetuplaisantais,ajouta-t-il.Nefaitespasattentionàmoi.Simonsourit.Claryouvritlabouchepourprotesterdenouveau,puisseravisa,sansdouteàcausedu

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regardqueposaJacesurSimon: il trahissait l'amusementmaisaussi lagratitudeetpeut-êtremêmelerespect.Au grand dam de Clary, le nouveau logement des Lightwood n'était pas très éloigné de la maison

d'Amatis.Elleneparvenaitpasàsedébarrasserdel'idéequechaqueinstantpasséencompagniedeJaceétaitprécieux,etqu'unjourprochain,ilsseraientséparésàjamais.Elle l'observaducoinde l'œil. Il regardaitdroitdevant luisanssepréoccuperd'elle.Sonprofilse

détachait sur la lumièredes réverbères.Ses cheveuxbouclaient sur sa tempe,dissimulant enpartie lacicatrice blanche d'une Marque. L'anneau des Morgenstern, pendu à une chaîne encerclant son cou,étincelaitdanslenoir.Lesdoigtsdesamaingaucheétaientcouvertsd'égratignures:ilcicatrisaitcommeunTerrestre,conformémentauxexigencesd'Alec.Ellefrissonna.—Tuasfroid?demanda-t-ilensetournantverselle.— Je réfléchissais.Jem'étonnequeValentins'ensoitprisà l'Inquisiteurplutôtqu'àLuke.C'étaitun

Chasseurd'Ombres,etLuke...LukeestuneCréatureObscure.SanscompterqueValentinlehait.—Oui,maisd'unecertainemanière,illerespectemalgrésanature.ClaryseremémoraleregardqueJaceavaitlancéàSimonunpeuplustôt,etchassacettepenséede

sonesprit.ElledétestaitcomparerJaceàValentin,mêmelorsqu'ils'agissaitd'undétailaussiinsignifiantqu'unregard.

— Lukeessaiedeconvaincrel'Enclavedepenserdifféremment,poursuivitJace.C'estexactementceque Valentin essaie de faire, même si son but est différent. Luke est un iconoclaste ; il prône lechangement.AuxyeuxdeValentin,l'Inquisiteurincarnaitlavieillegardeétriquéequ'ildétestetant.

—EtpuisLukeetValentinétaientamisautrefois;ajoutaClary.— LesMarquesdecequin'estplus,déclaraJaceet,autonmoqueurdesavoix,Clarycompritqu'il

s'agissait d'une citation.Malheureusement, on est souvent plus enclin à haïr ceux qu'on a aimés jadis.ValentinréservesansdouteunsortparticulieràLuke,unefoisqu'ilauraremportésavictoire.

—Maisilnegagnerapas,objectaClary.(EtcommeJacenerépondaitrien,ellerepritd'unevoixforte:) Ilnepeutpasgagner. Ilnevapasentrer enguerre contre lesChasseursd'OmbresET les CréaturesObscures...

—Qu'est-cequitefaitpenserqu'ilsaccepterontdesebattreensemble?rétorquaJace,toujourssanslaregarder.Ilslongeaientlecanalàprésent,etilgardaitlesyeuxfixéssurl'eau,leslèvresserrées.—C'estLukequit'aconvaincue?Lukeestunidéaliste.—Etc'estmal?—Non.Maiscen'estpasmoncas.LavoixatonedeJaceglaçalesangdeClary,«Désespoir,colère,haine.Cesontlescaractéristiques

desdémons.Ilsecomporteconformémentàcequ'ilcroitêtre.»Ils étaient arrivésdevant lamaisond'Amatis ;Clary s'arrêta aupieddesmarches et se tournavers

Jace.—Peut-être,maistun'espasnonpluscommelui.SaremarquefitsursauterJace,àmoinsquecenesoitletondéfinitifdesavoix.Pourlapremièrefois

depuisqu'ilsavaientquittélamaisondesLightwood,ilposalesyeuxsurelle.—Clary...(Ils'interrompit.)Ilyadusangsurtamanche.Tut'esblessée?Ils'approchad'elle,retournasonpoignetdanssamain.Baissantlesyeux,Claryconstataavecsurpris

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qu'ildisaitvrai:ilyavaitunetacheécarlatesurlamanchedroitedesonmanteau.Elles'étonnaqu'ellesoitencoreaussirouge.Lesangn'était-ilpascensénoircirenséchant?Ellefronçalessourcils.

—Cesangn'estpaslemien.Jacesedétenditunpeu.—C'estceluidel'Inquisiteur?Ellesecoualatête.—Non,jecroisquec'estlesangdeSébastien.—Quoi?— Oui...Quandilestvenul'autresoir,souviens-toi,ilsaignaitauvisage.Isabelleavaitdûlegriffer...

Bref,j'aitouchésonvisageetjemesuismisdusangsurlamanche.Jecroyaisqu'Amatisavaitlavémonmanteau,ajouta-t-elleenexaminantlatachedeplusprès.Maisapparemment,elleaoublié.Jacegardasonpoignetdanssamainunlongmomentavantdelelâcher,visiblementsatisfait.—Merci.Elleluilançaunregardinterrogateurpuissecoualatête.—Tunevaspasm'expliquercequetuasderrièrelatête,hein?—C'esthorsdequestion.Ellelevalesbrasauciel.—Jerentre.Aplustard.Ellegravitlesmarchesduperrond'Amatis,sanssedouterqu'àlasecondeoùelledétournaitlatête,

le sourire de Jace s'évanouit ; il resta un longmoment immobile dans les ténèbres une fois la porterefermée,laguettantàsafenêtre,unboutdefilentortilléautourdesdoigts.

—Isabelle,appelaSimon.Ilavaitessayéplusieursportesmaisenl'entendantcrier:«Va-t'en!»àtraverslebattant,ilcomprit

qu'ilavaitfaitlebonchoix.—Isabelle,laisse-moientrer.Ilentenditunbruitsourdetlaportetremblasursesgonds,commesiIsabellevenaitdejeterunobjet

contrelebattant.Unechaussure,probablement.—Jen'aipasenviedevousparler,niàtoiniàClary.Jeneveuxvoirpersonne.Laisse-moitranquille,

Simon.—Claryn'estpaslà.Etjenepartiraipastantquetunem'auraspasouvert.—Alec!braillaIsabelle.Jace!Fichez-ledehors!Simonattendit.Aucunbruitneluiparvenaitdurez-de-chaussée.SoitAlecétaitparti,soitilsefaisait

discret.—Ilsnesontpaslà,Isabelle.Iln'yaquemoi.Un moment s'écoula avant qu'elle reprenne la parole. Cette fois, sa voix semblait beaucoup plus

proche,commesielleavaitcollél'oreillecontrelaporte.—Tuesseul?'—Oui.Laportes'entrouvrit.Isabelleapparutsur leseuil,vêtued'unecombinaisonnoire,seslongscheveux

ébouriffés.Simonnel'avaitjamaisvueaussinégligée:piedsnus,dépeignée,sansmaquillage.—Tupeuxentrer.Elles'effaçapourlelaisserpasser.Danslalumièreducouloir,ilconstataquelapièce,pourreprendre

laformuledesamère,avaitl'aird'avoiressuyéunetornade.Desvêtementsétaientéparpilléssurlesol

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prèsd'unsacdesportouvert.Lefouetscintillantd'Isabelleétaitnouéàunmontantdu lit ;unsoutien-gorgeendentelleblancheétaitpenduàunautre.Simonajustasesyeuxàl'obscurité.Lesrideauxétaienttirés,leslampeséteintes.Isabelles'assitauborddulitetleconsidérad'unairnarquois.—Unvampirequirougit.Onauratoutvu!(Ellerelevalementon.)Bon,jet'ailaisséentrer.Qu'est-ce

quetuveux?Malgrésaminefurieuse,Simonluitrouval'airplusjeunequed'habitude.Sesyeuxnoirsressortaient,

immenses,sursonvisagepâleetfatigué.Ilobservalescicatricesblanchesquistriaientlapeauclairedeses bras nus, de son dos, de sa clavicule, et même de ses jambes. « Si Clary reste une Chasseused'Ombres,unjourellesera,elleaussi,couvertedecicatrices»,songea-t-il.Cettepenséelechagrinaitmoinsqueparlepassé.C'étaitpeut-êtrelafaçonqu'Isabelleavaitd'arborerlessiennesavecfierté.Elletenaitàlamainunpetitobjetquibrillaitfaiblementdanslapénombre.Simoncrutd'abordqu'il

s'agissaitd'unbijou.—CequiestarrivéàMax,cen'estpastafaute,dit-il.Isabellebaissalesyeuxsurl'objetqu'elleretournaitsanscesseentresesdoigts.—Tusaiscequec'est?lança-t-elleenleluimontrant.Celaressemblaitàunpetitsoldatdebois.Enyregardantdeplusprès,Simons'aperçutqu'ils'agissait

d'unChasseurd'Ombresminiatureentenuedecombat.Lachosequibrillait,c'étaitlapetiteépéepeintequ'ilbrandissait;lapeintures'étaitunpeuécailléeavecletemps.

— IlappartenaitàJace,expliqua-t-ellesansattendrederéponse.C'estleseuljouetqu'ilavaitensapossession en arrivant d'Idris. Je ne sais pas, il en avait peut-être d'autres, là-bas. Je crois qu'il l'afabriquélui-même,maisiln'yajamaisfaitallusion.Ill'emmenaitpartoutavecluiquandilétaitenfantill'avaittoujoursdanssapoche.Unjour,jemesuisaperçuequec'étaitMaxquil'avait.Jacedevaitavoirtreizeans.Ilavaitdûl'offriràMaxparcequ'ilsetrouvaittropvieuxpourça.Bref,Maxleserraitdanssamainquandonl'atrouvé.Onauraitditqu'ils'agrippaitàcejouetquandSébastien...Ellesetutetfituneffortmanifestepournepasfondreenlarmes,labouchedéforméeparunegrimace.—J'auraisdûêtrelàpourleprotéger.C'estàmoiqu'ilauraitdûs'accrocher,etpasàunvulgairejouet

enbois.Ellejetalafigurinesurlelit,lesyeuxbrillants.—Tuétaisdanslesvapes,objectaSimon.Tuasfailliylaissertapeau,Isa.Tun'auraisrienpufaire.Isabellesecouasatignasseemmêlée.—Qu'est-cequetuensais?répliqua-t-elled'untonféroce.Lesoirdesamort,Maxestvenunousdire

qu'ilavaitvuquelqu'unescaladerunedestours,etmoijel'airenvoyédanssachambre.Ilavaitraison.Jepariequec'estcetteorduredeSébastienquiétaitallédésactiverlesboucliers.Ill'atuépournepasqu'ilraconte ce qu'il avait vu. Si j'avais pris une seconde - rien qu'une seconde - pour l'écouter, il seraitencoreenvie.

—Tunepouvaispassavoir.QuantàSébastien,cen'estpaslecousindesPenhallow.Ilabernétoutlemonde.Isabelleneparutpasétonnée.—Jesuisaucourant.Jet'aientendudiscuteravecAlecetJacedepuisl'escalier.—Tunousépiais?Ellehaussalesépaules.—Jusqu'àcequetumanifestestonintentiondemontermeparler.Jesuisretournéem'enfermerdansma

chambre.Jen'avaispasenviedetevoir.Elleluijetaunregardencoin.

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—Jedoisaumoinst'accorderça:tunerenoncespasfacilement.Simonfitunpasdanssadirection.— Quandmon père est mort, je savais que ce n'était pas ma faute, mais je passais mon temps à

ressassertoutcequej'auraisdûfaireoudiredesonvivant.—Ouais,ehbienlà,c'estmafaute.J'auraisdûl'écouter.Etsijepeuxencorefairequelquechosepour

lui,c'estretrouvercetteorduredeSébastienetletuerdemespropresmains.—Jenesuispassûrqueçat'aiderait...—Qu'est-cequetuensais?Tuastuélemeurtrierdetonpère,toi?—Ilestmortd'unecrisecardiaque.—Alorstuparlessanssavoir.Isabelleplantasonregarddanslesien.—Viensici.—Quoi?D'ungesteimpérieux,elleluifitsigned'approcher.Ilobéitàcontrecœur.L'agrippantparledevantde

son tee-shirt, elle l'attira contre elle. Leurs visages étaient à quelques centimètres l'un de l'autre ; ildistinguaitlestracesqu'avaientlaisséesseslarmesenséchant.

—Tusaisdequoij'auraisvraimentbesoin,là?dit-elleendétachantchaquesyllabe.Euh...non.—Dedistraction.Etàcesmots,ellelepoussasurlelit.Ilatterritsurledosparmiuntasdevêtements.—Isabelle,protesta-t-ilfaiblement,tucroisvraimentqueçavat'aideràtesentirmieux?— Crois-moi, répliqua-t-elle en posant lamain sur son torse, juste en dessous de son cœur qui ne

battaitplus.Jemesensdéjàbeaucoupmieux.

Claryétaitallongéesursonlit,lesyeuxfixéssurunrayondelunequisereflétaitsurleplafond.Elle

avaitencorelesnerfsàvifaprèslesévénementsdelajournéeetnetrouvaitpaslesommeil.LefaitqueSimonnesoitpasrentrén'arrangeaitrien.Aprèsledîner,elleavaitfaitpartdesesinquiétudesàLuke.Aprèsavoirenfiléunmanteau,ils'étaitrenduchezlesLightwood.Asonretour,unsourireamuséflottaitsurseslèvres.

—Simonvabien,Clary.Vatecoucher.Puis il était reparti avec Amatis assister à l'une de leurs réunions interminables dans la Salle des

Accords.Clarys'étaitdemandés'ilsavaientlavélesangdel'Inquisiteur.Commeellen'avaitriend'autreàfaire,elles'étaitdécidéeàsemettreaulit,maislesommeilnevenait

pas.EllerevoyaitsanscesseValentinarracherlecœurdel'Inquisiteur.«Tudevraistenirtalangue.Pourlebiende ton frère et le tien», lui avait-il dit.Mais surtout, c'étaient les secretsque lui avait révélésIthurièlqui la taraudaient.Pourcouronner le tout, ellevivaitenpermanencedans lapeurquesamèremeure.OuétaitpasséMagnus?Soudain, les rideaux bougèrent et un rayonde lune éclaira la pièce.Clary se redressa brusquement

danssonlitetcherchaàtâtonslepoignardséraphiquequ'ellegardaitsursatabledenuit.—Net'inquiètepas,c'estmoi.Unemainfamilière,fineetcouvertedecicatrices,vîntseposersurlasienne.—Jace!Qu'est-cequetufaisici?Quelquechosenevapas?Ilgardalesilencependantquelquesinstantset,sesentantrougir,Claryserrasesdrapsautourd'elle:

elleneportaitpourtoutvêtementqu'unbasdepyjamaetunmincecaraco.Puis,voyantl'expressiondesonvisage,sagênesedissipa.

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—Jace?Tuvasbien?'Immobileprèsdulitdanssesvêtementsdedeuilblancs,ill'observaitd'unairgrave.Ilétaittrèspâle

etilavaitlesyeuxcernés.— Jenesaispastrop,répondit-ild'untonhébété,commes'ilvenaitdes'éveillerd'unrêve.Jen'avais

pas prévude venir. J'aimarché toute la nuit, je ne pouvais pas fermer l'œil etmes pasm'ont conduitjusqu'àtoi.

—Qu'est-cequit'empêchededormir?Ilestarrivéquelquechose?Lesmotsavaientàpeinefranchiseslèvresqu'ellesesentitbête:quellequestion!MaisJacesemblait

nepasl'avoirentendue.—Ilfallaitquejetevoie,dit-ilcommepourlui-même.Jesaisquejen'auraispasdûvenir.Maisille

fallait.— Ehbien,assieds-toi,alors,lança-t-elleenrepliantlesjambespourluiménagerunpeudeplaceau

borddulit.Tum'asfaitunedecespeurs!Tuessûrqu'iln'yarien?—Jen'aipasditça.Il s'assit sur le lit, faceàelle. Ilétait siprèsqu'ellen'avaitqu'àsepencherpour l'embrasser...Son

cœurseserra.—Desmauvaisesnouvelles?— Non, riendeneuf.C'estmême tout le contraire.C'estquelquechoseque j'ai toujours suet... toi

aussi,probablement.Dieusaitquejen'aipasréussiàlecacher.Ilscrutasonvisagecommepourlemémoriserai—Cequis'estpassé...(Ilsetut,paruthésiter.)…C'estquej'aicomprisquelquechose.— Jace,murmura-t-elleetsoudain,sanssavoirpourquoi,elleeutpeurdecequiallaitsuivre.Jace,tu

n'espasobligéde…J'essayaisd'aller...quelquepart.Maismespasmeconduisaienttoujoursici.Jenepouvais plusm'arrêter demarcher, de penser à la première fois où je t'ai vue.Après, je n'ai pas put'oublier.J'avaisbeaufaire,c'étaitplusfortquemoi.J'aiinsistéauprèsdeHodgepourquecesoitmoiquiteramèneàl'Institut.Etdanscecaféminable,quandjet'aivueassiseàcôtédeSimon,jemesuisditquec'étaitmoiquiauraisdûêtreàsaplaceettefairerirecommeça.Jen’arrivaispasàm'ôtercetteidéede la tête : ç'aurait dû êtremoi. Plus j'apprenais à te connaître, plus j'en étais convaincu. Je n'avaisjamaisrienressentidetelauparavant.Unefillemeplaisait,onfaisaitconnaissanceetpuisjemelassais.Alorsqu'avectoi,messentimentsnechangeaientpas,aucontraire,jusqu'àcettefameusenuitàRenwickoùj'aisu.Enapprenantquetuétaismasœur,j'aipenséqueledestinsefichaitdemoi.C'étaitcommesiDieumecrachaitdessus.Pourquoi,jen'ensaisrien.Pouravoircruquejeméritaisd'êtreheureux,peut-être.Jenecomprenaispuscequej'avaispufairepourêtrepuniàcepoint.

— Moiaussi,jemesuissentiepunie.J'éprouvelamêmechosequetoi,maisc'estimpossible...Ilfautqu'onsefasseuneraison,c'estnotreseulechanced'êtreensemble.Jeneveuxpasquetusortesdemavie.Unfrère,c'estmieuxquerien.

— Etjeseraicenséresterlesbrascroiséslejouroùturencontrerasquelqu'un,oùtutemarieras...?J'encrèveraiàpetitfeu!

— Non.Unjour,tun'ensouffrirasplus,objecta-t-elletoutensedemandantsiellepourraitsupportercetteidée.Ellenes'étaitpasprojetéeaussiloinquelui,etquandelles'efforçaitdel'imaginertomberamoureux

d'uneautre,enépouseruneautre,ellenevoyaitrienqu'untunnels'étendantàl'infinidevantelle.—Jet'enprie.Ilsuffiraitdeneriendire,defairesemblant...—Iln'yapasdesemblantquitienne,répliquaJaced'untondéfinitif.Jet'aime,etjet'aimeraitoujours.— Claryretintsonsouffle.Ilavaitfiniparlesdire,cesmotsquines'effaçaientpas.Ellecherchaune

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réponse,maisriennevint.Jesaiscequetupenses,reprit-il.Tut'imaginequejeveuxêtreavectoipour...pourme prouver que je suis unmonstre. C'est peut-être le cas, je n'en sais rien.Mais une chose estcertaine:mêmesidusangdémoniaquecouledansmesveines,jenepourraispast'aimerdelasortes'ilnemerestaitpasuneparcelled'humanité.Lesdémons,eux,n'aimentpas.Alorsquemoi...Ilselevabrusquementetallaàlafenêtre.IlsemblaitaussiperduquedanslaGrandeSalle,quandil

s'étaitpenchéau-dessusducorpsdeMax.—Jace ? fit Clary, inquiète, et comme il ne répondait pas, elle se leva à son tour, le rejoignit à la

fenêtre,posalamainsursonbras.Qu'est-cequinevapas?Ilcontinuaàregarderau-dehors.Deuxsilhouettesfantomatiques,cellesd'ungrandgarçonetd'unefille

menuequisecramponnaitàsamanche,sereflétaientsurlavitre.— Je n'aurais pas dû te dire ça. Je suis désolé. Je suis peut-être allé trop loin. Tu semblais si...

bouleversée.Savoixétaittendueàl'extrême.—Oui,c'estvrai.J'aipassécesquelquesderniersjoursàmedemandersitumehaïssais.Etcesoir,en

tevoyant,j'enétaisarrivéeàlaconclusionquec'étaitbienlecas.—Moi,tehaïr?répéta-t-il,médusé.Ilsepenchapoureffleurersonvisageduboutdesdoigts.—Jetel'aidit,jen'arrivaispasàdormir.Demainsoir,àminuit,nousseronssoitenguerresoitsousla

domination deValentin.C'est peut-être la dernière nuit de notre existence.Dumoins, la dernière nuitnormaleoùnouspourrionsdormiretnousleverlematincommed'habitude.Etmoi,jenepensaisqu'àunechose,lapasseravectoi.LecœurdeClarys'arrêta.—Jace...—Cen'estpascequetucrois.Jenevaispastetoucher,àmoinsquetuleveuilles.Jesaisquec'est

mal,maisjeveuxjustem'endormiretmeréveilleràtescôtés,uneseulefoisdansmavie.Justecettenuit.Danslegrandordredel'univers,cen'estqu'unebroutille,non?«Penseaumatin,songea-t-elle.Pensequeceseradixfoispiredejouerlacomédiedevantlesautressi

onpasselanuitensemble,mêmesic'estpourdormir.C'estcommeprendreuntoutpetitpeudedrogue;aufinal,çanesertqu'àenvouloirplus.»Pourtant,enfindecompte,quoiqu'ilsfassent,çanepouvaitpasêtrepirenimieux.Cequ'iléprouvait

pourelleétaitdéfinitif;pouvait-elleprétendrequ'iln'enallaitpasdemêmedesoncôté?Etmêmesielleespéraitque le temps, la raisonouune lassitudeprogressiveviendraientàboutdesessentimentspourJace,encemomentellenedésiraitriendeplusaumondequecettenuitaveclui.

—Fermelesrideauxavantdetecoucher.Jenepeuxpasdormiravecdelalumièredanslapièce.L'incrédulité se peignit sur le visage de Jace. Elle comprit, étonnée, qu'il ne s'attendait pas qu'elle

accepte.Illaserradanssesbrasenenfouissantlevisagedanssescheveux.—Clary…—Vienstecoucher,dit-elledoucement.Ilesttard.Et, s'écartant de lui, elle se remit au lit en rabattant les couvertures sur elle. En le regardant, elle

pouvaitpresquelesimaginertousdeuxdesannéesplustard,silasituationavaitétédifférente,ensembledepuissilongtempsqu'ilsrépéteraientlamêmescènetouslessoirs.Quechaquenuitleurappartiendrait.Lementondanslamain,ellel'observatandisqu'ilfermaitlesrideauxetôtaitsavesteblancheavantdelasuspendre au dos d'une chaise. Il portait un tee-shirt gris pale en dessous, et les Marques quis'entrelaçaientsursesbrasnusbrillèrentfaiblementdanslapénombrecommeildétachaitsaceintureetl'abandonnaitparterre.Aprèsavoirdélacésesbottes,ilvints'allongeràcôtédeClaryavecdesgestes

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précautionneux.Danslafaibleclartéquifiltraitàtraverslesrideaux,ellenedistinguaitquelescontoursdesonvisageetl'éclatdesesyeux.

—Bonnenuit,Clary,murmura-t-il.Lesmainsplaquéeslelongducorps,ilrespiraitàpeine.Glissantlamainsousledrap,elleeffleurala

sienne. Jace se raidit à côté d'elle puis se détendit, et ferma les yeux tandis qu'un sourire étirait seslèvres.Ellesedemandaàquoiilressembleraitaumatin-lescheveuxébouriffés,lespaupièresencorelourdesdesommeil-etcettepenséeluiréchauffalecœur.

—Bonnenuit,chuchota-t-elle.Et,lamaindanslamaintelslesenfantsd'uncontedefées,ilss'endormirentcôteàcôtedanslenoir.

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15.DeMalEnPis

LukeAVAIT PASSÉ la plus grande partie de la nuit dans la Salle desAccords à observer la lune quiprogressaitdanslecielau-delàdelaverrière,telleunepièced'argentroulantsurunetableenverre.Unefoisqu'elleeutatteintsonapogée,ilsentitsavueetsonodorats'aiguiseralorsmêmequ'ilavaitconservésaformehumaine.Aprésent,parexemple, il flairait lasuspiciondans lasalle,mêléeàdesrelentsdepeur. Il ressentait l'inquiétude permanente tenaillant les loups de sa meute, restée dans la forêt deBrocelinde,quifaisaientlescentpassouslesarbresdansl'attentedesesnouvelles.Lavoixperçanted'Amatisletiradesarêverie.—Lucian!Au prix d'un effort, Luke reporta son attention sur la situation présente.Un petit groupe hétéroclite

s'étaitrassemblépourécoutersonplan.Ilsétaientmoinsnombreuxquecequ'ilavaitespéré.Lamoitiéd'entreeuxétaientdevieillesconnaissances : lesPenhallow, lesLightwood, lesRavenscar.Quantauxautres,ilvenaitdelesrencontrer,qu'ils'agissedesMonteverdoquidirigeaientl'InstitutdeLisbonneets'exprimaientmoitiéenanglaismoitiéenportugais,oudeNasreenChaudhury,laresponsablepeuamènede l'Institut de Bombay. Son sari vert sombre était rebrodé de runes argentées si brillantes que Luketressaillaitchaquefoisqu'elles'approchaittropprèsdelui.

—Franchement,Lucian!s'exclamaMaryseLightwood.Lechagrinetl'épuisementavaientcreusélestraitsdesonpetitvisageblême.Lukenes'attendaitpas

qu'elleetsonmarisoientprésents,maisilsavaientacceptédevenirdèsqu'illeuravaitfaitpartdesonprojet.Illeurétaitreconnaissantd'êtrelà,mêmesilapeinerendaitMaryseplusirritablequed'ordinaire.

—C'esttoiquinousasréunisici.Lemoinsquetupuissesfaire,c'estd'êtreattentif.—Ilnousécoute.Amatis était assise en tailleur, dans une posture de jeune fille, mais son visage était celui de la

détermination.—Cen'estpassafautesiontourneenronddepuisuneheure.—Etoncontinueraàtâtonnerjusqu'àcequ'onsoitparvenusàunesolution,déclaraPatrickPenhallow

d'unevoixtendue.—Avectoutlerespectquejevousdois,Patrick,iln'existepeut-êtrepasdesolutionànotreproblème

intervintNasreen.Toutcequenouspouvonsespérer,c'estunplan.—Unplanquin'aboutisseniàl'assujettissementdenotrepeupleni...s'emportaJia,l'épousedePatrick,

avantdesemordrelalèvre.Comme sa filleAline, qui lui ressemblait beaucoup, Jia étaitmince et jolie.Luke se souvenait que

Patrickavait fui àPékinpour l'épouser.Sondépart avait causéunénorme scandale, car il était censéconvoleravecunejeunefillequesesparentsluiavaientchoisieàIdris.MaisPatrickn'avaitjamaisaiméqu'onluidictesaconduite,etLukelerespectaitpourcela.

— NiàuneallianceaveclesCréaturesObscures?lançaLuke.J'aibienpeurqu'iln'yaitpasd'autrealternative.

—Cen'estpasleproblème,ettulesais,répliquaMaryse.C'estcettehistoiredesiègesauConseilquinouspréoccupe.L'Enclaven'yconsentirajamais.Quatresièges...

— Non,pasquatre.Unpourchacundenous:lePetitPeuple,lesEnfantsdelaLuneetlesEnfantsdeLilith.

— Lesfées,leslycanthropesetlessorciers,résumalesenhorMonteverdedesavoixdouce.Etqu'en

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est-ildesvampires?— Ilsnem'ontrienpromis,admitLuke.Etjeneleurairienfaitmiroiternonplus.Ilsnemesemblent

paspressésderejoindreleConseil;ilsn'aimentpasbeaucoupmonpeuple,etnesontpasnonplustrèsadeptesdesrèglesetdesréunions.Maislaporteresteouvertes'ilsdevaientchangerd'avis.

— Malachietsacliqueneseront jamaisd'accord,etnousn'auronsprobablementpasassezdevoixsansleurappui,marmonnaPatrick.Enoutre,sanslesvampires,nousn'avonsaucunechance

— Détrompe-toi ! s'écriaAmatis,qui semblaitencoreplusconvaincuepar leplandeLukeque lui-même. Il y a beaucoup de Créatures Obscures prêtes à se battre à nos côtés. Elles feront des alliéspuissants.Rienquelessorciers...LasenhoraMonteverdesetournaverssonmariensecouantlatête.—Ceplanestinsensé.Çanemarcherajamais.OnnepeutpassefierauxCréaturesObscures.—Ilabienfonctionnépendantl'Insurrection,objectaLuke.Lafemmefitlagrimace.—C'estseulementparceque,alors,Valentinsebattaitauxcôtésd'unearméed'imbéciles.Là,c'estde

démons qu'il s'agit. Et qui nous dit que les membres de son ancien Cercle n'accepteront pas de lerejoindreàlasecondeoùillesappellera?

—Surveillezvosparoles,senhora,grommelaRobert,Lightwood.C'étaitlapremièrefoisqu'ilprenaitlaparoledepuisledébutdelaréunion.Pendantlamajeurepartie

delasoirée,ilétaitrestéprostré.Sonvisageétaitcreuséderides;Lukeauraitjuréqu'ellesn'étaientpaslà trois jours plus tôt. Chacun de ses gestes, ses épaules raides, ses poings serrés attestaient de soncalvaire;Luken'avaitjamaisbeaucoupaiméRobertLightwood,etpourtantlavuedecethommemassifravagéparlechagrinluiserraitlecœur.

—SivouscroyezquejevaismerallieràValentinaprèscequ'ilafaitàmonfils...—Robert,murmuraMaryseenposantlamainsurlebrasdesonépoux.—Sinousnelerejoignonspas,alorstousnosenfantsmourront,déclaralesenhorMonteverde.— Sic'estlàvotreconclusion,alorsquefaites-vousici?lançaAmatisenselevant.Jecroyaisqu'on

s'étaitmisd'accord...«Moiaussi.»Lukeavaitlatêtelourde.«C'esttoujourslemêmerefrainaveccesgens-là,songea-t-il.

Unpasenavant,unpasenarrière.»IlsétaientaussibelliqueuxquelesCréaturesObscuresentreelles.Si seulement ils pouvaient s'en apercevoir ! Peut-être aurait-il mieux valu qu'ils règlent leurs luttesintestinesparlaviolence,commelesloupsdesameute...Soudain,ildéceladumouvementducôtédelaportedelaGrandeSalle.Celaneduraqu'uneseconde,

et si lapleine lunen'avaitpasétéproche, iln'auraitpeut-êtrepasvuni reconnu lasilhouettequiétaitpasséefurtivementdevantlaporte.L'espaced'uninstant,ilcrutquesonimaginationluijouaitdestours.Parfois,lorsqu'ilétaitfatigué,ilcroyaitvoirJocelynedanslesjeuxd'ombreetdelumièresurlesmurs.Mais,enl'occurrence,cen'étaitpasJocelyne.Lukeseleva.—Jevaisprendrel'aircinqminutes.Jereviens.Ilsentitleurregardpesersurluitandisqu'ilsedirigeaitverslaporte.LesenhorMonteverdeparlaen

portugais à l'oreillede sa femme ;Luke saisit lemot lobo- « loup» - dans son flot deparoles. « Ilsdoivents'imaginerquejevaiscourirencercleenhurlantàlalune.»Dehors,l'airétaitglacialetlecielgrisardoiserougeoyaitàl'est.L'aubeteintaitderosel'escalierde

marbremenant à laGrandeSalle. Jace l'attendait aumilieu desmarches.En voyant ses vêtements dedeuil, Luke eut un choc ; ils lui rappelèrent les pertes qu'ils venaient de subir et qu'ils subiraient ànouveau.

—Qu'est-cequetufaisici,Jonathan?

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Jacene réagit pas, et en son for intérieurLukemaudit sanégligence : Jacedétestait qu'on l'appelleJonathanetrépondaitgénéralementàceprénompardesprotestationsvéhémentes.Cettefois,cependant,ilneparutpass'ensoucier.L'expressionlugubredesonvisagereflétaitcelledesadultesrassemblésdanslasalle.Bienqu'ilfûtencoreàunandelamajoritélégaleinstauréeparl'Enclave,ilavaitdéjàététémoindeplusd'horreursdanssacourteviequelaplupartdesgrandespersonnes.

—Tucherchestesparents?—TuveuxdirelesLightwood?(Jacesecoualatête.)Non,c'estàtoiquejevoulaisparler.—C'estausujetdeClary?Illuiestarrivéquelquechose?—Ellevabien.—Alorsqu'ya-t-il?Jacejetaunregardverslaporte.—Commentçasepasselà-dedans?Onprogresse?— Pas vraiment, admit Luke. Même s'ils n'ont aucune intention de capituler devant Valentin, la

perspectived'accepterdesCréaturesObscuresauConseilleurparaîtencoremoinsréjouissante.Etsanslapromessedesièges,monpeuplerefuseradesebattre.

LesyeuxdeJaceétincelèrent.—Cetteidéenevapasdutoutplaireàl'Enclave.—Onneleurdemandepasdel'aimermaisdechoisirunealternativeausuicide.— Ilsessaierontdegagnerdu temps.À taplace, je leur fixeraisundélaipour sedécider.L'Enclave

adorelesdélais.Lukeneputs'empêcherdesourire.— Tous les combattants que je pourrai rassembler atteindront la Porte duNord au crépuscule. Si

l'Enclaveconsentàsebattreàleurscôtés, ilsentrerontdanslaville.Lecaséchéant, ilsrebrousserontchemin. Je ne pouvais pas repousser davantage leur venue ; ça leur laisserait à peine le temps deregagnerBrocelinded'iciminuit.Jaceémitunsifflement.— Dugrandspectacle!TuespèresquelavuedetoutescesCréaturesObscuresvainspirerl'Enclave

oul'effrayer?—Unpeudesdeux,sansdoute.UngrandnombredesesmembresviventdansdesInstituts,commetoi:

ils sont beaucoup plus habitués à côtoyer des Créatures Obscures. Ce sont les natifs d'Idris quim'inquiètent.EnvoyanttoutescesCréaturesObscuresàleursportes,ilsrisquentdecéderàlapanique.D'unautrecôté,ilfautleurrappeleràquelpointilssontvulnérables.Jacejetauncoupd'œilauxruinescalcinéesdelaGarde,quisedétachaienttelleunegrossecicatrice

noiresurlacollinedominantlaville.—Jenesuispassûrqu'ilsoitnécessairedeleurrafraîchirlamémoire.Puis,fixantLuked'unairgrave,ilajouta:—J'aiquelquechoseàtedire,etjeveuxpouvoirlefaireentouteconfiance.Lukeneputdissimulersasurprise.—Pourquoimoi?PourquoipaslesLightwood?—Parcequec'esttoiquicommandesici,tulesaitbien.Lukehésita.Malgrésaproprefatigue,levisagepâleetépuisédeJacel'émut.Ilavaitenviedeprouver

à ce garçon, qui avait étémaintes fois trahi et utilisé par les adultes au cours de son existence, qu'ilexistaitdesgrandespersonnessurlesquellesilpouvaits'appuyer,

—Soit.—Enoutre,jecomptesurtoipourtoutexpliqueràClary.

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—Luiexpliquerquoi?—Lesraisonsdemadécision.LesyeuxdeJacesemblaientimmensesdanslalumièredulevant;ilparaissaitplusjeune,toutàcoup.—JeparsàlapoursuitedeSébastien,Luke.Jesaiscommentleretrouver,etj'ail'intentiondelesuivre

pourqu'ilmemènejusqu'àValentin.Lukelaissaéchapperuneexclamationdesurprise.—Tusaiscommentleretrouver?— Magnusm'a appris à utiliser une rune de filature quand je séjournais chez lui àBrooklyn.On a

essayéderetrouvermonpèreaumoyendesabague.Çan'apasmarché,mais...—Tun'espasunsorcier.Tunedevraispasrecouriràdessortilègesdecegenre.— C'est de runes qu'il s'agit. C'est par ce biais que l'Inquisitricem'a suivi quand je suis allé voir

Valentin sur son bateau. Tout ce qu'ilme fallait pour que ça fonctionne, c'était un objet personnel deSébastien.

— Maison a déjà passé lamaisondesPenhallowaupeigne fin ! Il n'a rien laissé derrière lui. Sachambreétaitimpeccable,probablementpourcetteraison-là.

— J'ai trouvé son sang surunboutde tissu.Cen’estpasgrand-chosemaisç'a suffi. J'ai essayé, çamarche.

—TunepeuxpastelancerauxtroussesdeValentintoutseul,Jace.Jenetelaisseraipasfaire.— Tunepourraspasm'enempêcher.Amoinsquetuveuillestebattreicimême.Tun'ensortiraispas

vainqueur.Tulesaisaussibienquemoi.LukedécelauneinflexionétrangedanslavoixdeJace,mélangedecertitudeetdedégoûtdesoi.—Écoute,tuespeut-êtredéterminéàjouerleshérossolitaires...—Jen'airiend'unhéros,l'interrompitJaced'untonégal,commes'ilsecontentaitd'énoncerdesimples

faits.—EtlesLightwood?EtClary?—Tucroisquejen'yaipaspensé?Àtonavis,pourquoijefaistoutça?— Tusais,jemerappellecequec'estd'avoirdix-septans.Des'imaginerqu'onpeutsauverlemonde,

qu'ilenvadenotredevoir...—Regarde-moi!s'exclamaJace.Tuvoisungarçondedix-septanscommelesautres?

Lukesoupira.—Tuesuniqueentongenre,ilfautbienl'admettre.—Maintenant,vas-y:dis-moiquemonprojetestirréalisable.CommeLukenerépondaitpas,Jacepoursuivit:—Ton plan est bon, jusqu'ici. Lever une armée de CréaturesObscures, affronterValentin jusqu'aux

portesd'Alicante.C'esttoujoursmieuxquederesterlesbrascroisés.Maisils'attendàtoutça.Vousnel'aurezpasparsurprise.Moisi. Je... jepourrais. Il ignorepeut-êtrequeSébastienest suivi.C'estunechance,pourcommencer,etondoitsaisirtoutescellesquiseprésentent.

—Tuaspeut-êtreraison.Maismêmetoi,tunepeuxpasportercepoidstoutseulsurtesépaules.—Tune comprends pas... ça ne peut être quemoi, protesta Jace d'une voix où perçait le désespoir.

MêmesiValentindécouvrequ'ilestsuivi,ilmelaisserasansdoutel'approcherd'assezprès.—Etensuite?Qu'est-cequetucomptesfaire?—Letuer,biensûr.LukeobservaJace.IlauraitaiméêtrecapabledevoirJocelynedanssonfilscommeillavoyaitdans

Clary,maisJaceétaitencoreettoujourslui-même:secret,solitaire,unique.—Tut'ensenscapable?Tupourraistuertonproprepère?

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—Oui,réponditlegarçon,d'unevoixlointainecommeunécho.Etc'estlàquetuvasmedirequejenepeuxpasletuerparceque,aprèstout,c'estmonpère,etqueleparricideestuncrimeimpardonnable?

—Non.Maseuleobjectionestlasuivante:es-tusûrd'enêtrecapable?Luke s'aperçut, à sa propre stupéfaction, qu'une part de lui-même avait déjà accepté la décision de

Jace,etqu'illelaisseraitpartir.—TunepeuxpaspourchasserValentintoutseuletfaiblirauderniermoment.—Oh,fitJace,j'ensuiscapable.Ilbaissalesyeuxverslaplacequi,laveilleencore,étaitjonchéedecadavres.—Monpèrem'afaittelquejesuis.Etjelehaispourça.Jepeuxletuer,crois-moi.Ilm'enadonnéla

capacité.Lukesecoualatête.—Quellequ'aitététonéducation,tul'asdépassée,Jace.Ilnet'apascorrompu...—Non,iln'apaseuàlefaire.Jace observa le ciel zébré de bleu et de gris ; dans les arbres qui bordaient la place, les oiseaux

commençaientàfaireentendreleurschantsmatinaux.—Jeferaismieuxd'yaller.—TuveuxquejetransmetteunmessageauxLightwood?—Non,neleurdisrien.Ilst'envoudraients'ilsapprenaientquetuétaisaucourantdemesprojetsetque

tun'aspasessayédem'arrêter.J'ailaisséunmot.Ilscomprendront.—Alorspourquoi...— Pourquoi je suis venu te raconter tout ça ? Parce que je veux que tu gardes à l'esprit, tout en

établissantleplandebataille,quejechercheValentin.Sijeleretrouve,jeteleferaisavoir.(Unsourireéclairabrièvementsonvisage.)Tun'asqu'àmeconsidérercommeunplandesecours.Lukeserralamaindugarçon.—Sitonpèreétaitdifférent,ilseraitfierdetoi.Jace sembla surpris, ses joues s'empourprèrentpendantune fractionde seconde, et il retira samain

d'ungestebrusque.—Situsavais...marmonna-t-ilavantdesemordrelalèvre.Aucuneimportance.Bonnechance,Lucian

Graymark.Aveatquevale.—Espéronsquecenesontpasdevraisadieux,observaLuke.Lesoleilselevaitàprésentet,commeJaceredressaitlatêteenplissantlesyeuxàcausedelalumière,

Lukefutfrappéparl'expressiondesonvisage,oùlavulnérabilitéledisputaitàunorgueilbuté.—Tumerappellesquelqu'un,dit-ilsansréfléchir.Quelqu'unquej'aicôtoyéilyadesannées.—Jesais,répliquaJaceavecamertume.JeterappelleValentin.— Non,fitLukeavecétonnement,maiscommeJacesedétournait, laressemblancesedissipaet les

fantômesdupassédisparurent.Non,jenepensaispasàValentin.AlasecondeoùClarys'éveilla,ellesutqueJacen'étaitpluslàavantmêmed'avoirouvertlesyeux.Sa

maintoujoursentraversdulitrencontralevide.Elleseredressalentement,lecœurserré.Il avait dû tirer les rideaux avant de s'en aller, car la fenêtre était ouverte et les rayons du soleil

zébraientlelit.Clarys'étonnaquelalumièredujournel'aitpasréveillée.D'aprèslapositiondusoleil,ce devait être l'après-midi. Elle avait la tête lourde et les yeux qui pleuraient.C'était peut-être parcequ'ellen'avaitpasfaitdecauchemarslaveillepourlapremièrefoisdepuislongtempsetqu'ellerattrapaitsonsommeilenretard.

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Enselevant,elleremarquaunefeuilledepapierpliéesurlatabledenuit.Ellel'ouvrit,lesourireauxlèvres-Jaceavaitdonclaisséunmot?-etunobjetlourdtombaàsespieds.Surprise,ellesursauta,crutpendantuninstantqu'ils'agissaitd'unechosevivante.Ensebaissantpourleramasser,ellereconnutlachaîneetl'anneauenargentqueJaceportaitautourducou.Labaguedesafamille.Ellel'avaitrarementvusans.Uneboufféed'angoisselasubmergea.Elleparcourutenhâtelespremièreslignesdumessage:Malgrétout,jenesupportepasl’idéequecetanneauseperde,demêmequejenepeuxmerésoudre

àneplusjamaistevoir.Or,sijen'aipaslechoixsurcedernierpoint,jepeuxaumoinsprendreunedécisionconcernantlepremier.Lerestedelalettresefonditenunamasdemotssanssignification;elledutlarelireplusieursfois

pourladéchiffrer.Quandelleeutterminé,ellerestaunlongmomentlesyeuxfixéssurlafeuilledepapierquitremblaitdanssesmains.EllecomprenaitmaintenantpourquoiJaceavaitépanchésoncœur.Quoideplusnaturellorsqu'oncroitqu'onnereverraplusjamaissaconfidente?Ellenesesouvintpaspar lasuited'avoirprisunedécisionquelconque.Ellese rappela justeavoir

dévalél'escalier,danssatenuedeChasseused'Ombres,lalettredansunemain,aprèsavoirpasséenhâtelachaîneautourdesoncou.Le salon était vide, le feu dans l'âtre n'était plus qu'un tas de cendres,mais des voix et une odeur

agréable lui parvenaientde la cuisine éclairée. «Despancakes?» songea-t-elle avec étonnement.Ellen'auraitjamaisimaginéqu'Amatissachelespréparer.Et elle avait raison. En entrant dans la cuisine, Clary ouvrit de grands yeux : Isabelle, ses longs

cheveuxsoyeuxrassembléssurlanuque,setenaitdevantlefourneau,untabliernouéautourdelatailleetunecuillèreàlamain.Simonétaitassissurlatablederrièreelle,lespiedsappuyéssurunechaise,tandisqu'Amatis, qui ne semblait pas disposée à le chasser de son perchoir, était adossée au comptoir, etsemblabeaucoups'amuser.IsabelleagitasacuillèreendirectiondeClary.—Bonjour!Unpetit-déj',çatetente?Bienquecesoitplutôtl'heuredudéjeuner.Muettedesurprise,ClarysetournaversAmatis,quihaussalesépaules.—Ilsviennentdedébarquer,ilsontinsistépours'occuperdupetit-déjeuner,etjedoisadmettrequeje

nesuispastrèsbonnecuisinière.Clarypensaàlasoupeimmondequ'Isabelleavaitpréparéeàl'Institutetréprimaunfrisson.—OùestLuke?—DanslaforêtdeBrocelinde,avecsameute.Toutvabien,Clary?Tuasl'airunpeu...—Hagard,intervintSimon.Çava,tuessûrePendantunbrefmoment,Clarynetrouvapasderéponse.«Ilsviennentdedébarquer»,avaitditAmatis.

Cela signifiait donc que Simon avait passé la nuit avec Isabelle. Elle lui jeta un regard incrédule. Iln'avaitpasl'airchangé.—Oui,répondit-elleenfin.IlfautquejeparleàIsabelle.LemomentétaitmalchoisipoursepréoccuperdelavieamoureusedeSimon.—Vas-y,jet'écoute,lançalacuisinièreenretournantaufonddelapoêleunemasseinformequeClary

soupçonnaitd'êtreunpancake.—Jepréféreraisenprivé.Isabellefronçalessourcils.

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—Çanepeutpasattendre?J'aipresquefini...—Non,décrétaClaryet,enentendantletondesavoix,Simonselevabrusquement.— Bon,onvous laisse tranquilles. (Se tournantversAmatis, ilajouta :)Vouspourriezpeut-êtreme

montrercesphotosdeLukequandilétaitbébé.— Oui,pourquoipas?réponditAmatisen jetantunregard inquietàClaryavantdequitter lapièce

derrièreSimon.Isabelle secoua la tête tandis que la porte se refermait sur eux. Le petit poignard qui retenait ses

cheveux sur sa nuque étincela dans la lumière :malgré le tableau vivant qu'elle offrait de la parfaitemaîtressedemaison,elledemeuraituneChasseused'Ombres.—Sic'estausujetdeSimon...—Non,c'estàproposdeJace.Lisça,ditClaryentendantlafeuilledepapieràIsabelle.Avecunsoupir,elleallas'asseoiraveclalettreàlamain.Clarypritunepommedanslacorbeilleet

s'installaà l'autreboutde la tablependantqu'Isabelle lisaitensilence.Auboutdequelquessecondes,ellelevalesyeux,l'airperplexe.

—C'estassezpersonnel.Tuessûrequejedevraislalire?«Sansdoutepas»,songeaClary.Elle-mêmeneserappelaitmêmeplusducontenudelalettre.Dans

d'autres circonstances, elle ne l'aurait pas montrée à Isabelle, mais son inquiétude au sujet de Jacebalayaittouteautrepréoccupation.

