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Amamère:«Je neretiensquelesheuresensoleillées.»
Longetdurestlecheminquidel'Enferconduitàlalumière.
JohnMlLTON,LeParodiéperdu
PREMIÈREPARTIE
UnePluieD’Étincelles
L'hommenaîtpoursouffrirCommel'étincellepourvoler.
Job5,7
1.LePortail
LEFROIDCINGLANTdelasemaineprécédenteavaitlaisséplaceàunsoleiléclatant.ClarytraversaenhâtelacourpoussiéreusedeLukeenrelevantlacapuchedesonblousonpournepasavoirlescheveuxdans la figure.Si le temps s'était réchauffé, le vent qui soufflait de l'EastRiverpouvait êtrebrutal. Iltransportait une odeur chimique à peine perceptible, qui se confondait avec la puanteur de Brooklyn,mélanged'asphalte,devapeursd'essenceetdesucrebrûléémanantdelaconfiserieabandonnée,situéeenbasdelarue.Simonl'attendaitsousleporche,vautrédansunfauteuildéfoncé.SaconsoleDSposéesurlesgenoux,
ildéplaçaitsonstyletsurl'écranàtouteallure.—Encoregagné, lança-t-il commeelle le rejoignaitenhautdesmarches. Je suisen trainde faireun
cartonàMarioKart.Claryrepoussasacapuche,secouasescheveuxetcherchasesclésdanssapoche.—Oùétais-tupassé?J'aiessayédetejoindretoutelamatinée.Simonselevaetrangeasaconsoledanssasacoche.—J'étaischezEric.Onarépétéaveclegroupe.Clarycessades'acharnersurlaserrurepourluijeterunregardinterloqué.—Tuveuxdirequetufaistoujourspartie...—Dugroupe?Pourquoipas?Iltenditlebras.—Laisse-moifaire.Clary se tint tranquille pendant que Simon tournait la clé d'un geste expert dans la vieille serrure
rouillée.Samainfrôlalasienne;ilavaitlapeaufroide,delamêmetempératurequel'airextérieur.Ellefrissonna.Ilsavaientmisuntermeàleurébauchederelationamoureuselasemaineprécédente,etellesesentaitencoretroubléechaquefoisqu'ellelevoyait.
—Merci.Ellerepritsaclésansleregarder.Ilfaisaitchauddanslesalon.Clarysuspenditsavesteàlapatèredanslecouloiretsedirigeaversla
chambred'amis,Simonsurlestalons.Ellefronçalessourcils.Savaliseétaitgrandeouvertesurlelit;sesvêtementsetsescarnets,disséminésdanstoutelapièce.
— Je croyais que tu partais à Idris pour deux jours, observaSimon en embrassant le désordre d'unregardconsterné.
— Jenesaispasquoiemporter.J'aitrèspeuderobesetdejupes.Imaginequejen'aiepasledroitdeporterdespantalonslà-bas!
—Quelleidée!Tuparsàl'étranger,cen'estpasunvoyagedansletemps!—MaislesChasseursd'Ombressonttellementvieuxjeu,etIsabelleneportequedesrobes...Clarys'interrompitensoupirant.— Laisse tomber. Je projette toutesmes angoisses au sujet demamère surma garde-robe. Parlons
d'autrechose.Comments'estpasséelarépétition?Vousn'aveztoujourspasdenompourlegroupe?—C'étaitsympa.Onchercheunnouveauslogan,untrucunpeuironique.Simonsehissasurlebureauetlaissapendresesjambesdanslevide.—TuasexpliquéàÉricetauxautres...—Quejesuisunvampire?Non.Cen'estpaslegenredesujetqu'onpeutaborderfacilement.
—Peut-être,maiscesonttesamis.Tudevraislesmettreaucourant.Avecunpeudechance,ilsverrontentoilenouveaudieudurock,commelevampireLester.
—Lestât,corrigeaSimon.C'estunpersonnagedefiction,Clary.Etpuis,jenetevoispasteprécipiterpourannonceràtespropresamisquetuesuneChasseused'Ombres.
—Quelsamis?Monami,c'esttoi.ClarysevautrasurlelitetlevalesyeuxversSimon.—Etmoi,jetel'aidit,non?—Tun'avaispaslechoix.Latêtepenchée,Simonétudiasonvisage;lalumièredelalampedechevetsereflétaitdanssesiris.—Tuvasmemanquer,dit-il.—Toiaussi,réponditClary,bienqu'elleattendîtcedépartavecuneimpatiencefébrile.Elleenéprouvaitdespicotementsdanstoutlecorps.«JevaisàIdris!Chantaitunepetitevoixdanssa
tête.JevaisvisiterlevieuxpaysdesChasseursd'OmbresetlaCitédeVerre.Jesauveraimamère...EtjeseraiavecJace.»LesyeuxdeSimonétincelèrentcommes'illisaitdanssespensées.— Redis-moipourquoitudoisterendreàIdris?demanda-t-il.MadeleineetLukenepeuventpass'en
chargeràtaplace?— Mamère s'est procuré le sortilège qui l'a mise dans cet état auprès d'un sorcier, Ragnor Fell.
D'aprèsMadeleine, lui seulpeutnousexpliquercomment ledéfaire.Or, ilne l'a jamais rencontrée. Ilconnaissaitmamère,etMadeleinepensequ'ilmeferaconfianceparcequeje luiressemblebeaucoup.Lukenepeutpasveniravecmoi.Apparemment,ilnepeutpasentrerdansAlicantesanslapermissiondel'Enclave,quin'estpasprèsdelaluiaccorder.Et,parpitié,neluienparlepas:ilestvraimentfurieuxdenepaspouvoirm'accompagner.S'ilneconnaissaitpasMadeleine,ilnem'auraitjamaislaisséepartir.
—MaisJaceetlesLightwoodserontlà-bas,euxaussi.Ilst'aideront.Jacetel'apromis,non?Çaneledérangepasquetufassespartieduvoyage?
—Biensûrqu'ilmedonnerauncoupdemain.Etçaneluiposeaucunproblème,évidemment.MaisClarysavaitquecen'étaitpaslavérité.
Elle s'était rendue directement à l'Institut après s'être entretenue avecMadeleine à l'hôpital. AvantLuke,Jaceavaitétélepremieràquielleavaitrévélélesecretdesamère.Ilavaitblêmi.
—Tun'iraspas là-bas, avait-ildécrété.Quitte à ceque je t'attache jusqu'àcequecette lubie te soitpassée,maistunemettraspasunpiedàIdris.Claryavaiteul'impressionderecevoirunegifle.Ellecroyaitqu'ilseraitcontent.Elleavaitcourutout
aulongdutrajetdel'hôpitaljusqu'àl'Institutpourluiannoncerlagrandenouvelle,etvoilàqu'illatoisaitd'unregardsévère,immobilesurleseuil.
—Maisvous,vousyallez.— Oui, il le faut bien. L'Enclave a rappelé à Idris tous ses membres à l'occasion d'un énorme
rassemblementduConseil.IlsvontvoterlesmesuresàprendrecontreValentin,etcommenoussommeslesderniersàl'avoirvu...Clarybalayad'ungestesonexplication.—Sivousyallez,alorspourquoijenepeuxpasvousaccompagner?Devantlasimplicitédesaquestion,lacolèredeJaceredoubla.—Parcequetuneseraspasensécuritélà-bas.—Etici,alors?J'aimanquémefairetuerunedouzainedefoislemoisdernieret,toutcetemps,jesuis
restéeàNewYork.
—Valentinconcentrait tousseseffortssur lesdeuxInstrumentsMortelsquise trouvaient ici,ditJaceentresesdents.Maismaintenant,ilvareportersonattentionsurIdris,toutlemondelesait...
—C'estloind'êtreunecertitude,intervintMaryseLightwoodenémergeantdelapénombreducouloir.La lumière implacableduhalléclairases traits fatigués.L'étatdesonépoux,RobertLightwood,qui
avaitétéatteintpardupoisondémoniaqueaucoursdelabatailledelasemaineprécédente,requéraitdessoinsconstants;Claryn'osaitpasimaginercequ'elleendurait.
—Enoutre,l'EnclaveveutfairelaconnaissancedeClarissa,reprit-elle.Tulesais,Jace.—L'Enclavepeutallersefairevoir.—Jace!s'exclamaMaryse,d'untonpourunefoistrèsmaternel.Surveilletonlangage.—Cen'estpasparcequ'ilsveulentquelquechosequ'ilfauttoujoursleleurdonner,protesta-t-il.Maryse lui lança un regard signifiant qu'elle savait exactement ce qu'il entendait par là et qu'elle
n'approuvaitguère.—L'Enclaveasouventraison,Jace.LeurvolontéderencontrerClarymesembleraisonnable,aprèstout
cequ'elleatraversé.Ellepourraitleurrévéler...—Jeleurdiraitoutcequ'ilsontbesoindesavoir.MarysepoussaunsoupirettournasesyeuxbleusversClary.—Alors,sij'aibiencompris,tutiensànousaccompagner?— Seulementpourquelques jours.Promis, je nevousgênerai pas, lançaClaryd'un ton suppliant en
évitantleregardfurieuxdeJace.— La question n'est pas là. Le tout est de savoir si tu acceptes de rencontrer l'Enclave pendant ton
séjour. Ils veulent s'entretenir avec toi. Si tu refuses, je doute que nous obtenions l'autorisation det'emmeneravecnous.
—Non...ditJace.—j'accepte,réponditClaryavecempressement.Unfrissonluiglaçaledos.Jusqu'àprésent,leseulreprésentantdel'Enclavequ'illuiavaitétédonnéde
uncôtoyer,c'étaitl'Inquisitrice,quin'avaitpasétéd'unecompagnietrèsagréable,c'étaitlemoinsqu'onpuissedire.Marysesemassalestempesduboutdesdoigts.—Alors,c'estréglé.Elle-mêmenesemblaitpastrèsdécidée,pourtant;Elleparaissaitaussifragileettenduequ'unecorde
deviolon.—Jace,accompagneClaryjusqu'àlasortieetretrouve-moidanslabibliothèque.J'aiàteparler.Et, sans un mot d'adieu, elle regagna la pénombre. Clary la regarda s'éloigner avec l'impression
d'avoir reçuunedoucheglacée.Alecet Isabelleparaissaient sincèrementattachésà leurmère,et elleétaitcertainequeMaryseavaitbonfond,maisellen'étaitpas trèschaleureuse.Unplisévèrebarra labouchedeJace.
—Tuescontente?—J'aibesoind'alleràIdris,queçateplaiseounon,rétorquaClary.Jedoislefairepourmamère.—Marysefait tropconfianceàl'Enclave.Elles'estpersuadéequ'ilsétaient irréprochables,et jene
peuxpasavancerlecontraireparceque...Ils'interrompitbrusquement.—ParcequeceseraitparlercommeValentin.Clarys'attendaitqu'ilexplosemaisilsecontentaderépondre:—Personnen'estparfait.Pasmêmel'Enclave.
Ilappuyasurleboutondel'ascenseur.—C'estvraimentàcausedemasécuritéquetuneveuxpasquejevienne?demandaClaryencroisant
lesbras.Lasurprisesepeignitsursonvisage.—Qu'est-cequetuveuxdire?Pourquelleautreraison?Claryavalasasalive.—Parceque...«... tum'as dit que tu n'avais plus de sentiments pourmoi, et c'est bien dommage puisque,moi, je
ressenstoujourslamêmechose.D'ailleurs,jepariequetulesais.»—...jen'aipasenvied'avoirmapetitesœurdanslespattes?suggéra-t-ild'untonnarquois.L'ascenseur s'arrêta dans un cliquetis. Poussant la grille, Clary se glissa à l'intérieur avant de se
tournerversJace.—Jen'yvaispaspourtoi.Jeveuxaidermamère.NOTREmère!Jen'aipaslechoix,tucomprends?Si
jenefaisrien,elleneseréveillerapas.Tupourraisaumoinsfairesemblantdet'intéresseràelle.Jace posa lesmains sur ses épaules : ses doigts effleurèrent la peau nue au-dessus de son col et,
malgréelle,ellefrissonna.Ilavaitdescernessouslesyeux,remarqua-t-elle,etlesjouescreuses.Lepullnoirqu'ilportait faisait ressortir sapeaumeurtrieet sescils sombres.Elle l'auraitpeint toutencontrastes,avecdesdégradésdenoir,deblanc,degrisetquelquestouchesd'oricietlà.
—Laisse-moim'enoccuper,murmura-t-ild'untonpressant.Jel'aideraipourtoi.Dis-moioùaller,àquirendrevisite.
—Madeleineaprévenulesorcierquec'estmoiquiirai.IlattendlafilledeJocelyne,passonfils.mainsdeJaces'agrippèrentàsesépaules.
—Tul'informerasqueleprogrammeachangé.C’estmoiquiirai,pastoi.—Jace…—Jeferaicequetuvoudras,situprometsderesterici.—Jenepeuxpas.—Pourquoi?
Ilreculacommesiellevenaitdelerepousser.—Parcequec'estmamère,Jace.— C'estaussilamienne,répliqua-t-ilavecfroideur.Aufait,pourquoiMadeleinen'estpasvenuenous
trouvertouslesdeux?Pourquoitoiseule?—Tusaispourquoi.—Parcequ'àsesyeux,tueslafilledeJocelyne,alorsquejeseraitoujourslefilsdeValentin.Ilrefermalagrilled'ungestebrutal.Pendantquelquessecondes,ellel'observaàtraverslesbarreaux
entrecroisés.Unlosangeenferforgéencadraitunœilmordoréquilafixaitd'unairfurieux.—Jace...Avec un grincement, l'ascenseur se mit en branle et l'emporta dans les ténèbres silencieuses de la
cathédrale.
—Allô,Clary?IcilaTerre!s'écriaSimonenagitantlesbras.Tuesréveillée?—Désolée,qu'est-cequetudisais?Claryseredressaetsecoualatêtepourchassersesidéesnoires.Ellen'avaitpasrevuJacedepuisleur
altercation.Iln'avaitpasdécrochéletéléphonequandellel'avaitappeléparlasuite,aussiavait-elledûorganiser son voyage à Idris avec les Lightwood. Alec avait joué les intermédiaires embarrassés etréticents.PauvreAlec,tirailléentreJaceetsamère,quiessayaittoujoursd'agiraumieux!
—QueLukeestrentré,ondirait.Simonsautadubureausurlequelilétaitassisaumomentoùlaportedelachambres'ouvrait.
—Oui,c'estbienlui.—Salut,Simon.Luke semblait serein ; unpeu fatigué, peut-être. Il portait uneveste en jean élimée, une chemise en
flanelleetunvieuxpantalonenveloursrentrédansdesbottesquiavaientconnudesjoursmeilleurs.IlavaitrepousséseslunettessursescheveuxbrunstirantbeaucoupplussurlegrisquedanslesouvenirdeClary.Iltenaitsouslebrasunpaquetnouéavecunrubanvert,qu'iltenditàClary.
—Jet'aitrouvéquelquechosepourtonvoyage.—Ilnefallaitpas!protesta-t-elle.Tuasdéjàtantfait...Elle songea aux vêtements qu'il lui avait achetés après que tous ses objets personnels avaient été
détruits.Illuiavaitaussidonnéunnouveautéléphoneetdumatérieldedessinsansmêmequ'elleaiteuàdemander.Désormais,toutcequ'ellepossédaitétaitdescadeauxdeLuke.«Ettun'approuvesmêmepasquejeparte!»D'unaccordtacite,ilsévitaientd'aborderlesujet.
—Enlevoyant,j'aipenséàtoi.L'objetàl'intérieurdelaboîteétaitenveloppédansplusieurscouchesdepapierdesoie.Clarydéchira
lepapieretsesdoigtsrencontrèrentuntissudouxcommelafourrured'unchat.Ellelaissaéchapperunhoquetdesurpriseendécouvrantunmanteauvertbouteilleunpeurétroavecunliseréd'or,desboutonsdecuivreetunelargecapuche.Elleledépliasursesgenoux,encaressaamoureusementlevelours.
—Ça ressemble à quelque chose que porterait Isabelle ! s’exclama-t-elle. On dirait un manteau devoyageconçuexprèspourunChasseurd'Ombres.
—Exactement.Avecça,tutefondrasdanslamasseàIdris,observaLuke.Ellelevalesyeuxverslui.
—Tutiensvraimentàcequejeleurressemble?—Clary,tuesl'unedesleurs.Avecunsourireempreintdetristesse,ilreprit:—Etpuis,tusaiscommentilstraitentlesétrangers.Plustuessaierasd'entrerdanslemoule...Simonseraclalagorge,etClaryluilançaunregardcoupable:elleavaitpresqueoubliésaprésence.
Ilexaminasamontre,l'airpréoccupé.—Fautquej'yaille.—Maistuviensd'arriver!J'avaispenséqu'onpourraittraînerunpeu,regarderunfilm...—Tudoisfairetesbagages.Simonluiadressaunsourireradieuxcommelesoleilaprèslapluie.Elleauraitpresquepucroireque
toutallaitbienpourlui.—Jerepasseraitedireaurevoir.—Allez,reste...—Jenepeuxpas,dit-ild'untonsansappel.J'airendez-vousavecMaia.—Oh...Bon...Maia,songeaClary,étaitunegentillefille.Intelligente.Jolie.Maiaétaitaussiunelycanthropeetelle
avaitunfaiblepourSimon.Maispeut-êtrequec'étaitdansl'ordredeschoses.Peut-êtrequelanouvelleamiedeSimondevaitêtreuneCréatureObscure.Aprèstout,ilétaitl'undesleurs,àprésent.Enthéorie,iln'étaitmêmepascenséfréquenterdesChasseursd'Ombres.
—Danscecas,tuferaismieuxd'yaller.—Oui,j'yvais.UnelueurindéchiffrablebrillaitdanslesyeuxsombresdeSimon.C'étaitnouveaupourClary:avant,
ellelisaittoujoursenluicommedansunlivreouvert.Ellesedemandasic'étaitunautreeffetsecondaireduvampirisme.
—Aurevoir,lança-t-il.Ilsepenchapourl'embrassersurlajoueenécartantunemèchedesescheveux.Puisilmarquauntemps
d'arrêtetrecula,l'airdésorienté.Étonnée,ellefronçalessourcilsmaisils'étaitdéjàéloignéenfrôlantLukesurleseuil.Elleentenditlaported'entréeclaquerderrièrelui.
— Ilestvraimentbizarre,cestemps-ci!s'exclama-t-elleenserrantcontreellelemanteauenvelourspourseréconforter.Tucroisquec'estcettehistoiredevampire?
—Pasforcément,réponditLuke,l'airvaguementamusé.DeveniruneCréatureObscurenechangerienàcequ'onressent.Niàcequ'onest.Donne-luiletemps.C'esttoiquiasrompuaveclui.
—Pasdutout.C'estlui.—Parcequetun'étaispasamoureusedelui.C'estunesituationdélicate,etjetrouvequ'ils'ensortavec
élégance. La plupart des garçons de son âge bouderaient dans leur coin ou viendraient rôder sous tafenêtreavecuntransistor.
—Pluspersonnenepossèdecegenredetruc.Ça,c'étaitdanslesannées80.Claryselevapéniblementdulitetenfilasonmanteau,qu'elleboutonnajusqu'aucouens'émerveillant
deladouceurduvelours.—J'aimeraisjustequeSimonredeviennenormal.Elle étudia son reflet dans le miroir et en fut agréablement surprise : le vert faisait ressortir ses
cheveuxrouxetrehaussaitlacouleurdesesyeux.EllesetournaversLuke.—Qu'est-cequetuendis?Ilétaitadosséàlaporte,lesmainsdanslespoches.Uneombrepassasursonvisage.—Tamèreavaitunmanteauexactementcommecelui-ciàtonâge,secontenta-t-ilderépondre.Clary enfonça les ongles dans le tissu velouté des manches. L'allusion à sa mère et l'expression
attristéedeLukeluifirentmonterleslarmesauxyeux.—Onpasselavoiraujourd'hui,d'accord?s'enquit-elle.J'aimeraisluidireaurevoiravantdepartir,et
luiexpliquercequejecomptefaire.Lukehochalatête.—Oniraàl'hôpitalunpeuplustard.Et,Clary?—Quoi? fit-elle sansparvenirà le regarderdans lesyeuxmais,quandelle sedécida,elleconstata
avecsoulagementquesatristesses'étaitdissipée.—Êtrenormal,çan'ariendesiextraordinaire,dit-ilensouriant.
Simon regarda le papier qu'il tenait à la main puis la cathédrale en plissant les yeux. L'Institut sedétachaitsurlecielbleu,unblocdegranitavecdesfenêtresenogive,ceintparunehautemurailledepierre.Desgargouillesperchéessurlescornicheslefixaientd'unœiltorvecommepourlemettreaudéfid'approcherlagrandeporte.L'édificeneressemblaitenrienaupremieraperçuqu'ilenavaiteu:ilavaitalors l'apparence d'un bâtiment à l'abandon, mais les charmes n'avaient pas d'effet sur les CréaturesObscures.Tun'espaslebienvenu.Cesmotsletranspercèrentcommedel'acide.Iln'auraitsudiresic'étaientles
gargouillesquiavaientparléoulavoixdanssatête.Cetendroitestuneéglise,ettuesdamné,—Laferme,marmonna-t-ild'untonmalassuré.Detoutefaçon,jem'enfiche,deséglises.Jesuisjuif.Unegrilleenfers'encadraitdanslemurenpierre.Simonposalamainsurleloquet,s'attendantqu'elle
soit réduite en cendres,mais rien ne se produisit.Apparemment, la grille, elle, n'était pas sanctifiée.Après l'avoir poussée, il s'avançadans l'alléemenant à la porte. Il n'avait pas fait quelques pas qu'ilentenditdesvoixfamilièresàproximité.Oupeut-êtren'étaient-ellespassiproches.Iloubliaitsouventquesonouïe,demêmequesavue,s'était
considérablementdéveloppéedepuisqu'ilavaitététransformé.Ileutd'abordl'impressionquelesvoixsetrouvaientjustedevantlui,maisensuivantlecheminétroitquicontournaitl'Institut,ilaperçutungroupedegensquisetenaientàbonnedistance,àl’autreboutdujardin.L'herbeypoussaitlibrement,débordantsurlesalléesquiserpentaientparmilesmassifsderosesjadisentretenusavecsoin.Ilyavaitmêmeunbanc de pierre envahi par le chiendent.A avant que lesChasseurs d'Ombres n'y élisent domicile, cetendroitabritaitunevéritableéglise.D'abord,ilvitMagnus,adosséàunmurcouvertdemousse.Ilauraitétédifficiledenepaslevoir:il
portaitun tee-shirtblancmouchetédepeintureetunpantalondecuirauxcouleursde l'arc-en-ciel.Sahautesilhouettesedétachaittelleuneorchidéemulticoloresurlerestedugroupe,composédeChasseursd'Ombres enhabit noir :Alec, pâle et tendu ; Isabelle, ses longs cheveuxnoirs rassemblés en tressesretenuespardesrubansargentés,deboutprèsd'unpetitgarçonquidevaitêtreMax,lecadetdelafratrie.Prèsd'euxsetenaitleurmère,uneversionplusgrandeetplusmaigredesaproprefille,quiarboraitlamêmechevelurenoire.AsoncôtésetrouvaitunefemmequeSimonneconnaissaitpas.D'abord,ilcrutqu'elleétait trèsâgée,carelleavaitlescheveuxpresqueentièrementblancs,maislorsqu'ellesetournaversMaryse,ils'aperçutqu'ellen'avaitpasplusdetrente-cinqouquaranteans.Enfin,ilrepéraJace,unpeuàl'écartcommes'iln'étaitpasdesleurs.Ilavaitluiaussirevêtulatenue
desChasseursd'Ombres.QuandSimonportaitdunoir, ilavait l'airderevenird'unenterrement, tandisquecettecouleurfaisaitressortirlecôtécoriace,menaçantdeJace,etsablondeur.LesépaulesdeSimonseraidirent,etilsedemandasiletempsoul'oubliviendraientunjouràboutdesonressentimentpourJace.C'étaitunsentimentdontiln'étaitpasfier,etquipesaitcommeunepierresursoncœursansvie.Ilyavaitquelquechosed'étrangedanscerassemblement...Maisàcetinstant,Jacesetournaverslui,
comme s'il venait de sentir sa présence et,même à cette distance, Simon distingua la petite cicatriceblanchesursagorge,justeau-dessusducoldesonhabit.Sarancœursedissipa.Jaceluiadressaunsignedetêteimperceptible.
— Jerevienstoutdesuite,dit-ilàMaryseenprenantuntonqueSimonn'auraitjamaisemployéavecsapropremère.C'était celui d'un adulte s'adressant à un autre adulte. Maryse lui donna son accord en agitant
distraitementlamain.—Jenecomprendspaspourquoic'estsilong,disait-elleàMagnus.C'estnormal?—Cequinel'estpas,c'estlaristournequejevousfais,répliqua-t-ilentapotantlemurdutalondesa
botte.D'habitude,jedemandeledouble.—Cen'estqu'unPortailtemporairequidoitseulementnousemmeneràIdris.Etjecomptesurvouspour
lerefermerderrièrenous.Cesontlestermesdenotremarché.Ellesetournaverslafemmeàcôtéd'elle.—Etturesteraspourvérifierqu'ils'estacquittédesatâchejusqu'aubout,n'est-cepas,Madeleine?Madeleine.C'était donc elle, l'amiede Jocelyne.Simonn'eut pas le tempsde l'étudier, cependant :
Jacel'entraînaitdéjààl'écartenletirantparlebras.Ilscontournèrentlacathédraleparl'autrecôté.Àcetendroit, les herbes étaient encore plus hautes, et le chemain envahi par les broussailles. Jace poussaSimonderrièreungroschêneetsedécidaenfinàlelâcherenjetantdesregardsdepartetd'autrepours'assurerqu’ilsn'avaientpasétésuivis.
—C'estbon.Onpeutdiscutertranquillementici.Effectivement,ilsétaientplusaucalmeàcetendroit;lesmursimposantsdel'Institutabsorbaientles
bruitsdutraficenprovenancedeYorkAvenue.—C'esttoiquim'asdemandédevenir,observaSimon.J'aitrouvétonmessagecoincédanslemontant
demafenêtreenmeréveillantcematin.Tunetesersjamaisdutéléphonecommelesgensnormaux?
—Passijepeuxl'éviter,vampire,répliquaJace.IlobservaSimond'unairsongeur,commes'illisaitlespagesd'unlivre.Deuxémotionscontradictoires
sepeignaientsursonvisage:unlégerétonnementmêléàcequiressemblaitàdeladéception.—Alors,c'esttoujoursvrai?Tupeuxsortirlajournée.Mêmelesoleildemidinetebrûlepas.—Oui.Maistulesavaisdéjà.Tuétaislà.Iln'eutpasbesoindepréciserdavantage:ilvit,àl'expressiondeJace,qu'ilsesouvenaitdufleuve,de
lacamionnette,du soleil se levant sur l'eau,descrisdeClary. Il se rappelait toutcelaaussibienqueSimon.
—J'avaispenséque,peut-être,çadisparaîtraitavecletemps,lançaJacesansgrandeconviction.—S'ilmeprendl'enviedepartirenflammes,jeteleferaisavoir.
Simonn'avaitjamaiseubeaucoupdepatienceavecJace.— Si tum'as demandé de traverser toute la ville dans le simple but dem'examiner sous toutes les
coutures,laprochainefois,jet'enverraiunephoto.—Etjel'encadreraipourlamettresurmatabledenuit.Mais,manifestement,Jacen'avaitpaslecœuràplaisanter.— Ecoute,sijet'aifaitvenir,c'estpouruneraison.Bienquejerépugneàl'admettre,vampire,nous
avonsunpointcommun.—Unecoiffuresensationnelle?suggéraSimon,cependantluinonplusn'étaitpasd'humeuràrire.QuelquechosedansleregarddeJacelemettaitmalàl'aise.—Clary,ditcelui-ci.Prisdecourt,Simonrépéta:—Clary?—Clary.Tusais.Petite,rousse,toujoursmallunée.— Jenevoispas enquoionest tous lesdeuxconcernés,objectaSimon,mêmes'il pensait tout le
contraire.Néanmoins,iln'avaitpasparticulièrementenvied'avoircetteconversationavecJace,nimaintenantni
jamais.N'existait-il pas un codemasculin qui interdisait toute discussion portant sur les sentiments ?Apparemmentnon.
—Toicommemoi,ontientàelle,non?déclaraJaceenlejaugeantduregard.Elleestimportantepournousdeux.
—Tuveuxsavoirsijetiensàelle?Le verbe « tenir » semblait pour lemoins insuffisant. Simon en vint à se demander si Jace ne se
moquaitpasdelui,cequi,enl'occurrence,auraitétécruel,mêmevenantdesonrival.L'avait-ilfaitvenirici dans le seul but de le ridiculiser parce que ça n'avait pas marché entre Clary et lui?Même s'ils'accrochaitencoreaufaibleespoirquelasituationchangerait,queClaryetJacefiniraientparéprouverl'unpourl'autrel’affectiondemiseentreunfrèreetunesœur...Son regard croisa celui de Jace, et son espoir vacilla. Il n'affichait pas la désinvolture d'un frère
parlantdesasœur.D'unautrecôté,ilétaitclairqu'ilnel'avaitpasfaitvenirpoursepayersatête:sapropretristessenereflétaitdanslesyeuxdeJace.
—Necroispasqueçameplaîtdeteposercesquestions,lâcha-t-ild'untoncassant.Jedoissavoircequetuesprêtàfairepourelle.Est-cequetumentirais,parexemple?
—Mentir?Aquelsujet?Qu'est-cequisepasse?Simon comprit enfin ce qui l'avait chiffonné en voyant les Chasseurs d'Ombres rassemblés dans le
jardin.—Attendsuneseconde.VouspartezpourIdrismaintenant?Claryestpersuadéequec'estcesoir.
— Je sais. Et je veux que tu racontes aux autres qu'elle t'a envoyé ici pour les prévenir qu'elle neviendraitpas.Ilfautleurdirequ'elleneveutplusalleràIdris.Ilyavaitdelanervositédanssavoix,ouautrechose,uneémotionsibizarrevenantdeJacequeSimon
avaitdumalàmettreledoigtdessus.Ilavaitl'impressionqu'illesuppliait.—Ilstecroiront.Ilssaventàquelpointvousêtes...proches.Simonsecoualatête.—Tuesincroyable.TumedemandesdefairequelquechosepourClary,maisenréalitéc'estunefaveur
pourtoi.Ilsedétournapours'enaller.—Pasquestion.Jacelerattrapaparlebras.—C'estpourelle!J'essaiedelaprotéger.Jepensaisquelà,aumoins,tuaccepteraisdem'aider.SimonfixaavecinsistancelamaindeJaceagrippéeàsonbras.—Commentpourrais-jelaprotégersitunem'expliquespascontrequoi?—Tunepeuxpasmefaireconfiance,sijetejurequec'estimportant?réponditJacesanslelâcher.—Tuneterendspascompte,elletientvraimentàalleràIdris.Sijedoisl'enempêcher,ilmefautune
sacréebonneraison.JacepoussaunsoupiretlâchalebrasdeSimonàcontrecœur.— Cequis'estpassésurlebateaudeValentin,dit-ilàvoixbasse.LarunequeClaryadessinéesurle
mur...ehbien,tuasvulerésultat.—Elleadétruitlebateauetsauvénosvies.—Neparlepassifort,soufflaJaceenjetantunregardanxieuxautourdelui.—Qu'est-cequetuinsinues?Quelesautresnesontpasaucourant?demandaSimon,incrédule.—Onestquatreàsavoir:toi,moi,LukeetMagnus.C'esttout.—Maisqu'est-cequ'ilss'imaginent?Quelenavireasombréaumomentopportun?—JeleurairacontéqueleRitueldeConversionavaitmaltourné.—Tuasmentiàl'Enclave?Simonoscillaitentrel'admirationetlaconsternation.— Oui, je leur aimenti. Isabelle etAlec savent queClary détient le pouvoir de créer de nouvelles
runes, alors je ne pourrai sans doute pas cacher très longtemps ce fait à l'Enclave ou au nouvelInquisiteur.Maiss'ilssavaientqu'ellepeutdécuplerlepouvoirdesrunesordinairesetleurconférerunepuissancedestructriceinimaginable,ilschercheraientàenfaireunecombattante.Etellen'apaslacarrurepourça.Ellen'apasétéélevéedanscebut...Ils'interrompitcommeSimonsecouaitlatête.—Quoi?—TuesunNephilim.Tun'espascenséagirdansl'intérêtdel'Enclave?Siçaimpliquedeseservirde
Clary...—Tuveuxqu'elleseretrouveenpremièrelignefaceàValentinetsonarmée?—Biensûrquenon.Maismoi,jenesuispasl'undesvôtres.Jen'aipasàchoisirmapriorité,Claryou
mafamille.LevisagedeJaces'empourpra.—Tun'yespasdutout.Sij'estimaisqu'ellepouvaitêtreutileàl'Enclave...Or,cen'estpaslecas.Elle
seferatuer,c'esttout...—Mêmesituétaisconvaincudesonutilité,tuneleslaisseraispasl'avoir.—Qu'est-cequitefaitpenserça,vampire?
—Parcequetulaveuxtoutepourtoi.Jaceblêmit.—Alorsturefusesdem'aider?Turefusesdel'aider,elle?Simon hésita. Avant qu'il ait pu répondre, un cri perçant, désespéré déchira le silence puis cessa
brusquement.Jacefitvolte-face.—Qu'est-cequec'était?D'autrescrisretentirent,auxquelssuccédaungrandbruitmétalliquequifittinterlesoreillesdeSimon.—Ilestarrivéquelquechose...lesautres...Jace s'était déjà éloigné dans l'allée en se faufilant à travers les broussailles. Après un moment
d'hésitation, Simon le suivit. Il avait oublié à quel point il courait vite désormais, et il eut tôt fait derattraperJaceaumomentoùiltournaitaucoindel'église.Un véritable chaos les attendait dans le jardin.Une brume blanche s'était levée, et une odeur forte
flottait dans l'air, l'odeur caractéristique de l'ozone, à laquelle se mêlait un relent douceâtre. Dessilhouettessurgissaientdetoutesparts:Simonendistinguaitdesparcellesquandellesémergeaientd'unetrouée dans le brouillard. Il aperçut Isabelle, fouettant l'air de ses tresses au moment où elle faisaitclaquersonfouet,quifenditlabrumecommeunéclairdelumière.Ellerepoussal'assautd'unecréatureénormequis'avançaitverselled'unpaspesant.Simoncrutd'abordqu'ils'agissaitd'undémon;or,c'étaitimpossible,ilfaisaitgrandjour.Enserapprochant,ilvitquelachoseavaitformehumainemaisqu'elleétaitbossue.Elletenaitàlamainunegrosseplancheenboisqu'ellebrandissaitaveuglémentendirectiond'Isabelle.Toutprèsdelà,àtraversuntroudanslemur,Simonvoyaitlesvoiturescontinuerleurbonhommede
chemindansYorkAvenue.Au-delàdel'Institut,lecielétaitdégagé.— Des Damnés, murmura Jace, les yeux étincelant de fureur, en tirant de sa ceinture l'un de ses
poignardsséraphiques.Ilyenadesdizaines.IlécartaSimond'ungestebrusque.—Resteici,compris?Simon se figea quelques secondes tandis que Jace s'élançait vers le brouillard. La lumière de son
poignardnimbalabrumed'unelueurargentée;dessilhouettessombressurgissaientçàetlà.Simon,quiavait l'impression de les voir à travers un panneau de Verre dépoli, s'efforça désespérément decomprendre se qui se passait de l'autre côté. Isabelle avait disparu. Alec, le bras couvert de sang,embrocha un Damné et le regarda s'écrouler à ses pieds. Un autre se dressa derrière lui, mais Jaceaccourut,unpoignarddanschaquemain.Ilbonditet,avecunmouvementdecisaille,tranchalatêteduDamné,qui libéraun flot de sangnoir.Simoneutunhaut-le-cœur : le sangdégageait uneodeur âcre,nauséabonde.IlentenditlesChasseursd'Ombress'interpellerdanslebrouillard;lesDamnés,eux,neproféraientpas
unson.Soudain,labrumesedissipa,etSimonvitMagnus,deboutprèsdumur,l'airhagard.Desflammesbleuesjaillirentdesesmainstandisqu'untrounoirs'ouvraitdanslapierre.Ilsemitàscintillercommeunmiroir,etdesremousseformèrentàsasurface.
—LePortail!braillaMagnus.TraversezlePortail!MaryseLightwoodsurgitdelabrumeenportantsonfils,Max,danssesbras.Elles'arrêtapourcrier
quelquechosepar-dessus sonépaule,puisplongeaà travers lePortail etdisparutà l'intérieurdumur.Alec luiemboîta lepasen tirantpar lebras Isabellequi traînaitderrièreelle son fouetéclaboussédesang. Au moment où il la poussait vers le Portail, un Damné jaillit du brouillard en brandissant uncouteau.Simons'élançaenappelantIsabelle,butasurunobstacle,ettombaenavant.Ilserelevad'unbondetse
retournapourvoircequil'avaitfaittrébucher.C'étaitlecorpsd'unefemme.Onluiavaittranchélagorge,etsesyeuxgrandsouvertsavaientprisunéclatbleutédanslamort.Dusangmaculaitsescheveuxblancs.Madeleine.—Simon,attention!s'écriaJace.Levant les yeux, Simon vit le Chasseur d'Ombres se précipiter vers lui en levant ses poignards
séraphiques poissés de sang.LeDamnéqui poursuivait Isabelle se dressa au-dessus de lui.Un rictusdéformaitsonvisagecouturé.Simonfitunpasdecôtéaumomentoùlemonstreallaitlepoignardermais,malgrésesnouveauxréflexes, iln'eutpas le tempsde l'esquiver.Unedouleurfulgurante leparalysaettoutdevintnoir.
2.LesToursD'Alicante
«TOUTELAMAGIEDUMONDEnesuffiraitpaspourtrouveruneplacedeparkingdansuneruedeNewYork»,songeaitClarytandisqu'elleetLukefaisaientletourdupâtédemaisonspourlatroisièmefois.Ilsn'avaientpasréussiàgarerlacamionnette,etlaplupartdesvoituresétaientstationnéesendoublefile.Enfin,Lukes'arrêtaàcôtéd'unebouched'incendieetcoupalemoteuravecunsoupir.
—Valesrejoindre,lança-t-il.Jet'apportetavalise.Claryhocha la tête,maishésitaavantd'ouvrir laportière.Elleavait l'estomacnouépar l'anxiétéet,
pourlaénièmefois,elleregrettaqueLukenepuissepusveniravecelle.—J'auraispenséque,pourmonpremiervoyageàl’étranger,j'auraisunpasseportsurmoi.SaremarquenefitpassourireLuke.—Jesaisquetuesnerveuse,maistoutirabien.LesLightwoods'occuperontbiendetoi.«Oui,jetel'airépétéunmilliondefois»,pensaClary.Elledonnaunepetitetapesurl'épauledeLuke
avantdedescendredelacamionnette.—Àbientôt.Elle franchit l'allée de pierre craquelée ; le bruit de la circulation s'éloignait à mesure qu'elle
s'approchaitde l'église.Cette fois, il lui fallutquelques instantspourchasser le charmequiprotégeaitl'Institut.Elleavaitl'impressionqu'unsortilègesupplémentairemasquaitlavieillecathédralecommeunenouvellecouchedepeinture.Elledutfourniruneffortmentalpéniblepourvoirlaréalité.Enfin,l'édificeluiapparuttelqu'ilétait.Lagrandeporteenboisluisaitcommesionvenaitdelalustrer.Uneodeur de brûlé flottait dans l'air. Fronçant les sourcils, elle posa lamain sur le loquet. «Moi,
ClaryMorgenstern,Nephilim,demandel'accèsàl'Institut...»Laportes'ouvritengrandetClaryseglissadanslapénombre.Ellejetaunregardautourd'elle,cligna
desyeux,s'efforçantdedéterminercequiavaitchangéàl'intérieurdelacathédrale.Ellecompritcequilachiffonnaitaumomentoùlesbattantsserefermaientderrièreelle:lanefétaitplongéedanslenoir;laseuleclartéprovenaitdelarosaceau-dessusdesatête.Or,chaquefoisqu'elleétaitvenueàl'Institut,desdizainesdeflammesvacillaientdanslescandélabresalignéslelongdel'alléequiséparaitlesbancs.Ellesortitdesapochesapierrederuneet labranditdevantelle.Unrayondelumière jaillitdeses
doigtsetilluminalescoinspoussiéreuxduvieilédificetandisqu'elles'avançaitversl'ascenseurprèsdel'auteldésert.D'ungesteimpatient,elleécrasaledoigtsurleboutond'appel.Rienneseproduisit.Auboutdetrentesecondes,ellepressadenouveaulebouton,encoreetencore,
puiscollasonoreilleàlagrille.Silence.Lecœurbattant,Claryremontal'alléeencourantetpoussalalourdeporte.Deboutsurlesmarchesde
l'église,ellejetaunregardaffoléautourd'elle.Lecieln'assombrissait,etl'odeurdebrûléétaitdeplusenplusforte.Yavait-ileuunincendie?LesChasseursd'Ombresavaientpeut-êtreétéévacués.Pourtant,lebâtimentétaitintact...Unevoixdouce,veloutée,familière,s'éleva.—Cen'étaitpasunincendie.Unehautesilhouetteémergeadelapénombre,lescheveuxrassemblésenépisirréguliersquiformaient
unecouronne sur soncrâne.L'hommeportaituncostumeen soienoire surunechemisevert émeraudechatoyanteetdesbagueschargéesdepierreriesauxdoigts.Unepairedebottesluxueusesetunebonnedosedepaillettescomplétaientsatenue.—Magnus?ChuchotaClary.
— Jesaisceque tupenses,mais iln'yapaseude feu.Cetteodeur,c'est labrume infernale,uneespècedebrouillarddémoniaquequialtèreleseffetsdelamagie.
——Unbrouillarddémoniaque?Alorsçasignifiequ'ilyavaitdes...—Oui,desDamnés.Ilsontattaquél'Institutdansl'après-midi.Ilyenavaitdesdizaines.—Jace.LesLightwood...—Labrumeinfernalerendaitmespouvoirsinefficaces.Lesleursaussi.J'aidûlesenvoyeràIdrispar
lebiaisduPortail.—Maispersonnen'aétéblessé?—Madeleineestmorte.Jesuisdésolé,Clary.Claryselaissatombersurlesmarches.Ellen'avaitpastrèsbienconnuMadeleine,maiscettefemme
avaitservidelienténuentreelleetsamère-savéritablemère,laChasseused'Ombresintrépidequ'ellen'avaitjamaiscôtoyée.
—Clary?Qu'est-cequisepasse?Lukes'avançadansl'allée,lavalisedeClaryàlamain.Assise,lesbrasnouésautourdesesgenoux,
elle écouta Magnus renouveler ses explications. Malgré sa peine pour Madeleine, elle éprouvait unimmense soulagement. Jace et lesLightwood étaient sains et saufs.Elle se répéta silencieusement cesmots:«Jaceestsainetsauf.»
—LesDamnésonttousététués?s'enquitLuke.— Non,réponditMagnusensecouantlatête.UnefoislesLightwoodpassésparlePortail,ilssesont
dispersés.Apparemment,cen'estpasmoiqui les intéressais.Quand j'ai refermé lePortail, ilsavaienttousdisparu.Clarylevalatête.—LePortailestfermé?Mais...tupeuxencorem'envoyeràIdris,n'est-cepas?LukeetMagnuséchangèrentunregardgêné.LukeposalavalisedeClaryparterre.—Magnus?repritClaryd'unevoixstridente.Ilfautquej'yaille.—LePortailestfermé,Clary...—Alorsouvres-enunautre!— Cen'estpassisimple,protestalesorcier.L'EnclaveesttrèssoucieusedeprotégerAlicantecontre
lesintrusionsàcaractèremagique.Leurcapitaleestunlieusaintàleursyeux:c'estunpeuleurVatican,leurCitéinterdite.LesCréaturesObscuresnepeuventpasyentrersansautorisation,etlesTerrestresn'ysontpaslesbienvenus.
—MaisjesuisuneChasseused'Ombres!— Tuestoutjusteunenovice.Enoutre,lestourspréviennenttoutetéléportassionsdansl'enceintede
laCité.Pourquej'ouvreunPortailmenantdirectementàAlicante,ilfaudraitqu'ilst'attendentdel'autrecôté.En l'envoyant là-bas sans leurpermission, j'enfreindrais laLoi, et jen'aipas enviede courir cerisquepourtesbeauxyeux,macocotte,malgrél'affectionquej'aipourtoi.ClarysetournaversLuke.— Maisilfautquej'ailleàIdris!Mamèreabesoindemoi.Ildoitexisterunautremoyenquele
Portail.— L'aéroportleplusprochesetrouvedanslepaysvoisin.Sionarrivaitàpasserlafrontière-etje
disbien«si» -,ondevraitentreprendreun longvoyagepérilleuxà traversdes territoirespeuplésdeCréaturesObscures.Ilnousfaudraitdesjourspourgagnerlaville.
Claryétaitauborddeslarmes.«Pasquestionquejepleure»,sedit-elle.— Clary, repritLukeavecdouceur.OnpourraCommuniqueravec lesLightwood.Onferaensorte
qu'ils aient toutes les indications nécessaires pour le procurer l'antidote de Jocelyne. Ils contacteront
l'ell...Claryselevaensecouantlatête.
— Il faut que ce soitmoi.Madeleine répétait que Fell n'accepterait pas de traiter avec quelqu'und'autre.
—Fell?RagnorFell?IntervintMagnus.JepeuxluienvoyerunmessagepourluiannoncerlavenuedeJace.Lukeseragaillardit.—Tuentendsça,Clary?Avecl'aidedeMagnus...MaisClarynevoulaitriensavoir.Elles'étaitpersuadéequ'ellepourraitsauversamère,etdésormais
ellenepouvaitplusque s'asseoir à sonchevet enpriantpourquequelqu'und'autre, àdesmilliersdekilomètresdelà,parvienneàs'acquitterdesondevoiràsaplace.ElledévalalesmarchesenbousculantLuke,quiessayaitdelaretenir.—J'aibesoind'êtreseulequelquesinstants.—Clary...MalgrélesappelsrépétésdeLuke,elles'éloignaencourant,contournalacathédraleetpritl'alléequi
bifurqueverslepetitjardinsituédanslapartieestdel'Institut,ensuivantl'odeurdebrûlé,àlaquellesemêlaitcellenettementplusfortedelamagiedémoniaque.Lejardinétaitencorenoyéçàet làsousdesrubans de brume accrochés à unmassif de roses ou à une pierre. La terre portait les stigmates de labataillequis'étaitdérouléeàcetendroitet,prèsdel'undesbancsdepierre,unetraînéerougesombreluifitdétournerlesyeux.Soudain,ellesefigea.Surlemurdelacathédralesubsistaientlestraces,reconnaissablesentretoutes,
de lamagie runique, qui brillaient d'un éclat bleuté sur une pierre grise. Elles formaient un rectanglesemblableauraidelumièrequifiltreàtraversuneporteentrouverte...LePortail.Undéclic se fit en elle.Elle se remémorad'autres symbolesqui scintillaientdangereusement sur la
coquemétalliqued'unnavire,puisdutremblementquiavaitébranlélemonstredeferavantqu'ilnesedésagrège, et des eaux noires de l'East River se déversant à l'intérieur. « Ce ne sont que des runes,songeât-elle.Des symbolesque je suiscapablededessiner.Simamèrepeutenfermer l'essencede laCoupeMortelledansunboutdepapier,alorsjepeuxcréerunPortail.»Elles'approchadumuretsortitsastèledesapoche.S'efforçantdenepastrembler,elleappliquala
pointedel'objetsurlapierre.Puisellefermalesyeuxet,derrièrelesténèbresdesespaupières,ellesemitàtracermentalementdesligneslumineusesévoquantdesportes,desvoyages,descontréeslointaines,quis'assemblèrentpourformeruneruneaussigracieusequ'unoiseauenpleinvol.Clarynesavaitpassielleétaitancienneousic'étaitellequil'avaitinventée,maiselleexistaitdésormaiscommes'ilenavaittoujoursétéainsi.Portail.Elle continua à dessiner, et des lignes noires comme du charbon jaillirent de la stèle. La pierre
grésilla, une odeur acide de brûlé lui monta aux narines. Des éclairs bleus surgirent derrière sespaupières,ellesentitdelachaleursursonvisagecommesiellesetenaitdevantunfeu.Avecunsoupir,ellebaissalamainetouvritlesyeux.La rune qu'elle avait tracée s'épanouissait telle une fleur sombre sur le mur. Soudain, les lignes
semblèrent fusionnerpuis sedéroulerpour se reformer, quelques instantsplus tard,donnant lieuàunnouveausymbolequiévoquaituneportescintillante,plushautequeClary.Ellen'arrivaitpasàdétacherles yeux de sonœuvre. Elle brillait dumême éclat que le Portail dissimulé derrière le rideau, dansl'appartementdeMmeDorothea.Clarytenditlebraspourlatoucher...
Etrecula.Lamortdansl'âme,elleserappelaque,pourseservird'unPortail,ilfallaitsereprésenterl'endroitoùl'onvoulaitserendre.Or,ellen'étaitjamaisalléeàIdris.Onluiavaitdécritunpaysagedevalléesverdoyantes,deforêtsobscures,demontagnesetdelacsmiroitants.EtAlicante,lacitéauxtoursdeverre.Ellepouvaits'imagineràquoicelaressemblait,maisaveccegenredemagie,l'imaginationnesuffisaitpas.Siseulement...Claryretintsonsouffle.ElleavaitdéjàvuIdrisen songeet,sanss'expliquercomment,ellesutque
rêveetréaliténefaisaientqu'un.Aprèstout,n'avait-ellepasrêvédeJaceluidisantqueSimonnepouvaitpasresterparcequ'ilnefaisaitpluspartiedumondedesvivants?Peuaprès,ilétaitmort...Ellereportasonattentionsursonrêve.ElledansaitàAlicante,dansunegrandesalledebaltouted'or
etdeblancavecunplafondétincelant.Ilyavaitunefontaine-unevasqueenargentaveclastatued'unesirèneensoncentre-etdeslampionssuspendusdanslesarbresau-dehors.Claryétaitvêtuedeveloursvert,commeencemomentmême.Commesielleévoluaittoujoursdanssonrêve,elles’avançaverslePortail.Sesdoigtsrencontrèrent
un rideau de lumière qui s'ouvrait sur un endroit brillamment éclairé. À présent, elle contemplait unmaelström scintillant au travers duquel elle distingua bientôt l’ébauche d'un paysage, une chaîne demontagnes,unboutdeciel...—Clary!Lukeaccourut,levisagedéforméparlacolèreetl’angoisse.DerrièreluivenaitMagnus;sesyeuxde
chatétincelaientdanslaclartééblouissantequibaignaitmaintenantlejardin.—Clary,arrête!Lesbouclierssontdangereux!Tuvatefairetuer!Maisilétaittroptardpourreculer.Au-delàduPortail,lalumièredorées'intensifia.Clarypensaaux
mursd'ordans lagrandesalledesonrêve,à leurscintillement renvoyépar leverre taillé.Lukeavaittort;ilnecomprenaitrienàsondon.Aquoiboncraindrecesboucliersquandonpouvaitcréersapropreréalitérienqu'enladessinant?—Ilfautquej'yaille,cria-t-elleens'avançant,lesbrastendus.Jeregrette,Luke...AumomentoùelleallaitfranchirlePortail,illarejoignitd'unbondetlasaisitparlepoignet.Telle
une tornadedéracinantunarbre,unepuissance inconnue les soulevade terre.ToujoursprisonnièredeLuke qui lui serrait le bras comme un étau, Clary vit les Voitures et les immeubles de Manhattandisparaître dans un tourbillon tandis qu'une rafale de vent cinglante l'aspirait dans un néant nimbé delumière.
Simon fut réveillé par un clapotis régulier. Il se redressa et une terreur soudaine lui paralysa lapoitrine : ladernière foisqu'il avait été réveillépar lemurmuredesvagues, il était prisonnier sur lebateaudeValentin,etcebruitténuleramenaàcejourfunesteavecunefulgurancesemblableàunseaud'eauglacéeenpleinefigure.Maisunbrefregardàlarondeluirévélaqu'ilsetrouvaitdansuntoutautreendroit.Ilétaitallongésur
unlitconfortabletendudecouverturesmoelleusesdansunepetitechambrepropretteauxmursbleupâle.Desrideauxsombresmasquaientlafenêtre,maislafaiblelumièrequifiltraitautraversétaitsuffisantepourquesesyeuxdevampiredistinguentnettementlapièce.Untapisauxcouleursvivesrecouvraitlesoletunearmoireàglaceétaitadosséeàunmur.Unfauteuilavaitététiréprèsdulit.Simonrepoussasescouverturesetfitdeuxconstats:d'abord,qu'ilétaitencorevêtudujeanetdutee-
shirt qu'il portait en allant retrouver Jace à l'Institut. Ensuite, que la personne assise dans le fauteuilsomnolait,latêteappuyéesurlamain,seslongscheveuxnoirsretombantcommeunchâlefrangésursesépaules.
—Isabelle?
Telundiablesortantdesaboîte,ellerelevabrusquementlatêteetouvritlesyeux.—Ooooh,tuesréveillé!s'écria-t-elleenseredressant.QuelsoulagementpourJace!Onétaitpresque
sûrsquetufiniraisparmourir.—Hein?Pourquoi?Simonavaitlevertigeetsesentaitunpeunauséeux.Ilparcourutlapièceduregard,clignadesyeux.—Jesuisàl'Institut?Dèsl'instantoùcettequestioneutfranchiseslèvres,ilcompritquec'étaitimpossible,bienentendu.—Euh...Onestoù,là?
Lagênesepeignitsurlevisaged'Isabelle.—Attends,tuveuxdirequetuneterappellespassequis'estpassédanslejardin?D'ungestenerveux,elletirasurlebordencrochetdufauteuil.—LesDamnésnousontattaqués.Ilsétaienttrèsnombreux,etlabrumeinfernalenousempêchaitdeles
repousser.MagnusaouvertlePortail,etonseprécipitaittousdanssadirectionquandjet'aivucourirvers nous. Tu as trébuché... surMadeleine. Il y avait unDamné juste derrière toi ; apparemment, tul'avaispasvu,maisJace,si.Quandilt'arejoint,ilétaittroptard.LeDamnét'avaitdéjàpoignardé.Tuperdaisbeaucoupdesang.JaceatuéleDamné,puisilt'atraînéjusqu'auPortail,a-t-elleconclu.Elleparlaitàtouteallure,etavalaitlamoitiédesmots,sibienqueSimondevaitseconcentrerpourla
suivre.—Nous,onétaitdéjàdel'autrecôté,etlaisse-moitedire,toutlemondeaétésacrémentsurprisquand
Jaceadébarquéavectoiquisaignaispartoutsurlui.LeConsuln'étaitpascontentdutout.Simonavaitlabouchesèche.—LeDamném'apoignardé?Cela semblait impossible. Pourtant, il avait guéri après avoir eu la gorge tranchée par Valentin.
Cependant,ilauraitdûsesouvenir...Secouantlatête,ilbaissalesyeuxsursesvêtements.—Où?—Jevaistemontrer.Avantmêmequ'ilaitpuréagir,Isabelles'étaitassisesurlelitàcôtédeluietelleavaitposésesmains
froides sur son estomac.Elle releva son tee-shirt, dénudant une bandede peaupâle barrée d'une finebalafrerouge,àpeineunecicatrice.
—Là,reprit-elleenpassantlesdoigtsdessus.Çafaitmal?—N...non.LapremièrefoisqueSimonavaitvuIsabelle,ill'avaittrouvéesidébordantedevitalitéetd'énergie
qu'ilavaitcruavoirenfintrouvécellequiéclipseraitl'imagedeClary,laquellesemblaitenpermanenceimprimée derrière ses paupières. Quand il avait été transformé en rat par sa faute lors de la fêteorganiséeparMagnusBane,ilavaitcomprisqu'Isabelleétaitpeut-êtreunpeutroptoutfeutoutflammepourungarçonordinairecommelui.
—Onharcèlelevampirequandilesttropfaiblepoursedéfendre,Isa?lançaunevoixamuséedepuisleseuil.Jesuisàpeuprèssûrquetuviolesaumoinsl'undesAccords.Jace.Ilétaitentréàpasdeloup,sibienquemêmeSimonnel'avaitpasentendu.Refermantlaporte
derrièrelui,ilsourittandisqu'Isabellerabattaitletee-shirtdeSimon.— Je luimontrais juste l'endroitoù ilaétépoignardé,protesta-t-elleen regagnantsonfauteuilavec
précipitation.Qu'est-cequisepasse,enbas?Ilssontencoreentraindesedisputer?LesouriredeJacedisparut.— Maryseestalléeà laGardeavecPatrick.L'EnclavesiègeencemomentmêmeetMalachia jugé
préférablequ'elleviennes'expliquerenpersonne.
Malachi.Patrick.Garde.CesnomsétrangessebousculaientdanslatêtedeSimon.—S'expliqueràproposdequoi?IsabelleetJaceéchangèrentunregard.— Toi, répondit-il enfin. Ils veulent savoir pourquoi nous avons emmené un vampire avec nous à
Alicante,cequi,accessoirement,estcontraireàlaLoi.——Alicante?OnestàAlicante?LapaniquequisubmergeaSimonlaissabientôtplaceàunedouleurfulguranteaucreuxdesonventre;
ilsepliaendeux.—Simon!s'écriaIsabelle,affolée,entendantlamainverslui.Çanevapas?—Va-t'en,Isabelle,l'implora-t-ilensetenantl'estomac,lesyeuxtournésversJace.Fais-lapartir.Isabellerecula,l'airvexé.—C'estbon,jem'envais.Paslapeinedemelediredeuxfois.Et,selevantd'unbond,ellequittalapièceenclaquantlaportederrièreelle.LesyeuxambredeJace
neposèrentfroidementsurSimon.—Qu'est-cequisepasse?Jetecroyaisguéri.Simonlevalamainpourleteniràdistance.Ilavaitungoûtmétalliquedanslabouche.—Cen'estpasIsabelle,dit-ilentresesdents.Jenesuispasblessé,j'ai...j'aifaim.J'aiperdubeaucoup
desang,alors...j'aibesoindeleremplacer.— Biensûr,ditJace,dutondequelqu'unquivientd'êtreéclairésurundétailscientifiqueintéressant
quoiqu'unpeusuperflu.Sursonvisage,l'inquiétudelaissaplaceàunméprisamuséquimitSimonenfureur.S'iln'avaitpasété
aussiaffaibliparlasouffrance,ilseseraitjetésurlui.Ilsecontentaderépliquerdansunsouffle:—Vatefairevoir,Wayland.—Wayland,vraiment?Sanssedépartirdesonairnarquois,JacebaissalafermetureÉclairdesaveste.—Non!s'écriaSimonenreculant.Mêmeaffamé,jen'aipasl'intentiondereboiretonsang.Jacefitlagrimace.—Commesij'allaistelaisserfaire.Il sortit de la poche intérieurede savesteune flasque enverre àmoitié remplied'un liquide rouge
tirantsurlebrun.— J'aipenséqueçapourraitt'êtreutile.Danslacuisine,j'aipressédansmesdoigtsdelaviandecrue
pourenextrairelesang.Jen'aipastrouvémieux.SimonarrachalaflasqueàJace.LesmainsduvampiretremblaienttellementqueleChasseurd'Ombres
dutl'aideràdévisserlebouchondelabouteille.Leliquideàl'intérieurétaitinfect,tropclairettropsalépourêtreconsidérécommeduvraisang,avecunarrière-goûtdésagréablepropreauxviandesvieillesdequelquesjours.
—Berk!fitSimonaprèsquelquesgorgées.Dusangmort.Jacelevalessourcils.—C'esttoujourslecas,non?—Quandl'animalestmortdepuislongtemps,sonsungprendunmauvaisgoût.C'estmeilleurquandc'est
frais.—Maistun'asjamaisbudesangfrais...si?CefutautourdeSimondeleverlessourcils.—Euh...àpartlemien,évidemment,repritJace.Etjesuissûrqu'ilavaitungoûtfantastique.Simonreposalaflasquevidesurlebrasdufauteuilprèsdulit.
—Çanetournepasrondcheztoi,marmonna-t-il.Ilavaitencore legoûtdusangavariédans labouche,maisaumoins ladouleurs'étaitcalmée. Il se
sentaitragaillardi,commes'ilvenaitd'ingurgiterunremèdeauxeffetsimmédiatsouunedroguevitale.Ilsedemandasileshéroïnomaneséprouvaientlemêmesoulagement.