—Lis-lajusqu'aubout.Isabelleobéit.Quandelleeutterminé,ellereposalalettresurlatable.—Çanem'étonnepasdelui,tiens.—Tuvois,hein?Iln'apasdûallerbienloin,ilfautqu'onlerattrapeet...Clarys'interrompit.—Commentça?Pourquoiçanet'étonnepas?Isabellerepoussaunemèchedecheveuxderrièresonoreille.—DepuisladisparitiondeSébastien,toutlemondeneparlequedepartiràsarecherche.J'aipassésa

chambreaupeignefinchez lesPenhallowpour trouverunindice...Rien.J'auraisdûmedouterque,siJacemettaitlamainsurunobjetsusceptibledel'aideràretrouverlatracedeSébastien,ilfileraitsansuneexplication.Ellesemorditlalèvre.—IlauraitaumoinspuemmenerAlecaveclui.Ilnevapasêtrecontent.—Alorstucroisqu'Alecaccepteradeleretrouver?demandaClaryavecunregaind'espoir.—Clary,fitIsabelled'untonoùperçaitl'exaspération.Commentveux-tuqu'onleretrouve?Onn'apas

lamoindreidéedeladirectionqu'ilaprise.—Ildoitexisterunmoyende...—Onpeutessayerdeletraquer.MaisJaceestmalin.Iladûpenseràbrouillerlespistes.UneragefroideenvahitClary.— Ondiraitquetut'enmoquesqu'ilsesoitlancédansunemissionsuicide!Ilnepourrapasvaincre

Valentintoutseul!—Probablementpas,admitIsabelle.Maisj'imaginequeJaceadebonnesraisonsde...—Dequoi?Devouloirmourir?—Clary!s'exclamaIsabelletandisqu'unéclairdecolèretraversaitsonregard.Tut'imaginesquenous,

par contre, onest en sécurité ?On risque tousdemouriroud'être réduits en esclavage.Tuvois Jaceresterlesbrascroisésenattendantlacatastrophe?

— Cequejevois,moi,c'estqu'ilesttonfrèreaumêmetitrequeMax.Etlui,tutesouciaisbiendece

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qu'ilpouvaitluiarriver!Claryregrettasesparolesinstantanément.Isabelledevintlivide.— Maxétaitunpetitgarçon,objecta-t-elleens'efforçantdemaîtrisersafureur.JaceestunChasseur

d'Ombres,unguerrier.SiondoitcombattreValentin,tucroisqu'Alecneparticiperapasàlabataille?Depuislanuitdestemps,c'estnotrelotàtousdemourirpourunecausesielleenvautlapeine.ValentinestlepèredeJace.C'estsansdouteluiquialeplusdechancesdel'approcher...

—ValentintueraJaces'illedoit.Ilnel'épargnerapas.—Jesais.—Maistoutcequicompte,c'estqu'ilmeureenhéros?Ilnevamêmepastemanquer?— Ilmemanqueratouslesjoursdemavie,qui,siJaceéchoue-regardonsleschosesenface-,ne

devraitpasseprolongerplusd'unesemaine.Ellesecoualatête.—Tunecomprendspascequec'estd'êtretoujoursenguerreetdegrandiraveclanotiondesacrifice,

Clary.Cen'estpastafaute,j'imagine.C'estcommeçaqu'onnousaélevés...Clarylevalesbrasauciel.—Maissi,jecomprends!Jesaisquetunem'aimepas,Isabelle.Jenesuisqu'uneTerrestreàtesyeux.—Tupensesquec'estça,laraison?Isabelles'interrompit,lesyeuxbrillantsdelarme.— Décidément,tun'asriencompris,reprit-elle.TuconnaisJacedepuisquoi,unmois?Moi,çafait

septans.Etpendanttoutescesannées,jenel'aijamaisvutomberamoureuxnimêmeavoirlebéguinpourquelqu'un.Ilestsortiavecdesfilles,çaoui.Elless'amourachaientdelui,maisils'enfichait.Jepensequec'estpourçaqu'Alecacru...Immobilecommeunestatue, Isabellese tutdenouveau.«Elles'efforcedenepaspleurer»,songea

Claryétonnée.Isabelle,quineversaitpourtantjamaisunelarme.— Jem'ensuistoujoursinquiétée,etmamèreaussi.C'estvrai,çan'existepas,unadolescentquin'a

jamais d'amourette !C'était comme si, en ce qui concernait les autres, il était toujours un peu absent.Peut-être que ce qui s'est passé avec son père l'avait en quelque sorte traumatisé, peut-être qu'il étaitincapable d'aimer quelqu'un. Si seulement je savais ce qu'il lui est vraiment arrivé... Mais je n'enpenseraispasmoins,sansdoute.Quineseraitpastraumatiséparunpassépareil?Puistuesentréedanssavieetils'estcommeréveillé.Tunet'enespasaperçueparcequetuneleconnaissaispasavant.Maismoi, je l'ai vu. Hodge et Alec aussi... A ton avis, pourquoi il te haïssait autant ? Tout a changé dèsl'instantoùtuasfaitirruptiondansnotreexistence.C'étaitpeut-êtreincroyablequetupuissesnousvoirmais,àmesyeux,cequil'étaitencoredavantage,c'étaitqueJacet'aitvue,luiaussi.Iln'apascessédeparlerdetoipendanttoutletrajetduretouràl'Institut;ilapersuadéHodgedel'envoyertechercher.Etunefoisqu'ilt'aramenée,iln'aplusvouluquetupartes.Dèsquetuentraisdansunepièce,iltedévoraitdesyeux...IlétaitmêmejalouxdeSimon.Jenesuispassûrequ'ils'ensoitaperçu,maisilétaitjaloux.Çacrevaitlesyeux.Jalouxd'unTerrestre.Ilaacceptédet'accompagneràl'hôtelDumortetd'enfreindrelaLoi,toutsapoursauverunTerrestrequ'iln'appréciaitmêmepas.Ill'afaitpourtoi.Parceque,s'ilétaitarrivéquelquechoseàSimon,tuenauraiseulecœurbrisé.Tuétaislapremièrepersonne,endehorsdenotrefamille,dontlebonheurcomptaitpourlui.Parcequ'ilt'aimait.

—Maisc'étaitavant...—Avantqu'ilapprennequetuétaissasœur.Jesais.Jenet'enveuxpas.Tunepouvaispassavoir.EtJe

supposequetunepouvaispasfaireautrementquetejeteraucoudeSimonparlasuite.J'aipensé,unefoisJaceaucourant,qu'ilpasseraitàautrechose,maisj'aibienvuqu'ilenétaitincapable.Jenesaispasceque lui a fait subirValentinquand il étaitpetit. J'ignore si c'estpourcette raisonqu'il secomporte

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ainsi,ousic'estseulementsanature,maisilneguérirapasdetoi,Clary.Ilenestincapable.Peuàpeu,jenesupportaisplusdetevoir.Jenetoléraisplusqu'iltevoie.C'estunpeucommecesblessurescauséesparlepoisondémoniaque:ilfautleslaissercicatrisersansytoucher.Chaquefoisqu'onôtelesbandagesonrouvrelaplaie.Chaquefoisqu'iltevoit,ilsouffreànouveau.

—Jesais,murmuraClary.Tucroisquec'estfacilepourmoi?—Jen'ensaisrien.J'ignorecequeturessens.Tun'espasmasœur.Jenetehaispas,Clary.J'aimême

appris à t'aimer. Si c'était possible, je ne lui souhaiterais pas d'autre compagne que toi. Mais tucomprendras,j'espère,que,siparquelquemiracleons'ensort,j'aimeraisquemafamilles'exileauboutdumonde,histoired'êtresûrequ'onnetereverraplusjamais.Clary sentit les larmes luipicoter lesyeux.Commec'étaitbizarred'êtreassiseà cette table, faceà

IsabelleetdepleurercommeellesurJacepourdesraisonsàlafoistrèsdifférentesettrèssemblables!—Pourquoitumedistoutçamaintenant?Parcequetum'accusesdenepasvouloirprotégerJace.Aton

avis, pourquoi j'étais si contrariée quand tu as débarqué chez les Penhallow ? Tu agis comme uneétrangèrevis-à-visdenotremonde;turestesdanslescoulissesmaistuenfaispartie.Tuesaucentredetoutça.Onnepeutpasjoueréternellementlessecondsrôles,Clary,pasquandonestlafilledeValentin.PasquandJacesemouillecommeillefait,ettoutçaàcausedetoi.

—Acausedemoi?—Pourquoiaime-t-ilautantprendredesrisques?Atonavis,pourquoiçaluiestégaldemourir?Lesmotsd'IsabelleblessaientClarycommeautantdepoignards.«Jesaispourquoi.Ilcroitqu'iln'est

pasvraimenthumain...Maisjenepeuxpastrahirsonsecret.»—Ilatoujourspenséquequelquechoseclochaitchezlui,repritIsabelle.Désormais,partafaute,ilse

croitmauditjusqu'àlafindesesjours.Jel'aientenduledireàAlec.Pourquoinepasrisquersaviesil'onn'y tientpas?Pourquoinepas risquer savie si l'on saitqu'onne sera jamaisheureux,quoiqu'ilarrive?

—Isabelle,çasuffît.Laportes'ouvritsansunbruitetSimonapparutsurleseuil.Claryavaitpresqueoubliéàquelpointson

ouïeétaitdevenuefine.—Cen'estpaslafautedeClary.Levisaged'Isabelles'empourpra.—Resteendehorsdeça,Simon.Tunesaispasdequoituparles.Simonentradanslacuisineetfermalaportederrièrelui.—J'aientendulaplusgrandepartiedevotreconversationàtraverslemur,lança-t-ild'untoncalme.—TuprétendsnepassavoircequeressentClaryparcequetunelaconnaispasdepuislongtemps.Eh

bien,moisi.SitucroisqueJaceestleseulàsouffrir,tutetrompes.Unsilences'installa.Lacolèred'Isabelle retombapeuàpeu.Clarycrutentendre frapperà laporte

d'entrée;Luke,sansdoute,ouMaiavenuelivrerdusangpourSimon.—Cen'estpasàcausedemoiqu'ilestparti.Soncœursemitàbattrelachamade.«Ai-jeledroitdeleurrévélerlesecretdeJaceensonabsence?

Est-ce que je peux leur confier la véritable raison de son départ ? » Presque malgré elle, les motsjaillirentdesabouche.

—QuandJaceetmoi,noussommesalléschercherleLivreBlancaumanoirdesWayland....Elle s'interrompit aumoment où la porte de la cuisine s'ouvrait à la volée.Amatis se planta sur le

seuil,uneexpressionétrangesurlevisage.L'espaced'uninstant,Clarycrutyliredel'effroi,etsonsangnefitqu'untour.Maiscen'étaitpaslapeurquisepeignaitsurlestraitsd'Amatis.Avraidire,elleavaitlamêmetêtequelejouroùLukeetClarys'étaientprésentéschezelle.Latêtedequelqu'unquiavuun

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fantôme.—Clary,dit-elleàvoixbasse.Ilyaunepersonnequiveuttevoir…Avant qu'elle ait pu finir sa phrase, quelqu'un s'engouffra dans la cuisine en la bousculant. Amatis

recula,etClaryputexaminerl'intrus:unefemmemince,toutevêtuedenoir.D'abord,ClarynevitquesatenuedeChasseused'Ombres,etfaillitnepaslareconnaîtrejusqu'àcequesesyeuxseposentsursonvisage.AlorsellesentitsonestomacremonterdanssagorgecommequandJaceavaitprécipitéleurmotoduhautdutoitdel'hôtelDumort.Lafemmedevantelleétaitsamère.

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TROISIÈMEPARTIE

LeCheminDuParadis

Ohoui,jesaisquelecheminduparadisétaitfacileàtrouver.

SiegfriedSASSOON,L'Amantimparfait.

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16.ArticlesDeFoi

Depuis la nuit où elle était rentrée dans l'appartement vide, Clary s'était imaginé tant de fois sesretrouvailles avec sa mère qu'elles avaient, dans sa mémoire, pris la teinte fanée d'une vieillephotographie. A présent, ces images défilaient dans son esprit tandis qu'elle l'observait d'un œilincrédule.Desvisionsdesamère, l'airheureux, laserrantdanssesbrasenluidisantcombienelle luiavaitmanquémaisquetoutallaits'arrangerdésormais.Samèreimaginairen'avaitpasgrand-choseencommunaveclafemmequisetenaitmaintenantdevantelle.Dans

sonsouvenir,Jocelyneétaituneartisted'untempéramentdoux,unpeubohémienneavecsesvêtementstachésdepeintureet sescheveux rouxnégligemment retenusparuncrayon.Or, lanouvelle Jocelyneétait tiréeàquatreépingles.Pasunemèchenes'échappaitdesonchignonsévèreetlenoirdesatenuecontrastaitaveclapâleurdesonvisage,luidonnantuneallurehautaine.Mêmesonexpressionn'étaitpascellequeClarys'étaitreprésentéemaintesfois:sesyeuxvertsécarquilléslafixaientd'unairhorrifié.

-Clary,souffla-t-elle.Tesvêtements.Clarybaissalesyeux.ElleportaitlatenuedeChasseused'Ombresd'Amatis.Or,toutesavie,samère

avaitfaitdespiedsetdesmainspourqu'ellen'aitjamaisàlarevêtir.Claryavalasasaliveavecpeineetse leva en s'agrippant au bord de la table. Elle contempla sesmains qui, bizarrement, lui semblaientdétachéesdesoncorps,commesiellesappartenaientàquelqu'und'autre.Jocelynes'avançaverselleentendantlesbras.-Clary.Elleeutunmouvementdereculsibrutalqu'elleheurtalecomptoir.Ignorantladouleur,ellegardales

yeuxfixéssursamère.Simonladévisageait,luiaussi,laboucheouverte.QuantàAmatis,ellesemblaitfrappéedestupeur.Isabelleselevaàsontourpours'interposerentreClaryetsamère.Elleglissalamainsoussontablier,

etClarysupposaqu'ellevenaitdes'emparerdesonfouetenélectrum.-Qu'est-cequisepasseici?demanda-t-elle.Quitêtes-vous?ElleperditunpeudesonassurancequandJocelynelaconsidéraavecétonnementenportantlamainà

soncœur.-Maryse,dit-elledansunmurmure.Isabelleparutstupéfaite.-Commentconnaissez-vouslenomdemamère?LesjouesdeJocelynes'empourprèrent.- Évidemment.TueslafilledeMaryse.Tuluiressemblestellement!Jem'appelleJocelyneFr…

Fairchild.JesuislamèredeClary.IsabellesortitlamaindedessoussontablieretjetaunregardinterloquéàClary.-Maisvousétiezàl'hôpital...ANewYork...-Oui,réponditJocelyned'unevoixplusassurée.Maisgrâceàmafille,jevaismieux.Etj'aimeraislui

parlerentêteàtête.-Jenesuispassûrequ'elleenaitenvie,intervintAmatis.Elleposalamainsurl'épauledeJocelyne.-Cedoitêtreunsacréchocpourelle...Jocelynesedégagead'ungestebrusqueetfîtunpasversClary,lamaintendue.Celle-ci,quiavaitenfin

retrouvésavoix,demandad'untonfurieuxquilasurpritelle-même:

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—Commenttuesarrivéeici,Jocelyne?Samères'arrêtanet,etsemblahésiter.- Jemesuis téléportée jusqu'auxabordsde lavilleavecMagnusBane.Hier, ilestvenumevoirà

l'hôpitalavecl'antidote.Ilm'aracontétoutcequetuavaisfaitpourmoi.Jenesongeaisqu'àunechosedepuismonréveil,terevoir...Clary,quelquechosenevapas?

-Pourquoitunem'asjamaisditquej'avaisunfrère?-Jecroyaisqu'ilétaitmort.J'aipenséquelesavoirneserviraitqu'àtefairesouffrir.-Laisse-moit'expliquerquelquechose,maman.Quelquesoitlecasdefigure,c'estmieuxdesavoir.-Jeregrette...-Turegrettes?Claryavaitl'impressionqu'unedigues'étaitouverteenelle,libéranttoutelarancœuretlaragequ'elle

avaitaccumuléesjusque-là.-Tuveuxbienm'expliquerpourquoitunem'aspasditquej'étaisuneChasseused'Ombresetquemon

pèreétaittoujoursenvie?Oh,etj'oubliais:tuaspayéMagnuspourmevolermessouvenirs,c'estbiença?

-J'essayaisdeteprotéger...-Ehbien,tut'estrèsmaldébrouillée!Atonavis,qu'est-cequim'estarrivéaprèstadisparition?Sans

Jaceetlesautres,jeseraismorte.Tunem'aspasapprisàmeprotégertouteseule.Tunem'aspasavertiedu danger. Qu'est-ce qui t'est passé par la tête ? Tu croyais qu'en me cachant les choses, elles nem'atteindraientpas?Clarysentitleslarmesmonter.-TusavaisqueValentinn'étaitpasmort.TuasditàLukequetulecroyaistoujoursenvie.-C'estpourcetteraisonquejedevaistecacher.Jenepouvaispasrisquerqu'ilapprenneoùtuvivais.

Jedevaiséviteràtoutprixqu'ilt'approche...-Parcequ'ilafaitunmonstredetonpremierenfantetquetunevoulaispasquejeconnaisselemême

sort,c'estça?Jocelynerestaunlongmomentsansvoix.-Qui,répondit-elleenfin.Maiscen'estpastout,Clary...-Tum'asvolémessouvenirs.Tum'asprismavie.-Maistavien'estpasici!s'écriaJocelyne.Jen'aijamaisvoulucelapourtoi...—Ons'enfiche,decequetuveux!C'estmavie!Tumel'asvolée!LevisagedeJocelynedevintcendre.LesyeuxdeClaryseremplirentdelarmes:ellenesupportaitpas

devoirsamèresouffrirainsi,etcependantellesavaitquesielleouvraitdenouveaulabouche,desmotshorribless'enéchapperaient.BousculantsamèreetSimonquiessayaitdelaretenir,elles'enfuitàtoutesjambesdanslecouloir,poussalaporteetdébouladanslarue.Derrièreelle,quelqu'uncriasonnommaiselleneseretournapas.

Jaces'étonnaqueSébastienaitlaissélechevaldesVerlacdanssonécurieplutôtquedes'enfuiravec.

Peut-êtrecraignait-ilqu'onretrouvesatraceparlebiaisdeWayfarer.Iléprouvaunesatisfactioncertaineàsellerl'étalon.SiSébastienavaitvraimentvouludesamonture,il

ne l'auraitpasabandonnéederrière lui.D'ailleurs, ellene luiappartenaitpasenpremier lieu.De fait,Jaceadoraitleschevaux.Ildevaitavoirdixansladernièrefoisqu'ilétaitmontéàchevalmaisilconstataavecplaisirquelamémoirerevenaitvite.IlleuravaitfallumarcherpendantsixheurespourcouvrirladistanceséparantAlicantedumanoirdes

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Wayland.Ilnemitquedeuxheurespouryretourner,enchevauchantaupetitgalop.Quandilsparvinrentausommetdelacollinequisurplombaitledomaine,legarçonetlechevalétaienttousdeuxensueur.Lesboucliersquiprotégeaientlemanoirdesintrusavaientétédétruitsaveclabâtisse.Ilnerestaitde

l'élégantedemeurequ'untasdedécombres.Malgrél'herberoussie,lesjardinsétaientencorechargésdesouvenirsd'enfance:lesmassifsderosesenvahisparlesmauvaisesherbes;lesbancsdepierreprèsdesbassins vides ; et l'endroit où il s'était réfugié avec Clary la nuit où le manoir s'était effondré. Ildistinguaitlesrefletsbleusdulacvoisinautraversdesarbres.Uneboufféed'amertumel'envahit.Ilsortitdesapochelefilqu'ilavaitarrachéàlamanchedeClaryet

la stèle qu'il avait « empruntée»dans la chambred'Alec avant departir afínde remplacer celle queClaryavaitperdue;Alecpourraittoujourss'enprocureruneautre.Poséaucreuxdesapaume,lefilétaittachéderougesombreàuneextrémité.Ilrefermalepoingdessuset,delapointedesastèle,traçaunerunesurledosdesamain.Lelégerpicotementsursapeauétaitplusfamilierquedouloureux.Ilregardalarunes'enfoncerdanssachair,telleunepierreimmergéedansl'eau,etfermalesyeux.Lavisiond'unevallées'imprimasoussespaupières. Il se tenaitsurunecrêtedominant laplaineet,

commes'ilexaminaitunecarteindiquantsasituation,ilsavaitexactementoùilsetrouvait.Ilsesouvintque l'Inquisitriceavaitpu localiser lebateaudeValentinaubeaumilieude l'EastRiver, et songea :«C'estcommeçaqu'elles'yestprise.»Chaquedétailluiapparaissaitnettement:lemoindrebrind'herbe,lamoindrefeuillemorteàsespieds;enrevanche,iln'entendaitaucunbruit.Unsilenceinquiétantplanaitsurlepaysage.Lavallée,en formede feràcheval, s'étrécissaitàunendroit.Un torrentcristallin serpentaitenson

milieuavantdedisparaîtredanslesrochers.Aubordducoursd'eaus'élevaitunemaisonenpierregrise,dont lacheminéecrachaitun rubande fuméeblanche.Sous lecielazur, la scènesemblaitétrangementbucoliqueetpaisible.Soudain,une silhouetteminceapparut.Sébastien.Maintenantqu'ilne sedonnaitpluslapeinedejouerlacomédie,sonarrogancetransparaissaitdanssadémarche,lemouvementdesesépaules,l'expressionnarquoisedesonvisage.Aprèss'êtreagenouilléauborddutorrent,ilyplongealesmainsetsemouillalevisageetlescheveux.Jaceouvritlesyeux.Wayfarers'étaitmisàbroutertranquillementl'herbecourte.Jaceglissalastèle

etlefildanssapochepuis,aprèsavoirjetéundernierregardauxruinesdesamaisond'enfance,iltirasurlesrênesenéperonnantlesflancsducheval.

Allongéedansl'herbeprèsdelacollinedelaGarde,ClarycontemplaitAlicanted'unœilmorne.La

vueétaitpourtantspectaculaire,ilfallaitbienl'admettre.D'ici,elledominaitlestoitsdelavilleavecleurs sculptures délicates et leurs girouettes ornées de runes. Au-delà des flèches de la Salle desAccords,ellevoyaitquelquechosemiroiterauloincommeunepièced'argent:lelacLyn?LesruinesnoirciesdelaGardesedressaientderrièreelle,etlestoursétincelaientcommeducristal.Clarycroyaitpresquedistinguerlesboucliersscintillanttelunfiletinvisibletisséauxabordsdelacité.Elle contempla sesmains. Toute à sa colère, elle avait arraché de pleines poignées d'herbe en y

laissantunongle,etsesdoigtsétaienttachésdeterre,etdesang.Unefoissarageapaisée,elles'étaitsentievidée,Ellen'avaitpasconscienced'êtreaussifurieuseenverssamèrejusqu'àcequ'ellelavoiefranchirlaportedelamaisond'Amatis.Alors,Claryavaitoubliésesinquiétudesconcernantl'étatdesantédeJocelyneetlaisséparlersarancœur.Maintenantqu'elleétaitcalmée,ellesedemandasiunepartd'elle-mêmen'avaitpasvoulupunirsamèredecequiétaitarrivéàJace.Sionne luiavaitpasmenti, le choccausépar ladécouvertedecequeValentin lui avait fait subir alorsqu'il n'étaitqu'unbébéauraitétéamoindri,etiln'auraitpaspriscettedécisionqueClaryapparentaitàunsuicide.

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—Jepeuxmejoindreàtoi?Clary sursauta et roula sur le côté. Simon se tenait au-dessus d'elle, les mains dans les poches.

Quelqu'un - Isabelle, sans doute - lui avait donné une de ces vestes noires en tissu épais que lesChasseursd'Ombresportaientaucombat.«Unvampireenuniforme,songeaClary,c'estsansdouteunepremière.»

— Jene t'aipasentenduapprocher,marmonna-t-elle. Il fautcroireque je suisunepiètreChasseused'Ombres.Simonhaussalesépaules.—Pourtadéfense,jeterappelleque,commelapanthère,jemedéplacesansfairedebruit.Malgréelle,Clarysourit.Elleseredressaenfrottantlaterresursesmains.—Allez,vienst'asseoir.Laséancededéprimeestouverteàtoutlemonde.Aprèsl'avoirrejointedansl'herbe,Simonparcourutdesyeuxlepanoramaetsifflaentresesdents.—Jolievue!—N'est-cepas?Commenttum'asretrouvée?— Ehbien,ilm'afalluquelquesheures,répondit-ilavecunsourireencoin.Jemesuissouvenuqu'en

primaire,aprèschacunedenosdisputes,tuallaisboudersurmontoit,etquemamèredevaitmontertechercher.

—Et?—Jeteconnaisparcœur.Quandtuesdemauvaispoil,tuchoisisl'altitude.Illuitenditsonmanteausoigneusementplié.Ellelepritetl'enfila;levêtementmalmenécommençaità

montrer des signes d'usure. Il y avaitmêmeun trou au niveaudu coude, assez large pour y glisser undoigt.

—Merci,Simon,dit-elleenserrantsesgenouxcontreelle.Lesoleilétaitbasdansleciel,etunefaiblelueurrougeâtrenimbaitlestours.—C'estmamèrequit'envoiemechercher?Simonsecoualatête.—Non,c'estLuke.Ilaimeraitqueturentresavantlecoucherdusoleil.Quelquechosed'importantse

prépare.—Quoiexactement?—Lukeadonnéàl'Enclavejusqu'àlatombéedelanuitpourdécidersiouiounonilsacceptentqueles

CréaturesObscuressiègentauConseil.EllesconvergeronttoutesverslaPorteduNordaucrépuscule.Sil'Enclaveyconsent,ellesentrerontdansAlicante.Danslecascontraire...

—Ellesrentrerontchezelles,conclutClary.Etl'EnclaveserendraàValentin.—Oui.—Ellefiniraparcéder.Illefautbien.PersonnenechoisiraValentin.—Contentdevoirquetonidéalismen'apasétéentamé,répliquaSimond'untondétaché.Soudain, Clary repensa à Jace disant qu'il n'était pas un idéaliste et, malgré son manteau, elle

frissonna.—Simon?J'aiunequestionidiote.—Vas-y.—TuascouchéavecIsabelle?Simonfaillits'étrangler.Claryluijetaunregardinterloqué.—Tuvasbien?—Oui,jecrois,répondit-ilenretrouvantsonsangfroidauprixd'uneffortvisible.Tuessérieuse?—Ehbien,tuasdisparutoutelanuit.

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Simonrestasilencieuxunlongmoment.—Jenesuispassûrqueçateconcerne,maisnon,dit-ilenfin.—Tun'auraispasprofitédesavulnérabilité,jesuppose,observa-t-elleaprèsunepausejudicieuse.Simonricana.— Si tu rencontresunhommecapabledeprofiter d'Isabelle, fais-moi signe. J'aimerais lui serrer la

main.—AlorstunesorspasavecIsabelle.— Clary,pourquoicetteconversation?Tunepréféreraispasparlerdetamère?OudeJace?Isam'a

toutraconté.Jesaiscequeturessens.—Non,jenecroispas.—Tun'espaslaseuleàtesentirabandonnée,rétorquaSimonavecimpatience.Jenet'avaisjamaisvue

aussifurieusecontretamère.Etmoiquicroyaisqu'elletemanquait!— Bien sûr qu'elle m'amanqué ! s'exclama Clary, prenant soudain conscience de ce qu'avaient dû

penserlespersonnesprésentesdanslacuisine,etsamèreenparticulier.Elles'empressadechassercettepensée.

— C'est juste que... jeme suis tellement démenée pour la sauver des griffes deValentin, puis pourtrouver unmoyen de la guérir que je n'ai pas réalisé à quel point j'étais furieuse qu'elle m'ait mentipendanttoutescesannées.Ellenem'ajamaisexpliquéquij'étaisvraiment.

—Maiscen'estpascequetuasditquandelleestentréedanslacuisine,objectacalmementSimon.Tuascrié:pourquoinepasm'avoirrévéléquej'avaisunfrère?

—Jesais.Claryarrachaunbrind'herbeetl'entortillaautourdesesdoigts.—Jenepeuxpasm'empêcherdepenserque,sij'avaissulavérité,jeneseraispastombéeamoureuse

deJace.Simonrestasilencieuxquelquesinstants.—Jenecroispast'avoirdéjàentendueprononcercemotavant.—Quoi,amoureuse?

Clarypartitd'unrireamer.—Acestade,ilestinutiledeprétendrelecontraire:jel'aime.Maisçan'apeut-êtreplusd'importance.

Jenelereverraisansdoutejamais,detoutemanière.—Ilreviendra.—Peut-être.—Ilreviendra,répétaSimon.Pourtoi.—Jen'ensaisrien.Lefroids'intensifiaitàmesurequelesoleildisparaissaitàl'horizon.Clarysepenchaenplissantloi;

yeux.—Regarde,Simon.Au-delàdesboucliers,aupieddelaPorteduNorddescentainesdesilhouettesminusculess'étaient

rassemblées ; certaines s'étaient regroupées, d'autres se tenaient à l'écart. C'étaient les CréaturesObscuresqueLukeavait appeléesà l'aide,quiattendaientpatiemment l'autorisationde l'Enclavepourpénétrerdans l'enceintede laville.Un frissonparcourut ledosdeClary.Perchéeau sommetdecettecollinequi dominait la ville, elle avait conscienced'être à la veille d'un conflit qui bouleverserait lemondedesChasseursd'Ombres.

—Ilssontlà,chuchotaSimoncommepourlui-même.L'Enclaves'estdécidée,tucrois?—Jel'espère.

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Lebrind'herbequeClaryretournaitdanssesdoigtan'étaitplusqu'unebouillieverte;ellelejetaauloinetenarrachaunautre.

—J'ignoreceque jeferais'ilsoptentpour lacapitulation.Jepourraispeut-êtreouvrirunPortailquinous emmènera tous loin d'ici, là où Valentin ne pourra jamais nous retrouver. Une île déserte, parexemple.

—Bon,moiaussij'aiunequestionidiote.Tupeuxcréerdenouvellesrunes,pasvrai?Pourquoinepaseninventerunecapablededétruiretouslesdémonsjusqu'audernier,oudetuerValentin?

—Çanemarchepascommeça.Pourcréerunerune,jedoisd'abordlavisualiser.Elledoits'imprimerdansmon esprit comme un tableau.Quand j'essaie de visualiser « tuerValentin » ou « régner sur lemonde»,jenevoisrien.

—Maisd'oùviennentcesimages,àtonavis?— Jen'ensaisrien.TouteslesrunesconnuesdesChasseursd'OmbresproviennentduGrimoire.C'est

pourçaqueseulslesNephilimpeuvents'enservir:ellesontétéconçuespoureux.Cependant,ilexisted'autresrunesplusanciennes.C'estMagnusquimel'adit.Comme,parexemple,laMarquedeCaïn.C'estune rune de protection qui ne figure pas dans le Grimoire. Donc, quand je pense, disons, à la runed'intrépidité, j'ignore si je l'ai inventée ou si je m'en souviens, dans le cas où il s'agirait d'une runeantérieureauxChasseursd'Ombres.Uneruneaussianciennequelesanges.ClaryrepensaàlarunequeluiavaitmontréeIthuriel,cellequiévoquaitunsimplenœud.Avait-elle

surgidesonespritoudeceluidel'ange?Amoinsqu'elleaittoujoursexisté,àl'instardelamerouduciel?Cetteéventualitélafitfrémir.

—Tuasfroid?s'enquitSimon.—Oui...Pastoi?—Jeneressenspluslefroid,tuasoublié?Ilpassasonbrasautourd'elleetluifrictionnadoucementledos.— Jesupposequeçanesertpasàgrand-chosesachantquejeneproduisplusdechaleurcorporelle,

observa-t-iltristement.—Si,çafaitdubien.Continue.Clary regarda Simon du coin de l'œil. Il avait lesyeux fixés sur la Porte duNord. Les silhouettes

n'avaientpasbougé.L'éclatrougeâtredestoursseréfléchissaitdanssesprunelles;onauraitditunedecesphotographiesprisesavecun flash.Ellediscerna le réseaudeveinesbleuesquicouraient sous lapeaufinedesestempesetdesoncou.Elleensavaitassenezsurlesvampirespourendéduirequ'ilnes'étaitpasnourridepuislongtemps.

—Tuasfaim?—Quoi,tuaspeurquejetemorde?répondit-ilensetournantverselle.—Tusaisquemonsangestdisponibledèsquetuenressentiraslebesoin.UnfrissonparcourutSimonetilattiraClarycontrelui.—Jamaisjeneferaiunechosepareille.Puis,d'untonbadin,ilreprit:—Etpuisj'aidéjàbulesangdeJace.Jemesuisasseznourrisurledosdemesamis,tunecroispas?ClarysongeaàlacicatricequibarraitlagorgedeJace.—Tucroisquec'estpourcetteraisonque...—Quequoi?—Quelalumièredujournetebrûlepas?Cen'étaitpaslecasavantcettefameusenuitsurlebateau,

n'est-cepas?Simonhochalatêteàcontrecœur.

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—Tuasnotéd'autreschangements?Ouc'estlesimplefaitd'avoirbusonsang?—Tupensesqueparcequec'estunNephilim...Oui,ç'apeut-êtrejoué,maisiln'yapasqueça.Jaceet

toi, vous n'êtes pas tout à fait comme les autres Chasseurs d'Ombres, n'est-ce pas ? Ce qui vousparticulariseaaussifaitdemoiunêtredifférent.Ilyaquelquechosed'uniquechezvousdeux,commel'aditlareinedelaCourdesLumières.Vousétiezdesexpériences.Ilsouritdevantl'airmédusédeClary.— Passibête!J'aireconstituélepuzzle.Toiettonpouvoirsurlesrunes,Jaceet...Ehbien,personne

nepeutêtreodieuxàcepoint,ilyadusurnaturellà-dessous.—Tuledétestesàcepoint?— Je ne déteste pas Jace, protesta Simon. Enfin, c'est vrai que je l'ai haï au début. Il semblait si

arrogant,sisûrdelui,ettutecomportaiscommes'ilsortaitdelacuissedeJupiter...—Cen'estpasvrai.—Laisse-moifinir,Clary.Jevoyaisbienqu'ilteplaisaitbeaucoup.J'aid'abordcruqu'ilt'utilisait,qu'à

ses yeux tu n'étais qu'une Terrestre idiote qu'il pourrait facilement impressionner avec ses trucs deChasseurd'Ombres.Audébut,jemepersuadaisquetunetomberaisjamaisdanslepanneauetque,mêmesic'étaitlecas,ilfiniraitparselasserdetoiettumereviendrais.Jen'ensuispasfier,maisquandonestdésespéré,ons'accrocheàn'importequoi,j'imagine.Lorsqu'ils'estavéréqueJaceétaittonfrère,j'aieula même impression qu'un condamné à mort qui bénéficie d'une grâce à la dernière minute. J'étaisheureux.J'enétaismêmearrivéàmeréjouirdesasouffrance,jusqu'àcequetul'embrassesàlaCourdesLumières.Là,j'aicompris...

—Comprisquoi?fitClary,àboutdepatience.—C'étaitsafaçondeteregarder.Ilnes'étaitpasservidetoi.Ilt'aimaitsincèrement,etçalerongeait.—C'estpourçaquetuesalléàl'hôtelDumort?C'étaitunequestionqueClaryavaittoujoursvouluposersansjamaisoserlaformuler.— A cause de Jace et toi ? Pas vraiment, non.Depuisma première venue à l'hôtel, je brûlais d'y

retourner.J'enrêvaislanuit.Jemeréveillaisaupieddemonlit,voiredansmarue,habillédepiedencap.Jen'aipaspenséunesecondequemoncomportementétaitliéàunphénomènesurnaturel;jecroyaisquejesouffraisdestresspost-traumatique.Cesoir-là,j'étaisépuiséetfurieux,etnousétionstrèsprochesdel'hôtel.Ilfaisaitnuitnoire...Jemesouviensàpeinedecequis'estpassé.Jemerappellejusteêtresortiduparc,puis...levidetotal.

—Maissitun'avaispasétéencolèrecontremoi...Sionnet'avaitpasfaitdelapeine...—Cen'estpascommesivousaviezeulechoix.Etpuisj'étaisaucourant,tupenses!Onnepeutpasse

voiler la face éternellement. L'erreur que j'ai commise, c'est de ne pasm'être confié à toi, de ne past'avoirparlédemesrêves.Maisjeneregrettepasd'êtresortiavectoi.Jesuiscontentqu'onaitessayé.Etjetesuisreconnaissantd'avoirtentélecoupmêmesi,forcément,çanepouvaitpasmarcher.

— Etpourtant jevoulais tellementqueçamarche,ditClaryàmi-voix. Jen'ai jamaisvoulu te fairesouffrir.

—Sic'étaitàrefaire,jenechangeraisrien.Tusaiscequem'aditRaphaël?Quejeneseraijamaisunbonvampireparcequejen'acceptepasl'idéed'êtremort.Maistantquejemesouviendraicequec'étaitdet'aimer,j'auraitoujoursl'impressiond'êtreenvie.

—Simon...Ill'interrompitd'ungeste,lesyeuxsoudainécarquillés.—Regarde.Là-bas.Le soleil n'était plus qu'unpoint rouge à l'horizon ; sous les yeuxdeClary, sa lumière vacilla et il

disparut.Lestoursd'Alicantes'illuminèrentbrusquement.Dansleurclartéaveuglante,Clarydistinguala

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foulequis'agitaitau-delàdelaPorteduNord.—Qu'est-cequisepasse?chuchota-t-elle.Lesoleilsecouche;pourquoilaportenes'ouvre-t-ellepas

?Simons'étaitfigé.—L'EnclaveadûrefuserlapropositiondeLuke.—Maisc'estimpossible!Çasignifierait...—Qu'ilsvontserendreàValentin.—Ilsnepeuventpasfaireça!MaissousleregardeffarédeClary,lessilhouettesregroupéesderrièrelesbouclierssedétournèrentet

commencèrentàs'éloignerdelaville.Danslalumièredéclinante,levisagedeSimonpritunaspectcireux.—Ilfautvraimentqu'ilsnousdétestentpournouspréférerValentin.— Cen'est pasde lahaine, c'est de lapeur.MémeValentin apeurdevous, répliquaClary sans

réfléchir,etellecompritàcetinstantquec'étaitlasimplevérité.Ilapeuretilestjaloux.Simonladévisageaavecsurprise.—Jaloux?Clary repensa au rêve qu'Ithuriel lui avait montré, et la voix deValentin résonna à ses oreilles. «

J'espéraisquetum'expliqueraispourquoiRazielnousacrées,nouslaracedesChasseursd'Ombres,sansnousaccorderlesdonsdesCréaturesObscures:larapiditédesloups,l'immortalitéduPetitPeuple,lespouvoirs magiques des sorciers, l'invulnérabilité des vampires. Il nous a laissés nus, sans autreprotectioncontreleshôtesdel'enferquecesMarquestatouéessurnotrepeau.Pourquoileurspouvoirsdevraient-ilsêtresupérieursauxnôtres?Pourquoinepouvons-nouspasbénéficierdecequ'ilspossèdent?»ClaryregardasanslavoirlavilleencontrebasvaguementconscientequeSimonl'appelait,maisson

cerveaubouillonnait.L'angeauraitpuluimontrern'importequellescène,orilavaitchoisicesouvenirenparticulierdansunbutprécis.LesmotsdeValentin lui revinrentenmémoire :«Laperspectived'êtreenchaînésàcescréatures...»La rune. Celle dont elle avait rêvé. La rune évoquant un nœud. «Pourquoi ne pouvons-nous pas

bénéficierdecequ'ilspossèdent?»—C'estuneruned'alliance.Ellenouslielesunsauxautresmalgrénosdifférences.—Quoi?fitSimon.Claryserelevaprécipitammentenépoussetantsesvêtements.—Ilfautquejeredescende.Oùsont-ils?—Quiça,ils?Clary...—L'Enclave.Oùseréunit-elle?OùestLuke?Simonselevaàsontour.—DanslaSalledesAccords.Mais...Clarydévalaitdéjàlesentiermenantàlaville.Simonlasuivitenjurantdanssabarbe.

« Il paraît que tous les chemins mènent à la Salle des Accords. » Tout en parcourant les rues

d'Alicante,ClaryserépétaitsanscesselesmotsdeSébastien.Elleespéraitqu'ilavaitditlavérité,sansquoielle finirait inévitablementparseperdre.Ellesesentaitbien loindeNewYork,avecsonréseauquadrillédebellesavenuesrectilignes.ÀManhattan,onsavait toujoursoùonétait.Touslesbâtiments

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étaientsoigneusementnumérotés.Encomparaison,Alicanteétaitunvéritablelabyrinthe.Clary traversa une placeminuscule et s'engagea dans une des rues étroites qui longeaient le canal,

sachantqu'ensuivantl'eauellefiniraitbienparretombersurlaplacedel'Ange.Asonétonnement,sespaslaconduisirentauxabordsdelamaisond'Amatiset,pantelante,ellebifurquadansuneruepluslarge,d'aspectfamilier,quidébouchaitsurlaplaceaucentredelaquelles'élevaitlastatuedel'Ange.Postéàcôtédumonument,Simonl'attendait,lesbrascroisés,l'airfurieux.

—Tuauraispum'attendre,marmonna-t-il.— Tuas...bondos...dedireça, lançaClary,horsd'haleine, lecorpspliéendeux.Tues...arrivé…

avantmoi.— Lesvampiresvontvite,expliqua-t-ilavecunesatisfactioncertaine.Unefoisrentré,jedevraisme

mettreaumarathon.—Ceserait...delatriche.Sanscesserdesuffoquer,Claryseredressaenrepoussantsescheveuxtrempésdesueur.—Viens.Entrons.Claryn'avaitjamaisvuautantdeChasseursd'OmbresrassemblésdanslaGrandeSalle,mêmelanuit

del'attaque.Letumultedeleursvoixévoquaitlerugissementd'uneavalanche;lapluparts'étaientréunisenpetitsgroupeset sequerellaientbruyamment.Derrière l'estradevide, lacarted'Idrispendait sur lemur.ClarycherchaLukedesyeux.Il luifallutunlongmomentpour lerepérer,adosséàunecolonne, les

yeuxmi-clos.Ilsemblaittrèsabattu.Amatis,deboutprèsdelui,luitapotaitl'épaule,l'airanxieux.Claryjetaunregardautourd'ellemaisnevitpasJocelynedanslafoule.Pendant un bref instant, elle hésita. Puis elle pensa à Jace qui s'était lancé seul à la poursuite de

Valentin, au risque d'être tué. Il savait où était sa place, et elle comprit qu'elle aussi avait trouvé lasienne.L'adrénalinecouraitencoredanssesveines,aiguisantsessens,ettoutluisemblaitpresquetropclair.ElleserralamaindeSimondanslasienne.

—Souhaite-moibonnechance.Elle se dirigea vers l'estrade, comme guidée par une volonté étrangère et, après avoir gravi les

marches,setournépourfairefaceàlafoule.Ellenesavaitpastropàquois'attendre.Deschuchotementssurpris?Unemerdevisagesavides,silencieux?Personnenesemblaitprêterattentionàelle.SeulLukeleva la tête, commes'il sentait saprésence,et se figead'étonnementen lavoyant.Unhommegrandetosseuxs'avançaverselleenfendantlafoule.C'étaitleConsulMalachi.Avecforcegestes,illuifitsignede descendre de l'estrade et cria quelque chose qu'elle n'entendit pas. Les uns après les autres, lesChasseursd'Ombresrassembléstournaientlatêtedanssadirectionàmesurequ'ilserapprochait.Claryavaitatteintsonbut:touslesregardsmaintenantétaientrivéssurelle.Unmurmureparcourutla

foule:«C'estelle.C'estlafilledeValentin.»— C'estvrai,cria-t-elle,jesuislafilledeValentin.J'aiapprisqu'ilétaitmonpèreilyaquelques

semaines.J'ignoraistoutdesonexistencejusque-là.J'aiconsciencequevousêtesnombreuxàdouterdema bonne foi, et ce n'est pas grave. Croyez ce que bon vous semble, du moment que je peux vousconvaincrequejesaisdeschosesàsonsujetquevousignorez,etquejepeuxvousaideràgagnercetteguerre...Maispourcela,vousdevrezaccepterdem'écouter.

—C'estridicule!s'exclamaMalachiens'arrêtantaupieddesmarches.Tun'esqu'unepetitefille...—C'estlafilledeJocelyneFairchild,intervintPatrickPenhallow.Ilsefrayaunpassagejusqu'àl'estrade,lamainlevée.—Laisse-laparler,Malachi.Lafoules'agita.

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—Vous!crachaClaryenjetantunregardnoirauConsul.Vousetl'Inquisiteur,vousavezjetémonamiSimonenprison...Malachiricana.—Tonamilevampire,c'estbiença?—Vous luiavezdemandécequi s'étaitpassé sur lebateaudeValentince soir-là.Vouscroyiezqu'il

avaiteu recoursà lamagienoire.Ehbien,cen'estpas lecas.Sivous tenezà savoirquiadétruit cebateau,c'estmoi.Malachipartitd'unrireincrédule,etplusieursautresl'imitèrent.Luke,lesyeuxfixéssurClary,secoua

latête,mais,loindeselaisserabattre,ellepoursuivit:—J'aieurecoursàunerunesipuissantequelebateaus'estdisloqué.Jepeuxcréerd'autresrunesque

cellesduGrimoire.Desrunesquin'ontjamaisservijusqu'ici...—Assez!rugitMalachi.Personnenepeutcréerdenouvellesrunes.C'estimpossible.Prenantàpartielafoule,ilajouta:—Cettefilleestunementeuse,commesonpère.1—Elleditlavérité,fitunevoixaufonddelasalle,Les têtes se tournèrent, etClaryvitAlec,debout entre Isabelle etMagnus.Simon les avait rejoints.

AvecMaryseLightwood,ilsformaientunpetitgroupedéterminépostéprèsdelaporte.—Jel'aivuedemespropresyeux.J'aimêmeservidecobaye,etç'amarché.—Tumenspourprotégertonamie,répliqualeConsul,maisledoutesepeignitsursonvisage.—Franchement,Malachi,intervintMarysed'untoncassant.Pourquoimonfilsmentirait-ilalorsqu'ilest

sifacilededécouvrirlavérité?Donnezdoncunestèleàcettefille!Unmurmure d'assentiment parcourut la salle. PatrickPenhallow s'avança versClary et lui tendit sa

stèle,ellelaprit,leremerciaduregardetsetournadenouveauverslafoule.Elleavaitlabouchesèche.Sil'adrénalinefaisaitencoreeffet,ellenesuffisaitpasàcalmersontrac.