—AlorsjesuisàIdris.—ÀAlicante,pourêtreexact.Lacapitale.Laseuleville,àvraidire.Jaceallaàlafenêtreetécartalesrideaux.—LesPenhallownevoulaientpascroirequelesoleilnet'affectaitpas.Cesonteuxquiontposéces
rideaux.Maistudevraisvenirvoir.SimonselevadulitetrejoignitJaceàlafenêtre.Quelquesannéesplustôt,samèrelesavaitemmenés,sasœuretlui,enToscane:unesemainedeplats
depâtes trop riches, depain sans sel et depaysagesbrunispar l'automne.Samère accélérant sur lesroutesétroitesenlacet,manquantdepeuencastrerleurFiatdanslesmagnifiquesbâtimentsanciensqu'ilsétaientvenusvisiter.Ilserappelaits'êtrearrêtésurunecollinesurplombantunepetitevilledunomdeSanGimignano,auxmaisonsocreetauxtoursmajestueusesquisemblaientmonteràl'assautduciel.Silacitéquis'étendaitsoussesyeuxavaitdûluirappelerunendroit,ç'auraitétécelui-là.Maiselleavaitparailleursuncôtétellementétrangequ'elleneressemblaitàriendecequ'ilavaitvujusqu'ici.Lafenêtreparlaquelleilregardaitlavillesetrouvaitàl'étaged'unevastedemeure.Levantlesyeux,il
distinguaunavant-toitdepierreetlecielau-delà.Lamaisonétaitséparéed'unautrebâtimentmoinshautparuncanalétroitauxeauxsombresavecquelquespontsaménagésçàetlà;c'étaitdelàqueprovenaitleclapotisquil'avaitréveillé.Lademeuresemblaitbâtieàflancdecolline.Encontrebas,desmaisonsenpierredecouleurclaire,séparéespardesruellesétroites,s'agglutinaientaubordd'uncercledeverdure:des bois, cernés par des collines à l'horizon.Vuesd'ici, elles évoquaient de longuesbandesvertes etbrunesmouchetéesdecouleursautomnales.Au-delàs'élevaientdesmontagnesescarpéescouronnéesdeneige.Cependant, toutcelan'avait riend'étrange.Cequi l'était, en revanche,c'étaientceshautes tours,qui
semblaientavoirétéseméesparhasarddanslaville,lesquellesétaientterminéesparuneflècheconçuedansunmétalargentéquiréfléchissaitlalumière.Ellessemblaientpercerlecielcommeautantdedaguesétincelantes, et Simon se rendit compte qu'il avait déjà vu cematériau auparavant chez lesChasseursd'Ombres;c’étaitlemêmequ'ilsutilisaientpourfabriquerleslamesdeleurspoignardsséraphiques.—Cestoursserventàrepousserlesdémons,expliquaJaceenréponseàlaquestionmuettedeSimon.
Ellescontrôlentlesboucliersquiprotègentlaville.Grâceàelles, lesdémonsnepeuventpaspénétrerdansAlicante.L'airpuret froidquientraitpar la fenêtren'avait riendecommunavec l'atmosphère irrespirablede
NewYork : ilne transportait aucuneodeurd'ordures,de fumée,de feroudegens.Malgré lui,Simonaspira une grandebouffée avant de se tourner vers Jace : certaines habitudes humaines avaient la viedure.
— Dis-moiquemavenueicin'estqu'unaccident,lança-t-il.Dis-moiqueçanefaisaitpaspartied'unplandestinéàempêcherClarydevousaccompagner.Sansluiaccorderunregard,Jaceréprimaunsoupir.— D'accord,j'aicrééunearméedeDamnéspourqu'ilsattaquentl'InstitutettuentMadeleine,toutça
afinqueClaryresteàNewYork.Etmonplandiaboliqueamarchécommesurdesroulettes.—Oui,ilamarché,répliquacalmementSimon.— Écoute,vampire, leplan,c'étaitde tenirClaryéloignéed'Idris,pasde t'amener ici. Je t'ai traîné
jusqu'auPortailparceque,sijet'avaisabandonné,blesséetinconscient,lesDamnést'auraienttué.
—Tuauraispuresterenarrièreavecmoi...— Ils nous auraientmassacrés tous les deux.On ne pouvaitmême pas les compter avec la brume
infernale.Mêmemoi,jenesuispasdetailleàluttercontrecentDamnés.—Etpourtant,jepariequeçatecoûtedel'admettre.—Tuesuncrétin,ditJaced'untonégal.MêmepouruneCréatureObscure.Jet'aisauvélavieet,pour
ça,j'aidûenfreindrelaLoi.Cen'estpaslapremièrefois,d'ailleurs.Tupourraistemontrerunpeuplusreconnaissant.
—Reconnaissant?répétaSimonenserrantlespoings.Situnem'avaispasforcéàveniràl'Institut,jeneseraispasici.Jen'étaispasd'accorddepuisledébut.
—Tum'asbienditquetuferaisn'importequoipourClary.Çafaitpartieducontrat.AvantqueSimonaitpurétorquer,onfrappaàlaporte.—Ohé?fitIsabelledel'autrecôtédubattant.Simon,tuasfinitacomédie?IlfautquejeparleàJace.—Entre,Isa,criacelui-cisansquitterSimondesyeux.IlavaitdansleregardunelueurdedéfiquidonnaitàSimondesenviesdemeurtre.Isabelleentradans
untourbillondecheveuxnoirsetdevolantsargentés.Lehautblanccorsetéqu'elleportaitdénudaitsesbrasetsesépaulescouvertsderunes.Simonsupposaitquec'étaitunchangementagréablepourelledepouvoirmontrersesMarquesaugrandjour,dansunendroitoùellesn'attireraientpasl'attention.
— Alecs'envaà laGarde,annonça-t-elle sanspréambule.Avantdepartir, ilvoudrait teparlerdeSimon.Tupeuxdescendre?Jacesedirigeaverslaporte.S'apercevantqueSimonlesuivait,illuijetaunregardnoir.—Toi,turestesici.—Non.Sivousdevezparlerdemoi,jeveuxêtrelà.Pendantquelquesinstants,SimoncrutqueJaceallaitperdresonsang-froid.Sonvisages'empourpra,il
ouvrit la bouche pour protester, les yeux étincelants.Mais, au prix d'un effortmanifeste, il parvint àmaîtrisersacolère,serralesdentsetsourit.
—Commetuvoudras.Suis-moi,vampire.Jevaisleprésentertoutelapetitefamille.
LapremièrefoisqueClaryavaitvoyagéparlebiaisd'unPortail,elleavaiteul'impressiondevoler,
dedégringolerdanslevide.Cettefois,illuisemblaqu'onl'avaitprécipitéeaucœurd'unetornade.UneviolentebourrasqueluifitlâcherlamaindeLuketandisqu'uncris'étranglaitdanssagorge.Ellesesentitaspiréeparuntourbillonnoiretor.Une surface plate, dure et scintillante comme un miroir surgit devant elle. Elle plongea dans sa
directionensecouvrantlevisagedesesmains.Aprèsavoirtraversélasurfacedumiroir,elles'enfonçadans d'épaisses ténèbres bleutées. Privée d'air, elle suffoqua tandis qu'une torpeur glacée s'emparaitd'elle...Soudain,ellesentitqu'onl'agrippaitpar lecoldesonmanteauetqu'onlatiraitverslasurface.Elle
battitfaiblementdespiedsmaisn'eutpaslaforcedesedégager.L'obscuritéindigoautourd'elleviraaubleupâle,puisaudoré,tandisqu'elleémergeaitàlasurfacedulac-carils'agissaitbiend'unlac-pouraspirerunegrandeboufféed'air.Dumoins,elleessayamaiss'étrangla,etdestachesnoiresobstruèrentsavue;quelquechosel'entraînaverslefondàtoutealluretandisquedesalguess'enroulaientautourdesesbrasetdesesjambes.Ellesedébattitpourselibéreretentrevit,pendantunefractiondesecondsterrible,une créature mi-homme mi-loup aux oreilles pointues comme des dagues et aux babines retrousséedécouvrantdescrocsd'uneblancheuréclatante.Ellevoulutcrieretavalaunegorgéed'eausale.
Quelques instantsplus tard, elle sentitqu'on la sortaitde l'eauetqu'on la traînait sur laberge.Desmainslaplaquèrentsurlesol,facecontreterre,etluicomprimèrentledosjusqu'àcequ'elleaitexpulséunjetd'eausaumâtre.Elle toussait encorequandLuke la retourna.Sasilhouette sedétachait suruncielbleumouchetéde
nuages blancs. L'expression douce qui le caractérisait d'ordinaire avait disparu ; s'il n'avait plus sonapparence de loup, il semblait furieux. Il la fit asseoir et la secoua brutalement jusqu'à ce qu'elle sedécideàlerepousserfaiblementavecunhoquetdestupeur.
—Luke!Arrête!Tumefaismal...Il lâchasesépaules, luiprit lementond'unemainpour la forcerà lever la têteetplantasonregard
danslesien.—Tuasrecrachétoutel'eau?—Jecrois,répondit-elledansunsouffle.—Oùesttastèle?Commeellehésitait,ilrepritd'untonsévère:—Clary.Tastèle.Trouve-la.Sedétachantdelui,ellefouillasespochestrempéespuisleregarda,lamortdansl'âme.—Jecroisquejel'aiperduedanslelac,gémit-elleenreniflant.La...lastèledemaman...—Bonsang,Clary.Luke se leva en se tenant la tête à deux mains. Lui aussi dégoulinait de la tête aux pieds ; l'eau
ruisselait de son jean et de sa grosse veste en flanelle. Ses lunettes, d'habitude perchées sur son nez,devaientêtrerestéesaufonddulac,ellesaussi.IlconsidéraClaryd'unairsombre.
—Tuvasbien,c'estl'essentiel.Enfin,pourl'instant.Tutesensbien,n'est-cepas?Ellehochalatête.—Luke,qu'est-cequinevapas?Pourquoituasbesoindemastèle?Sans répondre, il jeta un coup d'œil autour de lui comme s'il cherchait de l'aide. Clary suivit son
regard.Ilssetrouvaientsurlaberged'ungrandlacauxeauxbleupâlequiscintillaientsouslesoleil.Ellesedemandasic'étaitlàl'originedelalumièredoréequ'elleavaitvueàtraverslePortailentrouvert.Lelacn'avaitplusriendesinistremaintenantqu'ellesetrouvaitsurlaterreferme.Toutautours'élevaientdescollinesverdoyantesplantéesd'arbresdontlefeuillagecommençaitàseteinterd'oretdebrun.Au-delàsedressaientdehautesmontagnesausommetenneigé.Claryfrissonna.—Luke,quandonétaitdansl'eau...tut'estransforméenloup?J'aicruvoir...—Leloupnagemieuxquel'homme,répondit-il,laconique.Etilestpluscostaud.J'aidûteporterdans
l'eau,ettunem'aspasétéd'ungrandsecours.—Jesais,désolée.Tu...tun'étaispascenséveniravecmoi.— Sansmoi, tuseraismorte.Magnusapourtantétéclair.Tunepeuxpas teservird'unPortailpour
pénétrerdanslaCitédeVerreàmoinsquequelqu'unnet'attendedel'autrecôté.—IladitquelaLoil'interdisait.Iln'apaspréciséque,sij'essayaisd'allerlà-bas,jeseraisparachutée
àdeskilomètres.—Ilt'aexpliquéqu'ilyadesbouclierstoutautourdelavillequiempêchentdesetéléporter.Cen'est
passafautesituasdécidédefairejoujouavecdespouvoirsquitedépassent.Lefaitquetudétiennesundonnesignifiepaspourautantquetusachest'enservir.
—Jesuisdésolée,ditClaryd'unepetitevoix.Qu'est-cequec'estquecetendroit?—LelacLyn.Amonavis,lePortailnousatransportésaussiprèsquepossibledelaville.Onestdans
lesenvironsd'Alicante.
Ilregardaautourdeluietsecoualatête.—Tuasréussi,Clary.NoussommesàIdris.— Idris ? répéta-t-elle en fixant le lac d'un air hébété.Mais... tu viens de dire qu'on était dans les
environsd'Alicante.Jenevoisaucunemaison.— Onestàplusieurskilomètres.Tuvoiscescollinesauloin?Lavilleestdel'autrecôté.Envoiture,
onmettraituneheure,maisonvadevoirmarcher,etçanousprendrasansdoutetoutl'après-midi.Lukescrutaleciel.—Onferaitmieuxdesemettreenroute.Clarys'examinad'unairdésemparé.Laperspectivedemarcherunejournéeentièredansdesvêtements
mouillésnel'enchantaitguère.—Iln'yapasd'autresolution?—Tuasdessuggestions,Clary?répliquaLuke,lavoixvibrantedecolère.Aprèstout,c'esttoiquinous
asconduitsjusqu'ici.Ilmontradudoigtl'horizon.— Là-bas,desmontagnes.Onnepeutlesfranchirqu'enpleinété.Onseraitmortsdefroidavantd'en
avoiratteintlesommet.Ilsetournapourindiqueruneautredirection.— Parlà,deskilomètresdeforêtquis'étendentjusqu'àlafrontière.Cescontréesnesontpashabitées,
dumoinspasparleshumains.Au-delàd'Alicante,ilyadesterrescultivéesetdesmaisonsdecampagne.Onarriverapeut-être àquitter Idris,maisdans tous les cas, ondevra traverser laville.Uneville, aupassage,oùlesCréaturesObscuresnesontpasvraimentlesbienvenues.Claryledévisageabouchebée.—Luke,jenesavaispas...— Bien sûr que tu ne savais pas. Tu ignores tout d'Idris. D'ailleurs, ça ne t'intéresse pas. Ça te
contrariait qu'on t'ait laissée en plan, voilà tout, alors, comme un petit enfant, tu as fait ta crise. Etmaintenant,onestlà,perdus,mortsdefroidet...Ils'interrompit,levisagefermé.—Viens.Enroute.Claryluiemboîtalepasdansunsilencecontrit.Alorsqu'ellemarchait,lesoleilséchaitsapeauetses
cheveux,maissonmanteauenveloursétaitgorgéd'eaucommeuneéponge.Ilpesaitsurelletelunrideaudeplombtandisqu'elletrébuchaitsurlespierresetdanslabouepoursuivrelesgrandesenjambéesdeLuke. Après quelques tentatives pour engager la conversation, elle renonça. Il s'obstinait à ne pasrépondre. Jusqu'alors, elle n'avait jamais commis de faute qui ne puisse être rachetée par une excuse.Cettefois,apparemment,c'étaitdifférent.A mesure qu'ils progressaient, le relief était de plus en plus accidenté, avec des points d'ombre
semblablesàdestachesdepeinturenoire.Enyregardantdeplusprès,Clarys'aperçutquec'étaientdescavernescreuséesdanslaroche.Certaines, trèsprofondesenapparence,seperdaientdansl'obscurité.Elle se figura des chauves-souris ainsi que toutes sortes de créatures effrayantes terrées dans lesténèbres,etfrémit.Enfin,aprèsavoircheminésurunsentierétroitserpentantentrelescollines,ilsdébouchèrentsurune
large route bordée de cailloux. Le lac miroitant dans le lointain avait pris une teinte indigo dans lalumière déclinante de l'après-midi. La route traversait une plaine herbeuse puis se perdait dans lescollinesàl'horizon.Clarysentitsoncouragel'abandonner:lavillen'étaittoujourspasenvue.Lukescrutalescollines,laminesombre.—Onestplusloinquecequejecroyais.Çafaitsilongtemps...
—Peut-êtrequ'enprenantuneautreroute,onpourraitfairedustopou...—Clary.Iln'yapasdevoituresàIdris.Devantl'airébahidesoninterlocutrice,Lukepartitd'unrireamer.— Les boucliers détraquent les machines. La technologie moderne - les téléphones portables, les
ordinateurs-nemarchepasici.Alicantes'éclaireprincipalementgrâceàlalumièredesort.—Oh,fitClaryd'unepetitevoix.Et...onestàquelledistancedelaville,àpeuprès?—Ilnousresteencoreduchemin.Sanslaregarder,Lukesepassalamaindanslescheveuxd'ungestenerveux.—Ilyaquelquechosequetudoissavoir.Claryseraidit.Si,unpeuplustôt,elleauraitdonnén'importequoipourqueLukeluiadresselaparole,
maintenantellepréféraitqu'ilsetaise.—Laissetomber...—Tuasremarquéqu'iln'yavaitnibateauxnipontonssurlelacLyn...bref,rienquipuissesuggérerque
leshabitantsd'Idrisfréquententlesparages?—Jemesuissimplementditqu'ilétaittroploindetout.—Pas si loin que ça. C'est à quelques heures demarche d'Alicante. Le fait est que ce lac... (Luke
poussaunsoupir.)Tun'asjamaisremarquélemotifquiornelesoldelabibliothèqueàl'InstitutdeNewYork?Clarycilla.—Si,maisjen'aipascompriscequ'ilreprésentait.—C'estunangeémergeantdeseauxdulacavecunecoupedansunemainetuneépéedansl'autre.C'est
uneimagerécurrentechezlesNephilim.D'aprèslalégende,l'angeRaziel,sortantdulacLyn,estapparuàJonathanShadowhunter,lepremierChasseurd'Ombres,pourluiremettrelesInstrumentMortels.Depuislors,celacestenquelquesorte...
—Sacré?suggéraClary.— Maudit.LeseauxdulacsontnocivespourlesChasseursd'Ombres.Enrevanche,ellesn'ontaucun
effetsurlesCréaturesObscures.LePetitPeuplel'appelleleMiroirdesRêvesetboitsoneaucarelledonneraitdesvisions.MaispourunChasseurd'Ombres,absorber l'eaudu lacest trèsdangereux.Ellecausedesfièvres,deshallucinations,etpeutmêmerendrefou.Clarysentittoutsoncorpsseglacer.—Jecomprendsmieuxpourquoituasautantinsistépourquejelarecrache.Lukehochalatête.— Et pour que tu retrouves ta stèle.Avec une rune de guérison, on aurait pu dissiper les effets de
l'eau.Sanselle,onvadevoirt'emmeneraussivitequepossibleàAlicante.Ilexistedesremèdesetdesherbesàmêmedetesoigner,etjeconnaisquelqu'unquienasûrementensapossession.
—LesLightwood?—Non,quelqu'und'autre.—Qui?Lukesecoualatête.—J'espèrejustequecettepersonnen'apasdéménagéaucoursdesquinzedernièresannées.— Mais jecroyais t'avoirentendudireque lesCréaturesObscuresn'avaientpas ledroitdepénétrer
dansAlicantesanspermission.Lesourirequ'il luiadressa lui rappela leLukedesonenfance,qui l'avait rattrapéequandelleétait
tombéedelacageàpoulesdansleparc,celui-làmêmequil'avaittoujoursprotégée.—Certainesrèglessontfaitespourêtredétournées.
Lamaison des Penhallow rappelait l'Institut à Simon : elle semblait elle aussi provenir d'un autre
siècle.Lescouloirsetlacaged'escalier,toutenboissombresetenpierre,étaienttrèsétroits;leshautesfenêtres offraient une vue imprenable sur la ville. La décoration était manifestement d'inspirationasiatique:unshojisedressaitsurleseuildupremierétage,etdegrandsvasesenlaqueornésdemotifsfloraux étaient posés sur les rebords des fenêtres. Sur les murs, des sérigraphies représentaient desscènes de la mythologie des Chasseurs d'Ombres avec une touche d’orientalisme : on y voyait desseigneurs de guerre brandissant des poignards séraphiques scintillants, des créatures coloréessemblablesàdesdragonsetdesdémonsauxyeuxrondscommedesbilles.
—MmePenhallow-Jia-dirigel'InstitutdePékin.EllepartagesontempsentreicietlaCitéinterdite,expliquaIsabellecommeSimons'arrêtaitpourexamineruntableau.LesPenhallowsontunefamilletrèsancienne.Ettrèsriche.
— Jem'enétaisaperçu,marmonna-t-ilen levant lesyeuxvers les lustreschargésdependeloquesencristalpareillesàdegrosseslarmes.
Derrièreeux,Jacepoussaungrognement.—Bougez-vous.Onn'estpaslàpourfairedutourisme.Simonenvisageaderépliquerpuisdécidaqueçan'envalaitpaslapeine.Ildescendità touteallure
l'escalierquidébouchaitsurunevastepiècemêlantdemanièreinsolitelemoderneetl'ancien:unebaievitréedonnaitsurlecanal,etdelamusiquesedéversaitd'unechaînestéréoqueSimonneparvintpasàrepérer.Enrevanche,iln'yavaitnitélévision,niDVD,niCD,outoutautreobjetqueSimonassociaitavec un salon moderne. Des canapés moelleux étaient rassemblés autour d'une vaste cheminée danslaquelleunfeucrépitait.Deboutprèsdel'âtre,Alec,entenuedeChasseurd'Ombres,enfilaitunepairedegants.Illevalesyeux
aumomentoùSimonentraitdanslapièce,etfronçalessourcilscommeàsonhabitude,maisnefîtaucuncommentaire.Deuxadolescents,ungarçonetunefillequeSimonn'avaitjamaisrencontrésauparavant,étaientassis
surlescanapés.Lafilleavaitunairasiatique,desyeuxenamande,descheveuxnoirsbrillantstirésenarrière,uneexpressionmalicieuse,etunpetitmentonpointudechat.Siellen'étaitpasd'unebeautéàcouperlesouffle,elleattiraitimmédiatementleregard.Legarçon aux cheveuxnoirs assis à côté d'elle était, lui, exceptionnellement beau. Ilmesurait sans
doutelamêmetaillequeJacetoutenparaissantplusgrand,mêmeassis.Ilétaitsvelteetmusclé,avecunvisagepâle,aristocratique,trèsmobile,despommettessaillantesetdesyeuxnoirs.Ildégageaitquelquechosedecurieusementfamilier,etSimonavaitlavagueimpressiondel'avoirdéjàrencontré.Lafilleparlalapremière.—C'estlevampire?ElledévisageaSimondelatêteauxpiedscommepourprendresesmesures.—Jamaisjen'enavaisvud'aussiprès...Enfin,saufceuxquej'avaisprévudetuer,évidemment.Ellepenchalatêtedecôté.—Ilestmignon,pouruneCréatureObscure.—Excuse-la,ellealevisaged'unangeetlesmanièresd'unMoloch,déclaralegarçonensouriant.PuisilselevaettenditlamainàSimon.—Jem'appelleSébastienVerlacetvoicimacousine,AlinePenhallow.Aline...— Jeneserrepaslamainàunvampire,lâcha-t-elleenseradossantauxcoussinsducanapé.Ilsn'ont
pas4d’âme,tulesaisbien.LesouriredeSébastiensefigea.—Aline...—C'estlavérité.C'estpourcetteraisonqu'ilsn'ontpasderefletetqu'ilsnepeuventpassortirlejour.Simonreculaostensiblementdanslaflaquedelumièredevantlafenêtre.Lesoleilquiluichauffaitle
dos projetait une ombre bien nette sur le sol, qui s'étirait jusqu'aux pieds de Jace. Aline poussa uneexclamationdesurprisemaissegardade faire lemoindrecommentaire.Ce futSébastienquiparlaenposantsurSimonunregardintrigué.
—C'estdoncvrai?LesLightwoodm'enontparlé,maisjene...— Tunenousaspascrus?l'interrompitJace,prenantlaparolepourlapremièrefoisdepuisl'arrivée
deSimon.Onn'auraitjamaisinventéunechosepareille.Simonest...uniqueensongenre.—Unefois,jel'aiembrassé,renchéritIsabellesanss'adresseràquelqu'unenparticulier.Alinelevalessourcils.— IlsvouslaissentvraimentfairecequivouschanteàNewYork,ondirait,lança-t-elled'unairmi-
horrifiémi-envieux.Ladernièrefoisquejet'aivue,Isa,tun'auraismêmepasenvisagéunesecondede...—Ladernièrefoisquetul'asvue,elleavaithuitans,intervintAlec.Leschoseschangent.Bon,maman
adûpartirencatastrophe,doncquelqu'undevrarendresonrapportàsaplace.Étantleseulàavoirdix-huitans,jesuisaussileseulàpouvoiryallerpendantquel'Enclaveestenréunion.
—Onlesaura,répliquaIsabelleenselaissanttomberdansunfauteuil.Tunousl'asdéjàditcinqfois.Alec,tropoccupéàsedonnerdesairsimportants,ignoralaremarquedesasœur.— Jace,commec'esttoiquiasamenélevampireici,tuenesresponsable.Nelelaissepasmettreun
pieddehors.«Levampire»,songeaSimonavecamertume.Unjour,ilavaitsauvélavied'Alec,etpourtantillui
donnait du « vampire ». Même de la part d'Alec, qui était sujet à des accès de mauvaise humeurinexplicables, c'était odieux. Peut-être que son attitude avait quelque chose à voir avec le fait qu'ilssoient à Idris. Alec avait probablement besoin d'affirmer encore davantage son statut de Chasseurd'Ombres.
—C'estpourçaque tum'as faitdescendre?«Ne le laissepasmettreunpieddehors»?Çanemeseraitpusvenuàl'idée,detoutefaçon.Jaces'affalasurlecanapéàcôtéd'Aline,quisemblaravie.—Tu feraismieux de te dépêcher de rentrer de laGarde.Dieu sait quels actes de débauche on est
capablesdecommettresanstaprésencepournousguider.AlecconsidéraJaced'unaircalmeetsupérieur.—Jecomptesurtoipourmaintenirl'ordre.Jeseraideretourdansunedemi-heure.Ildisparutdansunlongcouloirpuis,quelquesinstantsplustard,leclaquementd'uneporterésonnaau
loin.—Arrêtedeletourmenter,lançaIsabelleenjetantàJaceunregardsévère.C'estluiquidoitrendre
descomptes.Simon ne put s'empêcher de remarquer qu'Aline était assise tout près de Jace. Leurs épaules se
touchaientpresquebienqu'ilyeûtbeaucoupdeplacesurlecanapé.—Çane t'a jamais effleuréque, dansunevie antérieure,Alec ait été unevieille harpie entouréede
chats qui passait son temps à houspiller les enfants du voisinage dès qu'ils posaient un pied sur sapelouse?répliqua-t-il.Alinegloussa.—Toutçaparcequ'ilestleseulenâged'entrerdanslaGarde...
—C'estquoi,laGarde?s'enquitSimon,lasdenepascomprendredequoiilsparlaient.Jaceluijetaunregardhostile;samainseposasurcelled'Aline,quiétaitplaquéesursacuisse.—Assieds-toi,dit-ilenindiquantunfauteuild'unsignedetête.Amoinsquetun'aiesl'intentiondete
suspendreauplafondcommeunechauve-souris?«Super.Deschauves-souris,maintenant.»Malàl'aise,Simons'exécuta.—LaGardeestlelieuderéunionofficieldel'Enclave,réponditSébastien,quis'étaitvisiblementpris
depitiépourSimon.C'estlàqu'onlégifère.C'estaussilelieuderésidenceduConsuletdel'Inquisiteur.SeulslesChasseursd'Ombresayantatteintl'âgeadultesontautorisésàypénétrerlorsquel'Enclaveestenréunion.
—Enréunion?répétaSimon,sesouvenantdecequ'avaitditJaceavantdedescendre.Ce...cen'estpasàcausedemoi?Sébastienrit.—Non.ToutlemondeestlàpourparlerdeValentinetdesInstrumentsMortels.Ilsessaientdesavoir
cequ'iladerrièrelatête.Jacegardalesilence,maisenentendantlenomdeValentin,ilseraidît.—Eh bien, il va se mettre en quête duMiroir, non ? déclara Simon. Le troisième des Instruments
Mortels.IlestàIdris?C'estpourçaquetoutlemondeestici?Ilyeutunbrefsilence,puisIsabellerépondit:—Leproblème,c'estquepersonnenesaitoùsetrouveleMiroir.Enfait,personnenesaitdequoiil
s'agit.—C’estunmiroir.Tusais,unpanneaudeverreréfléchissant.Enfin,jesuppose.—Cequ’Isabelleessaiedet'expliquer,ditSébastiend'untonaffable,c'estquenousignoronstoutdece
Miroir. Il est souventmentionnédans les récits desChasseursd'Ombres,maisonne sait pasoù il setrouve,nidequoiilal'airni,surtout,enquoiconsistesonpouvoir.
—OnprésumequeValentinestàsarecherche,poursuivitIsabelle,maisçanenousaidepasbeaucouppuisque nous ne savons pas où il est.LesFrèresSilencieux auraient peut-être pu nousmettre sur unepiste,maisValentinlesatoustués.Iln'yenaurapasd’autresavantlongtemps.—Ilssonttousmorts?s'exclamaSimon,surpris.Jecroyaisqu'iln'avaittuéqueceuxdeNewYork.La Cité des Os ne se trouve pas réellement à NewYork. C'est un peu comme... tu te souviens de
l'entréedelaCourdesLumièresàCentralPark?ÇanesignifiepaspourautantquelaCoursoitsousleparc.C'estpareilaveclaCitédesOs.IlexisteplusieursentréesmaislaCitéelle-même...Isabelles'interrompitcommeAlineluifaisaitdiscrètementsignedesetaire.Simondévisageatourà
tour les personnes présentes : toutes affichaient la même méfiance, car elles venaient de prendreconsciencequ'ellesétaientàdeuxdoigtsderévélerlessecretsdesNephilimàuneCréatureObscure.Unvampire.S'iln'étaitpasàproprementparlerunennemi,iln'étaitsûrementpasdignedeconfiance.Alinefutlapremièreàromprelesilence.PosantsesbeauxyeuxsurSimon,ellelança:—Alors...commentc'est,d'êtreunvampire?—Aline!s'écriaIsabelle,consternée.Cen'estpasunequestionàposer!—Pourquoi?Iln'estpasvampiredepuistrèslongtemps,n'est-cepas?Ildoitdoncserappelerceque
c'estd'êtrehumain.EllesetournadenouveauversSimon.— Est-cequelesangalemêmegoûtpourtoi,désormais?Ouilaunesaveurdifférentecomme…du
jusd'orange,parexemple?Moi,j'auraistendanceàpenserque...—Ç'alegoûtdupoulet,réponditSimondansl'espoirdelafairetaire.—Ahbon?fit-elle,ébahie.
—Ilsemoquedetoi,Aline,intervintSébastien.Etilabienraison.Jetedemandeencorepardonpourmacousine,Simon.Ceuxd'entrenousquiontétéélevéshorsd'IdrissontengénéralplusfamiliersdesCréaturesObscures.
—MaistuasgrandiàIdris,non?s'étonnaIsabelle.Jecroyaisquetesparents...—Isabelle!l'interrompitJace.Troptard.LevisagedeSébastiens'assombrit.— Mes parents sont morts. Une attaque de démons, près de Calais... Ce n'est rien, c'était il y a
longtemps.Ilbalayad'ungestelesexcusesmaladroitesd'Isabelle.—Matante-lasœurdemonpère-m'aélevéàl'InstitutdeParis.—Alorstuparlesfrançais?Isabellepoussaunsoupir.—J'aimeraistellementconnaîtreuneautrelangue!MaisHodgen'ajamaisjugéutiledenousenseigner
autrechosequelegrecancienetlelatin,quepluspersonneneparle.— Je parle aussi le russe et l'italien. Et quelques mots de roumain, déclara Sébastien en souriant
humblement.Jepourraist'apprendre...—Leroumain?Impressionnant,lâchaJace.Cen’estpasunelanguetrèsusitée.—Tuleparles,toi?demandaSébastienavecintérêt.—Oh! sipeu, répliquaJace,unsouriredésarmantaux lèvres,etSimoncompritqu'ilmentait.Mon
roumain se limite àquelquesphrasesutilesdu type : «Est-ceque ces serpents sontvenimeux?»Ouencore:«Maisvoussemblezbienjeunepourêtreofficierdepolice.»Sébastienneparutpasgoûterlaplaisanterie.Simonluitrouvaunairbizarre.Cen'étaitqu'unevague
impression,maisilluisemblaqueSébastiencachaitquelquechosederrièresoncalmeapparent.—J'aimevoyager,dit-ilsansquitterJacedesyeux.Maisc'estbond'êtrederetour,n'est-cepas?Jace,toutoccupéàjoueraveclesdoigtsd'Aline,marquaunepauseavantdedemander:—Qu'est-cequetuveuxdire?—Seulementquerienn'égaleIdris,mêmesinousautres,Nephilim,nousapprenonstantbienquemalà
nousacclimaterailleurs.Tun'espasd'accord?—Pourquoitumeposescettequestion?rétorquaJaced'untonglacial.Sébastienhaussalesépaules.—Ehbien,tuasgrandiici,non?Ettun'étaispasrevenudepuisdesannées,sijenem'abuse?—Tuasbiencompris,intervintIsabelle,quimontraitdessignesd'impatience.Jaceaimeprétendreque
personneneparledelui,alorsqu'ilsaitbienquec'esttoutlecontraire.—Pourjaser,onjase.JacejetaunregardnoiràSébastien,maiscelui-cineparutpass'enémouvoir.Simonneputs'empêcher
d'éprouverunecertaineestimepourleChasseurd'Ombresauxcheveuxnoirs.Ilétaitrarederencontrerquelqu'unquiresteinsensibleauxrailleriesdeJace.
—Cesdernierstemps,àIdris,onneparlequedetoi,desInstrumentsMortels,detonpère,detasœur...reprit-il.
— Apropos,Clarissaétaitcenséevousaccompagner,n'est-cepas?renchéritAline.J'étaisimpatientedelarencontrer.Ques'est-ilpassé?SilevisagedeJacedemeuraimpassible,illâchalàmaind'Alineetserralepoing.—Ellen'apasvouluquitterNewYork.Samèreestàl'hôpital.«Ilneditjamais"notremère".C'esttoujours"sa"»,songeaSimon.—C'estbizarre,observaIsabelle.Jecroyaisvraimentqu'elletenaitàvenir.
—Etc'estlecas!s'exclamaSimon.Enfait...Jaceselevad'unbond.—Maintenantquej'ypense,ilfautquejem'entretienneavecSimonenprivé.D'unsignedetête, il indiqualaporteàdoublebattantsituéeà l'autreboutdelapièce,unelueurde
défiedansleregard.— Suis-moi,vampire,dit-il,etSimoneut lanette impressionqu'unrefusdesapartsesolderaitsans
douteparunedémonstrationdeviolence.Allonsparlerunpeu.
3.Amatis
ENFIND'APRÈS-MIDI,LukeetClaryavaientlaissélelacderrièreeuxetmarchaientd'unbonpassuruneplaine envahie par les herbes hautes qui semblait ne jamais finir. Çà et là émergeait une collinesurmontéederochersnoirs.Claryétaitépuisée,etsesbottesglissaientsurl'herbemouilléecommesielleprogressait sur dumarbre enduit de graisse.Quand ils eurent quitté la plaine pour un petit sentier deterre,elleavaitlesmainsensangàforcedetomber.Lukemarchaitdevantelleàgrandesenjambées.Detempsàautre,ilcommentaitunélémentdupaysage
digned'intérêtavecunevoixd'outre-tombe,telleguidetouristiqueleplusdéprimédumonde.—OnvientdetraverserlaplainedeBrocelinde,lança-t-il.Ilsatteignaientàprésentlesommetd'unecollinesurplombantuneépaisseforêts'étirantversl'ouest,à
l'endroitoùlesoleilbaissait.—Etvoicilaforêt.Autrefois,lesboisrecouvraientlamajoritédesbassesterresdupays.Laplupartont
été rasés afin d'aménager des voies de communication vers la cité, et par la même occasion de sedébarrasser desmeutes de loups et autres nids de vampires qui y vivaient. La forêt deBrocelinde atoujoursétéunrefugepourlesCréaturesObscures.Ils cheminèrenten silence sur la routequi longeait la forêt surplusieurskilomètres.Aundétourdu
chemin,lesarbressemblèrentseraréfier,etunecollinesedressadevanteux.Parvenuedel'autrecôté,Clary cligna des yeux : àmoins qu'elle n'ait la berlue, c'étaient bien des habitations qu'elle voyait encontrebas.Desdizainesdemaisonnettesblanchesproprementalignées.
—Onestarrivés!s'exclama-t-elle.Elles'élançaets'arrêtaauboutdequelquesmètres,s'apercevantqueLukeétaitrestéenarrière.Ellese
retournaetlevitquisecouaitlatête,plantéaumilieudelaroutepoussiéreuse.—Non,marmonna-t-ilenvenantàsarencontre.Cen'estpaslaville.—Alorsc'estunvillage?Tum'avaispourtantditqu'iln'yavaitpasd'habitationsdanslesparages...—C'estuncimetière.TucroyaisquelaCitédesOsétaitleseullieuderecueillementquenousayons?
C'est la nécropole, reprit-il avec tristesse, l'endroit où nous enterrons ceux quimeurent à Idris. Il vafalloirlatraverserpouratteindreAlicante.Clary n'était pas allé dans un cimetière depuis la nuit où Simon était mort, et ce souvenir la fit
frissonnertandisqu'elleparcouraitlesalléesétroitesquisedéroulaientcommedurubanblancparmilesmausolées.L'endroitétaitbienentretenu:lemarbreluisaitcommes'ilvenaitd'êtrelustré,etl'herbeétaitfraîchement coupée. Des bouquets de fleurs blanches avaient été déposés sur les tombes : elle crutd'abord qu'il s'agissait de lis mais elles dégageaient une odeur inconnue, épicée, et elle en conclutqu'ellesdevaientêtreoriginairesd'Idris.Chaque tombeauévoquaitunepetitemaisondont l'entréeétaitparfoisprotégéeparunegrilleenferforgé.LesnomsdesfamillesdeChasseursd'Ombresétaientgravésau-dessusdesportes.Cartwright.Merryweather.Hightower.Blackwell.Midwinter.L’und'eux l'arrêta:Herondale.
—C'estlenomdel'Inquisitrice,dit-elleensetournantversLuke.—Oui,c'estletombeaudesafamille.Regarde.A côté de la porte, des noms étaient gravés dans le marbre gris : Marcus Herondale. Stephen
Herondale.Lesdeuxhommesétaientmortslamêmeannée.Claryavaitbeauhaïrl'Inquisitrice,elleneputs'empêcherd'éprouverde lacompassionpourcettefemme.Perdresonmarietsonfilsdansunlapsdetempsaussibref...SouslenomdeStephenfiguraienttroismotsdelatin:AVEATQUEVALE.
—Qu'est-cequeçasignifie?— « Salut, et porte-toi bien. » C'est extrait d'un poème de Catulle. Ce sont les mots d'adieu que
prononcent lesNephilim à un enterrement ou lors d'un décès sur un champde bataille.Allez, viens...Mieuxvautnepastraînerici,Clary.Lukelapritparl'épauleetl'entraînaloindutombeau.«Peut-êtrequ'ilaraison»,songea-t-elle.Mieuxvalaitnepastroppenseràlamortencemomentmême.
Ellerestasursesgardestandisqu'ilssedirigeaientverslasortiedelanécropole.Ilsapprochaientdelagrilleenferquandellerepéraunmausoléepluspetitquelesautresquisedétachaittelunchampignonblancsurl'ombred'unchênefeuillu.Lenomfigurantau-dessusdelaporteluisautaauvisagecommes'ilfinitinscritenlettresdefeu.Fairchild.»Clary...Lukeessayadelarattraperparlebrasmaiselles’étaitdéjàéloignéeencourant.Avecunsoupir,illa
suivit sous l'arbre. Immobile, elle lut lesnomsde sesparents-parents et de ses arrière-grands-parentsqu'ellen’avaitjamaisconnus.AloysiusFairchild.AdeleFairchildnéeNightshade.GranvilleFairchild.Etjusteendessous:JocelyneMorgensternnéeFairchild.Unfrissonluiparcourutlecorps.Voirlenomdesamèreravivaitlecauchemarqu'ellefaisaitparfois:
elleassistaitàsonenterrementetpersonnenevoulaitluiexpliquercommentelleétaitmorte.—Maiselleesttoujoursenvie!s'exclama-t-elleenlevantlesyeuxversLuke.Ellen'estpas...—L'Enclaven'ensavaitrienàcetteépoque,répondit-ilavecdouceur.Clarypoussaunsoupir.Ellen'entendaitplusLukeetnelevoyaitplus.Unecollinesedressaitdevant
elle ;des tombesémergeaientdela terre telsdeséclatsd'os.Sur l'uned'elles,elle lut, tracéenlettresinégales sur la pierre noire : Clarissa Morgenstern, 1991-2007. Sous l'épitaphe, un dessin grossierd'enfantreprésentaituncrâneauxorbitesbéantes.Claryreculadansuncri.Lukelaretintparlesépaules.
—Clary,qu'est-cequinevapas?—Là...regarde...bafouilla-t-elleentendantlebras.Mais la vision avait disparu.Devant elle, il n'y avait qu'une étendued'herbeverte et lesmausolées
blancsproprementalignés.— J'ai vu ma propre tombe, reprit-elle en frissonnant. Sur la pierre, il était écrit que je mourrais
maintenant...cetteannée.Lukeserembrunit.— C'estl'eaudulac.Tucommencesàavoirdeshallucinations.Viens...ilnenousrestepasbeaucoup
detemps.
JaceescortaSimonàl'étage,lelongd'unpetitcouloirjalonnédeportes.Ils'arrêtadevantl'uned'ellesl'ouvritd'uncoupdecoude,l'airfurieux.
—Entre,dit-ilenpoussantSimonàl'intérieur.Ilssetrouvaientdansuneespècedebibliothèquetapisséedelivres,meubléedevastescanapésetde
fauteuils.—Ici,ondevraitêtretranquilles...Il s'interrompit comme émergeait de derrière un fauteuil le visage d'un petit garçon brun.Avec ses
lunettes,ilavaituneexpressionsérieuseettenaitunlivreàlamain.SimonconnaissaitsuffisammentleshabitudesdelecturedeClarypours'apercevoir,mêmeàcettedistance,qu'ils'agissaitd'unmanga.Jacefronçalessourcils.—Désolé,Max.Onréquisitionnelapièce.Ilfautqu'ondiscuteentreadultes.— MaisIsaetAlecm'ontdéjàchassédusalonpourlamêmeraison,gémitMax.Oùest-cequejesuis
censéaller,moi?
Jacehaussalesépaules.—Danstachambre?D'ungeste,ilindiqualaporte.—Ilesttempsd'allerservirtonpays,gamin.Ouste!L'airabattu,Maxs'éloignaenserrantsonlivresursapoitrine.Simoneutunpincementaucœur:quelle
plaied'êtreassezâgépours'intéresserauxhistoiresdesadultesetenmêmetempstropjeunepourêtreautorisé à rester !Enpassant prèsde lui, le garçon lui jetaun regard suspicieux. «C'est le vampire»,semblaientdiresesyeux.?—Viens.Jace poussa Simon devant lui et verrouilla la porte. La pièce, à présent plongée dans une semi-
pénombre,sentaitlapoussière.Jaceallatirerlesrideaux,révélantunegrandefenêtrepanoramiquequidonnait sur le canal. L'eau venait lécher le mur de la maison à quelques dizaines de centimètres encontrebas,sousunbalconenpierregravéederunesetd'étoilespoliespartemps.JaceposaunregardfurieuxsurSimon.—Qu'est-cequiteprend,vampire?—Quoi?C'esttoiquim'aspratiquementtraînéjusqu'iciparlescheveux!—TuétaissurlepointdeleurrévélerqueClaryn'ajamaisrenoncéàsonprojetdeveniràIdris.Tu
saiscequiseseraitpassésijet'avaislaisséfinir?Ilsl'auraientcontactéepourorganisersavenue.Etjet’aidéjàexpliquépourquoiilfautl'éviteràtoutprix.Simonsecoualatête.— Je ne te comprends pas. Parfois, tu agis comme si tout ce qui compte, c'est Clary, et à d'autres
moments...Jace le regarda fixement.Desparticules depoussièredansaient dans l'atmosphère, créant un rideau
scintillantentrelesdeuxgarçons.—Continue.— Tu flirtais avecAline, tout à l'heure.À cemoment-là, tu ne donnais pas l'impression queClary
comptaitbeaucouppourtoi.—Cenesontpastesaffaires.Etpuis,Claryestmasœur,jeterappelle.—Moiaussi,j'étaisprésentcejour-là,àlaCourdesLumières.Jemesouviensdesparolesdelareine
«Lebaiserquidélivreracettejeunefilleestceluiqu'elledésireleplusensecret.»—Pasétonnantquetut'ensouviennes.Çaterongelacervelle,hein,vampire?Simonlaissaéchapperunhoquetdesurprise.—Ahnon!Ilesthorsdequestionquejemedisputeavectoiàcepropos.C'estridicule.—Alorspourquoituremetslesujetsurlatable?—Parceque,situveuxquejementeàtoustesamisChasseursd'Ombres,situveuxquejeprétendeque
c'étaitladécisiondeClarydenepasvenir,situveuxquejefeignedenepasêtreaucourantpoursespouvoirs,tuvasdevoirm'accorderunepetitefaveur.
—Soit.Qu'est-cequetuveux?Simonrestasilencieuxquelques instants, lesyeuxfixéssur lesmaisonsenpierrequis'alignaientau
bordducanalmiroitant.Au-delàdeleurstoitscrénelés,ildistinguaitlesommetscintillantdestours.—JeveuxquetufassesensortedeconvaincreClaryquen'aplusdesentimentspourelle.Etnevapas
meserinerquetuessonfrère,jelesaisdéjà.Tulabercesdefauxespoirsalorsquetusaisparfaitementquevousn'avezaucunavenirensemble.Jenedispasçaparcequejelaveuxtoutàmoi,maisparcequejesuissonamietquejeneveuxpasqu'ellesouffre.Jace contempla sesmains délicates, aux longs doigts calleux, zébrées de fines cicatrices blanches,
vestigesd’anciennesMarques.C'étaientlesmainsd'unsoldat,pascellesd'unadolescent.—Jeleluiaidéjàdit,répondit-ilenfin.—Oh.Simon,quines'attendaitpasàpareillecapitulation,eutpresquehontedesarequête.«Clarynem'ena
jamais parlé», fut-il tenté de dire. Mais pourquoi l'aurait-elle fait ? En y réfléchissant, ces dernierstemps) elle lui semblait étonnamment silencieuse et effacéedèsque lenomde Jace surgissait dans laconversation.
—Ehbien,voilàquiestréglé.Undernierdétail...—Oui?fitJaceavecindifférence.—Qu'aditValentinquandClaryatracélarunesurlebateau?Memequelquechose?—«Menemenetekelupharsin»,récitaJaceavecunsourireencoin.Tunetesouvienspas?C'estun
extraitdel'AncienTestament,vampire.C'esttonlivre,pourtant.—Lefaitquejesoisjuifnesous-entendpasquejeconnaisselaBibleparcœur.—C'est«l'inscriptionsurlemur»:«Dieuamesurétonroyaumeetl'alivré;tuasétépesédansla
balanceettonpoidssetrouveendéfaut.»C'estunprésagederuine.Çaparledelachuted'unempire.—MaisquelestlerapportavecValentin?— Iln'yapasquelui;noussommestousconcernés.LespouvoirsdeClarychamboulenttoutesles
véritésreconnuesparl'Enclave.Aucunêtrehumainn'estcapabledecréerdenouvellesrunes,seulslesangesontcettefaculté.LedondeClary...ehbien,c'estunsigne,apparemment.Lestempschangent.LesLoischangent.Lesvieillesméthodesneserontpeut-êtreplusjamaisvalables.Demêmequelarébelliondesangesamisuntermeaumondetelqu'onleconnaissaitjusqu'alorsenscindantleparadisendeuxetencréant l'enfer,cettenouvelleèrepourraitcoïncideravec la findesNephilimactuels.Ceciestnotreguerreauparadis,vampire,etilnepeutyavoirqu'unseulvainqueur.Or,monpèreabienl'intentiond'êtrecelui-là.
Malgrélefroid,Claryétouffaitdanssesvêtementshumides.Degrossesgouttesdesueurdégoulinaient
sur son visage et dans le col de son manteau. Luke la main sur son bras, lui faisait presser le pascependant que le jour déclinait rapidement. Alicante était en vue, à présent. La ville, bâtie dans unevalléepeu:encaissée,étaitcoupéeendeuxpar lerubanargentéd'unerivièrequisemblaitdisparaîtreparmileshabitationsavantderesurgirauxconfinsdelacité.Desmaisonsenpierreclaireavecdestoitsdetuilerougeetunentrelacsderuellesenpente,sombres,sinueuses,s'étendaientàflancdecolline.Ausommet de celle-ci s'élevait un édifice imposant en pierre noire, flanqué de quatre tours scintillantesindiquantlesquatrepointscardinaux.D'autrestoursidentiques,hautesetmiroitantescommedescristauxde quartz, émergeaient ça et là entre les habitations telles des aiguilles de verre perçant le ciel. Lalumière déclinante du soleil minait leur surface de petits arcs-en-ciel. C'était un spectacle à la foisétrangeetmerveilleux.«Nulnesaitcequ'estunevilleavantd'avoirvuAlicanteetsestoursdeverre.»—Qu'est-cequetudis?demandaLuke.Clary ne s'était pas aperçue qu'elle avait parlé tout haut. Gênée, elle répéta sa phrase, et Luke la
considéraavecétonnement.—Oùas-tuentenduça?—CesontlesmotsdeHodge.Lukel'examinaattentivement.
—Tuestouterouge.Commenttesens-tu?Claryavaitlanuquedouloureuse,labouchesèche,lecorpsfiévreux.
—Jevaisbien.Remettons-nousenroute,d'accord?Lukepointaledoigtdansunedirection.Al'entréedelaville,avantlespremièreshabitations,Clary
distinguaunearcheàl'ombredelaquelleétaitpostéunChasseurd'Ombresenhabitnoir.—LaPorteduNord.C'estparlàquelesCréaturesObscuressontcenséespénétrerdanslacité,pourvu
qu'elles aient une autorisation écrite.Des gardes surveillent cet endroit jour et nuit. Si nous étions envisite officielle ou si nous avions obtenu la permission d'entrer, c'est ce chemin que nous aurionsemprunté.—Maisiln'yapasdemuraillesautourdelaville,observaClary.Çaneressemblepasbeaucoupàune
porte,d'ailleurs.— Lesbouclierssontinvisiblesmaisilssontbeletbienlà.Cesontlestoursquilescontrôlent.Elles
sontvieillesd'unmillierd'années.Tulesentirasenpassantprèsd'elles.Unefoisdeplus,ilposaunregardinquietsurlevisagerougideClary.—Prête?Ellehocha la tête. Ils contournèrent laportepar l'est, àun endroit où lesbâtiments se resserraient.
Après lui avoir fait signe de garder le silence, il la guida vers un passage étroit entre deuxmaisons.Claryfermalesyeux,craignantdeheurterdepleinfouetunmurinvisibleaumomentoùilspénétreraientdans lesruesd'Alicante.Or, riende telneseproduisit.Elleéprouvaunepressionsoudainecommesielle se trouvait dans un avion en train d'amorcer un atterrissage, ses oreilles se débouchèrent, puisl'impressionsedissipa,etelleseretrouvadanslaruellequi,commen'importequelleautreruelledanslemondeapparemment,sentaitlepipidechat.Clary jeta un coup d'œil entre deux édifices et aperçut une rue plus grande bordée d'échoppes qui
montaitâl'assautdelacolline.—Iln'yapersonnedanslecoin,observa-t-elleaveétonnement.Danslapénombre,levisagedeLukeavaitprisuneteintegrisâtre.—IldoityavoiruneréunionàlaGarde.C'estleseulévénementsusceptibledeviderlesrues.—Maisc'estunebonnenouvelle,non?Personnenerisquedenoussurprendre.— Ouietnon.Labonnenouvelle, effectivement, c’estque les rues sontpresquedésertes.Mais tous
ceuxquenousviendronsàcroisernousremarquerontd'autantplus.—JecroyaisquetoutlemondeétaitàlaGarde.Lukeesquissaunsourire.—Neprendspastoutaupieddelalettre,Clary.Parla,j'entendaislaplupartdeshabitantsdelaville.
Lesenfants,lesadolescents,tousceuxquinesontpastenusd'assisteràlaréunion,n'yserontpasLes adolescents. Clary pensa à Jace, et son pouls s’emballa tel un cheval prenant le départ d'une
course.Lukefronçalessourcilscommes'illisaitdanssespensées—Encemomentmême,j'enfreinslaLoienmepromenantdansAlicantesansavoirsignalémaprésence
àl'Enclave.Sionmereconnaît,ilsepeutqu'onaitdegravesennuis.Illevalesyeuxversl'étroitebandedecielrougivisibleentrelestoits.—Ilnefautpasqu'onrestedanslarue.—Jecroyaisqu'onallaitcheztonami.—Onyva.Etcen'estpasuneamieàproprementparler.—Maisqui…—Suis-moi.Lukes'engouffradansunpassageentredeuxmaisons;ilétaitsiétroitqueClarypouvaiteffleurerles
deuxmursdesdoigtstoutenmarchant.Ilsdébouchèrentsuruneruepavéebordéed'échoppes,dontlesbâtiments gothiques semblaient tout droit sortis d'un conte de fées. Sur les façades de pierre étaient
gravées toutes sortes de créatures mythiques : des têtes de monstres revenaient constamment, enalternanceavecdeschevauxailés,desespècesdehuttesjuchéessurdespattesdepoulet,dessirèneset,bienentendu,desanges.Desgargouillesgrimaçantessaillaientdechaque toit,etpartoutonapercevaitdesrunes:peintessurlesportes,cachéesdanslemotifabstraitd'unesculpture,suspenduesàdeschaînesenmétalquitintaientcommedescarillonsdanslabrise.Desrunesdeprotectionoudechancedestinéesàfavoriserlecommerce.Àforcedelesregarder,Claryavaitlevertige.Ilsmarchèrent en silence, dans l'ombre des édifices. La rue était déserte, les portes des boutiques
fermées à double tour. Clary jetait des coups d'œil furtifs aux vitrines qu'ils croisaient, s'étonnant detrouverdans l'uned'ellesunassortimentde chocolatshorsdeprix etdans la suivanteunéventail toutaussivariéd'armesplusmenaçanteslesunesquelesautres:sabres,massues,gourdinshérissésdeclous,poignardsséraphiquesdetaillesdifférentes.
—Iln'yapasd'armesàfeu,observa-t-elled'unevoixquiluiparuttrèslointaine.—Quoi?fitLuke.—LesChasseursd'Ombresn'utilisentpasd'armesàfeu,ondirait.—Lesrunesempêchentlapoudredes'enflammer.Personnenesaitpourquoi.Enrevanche,ilarriveque
lesNephilimaientrecoursaufusilcontreleslycanthropes.Pasbesoind'unerunepournoustuer...Uneballeenargentsuffit,expliqua-t-ild'untonmorne.Soudain, il leva la tête.Dans la lumièredéclinantedu jour,onauraitpusansmal l'imaginerdresser
l'oreillecommeunloup.—J'entendsdesvoix.LaréunionadûsetermineràlaGarde.Laprenantparlebras,ill'entraînaversunepetiteplaceavecunpuitsaucentre.Devanteux,unpont
en arc enjambait un canal étroit dont les eaux semblaient presque noires dans la pénombre. Claryentendaitàprésentdeséclatsdevoixrésonnerdanslesruesvoisines.Sonvertiges'intensifia:elleavaitl'impressionquelesolsedérobaitsouselle.Horsd'haleine,elles'adossaaumurdelaruelle.
—Clary,chuchotaLuke.Clary,tuvasbien?Ilparlaitd'unevoixétrange,légèrementpâteuse.Ellelevalesyeuxversluietretintsonsouffle.Ses
oreilles s'étaient allongées, il avaitdesdents effilées commedes rasoirs, et sesyeux jaunesbrillaientd'unéclatféroce...
—Luke,marmonna-t-elle.Qu'est-cequit'arrive?—Clary,répéta-t-ilentendantverselledesmainsdéforméesauxlongsonglesbrunâtres.Çanevapas
?Mllereculaenpoussantunhurlement,sanscomprendrelaraisondesapeur:elleavaitdéjàvuLukese
transformerauparavant,etilneluiavaitjamaisfaitlemoindremal.Maislaterreurs'immisçaitenelletelleunechosevivante,incontrôlable.Lukelapritparlesépaulesetelleserecroquevillasurelle-mêmepoursesoustraireàcesyeuxjaunesdebête.Ils'efforçaenvaindelafairetaireenlasuppliantdesavoixhumaine,cellequ'elleavaittoujoursconnue.
—Clary,jet’enprie…—Lâche-moi!Lâche-moi!—C’estl’eau.Tusouffresd’hallucinations.Ressaisis-toi!Àcesmots, il l'entraînadeforcevers lepont.Ellesentitdes larmes inonderses jouesbrûlantesde
fièvre.—Cen'estpaslaréalité.Tienslecoup,jet'enprie,reprit-ilenlaguidantsurlepont.La puanteur de l'eau stagnante assaillit Clary. Des créatures semblaient se mouvoir sous les flots
verdâtres.Untentaculenoirenjaillit,sonextrémitéspongieusehérisséededentsacérées.Elles'écartadel'eauetungémissementsourds'échappadesagorge.
Luke la rattrapa aumoment où ses genoux se dérobaient sous elle et la souleva dans ses bras. Ladernièresfoisqu'ill'avaitportée,elledevaitavoircinqousixans.
— Clary, souffla-t-il, mais ses mots se perdirent dans un rugissement inintelligible tandis qu'ilslaissaientlepontderrièreeux.Ils longèrent de hautesmaisons étroites qui évoquèrent àClary les façades deBrooklyn...Àmoins
qu'ellenefûtvictimed'unehallucinationdanssonproprequartier?L'airautourd'ellesemblaitdeplusenplus vicié à mesure qu'ils progressaient, les lumières des maisons alentour flamboyaient comme destorches, des reflets lugubres, phosphorescents, dansaient sur le canal en contrebas. Clary avaitl'impressionquesesossedissolvaientdanssoncorps.
—Onyest.Lukes'arrêtabrusquementdevantunemaisonettambourinaàlaporteenappelant.D'unrougecriard,
elleétaitornéed'uneurnedorée.SouslesyeuxdeClaryellepritlaformed'uncrânehideuxgrimaçantunsourire.«Cen'estpas réel», se répéta-t-elleavecvéhémenceenétouffantuncride sonpoing,qu'ellemorditjusqu'àsentirlegoûtdusangdanssabouche.Ladouleurluiéclaircitmomentanémentlesidées.Laportes'ouvritàlavolée,etunefemmeenrobeen
apparutsurleseuil,uneexpressionmi-étonnéemi-furieusesurlevisage.Elleavaitlescheveuxlongs;unhalodemèchesbrun-griss'échappaitdesesdeuxtresses.Unelueurfamilièrebrillaitdanssesyeuxbleus.Unepierrederunescintillaitdanssamain.
—Quiêtes-vous?demanda-t-elled'untonimpérieux,Quevoulez-vous?—Amatis,ditLukeens'avançantdanslaflaquedelumière,Clarydanslesbras.C'estmoi.Lafemmeblêmit,vacillaets'appuyaauchambranle.—Lucian?Luke fitmine d'entrermais la dénomméeAmatis lui barra le passage et secoua la tête avec tant de
violencequesestressess'agitèrententoussens.—Commentoses-tuteprésenterici,Lucian?—Jen'avaispasvraimentlechoix,répliqua-t-ilenresserrantsonétreinteautourdeClary.Lajeunefilleétouffauncri.Elleavaitl'impressiond'avoirlecorpsenfeu;ladouleurirradiaitdans
chacunedesesterminaisonsnerveuses.—Va-t'en,sifflaAmatis.Situparssur-le-champ...—Jenesuispasvenupourmoi.Jesuislàpourelle.Elleestentraindemourir.Lafemmeledévisagead'unairinterdit.—Amatis,jet'enprie.C'estlafilledeJocelyne.Ilyeutunlongsilence,aucoursduquelAmatisrestafigéetelleunestatuesurleseuil.Claryn'auraitsu
diresic'étaitlasurpriseoul'horreurquilaclouaitsurplace.Lajeunefilleenfonçalesonglesdanssespaumes,maismême la souffrance ne lui était plus d'aucune aide : lemonde se dissolvait en couleursdélavées,telunpuzzledontlespiècess'éparpillaientàlasurfaced'unlac.Elleentenditàpeinelavoixd'Amatisquandcelle-ci,s'effaçantpourleslaisserpasser,déclara:
—Trèsbien,Lucian.Tupeuxl'emmeneràl'intérieur.
QuandSimonetJaceretournèrentdans lesalon,Alineavaitdisposésur la tablebassedesassiettes
contenantdupainetdufromage,dugâteau,despommes,ainsiqu'unebouteilledevin,à laquelleMaxn'eutpasl'autorisationdetoucher.Ils'assitdansuncoinavecunepartdegâteau,sonlivreouvertsurlesgenoux.Simoneutunélandesympathiepourl'enfant:ildevaitsesentiraussiseulqueluiaumilieudesriresetdesbavardagesdupetitgroupe.
SimonseraiditenvoyantAlineeffleurerlepoignetdeJacepourprendreunquartierdepommedansuneassiette.«Pourtant,çat'arrange,cettesituation»,songea-t-il.Malgrétout,ilnepouvaits'empêcherdepenserquec'étaitmanquerderespectàClary.Jacecroisasonregardpar-dessus la têted'Alineet luiadressaunsourirecarnassier.Détournant les
yeux,Simonexaminalapièceets'aperçutquelamusiquequ'ilavaitentendueunpeuplustôtneprovenaitpasd'unechaînestéréomaisd'unappareiltarabiscoté.Il envisagea d'entamer la conversation avec Isabelle, mais elle bavardait avec Sébastien, dont le
visageavenantétaittournéverselle.Auneépoque,Jaces'étaitmoquédel'attirancequ'éprouvaitSimonpourelle,orSébastien, lui, semblaitmanifestementà lahauteur.Mais lesChasseursd'Ombresavaientappris,dès leurplus jeuneâge,àgérern'importequellesituation,n'est-cepas?Pourtant, le regarddeJacelorsqu'ilavaitannoncésonintentionden'êtreriendeplusqu'unfrèrepourClaryavaitdequoifairedouterSimon.
—Onestàcourtdevin,annonçaIsabelleenreposantlabouteillesurlatable.Jevaisenchercher.Avecunclind'œilàl'intentiondeSébastien,elledisparutdanslacuisine
—Sijepeuxmepermettre,jetetrouvebiensilencieux,ditcelui-ciensetournantversSimonavecunsouriredésarmant.Toutvabien?Pourquelqu'und'aussibrun,Sébastienavaitleteinttrèspâle,commes'ilfuyaitlesoleil.Simonhaussa
lesépaules.—Jusqu'àprésent,jen'aipaspumettremongraindesel.Laconversationportesoitsurlapolitiquedes
Chasseursd'Ombressoitsurdesgensquejeneconnaispas,voirelesdeux.LesouriredeSébastiens'évanouit.
—Nousformonsuncerclefermé,nousautresNephilim,àforced'êtrecoupésdumonde.— Tu ne trouves pas que c'est vous qui vous fermez aux autres ? Vous méprisez les humains
ordinaires...— Mépriser?Lemotestunpeufort,protestaSébastien.Et toi, tupensesvraimentquelemondedes
humainsaccepteraitdefrayeravecnous?Noussommes lapreuvevivantequ'ilssefourvoientchaquefoisqu'ilsserépètent,pourserassurer,qu'iln'yapasdevampires,dedémonsoudemonstressouslelit.IlsetournaversJacequilesobservaittousdeuxensilencedepuisquelquesminutes.—Tun'espasd'accord?Jacesourit.—Dececrezicâvaascultamconversatia?Unelueurdecuriositéamusées'allumadansleregarddeSébastien.—M-aiurmàritdecândaiajunsaici,répondit-il.Nu-midauseamadacânumaplacioridacâesti
atâtdebânuitoreutoatâlumea.Jen'airiencontrelefaitdepratiquermonroumain,poursuivit-ilenselevant,maisavectapermission,jevaisvoircequiretientIsabelledanslacuisine.Jaceleregardas'éloigneravecuneexpressionperplexe.—Qu'est-cequ'ilya?Ilneparlepasroumain,enfindecompte?s'enquitSimon.—Si,réponditJace,lessourcilsfroncés.Si,illeparletrèsbien.AvantqueSimonaitpuluidemandercequ'ilentendaitparlà,Alecentra,l’airaussisoucieuxqu'àson
départ.SesyeuxseposèrentbrièvementsurSimon;ilsemblaitunpeuperdu.—Déjàderetour?lançaJace.—Jenevaispaspouvoirrester.Alecsepenchapourprendreunepommesurlatabledesamaingantée.—Jesuisjusterevenulechercher,reprit-ilenesquissantungesteendirectiondeSimon.Ont'attendà
laGarde.
Alineparutsurprise.—Ahbon?fit-elle,maisJace,lâchantsamain,s'étaitdéjàlevéducanapé.—Qu'est-ce qu'ils lui veulent ? dit-il d'un ton dangereusement calme. J'espère aumoins que tu t'es
renseignéavantdeleurpromettredeleramener.—Évidemment!s'exclamaAlec.Jenesuispasstuptde.—Mouais,fitIsabelle,apparuesurleseuiletsuiviedeSébastienquitenaitunebouteilleàlamain.Tu
n'espastoujoursunelumière,ilfautbienl'admettre.Alecluijetaunregardassassin.—IlsrenvoientSimonàNewYorkparlePortail.—Maisilvientd'arriver,protesta-t-elleavecunemoueboudeuse.Cen'estpasdrôle!—Cen'estpascensél'être,Isa.LavenuedeSimonestunaccidentet,d'aprèsl'Enclave,lemieuxest
qu'ilrentrechezlui.—Parfait,déclaracelui-ci.Avecunpeudechance,jeseraideretouravantquemamèreaitremarqué
madisparition.C'estquoi,ledécalagehoraireentreicietManhattan?—Tuasunemère?Alinesemblaitabasourdie.Simonchoisitd'ignorersaquestion.—Sérieux,c'estparfait,répéta-t-il.Jen'aiqu'uneenvie,c'estquittercetendroit.—Tul'accompagnes?demandaJaceàAlec.Ettuvérifiesquetoutirabien?IlséchangèrentundecesregardscodésqueSimonconnaissaitbien,parcequ'ilyavaitparfoisrecours
avecClaryquandilsnevoulaientpasqueleursparentssachentcequ'ilsmijotaient.—Quoi?fit-ilenlesobservanttouràtour,Qu'est-cequisepasse?AlecdétournalesyeuxetJacesouritd'unairplacide.—Rien.Toutvabien.Félicitations,vampire:tuvasrentrercheztoi.
4.VampireDeJour
LANUITÉTAITTOMBÉEsurAlicantequandSimonetAlecsortirentdelamaisondesPenhallowpoursedirigerverslaGarde.Lesruesdelaville,étroitesetsinueuses,sedévidaientcommedepâlesrubansdepierresousleclairdelune.L'airétaitglacial,bienqueSimonneressentequevaguementlefroid.Alec,feignantd'êtreseul,marchaitdevantluiensilence.Danssonautrevie,Simonauraitdûpresserle
pasensoufflantcommeunbœufpoursemainteniràsahauteur;àprésent, ils'apercevaitqu'ilpouvaitattraperAlecsanslamoindredifficulté.—Çadoit te peser de devoir jouer les escortes pourmoi, dit-il enfin tandis qu'Alec, l'airmorose,
gardaitlesyeuxfixésdroitdevantlui.Ilhaussalesépaules.—J'aidix-huitans, jesuismajeur,doncc'estmoi le responsable.Jesuis leseulàpouvoirpénétrer
danslaGardependantuneréuniondel'Enclave,etpuisleConsulmeconnaît.—Qu'est-cequec'est,unConsul?— L'équivalent d'un très haut fonctionnaire au sein de l'Enclave. Il compte les votes duConseil et
interprètelaLoipourl'Enclave.Iljoueaussilesconseillerspourl'Inquisiteur.Siledirecteurd'unInstitutrencontreunproblèmequ'ilnesaitpasrésoudreseul,ils'adresseauConsul.
—L'Inquisiteur?L'Inquisitrice,tuveuxdire!Jecroyaisqu'elleétaitmorte.—Onluiavitetrouvéunremplaçant.l'InquisiteurAldertree.Simon contempla les eaux noires du canal en contrebas. Ils avaient laissé la ville derrière eux et
marchaientmaintenantlelongd'unepetiteroutebordéed'arbres.—Avraidire,lesinquisitionsn'ontpasbeaucoupréussiàmonpeupleparlepassé,observa-t-il.Alecnefitaucuncommentaire.—Laissetomber.C'estjusteuneblaguesurl'histoiredesTerrestres.Çanepeutpast'intéresser.—Tu n'es pas un Terrestre, fît remarquer le Chasseur d'Ombres. C'est pourquoi Aline et Sébastien
étaientsicurieuxdeterencontrer.MêmesiSébastienn'enarienmontré:ilsecomportetoujourscommes'ilavaittoutvu.
—Est-cequ'Isabelleetlui...?demandaSimonsansréfléchir.Aleclaissaéchapperunricanement.—IsabelleetSébastien?C'estpeuprobable.Sébastienestungentilgarçon.Isabellenes'intéressequ'à
destypesinsortablesquenosparentsdétesteraientàcoupsûr.Terrestres,CréaturesObscures,escrocsdepetiteenvergure...
—Merci.Jesuisravid'êtreclassédanslamêmecatégoriequedescriminels.—Je croisqu'elle fait çapour attirer l'attention.C’ESTla seule fille de la famille, donc elle se sent
obligéedeprouverenpermanencequ'elleestunedureàcuire.—Peut-êtrequ'elleessaiesimplementdedétournerl'attentiondetoi,suggéraSimond'unairabsent.Vu
quetesparentsnesaventpasquetuesgay.Sanscriergare,Alecs'arrêtaaubeaumilieudelaroute,etSimonfaillits'affalersurlui.
—Euxnon,maislerestedumondeestaucourant,Apparemment.—TuoubliesJace.Ilnesaitpas,luinonplus,jemetrompe?Alecsoupirabruyamment.Simonletrouvapâle,àmoinsquecenesoitl'effetduclairdelune.—Jenevoispasenquoiçateregarde.Oualorstucherchesàmemenacer.—Moi,temenacer?Jene...
—Alorspourquoi?s'écriaAlec,etlavulnérabilitéquiperçaitdanssavoixpritSimonaudépourvu.Pourquoituabordeslesujet?—Parceque, laplupartdutemps, j'ai l'impressionquetumedétestes.T'inquiète, jesaisqueçan'a
rien de personnel, même si je t'ai sauvé la vie. Tu détestes lemonde entier, on dirait. Et puis, nousn'avonspratiquementrienencommun.Maisquandje tevoisregarderJace,etquejemevoisregarderClary,jemeditquepeut-être...nouspartageonsquelquechose.Etque,decefait,tupourraismehaïrunpeumoins.
—AlorstunevaspasmoucharderauprèsdeJace?TuasavouétessentimentsàClaryet...— Etcen'étaitpasunetrèsbonneidée.Maintenant,jepassemontempsàmedemandersionpourra
redeveniramiscommeavantousic'estirréparable.Peut-êtrequ'enrencontrantquelqu'und'autre...—Quelqu'und'autre,répétaAlec,quis'étaitremisaàmarcheràtouteallureengardantlesyeuxrivés
surlaroute.Simons'élançapourlerattraper.— Tu vois très bien de quoi je parle. Par exemple, je suis persuadé queMagnusBane t'apprécie
beaucoup.Etc'estungarsplutôtcool.Ils'yconnaîtpourorganiserdesfêtes.Mêmesij'aiététransforméenratcettefois-là.
— Mercipourletuyau,répliquasèchementAlec.Maisjenecroispasqu'ilm'apprécietantqueça.Ilm'aàpeineadressélaparolequandilestvenuouvrirlePortailàl'Institut.
—Tudevraispeut-êtrel'appeler,suggéraSimon,bienquel'idéedeconseilleràunchasseurdedémonsdesortiravecunsorcierluiparûtpourlemoinsbizarre.
—Impossible.Iln'yapasletéléphoneàIdris.Çan'apasd'importance,detoutemanière,conclutAlecd'untonabrupt.Onestarrivés.VoicilaGarde.Devanteuxs'élevaitunehautemurailledanslaquelles'encastraituneénormegrillegravéederunes,et
bienqueSimonsoitincapabledelesdéchiffrer,iléprouvaunsentimentdevertigefaceàlacomplexitéetàlapuissancequiémanaitd'elles.Lagrilleétaitgardéepardeuxangesdepierreauvisageàlafoisbeauetféroce.Chacund'euxtenaitàlamainuneépéeetunecréature-croisementimprobableentreunrat,unechauve-sourisetunlézard-agonisaitàleurspiedsendécouvrantsesdentsacérées.Simoncontemplalachoseunlongmoment,etendéduisitqu'ils'agissaitd'undémon,maiscelaauraittoutaussibienpuêtreunvampire.Alcepoussalagrilleet luifitsigned'entrer.Al'intérieurdel'enceinte,Simonclignadesyeux, l'air
égaré.Depuisqu'ilétaitdevenuvampire,savuenocturnes'étaitaiguiséeaupointd'êtreaussiperçantequ'unrayonlaser,maislesdizainesdetorchesalignéeslelongdel'alléemenantauxportesdelaGardel'aveuglaient.IlselaissaguiderparAleclelongd'uncheminpavéquiréfléchissaitlalumièrealentour,etquelqu'uns'avançapourleurbarrerlepassage,lebraslevé.—Voicidonclevampire,lançaunevoixgrave.Simonlevalesyeux,éblouiparlaclarté;ilenauraitversédeslarmess'ilpouvaitencorepleurer.«De
lalumièredesort,songea-t-il.Lalumièredesangesmebrulelesyeux.Pasétonnant.»L'hommequisetenaitdevanteuxétaittrèsgrand.Ilavaitleteintjaunâtre,lespommettessaillantes,le
nezenbecd'aigle,lefronthautsousundômedecheveuxnoirscoupésras.BaissantlesyeuxsurSimon,Ilprit l'airdégoûtéd'unemployédumétroregardantpasserungrosratsur lesrailsdansl'espoirqu'ilseferaitécraserparlaprochainerame.—Je vous présente Simon, déclara Alec d'un ton mal assuré. Simon, voici le Consul Malachi
Dieudonné.Est-cequelePortailestprêt,monsieur?—Oui,réponditMalachiavecunlégeraccent.Toutestprêt.Viens,vampire,ajouta-t-ilenfaisantsigne
àSimondelesuivre.Plusvitenousaurontterminé,mieuxcelavaudra.
SimonallaitobéirquandAlecleretintparlebras.—Un instant, dit-il au Consul. Il sera renvoya directement àManhattan, n'est-ce pas ? Et il y aura
quelqu'unpourl'accueillirdel'autrecôté?—Bienentendu.PuisquelesorcierMagnusBanaétourdimentpermisauvampiredeveniràIdris,ilse
chargedesonretour.— SiMagnusn'avaitpaslaisséSimonfranchirlePortail,ilseraitmort,objectaAlecd'untonunpeu
brusque.—Peut-être.C'estcequeprétendenttesparents,etl'Enclaveachoisidelescroire.Contremonavis,en
fait.Néanmoins,personnenedevraitintroduireinconsidérémentdesCréaturesObscuresdansl'enceintedelaCitédeVerre.
—Cettedécisionn'apasétépriseàlalégère,protestaSimonaveccolère.Nousétionsattaqués...—Tuparleraslorsquetuyserasinvité,vampire»Lamaind'AlecsecrispasurlebrasdeSimon,etuneexpressionmi-hésitantemi-suspicieusesepeignit
sursonvisage.—Allons,Consul!Lavoixquivenaitde résonnerdans lacourétait si aiguëqueSimons'étonnaqu'elleappartienneau
petithommerondouillardquisehâtaitdansleurdirection.Ilportaitunegrandecapegrisepar-dessussesvêtementsdeChasseurd'Ombres,etsoncrânechauve?luisaitdanslalumière.
—Iln'estpasnécessaired'effrayernotreinvité.—Invité?répétaMalachid'untonoutragé.Lepetithommes'arrêtadevantSimonetsonvisages’éclaira.—NoussommesravisquetuacceptesderentreràNewYork.Celanousfacilitebeaucoupleschoses.II sourit à Simon qui recula, ébahi. Jusqu'alors, il ne se rappelait pas avoir rencontré un Chasseur
d’Ombresaussiheureuxdelevoir,mêmedutempsouilétaitencoreunTerrestre,etencoremoinsdepuisqu'ilavaitététransformé.
—Oh,j'allaisoublier!repritl'inconnuensefrappantlefront.Jenemesuismêmepasprésenté.JesuislenouvelInquisiteur.MonnomestAldertree.IltenditlamainàSimonqui,empêtrédansuntourbillondepenséesconfuses,laserradebonnegrâce.—Ettut'appellesSimon,c'estbiença?— Oui,réponditcelui-cienlibérantsamaindelapoignemoiteetfroided'Aldertree.Paslapeinede
meremercier.Toutcequejeveux,c'estrentrerchezmoi.—J'ensuispersuadé!Malgrélesmanièresjovialesd'Aldertree,unéclairpassadanssesyeuxtandisqu'ilparlait.Simonn'eut
pas le temps de déchiffrer son expression car il se tourna précipitamment vers l'allée pavée quicontournaitl'édifice.—Parici,situleveuxbien,Simon.Simons'avançaet,commeAlecfaisaitminedelesuivre,Aldertreelevalamain.—Nousn'avonsplusbesoindetoi,Alexander.Mercidetonaide.—MaisSimon...bredouilla-t-il.—Ils'ensortiratrèsbiensanstoi,lerassural'Inquisiteur.Malachi,accompagnezAlexanderjusqu'àla
sortie, jevousprie.Etdonnez-luiunepierrederunepourretrouversonchemins'iln'apaspenséàenemporteraune.Letrajetestunpeutraîtrelanuit.Etavecunautresourirebéat,ilpoussaSimondevantluisousleregardméduséd'Alec.
LemondeautourdeClaryétaitdevenuflou.Lukelaportaàl'intérieurdelamaisonets'avançadansunlong couloir, précédé d'Amatis qui éclairait leurs pas de sa pierre de rune. Prise de délire, Claryregardaitlecorridorsedéroulerinterminablementdevantellecommedansuncauchemar.Soudain,ellesentitqu'onl'allongeaitsurunsolglacéetquedesmainsétendaientunecouverturesursoncorps.Desyeuxbleusperçantssebraquèrentsurelle.
—Elleal'airvraimentmalenpoint,Lucian,observaAmatisd'unevoixérailléecommecelled'unvieuxdisque.Queluiest-ilarrivé?
—ElleabulamoitiédulacLyn.LavoixdeLukeseperditdans le lointainet,pendantquelques instants,Clary recouvra lavue.Elle
étaitallongéesurlecarrelaged'unecuisineet,quelquepartau-dessusdesatête,Lukefourrageaitdansunplacard.Lacuisineavaitdesmursjaunesécaillésetunvieuxfourneauenfonteétaitadosséàl'und'eux.Lesflammesquicrépitaientàl'intérieurluibrûlaientlesyeux.
—Anis,belladone,hellébore…Lukenedétournaduplacard,lesbraschargésdebocauxenverre.—Est-ce que tu veux bien faire bouillir tout ça, Amatis ? Je vais la rapprocher du fourneau, elle
frisonne.Claryessayadeluiexpliquerqu'ellen'avaitpasbesoinqu'onlaréchauffe,qu'elleétaitdéjàbrûlantede
fièvre,mais elle ne parvint qu'à émettre des sons inarticulés.Elle s'entendit gémir tandis queLuke lasoulevaitdanssesbras,puiselleressentitunechaleuragréabledanslecôtégauche:ellenes'étaitmêmepasaperçuequ'elleavaitfroid.Ellesemitàclaquerdesdentsetsentitlegoûtdusangdanssabouche.Lemondecommençaàtanguerautourd'ellecommedel’eauqu'onagitedansunverre.
—LeLacdesRêves?lançaAmatisd'untonincrédule.Claryneladistinguaitpasnettementmais,apriori,ellesetenaitprèsdufourneau,unelonguecuillère
enboisàlamain.—Qu'est-cequevousfabriquiezlà-bas?Est-cequeJocelynesaitoù...Puis le monde autour de Clary disparut - le monde du moins, avec ses murs jaunes et la chaleur
réconfortantedesflammesderrièrelagrilledufourneau.ClaryvitleseauxdulacLyn.Dufeusereflétaitsurl'ondecommesurduverrepoli.Desangesmarchaientsurlasurface,leursailesblanchespoisséesdesangpendaientdansleurdos,lesattachesbrisées,ettousavaientlevisagedeJace.D'autresangesétaientlà,euxavaientdesailesnoirescommelanuit,etilslouchaientlefeuenriant...
—Ellenecessed'appelersonfrère.Lavoixd'Amatisrésonnaitàsesoreillescommesiellesetrouvaittrèsloinau-dessusd'elle.—IlséjournechezlesPenhallow,ruePrincewater.Jepourraispeut-être...—Non,ilvautmieuxqueJacen'ensacherien.«Est-cequej'étaisentraind'appelerJace?Pourquoij'auraisfaitunechosepareille?»sedemanda
Clary,maiscequestionnementfutdecourtedurée,etleshallucinationsreprirentdeplusbelle.Cettefois,ellevitIsabelleetAlec,quisemblaientrevenird'unebataillesanglante.Leurvisageétaitsouillédeterreetdelarmes.Puisilsdisparurent,etellerêvad'unhommesansvisage,avecdesailesnoiresdechauve-souris. Il sourit et du sang s'écoula de sa bouche. Clary ferma les yeux et pria pour que les visionscessent.Unlongmoments'écoulaavantquedesvoixprèsd'ellenelaramènentàlaréalité.
—Bois,luiditLuke.Clary,ilfautquetuboives!ça.Ellesentitdesmainssursondos;quelqu'unpresséunchiffontrempésurseslèvres.Unliquideamer
augoûtatroces'écoulagoutteàgouttedanssabouche,ellemanquas'étouffer,eutunhaut-le-cœur,maisquelqu'un lamaintenait fermement par les épaules. Elle finit par avaler le breuvagemalgré sa gorge
enfléequilafaisaitsouffrir.—Voilà,repritLuke.Avecça,tudevraistesentirmieux.Clary entrouvrit les yeux. Agenouillés à côté d'elle Luke et Amatis l'observaient ; la même lueur
inquiètebrillaitdansleursyeuxpresqueidentiques.Sonregardseposaau-delà,etellenevitrien-niangesnidémonsaffublésd'ailesdechauve-souris-,riend'autrequedesmursjaunesetunethéièrerosepâleenéquilibreprécairesurunreborddefenêtre.
—Jevaismourir?murmura-t-elle.Lukesouritd'unairlas.
—Non.Iltefaudraunpeudetempspourreprendredesforces,maistusurvivras.—Bien.Clary était trop épuisée pour ressentir quoi que ce soit, y compris du soulagement. Elle avait
l'impression qu'on lui avait ôté tous les os en laissant sa peau pendre comme un costume trop grand.Jetantunregardéteintautourd'elle,elleditsansréfléchir:—Tuaslesmêmesyeux.Lukecilla.—Dequoiparles-tu?—Lesmêmesyeuxqu'elle,reprit-elleenreportantleregardsurAmatis,quisemblaitperplexe.Ilssont
dumêmebleu.
Lukeesquissalefantômed'unsourire.—Ehbien,cen'estguèresurprenant,étantdonné...Jen'aipaseul'occasiondefairelesprésentations.
Clary,voiciAmatisHerondale.Masœur.
L'Inquisiteursetutdèsqu'AlecetleConsulfurenthorsdeportéedevoix.Simonlesuivitdansl'étroitealléepavéeéclairéeparlalumièredesort,ens'efforçantdenepasclignerdesyeux.Ilavaitl'impressionquelesmursdelaGardesedressaientautourdelui telunnavireémergeantdesvagues.Deslumièresbrillaientauxfenêtres,teintantlecielderefletsargentés.D'autresfenêtresétaientpercéesaurasdusol,laplupartéquipéesdebarreaux,etonnedistinguaitquelesténèbresau-delà.
Enfin,ilsatteignirentuneporteenboisquisedécoupaitauboutd'unpassagevoûté.Aldertrees'avançapourladéverrouiller,etleventredeSimonsenoua.Depuisqu'ilétaitdevenuvampire,ilavaitremarquéquel'odeurcorporelledesgenssemodifiaitselonleurhumeur.Or,cellequedégageaitl'Inquisiteuravaitunrelentamerdecafé,maisenbeaucoupmoinsagréable.Simonéprouvaunpicotementfamilierdanslamâchoire l'avertissant que ses crocs voulaient sortir et il s'écarta de l'Inquisiteur au moment où ilfranchissaitlaporte.
Le long couloir blancqui s'étendait au-delà avait des alluresde tunnel, comme s'il avait été creusédanslaroche.L'Inquisiteurpressalepasenfaisantdanserlalumièredesapierrederunesurlesmurs.Malgrésespetites jambes, ilsedéplaçait remarquablementvite,et tournait la têtede tempsàautreenplissant lenezcommepourhumer l'air.Simondut accélérer à son tourpour le rattraper. Ilspassèrentdevantuneénormeportegrandeouverte.Au-delà,Simondistinguaunamphithéâtreavecdesrangéesdesièges, chacunoccupé par unChasseur d'Ombres vêtu de noir.Des éclats de voix furieux résonnaientdanslasalleetilperçutdesbribesdeconversationenpassant.
—MaisnousignoronsaujustecequeveutValentin!Iln'acommuniquésesintentionsàpersonne..!
— Peu importe ce qu'il cherche ! C'est un renégat et un menteur. Pensez-vous vraiment que nousgagnerionsàessayerd'apaisersacolère?
—Savez-vousqu'unepatrouilleatrouvélecadavred’unenfantloup-garouauxabordsdeBrocelinde?Ilavaitétévidédesonsang.IlsemblequeValentinaitachevéleRituelicimêmeàIdris.
— Avec deux des Instruments Mortels en sa possession, il est plus puissant que n'importe quelNephilim.Nousn'auronspeut-êtrepaslechoix...
—MoncousinestmortsurcebateauàNewYork!Iln’estpasquestionquenouslaissionsValentins'entireraprèstoutcequ'ilafait!Ilfautluirendrelamonnaiedesapièce!Simonralentitlepas,curieuxd'enentendredavantage,maisl'Inquisiteurs'agitaitentoussenstelleune
grosseabeilleirascible.— Avance,dit-ilenbrandissantsapierrederunedevantlui.Nousn'avonspasbeaucoupdetemps.Jedoisretournerlà-basavantlafindelaréunion.Àcontrecœur,Simon laissa l'Inquisiteur lepousserdans le couloir tandisque lesdernièresparoles
entenduesdans la salle résonnaient encore à sesoreilles.Le souvenirde cettenuit-là sur lebateau lehantaitencore.Commeilsarrivaientdevantuneportegravéed'unerunenoire,l'Inquisiteursortituneclédesonmanteau,l'introduisitdanslaserrureetfitsigneàSimond'entreravecforcegestesdebienvenue.Ilpénétradansunepiècenueàl'exceptiond'unetapisseriereprésentantunangeémergeantd'unlac.Il
tenait une épée dans unemain et une coupe dans l'autre. Simon, qui avait déjà vu l'Épée et laCoupeauparavant, futmomentanément distrait.Ce n'est qu'en entendant la serrure cliqueter qu'il comprit quel'Inquisiteurlesavaittousdeuxenfermésdanslapièce.Iljetaunregardautourdelui.Ellenecomprenaitpasd'autresmeublesqu'unbancetunetable,surlaquelleétaitposéeuneclochedécorativeenargent.
—LePortail...Ilestici?bredouilla-t-il.—Simon,Simon...Aldertreesefrottalesmainscommeunenfantàlaperspectived’unefêted’anniversaire.—Tuesvraimentsipressédepartir?Avant,j'avaisespéréteposerquelquesquestions...— Pasdeproblème,déclaraSimonavecunhaussementd'épaulesgêné.Allez-y,demandez-moiceque
vousvoulez.— Comme tu es coopératif! C'est formidable! s'exclama Aldertree. Alors, quand es-tu devenu un
vampire,exactement?—Ilyadeuxsemaines.—Etcommentest-cearrivé?Tut'esfaitattaquerdanslarue?Àmoinsqu'onnet'aitmordudanstonlit
?Sais-tuquit'atransformé?—Euh...pasprécisément.—Mais,mongarçon!s'écriaAldertree.Commentpeux-tuignorerunechosepareille?IlposasurSimonunregardsincèrementintrigué.Àpremièrevue, ilsemblait inoffensif,à l'exemple
d'ungrand-pèreoud'unvieiloncleexcentrique.Simonavaitdûs'imaginercetteodeuraigre.—Cen'estpassisimple,protesta-t-il.Il s'efforçade relater sesdeuxvisitesà l'hôtelDumort, l'unesous la formed'un rat, l'autresousune
emprisesifortequ'ilavaiteul'impressiond'êtreprisonnierd'unepincegéante.— Bref,conclut-il,àlasecondeoùj'aimisunpieddansl'hôtel,onm'aattaqué.Jenesaispaslequel
d'entreeuxm'atransformé.Peut-êtrequ'ilsétaientplusieurs.—Oh,çanesentpasbon,gloussal'Inquisiteur.C'esttrèsfâcheux.—Jesuisbiend'accord.—L'Enclavenevapasêtrecontente.—Hein?Qu'est-cequeçapeutluifaire,lafaçondontj'aiététransforméenvampire?
—Ehbien,ceseraitdifférentsiont'avaitattaqué,déclaraAldertreecommeàregret.Maissitut'eslivréauxvampires,c'estunpeucommesituvoulaisendevenirun.—Jen'aipasvouluêtreunvampire!Cen'estpaspourcetteraisonquejesuisentrédanscethôtel!—Biensûr,biensûr,déclaraAldertreed'untonapaisant.Changeonsdesujet,tuveuxbien?
Sansattendrederéponse,ilpoursuivit:— Comment se fait-il que les vampires t'aient laissé vivre, jeune Simon ? Étant donné que tu t'esaventuré sur leur territoire, ils auraientdû se repaîtrede ton sang jusqu'aubout,puisbrûler toncorpspourt'empêcherderenaître.Simon ouvrit la bouche pour répliquer. Il aurait fallu expliquer à l'Inquisiteur que Raphaël l'avait
emmenéàl'Institut,puisqueJace,ClaryetIsabellel'avaientconduitaucimetièreetqu'ilsavaientgardéunœilsurluipendantqu'ils'extirpaitdesatombe.Cependant,ilhésita.Bienqu'iln'aitqu'unevagueidéedufonctionnementdelaLoi,ildoutaitqu'ilsoitdansleshabitudesd'unChasseurd'Ombresderegarderunvampirerenaîtreoudeluifournirlesangdesonpremierrepas.
—Jen'ensaisrien.J'ignorepourquoiilsm'onttransforméaulieudemetuer.— Mais l'un d'eux a dû te laisser boire son sang sans quoi... eh bien, tu ne serais pas ce que tu es
aujourd'hui.Nevapasmedirequetuneconnaispaslenomdetonmaître!«Monmaître?»Simonn'yavaitjamaispenséen;cestermes.IlavaitbulesangdeRaphaëlpresque
parijaccident.Enoutre,ilavaitdumalàleconsidèrescommesonmaître.Raphaëlavaitl'airplusjeunequelui.
—J'aibienpeurquesi.—Oh,c'estbiendommage,ditl'Inquisiteuravecunsoupir.—Qu'est-cequiestdommage?—Ehbien,lefaitquetumementes,mongarçon.Aldertreesecoualatête.— Etmoiquiespéraisquetucoopérerais.C'estvraimentterrible.Tun'envisagespasdemerévélerla
vérité,mêmeàtitredefaveur?—Maisjevousdislavérité!—Queldommage,répétal'Inquisiteurd'unairaccablé.
Iltraversalapièceetfrappaàlaportesanscesseildesecouerlatête.—Qu'est-cequisepasse?s'enquitSimonavecinquiétude.EtlePortail?—LePortail?Aldertreepouffa.—Tunepensaistoutdemêmepasquej'allaistelaisserfiler?AvantqueSimonpuisseprotester,laportes'ouvritàlavoléeetdesChasseursd'Ombresvêtusdenoir
firentirruptiondanslapièce.Desmainsrobusteslesaisirentparlebrasetluijetèrentunsacsurlatête.II donna des coups de pied à l'aveuglette et entendit quelqu'un pousser un juron. Il sentit qu'on lerepoussaitviolemmentetunevoixfurieuserugitdanssonoreille:
—Recommence,vampire,etjetevidedel'eaubénitedanslegosier.Ensuite,jeteregarderaimourirencrachantdusang.
— Assezdemenaces!fit lapetitevoixde l'Inquisiteur(ilsemblaitcontrarié).J'essaieseulementdedonnerunepetiteleçonànotreinvité.Ilavaitdûserapprochercar,àtraverslesacquiluicouvraitlatête,Simonsentitdenouveausonodeur
étrange,unpeuamère.—Simon,Simon,repritAldertree.Cefutunplaisirdeterencontrer.J'espèrequ'unenuitdanslaprison
delaGardeaural'effetescomptéetque,demainmatin,tutemontrerasunpeupluscoopératif.J'entrevois
encoreunbelavenirpournousdeux,unefoisquenousauronsdépassécepetitdifférend.Samainvintseposersurl'épauledeSimon.
—Emmenez-leausous-sol.Simonpoussaunhurlementétoufféparlesac.LesChasseursd'Ombresletraînèrenthorsdelapièce,
puislepoussèrentdansunlabyrintheinterminabledecouloirssinueux.Ilsparvinrentaupiedd'unescalierqu'onlui fitgrimperdeforce. Il ignorait toutde l'endroitoù ilsétaient,exceptéqu'uneodeurdepierrehumide flottait autour de lui et que l'air devenait de plus en plus moite et froid à mesure qu'ilsdescendaient.Enfin,ilss'arrêtèrent.Simonperçutunbruitsemblableauraclementdumétalsurlapierre,puisonle
poussasansménagementetilatterritsurlesgenoux.Ilentenditlecliquetisd'uneportequiserefermait,etun bruit de bottes qui s'éloignait. Il se releva péniblement, ôta le sac de toile et le jeta à terre.L'impressiond'étoufferqu'il éprouvait jusqu'alors sedissipa,et il réprima l'envied'aspirerunegrandeboufféed'aircarcen'étaitdésormaisplusunenécessitémaisunsimple réflexe ;cependant, ilavait lapoitrinecompriméecommes'ilmanquaitdesouffle.Il se trouvaitdansunecelluleauxmursdepierrenue,dotéed'uneseule fenêtreàbarreaux justeau-
dessusd'un lit étroit,visiblement très inconfortable.A traversunepetiteporteentrouverte, ildistinguauneminusculesalledebainséquipéed'unlavaboetdetoilettes.Àsadroite,uneautreportesedécoupaitdansdegrosbarreauxenferfichésdanslesoletleplafond.Unerunenoireétaitgravéesurlapoignéeencuivre.Enyregardantdeplusprès,ilconstataquechaquebarreaudesacelluleétaitcouvertderunes,ycomprisceuxdelafenêtre.Même s'il se doutait que la porte était verrouillée, Simon ne put s'empêcher de vérifier. Il saisit la
poignéeàpleinemainetreculaavecunhurlementdedouleur.Demincesvolutesdefumées'élevèrentdesapaume;undessincomplexes'étaitimprimésursalpeau.IlressemblaitunpeuàuneétoiledeDavidàl'intérieurd'uncercle,des runesdélicates tracéesentre les lignes.Simonavait l'impressiond'avoirétébrûléauferrouge.Ilserralepoingengémissant.
—Qu'est-cequec'estqueça?murmura-t-il,bienqu’ilsedoutâtquepersonnenepouvaitl'entendre.—C'estleSceaudeSalomon,réponditunevoix.Ilparaîtqu'onpeutylirel'undesvéritablesnomsde
Dieu.Ilrepousselesdémonsetceuxdetonespèce,étantunarticledetafoi.Simonseredressabrusquement.Lasurpriseluifitpresqueoubliersamainendolorie.
—Quiestlà?Quiaparlé?— J'occupelacelluleàcôtédelatienne,vampire,réponditlavoixaprèsunsilence(c'étaitlavoixun
peurauqued'unhommed'uncertainâge).Lesgardesontpassélajournéeàdiscuterdumeilleurmoyendeteconfiner ici.Alors, à taplace, jenemedonneraispas lapeined'essayerde sortir.Tu feraismieuxd'économisertesforcesjusqu'àcequetuaiesdécouvertcequel'Enclaveattenddetoi.
— Ils ne peuvent pasme retenir ici, protesta Simon. Je ne suis pas de cemonde.Ma famille vas'apercevoirdemadisparition.
— Ils s'en sont occupés. Il existe des sortilèges très simples, quemême un sorcier débutant sauraitutiliser,capablesdedonneràtesparentsl'illusionquetonabsenceestparfaitementjustifiée.Unvoyagescolaire. Une visite à un membre de la famille. C'est très faisable. Tu crois qu'ils n'ont jamais faitdisparaîtreuneCréatureObscureauparavant?
Lavoixdel'inconnunetrahissaitnimenacenirévolte;elleseconsentaitd'énoncerdesfaits.—Quiêtes-vous?Unvampire,vousaussi?C'estdonciciqu'ilsnousretiennentprisonniers?Cettefois,sesquestionsn'obtinrentpasderéponse.Ilfitunenouvelletentative,maisàl'évidence,son
voisinavaitdécidéqu'ilavaitassezparlé.LadouleurdanslamaindeSimons'étaitcalmée.Baissantlesyeux,ilconstataquesapeaunecomportaitplusaucunetracedebrûlure,maisqueleSceauétaittoujours
imprimésursapaume,commesionl'avaittracéàl'encrenoire.Ilexaminalesbarreauxdesacelluleets'aperçutque,outrelesrunes,ilsétaientcouvertsd'étoilesdeDavidetdecitationsdelaTorahenhébreu.Lesgravuressemblaientrécentes.«Lesgardesontpassélajournéeàdiscuterdumeilleurmoyendeteconfinerici»,avaitditl'homme.Combledel'ironiecen'étaitpastantsanaturedevampirequileretenaitentrecesmursquelefaitd'êtrejuif.IlsavaientconsacrédesheuresàgraverleSceaudeSalomonsurlapoignéedelaporteafinqu'ilsebrûleenlatouchant.Illeuravaitfallutoutcetempspourretournerlesarticlesdesafoicontrelui.C'estàlalumièredecedernierconstatqu'ilperditcequiluirestaitdesang-froid.Ilselaissatomber
surlelitetenfouitsatêtedanssesmains.La rue Princewater était plongée dans la pénombre quandAlec revint de laGarde. Les volets des
maisons étaient fermés, et seuls quelques réverbères alimentés par la lumière de sort projetaient desflaquesdelumièrelaiteusesurlespavés.LademeuredesPenhallowétaitlamieuxéclairéeduquartier:desbougiesbrillaientauxfenêtres,etunraideclartéjaunefiltraitàtraverslaported'entréeentrebâillée.Jace était assis sur le muret du jardin. Il leva les yeux à l'approche d'Alec et frissonna
imperceptiblement.Ilneportaitqu'unevestelégèreetlefroidétaittombéaucoucherdusoleil.Leparfumdélicatdesdernièresrosesflottaitdansl'airglacial.Alecs'assitsurlemuretàcôtédesonami.—Tum'asattendudehorstoutcetemps?—Quiaditquejet'attendais?—Touts'estbienpassé,sic'estcequit'inquiète,j'ailaisséSimonavecl'Inquisiteur.—Tun'espasrestépourt'assurerqu'ilétaitreparti?—Touts'estbienpassé,répétaAlec.L'Inquisiteuràpromisdel'escorterenpersonnejusqu'au...—L'Inquisiteurapromis,l'interrompitJace.Ladernièrepersonnequiaitoccupéceposteaoutrepassé
sespouvoirs.Siellen'étaitpasmorte,l'Enclavel'auraitsuspenduedesesfonctions,voirefrappéed'unemalédiction.Qu'est-cequinousprouvequecenouvelInquisiteurn'estpasunfoufurieux,luiaussi?
—Ilm'asemblétrèscorrect,protestaAlec.Gentil,même.Ils'estmontréparfaitementpoliavecSimon,écoute,Jace.C'estcommeçaqueprocèdel'Enclave.Onnepeutpastoutcontrôler.Ilfautbienleurfaireconfiance,sansquoic'estlechaos.
—Ilsontbeaucoupdérapécesdernierstemps,admets-le.—Peut-être,concédaAlec,maissitucommençaisàtecroireplusmalinquel'Enclaveetau-dessusde
laLoi,tunevaudraispasmieuxquel'InquisitriceniqueValentin.JacetressaillitcommesiAlecl'avaitgiflé.Celui-cisentitsonventresenouer.
—Pardon,dit-ilentendantlamain.Jenevoulaispas.Un rai de lumière éblouissante illumina soudain le jardin. Levant les yeux, Alec vit la silhouette
d'Isabelles'encadrerdans laporteéclairée. Ilcompritàsesmainsposéessurseshanchesqu'elleétaitfurieuse.
—Qu'est-cequevousfabriquezdehorstouslesdeux?Toutlemondesedemandaitoùvousétiezpassés.Alecsetournaverssonami.—Jace...
Maiscelui-ci,aprèss'êtrelevéd'unbond,ignorasamaintendue.—J'espèrepourtoiquetuasraisonausujetdel'Enclave,secontenta-t-ildedire.Alec le regarda regagner lamaison au pas de charge. Soudain, lesmots de Simon lui revinrent en
mémoire! «Je passemon temps àme demander si on pourra redevenir amis comme avant ou si c'estirréparable.»
Laportesereferma,etAlecseretrouvaseuldanslejardinplongédanslapénombre.Ilfermalesyeuxuninstant,etunvisages'imprimabrièvementderrièresespaupières.Cen'étaitpasceluideJace,pourunefois.Savisionavaitdesyeuxvertsauxpupillesfendues.Desyeuxdechat.Rouvrantlesyeux,ilfourrageadanssasacoche,ensortitunstyloetuncarnetàspiralesquiluitenait
lieude journal.Aprèsavoirarrachéune feuilledepapier, ilgriffonnaquelquesmotsenhâteet,de lapointedesastèle,traçauneruneaubasdelafeuille.Toutallaplusvitequ'ilnel'auraitcru:aprèss'êtreenflammé,leboutdepapiers'envolacommeuneluciole.Bientôt,iln'enrestaqu'unetraînéedecendresquis'éparpillatelunnuagedepoudreblanchesurlesmassifsderoses.
5.UnTrouDeMémoire
CLARY S'ÉVEILLA au beaumilieu de l'après-midi ; un rayon de lumière pâle braqué en plein sur sonvisage dessinait des nuances de rose derrière ses paupières.Elle sursauta et ouvrit les yeux à grand-peine.La fièvre s'était dissipée, et avec elle l'impression que ses os se dissolvaient et se brisaient à
l'intérieur de son corps. Elle jeta un regard intrigué autour d'elle: Elle se trouvait dans la chambrequ'Amatisdevaitréserveràseshôtes:lapièceétaitpetite,peinteenblanc,lelitrecouvertd'unédredonenpatchworkauxcouleursvives.Desrideauxendentellesuspendusàdesfenêtresenformedehublotslaissaient entrer la lumière du jour. Elle se redressa lentement, s'attendant à être submergée par unnouveauvertige.Rienneseproduisit.Ellesesentaitenparfaitesanté,etmêmebienreposée.S'extirpantdulit,elleexaminasatenue.Elleportaitunpyjamafroissé,d'unblancimmaculé,quiétaitbeaucouptropgrandpourelle:lesmanchespendaientcomiquementsursesmains.Elle s'avançavers l'unedes fenêtres circulaires et jeta un coupd'œil au-dehors.À flancde colline
s'alignaientdesmaisonsenpierreclairedontlestoitsdebardeauxsemblaientavoirétécoulésdansdubronze.Cecôtédelamaison,àl'opposéducanal,donnaitsurunpetitjardinquel'automneavaitteintéd'oretderoux.Surunetreilles'enroulantcontreunmur,unedernièreroseperdaitsespétalesbrunis.Lapoignéede laporte trembla,etClary regagnaenhâteson lit justeavantqu'Amatisentreavecun
plateau dans les mains. Elle leva les sourcils en voyant que Clary était réveillée, mais ne fit aucuncommentaire.—OùestLuke?demandalajeunefilleenrabattantlacouverturesurellepourêtreplusàsonaise.Amatis déposa sur la table de nuit le plateau chargé d'une tasse remplie d'un liquide fumant et de
tartinesdepainbeurré.—Tudevraismangerquelquechose.Tutesentirasmieux.—Jemesensbien.OùestLuke?Amatis s'installa dans un fauteuil près de la table, croisa les mains sur ses genoux et observa
calmementClary.Alalumièredujour,ondistinguaitnettementlesridesdesonvisage:elleparaissaitbeaucoup plus âgée que Jocelyne bien qu'a priori elles n'aient pas une grande différence d'âge. Lescheveuxbrunsd'Amatisétaientstriésdegris,etelleavaitlesyeuxrougiscommesiellevenaitdepleurer.
—Iln'estpaslà.—Quoi?Iln'estpaslàparcequ'ilestalléacheterduCocaaucoindelarueou...— Ilestparticematinàl'aubeaprèst'avoirveilléetoutelanuit.Quantàsadestination,ilnel'apas
précisée.Le ton d'Amatis était sec et, si Clary n'avait pas été épuisée, elle se serait peut-être amusée de sa
ressemblanceavecLukeencemomentmême.—Lorsqu'ilvivaitici,avantsondépartd'Idrisetaprèssa...Transformation,ilétaitàlatêted'unemeute
quiavaitéludomiciledanslaforêtdeBrocelinde.Ilm'aannoncéqu'ilallaitleurrendrevisitaimaisiln'apasspécifiépourquoi.Ilm'aseulementditqu'ilseraitderetourd'iciquelquesjours.
—Ilm'alaisséeseuleici?Qu'est-cequejesuiscenséefaire?L'attendreenmetournantlespouces?—Ilnepouvaitpast'emmeneraveclui!Enoutre,ilnepeutpasteramenercheztoidansl'immédiat.Tu
as enfreint la Loi en venant ici, et cela n'échapperai pas à l'Enclave. Tu ne peux pas compter sur samagnanimitépourtelaisserpartir.
— Je n'ai pas envie de rentrer chez moi. Je suis ici pour... rencontrer quelqu'un. J'ai un devoir à
accomplir.— Luke m'a expliqué. Laisse-moi te donner uni conseil : tu ne trouveras Ragnor Fell que s'il le
souhaite.—Mais...—Clarissa,ditAmatisenplantantsonregarddanslesien.NousattendonsuneattaquedeValentinàtout
moment.PresquetouslesChasseursd'Ombresd'Idrissontenville,souslaprotectiondesboucliers.Leplussûrpourtoi,c'estderesteràAlicante.Claryseraidit.Sileconseild'Amatisluisemblaitraisonnable,ilneparvenaitpaspourautantàfaire
taire lapetitevoixdans sa têtequi lui soufflait que samissionnepouvaitpas attendre. Il lui faudraitretrouverRagnorFelldanslesplusbrefsdélais:elledevaitsauversamèredèsàprésent.Réprimantunaccèsdepanique,elleaffectauntondésinvolte—Lukenem'ajamaisditqu'ilavaitunesœur.—Pourquoil'aurait-ilfait?Nousn'avonsjamaisétéproches.—Ilm'aditquevousvousappeliezHerondale.C'estlenomdel'Inquisitrice,n'est-cepas?—Oui,réponditAmatis,levisagecrispécommesilesmotsluicoûtaient.C'étaitmabelle-mère.Qu'avaitracontéLukeausujetdel'Inquisitrice?Qu'elleavaitunfils,quiavaitépouséunefemmeayant
danssafamilledes«élémentsindésirables».—VousétiezlafemmedeStephenHerondale?Amatisparutsurprise.
—Tuconnaissonnom?—Oui,c'estLukequimel'adit.Maisjecroyaisquesafemmeétaitmorte.Quec'étaitpourcetteraison
quel'Inquisitriceétaitaussi...«Odieuse»,songea-t-elle,maisl'adjectifluisemblacruel.
—...amère,dit-elleenfin.Amatispritlatassequ'elleavaitapportée;samaintremblaitunpeu.
— Oui,elleestmorte.Elles'estsuicidée.JeparledeCéline,lasecondeépousedeStephen.J'étaislapremière.
—Vousaviezdivorcé?—Quelquechosedanscegenre-là.D'ungestebrusque,AmatistenditlatasseàClary.
—Tiens,bois.Ilfautquetuteremplissesleventre.Claryacceptadistraitementlatasseetavalaunegorgéedeliquide;ilétaitépaisetsalé.Cen'étaitpas
duthémaisdelasoupe,contrairementàcequ'elleavaitcruenpremierlieu.—Etqu'est-cequis'estpasséensuite?Lesyeuxperdusdanslevague,Amatisrépondit:
—QuandLukeaété...quand il luiestarrivéceque tusais,Valentins'estmisenquêted'unnouveaulieutenant.IlachoisiStephen:nousvenionsalorsderejoindreleCercle.D'aprèsValentin,iln'étaitpasconvenablequelafemmedesonplusprocheamietconseillersoitlasœurd'un...
—Loup-garou.—Ilaemployéunautreterme,déclaraAmatisavecamertume.IlaconvaincuStephend'annulernotre
mariage et de se trouver une nouvelle épouse qu'il aurait soin de choisir pour lui. Céline était trèsjeune…trèsdocile.
—C'esthorrible.Amatissecoualatêteavecunrireforcé.
—C'étaitilyalongtemps.Stephens'estmontrégénéreux,jetrouve:ilm'adonnésamaisonpuisila
emménagédanslemanoirdesHerondaleavecsesparentsetCéline.Jenel'aijamaisrevuparlasuite.J'ai quitté le Cercle, bien entendu. Ils ne voulaient plus de moi. La seule à me rendre visite, c'étaitJocelyne.Ellem'amêmeracontéqu'elleétaitalléevoirLuke...(Amatisrepoussasescheveuxgrisonnantsderrièresesoreilles.)J'aiapprislamortdeStephenplusieursjoursaprèssondécès.QuantàCéline...jel'avaishaïe,etpourtantj'aieudelapeinepourelle.Elles'esttranchélespoignets,paraît-il...Ilyavaitdusangpartout.(Ellepoussaungrandsoupir.)J'aiperçuImogèneauxfunéraillesdeStephen,alorsqu'ilsinhumaient son corps dans lemausolée familial.Elle n'amêmepas eu l'air deme reconnaître.On l'anommée Inquisitrice peu après. L'Enclave pressentait Que personne, mieux qu'elle, n'aurait pupourchasser impitoyablement les anciensmembres duCercle... et elle a vu juste. Si Imogène avait pulaverlesouvenirdeStephendansleursang,ellel'auraitfait.Claryseremémoraleregarddurdel'Inquisitrice,ets'efforçad'éprouverdelacompassionpourelle.—Jecroisqueçal'arenduecomplètementfolle,observa-t-elle.Elleaétéhorribleavecmoi,etavec
Jace,surtout.Onauraitditqu'ellesouhaitaitsamort.— C'estlogique.Tuesleportraitcrachédetamère,etc'estellequit'aélevée,maistonfrère...Est-ce
qu'ilressembleautantàValentinqueturessemblesàJocelyne?—Non,réponditClary.Jaceneressemblequ'àlui.
Unfrissonluiparcourutledosàlapenséedesonfrère.—IlesticiàAlicante,songea-t-elletouthaut.Sijepouvaislevoir...—Non,ditAmatisd'untonsansappel.Tun'aspasledroitdesortirdelamaisonnidevoirquiquece
soit,etsurtoutpastonfrère.—Voussous-entendezquejesuisreléguéeicicommeuneprisonnière?s'exclamaClary,horrifiée.— C'estl'affaired'unjouroudeuxet,detoutemanière,tun'espasencoresurpied.Tudoistereposer.
L'eaudulacafaillitetuer.—MaisJace...— C'estunLightwood.Tunepeuxpasallerlà-bas.Alasecondeoùilsteverront,ilseninformeront
l'Enclave.Or,tun'espaslaseuleàavoirdesennuisaveclaLoi.Lukeestconcerné,luiaussi.«MaislesLightwoodnemetrahiraientjamaisauprèsdel'Enclave,pensaClary.Jamaisilsneferaient
unechosepareille...»Lesmotsmoururentsurseslèvres.Ellecomprenaitqu'ellen'avaitaucunmoyendeconvaincreAmatisquelesLightwoodqu'elleavaitcôtoyésquinzeansplustôtn'étaientplus:RobertetMarysen'avaientplusrienencommunaveclesfanatiquesaveuglémentloyauxqu'ilsétaientalors.Cettefemmeétaitpeut-être lasœurdeLuke,maisc'étaituneétrangèreauxyeuxdeClary.Luke lui-mêmenel'avaitpasvuedepuisseizeans;iln'avaitjamaismentionnésonexistence.Claryseradossaauxoreillersetfeignitd'êtrefatiguée.
—Vousavezraison.Jemesenspatraque.Jecroisquejeferaismieuxdedormirunpeu.—Bonneidée.
Amatissepenchapourluiprendrelatassevidedesmains.— Si tu veux prendre une douche, la salle de bains est au bout du couloir. Tu trouveras des vieux
vêtementsàmoidansuncoffreaupieddulit.Avued'œiltufaisàpeuprèslamêmetaillequemoiàtonâgedoncilst'irontpeut-être.Contrairementàcepyjama,ajouta-t-elleavecunpâlesourirequeClaryneluirenditpas.Elledevaitseretenirdenepasdonnerdescoupsdepoingdefrustrationdanslematelas.Dèsl'instant
ou la porte se referma surAmatis,Clary sauta du lit et se rendit dans la salle de bains avec l'espoirqu'une douche chaude lui éclaircirait les idées. À son grand soulagement, malgré leur mode de vievieillot,lesChasseursd'Ombrescroyaientapparemmentauxvertusdelaplomberiemoderneetdel'eaucourante.Elletrouvamêmeunsavonàlaforteodeurcitronnéepourdébarrassersescheveuxdel'odeur
persistantedulacLyn.Quandellesortitdelasalledebains,emmaillotéedansdeuxserviettes,ellesesentaitbeaucoupmieux.Deretourdanslachambre,ellefouillalamalled'Amatis.Lesvêtementssoigneusementpliésavaient
étéenveloppésdansdupapierdesoie.Lecoffrecontenaitdestenuesd'écolièreoucequiyressemblait:degrospullsenmérinosavecunepochedepoitrinerebrodéed'uninsigneévoquantquatreCcollésdosàdos;desjupesplisséesetdeschemisiersboutonnésauxmanchesétroites.Unerobedemariéeblanchereposait entre deux couches de papier, et Clary la mit de côté avec des gestes précautionneux. Endessous, elle trouva une autre robe, en soie argentée celle-là, avec de fines bretelles rehaussées depierreries. « C'est le genre de vêtement que ma mère aurait porté pour aller au bal avec Valentin»,songea-t-ellemalgréelleavantde remettre la robeàsaplaceen faisantglisser le tissu froidet satinéentresesdoigts.ToutaufonddelamallesetrouvaitunetenuedeChasseurd'Ombresqu'elledépliasursesgenoux,intriguée.Lapremièrefoisqu'elleavaitvuJaceetlesLightwood,ilsportaientleuruniformedecombat : desvêtementsmoulants coupésdansun tissunoir très solide.Deprès, elle constataqu'ils'agissait en réalité d'un cuirmat très fin, souple et près du corps.La tenue se composait d'une vestezippéeetd'unpantalonse fermantaumoyend'unsystèmed'attachescompliquées.Elleétaitcomplétéed'unegrosseceinture,conçuepourporterdesarmes.Bienentendu,Claryauraitdûenfilerunpulletunedes jupesplisséesqu'elleavait trouvéesdans la
malle.C'était sansdoutecequ'Amatisattendaitd'elle.Mainquelquechose l'attiraitdansceshabitsdeguerrier;elles'étaittoujoursdemandédequoielleauraitl'air…Quelquesminutesplustard,lesserviettesgisaientaupieddulitetClarys'examinait,surpriseetunrien
amusée,danslemiroirenpied.Latenueluiallaitparfaitement:sansêtretropserrée,elleépousaitlescourbesdeseshanchesetdesapoitrine.Claryavaitl'impressiond'avoirdesformes,cequiétaitnouveaupourelle.Cesvêtementsneluidonnaientpasl'allured'uneguerrièreredoutable-elledoutaitquedetelsvêtements existent -mais, aumoins, elle semblait plusgrande, et lenoir créait uncontraste saisissantavecsacouleurdecheveux.«Jeressembleàmamère»,pensa-t-elle,interloquée.Jocelyne,soussesairsdepoupée,avaittoujourseuunmorald'acier.Clarys'étaitsouventdemandéce
quesamèreavaitvécuautrefoispourêtreaussiforteetindomptable,aussicourageuseetentêtée.«Est-cequetonfrèreressembleautantàValentinqueturessemblesàJocelyne?»avaitdemandéAmatis,etClaryauraitvoulurépondrequ'ellen'avaitrienencommunavecsamère,quecettedernièreétaitbelle,contrairement à elle.Cependant, la Jocelyne qu'avait connueAmatisi vait comploté contreValentin etforgéensecretuneallianceentreNephilimetlesCréaturesObscures,quiavaitdétruitleCercleetsauvéles Accords. Cette Jocelyne-là n'aurait jamais consenti à rester entre les quatre murs d'une chambrependantquelemondesedésagrégeait.Sansprendreletempsderéfléchir,Claryallapousserleverroudelaporte,puiselles'avançaversla
fenêtreetl'ouvrit.Latreilles'agrippaitaumurdepierrecomme...«Commeuneéchelle,songea-t-elle.Etonnerisqueriensuruneéchelle.»Prenantunegrandeinspiration,elleenjambalereborddelafenêtre.Les gardes revinrent chercher Simon le lendemain matin. Ils l'arrachèrent sans ménagement à un
sommeilagité,peupléderêvesétranges.Cettefois,ilsneprirentpaslapeinedeluibanderlesyeuxet,tandisqu'ilsl'escortaienthorsdesacellule,iljetauncoupd'œilfurtifàtraverslagrilleducachotvoisin.S'ilavaitespéréentrapercevoirlepropriétairedelavoixrauquequ'ilavaitentenduelanuitprécédente,ilétaitdéçu.Laseulechosevisibleau-delàdesbarreauxévoquaituntasdehaillons.Lesgardesluifirentemprunterunesuccessiondecouloirsgrisâtres,lepoussantdevanteuxdèsqu'il
faisaitminederalentir.Enfin, ilspénétrèrentdansunepiècedont lesmursétaient tapissésdeportraits
d'hommes et de femmes en tenue de Chasseurs d'Ombres. Les cadres des tableaux étaient gravés demotifsruniques.Sousleplusimposantsetrouvaituncanapérougeoùétaitassisl'Inquisiteur,ungobeletenargentàlamain.IlletenditàSimon.
—Unpeudesang?Tudoisavoirfaimàcetheure.A la vue du liquide rouge, Simon se sentit défaillir, ses veines aimantées par le sang comme des
ficellesactionnéesparunmarionnettiste.C'étaitunesensationdésagréable,presquedouloureuse.—C'estdusang...humain?—Voyons,mongarçon!gloussaAldertree.Nesoispasridicule!C'estdusangdechevreuilbienfrais.Simongardalesilence.Ilsentitunpicotementdanssalèvreinférieure:sescrocsvenaientdesortirde
sesgencives,etlegoûtdesonpropresangsursalangueluidonnalanausée.Aldertreefitlagrimace.—Seigneur...
Puis,setournantverslesgardes,ilordonna:—Laissez-nous,messieurs.Unefoislesgardespartis,ils'arrêtasurleseuiletregardaSimond'unairouvertementdégoûté.—Non,merci,lâchacelui-ci,lalanguepâteuse.Jen'enveuxpas.—Tescrocsenontdécidéautrement,jeunehomme,répliquaAldertreed'untonaffable.Tiens.Bois.IltenditlacoupeàSimon,etl'odeurdusangfraisserépanditdanslapiècecommeleparfumdesroses
dansunjardin.Sesincisives,àprésentcomplètementsorties,entaillèrentsalèvreinférieure.Ladouleurelréveillacommeunegifle.Arrachantlegobeletdesmainsdel'Inquisiteur, il levidaentroisgorgéespuishonteux,leposasurlebrasducanapéd'unemaintremblante.«Inquisiteur:1.Simon:0»,pensa-t-il.
—J'espèrequetun'aspaspasséunenuittropdésagréabledanstacellule?Noscachotsnesontpasdeschambres de torture, mon garçon, mais des lieux de réflexion. Il faut réfléchir pour avoir les idéesclaires,tunetrouvespas?J'espèrequetuenasprofitépourméditer.Tum'asl'aird'êtreunjeunehommeraisonnable.
L'Inquisiteurpenchalatêtedecôté.—Jet'aiapportémoi-mêmeunecouverture.JeneVoulaispasquetutombesmalade.—Jesuisunvampire.Nousnesentonspaslefroid.—Oh,fitlepetithomme,l'airdésappointé.— Mercipour les étoilesdeDavid et leSceaudeSalomon, ajouta sèchementSimon.C'est toujours
agréablederencontrerdesgensquis'intéressentàmareligion.—Biensûr,biensûr!s'exclamaAldertree.Formidables,cesgravures,n'est-cepas?Etàtouteépreuve,
évidemment!J'imaginequ'iltesuffiraitdetoucherlaportedetacellulepourquelapeaudetamainparteen lambeaux!gloussa-t-il,visiblementamuséparcetteperspective.Bref.Pourrais-tu reculerd'unpas,mongrand?Justepourmefaireplaisir.
Simons'exécuta.Rienneseproduisit,etpourtantl'Inquisiteurouvritdegrandsyeux.—Jevois,souffla-t-il.—Vousvoyezquoi?—Regardeoùtues,jeuneSimon.Simonjetauncoupd'œilautourdelui:rienn'avaitchangédanslapièce,etilluifallutquelques
instantspourcomprendredequoiparlaitAldertree.Ilsetenaitsousunelucarneautraversdelaquellefiltraitunrayondesoleiléblouissant.