Qu'était-elle censée dessiner ? Quelle rune serait susceptible de convaincre la foule ? Qu'est-ce quipouvaitbienleurprouverqu'elledisaitlavérité?,EllecherchaSimondesyeux,etlerepéraaucôtédesLightwood;ill'observait.IlavaitlemêmeregardqueJace,cejour-là,danslemanoir.C'étaitlàleseullienquireliaitcesdeuxgarçonsqu'elleaimaittant,leurseulpointcommun:tousdeuxcroyaientenellemêmequandelleavaitperdulafoi.LesyeuxrivéssurSimon,etl'esprittoujourstournéversJace,elleappliqualapointedelastèlesur

l'intérieurdesonpoignet,àl'endroitoùbattaitsonpoulset,sansbaisserlatête,elletraçadeslignesàl'aveuglette,comptantsursonpouvoiretceluidelastèlepourcréerlarunedontelleavaitbesoin.Elleprocédapartoucheslégèresmaissansuneseconded'hésitation.Unefoissatâcheterminée,lapremièrepersonnequ'ellevitfutMalachi.Livide,ilreculadequelques

pas,l'airhorrifié.Ilprononçaunmotdansunelangueinconnueet,derrièrelui,ClaryaperçutLukequiladévisageait,bouchebée.-Jocelyne?murmura-t-il.Ellesecouaimperceptiblementlatêteàsonintentionetobservalesvisagesdevantelle;ilssouriaient,

regardaientautourd'euxd'unairdésorientéouéchangeaientunregardahuriavecleurvoisin.Certains,lamainplaquéesurlabouche,semblaientfrappésd'horreuroudestupéfaction.EllevitAlecjeteruncoupd'œilfurtifàMagnuspuissetournerdenouveauverselle,l'airincrédule.Soudain,AmatisseprécipitaverslesmarchesenbousculantPatrick.

—Stephen!cria-t-elleenlevantversClaryunregardhébété.Stephen!— Oh,Amatis, non ! fit celle-ci et, brusquement elle sentit que lamagie de la rune lui échappait,

commeunvêtementinvisibleglissantdesesépaules.

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Le visage d'Amatis s'assombrit et elle recula avec une expression mi-stupéfaite mi-déconfite. Unsilencedemortplanaitsurlafoule;touslesregardsétaienttournésversClary.

— Jesaiscequevousavezvu.Et,vouslesavezaussibienquemoi,cegenredemagien'ariend'uncharmeoud'uneillusion.Ilm'asuffid'uneseulerune.Cetterune,c'estmoiqui l'aicréée.L'originedemon pouvoir n'a pas d'importance. Ce qui compte,c'est que je peux vous aider à gagner cette guerrecontreValentin,sivousmelaissezfaire.

— Iln'yaurapasdeguerrecontreValentin,objectaMalachienévitantleregarddeClary.L'Enclaveaprissadécision.Noussommesprêtsàacceptersesconditions.Nousrendronslesarmesdemainmatin.

— Vousnepouvezpasfaireunechosepareille!s'écria-t-elle,audésespoir.Vouspensezpeut-êtrequeValentinvouslaisseraretrouvervosviesd'avant?Vouscroyezqu'ilsecontenterad'éliminerlesdémonsetlesCréaturesObscures?Ellebalayalasalleduregard.—Laplupartd'entrevousnel'ontpasvudepuisquinzeans.Vousavezpeut-êtreoubliéquiilest.Mais

moi, je sais. J'ai entendu ses projets de sa bouche. Vous pensez que vous continuerez à vivretranquillementsoussonrègne?Ilvoustiendraàsamerci,carilpourratoujoursvousmenaceraveclesInstrumentsMortels.IlcommenceraparréglerleurcompteauxCréaturesObscures,évidemment.Puisils'occuperadesmembresdel'Enclave,qu'ilconsidèrecommefaiblesetcorrompus.Ensuite,ilélimineratousceuxquicomptentuneCréatureObscureparmileursproches.Unfrèrelycanthrope.(Sonregardseposa tour à tour surAmatis et sur lesLightwood.)Une fille rebelle qui fréquente un chevalier-elfe àl'occasion...Puisils'enprendraàtousceuxquionteurecoursauxservicesd'unsorcier.Combienparmivoussontconcernés?

— Sottises ! rétorqua sèchement Malachi. Valentin n'a pas l'intention de s'attaquer aux Chasseursd'Ombres.

— Enrevanche, ilestimequetoutepersonnes'associantaveclesCréaturesObscuresn'estpasdigned'être un Nephilim. Admettons : vous n'êtes pas en guerre contre Valentin mais contre les démons.Protégerlemondecontreeux,c'estledevoirquelecielvousaconfié.Or,unetellemissionnepeutpasêtreignorée.LesCréaturesObscuresdétestentaussilesdémons.Ellesaussin'aspirentqu'àlesdétruire.SiValentin s'en sort vainqueur, il passera le plus clair de son temps à les pourchasser, ainsi que lesChasseursd'Ombresquisesontassociésavecelles.Iloubliera lesdémons,etvousaussi :voussereztropoccupésàavoirpeurdelui.Ainsi,ilspourrontrégnertranquillementsurlemonde.

— Jevoisoùtuveuxenvenir,ditMalachientresesdents.NousnenousrallieronspasauxCréaturesObscuresdanscetteguerreperdued'avance...

—Maisvouspouvezlagagner!protestaClary.Elleavaitlagorgesèche,latêtelourdeetlesvisagesdevantellesemblaientsefondreenunbrouillard

traverséicietlàd'explosionsdelumièreblanche.«Tunepeuxpast'arrêtermaintenant.Ilfautcontinuer.Tudoisessayer.»

— MonpèrehaitlesCréaturesObscuresparcequ'ilestjaloux,reprit-elle.Illeurenvieleurspouvoirsautantqu'illescraint.L'idéequ'ilspuissentêtrepluspuissantsquelesNephilimdanscertainsdomainesl'effraie,etjepariequ'iln'estpasleseul.Ladifférentfaitpeur.Ellepritunegrandeinspirationavantdepoursuivre.— Maissivouspouviezlespartager,cespouvoirs?Sijepouvaiscréerunerunesusceptibledelier

chaque Chasseur d'Ombres à une Créature Obscure ? Vous guéririez aussi vite qu'un vampire, vousdeviendriez aussi fort qu'un loup-garou ou aussi rapide qu'un chevalier-elfe. Et eux, à leur tour,pourraientbénéficierdevotreexpérience,devostalentsdecombattants.VousseriezinvinciblessivousmelaissiezvousmarqueretsivousacceptiezdevousbattreauxcôtésdesCréaturesObscures.Car,le

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cas échéant, les runesnemarcherontpas.S'il vousplaît, ajouta-t-elle aprèsun silence,mais lesmotss'étranglèrentdanssagorge.S'ilvousplaît,laissez-moivousmarquer.Unsilenceassourdissantaccueillitsesparoles.Lemondevacillaautourd'elle,etelles'aperçutqu'elle

avaitprononcéladernièrepartiedesondiscourslesyeuxlevésversleplafonddelaGrandeSalle,etquelesexplosionsdelumièreblancheétaientlesétoiless'allumantuneparunedanslecielnocturne.Lesilenceseprolongeaet,lentement,elleserralespoings.Puis,toujoursaveclamêmelenteur,ellebaissalesyeuxverslafoulequilaregardaitbouchebée.

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17.LeRégitDeLaChasseuseD'Ombres

ASSISESURLADERNIÈREMARCHEdugrandescaliermenantàlaSalledesAccords,Clarycontemplaitlaplace de l'Ange. La lune, qui s'était levée plus tôt, émergeait à peine au-dessus des toits. Les toursreflétaientsaclartélaiteuse.Alafaveurdel'obscurité,lesplaiesetlesbossesdelavilleavaientdisparu;sanslacitadelleenruinequisedressaitsurlacolline,elleauraitpusemblerpaisibleauclairdelune.Des gardes patrouillaient sur la place, éclairés de temps à autre par la lumière d'un réverbère.Apparemment,ilsmettaientunpointd'honneuràignorerlaprésencedeClary.Quelquesmarchesplusbas,Simonfaisaitlescentpas,lesmainsdanslespoches.Quandilseretourna

pourlarejoindre,laluneéclairasapeaublêmecommeunesurfaceréfléchissante.—Arrêtedet'agiter,marmonnaClary.Tumerendsencoreplusnerveuse.—Désolé.—J'ail'impressionqu'onestlàdepuisuneéternité.Clarytenditl'oreille,maisnediscernaguèrequelebrouhahamonotoned'unecentainedevoixau-delà

delaporteàdoublebattant.—Tuentendscequ'ilsdisentàl'intérieur?Simonfermalesyeuxàdemiets'efforçadeseconcentrer.—Desbribes,répondit-ilaprèsunsilence.—J'auraisvouluparticiperàlaréunion,gémitClaryendonnantdescoupsdetalondanslesmarches.Lukeavaitexigéqu'elleattendedehorspendantquel'Enclavedélibérait;ilavaitessayéderenvoyer

Amatis avec elle, mais Simon avait insisté pour prendre sa place sous prétexte qu'il valait mieuxqu'AmatisrestepourdéfendreClary.—Tuesbienmieuxici,répliqua-t-il.ClarysavaitpertinemmentpourquoiLukeluiavaitdemandédesortir.Elles'imaginaitcequ'ilsétaient

entrainderacontersursoncompte.Menteuse.Dégénérée.Idiote.Folle.Monstre.FilledeValentin.Peut-êtreavait-ileuraisondelachasser,maislatensionliéeàl'attenteétaitpresquedouloureuse.—Peut-êtrequejepourraisgrimpersurundecesmachins,suggéraSimonenindiquantd'unsignede

têtelesgrossescolonnesblanchesquisoutenaientletoitpentudelaGrandeSalle.Hormislesrunesquis'entrelaçaientsurlemarbre,iln'yavaitaucuneprisepourlesescalader.—Çamedéfoulera,ajouta-t-il.—Voyons,fitClary.Tuesunvampire,pasSpiderman.Pourtouteréponse,Simongravitlesmarchesd'unpaslesteets'avançaverslacolonnelaplusproche.

Illaconsidérad'unairpensifpendantquelquessecondes,puiscommençasonascension.Claryl'observa,bouchebée,tandisqu'ilprogressaitentrouvantduboutdesdoigtsdesprisesimpossiblesurlesreliefsdelapierre.

—OK,tuesSpiderman!s'exclama-t-elle.Parvenuàmi-hauteurdelacolonne,Simonbaissalesyeuxverselle.—ÇafaitdetoiMaryJane.Çatombebien,ellealescheveuxroux.Ilbalayaduregardlavillealentouretfronçalessourcils.—J'espéraisquejepourraisvoirlaPorteduNordd'ici,maisjenesuispasassezhaut.Évidemment,Clarysavaitpourquoiiltenaittantàlavoir.Desmessagersavaientétédépêchéslà-bas

pour demander aux Créatures Obscures d'attendre pendant que l'Enclave délibérait, et Clary espéraitqu'ellesaccéderaientàsarequête.

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Lesbattantsdelagrandeportes'ouvrirentdansuncraquement.Uneformefrêleseglissaau-dehorset,après avoir refermé la porte, se tourna vers Clary. Son visage était dissimulé par la pénombre et,lorsqu'elle s'avança vers l'escalier éclairé par la lumière de sort,Clary entrevit l'éclat d'une tignasserousse.Acetinstantseulement,ellereconnutsamère.Jocelynelevalesyeux,l'airsurpris.—Tiens!Bonsoir,Simon.Raviedevoirquetu…t'adaptes.Simonselaissa tomberdesonperchoiretatterritgracieusementsur lesol. Ilsemblaitunpeumalà

l'aise.—Bonsoir,madameFray.—Jenevoisplusvraimentl'intérêtdem'appelerainsi.Tudevraispeut-êtret'enteniràJocelyne.(Elle

hésita.)Tusais,malgrél'étrangetédelasituation,c'estbondetevoirici,auprèsdeClary.Décidément,vousêtesinséparables.Simonsetortillad'embarras.—C'estbondevousvoiraussi.—Merci,Simon.Jocelynesetournaverssafille.—Clary,tuveuxbienqu'onaitunepetiteconversation?Seuleàseule?Claryrestaimmobileunlongmoment,lesyeuxfixéssursamère.Elleavaitl'impressionderegarder

une étrangère. La gorge serrée, elle jeta un coup d'œil à Simon, qui, visiblement, n'attendait que sonsignalpourresteroutournerlestalons.Ellepoussaunsoupir.

—D'accord.Simon leva les pouces en signe d'encouragement avant de retourner dans la salle. Clary reporta le

regardsurlaplaceetfitmined'observerlesgardesentraind'effectuerleurronde,tandisqueJocelynes'asseyaitàcôtéd'elle.D'uncôté,Claryavaitenviedesepencherverssamèrepourposerlatêtesursonépaule.Elleauraitmêmepufermerlesyeuxetprétendrequetoutallaitbien.Mais,d'unautrecôté,ellesavaitquecelaneferaitaucunedifférence:ellenepourraitpasgarderlesyeuxferméséternellement.

— Clary,ditJocelyneàmi-voix,jesuisvraimentdésolée.Jen'auraisjamaiscrurevoircetendroitunjour,reprit-elleaprèsunsilence.Claryobservasamèreducoinde l'œilets'aperçutqu'elleavait lesyeuxrivéssur les tours,dont laclarté

laiteusesedétachaitsurl'horizon.— Ilrevenaitparfoisdansmesrêves.J'aimêmevoulupeindrelesouvenirquej'engardais,maisjecraignais

qu'envoyantmestoilestunetemettesàposerdesquestionssurcespaysages.J'avaissipeurquetudécouvresd'oùjevenaisetquij'étaisvraiment.

—Ehbien,maintenantjesais.—Oui,tusais,murmuraJocelyned'untonmélancolique.Ettuastouteslesraisonsdemehaïr.—Jenetehaispas,maman.C'estjuste...—Jenepeuxpast'envouloir.J'auraisdûterévélerlavérité.Jocelyneeffleural'épauledeClaryetinterprétasonabsencederéactioncommeunencouragement.— Jepourraistedirequejel'aifaitpourteprotéger,maisjesaisquec'estunepiètreexcuse.J'étaislà,toutà

l'heure,danslasalle.Jet'observais...—Ahbon?fitClary,étonnée.Jenet'aipasvue.—J'étaistoutaufond.Lukem'avaitdemandédenepasveniràlaréunion.Ilestimaitquemaprésencemettraitle

feuauxpoudres,etilavaitprobablementraison.Maisj'avaistellementenvied'yassister!Unefoislaréunioncommencée,jesuisentréeendouceetjemesuiscachéedansuncoin.Maisj'aitoutvu.Etjetenaisàtedire...

—Quejemesuisridiculisée?lâchaClaryavecamertume.Jelesaisdéjà.

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—Non.Jevoulaistedirequej'étaisfièredetoi.Clarysetournabrusquementverssamère.—Vraiment?Jocelynehochalatête.— Çavadesoi.Ilfallaittevoirtenirtêteàl'Enclavecommetul'asfait.Tuleurasmontrécedonttuétais

capable.Enteregardant,ilsontvulapersonnequ'ilsaimaientleplusaumonde,n'est-cepas?—Oui.Commentlesais-tu?—Parcequejelesaientendusprononcerdesnoms,expliquaJocelyneavecdouceur.Maismoi,c'étaitencoretoi

quejevoyais.—Oh.Claryregardasespieds.—Ehbien,jenesuistoujourspassûrequ'ilsm'aientcrueausujetdesrunes.Enfin,j'espèremais...—Jepeuxlavoir?—Quoi?—Larune.CellequetuascrééepourlierlesChasseursd'OmbresauxCréaturesObscures.(Jocelynehésita.)Si

tunepeuxpas...—Si,si,biensûr.AveclastèlequeluiavaitdonnéePatrickPenhallow,Clarytraçalarunequel'angeluiavaitmontréesurle

marbred'unemarche,etleslignesscintillèrentcommedel'or.C'étaitunerunepuissante,simpleetcomplexeàlafois,composéedecourbeschevauchantunematricedelignesdroites.Clarysavaitmaintenantpourquoielleluiavait semblé inachevée lorsqu'elle l'avait visualisée la première fois : il lui fallait une rune jumelle pourfonctionner.«Alliance.C'estcommeçaquejel'aibaptisée.»Muetted'étonnement,Jocelyneregardaleslignesnoiresqu'avaitlaisséeslarunesurlapierre.— Quand j'étais jeune, dit-elle enfin, je me suis battue de toutes mes forces pour réconcilier les

Chasseurs d'Ombres et les Créatures Obscures afin de protéger les Accords. J'avais l'impression depourchasserunrêve,quelquechosed'àpeineimaginablepourlaplupartdesChasseursd'Ombres.Tuasfaitdece rêveune réalité. J'ai comprisquelquechoseen t'observantdans la salle.Pendant toutescesannées,j'aitentédeteprotégerent'empêchantdesortir.C'estpourçaquejenevoulaispasquetuaillesauCharivari.Jesavaisque,là-bas,lesCréaturesObscuressemêlaientauxTerrestres,etcelasignifiaitqu'il y avait aussi des Chasseurs d'Ombres. Jem'imaginais que c'était ton sang qui t'attirait dans cetendroit,toninstinctquireconnaissaitleMondeObscur,alorsmêmequejet'avaisprivéedelaSecondeVue.Jepensaisquetuseraisensécuritésijetecachaisl'existencedecemonde.Ilnem'estjamaisvenuàl'espritquejepourraisteprotégerent'apprenantàtebattre.Pourtant,tuétaisassezfortepoursupporterlavérité.Tuveuxtoujoursl'entendre?

—Jenesaispas.Clarysongeaauxvisionsterriblesquel'angeluiavaitmontrées.—D'accord,jet'enveuxdem'avoirmenti.Maisd'unautrecôté,jenesuispassûredevouloirentendre

d'autreshorreurs.— J'aiparléàLuke.Ilpensequetudevraisconnaîtretoutel'histoire,ycomprislesdétailsquejen'ai

racontés à personne,même pas à lui. Je ne peux pas nier que la vérité n'est pas toujours agréable àentendre.Maisc'estlavérité.«Laloiestduremaisc'estlaloi.»ClarydevaitautantàJacequ'àelle-mêmedeconnaîtrelefinmot

del'histoire.Elleserralastèledanssamain.—Jeveuxtoutsavoir.

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—Tout...(Jocelynepritunegrandeinspiration.)Jenesaismêmepasparoùcommencer.—Pourquoinepasm'expliquerpourquoituasépousécemonstre?— Cen'estpasunmonstre,c'estunhomme.Unhommemauvais,certes.Situtiensvraimentàsavoir

pourquoi,c'estparcequejel'aimais.—C'estimpossible.Quipeutaimercethomme-là?— J'avaistonâgequandjesuistombéeamoureusedelui.Jeletrouvaisparfait :brillant, intelligent,

drôle,charmant.C'estça,regarde-moicommesij'avaisperdulatête.TuneconnaisValentinquedepuispeu. Tu ne sais pas comment il était à l'époque. Nous allions à l'école ensemble, et tout le mondel'adorait.Ildégageaituneauraincroyablequ'ilacceptaitdepartageravecquelqueschanceux.Touteslesfilles étaient amoureuses de lui, et j'étais persuadée de n'avoir aucune chance. Je n'avais riend'extraordinaire.Jen'étaismêmepaspopulaire.Lukeétaitl'undemesplusprochesamis,etjepassaisleplusclairdemontempsaveclui.Pourtant,sansquejeparvienneàmel'expliquer,c'estmoiqueValentinachoisie.« Berk ! » songea Clary, mais elle se garda de formuler tout haut sa pensée. Peut-être était-ce la

nostalgie qui perçait dans la voix de samère, ou sesmots concernant l'aura deValentin.Clary s'étaitsouventfaitlamêmeréflexionausujetdeJace.Peut-êtrequetouslesgensamoureuxréagissaientdelasorte.

—D'accord,concéda-t-elle,j'aipigé.Maistuavaisseizeansàl'époque.Riennet'obligeaitàl'épouser—J'avaisdix-huitanslorsqu'ons'estmariés.Luidix-neuf,précisaJocelyned'untonégal.—Oh,lala,fitClary,horrifiée.Tumetueraissijedécidaisdememarieraumêmeâge.— Sûrement,admitJocelyne.Mais lesChasseursd'Ombresont tendanceàconvolerplus tôtque les

Terrestres.Leur...notreespérancedevieestpluscourte ;beaucoupd'entrenousconnaissentunemortviolente.Pourcetteraison,noussommesplusprécoces.Quandbienmême,j'étaisjeunepourmemarier.Pourtant, ma famille était heureuse pour moi. Tout le monde pensait que Valentín était un garçonformidable.Etiln'étaitqu'unadolescent,luiaussi.Laseuleàm'avoirmiseengarde,c'étaitMadeleine.Nous nous connaissions depuis l'école, et lorsque je lui ai annoncémes fiançailles, ellem'a dit queValentin était égoïste, détestable, et que son charme dissimulait une absence terrible demoralité. J'aipenséqu'elleétaitjalouse.

—C'étaitlecas?—Non,elledisaitlavérité.Seulement,jenevoulaispasl'entendre.—Mais,parlasuite,tuasregrettédel'avoirépousé,n'est-cepas?— Clary,murmuraJocelyned'untonlas.Nousétionsheureux.Lespremièresannées,dumoins.Nous

sommesretournésvivrechezmesparents,danslemanoiroùj'avaisgrandi.Valentinnevoulaitpasresterenville, et il tenait aussi àceque lesautresmembresduCercle se tiennentà l'écartd'Alicanteet del'Enclave.LesWaylandhabitaientunmanoiràquelqueskilomètresdunôtre,etnouscomptionsd'autresamisparminosvoisins:lesLightwood,lesPenhallow.C'étaitunpeucommeêtreaucentredumonde,aveccetteeffervescence,cettepassionautourdenous,et jevivais toutcelaaucôtédeValentin. Ilmedonnaitunegrandeplacedanssavie. J'étaismêmeunélémentcrucialduCercle. Je faisaispartiedesrarespersonnesdontilrespectaitl'opinion.Ilmerépétaitsanscesseque,sansmoi,iln'étaitrien.

—Ahbon?Claryn'arrivaitpasàsereprésenterValentinsousunjouraussi...vulnérable.—Ilmentait,biensûr.Valentinétaitnépourdevenirchef,pourêtreaucentred'unerévolution.Deplus

enplusdegensseralliaientàsacause.Ilsétaientfascinésparsapassion,sonéloquence.IlparlaitpeudesCréaturesObscuresàcetteépoque. Ilnesongeaitqu'à réformer l'Enclave,àchangerdes loisqu'iltrouvaitobsolètes,rigidesetmauvaises.Asonsens,ildevaityavoirdavantagedeChasseursd'Ombres

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etd'Instituts.Plutôtquedenouscacher,nousdevionsconcentrernoseffortssurlaluttecontrelesdémons.Selonlui,ilnousfallaitmarcheraugrandjour,latêtehaute.Elleétaitséduisante,savision:unmondepeuplédeChasseursd'Ombresetdébarrassédesdémons,avecenprimelagratitudedesTerrestres.Nousétionsjeunes;pournous,lareconnaissanceétaitimportante.Jocelynepritunegrandeinspiration,commesielles'apprêtaitàplongersousl'eau.—Puisjesuistombéeenceinte.Clarysentitunfrissonluiparcourirlanuqueetsoudain,sanss'expliquerpourquoi,ellen'eutplustrès

envied'entendrelavéritédelabouchedesamère.—Maman...Jocelynesecouaobstinémentlatête.— Tum'as demandépourquoi je ne t'ai jamais révélé que tu avais un frère, non ? J'étais tellement

heureusequandjel'aisu!QuantàValentin,ilavaittoujoursvouluêtrepère.Ilsouhaitaitfairedesonfilsunguerrier,luiinculquercequesonproprepèreluiavaitappris.«Etsic'estune»,protestais-je,etilajoutaitensouriantqu'unefillepouvaitsebattreaussibienqu'ungarçon,etqu'ilseraitravidansl'unoul'autrecas.J'avaisl'impressionquetoutallaitpourlemieuxdanslemeilleurdesmondes.«PuisLukeaétémorduparunloup-garou.Ilparaîtqu'ilyaunechancesurdeuxpourquelamorsure

entraîne un cas de lycanthropie. A mon avis, c'est plutôt trois chances sur quatre. J'ai rarement vuquelqu'un échapper aumal, et Luke ne fut pas une exception. Lors de la pleine lune suivante, il s'esttransformé.Aumatin,jel'aitrouvésurlepasdenotreporte,couvertdesang,lesvêtementsenlambeaux.J'aivoululeréconforter,maisValentinm'apousséeàl'intérieur."Jocelyne,m'a-t-ildit.Lebébé."CommesiLuke allait se jeter surmoi pour arracher l'enfant demes entrailles ! Il était resté lemême.Aprèsm'avoirécartée,Valentinl'aemmenédanslesbois.Quandilestrevenubeaucoupplustard,ilétaitseul.Lorsquejel'aiquestionné,ilm'aréponduqueLukes'étaitsuicidédansunaccèsdedésespoir.Après toutes ces années, le chagrin dans la voix de Jocelyne était encore perceptible, alorsmême

qu'ellesavaitLuketoujoursenvie.Cependant,ClaryserappelaitsonpropredésespoirquandelleavaittenudanssesbrasunSimonagonisantsurlesmarchesdel'Institut.Certainssouvenirsnes'effaçaientpas.

— MaisiladonnéuncouteauàLuke,objecta-t-elled'unepetitevoix.Illuiaordonnédesetuer.Ilaforcélemarid'Amatisàdemanderledivorceparcequesonfrèreétaitdevenuunloup-garou.

—Je n'étais pas au courant.Après lamort deLuke, je suis tombée dans une spirale. Je passais desjournéesentièresenferméedansmachambreàdormir.Jenemangeaisquepourlebébé.LesTerrestresauraientdiagnostiquéunedépression,maislesChasseursd'Ombresneconnaissentpasceterme.Valentíncroyaitquejevivaisunegrossessedifficile.Ilracontaitàtoutlemondequej'étaismalade.Etc'étaitlecas: jenefermaispasl'œildelanuit, j'entendaisdesbruitsétranges,descrisdéchirants.Valentinmefaisaitboiredespotionspourdormir,mais ellesmedonnaientdescauchemars.Dansces rêves, ilmemaintenaitàterrepourmepoignarderoumefaireavalerdupoison.Aumatin,j'étaisépuiséeetjedevaisdormir toute la journée. Jen'avaisaucune idéedecequi sepassaitdehors, j'ignoraisqu'il avait forcéStephenàdivorcerd'AmatispourépouserCéline.J'erraisdansunbrouillard.Puis...Jocelynetorditsesmainsquitremblaient.—Puisl'enfantestné.Ellerestasilencieusesi longtempsqueClaryenvintàsedemandersielleachèveraitsonrécit.Les

yeuxperdusdanslevague,ellepianotaitnerveusementsursesgenoux.— Mamèreétaitavecmoicejour-là,reprit-elleenfin.Tunel'aspasconnue.Tagrand-mèreétaitune

femmed'une bonté exceptionnelle. Tu l'aurais aimée, je crois. Ellem'a tendumon fils, et d'abord j'aiseulementpenséquemesbrasétaient faitspour lui,que lacouverturedans laquelle il était enveloppéétaitdouceautoucher.Ilétaitsipetit,sifrêle,avecunetouffedecheveuxclairsausommetducrâne.Puis

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ilaouvertlesyeux.Jocelynes'exprimaitd'unevoixcalme,presquemonocorde,etpourtantClarysesurpritàtrembleretà

redouter ce qui allait suivre. « Tais-toi », l'implora-t-elle en silence. Mais Jocelyne poursuivit,imperturbable:

— L'horreurm'a submergée.Auprix d'un immense effort, j'ai réprimé l'envie de le jeter au loin enhurlant. Ilparaîtqu'unemère reconnaît sonenfantd'instinct. Je supposeque lecontraireest égalementvrai. Tout mon corps me criait que ce n'était pas mon bébé mais une créature horrible, inhumaine.Commentétait-ilpossiblequemamèrenes'ensoitpasaperçue?Ellemesouriaitcommesi toutétaitparfaitementnormal.«SonnomestJonathan»,aditunevoixduseuildelachambre.Levantlesyeux,j'aivuValentinquicontemplaitlascèned'unairradieux.Lebébéarouvertlesyeux,commes'ilreconnaissaitsonprénom.Ilavaitdesyeuxnoirscommelanuit,insondables,ilsn'exprimaientaucunehumanité.Unlongsilences'installa.Figéed'horreur,Claryconsidérasamèrebouchebée.«C'estdeJacequ'elle

parle,songea-t-elle.Commentpeut-onéprouverunteldégoûtvis-à-visd'unnouveau-né?»—Tuétaispeut-êtresouslechoc,murmura-t-elle.Outuétaismalade...—C'estcequ'ilm'adit,répliquaJocelyned'unevoixdépourvued'émotion.Quej'étaismalade.Valentin

adoraitJonathan.Ilnecomprenaitpascequim'arrivait.Etjesavaisqu'ilavaitraison.J'étaisunmonstrede ne pas supportermon propre fils. J'ai pensémettre fin àmes jours. Je l'aurais peut-être fait si jen'avaispasreçuunmessagedeRagnorFell.Cesorcieravaittoujoursétéprochedemafamille;c'étaitàluiquenousfaisionsappelquandilnousfallaitunsortilègedeguérison.IlavaitdécouvertqueLukeétaitdevenulechefd'unemeutede loups-garousdans laforêtdeBrocelinde,prèsde lafrontièreorientale.J'aibrûlésonmessageaprèsl'avoir lu.J'étaissûrequeValentinignorait toutdecettehistoire.Maiscen'estqu'enarrivantaucampementdeslycanthropesetenvoyantLukesainetsaufdevantmoiquej'aisuaveccertitudequeValentinm'avaitmenti.C'estalorsquej'aicommencéàlehaïr.

— Mais d'après Luke, tu savais déjà que quelque chose ne tournait pas rond chez lui, et qu'ilmanigançaitquelquechose.IlditquetulesavaisavantsaTransformation.Pendantunmoment,Jocelyneneréponditpas.— Tusais,Luken'auraitpasdûêtremordu.Celan'auraitpasdûseproduire.C'étaitunepatrouillede

routinedanslesbois,ilétaitpartiseulavecValentin...—Maman...—SelonLuke,jeluiaiditquej'avaispeurdeValentinavantsaTransformation.Jeluiaiaussiconfié

que j'entendais des hurlements à travers lesmurs dumanoir et que j'avais des soupçons.ConnaissantLuke, iladûquestionnerValentinàcesujet le lendemainmême.Lanuitsuivante,Valentinl’aemmenépatrouilleraveclui,etilaétémordu.Jecrois...JecroisqueValentin,d'unefaçonoud'uneautre,m'afaitoubliercequej'avaisvu.Ilm'aconvaincuequecen'étaientquedescauchemars,et,àmonavis,ilafaitensortequeLukesoitmorducettenuit-là.Jecroisqu'ilavoulul'éliminer;ainsi,personnenepourraitmerappelerquej'avaispeurdemonépoux.Mais,surlemoment,jenem'ensuispasrenducompte.Lorsdecesretrouvailles,Lukeetmoin'avonspaseubeaucoupdetempspourdiscuter.Jemouraisd'enviedeluiparlerdeJonathan,mais jenepouvaispas.C'étaitmonfilsmalgré tout.Pourtant, lesimple faitdevoir Lukem'a redonné courage. Je suis rentrée chez moi en me persuadant que je devais fournir denouveauxeffortsavecJonathan,qu'avecletempsj'apprendraiàl'aimer.«Cettenuit-là,j'aiétéréveilléepardespleursdebébé.Jemesuisredresséebrusquementdansmon

lit.J'étaisseuledanslachambre.ValentinassistantàuneréunionduCercle,jen'avaispersonneavecquipartagermonétonnement.Car,vois-tu,Jonathannepleuraitjamais.Sonsilenceétaitl'unedeschosesquime déroutaient le plus chez lui. Jeme suis précipitée dans sa chambre : il dormait paisiblement. Etcependant, j'entendais toujours un enfant pleurer. J'en étais certaine. Dévalant l'escalier, j'ai suivi les

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pleursquisemblaientprovenirdelacave,maislaporteétaitverrouillée;cettecaveneservaitjamais.Parchance,commej'avaisgrandidanslemanoir,jesavaisoùmonpèrecachaitlaclé...JocelyneneregardaitpasClarytandisqu'elleparlait.Ellesemblaitperduedanssessouvenirs.— Je ne t'ai jamais raconté l'histoire de Barbe-Bleue quand tu étais petite, n'est-ce pas ? Il avait

ordonnéàsafemmedenejamaisentrerdanslapièceferméeàclé.Elleadésobéiettrouvélesrestesdetoutessesprécédentesépousesqu'ilavaitassassinées.Enouvrantcetteporte,jen'avaisaucuneidéedecequejetrouveraisderrière.Sijedevaistoutrecommencer,trouverais-jelaforcedetournerànouveaucettecléetd'avancerdanslesténèbresenmeguidantavecmapierrederune?Jel'ignore,Clary.« L'odeur... Oh, l'odeur là-dedans était épouvantable.Une odeur de sang, demort et de pourriture.

Valentinavaitcreuséunespacesouslesoldecettecavequiservaitjadisàentreposerlevin.Cen'étaitpasunenfantque j'avaisentendupleurer.Dans lescellulesqu'ilavaitaménagéesétaientemprisonnéestoutessortesdecréatures:desdémonsattachésavecdeschaînesenélectrumsetordaientdedouleurengargouillant. Mais j'ai trouvé bien pire : des cadavres de Créatures Obscures à différents stades dedécomposition.Desloups-garous,lecorpsàmoitiédissouspardelapoudred'argent.Desvampires,latêteimmergéedansdel'eaubénite.Deselfesdontlapeauavaitététranspercéedeflèchesenferfroid.«Mêmemaintenant, je n'arrive pas à le voir comme un tortionnaire. Il semblait poursuivre un but

scientifique. Il y avait des carnets accrochés à l'entrée de chaque cellule, retraçant par le détail sesexpériences,combiendetempsilavaitfalluàchaquecréaturepourmourir.Ilyavaitlàunvampiredontilavaitbrûlélapeaudefaçonrépétitivepourdéterminerjusqu'àquelpointlapauvrecréaturepouvaitserégénérer.Ilétaitdifficiledeliresesnotessanstournerdel'œilouêtreprisdenausée.«Ilyavaitunepageconsacréeauxexpériencesqu'ilavaitfaitessurlui.Ilavaitluquelquepartquele

sangdémoniaquepouvaitdécuplerlespouvoirsqueleChasseursd'Ombresacquièrentàleurnaissance.Ilavaittentédes'injecterdusang,sansautrerésultatquedeserendremalade.Ilétaitdoncparvenuàlaconclusionqu'ilétaittropvieuxpourquelesangl'affecteetqu'ildevaitêtreadministréàunenfantpourfairetotalementeffet,depréférencealorsqu'ilétaitencoredansleventredesamère.«Entraversdelapageoùfiguraientsesconclusions,ilavaitgriffonnéunesériedenotesdontletitre

attiramonattention.C'étaitmonnom.JocelyneMorgenstern.« Je me souviens que mes doigts tremblaient tandis que je tournais les pages et que les mots

s'imprimaient dans mon esprit. "Jocelyne a de nouveau bu ma potion ce soir. Pas de changementsvisibles,maislàencorec'estl'enfantquim'inquiète...Aveclesinfusionsd'ichorquejeluiaidonnéesàintervallesréguliers,ilsepourraitqu'ilsoitcapabledetouteslesprouesses.Hiersoir,j'aientendusoncœurbattreplusfortqu'aucuncœurhumain.J'aipenséàuneénormeclochesonnantleglasdelavieillegardeetannonçantl'avènementd'unenouvelleracedeChasseursd'Ombres.Enmêlantlesangdesangesà celui des démons, je pourrai créer des pouvoirs inimaginables, susceptibles de surpasser ceux desCréaturesObscures..."«Etainsidesuite,surdespagesentières.Jefeuilletaislescarnetsdemesmainstremblantestouten

énumérantmentalement les potions queValentinm'avait données à boire chaque soir, les cauchemarsdans lesquels ilmepoignardait,m'étranglait,m'empoisonnait.En réalité, cen'était pasmoiqu'il avaitempoisonnée.C'était Jonathan. Jonathan, qu'il avait transforméenune espècededemi-démon.Et c'estalors,Clary,quej'aicomprisquiétaitvraimentValentin.Clarycherchasonsouffle.Sihorriblesoit-il,cerécitconcordaitparfaitementaveclavisionqu'Ithuriel

luiavaitmontrée.Ellenesavaitplustropquielledevaitplaindreleplus,samèreouJonathan.Jonathanqu'elle ne pouvait associer à Jace, pas avec lesmots de samère encore frais dans son esprit - privéd'humanitéparunpèreplusdisposéàassassinerdesCréaturesObscuresqu'àprotégersaproprefamille.—Pourtant...tun'espaspartie,n'est-cepas?demandaClaryd'unepetitevoix.

Page 197: A ma mère - ekladata.comekladata.com/2GQmyPUw15Ftsb60orRUEJhCxjI/CLARE-Cassandra-La … · —Peut-être, mais ce sont tes amis. Tu devrais les mettre au courant. Avec un peu de

—Je suis restéepourdeux raisons, confessa Jocelyne.Lapremière étant l'Insurrection.Ceque j'aidécouvertdans lacavecettenuit-làm'a tiréedema léthargie.J'aienfinvucequisepassaitautourdemoi. Une fois que j'ai compris ce quemanigançait Valentin, c'est-à-dire lemassacre systématique detouteslesCréaturesObscures,j'aidécidédel'enempêcher.J'aicommencéàrencontrerLukeensecret.JenepouvaispasluirévélercequeValentinnousavaitfaitsubiràmoietànotreenfant.Celaneserviraitqu'à le rendra foude rage ; ilne songeraitplusqu'à tuerValentinety laisserait sansdoute lavie.Enoutre,personnenedevaitsavoircequiétaitarrivéàJonathan.Malgrétout,ilrestaitmonfils.Cependant,j'aiparléàLukedesatrocitésquej'avaisvuesdanslacaveetdemaconvictionqueValentinavaitperdulatête.Ensemble,nousavonsprojetédedéjouerl'Insurrection.Jesentaisquejeledevais,Clary.C'étaitenquelquesorteuneexpiation,leseulmoyenquej'avaistrouvédepayerpouravoirrejointleCercleetm'êtrefiéeàcethomme-là.

—Etiln'enariensu?Iln'apasdécouvertquetucomplotaiscontrelui?Jocelynesecoualatête.— Quandonaime,onfaitconfiance.Etpuisàlamaison,j'essayaisd'agircommesiderienn'était.Je

prétendaisque ledégoûtquem'avait inspiréJonathanàsanaissancem'étaitpassé.Je l'emmenaischezMaryseLightwood,jelelaissaisjoueravecsonpetitgarçon,Alec.Parfois,CélineHerondalesejoignaitànous;elleétaitenceinteàcetteépoque.«Tonmariestsigentil,disait-elle.Ils'inquiètebeaucouppourStephenetmoi.Ilmedonnedespotionsetdesmixturespourlebébé;ellessontformidables.

—Oh,fitClary.Oh,monDieu!— C'est ce que j'ai pensé, déclara Jocelyned'un air sombre. J'aurais voulu lui expliquer qu'elle ne

devaitpassefieràValentinniaccepterlemoindredesescadeaux,maisc'étaitimpossible.Sonépouxétaitleplusprocheamidumien,etellem'auraittrahidanslaseconde.Alorsjemesuistue.Parlasuite...

— Elle s'est tuée, achevaClary, se rappelant soudain cette histoire.Mais... c'est à cause de ce queValentinluiafait?Jocelynesecoualatête.— Honnêtement, je ne crois pas. Stephen a été tué lors d'un raid, et elle s'est ouvert les veines en

apprenantlanouvelle.Elleétaitenceintedehuitmois.Elles'estvidéedesonsang...(Ellesetutavantdereprendre:)C'estHodgequiadécouvertsoncorps.Valentinm'asemblésincèrementaffligéparcesdeuxpertes.Iladisparupendantunejournéeentière,etilestrevenul'œilhagard,ladémarchehésitante.D'unecertainemanière,jemeréjouissaisdelevoiraussidistrait.Aumoins,ilneprêtaitpasattentionàmoi.Amesurequelesjourspassaient,jetremblaisdeplusenplusàl'idéequ'ildécouvrelaconspirationdontilétait l'objet et qu'il me torture pour obtenir la vérité : qui faisait partie de notre alliance secrète ?Qu'avais-je révélé de ses projets ? Je me demandais si je pourrais endurer la torture. Je craignaisfortementdenepasenêtrecapable.Jemesuisfinalementrésolueàprendredesmesurespourquecelan'arrivepas.J'aifaitpartàFelldemescraintesetilafabriquéunepotionpourmoi...

—LapotionduLivreBlanc.Commenta-t-ilatterridanslabibliothèquedesWayland?— Jel'aicachélà lesoird'unefête,expliquaJocelyneavecunsourireencoin.Jen'aipasvouluen

parler à Luke ; je savais que cette idée ne lui plairait pas. Le problème, c'est que toutesmes autresconnaissancesfaisaientpartieduCercle.J'aienvoyéunmessageàRagnor,mais ils'apprêtaitàquitterIdrisetrefusaitdemedirequandilseraitderetour.Ilprétendaitqu'onpourraittoujourslejoindreencasd'urgence...maisparquelmoyen?Pourfinir,jemesuisaperçuequ'ilyavaitencorequelqu'unàquijepouvaismeconfier,unepersonnequidétestaitassezValentinpournepasmetrahir.J'aidoncécritunelettreàMadeleinepourluiexposermonprojetenprécisantqueleseulmoyendemeressusciterétaitderetrouverRagnorFell.Jen'aijamaisreçuderéponse,maisjemesuispersuadéequ'elleavaitcomprislemessage.Jen'avaisriend'autreàquoimeraccrocher,detoutefaçon.

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— Deuxraisons,intervintClary.Tum'asditquetuétaisrestéepourdeuxraisons.L'uneétaitl'Insurrection.Etl'autre?LesyeuxvertsdeJocelynetrahissaientlalassitudemaisilsbrillaientintensément.—Tun'aspasdeviné?Laseconderaison,c'estquej'étaisenceintedenouveau.—Oh,fitClaryd'unepetitevoix.Les paroles de Luke lui revinrent enmémoire : « Elle attendait un autre enfant, elle le savait depuis des

semaines.»—Etçanet'apasdonnéencoreplusenviedefuir?reprit-elle.—Si,réponditJocelyne.Maisjenepouvaispas.Sij'avaisquittéValentin,ilauraitremuécieletterrepourme

retrouver.Ilm'auraitsuiviejusqu'auboutdumonde;j'étaissapropriété,ilnem'auraitjamaislaisséeluiéchapper.J'auraispeut-êtreprislerisquesij'avaisétéseulemaisjenevoulaispastemettreendanger.Ellerepoussasescheveuxdesonvisage.—Iln'existaitqu'unesolutionpourqu'ilmelaissetranquille.Ilfallaitqu'ilmeure.Claryconsidérasamèreavecsurprise.Malgrésafatigue,unelueurférocebrillaitdanssesyeux.—Jepensaisqu'ilseraittuéaucoursdel'Insurrection.Moi-même,jenepouvaispasm'encharger.Jen'enavais

paslaforce.Maisjen'auraisjamaisimaginéqu'ilpuissesurvivreàlabataille.Plustard,aprèsl’incendiedelamaison,j'aicherchéàmeconvaincrequ'ilétaitmort.JemerépétaissanscessequeJonathanetluiavaientpéridanslesflammes.Maisaufonddemoi,jesavais...(Elles'interrompit.)C'estdelàqu'estvenuemadécision.Jepensaisqu'enteprivantdetessouvenirsetentecachantdanslemondeterrestre, jeparviendraisà teprotéger.C'étaitstupide, j'en ai conscience àprésent.Stupide etmal. Je regrette,Clary. J'espère seulement que tupourrasmepardonner.Peut-êtrepasmaintenant,maisplustard.Clarys'éclaircitlavoix.Elleseretenaitd'éclaterensanglotsdepuisaumoinsdixminutes.—Cen'estrien.Mais...quelquechosem'échappe,dit-elleentriturantletissudesonmanteau.Jesavaisdéjàplus

oumoinscequeValentinavaitfaitàJace...enfin,àJonathan.Maistuledécriscommeunmonstre.Or,jet'assure,maman,Jacen'estriendetoutça.Situleconnaissais...situpouvaisseulementlerencontrer...

—Clary,murmuraJocelyneenprenantlamaindesafille.J'aid'autresrévélationsàtefaire.Dansmonrécit,jen'airienomisjusqu'àmaintenant.Enrevanche,ilyadeschosesquejeviensjustededécouvrir.Etellessontpeut-êtredifficilesàentendre.«Piresquecequetum'asdéjàraconté?»songeaClary.Ellesemorditlalèvreethochalatête.—Vas-y.Jepréfèresavoir.—QuandDorotheam'arévéléqueValentinavaitétévuenville,j'aisuqu'ilétaitvenupourmoi...pourlaCoupe.

J'aipenséfuir,maisjenepouvaispasmerésoudreàt'expliquerpourquoi.Jenet'enveuxpasdutoutd'êtrepartiecesoir-là,Clary.J'étaissoulagéequetunesoispasprésentequandtonpère...quandValentinetsesdémonsontfaitirruptiondansnotreappartement.J'aijusteeuletempsd'avalerlapotion...jelesentendaiss'acharnersurlaporte...(Ellesetut,lavoixnouéeparl'émotion.)J'espéraisqueValentinmecroiraitmorte,maisiladécidédem'emmeneràRenwickaveclui.Ilatestéenvaindiversesméthodespourmeréveiller.J'étaisplongéedansuneespècedecoma.J'avaisvaguementconsciencedesaprésence,maisjenepouvaisnibougerniluirépondre.Amonavis,iln'apaspenséunesecondequejepouvaisl'entendre.Ils'asseyaitàmonchevetetmeparlaitpendantdesheures.

—Ilteparlait?Dequoi?—Denotrepassé.Denotremariage.Ilreconnaissaitqu'ilm'avaittrahie.Qu'iln'avaitpuaimerpersonned'autre

depuis.Jecroisqu'ilétaitsincère,dansunecertainemesure.C'étaittoujoursàmoiqu'ilfaisaitpartdesesdoutes,desaculpabilitéet,pendantlesannéesquiontsuivimondépart,jenecroispasqu'ilaiteud'autreconfident.Ilmesemblequ'ilnepouvaitpass'empêcherdeseconfieràmoi,mêmes'ilsavaitqu'ilneledevaitpas.Jepensequ'ilavait simplementbesoind'épancher soncœur.Onpourrait supposerquesesétatsd'âmeportaient sur tous les

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pauvresgensqu’ilavaittransformésenDamnésetsursesprojetsconcernantl'Enclave.Maisiln'enétaitrien.C'étaitJonathanquilepréoccupait.

—Commentça?— Il regrettait ce qu'il avait infligé à notre fils avant sa naissance, car il savait que cela avait bien failli

m'anéantir.Ilavaitcomprisquej'étaisàdeuxdoigtsdemesuicideràcausedeJonathan.Enrevanche,ilignoraitquejesouffraisaussienraisondecequej'avaisdécouvertsursoncompte.D'unemanièreoud'uneautre,ilavaitréussiàseprocurerlesangd'unange.C'estunesubstancequasimythiquechezlesChasseursd'Ombres.Celuiquiboitcesangestcenséacquériruneforceextraordinaire.Valentinl'avaittestésurlui;ilavaitdécouvertquenonseulementildécuplaitsonénergiemaisaussiqu'illuiapportaitunsentimentdebonheuretd'euphoriechaquefoisqu'ill'injectaitdanssesveines.Alorsilenaréduitunepartieenpoudreavantdelemélangeràmanourrituredansl'espoirqu'ilatténueraitmondésespoir.«Jesaisoùils'estprocurécesang»,songeaClaryavectristesse.—Tucroisqueç'amarché?— Jemedemandemaintenantsicen'estpascelaquim'adonnélaforcedeteniretlavolontéd'aiderLukeà

déjouer l'Insurrection. Quelle ironie si c'est le cas, étant donné les raisons qui avaient poussé Valentin àm'administrercesang!Maiscequ'ilignorait,c'estquej'étaisenceintedetoiàcetteépoque.Sisonexpériencem'apeut-êtreaffectéedansunemoindremesure,sesconséquencessurtoisontsansdoutebeaucoupplusimportantes.Jecroisquec'estdelàquevienttonpouvoirsurlesrunes.

— C'estpeut-êtreaussipourçaquetuescapabledecacherlaCoupeMortelledansunecartedetarot,ajoutaClary.EtqueValentinapuleverlamalédictiondeHodge...

— Valentin a mené quantité d'expériences sur lui-même pendant des années. Ses pouvoirs égalentpresque ceux d'un sorcier.Mais,malgré tous ses efforts, il ne pouvait pas obtenir des résultats aussiextraordinairesqu'avectoiouJonathan,parcequevousétiezdessujetstrèsjeunes.Amonavis,personneavantluines'étaitservicommecobayed'unbébéquin'étaitmêmepasné.

—AlorsJace...Jonathanetmoi,onestvraimentdesexpériences?—Encequiteconcerne,cen'étaitpasprémédité.AvecJonathan,Valentincherchaitàcréeruneespèce

desuperguerrier,plusfortetplusrapidequelesautresChasseursd'Ombres.ÀRenwick,ilm'aracontéque,decepointdevue-là, ilavaitréussi.CependantJonathanétaitaussicruel,dépourvudemoraleetd'émotions. Ildemeurait loyalàValentin,maiscelui-ci s'étaitaperçuqu'enessayantdecréerunenfantsupérieurauxautres,ilavaithéritéd'unfilsincapabledel'aimervraiment.ClaryrevitJaceàRenwick,serrantlefragmentdePortailàs'enfairesaignerlesdoigts.— Non!s'écria-t-elle.Non,nonetnon!Jacen'estpascommeça.Malgrélui,ilaimeValentin.Etila

desémotions.Ilestlecontrairedecequetumedécris.Jocelyne se tordit les mains. Elles étaient couvertes de petites cicatrices blanches, ces vestiges

d'anciennesMarques qu'arboraient tous les Chasseurs d'Ombres. Cependant, Clary les voyait pour lapremièrefois.LamagiedeMagnuslesavaiteffacéesdesamémoire.Ilyenavait-une,à l'intérieurdupoignet,quiavaitlaformed'uneétoile...—Cen'estpasdeJacequejeparle,déclaraJocelyne.—Mais...Toutsemblasedéroulerauralenti,commedansunrêve.«Peut-êtrequejesuisbeletbienentrainde

rêver, songea Clary. Peut-être que ma mère ne s'est jamais réveillée, et que tout ceci n'est qu'unehallucination.»

—JaceestlefilsdeValentin,protesta-t-elle.Dequid'autrepourrais-tubienparler?Jocelyneplantasonregarddansceluidesafille.— LanuitoùCélineHerondaleestmorte,elleétaitenceintedehuitmois.Valentinluiavaitdonnédes

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potions et des poudres : il testait sur elle le sang d'Ithuriel dans l'espoir que l'enfant de StephendeviendraitaussipuissantqueJonathansanshériterdesesdéfauts.Commeilnesupportaitpasd'avoirdéployétousceseffortspourrien,avecl'aidedeHodge,ilasortil'enfantdesentraillesdesamère.Ellen'étaitmortequedepuisquelquesminutes...Claryeutunhaut-le-cœur.—C'estimpossible!Jocelynepoursuivitcommesiellenel'avaitpasentendue.—Ensuite,ilachargéHodgedelecacherdanssamaisond'enfancenichéedansunevalléeàproximité

du lacLyn.C'est pour cette raisonqu'il n'est pas rentré cettenuit-là.Hodgeapris soindunourrissonjusqu'àl'Insurrection.Ensuite,Valentins'estfaitpasserpourMichaelWayland,ilainstallél'enfantdanslemanoirdecedernieretl'aélevécommelefilsdeMichael.

—AlorsJacen'estpasmonfrère?murmuraClary.Samèreserratendrementsamaindanslasienne.—Non,Clary.LavuedeClarys'obscurcitetsoncœursemitàbattrelachamade.Unepenséel'effleura:«Mamère

esttristepourmoi.Ellecroitquec'estunemauvaisenouvelle.»Sesmainssemirentàtrembler.— Alorsàquiappartenaientlesosqu'onatrouvésdanslesruinescalcinées?D'aprèsLuke,c'étaient

ceuxd'unenfant...Jocelynesecoualatête.— Au fils deMichaelWayland.Valentin les a tués, lui et son père, puis il a brûlé leurs corps. Il

cherchaitàconvaincrel'Enclavequesonfilsetluiavaientpéridansl'incendie.—Maisalors,Jonathan...— Est toujoursenvie,déclara Jocelyne, levisagealtérépar la souffrance.Valentinme l'a apprisà

Renwick.IlaélevéJacedanslemanoirdesWaylandetJonathandanslamaisonprèsdulac.Ilaréussiàpartagersontempsentrelesdeuxenfants,allantetvenantd'unendroitàl'autre,laissantparfoisseull'unou l'autredesgarçons,voire lesdeux,pendantde longuespériodes. Il semblequeJace ignore toutdel'existencede Jonathan,mais qu'en revanche ce dernier soit au courant pour lui. Ils ne se sont jamaisrencontrés,alorsqu'ilsvivaientprobablementàquelqueskilomètresl'undel'autre.

—AlorsValentinn'apasdonnédusangdedémonàJace?Iln'estpas...maudit?—Maudit?répétaJocelyne,surprise.Non,Clary.Valentins'estservidumêmesangsurluiquesurtoi

et moi. Le sang d'un ange. Jace n'est pas maudit. C'est plutôt l'inverse, a priori. Tous les Chasseursd'Ombresontdusangdel'Angedanslesveines.Vousdeux,vousêtesunpeumieuxpourvus,c'esttout.LecerveaudeClarybouillonnait.Elles'efforçades’imaginerValentinélevantdeuxenfantsenmême

temps,l'unenpartieange,l'autreenpartiedémon.L'unnédel'ombreetl'autredelalumière.Illesavaitpeut-êtreaiméstouslesdeux,sitantestqu'ilpuisseaimerquelqu'un.Jacen'avaitjamaissupourJonathan;quepouvaitsavoircelui-ciàsonsujet?Qu'était-il,soncomplément,soncontraire?L'avait-ilhaïsansleconnaître?Brûlait-ildelerencontrer?Était-ilindifférent?Ilsavaienttouslesdeuxdûsesentirtrèsseuls.L'und'euxétaitsonvéritablefrère,sonfrèredesang.

—Atonavis,ilestrestélemême?Jonathan,jeveuxdire.Tupensesqu'ilauraitpuchanger...enmieux?

—J'endoute,réponditJocelyneavecdouceur.—Qu'est-cequitefaitcroireça?Ilapeut-êtrechangé,aprèstout.Del'eauacoulésouslesponts.—Valentinm'aracontéqu'ilavaitpassédesannéesàmontreràJonathancommentsemontreragréable

et charmant. Il voulait en faire un espion, or c'est impossible quand on terrifie tous ceux que l'onrencontre. Jonathan a appris à utiliser de petits charmes pour gagner la confiance d'autrui, expliqua

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Jocelyneensoupirant.Si je te raconteça,c'estpourque tune t'enveuillespasde t'être laisséberner.Clary,tuasrencontréJonathansousuneautreidentité.IlsefaisaitpasserpourSébastienVerlac.Clary considéra sa mère d'un air interdit. Sa première pensée fut : « Mais c'est le cousin des

Penhallow!»Évidemment,Sébastienn'étaitpasceluiqu'ilprétendaitêtre ; toutcequ'il leuravaitditn'étaitquepurmensonge.Ellerepensaàsapremièreimpressionenlevoyant:elleavaiteulasensationdel'avoirtoujoursconnu.Or,ellen'avaitpasressenticelaavecJace.

—Sébastienestmonfrère?LestraitsdélicatsdeJocelyneétaienttendusàl'extrême,sesmainscrispéessursesgenoux.— Aujourd'hui,jemesuislongtempsentretenu!avecLukedecequis'estpasséàAlicantedepuisson

arrivée.IlsoupçonneSébastiend'avoirdétruitlesboucliers,bienqu'ilignorecommentils'yestpris,Enl'écoutantm'expliquertoutcela,j'aicomprisquiétaitvraimentSébastien.

— Qu'est-cequi t'amise sur lapiste ?Le faitqu'il ait usurpé l'identitédeSébastienVerlacetqu'ilespionnepourlecomptedeValentin?

— Oui,maispas seulement.C'estquandLukem'a racontéque,d'après toi,Sébastien se teignait lescheveuxquej'aideviné.Jepeuxmetromper,maisungarçonàpeineplusâgéquetoi,auxcheveuxblondsetauxyeuxnoirs,soi-disantorphelindepèreetdemère,etentièrementdévouéàValentin...Jen'aipaspum'empêcherdefairelerapprochementavecJonathan.Enoutre,Valentinatoujourscherchélemoyendedésactiverlesboucliers.EnexpérimentantdusangdémoniaquesurJonathan,ilprétendaitlerendreplusfort,maisilyavaitpeut-êtreautrechoselà-dessous...

—Commentça?— C'étaitsansdoute lemoyenqu'ilavait trouvépourneutraliser lesboucliers.Onnepeutpas faire

entrerundémondansAlicante.Or, il fautdusangdedémonpourveniràboutdesboucliers.C'estcesang-là qui coule dans les veines de Jonathan. Et le fait d'être un Chasseur d'Ombres lui ouvraitautomatiquementlesportesdelaville.Jonathans'estservidesonsangpourdésactiverlesboucliers.J'ensuiscertaine.Clary revit Sébastien face à elle près des ruines du manoir des Fairchild. Ses cheveux noirs lui

fouettaientlevisage.Ill'avaitpriseparlespoignetsenenfonçantlesonglesdanssachair,etprétenduqueValentinn'avaitjamaisaiméJace.Surlemoment,elleavaitcruqu'ilhaïssaitValentin.Maisenréalité,ilétaitjaloux.Ellesongeaauprinceténébreuxdesescarnetsdecroquis,quiressemblaittantàSébastien.Ellen'avait

vudanscetteressemblancequ'unecoïncidence,untourdesonimagination.Maintenant,cependant,ellesedemandaitsicen'étaientpas les liensdusangqui l'avaientpousséeàdonner les traitsdesonfrèreauhérosmalheureuxdesonhistoire.Elles'efforçadeseremémorerlevisageduprince,maissonimagesefissura puis disparut comme des cendres éparpillées par le vent. Elle ne voyait plus que Sébastiendésormais;lerougeoiementdelavilleenflammessereflétaitdanssesyeux.

—Quelqu'undoitprévenirJace.Ilfautqu'ilsachelavérité.Les pensées se bousculaient dans sa tête: Si Jace avait su, il ne se serait peut-être pas lancé à la

poursuitedeValentin.S'ilavaitsuqu'iln'étaitpassonfrère...—Maisjecroyaisquevousn'aviezaucuneidéedesadestination...objectaJocelyned'untonmi-étonné

mi-compatissant.AvantqueClaryaitpurépondre,laportes'ouvritengrand,inondantlesmarchesdelumière,etLuke

sortit.Ilsemblaitàlafoisépuiséetheureux.Voiresoulagé.Jocelyneseleva.—Qu'ya-t-il,Luke?Ilfitquelquespasdansleurdirectionets'arrêtaausommetdesmarches.

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—Jocelyne,excuse-moidet'interrompre.—Cen'estrien,Luke.Malgrésontrouble,Clarypensa:«Qu'est-cequ'ilsontàs'appelertoutletempsparleurprénom?»

Unecertainemaladresseperçaitdésormaisdansleurattitude.—Quelquechosenevapas?s'enquit-elle.Ilsecoualatête.—Non,aucontraire.Pourunefois,lesnouvellessontbonnes.Ilsouritetannonçaavecfierté:— Tuasréussi,Clary.L'Enclaveconsentàcequetumarquessesguerriers.Iln'estplusquestiondese

rendre.

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18.AveAtqueVale

LAVALLÉEÉTAITPLUSBELLEencoredanslaréalitéquedanslavisionqu'enavaiteueJace.C'étaitpeut-être dû aux reflets du clair de lune sur le torrent qui serpentait parmi les herbes hautes. À flanc demontagnes'élevaientdestremblesetdesbouleauxdontlesfeuillesfrémissaientdanslabrise.Ilfaisaitfroidàcettealtitude,sansprotectioncontrelevent.C'étaitsansaucundouteàcetendroitqu'ilavaitvuSébastienpourladernièrefois.Ladistancequiles

séparait se réduisaitpeuàpeu.Aprèsavoir attachéWayfarerau troncd'unarbre, il sortit le filde sapocheetrépétasonrituelpourenavoirlecœurnet.Ilfermalesyeux,s'attendantàvoirSébastien,etpriaintérieurementpourqu'ilsetrouvequelquepart

danslavallée.Cependant,ilnevitquedesténèbres.Soncœursemitàbattreplusfort.Il refit une tentative en changeant le fil de main et, de sa main droite qui était moins agile, traça

maladroitementlarunedefilaturesursonpoinggauche.Cettefois,ilprituneprofondeinspirationavantdefermerlesyeux.Toujours rien. Il se tint immobile pendant une longueminute, les dents serrées, tandis que le vent

s'engouffraitdanssaveste,luidonnantlachairdepoule.Puis,avecunjuron,ilrouvritlesyeuxet,toutàsacolère,desserralesdoigts:leventemportalefilsivitequ'ilneputmêmepasesquisserungestepourlerattraper.Son cerveau s'affola.Manifestement, la runene fonctionnait plus. S'étant peut-être aperçuqu'il était

suivi,Sébastienavaitdûfaireensortederomprelecharme...Maiscommentaurait-ilpuneutraliserunerunedefilature?Oualorsilsetrouvaitàproximitéd'unpointd'eau.Cetélémentperturbaitlamagie.Cesréflexionsn'aidaientpasbeaucoupJace.Ilnepouvaitpasécumertousleslacsdupays.Ilétaitsi

prèsdubut...Ilavaitbeletbienvucettevallée.Lamaisonétaitlà,nichéecontreunbouquetd'arbres.Ilpouvait toujours en fouiller les alentoursdans l'espoird'y trouverunobjet susceptiblede lui indiquerl'endroitoùsetrouvaitSébastienouValentin.Résigné,avecsastèleiltraçasursapeauunesériedeMarquesdecombatauxeffetsprovisoires:une

poursedéplacerensilence,uneautrepouraccroîtresarapiditéetunetroisièmepourmarcherd'unpassûr.Quandileutterminé,ilglissal'objetdanssapoche,tapotal'encoluredeWayfareretdescenditdanslavallée.Malgré les apparences, elle était très escarpée et sujette aux éboulements. Tantôt il progressait

prudemmenttantôtilselaissaitporterparlapente,cequiétaitàlafoisplusrapideetplusdangereux.Quandileutatteintlefondlavallée,ilavaitlesmainsensang,étanttombésurlegravierplusd'unefois.Illavaseségratignuresdansl'eauclaireetglacéedutorrent.Jetantuncoupd'œilautourdelui,ils'aperçutqu'ilvoyaitmaintenantlavalléesousunangletoutautre

quedanssavision:lesarbresauxbranchesnoueusessetrouvaientdevantlui,lesmontagnestoutautouretlapetitemaisonàquelquespas.Sesfenêtresétaientàprésentplongéesdansl'obscurité,etlacheminéenecrachaitpasdefumée.LesoulagementdeJaceétaitàhauteurdesadéception.Ilétaitplusfaciledefouillerunemaisoninoccupée.Maisjustement,oùétaientdoncpasséssesoccupants?Enserapprochant, ilsedemandapourquoi,danssavision, l'endroit luiavaitparuaussi lugubre.Ce

n'étaitqu'unefermebanalebâtieavecdespierresblanchesetgrises.Lesvoletspeintsenbleuvifavaientbesoind'unsérieuxrafraîchissement.Lacouleurs'étaitfanéeets'écaillaitparendroits.Jacesehissasur le rebordd'une fenêtreet jetaun regardà l'intérieur. Ildistinguaunegrandepièce

poussiéreuse avec une espèce d'établi poussé contre un mur. Les objets posés sur le plan de travail

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n'étaientmanifestement pas destinés au bricolage. Jace reconnut dumatériel de sorcier : des piles deparchemins tachés, des bougies de cire noire, de grosses bassines en cuivre, les bordsmaculés d'unliquide sombre, un assortiment de couteaux, certains fins comme des poinçons. Un pentagramme auxcontoursàdemieffacésavaitététracéàlacraiesurlesol;chacunedesespointesétaitsurmontéed'unerune.LeventredeJacesenoua:cesrunesressemblaientàcellesquiétaientgravéesauxpiedsd'Ithuriel.Etaient-elles l'œuvre de Valentin ? À quoi servait donc cette cachette, dont il n'avait jamais entenduparler?Il sauta de sonperchoir et atterrit dans l'herbe sèche.À cet instant, uneombrepassa sur la lune. «

Pourtant, il n'y a pas d'oiseaux par ici », pensa-t-il. Levant les yeux, il eut le temps d'apercevoir uncorbeauquidécrivaitdescerclesau-dessusdesatête.Ilsefigeapuiscourutseréfugiersousunarbre.Unefoisàl'abri,ilscrutalecielàtraverslesbranches.Tandisquel'oiseauamorçaitsadescente,Jacesutquesoninstinctnel'avaitpastrompé.Cecorbeaun'étaitpasn'importequelvolatile:c'étaitHugo,quiavaitjadisappartenuàHodge,lequelavaitdetempsentempsrecoursàsesservicespourenvoyerdesmessageshorsdel'Institut.JaceavaitapprisdepuisqueHugoétaitàl'originelecompagnondévouédeValentin.Lecœurbattantd'excitation,ilsecollacontreletroncdel'arbre.SiHugoétaitdanslesparages,cela

ne signifiait qu'une chose : il apportait unmessage, dont le destinataire n'était autre que Valentin. Siseulementilparvenaitàlesuivre...Perchésurunreborddefenêtre,Hugoscrutal'intérieurdelamaison.Comprenantapparemmentqu'elle

étaitvide,ils'élevadanslesairsavecuncroassementfurieuxets'éloignaenbattantdesailes.Jaceémergeadel'ombreetselançaàlapoursuiteducorbeau.

— Donc, techniquement,même si Jace et toi, vous n'êtes pas apparentés, tu as embrassé ton frère,résumaSimon.

—Simon!s'écriaClary,horrifiée.Tais-toi!Ellejetauncoupd'œilàlarondepours'assurerquepersonnenelesécoutait.Elleétaitassisedansun

siègeàhautdossiersurl'estradedelaSalledesAccords,etSimonluitenaitcompagnie.Dansuncoindel'estrade,samèreétaitengrandeconversationavecAmatis.Toutautourd'eux,lasalleétaiteneffervescence.DesCréaturesObscuressedéversaientenmassepar

laporteàdoublebattantets'agglutinaientcontrelesmurs.ClaryreconnutplusieursmembresdelameutedeLuke,ycomprisMaia,quiluiadressaungrandsouriredepuislefonddelasalle.Ilyavaitaussideselfes à la beautépâle et froide, ainsi quedes sorciers avecdes ailes de chauve-souris, despattes debouc,voiredesantennespour l'und'eux,qui faisaient jaillirdes flammesbleuesde leursdoigtsensedéplaçant dans la salle. Les Chasseurs d'Ombres se mêlaient à cette foule étrange, l'air vaguementnerveux.Serrantsastèledanssesmains,Clarylançaunregardanxieuxautourd'elle.OùétaitLuke?Ilavait

disparudanslacohue.Illuifallutunmomentpourl'apercevoir.IldiscutaitavecMalachi,quinecessaitdesecouerlatêtevigoureusement.Amatiss'étaitrapprochée,etfusillaitleConsulduregard.—Nemefaispasregretterdet'avoirracontéça,Simon,marmonnaClary.ElleavaitfaitdesonmieuxpourluirésumeràvoixbasselerécitdeJocelynetandisqu'ill'aidaitàse

frayer un passage jusqu'à l'estrade et à trouver un siège.Maintenant qu'elle dominait la salle de sonperchoir,elleavaitl'impressionétranged'êtrelasouverainedetoussesoccupants.Saufqu'unevéritablereinenecèdejamaisàlapanique.—D'ailleurs,ilembrassaittrèsmal,ajouta-t-elle.

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—Oupeut-êtrequec'étaitjusterépugnantparcequecegarçonest...tusais...tonfrère.CettehistoiresemblaitunpeutropamuserSimonaugoûtdeClary.—Simamèret'entend,jet'étrangle.J'aidéjàenvielevomir,alorsn'enrajoutepas.Jocelyne,quis'avançaitverseux,avaitdûentendrelesderniersmotsdeClary-mais,parbonheur,pas

lesujetdeleurdiscussion-,carelleposaunemainrassurantesursonépaule.—Nesoispassinerveuse,machérie.Tuasétéformidabletoutàl'heure.Iltefautquelquechose?Une

couverture,del'eauchaude...—Je n'ai pas froid, répondit Clary, à bout de patience. Et je n'ai pas besoin d'un bain non plus.

J’aimeraisjustequeLukem'expliquecequisepasse.Jocelynefitsigneàl'intéressépourattirersonattention.Seslèvresformèrentdesmotssilencieuxque

Claryneparvintpasàdéchiffrer.—Maman,arrête,grommela-t-elle,maisilétaitdéjàtroptard.Luke leva la tête, à l'instar de quelques Chasseurs d'Ombres à proximité. La plupart détournèrent

précipitammentlesyeux,maisClarylutdelafascinationdansleurregard.Elleavaitdumalàs'habitueràl'idéequesamèrepuisseêtreunefigure légendaireàIdris.Tout lemondeoupresquedanscettesalleavaitentenduparlerd'elleetavaituneopinionàsonsujet,bonneoumauvaise.Clarys'étonnaitqu'ellenes'enformalisepas;ellesemblaitcalme,détachée,dangereuse.Unmoment plus tard,Luke les rejoignit sur l'estrade,Amatis sur les talons. S'il avait toujours l'air

fatigué,ilétaitaussiétonnammentalerte,voireexcite,—Attendezencoreuneseconde,lança-t-il.Toutlemondearrive.—Malachitedonnaitdufilàretordre?s'enquitJocelynesansregarderLuke.Ilfitungestedédaigneux.— Il pense qu'on devrait envoyer un message à Valentin pour l'informer de notre décision.

Personnellement,jecroisqu'onnedevraitpasdévoilernotrejeu.LaissonsValentinmarchersurlaplainedeBrocelindeavectoutesonarméeens'attendantànotrecapitulation.Malachiestimequecen'estpasfair-play.Quandjeluiaifaitremarquerquelaguerren'avaitrienàvoiravecunmatchdecricket,ilm'arétorqué qu'au moindre débordement il annulerait tout. Qu'est-ce qu’il s'imagine ? Que les CréaturesObscuresnepeuventpasrestercinqminutessanssebattre?

— Exactement, lançaAmatis.C'estMalachi,ne l'oubliepas. Ildoitavoirpeurquevousvousentre-dévoriez.

—Amatis,chuchotaLuke.Onpourraitt'entendre,Ilseretournaaumomentoùdeuxhommesgravissaientlesmarchesderrièrelui:l'unétaitungrandelfe

élancé avecde longs cheveuxnoirs encadrant sonvisageétroit. Il portait une armureblanche faitedeminuscules écailles en métal qui se chevauchaient comme celles d'un poisson. Ses yeux étaient vertémeraude.L'autrehommeétaitMagnusBane.SansunsourirepourClary,ilvintseposterprèsdeLuke.Ilportait

Unlongmanteaunoirferméjusqu'audernierboutonetsescheveuxétaienttirésenarrière.—Qu'est-cequec'estquecelook...passe-partout!s'exclamaClaryenouvrantdegrandsyeux.Ilsouritimperceptiblementetchoisitd'ignorersaremarque.—Ilparaîtquetuasuneruneànousmontrer.

ClarysetournaversLuke;ilhochalatête.—Oui,répondit-elle.Ilmefautjustedequoiécrire.—Jet'aidemandésituavaisbesoindequelquechose,marmonnaJocelyne.—Moi,j'aidupapier,intervintSimonenfouillantlapochedesonjean.II tenditàClaryleflyerfroissédesongroupe,surlequelfigurait ladatedeleurconcertauKnitting

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Factory,enjuillet.Avecunhaussementd'épaules,ellesortitsastèle,quiprojetadepetitesétincellesaucontactdupapier.L'espaced'uninstant,ellecraignitqueletractnes'enflamme,maisiltintbon.Ellesemit à dessiner en s'efforçant de s'abstraire de l'agitation environnante et de l'impression que tous lesregardsétaientbraquéssurelle.Commeprécédemment,laruneapparutsurlepapierdansunenchevêtrementdecourbesquisemblaient

inachevées.Aprèsl'avoirépousseté,ellebranditleflyeravecl'impressionridiculed'êtreuneécolièreentraindefaireunexposédevantsaclasse.

—Voilà.Ilenfautuneautrepourlacompléter.Une...runejumelle,enquelquesorte.—UneCréatureObscure,unChasseurd'Ombres,Chaqueélémentdelapairedevraêtremarqué,ajouta

Luke.Ilrecopialarunesuruncoindutract,déchiralepapierendeuxetentenditunepartieàAmatis.—Commenceàfairecirculerlarune.MontreauxNephilimcommentçamarche.Aprèsluiavoiradresséunsignedetête,Amansdescendit lesmarchesetsefonditdanslafoule.Le

chevalier-elfelaregardas'éloignerd'unairdubitatif.—J'ai toujours entendu dire que seuls lesNephilim supportaient lesMarques de l'Ange, déclara-t-il

d'untonméfiant.Nousautres,nousdevenonsfousàleurcontactounousmourons.—Cen'estpasuneMarqueduGrimoire,objectaClary.Vousnerisquezrien,jevousassure.Lechevalier-elfeneparutpasconvaincu.Avecunsoupir,Magnusrelevasamancheettenditlebras.—Vas-y,lance-toi.—Jenepeuxpas.LeChasseurd'Ombresquitemarquedevienttonpartenaire,etjen'aipasledroitde

prendrepartàlabataille.—Encoreheureux,lâchaMagnus.Iljetauncoupd'œilàLukeetàJocelyne,quisetenaienttoutprèsl'undel'autre.—Vousdeux.Montrezàl'elfecommentçamarche.—Quoi?fitJocelyne.—Jeprésumequevousserezpartenaires,vuquevousêtespratiquementmariés.LesjouesdeJocelynes'empourprèrentetellepritsoind'éviterleregarddeLuke.—Jen'aipasdestèle…—Prendslamienne,suggéraClary.Vas-y,montre-leur.Jocelyne se tourna vers Luke, qui semblait désorienté. Il tendit le bras avant même qu'elle le lui

demande,etellemarquasapaumeavecdesgestesrapidesetprécis.Visiblement,ilétaitnerveuxetelledutluitenirlepoignetpourl'empêcherdetremblertandisqu'illadévoraitdesyeux.Claryrepensaàsaconversation avec lui au sujet de sa mère, et une bouffée de tristesse l'envahit. Elle se demanda siJocelyneavaitconsciencedessentimentsqu'elleinspiraitàLuke.Sitelétaitlecas,lespartageait-elle?

—Voilàdit-elleenseredressant.C'estfait.LuketenditsapaumepourmontrerlaMarqueauchevalier-elfe.—Satisfait,Meliorn?— Meliorn ? s'étonna Clary. On s'est déjà rencontrés, n'est-ce pas? Vous sortiez avec Isabelle

Lightwood.Sil'elfedemeuraimpassible,Claryauraitpujurerqu'ilétaitmalàl'aise.Lukesecoualatête.—Voyons,Clary,MeliornestchevalieràlaCourdesLumières.Ilestpeuprobableque...—Ilssortaientensemble,intervintSimon,etc'estellequil'aplaqué.Dumoinselleenavaitl'intention.

C'estrude,hein,mec?Meliornletoisad'unairdédaigneux.—Tuesleporte-paroledesEnfantsdelaNuit?

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—Non,jesuisjustelàpourelle,réponditSimonenmontrantClary.—LesEnfantsdelaNuitontrefusédeserallierànotrecause,annonçaLukeaprèsunebrèvehésitation.

J'aitransmiscetteinformationàvotrereine.Ilsontchoiside...menerleurbarqueseuls.LevisagedélicatdeMeliorns'assombrit.—Sij'avaissu!LesEnfantsdelaNuitsontunpeupleprudentetavisé.Toutprojetsuscitantleurcolère

éveillemessoupçons.—Quiaditqu'ilss'étaientmisencolère?répliquaLukeens'efforçantdegardersoncalme.Ilfallaitvraimentleconnaîtrepours'apercevoirqu'ilétaitexaspéré.Soudain,sesyeuxseposèrentsurlafoule.Suivantsonregard,Claryaperçutunesilhouettefamilière

quisefrayaituncheminparmilabousculade:Isabelle,sescheveuxnoirsdansantautourd'elle,sonfouetenroulécommeunbraceletd'orautourdesonpoignet.ClarypritSimonparlebras.—LesLightwood.JeviensdevoirIsabelle.Ilfronçalessourcils.—Jenesavaispasquetulescherchais.— S'il teplaît,va leur transmettreunmessage, chuchota-t-elleen jetantun regardautourd'ellepour

s'assurerqu'onnelesécoutaitpas.Parchance,personneneprêtaitattentionàeux.Lukefaisaitsigneàquelqu'undanslafoulependantque

Jocelynes'adressaitàMeliorn,quilaregardaitd'unairpresquepaniqué.—Ilfautquejeresteici,repritClary,maisjet'enprie,raconteàAlecetàIsabellecequem'arévélé

ma mère au sujet de Jace et de Sébastien. Il faut qu'ils sachent. Dis-leur de venir me voir dès quepossible.S'ilteplaît,Simon.

—D'accord,jerevienstoutdesuite,répondit-il,visiblementalarméparletondésespérédeClary.Libérantsonbras,illuicaressalajoued'ungesteréconfortantavantdes'éloigner.Sedétournant,elle

s'aperçutqueMagnusl'observaitavecunpetitsourire.— Ne t'inquiète pas, répondit-il à Luke. Je connais la plaine de Brocelinde comme ma poche.

J'installerailePortailsurlaplace.Vusataille,ilnedevraitpastenirbienlongtemps,aussijetesuggèredemelesamenertrèsviteunefoisqu'ilsaurontétémarqués.Lukehochalatête.AumomentoùilsetournaitpourparleràJocelyne,ClarysepenchaversMagnus.—Aufait,mercipourtoutcequetuasfait.

Magnussouritdeplusbelle.—Tunepensaispasquejetiendraismapromesse,pasvrai?— J'aieudesdoutes,admitClary.Surtoutsil'onconsidèreque,quandjet'aivuchezRagnorFell,tu

n'as même pas pris la peine de m'informer que Jace avait emmené Simon avec lui par le Portail.Jusqu'ici, jen'aipaseu l'occasionde t'incendier.Qu'est-ceque tucroyais?Quecegenrededétailnem'intéressaitpas?

— Queçat'intéresseraittrop,tuveuxdire.JetevoyaisdéjàtoutlaissertomberpourteprécipiteràlaGarde.Or,j'avaisbesoindetoipourretrouverleLivreBlanc.

—C'estcruel!s'emportaClary.Ettuastort:j'aurais...— Tuauraisagicommen'importequià taplace.Jene te jettepas lapierre,Clary,et jamais jen'ai

penséquetuétaisfaible.Sijenet'airiendit,c'estparcequetueshumaine,etl'humanité,jesaiscommentçamarche.Jenesuispasnédeladernièrepluie.

— Commesi toi, tune te laissais jamaisguiderpur toncœur!Aufait,oùestAlec?Tudevrais luiproposerd'êtretonpartenaire.Magnusfitlagrimace.

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—Jenepeuxpasl'approcherquandsesparentssontdanslesecteur,tulesaisbien.Clary,lementondanslamain,répliqua:—Agirenfonctiondeceluiqu'onaime,cen'eutpastoujoursdrôle,hein?—Tul'asdit,marmonnalesorcier.

Lecorbeauvolaitversl'ouestendécrivantdagrandscerclesindolentsau-dessusdesarbres.Lalune

étaithautedansleciel,sibienqueJacepouvaitlesuivresansrecouriràsapierrederune,pourpeuqu'ilrestecachédanslapénombredesarbres.Leflancdelamontagnesedressaitdevantluitelunimmensemurdepierregrise.Lecorbeausemblait

suivreletorrentquiserpentaitversl'ouestavantdedisparaîtredansunefissuredelaroche.Jacefaillitse tordre lachevilleplusieurs fois sur lescaillouxhumideset regrettadenepaspouvoir jureràvoixhaute,maisHugol'entendraitàcoupsûr.Ildevaitprogresserpliéendeuxtoutenprenantgardeànepassecasserunejambe.Sachemiseétaittrempéedesueurquandilparvintaupieddelamontagne.Pendantunmoment,ilcrut

qu'ilavaitperdulatraced'Hugo.Ilétaitprèsdesedécouragerquandilvitlecorbeaudescendreenpiquépuiss'engouffrerdanslacrevasse.Ilsemitàcourir;quelsoulagementdeneplusavoiràramper!Enserapprochant du trou, il constata qu'il s'élargissait pour former une espèce de caverne naturelle.Aprèsavoirsortisapierrederunedesapoche,ils'élançaderrièrel'oiseau.Unefaibleclartééclairaitl'entréedupassagemais,auboutdequelquespas,Jaceseretrouvaplongé

dansdesténèbresoppressantes.Levantsapierrederune,illaissasalumièrefiltrerentresesdoigts.D'abord,ilcrutqu'ilavaitdéjàtrouvélechemindelasortie,etquelesétoilesscintillaientau-dessus

desatête.Ellesnebrillaientjamaisaussiintensémentqu'àIdris,maiscettefoiscen'étaitpaselles.Lapierre de rune éclairait des dizaines d'éclats de mica incrustés dans la roche autour de lui, et deminusculespointslumineuxluimontraientlechemin.Ilsetrouvaitdansunespaceétroitcreuséauseindelamontagne,lequelsescindaitunpeuplusloinen

deux tunnelsobscurs. Il repensaauxhistoiresque lui racontait sonpère,oùdeshéroségarésdansdeslabyrinthesseservaientd'unecordeoud'unboutdeficellepourretrouverleurchemin.Or,ilnepossédaitni l'un ni l'autre. Parvenu à l'embranchement, il se figea et tendit l'oreille.D'abord, il ne perçut qu'unclapotislointainpuislerugissementdutorrent,unfroissementd'aileset,enfin,desvoix.Ilsursauta.Ellesprovenaientdutunneldegauche,ilenétaitcertain.Ilpassalepoucesursapierrede

runejusqu'àcequ'elleémetteunelueursuffisantepouréclairersonchemin,ets'enfonçadansl'obscurité.—Tuessérieux,Simon?C'estfantastique!Isabellepritsonfrèreparlebras.—Alec,tuentendsça?Jacen'estpaslefilsdeValentin!—Alorsc'estlefilsdequi?s'enquitAlec,maisSimonsentaitqu'ilavaitl'espritailleurs.Il semblait chercher quelqu'un des yeux. Non loin, ses parents froncèrent les sourcils dans leur

direction. Simon avait craint d'être obligé de leur raconter à eux aussi toute l'histoire, mais ilsacceptèrentdebonnegrâcedelelaisserseulavecAlecetIsabellependantquelquesminutes.

—Ons'enfiche!Isabellelevalesbrasaucielpourmanifestersajoie,puisserembrunitbrusquement.—Enfait,c'estunebonnequestion.Quiestsonvraipère?MichaelWayland?Simonsecoualatête.

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—StephenHerondale.—Alorsl'Inquisitriceétaitsagrand-mère,observaAlec.C'estsansdoutepourcetteraisonqu'elle...Ils'interrompit,leregardfixésurlafoule.—Qu'ellequoi?fitIsabelleavecimpatience.Alec,soisattentif.Oualors,dis-nousquitucherches.— Magnus,répondit-il.Jevoulaisluiproposerd'êtremonpartenaire,maisjenel'aperçoisnullepart.

Tul'asvu,toi?demanda-t-ilàSimon.—Ilétaitsurl'estradeavecClarymais...(Simontenditlecoupourmieuxvoir.)Ilestparti.Ildoitêtre

quelquepartdanslafoule.— Vraiment?Tuvasluiproposer?s'étonnaIsabelle.C'estunpeucommelebaldefind'année,cette

histoiredepartenaires,saufqu'aufinal,onvamassacrerquelquesdémons.—Exactementcommeaubaldefind'année,quoi,ironisaSimon.—Jevaispeut-êtreteproposerd'êtremonpartenaire,Simon.Alecfronçalessourcils.Al'instardesautresChasseursd'Ombresdanslasalle,ilétaitvêtudenoirde

piedencapetd'innombrablesarmespendaientàsaceinture.Unarcétaitsangléentraversdesondos;Simonseréjouissaitqu'ilaittrouvédequoiremplacerceluiqueSébastienavaitcassé.

—Isabelle,marmonna-t-il.Tun'aspasbesoind'unpartenairepuisquetunevaspastebattre.Tuestropjeune.Etsitufaismineneserait-cequed'ysonger,jet'étrangle.(Illevabrusquementlatête.)Attendez…cen'estpasMagnus,là-bas?Isabellesuivitsonregardetricana.— Alec,c'estun lycanthrope.Une lycanthrope,pourêtreexacte.Enfait,c'estMachinchose.May, je

crois.—Maia,intervintSimon.Ellesetenaitnonloind'eux,vêtued'unpantalonencuirmarronetd'untee-shirtnoirmoulantsurlequel

était inscrit : «Cequi neme tuepas... feraitmieuxdedéguerpir. »Un élastique retenait ses cheveuxtressés.Elleseretourna,commesiellesentaitleursregardspesersurelle,etsonvisages'éclaira.SimonluirenditsonsourireetsefigeaenvoyantIsabelleserenfrogner.Depuisquandlavieétait-elledevenueaussicompliquée?

—VoilàMagnus!s'écriaAlec.Il s'éloigna sans accorder un regard à ses compagnons et fendit la foule pour rejoindre le sorcier.

Même à cette distance, il était impossible de ne pas voir la surprise qui se peignit sur le visage deMagnusquandill'aperçut.

— Ils sont plutôt mignons même s'ils s'y prennent comme des manches, commenta Isabelle en lesobservant.

—Commentça?—AlecveutqueMagnusleprenneausérieuxalorsqu'iln'ajamaisparlédeluiànosparents.Ilneleur

amêmepasavouéqu'ilpréfère,tusais…—Lessorciers?— Trèsdrôle,rétorquaIsabelleenjetantunregardnoiràSimon.Tusaistrèsbiencequejeveuxdire.

Cequisepasse...—Oui,qu'est-cequisepasse,aujuste?lançaMaiaens'avançant.Jenecomprendsrienàcettehistoire

departenaires.Commentçamarche?—Commeça.SimonmontradudoigtAlecetMagnusquis'étaientisolésàl'écartdelafoule.Alecdessinaitsurla

maindeMagnus,l'airconcentré,etsescheveuxnoirsluiretombaientsurlesyeux.—Alorsonvatousdevoirenpasserparlà?s'étonnaMaia.

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— Seulementceuxquisebattent,répliquaIsabelleentoisantl'autrefille.Tun'aspasl'aird'avoirdixhuitans.Maiaeutunsourirepincé.—JenesuispasuneChasseused'Ombres.Chezleslycanthropes,l'âgeadulte,c'estseizeans.— Alors tuvasyavoirdroit.C'estunChasseurd’Ombresquidoit temarquer.Tuferaismieuxd'en

chercherundèsmaintenant.—Mais...Maia, qui avait toujours les yeux fixés sur Alec et Magnus, s'interrompit en fronçant les sourcils.

Simonseretournaàsontour,etrestabouchebée.AlecavaitlesbrasautourducoudeMagnusetl’embrassaitàpleinebouche.Celui-ci,apparemmenten

étatdechoc,étaitclouésurplace.Plusieurspetitsgroupes-Chasseursd'OmbresetCréaturesObscuresconfondus-lesobservaientenchuchotant.Jetantuncoupd'œilprèsdelui,SimonaperçutlesLightwoodquiregardaientlascèneavecdesyeuxrondscommedessoucoupes.Maryseavaitlamainplaquéesursabouche.Perplexe,Maiademanda:—Attendezuneseconde...Çaaussi,ilfautqu'onlrfusse?Pourlaénièmefois,ClarycherchaSimonparmilafoule.Ildemeuraitintrouvable.Chasseursd'Ombres

CréaturesObscuresallaientetvenaientdanslasalleousedéversaientparlesportesouvertesjusquesurlesmarches.Danstouslescoins,desstèlesétincelaient:lescombattantsseregroupaientpardeuxpoursemarqueràtourderôle.ClaryvitMaryseLightwoodtendrelebrasàunegrandefemmeàlapeauverte,aussi pâle et majestueuse qu'elle. Patrick Penhallow échangeait solennellement desMarques avec unsorcier ; des étincelles bleues illuminaient de temps à autre sa chevelure; Au-dehors, Clary voyaitmiroiter lePortailsur laplace.Lesétoilesbrillantà traverslaverrièredonnaientà lascèneunaspectirréel.

—Incroyable,n'est-cepas?s'exclamaLuke.Ilsetenaitauborddel'estrade,d'oùildominaitlafoule.—DesChasseursd'OmbresetdesCréaturesObscuresensemble,danslamêmepièce.Ilsemblaitimpressionné.ClaryregrettaitqueJacenesoitpaslàpourvoirça.Malgrétoussesefforts,

ellenepouvaitpass'empêcherd'avoirpeurpourlui.L'idéequ'ilaffronteseulValentin,qu'ilmettesavieendangerparcequ'ilsecroyaitmaudit,qu'ilmeuresansconnaîtrelavérité...

—Clary,tum'asentendue?lançaJocelyneavecunepointed'amusementdanslavoix.—Oui,c'estincroyable,jesais.Jocelynepritlamaindesafille.—Cen'estpascequej'aidit.Lukeetmoi,nousallonscombattre.Oui,jesaisquetusais.Turesteras

iciavecIsabelleetlesautresenfants.—Jenesuispasuneenfant.— Jesais,maistuestropjeunepourparticiperàlabataille.Et,mêmesicen'étaitpaslecas,tun'as

passuivid'entraînement.—Jen'aipasenviederestericilesbrascroisés.— Tuenasdéjàassezfait!Sanstoi,riendetoutçan'auraitpuseproduire.Nousn'aurionsmêmepas

eul'occasiondenousbattre.Jesuistrèsfièredetoi.Jeteprometsque,Lukeetmoi,nousreviendrons.Toutirabien,tuverras.

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Claryplantasonregarddansceluidesamère.—Maman.Pasdemensonges.Jocelyne se leva en soupirant et lâcha lamain de sa fille. Avant qu'elle ait pu dire unmot, Clary

reconnut unvisage familier dans la foule.Lenouveauvenu s’avançavers elles d'unpas décidé en sefaufilantparmilacohueavecuneaisancesurprenante.Ilsemblaittraverserlescorpscommedelafumée.Etc'étaitbeletbienlecas,comprit-elleaumomentouils'approchaitdel'estrade.Ilportaitlesmêmes

vêtementsquelorsdeleurpremièrerencontre:unechemiseblancheetunpantalonnoir.Elleavaitoubliéàquelpointilétaitfrêle.Onluidonnaitàpeinequatorzeans.Avecsestraitsfins,angéliques,etsonaircalme,onauraitditunenfantdechœurmontantlesmarchesdel'autel.

—Raphaël!LavoixdeLuketrahissaitàlafoislasurpriseetlesoulagement.—Jenepensaispasquetuviendrais.LesEnfantsdelaNuitontdoncreconsidérél'idéedesejoindreà

nouspourrepousserValentin?IlresteunsiègeauConseilpourvous,sivouslevoulez.IltenditlamainàRaphaël,dontlesbeauxyeuxbrillantsnetrahissaientaucuneémotion.—Jenepeuxpasteserrerlamain,loup-garou.Devantl'airoffensédeLuke,ilsouritjusteassezpourdécouvrirlapointedesescrocsétincelants.—Jenesuisqu'uneprojection,expliqua-t-ilenlevantlamainpourquetousvoientlalumièrepasserà

travers.Jenepeuxrientoucher.—Mais...Lukelevalesyeuxversleclairdelunequisedéversaitparlaverrière.— Pourquoi...(Ilbaissalamain.)Entoutcas,jesuiscontentquetusoisvenu.Quelquesoitlemoyeu

quetuaieschoisi.LeregarddeRaphaëls'attardasurClarypendantquelquesinstants-ellen'aimaitpasceregard-là-,

puisilsetournaversJocelyneetsourit.—Toi,tueslafemmedeValentin.Ceuxdesmiensquisesontbattusàtescôtéslorsdel'Insurrection

m'ontbeaucoupparlédetoi.Jedoisadmettrequejen'auraisjamaispenséterencontrerunjour.Jocelynelesaluad'unsignedetête.—Beaucoupd'EnfantsdelaNuitontcombattubravementcejour-là.Taprésenceicisignifiedoncque

nouslutteronsdenouveauensemble?Clary trouvait étranged'entendre samère s'exprimerde façonaussi froide et formelle, et cependant

Jocelynesemblaittrouvercelaaussinaturelquedepeindre,assiseparterre,envieillesalopette.—Jel'espère,réponditRaphaël,etsonregardglissadenouveausurClarycommelacaressed'unemain

glacée.Nousn'avonsqu'uneseuleexigence-oh!unebroutille.Sivousyaccédez,lesEnfantsdelaNuitvousrejoindrontvolontierssurlechampdebataille.

—LesiègeauConseil,lançaLuke.Biensûr...Ceserabientôtréglé,lesdocumentspeuventêtreprêtsdansl'heure...

—Non,l'interrompitRaphaël.C'estautrechose.—Autrechose?répétaLuke,interdit.Quoidonc?Jet'assureques'ilestennotrepouvoir...— Ohoui,répliquaRaphaëlensouriantdetoutessesdents.Enfait,cequenousvoulonssetrouveici

même.Sedétournant,ildésignalafouled'ungestegracieux.—C'estcegarçon,Simon.Levampirediurne.

Le tunnel, long et sinueux, s'enroulait sur lui-même; Jace avait l'impression de ramper dans les

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entraillesd'unénormemonstre.Àl'odeurdepierrehumideetdecendresemêlaitunrelentétrangequiluirappelait vaguement l'odeur de la Cité des Os. Enfin, le tunnel déboucha sur une caverne circulaire.D'immensesstalactites,étincelantescommedesgemmes,pendaientdelavoûtedentelée.Lesol,lui,étaitaussilisseques'ilavaitétépoliet,parendroits,lapierreluisanteformaitd'obscursmotifs.Aucentredelacavernes'élevaituneimposantestalagmiteenquartzémergeantdusolteluncrocgigantesque,peinteçà et là de signes écarlates. En y regardant de plus près, Jace s'aperçut que ses parois étaienttransparentes,etquelapeintureétaitenréalitéunesubstanceétrangequitournoyaitcommedelafuméecoloréeàl'intérieurd'uneéprouvette.Au-dessusdesatête,unraidelumièrefiltraitàtraversuntroucirculairedanslapierre,formantune

lucarnenaturelle.Aenjugerparlesmotifscomplexesincrustésdanslesol,lacavernen'étaitpasl'œuvredelanature.Maisquiavaitbienpucreusercetteénormechambresouterraine,etpourquelleraison?Uncroassementstridents'éleva,etJacesursauta.Aprèss'êtrebaisséderrièreunegrossestalagmite,il

éteignitsapierrederuneaumomentoùdeuxsilhouettesémergeaientdelapénombreàl'autreboutdelacaverne.Elles s'avancèrent vers lui, la têtebaisée, l'air absorbédans leur conversation.Commeellesatteignaientlecentredelagrotte,laluneéclairaleurvisageetc'estalorsqu'illesreconnut.Sébastien.EtValentin.