Aldertreesetortillaitpresqued'excitation.—Tu es en plein soleil, et ses rayons n'ont aucun effet sur toi. Jamais je n'aurais cru cela possible.
Enfin,onm'enavaitparlémaisjen'aijamaisrienvudetel.Simongardalesilence.
—Laquestionquis'impose,évidemment,poursuivitAldertree,estlasuivante:connais-tul'originedecephénomène?
—Peut-êtrequejesuisplusgentilquelesautresvampires.Simonregrettainstantanémentsesparoles.Aldertreeplissalesyeux,etuneveineapparuttelungros
versursatempe.Manifestement,iln'aimaitpaslesplaisanteriesquandiln'enétaitpasl'auteur.—Trèsamusant.Questionsuivante:es-tuunvampirediurnedepuisquetuessortidetatombe?—Non,réponditSimond'untoncirconspect.Danslespremierstemps,lesoleilmebrûlait.Lemoindre
rayonmetransperçaitlapeau.— Certes, déclara Aldertree en hochant vigoureusement la tête, comme s'il ne devait pas en être
autrement.Alors,quandas-turemarquépourlapremiersfoisquetupouvaistepromenerenpleinjour?—C'étaitlelendemaindelagrandebataillesurlebateaudeValentin...— Au cours de laquelle il t'a capturé, c'est bien ça ? Il t'a gardé prisonnier sur son bateau avec
l'intentiond'utilisertonsangpourcompléterleRitueldeConversionInfernale.—Voussavezdéjàtout,ondirait.Vousn'avezplusbesoindemoi.—Ohnon,loindelà!s'écriaAldertreeenlevantlesbrasauciel.Simonremarquaqu'ilavaitdetoutespetitesmains,sipetitesqu'ellessemblaientdisproportionnéespar
apportàsesbrasdodus.—Tuasbeaucoupd'éclaircissementsàm'apporter,moucher!Parexemple,jenepeuxm'empêcherde
medemandersiquelquechosesusceptibledemodifierlanatures'estproduitsurcebateau.Uneidée?« J'ai bu le sang de Jace », songea Simon. L'espace d'une seconde, il fut tenté d'en faire part à
l'Inquisiteurparpureméchanceté,puislalumièresefitbrusquementdanssonesprit:«J'aibulesangdeJace.»Etait-cecelaquil'avaittransformé?Qu'ils'agisseounond'unepossibilité,devait-ilraconteràl'InquisiteurcequeJaceavaitfaitpourlui?ProtégerClary,c'étaitunechose;protégerJaceenétaituneautre.Ilneluidevaitrien.Aprèsréflexion,cen'étaitpaslastrictevérité.Jace,enluioffrantsonsang,luiavaitsauvélavie.Un
autreChasseurd'Ombresaurait-ilagidemêmepoursauverunvampire?Etmêmes'ilnel'avaitfaitqueparamourpourClary,quelleimportance!Simonsesouvintd'avoirditàcemoment-là:«J'auraisputetuer.»Jaceavaitrépondu:«Jet'auraislaisséfaire.»Iln'osaits'imaginerquelsennuisattendaientJacesil'Enclaveapprenaitqu'ilavaitsauvélavied'unvampireparcebiais.
—Jenemerappellepluscequis'estpassésurlebateau,déclara-t-il.Valentinavaitdûmedroguer.Lestraitsd'Aldertreesedécomposèrent.—Quellenouvellefâcheuse!J'ensuisdésolé.—Moiaussi,ditSimonmalgrélui.—Alorstunetesouvienspasd'unseuldétail?— Seulementdem'êtreévanouiquandValentinm'aattaqué.Jesuisrevenuàmoiunpeuplustarsur...
surlaplate-formedelacamionnettedeLuke.Riendeplus.Aldertreeresserralespansdesacapeautourdelui.
— IlparaîtquelesLightwoodsesontprisd'affectionpourtoi.Maislesautresmembresdel'Enclavénesemontrerontpasaussi...compréhensifs.TuasétéfaitprisonnierparValentin,tuesressortidecetteconfrontationavecunnouveaupouvoirexceptionnel,etvoilàqu'on te retrouveaucœurd'Idris.Auvudesapparences,qu'est-cequ'onendéduira,àtonIavis?
SilecœurdeSimonavaitencorepubattre,ilselseraitemballé.—Vouspensezquej'espionnepourlecomptedeValentin.
Aldertreepritl'airoutragé.— Mongarçon,mongarçon!Jetefaisconfianceçavadesoi.Maisquantàl'Enclave,j'aibienpeur
qu'elle soit plus suspicieuse. Nous avions tant espéra que tu pourrais nous aider ! Vois-tu - et je nedevraitpastedirecela,maisjesensquejepeuxmeconfieràtoi-,l'Enclaveestdansdesalesdraps.
—Ahbon?fîtSimon,perplexe.Maisquelestlerapportavec...—Voilà,l'Enclaveestdivisée...enguerreavecelle-même,pourrait-ondire,encesheuresagitées.Des
erreursontétécommisesparmonprédécesseuretd'autres...Peut-êtrequ'ilvautmieuxnepass'étendresur le sujet. Mais, vois-tu, l'autorité même de l'Enclave, du Consul et de l'Inquisiteur est remise enQuestion.Valentin semble toujours avoir une longueur d'avance sur nous, comme s'il connaissait nosprojetsavantl'heure.NileConseilniMalachineserangerontàmonavisaprèscequis'estpasséàNewYork.
—Jecroyaisquec'étaitl'Inquisitrice...—C'estMalachi qui l'a nommée à ce poste. Bien sûr, il ne pouvait pas savoir qu'elle deviendrait
complètementfolle...—Mais,objectaSimonavecunepointed'aigreur,laencorec'estunequestiond'apparences.
Laveineréapparutsurlefrontd'Aldertree.—Tuesmalin.Ettuasraison.Lesapparencessontimportantes,surtoutenpolitique.Onpeuttoujours
manipulerlesfoules,pourvuqu'onaitunebonnehistoireàleurservir.IlsepenchaversSimon,lesyeuxrivéssurlui.
—Laisse-moi t'en raconter une.Autrefois, lesLightwood faisaient partieduCercle.Un jour, ils ontreniéleursopinionsetbénéficiédenotreclémenceàconditionqu'ilsquittentIdrispourNewYork,oùilsdirigeraient l'Institut.Leur attitude irréprochable leur a permis de regagner la confiancede l'Enclave.Maisduranttoutcetemps,ilssavaientqueValentinétaittoujoursenvie.Duranttoutcetemps,ilssontrestéssesfidèlesserviteurs.Ilsontprissonfilssousleur...
—Ilsn'étaientpasaucourant...— Tais-toi! rugit l'Inquisiteur,etSimonn'osapasprotester. Ils l'ontaidéàretrouver lesInstruments
Mortels et à accomplir leRituel deConversion Infernale. Lorsque l'Inquisitrice a découvert ce qu'ilsmanigançaient,ilssesontarrangéspourl'élimineraucoursdelabataillesurlebateau.Etmaintenantlesvoilà ici, aucœurde l'Enclave,pournousespionneret révélénosplansàValentinau furet àmesurequ'ilsvoientlejour.Ainsi,ilpourraitnousvaincreet,aufinalimposersavolontéàtouslesNephilim.Ilst'ontemmenéaveceux - toi, levampirequi supporte la lumièredu jour -pournousdistrairede leursvéritablesobjectifs:restaurerlagloireduCercleetabolirlaLoi.
Lesyeuxporcinsdel'Inquisiteurétincelèrent.—Qu'est-cequetupensesdecettehistoire,vampire?— Jelatrouvedingue,répliquaSimon,etplusdureàavalerquelePèreNoël.Jenesaispasceque
vousespérezobteniravecce...—«Espérez»?Jen'espèrepas,vampire.Jesaisauplusprofonddemoiqu'ilestdemondevoirsacré
desauverl'Enclave.—Aumoyend'unmensonge?—Aumoyend'unehistoire.Lesgrandspoliticientissentdejolieshistoirespourinspirerleurpeuple.—Jenevoispasenquoilefaitd'incriminerlesLightwoodpeutinspirer...— Il faut toujours sacrifier quelqu'un. Quand les membres du Conseil se seront trouvé un ennemi
communetunebonneraisondesefieràl'Enclave,ilsseserrerontlescoudes.Quevautlavied'uneseule
famille en comparaison de tout cela ? En fait, je doute que les enfants Lightwood subissent lesconséquencesdecesrévélations.Ilsneserontpasinquiétés.Bon,peut-êtrelefilsaîné.Maislesautres...
—Vousnepouvezpasfaireça!SerécriaSimon.Personnenevouscroira.— Les gens croient ce qu'ils veulent. Et l'EnclaveVeut un coupable. Je peux le leur offrir sur un
plateau.Toutcedontj'aibesoin,c'esttoi.—Moi?Qu'est-cequejeviensfairedanstoutça?
Levisagedel'Inquisiteurétaitmaintenantrouged'excitation.—Confessetescrimes.AvouequetuesàlasoldedesLightwoodetquevousêtestousdemècheavec
Valentin. Je ferai preuve de clémence à ton égard. Je te renverrai auprès de ton peuple, j'en fais leserment.Maisj'aibesoindetaconfessionpourquel'Enclavemecroie.
—Vousvoulezquejeconfesseunmensonge.Simonavaitconsciencederépéterlesparolesdel'Inquisiteur,maislespenséessebousculaientdanssa
têteet iln'arrivaitpasàse fixersuruneseule.LesvisagesdesLightwooddéfilaientdanssonesprit :Alec, reprenant son souffle sur le chemin de laGarde ; les yeux noirs d'Isabelle posés sur lui ;Maxpenchédursonlivre.EtJace.Jaceétaitdesleurscommesilemêmesangcoulaitdanssesveines.L'Inquisiteurn'avaitpas
prononcésonnom,maisSimonsavaitqu'ilpaieraitaveclesautres.Ets'ilsouffrait,Clarysouffriraitaveclui.Commentpouvait-il se sentir liéàcesgensquinevoyaienten luiqu'unecréatureméprisable,unemoitiéd'humaindanslemeilleurdescas?Ilobserva lesyeuxde l'Inquisiteur ; ilsétaientnoirscommeducharbon.Plongersonregarddans le
sien,c'étaitcommecontemplerdesténèbresinsondables.—Non,dit-ilenfin.Jerefusedefaireça.— Le sang que je t'ai donné, tu n'en auras pas d'autre tant que tu n'auras pas changé d'avis, lâcha
Aldertree,dontletonn'avaitplusriend'affable.Tuverrasqu'onpeutviteavoirtrèssoif.Simonneréponditrien.
—Uneautrenuitencellule,alors,conclutl'Inquisiteurenselevantpourappelerlesgardes.C'estcalmelà-bas,n'est-cepas?Riendetelqu'uneatmosphèrepaisiblepourguérirlestrousdemémoire.
SiClaryétaitpersuadéed'avoirmémorisélecheminqu'elleavaitprislaveilleavecLuke,ellecompritbienvitequecen'étaitpastoutàfaitlecas.Prendreladirectionducentre-villeluisemblaitlemeilleurmoyendeserepérer,maisunefoisqu'elleeuttrouvélaplaceaupuitsabandonné,elleneputserappelersielledevaittourneràdroiteouàgauche.Elleoptapourlagauche,etseperditdansundédalederuellessinueusesquiseressemblaienttoutes.
Enfin,elledébouchasurunerueplus largebordéed'échoppes.Despassantssepressaientde l'autrecôté sans prêter attention à elle. Quelques-uns portaient leurs vêtements de combat, mais la plupartdéambulaientdansleurtenuequotidienne.Ilfaisaitfroid,et leslongsmanteauxd'unautreâgeétaientàl'ordredujour.Unventcinglantsoufflaitsurlaville,etClarylongeaavecunpincementaucœuràsonmanteaudeveloursvertsuspendudanslachambred'amisd'Amatis.
Luken'avaitpasmenti:lesChasseursd'OmbresÉtaientvenusdesquatrecoinsdumondepourassisterau sommet. Clary croisa une Indienne vêtue d'un somptueux sari doré, avec deux poignards incurvéspendusàunechaîneluiceignantlataille.Unhommegrandàlapeausombre,avecunvisageanguleuxdeguerrieraztèque,inspectaitlavitrinesurchargéed'unearmurerie;desbraceletsdumêmemétalbrillantqueles toursornaientsespoignets.Aubasdelarue,unhommeenlonguerobeblanchedenomadedudésertconsultaitunplandelaville.Aprèsl'avoirvu,Clarytrouvalecouraged'approcherunepassante
enlourdmanteaudebrocartpourluidemanderladirectiondelaruePrincewater.S'ilyavaitunmomentou leshabitants de laville ne semontreraient pas suspicieux enversunepersonne égarée, c'était bienCelui-là.
Son instinct s'avéra juste : sans la moindre hésitation, la femme lui donna en hâte une séried'indications.
—Puis,auboutducanalOldcastle,prenezàgauche,traversezlepontdepierre,etvoustrouverezlaruePrincewater.
ElleadressaunsourireàClary.—Vousrendezvisiteàquelqu'unenparticulier?—Oui,lesPenhallow.—Oh,c'estlamaisonbleueauxmouluresdoréesdontl'arrièredonnesurlecanal.Elleestgrande,vous
nepouvezpaslarater.Elle se trompait.Certes, lamaisonétaitvaste, cependantClarypassadevant sans s'arrêteravantde
s'apercevoirdesonerreuretderebroussercheminpour l'observerdeplusprès.Elleétaitplus indigoquebleueenréalitémais,làencore,laplupartdesgensn'avaientpaslamêmenotiondescouleursqueClary.Lecommundesmortelsnesavaitpasdifférencier le jaunecitrondusafran.Commesicesdeuxnuancesétaientinterchangeables!Quantauxmoulures,ellesn'étaientpasdoréesmaisd'unbeaubronzesombrequitémoignaitdel'anciennetédelamaison.Toutdanscetendroitsuggéraitlepoidsdesans...«Çasuffit»,pensaClary.Ellelaissaittoujourssonespritvagabonderdanstouteslesdirectionsquand
elleétaitnerveuse.Elleessuyasespaumesmoitessursonpantalon;lecuirétaitrêcheautoucher,commedesécaillesdeserpent.Aprèsavoirgravilesmarchesduperron,ellefrappaleheurtoirmassifreprésentantlesailesd'unange,
quirésonnacommeuneénormeclochedans lesentraillesde lamaison.Quelques instantsplus tard, laports'ouvritetIsabelleLightwoodapparutsurleseuil,lesyeuxécarquillésdestupeur.
—Clary?—Salut,Isabelle,lança-t-elleavecunsourirepenaud.
Isabelles'appuyacontrelechambranle,l'airlugubre.—Ohnon!fit-elle.Deretourdanssacellule,Simons'affalasur le litetentendit lepasdesgardess'éloigner. Ildevrait
passer une autre nuit en prison pendant que l'Inquisiteur attendait qu'il se «souvienne». «Au vu desapparences,qu'est-cequ'onendéduira?»avait-ildit.Mêmedans sespirescauchemars,Simonn'auraitpaspus'imaginerqu'onl'accuseraitunjourd'êtredemècheavecValentin.Cethommeétaitconnupourhaïr lesCréaturesObscures. Il luiavait tranché lagorgeafinde leviderdesonsang, le laissantpourmort.Maisl’Inquisiteurneconnaissaitprobablementpascedétail.Simonperçutdubruitdel'autrecôtédumur.— Jedoisadmettrequejecommençaisàmedemandersitureviendrais,ditlavoixrocailleusedela
veille.J'imaginequetun'aspasdonnéàl'Inquisiteurcequ'ilvoulait.—Ondiraitquenon,réponditSimonens'approchantdumur.Iltâtaenvainlapierrepourtrouverunefissureluipermettantdevoirdel'autrecôté.—Quiêtes-vous?—C'estunhommeentêté,cetAldertree,repritlavoix,commesiderienn'était.Iln'abandonnerapas.
Simons'adossaaumurhumide.
—Alorsjevaisrestericiunbonmoment.—Jeprésumequetune,vaspasmedirecequ'ilattenddetoi?—Pourquoitenez-vousàlesavoir?
L'inconnupartitd'unrirequiévoquaitleraclementdumétalsurlapierre.—Jesuisicidepuispluslongtempsquetoi,vampire,etcommetupeuxlevoir,iln'yapasbeaucoupde
distractions,alorstoutestbonàprendre.Simon croisa les mains sur son ventre. Le sang de chevreuil l'avait à peine rassasié et la soif
l'aiguillonnaitencore.—J'aientendulesgardesbavardersurtoncompte,repritl'homme.Ilparaîtquetupeuxtepromeneren
pleinjour.Personnen'avaitvuçaauparavant.Ilyapourtantdeslégendesquicirculentsurlescréaturesdetonespèce.Tulesconnais?—Non.MaTransformationestassezrécente.Voussemblezensavoirlongsurmoi,ditesdonc.— Lesgardesaimentbienéchangerlesragots.EtlesLightwoodsetéléportantavecunvampireblessé,c'estunmorceaudechoix.Cependant,jedoisavouerquejenem'attendaispasàtevoirdébarquericiavant qu'ils n'aménagent la cellule exprès pour toi. Ce qui m'étonne, c'est que les Lightwood aientacceptéqu'ilst'emmènent.
— Pourquoi s'y seraient-ils opposés ? répliqua Simon avec amertume. Je ne suis qu'une CréatureObscure!
—AuxyeuxduConsul,oui,peut-être.MaispourlesLightwood...—Quoi,lesLightwood?
Ilyeutunbrefsilence.—LesChasseursd'Ombresquiviventendehorsd'Idris-enparticulierceuxquidirigentlesInstituts-
onttendanceàêtreplustolérants.Enrevanche,l'Enclavelocaleestbeaucoupplus...rigide.—Etvous?s'enquitSimon.VousêtesaussiuneCréatureObscure?—UneCréatureObscure?Simonn'enétaitpascertain,maisilcrutdécelerdelacolèredanslavoixdel'étranger,commesisa
questionleblessait.—MonnomestSamuelBlackburn.JesuisunNephilim.Ilyaplusieursannées,j'aifaitpartieduCercle
avecValentin.J'aimassacrédesCréaturesObscureslorsdel'Insurrection.Alorstupensesbienquejenesuispasl'undesvôtres.
—Oh...Simonavalasasalive.Saboucheavaitungoûtdesel.S'ilsesouvenaitbien,lesmembresduCerclede
Valentinavaientétécapturésetpunisparl'Enclave,exceptéceuxqui,àl'exempledesLightwood,avaientréussiànégocieruncompromisouacceptaientl'exilenéchangedupardon.
—Vousêtesrestéicidepuislors?— Non. Après l'Insurrection, j'ai pu m'enfuir d'Idris avant qu'on me fasse prisonnier. J'ai vécu à
l'étranger pendant des années jusqu'au jour où, croyant bêtement qu'onm'avait oublié, je suis revenu.Evidemment,ilsm'ontcapturédèsmonarrivée.L'Enclaven’apassonpareilpourtraquersesennemis.Ilsm'onttrainédevantl'Inquisiteur.J'aiétéinterrogépendantdesjours.Unefoisqu'ilsenonteuterminéavecmoi,ilsm'ontjetéici.
Samuelsoupira.— LesFrançaisontbaptisécegenred'endroitune«oubliette».C'estlàqu'onjettelesrebutsqu'on
chercheàrayerdesamémoire.Ilsypourrissentlàsansimportunerlemondedeleurpuanteur.OK.JesuisuneCréatureObscure,doncjesuisunrebut.Maisvous,vousêtesunNephilim.
—J'étaisdemècheavecValentin.Doncjenevauxpasmieuxquetoi.Jesuismêmepire,carjesuisun
renégat.— Pourtant, beaucoup d'autres Chasseurs d'Ombres ont fait partie du Cercle. Les Lightwood, les
Penhallow...—Ilsl'onttousrenié.IlsonttournéledosàValentin.Pasmoi.—Ahbon?Maispourquoi?— Parce que j'ai plus peur de lui que de l'Enclave et, si tu avais un peu de jugeote, vampire, tu
penseraiscommemoi.
— MaistuescenséeêtreàNewYork!s'écriaIsabelle.Jacenousaditquetuavaischangéd'avisetquetupréféraisresterauchevetdetamère!
— Il amenti, annonçaClary sanspréambule. Il nevoulait pasque jevienne, alors ilm'amenti surl'horairedevotredépart,etilvousaracontéquej'avaischangéd'avis.Tuterappelles,tumedisaisqu'ilnementaitjamais?C'estarchifaux!
— En tempsnormal, ildit lavérité,objecta Isabelle,quiavaitblêmi.Dis-moi, tuesvenue icipourSimon?
— Quoi?Non.SimonestensécuritéàNewYork,Dieumerci.Etildoitêtresacrémentfrustrédenepasavoirpumedireaurevoir.
—L'airméduséd'IsabellecommençaitàtapersurlesnerfsdeClary.Bon,laisse-moientrer,Isabelle.IlfautquejevoieJace.
—Alors...tuesvenueicitouteseule?Tuasobtenuunepermissiondel'Enclave?Jet'enprie,répondsoui.
—Pastoutàfait...—TuasenfreintlaLoi?s'exclamaIsabelled'uneVoixstridente.(Ellepoursuivitdansunmurmure:)Si
Jacel'apprend,ilvanousfaireunecrisedenerfs.Clary,tudoisrentrercheztoi.— Non,maplaceestici,rétorqua-t-elleens'étonnantelle-mêmedesonobstination.Etilfautqueje
parleàJace.—Cen'estpaslemoment.Isabelle jetaunregardanxieuxautourd'ellecommesielleespérait trouverquelqu'unsusceptiblede
l'aideràchasserClary.—Jet'enprie,rentreàNewYork.S'ilteplaît...—Jecroyaisquej'étaistonamie,Isa,susurraClarydansl'espoirdelaculpabiliser.Isabelle se mordit la lèvre. Elle portait une robe blanche et ses cheveux relevés en chignon lui
donnaient l'air plus jeune.Derrière elle,Clary distinguait un hall d'entrée haut de plafond, tapissé deportraitsàl'huileapparemmenttrèsanciens.
—Tuesmonamie.MaisJace...Oh,lala,qu'est-cequec'estquecetaccoutrement?Oùas-tutrouvécesvêtements?
—C'estunelonguehistoire.—Tunepeuxpasdébarquericicommeça!SiJacetevoit...—Oh,etalors?Isabelle,jesuisvenuepourmamère.Jaceneveutpeut-êtrepasdemoiici,maisilne
peutpasmeforceràresterlà-bas.Maplaceestici,Mamèreabesoindemoi.Tuagiraispareilpourlaitienne,pasvrai?
—Biensûr!Mais,Clary,Jaceasesraisons...—J'adoreraislesentendre.
Clarysefaufilasouslebrasd'Isabelleetpénétraidanslehalldelamaison.
—Clary!glapitIsabelleens'élançantderrièreelle,maiselleavaitdéjàparcourulamoitiéduhall.Tandisqu'ils'efforçaitdeluiéchapper,elleconstataquelamaison,toutenhauteur,étaitbâtiesurle
mêmemodèlequecelled'Amatis,maisqu'elleétaitbeaucoupplusvasteet richementdécorée.Lehalldébouchaitsurunepiècedotéedegrandesfenêtresdonnantsuruncanal.Desbateauxblancsvoguaientsur ses eaux calmes, leurs voiles portées par le vent comme des aigrettes de pissenlits.Assis sur uncanapéprèsd'unedesfenêtres,ungarçonsemblaitabsorbédanslalectured'unlivre.—Sébastien!criaIsabelle.Nelalaissepasmonter!Legarçonlevalesyeux,surpris,et,uninstantplus,tard,ilseplantadevantClaryafindeluibloquer
l'accès à l'escalier. Elle s'arrêta net; jamais elle n'avait vu quelqu'un bouger aussi vite, excepté Jace.L'inconnunesemblaitmêmepashorsd'haleine.Illuisouriaitd'unairtranquille.
—VoicidonclafameuseClary.Son sourire éclairait son visage, et Clary sentit sa gorge se nouer. Pendant des années, elle avait
dessinélamêmehistoire,celled'unfilsderoifrappéd'unemalédictioncondamnantàmourirtousceuxqu'ilaimait.Elleavaitmistoutesonimaginationauservicedubeauprinceromantiqueetmystérieux,etvoilà qu’il se tenait devant elle. Lamême peau claire, lesmêmes cheveux ébouriffés, et un regard sisombreque lespupilles semblaient se fondre avec l'iris.Despommetteshautes et biendessinées, desyeux bordés de longs cils noirs. Elle était sûre de rencontrer ce garçon pour la première fois, etpourtant…Illadévisagead'unairperplexe.—Jenecroispas...Onseconnaît?Incapablederépondre,Clarysecoualatête.—Sébastien!Leslonguesmèchesd'Isabelleavaientéchappéàleursépinglesetretombaientsursesépaules.—Nesoispasgentilavecelle,lança-t-elle,furieuse,ellenedevraitpasêtrelà.Clary,rentrecheztoi.Auprixd'unimmenseeffort,ClarydétachalesyeuxdeSébastienetjetaunregardnoiràIsabelle.—Quoi,tuveuxquejerentreàNewYork?Etcommentjevaism'yprendre?—Commentas-tufaitpourarriverjusqu'ici?demandaSébastien.EntrerdansAlicante,c'estpresqueun
exploit.—J'aiutiliséunPortail.—UnPortail?répétaIsabelle,étonnée.Maisiln'yaplusdePortailàNewYork.Valentinlesadétruits
touslesd...— Je ne vous dois aucune explication, l'interrompitClary. Pas avant que vous ayez répondu àmes
questions.Pourcommencer,oùestJace?—Iln'estpaslà,réponditIsabelleaumomentoùSébastienannonçait:«Ilestàl'étage.»
Isabellesetournabrusquementverslui.—Sébastien!Boucle-la!—Maisc'estsasœur!protesta-t-il,stupéfait.Iln'apasenviedelavoir?Isabelleouvritlabouchepourrépliquerpuisseravisa.Clarycompritqu'ellepesaitlepouretlecontre
: valait-ilmieux expliquer leurs rapports complexes à un Sébastien ignorantmanifestement tout de lasituation,oucauserunemauvaisesurpriseàJace.Pourfinir,ellelevalesbrasauciel,l'airdésemparée
—Trèsbien,Clary.Vas-y,faiscequitechantesanstesoucierdesautres.Tun'enfaistoujoursqu’àtatête,detoutefaçon.ClarylançaàIsabelleunregardlourddereprocheavantdesetournerdenouveauversSébastien,qui
s'effaçasansunmotpourla laisserpasser.Ellemontélesmarchesquatreàquatre,entenditvaguementIsabelles'enprendreaupauvreSébastien.C'étaitduIsabelletoutcraché:dèsqu'ilyavaitungarçondans
lesparagesetqu'elleavaitbesoindeblâmerquelqu'unlafauteretombaitsurlui.Au sommet des marches, une alcôve vitrifiée surplombait la ville. Assis dans le renfoncement, un
enfant était plongé dans sa lecture. Il leva les yeux aumoment oùClary émergeait de l'escalier, l'airsurpris!
—Jeteconnais.—Salut,Max.JesuisClary...lasœurdeJace.Tuftesouviens?
LevisagedeMaxs'éclaira.— C'esttoiquim'asmontrécommentlire Naruto,dit-ilenluitendantsonlivre.Regarde,jem'ensuis
procuréunautre.Celui-làs'intitule...— Max,jen'aipasletempsdebavarder.Jejetteraiuncoupd'œilàtonlivreplustard,c'estpromis,
maistusaisoùestJace?Maxserembrunit.
—Là-dedans,répondit-ilenmontrantdudoigtladernièreporteauboutducouloir.Jevoulaisluitenircompagnie,maisilm'aditqu'ilavaitdeshistoiresd'adulteàrégler.Toutlemondemerépètelamêmechose.
—Jesuisdésolée,marmonnaClary,l'espritailleurs.Lespenséessebousculaientdanssatête.Quedirait-elleàJaceenlevoyant?Quelleseraitsaréaction
?Ensedirigeantverslaporte,ellesongea:«Surtout,nepassemettreencolère.Crierneserviraitqu'àlemettresurladéfensive.Ilfautqu'ilcomprennequej'aimaplaceiciautantquelui.Jen'aipasbesoind'êtresurprotégée,jenesuispasensucre!Moiaussi,jesuisforte...»Elleouvrit grand laporte et entradansunebibliothèqueauxmurs tapissésde livres.Lapièce était
brillamment éclairée ; la lumière du jour se déversait par une grande fenêtre panoramique. Jace étaitdeboutaumilieude lapièce. Iln'étaitpas seul.Une filleauxcheveuxnoirs,queClaryvoyaitpour lapremièrefois,seblottissaitcontrelui,ettousdeuxéchangeaientunbaiserpassionné.
6.Tensions
PRISEDEVERTIGE,Claryeutsoudainl'impressionqu'iln'yavaitplusd'airdanslapièce.Ellereculaenheurtantlechambranledesonépaule.Alertésparlebruit,Jaceetl'inconnues'écartèrentl'undel'autre.Clary se figea. Ilsavaient tous lesdeux le regard fixé surelle.Elle remarquaque la filleavaitdes
cheveux noirs et raides longs jusqu'aux épaules, et qu'elle était particulièrement jolie. Les derniersboutonsdeson chemisier, défaits, laissaient entrevoir la bretelle d'un soutien-gorge endentelle.Clarycrutqu'elleallaitvomir.Lafillereboutonnaenhâtesonvêtement,l'airmécontent.
—Pardon,lança-t-elleenfronçantlessourcils,maisquies-tu?Claryneréponditpas.EllegardaitlesyeuxrivéssurJace,quil'observaitd'unairincrédule.Ilavait
pâlietlescernessoussesyeuxressortaientsursapeaublême.—Aline,dit-ild'unevoixblanche.VoicimasœurClary.—Oh...Oh!
Levisaged'Alinesedétenditetellesouritd'unairgêné.—Désolée!Envoilàunefaçondefaireconnaissance!Salut,moic'estAline.Elles'avançaversClary,lamaintendue,sanscesserdesourire.«Jenevaispaspouvoirlatoucher»,
songea Clary avec un sentiment croissant d'horreur. Elle se tourna vers Jace qui, visiblement, avaitdéchiffré l'expression de son regard. Le visage fermé, il rattrapa Aline par les épaules et lui glissaquelquesmotsàl'oreille.Ellesemblasurprise,haussalesépaulesetsedirigeaverslaportesansunmot.Claryse retrouvaseuleavecJace,qui la regardait toujourscommesi sonpirecauchemarvenaitde
prendreviesoussesyeux.—Jace,dit-elleenfaisantunpasdanssadirection.
Ilrecula.—Aunomdel'Ange,Clary,qu'est-cequetufaisIci?
Malgrétout,laduretédesavoixlablessa.—Tupourraisaumoinsfairesemblantd'êtrecontentdemevoir.—Jenesuispasdutoutcontentdetevoir.S'ilavaitretrouvéunpeudesescouleurs,lescernessoussesyeuxressortaientencoretellesdestaches
grisessursapeau.Claryattenditqu'ilpoursuive,mais ilsecontentade laconsidérerd'unairhorrifié.Ellenotadistraitementquelesmanchesdesonpullnoirpendaientsursesbrascommes'ilavaitperdudupoids,etqu'ils'étaitrongélesonglesjusqu'ausang.
—Çaneteressemblepas,dit-elle.Jedétestequandtutecomportescommeça...—Oh,vraiment?Ehbien,jeferaismieuxdemereprendre,alors.C'estvrai,toitufaistoujoursceque
jetedemande.—Tun'avaispasledroitdemementir!s'écria-t-elle,prised'unsubitaccèsderage.Tun'avaispasle
droit...—J'aitouslesdroits!rugit-il.
Jusqu'alors,Claryneserappelaitpasl'avoirentenduéleverlavoixcontreelle.—J'aitouslesdroits,espèced'idiote.Jesuistonfrèreetje...—Etquoi?Jenet'appartienspas,quetusoismonfrèreounon!Derrière Clary, la porte s'ouvrit à la volée. C'était Alec, sobrement vêtu d'un long manteau bleu
marine, les cheveux en désordre. Il était chaussé de bottes boueuses et son visage d'ordinaire sereinaffichaituneexpressionincrédule.
— Qu'est-cequisepasseici?lança-t-ilenregardanttouràtourClaryetJaceavecétonnement.Vousavezl'intentiondevousentre-tuer?
—Pasdutout,répliquaJace.Claryétaitsurlepointdepartir.Commeparmagie,sacolèreretomba,etilretrouvasonsang-froidhabituel.
—Bien,fitAlec.Parcequejedoisteparler,Jace.—Est-cequ'ilyaencorequelqu'undanscettemaisoncapabledem'accueillird'un:«Salut,content
detevoir»?marmonnaClary.IlétaitbeaucoupplusfaciledeculpabiliserAlecqu'Isabelle.
—Jesuiscontentdetevoir,Clary,dit-il,saufquetun'espascenséeêtrelà.Isabellem'aexpliquéquet’étaisvenuepartespropresmoyens,etjesuisvraimentimpressionné...—Tupourraiséviterdel'encourager?MaugréaJace.—Maisjedoisvraimentm'entreteniravecJace.Tupeuxnousdonnerquelquesminutes?—Moiaussi,jedoisluiparler.C'estausujetdenotremère...—Etmoi,jen'aiaucuneenviedebavasseravecl'unoul'autredevousdeux,grommelaJace.—Si,si,jet'assure,lepressaAlec.Ilfautvraimentqu'onparle.—J'endoute.
JacereportasonregardsurClary.—Tun'espasvenueseule,n'est-cepas?demanda-t-ild'untoncirconspect,commes'ils'apercevaitque
lasituationétaitencoreplusgravequecequ'ilavaitcrudeprimeabord.Quit'aaccompagnée?Clarynevoyaitaucuneraisondeluimentir.
—Luke.Jacepâlit.
—MaisLukeestuneCréatureObscure!Tusaislesortqueréservel'Enclaveàceuxquinesesontpasfaitconnaîtreavantdepénétrerdans laCitédeVerre?Venirà Idris,c'estunechose,maisAlicante?Sanseninformerpersonne?
—Non,réponditClaryàmi-voix,maisjedevinecequetuvasdire...—SiLukeettoinerentrezpasimmédiatementàNewYork,vouslesaurezbienasseztôt!Jacerestasilencieuxquelquesinstants,lesyeuxtoujoursrivéssurClary.Ledésespoirquiperçaitdans
sonattitudelabouleversa.Aprèstout,c'étaitluiquilamenaçait,etnonlecontraire.— Jace, intervintAlec d'une voix qui trahissait la panique.Tu ne t'es pas demandé où j'ai passé la
journée?—Tuportesunnouveaumanteau,observaJacesansaccorderunregardàsonami.J'endéduisquetues
alléfairedushopping.J'ignorepourquoitutiensabsolumentàm'enquiquineravecça,enrevanche.—Jenesuispasalléfairedushopping!protestaAlecaveccolère.J'étais...Laportes'ouvritdenouveau.Isabelleentradansunfroissementdejuponsblancs,puisellerefermala
portederrièreelleetjetauncoupd'œilàClaryensecouantlatête.—Jet'avaisbienditqu'ilpiqueraitunecrise.—Ah,lefameux«jet'avaisbiendit»!s'exclamaJace.Envoilàuneremarqueconstructive!
Claryleconsidérad'unairhorrifié.— Comment oses-tu plaisanter? murmura-t-elle. Tu viens de menacer Luke, qui t'aime et te fait
confiance,ettoutçaparcequec'estuneCréatureObscure.C'estquoi,tonproblème?—Lukeestici?s'exclamaIsabelle,affolée.Oh,Clary...— Non, il n'est pas ici ! Il est parti ce matin Dieu sait où.Mais je comprends mieux maintenant
pourquoiilnepouvaitpasrester.SansaccorderunregardàJace,ellepoursuivit:
—C'estbon,tuasgagné.Onn'auraitjamaisdûvenir.Jen'auraispasdûfabriquercePortail...—TuasfabriquéunPortail?s'écriaIsabelle,ébahie.Seulunsorcierenestcapable.Etilssecomptent
surlesdoigtsdelamain,ceuxquienontlepouvoir.LeseulPortaild'IdrisestàlaGarde.—C'estjustementcedontjevoulaisteparler,glissaAlecàl'oreilledeJace.
L'étatdecelui-cines'arrangeaitguère;ilsemblaitsurlepointdedéfaillir.—Tusais,mapetitecoursed'hiersoir,repritAlec.LepaquetquejedevaisremettreàlaGarde...—Arrête,Alec!soufflaJace,etledésespoirquiperçaitdanssavoixréduisitl'autregarçonausilence.
Ilsemorditlalèvreetfixasonamisansmotdire.MaisJacenesemblaitpluslevoir;ilconsidéraitClaryd'unairsévère.
—Tuas raison,dit-il enfind'unevoixétranglée,commesi lesmots luicoûtaient.Tun'auraispasdûvenir.Je t'aiexpliquéquecetendroitn'étaitpassûrpourtoi,mais j'aimenti.Lavérité,c'estquejeneveuxpasdetoiici:tuesimprudenteetirréfléchie.Tusèmeslapagaillepartoutoùtupasses.C'estdanstanature,Clary.Tun'asaucuntact.
—Moi,jesèmelapagaille?répéta-t-elledansunsouffle.—Oh,Jace!fitIsabelleavectristesse,commesic'étaitluiquivenaitd'essuyerdesreproches.
Ilneluiaccordapasunregard;sesyeuxrestaientfixéssurClary.— Tun'asaucunejugeote.Tulesaisbien,Clary.Onn'auraitjamaisatterriàl'hôtelDumortsituavais
prislapeinederéfléchir.—EtSimonseraitmort!Çanecomptepas?J'aipeut-êtreétéimprudente,mais...—Peut-être?répéta-t-ilenélevantlavoix.—Maisjen'aipasprisquedesmauvaisesdécisions!Aprèscequis'estpassésurlebateau,tum'asdit
quejevousavaissauvélavie...Jacedevintblanccommeunlinge.
—Tais-toi,Clary,TAIS-TOI,siffla-t-ilavecuneférocitésoudaine.—Surlebateau?
Aleclesobservatouràtourenouvrantdegrandiyeuxétonnés.—Qu'est-cequis'estpassésurlebateau?Jace...— Je t'ai justedit çapourque tucessesdegeindre rugit Jace sans sepréoccuperd'Alec.Tuesune
catastropheambulante,Clary!TuneserasjamaisunevéritableChasseused'Ombres.Tun'espascapabledepensercommenous, tunetesouciespasdubien-êtredesautres...D'ailleurs, tunepensesqu'àtoi!Maiscettefois,uneguerreseprépare,etjen'ainiletempsnil'enviedetesuivrecommeuntoutoupourm'assurerquetunenousferaspastuer!Claryluijetaunregardinterdit.Ellenesavaitquerépondre;jamaisencoreilneluiavaitparléainsi.
Ellen'auraitmêmejamaisimaginéqu'ilpuisseavoirdesmotsaussidursàsonencontre.Bienqu'elleaitparfoisprovoquésacolèreparlepassé,ilneluiavaitjamaistémoignédehainejusqu'àprésent.
—Rentrecheztoi,Clary,reprit-ild'untonlas.Tous lesprojetsdeClaryfondirentcommeneigeausoleil :sonvagueespoirderetrouverFellpour
sauversamère,plusrienn'avaitd'importance, lesmotsnevenaientplus.Ellesedirigeavers laporte.Alec et Isabelle s'effacèrent pour la laisser passer, le regard tourné ailleurs, l'air embarrassé. Clarysongea qu'elle aurait dû être humiliée et furieuse, mais il n'en était rien, Elle se sentait juste vidée.Arrivéedevantlaporte,elleseretourna.Jacenel'avaitpasquittéedesyeux.Lalumièreentrantparlafenêtre derrière lui n'éclairait pas son visage; elle ne distinguait que quelques mèches blondesréfléchissantlesoleilcommedesfragmentsdeverre.
— Quand tum'as appris queValentin était tonpère, je ne t'ai pas cru, déclara-t-elle.Pas seulementparcequejerefusaisd'ycroire,maisaussiparcequetun'avaisriendecommunaveclui.Apparemment,jemesuistrompée.Etsurcesmots,ellesortitdelapièceenrefermantlaportederrièreelle.—Ilsvontm'affamer,gémitSimon.Allongésurlesoldesacellule,ilsentaitlapierrefroidecontresondos.Danscetteposture,ilvoyait
leCielàtraverslesbarreauxdesafenêtre.PeuaprèssaTransformation,àl'époqueoùilcroyaitneplusjamaisrevoirlalumièredujour,ils'étaitsurprisàpensersanscesseausoleil,auxchangementsducielaucoursdelajournée:laclartépâledumatin,lebleuvifdel'après-midi,lecrépusculebleucobalt.Ilgisait,étendudanslenoir,tandisqu'unesuccessiondebleusildéfilaitdanssonesprit.Aprésent,danssacelluledelaGarde,ilsedemandaitsilalumièredujourettoussesbleusneluiavaientétérendusquepourpasserlerestedesacourteetmisérableviedanscetespaceminusculeavecpourseulhorizonuncoindecielàtraverslesbarreauxd'unepetitefenêtre.
—Vousm'avezentendu?reprit-ilenélevantlavoix.L'Inquisiteuradécidédem'affamer.Plusdesang.Simonperçutdumouvementdel'autrecôtédumur,puisunsoupirsonore.— Je t'ai entendu, répondit Samuel. Seulement, je ne peux rien y faire. (Un silence, puis :) Je suis
désolépourtoi,vampire,siçapeutt'aider.—Non,çanem'aidepasvraiment.L'Inquisiteurm'ademandédementir.Ilveutquejeproclamequeles
LightwoodsontdemècheavecValentin.Alorsilmerenverrachezmoi...Laisseztomber.Jenesaispaspourquoijevousracontetoutça.Vousn'avezprobablementaucuneidéedecedontjeparle.
— Détrompe-toi.J'aibienconnulesLightwood.NousfaisionstouspartieduCercle.LesLightwood,lesWayland,lesPangborn,lesHerondale,lesPenhallow.Touteslesbonnesfamillesd'Alicante.
— EtHodgeStarkweather,ajoutaSimonenpensantauprécepteurdesLightwood.Ilenfaisaitpartielluiaussi,n'est-cepas?
— C'estexact.Maisiln'étaitpasissud'unefamilletrèsrespectée.Hodgeétaitungarçonprometteuràuneépoque,maisjecrainsqu'iln'aitpasétéàlahauteurdesespromesses.(Unsilence.)AldertreehaitlesLightwooddepuis l'enfance.Iln'étaitniriche,nibeau,ni intelligent,et ilsn'étaientpas trèsgentilsaveclui.Jecroisqu'ilnes'enestjamaisremis.
—Riches?s'étonnaSimon.JecroyaisquetouslesChasseursd'Ombresétaientpayésparl'Enclave.Àlamanièreducommunisme,enquelquesorte.
— En théorie, tous lesChasseurs d'Ombres touchent lamême rémunération.Ceux qui occupent despostessupérieursauseinde l'Enclaveouquiontplusderesponsabilités- lesdirecteursd'Institut,parexemple-reçoiventunsalaireplusélevé.Ensuite,ilyaceuxquiviventendehorsd'Idrisetontchoisidegagner leurviedans lemonde terrestre ; cen'est pas Interdit, tant qu'ils reversent unepartie de leursgainsàl'Enclave.Mais...(Samuelhésita.)...tuasvulamaisondesPenhallow,n'est-cepas?Qu'est-cequetuenaspensé?Simonréfléchitquelquesinstants.—C'estuntrèsbelendroit.— C'est l'une des plus luxueuses demeures d'Alicante, tu veux dire. Ils ont une autre propriété, un
manoiràlacampagne,àl'instardepresquetouteslesfamillesfortunées.Vois-tu,ilexisteunautremoyenpour lesNephilimdegagnerde l'argent.C'estcequ'onappelle lebutindeguerre.QuandunChasseurd'OmbrestueundémonouuneCréatureObscure,toutcequ'ilspossèdentluirevientdedroit.Donc,siunrichesorcierenfreintlaLoi,etqu'ilestéliminéparunNephilim…
Simonfrémit.—Alors,lemeurtredesCréaturesObscuresestuneactivitélucrative?— Çapeutledevenir,réponditSamuelavecamertume,pourpeuqu'onnesoitpastropregardant.Tu
comprendsmaintenantpourquoitantdeNephilims'opposentauxAccords.Enréglementantl'éliminationdesCréaturesObscures,onsupprimeunesourcederevenunonnégligeable.C'estpeut-êtrelaraisonpourlaquellej'airejointleCercle.Mafamillen'étaitpasriche,etlefaitd'êtreméprisépouravoirrefusadel'argentsale…Samuels'interrompit.—MaisleCerclemassacraitaussidesCréaturesObscures,objectaSimon.— Oui,mais sesmembres considéraient que c'était leur devoir sacré. Ils n'étaient pasmotivés par
l'appâtdugain.Saufqu'aujourd'huijenecomprendspasenquoic'étaitdifférent.Ilpoursuivitd'untonlas:—Valentinavaitledondenousfaireavalern'importequoi.Jemerevoisdeboutàsescôtés,lesmains
couvertesdesang,lesyeuxbaisséssurlecorpssansvied'unefemme,pensantquej'avaisforcémentbienagipuisqueValentinenavaitdécidéainsi.
—Cettefemme,c'étaituneCréatureObscure?Samuelsoupiradel'autrecôtédumur.
—Tudoiscomprendrequej'auraisfaitn'importe?quoipourluiplaire.Lesautresaussi,ycomprislesLightwood.L'Inquisiteurenestconscient,etc'estcequ'ilessaied'exploiter.MaistudoissavoiraussiquemêmesituacceptesdejeterleblâmesurlesLightwood,iltetuerasansdoutepourtefairetaire.
—Peuimporte.Jen'aipasl'intentiondecéder.JerefusedetrahirlesLightwood.—Vraiment?ditSamueld'untondubitatif.Pourquoi?Tutesouciesdoncdeleursort?—Jeneveuxpasmentiràleursujet.—Maistuveuxrentrercheztoi,n'est-cepas?Simonscrutalemurcommes'ilpouvaitvoirl'hommequisetrouvaitdel'autrecôté.—Vousmentiriezàmaplace?Samuelsemitàtoussercommeunasthmatique.Manifestement,iln'étaitpasentrèsbonnesanté.Mais
l'atmosphèreétaitfroideethumideet,bienqueSimonnesentîtrien,unêtrehumainnormaldevaitvuêtreaffecté.
—Jenesuispaslemieuxplacépourdonnerdesconseilsdemoralemais,oui,sansdoute,jementirais.J'aitoujourschoisidesauvermapeauavantcelledesautres.
—Jesuissûrquecen'estpasvrai.— Tutetrompes.Avecl'âge,Simon,tut'apercevrasque,quandlesgensteconfientquelquechosede
peuglorieuxsurleurcompte,ilsdisentgénéralementlavérité.«Maismoi,jenevaispasvieillir»,songeaSimon.—C'estlapremièrefoisquevousm'appelezparmonprénom,dit-iltouthaut.—Toutarrive.— QuantauxLightwood,jenelesaimepasbeaucoup.Enfinsi,j'aimebienIsabelleet,d'unecertaine
manière,j'aiapprisàapprécierJaceetAlec.Seulementvoilà,ilyaunefilledansl'histoire,etJaceestsonfrère.
—Ilyatoujoursunefille,observaSamuelet,pourlapremièrefois,ilsemblaitsincèrementamusé.
Dèsl'instantoùlaporteserefermasurClary,Jaces'affaissacontrelemurcommesisesgenouxsedérobaientsouslui.Ilavaitleteintgrisâtre,etsestraitstrahissaientàlafoisl'horreur,lechocetune
espècedesoulagementcommes'ilvenaitd'éviterdejustesseunecatastrophe.
—Jace,ditAlecenfaisantunpasverslui.Tucroisvraiment...—Sortez,lança-t-ild'unevoixsourde.Touslesdeux.—Pourquoi?Pourtelaissergâchertavietoutseul?rétorquaIsabelle.Qu'est-cequit'apris,bonsang?Jacesecoualatête.—Jel'airenvoyéechezelle.C'étaitlameilleurssolution.—Tunel'aspasseulementrenvoyée,tul'aslaminée!Tuasvusatête?—Çaenvalaitlapeine.Tunecomprendraispas.—Oui,çavalaitpeut-êtrelecouppourelle.J'espèrequ'ilenserademêmepourtoi,aufinal.
Jacesedétourna.—Isabelle,laisse-moitranquille.S'ilteplaît.Ellejetaunregardébahiàsonfrèreadoptif.Jacenedisaitjamais«s'ilteplaît».Alecposalamain
surl'épauledesasœur.—Net'inquiètepas,Jace.Jesuissûrqu'elles'enremettra.JacelevalatêteetregardaAlecsanslevoir.— Ça m'étonnerait. Tant qu'on y est, qu'est-ce que tu voulais me dire ? Tu insinuais que c'était
important.—Jenevoulaispast'enparlerdevantClary...JacereportaenfinsonattentionsurAlec.—Quoi?Qu'est-cequ'ilya?Alechésita.IlavaitrarementvuJaceaussicontrarié,etiln'osaitimaginersaréactionfaceàd'autres
mauvaisessurprises.Cependant,ilnepouvaitpasluicacherlavérité.Ildevaitsavoir.— Hier, annonça-t-il à voix basse, quand j'ai emmenéSimon à laGarde,Malachim'a promis que
MagnusBanel'attendraitdel'autrecôtéduPortail,àNewYork.Or,j'aienvoyéunmessageàMagnus.J'aieudesesnouvellescematin.Iln'ajamaisrécupéréSimonàNewYork.D'ailleurs,ilprétendqu'iln'yaaucunetéléportassionsdepuisledépartdeClary.
— Peut-être que Malachi s'est trompé, suggéra Isabelle après avoir jeté un regard furtif à Jace.Quelqu'und’autreauraaccueilliSimondel'autrecôté.EtMagnusapeut-êtretortausujetdecettehistoiredetéléportation.
Alecsecoualatête.—JesuisalléàlaGardecematinavecmaman.J’avaisl'intentiondequestionnermoi-mêmeMalachià
cesujet,maisenlevoyant,jenesaispascequim'apris,jemesuiscachédansuncoin.Jel'aientendudonneràl'undesgardesd'allerchercherlevampirepourquel'Inquisiteurl'interrogedenouveau.
—Tuessûrqu'ilsparlaientdeSimon?demandaIsabellesansconviction.Peut-être…— Ils ont dit qu'il avait été bien bête de croire qu'on le renverrait à NewYork sans lui poser de
questions. L'un d'eux a ajouté qu'il n'en revenait pas qu'on ait pu avoir le culot de le faire entrer àAlicante, pour commencer. EtMalachi a répondu : «Eh bien, venant du fils deValentin, il fallait s'yattendre.»
—Oh,murmuraIsabelle.Jace…Lespoingsserrés,Jacesetenaitimmobile,etdescernescreusaientsesyeuxcommes'ilsmenaçaientde
s'enfoncerdanssoncrâne.End'autrescirconstancesAlecl'auraitprispar l'épaule,maisquelquechosedansl'attitudedesonfrèreadoptifledissuada.
—Sicen'étaitpasmoiquil'avaisemmené,déclaraJaced'untonégal,commes'ilrécitaitlesmotsd'unautre,ilsl'auraientpeut-êtrelaissérepartir.Ilsauraientpensé...
—Arrête,Jace,cen'estpastafaute,intervintAlec.Tuluiassauvélavie.—Oui,pourquel'Enclavepuisseletortureràsaguise.Quellefaveur!QuandClaryl'apprendra...Ilsecoualatête.—Ellecroiraquejel'aifaitvenirexprèspourlelivreràl'Enclave.—Maisnon!Tun'avaisaucuneraisondeluifaireça.—Peut-être,maisaprèslafaçondontjel'aitraitée...— Personnene tecroiraitcapabled'unechosepareille,Jace,objectaIsabelle.Aucundeceuxqui te
connaissent.Jaceluitournaledosetsedirigeaverslafenêtrepanoramiquequidonnaitsurlecanal.Ilrestalàun
longmoment,perdudanssacontemplation.Lalumièredujourteintaitd'orsescheveuxblonds.Soudain,avantqu'Alecaitletempsderéagir,ilyeutunénormefracas,etunepluiedeverrebrisés'abattitdanslapièce. Jace examina sa main avec un intérêt d’étaché tandis que de grosses gouttes de sangéclaboussaientlesolàsespieds.Isabelle regarda tour à tour Jace et le trou dans la vitre autour duquel s'étaient formées de fines
craqueluresargentéespareillesàunetoiled'araignée.—Oh,Jace,gémit-elled'unevoixàpeineaudible.Quest-cequ'onvadireauxPenhallow?Clarytrouvalasortiesanssavoircomment.Dansunbrouillard,elleparcourutuneséried'escalierset
de couloirs, se rua vers la porte d'entrée et, une fois parvenue sur le perron, faillit vomir dans lesmassifs de roses. N'ayant pas grand-chose à régurgiter, elle dévala les marches, franchit la grille ets'aventuradanslavilleàl'aveuglette.Elleneserappelaitplusquelledirectionelleavaitpriseàl'allerni comment rentrer chez Amatis, mais cela n'avait plus grande importance. Elle n'était pas presséed'annoncer àLuke qu'ils devraient quitterAlicante le plus tôt possible, sans quoi Jace les livrerait àl'Enclave.Ets'ilavaitraison?Elleétaitpeut-êtreimprudenteetirréfléchie.Ellen'évaluaitpeut-êtrepasassez
les conséquences de ses actes. Les visages de Simon et de Luke s'imprimèrent dans son esprit, netscommeunephotographie…Elles'arrêtapours'adosseràunréverbère.Avecsapetitecageenverre,ilévoquaitleséclairagesvieillotsquijalonnaientlestrottoirsdeParkSlope.Bizarrement,cettepenséelaréconforta.—Clary!Une voix inquiète la fît sursauter. Immédiatement, elle pensa : Jace, et tourna la tête. Sébastien, le
garçon brun qu'elle avait rencontré dans le salon des Penhallow, se tenait devant elle, hors d'haleinecommes'ilvenaitdecouriruncentmètres.Elleéprouvalamêmeimpressiondedéjà-vuquelorsdeleurpremièrerencontre,maisilyavaitautre
chosequedel'aversionoudelasympathie.Enfaitelleéprouvaitunecertaineattirancepourcetinconnu.Sabeautén'avaitrienàenvieràcelledeJace,saufqu'ilétaitaussibrunqueJaceétaitblond.Cependantmaintenantqu'ellepouvaitl'observerdeplusprèselles'apercevaitquesaressemblanceavecsonprinceimaginairen'étaitpasaussifrappantequ'ellel'avaitcrudeprimeabord.Elletenaitjusteàcertaindétails:laformedesonvisage,saposture,l'éclaténigmatiquedesesyeuxnoirs...
—Tutesensbien?demanda-t-ilavecdouceur.Tuessortiedelamaisontelleune…Ils'interrompit.Clarysecramponnaittoujoursauréverbèrecommeàunebouée.—Qu'est-cequis'estpassé?—Jeme suis disputée avec Jace, répondit-elle en s'efforçant demaîtriser sa voix.Tu sais comment
c'est.
—Non,justement,dit-ild'untonpresquecoupable.Jen'ainifrèresnisœurs.—Tuenas,delachance,lâcha-t-elleens'étonnaitelle-mêmedel'amertumequiperçaitdanssavoix.—Tunepensespascequetudis.Ilfitunpasverselleet,àcetinstantprécis,leréverbères'allumaenlesnimbantd'unhalodelumière
blanche.Sébastienlevalesyeuxetsourit.—C'estunsigne.—Lesignedequoi?—Lesignequetudevraismelaisserteraccompagnercheztoi.— Maisjenesaispasoùc'est.Jesuissortieendoucedelamaisonpourvenirici.Jenemesouviens
pasducheminquej'aipris.—Chezquiséjournes-tu?
Claryhésita.—Jenelerévéleraiàpersonne,jelejuresurl'Ange.Elleouvritdegrandsyeux.Cen'étaitpasunepromesseanodine,pourunChasseurd'Ombres.— D'accord, dit-elle avant d'être tentée de revenir sur sa décision. Je suis logée chez Amatis
Herondale.—Jesaisprécisémentoùellehabite.Enroute,lança-t-ilenluioffrantlebras.
Claryesquissaunsourire.—Tunelâchesjamaislemorceau,toi.
Ilhaussalesépaules.—J'aiunfaiblepourlesdemoisellesendétresse.—Quelsexisme!—Tun'yespasdutout.Jeproposeaussimesservicesauxmessieurs.Pasdefavoritisme.Et,avecungrandgestethéâtral,illuioffritdenouveaulebras.Cettefois,ellel'accepta.Alec referma derrière lui la porte de la petite chambremansardée et s'avança vers Jace. En temps
normal,sesyeuxétaient,tellelacLyn,d'unbleupâleetlimpide,maisleurteinteavaittendanceàchangerselon son humeur. En ce moment même, ils étaient de la couleur de l'East River par une journée detempête.Quantàl'expressiondesonvisage,elleétaittoutaussiorageuse.
—Assieds-toi,ordonna-t-ilenmontrantunfauteuilprèsdelalucarne.JevaischercherdesbandagesJaceobéit.Lachambrequ'ilpartageaitavecAlecaudernierétagedelamaisondesPenhallowétait
meubléededeuxlitsétroitsadossésaumur.Leursvêtementsétaientsuspendusàdesparèresfixéeslesuneàcôtédesautres.Lapiècecomportaituneseulefenêtrequilaissaitentrerunpeudelumière:lanuittombait,etlecielau-dehorsseteintaitd'indigo.Jace regardaAlec s'agenouillerdevant le sacdevoyagequ'ilvenaitde sortirdedessous son lit. et
fouillabrutalementdedansetserelevaentenantà lamainla trousseàpharmaciedont ilsseservaientparfoisàdéfautderunes.Ellecontenaitdel'antiseptique,descompresses,unepairedeciseauxetdelagaze.
—Tunevoudraispasplutôtutiliserunerunedeguérison?s'enquitJace,intrigué.—Non.Tupeuxtoujours…Alecs'interrompitetjetalatroussesurlelitavecunjuroninaudible.Ilseplantadevantlepetitlavabo
et se lava lesmainsavec tantdevigueurqu'il éclaboussa tout autourde lui. Jace l'observait avecunecuriositédétachée.Unedouleursourdecommençaitàsepropagerdanstoutesamain.Alectiraunechaiseàluiets'assitenfacedeJace.
—Donne-moitamain.Jaceobéit.Ildevaitadmettrequ'elleétaitenpiteuxétat.Lapeaudesphalangesétaitouverte.Dusans
séchéluisouillaitlesdoigts.Alecfitlagrimace—Tuesunimbécile.—Merci.Jacepritsonmalenpatiencetandisqu'Alec,unepinceàlamain,s'efforçaitdedélogerunfragmentde
verreenfoncésouslapeau..—Pourquoituneteserspasd'unerunedeguérison?Mablessuren'apasétécauséeparundémon,que
jesache.— Parcequ'ilmesemblequeçateferaitdubiendesouffrirunpeu,réponditAlecenprenantleflacon
bleu d’antiseptique. Tu guériras comme un Terrestre. Lentement et péniblement. Peut-être que ça tedonnerauneleçon.Ilversadel'antiseptiquesurlescoupuresdeJaceavantdeconclure:—Maisj'endoute.—Jepeuxmoi-mêmetracerunerunedeguérison,tusais.AlecsemitàbanderlamaindeJace.—SitutiensvraimentàcequelesPenhallowapprennentlavéritésurleurfenêtre,vas-y.D'ungestebrusque,ilfitunnœudaubandage,etJacegrimaçadedouleur.—Tusais,sij'avaissuqueturéagiraiscommeça,jenet'auraisriendit,repritAlec.—Etmoij'étaisloindem'imaginerque,enm'enprenantàcettefenêtre,jetemettraisdanstoustesétats.—C'estjusteque…Unefois lebandage terminé,Alecexamina lamaindeJacequ'il tenait toujoursdans lessiennes.Le
lingeblancétaittachédesangàl'endroitoùilavaitpressélesdoigts.—Pourquoitut'infligesça?JenefaispasallusionàcettefenêtremaisàClary.Pourquoitutepunis?
Lessentiments,çanesecontrôlepas.—Quelssentiments?demandaJaced'unevoixdépourvued'émotion.—Jevoisbiencommenttularegardes.Lesyeuxd'Alecétaientperdusdanslevague.— Tunepeuxpasl'avoir,poursuivit-il.Jusqu'àprésent,tunesavaispascequec'étaitquedevouloir
quelquechosesanspouvoirl'obtenir.Jaceplantasonregarddanslesien.—Qu'est-cequ'ilyaentreMagnusBaneettoi?Aleceutunmouvementderecul.—Je...rien...— Jenesuispasidiot.AprèstadiscussionavecMalachi,c'estversMagnusquetut'estourné,avant
mêmedenousenparler,àmoiouàIsabelle...— Ilétaitleseulàpouvoirrépondreàmaquestion,c'esttout.Iln'yarienentrenous,s'emportaAlec
puis,voyantleregarddeJace,ilajoutaàcontrecœur:Plusmaintenant,entoutcas.Çateva?—J'espèrequecen'estpasàcausedemoi.Alecblêmit.—Qu'est-cequeturacontes?—Jesaiscequeturessenspourmoi.Maissitum'aschoisi,c'estqu'avecmoitunecoursaucunrisque.
Enfait,jenesuisqu'unprétextepourt'éviterdet'investirdansunevraierelation.Jaceavaitconscienced'êtrecruel,maisils'enfichait.Blesserceuxqu'ilaimait,c'étaitpresqueaussi
efficacequedesefairedumal,quandiltraversaitcegenredemauvaisepasse.
—Çava,j'aicompris,rétorquasèchementAlec.D’abordClary,puistamain,etmaintenantmoi.Vaaudiable,Jace.
—Tunemecroispas?Trèsbien.Embrasse-moi.Alecledévisagead'unairhorrifié.
— Tuvois?Malgrémonphysiquededieugrec,tun'envisagespasnotrerelationsouscetangle.SiturepoussesMagnus,cen'estpasàcausedemoi,c'estparceque tuas troppeurd'avouerauxautres tessentimentspourlui.L'amourvasouventdepairaveclemensonge,c'estlareinedelaCourdesLumièresquimel'adit.Tuasbondosd'insinuerquejememensàmoi-même.Tuenfaisautant.
Jaceseleva.—Etmaintenant,jeveuxqueturecommences.—Qu'est-cequetumechantes?demandaAlec,levisagefermé.—Menspourmoi,lançaJaceenprenantsavestesuspendueàlapatère.Lesoleilsecouche.Ilsnevont
pastarderàrentrerdelaGarde.Jeveuxquetuleurracontesquejenedescendraipascesoirparcequejenemesenspasbien.Dis-leurque j'ai trébuchéàcaused’unvertige,etquec'estcommeçaque j'aicassélafenêtre.
—D'accord,maisàunecondition:jeveuxsavoiroutuvas.—ÀlaGarde.JevaisfaireévaderSimon.Lamère deClary avait toujours appelé «l'heure bleue » la période qui sépare le crépuscule de la
tombédelanuit.Elleprétendaitquelalumièreétaitplusintenseetplusmystérieuseàcetteheure,etquec'était lemoment idéalpourpeindre.Claryn'avait jamaisvraimentcompriscequ'elleentendaitpar làjusqu'àcequ'elledéambuledanslesruesd'Alicante.À New York, l'heure bleue ne l'était pas vraiment. La lumière naturelle était éclipsée par les
lampadairesetlesnéons.JocelynedevaitpenseràIdrisendisantcela.Ici,lalumièresefractionnaitenun arc-en-ciel de violets sur les pavés dorés de la ville, et les réverbères diffusaient une clarté siéblouissante que Clary avait l'impression de ressentir de la chaleur quand elle passait dessous. Elleregrettaitquesamèrenesoitpasavecelle.Jocelyneluiauraitmontrélesquartiersd'Alicantequiavaientuneplacedanssessouvenirs.«Pourtant,ellenet'arienracontédecettepériodedesavie.Ellel'atenuesecrète.Etpeut-êtrequetu
n'ensaurasjamaisrien.»Elleeneutunpincementaucœur.—Jetetrouvebiensilencieuse,ditSébastien.Ilstraversaientunpontenjambantlecanal.Surlapierreétaientgravéesunemultitudederunes.—Jepensaisauxennuisquim'attendentàmonretour.Jemesuisenfuieparlafenêtre,etAmatisàdû
s'apercevoirdemonabsence.Sébastienfronçalessourcils.—Pourquoituespartieendouce?Tun'aspasledroitderendrevisiteàtonfrère?—Jen'étaismêmepascenséeveniràAlicante.Jedevaisresterchezmoi,biensagement.—Ah!Voilàquiexpliquebeaucoupdechoses.—Ahbon?Elleluijetaunregardintrigué.Desombresbleutéesdominaientsursescheveuxbruns.—Toutlemondechangeaitdecouleurquandtonnomsurvenaitdanslaconversation.J'enaidéduitqu’il
yavaitdestensionsentretonfrèreettoi.Tunel’appréciespas?—Hein?
Ces dernières semaines, elle avait tellement réfléchi à ses sentiments pour Jace qu'elle n'avait pasvraimentprisletempsd'étudiercettequestion.
—Désolé.C'estlafamille...Onneseposepaslesquestionsencestermes-là.—Biensûrquejel'apprécie,répliqua-t-ellebrusquement.C'estjusteque...ilmemethorsdemoi.Ilme
donnesanscessedesordres…—Enpureperte,apparemment.—Commentça?—Ilmesemblequ'enfindecomptetufaistoujourscequetuveux.Venantd'unétranger,cetteremarquelasurprit.—C'estvrai.Maisjenepensaispasqu'ilsemetteraitdansunétatpareil.—Ils'enremettra,lâchaSébastienavecdédain.
Claryl'observaavecinsistance.—Ettoi,tul'aimesbien?— Oui.Maisjenecroispasquecesoitréciproque,réponditSébastiend'untonchagrin.Quoiqueje
dise,j'ail'impressiondel'agacer.Al'angledelarue,ilstournèrentpourdébouchersurunegrandeplacepavéebordéedehautsbâtiments
étroits,aucentredelaquelles'élevaitlastatueenbronzedel'angeRaziel,quiavaitdonnésonsangpourcréerlaracedesChasseursd'Ombres.Àl'extrémiténorddelaplacesedressaituneénormeconstructionen pierre blanche. Un grand escalier de marbre menait à une galerie bordée de colonnes, derrièrelaquelle se trouvait une porte à double battant. Dans la pénombre du crépuscule, l'édifice offrait unspectacle saisissant… et bizarrement familier. Clary avait l'impression d'avoir déjà vu cet endroitauparavant.Samèrel'avait-ellepeint?
— C'estlaplacedel'Ange,expliquaSébastien,etvoicilaGrandeSalledel'Ange.C'estlàqu'ontétésignéslesAccords,puisquelesCréaturesObscuresnesontpasautoriséesàpénétrerdansl'enceintedelaGarde.Onl'arebaptiséelaSalledesAccords.C'estunlieuderéunionoùsetiennentlesréjouissances:mariages,bals,cegenred'événements.Enrésumé,c'estlecœurdelaville.Ilparaîtquetouslescheminsymènent.
—Çaressembleunpeuàuneéglise...Maisvousn'enavezpas,ici?— Cen'estpasnécessaire.Lestoursnousprotègent.Nousn'avonsbesoinderiend'autre.J'aimevenir
ici.C'estunendroit...paisible.Claryleconsidéraavecsurprise.—Tun'habitespasici?— Non,jevisàParis.JesuisjustevenurendrevisiteàAline.C'estmacousine.Mamèreetsonpère
mononclePatrick,sontfrèreetsœur.Lesparentsd'Alineontdirigél'InstitutdePékinpendantplusieursannées.Ilssontrevenuss'installeràAlicanteilyadixans.
—LesPenhallownefaisaientpaspartieduCercle,si?L'étonnementsepeignitsurlevisagedeSébastien.Ilseluttandisque,laissantlaplacederrièreeux,
ilss'engageaientdansundédalederuesplongéesdansl'obscurité.—Pourquoitumeposescettequestion?dit-ilenfin.—Euh...ehbien,parcequelesLightwoodenétaientmembresAumomentoùilspassaientsousunréverbère,ClaryregardaSébastienà ladérobée.Avecsonlong
manteaunoiretsachemiseblanche, il ressemblaitàuneillustrationennoiretblancd'ungentlemandel’époquevictorienne.Sescheveuxnoirsquibouclaientsursestempesdonnaientfurieusementenviedeledessiner.
— Ilfautquetucomprennesqu'ungrandnombredejeunesgensd'Idrisetd'ailleursfaisaientpartiedu
Cercle.MononclePatrickl'arejointdanslespremierstempsdesonexistence,maisill'aquittéquandils'est aperçu que Valentin ne plaisantait pas. Les parents d'Aline n'ont pas non plus pris part àl'Insurrection:mononcleestpartiàPékinpourfuirValentin,etc'estlà-bas,àl'Institut,qu'ilarencontrématante.LorsquelesLightwoodetlesautresmembresduCercleontétéjugéspouravoirtrahil'Enclave,lesPenhallowontvotépourqu'onlestraiteavecclémence.C'estgrâceàeuxqu'onlesaenvoyésàNewYorketqu'ilsontévitéunemalédiction.Ilsleuronttoujoursététrèsreconnaissants.
—Ettesparents?Ilsenfaisaientpartie?—Pasvraiment.MamèreétaitplusjeunequePatrick.Ill'aenvoyéeàParisjusteavantsondépartpour
Pékin.C'estlàqu'ellearencontrémonpère.—«Était»?—Elleestmorte.Monpèreaussi.C'estmatanteElodiequim'aélevé.—Oh...fitClary,sesentantbête.Jesuisdésolée.—Jen'aipasbeaucoupdesouvenirsd'eux.Quandj'étaisplusjeune,j'auraisaiméavoirunfrèreouune
sœurplusâgésquipuissentmeparlerd'eux.SébastienobservaClaryd'unairsongeur.—Jepeuxteposerunequestion?PourquoiestvenueàIdrissitusavaisquetonfrèreleprendraitmal?Avantqu'elleaitpurépondre,laruelleétroitequ'ilssuivaientdébouchasuruneplacetteaucentrede
laquelletrônaitunpuitsàl'abandonilluminéparleclairdelune.—LaplacedelaCiterne,annonçaSébastien,visiblementdéçu.Onafaitplusvitequeprévu.Claryjetauncoupd'œilducôtédupontquienjambaitlecanaletdistingualamaisond'Amatisauloin.
Touteslesfenêtresétaientéclairées.Ellepoussaunsoupir.—Merci,jevaismedébrouiller,maintenant.—Tuneveuxpasquejet'accompagnejusqu'à…—Non.Saufsituveuxavoirdesennuis,toiaussi.—Tucroisquejevaism'attirerdesennuispourt'avoirraccompagnéecheztoiengentleman?—Personnen'estcensésavoirquejesuisâAlicante.C'estunsecret.Etpuis,netevexepas,maistues
unétranger.—J'aimeraisteconnaîtreunpeumieux.Illuilançaunregardàlafoistimideetmalicieux,commes'ilcraignaitd'essuyerunrefus.—Sébastien,lança-t-elleavecunelassitudesoudaine,jesuisflattée,maisjen'aipasl'énergied'investir
dansunenouvelleamitié.Désolée.—Jenevoulaispas…Maiselles'éloignaitdéjàendirectiondupont.Ami-chemin,elletournalatête.Sousleclairdelune,Il
paraissaitétrangementtristeavecsescheveuxquitombaientsursonvisage.—RagnorFell.Illadévisageasanscomprendre.—Hein?—Tum'asdemandélaraisondemaprésenceici.Mamèreesttrèsmalade;ellerisquedemourir.Le
seul à pouvoir l'aider, c'est un sorcier du nom deRagnor Fell. Seulement voilà, je ne sais pas où letrouver.
—Clary...—Bonnenuit,Sébastien,dit-elleensedétournant.Clary eut beaucoup plus demal à escalader la treille qu'elle n'en avait eu à descendre. Ses bottes
glissaient sur lemurhumide, et ce fut avecun immense soulagementqu'elle parvint à sehisser sur le
reborddelafenêtre.Son euphorie fut de courte durée. Elle n'avait pas mis un pied par terre que la pièce fut soudain
inondéede lumière.Amatisétait assiseauborddu lit, ledos trèsdroit,unepierrede runeà lamain.Cettedernièrebrillaitd'unéclataveuglantquiaccentuaitlescontoursanguleuxdesonvisageetlesridesaucoindesabouche.ElleexaminaClaryensilencependantunmomentinterminable,puisdéclara:
—Danscesvêtements,tuesleportraitcrachédeJocelyne.Claryseredressapéniblement.
—Je...jesuisdésoléed'êtresortiecommeça..flAmatisrefermalamainsurlapierrederune,etClarycilladanslapénombre.
—Change-toi,ordonnalafemme,puisrejoins-moidanslacuisine.Etnet'avisepasderessortirparlafenêtreoutulatrouverasverrouilléeàtonretour.Claryhochalatête,lagorgenouée.Amatisselevaetsortitsansunmot.Clarysedébarrassaenhâtede
satenuedeChasseused'Ombresetenfilasespropresvêtements,àprésentsecs,quiétaientsuspendusàunecolonnedulit.Letissudesonjeanétaitunpeuraidemaiselleseréjouitderemettresonvieuxtee-shirt.Puis,aprèsavoirrejetéenarrièresatignasseébouriffée,elledescenditl'escalier.Ladernière foisqu'elleavaitvu le rez-de-chausséede lamaisond'Amatis,elleétaitenproieàdes
hallucinations.Elleserappelaitdescouloirss'étirantindéfinimentetuneénormehorlogedegrand-pèredont les tic-tacrésonnaient tels lesbattementsd'uncœurmoribond.Àprésent,ellese trouvaitdansunpetitsalonaccueillantsimplementmeubléavecunvieuxtapisenpatchworksurlesol.LescouleursvivesetlesdimensionsétroitesdeslieuxluirappelaientunipeusonpropresalonàBrooklyn.Elletraversalapièce sans bruit et entra dans la cuisine où le fourneau allumé dispensait une lumière réconfortante.Amatis était assise à la table, un châle bleu drapé autour des épaules. Par contraste, ses cheveuxsemblaientencoreplusgris.
—Salut.Clarys'arrêtasurleseuil.Elleavaitdumalàdéchiffrerl'humeurd'Amatis.
—Jen'aipasbesoindetedemanderoùtuétais,dit-ellesansleverlesyeuxdelatable.TuesalléevoirJonathan, n'est-ce pas ? Il fallait s'y attendre, j'imagine.Peut-être que, si j'avais des enfants, je seraiscapablededéterminerquandonmement.Maisj'espéraistantnepasdécevoirmonfrère,pourunefois!
—Quoi?— TUsaiscequis'estpasséquandilaétémordupurunloup-garou?lançaAmatisenregardantdroit
devantelle.Oh,çadevaitarriver:Valentinfaisaittoujourscourirdesrisquesidiotsàsesdisciples,cen’était qu'une question de temps. Quandmon frère a étémordu, il est venume trouver. Il avait peurd'avoircontractélemallycanthropique.Etmoi...
—Amatis,vousn'êtespasobligéedemeracontertoutça...—Jel'aichassédechezmoienluidemandantdenepasreveniravantd'êtresûrqu'iln'étaitpasatteint.
J’ai reculé... je ne pouvais pas m'en empêcher. (Sa voix tremblait.) Il voyait bien l'horreur qu'ilm'inspirait,c'étaitécritsurmonvisage.Ilcraignait,endevenantunloup-garou,queValentinluiordonnedemettrefinàsesjours,etj'airépondu...j'airéponduquec'étaitpeut-êtrelameilleuresolution.Clarylaissaéchapperunhoquetdesurprise.Amatislavalesyeux.Toutenelletrahissaitledégoûtde
soi.—Lukeavaittoujoursétésibon,malgrétoutcequeValentinluiimposait...Parfois,j'avaisl'impression
que Jocelyne et mon frère étaient les seules personnes foncièrement bonnes que je connaisse. Je nepouvaispasmerésoudreàl'idéequ'ildevienneunmonstre...
—MaisLukeesttoutsaufunmonstre.— Al'époque,jenesavaispas.AprèssaTransformation,ils'estenfui,etJocelynes'estefforcéesans
relâchedemeconvaincrequ'ilétait resté lemême,qu'ilétait toujoursmonfrère.Sanselle, jen'auraisjamaisconsentiàlerevoir.Jel'aiautoriséàsecacherdanslacavelorsqu'ilestrevenuàAlicante,justeavant l'Insurrection,mais jevoyaisbienqu'ilnemefaisaitpasentièrementconfiancedepuisqueje luiavaistournéledos.Jecroisqu'ilnelepourraplusjamais.
— Ilvousafaitsuffisammentconfiancepourvenirfrapperàvotreportequandj'étaismalade,objectaiClary.Ilvousalaisséeseuleavecmoi...
— Iln'avaitpasd'autreendroitoùaller.Etregardelerésultat!Jen'aipasputegarderentrecesmursuneseulejournée.
LecœurdeClaryseserra.Enfindecompte,elleauraitpréféréêtreréprimandée.—Cen'estpasvotrefaute.J'aimentietjesuissortieendouce.Vousn'ypouvezrien.— Oh,Clary.Tunecomprendspas?Onpeuttoujoursagir,maislesgenscommemoiseconvainquent
systématiquementducontraire. Jemesuispersuadéequ'iln'yavait rienà fairepourLukeetque jenepouvaispasempêcherStephendemequitter.J'aimêmerefuséd'assisterauxréunionsdel'Enclave:Jeme disais que je ne pouvais pas influencer leurs décisions, alors que je déteste leurs agissements.Etquandjemedécideenfin...ehbien,jefaistoutdetravers.
Sesyeuxétincelèrentàlalueurdufeu.—Vatecoucher,Clary,conclut-elle.Dorénavant,tupourrasalleretveniràtaguise.Jen'essaieraipas
det'enempêcher.Aprèstout,commetul'asdit,jen'ypeuxrien.—Amatis...Ellesecoualatête.—Non.Vatecoucher.S'ilteplaît.Àcesmots,ellesedétournaetfixaobstinémentlemur.Clarytournalestalonsetremontalesmarches
quatreàquatre.Arrivéedanssachambre,ellefermalaported'uncoupdepiedetsejetasurlelit.Elleavaitenviedepleurer,maisleslarmesnevinrentpas.«Jacemedéteste,pensa-t-elle.Amatismedéteste.Jen’aipaseuletempsdedireaurevoiràSimon.Mamèreestmourante.EtLukem'aabandonnée.Jenemesuis jamaissentieaussi seule,etc'estentièrementma faute.»Lesyeuxsecs,elle s'absorbadans lacontemplationduplafondetsongea:«Àquoibonpleurerquandiln'yapersonnepourteconsoler?Etsurtout,quandtun'esmêmepascapabledeteréconfortertoi-même?»
7.LàOùLesAngesOntPeurDeS'Aventurer
SIMONFUTRÉVEILLÉaubeaumilieud'unrêvedesoleiletdesangparunevoixquil'appelait.—Simon!Simon,debout!Ilselevad'unbond-parfois,ils'étonnaitencoredelarapiditédesesmouvements-etseretournadans
lesténèbresdesacellule.—Samuel?chuchota-t-ilenscrutantl'obscurité.Samuel,c'estvous?—Approche-toidelafenêtre,Simon.A présent, la voix, vaguement familière, trahissait une certaine irritation. Simon la reconnut sur-le-
champet, jetantuncoupd'œilà travers lesbarreaux, ilvit Jaceagenouillédans l'herbe,unepierrederuneàlamain,quileregardaitens'efforçantdedissimulersonagacement.
—Tufaisaisuncauchemarouquoi?—Peut-êtrequejenesuistoujourspasréveillé.Simonavaitlesoreillesquibourdonnaient.S'ilavaitencoreeuunpouls, ilauraitpenséquec'était le
sangquibattaitdanssesveines,maislapulsationsemblaitàlafoisplusténueetplusproche.Lapierrederunedessinaitdesjeuxd'ombreetdelumièreétrangessurlevisageblêmedeJace.—Alorsc'estlàqu'ilst'ontmis.Jenesavaismêmepasqu'ilsseservaientencoredecescellules.Iljetauncoupd'œildepartetd'autre.— D'abord, jemesuis trompédefenêtre.J'ai flanquéunesacréefrousseà toncamaraded'infortune,
c’estmoiquiteledis!Bellegueule,malgrélabarbeetleshaillons.Ilmerappellelesclochardsdecheznous.Àcetinstant,Simondécouvritl'originedubourdonnement.Larage.Ilsentitvaguementl'extrémitéde
sescrocsfrottercontresalèvreinférieure.—Jesuisraviquetoutçat'amuse,lâcha-t-il.—Tun'espascontentdemevoir,c'estça?Jedoisadmettrequejesuissurpris.Onm'atoujoursditque
maprésence suffisait à illuminerunepièce. Je croyaisque c'était doublementvalabledansuneprisonhumide.
— Tusavaiscequiallaitarriver,pasvrai?« Ils te renverrontdirectementàNewYork»,hein?«Aucunproblème.»Saufqu'ilsn'enavaientpasdutoutl'intention.
—Jen'étaispasaucourant.Jacesoutintsonregardsansciller.
—Jesaisquetunemecroirasjamais,maisjepensaisdirelavérité.—Soittumens,soittuesunidiot.—Alorsjesuisunidiot.—Jesuistentédecroirequetucumuleslesdeux.—Jen'avaisaucuneraisondetementir.Etcessedemontrerlescrocs.Çamerendnerveux.—Tantmieux.Situveuxsavoirpourquoi,c'estparcequejeflairel'odeurdusang.—C'estmoneaudeCologne.Eaudecoupurerécente.
Jacelevasamaingaucheemmaillotéedansdelagazetachéedesang.Simonfronçalessourcils.
—Jecroyaisque,chezvous,onguérissaitvite.
—Mamainestpasséeàtraversunefenêtre,etAlecmetunpointd'honneuràcequejecicatrisecommeunTerrestre,histoiredemedonneruneleçon.Tuvois,jet'aiditlavérité.Çat'épate,hein?
—Non.J'aid'autreschatsàfouetter.L'Inquisiteurmeharcèledequestions,etjen'aipaslesréponses.Ilpersisteàm'accuserd'avoirmismespouvoirsdevampireauservicedeValentin.Ilcroitquej'espionnepoursoncompte.
Unelueurd'inquiétudes'allumadanslesyeuxdeJace.—Aldertreeaditça?—Ilinsinuequel'Enclaven'enpensepasmoins!—Çasentmauvais.S'ilsdécrètentquetuesunespion,lesAccordsnes'appliquerontplusàtoncas.Pas
s'ilsseconvainquentquetuasenfreintlaLoi,entoutcas.Jacejetaunregardfurtifautourdeluiavantdepoursuivre:
—Onferaitmieuxdetefairesortird'ici.—Etensuite?Oùmecacherez-vous?Simons'étonnadesa réaction. Iln'avaitqu'uneenviequittercetendroit,etpourtant lesmotsavaient
jaillideseslèvres.—IlyaunPortailici,dansl'enceintedelaGarde.Sionletrouve,jeterenverrai...—Ettoutlemondesauraquetum'asprêtémainforte.Jace,ilsn'enontpasqu'aprèsmoi.Àvraidire,je
doutequ'ilss'intéressentàuneCréatureObscure.IlsessaientdeprouverquelesLightwoodsonttoujoursencontactavecValentinetqu'ilsn'ontjamaisquittéleCercle.Mêmedanslapénombre,SimonvitJaceblêmir.—Maisc'estridicule.IlsontcombattuValentinsurlebateau.Robertafailliylaisserlavie...— D'après l'Inquisiteur, ils auraient sacrifié lesNephilimqui se battaient à leurs côtés pour donner
l'illusionqu'ilsétaientlesennemisdeValentin.Ilsontperdul'ÉpéeMortelle,etc'esttoutcequ'ilaretenu.Regarde, tu as essayé de mettre en garde l'Enclave, et ils n'en ont pas tenu compte. Maintenant,l'Inquisiteurchercheunboucémissaire.S'ilpeutfairepassertafamillepourdestraîtres,alorspersonnenepourrablâmerl'Enclavepourcequis'estpassé,etilseralibredemenertranquillementsabarquesansrencontrerlamoindreopposition.Jaceenfouitlatêtedanssesmains,ettiradistraitementsursescheveux.—Jenepeuxpastelaisserici.SiClaryl'apprend...—J'auraisdûmedouterquec'étaitçaquit'inquiétait,répliquaSimonavecunrireamer.Alorsneluidis
rien.Detoutefaçon,elleestàNewYork,D...(Ils'interrompit,incapabledeprononcerlemot«Dieu».)Tuavaisraison.Jesuiscontentqu'ellenesoitpasvenue.Jacerelevalatête.—Hein?— Cesgensde l'Enclave sont des fous.Qui sait cequ'ils lui feraient subir s'ils avaient vent de ses
pouvoirs?Tuavaisraison,répétaSimonet...(Et,commeJacenerépondaitpas,ilajouta:)Ettuferaismieuxdesavourercemoment.Jenelerediraipasdesitôt,Jaceluijetaunregardhébété,etSimonseremémoraavecunfrissondemalaisel'expressiondeson
visagesurlebateau,alorsqu'ilagonisait,couvertdesang,surlesolfroid.—Alorstuveuxresterici?dit-ilenfin.Jusqu'àquand?—Jusqu'àcequ'onaittrouvéunemeilleuresolution.Maisilresteunpetitdétailàrégler.
Jacelevalessourcils.—Lequel?— L'Inquisiteur a décidé dem'affamer. Jeme sens déjà très faible.Demain, je serai peut-être...On
verrabien.Maisjen'aipasl'intentiondecéder.Etjeneveuxplusjamaisboiretonsang,ajouta-t-ilen
hâte.Dusangd'animalferal'affaire.—Jepeuxt'enprocurer.
Jacehésita.—Est-cequetuasrévéléàl'Inquisiteurquejet'avaislaisséboiremonsang?
Simonsecoualatête.LesyeuxdeJaceétincelèrent.—Pourquoi?—Tuasassezd'ennuiscommeça,jesuppose.—Écoute,vampire,protègelesLightwoodsiçatechante,maisnet'occupepasdemoi.
Simonlevalatête.—Pourquoi?Comme Jace le dévisageait de l'autre côté des barreaux, Simon put presque s'imaginer la situation
Inverse:luidehors,etJaceàl'intérieurdelacellule.—Parceque,répondit-il,jeneleméritepas.Claryfutréveilléeparundrôledebruit.Onauraitditletintementdecaillouxsurunetoitureenmétal.
Elleseredressa,jetaunregardahuriautourd'elle.Lebruitserépéta.Aprèsavoirrepoussésacouvertureàcontrecœur,elleallaouvrirlafenêtreetuncourantd'airglacétransperçasonpyjama.Ellesepenchaau-dehorsenfrissonnant.Quelqu'unétaitdeboutaumilieudujardinetelleeutuncoupaucœurencroyantreconnaîtrelahaute
silhouetteminceauxcheveuxébouriffés.Puisl'intruslevalatêteetelles'aperçutqu'ilétaitbrun.Pourladeuxièmefois,elleavaitespéréquecesoitJaceetcenotaitqueSébastien.Il tenait à lamain une poignée de cailloux. Il sourit en la voyant etmontra du doigt la treille.Elle
secoualatêteetindiqualebasdelamaison:«Retrouve-moidevantlaporte.»Aprèsavoirrefermélafenêtre,elledévalal'escalier.Lamatinéeétaitbienavancée:lesoleilentraitparlesfenêtres,maistoutesleslumièresétaientéteintesetlamaisondemeuraitsilencieuse.«Amatisdoitencoredormir»,pensa-t-elle.Ellesedirigeaverslaporteetpoussaleloquet.Sébastiensetenaitsurlapremièremarcheduperron,
etelleéprouvadenouveaucettevagueimpressiondedéjà-vu.Elleesquissaunsourire.—Tujettesdespierrescontremafenêtre.Jecroyaisqu'onnefaisaitçaquedanslesfilms.—Jolipyjama,observa-t-il.Jet'airéveillée?—Peut-être.— Désolémaisçanepouvaitpasattendre.Tuferaismieuxderemontert'habiller.Onpasselajournée
ensemble.—Jetetrouvebiensûrdetoi,rétorqua-t-elle.MaispourlesgarçonsdotésduphysiquedeSébastien,l'assuranceallaitsansdoutedesoi.Ellesecoualatête.—Jeregrettemaisc'estimpossible.Jenepeuxpasquitterlamaison.Pasaujourd'hui.UnplidecontrariétébarralefrontdeSébastien.—Tuessortiehier,non?—Jesaismaisc'étaitavant...«Avantqu'Amatisnememetteplusbasqueterre.»—Jenepeuxpas,unpointc'esttout.Et,s'ilteplaît,n'essaiepasdemeconvaincre,tuveuxbien?— D'accord.Jen'insistepas.Maislaisse-moiaumoinst'expliquerlaraisondemavenue.Etensuite,
promis,situveuxquejeparte,j'obéirai.—Qu'ya-t-il?Illevalatête,etellesedemandacommentdesyeuxaussinoirspouvaientbrillercommedel'or.
—JesaisoùtupeuxtrouverRagnorFell.
IlfallutmoinsdedixminutesàClarypourremonterlesmarchesquatreàquatre,enfilersesvêtement,griffonnerunmotpourAmatisetrejoindreSébastienquil'attendaitaubordducanal.Ilsouritenlavoyantcourirverslui,horsd'haleine,sonmanteauvertsouslebras.
—Jesuislà,lança-t-elleens'arrêtantdevantlui.Onyva?Sébastieninsistapourl'aideràs'habiller.—Personnenem'avait jamaisaidéàmettremonmanteauauparavant,observa-t-elleendégageantses
cheveuxquis'étaientcoincésdanssoncol.Apartpeut-êtrelesserveursdanslesrestaurants.Tuasétéserveur?
—Non,maisj'aiétéélevéparuneFrançaise,luirappelaSébastien,cequiimpliquecertainesmanières.Clary souritmalgré sa nervosité. Sébastien n'avait pas son pareil pour lamettre de bonne humeur,
songea-t-elleavecunvagueétonnement.Ilétaitmêmetropdoué.—Oùallons-nous?—Fellhabiteàl'écartdelaville,réponditSébastienenprenantladirectiondupont.
Claryluiemboîtalepas.—C'estloin?—Troploinpourmarcher.Nousallonsdevoirtrouverunmoyendetransport.
Clarys'arrêtanet.—Quoi?Sébastien,ilfautresterprudent.Onnepeutpasrévélernosprojetsaupremiervenu.C'estun
secret.Sébastienlaconsidérad'unairpensif.—Jetejuresurl'Angequel'amiquinousemmènen'ensouffleramotàpersonne.—Tuenessûr?—Sûretcertain.«RagnorFell», pensaClary tandis qu'ils traversaient les rues bondées. « Je vais rencontrerRagnon
Fell.»Ensonfor intérieur, l'excitationrivalisaitavecl'inquiétude.MadeleineavaitdécritRagnorFellcommeunpersonnagehorsducommun.Ets'iln'avaitpaslapatienceouletempsdel'écouter?Sielleneparvenaitpasàleconvaincredesonidentité?S'ilnesesouvenaitpasdesamère?Pourajouteràsanervosité,chaquefoisqu'ellecroisaitungarçonblondouunefillebruneauxcheveux
longs,ellecroyaitreconnaîtreJaceouIsabelle.Maiscelle-cichoisiraitprobablementdel'ignorersiellesse rencontraient, pensa-t-elle avec tristesse, et Jace était sans doute chez les Penhallow en train debatifoleravecsanouvellepetiteamie.
— Tu as peur qu'on nous suive ? demanda Sébastien en surprenant son regard au moment où ilss'engageaientdansunepetiterueàl'écartducentreville.
—J'ail'impressiondecroisersansarrêtdesgensquejeconnais,admit-elle.JaceoulesLightwood.—JenecroispasqueJaceaitquittélamaisondesPenhallowdepuissonarrivée.Ilpasseleplusclair
desontempsàbouderdanssachambre.Etpuisils'estsalementblesséàlamainhier...—Ils'estblessé?Maiscomment?Oubliant de regarder où ellemarchait, Clary trébucha contre une pierre. Sur la route qu'ils avaient
empruntée,lespavésavaientlaisséplaceaugravierssansqu'elles'enaperçoive.—Onyest,annonçaSébastienens'arrêtantdevantunepalissade.IIn'yavaitpasdemaisonsalentour :à lazonerésidentielleavaitbrusquementsuccédé lacampagne
aveccettepalissaded'uncôtéet,del'autre,unchemincaillouteuxquidescendaitverslaforêt.Unportailferméparuncadenass'encadraitdanslaclôture.Sébastiensortitdesapocheunegrosseclé
etl'ouvrit.—Jerevienstoutdesuite,lança-t-ilenrefermantleportailderrièrelui.Clarycollasonœilàunintersticedansleboisdelapalissadeetdistinguaunecabanerougeautoitde
bardeauxquisemblaitdépourvuedeporteetdefenêtres...Leportail s'ouvrit etSébastien réapparutavecun sourire jusqu'auxoreilles. Il tenaitunharnaisà la
main.Ungrandchevalblancetgrisavecunemarqueenformed'étoilesurlefrontlesuivaitdocilement.—Cechevalestàtoi?s'exclamaClary.Quiauncheval,denosjours?
Sébastiencaressaamoureusementsamonture.—ChezlesChasseursd'Ombres,beaucoupdefamillesontunchevalàl'étable.Aucasoùtunel'aurais
pasremarqué,iln'yapasdevoituresàIdris.Ellesnemarchentpasbienavectouscesboucliersdanslesparages.Il tapota le cuir clair de la selle, orné d'un blason représentant un serpent qui sortait d'un lac en
ondulant.LenomVerlacétaitinscritau-dessous.—Enroute!
Claryrecula.—Jenesuisjamaismontéeàcheval.—C'estmoiquiconduiraiWayfarer,larassura-t-il,Tuserasassisedevantmoi.Le cheval hennit doucement.Clary remarqua avec un certainmalaise qu'il avait des dents énormes.
Elles'imaginacesdentss'enfoncerdanssajambeetpensaàtoutessescamaradesaucollège,quirêvaientdeposséderunponey.Ellesdevaientêtrefolles.«Unpeudecourage,sedit-elle.Mamann'auraitpashésité,elle.»
—Bon,lança-t-elleensoupirant.Allons-y.
LesbonnesrésolutionsdeClarydurèrentletempsqueSébastien,aprèsl'avoiraidéàsemettreensellese hisse à son tour derrière elle. Il éperonna sa monture qui s'élança au triple galop sur la routecaillouteuse,lacontraignantàs'agrippersifortàlasellaqu'ellelaissadesmarquesd'onglesdanslecuir.La route s'étrécissait à mesure qu'ils s'éloignaient de la ville, et bientôt d'épais bouquets d'arbres
apparurentdechaquecôtételsdesmursdeverdurebloquantlavue.Sébastientirasurlesrênes,lechevalralentit,etlecœurdeClaryseremitàbattrenormalement.Tandisquesapaniquerefluait,ellepritpeuàpeuconscienceducorpsdeSébastiencontrelesiendesesbrasautourd'elleetdesonodeur,agréableetpoivrée,trèsdifférentedecelledeJace,quisentaitlesavonetlesoleil.Nonquelesoleilaituneodeurmaiss'ilfallaitentrouverune...Claryserralesdents.MêmeenprésencedeSébastien,alorsqu'elleétaitenroutepourrencontrerun
puissantsorcier,ellesesurprenaitàpenseràJace.Elles’efforçadeseconcentrersur lepaysage.Lesarbres se raréfiaient et, à présent, la campagne s'étendait de chaque côté de la route, offrant une vuecharmantebienqu'austèreavecsesvastesétenduesd'herbetraverséesçàetlàparunchemindepierres.Dedélicatesfleursblanches,semblablesàcellesqu'elleavaitpuobserverdanslanécropoleavecLuke,parsemaientlescollinescommedesfloconsdeneige.
— Comment tuas faitpourdécouvriroùhabiteRagnorFell ?demandaClarycommeSébastien,d'ungestehabile,faisaitfaireuneembardéeàsamonturepouréviteruneornière.
—MatanteÉlodiepossèdeunsacréréseaud'informateurs.EllesaittoutcequisepasseàIdris,mêmesiellen'ymetjamaislespieds.Elledétestequitterl'Institut.
—Ettoi?TuvienssouventàIdris?— Non.Ladernièrefois, j'avaisàpeinecinqans.Jen'avaispasrevumononcleetmatantedepuis,
alors jesuiscontentd'être là.C'est l'occasionde rattraper le tempsperdu.Etpuis, Idrismemanquait.Riennes'enrapproche.C'estlaterrequiveutça.Ellenousmanquequandnoussommesloin.
—Jaceavaitlemaldupays,luiaussi.Maisjecroyaisquec'étaitlefaitd'avoirétéélevéici.—IlagrandidanslemanoirdesWayland,n'est-cepas?C'estàdeuxpasdel'endroitoùnousallons.—Tum'asl'airbienaucourant.— N'exagéronsrien!répliquaSébastienenriant.Maisc'estvraiquelamagied'Idrisopèresurtoutle
monde,mêmesurceuxqui,àl'instardeJace,ontdebonnesraisonsdedétestercetendroit.—Pourquoidis-tuça?—Ehbien,c'estValentinquil'aélevé,non?Iladûvivreunenfer.
Claryhésita.—Jenesaispas.Avraidire,ilengardeunsouvenirmitigé.JecroisqueValentinétaitunpèrehorrible
parcertainscôtés,maisqueJacen'aconnuriend'autrequelepeud'affectionetdegentillessequ'il luitémoignait.
Unevaguedetristesselasubmergea.—Ilmesemblequ'ilalongtempsgardéunsouvenirémudelui,reprit-elle.—Jen'arrivepasàcroirequecethommesoitcapabledegentillesse.C'estunmonstre.—Jaceestsonfils.Etcen'étaitqu'unenfantàl'époque.JecroisqueValentinl'aimait,àsamanière!—Non,lâchaSébastiend'untonbrutal.C'estimpossible.Clarysursautaetfuttentéedeseretourner,mailelleseravisa.TouslesChasseursd'Ombresétaientun
peuchatouilleuxausujetdeValentin-ellefrémitensongeantàl'Inquisitrice-etellenepouvaitpasleurenvouloir.
—Tuassansdouteraison.—Onestarrivés,annonçaSébastienavectantdebrusqueriequeClarysedemandasiellel'avaitblessé.
Ilselaissaglisserdesonchevalmais,quandillevalesyeuxverselle,ilsouriait.—Onaétéplus rapidesqueprévu,déclara-t-il enattachant les rênesduchevalà labranche laplus
bassed'unarbre.D'ungeste,ilfitsigneàClarydedescendreet,aprèsunmomentd'hésitation,elleselaissatomberdans
sesbrasensecramponnantàluimalgréelle,lesjambesflageolantesaprèslalonguechevauchée.Ellesentit lesoufflechauddeSébastiencontresanuqueetfrissonna.Sesmainss'attardèrentsurson
dos, et il la lâcha à contrecœur. Consciente qu'elle rougissait, elle pria intérieurement pour que lablancheurdesapeaunelatrahissepas.
—Alors...c'estici?lança-t-elleenjetantunregardautourd'elle.Ilsavaientfaithaltedansunpetitvallonnichéentredeuxcollines.Unrideaud'arbresnoueuxmasquait
une clairière. Leurs branches décharnées se détachant sur le ciel bleu étaient d'une beauté presquesculpturalemais,hormiscedétail...
—Iln'yarienici,lâcha-t-elleenfronçantlessourcils.—Clary.Concentre-toi.—Tuveuxdirequec'estuncharme?Mais,d'habitude,jen'aipasbesoinde...—ÀIdris,lescharmessontengénéralpluspuissantsqu'ailleurs.Ilfautsouventfaireplusd'efforts.
Illapritparlesépaulesetlafitpivoterdoucement.—Regardelaclairière.Claryprocédaàlapirouettementalequiluipermettaitdedissocierlecharmedecequ'ildissimulait,
elle s'imagina en train de frotter de l'essence de térébenthine sur une toile afin d'ôter les couches de
peinturequimasquaientletableauendessous.Soudainapparutunepetitemaisonenpierreavecuntoitpointuetunecheminéecrachantunmincerubandefumée.Unealléesinueusebordéedecaillouxmenaitàla porte. Sous les yeux de Clary, la fumée cessa de décrire des volutes et prit la forme d'un pointd'interrogationtremblotant.
Sébastienéclataderire.—Jecroisqueçasignifie:quiestlà?Claryresserra lespansdesonmanteauautourd'elle.Leventnesoufflaitpasbienfort,etcependant
ellesesentaitglacéejusqu'auxos.—Tuasfroid?s'enquitSébastienenpassantlebrasautourdesesépaules.Aussitôt,lepointd'interrogationquisedessinaitau-dessusdelacheminéesedésagrégeapourformer
de petits cœurs.Clary se déroba à l'étreinte de Sébastien, à la fois gênée et coupable comme si ellevenait d'être prise en faute. Elle pressa le pas dans l'allée, Sébastien sur les talons. Ils en avaientparcourulamoitiéquandlaportes'ouvritbrusquement.Bienqu'ellefûtobsédéeparl'idéederetrouverRagnorFelldepuisqueMadeleineluiavaitrévéléson
nom,Clarynes'était jamaisdemandédequoi ilavait l'air.Sion luiavaitposé laquestion,elleauraitdécritunhommemassifetbarbuavecunealluredeViking.Maisl'individuquis'avançasurleseuilétaitgrandetmince,avecdescheveuxnoirscoiffésenépi.Il
portaituntee-shirtmoulantenrésilledoréeetunpantalondepyjamaensoie.IlposasurClaryunregardvaguementintriguéentirantsurunepipeauxproportionsgigantesques.Bienqu'ilneressemblâtenrienàunViking,ellelereconnutimmédiatement.MagnusBane.
—Mais...SébastienparaissaitaussisurprisqueClary.IlregardaMagnusbouchebée,l'airhébété.
—Vousêtes...RagnorFell?bégaya-t-il.Lesorcier?Magnusôtalapipedesabouche.
—Non,jesuisRagnorFell,ledanseurexotique.Sébastiensemblaitàcourtdemots.QuantàClary,siellenesavaitpastropàquois'attendre,ellene
pensaitcertainementpastombersurMagnus.— Noussommesvenusvousdemanderdel'aide,repritsoncompagnon.Jem'appelleSébastienVerlac,
voiciClarissaMorgenstern.SamèreestJocelyneFairchild...— Çam'estbienégaldesavoirquiestsamère, rétorquaMagnus.Jenereçoisquesur rendez-vous.
Revenezunautrejour.Mars,ceseraitparfait.—M...Mars?bredouillaSébastien,horrifié.—Vousavezraison.C'esttroppluvieux,commemois.Quepensez-vousdejuin?
Sébastienseredressad'unairdigne.—Jenecroispasquevousayezconsciencedel'Importance...—Sébastien,netedonnepascettepeine,lâchaClaryavecdégoût.Ilessaiedet'emmêlerlespinceaux.
Ilnepeutpasnousaider,detoutefaçon.Sébastienparutencoreplusdécontenancé.
—Maisjenevoispaspourquoi...—Bon,çasuffit,décrétaMagnusenclaquantdesdoigts.
Sébastiensefigea,labouchegrandeouverte,lamaintendue.—Sébastien!Clary s'avança pour le toucher, mais il était aussi rigide qu'une statue. Seul le mouvement
imperceptibledesapoitrineprouvaitqu'ilrespiraitencore.—Sébastien?répéta-t-elle.
Cependant, elle avait déjà compris que c'était sans espoir : il ne pouvait ni la voir ni l'entendre.Furieuse,ellesetournaversMagnus.
—Jen'arrivepasàcroirequetuaiesfaitunechosepareille!C'estquoi,tonproblème?Jenesaispascequ'ilyadanscettepipe,maiselleadûtegrillerlecerveau!Sébastienestdenotrecôté.
— Etmoi, jenesuisducôtédepersonne,Clarychérie, répliquaMagnusenagitantsapipe.C'est tafautesijel'aifigé.TuétaisàdeuxdoigtsdeluirévélerquejenesuispasRagnorFell.
—Maistun'esPASRagnorFell!Magnuscrachaunnuagedefuméeetladévisagead'unairsongeur.
—Viens.J'aiquelquechoseàtemontrer.Tenant la porte de la maisonnette, il lui fit signe d'entrer. Après avoir jeté un regard incrédule à
Sébastien,ellelesuivitàl'intérieur.Le cottage était plongé dans la pénombre. Dans la faible clarté qui filtrait par les volets, Clary
distingua lescontoursd'unevastepièceoùflottaituneodeurétrangededétritusbrûlés.Magnusclaquadesdoigtsunedeuxièmefoisetdesflammesbleutéesenjaillirent.Claryeutunhoquetdesurprise.Lapièceétaitsensdessusdessous:lesmeublesavaientétéfracassés,
lestiroirsouverts,leurcontenuvidéparterre,leslivresdéchirés,lesvitresbrisées.—Hier soir, j'ai reçuunmessagedeFellmedemandantde le rejoindre ici,déclaraMagnus.Amon
arrivée,j'aitrouvésamaisondanscetétat.Toutavaitétédétruit,etçaempestaitledémon.—Maislesdémonsnepeuventpasfoulerlesold’Idris!—Jen'affirmerien,jeconstate.C'étaituneodeurd’originedémoniaque.Ragnorétaitallongéparterre.
Mort.Quisavaitquetuétaisàsarecherche?—Madeleine,murmuraClary.Maisonl'atuée,elleaussi.Sébastien,Jace,Simon.LesLightwood...—Ah,fitMagnus.SilesLightwoodsontaucourant,l'Enclaveaussi,etValentinadesespionsparmises
membres.—J'auraisdûmetaireaulieudequestionnertoutlemondeàsonsujet,gémitClary,horrifiée.C'estma
faute.J'auraisdûprévenirFell...—Dois-je te rappelerque tun'arrivaispasàmettre lamainsur lui?Ecoute,Madeleineet toi,vous
considériez juste Fell comme unmoyen d'aider tamère.Vous ne pensiez pas qu'il pourrait intéresserValentinpourd'autresraisons.S'ilignorecommentréveillertamère,ilsaitprobablementquesonétataunrapportavecunobjetqu'ilconvoite.Unlivredesortilègesenparticulier.
—Commenttuasdécouverttoutça?—C'estRagnorquimel'adit.—Mais...
Magnusl'interrompitd'ungeste.—Lessorciersontdesmoyensdecommuniquerentreeux.Ilspossèdentleurproprelangage.
Illevalamaindanslaquellebrûlaitlaflammebleue.Deslettresdefeuapparurentsurlesmurs,commedel'orliquidegravédanslapierre,formantdesmotsillisibles.
—Qu'est-cequeçaveutdire?demandaClary.— Juste avantdemourir,Ragnora écrit cemessageafinque lepremier sorcierqui franchirait cette
porteapprennecequiluiétaitarrivé.MagnussetournaversClary,etleslettresd'orilluminèrentsesyeuxdechat.
— LesserviteursdeValentinl'ontattaquépourrécupérerleLivreBlanc.AvecleGrimoire,ilcompteparmilestraitésdemagielespluscélèbresjamaisécrits.LaformuledelapotionabsorbéeparJocelyne
etcelledesonremèdesetrouventdanssespages.Claryécarquillalesyeux.
—Alorsilétaitcachéici?—Non.Ilappartenaitàtamère.RagnorluiaseulementsuggéréoùlecacherpourqueValentinnemette
paslamaindessus.—Où?— DanslemanoirfamilialdesWayland.Ilsvivaienttoutprèsdecheztesparents,c'étaientleursplus
prochesvoisins.Ragnoraconseilléàtamèrededissimulerlelivrechezeux,làoùValentinn'iraitjamaislechercher.Danslabibliothèque,plusprécisément.
—MaisValentinaoccupélemanoirdesWaylandpendantdesannées!Ilauraitdûletrouver...—Ilétaitcachédansunautrelivrequ'ilnerisquaitpasd'ouvrir.
Magnuseutunsourireencoin.—Recettessimplespourlesménagères.Onnepeutpasnierquetamèrealesensdel'humour.—AlorstuesalléchezlesWayland?Tuascherchélelivre
Magnussecoualatête.— Clary,desboucliersprotègentlemanoir.Ilsnesontpasseulementcenséséloignerl'Enclavemais
aussietsurtoutlesCréaturesObscures.Sij'avaisletempsdemepenchersérieusementsurlaquestion,jeparviendraispeut-êtreàlesneutraliser,mais...
—Alorspersonnenepeutentrerdanscemanoir?s’écriaClary,désemparée.—Jen'aipasditça.Personnellement,jeconnaisaumoinsunepersonnequiensoitcapable.—TuparlesdéValentin?—Je parledesonfils.
Clarysecoualatête.— Jacen'accepterajamaisdem'aider,Magnus.Ilneveutpasdemoiici.Jedoutemêmequ'ilveuille
encorem'adresserlaparole.Magnusluilançaunregardpensif.
—Etmoi,jecroisqu'iln'yapasgrand-chosequeJaceterefuseraitsituleluidemandais.Claryouvritlabouchepourprotester,puisseravisa.Magnusavaitdevinélessentimentsd'Alecpour
Jace,ceuxdeSimonpourelle.Cequ'elleéprouvaitpourJacedevaitseliresursonvisageencemomentmême,etMagnusn'avaitpassonpareilpourdéchiffrerlesexpressions.Elledétournalesyeux.
—Admettonsquej'arriveàleconvaincred'allerrécupérercelivreaumanoiravecmoi,etensuite?Jenesaispasjeterunsortnifabriquerunantidote…
Magnusricana.— Tucroisque je t'ai raconté toutçapour leplaisir?Unefoisque tuserasenpossessionduLivre
Blanc,jeveuxquetumel'apportesimmédiatement.—Celivret'intéresse?—C'estl'undesmanuelsdesortilègeslespluspuissantsaumonde.Biensûrqu'ilm'intéresse.Enoutre,
ilappartientdedroitauxEnfantsdeLilith.C'estàunsorcierqu'ilrevient.—Maisj'enaibesoin...pourguérirmamère…— Il ne t'en faut qu'une seule page, que tu pourras garder. Le reste est pour moi. En échange, je
préparerail'antidotepourtoietjel'administreraiàJocelyne.C'esthonnête,commemarché.Iltenditlamain.
—Topelà.Aprèsunehésitation,Claryluiserralamain.
—J'espèrequejenevaispasleregretter.
Magnussetournagaiementverslaporte;surlesmurs,leslettress'éteignaientdéjà.—Lesregretsneserventàrien,tunetrouvespas?Dehors, le soleil semblait particulièrement éblouissant après les ténèbres de la maisonnette. Clary
clignadesyeuxetretrouvalascènequ'elleavaitlaisséeenentrant:lesmontagnesauloin,Wayfarerentraindemâchonnerpaisiblementdes touffesd'herbe,etSébastien immobilecommeunestatue, lamaintoujourstendue.EllesetournaversMagnus.
—Tuveuxbienledéfigermaintenant,s'ilteplaît?Magnussourit.—Jedoisdirequej'aiétésurprisenrecevantlemessagedeSébastiencematin.Ilprétendaittefaire
unefaveur,riendemoins.Commentl'as-turencontré?—C'estuncousind'amisdesLightwood.Ungentilgarçon,jet'assure.— Gentil?Beaucommeundieu,oui!observaMagnusenposantunregardrêveursurl'intéressé.Tu
devraislelaisserici.Jepourraism'enfaireunportemanteau.—Non.Tunepeuxpaslegarder.—Pourquoidonc?Ilteplaît?
LesyeuxdeMagnusétincelèrent.— Entoutcas,toituluiplais,reprit-il.Jel'aivuessayerdeteprendrelamaincommeunécureuilse
jetantsurdesnoisettes.—Parlonsplutôtdetesamours.Desnouvellesd'Alec?— Il refuse d'admettre que nous sommes ensemble,Alors je l'ignore.L'autre jour, ilm'a envoyé un
message. Ilétaitadresséau«sorcierBane»,commesij'étaisunparfaitétranger. Ilenpince toujourspourJace,àmonavis,bienquecetterelation-làn'aitaucunechanced'aboutir.Maisj'imaginequetuesfamilièredecegenredeproblème.
—Oh, la ferme,marmonnaClary en jetantun regardnoir àMagnus.Ecoute, si tu refusesdedéfigerSébastien,jenebougeraipasd'iciettunerécupérerasjamaisleLivreBlanc.
—Oh,çava,tuasgagné.Jepeuxtedemanderunserviceencontrepartie?Neluirévèlepascequejet'aiconfié,amidesLightwoodoupas.Àcesmots,Magnusclaquaimpatiemmentdesdoigts.Sébastienrepritviecommelepersonnaged'une
vidéosurpausequ'onremettraitenmarche.—...ilrefuserait.C'estunequestiondevieoudemort.—AvecvousautresNephilim,c'esttoujoursunequestiondevieoudemort,répliquaMagnus.Allez-
vous-en.Vouscommencezàm'ennuyer.—Mais...—Ouste!fitMagnusd'untonmenaçant.Desétincellesbleuesjaillirentdeseslongsdoigts,etuneodeurdebrûléenvahitsoudainl'atmosphère.
Sesyeuxdechat étincelèrent.Mêmesi elle savaitqu'il jouait la comédie,Claryneput s'empêcherdereculer.
—Jecroisqu'ondevraitluiobéir,Sébastien.—Mais,Clary...—Partons,insista-t-elleenleprenantparlebraspourl'entraînerdeforceversWayfarer.Illasuivitàcontrecœurenmarmonnant.Claryjetauncoupd'œilpar-dessussonépauleavecunsoupir
desoulagement.Magnusétaitplantésurleseuildelamaisonnette,lesbrascroiséssurlapoitrine.Posantsonregardsurelle,ilsouritetluiadressaunclind'œilimperceptible.
—Jesuisvraimentdésolé.Sébastienposalamainsurl'épauledeClarytandisque,del'autre,illaprenaitparlataillepourl'aider
àsemettreenselle.Ignorantlapetitevoixquiluisoufflaitdenepasremontersurcecheval-nisuraucunautre,d'ailleurs-,elleselaissahissersurlaselleenessayantdes'imaginerqu'ellesetenaitenéquilibresurungroscanapébringuebalantetnonsurunecréaturedechairetd'osquirisquaitdelamordreàtoutmoment
— Pourquoi?demanda-t-ellecommeilenfourchaitsamontureavecunefacilitéà lafoisagaçanteetrassurante.
—Al'évidence,luisavaitcequ'ilfaisait,songea-t-elletandisqu'ilsepenchaitpourprendrelesrênes.— PourRagnorFell.Jenem'attendaispasàuntelrefus.Lessorcierssontcapricieux.Tuenasdéjà
rencontré?—Oui.MagnusBane.C'estleGrandSorcierdeBrooklyn.Ellese retournapour lancerundernier regardà lamaisonnettequidisparaissaitdans le lointain.La
fuméesortantdelacheminéeformaitdepetitessilhouettesdansantes.DesMagnusminiatures?Acettedistance,Claryn'auraitpaspuenjurer.
—Est-cequ'ilressembleàFell?—Oh,énormément.Net'inquiètepaspourFell.Jesavaisqu'onrisquaitd'essuyerunrefus.— Mais je t'avais promis mon aide, protesta Sébastien, l'air sincèrement contrarié. Eh bien,
heureusementquej'aiautrechoseàtemontrer;lajournéeneserapascomplètementperdue.—Qu'est-cequec'est?demanda-t-elleensetournantverslui.Lesoleil,àprésenthautdansleciel,auréolaitd'orlescheveuxnoirsdeSébastien.Ilsourit.—Tuverras.Amesurequ'ils s'éloignaient d'Alicante, desmursde feuillage sedressaient depart et d'autrede la
route, s'ouvrant çà et là sur des panoramas d'une beauté improbable : lacs bleu glacier, valléesverdoyante,montagnes grises, fleuves argentés, ruisseaux bordés de fleurs.Clary se demandait à quoiressemblait la vie dans cette contrée. Sans la présence rassurante des gratte-ciel autour d'elle, elle sesentaitnerveuse,presquevulnérable.Nonquelesenvironssoientinhabités.Detempsàautre,letoitd'ungrandbâtimentdepierreémergeait
d'entre les arbres. Sébastien lui expliqua en criant dans son oreille que c'étaient des propriétés decampagneappartenantàdesfamillesfortunées.EllesévoquaientàClarylesvastesdemeuresanciennesquibordentl'Hudson,aunorddeManhattan,unlieudevillégiatureoùlesrichesNew-Yorkaisvenaientpasserl'étéunsiècleplustôt.Devanteux,laroutecaillouteuseavaitlaisséplaceàunchemindeterre.Claryfuttiréedesarêverieau
momentoù,parvenuausommetd'unecolline,SébastientirasurlesrênesdeWayfarer.—Nousysommes,annonça-t-il.Claryouvritdegrandsyeux.Ellesetrouvaitdevantuntasdedécombresnoircisqui,auvudecequ'il
enrestait-unboutdecheminéetoujourspointévers lecieletunpandemurdanslequels'ouvraitunefenêtre-,avaientjadisdûêtreunemaison.Duchiendents'épanouissaitparmilesfondations,vertsurlenoirdelapierre.
—Jenecomprendspas.Pourquoisommes-nousici?— Tunedevinespas?s'étonnaSébastien.C'esticiquetamèreettonpèreontvécu,etquetonfrèrea
vulejour.CesontlesruinesdumanoirdesFairchild.Pourlaénièmefois, lavoixdeHodgerésonnadanslatêtedeClary.«Aprèsavoiralluméungrand
feu,ils’estjetédedansavecsafemmeetsonenfant.Sursaterrecalcinée,personnen'arienbâtidepuis.Onprétandqu'elleestmaudite.»
Sans un mot, elle sauta au bas du cheval et dévala la pente de la colline malgré les appels deSébastien.Leterrains'aplanissaitàl'endroitoùs'élevaitjadislamaison;lespierresnoirciesdel'alléecraquèrentsoussespieds.Parmilesherbeshautes,ellerepéraunescalierquis'arrêtaitabruptementàunmètredusol.
—Clary...Sébastienlarejoignitbientôtmaiselles'aperçutàpeinedesaprésence.Apaslents,ellefitletourde
la propriété.Des arbres calcinés, àmoitiémorts.Un vaste terrain en pente, qui devait être ombragé,autrefois.Elledistinguaauloinletoitd'unautremanoir,justeau-delàdelacimedesarbres.Lesoleilsereflétaitsurdesfragmentsdeverreindiquantl'emplacementd'unefenêtresurleseulpandemurencoredebout. Elle l'avança parmi les ruines, se représenta la répartition des pièces, dénicha même unvaisselier,renversémaispresqueintact,etquelquesdébrisdeporcelaineparmilaterrenoire.
Autrefois, une belle demeure s'élevait à cet endroit et des gens bien vivants l'habitaient. Samère yavaitVécu,s'yétaitmariée,yavaiteuunenfant.PuisValentinavaittoutréduitencendreset,enlaissantcroireàsonépousequesonfilsétaitmort,contraintcettedernièreàdissimulerlavéritéàsafille...UnetristesseimmenseenvahitClary.Plusd'unevieavaitétébriséeàcetendroit.Elleportalamainàsajoueets'étonnaitpresquedelasentirhumide:elles'étaitmiseàpleurersanss'enapercevoir.
—Clary,jeregrette.Jepensaisquetuvoudraisvoirlemanoir.Sébastien s'était frayéun cheminparmi lesdécombrepour la rejoindre en soulevantdesnuagesde
cendreavecsesbottes.Ilsemblaitinquiet.—Oh,maisjesuiscontentedel'avoirvu.Merci.Le vent qui s'était levé rabattait les mèches sombre de Sébastien sur son visage. Il sourit d'un air
piteux.— Çadoitêtredurdes'imaginer toutcequis'estpassé ici.Tamèreadûfairepreuved'uncourage
incroyable.—Oui,soufflaClary.Elleatoujoursétécourageuse.—Toiaussi,dit-ileneffleurantsonvisage.—Sébastien,tunesaisriendemoi.—Cen'estpasvrai.D'ungestedélicat,presquetimide,ilpritsonmentondanssamain.— J'ai tellement entenduparler de toi,Clary ! Je sais que tu as affronté tonpèrepour récupérer la
CoupeMortelle,etquetuesentréedansunhôtelinfestédevampirespourvolerausecoursdetonamiC'estIsabellequim'atoutraconté.Sanscompterlesrumeurs.Lapremièrefoisquej'aientendutonnom,j'aieuenviedeteconnaître.J'étaiscertainquetuétaisquelqu'und'extraordinaire.