Pourgagnerl'estrade,Simoncontournalafouleenlongeantlarangéedecolonnes.Latêtebaissée,ilétaitperdudanssespensées.Iltrouvaitbizarrequ'Alecquin'avaitqu'unanoudeuxdeplusquelui,seprépare à partir pour le champ de bataille, alors que le reste du groupe restait à l'arrière. Isabellesemblaitl'avoirbienpris:iln'yavaiteunilarmesnicrised'hystérie.Elledevaits'yattendre.Ilapprochaitdesmarchesquand, levant lesyeux, ilvitRaphaël,aussi impassiblequ'àsonhabitude,

quisetenaitsurl'estradefaceàLuke.Celui-ci,enrevanche,semblaitagité:ilsecouaitlatête,levaitlesmainsensignedeprotestationet,àcôtéde lui,Jocelyneétaitscandalisée.Simonnedistinguaitpas levisagedeClary,quiluitournaitledos,maisillaconnaissaitassezpours'apercevoir,rienqu'àlatensiondesesépaules,quequelquechosenetournaitpasrond.PouréviterqueRaphaëlnelevoie,ilsecachaderrièreunecolonneettenditl'oreille.Par-dessusles

bavardagesdelafoule,ildiscernalavoixdeLuke.—C'esthorsdequestion,disait-il.Jen'arrivemêmepasàcroirequetuaiespuledemander.—Etmoijen'arrivepasàcroirequeturefuses,répliquaRaphaëld'untonglacial.C'estunebabiole.—Cen'estpasunebabiole,intervintClary,furieuse.C'estunepersonne.—C'estunvampire,tuastendanceàl'oublier.— Ettoi,tun'espasunvampire,peut-être?rétorquaJocelynedutonqu'elleemployaitquandClaryet

Simonavaientcommisunebêtise.Tusous-entendsquetavien'aaucunevaleur?Simonseplaquacontrelacolonne.Quesepassait-i l?—Mavievautbeaucoupplusquelavôtre,carjesuisimmortel.Iln'yapasdelimiteàcequejepeux

accomplir, alors que votre séjour sur terre est de courte durée. Mais là n'est pas le sujet. C'est unvampire,ilm'appartient,etjeveuxqu'onmelerende.

—Ilnet'appartientpas!s'emportaClary.Tunet'intéressaismêmepasàluijusqu'àcequetuapprennesqu'ilpouvaitmarcheraugrandjour...

—Peut-être,lâchaRaphaël,maispaspourlesraisonsquetucrois.Ilrelevalatêted'unairdedéfietsesyeuxétincelèrent.—Aucunvampirenedevraitdétenircepouvoir,poursuivit-il,demêmequ'aucunChasseurd'Ombresne

devraitposséderlesdonsdontvousavezhérité,tonfrèreettoi.Pendantdessiècles,onnousaserinéquenousétionsdesêtrescontrenature.Maislà,c'estbeletbienlecas.

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— Raphaël, dit Luke d'un tonmenaçant. J'ignore ce que tu espérais en venant ici, mais nous ne telaisseronspasfairedemalàSimon.

— En revanche, vous laisserez Valentin et son armée de démons massacrer tous vos alliés, lançaRaphaëlenembrassantd'ungestelasalle.Vousacceptezqu'ilsrisquentleurvieetvousnedonnezpasàSimonlemêmechoix?Peut-êtrequesadécisiondifféreradelavotre.Voussavezpourtantquenousnenousbattronspasàvoscôtéssivousrefusez.

—Nousnouspasseronsdevous.Jen'achèteraipasvotreaideaveclavied'uninnocent.Jenem'appellepasValentin.RaphaëlsetournaversJocelyne.—Ettoi,Chasseused'Ombres?Tuvaslaisserunloup-garoudéciderdel'avenirdetonpeuple?JocelynedévisageaRaphaëlcommesielleavaitaffaireàuncafardentrainderampersurlesoldesa

cuisine,puiselleréponditcalmement:—SitutouchesàuncheveudeSimon,vampire,tufinirasenpâtéepourchats,compris?UnplisévèrebarralabouchedeRaphaël.— Soit.EnrendanttonderniersouffledanslaplainedeBrocelinde,tutedemanderaspeut-êtresiça

valaitlapeinedesacrifiertantdeviespouruneseule,Et,àcesmots,ildisparut.LukesetournaversClary,maisSimonnelesentendaitplus.Ilregardaitses

mains.Ils'étaitattenduqu'ellestremblent,oriln'enétaitrien.Lentement,ilserralespoings.

Valentinétaitrestélemême,avecsoncorpsrobustesanglédanssonarmuredeChasseurd'Ombreset

ses épaules larges qui contrastaient avec l'ossature fine de son visage. L'EpéeMortelle pendait d'unbaudrierattachédanssondos,et ilportaitune largeceinturedans laquelle ilavaitglissé toutessortesd'armes :degroscouteauxdechasse,desdagueseffiléesetdepetitspoignardsservantàdépecer.EnobservantValentindepuissacachette,Jaceéprouvalamêmeémotionqu'àchaquefoisqu'ilpensaitàsonpère:unmélanged’affectionfilialemêléededésespoir,dedéceptionetdeméfiance.Levoir avecSébastienétaitunpeudéroutant.Celui-ci s'étaitmétamorphosé. Ilportait lui aussi son

armure, et une longue épée à pommeau d'argent à la ceinture. Néanmoins, ce n'était pas sa tenue quifrappaJacemaissescheveuxdésormaisd'unorpâle.Ilportaitd'ailleursmieuxleblondquelebrun;encomparaison,sapeaunesemblaitplusaussilivide.IlavaitdûteindresachevelurepourressemblerauvéritableSébastienVerlac.UneboufféedehainesubmergeaJace,etileuttouteslespeinesdumondeàrestercachéderrièresonrocher;iln'avaitqu'uneenvie,sauteràlagorgedeSébastien.Hugopoussaunautrecroassementetvintseposersurl'épauledeValentin.Jaceeutunpincementau

cœur en voyant l'animal adopter la posture, si familière, qu'il avait jadis avec Hodge. Hugo vivaitpratiquementsur l'épauledesonancienprécepteur,et levoirperchésurcelledeValentin luisemblaitétrange,voirecontrenaturemalgrétoutlemalqu'ilpensaitdudéfunt.Valentincaressalesplumeslustréesdel'oiseauenhochantlatêtecommesitousdeuxétaientengrande

conversation.Sébastienlesobservait,lessourcilsfroncés.—Desnouvellesd'Alicante?S’enquit-il,commeHugos'envolaitdenouveauenfrôlantdesesailesles

stalactites.—Çanesepassepascommeprévu.La voix de Valentin, imperturbable comme à son habitude, transperça Jace comme une flèche. Ses

mainssemirentàtrembleretillesplaquacontreseshanches.—Unechoseestcertaine,repritValentin.L'Enclaves'estralliéeauxCréaturesObscuresdeLucian,—MaisMalachidisait...

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—Malachiaéchoué.A la stupéfaction de Jace, Sébastien s'avança versValentin et posa lamain sur son bras. Il y avait

quelque chose d'intime et de confiant dans ce contact qui lui souleva le cœur. Personne ne touchaitValentindelasorte,ycomprislui,sonproprefils.

—Vous êtes contrarié ? demanda Sébastien, et le ton de sa voix véhiculait cettemême impression,bizarreetgrotesque,defamiliarité.

— L'Enclaveestplusavancéeque jene l'auraiscru. Je savaisque lesLightwoodétaientcorrompusjusqu'àlamoelle,etlacorruptionestcontagieuse.C'estpourquoij'aivoululesempêcherdeserendreàIdris.Maisquelesautressesoient laissébourrer lecrâneparLucian,alorsquecen'estmêmepasunNephilim...Si ledégoûtsepeignaitsur levisagedeValentin,Jaceconstataavecuneincrédulitécroissantequ'il

n'avaittoujourspasrepoussélamaindeSébastien.—Jesuisdéçu.Jepensaisqu'ilsfiniraientparentendreraison.Jenevoulaispasquecelasetermine

ainsi.Sébastieneutunsourireamusé.—Jenesuispasd'accord.Imaginez-les,prêtsàsebattre,déjàgonflésdeleurvictoire,ets'apercevant

enfindecomptequetouterésistanceestinutile.Imaginezlatêtequ'ilsferont!Valentinsoupira.—Jonathan...Seulel'horriblenécessiténouspousseàagirainsi.Iln'yapasdequoiseréjouir.«Jonathan?»Jaces'agrippaàlaparoirocheuse,lesmainssoudainmoites.PourquoiValentinavait-il

appeléSébastienparsonproprenom?Salangueavait-ellefourché?Cependant,Sébastienneparaissaitpass'enétonner.

—Tantqu'àfaire,autants'amuser,non?rétorqua-t-il.Entoutcas,jenemesuispasennuyéàAlicante.LesLightwoodsontdemeilleurecompagniequecequevousm'aviezlaissécroire,surtoutcetteIsabelle.Nousnoussommesséparésenbeauté.QuantàClary…LesangdeJacenefitqu'untour.— Elle n'est pas du tout comme je l'avais imaginé, poursuivit Sébastien avec colère. Elle ne me

ressembleenrien.—Tuesuniqueentongenre,Jonathan.QuantàClary,c'esttoutleportraitdesamère.—Ellenesaitpascequ'elleveut.Pasencore,entoutcas.Ellereviendraversnous.Valentinlevaunsourcil.—Qu'entends-tuparlà?LesouriredeSébastienmitJacehorsdelui.Ilsemorditlalèvrejusqu'ausang.— Oh, vous savez bien, lança le garçon. Elle finira par rejoindre notre camp. J'ai hâte. Jeme suis

beaucoupamuséàlaroulerdanslafarine.—Tun'étaispaslà-baspourtedivertir,maispourmettrelamainsurcequ'ellecherchait.Etquandelle

l'atrouvé-sanstonaide,medois-jedeterappeler-tul'aslaisséeenfairecadeauàunsorcier.Enoutre,tun'aspasréussià larameneravec toi,malgré lamenacequ'ellereprésentepournous.Cen'estpasàproprementparlerunsuccèsfracassant,Jonathan.

— J'ai fait demonmieux. Ils ne la lâchaient pas d'une semelle, et je nepouvais décemment pas lakidnapperaubeaumilieudelaSalledesAccords,répliquaSébastiend'untonmaussade.Etpuis,commeje vous l'ai déjà expliqué, elle ne sait pas se servir de son pouvoir. Elle est trop naïve pour poserproblème.

—Elleestaucœurdesprojetsdel'Enclave,quelsqu'ilssoient.C'estdumoinscequeprétendHugo.Il l'a vue là-bas sur l'estrade, dans la Salle desAccords, Si ellemontre à l'Enclave l'étendue de son

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pouvoir...Jace éprouvauneboufféed'inquiétudepourClary, à laquelle semêlait une étrange fierté : bien sûr

qu'elleétaitaupremierplan!Illareconnaissaitbienlà!— Alors ilssebattront,déclaraSébastien.C'estcequenousvoulions,non?Cen'estpasClaryqui

nousintéresse,c'estlaguerre.—Tulasous-estimes,àmonavis,ditcalmementValentin.—Jel'aiobservée.Sisonpouvoirétaitaussiillimitéquevoussemblezlecroire,elles'enseraitservie

pourfaireévadersonamilevampireousauvercetimbéciledeHodge...— Lepouvoirn'apasbesoind'êtreillimitépourserévélerdangereux.EncequiconcerneHodge,tu

devraispeut-êtretetenirsurlaréserve,étantdonnéquec'esttoiquil'astué.—Ilallaitleurparlerdel'Ange.Jen'avaispaslechoix.—Biensûrquesi.Valentinsortitunepairedegantsencuirdesapocheetlesenfilalentement.— Ilauraitpeut-êtretenusalangue.Pendanttoutescesannées,ils'estoccupédeJaceàl'Institutense

demandantàquiilavaitaffaire.Ilétaitl'undesraresàsavoirqu'ilyavaitunautregarçon.J'avaisbonespoirqu'ilnemetrahiraitpas;ilétaittroplâchepourcela.«Unautregarçon?»DequoiparlaitValentin?Sébastienfitungestedédaigneux.—Quelleimportance?Ilestmort,bondébarras!Unelueurmauvaises'allumadanssesyeux.—Vouspartezpourlelac?—Oui.Tusaiscequetuasàfaire,n'est-cepas?D'unsignedetête,Valentinmontral'épéependueàlaceinturedeSébastien.—Tut'enserviraspourleRituel.Cen'estpasl'ÉpéeMortelle,maisl'alliagedesalamedevraitsuffire.—Jenepeuxpasvousaccompagner?demandaSébastiend'unevoixgeignarde.Vousn'avezqu'àleur

envoyervotrearméedèsmaintenant.—Iln'estpasencoreminuit.Ilschangerontpeut-êtred'avisd'icilà.—Ilsnerisquentpas...—J'aidonnémaparole.Jelatiendrai,déclaraValentind'untondéfinitif.Situn'aspasdenouvellesde

Malachid'iciminuit,ouvrelaporte.Devantl'airhésitantdeSébastien,Valentinperditpatience.—J'ai besoinde toi, Jonathan. Je nepeuxpas attendre ici jusqu'àminuit ; ilme faudrapresqueune

heurepourgagnerlelacparlestunnels,etjen'aipasl'intentiondelaisserlabatailles'éterniser.Ainsi,nouspourronsraconterauxgénérationsfuturesquenousavonsécrasél'Enclaveentrèspeudetempsetquenotrevictoireaétédécisive.

—Jeregretteseulementdenepaspouvoirassisteràl'invocation.J'auraisaiméêtrelàpendantquevousaccomplirezleRituel.DerrièrelaminedéçuedeSébastien,Jacedéceladucalcul,delasournoiserieetunefroideurétrange.

MaisValentinneparutpass'eninquiéter.ÀlastupéfactiondeJace,ileffleuralevisagedeSébastiend'ungesteouvertementaffectueux,puisilsedirigeaverslefonddelacaverne.Avantdedisparaîtredanslesténèbres,ilseretourna.

—Jonathan!Malgrélui,Jacelevalesyeux.—Un jour, tu verras le visage de l'Ange.Après tout, c'est toi qui hériteras des InstrumentsMortels

quandjeneseraipluslà.Unjourpeut-être,toiaussituinvoquerasRaziel.

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—Çameplairait,ditSébastien.Immobile,ilregardaValentins'éloigner,puisilrepritdansunmurmure:—Oui,çameplairaitdeluicracheràlafigure.Ilfitvolte-face;sonvisageblêmesedétachaitsurl'obscuritételunmasquedeplâtre.—Tuferaismieuxdesortir,Jace.Jesaisquetueslà.Jace se figea. Puis, sans réfléchir, il courut vers l'entrée de la caverne. Coûte que coûte, il fallait

transmettreunmessageàLuke.MaisSébastienluibarraitdéjàlepassage,l'airtriomphant.—Vraiment?Tutecroyaisplusrapidequemoi?Jaces'arrêtanet.Soncœurbattaitcommeunmétronomedéréglé,etcependantilparvintàmaîtrisersa

voix:—Commejetesurpassedanstouslesautresdomaines,çamesemblaitlogique.Sébastiensecontentadesourire.—J'entendaistoncœurbattrependantquejediscutaisavecValentin,susurra-t-il.Çatecontrariait?—Quoi?Quetusortesavecmonpère?(Jacehaussalesépaules.)Honnêtement,jetetrouveunpeu

jeunepourlui.Pour la première fois depuis qu'ils se connaissaient, Sébastien parut désarçonné. Jace n'eut pas le

tempsdesavourersavictoire.Ravalantsacolère,Sébastienrepritd'untonsuave:—Jemesuisposédesquestionssur toncompte.Detempsentemps, jecroyaisdéceleruneétincelle

danstesyeux,unelueurd'intelligence,contrairementàtafamilleadoptive,cettebandededégénérésetd'imbéciles. Mais ce n'était qu'une pose, en fin de compte. Tu es aussi bête que les autres, malgrél'éducationquetuasreçuependantlesdixpremièresannéesdetavie.

—Quesais-tudemonéducation?— Plusquetunelecrois.C'estlemêmehommequinousaélevés,aprèstout.Seulementvoilà,ilne

s'estpaslassédemoiauboutdedixans.— Qu'est-cequeturacontes?ditJacedansunmurmurepuis,alorsqu'ilobservaitlevisageimpassible

deSébastien,ileutl'impressiondelevoirpourlapremièrefois:lescheveuxd'unblondpresqueblanc,lesyeuxanthracite,lestraitssévères,commeciselésdanslapierre,auxquelsvintsesuperposerlevisagedesonpèretelquel'angeleluiavaitmontré,jeune,impatient,alerte.Alors,seulement,ilcomprit.

—Valentinesttonpère.Tuesmonfrère.MaisSébastienavaitdisparudesonchampdevision.Ilsetenaitmaintenantderrièrelui,etsesbrasse

resserrèrentautourdesesépaulescommepourl'enlacer.—Aveatquevale,monfrère,cracha-t-il,etsoudain,Jaceeutlesoufflecoupé.Clary était épuisée.Unedouleur persistante - effet secondaire des efforts fournis pour visualiser la

rune d'alliance - avait élu domicile dans son lobe frontal. Elle avait l'impression d'avoir unmarteau-piqueurdanslatête.Jocelyneposalamainsursonépaule.

—Çava?Tun'aspasl'airdanstonassiette.Baissant lesyeux,Claryobserva la runenoire tracée sur ledosde lamainde samère ; sa jumelle

s'épanouissaitsurlapaumedeLuke.Soncœurseserra.Ellenepouvaitpasserésoudreàl'idéeque,d'iciàquelquesheures,samèrepartiraitaffronterunearméededémons.

—JemedemandeoùestpasséSimon.Jevaislechercher,annonça-t-elleenselevant.— Aumilieudetoutcemonde?fitJocelyneenposantunregardinquietsurlafoulequicommençaità

sedisperser:ceuxquiavaientétémarquéssepressaientverslasortie.

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Postéprèsdelaporte,Malachi,impassible,orientaitChasseursd'OmbresetCréaturesObscures.—Net'inquiètepas,lançaClaryensedirigeantverslesmarchesdel'estrade.Jerevienstoutdesuite.Tandisqu'elledescendaitlesmarchespoursemêleràlacohue,ellesentittouslesregardsconverger

danssadirection.EllecherchadesyeuxlesLightwoodetSimon,maisnevitaucunvisagefamilier.Avecunsoupir,elleseréfugiadansuncoindelasalle,oùlafouleétaitmoinscompacte.À la seconde où elle eut atteint la rangée de colonnes enmarbre, unemain jaillit de derrière l'une

d'elleset l'entraînadans lapénombre.Clarypoussauncridesurpriseetseretrouvaplaquéecontre lemur.

—Nehurlepas,ditSimon.C'estseulementmoi.—Qu'est-cequiteprenddejouerlesespions?J'allaisjustementtechercher.— Jesais.J'aiattenduquetudescendesdel'estrade.Jevoulaisteparlerseulàseul.Voilà.J'aisurpris

votreconversationavecRaphaël.—Oh,Simon!Ecoute,ilnes'estrienpassé.Lukel'aenvoyépaître...—Iln'auraitpeut-êtrepasdû.IlfallaitdonneràRaphaëlcequ'ilvoulait.—Nesoispasbête.Iln'estpasquestion...Simonresserrasamainautourdesonbras.—Etsimoi,jesuisd'accord?JeveuxqueLukeailleannonceràRaphaëlquelemarchéestconclu.Ou

j'iraileluidiremoi-même.— Jetevoisvenir.Etj'admiretadécision,maistun'espasobligéd'enarriverlà,Simon.Larequête

deRaphaëlest irrecevable,etpersonnenetedemandedetesacrifierpouruneguerrequin'estpaslatienne...

—MaisRaphaëlaraison.Jesuisunvampire,ettupassestontempsàl'oublier.Oubientuneveuxpast'ensouvenir.JesuisuneCréatureObscure,tuesuneChasseused'Ombres:cetteguerrenousconcernetouslesdeux.

—Tun'espascommeeux...— Jesuisl'undesleurs,tranchaSimonendétachantdélibérémentchaquesyllabe.Etl'onn'ychangera

rien.SilesCréaturesObscuressebattentauxcôtésdesChasseursd'OmbressansRaphaëletsonclan,iln'yaurapasdesiègeauConseilpour lesEnfantsde laNuit. Ilsne feront jamaispartiedumondequeLukeessaiedecréer,unmondeoùChasseursd'OmbresetCréaturesObscuresseserrentlescoudes.Lesvampiresseronttenusàl'écart.Ilsserontvosennemis.Jeseraitonennemi.

—Jamaisjenetetournerailedos.— Moinonplus,çametuerait.Maisjenepeuxpasvousaidersijenem'impliquepas.Jen'aipas

besoinde tapermission.C'est tonsoutienqu'ilmefaut.De toutemanière,si turefusesdemevenirenaide, je demanderai àMaia deme conduire au campement des vampires et jeme livrerai àRaphaël.Compris?Claryleconsidérabouchebée.Illuiserraitsifortlebrasqu'ellesentaitsonpoulsbattredanssamain.

Ellepassasalanguesurseslèvressèches;elleavaitungoûtamerdanslabouché—Quefaut-ilfairepourt'aider?murmura-t-elle.Simon exposa son plan et, à mesure qu'il parlait, les yeux de Clary s'agrandissaient d'effroi. Elle

secoualatêteavantmêmequ'ilaitfinisonexplication.—Non!C'estuneidéecomplètementfolle,Simon.Cen'estpasundon;c'estunepunition...—Peut-êtrepaspourmoi.Iljetauncoupd'œilverslafoule,etClaryvitMaiaquilesobservaitavecunecuriositémanifeste.A

l'évidence,elleattendaitSimon.«Çavatropvite,songeaClary.Toutçavabeaucouptropvite.»—C'esttoujoursmieuxquel'alternative,Clary.

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—Non...— Peut-êtreque jenesentirai rien.Après tout, j'aidéjàétépuni,pasvrai? Jen'aiplus ledroitde

pénétrerdansuneégliseouunesynagogue,jenepeuxpasprononcerlesnomssanctifiés,jenevieilliraiplus,jesuisdéjàprivéd'unevienormale.Peut-êtrequeçanechangerarien.

—L'inverseestpossibleaussi.SimonglissalamaindanslapochedeClaryetensortitlastèledePatrickPenhallow.—Clary,s'ilteplaît.Faisçapourmoi.Lesdoigtsengourdis,ClarypritlastèleetenappuyalapointesurlefrontdeSimon,justeau-dessus

desyeux.«LapremièreMarque»,avaitditMagnus.Elleseconcentraetlastèles'animadanssamaincommeundanseurausonde lamusique.Les lignesnoiress'épanouirent telleune fleursur lapeaudeSimon.QuandClaryeutterminé,samaindroitel'élançaitmais,encontemplantsonœuvre,ellecompritqu'elleavaitdessinéquelquechosed'uniquequiremontaitàlanuitdestemps.LarunescintillaitcommeuneétoilesurlefrontdeSimon.Ill'effleuradesdoigts,l'airperplexe.

—Jelasensquimebrûle.—J'ignorecequivasepasser,chuchotaClary.Jenesaispasquelsserontleseffetsàlongterme.UnpâlesourireétiraleslèvresdeSimon.—Espéronsqu'onaural'occasiondeledécouvrir,dit-ilenluieffleurantlajoue.

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19.Penil

MAIARESTASILENCIEUSEpendantlaplusgrandepartiedutrajet.Ellenelevaitquerarementlatêtepourjeter un regard autour d'elle en plissant le nez, l'air concentré. Simon, qui la soupçonnait de flairerl'atmosphèrepourserepérer,décidaquecedon,quoiqu'unpeubizarre,étaitfortutile.Ils'aperçutaussiqu'il n'était pas obligé de presser le pas pour la suivre, quelle que soit la vitesse à laquelle elle sedéplaçait.Même lorsqu'ils eurent atteint le chemindéfoncéquimenait à la forêt etqueMaia semit àcourir,lecorpspenchéenavant,iln'eutaucunmalàtenirlerythme.C'étaitl'undesraresaspectsdesanouvelleviedevampirequ'ilappréciait.Leurcourseàtraversboiss'achevatropviteàsongoût.Laforêts'épaississaitetlesolétaitjonchéde

racines et de feuilles mortes qui ralentissaient leur progression. Les branches au-dessus de leur têteformaientunevoûtemasquantlecielétoilé.Ilsémergèrentdansuneclairièreparseméedegrosrochersqui luisaient commedes dents blanches sous la lune.Çà et là, des feuilles étaient rassemblées en tascomme,siquelqu'unavaitratissélaterre.Maiamitsesmainsenporte-voixetcriaassezfortpoureffrayerlesoiseauxperchéssurlacimedes

arbres.—Raphaël,montre-toi!Silence.Puisunfroissementàpeineperceptible,pareilaucrépitementdelapluiesuruntoitdetôle,

résonnadanslaclairière.Lesfeuilless'éparpillèrent.Maiatoussaetlevalesmainspourseprotégerlesyeux.Soudain, le vent retomba aussi vite qu'il s'était levé. Raphaël se tenait devant eux, à deux pas de

Simon.Ilétaitentouréd'ungroupedevampiresimmobilescommedesarbressouslalune.Malgréleurair impassible, il émanait d'eux une hostilité presque palpable. Simon reconnut parmi eux quelquesoccupantsdel'hôtelDumort:lapetiteLilyetJacob,legarçonblondauxyeuxperçants.Maislaplupartluiétaientinconnus.Raphaëls'avança;ilavaitleteintcireuxetlesyeuxcernés.IladressaunsourireàSimon.—Tuesvenu.—Oui,jesuisvenu.Tuescontent?C'estfini.—C'estloind'êtreterminé.Toi,lançaRaphaëlensetournantversMaia.Retourneauprèsdetonchefet

remercie-le d'avoir changé d'avis.Dis-lui que lesEnfants de laNuit combattront à vos côtés dans laplainedeBrocelinde.LevisagedeMaiaseferma.—Luken'apas...Simonl'interrompitprécipitamment.—C'estbon,Maia.Tupeuxyaller.Unelueurdetristesses'allumadanslesyeuxdelajeunelycanthrope.—Réfléchis,Simon.Tun'espasobligédefaireça.—Si,répondit-ild'untondécidé.Mercidem'avoiremmenéjusqu'ici.Maintenant,va-t'en.—Simon...—Situneparspasmaintenant,ilsnoustueronttouslesdeux,ettoutçan'auraserviàrien.Va-t'en.S'il

teplaît.Maia hocha la tête et se détourna.L'instant d'après, la jeune fillemenue aux cheveux tressés s'était

transforméeenunénormeloupquis'élança,rapideetsilencieux,etdisparutdanslesténèbres.Simonsetournaverslesvampiresetfaillitpousseruncridefrayeur.Raphaëlsetenaitàprésenttout

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prèsdelui.Sapeauaccusaitlessignesavant-coureursdelafaim.Simonserappelacettefameusenuitàl'hôtelDumort-lesvisagesémergeantdel'ombre,lesrireslointains,l'odeurdusang-etilfrissonna.Raphaëllesaisitparlesépaulesd'unepoignedefermalgrésesmainstrompeusementfrêles.—Tournelatêteetgardelesyeuxfixéssurlesétoiles.Ceseraplusfacile.—Alorstuvasmetuer,lâchaSimon.À son étonnement, il n'éprouva aucune peur. Le temps semblait s'être arrêté et tout lui apparaissait

soudainavecunenettetéparfaite,delamoindrefeuillesurlesbranchesau-dessusdesatêteaupluspetitcaillousurlesol,enpassantparchaquepaired'yeuxrivéesurlui.

— Qu'est-cequetucroyais?rétorquaRaphaël,etSimoncrutdécelerunepointedetristessedanssavoix.Çan'ariendepersonnel,jet'assure.Commejel'aidéjàexpliqué,tuestropdangereux.Sij'avaissu...

—Tunem'auraisjamaislaissésortirdematombe,jem'endoute.Raphaëlplantasonregarddanslesien.—C'estnotreinstinctdesurviequiguidenosactes.Encela,noussommescommeleshumains.Ildécouvritsescrocseffiléscommedesrasoirs.—Tiens-toitranquille.Ceneserapaslong,ajouta-t-ilensepenchant.— Attendsuneseconde,ditSimon,etcommeRaphaëlreculaitenserenfrognant, il répétad'unevoix

plusforte:Attends.J'aiquelquechoseàtemontrer.—Situessaiesdegagnerdutemps,c'estpeineperdue,sifflalevampire.—Non,çapourraitt'intéresser,répliquaSimonenécartantsescheveuxdesonfront.Songeste luiparutunpeu ridicule,voire théâtral,maisaumomentoù il s'exécutait, il revit lepetit

visageblêmedeClaryquileregardait,lastèleàlamain,etpensa:«Ehbien,pourelle,aumoins,j'auraiessayé.»LaréactiondeRaphaëlfut immédiate.Lesyeuxécarquillésd'horreur, il reculacommesisavictime

avaitbrandiuncrucifixsoussonnez.—Quit'afaitça?cracha-t-il.Simonneréponditpas.S'ilnesavaitpas tropàquois'attendrede lapartdeRaphaël, iln'avaitpas

prévucela.—C'estClary,repritlechefdesvampires:Evidemment.Seulsonpouvoirpeutaccomplircegenrede

miracle:unvampiremarqué,etunerunecommecelle-ci...—Qu'est-cequ'ellea,cetterune?demandaJacob,quisetenaitjustederrièreRaphaël.Lerestedesvampiresobservaientlascène,euxaussi,etsurleurvisagelaconfusionledisputaitàla

peur.Cequiétaitsusceptibled'effrayerRaphaëlnepouvaitquelesalarmer.— CetteMarque,expliqua-t-il sansquitterSimondesyeux,ne figurepasdans leGrimoire.Elleest

antérieure.C'estl'unedesplusanciennes,tracéesdelamainmêmeduCréateur.IlfitminedetoucherlefrontdeSimon,samains'attardaquelquesinstantsau-dessusdelarune,puis

retomba.—IlestquestiondecesMarquesdanslesTextes,reprit-il,maispourmapart,jen'enavaisjamaisvu.—«Siquelqu'untuaitCaïn,Caïnseraitvengéseptfois,récitaSimon.Etl'ÉternelmitunsignesurCaïn

pourquequiconqueletrouveraitneletuâtpoint.»Tupeuxtoujoursessayerdemenuire,Raphaël.Maisjeneteleconseillepas.

—TuporteslaMarquedeCaïn?s'étonnaJacob.—Tue-le,lançaunefemmerousseavecunaccentrussetrèsprononcé.Tue-lequandmême.LafureursepeignitsurlevisagedeRaphaël.—Non!s'écria-t-il.Lemalqu'onluiferarejailliraseptfoissurnous.C'estlàlepouvoirdelaMarque.

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Maissil'undevousveutprendrelerisque,qu'ils'avance.Personneneréagit.—C'estbiencequejepensais,lâchaRaphaël.(IljaugeaSimonduregard.)Commelaméchantereine

ducontedefées,Lucianm'aenvoyéunepommeempoisonnée.Ilespéraitquejeledébarrasseraisdetoi,jesuppose,pourqu'ensuiteilpuisseprendreszrevanchesurnous.

—Non,protestavivementSimon.Non...Luken'estmêmepasaucourant.Ilaagientoutebonnefoi.Tudoishonorersongeste.

—Alorsc'étaittadécision?Pourlapremièrefois,leregardqueposaRaphaëlsurSimontrahissaitautrechosequedumépris.—Cen'estpasunsimplesortilègedeprotectionquetuasinvoqué.TusaiscequelechâtimentdeCaïn

signifie?«Maintenanttuserasmaudit.Tuseraserrantetvagabondsurlaterre»,récita-t-ilàmi-voix,surletondelaconfidence.

—Alorsj'erreraipourl'éternité,s'illefaut,déclaraSimon.—ToutçapourdesNephilim...—Non,passeulement.Jelefaisaussipourvous.Mêmesivousn'êtespasd'accord.Élevantlavoixpourêtreentendudetouslesvampiresquilesentouraient,Simonpoursuivit:—Vousavezpeurqu'enapprenantcequim'estarrivé,lesautresvampiress'imaginentquelesangdes

Chasseursd'Ombresleurpermettradesortiraugrandjour.Maismonpouvoirnevientpasdelà.C'estuneexpériencedeValentinquienestlacause,pasJace.Etçanesereproduirapas.

— Je pense qu'il dit la vérité,marmonna Jacob, à la stupéfaction deSimon. J'ai déjà rencontré desEnfantsdelaNuitquiavaientunfaiblepourlesChasseursd'Ombres.Aucund'euxn'adéveloppéungoûtparticulierpourlesoleil.

— Jusqu'ici,vouspouviezrefuserd'aiderlesChasseursd'Ombres,maispuisqu'ilsm'ontenvoyévousvoir...Simonlaissalerestedesaphraseensuspens.— N'essaie pas deme faire du chantage, lâchaRaphaël.Quand lesEnfants de laNuit acceptent un

marché,ilss'engagentàl'honorerquoiqu'iladvienne.Ilesquissaunsourire,etsescaninesétincelèrentdansl'obscurité.—J'ymetsunedernièrecondition,pourmeprouverquetuesvenuicientoutebonnefoi.Ilinsistasurlesdeuxderniersmots.—Laquelle?s'enquitSimon.— NousneseronspaslesseulsvampiresànousbattreauxcôtésdeLucianGraymark.Tutejoindrasà

nous.

Jaceouvritlesyeuxet,autourdelui,toutsemitàtourner.Unliquideamerluiemplissaitlabouche.Il

futprisd'unequintede touxet,pendantquelques instants,crutqu'il senoyaitpuis sentit la terre fermesoussespieds.Ilétaitadosséàunestalagmite,lesmainsliéesderrièreledos.Iltoussadenouveau,labouchepleinedesel,etcompritqu'ils'étouffaitavecsonpropresang.

—Onestréveillé,petitfrère?Sébastiens'agenouilladevantlui,unecordeàlamain,etluisouritd'unairféroce.—Bien.Pendantunmoment,j'aieupeurdet'avoirtuétroptôt.Jace détourna la tête pour cracher un jet de salive ensanglantée. Il avait l'impression d'avoir la tête enflée

commeunballon.Au-dessusdelui,lesétoilesvisiblesàtraversletroucreusédanslavoûtedelacaverneavaientcessédetournoyer.

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—Tuattendsuneoccasionspécialepourtedébarrasserdemoi?Noëlapproche,tusais.Sébastienleconsidérad'unairpensif.—Tunesaispaslafermer,hein?Cen'estpasdeValentinquetuashéritécetravers.Qu'est-cequ'ilt'aenseigné,

àpropos?Jen'aipasl'impressionqu'ilt'aitsérieusementinitiéaumaniementdesarmes.(IlsepenchaversJace.)Tusaisàquoij'aieudroitpourmesneufans?Auneleçon.Ilm'aapprisqu'enplantantuncouteaudansledosd'unhommeàunendroitprécis,onpeutàlafoisluipercerlecœuretluitrancherlamoelleépinière.Ettoi,qu'est-cequetuaseupourtonneuvièmeanniversaire,petitange?Unbiscuit?Auprixd'unimmenseeffort,Jaceavalasasalive.—Dis-moi,lança-t-il,dansqueltrout'a-t-ilcachépendanttoutemonenfance?Jenemerappellepast'avoirvu

aumanoir.—J'aigrandidanslavallée.(D'unsignedetête,Sébastienmontral'entréedelacaverne.)Jenemesouvienspas

det'avoirvunonplus,enyréfléchissant.Maisj'étaisaucourantdetonexistence.Tunepeuxpasendireautant.Jacesecoualatête.—Valentinnem'ajamaisfaittonéloge.J'ignorepourquoi.LesyeuxdeSébastienétincelèrent.SaressemblanceavecValentinfrappaJace:ilsavaientlesmêmescheveux

blondclair,lesmêmesyeuxnoirs,lemêmevisageàl'ossaturefineetauxtraitsaccusés.— Moi,jesaistoutdetoi,ditSébastienenselevant.Toi,tunesaisrien,pasvrai?Jevoulaistegarderenvie

pourquetuvoiesça,petitfrère.Regardebien.Et,d'ungeste fulgurant, ildégaina sonépéede son fourreau.Telle l'ÉpéeMortelle, elle avaitunpommeau

d'argentetdispensaitunhalodelumièrenoire.Uneséried'étoilesétaientgravéessursalame;aumomentoùSébastienlaretournaitdanssamain,ellereflétal'éclatpâledesétoilesau-dessusdeleurstêtesetparuts'embraser.Jaceretintsonsouffle.Sébastienl'auraitsansdoutedéjàtués'ilenavaiteuintention.Il lesuivitdes

yeuxtandisqu'ils'avançaitaucentredelacaverneentenantsonépéed'ungestenonchalant,bienqu'elleparûttrèslourde.Lespenséessebousculaientdanssatête.Valentinavaitdoncunautrefils?Quiétaitsamère?Avait-ellefaitpartieduCercle,elleaussi?Était-ilplusjeuneouplusâgéquelui?Sébastiens'étaitplantédevantl'énormestalagmite.Ellesemblaitbattrecommeunpouls,etlafuméeà

l'intérieurtournoyaitdeplusenplusviteàmesurequ'ilserapprochait.Lesyeuxmi-clos,ilprononçaunmotdansunelanguedémoniaqueauxsonoritéssifflantes,fittournoyersonépéeettranchalapointedelastalagmite.Lafuméeenjaillitcommedugais'échappantd'unballoncrevé.Uneexplosionpareilleàunrugissement retentit dans la caverne. Les oreilles de Jace bourdonnèrent et il eut soudain du mal àrespirer.Sébastienétaitàdemidissimuléparlacolonnedefuméerougeetnoirquis'élevaitentourbillonnant.—Regarde!cria-t-il,extatique.Ses yeux brillaient d'une lueur folle, et le vent qui s'était levé fouettait ses cheveux clairs. Jace se

demandasisonpèreavaitlamêmephysionomie,àlafoisterribleetfascinante,dutempsdesajeunesse.—Regardel'arméedeValentin!La voix de Sébastien fut couverte par un fracas semblable au déferlement d'une vague gigantesque

transportantavecelleunamoncellementdedétritus,lesgravatsdevillesentières,undélugedepouvoirmalfaisant. Une monstrueuse masse noire et tourbillonnante s'échappait maintenant de la stalagmitedécapitée et jaillissait dans le ciel par le trou dans la voûte de la caverne.Des centaines de démonsrugissant,unmagmadegriffes,deserres,decrocsetd'yeuxperçants.Jaceserevitallongésurlepontdubateau de Valentin tandis qu'autour de lui le ciel, la terre et les eaux se peuplaient de créatures decauchemar.Orcettefois,c'étaitpire.Onauraitditquel'enfersedéversaitdesentraillesdelaterre.Lesdémons empestaient comme des milliers de corps en putréfaction. Jace frotta ses mains l'une contre

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l'autre;lesliensquiemprisonnaientsespoignetsluientaillaientlachair.Ungoûtdebileetdesangluiemplitlabouchetandisquelesdernièrescréaturesdisparaissaientdanslecielenmasquantlesétoiles.Illuisemblaqu'ils'étaitévanouipendantuneminuteoudeux.Entoutcas,ilsombramomentanément

dansuntrounoiralorsquelescrisperçantsau-dessusdeluis'éloignaient,etilrestasuspenduentrecieletterreavecuneimpressiondedétachementquiressemblaitpresqueàdelasérénité.Sonabsencefutdecourtedurée.Soudain,ilregagnasoncorpsetladouleurdanssespoignetsdevint

intolérable.Lapuanteurdesdémonsétait suffocante sibienque,détournant la tête, ilvomitun flotdebile.Illevalesyeuxenentendantunricanementprèsdelui,etrefoulauneautreremontéeacide.

—C'estfini,petitfrère,susurraSébastien.Ilssontpartis.Jaceavaitlagorgesècheetlesyeuxquipleuraient.—Ilavaitditd'ouvrirlaporteàminuit,protesta-t-ild'unevoixéraillée.Çanepeutpasêtrel'heure.—J'aitoujoursconsidéréque,danscegenredesituation,ilvalaitmieuxessayerdesefairepardonner

quedemanderlapermission.Sébastienlevalesyeuxverslecielàprésentvide.— IlleurfaudracinqminutespouratteindrelaplainedeBrocelinde,soitunpeumoinsdetempsqu'il

n'enfaudraàpèrepourrejoindrelelac.JeveuxvoircoulerlesangdesNephilim.Jeveuxqu'ilsmeurentdansd'atrocessouffrances.Ilsméritentlespireshumiliationsavantdesombrerdansl'oubli.

—Tupensesdoncqu'ilsn'ontaucunechancecontrelesdémons?Ilssontpourtantbienpréparés...Sébastienchassad'ungestedédaigneuxl'argumentdeJace.—Tunousépiais,non?Tunesaispascequemonpèreprojettedefaire?Jacesegardaderépondre.—C'étaitgentildetapartdemeconduirejusqu'àHodgel'autresoir,repritSébastien.S'ilnevousavait

pasracontéque leMiroiret le lacLynnefontqu'un, jenesuispassûrquenousaurionspucontinuer.Sais-tuqueceluiquidétientlesdeuxpremiersInstrumentsMortelspeutinvoquerl'angeRazielauborddulac,commeJonathanShadowhunterunedizainedesièclesavantlui?Lorsquel'Angeparaît,onpeutluiréclamerunefaveur.Jacefrissonna.—EtquevaluidemanderValentin?LadéfaitedesChasseursd'OmbresdanslaplainedeBrocelinde?— Ceseraitdugâchis.Non,ilexigeraquetousceuxquirefusentdeboiredanslaCoupeMortelleet

doncdesesoumettreàsaloisoientprivésdetousleurspouvoirs.IlsneserontplusdesNephilimet,àcausedeleursMarques...(Sébastiensourit.)IlssetransformerontenDamnés,desproiesfacilespourlesdémons.QuantauxCréaturesObscuresquin'aurontpasfui,nousn'auronsaucunmalàleséliminer.LesoreillesdeJacebourdonnaientetilavaitlevertige.—MêmeValentinneferaitjamaisunechosepareille...—Arrête,tucroisvraimentquemonpèren'irapasjusqu'aubout?—Notrepère.Sébastienbaissalesyeuxverslui.Avecsonhalodecheveuxclairs,ilressemblaitàunangemaléfique.—Pardon,tupriais?ironisa-t-il.—JeparlaisdeValentin.Notrepère.Pendantquelquessecondes,Sébastienrestaimpassible;puisunsourirenarquoisétiraseslèvres.—Petitange,tun'esqu'unidiot.Monpèreavaitraisonàtonsujet.—Arrête dem'appeler comme ça s'emporta Jace.Qu'est-ce qui te prend deme parler d'anges sans

arrêt...—Bonsang,maistunesaisdoncrien!s'exclamaSébastien.Est-cequemonpèret'aracontéautrechose

quedesmensonges?

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Jacesecoualatête.Iltiraittoujourssurlesliensquiretenaientsespoignetsmais,àchaquenouvelletentative,ilavaitl'impressionqu'ilsseresserraientunpeuplus.Ilsentaitsonpoulsbattredanschacundesesdoigts.

—Ettoi,commenttusaisqu'ilnet'apasmenti?—Parcequenoussommesdumêmesang.Jesuiscommelui.Aprèssadisparition,jeluisuccéderaiàla

têtedel'Enclave.—Ataplace,jenemeréjouiraispasdeluiressembler.— Çaaussi,ç'adû jouer,observaSébastiend'unevoixdépourvued'émotion.Jeneprétendspasêtre

différent de ce que je suis. Je ne prends pas l'air horrifié parce quemon père prend lesmesures quis'imposentpoursauversonpeuple,mêmesicelui-cirefusesonaide...etnelaméritepas,situveuxmonavis.Quelfilspréférerais-tu?Celuiquiestfierdet'avoirpourpèreouceluiquiseratatinedehonteetdepeurdevanttoi?

—Jen'aipaspeurdeValentin.—Tun'asaucuneraisondelecraindre.C'estdevantmoiquetudevraistrembler.Jacecessade tirersurses lienset leva lesyeuxSébastien tenait toujoursà lamainsonépéenimbée

d'unhalosombre.Jaceneputs'empêcherd'admirerl'arme,mêmequandSébastienenappuyalapointesursagorge,auniveaudelapommed'Adam.

—Etmaintenant?fitJaceens'efforçantdemaîtrisersavoix.Tuvasmetuersansmedétacher?L'idéedem'affrontertefaitpeuràcepoint?LevisageblafarddeSébastiennetrahissaitaucuneémotion.—Tunereprésentespasunemenacepourmoi.Tun'esqu'unenuisance.Unvaguedésagrément.—Alorspourquoitunemedétachespaslesmains?Immobile,Sébastienleconsidéraquelquesinstants.Encemomentmême,ilévoquaitlastatuedecire

d'unprincemortdepuisdessièclesdanslaforcedel'âgeaprèsavoirgâchésa jeunesse.C'était làquerésidait la différence entre Sébastien et Valentin, même s'ils avaient le même visage de marbre :Sébastienportaitenluilegâchiscommequelquechosequilerongeaitdel'intérieur.

—Jenesuispassibêteettunem'auraspascommeça.Jet'ailaissévivreassezlongtempspourvoirlesdémonss'abattresurIdris.Quandtuaurasrejointtesancêtreslesanges,tupourrasleurexpliquerqu'iln'yaplusdeplacepoureuxencebasmonde.Ilsonttrahil'Enclave,etellen'aplusbesoind'eux.Maintenant,nousavonsValentin.

—TuvasmetuerpourquejetransmetteunmessageàDieudetapart?Jacesecoualatêteetlapointedel'épéeéraflasagorge.—Tuesencoreplusfouquecequejecroyais.Sébastien se contenta de sourire et enfonça plus profondément la lame ; chaque fois que Jace

déglutissait,illasentaitentaillersachair.—Situveuxréciteruneprière,c'estlemoment,petitfrère.—Jen'aipasenviedeprier.Enrevanche,j'aiunmessagepournotrepère.Tuleluidonneras?—Evidemment, répondit Sébastien d'un ton suave,mais Jace perçut une inflexion hésitante dans sa

voix,quiconfirmacequ'ilpensaitdéjà.—Tumens.Tunelui transmettrasriendutout.Ilnet'a jamaisdemandédemetuer,et ilserafurieux

quandill'apprendra.—Sottises!Tunel'intéressespas.—Tucroisqu'iln'ensaurariensitumetuesicimême?Tupeuxtoujoursprétendrequejesuismortsur

lechampdebataille,maisilfiniraparapprendrelavérité.—Tuparlessanssavoir,répliquaSébastien,maissoudain,ilparaissaittendu.