—J'espèrequetun'espastropdéçu,répliqua-t-elleavecunrireforcé.—Non,pasdutout,murmura-t-ilenl'attirantcontrelui.Claryfuttropsurprisepourréagir,mêmelorsqu'ilsepenchaverselleetqu'ellecomprit,unpeutrop
tard,cequ'ils'apprêtaitàfaire.Instinctivement,ellefermalesyeuxtandisqu'ilposaitseslèvressurlessiennes,etunfrissonluiparcourutledos.Uneenviebrutaled'êtreembrasséepournepluspenseràriens’emparad'elle.Ellenouasesbrasautourdesoncou,àlafoispournepasperdrel'équilibreetpourseserrerfoutrelui.Les cheveux de Sébastien étaient doux au toucher sans être soyeux comme ceux de Jace. Pourquoi
fallait-ilqu'ellepenseà lui encemomentmême?Ellechassa son imagede sonesprit.Sébastien luicaressalajoue.Sesgestesétaienttendres,malgrésesdoigtscalleux.Evidemment,Jaceavaitlesmêmes
mains rugueuses, à cause des combats : peut-être en allait-il de même pour tous les Chasseursd'Ombres...De nouveau, elle s'efforça de repousser cette pensée,Mais rien n'y fit. Elle voyaitmême les yeux
ferméslespleinsetlescreuxdecevisagequ'ellen'avaitjamaisréussiàdessiner,bienqu'ilrestegravédanssamémoire;lesjointuresdélicatesdesesmains,sesépaulescouvertesdecicatrices...Ledésirqui l'avaitsubmergéerefluainstantanément.Elleseraidit tandisqueSébastienpressaitses
lèvres sur les siennes et enlaçait sanuque.Elle avait l'Impressionquec'était encoreplusmalquededésirersansespoirquelqu'unqu'ellenepourraitjamaisavoir.Et soudain, dansun sursaut d'horreur, comme si elle venait d'êtreprécipitéedansun trounoir, elle
reculaetmanquatrébucher.SiSébastiennel'avaitpasretenue,elleseraittombée.Illadévisagead'unairhagard,lesjouescramoisies.
—Clary,qu'est-cequinevapas?—Rien,répondit-elled'unevoixàpeineaudible.Riendutout.C'estjusteque...jen'auraispasdû.jene
suispasprête...—Tutrouvesquec'estallétropvite?Onpeutralentir...Ilavançalamainverselleet,involontairement,ellereculadenouveau.Ilparaissaitabasourdi.—Jenevaispastemanger.—Jesais.— Ils'estpasséquelquechose?s'enquit-ilenrepoussantsescheveuxenarrièreet,cettefoisencore,
elleréprimal'enviedesedéroberàsescaresses.Est-cequeJace...—Jace?
Avait-ildevinéqu'ellepensaitàlui?—Jaceestmonfrère.Qu'est-cequ'ilvientfairelà-dedans?Ouveux-tuenvenir?—Jecroyaisjuste...
Ilsecoualatête;sursonvisage,latristesseledisputaitàlaconfusion.—Peut-êtrequequelqu'unt'afaitdumal.Doucementmaisfermement,Claryrepoussasamainquis'attardaitsursajoue.—Non.(Ellehésita.)Cen'estpasbien,c'esttout— Commentça?fit-il,incrédule.Clary,ilyaquelquechoseentrenous.Tulesaisaussibienquemoi.
Désl'instantoùjet'aivue...—Sébastien,arrête...— Tuescellequej'attendsdepuistoujours,jel'aisenti.Ettul'assenti,toiaussi,jel'aivu.Tunepeux
paslenier.Claryneressentaitriendetel.Elleavaitseulementeul'impression,audétourd'uneruedansuneville
étrange,detombersursamaison.Ensomme,ellel'avaitrienéprouvéd'autrequ'unsentimentsurprenantetlégèrementdésagréabledefamiliarité.Commequandonpense:«Qu'est-cequeçafaitlà,ça?»
—Tut'esfaitdesidées,dit-ellesimplement.Laragesoudaine,incontrôlablequ'ellelutdanssesyeuxlapritparsurprise.—Cen'estpasvrai!s'écria-t-ilenluisaisissantlespoignets.
Elletentadesedégager.—Sébastien...—Cen'estpasvrai.
Sesyeuxlançaientdeséclairsetsonvisageblêmeétaitunmasquedecolère.—Sébastien,répéta-t-elleens'efforçantdegardersoncalme.Tumefaismal.
Ilsedécidaàlalâcheretelles'aperçutqu'ilrespiraitavecpeine.
—Jesuisdésolé,murmura-t-il.Jecroyais...«Ehbien,tut'estrompé»,avaitenviededireClary,maiselleravalasesmotsdepeurqu'ilseremette
encolère.—Ondevraitrentrer,lâcha-t-elle.Ilvabientôtfairenuit.Il hocha distraitement la tête, apparemment aussi gêné qu'elle par sa réaction. Se détournant, il se
dirigea versWayfarer, qui paissait tranquillement à l'ombre d'un arbre. Clary hésita quelques instantsavantdelesuivre.Ellen'avaitpasd'autrealternativedetoutefaçon.Ellejetauncoupd'œilfurtifàsespoignets:lesdoigtsdeSébastienyavaientlaisséunemarquerouge.Mais,leplusbizarre,c'étaientcestachenoires,semblablesàdel'encre,sursapeau.Sansmotdire,Sébastienl'aidaàseremettreenselle.
— Jesuisdésolé,jen'insinuaisriendutout,déclara-t-ilenfin.Jaceneferaitjamaisrienquipuissetenuire.Jesaisquec'estpourtonbienqu'ilarenduvisiteàsonvampireemprisonnédanslaGarde...Soudain, le monde sembla s'arrêter. Clary entendit sa propre respiration siffler à ses oreilles et
contemplasesmains,figéescommecellesd'unestatuesurlepommeaudelaselle.—Unvampire?murmura-t-elle.
Sébastienposasurelleunregardsurpris.—Oui.Simon,celuiqu'ilsontramenédeNewYorkaveceux.Jecroyaisquetuétaisaucourant.Jacenet'ariendit?
8.UnParmiLesvivants
SIMONFUTTIRÉDESONSOMMEILparunrayondesoleilsereflétantsurunobjetqu'onavaitdûglisserparlesbarreauxdesafenêtre.Ilseleva,lecorpsankyloséparlafaim,etvitqu'ils'agissaitd'uneflasqueenmétaldelatailled'unthermosàcafé.Unboutdepapieravaitétéenrouléautourdubouchon.Simonledépliaetlut:Simon,C'estdusangdebœuf,toutfraisdechezleboucher,J'espèrequeçaferal'affaire.Jacem'arépété
cequetuasdit,etjeveuxquetusachesquejetetrouvetrèscourageux.Tienslecoup,ontrouveraunmoyendetesortirdelà.
XOXOXOXOXOXOXIsabelle
SimonsouritàlavuedesXetdesOquis'alignaientenbasdelapage.Visiblement,lesdébordementsd’affection d'Isabelle n'avaient pas trop pâti des circonstances actuelles. Il dévissa le bouchon de laflasque.
Ilavaitengloutiplusieursgorgéesdesangquandunfrissonentrelesomoplateslefitseretourner.
Raphaëlsetenaitaumilieudelapièce,lesmainsnouéesderrièreledos.Ilportaitunevestesombreetune chemise blanche impeccablement repassée. Une chaîne en or brillait à son cou. Simon manquas'étrangler.Ildéglutitàgrand-peineetobservaRaphaëlavecdesyeuxronds.
—Commentes-tuentré?LesouriredeRaphaëlavaittoujoursquelquechosedecarnassier,mêmequandilnemontraitpasles
crocs.—Net'affolepas.—Jenem'affolepas,protestaSimon.Cen'étaitpastoutàfaitvrai.Iln'avaitpasrevuRaphaëldepuislanuitoù,aumoyendesesongles,il
s'étaitextirpédesa tombecreuséeenhâtedans leQueens,ensanglantéetcouvertdebleus. Il revoyaitencoreRaphaëlluijeterdessachetsdesangaprèslesavoirouvertsavecsesdents,commeunanimal.Cen'étaitpasunsouvenirqu'ilchérissait.Ilauraitpréféréneplusjamaisavoiraffaireauvampire.
—Lesoleilbrilleencore.Comment...— Je ne suis pas vraiment là, l'interrompit Raphaël d'une voix suave. Ce n'est qu'une projection.
Regard«Ilpassalamainàtraverslemurdepierreàcôtédelui.—Jesuiscommelafumée.Jenepeuxpastefairedemal.Etréciproquement,biensûr.—Moi,jen'airiencontretoi,répliquaSimonenreposantlaflasquesurlelit.Jeveuxjusteconnaîtrela
raisondetavisite.— TuasquittéNewYorktrèssoudainement.Tusaisquetuescenséinformerlechefvampiredeton
secteurdetesabsences,n'est-cepas?—Lechefvampire?Tuparlesdetoi,là?Jecroyaisquec'étaitquelqu'und'autre…—Camillen'estpasencorerentrée.Pourlemoment,jelaremplace.Tusauraistoutcelasituprenaisla
peinedet'intéresserànoslois.— MondépartdeNewYorkn'étaitpasprévu.Et,neleprendspasmal,maisjenemeconsidèrepas
commel'ununel'undesvôtres.—Dios,marmonnaRaphaëlenbaissantlesyeuxcommepourdissimulersonamusement,tuestêtu.—Commenttuarrivesàdireça?—C'estl'évidencemême,non?—Non,jeparledecemot.LagorgedeSimonseserra.—Toi,tuarrivesàledireetmoi,jenepeuxpas.Unelueurmalicieuses'allumadanslesyeuxdeHiphaël.— Quoi,Dios?L'âge.Lapratique.Etlafoi,oulapertedelafoi:c'estunpeulamêmechose,d'une
certainemanière.Avecletemps,tuapprendras,petitnovice.—Nem'appellepascommeça.— Mais c'est ce que tu es. Tu es un Enfant de laNuit. N'est-ce pas pour cela queValentin t'a fait
prisonnieretvidédetonsang?Pourcequetues?—Tusemblesbieninformé.
Raphaëlplissalesyeux.— J'aiaussientendudirequec'estenbuvantlesangd'unChasseurd'Ombresquetuavaisacquisce
don.C'estvrai?Simonsentitsescheveuxsedressersursatête.— C'estridicule.Silesangd'unChasseurd'Ombrepouvaitdonnerauxvampireslafacultédesortiren
pleinjour,çasesauraitdepuislongtemps.LesangdeNephilimseraitdevenuunmetsdechoix.EtlapaixentrevampiresetChasseursd'Ombresseraitimpossible.Donc,c'estunechancequ'iln'ensoitrien.UnpetitsourireétiraleslèvresdeRaphaël.— Trèsjuste.Enparlantdemetsdechoix,tuterendscompte,n'est-cepas,quetuasprisbeaucoupde
valeur?JeneconnaispasuneCréatureObscuresurcetteterrequin'aimeraitpasmettrelamainsurtoi.—Ycompristoi?—Évidemment.—Etqu'est-cequetuferaissituyparvenais?Raphaëlhaussalesépaules.— Peut-êtresuis-je leseulàpenserquelefaitdesupporter la lumièredusoleiln'estpasuncadeau,
contrairementàcequecroientlesautresvampires.NousnesommespaslesEnfantsdelaNuitsansraison.Jepourraisbien,àl'instardel'humanitéànotreencontre,teconsidérercommeuneabomination.Jecroisquetureprésentesundangerpournotreespèce.Tunevaspasresteréternellementdanscettecellule.Unjour,tudevrassortiretaffronterlemondeànouveau.M'affronter,moi.Maislaisse-moitedireunechose.Jejuredenetefaireaucunmal,etdenepasessayerdeteretrouver,siàtontourtuprometsderesteràl'écart une fois qu'Aldertree t'aura libéré. Si tu acceptes de t'exiler si loin que personne ne puisse teretrouver,etdenejamaiscontacterceuxquetuasconnusdanstaviemortelle,alorsjetiendraiparole.jenepeuxpastefairepropositionplushonnêteMaisSimonsecouaitdéjàlatête.
—Jenepeuxpasabandonnermafamille.OuClary.Raphaëlpoussaungrognement.
—Ilsnefontpluspartiedetavie.Tuesunvampire,désormais.—Maisjeneveuxpasenêtreun!— C'estreparti!Tunetomberasjamaismaladeninemourras,turesteraséternellementjeuneetfort.Tunevieilliraspas.Dequoiteplains-tu?«Éternellementjeune»,songeaSimon.Cettepersperspectiven'étaitpasdéplaisante,apriori,maisqui
auraitvouluavoirseizeansjusqu'àlafindumonde?C'étaitunechosequed'avoirtoujoursvingt-cinqans,maisseize?Restertoutesaviecegarçondégingandé,nejamaisavoirlecorpsetlevisaged'unadulte…Sanscompterqu'avecsonairjuvénileilnepourraitjamaiscommanderunverredansunbar.—Enoutre,ajoutaRaphaël,tun'esmêmepasobligéderenoncerausoleil.Simonn'avaitaucuneenviedes'aventurerdenouveausurceterrain-là.
—J'aientendulesautresparlerdetoiàl'hôtelDumort.Jesaisquetuportesunecroixtouslesdimanchespourrendrevisiteàtafamille.Jepariequ'ilsnesontmêmepasaucourantquetuesunvampire.Alorsnevienspasmeserinerquejedoisrenonceràmavied'avant.C'esthorsdequestion.
LesyeuxdeRaphaëlétincelèrent.— Cequepensema famillen'aaucune importance.Cequicompte,c'estcequemoi jecrois.Unvraivampireaccepted'êtremort.Toi,tuagiscommesitufaisaistoujourspartiedesvivants.C'estencelaquetuesundangerpournous.Turefusesd'admettrequetun'esplusenvie.LesoirtombaitquandClaryrefermalaportedelamaisond'Amatisderrièreelle.Aprèsavoirtiréle
verrou, elle resta un longmoment adossée au battant, les yeuxmi-clos, le corps lourd de fatigue, lesjambesdouloureuses.Lavoixd'Amatisrésonnadanslesilence.
—Claiy?C'esttoi?Immobile,Claryselaissadériverdanslesténèbresapaisantesquis'étendaientderrièresespaupières
closes.Encetinstant,elleavaittellementlemaldupaysqu'ellepouvaitpresquesentirl'odeurmétalliquedesruesdeBrooklyn.Ellevoyaitsamèreassisedanssonfauteuil,lalumièrepâlequifiltraitàtraverslesfenêtresouvertesdel'appartementéclairantsatoiletandisqu'ellepeignait.
—Clary?La voix s'était rapprochée. Clary ouvrit les yeux, Amatis se tenait devant elle, les mains sur les
hanches,sescheveuxgrisonnantsramassésenunchignonsévère.—Tonfrèreestlà.Ilt'attenddanslacuisine.—Jace?Claryfitdesonmieuxpournepastrahirsacolèreetsonétonnement.Ellenevoulaitpaslaisseréclater
saragedevantlasœurdeLuke.Amatisluilançaunregardinterrogateur.—Quoi,jen'auraispasdûlelaisserentrer?Jecroyaisquetuvoulaislevoir.—Non,tuasbienfait,réponditClaryens'efforçantdemaîtrisersavoix.Jesuisfatiguée,c'esttout.—Hum...fitAmatis,l'airdubitatif.Bon,jesuisàl'étagesijamaistuasbesoindemoi.Jevaisfaireune
sieste.Clarysedemandaitpourquoidiableelleauraitbesoind'Amatis,maisellesecontentadehocherlatête
etsedirigeaentraînantlespiedsverslacuisineinondéedelumière.Unecorbeilledefruits-oranges,pommesetpoires-trônaitsurlatable,ainsiqu'unegrossemichedepain,dubeurre,dufromageetuneassiettede…cookies?Amatisavaitpréparédescookies?Jace était assis à la table, appuyé sur les coudes. Ses cheveux blonds étaient ébouriffés et le col
entrouvertdesachemise laissaitvoirun réseauépaisde lignesnoires sur sapeau. Il tenaituncookiedanssamainbandée.AlorsSébastienn'avaitpasmenti:ils'étaitbeletbienblessé.
—Bon,tuesrentrée,lança-t-il.Jecommençaisàcroirequetuétaistombéedanslecanal.Clary le dévisagea sans mot dire ; elle se demanda s’il pouvait lire la colère dans son regard. Il
s'adossaàsachaise,unbrasnonchalammentposésurledossier.Sanssonpoulsquibattaitàtouteallureàlabasedesagorge,elleauraitcruàsesairsdétachés.
—Tuasl'airépuisée,ajouta-t-il.Oùas-tupassélajournée?
—JesuisalléefaireuntouravecSébastien.—Sébastien?LasurprisequisepeignitsurlevisagedeJaceétaitjubilatoire.—Ilm'araccompagnéehiersoir,expliquaClary,Sonespritmartelaitlesmêmesmotscommelesbattementsd'uncœurmalade:«Dorénavant,jeserai
tonfrèreetriend'autre.»—Jusqu'àmaintenant,ilaétéleseuldanscettevilleàmetémoignerunpeudegentillesse,poursuivit-
elle.Donc,oui,j'étaisavecSébastien.—Jevois.Impassible,Jacereposasoncookiedansl'assiette.—Clary,jesuisvenuteprésentermesexcuses,jen'auraispasdûtetraitercommeça.—Non,eneffet.—JesuisaussivenutedemandersituenvisageaisderentreràNewYork.—Encore!—Tun'espasensûretéici.— Qu'est-cequit'inquièteàcepoint?demanda-t-elled'unevoixatone.Tuaspeurqu'ilsmejettenten
prisoncommeSimon?Sil'expressiondeJacenechangeapas,ilrecula,sachaisecommesiellel'avaitpoussé.—Simon?— Sébastienm'a racontécequi luiest arrivée IIm'aditque tu l'asamené icietqu'ensuite tu lesas
laissésl'emprisonner.Tufaistoutpourquejetedéteste,maparole!—TuasconfianceenSébastien?Tuleconnaisàpeine,Clary.—Alorscen'estpasvrai?IlsoutintsonregardaveclamêmeexpressionfigéequeSébastienquandellel'avaitrepoussé.—Si.Clary s'empara d'une assiette sur la table et la lui jeta au visage. Il se baissa pour l'esquiver en
envoyantvalsersachaise,etl'assiettesefracassasurlemurjusteau-dessusdel'évierenrépandantunepluiedeporcelaine.Ilbonditaumomentoùelleréitéraitsongestesansmêmeprendrelapeinedeviser:ladeuxièmeassietterebonditsurleréfrigérateuravantdesecasserendeuxmoitiésauxpiedsdeJace.
— Commentas-tuosé?Simonavaitconfianceentoi.Oùest-il,maintenant?Qu'est-cequ'ilsvontluifaire?
—Ilvabien.Jeluiaiparléhiersoir...— Etça,c'étaitavantouaprèsqu'ons'estvus?Tutecomportaiscommesi toutallaitpourlemieux
danslemeilleurdesmondes…—C'estl'impressionquejet'aidonnée?Jaceétouffaunrireamer.— Jedoisêtremeilleuracteurquejenelepensais,reprit-ilavecunsourirenarquois,quifitenrager
Clary.Comment osait-il se moquer d'elle ? Elle tendit la main vers la corbeille de fruits puis se ravisa
brusquement,écartalachaised'uncoupdepiedetsejetasurlui,sachantquec'étaitladernièrechoseàlaquelleils'attendrait.Laviolenceetlasoudainetédesongesteleprirentdecourt;ilreculaetsecognacontrelecomptoirde
lacuisinetandisqu'elles'affalaitàmoitiésurluientendantlesbrasàl'aveuglette,sansmêmesavoircequ'elleferaitensuite…Maisc'était sanscompter sur la rapiditéde Jace,Sonpoing rencontra samain tendueet,nouant ses
doigtsautourdessiens,illaforçaàbaisserlebras.Ellepritsoudainconsciencedelaproximitédeleurscorps.
—Lâche-moi!—Tuvasmefrappersij'obéis?demanda-t-ild'unevoixàlafoisrauqueetdouce,lesyeuxbrillants.—Tulemérites!Ilpartitd'unriredésabusé.—Tupensesvraimentquej'avaistoutmanigancé?Tumecroiscapabled'unechosepareille?—Tun'aimespasSimon,tunevaspasprétendrelecontraire.Jaceluilâchalamain.Ellereculacommeiltendaitversellelapaumedesamaindroite.Illuifallutun
momentpourcomprendrequ'ilmontraitlacicatriceirrégulièreaucreuxdesonpoignet.— Tuvoiscettecicatrice?Jemesuisentaillélepoignetpourdonnermonsangàtonamilevampire,
J'ai bien failli y laisser ma peau. Et maintenant tu m'accuses de l'avoir abandonné sans le moindrescrupule?ClaryexaminalacicatricedeJace;uneparmitantd'autres,detoutesformesetdetoutestailles.— Sébastienm'a raconté que c'est toi qui avait amené Simon ici, et qu'ensuiteAlec l'avait escorté
jusqu'àlaGardeavantdelelivreràl'Enclave.Tuauraisdûtedouter...— C'étaitunaccident.Jeluiavaisdonnérendez-vousàl'Institutpourdiscuterdetoi.Jepensaisqu'il
pourraitpeut-êtreteconvaincrederenonceràcevoyage.Siçapeutteconsoler,iln'amêmepasvouluenentendre parler. Peu après son arrivée, nous avons été attaqués par des Damnés. J'ai dû le traînerjusqu’auPortail.C'étaitçaoulelaissermourir.
—Maispourquoil'avoirconfiéàl'Enclave?Tuauraisdûsavoir…— Onl'aconduità laGardeparcequec'est làquese trouve leseulPortaild'Idris. Ilsnousavaient
promisdelerenvoyeràNewYork.—Etvouslesavezcrus?Aprèscequis'estpasséavecl'Inquisitrice?— Clary, cette femme était une anomalie dans le système. C'était peut-être ton premier aperçu de
l’Enclave,maismoi j'ai l'habitude...L'Enclave,c'estnous.LesNephilim.Noussommesassujettisà laLoi.
—Saufquevousnelarespectezpas.— Non, c'est vrai, admit Jace d'un ton las. Et tu sais le pire ?C'est deme rappeler les colères de
Valentineàcesujet.Ilrépétaitquel'Enclaveétaitcorrompue,qu'elleavaitbesoind'unebonnepurge.Et,parl'Ange,jesuisbiend'accordaveclui.Clarygardalesilence,d'abordparcequ'ellen'avaitrienàobjecter,ensuiteparcequ'àsastupéfaction
Jacel'attiracontreluisansmêmeréfléchiràsongeste.Etellelelaissafaire.Atraversletissublancdesa chemise, elle distinguait les contours de sesMarques qui s'enroulaient sur sa peau. Elle éprouval'enviefurieused'appuyerlatêtecontresontorseetdesentirsesbrasautourd'elle.
— Il a peut-être raison sur ce point, déclara-t-elle enfin.Mais dupoint devuede laméthode, il setrompe,ettulesais.Jacefermalespaupièresàdemi.Desombresgrises,vestigesd'insomnies,secreusaientsoussesyeux.— Jene saisplus rien.Tacolère est justifiée,Clary. Jen'auraispasdû faire confianceà l'Enclave.
J'avais tellement envie de croire que l'Inquisitrice était une exception, qu'elle agissait sans leurautorisation,etqu'ilyavaitencoredumériteàêtreunChasseurd'Ombres.
—Jace?chuchotaClary.Ilouvritlesyeux.Ilsétaientmaintenantsiprèsl'undel'autrequemêmeleursgenouxsetouchaientet
qu'ellesentaitlesbattementsdesoncœurcontreelle,«Éloigne-toi»,sedisait-elleensonforintérieur,maissesjambesrefusaientdeluiobéir.
—Quoi?fit-ild'unevoixtendre.—JeveuxvoirSimon.Est-cequetupeuxm'emmenerauprèsdelui?Ils'écartad'unmouvementbrusque.—Non.Tun'esmêmepascenséeêtreàIdris.Ilesthorsdequestionquetuailleslà-bas!—Maisilvafinirparcroirequetoutlemondel'aabandonné!— Je suis allé le voir. J'avais l'intention de le faire évader, quitte à arracher ses barreaux demes
propresmains.Maisilarefusé.—Ilveutresterenprison?— Apparemment, le nouvel Inquisiteur en a aprèsmoi etma famille.Aldertree essaie de nous faire
porterlechapeau.Commeilnepeutpastorturerl'undenous-l'Enclaveneletoléreraitpas-iltentedefaire avouer à Simon qu'on est tous demèche avecValentin. Simon pense que, si je l'aide à s'enfuir,l'Inquisiteursauratoutdesuitequec'estmoi,etceseraencorepirepourlesLigthtwood.
—C'esttrèsnobledesapart,maissonplanàlongterme,c'estquoi?Resterenprisonjusqu'àlafindesesjours?
Jacehaussalesépaules.—Onn'aencoreriendécidé.
Clarypoussaunsoupird'exaspération.— Ah,leshommes!Bon,écoute.Cedonttuasbesoin,c'estd'unalibi.IlfautquelesLightwoodettoi
vousvoustrouviezàunendroitoùtoutlemondepourravousvoirpendantqueMagnusiradélivrerSimonpourlerameneràNewYork.
— Désolédetedécevoir,Clary,maisMagnusneselaisserajamaisconvaincre.IlabeautrouverAlectrèsmignon,ilnesemettrapasl'Enclaveàdospourtesbeauxyeux.
—Ilaccepterapeut-êtredenousaiderenéchangeduLivreBlanc.Jaceouvritdegrandsyeux.
—Hein?Claryl'informabrièvementdelamortdeRagnorFell,delaprésencedeMagnuschezluietdumanuel
desortilèges.Perplexe,Jacel'écoutajusqu'aubout.—MagnusprétendquecesontdesdémonsquiontassassinéFell?—Non,iladéceléuneodeurd'originedémoniaquesurleslieux.D'aprèslui,Fellauraitététuéparles
«serviteursdeValentin».Iln'arienditdeplus.— Certainespratiquesdemagienoiredégagentuneodeurdémoniaque,observaJace.SiMagnusest
restévague,c'estsansdouteparcequ'iln'estpastrèscontentqu'unsorcierexercelamagienoiredanslesparages alors que c'est interdit par la Loi.Mais ce n'est pas la première fois queValentin s'offre lesservicesd'unEnfantdeLilithpourfairesonsaleboulot.Rappelle-toil'enfantsorcierqu'ilatuéàNewYork.
—IlavaitbesoindesonsangpouraccomplirleRituel.Oui,jem'ensouviens.Claryfrémitàcettepensée.—Jace,est-ilpossiblequeValentinveuillecelivrepourlesmêmesraisonsquemoi,àsavoirréveiller
mamère?reprit-elle.— Peut-être.Ou, à en croireMagnus, il le convoite juste pour le pouvoir qu'il pourrait en retirer.
Dansl'unoul'autrecas,onaintérêtàmettrelamaindessusavantlui.—Ilyadeschancespourqu'ilsetrouvedanslemanoirdesWayland,àtonavis?—Jesaisqu'ilestlà-bas,répondit-il,àlastupéfactiondeClary.Cebouquinderecettes,jel'aidéjàvu
danslabibliothèque.C'estleseullivredecuisinequ'ellecontienne.Claryenavaitletournis;elles'étaitpresqueinterditd'ycroire.
—Jace...situm'emmènesaumanoiretqu'ontrouvelelivre,jerentreraiavecSimonàNewYorketjenereviendraipas,jetelejure.
—Magnusavaitraison:cetendroitestprotégépardessortilègesdestinésàégarerlesvisiteurs.Jepeut'yemmenermaisc'estloind'ici.Ilnousfaudramarcherpendantaumoinscinqheures.
— Claryprit lastèlependueà laceinturedeJaceet labranditentreeux ;aussitôt,elle répandit lamêmelumièreblancheetténuequelestoursdeverre.
—Quiparledemarcher?
—Tureçoisd'étrangesvisiteurs,vampire,observaSamuel.D'abordJonathanMorgensternpuislechefVampiredeNewYork.Jesuisimpressionné.«JonathanMorgenstern?»IlfallutunmomentàSimonpourcomprendrequ'ils'agissait,biensûr,de
Jace.Assisparterreaumilieudesacellule,ilretournaitdistraitementlaflasquevidedanssesmains.—Apparemment,jesuisplusimportantquejenel'auraiscru.—EtIsabelleLightwoodquit'apportedusang!Delalivraisondeluxe!
Simonlevalatête.—Commentsavez-vousquec'estIsabellequimelaapporté?Jenevousairiendit...— Jel'aivueparlafenêtredemacellule.Elleressembletraitpourtraitàsamère.Enfin,lorsqu'elle
étaitjeune.Aprèsunsilencegêné,Samuelajouta:— Tu sais sans doute que ce sang n'est qu'une solution temporaire. Tôt ou tard, l'Inquisiteur se
demanderapourquoitun'espasmortdefaim.Envoyantquetuteportescommeuncharme,ilendéduiraquetuasunecombineet,detoutefaçon,ilt'éliminera.
— Alorsilnemeresteplusqu'àm'enremettreàJace:ilm'apromisqu'ilstrouveraientunmoyendemesortirdelà.CommeSamuelnerépondaitrien,Simonreprit:—Jeluidemanderaidevouslibérer,vousaussi.Jenevouslaisseraipasmoisirici.Samuelréprimaunricanement.—Oh,jedoutequeJaceMorgensternacceptedemesecourir.Enoutre,cetteprisonestlecadetdetes
soucis,vampire.Bientôt,Valentinattaqueralavilleetnousseronsprobablementtousmassacrés.—Commentpouvez-vousenêtreaussisûr?— Nous étions proches, à une époque. Je connaissais ses projets. Il a l'intentionde neutraliser les
boucliersd'Alicanteetdefrapperl'Enclaveenpleincœur.—Maisjecroyaisqu'aucundémonnepouvaitfranchircesboucliers.Ilssontindestructibles,paraît-il.— C'est cequ'ondit. Il fautdu sangdedémonpour lesdésactiver, et celanepeut être fait quede
l'intérieur.Or,commeaucundémonnepeutpénétrerdans laville...Ehbien,c'est leparadoxe idéal,apriori.CependantValentinprétendqu'ilatrouvélemoyendecontournercetobstacle,etjelecrois.D'unefaçonoud'uneautre,ilparviendraàdétruirecesboucliers,puisilenvahiralavilleavecsonarméededémons,etilsnoustuerontjusqu'audernier.L'assurancetranquillequiperçaitdanslavoixdeSamuelglaçalesangdeSimon.—Voussemblezterriblementrésigné.Réagissez!Vousdevriezavertirl'Enclave.—Jel'aidéjàfaitpendantmoninterrogatoire.J'airépétécentfoisqueValentinprévoyaitdedétruireles
boucliers;onnem'apasécouté.L'Enclaveestpersuadéequ'ilsrésisterontéternellement,toutçaparcequ'ilsonttenuunmillénaire.MaisilenallaitdemêmepourRomeavantl'invasionbarbare.Unjouroul'autre,touteslesmuraillestombent.
Samuelpartitd'unrireamer.—Lesparissontlancés,vampire.Quitetueralepremier?Valentin,lesautresCréaturesObscuresou
l'Enclave?
Quelque part entre leur point de départ et leur destination, Clary lâcha lamain de Jace. Quand latornadel'eutrecrachée,elleatterritlourdementparterre,seredressaaveclenteuretjetaunregardautourd'elle.Elleétaitassiseaumilieud'untapispersanmasquantlesold'unevastepièceauxmursdepierre.Desmeublesrecouvertsd'undrapblancétaientdisposésçaetlà;danslapénombre,ilsévoquaientdegrosfantômesbossusetmalhabiles.Desrideauxenveloursétaientsuspendusauxfenêtres;lasaletéleuravaitdonnéuneteintegrisâtre,etdesparticulesdepoussièredansaientsousleclairdelune.
—Clary?Tuvasbien?
Jace émergea de derrière une énorme forme dissimulée sous un drap, qui devait être un pianomajestueux.
— Oui,répondit-elleengrimaçantdedouleur.(Soncoudelafaisaitsouffrir.)Amatisvaprobablementmetueràmonretour,étantdonnéquej'aicassétouteslesassiettesetouvertunPortailaubeaumilieudesacuisine.
—Siçapeutteconsoler,lança-t-ilenl'aidantàserelever,tum'asvraimentimpressionné.—Merci.Claryparcourutlapièceduregard.—Alorsc'esticiquetuasgrandi?Ondiraitledécord'uncontedefées.— J'auraisplutôtpenchépourunfilmd'horreur.Bonsang,jen'avaispasrevucetendroitdepuisdes
années!Dansmonsouvenir...—Iln'yfaisaitpasaussifroid?Claryfrissonna,boutonnasonmanteau.Cependant,lefroidquis'insinuaitenellen'étaitpasuniquement
physique;elleavaitl'impressionquecesmûrsn'avaientjamaisconnunichaleur,nirires,nilumière.—Non,lacorrigeaJace.Ilatoujoursfaitfroidici.J'allaisdirequ'iln'yavaitpasautantdepoussière.Ilsortitunepierrederunedesapoche,quis'illuminaentresesdoigts.Saclartélaiteuseéclairason
visageenfaisantressortirsespommettessaillantesetlecreuxdesestempes.—Ici,c'estlebureau.Nous,oncherchelabibliothèque.Suis-moi.Il laguida le longd'uncouloir tapissédemiroirsrenvoyant leurreflet.Claryn'avaitpasconscience
jusqu'alorsd'êtreaussidépenaillée:sonmanteauétaitcouvertdepoussièreetelleavaitlescheveuxenbataille. Elle essaya de les aplatir discrètement et entrevit le sourire narquois de Jace dans l'un desmiroirs.Pourune raisonmystérieuse - sansdoutequelquemagiepropreauxChasseursd'Ombres -, sacoiffureétaitimpeccable.Dechaquecôtéducouloirs'alignaientdesportesouvertespourcertaines;Claryentraperçutd'autres
pièces,aussipoussiéreusesetabandonnéesenapparencequelebureau.MichaelWaylandn'avaitpasdefamille,d'aprèsValentin,aussiconclut-ellequepersonnen'avaithéritédelademeureaprèsla«mort»decedernier.Elleavaitpourtantprésuméqu'ilétaitrevenuvivreentrecesmursmais,manifestement,cen'était pas le cas. Tout en ces lieux évoquait lamorosité et l'absence. Or, à Renwick, Valentin avaitdésignélemanoircommesa«maison»,ill'avaitmontréàJaceparlebiaisduPortail-miroir-souveniridylliquede champsverdoyants etdebellespierres -mais, là encore, il avaitmenti, songeaClary.Àl'évidence, Il n'avait pas investi les lieux depuis des années ; peut-être avait-il décidé de laisser la
demeuretomberenruine,àmoinsqu'iln'yvîntàl'occasionpourarpentercommeunfantômesescouloirsobscurs.Ils s'arrêtèrentdevantuneporte auboutducouloir. Jace l'ouvritd'uncoupd'épauleet s'effaçapour
laisserentrerClary.Elles'étaitattendueàtrouverlamêmebibliothèquequ'àl'Institutet,eneffet,cettepièce,sansenêtrelaréplique,luiressemblaitunpeu:onytrouvaitlesmêmesmurstapissésdelivres,lesmêmeséchellesmontéessurroulettespermettantd'accéderauxplushautesétagères.Enrevanche,iln'yavaitnidômenibureau.Desrideauxdeveloursvertrigidifiésparlapoussièreétaientsuspendusauxfenêtresdontlespanneauxdeverre,dansdescamaïeuxdevertetdebleu,scintillaientauclairdelunecommedugivrecoloré.Au-delà,onnedistinguaitquelesténèbres.—Voici donc cette fameuse bibliothèque, chuchotaClary, sans trop savoir pourquoi elle baissait la
voix.Ilrégnaituneatmosphèreparticulièredanscettegrandemaisonvide.Jacelaregardasanslavoir,les
yeuxassombrisparlevoiledusouvenir.—Jem'asseyaisprèsdecette fenêtrepour faire lesdevoirsquemonpèremedonnaitchaque jour.A
chaquejournéecorrespondaitunelanguedifférente:françaislesamedi,anglaisledimanche...maisjenemesouviensplusqueljourétaitdédiéaulatin…Est-cequec'étaitlelundioulemardi?Soudain,ClaryeutunevisiondeJaceenfant,assissurlereborddelafenêtre,unlivreenéquilibresur
lesgenoux,leregardtournévers...versquoi?Yavait-ildesjardinsau-delàdecettefenêtre?Unevuedégagée?Unmurd'épinesinfranchissablecommetautourduchâteaudelaBelleauboisdormant?Ellese l'imaginait lisant tandisque la lumièredudehorsprojetaitdesrefletsvertsetbleussursescheveuxblonds,sonpetitvisagetropsérieuxpourungarçondedixans.
—Jenem'ensouvienspas,répéta-t-il,leregardperdudanslevague.Claryposalamainsursonépaule.—Cen'estpasgrave,Jace.Ilsursautacommes'ilvenaitdes'éveillerd'unrêveetfitquelquespasdanslapièceens'éclairantdesa
pierrederune.Ils'agenouillapourinspecterunerangéedelivreset,quandilseredressa,il tenaitl'und'euxàlamain.
—Levoilà!Recettessimplespourlesménagères.Clary le rejoignit en hâte et lui arracha l'ouvrage des mains. C'était un livre ordinaire avec une
couverturebleue.Quandellel'ouvrit,desparticulesdepoussières'envolèrentdesespagescommeautantdemites.Ungrostroucarréavaitétédécoupéaucentredulivre.Telunécrinprotégeantunbijou,ilcontenaitun
ouvragepluspetitreliédecuirblanc,dontletitreenlatinétaitinscritenlettresd'or.Claryreconnutlesmots « livre » et « blanc »,mais en feuilletant ses pages. Elle constata avec surprise qu'elles étaientcouvertesd'uneécritureminusculeettrembléedansunelangueinconnue.
—C'estdugrecancien,ditJaceenjetantuncoupd'œilpar-dessussonépaule.—Tusaisledéchiffrer?—Jenelelispasbien,admit-il.Çafaitdesannées.MaisMagnussaurait,j'imagine.IlrefermalelivreetleglissadanslapochedumanteauvertdeClaryavantdesetournerdenouveau
verslesrayonnageseneffleurantduboutdesdoigtslesrangéesd'ouvrages.—Tuaimeraisenemporter?s'enquit-ellegentiment.Situveux...
Jacerit.—Jenepouvaislirequeceuxqu'ilmedésignait.Surcesétagères,ilyadeslivresquejen'avaismême
pasledroitdetoucher.Surlaplushauteétagère,ilindiquaunerangéedevolumesreliésdecuirmarron.
—Un jour, j'ai pris un de ceux-là, histoire de comprendre pourquoi on en faisait tout un plat. J'aidécouvert que mon père tenait un journal sur moi. Il l'avait Intitulé: «Notes sur mon fils, JonathanChristopher ». Ilm'a fouetté avec sa ceinture en apprenant que je l'avais lu. Jusqu'alors, je ne savaismêmepasquej'avaisundeuxièmeprénom.UnebrusqueboufféedehainepoursonpèresubmergeaClary.—Ehbien,Valentinn'estpasici,quejesache.—Clary...ditJaced'untonmenaçant.Maiselles'étaitdéjàhisséesurlapointedespiedspourprendreunlivresurl'étagèreinterdite,qu'elle
laissatomberàsespieds.—Clary!—Oh,arrêteunpeu!Elle réitéra son geste, et un deuxième livre, puis un troisième atterrirent par terre en soulevant un
nuage,de-poussière.—Atontour.Jacelaconsidéraquelquesinstants,puisunlégersourireétiraseslèvreset,d'ungrandgestedubras,il
fit tomber tous les livres qui restaient sur l'étagère. Il éclata de rire... et s'interrompit brusquement enlevantlatêtecommeunchatdressel'oreilleenpercevantunbruitlointain.
—Tuasentendu?«Entenduquoi?»allaitdemanderClaryquand,soudain,ellesefigea.Ilyavaitbeletbienunbruit,qui
s'intensifiait à présent.Onaurait dit le grincementd'unemachinequi semet enmarche.Cela semblaitprovenirdel'intérieurdumur.D'instinct,ellereculad'unpasaumomentoùlaparoidevanteuxcoulissait,révélant une ouverture grossièrement creusée dans la pierre. Au-delà, un escalier se perdait dans lesténèbres.
9.MauvaisSang
— JE NE ME SOUVENAIS MÊME PAS qu'il y avait une cave ici, dit Jace en jetant un coup d'œil parl'ouverture.Il leva sa pierre de rune ; elle éclaira les parois noires et luisantes d'un passage creusé dans un
matériaulissequeClarynereconnutpas.Lesmarchessuintaientd'humidité.Al'odeurdemoisisemêlaitunrelentétrange,métallique,quin'auguraitriendebon.
—Àtonavis,qu'est-cequ'ilya,là-dessous?demanda-t-elle.—Jen'ensaisrien.Jace posa le pied sur la première marche comme pour en tester la solidité, puis s'engagea dans
l'escalieravecunhaussementd'épaules.Ami-chemin,ilsetournaversClary.—Tuviens?Tupeuxm'attendreenhautsitupréfères.Ellejetaunregardàlabibliothèquedéserte,frémitetseprécipitaderrièrelui.L'escaliers'enroulaiten
cercles de plus en plus étroits, comme s'ils progressaient à l'intérieur d'une énorme conque. L'odeurs'intensifiaitàmesurequ'ilsdescendaient,etbientôtlesmarchesdébouchèrentsurunevastesalledontlesmurs rongés par l'humidité étaientmaculés de taches sombres. Le sol couvert de pentagrammes et derunesétaitjonchédepierresblanches.Jacefitunpasetquelquechosecraquasousselpieds.—Desos,chuchotaClary.Cequ'ilsavaientd'abordprispourdespierresétaitenréalitédesossementsdetoutesformesettailles,
répandussurlesol.—Qu'est-cequ'ilfabriquaitici?s'étonna-t-elle.Lapierrederune,brûlantedanslamaindeJace,nimbaitlesalentoursd'uneclartéinquiétante.—Desexpériences,réponditJaced'untonmorne.LareinedelaCourdesLumièresadit...—D'oùproviennentcesos?D'animaux?Jaceéparpillauntasd'ossementsdelapointedupied.—Non.Pastous.LapoitrinedeClaryseserra.—Jecroisqu'ondevraitremonter.Ignorantsasuggestion,Jacelevalapierrederunedanssamain.Ellesemitàbrillerplusintensément,
répandantunevivelumièreblanchequiéclairaléscoinsdelasalle.L'und'euxétaitdissimuléderrièreunetenture.Ilyavaitquelquechosederrière,uneformerecroquevillée...
—Jace,murmuraClary.Qu'est-cequec'estqueça?Ilneréponditpas.Clarys'aperçutqu'ilavaitdégainésonpoignardséraphiquequiscintillaitdansla
lumièretelleunelamedeglace.—Jace,non…Troptard.Ils'avançaverslatentured'unpasdécidé,l’écartadelapointedesalamepuislajetaà
terre.Elles’affaissadansunnuagedepoussière.Jacechancelaetlapierrederuneluiglissadesmains.Avantqu'ellenetombeparterre,Claryentrevit
son visage livide, figé d'horreur. Ramassant la pierre, elle la brandit au-dessus d'elle, impatiente dedécouvrircequiavaitàcepointbouleverséJace.D'abord elle ne distingua qu'une forme humaine enveloppée dans un linge blanc. Des menottes
attachéesàdegrosanneauxdemétalscellésdanslesolemprisonnaientsespoignetsetseschevilles.«
Commentpeut-ilencoreêtreenvie?»songeaClary,horrifiée,tandisqu'ungoûtdebileluiemplissaitlabouche.Lapierrederunetrembladanssamain,etlalumièrevacillanteéclairalesmembresdécharnésduprisonnier,quiportaitlesstigmatesd'innombrablestortures.Sonvisagesquelettiqueétaittournéverselle,révélantdesorbitesbéantesàlaplacedesyeux.Puisunbruissements'éleva,etelles'aperçutquecequ'elleavaitprispourdeshaillonsétaitenréalitédesailesquisaillaientdesondoscommedeuxcroissantsdeluned'unblancimmaculé,seuletouchedepuretédanscettesallesordide.Ellelaissaéchapperunhoquetdesurprise.—Jace!Tuasvu...—J'aivu.—Tum'avaispourtantditquelesangesn'existaientpas...quepersonnen'enavaitjamaisvu...Jacejuraentresesdentsetsepenchaverslacréaturerecroquevilléesurlesole,puisreculad'unbond,
commes'ilvenaitdeheurterunmur invisible.Baissant lesyeux,Claryvitque l'angeétaitaccroupiaucentre d'un pentagramme fait de runes entrelacées gravées à même la pierre ; elles répandaient unelumièrediffuse,phosphorescente.
—Lesrunes,chuchota-t-elle.Ellesfontobstacle.—Maisildoitbienyavoirunmoyendel'aider.protestaJace.L'angelevalatête.Lamortdansl'âme,Claryconstataqu'ilavait,commeJace,descheveuxblondset
bouclés qui accrochaient la lumière. Son visage lacéré évoquait un tableau demaître abîmé par desvandales.Soudain, ilouvrit laboucheetunsonpresquemusicals'enéchappa,uneseulenoteà lafoisdouceetperçante,quiressemblaitvaguementàuneplainte…Unflotd'imagesdéfiladevantlesyeuxdeClary.Elleserraittoujourslapierrederunedanssamain,
mais celle-ci ne brillait plus. Elle fut brusquement transportée dans un rêve éveillé où les souvenirsaffluaientsouslaformedefragmentsd'images,decouleurs,desons.Ellesetrouvaitaucentred'unecavepropreetnue,unegranderuneavaitététracéeenhâtesurlesol,
Debout à côté du symbole, un homme tenait un livre ouvert dans unemain et une torche dans l'autre.Quand il leva la tête, Clary reconnut Valentin. Un Valentin beaucoup plus jeune, au visage lisse etséduisant.Ilsemitàpsalmodierdesincantations,etlarunes'enflamma.Bientôt,lesflammesmoururent,révélantuneformerecroquevilléedanslacendre:unangeauxailesdéployées,couvertesdesang,telunoiseauabattuenpleinciel.Lascènechangea.Valentinse tenaitàprésentprèsd'unefenêtreavecune jeunefemmerousseàson
côté.Unanneauenargentd'aspectfamilierétincelaàsondoigtcommeill'enlaçait.Lecœurserré,Claryreconnutsamère.Sestraitsdejeunefilleavaientquelquechosededouxetdevulnérable.Elleportaitunechemisedenuitblancheet,indubitablement,elleétaitenceinte.
— LesAccordsne sontpas seulement lapire idéeque l'Enclaveait jamais eue,mais aussi laplusgrandecalamitéquipuissefrapperlesNephilim,disaitValentind'untoncourroucé.Laperspectived'êtreenchainésàcescréatures…
—Valentin,protestaJocelyneensouriant,assezdepolitique,jet'enprie.Elle noua les bras autour du cou de sonmari avec une expression aimante qui se reflétait dans le
regarddecelui-ci,maisClarycrutydéceleruneautreémotion,etunfrissonluiparcourutledos...Valentin étaitmaintenant agenouillé aumilieu d'une clairière.La lune éclairait le pentagrammenoir
qu’ilavaittracédanslaterre.Lesbranchesdésarbresfermaientunevoûteépaisseau-dessusdesatète;les feuillesde cellesqui surplombaient le pentagrammeavaientnoirci.Une femmeaux longs cheveuxsoyeuxétaitassiseaucentredel'étoileàcinqbranches.Elleavaituncorpsminceetgracieux,sesbrasblancsétaientnus,etsonvisageétaitdissimuléparlapénombre.Elletendit lamaingaucheet,commeelle ouvrait les doigts,Clary vit que sa paume était entaillée.Unmince filet de sang s'écoulait de la
blessure;ellelerécolta,goutteàgoutte,dansunecouped'argentposéeauborddupentagramme.Lesangparaissaitnoirauclairdelune,àmoinsqu'ilnelesoitréellement.— L'enfant né avec ce sang dans les veines aura un pouvoir plus grand que celui des DémonsSupérieursquipeuplentlesabyssesentrelesmondes,annonça-t-elled'unevoixdouceetmélodieuse.Ilserapluspuissantqu'Asmodée,plus fortque le shedim des tempêtes.Avec l'entraînement adéquat, iln'est rien dons il ne sera capable. Je dois cependant t'avertir que son pouvoir le privera de sonhumanité.
—Mesremerciements,damed'Edom,ditValentinet,aumomentoùils'avançaitpourprendrelacouperempliedesang,lafemmelevalatête.Claryconstataalorsquesi,parailleurs,elleétaitd'unebeautésaisissante,elleavait,enguised'yeux
deuxorbitesvidesparlesquellesémergeaientdestentaculesnoirs.Claryétouffauncridefrayeur...Laforêtetlanuitdisparurent.Jocelynefaisaitmaintenantfaceàquelqu'unqu'ellemasquaitàlavude
Clary.Ellen'étaitplusenceinte,etsachevelureretombaitendésordresursonvisageépouvanté.—JenepeuxpasresteravecluiunjourdeplusRagnor.J'ailusonjournal.Savez-vouscequ'ilafaità
Jonathan?Mêmelui,jenelepensaispascapabledeça.Sesépauless'affaissèrent.
—Ilautilisédusangdedémon.Jonathann'estplusunêtrehumain,c'estunmonstre...Elle sevolatilisa.À saplace,Valentin faisait les centpas autourd'uncerclede runes;unpoignard
séraphiqueétincelaitdanssamain.«Pourquoit'obstines-tuànepasmeparler?marmonna-t-il.Pourquoinemedonnes-tupascequejeveux?»Ilbranditsoncouteau,l'angesetorditdedouleur,etunliquidedorécommeunrayondesoleils'écouladesablessure.«Siturefusesdem'apporterdesréponses,repritValentin,tupeuxaumoinsmedonnertonsangpourmoietmafamille.Ilnousseraplusutilequ'àtoi.»A présent, Clary se trouvait dans la bibliothèque dumanoir desWayland. Le soleil entrait par les
fenêtres,inondantlapiècedevertsetdebleus.Desvoixetdeséclatsderireluiparvenaientdelapiècevoisineoùdonnaitunefête.Agenouilléeprèsdesrayonnages,Jocelynejetauncoupd'œilautourd'elleavantdesortirunlivredesapocheetdeleglissersuruneétagère…ElledisparutetClaryvitlacaveoùellesetrouvaitencemoment.Lemêmepentagrammeétaittracé
surlesol,etaucentredel'étoilegisaitl'ange.Valentinsetenaitprèsdeluiet,cettefoisencore,iltenaitàlamainunpoignardséraphique.Ilsemblaitplusâgéàprésent;cen'étaitplusunjeunehomme.«Ithuriel,lança-il. Nous sommes de vieux amis maintenant, est-ce pas ? J'aurais pu t'enterrer vivant sous cesruines,etpourtantjet'aiemmenéiciavecmoi.Pendanttoutescesannées,jet'aigardéàmescôtésdansl'espoirqu'unjourtumerévéleraiscequejeveuxsavoir.»Ilserapprochaduprisonnierenbrandissantsonpoignarddontlalumièrefitscintillerlabarrièrede
runes.«Ent'invoquant,j'espéraisquetum'expliqueraispourquoiRazielnousacréés,nous,laracedesChasseurs d'Ombres, sans nous accorder les dons des Créatures Obscures : la rapidité des loups,l'immortalitéduPetitPeuple,lespouvoirsmagiquesdessorciers,l'invulnérabilitédesvampires.Ilnousalaissésnus,sansautreprotectioncontreleshôtesdel'enferquecesMarquestatouéessurnotrepeau.Pourquoi leurs pouvoirs devraient-ils être supérieurs aux nôtres ? Pourquoi ne pouvons-nous pasbénéficierdecequ'ilspossèdent?»Assisaucentredel'étoilequil'emprisonnait,l'angedemeuraimmobilecommeunestatuedemarbre,
les ailes repliées. Ses yeux n'exprimaient rien d'autre qu'une immense tristessemuette.Valentin fit lagrimace.
—Soit.Gardelesilence.Ilyaurad'autresoccasions.Ilbranditsonpoignard.— Je détiens la CoupeMortelle, Ithuriel, et bientôt j'aurai l'Épée enma possession.Mais sans le
Miroirjenepeuxpascommencerl'invocation.Ilnememanqueplusquelui.Dis-moioùilsetrouve,etjetelaisseraimourir.Lascènesedésintégra,etClaryentrevitd'autresimagesdésormaisfamilièrespuisqu'ellesprovenaient
desescauchemars:desangesavecdesailesblanchesounoires,deslacsmiroitants,del'or,dusangetJace,sedétournantd'elle,sedétournanttoujours.Elletenditlebraspourleretenir,etpourlapremièrefoislavoixdel'angerésonnadanssatête.Cenesontpaslespremiersrêvesquejetemontre.Lavisiond'unerunesurgitdunéant,telunfeud’artificederrièresespaupières.Cetterune-là,ellela
voyaitpourlapremièrefois:puissante,élémentaire,elleévoquaitunsimplenœud.Elledisparutenunéclairet,àcetinstant,lechantdel'angesetut.Claryréintégrasoncorps;ellechanceladansl'obscuritéde lasallemalodorante.L'angegisaitdanssoncoin, imobileetsilencieux, lesailesrepliées, telleunesculptureàl'effigiedumalheur.Clary laissa échapper un sanglot. « Ithuriel. » Le cœur serré, elle tendit les bras vers le prisonniermalgrélabarrièrederunes.Depuisdesannées,ilagonisaitseuldanscesténèbres,enchaînéetaffamé,maislamortnevoulaitpasledélivrer…Juceétaittoutprèsd'elle.Ellecompritàsonairbouleverséqu'ilavaiteulesmêmesvisionsqu'elle.Il
contemplalepoignardséraphiquedanssamainpuisreportaleregardsurl'ange.Sonvisageaveugleétaittournéverseuxetsemblaitlessupplierensilence.Jacefitunpas,puisunautre.Sonregardrestaitfixésurl'angeetClaryeutl'impressionquetousdeuxcommuniquaientsansl'aidedesmots.LesyeuxdeJaceétincelaientcommedesdisquesd'or.—Ithuriel,chuchota-t-il.Lepoignarddanssamains'illuminacommeunetorche.Salumièreétaitaveuglante.L'angelevalatête,
commesilaclartégénéréeparlalamevenaitdeluirendrelavue.Iltenditlesbras,etleschaînesquiretenaientsespoignetscliquetèrent.—Clary,ditJace.Lesrunes.Pendantunbrefmoment,elleledévisageasanscomprendre.Duregard,illuisignifiad'approcher.Elle
lui tendit lapierrederune,sortitsastèledesapoche,ets'agenouillaprèsdesrunes.Ellessemblaientavoirétécreuséesdanslapierreavecunobjetpointu.Ellejetauncoupd'œilàJace.L'expressiondesonregardlasurprit;elleylutuneconfianceaveugleenelleetsescapacités.Delapointedelastèle,elletraçaplusieurslignessurlesolquisedilatèrentcommesielletrempaitleboutd'uneallumettedansdusoufre.Unefoissatâcheterminée,elleseleva.Lesrunesscintillaientdevantelle.Jaces'avançaàsoncôté.Il
avaitrempochésapierrederune,etlaseulesourcedelumièreémanaitdesonpoignardséraphique.Iltenditlamain,etcettefoisparvintàfranchirlabarrièrederunes.L'ange lui prit le poignard. Il ferma ses yeux aveugles et, l'espace d'un instant, Clary crut le voir
sourire.Retournantl'armedanssamain,ilenappuyalapointesursonsternum.Etouffantuncri,Claryfitminedes'élancer,maisJacelaretintd'unepoignedeferjusteaumomentoùl'angesepoignardait.Satêteretombaenarrière,samainlâchalecouteau,dontlemanchesaillaitdesapoitrine,àl'endroit
oùsetrouvaitsoncœur...si lesangesavaientuncœur,cedontClaryn'étaitpascertaine.Soudain,desflammes jaillirent de la blessure et le corps de la créature s'embrasa. Les chaînes qui retenaient sespoignets rougeoyèrent comme du fer laissé trop longtemps dans l'âtre. Clary songea aux peinturesmédiévalesreprésentantdessaintsextatiquessurlebûcher.Lesailesdel'angesedéployèrentavantdes'enflammeràleurtour.N'ytenantplus,Clarydétournalesyeuxetenfouitsonvisagecontrel'épauledeJace.—Çavaaller,murmura-t-ilenlaserrantcontrelui,labouchedanssescheveux.
Mais l'airétaitsaturédefumée,etelleavait l'impressionque la terre tremblaitsoussespieds.Jacechancela,etellecompritalorsquecen'étaitpasl'effetduchoc:lesolbougeaitvraiment.Lespavéssecraquelèrentautourd'eux,etunepluiedepoussières’abattitduplafond.L'angen'étaitguèreplusqu'unecolonne de fumée ; les runes autour de lui brillaient d’un éclat aveuglant. Clary les étudia pour endéchiffrerlesens,puisposasurJaceunregardpaniqué:—Lemanoir...ilétaitenchaînéàIthuriel.S'ilmeurt,lemanoir…Ellen'eutpasletempsdefinirsaphrase:Jacel'entraînaitdéjàversl'escalierbranlant.Elletrébucha,
se cogna le genou sur unemarche,mais il la releva et elle se remit à courir aumépris de sa jambeendolorie,lespoumonspleinsdepoussière.Après avoir gravi lesmarches quatre à quatre, ils déboulèrent dans la bibliothèque.Dans son dos,
Clary entendit un grondement étouffé aumoment où le reste de l'escalier s'effondrait.A la surface, lasituationn'étaitguèreplusenviable:lesmursdelabibliothèquetremblaient,leslivresdégringolaientdeleursétagères.Lesdébrisd'unestatuetteétaientéparpilléssurlesol.Jaces'emparad'unechaiseet,avantqueClaryaitpuposer lamoindrequestion, la jeta surunedes fenêtresàvitrauxqui sebrisadansundélugedeverre.Au-delàs'étendaitunepelouseéclairéeparlalunedélimitéeparunrideaud'arbres.Ilssemblaientsi
loin!«Jenepeuxpassauterd'aussihaut!»pendClary.ElleallaitenfairepartàJacequandellevitsesyeuxs'agrandird'effroi.L'undesbustesenmarbrequis'alignaientsur lesétagèressupérieuresbasculadanslevide;ellel'esquivaauderniermoment,etils'écrasaàuncheveudel'endroitoùellesetenaitunesecondeplustôt.Unesecondeplustard,Jacelasoulevadanssesbraset,aprèsl'avoirportéejusqu'àlafenêtre,illajeta
danslevidecommeunvulgairesacàpatates.Elletombadansl'herbe,dévalalapenterouléeenbouleetfinit sa course contre une butte qu'elle heurta de plein fouet, puis elle se redressa en secouant sachevelurepleinedebrindilles.Uninstantplustard,Jacelarejoignitetserelevad'unbondpourscruterlemanoir.Clarysuivitsonregardmaisill'entraînaitdéjàversuncreuxentredeuxcollinesenluiserrantlebrasàluienfairedesbleus.Sansluilaisserletempsderéagir,illapoussadevantluietsejetasurellepourfaireécrandesoncorps.Unénormegrondementrésonnadanslanuit;onauraitdituntremblementde terre ou une éruption volcanique.Un nuage de poussière blanche s'éleva. Pendant un brefmomentd'hébétude,Clarycrutqu'ils'étaitmisàpleuvoir,etcompritqu'ils'agissaitenfaitd'unepluiedeverreetdegravats;lesrestesdumanoireffondrétombaientautourd'euxcommeunegrêledeballes.Jace se serra contre elle ; son cœurbattait si fort à ses oreilles qu'il couvrait presque le fracasdu
manoirquis'effondrait.Levacarmesetutpeuàpeu,commedelafuméesedissipantdansl'air,etlaissabientôtplaceauxcris
strisentsdesoiseauxaffolés.Par-dessusl'épauledeJace,Clarylesvittournoyerdanslecielnocturne.—Jace,dit-elleàmi-voix.Jecroisquej'aiperdutastèle.Il s'écarta un peu d'elle en se hissant sur les coudes, et la regarda avec insistance. Même dans
l'obscurité, elle distinguait son propre reflet dans ses yeux. Il avait le visage couvert de suie et depoussière,etlecoldesachemiseétaitdéchiré.
—Cen'estpasgrave.Tantquetun'espasblessée.Sansréfléchir,elleeffleurasesbouclesduboutdesdoigts;ilseraiditetsonregards'assombrit.— Tuavaisunbrind'herbedanslescheveux,expliqua-t-elle,labouchesèche,tandisquel'adrénaline
refluaitdanssesveines.Lesderniers événements - la découverte de l'ange, l'effondrement dumanoir - lui semblaientmoins
réelsquecequ'ellelisaitàprésentdansleregarddejace.—Tunedevraispasmetoucher,lâcha-t-il.
Clarysuspenditsongeste.—Pourquoi?— Tulesaisbien,marmonna-t-ilenroulantsurledos.Tuasvucequej'aivu,non?Lepassé,l'ange.