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Jacerepritlaparolepournepasperdrel'avantage.—Tunepourraspasleluicacherbienlongtemps.Ilyauntémoin.— Un témoin ? répéta Sébastien, manifestement surpris, et Jace considéra sa réaction comme une

premièrevictoire.Commentça?—Lecorbeau.Iltesurveillaitdansl'ombre.IliratoutrépéteràValentin.—Hugin?Sébastienlevalesyeux,etbienquel'oiseaudemeureintrouvable,quandilsetournadenouveauvers

Jace,ilsemblaitrongéparledoute.—SiValentindécouvrequetum'asassassinéalorsquej'avaislesmainsliées,ilteméprisera.Jace reconnut dans sa propre voix les inflexions suaves que prenait Valentin quand il cherchait à

convaincresoninterlocuteur.—Iltetraiteradelâcheetilnetepardonnerajamais.Sébastiennerépliquapas.SabouchetremblaitetilfixaitJaced'unregardbrûlantdehaine.—Détache-moietaffronte-moicommeunhomme.C'estleseulmoyen.Un autre spasme déforma la bouche de Sébastien, et cette fois Jace crut qu'il était allé trop loin.

Sébastien brandit son épée, et les étoiles sur la lame étincelèrent au clair de lune.Avec un rictus decolère,ill'abattitsurJace.

Assise sur lesmarches de l'estrade,Clary retournait la stèle dans sesmains. Jamais elle ne s'était

sentieaussiseule.LaSalledesAccordss'étaitcomplètementvidée.ElleavaitcherchéenvainIsabelleunefoisquelescombattantsavaienttousfranchilePortail.,D'aprèsAline,elleétaitsansdouteretournéechez lesPenhallow,oùAlineetquelquesautresétaient censés s'occuperd'unedouzained'enfants tropjeunes pour se battre. Clary avait refusé de l'accompagner. Si elle ne pouvait pasmettre lamain surIsabelle,ellepréféraitencorelasolitudeàlacompagnied'étrangers.Dumoins,c'étaitcedontelleavaitfiniparseconvaincre.Maisàmesurequeletempspassait,elletrouvaitlesilenceautourd'elledeplusenplusoppressant.Pourtant,ellenesedécidaitpasàselever.Elles'efforçaittantbienquemaldenepaspenseràJace,àSimon,àsamère,àLukeouàAlec,etleseulmoyenqu'elleavaittrouvépournepasréfléchir,c'étaitderesterimmobile,lesyeuxfixéssurlamêmedalleenmarbredontellerecomptaitsanscesse les craquelures. Il y en avait six au total.Une fois qu'elle avait le compte, elle recommençait :une...deux...Soudain,lecielexplosaau-dessusdesatête.Oudumoins,c'estcequ'illuisembla.Ellelevalesyeux.

Au-delàdelaverrière,làoù,quelquesinstantsplustôt,onnedistinguaitquel'obscuritédelanuit,unemassenoireetmouvantevenaitdesurgirenprojetantdeséclairsorangés.Descréaturesémergeaientdetempsàautredanslalumière;ellesétaientsilaidesqueClaryremercialecielqu'ilfassenuit.Lepeuqu'elleenvoyaitluisoulevaitdéjàlecœur.La verrière semit à onduler au passage de la horde de démons, comme déformée par une onde de

chaleurinfernale.Unbruitpareilàuncoupdefeurésonnadanstoutelasalle,etuneénormecraquelureseformasurleverre.Claryenfouitlatêtedanssesmainstandisqu'unepluiededébriss'abattaitsurelle.

Ilsavaientpresqueatteintlechampdebataillequandunbruitassourdissantdéchiralanuit.Puisleciels'embrasa.Simonperdit l'équilibre, se rattrapaàun troncd'arbreet leva la tête.D'abord, il crutqu'ilavaitlaberlue.Autourdelui,lesautresvampiresscrutaienteuxaussileciel,leurvisageblêmelevéversleclairdelune,tandisqued'innombrablescréaturesdecauchemarpleuvaientdufirmament.

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—Tun'arrêtespasdetournerdel'œil,c'estlassant,lâchaSébastien.Jace ouvrit les yeux. Sa tête l'élançait. En levantmachinalement lamain pour se tâter le visage, il

s'aperçut que Sébastien l'avait détaché. Un bout de corde était encore noué autour de son poignet. Ilexaminasamain;elleétaitnoiredesangsousleclairdelune.Il jeta un regard à la ronde. Il était étendu dans l'herbe, non loin de la petitemaison en pierre. Il

entendaitl'eaudutorrentruisselerprèsdelui.Lavoûteforméeparlesbranchesdesarbresau-dessusdesatêtedissimulaitenpartieleclairdelune,maisilfaisaitencoreassezclair.

—Debout,ordonnaSébastien.Tuascinqsecondes,oujetetueicimême.Jaces'exécutaavecdesgesteslents.Latêteluitournaitencoreunpeu.Pournepasperdrel'équilibre,

ilplantalestalonsdanslaterremolle.—Pourquoitum'asemmenéici?— Pour deux raisons, répondit Sébastien. D'abord, j'ai pris beaucoup de plaisir à te jeter dehors.

Ensuite,onn'auraitrienàgagner,toietmoi,àrépandretonsangsurlesoldecettecaverne.Crois-moisurparole.Jace tâta sa ceinture, et sentit son courage l'abandonner.Soit il avait perdu la plupart de ses armes

lorsqueSébastienl'avait traînéhorsdelacaverne,soit,plusprobablement,il l'avaitdésarmé.Ilneluirestaitqu'unedaguedontlalame,trèscourte,nepourraitpasrivaliseravecuneépée.

—Cen'estpasunearme,ça,fitremarquerSébastienavecunsouriremoqueur.—Jenepeuxpasmebattreavecça!protestaJaceenforçantletremblementdesavoix.—C'estbiendommage.Sébastiens'avança,l'airostensiblementdétaché,enpianotantduboutdesdoigtssurlepommeaudeson

épée.Jacecompritquec'étaitlemomentoujamaisetillefrappadetoutessesforcesauvisage.IlsentitlesosdeSébastiencraquersoussesphalanges.Iltombaenarrièredanslaboueetlâchasonépée.Jaces'élançapourlaramasseret,uninstantplustard,ilsedressaitau-dessusdesonennemi,l'armeàlamain.Sébastiensaignaitdunez.D'ungesterageur,ilécartalecoldesonvêtementpourdénudersagorge.—Vas-y.Finissons-en.Jace hésita ; il répugnait à achever quelqu'un qui gisait sans défense à ses pieds. Il se souvint que

Valentin, à Renwick, l'avait mis au défi de le tuer, et qu'il n'en avait pas eu le courage. Cependant,Sébastienétaitunmeurtrier.IlavaitassassinéMaxetHodge.Jacelevasonépée...Rapidecommel'éclair,Sébastienseredressad'unbond,roulasurlui-mêmeetatterritgracieusement

dansl'herbeàunpasdeJace.Aupassage,ilenvoyavalserl'épéed'uncoupdepied,s'enemparaavantqu'elleait touché lesolet,dansunéclatde rire, repartità l'assaut. Jace reculaaumomentoù la lamefendaitl'air,entaillantlétissudesachemiseetsontorse,quisemitàsaignerabondamment.Avecungloussement,Sébastienfonditsurlui.Jacetâtasaceinturepourdégainersapauvredagueet

cherchadésespérémentdesyeuxunobjet susceptiblede lui servird'arme -unboutdebois,n'importequoi-maisnevitquel'étendued'herbe,letorrentetlesarbresquidéployaientleursbranchesépaissesau-dessusdesatêtecommeunfiletdeverdure.Soudain;ilserappelalaConfigurationdeMalachiedanslaquellel'avaitemprisonnél'Inquisitrice.Sébastienn'étaitpasleseulàsavoirsauterhaut.Celui-citentaunenouvelleattaque,maisJaceavaitdéjàbondidanslesairs.Ilserattrapaàlabranche

laplusbassed'unarbreet,aumoyend'unepirouette,sejuchadessus.Agenouxsursonperchoir,ilvitSébastienfairevolte-face.Avantqu'ilaitpuleverlesyeux,iljetasadagueetl'entenditpousseruncri.Puis,pantelant,ilseredressa...

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Ets'aperçutqueSébastien l'avait rejoint sur labranche.Sonvisage,d'ordinairepâle,était rougedecolère,etsonbrasdégoulinaitdesang.L'épéegisaitdansl'herbe,bienenévidence.Cependant,Jacenesesentaitpaspourautantenpositiondesupériorité,étantdonnéquesadagueétaithorsd'atteinte,elleaussi. Il constata avecplaisirque,pour lapremière fois,Sébastien semblait furieuxetdépassépar latournuredesévénements,commesil'animalqu'ilcroyaitdressévenaitdelemordre.—Onabienri,cracha-t-il,maismaintenantc'estterminé.IlsejetasurJaceetlefitbasculerdelabranche.Agrippésl'unàl'autre,ilstombèrentdanslevideet

atterrirentlourdementparterre.SiJacevittrente-sixchandelles,ilseressaisitrapidementetplantalesonglesdanslebrasblessédeSébastien,quipoussauncridedouleur.Ilripostaenlefrappantauvisagedureversdelamain.UngoûtsaléemplitlabouchedeJace,etilcrachaunflotdebavesanglantetandisqu'ilsroulaientensembledanslaboue.Ilsdégringolèrentainsijusqu'auborddelarivièresanscesserdesedonnerdescoupsdepoing.Aucontactdel'eauglacée,Sébastiensuffoquadesurprise;profitantdesadistraction, Jace noua lesmains autour de sa gorge et serra de toutes ses forces. S'étranglant à demi,Sébastien trouva néanmoins la force de lui tordre le poignet jusqu'à en faire craquer les os. Jaces'entendit hurler comme de très loin. Tirant parti de son avantage, son ennemi continua à malmenerimpitoyablementsonpoignetcasséjusqu'àcequ'illâchepriseets'affaledanslaboueglacée,àl'agonie.Àcalifourchonsurlui,ungenouenfoncédanssescôtes,Sébastiengrimaçaunsourire.Sesyeuxnoirs

ressortaient sur sonvisagequin'étaitplusqu'unmasquedesangetdeboue.Unobjetétinceladanssamaindroite:c'étaitladaguedeJace.Ilavaitdûlaramasserpendantleurcorpsàcorps.Ilenpointalalamesursoncœur.

—Et nous voilà exactement au même stade qu’il y a cinq minutes, dit-il. Je t'ai donné ta chance,Wayland.Quellessonttesdernièresparoles?Jacelevalesyeuxverslui,laboucheensang.Iln'éprouvaitriend'autrequ'uneextrêmefatigue.Était-

cevraimentainsiqu'ilallaitmourir?—Wayland?fit-il.Cen'estpasmonnom,tulesaisbien.—PasplusqueceluideMorgenstern.Sébastien sepenchavers Jaceet il sentit lapointede ladague lui transpercer lapeau.Unedouleur

fulgurante se propagea dans tout son corps. Sébastien, le visage tout près du sien, poursuivit dans unmurmure:

—Tut'esvraimentprispourlefilsdeValentin?Tucroyaisqu'unepauvrechosepleurnichardecommetoiméritaitd'êtreunMorgenstern?D'unmouvementdetête,ilrepoussasesmèchesblondespoisséesdesueuretdeboue.—Tuesunorphelin.Monpèreamutilélecorpsd'unefemmepourt'arracheràsesentrailles.Ilatenté

de t'élever comme son fils,mais tu étais trop faible pour lui être d'un quelconque usage. Tu n'auraisjamaispudevenirunguerrier.Commetun'étaisbonàrien,ilt'aabandonnéauxLightwooddansl'espoirqu'unjour,peut-être,tuluiserviraisd'appât.Ilnet'ajamaisaimé.

—Alorstoi,tu...—Moi,jesuislefilsdeValentin.JonathanChristopherMorgenstern.Tun'asaucundroitsurcenom.Tu

esunfantôme.Unimposteur.LesyeuxnoirsdeSébastienluisaientcommelacarapaced'uninsecteet,soudain,Jaceentendit,comme

dansunrêve,lavoixdesaprétenduemère:«Jonathann'estplusunêtrehumain;c'estunmonstre.—C'esttoiquiasdusangdedémondanslesveines,hoqueta-t-il.—C'estexact.Ladagues'enfonçaencored'unmillimètredanslachairdeJace.LesouriredeSébastienavaitlaissé

placeàunrictusféroce.

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—Ettoi,tuesl'angeblond.Qu'est-cequejen'aipasentendusurtoncompte?Toiettonjoliminois,tesjoliesmanièresettasensibilité!Tunepouvaismêmepasvoirunoiseaumortsanstemettreàpleurer.PasétonnantqueValentinaiteuhontedetoi.Jaceenoublialadouleur.—C'esttoiquiledéshonores.Tut'imaginespeut-êtrequ'iln'apasvoulut'emmeneraulacavecluiparce

qu'ilfallaitquelqu'unpourouvrirlaporteàminuit?Commes'iln'avaitpasprévuquetunepourraispasattendre!S'iln'apasvouluquetul'accompagnes,c'estparcequ'ilahontedeseprésenterdevantl'Angeaveclacréaturequ'ilaconçue.Toi.JacelevaversSébastienunregardempreintdepitiéetdetriomphe.—Ilsaitqu'iln'yaaucunehumanitéentoi.Ilt'aimepeut-être,maisilnetehaitpasmoins...—Tais-toi!SébastienplongealadaguedansletorsedeJaceenfaisanttournerlemancheentresesdoigts.Jacese

voûtaavecunhurlement,etlasouffranceexplosaderrièresespaupièresenunemultituded'étincelles«Jevaismourir,pensa-t-il.Çayest,c'estlafin.»Ilsedemandasisoncœuravaitdéjàététranspercé,Ilétaitparalysécommeunpapillonépinglésuruneplanche.Ilouvritlabouchepourprononcerunnom,etunflotdesangs'échappadesabouche.Etcependant,Sébastienparutliredanssesyeux.—Clary,murmura-t-il.Jel'avaispresqueoubliée.Tuesamoureuxd'elle,n'est-cepas?Tahontefaceà

tesvilainespulsionsincestueusesadûtemettreausupplice.C'estdommagequetun'aiespassuavantqu'ellen'estpastasœur.Tuauraispupasserlerestedetavieàsescôtés,situn'avaispasétésibête.Ilsepenchapourglisseràl'oreilledeJace:—Ellet'aime,elleaussi.Gardeçaentêtequandtupasserasdel'autrecôté.Des taches sombres obscurcirent la vision de Jace comme de l'encre se répandant sur une

photographie. Soudain, la douleur disparut. Il ne sentait plus rien, pas même le poids du corps deSébastien. Il avait l'impression de flotter. Le visage de son ennemi, blanc sur l'obscurité de la nuit,sembla s'éloigner lentement. Tout à coup, un éclair doré déchira les ténèbres, et quelque chose vints'enroulercommeunbraceletautourdupoignetdeSébastien.Surpris,ilbaissalesyeuxsursamain,etladaguetombaàsespiedsavecuntintementaudible.Puislamainelle-même,tranchéenet,vintrejoindrel'armedanslaboue.Jace regarda sanscomprendre lemorceaudechair s'immobiliserdevantunepairedebottesnoires.

Levantlesyeux,ildiscernadelonguesjambesfines,unetaillemince,unvisagefamilierencadréparunemassedecheveuxsombres,etreconnutIsabelleàtraversunbrouillard.Sonfouetàlamain,elletoisaitSébastienquiobservaitsonmoignonensanglantéd'unairmédusé.

—Ça,c'estpourMax,espècedesalaud,cracha-t-elle.— Garce,siffla-t-ilenserelevantd'unbondaumomentoùelleabattaitdenouveausonfouetsurluià

unevitesseprodigieuse.Ilesquivalecoupetdisparut.Jaceentenditunbruissementdefeuilles;Sébastienavaitdûsecacher

danslesarbres,maisilsouffraittantqu'iln'avaitpaslecouragedetournerlatêtepourlevérifier.—Jace!Isabelles'agenouilla,sastèleàlamain.Sesyeuxétaientremplisdelarmes.Ildevaitêtremalenpoint

pourqu'ellesoitsibouleversée.—Isabelle,marmonna-t-il.Ilauraitvoululasupplierdefuircar,malgrésabravoureetsestalentsdeguerrière,ellen'étaitpasde

tailleà luttercontréSébastien : ilne se laisserait jamaisarrêterparundétail aussi insignifiantqu'unemainenmoins.MaisJaceneparvintqu'àémettreungargouillisincompréhensible.

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—Neparlepas,luiditIsabelle,etilsentitlapointedelastèleluipicoterlapeau.Toutirabien,reprit-elleavecunsouriretremblant.Tutedemandessansdoutecequejefaisici.J'ignorecequeSébastient'araconté,maistun'espaslefilsdeValentin.Elle avait presque fini de tracer l’iratze ; Jace sentait déjà la douleur refluer. Il hocha

imperceptiblementlatête,commepourluirépondre:«Jesais.»— Bref,jen'avaispasl'intentiondepartiràtarechercheàcausedumotquetuaslaissé,maisilétait

hors de question que tu meures en pensant que tu n'étais pas normal... D'ailleurs, comment tu as put'imaginerunechosepareille?Isabelle,quifaisaitdegrandsgestesenparlant,s'immobilisapournepasratersarune.— Et il fallait que tu saches queClary n'est pas ta sœur, poursuivit-elle plus calmement.Bref, j'ai

demandéàMagnusdem'aideràretrouvertatrace,ils'estservidupetitsoldatdeboisquetuasdonnéàMax. Je ne crois pas qu'il aurait accepté en temps normal, disons juste qu'il était particulièrement debonnehumeur.Jeluiaipeut-êtreglisséaupassagequec'étaituneidéed'Alec,mêmesicen'estpastoutàfaitvrai,maisilluifaudraunpeudetempspourledécouvrir.Quandj'aisuoùtuétais...ehbien,ilavaitdéjàouvertlePortail,etcommejesuistrèsdouéspourmefaufilerendouce...Isabellepoussauncri.Jaceessayadelaretenir,maisellefutprojetéeenarrièreetsonfouetglissade

ses mains. Elle tomba à genoux et Sébastien se dressa devant elle, les yeux étincelant de rage ; unmouchoirensanglantéétaitnouéautourdesonmoignon.Ellevoulutsejetersursonfouet,maisilfutplusrapidequ'elleetluidécochaunviolentcoupdepieddanslacagethoracique.Jacecrutentendresescôtescraqueretelle tombaenarrière.Elle,pourtantsolidecommeunroc,poussaunhurlementcommeil lafrappaitdenouveau.PuisSébastienramassasonfouetetlebranditdanssadirection.Jace roula sur le flanc.Grâce à l’iratze inachevée, il se sentait un peumieux,mais sa blessure le

faisaitencoresouffrir,etilsupposaavecuncertaindétachementquelefaitqu'ilcrachâtdusangsignifiaitqu'ilavaitunpoumonperforé.Ilignoraitcombiendetempsilluirestaitàvivre.Quelquesminutes,sansdoute.Atâtons,ilparvintàretrouverladaguequeSébastienavaitabandonnéeparterre,prèsdesamaintranchée,etserelevaentitubant.L'odeurdusangétaitomniprésente.IlpensaàlavisiondeMagnus-lesrivièresdesang-etsamainseresserraautourdumanchedeladague.Il fitunpas,puisunautre, chaque fois avec l'impressionque sespiedspesaientune tonne. Isabelle

accablait d'injures Sébastien, qui répondit par un éclat de rire et fit claquer le fouet. Poussé par leshurlements de la jeune fille, Jace se rapprocha tant bien quemal. Lemonde tournoyait autour de luicommedansunmanègedefêteforaine.«Unpasdeplus»,sedit-il.Encoreun.Sébastienluitournaitledos;ilétaitaccaparéparIsabelle.Il

devaitprobablements'imaginerquesonrivalétaitmort.D'ailleurs,ceseraitbientôtlecas.«Unpasdeplus.»MaisJacen'avaitpluslaforced'avancer.Lesténèbresenvahissaientsonchampdevision;plusépaissesencorequecellesdusommeil,elleseffaçaient toutcequ'ilavaitvu jusque-làet l'entraînaientverslereposéternel.Lapaix.IlsongeasoudainàClary,àladernièrefoisqu'ilavaitposélesyeuxsurelle alorsqu'elledormait, les cheveuxépars sur l'oreiller, la jouedans samain. Il s'était alors fait laréflexionqu'iln'avaitjamaisvutableausipaisible.Cependant,cen'étaitpassoncalmeàelle,propreàtouslesdormeurs,quil'avaitsurpris,maislesien.Lesentimentdepaixqu'iléprouvaitàsescôtésencetinstant,ilnel'avaitjamaisconnujusque-là.Ladouleur remontait le longdesonépinedorsale,et il s'aperçut,àsonétonnement,queses jambes

l'avaientportémalgrélui.Sébastienavaitlevélebras;lefouetétincelaitdanssamain.Isabellegisait,recroquevilléedansl'herbe,inconsciente.—Espècedepetitegarce,disait-il.J'auraisdûteréduirelevisageenbouillieaveccemarteauquand

j'enavaisl'occasion...

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JacebranditsadagueetlaplantadansledosdeSébastien.Celui-cireculaentitubant;lefouettombaàsespieds.Alorsqu'ilsetournaitlentementverslui,Jace

pensaavecunvaguesentimentd'horreur:«Ets'iln'étaitpasvraimenthumain...S'ilétaitinvincible?»Sonvisagen'exprimaitplusrienetlefeusombrequibrûlaitdanssesyeuxs'étaitconsumé,laissantplaceàlapeur.IlneressemblaitplusàValentin.Ilouvrit labouchecommepourprotester,etsesgenouxsedérobèrentsous lui.Puis ils'affaissapar

terreetroulajusqu'autorrent.Là, ils'immobilisasur ledos, lesyeuxlevésverslecielqu'ilnevoyaitdéjàplus,tandisquelecourantemportaitdegrandestraînéesrouges.«"Ilm'aapprisqu'enplantantuncouteaudansledosd'unhommeàunendroitprécis,onpeutàlafois

luipercerlecœuretluitrancherlamoelleépinière",avaitditSébastien.J'ail'impressionquenousavonseulemêmecadeaud'anniversairecetteannée-là,grandfrère»,songeaJace.Isabelle,levisagecouvertdesang,seredressaàgrand-peine.—Jace!cria-t-elle.Ilvoulutluirépondremaislesmotss'étranglèrentdanssagorge.Iltombaàgenoux.Unpoidsénorme

pesait sur ses épaules, et la terre semblait l'appeler à elle. Bientôt, il n'entendit plus les appelsfrénétiquesd'Isabelleetlesténèbresserefermèrentsurlui.

Simon était le vétéran d'innombrables guerres. Enfin, si l'on comptait celles qu'il avait menées en

jouantàDonjonsetDragons.SonamiEricétaitunpassionnéd'histoiremilitaire,et,d'habitude,c'étaitàlui qu'incombait de préparer les batailles avec des dizaines de petites figurines se déplaçant en lignedroitesurdespaysagesplatsméticuleusementdessinéssurdupapiersulfurisé.C'étaitsaseulevisiondelaguerre,aveccelledesfilms:deuxarméesmarchantl'uneversl'autresur

uneétenduedeterreplate.Deslignesdroitesetdesdéplacementsd'hommesméthodiques.Or,laréalitéétaittoutautre.Cetteguerre-làn'étaitqu'unvastechaos,unemêléeconfuse,etlepaysage,masseinstabledeboueetde

sang,n'avaitriendeplat.Simons'étaitfiguréqu'enarrivantsurleslieuxlesEnfantsdelaNuitseraientaccueillisparunresponsable;ils'étaitreprésentéobservantlabatailledeloindansunpremiertemps,alors que les deux camps s'apprêtaient à donner l'assaut. Mais il n'y eut ni paroles de bienvenue nicampements. La guerre éclata soudain devant ses yeux comme si, débouchant d'une rue déserte, il seretrouvaitprisdansuneémeuteaubeaumilieudeTimesSquare.Lafoulesurgissaitdetoutesparts,desmainsl'agrippaient,l'écartaientdupassageet,bientôt,lesvampiress'éparpillèrentpoursejeteràcorpsperdudanslabataillesansluiaccorderunseulregard.Quant aux démons, ils étaient partout, et jamais il ne s'était imaginé pareil vacarme : hurlements,

sifflements,grognementset,pireencore,lebruitdesgriffesetdescrocsquilacèrent,taillentenpiècesetla satisfaction du corps repu. Simon aurait bien renoncé à son ouïe fine de vampire : les sons luitransperçaientlestympanscommedespoignards.Trébuchantsuruncorpsàmoitiéenfouidanslaboue,ilseretournapourluivenirenaide,ets'aperçut

queleChasseurd'Ombresquigisaitàsespiedsavaitétédécapité.Sesossementssedétachaient,blancssur la terre noire et, malgré sa nature de prédateur, Simon fut pris de nausée. « Je dois être le seulvampireaumondeànepassupporterlavuedusang»,songea-t-il.Soudain,ilreçutuncoupviolentsurlanuqueetdégringola le longd'unepenteboueuseavantd'atterrirdansun trou. Iln'étaitpas le seulàavoiréchouélà.Ilroulasurledosaumomentoùledémonquil'avaitattaquésedressaitau-dessusdelui.Illuiévoquacesreprésentationsdelamortqu'onvoyaitsurlesgravuresmédiévales:c'étaituneespècedesqueletteaniméquitenaitdanssamainosseuseunehacheensanglantée.Simonfitunbonddecôtéau

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momentoùlahaches'abattaitsurlui.Lesqueletteémitunsifflementfurieux.Alorsqu'ilbrandissaitdenouveau son arme, un coup demassue le fit voler en éclats ; ses os s'éparpillèrent dans un bruit decastagnettesavantdedisparaîtredanslanuit.UnChasseurd'Ombress'avançaversSimon.L’homme,grand,barbuetcouvertdesang,l'observaense

frottantlefrontdesamainsale,quilaissaunetraînéenoiresursapeau.—Çava?lança-t-il.Unpeusonné,Simonhochalatêteetfitminedeserelever.L'étrangersepenchapourluioffrirsamain,

qu'ilacceptadebonnegrâce...etileutl'impressiondevolerdanslesairs.Ilatterritsursespiedsauborddutrou,enéquilibreprécairedanslaboue.L'hommeluiadressaunsourirepiteux.

—Désolé.C'estlaforcedesCréaturesObscures...Monpartenaireestunloup-garou.J'aidumalàm'yfaire.IlscrutalevisagedeSimon.—Tuesunvampire,n'est-cepas?—Commentlesavez-vous?L'hommesouritdenouveau.—Tescrocs.Ilssortentquandtutebats.Jelesaisparceque...Ils'interrompit.Simonauraitpuacheversaphraseàsaplace:«Jelesaisparcequej'aituépasmalde

vampires.»—Bref.Mercidetebattreànoscôtés.Simon allait répliquer qu'il n'avait pas encore eu l'occasion d'apporter sa contribution quand une

gigantesquecréatureailéetombaducieletplantasesserresdansledosduChasseurd'Ombres.L'hommenelaissapasmêmeéchapperuncri.Illevadesyeuxsurpris,l'airdesedemandercequilui

arrivait,puisdisparutdansuntourbillond'ailes.SamassueretombaauxpiedsdeSimon.L'épisode,depuislemomentoùilétaittombédansletrou,avaitdurémoinsd'uneminute.Hébété,il

regardaautourdeluietdistinguadespointsdelumièrequi,pareilsàdeslucioles,surgissaientçàetlàdesténèbres.Ilmitdutempsàcomprendrequ'ils'agissaitduhalodespoignardsséraphiques.IlnevitnilesLightwood,nilesPenhallow,niLuke.Iln'étaitpasunChasseurd'Ombres,etpourtant

cethommel'avaitremercié.Cequ'ilavaitconfiéàClaryétaitlastrictevérité:cetteguerreétaitaussilasienne,etonavaitbesoindeluiici.Cen'étaitpassaparthumainequ'onsollicitait,Simonlegentilgarçonquidéfaillaità lavuedusang,non,c'étaitSimon levampire,unecréatureque lui-mêmeconnaissaitàpeine.«Unvraivampireaccepted'êtremort»,avaitditRaphaël.Pourtant,Simonnes'étaitjamaissentiaussi

vivant.Ilseretournaaumomentoùunautredémonsurgissaitdevantlui:uneespècedelézardaucorpsrecouvertd'écaillésetauxdentsderongeur.Simonsejetasurl'énormebêteetlacérasapeausquameusedesesongles.LaMarquesursonfrontse

mitàbattrecommeilenfonçaitsescrocsdanslecoudumonstre.Sachairavaitungoûtatroce.

Lorsquelapluiedeverreeutcessé,untroudeplusieursmètresdelarges'étaitformédanslaverrière,

comme si unemétéorite était passée à travers.Un vent glacial s'engouffra par la brèche. Tremblante,Claryserelevaenépoussetantlesdébrissursesvêtements.LaGrandeSalleétaitdésormaisplongéedans l'obscurité.La faibleclartéémanantduPortail sur la

place entrait par la porte ouverte. Clary jugea qu'elle n'était sans doute plus en sécurité ici. Il valaitmieuxrejoindreAlinechezlesPenhallow.Elleavaittraversélamoitiédelasallequandelleperçutunbruitdepassurlesolenmarbre.Lecœurbattant,elleseretournaetvitMalachis'avancerversl'estrade

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dans la semi-pénombre.Que faisait-il ici ? Il n'était pas censé être sur le champde bataille avec lesautresChasseursd'Ombres?Commeilserapprochaitdel'estrade,elleétouffauncridesurprise.Unoiseaunoirétaitperchésur

l'épauleduConsul.Uncorbeau,plusprécisément.Hugo.Clarysebaissaderrièreunecolonne,tandisquel'hommegravissaitlesmarchesdel'estradeenjetant

unregardfurtifdepartetd'autredelasalle.Apparemmentrassuré,ilsortitunanneaudesapocheetleglissaàsondoigt.ClaryrevitHodge,danslabibliothèquedel'Institut,prenantlabaguesurlamaindeJace...L'airdevantMalachimiroitacommesous l'effetd'uneondedechaleur.Unevoixfamilière,calmeet

distinguée,oùperçaitunepointed'agacement,résonnasoudaindanslasalle.—Qu'ya-t-il,Malachi?Jenesuispasd'humeuràbavarder.—SeigneurValentin.L'hostilitécoutumièreduConsulavaitlaisséplaceàuneobséquiositésirupeuse.— Huginestvenumetrouveràl'instantpourm'apporterlesdernièresnouvelles.Jesupposequevous

étiezdéjàpartipourlelac,aussiilestvenumevoiràvotreplace.J'aipenséquevousaimeriezêtrevousaussiinformé.

—Bon,jet'écoute,réponditValentind'untoncassant.—C'estvotrefils,seigneur.L'autre.Huginarepérésaprésencedanslavallée.Apparemment,ilvous

auraitmêmesuividanslestunnels.Clarys'agrippaàlacolonne.IlsétaiententraindeparlerdeJace.Valentinpoussaungrognement.—Est-cequ'ilavusonfrère,là-bas?—Huginestpartialorsqu'ilssebattaient.Clarysentitsonestomacsenouer.Jaces'étaitdoncmesuréàSébastien?Ellerepensaàlafaçondontil

l'avaitsoulevécommeunfétudepailledevantlaGardeenflammes,etellefutprised'unetellepaniquequesesoreillessemirentàbourdonner.Quandelleeutrecouvrésesesprits,elles'aperçutqu'ellen'avaitpasentendularéponsedeValentin.

—Cesontsurtoutceux,assezvieuxpourêtremarquéssansavoir l'âgedesebattre,quim'inquiètent,disaitMalachi. Ilsn'ontpasvoté ladécisionduConseil. Ilme semblequ'ilsneméritentpas lemêmechâtimentquelesautres.

—J'yairéfléchi.DanslamesureoùlesadolescentssontmoinsaffectésparlesMarques,illeurfautaumoinsplusieursjourspourdevenirdesDamnés.Etj'aidansl'idéequeleurTransformationestréversible.

—MaisceuxquiaurontbudanslaCoupeMortelleneserontpasmenacés,n'est-cepas?—Jesuisoccupé,Malachi.Jet'aidéjàexpliquéquetunerisquaisrien.Fais-moiconfiance.Malachiinclinalatête.— J'aiunetotaleconfianceenvous,seigneur.Pendanttoutescesannées,ellenes'estpaseffritée,etje

vousaitoujoursservidansl'ombre.—Tuserasrécompensé.Malachilevalesyeux.—Seigneur...Mais l'airavaitcessédemiroiter.Valentinavaitdisparu.Lessourcilsfroncés,Malachidescenditde

l'estradeetsedirigeaverslasortie.Claryserecroquevilladerrièrelacolonneenpriantpournepasêtrevue.Soncœurbattait lachamade.Qu'est-cequec'étaitquecettehistoiredeDamnés?Laréponseàsaquestion trottaitdansuncoindesa tête,maiselleétait trophorriblepourêtresérieusementenvisagée.

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MêmeValentinn'oseraitpas...Soudain, quelque chose lui sauta auvisage.Apeine s'était-elle protégé les yeuxde ses bras que la

créatureluilacéraledosdesmainsenpoussantuncroassementféroce.—Hugin!Assez!criaMalachi.Hugin!Unautrecroassementretentit,suivid'unbruitsourd.Clarybaissalesbrasetvitlecorbeauimmobile

auxpiedsduConsul.Ellen'aurait sudire s'il étaitmortou simplement sonné.Avecun rugissementdecolère,Malachiécartalevolatiled'uncoupdepiedets'avançaversClaryaupasdecharge.Ill'agrippaparundesespoignetsensanglantésetlarelevasansménagement.

—Petiteidiote!cracha-t-il.Depuiscombiendetempstunousépiais?—DepuisassezlongtempspoursavoirquevouafaitespartieduCercle,cracha-t-elleenessayantdese

dégager,maisillamaintintfermement.VousêtesdanslecampdeValentin.— Iln'yaqu'unseulcamp,siffla-t-il.L'Enclavaestdirigéepardesgensstupidesetmalavisésquise

prêtentauxcapricesdedemi-humains.Elledoitêtrepurgéepourretrouversonanciennegloire.TouslesChasseursd'Ombresdevraientserangeràmonavis,orilspréfèrentécouterdessotsetdesadorateursdedémons comme Lucian Graymark. Et voilà que vous envoyez la fine fleur des Nephilim se fairemassacrerpourunecauseridicule;c'estungestevainquinerésoudrarien.ValentinadéjàcommencéleRituel;bientôtl'Anges'élèveradeseaux,etlesNephilimdeviendrontdesDamnés.Tous,sauflapoignéed'entreeuxquibénéficiedelaprotectiondeValentin...

—C'estdumeurtre!Ilassassinesonpeuple!— Non,protestaleConsuldelavoixpassionnéedesfanatiques.C'estunepurge.Valentins'apprêteà

créerunenouvelleracedeChasseursd'Ombres,unmondedébarrassédesfaiblesetdescorrompus.—Ilyauratoujoursdesfaibles!Cedontlemondeabesoin,cen'estpasd'unepurge,c'estdegensbien

pouréquilibrerlabalance.Etvousvoulezlesmassacrer!Malachi ladévisageapendantquelques instantsavecunesurprisesincère,commesi la forcedeses

convictionsledéconcertait.—Debienbellesparolesvenantd'unefilleprêteàtrahirsonpère.Sansluilâcherlepoignet,illapoussabrutalementdevantlui.—JemedemandesiValentinm'envoudraitbeaucoupdetedonnerune...Claryne sut jamais la suite.Le corbeau s'interposa entre eux, les ailes déployées, et creusa de ses

serresunsillonsanglantsur la jouedeMalachi.LeConsul lâchaClaryenpoussantunhurlementetsecouvrit la tête de ses bras,mais l'oiseau revint à la charge en lui donnant deméchants coupsdebec.Malachireculaenagitantlesbrasetheurtalecoind'unbancquitombaparterreenl'entraînantaveclui.Privéde sonéquilibre, il s'étalade tout son longavecuncri étrangléquimourutbrusquement sur seslèvres.Claryaccourut.Unemaredesangseformaitdéjàautourde la têtedeMalachi. Ilétait tombésurun

amasde débris provenant de la verrière, et un fragment de verre cassé lui avait tranchénet la gorge.Hugo décrivait des cercles au-dessus du cadavre en poussant des croassements triomphants ;apparemment,iln'avaitpaspardonnéauConsulsescoupsdepied.Malachin'auraitpasdûs'attaqueràunecréaturedeValentin,songeaClaryavecaigreur.Lecorbeaun'étaitguèreplusclémentquesonmaître.MaisClaryn'avaitpasletempsdepenseràMalachi.D'aprèsAlec,desbouclierscernaientlelacet,si

quelqu'unsetéléportaitdanslesparages,ildéclencheraitl'alarme.Valentinétaitprobablementdéjàsurles lieux, il n'y avait donc pas uneminute à perdre,Après s'être prudemment éloignée à reculons ducorbeau,Clarys'élançaverslaportedelaGrandeSalleetlechatoiementduPortailau-delà.

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20.L’équilibreDeLaBalance

LECONTACTDEL'EAUGLACIALEluifitl'effetd'unegifle.Tandis,qu'ellecoulaitàpic,sapremièrepenséefut que le Portail s'était déréglé et qu'elle resterait à jamais prisonnière des limbes obscurs quis'étendaiententrelesdeuxmondes.Sadeuxièmepenséefutqu'elleétaitdéjàmorte.Ellenerestaprobablementinconscientequequelquessecondes,etpourtantellecrutquetoutétaitfini.

Lorsqu'elle revintàelle, ellegisait sur la terrehumideet lesétoilesbrillaientcommeunepoignéedepiècesd'argentéparpilléesdanslecielnocturne.Unliquidesaumâtreluiemplissaitlabouche.Tournantlatête,elletoussaetcrachajusqu'àcequ'elleaitretrouvésonsouffle.Lorsque les spasmes de son estomac se furent calmés, elle roula sur le côté. Ses poignets étaient

emprisonnésparunhalolumineux,elleavait lesjambeslourdes,étrangementengourdies,etsapeauladémangeait comme si elle subissait l'assautd'unmillierd'aiguilles.Elle sedemanda si c'était un effetsecondairedesonséjourdansl'eau.Sanuquel'élançaitcommesiuneguêpel'avaitpiquéeàcetendroit.Elleseredressaavecungémissement,lesjambesétenduesdevantelle,etjetaunregardàlaronde.Elle se trouvait sur la berge sablonneuse du lacLyn.Derrière elle se dressait une falaise en roche

noire,qu'elleserappelaitavoirvuelapremièrefoisavecLuke.Lesable,lui-mêmed'uneteintesombre,scintillaitàlalumièredestorchesdisposéesçàetlà,quiprojetaientdesligneslumineusessurlasurfacedulac.Aquelquesmètresdel'endroitoùelleavaitéchouésetrouvaitunauteldefortunefaitdepierresplates

empiléesenhâteetcimentéesavecdusablehumide, sur lequel trônaitunobjetqueClary reconnutdupremiercoupd'œil:laCoupeMortelle.Poséeentraversduprécieuxrécipient,l'ÉpéeMortellebrillaittelle une flammenoire dans la lumière.Tout autour de l'autel, on avait tracé des runes dans le sable.Clarylesexaminapendantquelquesinstantssansparveniràendéchiffrerlesens...Une ombre s'étira soudain sur le sable : la silhouette allongée d'un homme tremblotait à la lueur

vacillantedestorches.QuandClarylevalatête,ilsedressaitau-dessusd'elle.Valentin.Envoyant sonpère,ellen'éprouvaaucuneémotion.Sonvisagesedétachait sur l'obscurité telleune

lunepâle,austère,avecdeuxyeuxnoirsetperçantsenfoncéscommelescratèresd'unemétéorite.Sursaveste,dessanglesdecuir retenaientunebonnedizained'armesémergeantdesondos tels lespiquantsd'unporc-épic. Il lui semblait immense toutàcoup,semblableà lastatue terrifianted'undieuguerrieraffamédedestruction.

— Tuasprisunrisqueentetéléportantjusqu'ici,Clarissa,lança-t-il.Unechancequejet'aieaperçuedans l'eau. Sansmoi, tu te serais noyée. A ta place, je ne compterais pas trop sur les boucliers quel'Enclaveadisposéstoutautourdulac.Jelesaineutralisésdèsmonarrivée.Personnenesaitquetuesici.«Jenevouscroispas!»:Claryouvritlabouchepourluicrachercesmotsàlafigure;aucunsonn'en

sortit.Elleeutsoudainl'impressionderevivrel'undecescauchemarsoùelleessayaitenvaind'appeleràl'aide.Valentinsecoualatête.— Netefatiguepas.J'aiappliquésur tanuqueunerunedesilence,unedesMarquesqu'utilisent les

Frères Silencieux. Jeme suis servi d'une autre rune pour te lier les poignets et d'une troisième pourparalysertesjambes.Sij'étaistoi,jen'essaieraispasdemelever:tesjambesneteportentplus,ettuteferaismal.

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Claryluijetaunregardhaineux,maisilneparutpass'enapercevoir.— Cela aurait pu être pire, tu sais.Quand je t'ai traînée sur le rivage, le poison du lac avait déjà

commencésonœuvre.Jet'aiguérie,aufait.Surtout,nemeremerciepas.(Ilébauchaunsourire.)Toietmoi,nousn'avonsjamaiseudevraieconversation,n'est-cepas?Tudoistedemanderpourquoijenet'aijamaistémoignéd'intérêt.Aprèstout,jesuistonpère.Sijet'aiblessée,jem'enexcuse.Sur le visage de Clary, la haine laissa place à l'incrédulité. Comment pouvaient-ils avoir une

conversationsielleétaitprivéedel'usagedelaparole?Elletentadeformulersapensée,maisseulunfaiblesoupirs'échappadeseslèvres.Valentinsetournaversl'auteletposalamainsurl'ÉpéeMortelle.Unhalodelumièrenoireémanaitde

lalamecommesielleaspiraitlalumièreautourd'elle.—J'ignoraisquetamèreétaitenceintequandellem'aquitté,poursuivitValentin.Clarysongeaqu'ilneluiavait jamaisparléainsi.Ils’exprimaitd'untoncalmeetsemblaitd'humeur

loquace,maisilyavaitautrechosequidétonnaitchezlui.— J'avais remarqué qu'elle n'allait pas bien. Elle s'imaginait pouvoir me cacher qu'elle était

malheureuse.J'aiprisdusangàIthuriel,j'enaifaitdelapoudreetjel'aimélangéeàsanourrituredansl'espoirqu'illaguériraitdesamélancolie.Sij'avaissuqu'elleattendaitunenfant,jemeseraisabstenu.J'avaisdéjàrésoludeneplustenterd'expériencesurmaprogéniture.«Menteur!»voulaitcrierClary.Cependant,ledoutes'insinuaitenelle:etsi,pourunefois,ildisait

lavérité?Ilsemblaitdifférent.— Aprèssondépartd'Idris,jel'aicherchéesansrelâchependantdesannées.Etpasseulementparce

qu'elledétenait laCoupeMortelle.Jel'aimais.J'étaispersuadéqu'ilmesuffiraitdeluiparlerpourluifaireentendreraison.Cettenuit-là,àAlicante,j'avaisagidansunaccèsderage:jevoulaisladétruire,anéantirtoutcequenousavionsvécuensemble.Maisaprèscoup,j'ai...Ilsecoualatêteetsetournaverslelac.—Quandj'aienfinretrouvésatrace,j'aiouïdirequ'elleavaiteuunautreenfant,unefille.J'aid'abord

supposéquetuétaisdeLucian.Ill'atoujoursaimée,ilnepensaitqu'àmel'enlever.J'enaiconcluqu'elleavait dû finir par lui céder.Qu'elle avait consenti à procréer avecuneCréatureObscure. (Savoix sedurcit.)Quandjel'aidécouvertedansvotreappartementdeNewYork,elleétaitàdemiconsciente.Ellem'a reprochéd'avoir fait unmonstredenotrepremier enfant ; ellem'avaitquitté avantque j'inflige lemême sort au second. Puis elle s'est évanouie dans mes bras. Après toutes ces années passées à lachercher, je n'avais partagé avec elle que ces quelques secondes au cours desquelles elle m'avaitdévisagéavec,dansleregard,toutelahainedumonde.J'aicomprisquelquechoseàcemoment-là.IllevaMaellartachdanssamain.Clarysesouvintàquelpointelleétaitlourde,etvitlesmusclesdu

brasdeValentinsaillircommedescordessoussapeau.— J'aicompris, reprit-il,qu'ellem'avaitquittépour teprotéger.Jonathan,elle lehaïssait,mais toi...

Elle aurait fait n'importe quoi pour t'éloigner demoi, y compris vivre aumilieu des Terrestres alorsqu'elleavaitlemaldupays,j'ensuisconvaincu.Elleadûregretterdenepaspouvoirt'éleverdansnostraditions.Tuauraispuaccomplirdegrandeschoses.Tuesdouéepour lesrunes,mais tontalentaétégâchépartonéducationterrestre.Ilabaissal'Épée,dontlapointesetrouvaitmaintenantàquelquescentimètresduvisagedeClary.— J'aisualorsqueJocelynen'accepteraitjamaisdereveniràcausedetoi.Tueslaseulepersonneau

mondequ'elleaitaiméeplusquemoi.Partafauteellemehait.Et,pourcetteraison,leseulfaitdetevoirm'estinsupportable.Clarydétournalatête.S'ildevaitlatuer,ellenevoulaitpasvoirlamortvenir.—Clarissa,ditValentin.Regarde-moi.

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«Non.»Ellefixaobstinémentlelac.Au-delàdel'étendued'eau,elledistinguaunefaiblelueurrouge,telleslescendresd'unfeumourant.Lalueurdelabataille.SamèreetLukeétaientlà-bas.Elleseréjouitqu'ilssoientensemble,mêmesiellen'étaitpasauprèsd'eux.«Jenequitteraipasdesyeuxcettelumière.Quoiqu'ilarrivé,c'estladernièrechosequejeverrai.»— Clarissa,répétaValentin.Tuluiressemblestraitpourtrait,tulesais?Tuesleportraitcrachéde

Jocelyne.Elle sentit lemétal froidde l'Épée sur sa joue. Il en appuya lapointe sur sapeaupour la forcer à

tournerlatête.—Jevaisinvoquermaintenant,etjeveuxquetuvoiescela.Clarysentitungoûtamersursa langue.«Jesaispourquoi tuesobsédéparmamère.Tucroyais la

contrôlercorpsetâme,etellet'atournéledos.Tucroyaislaposséderetiln'enétaitrien.Tuaimeraistantqu'ellesoitàtescôtésencemomentmêmepourassisteràtavictoire.Alors,commeellen'estpaslà,tutecontentesdemoi.»Valentinenfonçaplusprofondémentlapointedel'Épéedanssajoue.—Regarde-moi,Clary.Malgréelle,Clarylevalatête;ladouleurétaittropvive,degrossesgouttesdesangperlaientsurson

visageavantd'éclabousserlesable.ValentinexaminalalamedeMaellartach,maculéedesang.Lorsqu'ilreportaleregardsursafille,une

lueurétrangebrillaitdanssesyeux.— IlfautdusangpourcompléterleRituel.J'avaisl'intentiondemeservirdumien,maisentevoyant

émerger du lac, j'ai compris que Raziel m'ordonnait à sa manière d'utiliser celui de ma fille. C'estpourquoi je l'ai purgéde sonpoison.Tu es purifiée à présent.Purifiée et prête.Merci pour ton sang,Clarissa.Et,d'unecertainemanière,ilétaitreconnaissant.Ilavaitdepuislongtempscessédefaireladistinction

entrevolontarismeetcoercition,amourettorture.Alalumièredececonstat,àquoibonlehaïrpuisqu'ilnes'apercevaitmêmepasqu'ilétaitunmonstre?