Nosparents.Claryneserappelaitpasl'avoirentenduprononcercesmotsauparavant:«Nosparents.»Ellehésita
àluiprendrelamain,craignantsaréaction.Ilcontemplaitlecield'unairabsent.—Oui,j'aivu.—Alorstusaiscequejesuis,murmura-t-ild'unevoixtenailléeparl'angoisse.Jesuisenpartiedémon,
Clary.Tucomprendscequeçasignifie?Sonregardlatransperçacommeunpoignard.— Tuasvucequ'afaitValentin,non?Ilaexpérimentécesangsurmoiavantmêmequejevienneau
monde.Jesuisunmonstre.Unepartdemoi-mêmeincarneceque,toutemavie,j'aicherchéàdétruite,LesparolesdeValentinresurgirentdanslamémoiredeClary:«Ellemereprochaitd'avoirfaitdeson
filsunmonstre.»—Maislessorcierssontenpartiedémons-regardeMagnus-etçanefaitpasd'euxdesmons...—OnparledeDémonsSupérieurs,là.Tuasentenducequ'aditcettefemme.«Sonpouvoirlepriveradesonhumanité.»—Cen'estpasvrai,protestaClaryd'unevoixtremblante.C'estimpossible.Çanetientpasdebout…—Maissi!Çaexpliquetout!LedésespoiretlacolèresepeignaientsurlevisagedeJace.Sousleclairdelune,Claryvitscintiller
sachaîneenargentautourdesoncou.— Oui,çaexpliquequetusoisunChasseurd'Ombreshorspair,loyal,intrépide,honnête,soittoutce
qu'undémonn'estpas!—Çaexpliquemessentimentspourtoi,lâcha-t-ild'unevoixatone.—Jenecomprendspas.Jacelafixaunlongmomentensilence.Malgrél'espacequilesséparait,elleavaitl'impressiondele
sentircontreelle,commesisoncorpsétaitencorecollécontrelesien.—Tuesmasœur.Monsang,mafamille.Monrôleestdeteprotéger...
Ilpartitd'unrireamer.— .. de te protéger des garçons qui ont de vilaines pensées sur ton compte.Or, j'ai exactement les
mêmes.—Maistum'asditque,dorénavant,toutcequit’intéressait,c'étaitd'êtremonfrère.— J'aimenti.Lesdémonsmentent,Clary.Tusais,lepoisondémoniaqueprovoqueparfoisdeslésions
internes.Onne saitmêmepasqu'on est blessé, alors qu’on saigne à l'intérieur.Être ton frère, c'est lamêmesouffrance.
—MaisAline…—Jedevaisaumoinsessayer.C'estcequej'aifait,Expliqua-t-ild'unevoixblanche.Maisjenedésire
personned'autrequetoi.Jen'aimêmepasenviededésirerquelqu'und'autre.Iltenditlebras,caressaunemèchedesescheveux.—Maintenant,aumoins,jesaispourquoi.—Moinonplus,jeneveuxpersonned'autrequetoiditClarydansunsouffle.Jacesehissasurlescoudes.L'expressiondesonvisageavaitchangé.Unelueurindolente,qu'ellene
luiavait jamaisvue,s'étaitalluméedanssonregard. Ileffleurasaboucheensuivant lecontourdeseslèvresduboutdesdoigts.
—Tudevraispeut-êtrem'empêcherdecontinuer,chuchota-t-il.
Clary ne protesta pas. Elle n'avait pas envie qu'il arrête; elle était lasse de dire non, de s'interdired'écoutersoncœur.Qu'importaitleprixàpayer.Ilsepenchaverselle,frôlasajouedeseslèvres,etcesimpleeffleurementlafittremblerdelatêteaux
pieds.—Situveuxquej'arrête,dis-lemaintenant,murmura-t-il.Commeellenerépondaitrien,ildéposaunbaisersursatempe.—Oumaintenant,reprit-ileneffleurantdeslèvressapommette.Ou…MaisClaryl'avaitdéjàattirécontreelle,etlerestedesaphrasefutnoyésoussesbaisers.Collésl'un
à l'autre, ils roulèrent dans l'herbe. Elle sentait des pierres s'enfoncer dans son dos et son épaulel'élançait, mais plus rien ne comptait que Jace. Soudain, les doigts de Clary rencontrèrent un objetmétallique,etsurprise,ellerecula.Jacesefigea.
—Qu'est-cequ'ilya?Jet'aifaitmal?—Non,c'estcetruc,répondit-elleeneffleurantl'anneaud'argentpenduàsoncou.Ellel'examinadeplusprès.Lemétalnoirci,lemotifenformed'étoile...Elleconnaissaitcettebague.
L'anneaudesMorgenstern.CemêmeanneauquibrillaitaudoigtdeValentindanslerêvequel'angeleuravaitmontré.Ilenavaitfaitcadeauàsonfils,conformémentàlatradition.
— Désolé,ditJaceeneffleurantsa joueduboutdudoigtavecuneintensitérêveusedansleregard.J'avaisoubliéquejeportaiscettefichuebague.Soudain,lesangdeClaryseglaçadanssesveines.—Jace,implora-t-elleàmi-voix.Jace,arrête.—Arrêtequoi?C'estcettebaguequitegêne?—Non.Nemetouchepas.Arrête-toiuneseconde.Les traitsde Jace se figèrent.Sonexpression rêveuse laissaplaceàunairperplexe.Pourtant, ilne
répliquapas;samainretomba.—Jace,reprit-elle.Pourquoi?Pourquoimaintenant?—Dequoituparles?—Tuprétendaisqu'iln'yavaitplusrienentrenous.Que...quesionselaissaitaller,onferaitbeaucoup
demalautourdenous.—Jetel'aidéjàexpliqué.J'aimenti.Tucroisquejen'aipasenviede…— Non.Non, je ne suis pas bête à ce point. Je vois bien que oui.Mais quand tum'as dit que tu
comprenaisenfinpourquoituéprouvaiscessentiments-làpourmoi,qu'est-cequetuentendaisparlà?Si, au fond, elle connaissait la réponse, elle devait l'entendrede sabouche. Jaceprit samain et la
portaàsajoue.—Tutesouviens,chezlesPenhallow,quandjet'aiaccuséedesemerlapagaillepartoutoùtupasses?—Non,j'avaisoublié.Mercidemelerappeler.Ignorantsonsarcasme,Jacereprit:—Jeneparlaispasdetoi,Clary,maisdemoi.Ça,c'estmoi.Ildétournalevisage.— Aumoins,maintenant,jesaiscequinevapaschezmoi.C'estpeut-êtrepourcetteraisonquej'ai
autantbesoindetoi.SiValentinm'atransforméenmonstre,iln'estpasimpossiblequ'ilaitfaitdetoiuneespèced'ange.LuciferaimaitDieu,non?C'estcequeprétendMilton,entoutcas.
—Jenesuispasunange.EttunesaismêmepascequeValentinafaitdusangd'Ithuriel.Ilatrèsbienpus'enservirsurlui...
— Iladitquecesangétaitpour luiet sa famille, répliquaJaced'un ton tranquille.C'estde làqueviennenttespouvoirs,Clary.D'aprèslareinedelaCourdesLumières,noussommestouslesdeuxdes
expériences.— Je ne suis pas un ange, Jace, répéta-t-elle. J'oublie de rendre les livres à la bibliothèque. Je
téléchargeillégalementdelamusique.Jemensàmamère.Jesuisunefilletrèsordinaire.—Non,paspourmoi,déclara-t-ilenplantantsonregarddanslesien.Ilnesubsistaitplusriendesonarrogancehabituelledanssonattitude:ellenel'avaitjamaisvuaussi
désarméetcependant,cettevulnérabilités'accompagnaitd'unprofondméprispourlui-même.—Clary,je...—Lâche-moi!—Quoi?LaflammequibrûlaitdanslesyeuxdeJaces'éteignitet,l'espaced'uninstant,lastupéfactionsepeignit
sursonvisage.Commec'étaitdurdesoutenirsonregardenluirésistant!Toutenl'observant,ellesongeaque,mêmesiellenel'avaitpasaimé,cettepartd'ellequiappréciait labeautéenchaquechose-etencelaelleétaitbienlafilledesamère-l'auraitquandmêmedésiré.Maisc'étaitprécisémentparcequ'elleétaitlafilledesamèrequec'étaitimpossible.
—Tum'astrèsbienentendue.Laissemesmainstranquilles.S'écartantdelui,elleserralespoingspourempêchersesmainsdetrembler.Immobile,illadévisagea
d'unairfuribond.—Tuveuxbienm'expliquercequit'arrive?—At'entendre,tumedésiresparcequetuesmauvais.Engros,tut'estrouvéuneautreraisondetehaïr.
Tutesersdemoipourteprouverquetunevauxrien.—Jen'aijamaisditça!—Soit.Alorsjeveuxentendredetabouchequetun'espasunmonstre,querienneclochecheztoique
tuvoudraisdemoimêmesitun'avaispascesang-làdanstesveines.Retenantleursouffle,ilssedéfièrentduregardpuisilserelevaavecunjuron.Claryl'imitaentitubant
un peu.Le vent cinglant lui donnait la chair de poule et elle avait l'impression d'avoir les jambes encoton.De ses doigts engourdis, elle boutonna le col de sonmanteau en refoulant ses larmes. Pleurern'arrangeraitrien.Desparticulesdepoussièreetdecendreflottaientencoredansl'air,etl'herbealentourétaitjonchéede
débris : fragments demeubles ; pages de livres ; un bout d'escaliermiraculeusement intact. Clary setournaversJacequishootaitdanslesdécombresavecunejoiemauvaise.
—Onestfichus,lança-t-il.—Quoi?
— Tutesouviens?Tuasperdumastèle.Tun'asplusaucunmoyendefabriquerunPortail,maintenant,annonça-t-ilavecunejubilationamère,commesilasituationleréjouissaitpourquelqueraisonobscure.Jenevoispasd'autresolution:ilvafalloirmarcher.
Mêmeentempsnormal,lapromenaden'auraitguèreétéagréable.Accoutuméeauxlumièresdelaville,Clary avait du mal à croire qu'Idris puisse être aussi sombre une fois la nuit tombée. Les ténèbresépaissesquibordaientchaquecôtédelaroutesemblaientgrouillerdecréaturesinvisibleset,mêmeavecla pierre de rune de Jace, elle n'y voyait qu'à quelques pas devant eux.La lumière des phares et desréverbèresluimanquait,ainsiquelesbruitsdelaville.Hormislecrissementrégulierdeleursbottessurlegravieret,detempsàautre,l'exclamationdesurprisequ'ellelaissaitéchapperentrébuchantsurunepierre,unsilencedemortplanaitsurleslieux.Auboutdequelquesheures,lespiedsdeClarycommencèrentàfatiguer.Elleavaitlabouchesèche.La
températureavaitconsidérablementchuté,etellecheminaitenfrissonnant,ledosvoûté,lesmainsenfouiedans les poches de son manteau. Cependant, tout cela aurait été supportable si Jace avait daigné luiadressalaparole.Iln'avaitpasprononcéunmotdepuisqu'ilsavaientquittélemanoir,saufpouraboyerdesordresluimontreroùtournerlorsqu'ilsparvenaientàunembranchementsurlaroute,ouluiindiqueruneornière.Enfin, le ciel commença à s'éclaircir à l'est. Clary qui avançait telle une somnambule, releva
brusquementlatête.
—Ilesttôtpourquelejourselève.Jaceladévisageaavecdédain.
—C'estAlicante.Lesoleilnese lèverapasavantaumoins troisheures.Ceque tuvois,cesont leslumièresdelaville.Tropsoulagéedetoucheraubutpourseformaliserdesonattitude,Clarypressalepas.Parvenusàuncroisement, ilss'engagèrentsurunlargechemindeterreàflancdecolline,quiserpentait le longdelapenteavantdedisparaîtrederrièreunvirage.Bienquelavillenesoitpasencoreenvue,lanuitsemblaitplusclaire,etuneétrangelueurrougeâtreilluminaitleciel.R—Onyestpresque,lançaClary.Ilexisteunraccourciparlacolline?
Jacefronçalessourcils.—Ilyaquelquechosedebizarre,dit-ilbrusquement.
Ils'élançasurlarouteensoulevantdepetitsnuagesdepoussièrequiprenaientuneteinteocredanslalumière.Clary luiemboîta lepasmalgrésespiedsmeurtris.Parvenuaudétourduvirage,Jaces'arrêtanet, et Clary faillit s'affaler sur lui. En d'autres circonstances, l'incident lui aurait peut-être semblécomique.Lecielàprésentécarlateéclairaitlacollinecommeenpleinjour.Despanachesdefumées'élevaient
delavalléeencontrebasensedéployantcommelesplumesd'unpaonnoir.Émergeantdelafumée,lestours de verre d'Alicante semblaient percer le ciel comme autant de flèches enflammées. À traversl'épaisse nappe, Clary distinguait l'éclat des flammes ; à cette distance, les foyers disséminés dansAlicanteévoquaientunepoignéedejoyauxétincelantséparpilléssurunlingenoir.Celasemblait incroyable,etpourtantc'étaitvrai :postéssurlacolline, ilscontemplaientunevilleenflammes.
DEUXIÈMEPARTIE
DeSombresEtoiles
ANTONIO:Nevoulez-vouspasresterpluslongtemps?Nevoulez-vouspasquejevousaccompagne?SÉBASTIEN:Non,sivouslepermettez.Monétoilerayonned'unesombrelumièreau-dessusdematête.
Lamalveillancedemondestinpourraittroublerlevôtre.C'estpourquoijedoisvousprierdemelaisserendurerseulmessouffrances.Ceseraitmalrécompenservotreamitiéquedevousenimposeruneseule.
WilliamSHAKESPEARE,LaNuitdesrois
10.FerEtFeu
—ILESTTARD,gémitIsabelleentirantlesrideauxendentelledelafenêtredusalon.Ildevraitdéjàêtrerentré.
— Soisraisonnable,Isabelle,lançaAlecdecetonsupérieurqu'ilemployaitparfoispourluirappelerqu'ilétaitlefrèreaînéetque,sielleétaitsujetteàl'hystérie,luigardaittoujourssoncalme.Nonchalammentvautrésurl'undesfauteuilstroprembourrésquiflanquaientlacheminée,ilsemblait
vouloirluimontrerjusquedanssaposturequ'ilnet'inquiétaitpaslemoinsdumonde.— TuconnaisJacequandilestcontrarié,ilfautqu’ilsorte.Iladitqu'ilpartaitsepromener.Ilfinira
bienparrentrer.Isabellesoupira.Elledéploraitpresquel'absencedesesparents,quin'étaientpasrevenusdelaGarde.
Quelquesoitlesujetdesdiscussions,laréunionduConseils'éternisait.—Cen'estpasparcequ'ilconnaîtbienNewYorkqu'ilsauraserepérerici...—IlconnaîtAlicantemieuxquetoi.Assisesurlecanapé,sescheveuxnoirsrassemblésenunegrossetresse,Alineétaitabsorbéedansla
lectured'unouvragereliédecuirbordeauxqu'elleavaitposésursesgenoux.Isabelle,quin'étaitpasunegrande lectrice, enviait cette capacité à se plonger dans les pages d'un livre. Elle aurait eu d'autresraisonsdejalouserAline.D'abord,sabeautédélicateetmenue;Isabelleétaitsigrandequ'elledépassaitd'unetêtetouslesgarçons.Cependant,elleavaitrécemmentdécouvertquelesautresfillesn'étaientpasseulementlàpourêtreenviées,ignoréesouméprisées.—Ilavécuicijusqu'àl'âgededixans,poursuivitAline.Vous,vousn'êtesvenusquedeuxoutroisfois.Isabelleportalamainàsagorge.Lependentifornantsoncouvenaitd'émettreunepulsationbrusque,
or ilnevibraitqu'enprésenced'undémonet ils étaientdans l'enceinted'Alicante. Ilnepouvaitpasyavoirdedémonsdanslesparages.Lebijoudevaitêtredéfectueux.
—Detoutefaçon,jenecroispasqu'ilsoitpartisebaladerenville.Aleclevalesyeux.
—Tupensesqu'ilestallévoirClary?— Elleestencore là?s'étonnaAlineen refermantson livre. Jecroyaisqu'elleétait rentréeàNew
York,Chezquiséjourne-t-elle,aufait?IsabellehaussalesépaulesetsetournaversSébastien.
—Demande-le-lui.Allongésurlecanapéenfaced'Aline,Sébastienétaitluiaussiplongédansunlivre.Illevalesyeux.
—Vousparliezdemoi?«Cegarçonest ladouceur incarnée», observa Isabelle avecunepointed'agacement.D'abord, elle
s'était laissé charmer par son physique avantageux, ses pommettes saillantes et ses yeux noirs,impénétrables, mais à présent, sa personnalité affable et compatissante lui tapait sur les nerfs. Ellen'aimait pas les garçons qui ne se mettaient jamais en colère. Dans l'esprit d'Isabelle, la rage étaitsynonymedepassion,doncd'unbonmoment.
—Qu'est-cequetulis?demanda-t-elled'untonbrusque.UnedesbandesdessinéesdeMax?— Oui,réponditSébastienenbaissantlesyeuxsurl’exemplaired’AngelSanctuaryenéquilibresurle
brasducanapé.J'aimebienlesdessins.Isabellepoussaunsoupirexaspéré.Sonfrèreluijetaunregardnoir.—Sébastien,euh...JacesaitquetuesallétepromeneravecClary?s'enquit-il.
Sébastienparutamusé.—Cen'estpasunsecretd'État.Jeluienauraisparlésijel'avaiscroisé.—Jenevoispasoùestleproblème,fitremarquerAlined'untonsec.Sébastienn'arienfaitdemal.Il
voulaitmontrerIdrisàClarissaavantsondépart,etalors?Jacedevraitseréjouirquesasœurs'occupeunpeu.
—Ilesttrès...protecteur,parfois,déclaraAlecaprèsunebrèvehésitation.Alinefronçalessourcils.
—Ildevraitlalâcherunpeu!Cen'estpasbonpourelled'êtretropcouvée.Vousauriezdûvoirsatêtequandellenousasurpris!Acroirequ'ellen'avaitjamaisvupersonnes'embrasserauparavant!Quisait?C'estpeut-êtrelecas.
— Tun'yespasdutout,lâchaIsabelleenrepensantaubaiserqueJaceavaitéchangéavecClaryàlaCourdesLumières.Ce souvenir l'indisposait : Isabelle n'aimait pas ressasser ses problèmes, et encoremoins ceux des
autres.—Alorsqu'est-cequ'ilsepasse?demandaSébastien.Ilseredressasursonsiègeenrepoussantunemèchedecheveuxnoirs,etIsabelles'aperçutqu'ilavait
lapaumeentaillée.—Ilmedétestesansraison?reprit-il.Jenecomprendspascequej'aipuf...Unepetitevoixl'interrompit.—C'estmonlivre.Max se tenait sur le seuil de la pièce, vêtu d'un pyjama gris. Ses cheveux bruns étaient ébouriffés
commes'ilsortaitdulit.Ilfixaitd'unœilnoirlemangaposéprèsdeSébastien.—Quoi,ça?dit-ilenluitendantl'exemplaired’AngelSanctuary.Tiens,petit.Maxtraversalapièceaupasdechargeetluiarrachalabandedessinéedesmains.—Nem'appellepas«petit»,lâcha-t-ilenjetantunregardcourroucéàSébastien.Celui-ciselevaenriant.—Jevaischercherducafé,annonça-t-ilensedirigeantverslacuisine.(Puis,s'arrêtantsurleseuil,Il
demandaàlacantonade:)Quelqu'unveutquelquechose?Unchœurderefusluirépondit.Avecunhaussementd'épaules,ildisparutderrièrelaporte.—Max!s'exclamaIsabellesuruntondereproche.Nesoispasimpoli.—Jen'aimepasqu'onmeprennemesaffairé,protesta-t-ilenserrantlemangacontrelui.—Grandisunpeu.Iltel'ajusteemprunté,répliqua-t-elleplussèchementqu'ellenel'auraitvoulu.(Elle
s'inquiétaitencorepourJace,etserendaitbiencomptequ'ellepassaitsesnerfssursonpetitfrère.)Detoutefaçon,tudevraisdéjàêtreaulit.Ilesttard.
—J'aientendudubruitsurlacolline.Çam'aréveillé.Maxclignadesyeux;quandilneportaitpasseslunettes,lemondedevenaitflouautourdelui.—Isabelle...Letonsuppliantdesavoixretintl'attentiondesasœur.—Quoi?fit-elleensedétournantdelafenêtre.—Çaarrivequedesgensescaladentlestoursdeverre?
Alineéclataderire.—Non,voyons!D'abord,c'estillégal,ensuite,pourquoiferait-onunechosepareille?Isabellejugeaqu'Alinen'avaitpasbeaucoupd'imagination.Elle-mêmeauraitputrouvertoutessortes
deraisonsd'escaladerlestours,neserait-cequepourcrachersurlespassants.Maxfronçalessourcils.
—Etpourtant,ilyavaitquelqu'un.Jesaiscequej'aivu...—Tuasdûrêver,l'interrompitsasœur.Lestraitsdel'enfantsedécomposèrent.Sentantvenirlacrise,Alecselevaetlepritparlamain.—Viens,Max,dit-ilavecdouceur.Ilestl'heurederetournersecoucher.—Ondevraittousenfaireautant,déclaraAlineenselevantàsontour.EllerejoignitIsabelleàlafenêtreet,d'ungesteautoritaire,elletiralesrideaux.—Ilestpresqueminuit.QuisaitquandilsrentrerontduConseil?Çanesertàrienderest...Lependentifd'Isabelleseremitbrusquementàvibreret,soudain,lafenêtredevantlaquellesetenait
Alinevola en éclats.D'énormesgriffes souillées de sang et de liquidenoir surgirent de l'obscurité etl'emportèrentavantqu'elleaitpupousseruncri.Isabelles'emparadesonfouet,posésurlatableprèsdelacheminée,etfitunpasdecôtépouréviter
Sébastienquirevenaitencourantdelacuisine.—Vachercherdesarmes,aboya-t-ellecommeilparcouraitlapièced'unregardahuri.Puiselles'élançaverslafenêtre.Prèsdelacheminée,Alecs'efforçaitderetenirMaxquisedébattait
encriantpouréchapperàsonfrère.Illepoussaverslaporte.«Bien,pensaIsabelle.FaissortirMaxdelapièce.»Unventglacés'engouffraitparlafenêtrecassée.Isabellerelevasajupeetfittomberàcoupsdepied
lesderniersfragmentsdeverreenremerciantlessemellesépaissesdesesbottes.Puiselleglissalatêteparl'ouverture,franchitlafenêtred'unbondetatterritdansl'alléepavéeencontrebas.Apremièrevue,ellesemblaitdéserte.Iln'yavaitpasderéverbèreslelongducanal;laseulelumière
émanait des fenêtres des maisons voisines. Isabelle progressa avec prudence, son fouet en électrumenroulécontresahanche.Cefouetétaituncadeaud’anniversairedesonpèrepoursesdouzeans.Ilavaitfiniparfairepartied'elle-même,commeunprolongementdesonbrasdroit.Les ténèbres s'épaississaient à mesure qu'elle s'éloignait de la maison. Elle prit la direction
d'Oldcastle Bridge, le pont qui enjambait le canal. Sous le pont, Il faisait noir comme dans un four.Soudain,ellevituneformeblancheremuerdansl'obscurité.Isabelle s'élança, coupa par la haie d'un jardin, bondit et atterrit sur le petit quai de brique qui
s'étendait sous le pont. Son fouet éclaira les ténèbres d'une vive lumière argentée, et elle vit Alineétendue, immobile,aubordducanal.Unénormedémoncouvertd'écailles ledressaitau-dessusd'elle,l'écrasantdetoutsonpoids,lagueulepenchéesursoncou.Or,çanepouvaitpasêtreundémon.Ilsn'étaientjamaisentrésdansAlicante.Sousleregardéberlué
d'Isabelle, la créature leva la tête et flaira l'air comme si elle venait de sentir sa présence. Isabelles'aperçutqu'elleétaitaveugle:unerangéededentsacéréesémergeaitdesonfront,làoùauraientdûsetrouverlesyeux.Surlapartieinférieuredesatête,sagueulebéantes'ouvraitsurdescrocsdégoulinantde bave, pareils à des défenses d'éléphant. Le monstre balaya l'air de sa longue queue, et Isabelleconstataenserapprochantqu'elleétaithérisséedepetitsosaussicoupantsquedesrasoirs.Alineremuaetpoussaungémissementétouffé.Lesoulagementd'Isabelle,quil'avaitcruemortejusqu'à
cetinstant,futdecourtedurée.CommeAlinesetordaitdedouleur,soncorsagedéchirélaissavoirdessillonsensanglantéssursapoitrine,etIsabellevitquelacréatureavaitplantésesgriffesdanslatailledesonjean.Unevaguedenauséelasubmergea.Ledémonn'avaitpasl'intentiondetuerAline...dumoinspastout
de suite. Le fouet d'Isabelle s'anima dans sa main telle l'épée flamboyante d'un ange vengeur. Elles'élançaetl'abattitsurledosdudémon,quipoussaunhurlementdedouleurets'écartad'Aline.Ilseruasursonassaillante,sesdeuxgueulesgrandesouvertes,enlacérantl'airdesesgriffes.Reculantàtâtons,ellefitclaquersonfouetunedeuxièmefoiset leblessaàlatête,auventreetauxpattes.Sesmultiples
blessureslibérèrentunjetdesangetd'ichor.Unelonguelanguefourchuejaillitdesagueulesupérieure;elleétait terminéeparunaiguillonsemblableàceluid'unscorpion.D'une torsiondupoignet, Isabelleabattit son fouet, qui s'enroula autour du monstrueux appendice. Le démon poussa un long hurlementtandisquelelienenélectrumflexibleseresserraitautourdesalangue,quitombaavecunbruitmouillé,répugnant,surlesbriquesduquai.Sedétournant,ilbattitenretraiteenondulantcommeunserpent.Isabelle s'élança à sa poursuite. Il avait parcouru lamoitié du quai quandune silhouette sombre se
dressadevantlui.Unobjetétinceladansl'obscurité,etledémons'affaissaensetordantdedouleur.Isabelles'arrêtanet.Alinesetenaitau-dessusdelabête,unedagueàlamain.Lesrunessurlalame
étincelèrentaumomentoùellel'abattaitsurledémonquisetortillaitàsespieds.Ellelefrappaencoreetencore,jusqu'àcequ'ilcessederemuer,etildisparut.Quandelle levala tête,sonvisagenetrahissaitaucuneémotion.Ellenefitpasminederamener les
pansdesoncorsagedéchirésursapoitrine.Dusangs'écoulaitabondammentdesesblessures.—Aline...tuvasbien?demandaIsabelle.Aline lâchasonarme.Sansunmot,elle sedétournaetdisparutdans lapénombredupont.Prisede
court, Isabelle poussa un juron et s'élança derrière elle. Elle regrettait d'avoir opté pour une robe envelourscesoir-là,maisaumoinselleportait sesbottes. Juchéesurdes talonshauts,ellen'aurait sansdoutepaspurattraperAline.L'extrémité du quai débouchait sur un escalier en fer quimenait à la ruePrincewater.La silhouette
indistincted'Alineseprofilaausommetdesmarches.Isabelle lasuivit tantbienquemal,gênéepar letissulourddesarobe.Arrivéeenhautdel'escalier,ellelacherchadesyeux......etrestabouchebée.Ellesetenaitàl'entréedelagranderuequibordaitlamaisondesPenhallow.
Aline avait disparu parmi la foule qui se bousculait. Des démons semblables à la créature lézardqu'Alineavaitachevéesouslepontévoluaientpardizainesaumilieudesfuyards.Deuxoutroiscorpsgisaientdéjàsur lachaussée,dontunvieillard, lacagethoraciqueouverte.«Evidemment,pensa-t-elle,l'espritembruméparlapanique.TouslesadultesenâgedesebattresontàlaGarde.Enville,ilnerestequelesenfants,lesvieuxetlesmalades...»La nuit résonnant de cris se teintait de rouge, et une odeur de brûlé avait envahi l'air. Les gens se
précipitaienthorsdechezeux,puiss'arrêtaientnetenvoyantlaruegrouillantedemonstres.C'étaitimpossible,inimaginable.Jamaisparlepasséundémonn'avaitfranchilesboucliersdestours.
Etpourtant,ilsétaientdesdizaines,descentaines,voireplus,àenvahirlesruesdelavillecommeunemarée nauséabonde. Isabelle avait l'impression d'être piégée derrière un panneau de verre : elleobservait la scène, incapable de bouger. Immobile, elle regarda un démon s'emparer d'un garçon quis'enfuyaitetlesouleverdanslesairsenenfonçantsesdentspointuesdanssonépaule.Legaminpoussaunhurlement,maissoncriseperditdanslaclameurgénéralequienflaitpeuàpeu:
mugissementsdesdémons,appelsdésespérés,bruitsdepassurlepavé,craquementsdeverrebrisé.Plusbasdanslarue,quelqu'uncriaquelquechosequ'Isabellenecompritpas.Ellelevalesyeux.Leshautestoursveillaientsurlavillecommed'ordinairemais,aulieuderefléterlalueurargentéedesétoilesoulerougeoiementde lacitéenflammes,ellesétaientgrisescommelapeaud'uncadavre.Leuréclats'étaitterni.UnfrissonparcourutIsabelle.Pasétonnantquelesruesgrouillentdemonstres:lestoursd'Alicanteavaientperduleurmagie.Lesboucliersquiprotégeaientlavilledepuisunmillénairen'étaientplus.SiSamuelgardaitlesilencedepuisdesheures,Simon,lui,étaitbienréveillé.Incapabledetrouverle
sommeil,ilcontemplaitlésténèbresd'unœilmornequanduncriretentit.Illevabrusquementlatête.Rien.Iljetaunregardégaréautourdelui:avait-ilrêvécecri?Ildressa
l'oreille;même s'il avait désormais l'ouïe fine, il n'entendit que le silence. Il était sur le point de serallongerquandleshurlementsreprirentdeplusbelle,luiperçantlestympanscommeautantd'aiguilles.Ilssemblaientprovenirdel'extérieur.Après s'être juché sur le lit pour regarder par la fenêtre, il vit l'étendue d'herbe et, au-delà, les
lumièreslointainesdelavillequiscintillaientfaiblementàl'horizon.Ilplissalesyeux.Quelquechoseavait changé, les lumières lui semblaient moins brillantes que dans son souvenir, et des pointsrougeoyantssedéplaçaientdansl'obscurité.Unpâlenuagedefuméeondoyaitau-dessusdestours,etuneodeurdebrûléflottaitdansl'air.
—Samuel!appelaSimon,paniqué.Samuel,ilsepassequelquechose.Il entendit des portes s'ouvrir à la volée, des bruits de bousculade, des éclats de voix.Collant son
visageauxbarreaux,ilvitdéfilerdespairesdebottesquicouraiententrébuchantsurlescailloux.DesChasseursd'Ombress'interpellaientenprenantladirectiondelaville.
—Lesboucliersnefonctionnentplus!—OnnepeutpasabandonnerlaGarde!—Ons'enmoque!Nosenfantssontlà-bas!Leursvoixs'éloignaientdéjà.Simonreculadelafenêtreetchuchota:—Samuel!Lesboucliers...LavoixdeSamuelluiparvintdistinctementdel'autrecôtédumur.—Jesais.J'aientendu.Il ne semblait pas effrayé. Plutôt résigné, voire vaguement satisfait que les événements lui donnent
raison.—Valentinaprofitédelaréunionpourattaquerlaville.Bienvu.—MaislàGarde...c'estuneforteresse.Pourquoiilsnerestentpasàl'abri?—Tulésasentendus.Touslesenfantssontenville.Ilsnepeuventpaslesabandonner.«LesLightwood.»SimonpensaàJace,puissereprésentaavecunenettetéterrifiantelepetitvisage
pâled'Isabelleencadréparunemassedecheveuxnoirs,sadéterminationaucombat,lesXetlesOdepetitefilleconcluantlemotqu'elleluiavaitécrit.
—Maisvousaviezprévenul'Enclave!Pourquoiilsnevousontpascru?— Parcequelesbouclierssontleurseulereligion,Poureux,douterdeleurpouvoiréquivautànier
qu'ils ont été choisis et qu'ils bénéficient de la protection de l'Ange.Autant se considérer comme unTerrestreordinaire.Simon revint à la fenêtre, mais la fumée s'était épaissie, et un brouillard gris pâle lui masquait
désormaislavue.Iln'entendaitplusdecrisau-dehors;quelquesvoixluiparvenaientencore,maisellessemblaientbienloin.
—Ondiraitquelavillebrûle.— Non,répondit tranquillementSamuel.Jecroisquec'est laGarde.Sansdouteunfeudémoniaque.
Valentinprendrad'assautlaforteresses'illepeut.— Mais... bredouilla Simon. Mais quelqu'un va venir nous chercher, dites ? Le Consul ou... ou
Aldertree.Ilsnenouslaisserontpasmouririci.—TuesuneCréatureObscure.Jesuisuntraître.Tupensesréellementqu'ilsvontvenirnoussauver?
—Isabelle!Isabelle!Alec secoua sa sœur.Elle leva lentement la tête ; levisageblêmede son frère sedétachait sur les
ténèbres derrière lui. Son arc sanglé dans son dos dépassait de son épaule.C'était lemême arc dont
s'était servi Simon pour tuer leDémonSupérieurAbbadon.Elle ne se souvenait pas d'avoir vuAlecveniràsarencontre;c'étaitcommes'ils'étaitmatérialisédevantelle,telunfantôme.
—Arrête,murmura-t-elled'unevoixtremblanteensedégageant.Alec,arrête.Jevaisbien.—Onnediraitpas.
Illevalatêteetjuraentresesdents.—Ilfautdéguerpird'ici.OùestAline?Isabelle regardaautourd'elle ;aucundémonenvue.Assisesur lesmarchesduperronde lamaison
d'en face, une femme poussait des cris d'orfraie. Le cadavre du vieil homme gisait toujours au beaumilieudelarue,etlapuanteurdégagéeparlesdémonsétaitomniprésente.
—Undémonaessayédela...dela...Isabelleretintsarespiration.Foid'IsabelleLightwood,ellen'étaitpasdugenreàcéderà l'hystérie,
quellequesoitlasituation.—Onaréussiàletuer,puiselles'estenfuie.J'aitentédelasuivre,maisellecouraittropvite.
Levantlesyeuxverssonfrère,elleajouta:—Desdémonsdanslaville.Commentest-cepossible?— Jene sais pas, répondit-il en secouant la tête.Lesboucliers ne fonctionnent plus, ondirait. J'ai
croisé quatre ou cinq démonsOnis en sortant de lamaison. L'un d'eux rôdait près des buissons. Lesautressesontenfuis,maisilspourraientrevenir.Viens.Retournonsàl'intérieur.La femme assise sur le perron sanglotait toujours. Ses pleurs les accompagnèrent tandis qu'ils se
hâtaientverslamaisondesPenhallow.Silarueavaitétédésertéeparlesdémons,desexplosions,descrisetdesbruitsdepasleurparvenaientdesruesvoisines.Aumomentoùilsgravissaientlesmarches,Isabellejetauncoupd'œilderrièreelle;ellevitunlongtentaculesurgirdel'obscuritéetsouleverdusolla femmeéplorée.Ses sanglots semuèrent enhurlements. Isabelle allait fairedemi-tour,maisAlec lasaisit par le bras et la poussa à l'intérieur avant de verrouiller la porte derrière lui. Lamaison étaitplongéedanslenoir.— J'aiéteint les lumièrespouréviterqued'autresn'arrivent,expliqua-t-ilenguidant sasœurvers lesalon.Maxétaitassisparterreprèsdel'escalier,lesbrasnouésautourdesgenoux.Deboutdevantlafenêtre
Sébastienclouaitdesplanchesqu'ilavaitprisesprèsdel’âtrepourcondamnerlafenêtrecassée.—Voilà,dit-ilenposantsonmarteausuruneétagère.Çadevraittenirquelquetemps.IsabelleselaissachoiràcôtédeMaxetluicaressalescheveux.—Çava?— Non, répondit-il enouvrantdegrandsyeuxapeurés. J'ai essayéde regarderpar la fenêtre,mais
Sébastienm'aforcéàmecoucherparterre.—Ilaeuraison,intervintAlec.Ilyavaitdesdémonsdanslarue.—Ilssontencorelà?—Non,ilssesontdispersésdanslesrues.Ilvafalloirqu'onréfléchisseàunpland'action.Sébastienfronçalessourcils.
—OùestAline?—Elles'estenfuie,annonçaIsabelle.C'estmafaute.J'auraisdû...Alecl'interrompitd'untonsec.
—Tun'yespourrien.Sanstoi,elleseraitmorte.Bon,onn'apasletempsdeselamenter.Jevaispartirà la recherched'Aline. Jeveuxquevous restiez ici tous les trois. Isabelle,veille surMax.Sébastien,finisdesécuriserlamaison.
—Ilesthorsdequestionquetuyaillesseul!protestaIsabelleavecindignation.Emmène-moiavectoi
!—C'estmoil'adulteici.Faitescequejevousdis,ordonnaAlecd'untoncalme.Nosparentsvontsans
doute revenir de laGarde d'uneminute à l'autre.Mieux vaut que vous restiez à l'abri.On serait viteséparésdehors.Jeneprendspaslerisque.(IlsetournaversSébastien.)Compris?Celui-ciavaitdéjàsortisastèle.—Jevaismarquerlamaisonpourlaprotéger.—Merci.Alecsedirigeaverslaporte,jetaundernierregardàIsabelle,puissortit.
—Isabelle,chuchotaMaxdesapetitevoix.Tusaignes.Ellebaissalesyeux.Ellenesesouvenaitpasdes'êtreblesséeaupoignet,pourtantMaxdisaitvrai:du
sangtachaitlamanchedesavesteblanche.Elleseleva.—Jevaischerchermastèle.Jerevienstoutdesuitet'aideraveclesrunes,Sébastien.—Cen'estpasderefus,lança-t-ilenhochantlatête.Lesrunesnesontpasmaspécialité.Réprimantl'enviedeluidemandercequepouvaitbienêtresaspécialité,Isabellemontaàl'étage.Elle
sesentaitfourbueetavaitbienbesoind'uneruned'énergie.Ellepouvaittoujourssemarquerelle-même,bienqu'AlecetJaceaienttoujoursétéplusdouésqu'elleaveccegenrederunes.Unefoisdanssachambre,ellecherchasastèleetquelquesarmessupplémentaires.Toutenglissant
despoignardsséraphiquesdanssesbottes,ellepensaàAlecetauregardqu'illuiavaitlancéavantdefranchir laporte.Cen'étaitpas lapremièrefoisqu'ellevoyaitsonfrèrepartirensachantqu'ellene lereverraitpeut-êtreplus.C'étaitunfaitqu'elleacceptaitdepuistoujours,unepartdesavie.Ilavaitfalluqu'elle rencontre Simon etClary pour comprendre que, chez la plupart des gens, il n'en allait pas demême.Ilsnevivaientpasaveclamortpourcompagnepermanente,aveccesouffleglacéaucreuxdelanuquemêmeparlesjournéeslesplusordinaires.ElleavaittoujourséprouvébeaucoupdeméprisenverslesTerrestres,commetouslesChasseursd'Ombres:ellelestrouvaitmous,stupides,grégairesdansleurcomplaisancevis-à-visd'eux-mêmes.Aprésent,ellesedemandaitsitoutecettehainenedérivaitpasdufait qu'elle était jalouse.Commecedevait être agréable, dèsqu'unprochepassait laporte, denepastremblerpourlui!Àmi-chemindansl'escalier,sastèleàlamain,ellesentitquequelquechoseclochait.Lesalonétait
désert.Max etSébastien avaient disparu. Il y avait uneMarquedeprotection inachevée sur l'unedesplanchesqueSébastienavaitclouées.Lemarteaudontils'étaitservin'étaitpluslà.Sonventresenoua.—Max!cria-t-elleenpivotantsurelle-même.Sébastien!Oùêtes-vous?LavoixdeSébastienluiparvintdelacuisine.—Isabelle...parici.Isabellefuttellementsoulagéequ'elleeneutlevertige.—Sébastien,cen'estpasdrôle,dit-elleenentrantdanslacuisine.Jecroyaisquevous...Elle laissa la porte se refermer derrière elle. Il faisait sombre dans la pièce. Elle cherchaMax et
Sébastiendansl'obscuritémaisnedistinguaquedesombres.—Sébastien?répéta-t-elled'unevoixhésitante.Sébastien,qu'est-cequetufabriquesdanslenoir?Où
estMax?—Isabelle.Ellecrutdécelerdumouvementdevantelle,unesilhouetteplusclairesedétachantsurlapénombre.La
voixdeSébastien se fit suave, chaleureuse,presquecaressante.Ellene s'était pas aperçue jusqu'alorsqu'ilavaituneaussijolievoix.
—Isabelle,jeregrette.
—Sébastien,tuesbizarre.Arrêteçatoutdesuite.—Jeregrette.Vois-tu,detous,c'esttoiquejepréférais.—Sébastien?—Detous,répéta-t-ildumêmetontranquille,c'esttoiquimeressemblaisleplus,apriori.Etàcesmots,ilabattitsonmarteausurelle.Alecparcourutlesruellesobscuresdelavilledévoréeparlesflammessanscesserd'appelerAline.
EnquittantlequartierdePrincewaterpourgagnerlecœurdelacité,ilsentitsonpoulss'accélérer.LesruesévoquaientuntableaudeBoschgrandeurnature:descréaturesgrotesquesetmacabresgrouillaientdanstouslescoins,etdesscènesd'uneviolenceabjectesejouaientsoussesyeux.Desétrangersaffolésle bousculaient sans lui accorder un regard et s'éloignaient en hurlant sans la moindre idée de leurdestination.Lapuanteurdesdémonsetdelafuméeimprégnaitl'atmosphère.Certainesmaisonsétaientenflammes;d'autresn'avaientplusdevitres.Lespavésétaientjonchésd'éclatsdeverre.Ens'approchantd'unbâtiment,ildistinguasurunmurcequ'ilpritd'abordpourunetachedepeinturedécolorée;c'étaitenréalitéuneénormetraînéedesangfraisquiavaitéclabousséleplâtre.Ilfitvolte-face,jetauncoupd'œildans chaque direction, mais ne vit rien qui puisse expliquer l'origine de ce sang, et s'enfuit à toutesjambesAlec était le seul des enfantsLightwood à se souvenir d'Alicante. Il n'était qu'un bambin lorsqu'ils
avaientquittélaville,etpourtantilavaitgardédesimagesdestoursétincelantes,desruesenvahiesparlaneigeenhiver,desguirlandeséclairéessuspenduesauxmaisonsetauxéchoppes,del'eaujaillissantde la fontainede la sirènedans laGrandeSalle. Il avait toujourséprouvéunpincementaucœurenyrepensant,etcaressél'espoirquesafamillerentreraitunjouraubercail.Or,voirlavilledanscetétatétaitundéchirement.EntournantdansunboulevardquimenaitàlaSalledesAccords,ilvitunemeutedeBélialss'engagerdansunpassagevoûtéenpoussantdessifflementsatroces. Ils traînaientderrièreeuxuneformeindistinctequisetordaitdedouleursurlespavés.Ils'élançaàleurpoursuitemaisilsavaientdéjà disparu. Avachi au pied d'une colonne, un corps gisait, immobile, dans une mare de sang. Desfragments de verre brisé craquèrent sous les bottes d'Alec tandis qu'il s'agenouillait pour retourner lecadavre.Après avoir jeté un bref regard à son visage bouffi, violacé, il se détourna avec un frisson,soulagéquecenesoitpasquelqu'undesaconnaissance.Unbruitluifittournerlatête.Ilsentitlapuanteurdelacréatureavantmêmedelavoir;uneénorme
silhouettevoûtées'avançavers luide l'autrecôtéde larue.UnDémonSupérieur?Alecn'attenditpasd'enavoirlecœurnet.Iltraversalarueencourant,sedirigeaversl'unedesplushautesmaisonsetsautasur le rebordd'une fenêtrecassée.Enquelquesminutes, ilparvintàgagner le toit.Aprèsavoirôté legravierdesesmainségratignées,ilscrutalavillequis'étendaitàsespieds.Lestoursenruinerépandaientunelueurternesurlesruesgrouillantes,oùdescréaturesbondissaient,
rampaient, rôdaient dans l'ombre des immeubles comme des cafards tapis dans les ténèbres d'unappartement,Lanuitrésonnaitdecris:hurlementsdefrayeur,appelsportésparlevent,rugissementsdetriomphedesdémons.Delafumées'élevaitdesmaisonsenpierreclaireetcouronnaitlesflèchesdelaSalledesAccords,LevantlesyeuxverslaGarde,AlecvitunefouledeChasseursd'Ombresdescendrelacollineens'éclairantdeleurpierrederune.L'Enclavevenaitsejoindreàlabataille.Ils'avançaauborddutoit.Àcetendroit,leshabitationsétaienttrèsprocheslesunesdesautres,leurs
avant-toits se touchaient presque ; il était donc facile de sauter d'unemaison à l'autre. Il progressa àtravers les toits en franchissant d'un bond la courte distance qui les séparait. Le vent glacé qui luifouettaitlevisageluiprocuraitunesensationdebien-êtreetchassaitlapuanteurdesdémons.
Il courait depuis quelquesminutes quand il fit deux constats : le premier - il se dirigeait vers lesflèchesblanchesdelaSalledesAccords.Lesecond-quelquechosebrillaitentredeuxruelles.Onauraitdit une pluie d'étincelles bleues. Alec avait déjà assisté à ce phénomène auparavant. Il contempla lascènependantquelquesinstants,puisrepritsacourse.Letoitleplusprèsdelaplaceétaitenpenteraide.Ilselaissaglisserjusqu'aubordentrébuchantsur
lésbardeauxcassés.Enéquilibreprécaire,àdeuxpasduvide, il jetauncoupd'œilencontrebas.Laplacede laCiterne se trouvait juste endessous,mais sonchampdevisionétait enpartiemasquéparl’énormepoteauenferquisedressaitfaceaubâtimentenhautduquelils'étaitréfugié.Uneenseignedeboissuspendueaupoteausebalançaitdanslabrise.Au-dessous,laplacegrouillaitdedémonsIblis,cesêtres dotés d'une forme humaine mais dont le corps était constitué d'une substance semblable à unpanache de fumée noire d'où émergeaient deux yeux jaunes et perçants. Ils avaient formé un rang ets'avançaientlentementversunesilhouettevêtued'unlongmanteaugrisqu'ilsacculaientpeuàpeucontreunmur.Alecobserval'hommesansbouger,etlereconnutàundosétroit,àsescheveuxnoirsenbataille,auxflammesbleuesquijaillissaientdesesdoigtscommedesluciolessurexcitées.Magnus.LesorcierdéchaînaitsespouvoirscontrelesIblis.Unrayonbleutouchaenpleinepoitrineun
démonquifondaitsurlui.Aveclebruitd'unseaud'eauqu'onjettesurunfeupourl'étouffer,ilchancelaetdisparut dans une explosion de cendres. D'autres vinrent prendre sa place - les Iblis n'étant pas descréatures très intelligentes - et Magnus déchaîna un autre déluge de flammes bleues. Plusieurs Iblistombèrent,maisunautredémon,plusmalinquesessemblables,eutl'idéedel'attaquerdebiais.Ilfonditsurlui,prêtàfrapper...Alecnepritpasletempsderéfléchir; ilsautadanslevideenserattrapantauborddutoit,puisse
laissa descendre le long du poteau enmétal pour ralentir sa chute, et atterrit en douceur. Surpris, ledémon fil volte-face et tourna vers lui ses yeux jaunes étincelant comme des gemmes. L'espace d'uninstant,Alecsongeaque,s'ilavaitétéJace,ilauraiteuunbonmotavantdetirersonpoignardséraphiquede sa ceinture pour le planter dans lemonstre. Celui-ci poussa un cri étouffé et fut renvoyé dans sadimensionenrépandantsurAlecunepluiedecendres.
—Alec?fitMagnusenouvrantdegrandsyeux.Ils'étaitdébarrassédesderniersIblis,etlaplaceétaitmaintenantdéserteàl'exceptiond'euxdeux.—Tu...mviensdemesauverlavie?Alecsavaitqu'ilauraitdûrépondre:«Evidemment,jesuisunChasseurd'Ombres,c'estmondevoir.»
C'estcequeJaceauraitditàsaplace.Ilavaittoujourslabonnerepartie.Or,malgrélui,Aleclançad'unevoixvibrantedecolère:
—Pourquoitunem'aspasrappelé?J'aiessayédetejoindreplusieursfois.Magnusledévisageacommes'ilavaitperdul'esprit.,— Lavilleestassiégée.Lesboucliersnefonctionnentplus,lesruesgrouillentdedémons,ettuveux
savoirpourquoijenet'aipasrappelé?—Exactement!rétorquaAlecavecunemouerenfrognée.Exaspéré,Magnuslevalesbrasauciel,etquelquesétincellesjaillirentdesesdoigts.—Tuesunidiot.—C'estpourçaquetunem'aspasrappelé?Parcequetumetrouvesstupide?—Maisnon,fitMagnusens'avançantverslui.Sijenel'aipasfait,c'estquej'enaiassezquetuneme
fassessignequelorsquetuasbesoind'unservice.C'estfatigantdetevoirfairelesyeuxdouxàquelqu’und'autrequi,enl'occurrence,net'aimerajamais,lui.
—Parcequetoi,tum'aimes?— Imbécile de Nephilim, répliquaMagnus d'un ton patient. A ton avis, qu'est-ce que je fais là ?
Pourquoi j'ai passé mon temps, ces dernières semaines, à soigner tes crétins d'amis dès qu'ils seblessaient? Pourquoi je t'ai tiré de toutes les situations ridicules dans lesquelles tu t'es fourré ? SanscompterquejevousaiaidésàremporterunebataillecontreValentin.Ettoutçagratis!
—Jen'avaispasvuleschosessouscetangle,admitAlec.—Évidemment.Tunevoisrien!LesyeuxdeMagnusétincelaientderage.—J'aiseptcentsans,Alexander.Jesaisquandçanemarchepas.Tesparentsnesaventmêmepasque
j’existe.Alecluijetaunregardincrédule.—Jecroyaisquetuavaistroiscentsans!—Bon,huitcents.Maisjenelesfaispas.Bref,ons'éloignedusujet,là.Cequejevoulaisdire...Alecne sut jamais la suite : àcet instantprécis,unedouzained'Iblisdéferlèrent sur laplace. Il les
regardas'avancer,bouchebée.—Etzut!Magnussuivitsonregard.Lesdémonslesencerclaientdéjàenlesfixantdeleursprunellesjaunes.—Tucherchesàchangerdesujet,Lightwood.—Tusaisquoi?criaAlecendégainantundeuxièmepoignardséraphique.Sions'ensort,jetepromets
deteprésenteràtoutemafamille.Magnuslevalesbras,etdepetitesflammescouleurazurjaillirentdesesdoigts,éclairantd'unelueur
bleutéesonvisagesouriant.—Marchéconclu,dit-il.
11.TousLesHôtesDeL'enfer
—Valentin,soufflaJace.Livide,ilobservalavilleencontrebas.Atraversl’écrandefumée,Clarycrutdistinguerledédaledes
ruesétroitesrempliesdefuyardsqui,vusd'ici,ressemblaientàdesfourmisaffolées.Maisenscrutantdenouveaul'obscurité,ellenevitriend'autrequed'épaisnuagesnoirsquidégageaientuneodeurdebrûlé.
—Tucroisquec'estValentinleresponsable?demanda-t-elle.C'estpeut-êtreunsimpleincendie…—LaPorteduNordestouverte.Jacemontradudoigtunpointàl'horizon.Comptetenudeladistanceetdelafumée,Clarynevoyait
pasgrand-chose.—Elleesttoujoursfermée,entempsnormal,reprit-il.Etlestoursnebrillentplus,Lesboucliersontdû
êtredésactivés.Iltiraunpoignardséraphiquedesaceinture.—Ilfautquej'aillelà-bas.Lagorgeserrée,Clarymurmura:—Simon…— IlsontdûlefaireévacuerdelaGarde.Net'inquiètepas,Clary.Ilestprobablementmieuxlàoùil
est. Les démons le laisseront sans doute tranquille. Ils ne s'en prennent pas aux Créatures Obscuresd'habitude.
—Jesuisdésolée,chuchota-t-elle.LesLightwood…Alec...Isabelle...— Jahoel,criaJace,et lepoignardséraphiques'illuminadanssamainbandée.Clary, jeveuxquetu
restesici.Jereviendraitechercher.Lacolèrequibrillaitdanssesyeuxdepuisqu'ilsavaientquittélemanoirs'étaitdissipée.Lecombattant
avaitreprisledessus.Clarysecoualatête.—Non.Jeviensavectoi.—Clary...Jaces'interrompit.Uninstantplustard,Claryentenditunepulsationsourdedominéeparunbruitpareil
aucrépitementd'unénormefeudejoie.Illuifallutunbonmomentpourendevinerl'origine,dissocialesdeuxsonscommeunmusiciendécomposeennotesunmorceaudemusique.
—Cesontdes...—...loups-garous,ditJaceenregardantderrièreelle.Suivant son regard, elle lesvitdéferler sur lacollinevoisinecommeuneombrequi s'étalait.Leurs
yeuxétincelantsbrillaientdansl'obscurité.Ilsétaientdescentaines,voiredesmilliers.Leurshurlements,qu'elleavaitd'abordprispourlecrépitementd'unfeu,résonnaientdanslanuitnoire.Sonventresenoua.Elleconnaissaitlesloups-garous.Elleavaitcombattuàleurscôtés.Maisceuxqui
seprécipitaientverseuxn'étaientpaslesloupsdeLuke;personneneleuravaitdemandédeprendresoind'elle,denepasl'attaquer.EllerepensaàlaférocitédelameutedeLukequandelleétaitlâchéesurunennemi,etsoudainelleeutpeur.À côté d'elle, Jace poussa un juron. Pas le temps de dégainer une autre arme. Il l'attira contre lui,
l'enlaçant de son bras libre, et brandit Jahoel dans son autre main. La lumière du poignard étaitaveuglante.Claryserralesdents...Les loups fondirent sur eux telle une vague tandis qu’une clameur assourdissante s'élevait. Les
premièresbêtesdelameutebondirent,touscrocsdehors,etJaceagrippalatailledeClary...Au derniermoment, les loups s'écartèrent en libérant un espace d'un bonmètre autour d'eux.Clary
suivait des yeux, incrédule, deux bêtes, l'une au poil lustré etmoucheté de noir, l'autre, énorme, à lafourrure gris acier. Elles atterrirent sans bruit derrière-eux et reprirent leur course sans même leuraccorder un regard. Ils étaient cernés par les loups, et cependant aucun d'eux ne les approcha. Ilsdéfilaienttelleunearméed'ombrestandisquelalunejetaitdesrefletsd'argentsurleurpelage,déferlantcommeune vague sur Jace etClary, puis s'écartant au derniermoment.Les deuxChasseurs d'Ombresauraient toutaussibienpuêtredesstatuesvu lepeud'attentionque leurprêtaient les lycanthropesquipassaient,lagueulebéante,lesyeuxfixéssurlaroutedevanteux.Bientôt,ilsdisparurentàl'horizon.Jacesetournapourregarderfilerlesretardatairesquitentaientde
rattraperleurscompagnons.Lesilencerevint,seulementtroubléparlaclameurétoufféeprovenantdelaville.JacelâchaClaryetsonbrasquitenaitJahoelretomba.
—Riendecassé?—Qu'est-cequisepasse?murmura-t-elle.Ilsnesesontmêmepasarrêtés.—IlsvontàAlicante.Jacedégainaunautrepoignardséraphique,qu'illuitendit.—Tiens,tuenaurasbesoin.—Alorstunemelaissespasici?—Àquoibon?Onn'estensécuriténullepart.Mais...(Ilhésita.)Tuserasprudente?—Promis,réponditClary.Qu'est-cequ'onfaitmaintenant?Jacecontemplalacitéenflammesau-dessousd'eux.—Oncourt.
Ce n'était pas facile de suivre le rythme de Jace, et maintenant qu'il courait à toute allure, c'étaitpresqueimpossible.Clarysentaitqu'ilseforçaitàralentirpourl'attendre,etquecelaluicoûtait.La route s'aplanissait au pied de la colline et serpentait parmi un bouquet d'arbres aux branches
touffues,créant l'illusiond'untunnel.QuandClarydébouchade l'autrecôté,elleaperçutdevantelle laPorteduNord.Au-delà,elledistinguadesflammesainsiqu'uneépaissenappedefumée.Jacel'attendait,posté sous l'arche. Il tenait Jahoel dans une main et un second poignard séraphique dans l'autre, etpourtantleursdeuxhaloscombinésseperdaientdanslaclartééblouissantedelacitéenflammes.
—Lesgardes!s'écria-t-elle,pantelante,enlerejoignant.Oùsont-ilspassés?—L'und'euxestlà-bas,derrièrecebosquet.
Jaceindiquadumentonladirectionparlaquelleilsétaientarrivés.—Ilsl'ontmisenpièces.Non,neregardepas.(Ilbaissalesyeux.)Tutiensmaltonpoignard.Comme
ça ajouta-t-il en joignant le geste à la parole. Et tu vas devoir invoquer un ange. Cassiel me paraîtindiqué.
—Cassiel,répétaClary,etlepoignards'illumina.Jaceladévisageacalmement.
— J'aurais aimé avoir le temps de te préparer à tout tu ça.Bon, en théorie, quand on a aussi peud'entraînementquetoi,onnedevraitpaspouvoirseservird'unpoignardséraphique.Jem'ensuisétonnéparlepassé,maismaintenantqu'onsaitcequ'afaitValentin...Claryn'avaitaucuneenvied'évoquercesujet.—Oualorstuaspeurqu'avecunbonentraînementjedeviennemeilleurequetoi.Jaceesquissaunpâlesourire.—Quoiqu'iladvienne,Clary,resteavecmoi.Compris?Ilplantasonregarddanslesiencommepourexigerunepromessesilencieuse.
Sansqu'ellepuisses'expliquerpourquoi,lebaiserqu'ilsavaientéchangédansl'herbe,surlapropriétédesWayland,luirevintenmémoire.Illuisemblaquecemomentétaitàdesmillionsd'années,commesic'étaitarrivéàquelqu'und'autre.—Jeresteavectoi.—Bien,dit-ilensedétournant.Allons-y.Ils franchirent la porte côte à côte. Comme ils pénétraient dans la ville, elle prit conscience de la
clameurdelabataillecommesiellel'entendaitpourlapremièrefois:unmurdesonsoùsemêlaientcrishumainsetrugissementsdebêtes,fracasdeverrebriséetcrépitementsdeflammes.Ellesentitsonsangbattredanssesoreilles.La cour au-delà de la porte était déserte. Des silhouettes recroquevillées gisaient çà et là sur les
pavés ;Clary se forçaàdétourner le regard. Jace l'entraînaversune ruevoisine ; apparemment, ilnetenait pas à rester à découvert.A cet endroit, les vitrines des échoppes avaient été saccagées et leurcontenu éparpillé dans la rue. Une forte odeur de détritus flottait dans l'air. Clary la reconnut sur-le-champ.Ellesignalaitlaprésencededémons.
—Parici,soufflaJace.Ils s'engagèrent dans une autre ruelle étroite. Un feu brûlait à l'étage d'une desmaisons bordant la
chaussée mais, visiblement, l'incendie n'avait pas gagné les autres bâtiments. Bizarrement, Clary seremémoradesphotosduBlitzàLondresquimontraientladestructionfrappantauhasard.Levantlesyeux,elles'aperçutquelaforteressedominantlavilleétaitcernéeparunnuagedefumée
noire.—LaGarde!—Jetel'aidit,ilsontévacué...Jaces'interrompitaumomentoùilspénétraientdansuneruepluslarge.Là,plusieurscorpsgisaientsur
la route. Certains étaient des enfants. Jace s'élança et, après une hésitation, Clary le suivit. En serapprochant, elle constata qu'ils étaient trois.Aucund'eux, songea-t-elle avec un soulagementmêlé deculpabilité, S'était assez âgé pour êtreMax.Non loin se trouvait le corps d'un vieil homme, les brasécartéscommes'ilavaittentédefairebarragedesonproprecorpspourprotégerlesenfants.Soudain,Jacesefigea.—Clary...Retourne-toi.Lentement.Claryobéit.Derrièreelle,ilyavaitunepâtisseriedontlavitrineétaitcassée.Lesrestesdesgâteauxen
expositionétaientéparpillésparmileséclatsdeverreetlesang;leurglaçageformaitdelonguestraînéesrosessur lespavés.Uneénormecréature informeetvisqueuses'extirpade lavitrine.Deuxrangéesdedentsémergeaientde soncorpsallongé,mouchetédedébrisdeverre, commes'il s'était roulédansdusucre.Ledémonatterritsurlespavésetrampadansleurdirection.Àlavuedececorpssuintantetflasque,
Clarysesentitprisedenausée.Ellereculaetmanquas’affalersurJace.—C'estunBéhémoth,expliqua-t-ilsansquitterdesyeuxlacréature.Ilsmangenttoutetn'importequoi.—Mêmeles…?—Oui,mêmeleshumains.Resteàl'arrière.Sanssefaireprier,ClaryseréfugiaderrièreJaceengardantleregardfixésurleBéhémoth.Quelque
chosechezcemonstreladégoûtaitencoreplusquetouslesdémonsqu'elleavaitcroisésjusque-là.Ilsemouvaitcommeunelimaceaveugle,etsuintait...Parchance,iln'avançaitpastrèsvite.Jaeen'auraitpasbeaucoupdemalàl'éliminer.Commes'illisaitdanssespensées,ilsejetasurledémonenfendantl'airdesonpoignardséraphique.