—Etmaintenant,ajouta-t-il,ilm'enfautunpeuplus.«Unpeuplusdequoi?»pensaClaryaumomentoùilbrandissaitMaellartach.«Biensûr.Cen'est

passeulementmonsangqu'ilveut,c'estmavie.»L'EpéeMortelles'étaitassezrassasiée;elleavaitsansdoutelemêmepenchantpourlesangquesonpropriétaire.Claryvitlalameserapprocherd'elle...Puisvolerdanslesairsetdisparaîtredansl'obscurité.Valentinécarquillalesyeux,contemplasamain

àprésentvide et couvertede sangpuis, levant la tête, il vit, aumêmemomentqueClary, Jacequi setenaitàdeuxpasdelui,uneépéeàlamain.Clarycompritàl'expressionsidéréedesonpèrequeluinonplusnel'avaitpasentenduapprocher.Ellesentitsoncœurseserrer.Dusangséchémaculaitlevisagedujeunegarçon,etunevilainemarque

rouge zébrait sa gorge. Ses yeux étincelaient comme des miroirs et, à la lumière des torches, ilssemblaientaussinoirsqueceuxdeSébastien.

—Tuvasbien,Clary?demanda-t-ilsansquitterValentindesyeux.«Jace!»LecrideClarys'étrangladanssagorge.—Ellenepeutpasterépondre.—Qu'est-cequevousluiavezfait?crachaJaceenmenaçantValentindesonarme.Il recula d'un pas. Son visage ne trahissait pas la peur ; Clary y lut de la dissimulation. Loin de

savourerceretournementdesituation,elleétaitencoremoinsrassuréequequelquesinstantsplustôt.Elles'étaitfaiteàl'idéequ'elleallaitmourirdelamaindeValentinetvoilàqueJacesurgissaitdenullepart.Aprésent,soninquiétudeportaitaussisur lui.Enoutre, ilsemblait...anéanti.Sachemiseenlambeaux

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laissaitvoirlesrestesd'uneIratzequin'étaitpasvenueàboutdel'horriblebalafresursapoitrine.Sesvêtementsétaient tachéscommes'il s'était roulépar terre.Maispar-dessus tout,c'était la fixitédesonvisagequieffrayaitClary.

—Jel'aimarquéeavecunerunedesilence.Ellessonttotalementinoffensives.ValentinfixaJaced'unairpresqueavide,commes'ilserepaissaitdesavue.—J'imaginequetun'espasvenuicipourêtrebéniparl'Angeàmescôtés,lança-t-il.L'expression de Jace ne changea pas. Ses yeux rivés sur son père adoptif ne trahissaient aucune

émotion, pas le moindre vestige d'affection ou de nostalgie. Clary n'y lut même pas de la haine. «Seulementdudédain,pensa-t-elle.Unméprisglacial.»

— Je connais vos projets, annonça-t-il. Je sais pourquoi vous voulez invoquer l'Ange et je ne vouslaisseraipasfaire.J'aidéjàenvoyéIsabelleavertirlesautres...

—Aquoibonlesmettreengarde?Ilsnepourrontpasfuir.Valentinbaissalesyeuxsurl'épéedeJace.—Posecette arme,que l'ondiscute. (Il s'interrompit.)Cette épéen'estpasà toi.Elle appartient aux

Morgenstern.—ElleétaitàJonathan,lançaJaceavecunsouriremielleux.Ilestmort.Valentinsefigea.—Tuveuxdire...—Jel'airamasséeaprèsl'avoirtué,repritJace,impassible.—TuastuéJonathan?répétaValentin,sidéré.Commenttuaspu...—C'étaitluioumoi.Jen'avaispaslechoix.—Cen'estpasmaquestion.Valentinsecoualatête.Ilsemblait toujourssonné,commeunboxeurjusteavantdes'effondrersurle

ring.—J'aiélevéJonathan...Jel'aiformémoi-même.Iln'yavaitpasmeilleurguerrier.—Apparemment,si.—Mais...La voix de Valentin se brisa. C'était la première fois que Clary percevait de la faiblesse dans la

facondelisse,imperturbabledecethomme.—Maisc'étaittonfrère.—Non.JacefitunpasversValentin,l'épéetoujourspointéesursoncœur.—Qu'est-ilarrivéàmonvéritablepère?D'aprèsIsabelle,ilestmortaucoursd'unraid.Est-cebienla

Vérité?Est-cequevousl'aveztuécommemamère?Valentin ne semblait pas s'être remis de sa stupéfaction.Clary sentait qu'il luttait pour reprendre le

contrôledelui-même.Refoulait-ilsonchagrinouavait-ilsimplementpeurdemourir?—Jen'aipastuétamère.Elles'estsuicidée.Jet'aisortidesonventre,sansquoituseraismortavec

elle.—Maispourquoiavoirfaitça?Vousn'aviezpasbesoind'unfils,vousenaviezdéjàun!Sous le clair de lune, Jace avait une expression étrange, implacable. Clary avait l'impression de

regarderunétranger.Samainquitenaitl'épéepointéesurValentinnetremblaitpas.—Dites-moi la vérité, poursuivit-il. Je ne veux plus entendre vos salades.Nous ne sommes pas du

mêmesang.Lesparentsmententàleursenfantsmaisvous...vousn'êtespasmonpère.Etjeveuxlavérité.—Cen'était pasun filsqu'ilme fallait, expliquaValentin.C'était un soldat. Jepensaisque Jonathan

seraitcesoldat,maissanaturedémoniaqueavaitprisledessus.Ilétaittropféroce,tropbrutal,pasassez

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subtil.Jecraignaismême,alorsqu'iln'étaitpassortidelapetiteenfance,qu'iln'aitpaslapatiencenilacompassionnécessairespourmesuccéderàlatêtedel'Enclave.J'aidoncrefaitunetentativeavectoi.Etavec toi, j'ai eu leproblème inverse.Tuétais tropdoux.Tropempathique.Tu ressentais la souffranced'autruicommesic'étaitlatienne.Tunesupportaismêmepaslapertedetesanimauxdecompagnie.Neteméprends pas, mon fils : je t'aimais pour cela.Mais du fait de ces qualités que je chérissais parailleurs,tudevenaisinutile.

—Alorsjesuistropgentil?Vousrisquezd'avoirunchocquandjevousauraitranchélagorge!— Noussommesdéjàpassésparlà.Tun'enespascapable.Tun'aspaspulefaireàRenwickettune

réussiraspasdavantageici.Valentins'exprimaitd'untonferme,maisClarycrutvoirdelasueurperlersursestempesetàlabase

desoncou.— Vousvoustrompez,objectacalmementJace.Depuisquejevousailaisséfiler,ilnes'estpaspassé

unjoursansquejeleregrette.MonfrèreMaxestmortparcequejen'aipaseulaforcedevoustuercejour-là.Desdizaines,voiredescentainesontpériparcequejemesuislaisséattendrir.JesaisquevousavezprévudemassacrerpresquetouslesChasseursd'Ombresd'Idris.J'ensuisàmedemandercombiendemortsilfaudraavantquejemedécide.Jen'aiaucuneenviedevoustuer,conclut-il.Maiscettefois,jeneflancheraipas.

—Jet'enprie,ditValentin.Jeneveuxpas...—Mourir?Personneneveutmourir,père.Unedernièreparole?LevisagedeJaceétaitserein.C'étaitlevisaged'unangeprêtàaccomplirlajusticedivine.—Jonathan...DusangtachaitlachemisedeValentinàl'endroitoùreposaitlapointedel'épée,etClaryrevitJaceà

Renwick,lesmainstremblantes,tandisquesonpèreleprovoquait.Cettefois,c'étaitdifférent.LamaindeJacenetremblaitplus.EtValentinavaitpeur.

—J'attends,sifflaJace.Quellessontvosdernièresparoles?Valentinlevalatêteetconsidéralegarçondevantluid'unairgrave.—Jesuisdésolé.Jesuisvraimentdésolé.Il tendit lamain comme pour toucher Jace, ouvrit les doigts et, soudain, il y eut un éclair argenté.

QuelquechosefrôlaClarycommeuneballedepistolet.Ellesentitundéplacementd'aircontresajoue,puisValentinrattrapal'objetauvol.C'étaitl'ÉpéeMortelle.Elledessinaunetraînéedelumièrenoiredansl'airaumomentoùValentinla

plantaitdanslecœurdeJace.Ilouvritdegrandsyeux.Uneexpressionincrédulepassasursonvisage,puisilcontemplaMaellartach,dontlemanchedépassaitgrotesquementdesapoitrine.C'étaitunevisionplusbizarrequ'effrayante, qui semblait toutdroit sortied'un cauchemar sansqueueni têtedans lequell'épéeauraitétéunaccessoiredethéâtre.PuisValentinôtalalamedelapoitrinedeJacecommeilauraitdégainéunedagued'unfourreau.Legarçontombaàgenoux.Sonarmeglissadesamainetatterritdanslesablehumide.Il laconsidérad'unairhébété,ouvrit la

bouchecommepourposerunequestion.Unfiletdesangs'écoulalelongdesonmanteausursachemiseenlambeaux.Lasuitesemblasedéroulerauralenti.ClaryvitValentins'agenouillerpourprendreJacedanssesbras.

Illeberçacontreluicommeunpetitenfantenappuyantlatêtecontresonépauleet,l'espaced'uninstant,Clarycrutqu'ilpleurait.Maisquandilrelevalatête,sesyeuxétaientsecs.—Monfils,murmura-t-il.Mongarçon.Letempss'étiraitinterminablement.ValentinserraitJacecontreluienécartantdesonfrontsescheveux

poissésdesang.Ilattenditquesesyeuxsevoilentpuisledéposadélicatementparterreetcroisasesbras

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sursapoitrine,commepourmasquerl'horribleblessurequin'enfinissaitpasdesaigner.«Ave...»lança-t-il,maissavoixsebrisaetlesmotsd'adieus'étranglèrentdanssagorge.D'unmouvementbrusque,ilsedétournaetrejoignitl'autel.Immobile,Clarypouvaitàpeinerespirer.Ellepercevaitlesbattementsdesoncœur,etleraclementde

son souffle dans sa gorge sèche.Du coin de l'œil, elle regardaValentin, debout au bord du lac, fairecoulerlesangquimaculaitlalamedeMaellartachdanslaCoupeMortelleenpsalmodiantdesmotsdansune langue inconnue.Bientôt, toutserait fini,etClarys'enréjouissaitpresque.Ellesedemandasielleauraitassezd'énergiepoursetraînerjusqu'àl'endroitoùJacereposaitetseserrercontreluienattendantlafin.Ellecontemplasonvisageimmobile,sesyeuxclos,soncorpsétendusurlesablesouillédesang.N'eûtétél'entaillesursapoitrine,elleauraitpuseconvaincrequ'ildormait.Jace était un Chasseur d'Ombres. Il était mort au combat. Il méritait de recevoir une dernière

bénédiction.Aveatquevale.Les lèvresdeClary formèrent lesmotsen silence.Adieu, JaceWayland.Ellesongeaavectristesseàcepatronymequin'étaitpasvraimentlesien.Valentinluiavaitdonnélenomd'unenfantmortparcequ'àl'époquecelaservaitsesobjectifs.Ilyavaittantdepouvoirdansunsimplenom...Elletournalesyeuxversl'autel.Toutautour,lesruness'étaientmisesàluire.Ellesn'étaientpastrès

différentes de celles qui retenaient Ithuriel prisonnier sous le manoir desWayland.Malgré elle, ellepensaauregardqueluiavaitlancéJaceàcemoment-là,àlaconfiancequibrillaitdanssesyeux.Ilavaittoujours cru en elle.Elle le sentait dans chacunde ses gestes, dans chacunde ses regards. Simon luifaisait confiance, lui aussi, etpourtant il la serrait toujoursdans sesbrascommeunobjet fragile,unefigurineenverre.Jace,lui,laserraitdetoutessesforcessansjamaisseposerdequestion.Illasavaitaussisolidequelui.À présent,Valentin trempait l'Epée ensanglantée dans l'eau du lac en récitant des incantations.Des

ridulesseformaientsurlesflots,commesiunemaingigantesquepromenaitsesdoigtssurlasurface.Clary ferma les yeux.En se remémorant le regard de Jace cette nuit-là, elle ne pouvait s'empêcher

d'imaginercequ'ilpenseraitmaintenantenlavoyantsetraînerjusqu'àluipourmouriràsescôtés.Ilneseraitpasémuparsongeste.Ilseraitfurieuxcontreelled'avoirabandonné.Ilserait...déçu.Elletombaàplatventreetrampasurlesableens'aidantdesesgenouxetdesesmainsliées.Lehalo

lumineuxquiencerclaitsespoignetsluibrûlaitlapeau.Quandelleeutenfinatteintlebordducerclederunes,ellehaletaitsifortqu'ellecraignitqueValentinnel'entende.Pourtant,ilneseretournamêmepas.TenantlaCoupeMortelledansunemainetl'Epéedansl'autre,il

prononçaquelquesmotsressemblantàdugrec,etjetalaCoupeauloin.Elleétincelacommeuneétoilefilantedansl'obscuritéavantd'êtreengloutieparleseauxdulac.Unelégèrechaleurémanaitducerclederunes.Clarydutsetortillerdanstouslessenspouratteindrela

stèle glissée dans sa ceinture. Quand ses doigts se refermèrent sur l'objet, elle poussa un soupir desoulagement. Tenant maladroitement la stèle dans ses deux mains, elle se hissa sur les coudes pourexaminer les runes.Elle sentait leur chaleur contre sonvisage.Valentin s'apprêtait à jeter l'Epéedansl'eau;ilrécitaitlesderniersmotsdusortilèged'incantation.Auprixd'unultimeeffort,Claryenfonçalapointedelastèledanslesableet,prenantgardeànepaseffacerlessymbolesqueValentinavaittracés,semitàdessinerpar-dessusceluiquireprésentaitlenomdesonpère.Ellesemblaitdérisoire,cetterune,de même que le changement qu'elle y apporta. À des années-lumière de la rune d'alliance ou de laMarquedeCaïn,aupouvoirphénoménal.Enfin,épuisée,elleroulasurledosaumomentoùValentínjetaitl'ÉpéeMortelledansleseauxdulac.

Soudain,unimmensegeysers'élevaàl'endroitoùelleétaittombée.Ilyeutunbruitassourdissant,pareilau craquement d'un glacier, le lac sembla s'ouvrir en deux, et l'Ange émergea de la brèche.Clary ne

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savaitpasvraimentàquois'attendre,sicen'estàunerépliqued'Ithuriel.Or,ilavaitétéravagépardesannéesdecaptivitéetdetorture.Enrevanche,cetange-làétaitaufaîtedesagloire.Elledétournalatête,éblouiecommesielleavaitessayéderegarderlesoleil.LesmainsdeValentínétaientretombéeslelongdesoncorps.Ilavaitlesyeuxlevésetsurlevisage

l'airextasiédel'hommequivoitsonplusgrandrêveseréaliser.«Raziel»,murmura-t-il.L'Angecontinuait à s'élever et le lac refluait sous lui, révélantunehaute colonnedemarbre en son

milieu.Aprèslatêteauréoléed'unemassedecheveuxd'oretd'argent,lesépaulesdel'Angeémergèrent,blanchescommelapierre,puissontorsenu.Clarys'aperçutalorsqu'àl'imagedesNephilimilavaitlapeau couverte de runes, sauf que les siennes brillaient d'un éclat doré et s'animaient sur sa peau pâlecomme lesétincellesd'un feu.Étrangement, l'Ange semblait à la fois immenseetpasplusgrandqu'unhommeordinaire.Aumomentouil terminaitsonascension,sesailessedéployèrentau-dessusdu lac ;ellesaussisemblaientfaitesd'or,etchacunedeleursplumesétaitornéed'unœilouvert.C'étaitunevisionà la foismagnifiqueet terrifiante.Malgréelle,Claryn'arrivaitpasàdétourner la

tête.Elleregarderaitdoncjusqu'aubout,pourJace,quiluinelepouvaitpas.«C'estexactementcommesurlesimages»,songea-t-elle.L'Angeémergeantdulacavecl'Épéedans

une main et la Coupe dans l'autre. Si les deux précieux objets ruisselaient d'eau, Raziel quant à luidemeuraitentièrementsec.Sespiedsblancsetnusformaientdesridulessurlasurfacedulac.IltournasonbeauvisageinhumainversValentin,etpritlaparole.Savoixévoquaittoutàlafoisunesériedecrisaigusetdesnotesdemusique.Ilneformulaitpasdesmots,etcependantilétaitparfaitementintelligible.LapuissancedesonsoufflefitpresquetomberValentinàlarenverse;ilenfonçalestalonsdesesbottesdanslesableet tournalatêtecommes'ilaffrontaitunventviolent.Clarysentitelleaussi lesouffledel'Angepassersurelle,chaudcommel'airs'échappantd'unefournaise,avecuneodeurd'épicesinconnues.Ladernièrefoisquel'onm'ainvoquéicimême,c'étaitilyamilleans.Cejour-là,JonathanShadowhunter

m'a imploré demêlermon sang à celui desmortels dans une coupe afin de créer une race de guerrierssusceptiblesdedébarrassercetteterredesesdémons.Aprèsavoiraccédéàsarequête,j'aidécrétéquejeneluiaccorderaisriendeplus.Queveux-tuàprésent,Nephilim?

— Mille ans se sont écoulés, ôGlorieux, réponditValentin avec empressement, et les démons sonttoujourslà.Quepuis-jeyfaire?Pourunange,milleansreprésententàpeineunbattementdecils.— LesNephilimquetuascréésétaientunegranderaced'hommes.Pendantdenombreusesannées,ils

ontcombattubravementpouréradiquer lesdémon.Mais ilsont finiparéchouer,car la faiblesseet lacorruptionavaientgagnéleursrangs.J'ail'intentiondeleurrestituerleuranciennegloire...Gloire?répétal'Ange,vaguementintrigué.Lagloiren'appartientqu'àDieu.Valentinneselaissapasimpressionner.— L'Enclave que les premiers Nephilim ont créée n'existe plus. Ils se sont alliés aux Créatures

Obscures, ces demi-démons qui infestent lemonde commede la vermine sur le cadavre d'un rat. J'ail'intentiondelepurgerendétruisanttouteslesCréaturesObscuresettouslesdémons...Les démons n'ont pas d'âme, contrairement aux créatures dont tu parles. Il me semble que tes lois

concernantl'appartenanceaugenrehumainsontplusstrictesquelesnôtres.Clarycrutpercevoirdel'agacementdanslavoixdel'Ange.Essaierais-tudedéfierlespuissancescélestescommecetteautreÉtoileduMatindont tuporteslenom,

Chasseurd'Ombres?—Non,seigneurRaziel.Aucontraire,jeveuxm'allieràelles...

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Pourmenertapropreguerre?C'estaucielquetut'adresses,Chasseurd'Ombres.Nousnenousmêlonspasdevosluttesterrestres.LorsqueValentinrepritlaparole,ilsemblaitpresquevexé.—SeigneurRaziel,tun'auraispaspermisl'existencedeceRituelsitun'acceptaispasd'êtreinvoqué.

NousautresNephilimsommestesenfants.Nousavonsbesoindetesconseils.Mesconseils?—Aprésent,l'Angeparaissaitouvertementamusé.Cen'estpaspourcelaquetum'asappelé,ilmesemble.C'esttaproprerenomméequit'intéresse.—Marenommée?répétaValentínd'unevoixrauque.J'ai toutsacrifiéàcettecause.Mafemme.Mes

enfants.Jen'aipasépargnémesfils.J'aidonnétoutcequejepossédais.Tout!L'Ange toisa Valentín de ses yeux étranges, inhumains. Ses ailes s'agitèrent lentement comme des

nuagestraversantleciel.Dieuaexigéd'Abrahamqu'ilsacrifiesonfilssurunautelàpeuprèsidentiqueàcelui-cidanslebutde

savoirquiilaimaitleplus.Personnenet'ademandédesacrifiertonfils,Valentín.Valentínbaissalesyeuxversl'auteléclaboussédusangdeJace.—S'illefaut,jet'yobligerai.Maisjepréféreraisquetum'exaucesmonsouhaitdetonpleingré.QuandJonathanShadowhunterm'aappelé,jeluiaioffertmonassistanceparcequesonrêved'unmonde

sansdémonsmesemblaitlégitime.Ils'imaginaitleparadissurterre.Maistun'esmotivéqueparlagloire,ettunevénèrespaslespuissancescélestes.MonfrèreIthurielpeutentémoigner.Valentín,blêmit.—Mais...Tucroyaispeut-êtrequejenelesavaispas?L'Angesourit.C'étaitlesourireleplusterriblequeClaryaitjamaisvu.C'estvrai,lemaîtreducerclequetuastracépeutmecontraindreàluiobéir.Maiscemaître,cen'estpastoi.Valentinouvritdegrandsyeux.—SeigneurRaziel,iln'yapersonned'autre..Si,répliqual'Ange.Tafille.Valentin fitvolte-face.Etenduesur le sable,àdemiconsciente,Clary ledéfiadu regard.Etpour la

premièrefoiselleeutl'impressionqu'illavoyaitvraiment.—Clarissa!Qu'est-cequetuasfait?Clary tendit lamainet traçadudoigt,nonpasdessymboles,maisdesmotsdans le sable.C'étaient

ceuxquesonpèreavaitprononcésenvoyantlarunequiavaitdétruitsonbateau.Menemenetekelupharsin.Ilécarquillalesyeux,commeJacejusteavantdemourir.Blanccommeunlinge,ilsetournalentement

versl'Angeet,d'ungesteimplorant,levalesmains.—SeigneurRaziel...L'Angeouvrit laboucheetcracha.Oudumoinsc'est l'impressionqu'eutClary.Unrayonde lumière

blanche,pareilàuneflècheenflammée, jaillitdeses lèvreset traversa lapoitrinedeValentin,commeunepierre transperçantune feuilledepapier, en laissantun trou fumantgroscomme lepoing.Pendantquelquessecondes,Claryputvoiràtraverslelacet,au-delà,lehaloaveuglantdel'Ange.Puis,Valentins'effondra,droitcommeunarbre,ets'immobilisasurlesol,laboucheouvertesuruncriinarticulé,uneexpressionincrédulefigéeàjamaisdansleregard.Lajusticedivineaétérendue.J'espèrequetuessatisfaite.

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Clarylevalesyeux.L'Angesedressaitau-dessusd'elletelleunecolonnedefeupâlemasquantleciel.Sesmainsétaientvides;laCoupeetl'Épéeétaientposéessurlaberge.Jepeuxaccéderàuneseuledetesexigences,ClarissaMorgenstern.Quelesttonsouhait?Claryouvritlabouchemaisaucunsonn'ensortit.Ahoui, fit l'Angeavecdouceur.Larune.Les innombrablesyeuxde ses ailes clignèrent.Un souffle

plus légerqu'unmurmureouque le frôlementd'uneplumepassa surClary. Il transportait avec luiuneodeuragréable,entêtanteetsucrée.Ladouleurdanssespoignetssecalmaetsesmainsretombèrentle longdesoncorps.Lepicotement

dans sanuquedisparut lui aussi, ainsique la lourdeurdans ses jambes.Elle se redressaàdemi.Ellen'avait qu'un souhait, ramper sur le sable jusqu'au cadavrede Jace et s'étendre à côtéde lui, les brasautour de son cou.Mais la voixde l'Ange la rappela à l'ordre ; immobile, elle leva les yeuxvers salumière.Labatailledanslaplainetoucheàsafin.Morgensternn'aplusd'empiresursesdémons.Laplupartontdéjà

fui;ceuxquirestentserontbientôtanéantis.Encemomentmême,desNephilimsontenrouteverslelac.Situasunerequête,Chasseused'Ombres,parlemaintenant.(L'Angemarquaunepause.)Etsouviens-toiquejenesuispaslegéniedelalampe.Choisisavecsagesse.Claryn'hésitaqu'unbrefmoment,mais il lui semblauneéternité.La tête lui tournait :elleauraitpu

demandern'importequoi,mettreuntermeàtouteslessouffrances,auxmaladiesouàlafaim,exigerlapaixsurterre.Maislàencore,peut-êtrequ'iln'étaitpasduressortdesangesd'exaucerpareilsvœux,ouils auraient déjà été accordés. Peut-être que les hommes étaient censés trouver les solutions par eux-mêmes,Çan'avaitaucuneimportance,detoutemanière.Iln'yavaitqu'unseulchoixquis'imposaitàelle.Ellelevalesyeuxversl'Angeetdit:—Jace.Razieldemeuraunlongmomentimpassible.Claryn'auraitsudiresisarequêteavaittrouvégrâceàses

yeuxet,surtout,pensa-t-elledansunaccèsdepanique,s'ilavaitl'intentiond'yaccéder.Fermelesyeux,ClarissaMorgenstern,dit-ilenfin.Clarys'exécuta.Onnedisaitjamaisnonàunange,quellesquesoientsesexigences.Lecœurbattant,

ellese laissadériverdansles ténèbresquis'étendaientderrièresespaupièresens'efforçantdenepaspenserà Jace.Pourtant, sonvisage s'imprimasur l'écranvidede ses rétines. Il l'observaitducoindel'œil,levisagegrave.Elledétaillalacicatricesursatempe,lepliaucoindesabouche,labalafresursagorge,àl'endroitoùSimonl'avaitmordu,bref,touteslespetitesimperfectionsquilecaractérisaient.Unelumière éblouissante teinta l'écran de rouge, et elle retomba dans le sable, sans savoir si elle allaittournerdel'œilourendresonderniersouffle.Or,ellenevoulaitpasmourir,non,pasmaintenantqu'ellevoyait Jacedevant elle.Elle pouvait presque l'entendre l'appeler dansunmurmure, répéter, encore etencore,commeàRenwick,sonseulprénom.Clary.Clary.Clary.

—Clary.Ouvrelesyeux.Clary obéit. Elle gisait sur le sable dans ses vêtements déchirés, trempés, couverts de sang. Rien

n'avait changé, en apparence. Sauf que l'Ange avait disparu, et avec lui la lumière éblouissante quiéclairaitlecielcommeenpleinjour.Levantlesyeuxverslesétoilespâlesscintillantcommedesmiroirsdans l'immensiténoire,ellevit,penchéau-dessusd'elle,Jacequi lacontemplait,etsonregardbrillaitplusintensémentquetoutlefirmament.Claryobserva avidement lesmoindresdétails de son apparence : ses cheveuxemmêlés, sonvisage

saleetbarbouillédesang,sesyeuxétincelantssouslacouchedecrasse,sesbleusvisiblesàtraversses

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manchesenlambeauxetledevantdesachemisedéchirée.Rien,paslamoindreégratignure.—Tuesvivant,murmura-t-elle.Ileffleurasonvisageetréponditàmi-voix:—J'erraisdanslenoir.J'étaisuneombreparmilesombres.Jesavaisquej'étaismort,quetoutétaitfini.

Etsoudain,jet'aientendueprononcermonnom.Tum'asramené.—Non,ditClary,lagorgenouée.C'estl'Ange.—Parcequetuleluiasdemandé.Duboutdesdoigts,ilsuivitlecontourdesonvisage,commepours'assurerqu'elleétaitbienréelle.—Tuauraispuavoirn'importequoi.Ellesourit.—Maisjenevoulaisriend'autrequetoi.Acesmots,leregarddeJaces'éclaira.Clarysongeaàl'Ange,àlalumière,éblouissantecommel'éclat

d'unmillierdetorches,quiémanaitdelui.An'enpasdouter,lemêmesangincandescentcoulaitdanslesveinesdeJace.

«Jet'aime,voulait-elledire.Ets'ilfallaitrecommencer,c'estencoreettoujourstoiquejeréclameraisàl'Ange.»Pourtant,cefurentd'autresmotsquifranchirentseslèvres.

—Tun'espasmonfrère,annonça-t-elleavecunpeutropd'empressement.Tulesais,non?Soussonmasquedecrasseetdesang,Jaceeutunpetitsourire.—Oui.Jesais.

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EPILOGUE

DesÉtoilesDansLeCiel

Jet'aimais;c'estpourquoi,tirantdemesmainscesmaréesd'hommes,j'aitracéen

étoilesmavolontédansleciel.T.E.Lawrence

Lafumées'élevaitenspiralesindolentes,zébrantleciellimpidedelignesdélicates.Assisseulsurla

collinequisurplombaitlecimetière,Jaceregardaitlemincerubannoirmonterdansl'azur.L'ironiedelasituationneluiavaitpaséchappé.C'étaientlesrestesdesonpère,aprèstout.Delàoùilsetrouvait,ilvoyaitlabièrevoiléeparunrideaudeflammesetdefumée,ainsiquelepetit

groupequis'étaitrassemblétoutautour.IlrepéralachevelureincandescentedeJocelyne,etLukequisetenaitprèsd'elle,unemainposéesursondos.Elleavaitdétournélatêtedubûcherfunéraire.Jaceauraitpusejoindreàeuxs'ill'avaitvoulu.Ilavaitpassélesdeuxderniersjoursàl'infirmerie,et

onl'avaitlaissésortirdanslamatinéepourqu'ilpuisseassisterauxfunéraillesdeValentin.Mais,àmi-chemindubûcher,ilavaitcomprisqu'iln'iraitpasplusloin.Alorsilavaitfaitdemi-tourets'étaitréfugiéausommetdelacolline,àl'écartducortègefunèbre.Lukel'avaitappelédeloin,maisJacenes'étaitpasretourné.Il les avait regardés s'assembler autourde labière tandisquePatrickPenhallow,dans sonhabit de

deuilblanc,enflammaitlebûcher.C'étaitlasecondefoiscettesemainequeJacevoyaituncadavrebrûler.L'incinérationdupetitcorpsdeMaxavaitétéunspectacledéchirant;Valentin, lui,en imposaitencore,mêmeétendu sur le dos, les bras croisés sur la poitrine, unpoignard séraphique fichédans sonpoingfermé.Unbandeaudesoieblancheluirecouvraitlesyeux,commel'exigeaitlacoutume.Ilss'étaientbienoccupésdelui,malgrétout.Sébastienn'avaitpaseude funérailles.UngroupedeChasseursd'Ombresavaitétédépêchédans la

vallée,sanspouvoirretrouversoncorps.Emportéparlesflots,avaient-ilsexpliquéàJace.Ilnourrissaitquelquesdoutesàcesujet.IlavaitvainementcherchéClarydanslafouleréunieautourdelabière.Celafaisaitmaintenantpresque

deux jours qu'il ne l'avait pas vue, et il ressentait le manque presque physiquement. Cette séparationn'étaitpaslefaitdeClary.Cesoir-là,elleavaitcraintqu'iln'aitpaslaforcederentreràAlicanteparlebiaisduPortail,etelleavait raison.A l'arrivéedespremiersChasseursd'Ombres, ilavaitdéjàglissédansunsemi-coma.Ils'étaitréveillélelendemaindansl'hôpitaldelaville.Assisàsonchevet,MagnusBanel'observaitd'unairétrange.Difficilededire,avecMagnus,sic'étaitdel'inquiétudeoudelasimplecuriosité.Lesorcierluiavaitexpliquéque,mêmesil'Angel'avaitsauvé,ilavaitététellementéprouvépsychologiquementqueseullereposl'aideraitàguérir.Entoutcas,ilsesentaitmieux,àprésent.Pileàtempspourlesfunérailles.

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Levents'étaitlevé,éloignantlafumée.Auloin,ildistinguaitlestoursscintillantesd'Alicante,dontlagloireavaitétérestaurée.Ilignoraitaujustecequ'ilespéraitenrestantassislààregarderlecorpsdesonpèrepartirencendres.Qu'aurait-ilditaumomentdeprononcerquelquesmotsd'adieu,s'ils'étaitjointaucortège ?«Tun'as jamais étémonpère»ou : «Tu es le seul pèreque j'aie jamais eu» ?Lesdeuxphrases,bienquecontradictoires,étaientaussivraiesl'unequel'autre.Quandilavaitouvertlesyeuxauborddulac,sachantconfusémentqu'ilétaitmortetque,soudain,on

luiavaitrendulavie,sapremièrepenséeavaitétépourClary,étendueprèsdeluisurlesablepoissédesang, les yeux clos. Paniqué, il avait rampé jusqu'à elle, pensant qu'elle était blessée, voiremorte, etquandelleavaitouvertlesyeuxàsontour,ilavaitéprouvéunimmensesoulagement.Pasuneseconde,iln'avait songéàValentin. Il avait falluque lesautresarriventenpoussantdesexclamationsdesurprisepourqu'ilremarquesoncorpsrecroquevilléauborddulac.Ilavaiteul'impressionderecevoiruncoupdepoingdansl'estomac.IlsavaitdéjàqueValentinétaitmort,ill'auraittuélui-mêmes'ill'avaitfallu,etcependant,lavuedesoncadavreluiavaitserrélecœur.Claryl'avaitobservétristement,etilavaitsentiàcetinstantque,malgrésahainejustifiéepourValentin,elleavaitdelapeinepourlui.Ilfermalesyeuxàdemietunflotd'imagesdéfiladerrièresespaupières:Valentinlesoulevantdans

ses bras, Valentin le tenant par les épaules à l'avant d'une barque voguant sur un lac et lui montrantcomment garder l'équilibre. D'autres souvenirs, moins heureux, resurgirent : Valentin le frappant auvisage,lefauconmort,l'angeenchaînédanslacavedesWayland.

—Jace.Illevalesyeux.LasilhouettedeLukesedétachaitsurleciellimpide.Ilportaitunjeanetsonéternelle

chemiseenflanelle;pasquestionpourluidesacrifieràlatenueblanchededeuil.—Lacérémonieestterminée,annonça-t-il.Çan'apastraîné.—J'imagine.Quelqu'unaditquelquechose?—Justelesformuleshabituelles.Lukes'assitparterreentressaillantdedouleur.Jaceneluiavaitpasdemandécomments'étaitdéroulée

labataille;celanel'intéressaitpasvraiment.Ilsavaitjustequ'elles'étaitfinieplustôtqueprévu:aprèslamort deValentin, les démons qu'il avait invoqués avaient disparu dans la nuit comme de la brumedisperséepar le soleil.Celane signifiaitpaspourautantqu'iln'yavaitpaseudepertes.LecorpsdeValentinn'avaitpasétéleseulàbrûlercesderniersjours.

—EtClary...Ellen'estpasvenue?—Non,ellen'enavaitpasenvie.JacesentitqueLukel'observaitàladérobée.—Tunel'aspasvue?s'enquit-il.—Non,pasdepuislelac.Ilsm'ontlaissésortirdel'hôpitalaujourd'huipourassisterauxfunérailles.—Tun'étaispasobligédevenir.—Peut-être,maisj'enavaisenvie,admitJace.Quoiqu'onendise.— Lesfunéraillessontpourlesvivants,Jace,paspourlesmorts.Valentinétaitplustonpèrequecelui

de Clary, malgré les liens du sang. C'est toi qui devais lui dire adieu, pas elle. C'est à toi qu'il vamanquer.

—J'ail'impressionquejen'aipasledroitd'avoirdelapeine.— Tun'aspasconnuStephenHerondale.EtquandRobertLightwoodestentrédans tavie, tun'étais

déjàplusvraimentunenfant.C'estValentinquit'aélevé.C'estnormalqu'iltemanque.—Jen'arrêtepasdepenseràHodge.Cettenuit-là,àlaGarde,jeluiaidemandépourquoiilnem'avait

jamais révélé qui j'étais - à ce moment-là, je croyais encore que j'étais en partie démon - et il m'aréponduqu'iln'étaitpasaucourant.J'étaispersuadéqu'ilmentait.Maismaintenant, jepensequ'ilétaitsincère.Ilétaitl'undesraresàsavoirquel'enfantdesHerondaleavaitsurvécu.Amonarrivéeàl'Institut,

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ilnesavaitpasquij'étais,desdeuxfilsdeValentin.Lefilsbiologiqueoulefilsadoptif.J'auraispuêtreautantl'unquel'autre,aprèstout.L'angeouledémon.Amonavis,ilnel'asuqu'envoyantJonathanàlaGarde.C'est alors qu'il a compris.Bref, pendant toutes ces années, il a essayéde faire de sonmieuxjusqu'àcequeValentinsemanifestedenouveau.Celarequéraitunecertaineconfiance,tunecroispas?

—Si,réponditLuke.— D'après Hodge, l'éducation faisait parfois la différence, au mépris du sang. Je n'ai pas pu

m'empêcher de penser que, si j'étais resté avec Valentin, s'il ne m'avait pas envoyé vivre avec lesLightwood,j'auraispeut-êtrefinicommeJonathan.

—Est-ceque c'est si important ?Si tu veuxmonavis,Valentin t'a confié auxLightwoodparcequ'ilsavaitquec'étaitlameilleuresolutionpourtoi.Peut-êtrequ'ilavaitd'autresraisons.Maistunepeuxpasnierqu'ilt'aconfiéàeuxensachantqu'ilstechériraient.C'estpeut-êtrel'undesraresbeauxgestesqu'ilaiteuspourquelqu'un.Ataplace,jem'ensouviendrais.Acesmots,Luke lui donnaune claque sur l'épaule.Songeste était si paternelque Jace réprimaun

sourire.

Postéedevantlafenêtredelachambred'Isabelle,Claryregardaitlerubandefumées'éleverdansle

cield'Alicante.Aujourd'hui,onincinéraitlecorpsdeValentin,sonpère,danslanécropoleàl'écartdelaville.

—Tuesaucourantpourlafêtedecesoir,n'est-cepas?Seretournant,ClaryvitIsabelles'avancerentenantdeuxrobesdevantelle,l'unebleueetl'autregris

acier.—Atonavis,laquellejedevraisporter?reprit-elle.PourIsabelle,lesvêtementsseraienttoujoursunethérapie.—Lableue.Isabelleposalesrobessurlelit.—Ettoi,qu'est-cequetucomptesmettre?Clary songeaà la robeen tulle argenté rangéeau fondde lamalled'Amatis.Ellen'accepterait sans

doutejamaisdelaluiprêter.—Jenesaispas.Probablementunjeanetmonmanteauvert.—C'estnul,répliquaIsabelle.Ellejetauncoupd'œilàAlinequilisait,assisedansunfauteuilprèsdulit.—Tunetrouvespasçanul,toi?—JecroisquetudevraislaisserClaryportercequ'elleveut,réponditcelle-cisansleverlesyeuxde

sonlivre.Etpuis,cen'estpascommesielledevaits'habillerpourquelqu'un.—EtJace?lançaIsabellecommesic'étaituneévidence.Alinelevalesyeux,l'airconfus,puissourit.—Ahoui.J'oubliesansarrêt.Çaadûtefairebizarre,non,d'apprendrequ'iln'étaitpastonfrère.—Non,réponditClaryd'untonferme.C'étaitl'inversequiétaitbizarre.Ellereportaleregardverslafenêtre.—Lehic,c'estquejenel'aipasrevudepuisquej'aiapprislanouvelle.—C'estcurieux,observaAline.—Pasdutout!s'exclamaIsabelleenjetantàAlineunregardlourddesous-entendus,cedontcelle-ci

neparutpass'apercevoir.Ilétaitàl'hôpital.Iln'estsortiqu'aujourd'hui.—Etiln'estpasvenutevoiraussitôt?demandaAlineàClary.

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—Ilnepouvaitpas.IldevaitassisterauxfunéraillesdeValentin.—Peut-être...lançaAlined'untonjovial.Àmoinsqu'ilnes'intéresseplusàtoimaintenantquecen'est

plusinterdit.Certainsgarçonsnes'intéressentqu'àcequ'ilsnepeuventpasavoir.—Jacen'estpasdeceux-là,répliquaIsabelle.Alineselevaetjetasonlivresurlelit—Jedevraisallerm'habiller.Àcesoir,lesfilles.Surcesmots,ellesortittranquillementdelapièceenfredonnant.Isabellelasuivitdesyeuxetsecoualatête.—Tucroisqu'elleestjalouse?Jaceluiplaisait,j'ail'impression.—Bah!fitClary,unrienamusée.Non,Alinenes'intéressepasàlui.Ellefaitjustepartiedecesgens

quidisenttoutcequileurpasseparlatête,àmonavis.Peut-êtrequ'ellearaison.Isabelleôta l'épinglequi retenait sescheveuxet rejoignitClarydevant la fenêtre.Aprésent, le ciel

étaitdégagéau-delàdestours;lafumées'étaitdissipée.—Ettoi,tupensesqu'ellearaison?—Jen'ensaisrien.IlfaudraquejeposelaquestionàJace.J'imaginequejeleverraicesoiràlafête.

Qu'est-cequ'ilyadeprévu?—Undéfiléetunfeud'artifice,probablement.Delamusique,desdanses,desjeux,cegenredetruc.Ce

seraunpeucommeunegrandefêtedequartieràNewYork.Isabelleregardaparlafenêtred'unairmélancolique.—Maxauraitadoré.Clarycaressasescheveuxd'ungestetendre.—J'ensuissûre.

Jacedut frapperplusieurs foisà laportede lavieillemaisonsituéeaubordducanal.Enentendant

enfindespasserapprocher,ilsentitsoncœurbondirdanssapoitrine.Maissonexcitationretombadèsl'instant où la porte s'ouvrit et qu'AmatisHerondale s'encadra sur le seuil, l'air surpris. Elle semblaitprête à partir pour la fête : elle portait une longue robe gris tourterelle et des boucles d'oreilles quifaisaientressortirlesmèchesargentéesdesachevelure.

—Clary,bredouilla-t-ilavantdes'interrompre.Oùétaitdoncpasséesonéloquence?Ilavaittoujourspossédéundonpourlesmotsmais,cesderniers

temps,ilavaitl'impressionqu'onluiavaitouvertlecrânepourleviderdetoutsoncontenu.—Claryestlà?sereprit-il.J'aimeraisluiparler.Amatissecoualatêteetledévisageaavecuneinsistancequilemitmalàl'aise.—Elleestsortie.Jecroisqu'elleestaveclesLightwood.Ilfutétonnéd'êtreaussidéçu.—Oh...Désolédevousavoirdérangée.— Cen'estrien.Jesuiscontentequetusoisvenu,enfait,dit-ellebrusquement.Jevoulaisteparlerde

quelquechose.Entre,jerevienstoutdesuite.Jaces'exécutaetelledisparutdanslecouloir.Ilsedemandacequ'ellepouvaitbienavoiràluidire.

Peut-êtrequeClarynevoulaitplusavoiraffaireàluietqu'elleavaitchargéAmatisdeluitransmettrelemessage.Ellerevintquelquesinstantsplustard.AusoulagementdeJace,elletenaitdanssesmainsnonpasune

lettremaisunepetiteboîteenferfinementouvragée,surlaquelleétaientgravésdesoiseaux.— Lukem'aracontéquetu...queStephenHerondaleest tonpère. Ilm'aexpliquétoutcequis'était

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passé.Ne sachant que répondre, Jace hocha la tête. La nouvelle se propageait lentement, et il s'en

accommodait trèsbien.Avecunpeudechance, il serait rentréàNewYorkavantque tout lemondeàIdrisnesemetteàledévisagerenpermanence.

—Tusaisquej'aiétémariéeàStephenavanttamère,poursuivitAmatis,lavoixtenduecommesielleparlaitàcontrecœur.Jacelaconsidérad'unairperplexe.Était-cedoncsamère,lesujetdecetteconversation?Amatislui

envoulait-ellederaviverlesouvenird'unefemmequiétaitmorteavantmêmequ'ilvoielejour?—Parmiceuxquisontencoreenvie,jecroisêtrecellequiconnaissaitlemieuxtonpère.—Oui,ditJace,quiregrettaitdéjàd'êtrevenu.J'ensuissûr.—Jesaisquetuéprouvesdessentimentsmêlésàsonégard.Tunel'asjamaisconnu.Cen'estpasl'hommequit'a

élevé.Vousn'avezpasgrand-choseencommun,hormislacouleurdecheveux...Tesyeux,j'ignoredequitulestiens.Bref, je suis peut-être folle de t'ennuyer avec ça.Tu ne veux probablement pas entendre parler de lui.Pourtant,c'étaittonpère,ets'ilt'avaitconnu...D'ungestebrusque,elleluitenditlaboîte.— Voici quelques-unes de ses affaires que j'ai gardées au fil des ans. Des lettres qu'il a écrites, des

photographies, un arbre généalogique. Sa pierre de rune. Peut-être que tu n'as pas de questions pour lemoment,maisunjour,quisait?Cejour-là,jettes-yuncoupd'œil.D'ungestesolennel,elleluimitlaboîtedanslesmainscommesielleluiconfiaituntrésorprécieux.

Jacel'acceptasansunmot;elleétaitlourde,etlecontactdumétalfroidsursapeau.—Merci,dit-il,àcourtdemots.(Puisilhésitaetreprit:)Ilyaunequestionquejemepose.—Oui?—SiStephenestmonpère,alorsl'Inquisitrice...Imogène...C'étaitmagrand-mère.—Oui...(Amatissetutuninstant.)Unefemmepeucommode.Mais,oui,c'étaittagrand-mère.—Ellem'asauvélavie.Enfin,audébut,ellemehaïssait.Etpuis,avantdemourir,elleavuça.IlécartalecoldesachemiseetmontraàAmatislacicatriceblancheenformed'étoilesursonépaule.—Avotreavis,qu'est-cequeçasignifiaitpourelle?Amatisécarquillalesyeux.—Valentinm'aracontéquejem'étaisblessé,maisquej'étaistropjeunepourm'ensouvenir,repritJace.Jecrois

qu'ilm'amenti.—Cen'estpasunecicatrice,c'estunetachedenaissance.Ilexisteunevieillelégendefamilialeàsonsujet.L'un

despremiersHerondaleàdevenirunChasseurd'Ombresauraitétévisitéparunangedansunrêve.L'angel'auraittouchéàl'épauleet,àsonréveil,ilavaitunemarquesemblableàlatienne.Toussesdescendantsenauraienthérité.(Amatishaussalesépaules.)J'ignoresicettehistoireestvraie,maistouslesHerondaleavaientcettemarque,ycompristonpère.Apparemment,celasignifiequetuauraisétéencontactavecunange.C'estunebénédiction,enquelquesorte.Envoyanttamarque,Imogèneadûdevinertavéritableidentité.Jace regardaAmatis sans la voir : il repensait à cette nuit-là sur le bateau.Lepont noir détrempé,

l'Inquisitriceagonisantàsespieds.—Avantdemourir,ellem'adit:«Tonpèreauraitétéfierdetoi.»J'aicruqu'ellesemoquaitdemoi.

Jepensaisqu'ellefaisaitallusionàValentin.Amatissecoualatête.—ElleparlaitdeStephen.Etelleavaitraison.Ilauraitétéfier.

Enpoussantlaporte,Clarys'étonnaquelamaisond'Amatisluisoitdevenueaussifamilièreensipeu

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detemps.Ellen'étaitplusobligéedeseconcentrerpourserappelerlechemin,etellesavaitdésormaisquelaporterésistaitunpeuavantdes'ouvrir.Lesoleilsereflétantsurlecanalfaisaitluiaussipartiedeson quotidien, ainsi que la vue de sa fenêtre. Elle pouvait presque s'imaginer vivre ici, tout en sedemandant cequiviendrait à luimanquer enpremier : lesplats chinois à emporter ?Les films?Lesbandesdessinées?Elle sedirigeaitvers l'escalierquand lavoixde samère luiparvintdu salon.Elle semblait agitée.

Qu'est-ce qui pouvait bien contrarier Jocelyne à ce point ? Tout était rentré dans l'ordre, non? Sansréfléchir,Clarysecollacontrelemurmitoyendusalonettenditl'oreille.

—Commentça,turestes?disaitJocelyne.TunerentresplusàNewYork?— Onm'ademandédem'installeràAlicantepour représenter les loups-garousauConseil,expliqua

Luke.Jemesuisengagéàleurdonnermaréponsecesoir.—Quelqu'unnepourraitpass'enchargeràtaplace?L'undeschefsdemeuted'Idris,parexemple?— Jesuisleseuld'entreeuxàavoirétéunChasseurd'Ombres.C'estmoiqu'ilsveulent.(Ilpoussaun

soupir.)Jesuisàl'originedeceprojet,Jocelyne.Jedoisrestericipourlemeneràterme.Ilyeutunbrefsilence.— Si ça te semble la meilleure solution, alors, bien sûr, tu devrais rester, déclara Jocelyne sans

conviction.— Je vais devoir vendre la librairie etmettre de l'ordre dansmes affaires, annonça Luke d'un ton

bourru.Jenevaispasdéménagertoutdesuite.—Jepeuxm'enoccuper.Aprèstoutcequetuasfait...Al'évidence,Jocelynen'avaitpluslaforcedefeindreledétachement.Ellesetut,etlesilencedurasi

longtempsqueClaryenvisageademanifestersaprésencepourmettrefinàsonsupplice.Uninstantplustard,elleseréjouitdes'êtreabstenue.

—Écoute,ditLuke.Çafaitlongtempsquej'aiquelquechosesurlecœur;jen'aijamaisosét'enparler.Çan'auraitrienchangéquejeteledise,àcausedecequejesuis.TunevoulaispasdeçadanslaviedeClary.Maismaintenantellesaittout,alorsçaneferapasunegrandedifférence.Bref,autanttel'avouer:jet'aime,Jocelyne.Jet'aimedepuisvingtans.Lecœurbattant,Claryattendit la réponsede samère.Mais Jocelynegarda le silence.Auprixd'un

effortmanifeste,Lukerepritlaparole:— Il fautque je retourneauConseilpour leurannoncermadécision.Ne t'inquiètepas,onn'estpas

obligésd'enreparler.Jemesensmieuxdem'êtreconfiéaprèstoutcetemps.ClaryseplaquacontrelemurtandisqueLukesortaitdusalon,latêtebaissée.Illafrôlasanslavoiret

ouvritlaported'entrée.Ilrestaunlongmomentsurleseuilàregarderdistraitementlesoleilsereflétersurleseauxducanal.Puisils'avançaau-dehorsetlaporteserefermaderrièrelui.Clary se tint immobile, dos au mur. Elle se sentait terriblement triste pour Luke et pour sa mère.

Apparemment,Jocelynen'étaitpasamoureusedelui,etsessentimentsnechangeraientprobablementpas.C'étaitunpeucommeentreelleetSimon,saufqu'ellenevoyaitpascommentLukeetsamèrepourraientredresserlasituation.Pass'ilavaitl'intentionderesteràIdris.Leslarmesluimontèrentauxyeux.Elles'apprêtaitàentrerdanslesalonquandelleentenditlaportedelacuisines'ouvrir.Uneautrevoix,lasseetunpeurésignée,s'élevadanslapièce.Amatis.

—Désolée,j'aitoutentendu,etjesuiscontentequ'ilreste.Cen'estpasseulementpourlegarderprèsdemoi.Ici,aumoins,ilarriverapeut-êtreàt'oublier.

—Amatis...protestaJocelyne,soudainsurladéfensive.—Çafaittroplongtemps,Jocelyne.Situnel'aimespas,laisse-lepartir.Jocelynesetut.Claryauraitvouluvoirl'expressiondesamère.Etait-elletriste?Furieuse?Résignée

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?Amatiseutunhoquetdesurprise.—Quoi...Tul'aimes?—Amatis,jenepeuxpas...—Tul'aimes!Tul'aimes!Jelesavais.Jel'aitoujourssu!—Çan'apasd'importance,murmuraJocelyned'untonlas.Ceneseraitpasjustevis-à-visdeLuke.—Jeneveuxrienentendre!Ilyeutunremue-ménage,etJocelynepoussaungrognementdeprotestation.ClarysoupçonnaAmatis

d'avoiragrippésamèreparlecol.—Situl'aimes,valeluidiremaintenant.Rattrape-lependantqu'ilenestencoretemps.—MaisilsontbesoindeluiauConseil!Etluiveut...— ToutcequeveutLucian,c'est toi, l'interrompitAmatisd'un tonferme. Iln'a jamaisvouluque toi.

Maintenant,ouste!AvantqueClaryaitpuesquisserunmouvement,Jocelyneseprécipitadanslecouloir...etvitsafille,

aplatiecontrelemur.Pantelante,elleladévisageabouchebée.—Clary!fit-elled'unevoixquisevoulaitenjouée,maiselleéchoualamentablement.J'ignoraisquetu

étaislà.Clary traversa lecouloiretouvrit laporteengrand.La lumièreéblouissantedusoleil s'engouffraà

l'intérieur.Éblouie,Jocelyneclignadesyeux.—Situnelerattrapespas,jetetue,ditClaryendétachantchaquesyllabe.Pendantunbrefmoment,Jocelynelaregarda,ébahie.Puisellesourit.—Bon,situinsistes.Quelquesinstantsplustard,ellesehâtaitlelongducanalendirectiondelaSalledesAccords.Clary

refermalaportederrièreelleets'yadossa.Émergeantdusalon,Amatisseprécipitavers la fenêtreetjetaunregardinquietau-dehors.

—Tucroisqu'elleparviendraàlerejoindreavantqu'ilarrivelà-bas?—Mamèreapassésavieàmecouriraprès,ironisaClary.C'estunebonnesprinteuse.Amatissourit.—Oh,tantquej'ypense.Jaceestpassé.Jecroisqu'ilespèretevoiràlafêtedecesoir.—Ahbon?fitClaryd'unairsongeur.«Autantdemander.Quinetenterienn'arien.»—Amatis?LasœurdeLukesedétournadelafenêtre.—Oui?—Larobeargentéedanslamalle?Jepeuxtel'emprunter?LesruescommençaientdéjààseremplirquandClarypritlechemindelamaisondesLightwood.Le

soir tombait, et les lumières s'allumaient progressivement, nimbant l'obscurité d'une pâle clarté. Desbouquetsdefleursblanchesdisposésdansdescorbeillesaccrochéesauxmurssaturaientl'airdesenteursépicées.Desrunesflamboyantes,symbolisantlavictoireetlafête,brillaientsurlesportesdesmaisons.Une foule de Chasseurs d'Ombres déambulait dans les rues. Ils avaient troqué leurs vêtements de

combatcontredebellestoilettes,certainesaugoûtdujour,d'autrestoutdroitsortiesd'unfilmhistorique.La nuit s'annonçait étonnamment chaude, aussi voyait-on peu de manteaux, et beaucoup de femmes

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portaientdelonguesrobesdebaldontlajupetraînaitparterre.UnesilhouettemincepassadevantClaryaumomentoùelletournaitaucoindelaruedesLightwood,etellereconnutRaphaël,maindanslamainavecunegrandefemmebruneenrobedecocktailrouge.Avecunrapidecoupd'œil,ilsouritàClary.Elleréprimaunfrisson.La porte de la maison des Lightwood était ouverte, et la plupart des membres de la famille se

trouvaientdéjàsurletrottoir.MaryseetRobertLightwoodbavardaientavecdeuxautresadultes;quandilsseretournèrent,ClaryreconnutavecsurpriselesPenhallow.Marysesouritenlavoyant;elleportaitun tailleur élégant en soie bleu sombre, et ses cheveux étaient retenus par un bandeau argenté. ElleressemblaittantàIsabellequeClaryfaillitposerlamainsursonépaule.Ellesemblaitterriblementtriste,mêmequandellesouriait,etClarysongea:«EllepenseàMaxet,commeIsabelle,elleseditqu'ilauraitadorécettesoirée.»—Clary!Tuessplendide!Isabelledévalalesmarchesduperronenfaisantvolersescheveuxnoirsautourd'elle.Elleneportait

aucunedestenuesqu'elleavaitmontréesàClaryplustôtdanslajournée,ayantfinalementoptépourunerobe improbable en satin or qui moulait son corps comme les pétales fermés d'une fleur. Elle étaitchaussée de sandales à talons aiguilles ; Clary se souvint de sa passion pour les chaussures et ritintérieurement.

—Merci.Toiaussi,répondit-elle.D'ungestenerveux,elletirasurletissudiaphanedesarobeargentée.C'étaitprobablementlevêtement

leplusfémininqu'illuiaitétédonnédeporter.Elleavaitlesépaulesnues,etchaquefoisqu'ellesentaitsescheveuxluichatouillerledos,elledevaitseretenirdenepascourirchercherungiletchezAmatis.Isabellesepenchapourluiglisseràl'oreille:—Jacen'estpaslà.—Alorsoùest-il?—D'aprèsAlec,ilestsurlaplaceoùsetiendralefeud'artifice.Jesuisdésolée...jenesaispascequ'il

a.Claryhaussalesépaulesets'efforçadecachersadéception.—Cen'estrien.AlineetAlecsortirentàleurtourdelamaison,Alinevêtued'uneroberougevifquifaisaitressortir

ses cheveux noirs, et Alec, comme à son habitude, d'un pull et d'un pantalon de couleur sombre.Cependant,Clarydutreconnaîtrequecettefois,aumoins,lepullenquestionn'étaitpastroué.Illuisouritet elle nota quequelque chose avait changédans son apparence. Il semblait plus léger, d'une certainemanière,commesionluiavaitôtéunpoidsdesépaules.

—Jene suis jamaisalléeàune fêteoù ilyavaitdesCréaturesObscures,déclaraAlineen jetantunregardnerveuxverslebasdelarue.Une fée aux longs cheveux tressés de fleurs était en train de cueillir des fleurs blanches dans une

corbeille.Aprèslesavoirexaminéesd'unairpensif,ellesemitàlesmangerl'uneaprèsl'autre.—Tuvasadorer!s'exclamaIsabelle.Cesgens-làsaventfairelafête.Ellefitunsignedelamainàsesparents,et ilsprirent ladirectiondelaplace.Claryseretenaitde

croiserlesbrassursapoitrine.Sarobevirevoltaitàchacundesespas.—Hé!criaIsabelleet,levantlesyeux,ClaryvitSimonetMaias'avancerverseuxdanslarue.Ellen'avaitpasvuSimondelajournée;ilétaitalléassisteràlapremièreréunionduConseil,curieux,

disait-il,desavoirquelvampireseraitchoisipourysiéger.ClarynepouvaitpasimaginerMaiaenrobeet,defait,elleportaitunpantalonbaggytaillebasseetuntee-shirtnoiravecl'inscription:«Choisistonarme»,surmontéed'undéà jouer.«C'estun tee-shirtdegamer !» songeaClary.Elle sedemandasi

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Maiaétait, elle aussi,passionnéede jeuxvidéoou si elle avaitoptépourcette tenuedans le seulbutd'impressionnerSimon.Sic'étaitlecas,elleavaitvujuste.

—Vousallezsurlaplacedel'Ange?MaiaetSimonacquiescèrentet lepetitgroupeseremitenroute.Aprèsunmoment,Simonréglason

passurceluideClary,et tousdeuxmarchèrentcôteàcôteensilence.Commec'étaitbonderetrouverSimon ! Il était la première personne qu'elle avait eu envie de voir après son retour àAlicante. Ellel'avait serré fortcontreelle,heureusede levoirsainet sauf,puiselleavait touché laMarquesursonfront.

—Alors,ellet'asauvélavie?—Oui,avait-ilrépondusansautreexplication.—J'aimeraispouvoirl'effacer.J'aimeraissavoircequivat'arriveràcaused'elle.Ilavaitgentimentrepoussésonbras.—Attendons.Onverrabien.Même en l'examinant de près, elle avait dû admettre que la Marque ne semblait pas l'affecter

visiblement.Ilétaitrestélemême,àladifférenceprèsque,désormais,ildevaitsecoifferdifféremmentpourlacacher.Sionignoraitsonexistence,ilétaitimpossibledeladeviner.

—Comments'estpasséelaréunion?Quiont-ilschoisi?demandaClaryendétaillantSimondelatêteauxpieds.Ilnes'étaitpashabillépourlacirconstance,maisellenepouvaitpasluienvouloir:lejeanetletee-

shirtqu'ilportaitétaientlesseulsvêtementsqu'ilpossédaitàIdris.— PasRaphaël,répondit-ild'unairsatisfait.Unautrevampire.Ilaunnomprétentieux.Nightshadeou

quelquechosecommeça.— Tu sais, ilsm'ont proposé de dessiner le symbole du nouveauConseil, annonçaClary. C'est un

honneur,non?J'aiaccepté.J'aidéjàmapetiteidée;laruneduConseilentouréedessymbolesdesquatrefamillesdeCréaturesObscures:unelunepourlesloups-garous,untrèfleàquatrefeuillespourlesfées,unlivredesortilègespourlessorciers...Maisjen'aipasd'idéepourlesvampires.

—Uncroc?suggéra-t-il.Oudusangquidégouline.Ildécouvritsesdents.—Merci.Tum'aidesbeaucoup.—Jesuiscontentqu'ilst'aientchoisie,déclaraSimon,redevenusérieux.Tuméritescethonneur.Avrai

dire,tuméritesmêmeunemédaillepourtoutcequetuasfait.Claryhaussalesépaules.—Jenesaispas.Labataillen'apasduréplusdedixminutes,aprèstout.J'ignoredansquellemesure

j'aiétéutile.—J'aiparticipéàcettebataille,Clary.Elleapeut-êtredurédixminutes,maisc'étaientlespiresdema

vie. Jen'aimêmepasenviede t'enparler. Jedirai seulementque,mêmeendixminutes, ilyauraiteubeaucoupplusdemortssanstonintervention.Etpuisiln'yapasquelabataille.Situn'avaispasinventécette rune, il n'y aurait pas de nouveau Conseil. Les Chasseurs d'Ombres et les Créatures Obscurespasseraientleurtempsàsedétesterplutôtqu'àfairelafêteensemble.Clarysentitsagorgesenouerd'émotionetregardadroitdevantellepournepasfondreenlarmes.—Merci,Simon.Ellehésita.—Qu'est-cequinevapas?s'enquit-il.—Jemedemandecequ'onferaànotreretour.JesaisqueMagnuss'estoccupédetamèrepournepas

qu'elles'inquiètedetonabsence,mais...l'école.Onamanquépleindecours.Et...

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—Tun'yretournespas,lacoupaSimond'untontranquille.Tucroisquejenel'aipasdeviné?TuesuneChasseused'Ombres,désormais.Tufinirastonéducationàl'Institut.

—Ettoi?Tuesunvampire.Tuvasretourneraulycéecommesiderienn'était?—Biensûr, répondit-il,à lasurprisedeClary.Jeveuxunevienormale,dans lamesuredupossible.

Continuerlelycée,puism'inscrireàl'université,toutça.Claryserrasamaindanslasienne.—Alorstuyarriveras.(Ellesourit.)Évidemment,toutlemondevahallucinerentevoyant.—Pourquoi?—Parcequetuesbeaucoupplussexyqu'avant.(Ellehaussalesépaules.)C'estlavérité.Cedoitêtreun

trucdevampire.Simonparutperplexe.—Jesuisplussexymaintenant?—Carrément!Regarde-moicesdeux-là.Ellessontsouslecharme.Ellemontra,àquelquespasdevanteux,IsabelleetMaia,quimarchaientcôteàcôte.Ellessemblaient

engrandeconversation.Simonobservalesdeuxfilles.Claryauraitpujurerl'avoirvurougir.—Ahbon?fit-il.Parfois,elleschuchotentenmeregardant.Jemedemandedequoiellesparlent.—C'est ça, lançaClary en riant.Pauvre chéri, tu asdeux jolies fillesqui sebattent pourgagner tes

faveurs.C'estdur,lavie.—Bon.Dis-moilaquellechoisir,alors.—Pasquestion.C'esttonproblème.Clarybaissalavoix.—Écoute,tupeuxsortiravecquituveux,jetesoutiendraideAàZ.Lesoutien,çameconnaît.Soutien,

c'estmondeuxièmeprénom.— Ah,c'estpourçaquetun'asjamaisvoulumel'avouer!Jesavaisbienquec'étaitunnomàcoucher

dehors.Claryignorasaboutade.—Maisfais-moiunepromesse,d'accord?Jesaiscommentsontlesfilles.Ellesn'aimentpaslesamies

deleurpetitcopain.Promets-moiquetunem'exclurasjamaisdetavieetqu'onpourrasevoirdetempsentemps.Simonsecoualatête.—Jamaisjenesacrifierainotreamitiépourunefille.Cen'estpasnégociable.Tuveuxunboutdecette

merveille,chérie?ajouta-t-ilensedésignantd'ungrandgeste.Ehbien,mameilleurecopinefaitpartiedu lot. Je ne t'exclurai jamais demavie,Clary, pas plus que je n'iraime couper lamain droite pourl'offriràquelqu'unencadeaudeSaint-Valentin.

Laplacedel'Angeétaitpresqueméconnaissable.LaGrandeSallescintillaitàl'autrebout,enpartie

dissimulée par un rideau d'arbres immenses qui avaient poussé au beau milieu de l'esplanade.Manifestement,lamagieyétaitpourquelquechose,mêmes'ilsepouvaitbienqu'ilssoientvrais,songeaClary,sesouvenantqueMagnusavaitlepouvoirdesubtilisertoutessortesdechosesauxquatrecoinsdeManhattan.Ces arbres s'élevaient presque à hauteur des tours ; leurs troncs argentés étaient noués derubansetdes loupiotescoloréesornaient lefeuillagede leursbranches.Leparfumdesfleursblanchesembaumait laplace, semêlantà l'odeurde la fumée.Autourdes tablesetdesbancsdisposésçàet làs'étaientrassemblésdesgroupesdeChasseursd'OmbresetdeCréaturesObscuresquibuvaient,riaientetbavardaient.Malgrélesriresetl'atmosphèredefête,unecertainetristesseflottaitdansl'air.Lechagrin

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semêlaitàlajoie.Delalumièresedéversaitsurlestrottoirsparlesportesouvertesdesboutiquesbordantlaplace.Les

fêtardsallaientetvenaientenportantdesassietteschargéesdenourritureetdesverresremplisdevinoudeliquidecoloré.Simonregardapasserunkelpiequitenaitàlamainunecoupepleined'unliquidebleu,etlevaunsourcil.

— Cen'estpascommeàlafêtedeMagnus,lerassuraIsabelle.Normalement,ici,tupeuxboiresansrisque.

—Normalement?répétaAline,l'airinquiet.Alecscrutalaforêtminiature,dontleslumièrescoloréessereflétaientdanssesirisbleus.Magnusse

tenaitdansl'ombred'unarbre;ildiscutaitavecunejeunefilleenrobeblanche,lescheveuxchâtainclair.ElleseretournaaumomentoùMagnusregardaitdansleurdirection,etsesyeuxseposèrentsurClary.Ilyavaitquelquechosedefamilierchezl'inconnue,bienqu'elleignorâtquoi.Magnusvintàleurrencontre,etsamystérieuseinterlocutricedisparutdanslapénombre.Ilportait,tel

un gentleman de l'époque victorienne, une longue redingote noire sur un gilet en soie violette. UnmouchoirrebrodédesinitialesM.B.dépassaitdesapoche.

—Joli,tongilet,lançaAlecensouriant.—Tuvoudraislemême?s'enquitMagnus.Danslacouleurdetonchoix,évidemment—Jenem'intéressepasbeaucoupàlamode.— Etc'estceque j'aimechez toi,mais j'aimeraisaussique tuaiesaumoinsuncostumedecréateur.

Qu'est-cequetuendis?Dolce?Armani?Alec protesta en bafouillant tandis qu'Isabelle éclatait de rire, etMagnus en profita pour glisser à

l'oreilledeClary:—LesmarchesdelaSalledesAccords.Vas-y.Elleauraitvoululuidemandercequ'ilentendaitparlà,maisils'étaitdéjàtournédenouveauversAlec

etlerestedugroupe.Enoutre,Clarypensaitavoirdeviné.ElleserralebrasdeSimonens'éloignant,etilluisouritavantdereprendresaconversationavecMaia.Pourtraverserlaplace,elledutcouperparlaforêtartificiellequis'étendaitjusqu'aupieddesmarches,

raisonpourlaquelleiln'yavaitpersonneàcetendroit.Personneoupresque.Jetantuncoupd'œilverslaporte,Claryaperçutunesilhouettefamilièreassisedansl'ombred'unecolonne.Soncœursemitàbattreplusvite.Jace.Ellegravitlesmarchesenrelevantlespansdesarobedepeurdeseprendrelespiedsdansletissu.En

s'avançantversJace,qui,adosséàlacolonne,gardaitlesyeuxfixéssurunpointau-delàdelaplace,elleregrettapresquedenepasavoiroptépour sesvêtementshabituels. Ilportait sa tenuedeTerrestre,unjean,unechemiseblancheetunevestenoire.Etpourlapremièrefoisdepuisleurrencontre,iln'étaitpasarmé.Brusquement, elle se sentit ridiculedans sa robedu soir.Elle s'arrêtaàquelquespasde lui,nesachanttropcommentluiadresserlaparole.Commes'il sentait saprésence, Jace leva lesyeux. Il tenait, enéquilibre sur sesgenoux,unepetite

boîteenmétalargenté.Ilsemblaitfatigué;ilavaitlesyeuxcernésetlescheveuxendésordre.Ilparutétonnédelavoir.

—Clary?—Quiveux-tuquecesoit?Sarepartienelefitpassourire.—J'aifaillinepastereconnaître.—C'estlarobe.

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Malàl'aise,elletrituraletissu.—D'habitude,jesuisbeaucoupmoinsapprêtée.— Tu es toujours belle, protesta-t-il, et elle se souvint de la première fois où il avait employé cet

adjectifpourladécrire,danslaserredel'Institut.Saremarquen'avaitriend'uncompliment,ill'avaitformuléecommeunfaitacquis,aumêmetitreque

lacouleurdesescheveuxousongoûtpourledessin.—Maislà,tuasl'air...distant.Commesijenepouvaispastetoucher,reprit-il.Claryvints'asseoiràcôtédeluisurladernièremarchedel'escalier.Lapierreétaitfroideàtraversle

tissufindesarobe.ElletenditlamainversJace;elletremblaitlégèrement.—Tupeuxmetouchersituveux.Ilpritsamainetlapressaunmomentcontresajoueavantdelarepousserdoucement.Claryfrissonna

etlesmotsd'Alineluirevinrentenmémoire:«Peut-êtrequ'ilnes'intéresseplusàtoimaintenantquecen'estplusinterdit.»Ill'avaittrouvéedistantemais,àenjugerparl'expressiondesonregard,ilsemblaitàdesannées-lumièred'elle.

—Qu'est-cequ'ilyalà-dedans?s'enquit-elle.Ilserraittoujourslepetitcoffretenargentdansunemain.—JesuisvenutevoirchezAmatisaujourd'hui.Tun'étaispaslà,alorsonadiscuté.Ellem'aremiscette

boîte.Elleappartenaitàmonpère.Claryledévisageasanscomprendrependantquelquesinstants.«CetteboîteappartenaitàValentin?»

songea-t-elle,puislalumièresefitdanssonesprit.—Biensûr!AmatisaétémariéeàStephenHerondale.—J'aiépluchésoncontenu,luleslettres,lejournalintime.Jepensaisqueçam'aideraitàmesentirplus

prochedelui.Jem'étaispersuadéqu'audétourd'unepagej'auraisuneilluminationetquejepourraismedire:«Oui,c'estbienmonpère.»Maisjeneressensrien.Cenesontquedesmots.N'importequiauraitpuécrireça.

—Jace...chuchotaClary.—Etcen'estpastout.Jen'aimêmeplusdenom.JenesuispasJonathanChristopher...c'étaitquelqu’un

d'autre.Etpourtant,jem'ysuishabitué.—QuiatrouvélesurnomdeJace?C'esttoi?Jacesecoualatête.—Non.Valentinm'atoujoursappeléJonathan.Etc'estlenomqu'onm'adonnéàmonarrivéeàl'Institut.

Jen'étaispascensésavoirquejemeprénommaisJonathanChristopher...Jel'aiapprisparaccident,enfeuilletantlejournaldemonpère.Saufquecen'étaitpasàmoiqu'ilfaisaitallusion.Cen'étaientpasmesprogrèsqu'ilrépertoriait.C'étaientceuxdeSéb...deJonathan.Quandj'airévélémondeuxièmeprénomàMaryse,elleacruquesamémoireluijouaitdestoursetqueJonathanChristopherétaitbienlenomdufilsdeMichaelWayland.Dixanss'étaientécoulés,aprèstout.C'estàcetteépoquequ'elleacommencéàm'appelerJace;àcroirequ'elleavaitbesoindemetrouverunnomquiailleavecmanouvellevie.Jel'aitoutdesuiteadopté.Jen'aijamaisaimé«Jonathan»,detoutefaçon.(Ilretournalaboîtedanssesmains.)Maintenant,jemedemandesiellen'avaitpasdevinélavérité.Elleaurapréférésevoilerlaface.Ellem'aimait...etellerefusaitdelecroire.

— C'estpourçaqu'elleapiquéunecolèrenoireenapprenantquetuétaislefilsdeValentin.Elles'estditqu'elleauraitdûs'endouter,voireque,d'unecertainemanière,ellelesavaitdéjà.Maisquandonaimequelqu'un,onn'apasenviedecroirecegenredechoses.Ettusaisquoi,Jace?Enfindecompte,ellenes'étaitpastrompéesurtonidentité.Tuasunprénom.Ceprénom,c'estJace.Cen'estpasValentinquitel'adonné,c'estMaryse.Laseulechosequicompte,c'estqu'ilteviennedequelqu'unquit'aime.

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—Jacequoi?JaceHerondale?—Oh,jet'enprie.TuesJaceLightwood.Tulesaisbien.Illevalesyeuxverselleetluiparutsoudainmoinslointain.— Tu es peut-être différent de ce que tu croyais, reprit-elle en espérant qu'il comprenait ce qu'elle

entendait par là.Mais on ne peut pas changer radicalement en une nuit. Ce n'est pas parce que tu asdécouvertqueStephenHerondaleétaittonpèrebiologiquequetudoisl'aimerautomatiquement.Riennet'yoblige.Valentinn'étaitpastonpère,maisçan'arienàvoiraveclesliensdusang.Iln'étaitpastonpèreparcequ'ilnes'estjamaiscomportécommetel.Iln'apasprissoindetoi.CesontlesLightwoodquis'ensontchargés.Ilssonttafamille,aumêmetitrequemamanetLukepourmoi.Pardon,poursuivit-elleenluieffleurantl'épaule.Jesuislààtefairelaleçonalorsquetuétaispeut-êtrevenuicipourtrouverunpeudetranquillité.

—Tuasraison,admit-il.Claryeneutlesoufflecoupé.—Trèsbien,jetelaisse.Ellese levad'unbond.Danssaprécipitation,elleoubliaderelever lespansdesarobeetfaillitse

prendrelespiedsdansl'ourlet.—Clary!Posantlaboîteparterre,Jaceselevaàsontour.—Clary,attends!Cen'estpascequejevoulaisdire.Jen'aipasenvied'êtreseul.Tuasraisonausujet

deValentinetdesLightwood...Clarysetournaverslui.Ilsetenaitàmoitiédanslapénombre,etleslumièresvivesetcoloréesdela

fête projetaient desmotifs étranges sur sa peau.Elle pensa à leur première rencontre. Il lui avait faitpenser à un lion.Beau et dangereux à la fois.Àprésent, elle ne le voyait plus dumêmeœil. Il avaitabandonnésacuirasseetportaitfièrementsesblessuresenétendard.Ilnes'étaitmêmepasservidesastèle pour guérir les bleus sur son visage. Et pourtant, il lui semblait plus beau que jamais, car il semontraitdanstoutesonhumanité.

— Tusais,murmura-t-elle,Alineprétendque jene t'intéressepeut-êtreplus,maintenantquecen'estplusinterditetqu'onpeutêtreensemblesitulesouhaites.(Ellefrissonnadanssarobelégèreetcroisalesbrassursapoitrine.)C'estvrai,tun'esplusintéressé?

—Intéressé?Commesituétaisunlivreouunepiècedethéâtre?Ils'interrompitpourtrouverlesmotsexacts,commequelqu'unquitâtonnedanslenoiràlarecherche

d'uninterrupteur.—Tusais,jen'aijamaisvraimentcruquetuétaismasœur.Çameminait,maisjerefusaisd'ycroire.Je

n'aijamaiseudesentimentsfraternelspourtoi.Enrevanche,j'aitoujourseul'impressionquetufaisaispartiedemoi.(Devantl'airperplexedeClary,ilgrognad'impatience.)Jem'exprimemal!Jedétestaisl'idéequetusoismasœur.Jedétestaismesentircoupable.Mais...

—Maisquoi?LecœurdeClarybattaitsifortqu'elleenavaitletournis.— Je voyais la joiemauvaise qu'en retiraitValentin. Il s'en est servi contre nous. Et pour ça, plus

encore que pour le reste, je l'ai détesté. Enmême temps, j'avais besoin d'une raison de le haïr. Parmoments,jenesavaisplussi jedevaisounonlesuivre.J'aidûfaireunchoixdifficile...plusdifficilequejeneveuxl'admettre.

— Un jour, tum'asdit qu'on avait toujours le choix, lui rappelaClary.Au final, tu as choisi l'autrecamp,etc'esttoutcequicompte.

—Jesais.Jedisseulementque,sij'aibienchoisi,c'estenpartiegrâceàtoi.Jenepeuxpasmepasser

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detoi,Clary.Etjeneleveuxpas.Ilfitunpasdanssadirection,lesyeuxrivéssurelle.— J'ai toujours pensé que l'amour rendait bête et faible. Aimer, c'est détruire, tu te souviens ? Je

croyaisque,pourêtreunbonguerrier,ilfallaitsemoquerdetout.J'aiprisdesrisquesinsensés.Jecroisquej'aidonnédescomplexesàAlecsursestalentsdecombattant,toutçaparcequeluitenaitàlavie.Etpuis je t'ai rencontrée. Tu étais une Terrestre. Tu ne savais pas te battre. Tu n'avais jamais reçud'entraînement. J'aivuàquelpoint tuaimais tamèreetSimon ; tuseraisallée jusqu'enenferpour lessauver.Tu t'es précipitée dans cet hôtel infesté de vampires. Je connais desChasseurs d'Ombres qui,mêmeavecdixansd'expérience,nes'yseraientpasrisqués.L'amourneterendaitpasfaible,iltedonnaitdelaforce.Alors,j'aicomprisquelefaible,c'étaitmoi.

—Non,protestaClaryavecvéhémence,tun'espasfaible.—Plusmaintenant,peut-être.Jacefitunautrepasverselle;àprésent,ilétaitassezprèspourlatoucher.— SiValentinn'arrivaitpasàcroirequej'avaistuéJonathan,c'estparcequej'étais lefaibleetqu'il

étaitmieuxentraîné.Entoutelogique,c'estluiquiauraitdûmetuer.Ilabienfailli,d'ailleurs.Maisj'aipenséàtoi.Jet'aivuedemesyeuxcommesitutetenaisdevantmoi,etj'aicomprisquejevoulaisvivre,plusquejamais,neserait-cequepourrevoirtonvisageunedernièrefois.Claryl'écoutait,incapabledebouger.SonvisageétaitsiprèsdeceluideJacequ'elledistinguaitson

refletdanssespupilles.—Etmaintenantjeteregarde,poursuivit-il,ettumedemandessijeveuxencoredetoi?Commesije

pouvaiscesserdet'aimer!Jen'aijamaisosédistribuerdesmarquesd'affectionautourdemoi...Jel'aiunpeufaitaveclesLightwood,Alec,Isabelle,maisilm'afalludesannées.Etpourtant,dèsquejet'aivue,Clary,jet'aiappartenucorpsetâme.C'esttoujourslecas,situveuxdemoi.Pendant une fraction de seconde,Clary se figea. Puis, soudain, elle saisit Jace par le devant de sa

chemiseet l'attiracontreelle. Il l'enlaçaen lasoulevantpresquede terreet l'embrassa.Ensentantseslèvressur lessiennes,elleeut l'impressionderecevoirunedéchargeélectrique.Elleagrippasesbraspourseserrercontrelui,griséeparlesbattementsfrénétiquesdesoncœur.AucuncœurnebattraitjamaisaussifortqueceluideJace.Quandildesserrasonétreinte,elledutreprendresonsouffle;elleenavaitpresqueoubliéderespirer.

Ilpritsonvisagedanssesmains,et frôlases jouesduboutdesdoigts.Sesyeuxbrillaientdenouveaucommecettenuit-làauborddulac,maiscettefoisellecrutydécelerunelueurdemalice.

—Voilà,lança-t-il.Cen'étaitpassimalmêmesicen'estplusinterdit,non?—J'aiconnupire,répliqua-t-elleenriant.—Tusais,murmura-t-ileneffleurantseslèvresdessiennes,sic'estlemanqued'interditquit'inquiète,

tupeuxmefixerdeslimites.Merefuserdestrucs.—Commequoi,parexemple?Ilsouritetl'embrassaàpleinebouche.—Commeça.

Aprèsunmoment,ilsdescendirentlesmarchesetregagnèrentlaplace,oùunefoulecompactes'était

rassemblée en vue du feu d'artifice. Isabelle et les autres s'étaient réunis autour d'une table un peu àl'écart.Commeilss'approchaientdugroupe,ClarysepréparaàlâcherlamaindeJace,puisseravisa.Ilspouvaientsedonnerlamains'ilsenavaientenvie.Iln'yavaitriendemalàcela.Cettepenséeluidonnadesailes.

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—Vousvoilà!Isabellesautillaverseux,l'airravi,enbrandissantunverrepleind'unliquidefuchsia,qu'elletendità

Clary.— Est-ce que je vaisme transformer en rongeur ? demanda celle-ci en examinant le verre d'un air

suspicieux.—Mercipourlaconfiance!Jecroisquec'estdujusdefraise.Entoutcas,c'estdélicieux.Jace?fit-

elleenluimettantleverresouslenez.—Jesuisunhomme,lâcha-t-il,etleshommesneboiventpasdeboissonsroses.Vadoncmechercher

unebièrebrune,femme.—Brune?Isabellefîtlagrimace.— C'est une couleur virile, non ? reprit Jace en tirant sur unemèche de cheveux d'Isabelle. Tiens,

regarde:Alecenporte.Alecjetauncoupd'œilmorneàsonsweat-shirt.—Ilétaitnoirmaisiladéteintaulavage.— Tu pourrais rehausser ta tenue avec un bandeau, suggéraMagnus en sortant de sa poche un bout

d'étoffebleueàpaillettes.C'estjusteuneidée.—Résisteàlatentation,Alec.Amoinsquetuaiesenviederessembleràunereinedudisco.SimonétaitassissurunmuretàcôtédeMaia,quisemblaitengrandeconversationavecAline.—Ilyapire,commecomparaison,observaMagnus.Aprèss'êtrelevéd'unbond,Simons'avançaversClaryetJace.Lesmainsenfouiesdanslespochesde

sonjean,illesexaminad'unairpensif.—Tuparaisheureuse,dit-ilàClary.(Puis,setournantversJace,ilajouta:)Ilvalaitmieuxpourtoi.Jacelevaunsourcil.—Etc'estlàquetumedis:«Situluifaisdumal,jetetue»?— Non,rétorquaSimon.Claryesttoutàfaitcapabledet'étripertouteseule.Elleauraitprobablement

recoursàtoutunarsenal.CettepenséeamenaunsouriresurleslèvresdeJace.—Ecoute,repritSimon,jevoulaisjustetedirequecen'estpasgravesitunem'aimespas.Tantquetu

rendsClaryheureuse,çameva.IltenditlamainetJacelaserra,l'airmédusé.—C'estjustementparcequejet'aimebienquejevaistedonnerunconseil,dit-il.—Unconseil?répétaSimond'untonméfiant.—J'ai vu que tu travaillais ton image de vampire avec un certain succès, déclara Jace enmontrant

IsabelleetMaiad'unsignedetête.Félicitations.Lecoupduvampiresensible,çamarcheauprèsd'untasde filles.Mais à ta place, je laisserais tomber l'histoire dumusicien. Les vampires rock stars, c'estsurfait,etpuisjepariequetunesaispasalignertroisaccords.Simonpoussaunsoupir.—Jepréféraisquandtunepouvaispasmevoir.—Çasuffit,touslesdeux,intervintClary.Vousn'allezpasvouscomportercommeçajusqu'àlafindes

temps.—Techniquement,moijepeux,ironisaSimon.Jaceréprimaungloussement.—Jet'aieu!s'exclamaSimonensouriantdetoutessesdents.—Ehbien,onvientdevivreungrandmomentd'émotion,commentaClary.

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Elle chercha Isabelle des yeux. Elle aussi serait sans doute ravie d'apprendre que Jace et Simonfinissaientpars'entendre,àleurmanière.C'estalorsqu'elleaperçutauloinunesilhouettefamilière.Deboutàl'oréedelaforêtartificielle,àl'endroitoùl'ombrelaissaitplaceàlalumière,setenaitune

femmeminceenrobevertfeuillage,dontleslongscheveuxrougesétaientretenusparuncercled'or.La reine de la Cour des Lumières. Elle avait les yeux fixés sur Clary et, lorsque leurs regards se

croisèrent,elleluifitsignedelarejoindre.SanssavoirsielleobéissaitàsonpropredésirouaucharmeétrangeduPetitPeuple,Clarymarmonna

uneexcuseetsedirigeaverslaforêtenfendantlafoulebruyantedesfêtards.Enyregardantdeplusprès,elles'aperçutqu'uncertainnombredeféesetd'elfespostésàunedistancerespectableformaientuncercleautourdeleursouveraine.Mêmesiellevoulaitdonnerl'impressiond'êtreseule,lareinenesedéplaçaitpassanssescourtisans.Ellelevalamaind'ungesteimpérieux.—N'approchepasdavantage.Clary,quisetrouvaitàquelquespasd'elle,s'arrêta.—VotreMajesté,dit-elle,sesouvenantdesmanièresformellesdeJaceàlaCour.Quemevautl'honneur?—J'aiunefaveuràtedemander,réponditlareinesanspréambule.Et,biensûr,jet'enprometsuneenretour.—Unefaveur?s'étonnaClary.Mais...vousn'avezaucunesympathiepourmoi.Lareineeffleurapensivementseslèvresd'unlongdoigtblanc.— Contrairementauxhumains,lePetitPeuplenes'embarrasseguèredecegenredechose.Nousaimons,peut-

être,etnoushaïssons.Voilàdesémotionsutiles.Quantàlasympathie...Ellehaussalesépaulesd'ungestegracieux.—LeConseiln'apasencorechoisiceluioucellequinousreprésenteraàsatable,reprit-elle.JesaisqueLucian

Graymarkestcommeunpèrepour toi. Ilécoutera tonavis. J'aimeraisque tu lui recommandesmonchevalierMeliornpourcettetâche.Clarysesouvintque,danslaSalledesAccords,Meliornavaitdéclaréqu'ilnesebattraitpassanslesEnfantsde

laNuit.—JenecroispasqueLukeaitbeaucoupdesympathiepourlui.—Encore!—Quandjevousairencontrée,àlaCourdesLumières,vousvousêtesadresséeàJaceetàmoicommeàun

frèreetàunesœur.Pourtant,voussaviezquenousn'étionspasliésparlesang,n'est-cepas?Lareinesourit.—Lemêmesangcouledansvosveines.Celuidel'Ange.Tousceuxquipartagentcesangsontfrèresetsœurs.Claryfrémit.—Vousauriezpunousdirelavérité,malgrétout.—Jet'aidonnélamienne.Ondittoujourssavérité,non?T'es-tujamaisdemandéquelsmensongesapuglisserta

mèredanscequ'ellet'aracontépourservirsonbut?Penses-turéellementconnaîtretouslessecretsdetonpassé?Claryhésita.Soudain,lesparolesdeMmeDorothealuirevinrentenmémoire.«Tutomberasamoureux

de la mauvaise personne », avait dit la sorcière à Jace. Clary en avait conclu que Dorothea faisaitallusionauxdifficultésquecréeraientlessentimentsdeJacepourelle.Cependant,ilexistaitencoredeszonesd'ombredanssamémoire,mêmemaintenant,desdétailsetdesévénementsquine luiétaientpasrevenus.Dessecretsquineluiseraientjamaisdévoilés.Elles'étaitfaiteàcetteidée,maispeut-être...Non. Elle serra les poings. Le venin que distillait la reine était insidieuxmais puissant. Existait-il

quelqu’unencebasmondequipûtprétendretoutsavoirsursoncompte?Etnevalait-ilpasmieuxquecertainssecretsrestentenfouis?Ellesecoualatête.

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—Peut-êtrequevousn'avezpasmenticejour-là,maisvousn'avezpasététrèscharitable.Etj'aiassezfaitlesfraisdelaméchancetéd'autrui.

—TunevaspasrefuserunefaveurdelareinedelaCourdesLumières!s'indignalasouverain.Raressontlesmortelsquionteudroitàuntelhonneur.

—Jen'aipasbesoindevosfaveurs,lâchaClary.J'aidéjàtoutcequejesouhaite.Àcesmots,elletournaledosàlareineets'éloigna.

À son retour, Robert et Maryse Lightwood avaient rejoint leur groupe. A sa stupéfaction, ils

échangèrent unepoignéedemain avecMagnusBane, qui avait rangé sonbandeau à paillettes. Il étaitdevenuunmodèledebienséance.Maryse avait passé sonbras autourdes épaulesd'Alec.Le restedeleursamiss'étaientassisenrangsurlemuret;Claryallaitlesrejoindrequandellesentitquelqu'unluitapersurl'épaule.

—Clary!Se retournant, elle vit sa mère et Luke, main dans la main. Jocelyne n'avait pas fait d'effort

vestimentaire:elleportaitunjeanetunechemiseamplequi,pourunefois,n'étaitpastachéedepeinture.Cependant,àenjugerparlafaçondontLukelaregardait,ellen'étaitriendemoinsqueparfaite.

—Enfin,onteretrouve!s'exclama-t-elle.ClaryadressaungrandsourireàLuke.—Alors,tunerestespasàIdris,finalement?—Non,répondit-il.Lespizzassontimmangeablesici.Clary ne l'avait jamais vu aussi heureux. Jocelyne éclata de rire et rejoignitAmatis, qui s'extasiait

devantunebulleenverreflottanterempliedefuméeauxcouleurschangeantes.Clarylançauncoupd'œilàLuke.—Tuavais réellement l'intentiondequitterNewYorkou c'était juste pour qu'elle se décide enfin à

réagir?—Clary,jesuischoquépartesinsinuations.Ilsouritpuis,retrouvantbrusquementsonsérieux,ajouta:—Dis-moi, ça ne te pose pas problème ? Je sais que c'est un gros changement dans ta viemais...

j'envisageaisdevousproposer,àtamèreetàtoi,devousinstallerchezmoi,puisquevotreappartementestinhabitabledansl'immédiat...Claryricana.—Ungroschangement?Mavieadéjàétéchamboulée,Luke.Plusieursfois.Ducoindel'œil,LukeregardaJacequi lesobservaitdesonperchoir.Il leurfitunsignedetête,un

sourireamusésurleslèvres.—Jevoiscequetuveuxdire,déclaraLuke.—Lechangement,ç'adubon.Luke leva lamain ; la rune d'alliance s'était estompée,mais sa peau en portait la cicatrice, qui ne

disparaîtraitjamaiscomplètement.IlexaminalaMarqued'unairsongeur.—Oui,c'estvrai.—Clary!criaIsabelle.Lefeud'artifice!Clarytapotagentimentl'épauledeLukeetallarejoindresesamis.Ilsétaientassislesunsàcôtédes

autressurlemuret:Jace,Isabelle,Simon,MaiaetAline.Elles'arrêtaàcôtédeJace.—Jenevoispasdefeud'artifice,protesta-t-elleavecunemouefaussementindignée.—Minute,papillon,répliquaMaia.Toutvientàpointàquisaitattendre.

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D'ungesteabsent,commes'ils'agissaitd'unsimpleréflexe,JaceattiraClarycontrelui.Elles'appuyacontresonépauleetlevalesyeuxverslecield'encrefaiblementéclairéparlalumièrelaiteusedestours.

—Oùétais-tupassée?demanda-t-ilàvoixbasse.—La reine de la Cour des Lumières m'a réclamé une faveur, répondit Clary. Et elle voulait m'en

accorderuneenretour.EllesentitJaceseraidir.—Détends-toi.J'airefusé.—Jen'enconnaispasbeaucoupquioseraientdéclineruneoffredelareinedesfées.—Jeluiaiditquej'avaisdéjàtoutcequejesouhaitais.JacerittoutbasetsamainremontalelongdubrasdeClary.Sesdoigtsjouèrentdistraitementavecla

chaîneautourdesoncou,etellebaissalesyeuxversl'anneauquiétincelaitsurletissudesarobe.ElleportaitlabaguedesMorgensterndepuisqueJacel'avaitlaisséesursatabledechevet,etparfoisellesedemandaitpourquoi.Voulait-elleréellementgarderunsouvenirdeValentin?Etd'unautrecôté,était-ilbond'oublier?Elle ne pouvait pas effacer les souvenirs sous prétexte qu'ils faisaient mal. Elle n'avait pas envie

d'oublierMax,Madeleine,Hodge,l'InquisitriceoumêmeSébastien.Touslessouvenirsétaientprécieux,mêmelesmauvais.Valentins'étaittoujoursefforcéd'oublier.Oublierquelemondedevaitchanger,etlesChasseursd'Ombresaveclui.OublierquelesCréaturesObscurespossédaientuneâme,etquechacuneavait sa place sur cette terre. Il n'avait pensé qu'à ce qui différenciait les Chasseurs d'Ombres desCréaturesObscuressanss'intéresseràcequilesrassemblait,etc'estcequiavaitcausésaperte.—Clary,murmuraJace,l'arrachantàsamélancolie.Regarde.Ilresserrasonétreinte,etellelevalatête;lafouleacclamaitlapremièrefuséequis'élevaitdansl'air.Ellelaregardaexploserenunepluied'étincellesquiretombèrentenpeignantdesnuéesd'oretdefeu,

commedesangesvenusduciel.

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REMERCIEMENTS

Lagenèsed'unlivreestuntravaild'équipe,etsansl'aidedemesamis,monprojetauraitcoulécomme

leTitanic.Alalumièredececonstat,merciàlaNBTeametauMassachusettsAil-Stars:àElka,Emilyet Clio pour avoir manigancé un soutien intensif, et à Holly Black qui a relu patiemment les mêmesscènes pendant des heures. A Libba Bray qui a fourni les bagels et le canapé pour écrire, à RobinWassermanpourm'avoirdétournéedemontravailavecdesextraitsdeGossipGirl,àMaureenJohnsonqui me surveillait d'un œil sévère pendant que j'essayais d'avancer, à Justine Larbalestier et à ScottWesterfield quim'ont viréedu canapé enm'ordonnant d'aller écrire ailleurs.Merci également à Ioanad'avoircorrigémonroumain(inexistant).Merci,commetoujours,àmonagent,BarryGoldblatt;àmonéditrice,KarenWojtyla ;auxéquipesdeSimon&SchusteretdeWalkerBooksquisontderrière toutecetteaventure,etàSarahPaynepouravoirprocédéàdesmodificationsbienaprèsl'échéance.Et,enfin,merciàmafamille,évidemment:mamère,monpère,JimetKate,leclanEsonetJosh,quipersisteàcroirequelepersonnagedeSimonestinspirédelui.Ilapeut-êtreraison.