Lalames'enfonçadansledosdelabêteaveclemêmebruitquelorsqu'onécraseunfruittropmûrd'un
coupde talon.Un spasme le parcourut, puis il disparut et se reformabrusquement, à quelques pas del'endroitoùilsetrouvaituninstantplustôt.Jacerecula.—C'estbiencequejecraignais,marmonna-t-il.C'estundémonsemi-corporel.Ceseradifficiledele
tuer.— Alorslaissetomber,gémitClaryenletirantparlamanche.Aumoins,ilsedéplacelentement.Ça
nouslaisseletempsdefuir.
Jace la suivit à contrecœur. Ils s'apprêtaient à revenir sur leurspas, quand ledémon sematérialisajuste devant eux, pour leur barrer le passage. Il avait grossi, semblait-il. Il émit un bruit étouffé,semblableauxstridulationsfurieusesd'uninsecte.
—J'ail'impressionqu'iln'apasenviequ'ons'enaille.—Jace...Maisilseruaitdéjàsurlacréatureenfaisanttournoyersonpoignardpourladécapiter.Elledisparut
denouveaupourréapparaîtreuninstantplustard,cettefoisderrièrelui,etsedressadetoutesahauteur,révélantunventrecouvertdestriescommeceluid'uncafard.Jacefitvolte-faceetplantasonpoignarddanssonabdomen.Unliquideverdâtre,épaiscommedumucus,éclaboussalalame.Jace recula avec une grimace de dégoût. Le Béhémoth avait repris ses stridulations ; du liquide
s'écoulaitencoredesablessure,maisilContinuaitàprogresserd'unairdécidé.—Jace!criaClary.Tonpoignard...Jacebaissalesyeux.LemucusproduitparledémonavaitrecouvertlalamedeJahoel,ternissantson
éclat.SousleregardébahideJace,lepoignards'éteignitcommeunfeuenterrésouslesable.Illelaissatomberavecunjuronavantquelasubstancevisqueusen'aitpul'atteindre.LeBéhémothrepartitàl'assaut.Jacesebaissaet,s'interposantentreluietledémon,Clarylançason
poignardquiallaseficherjusteendessousdesdentsdelacréatureavecunbruitrépugnant.Ellerecula,horrifiée,aumomentoùledémonétaitsecouéd'unautrespasme.Apparemment, ildevaitdépenserunecertainequantitéd'énergiepoursereformerchaquefoisqu'ilétaitblessé.S'ilsparvenaientàl'atteindreplusieursfoisdesuite...Ducoindel'œil,Claryvitunéclairdefourrurebrunetgriss'avanceràtoutealluredansleurdirection.
Ilsn'étaientplusseulsdanslarue.Jaceseretourna,lesyeuxécarquillés.—Clary!Derrièretoi!Claryfitvolte-face,Cassielàlamain,aumomentoùleloupsejetaitsurelle,lesbabinesretroussées
sursescrocs. Jacecriaquelquechosequ'ellen'entenditpas,maiselle lutde lapeurdanssesyeux,ets'écartabrusquementpourlaisserlepassageauloup.Ilpassaprèsd'elle,toutesgriffesdehors,lecorpsarc-bouté,etplaqualeBéhémothausolavantdeledéchiqueterdesescrocs.Le démonpoussa un hurlement ou quelque chose d'approchant : une espèce de gémissement suraigu
évoquantlebruitd'unballonquisedégonfle.L'écrasantdetoutsonpoids,leloupavaitenfouilemuseaudanssamassevisqueuse.Ilfrémit,sedébattitdansunderniereffortpoursereformer,maisleloupneluienlaissapasletemps.Sescrocss'enfoncèrentunpeuplusprofondément,etilarrachadegrosmorceauxdechairtremblotantecommedelagelée,sanssesoucierduliquideverdâtrequijaillissaitdelacréature.UndernierspasmeagitaleBéhémoth,sesdentsacéréesclaquèrentcommeilsedébattait,puisildisparut,nelaissantderrièreluiqu'uneflaquegluante.Le loup émit un grognement de satisfaction et se tourna vers Jace et Clary, les yeux brillants. Jace
dégainaunautrepoignarddesaceintureetlebranditd'unairmenaçant.Leloupgronda,lespoilshérissés
lelongdesonéchine.ClaryretintJaceparlebras.—Non...arrête.—C'estunloup-garou,Clary...—Ilatuécedémonpournoussauver!Ilestdenotrecôté.AvantqueJacepuisselarattraper,elles'avançalentementversleloup,lesmainstendues,etluiparla
d'unevoixdouce:—Pardon.Onestdésolés.Onsaitquetunenousveuxaucunmal.Elles'arrêtacommelabêtelaconsidéraitd'unairimpassible.—Qui...quies-tu?reprit-elle.JetantunregardàJacepar-dessussonépaule,ellefronçalessourcils.—Poseça,tuveux?Jaceparut sur lepointde luiexpliqueren termesnonéquivoquesqu'ilne fallait jamaisdéposer les
armesfaceaudangermais,avantqu'ilaitpuprononcerunmot,lelouppoussaungrognementetsedressadetoutesahauteur.Sespattesetsondoss'allongèrent,samâchoireserétracta;quelquessecondesplustard,unejeunefillesetenaitdevanteux.Elleportaitunetuniqueblanchecrasseuse,sescheveuxcrépusétaienttressésàl'africaineetunecicatriceluibarraitlagorge.
— Commentça,qui jesuis?maugréa-t-elleavecunegrimace.Jen'arrivepasàcroirequevousnem'ayezpasreconnue.Lesloupsn'ontpastouslamêmeApparence,voussavez.Ah,leshumains!Clarypoussaunsoupirdesoulagement.—Maia!—Ehoui.Commed'habitude,jeviensvoussauverlamise,répliqua-t-elleensouriant.Elleétaitcouvertedesangetd'ichor;silestraînéesrougeetnoirétaientmoinsvisiblessursafourrure
deloup,ellesjuraientsursapeausombre.Elleportalamainàsonventre.—Pouah,dégoûtant!Direquej'aimâchécetruc!J'espèrequejenesuispasallergique.—Qu'est-cequetufabriquesici?demandaClary.Onestcontentsdetevoir,hein,mais...—Vousn'êtespasaucourant?s'écriaMaiaendévisageanttouràtourJaceetClaryavecstupéfaction.
C'estLukequinousafaitvenir.—Luke?Lukeestici?Maiahochalatête.—IlnousademandédelerejoindreàIdris.Onaprisl'avionjusqu'àlafrontièreetparcourulerestedu
cheminàpied.Lesautresmeutessesonttéléportéesdanslaforêt,oùons'étaittousdonnérendez-vous.LukenousaexpliquéquelesNephilimavaientbesoindenotreaide...Vousnesaviezpas?
—Non,réponditJace,etjedoutequel'Enclaveenaitétéinformée.Ilsn'aimentpastropréclamerl'aidedesCréaturesObscures.Maiaseraidit,lesyeuxétincelantdecolère.—Sansnous,vousaurieztousétémassacrés.Iln'yavaitpersonnepourprotégerlavilleànotrearrivée.—Tais-toi,intervintClaryenjetantunregardnoiràJace.Jeteremerciedufondducœurdenousavoir
sauvés,Maia, et Jace aussi,même s'il préférerait se creverunœil quede l'admettre.Pas lapeinedemettra de l'huile sur le feu, s'empressa-t-elle d'ajouter en voyant l'expression deMaia, on n'a pas detempsàperdre.Ilfautqu'onailletoutdesuitechezlesLightwood,ensuitej'essaieraideretrouverLuke...
— LesLightwood?Jecroisqu'ilssesontréfugiésdanslaSalledesAccords.C'estlàqu'onemmènetoutlemonde.J'aivuAlec,entoutcas,etpuislesorcier,celuiaveclescheveuxcoiffésenépis.Magnus.
—SiAlecestlà-bas,alorslesautresaussi.Envoyantl’airsoulagédeJace,Clarydutseretenirdeleprendredanssesbras.—Cen'estpasbêtederassemblertoutlemondelà-bas,reprit-il.C'estunendroitsûr.
Ilglissasonpoignardséraphiquedanssaceinturés—Allons-nous-end'ici.
Clary reconnut l'intérieurde laSallédesAccordsdés l'instantoùelleentra.C'était l'endroitqu'elleAvaitvudanssonrêve,lorsqu'elleavaitdanséavecSimonpuisavecJace.«C'estlàquej'essayaisd'allerquandj'aifranchilePortail»,songea-t-elleenbalayantduregardles
murs blancs et le plafond haut avec son énorme verrière à travers laquelle elle distinguait le cielnocturne.Lasalle,quoique trèsvaste, luisemblaitpluspetiteetmoins luxueusequedanssonrêve.Lafontaineornéed’unesirènetrônaitensoncentre;siellefonctionnaitencore,elleparaissaitternie,etlesmarchesqui y conduisaient étaient occupéespar des rescapés, blessés pour la plupart.DesChasseursd'Ombres se pressaient dans tous les coins, s'arrêtant de temps à autre pour examiner un visage dansl'espoirderetrouverunparentonunami.Lesolétaitsouillédeboueetdesang.CequifrappaClaryenparticulier,c'étaitlesilencequirégnaitdanslasalle.ChezlesTerrestres,dans
les heures qui suivaient une catastrophe, les gens s'interpellaient, poussaient des hurlements. Or, onn'entendaitpasunbruit.Lessurvivantsétaientassisensilence;certainsavaientlatêtedanslesmains,d'autresregardaientdanslevague.Lesenfantsétaientblottiscontreleursparents,maisaucunnepleurait.Claryremarquaaussi, tandisqu'elletraversait lasalle,JaceetMaiaàsescôtés,ungrouped'individusdébraillésquiformaientuncercleprèsdelafontaine.Ilssetenaientàl'écartdelafoule,etenlesvoyantMaiasourit.—Mameute!S’exclama-t-elleenseprécipitantverseux,nes'arrêtantquepourjeteruncoupd'œilà
Clary.JesuissûrequeLukeestquelquepartdanslesparages,ajouta-t-elleavantderejoindrelegroupe,quiseresserraautourd'elle.L'espace d'un instant, Clary se demanda ce qu'il adviendrait si elle décidait de suivre la jeune
lycanthrope.L'accueilleraient-ils comme l'amie deLuke ou la traiteraient-ils avecméfiance, aumêmetitrequen'importequelChasseurd'Ombres?
—Restelà,ditJacecommes'ilvenaitdeliredanssespensées.Cen'estpasunebonne…Claryn'eutpasletempsderépliquer,carelleentenditquelqu'uncrierlenomdeJace,etAlecs'avança
verseux,pantelant,enjouantdescoudesparmilafoule.Ilavaitlescheveuxendésordreetsesvêtementétaienttachésdesang.Lesoulagementet lacolèresepeignaientsursonvisage.IlagrippaJaceparledevantdesaveste.
—Oùétais-tupassé?—Quoi?fitJace,indigné.Aleclesecouasansménagement.—Tuétaiscenséallerfaireuntour!Qu'est-cequetuasfabriquépendantsixheures?—C'étaitunelonguepromenade.—Jevaistetuer,marmonnaAlecenlâchantlavestedeJace.J'ysongesérieusement.—Ceseraitcontre-productif,non?Jacejetaunregardautourdelui.—Oùsontpasséslesautres?—IsabelleetMaxsontchezlesPenhallowavecSébastien.Mesparentssontpartisleschercher.Aline
esticiavecsesparents,maiselleneparlepasbeaucoup.Elleapasséunmauvaisquartd'heureavecundémonRahabprèsd'uncanal.Isaluiasauvélavie.
—EtSimon?demandaClary,inquiète.Tul'asvu?IlauraitdûrevenirdelaGardeaveclesautres.Alecsecoualatête.
— Non,iln'estpaslà.Maisjen'aipasvunonplusl'InquisiteuretleConsul.Ildoitêtreaveceux.Ilsontpeut-êtrefaithaltequelquepartou…Ils'interrompit.Unmurmurevenaitdeparcourirlasalle.Claryvitlegroupedelycanthropesleverla
têtecommeunemeutedechiensdechasseflairantungibier.Elleseretourna…EllevitLukes'avancer,épuiséetcouvertdesang.Oubliantsacolère,ellecourutau-devantdelui,trop
heureusedelesavoirenvie.Ilparutsurprisenl'apercevant,puissourit,lasoulevadanssesbrascommequandelleétaitpetitefilleetlaserracontresoncœur.Uneodeurdesangetdefumées'accrochaitàsesvêtements. Elle ferma les yeux pendant quelques secondes et repensa à la manière dont Alec s'étaitagrippé à Jace à son arrivée. C'était pareil dans toutes les familles : quand on s'était inquiété pourquelqu'un,on leprenaitdans sesbrasen le sermonnantunpeu, et la colère retombaitvite.Cequ'elleavaitditàValentinétaitlastrictevérité.Lukeétaitsafamille.Illareposaàterreavecunegrimacededouleur.—Doucement,marmonna-t-il.Undémonm'aeuàl'épauleprèsdupontdeMerryweather.Ils'interrompitpourexaminerlevisagedeClary.—Ettoi,tuvasbien?—Quelspectacletouchant!fitunevoixglacialederrièreeux.Claryseretourna.Unhommedehautestatures'avançaverseuxenfaisantvoler lespansdesacape
bleue.Sonvisageàmoitiédissimulésousuncapuchonévoquaitceluid'unestatue,avecsespommettessaillantes,sonprofild'aigleetsespaupièresépaisses.
— Lucian, reprit-il sans accorder un regard à Clary, J'aurais dû deviner que c'était toi qui avaisorchestrécette...cetteinvasion.
—Invasion?répétaLuke,etsoudain,sameutevintseposterjustederrièrelui.Ilsavaientbougésivitequ'ilssemblaientsurgisdenullepart.—Cen'estpasnousquiavonsenvahilaville,Consul.C'estValentin.Nousessayonsseulementdevous
aider.— L'Enclaven'apasbesoindevous.VousavezenfreintlaLoienpénétrantdanslaCitédeVerre.Tu
devraislesavoir.—Vousêtesenmauvaiseposture,çacrèvelesyeux.Sinousn'étionspasvenus,laplupartd'entrevous
seraientmortsàl'heurequ'ilest.Lukeparcourutlasalledesyeux;plusieursgroupesdeChasseursd'Ombress'étaientrapprochéspour
lesécouter.Certainssoutinrentsonregardtandisqued'autresbaissaientlatête,l'airhonteux.Cependant,constataClaryavecétonnement,aucund'euxnesemitencolère.
—Sijesuisvenuaujourd'hui,c'estpourteprouverquelquechose,Malachi,repritLuke.—Quoidonc?rétorqualeConsulavecfroideurs—Vous avez besoin de notre aide pour vaincraValentin. Je ne parle pas seulement des lycanthropes
maisdetouteslesCréaturesObscures.—Quepouvez-vouscontreValentin?lâchaMalachiavecdédain.Jetecroyaisplusmalin,Lucian.Tu
étais des nôtres, autrefois. Pour affronter tous les dangers et protéger le monde du mal, nous avonstoujoursétéseuls.NouscombattronsValentinavecnospropresarmes.LesCréaturesObscuresferaientmieuxdes'écarterdenotrechemin.NoussommesdesNephilim:nousmenonsseulsnosbatailles.
—Cen'estpastoutàfaitvrai,intervintunevoixsuave.Magnus Bane s'avança, vêtu d'un long manteau scintillant. Il portait une ribambelle d'anneaux aux
oreillesetaffichaitunairnarquois.—Vousavezfaitappelauxsorciersplusd'unefoisparlepassé,etvouslesavezpayésgrassement.Malachifronçalessourcils.
—Jenemerappellepast'avoirinvitéàséjournerdanslaCitédeVerre,MagnusBane.—Tunel'aspasfait.Lesbouclierssontdésactivés.—Vraiment?répliqualeConsuld'untonlourddesarcasme.Jen'avaispasremarqué.— C'est terrible, ironisaMagnus en feignant l'inquiétude.Quelqu'un aurait dû vous prévenir. (Il se
tournaversLuke.)Dis-lui,toi,quelesbouclierssontdésactivés.Lukesemblaitexaspéré.— Malachi,pourl'amourduciel,noussommesforts.Noussommesnombreux.Commejetel'aidéjà
dit,nouspouvonsvousaider.LavoixduConsulmontad'unton.—Etmoijetedisquenousnevoulonspasdevotreaide!Unpetitgroupes'étaitrassemblépourassisteràlaquerelleopposantLukeauConsul.Unefoiscertaine
quepersonneneprêtaitattentionàelle,ClaryrejoignitdiscrètementMagnusetluiglissaàl'oreille:—Viens,ilfautquejeteparle.Profitons-enpendantqu'ilssechamaillent.Magnusluilançaunregardinterrogateur,puishochalatêteet l'entraînaàl'écartenfendantlafoule,
Apparemment,aucundesChasseursd'Ombresetdesloups-garousrassemblésn'avaitàcœurdebarrerlepassageàcesorcierquilestoisaitduhautdesonmètrequatre-vingt-cinq,avecsesyeuxdechatetsonsourireinquiétant.
—Qu'est-cequ'ilya?demanda-t-il.—J'ailelivre.Clarysortitl'ouvragedelapochedesonmanteaudéchiréenimprimantdestracesdedoigtssalessur
sacouvertureivoire.—JesuisalléedanslemanoirdeValentin.Ilétaitdanslabibliothèque,commetul'asdit.Et...(Ellese
tutenrepensantàl'angeemprisonnédanslacave.)Aucuneimportance.Tiens,prends-le,ajouta-t-elleentendantleLivreBlancàMagnus.Illeluipritdesmainsetenfeuilletaquelquespagesenouvrantdesyeuxémerveillés.—C'estencoremieuxquecequ'onm'avaitraconté,annonça-t-il,ravi.J'aihâtedemepenchersurces
sortilèges.—Magnus!LetonsecdeClaryleramenaàlaréalité.—Mamèred'abord.Tuaspromis.—Etjetiendraimapromesse,déclaralesorcieravecunhochementdetêtesolennel.—Ilyaautrechose,ajouta-t-elleenpensantàSimon.Avantquetut'enailles...—Clary!fitunevoixpantelantederrièreelle.Etonnée,ClarytournalatêteetseretrouvanezànezavecSébastien.Ilétaitsanglédanssatenuede
Chasseurd'Ombresquiluiallaitàmerveille,songea-t-elle,commes'ilétaitnépourlaporter.Alorsquetout lemonde autour de lui était dépenaillé et couvert de sang, il était indemne à l'exception de deuxégratignuressursajouegauche.—Jem'inquiétaispourtoi.JesuispasséchezAmatisencheminversici,maistun'yétaispasetelle
m'aditqu'ellenet'avaitpasvue...—Jevaisbien.Claryjetauncoupd'œilàMagnus,quiserraitleLivreBlanccontresapoitrine.—Ettoi?reprit-elle.Tonvisage…Elle tendit la main pour toucher sa blessure qui saignait encore. Sébastien haussa les épaules et
repoussasonbras.— Unefemelledémonm'aattaquéprèsdelamaisondesPenhallow.Maisjevaissurvivre.Qu'est-ce
quisepasse?—Oh,rien.JebavardaisavecMa...Ragnor,réponditprécipitammentClary,s'apercevantavechorreur
queSébastienneconnaissaittoujourspaslavéritableidentitédeMagnus.—Maragnor?fit-ilenlevantlessourcils.Bon.Qu'est-cequec'estqueça?Illançauncoupd'œilintriguéauLivreBlanc.ClaryregrettaitqueMagnusn'aitpasprisl'initiativede
lecacher.Illetenaitdesortequeleslettresimpriméessurlacouverturesoientbienvisibles.MagnusconsidéraSébastienpendantquelquesinstantsenlejaugeantdesesyeuxdechat.—C'estunlivredesortilèges.RienquipuisseintéresserunChasseurd'Ombres,donc.—Ilsetrouvequematantecollectionnecesouvrages.Jepeuxyjeteruncoupd'œil?Sébastientenditlamain.AvantqueMagnusaitpurefuser,Claryentenditquelqu'unl'appelerparson
nom,etvitJaceetAlecs'avancerverseuxaupasdecharge.Nil'unnil'autrenesemblaitréjouidevoirSébastien.
—Jecroyaist'avoirdemandéderesteravecMaxetIsabelle!s'écriaAlec.Tulesaslaissésseuls?Sébastien,quiavaitlesyeuxfixéssurMagnus,setournalentementversAlec.— Tes parents sont arrivés comme tu l'avais prévu, répliqua-t-il froidement. Ils m'ont envoyé te
prévenirquetoutlemondeallaitbien.Ilssontenchemin.—Ehbien,fitJaced'untonlourddesarcasme.Mercid'avoirtransmislemessagedèstonarrivée.—Jenevousaipasvustoutdesuite.J'aid'abordrepéréClary.—C'estparce-quetulacherchais.—Jedevaisluiparlerseulàseul.IlsetournaversClary,etl'intensitédesonregardlamitmalàl'aise.Ellenepouvaitmalheureusement
pasluiexpliquerqu'ilnedevaitpasladévisagerainsienprésencedeJaceet,enoutre,ilavaitpeut-êtreuneinformationimportanteàluiconfier.Ellehochalatête.
—D'accord.Justeuneseconde.VoyantJacesefiger,elleajouta:—Jerevienstoutdesuite.MaisJacenelaregardaitpas;ilavaitlesyeuxrivéssurSébastien.Laprenantparlepoignet,ill'entraînaverslafoule.Ellejetauncoupd'œilenarrière.Ilsavaienttous
leregardfixésurelle,ycomprisMagnus.Ellelevitsecouerimperceptiblementlatête.Elles'arrêtanet.—Sébastien!Stop.Qu'ya-t-il?Qu'est-cequetuasàmedire?Sanslâchersonpoignet,ilrépondit:—J'aipenséqu'onpourraitallerfaireuntourdehorshistoiredediscuterenprivé...—Non.Jeveuxresterici.!LavoixdeClarytremblaitunpeu,commesiellehésitait.Sedégageantd'ungestebrusque,ellereprit:—Qu'est-cequit'arrive?—LelivrequeFelltenaitàlamain...LeLivreBlanc...Tusaisoùilsel'estprocuré?—C'estdeçaquetuvoulaismeparler?— C'estunmanuelde sortilègesextrêmementpuissant. Ilyabeaucoupdegensqui lecherchent, et
depuistrèslongtemps.Clarypoussaunsoupirexaspéré.—Trèsbien,Sébastien.Voilà:cesorciern'estpasRagnorFellmaisMagnusBane.—MagnusBane?SébastienpivotasursestalonspourobserverMagnusavantdeposerunregardaccusateursurClary.—Tulesavaisdepuisledébut,pasvrai?TuconnaisBane.— Oui,etjetedemandepardon.Maisilnevoulaitpasquejeterévèlesonidentité.Etilestleseulà
pouvoirm'aider.C'est pourquoi je lui ai donné leLivreBlanc. Il contient un sortilège susceptible desauvermamère.Les yeux de Sébastien étincelèrent, et Clary eut le même sentiment de malaise qu'après l'avoir
embrassé;commesi,faisantunpasaveclacertitudedefoulerlaterreferme,elleétaittombéedanslevide.
— TuasdonnéleLivreBlancàunsorcier?s'exclama-t-ilen l'agrippantdenouveaupar lepoignet.UnesaleCréatureObscure?Clarysefigea.— Comment peux-tu dire une chose pareille? s'indigna-t-elle en baissant les yeux sur la main de
Sébastienquiluienserraitlepoignet.Magnusestmonami.Sébastiendesserrasonétreinte.—Pardon.Jen'auraispasdû.C'estjuste...TuconnaisbienMagnusBane?—Mieuxquejeteconnais,c'estcertain,rétorqua-t-elled'untonglacial.Tournantlatêteversl'endroitoùelleavaitlaisséMagnus,JaceetAlec,elleconstataavecsurpriseque
Magnusavaitdisparu.Restésseuls,AlecetJacelesobservaientd'unairdésapprobateur.Suivantsonregard,Sébastienserembrunit.—J'aimeraisbiensavoiroùilestpartiavectonlivre.—Cen'estpasmonlivre,aboyaClary.Jeleluiaidonné.Etcenesontpastesaffaires,detoutefaçon.
Ecoute,c'étaittrèsgentildetapartdem'aideràchercherRagnorFellhier,maislà,tumedonnesfroiddansledos.Jeretourneauprèsdemesamis.Elles'apprêtaitàs'éloignerquandilluibarralepassage.—Jeregrette.Jen'auraispasdûdireça.Seulement,Voilà...tunesaispastout,Clary.—Explique-moi.—Allonsdehors,jeteraconteraitoutel'histoire,dit-ild'untonpressant.Clary,jet'enprie.
Ellesecoualatête.—IlfautquejerestepourattendreSimon.
C'étaitenpartielavérité.—D'aprèsAlec,ilsramènentlesprisonniersici...—Clary,personnenet'aprévenue?Ilslesontlaisséslà-bas.Jel'aientendudelabouchedeMalachi.
IlsontévacuélaGarde,maisilsn'ontpasemmenélesprisonniersaveceux.D'aprèsMalachi,cesdeux-làsontdemècheavecValentin,detoutefaçon.Onnepouvaitpasleslibérer,c'étaittroprisqué.Soudain,Clarysesentitprisedevertige,aubordîlelanausée.—Tumens.—Jetejurequec'estlavérité.LamaindeSébastienserefermadenouveausursonpoignet,etellechancela.—Jepeuxt'emmeneràlaGarde.Jet'aideraiàlesortirdelà.Maistudoismepromettreque...—Ellen'arienàtepromettreSébastien,intervintJace.Lâche-la.Stupéfait,Sébastiens'exécuta.ClarysetournaversJaceetAlec,quiaffichaientunairsévère.Lamain
deJaceétaitposéesurlemanchedupoignardséraphiquequipendaitàsaceinture.—Claryfaitcequ'elleveut,protestaSébastienavecuneexpressionfigée,inquiétantesurlevisage.Or,
làelleveutveniravecmoi.Nousallonssauversonami,Celuiquevousavezjetéenprison.Alecblêmit,maisJacesecoualatête.—Jenet'aimepas,observa-t-ild'unairsongeur.Jesaisquetoutlemondet'apprécie,Sébastien,mais
pasmoi.C'estpeut-êtrejustementparcequetufaistropd'effortspourgagnerl'estimed'autrui.Oualorsj'ail'espritdecontradiction.Maisjenet'aimepas,etjen'aimepastafaçondet'agripperàmasœur.Si
elleveutallerchercherSimonàlaGarde,trèsbien.Elleiraavecnous,pasavectoi.—C'estàelledechoisir,non?rétorquaSébastienaveclamêmeexpression.TousdeuxsetournèrentversClary.Ellejetauncoupd'œilversLuke,quisedisputait toujoursavec
Malachi.—Jeveuxresteravecmonfrère.Unelueurindéchiffrables'allumadansleregarddeSébastien,maisunefractiondesecondeplustard,
elleavaitdisparu.SiClaryneputl'identifier,ellesentitsescheveuxsedressersursanuque,commesiunemainglacéevenaitdel'effleurer.
—Çavadesoi,lâcha-t-ilavantdes'effacerpourleslaisserpasser.Alecprit la têtedutrioenpoussantJacedevant lui.Ilsétaientàmi-chemindelaportequandClary
ressentitunevivebrûlureauniveaudupoignet.Ellebaissa lesyeux, s'attendantà trouverunemarquerougeàl'endroitoùlesdoigtsdeSébastienl'avaientagrippée,maisnevitrienàl'exceptiond'unetraînéedesangsursamanche,quiavaitdûfrôlerlablessurequ'ilavaitauvisage.Fronçantlessourcils;ellepressalepaspourrattraperlesautres.
12.DeProfundis
LESMAINSDESIMONétaientpoisséesdesang.Ils'étaitbrûlélespaumesàforcedes'acharnervainementsurlesbarreauxdesacellule,etavaitfini
pars'effondrersurlesol,horsd'haleine.Lesyeuxfixéssursesmains,ilavaitregardéd'unairhébétéleslésionsserefermeretlapeaunoirciesedesquameaussivitequesurunevidéodiffuséeenaccéléré.Del'autrecôtédumur,Samuelpriait.Simon,lui,nelepouvaitpas.Ilavaitdéjàessayéauparavant:le
nomdeDieuluibrûlaitlalangueets'étranglaitdanssagorge.Ilsedemandapourquoiilpouvaitformulerdesmotsparlapenséesanspourautantêtrecapabledelesprononcer.Luiquipossédaitlavieéternelleetlepouvoirdesepromenerausoleildemidinepouvaitmêmepasrécitersadernièreprière.Lafuméeavaitcommencéàs'immiscerdanslecouloir.Uneodeurdebrûléluimontaitauxnarines,et
ilentendaitlecrépitementdufeuquis'étendait.Pourtant,ilsesentaitétonnammentdétaché.Quelleironied'avoirobtenulavieéternellepour«mourir»brûlévifàl'âgedeseizeans!Unevoix étouffée lui parvint par-dessus le craquementdes flammes. «Simon ! »La fuméedans le
couloirétaitunsigneavant-coureurdelachaleurquil'oppressaitmaintenantcommeunmur.—Simon!C'étaitlavoixdeClary.Ill'auraitreconnueentretoutes.Ilsedemandasicen'étaitpaslefruitdeson
imagination,unsouvenirsensorieldel'êtrequ'ilavaitleplusaimédanssavie,l'accompagnantjusqu'auseuildelamort.
—Simon!Espèced'idiot.Jesuislà!Àlafenêtre!Simonselevad'unbond.Soncerveaun'auraitpaspuimaginerça...Atraversl'écrandefumée,ilvit
quelque chose bouger derrière les barreaux. En se rapprochant, il s'aperçut que des mains s'ycramponnaient.Ilmontasurlelit,etcriapar-dessuslechuintementdesflammes.
—Clary?—Oh,mercimonDieu!Unemainsetenditverslui,lesaisitparl'épaule.—Onvatesortirdelà.—Comment?s'écriaSimon,nonsansraison,maisilyeutunremue-ménageau-dehors,etlesmainsde
Clary disparurent, bientôt remplacées par d'autres plus grandes, indubitablement masculines, auxphalangescouvertesdecicatricesetterminéespardelongsdoigtsdepianiste.
—Tienslecoup.LavoixdeJaceétaitcalme,confiantecommes'ilsbavardaientàl'occasiond'unefêteetnonàtravers
lesbarreauxd'undonjonenflammes.—Tudevraispeut-êtrereculer,reprit-il.Simons'exécutadocilement.LesmainsdeJaceagrippèrentlesbarreaux.Ilyeutuncraquementsonore,
et la fenêtre céda avant de s'écraser juste à côté du lit.Une pluie de gravats s'abattit dans la cellule,formantunnuageblanc.LevisagedeJaces'encadradansl'ouverture.—Viens,Simon!cria-t-ilensepenchant.Simon prit lesmains de Jace et se laissa hisser vers la surface. Prenant appui sur le rebord de la
fenêtre,ilseglissaau-dehors.Uninstantplustard,ils'affalaitdansl'herbehumide.Levantlesyeux,ilvituncercledevisagesanxieuxau-dessusdelui.
—Tuasunesalemine,vampire,observaJace,Qu'est-cequiestarrivéàtesmains?
Simons'assitdansl'herbe.Sesblessuress'étaientrefermées,maislapeauétaitencorenoireàl'endroitoùilavaitagrippélesbarreaux.Avantqu'ilaitpuprononcerunmot,Claryleserradanssesbras.
—Simon!JenesavaismêmepasquetuétaisàIdris.Jusqu'àhiersoir,jetecroyaisàNewYork…—Ehbien,moinonplusjenesavaispasquetuétaisici.(IljetaunregardnoiràJace.)Enfait,onm'a
explicitementaffirmélecontraire.—Jen'aijamaisrienditdetel,protestaJace.Jemesuissimplementgardéderétablirlavérité.Etpuis
jeviensdet'éviterd'êtrebrûlévif,alorstun'aspasledroitdetemettreencolère.Brûlévif.SimonsedétachadeClaryet jetaunregardautourdelui. Ilsse trouvaientdansunjardin
cernésurdeuxcôtésparlesmuraillesdelaforteresse,etsurlesdeuxautresparunbosquettouffu.Uneallésdegravierserpentaitentrelesarbresendirectiondelaville;elleétaitbordéedetorches,éteintespour la plupart. Il leva les yeux vers la Garde. D'ici, on aurait à peine pu deviner qu'il y avait unincendie:unmincepanachedefuméenoiresedéroulaitdansleciel,etlalumièrequibrillaitauxfenêtresavaitunéclatparticulier,maislesmursépaisdel'édificeavaientréussiàgarderlesecret.
—IlfautlibérerSamuel,décréta-t-il.—Quiça?lançaClary.—Jen'étaispasleseulprisonnier.Samuelsetrouvedanslacellulevoisinedelamienne.—Letasdehaillonsquej'aivuparlafenêtre?S'enquitJace.—Oui.Ilestunpeubizarre,maisc'estunbravehomme.Onnepeutpaslelaisserici.Simonserelevapéniblement.—Samuel!Pasderéponse.Ilcourutjusqu'àlafenêtrebasse,muniedebarreaux,quijouxtaitcelleparlaquelleil
s'étaitévadé,etnedistinguaqu'uneépaissenappedefumée.—Samuel!Vousêteslà?Uneformevoûtéeremuadanslesténèbres.D'unevoixaltéréeparlafumée,Samuelrépondit:—Laissez-moitranquille!Allez-vous-en!—Samuel!Vousallezmouririci!Simontiradetoutessesforcessurlesbarreaux.Rienneseproduisit.—Laissez-moi!Jeveuxrester!Simonjetaunregarddésespéréautourdelui.—Bougedelà!ditJaceenlerejoignant.Ildonnaungrandcoupdepieddans lesbarreauxqui tombèrentdans lacelluledeSamuel.Celui la
poussauncrirauque.—Samuel!Vousvoussentezbien?L'espaced'uninstant,Simoneutlavisiond’unSamuelcoincésouslesbarreaux.—ALLEZ-VOUS-EN!braillaleprisonnier.Simonlançauncoupd'œilàJace.—Jecroisqu'ilpensevraimentcequ'ildit.Jacesecouasatêteblonde,l'airexaspéré.—Ilfallaitquetutetrouvesuncopaindecelluleàmoitiétimbré,hein?Tunepouvaispastecontenter
decompterlesmoutonsoud'apprivoiserunrat,commen'importequelprisonniernormal?Sansattendrederéponse,Jacerampadansl'ouverture.—Jace!criaClary.Elleseprécipitaverslui,Alecsurlestalons,maisils'étaitdéjàengouffrédanslacellule.Ellejetaun
regardfurieuxàSimon.—Pourquoitun'aspasessayédel'arrêter?— Ilnepouvaitpaslaissermourircepauvrehomme,intervintAlec,àlasurprisegénérale,bienque
lui-mêmeparaisseunpeuinquiet.C'estmalconnaîtreJace...Ils'interrompitaumomentoùdeuxmainsémergeaientdelafumée.AlecensaisitunetandisqueSimon
prenaitl'autre,et,ensemble,ilshissèrentSamuelhorsdelacellulecommeunsacàpatatesavantdeledéposer dans l'herbe. Quelques instants plus tard, Simon et Clary aidèrent Jace à remonter : lui, enrevanche,étaitbeaucoupmoinslourd,etilpoussaunjuronquandilsluicognèrentmalencontreusementlatêtesurlereborddelafenêtre.Aprèss'êtredégagéd'ungestebrusque,ilrampaloind'euxetselaissatomberdansl’herbe.
—Aïe!fit-il,lesyeuxtournésversleciel.Jecroisquejemesuisclaquéunmuscle.Aprèss'êtreredressé,iljetauncoupd'œilàSamuel.—Est-cequ'ilvabien?Recroquevillé sur le sol, l'homme se balançait d’avant en arrière en se cachant le visage dans les
mains.—J'ail'impressionqueçanetournepasrondchezlui,observaAlec.IIsepenchapourtoucherl'épauledeSamuel,quisursautaetmanquatomberàlarenverse.—Laisse-moitranquille,gémit-il.Jet'enprie.Laisse~moi,Alec.Alecsefigea.—Qu'est-cequevousvenezdedire?—Ilveutquetulelaissestranquille,intervintSimon,maisAlecneparutpasl'entendre.Ils'étaittourné
versJacequiavaitblêmi.—Samuel,repritAlecd'untonsévère.Otezlesmainsdevotrevisage.—Non,criaSamuelenbaissantlatête,lesépaulestremblantes.Non,s'ilteplaît.Non.—Alec!s'écriaSimon.Tunevoispasqu'ilsesentmal?ClaryagrippaSimonparlamanche.—Simon,qu'est-cequisepasse?Jace s'avança pour examiner la silhouette prostrée de Samuel. Il s'était égratigné les doigts sur le
reborddelafenêtreet,enrepoussantsescheveuxdedevantsesyeux,illaissadestraînéessanglantessursajoue,cedontilneparutpass'apercevoir.Lesyeuxécarquillés,labouchebarréeparunplisévère,ilordonafroidement:
—Chasseurd'Ombres,montre-noustonvisage.Samuelhésitapuisbaissalesbras.Simon,quin'avaitjamaisvusestraits,futfrappéenledécouvrantsi
vieux,siémacié.Uneépaissebarbegriseluimangeaitlevisage,ilavaitlesyeuxenfoncésetlesjouescreuséesderides.Etcependant,illuiparutétrangementfamilier.Alecouvritlabouchemaisaucunsonn'ensortit.CefutJacequiparla:—Hodge.
—Hodge?répétaSimon,désorienté.Maisc’estimpossible!Hodgeest...EtSamuelnepeutpas…— Ehbien, c'estdans sonhabitude, apparemment,observaAlecd'un tonamer. Il aimebien se faire
passerpourcequ'iln'estpas.—Maisilm'adit...bredouillaSimon.Lamain deClary se referma sur samanche, et lesmotsmoururent sur ses lèvres. L'expression de
Hodgeendisaitsuffisammentlong.Ellenetrahissaitnilaculpabiliténil'horreurd'avoirétédémasqué,maisunimmensechagrin.
—Jace,chuchota-t-il.Alec...Jesuisvraimentdésolé.Rapidecommel'éclair,Jacedégainaunpoignarddontilappuyalapointesurlagorgedesonancien
précepteur.Lesflammesalentoursereflétèrentsurlalame.—Jeme fichedevos excuses. Je veuxquevousmedonniez une raisonde nepas vous tuer sur-le-
champ.—Jace,attends,intervintAlec,affolé.Soudain,uneexplosiondéchiralesilence,etunepartiedutoitdelaGardes'enflamma.Unevaguede
chaleurmiroitadans l'air et les flammes illuminèrent lanuit,de sortequeClarydistinguaitmaintenantchaquebrind'herbeetchaqueridesurlevisagehâveetsaledeHodge.
—Non,marmonnaJace.Leregardinexpressifqu'ilposasurHodgerappelaàClaryquelqu'und'autre:Valentin.—Voussavezcequem'afaitmonpère,n'est-cepas?Vousconnaisseztoussesvilainssecrets.AlecregardatouràtourJaceetHodgesanscomprendre.—Dequoituparles?Qu'est-cequ'ilya?LevisagedeHodgesedécomposa.—Jonathan...—Voussaviezdepuis toujours,etvousnem'avezriendit.Pendant toutescesannéesà l'Institut,vous
n'avezriendit!—Je...jen'étaispassûr,murmuraHodge.Tun'étaisqu'unbébéladernièrefoisquejet'avaisvu...Jene
savaispasvraimentquituétais...encoremoinscequetuétais.—Jace?Leregarddésemparéd'Alecallaitdel'unàl'autre,maisaucund'euxneprêtaitattentionàlui.Hodge
Semblaitprisonnierd'unétauquiseresserraitautourdelui;sesmainstremblaientetilouvraitdegrandsyeuxeffrayés.Clary repensaà l'homme impeccablementvêtuqui luiavaitoffertdu théetdesconseilsaimablesdanssabibliothèquetapisséedelivres.Cetteimageluisemblaitàdesannées-lumière.
— Je ne vous crois pas, cracha Jace.Vous saviez queValentin était toujours en vie. Il vous a toutraconté...
—Ilnem'ariendit,protestaHodge.LorsquelesLightwoodm'ontapprisqu'ilsavaientrecueillilefilsdeMichaelWayland, je n'avais pas entendu parler de Valentin depuis l'Insurrection. Je croyais qu'ilm'avait oublié. J'aimême prié pour qu'il soitmort. Puis, la veille de ton arrivée, Hugo est venumetrouveravecunmessagedeValentin.«L'enfantestmonfils.»C'esttoutcequ'ilyavaitd'écrit.J'ignoraissijedevaislecroire.Je...jemesuisconvaincuqu'avecunseulregardj'enauraislecœurnet,maisiln'yavaitpasl'ombred'unepreuve.Rien!Alors,j'aipenséqu'ils'agissaitpeut-êtred'uneruse,maisdansquelbut?Tunesavaisrien,jem'ensuisviteaperçu.Quantàl'objectifdeValentin...Jaceparlad'unetraite,commesilesmotsjaillissaientdesabouchesansqu'ilpuisselescontrôler.—Vousauriezdûmedirecequej'étais!J'auraispuagir!Metuer,peut-être.HodgelevalatêteetregardaJaceàtraverssescheveuxsalesetemmêlés.—Jen'étaispassûr,répéta-t-ilàmi-voix,commepourlui-même.Etquandj'hésitais,jemedisaisque,
peut-être,l'éducationcomptaitdavantagequelesang,qu'onpourraitt'apprendre…— M'apprendrequoi?Ànepasdevenirunmonstre?s'écriaJaced'unevoixtremblante,maissamain
quitenaitlecouteaunebougeapas.Laissez-moirire!Ilafaitdevousunlâcheetunflagorneur!Vous,vousétiezenâgedecomprendre!Vousauriezpuvousbattre!LeregarddeHodges'assombrit.—J'aifaitdemonmieux.— Jusqu'au retourdeValentin,oui, concéda Jace.Ensuite,vousavezpréféré luiobéir.Vousm'avez
livré à cet homme comme un chien sur lequel il vous aurait demandé de veiller pendant quelquesannées...
— Et puis vous vous êtes enfui, renchéritAlec.Vous nous avez abandonnés.Vous croyiez vraimentpouvoirvouscacherici,àAlicante?
— Jenesuispasvenuicidanscebut,protestaHodged'unevoixblanche.Monintentionétaitd'arrêterValentin.
—Vousnepensezpasqu'onvavouscroire?répliquaAlecaveccolère.Vousaveztoujoursétédesoncôté.Vousauriezpuluitournerledos...
— Jamais jen'auraispuprendreune telledécision!s'écriaHodge.Tesparentsontpudémarrerunenouvellevie,eux...Jen'aijamaiseucettechance!J'aiétécoincéàl'Institutpendantquinzeans...
—C'étaitnotrefoyer!Était-cedoncsiterribledevivreavecnous,defairepartiedenotrefamille?— Vousn'yêtespourrien.Jevousaitoujoursaimés.Maisvousn'étiezquedesenfants.Etunendroit
qu'onvousinterditdequitternepeutpasêtreunfoyer.Jepassaisparfoisdessemainessansparleràunautreadulte.AucunChasseurd'Ombresnesefiaitàmoi.Mêmetesparentsnem'aimaientpasbeaucoup;ilsmetoléraientparcequ'ilsn'avaientpas lechoix.Jen'ai jamaispumemarierniavoirdesenfantsàmoi. Je n'ai jamais eu de vie.Un jour ou l'autre, vous seriez partis, et je n'auraismême pas eu cetteconsolation-là.J'aivécudanslapeur,pourlepeuquej'aivécu.
—Vousnevoudriezpasqu'onvousplaigne!s'emportaJace.Pasaprèscequevousavezfait.Qu'est-cequevousaviezàcraindre,enfermédansvotrebibliothèque?Lesmites?C'estnousquiallionscombattrelesdémons!
—IlavaitpeurdeValentin,intervintSimon.Tunevoispas?Jaceluijetaunregardvenimeux.—Ferme-la,vampire.Çaneteconcernepas.—Cen'étaitpasvraimentValentinquejecraignais,déclaraHodgeenregardantSimonpourlapremière
foisdepuisqu'ilétaitsortidesacellule.IlyavaitdansceregardunecertainetendressecequiétonnaClary.—C'étaitmaproprefaiblesseàsonégard,reprit-il.Jesavaisqu'ilreviendraitunjouroul'autreetqu'il
essaieraitànouveaudecontrôlerl'Enclave.Jesavaisaussicequ'ilavaitàm'offrir:laliberté.Unevie.Uneplacedanscemonde.J'auraispuredevenirunChasseurd'Ombres,danssonmondeàlui,alorsquec'étaitimpossibledanscelui-ci.Leregretquiperçaitdanssavoixétaitpresquedouloureuxàentendre.—Jesavaisquejeseraistropfaiblepourrefusersaproposition.— Regardezcequevousyavezgagné!crachaJace.UnevieàmoisirdanslescachotsdelaGarde!
Çavalaitlapeinedenoustrahir?— Tuconnaislaréponse.Valentinm'adélivrédemamalédiction,commeill'avaitpromis.Jecroyais
qu'ilmeréintégreraitdansleCercle,oucequ'ilenrestait.Ilnel'apasfait.Mêmeluinevoulaitpasdemoi.J'aicomprisquejen'avaisplusmaplacedanscemonde.Toutcequej'avais,jel'aivendupourunmensonge.Ilcontemplasesmainssales.— Ilnemerestaitqu'unechancedemeracheter,enapprenantqueValentinavaitmassacrélesFrères
Silencieuxetqu'ildétenait l'ÉpéeMortelle, j'aideviné la suite : il essaieraitdemettre lamain sur leMiroirMortel.IlluifallaitlestroisInstruments.Or,jesavaisqueleMiroirsetrouvaitici,àIdris.
—Attendez!fitAlec.Vousvoulezdirequevoussavezoùilestetquil'aensapossession?—Personne,nilesNephilimnilesCréaturesObscures,nepeutposséderleMiroirMortel.— Vous avezvraiment pété les plombs, là-dedans, répliqua Jace enmontrant d'un signede tête les
fenêtresdudonjondévoréparlesflammes.Claryobservaitd'unairanxieuxletoitdelaGardenimbéd'unhalorougeoyant.
—Jace,lefeus'étend.Ondevraitdéguerpird'ici.Enparleraenchemin...— J'aiétéprisonnierdel'Institutpendantquinzeans,poursuivitHodgecommesiderienn'était.Jene
pouvaispasmettreunpieddehors.Jepassaistoutmontempsdanslabibliothèqueàchercherlemoyendemedélivrerdelamalédictionquel'Enclaveavaitjetéesurmoi.J'aidécouvertqueseulunInstrumentMortelpouvaitlalever.Jedévoraistousleslivresayanttraitàlamythologiedel'Ange,quiavaitsurgideseauxdulacpourremettrelesInstrumentsMortelsàJonathanMorgenstern,lepremierNephilim.Ilsétaienttrois:laCoupe,l'Epée,leMiroir...
—Onconnaîtl'histoire,l'interrompitJaceavecimpatience.C'estvousquinousl'avezracontée.— Tucroistoutsavoir,maisiln'enestrien.Enparcourantlesdifférentesversionsdelalégende,je
retombais toujours sur lamême illustration.Nous l'avons tousvue : l'Ange sortantdu lac avec l'Epéedans une main et la Coupe dans l'autre. Je ne comprenais pas pourquoi le Miroir n'était jamaisreprésenté.Puis,unbeaujour,j'aieul'illumination:leMiroir,c'estlelac.Ilsnefontqu'un.LamaindeJacequitenaitlepoignardretombalentement.—LelacLyn?Claryrepensaaulac,telunmiroirvenantàsarencontre.—Jesuistombéedanslelacenarrivantici.D'aprèsLuke,ilpossèdedespropriétésbizarres.LePetit
Peuplel'appelleleMiroirdesRêves.Hodgeacquiesçaavecenthousiasme.— Exactement.Jemesuisrenducomptequel'Enclaveignoraittoutdecettehistoire.Elleesttombée
dansl'oubli.Valentinlui-mêmen'estpasaucourant…Il fut interrompuparunvacarmeassourdissant : la tour situéede l'autrecôtéde laGardevenaitde
s'effondrerenprojetantunepluied'étincelles.— Jace,intervintAlecd'untonpressant.Onnepeutpasresterici.Debout,dit-ilàHodgeenletirant
parlebras.Vousracontereztoutçaàl'Enclave.Hodgeserelevaenchancelant.Commecedevaitêtretriste,songeaClaryavecunpincementaucœur,
de vivre une existence entachée par la honte en sachant que, si c'était à refaire, on recommencerait !Hodgeavaitrenoncédepuislongtempsàmeneruneviemeilleureoudifférente;ilvoulaitseulementneplusavoirpeur,etparconséquentlapeurnelequittaitjamais.
—Venez,ordonnaAlecenpoussantHodgedevantlui.Jaces'interposapourleurbarrerlepassage.—SiValentinl'apprend,quesepassera-t-il?—Jace,pasmaintenant...gémitAlec.— S'il révèle cette histoire à l'Enclave, nous ne saurons jamais les détails. A leurs yeux, nous ne
sommesquedesenfants.Hodgenousdoitbiença.Ilsetournaverssonancienprécepteur.—Vous vouliez arrêterValentin, c'est bien ce que vous avez dit ?Qu'est-ce qu'ilmanigance ?Quel
pouvoirpeut-ilretirerdeceMiroir?Hodgesecoualatête.—Jenepeuxpas...—Etjeveuxlavérité.LepoignardétinceladanslamaindeJace.—Pourchaquemensongequevousdirez,jevouscouperaiundoigt.Oudeux.Hodgereculaetl'effroisepeignitsursonvisage.—Jace,non!s'indignaAlec.Cesméthodessontdignesdetonpère.Cen'estpastoi,ça.—Alec,répliquaJacecommeàregret,sansregardersonami.Tunesaispasvraimentquijesuis.
Leregardd'AleccroisaceluideClary.«Ilnecomprendpasl'attitudedeJace,pensa-t-elle.Iln'estpasaucourant.»
—Jace,Alecaraison.Onn'aqu'àlivrerHodgeàl'Enclave;illeurraconteracequ’ilnousadit...— S'ilavaiteul'intentiondeleurenparler,ill'auraitdéjàfaitdepuislongtemps.Lefaitqu'ilsesoit
abstenuprouvequec'estunmenteur.—Onnepeutpassefieràl'Enclave!protestaHodge,audésespoir.C'estunnidd'espionsàlasoldede
Valentin. Je ne pouvais pas leur révéler où se trouve leMiroir. Si Valentinmettait lamain sur lui, ilserait...Iln'eutpasletempsd'acheversaphrase.Unéclairargentézébral'obscurité.Alecpoussauncri.Hodge
écarquilla lesyeuxet titubaense tenant lapoitrine.Aumomentoù il tombaà la renverse,Claryvit lemanche d'une dague dépasser de sa cage thoracique, Alec s'élança pour rattraper le vieil homme, ledéposadoucementsurlesoletlevadesyeuxéplorésversJace;lesangdeHodgeavaitéclaboussésonvisage.
—Jace,pourquoi?—Cen'estpasmoi...Jaceétaitdevenulivide,etClarys'aperçutqu'ilserraittoujourssonpoignarddanssamain.Simonfit
volte-faceetscrutalesténèbres.Soudain,unesilhouettefamilière,auxcheveuxnoirsébouriffés,émergeades arbres. Comme elle s'avançait vers eux, l'incendie éclaira son visage et se refléta dans ses yeuxsombres.
—Sébastien?fitClary.Médusé,Jacesetournaverslejeunegarçonquis'étaitarrêtéàlalisièredubosquet,l'airhésitant.—C'esttoiquiasfaitça?—Jen'avaispaslechoix,protestaSébastien.Ilallaitvoustuer.—Avecquoi?Iln'étaitmêmepasarmé.—Jace,intervintAlec.Viensm'aider.—Ilallaitvoustuer,répétaSébastien.II...Jaces'agenouillaauprèsd'Alecenrengainantsonpoignard.Celui-citenaitHodgedanssesbras,etdu
sangmaculaitsachemise.—Prendslastèledansmapoche,dit-ilàJace.Tenteuneiratze...Figéed'horreur,Clary sentitSimon remuerprèsd'elle.Se tournantvers lui, elle s'aperçutqu'il était
blanccommeunlinge.Enrevanche,sesjouesbrûlaientdefièvre.Elledistingualeréseaudeveinesquis'étendaitsoussapeaucommelesbranchesdélicatesd'uncorail.
—Lesang,chuchota-t-ilsanslaregarder.Ilfautquejem'éloigne.Claryfitminedeleretenirparlamanche,maisilsedégagead'ungestebrusque.—Non,Clary,jet'enprie.Laisse-moi.Çaira;jerevienstoutdesuite.Ilfautjuste...AvantqueClarypuisselerattraper,ildisparutdansl'ombredesarbres.—Hodge,gémitAlec,paniqué.Hodge,tenezhon...LevieuxprécepteurtentavaguementdesesoustraireàlastèledeJace.Sonvisageétaitdevenugris.
SonregardallaitdeJaceàSébastien,quisetenaittoujoursdansl'ombre.—Non,Jonathan...—Appelez-moiJace,ditJacedansunmurmure.Hodge posa les yeux sur lui. Clary peinait à déchiffrer l'expression de ce regard ; elle y lut de la
supplicationmaisaussidelaterreur.Illevalamaincommepourseprotégerpuischuchota:«Non,pastoi»etunfiletdesangs'écouladesabouche.LatristessesepeignitsurlevisagedeJace.
—Alec,occupe-toidel'iratze...Jecroisqu'ilneveutpasquejeletouche.
HodgesecramponnaàlamanchedeJace,etditd'unevoixàpeineaudible.—Tun'espas...Puisilrenditsonderniersouffle.Cemomentn'eutriendepaisible,contrairementàcequeClaryavait
vudanslesfilms:lavoixdeHodges'étrangladanssagorge,ilémitungargouillisetsesyeuxroulèrentdanssesorbitesavantqu'ilnes'immobilise, lebrasmaladroitementrepliésous lui.Alec lui fermalesyeuxduboutdesdoigts.
—Vale,HodgeStarkweather.— Il nemérite pas tant d'honneur ! se récriaSébastien d'un ton outragé.Ce n'était pas unChasseurs
d'Ombres,maisuntraître.Alecrelevabrusquementlatête.AprèsavoirdéposélecorpsdeHodgedansl'herbe,ilseredressa,les
yeuxétincelantdecolère.Sesvêtementsétaientconstellésdetachesdesang.—Qu'est-cequetuensais,toi?Tuviensdetuerunhommesansdéfense,etunNephilim,quiplusest.
Tuesunassassin.— Tucroisquejenesaispasquiétaitcemisérable?rétorquaSébastienavecunegrimacedemépris.
StarkweatherfaisaitpartieduCercle.Ilatrahil'enclaveet,enreprésailles,ellel'amaudit.Ilméritaitlamort, or l'Enclave a fait preuve d'indulgence, et regardez où ça l'amenée ? Il nous a tous trahis unesecondefoisenéchangeantlaCoupeMortellecontrelapromessed'êtredélivrédesamalédiction.Unemalédictionplusqueméritée. (Il s'interrompitpour reprendresonsouffle.) Jen'auraispeut-êtrepasdûm'encharger,maisvousnepouvezpasnierqu'ill'abiencherché.
— Commentsefait-ilquetuensachesautantsurlui?s'étonnaClary.Etqu'est-cequetufabriquesici,d'abord?JecroyaisquetudevaisresterdanslaSalledesAccords.Sébastienhésita.— Vousétiez longsà revenir, répondit-il enfin. Jem'inquiétais. J'aipenséquevousauriezpeut-être
besoindemoi.—Et,pournousaider,tuastuél'hommequenousinterrogions?Parcequ'ilavaitunpasséobscur?Ça
n'aaucunsens!—Ilment,intervintJace.IlconsidéraSébastiend'unœilglacial.—Etilmentmal,enplus.Jetecroyaiscapabledemieuxretombersurtespattes,Verlac.Sébastiensoutintsonregardsansciller.—Jenevoispasdequoituparles,Morgenstern.—Cequ'ilveutdire,déclaraAlecens'avançant,c'estquesitonactetesemblejustifié,tun'aurasaucun
malàt'expliquerdevantleConseil,n'est-cepas?Unangepassa,puisSébastiensouritdecesourirequiavaitcharméClaryparlepassé,maisqui lui
donnaitàprésentlamêmeimpressiond'inadéquationqu'untableauaccrochédeguingoissurunmur.—Évidemment.Ils'avançaverseuxd'unpasnonchalant.Acroireque toutallaitpour lemieuxdans lemeilleurdes
mondes,etqu'ilnevenaitpasdecommettreunmeurtredesang-froid.— Bon,jetrouveunpeubizarrequevousvousmettiezdansunétatpareil, toutçaparcequej'ai tué
l'hommeàquiJacemenaçaitdetrancherlesdoigtsunparun.—Ilneseraitpasalléjusque-là,objectaAlec.—Toi...tuparlessanssavoir,crachaJace.—Ettoi,tuesfurieuxparcequej'aiembrassétusœuretqu'elleenpincepourmoi.—C'estfaux!s'écriaClary,àl'indifférencegénérale.Enfin,ladeuxièmepartie.—Elleacettemanie,quandonl'embrasse,depousserunpetithoquetdesurprise.C'estcharmant.Mais
tuasdût'enapercevoir?Sébastiens’étaitarrêtéjustedevantJace,unsouriremielleuxsurleslèvres.—C'estmasœur...bredouillaJace.Ilsemblaitaubordéelanausée.— Tasœur!Vraiment?Tucroisquelesgensn'ontpasremarquélafaçondontvousvousregardiez?
Çasevoitcommelenezaumilieudelafigure!Toutlemondetrouveçamalsainetdégoûtant,tupeuxmecroire!
—Çasuffit,marmonnaJaceenluidécochantunregardassassin.—Sébastien,pourquoituracontesdeshorreurspareilles?s'écriaClary.—Parceque,enfin,jepeuxdirecequej'aisurlecœur!répliqua-t-il.Vousn'avezpasidéeducalvaire
quec'étaitdefairesemblant!Votreseulevuemerendmalade.Toi,ajouta-t-ilensetournantversJace,quandtunebavespassurtasœur,tuteplainssansarrêtquetonpapanet'aimaitpas.Franchement,quipourraitleluireprocher?Toi,espèced'idiote,cracha-t-ilens'adressantàClary,tuesalléedonnerunlivreinestimableàunsorcier.Unsang-mêlé!Qu'est-cequit'estpasséparlatête?Quantàtoi,dit-ilàAlec,onconnaîttoustonproblème.Onnedevraitpasaccepterlesgenscommetoiauseindel'Enclave.Tumedégoûtes.Alecblêmit,bienqu'ilsemblâtplussurprisquefurieux.Clarynepouvaitpasl'enblâmer:elle-même
avaitdumalàcroirequeSébastien,avecsonsourireangélique,puisseproférerdeshorreurspareilles.—Tufaisaissemblant?s'étonna-t-elle.Maispourquoi?Amoins...àmoinsquetunousespionnespour
lecomptedeValentin,conclut-elledansunéclairdelucidité.Sébastienplissalesyeuxetunegrimacedeméprisdéformasesbeauxtraits.—Enfin,ilsontcompris!Franchement,j'aiconnudesVoracesplusmalinsquevous.—Onn'estpeut-êtrepastrèsfutésmaisnous,aumoins,onesttoujoursenvie,lâchaJace.—Pasmoi,peut-être?rétorquaSébastienavecdédain.—Pluspourlongtemps.LeclairdelunesereflétasursonpoignardaumomentoùilsejetaitsurSébastien.Claryn'avaitjamais
vuquelqu'unsemouvoiraussivite.Jusqu'àcequeSébastienriposte.Rapide comme l'éclair, il évita le coupde son assaillant et le désarma sansdifficulté.Lepoignard
tombaparterre.AprèsavoirsaisiJaceparledosdesaveste,Sébastienlesoulevadeterreetleprojetadanslesairsavecuneforcesurhumaine.IlallaheurterlemurdelaGardeets'affalasurlesol.
—Jace!ClaryseruasurSébastienpourl'étrangler.Mais,aprèsavoirfaitunpasdecôté,ilrepoussasesmains
tenduescommeonécarteuninsectedureversdelamain.Claryreçutuncoupàlatêtequil'envoyaroulersurlesol,ets'immobilisatandisqu'unbrouillardrougeluiobstruaitlavue.Alecpritsonarcdanssondos,l'armaetvisaSébastiend'ungestesûr.—Resteoùtuesetmetslesmainsderrièretondos.Sébastienéclataderire.—Tun'oseraspas,cracha-t-il.Il s'avança d'un pas désinvolte vers Alec qui, d'un mouvement gracieux, décocha sa flèche. Elle
décrivitunarcdecercleetmanquasacible.Claryn'auraitsudiresiSébastiens'étaitbaisséous'ilavaitesquisséunpasdecôté.Laflèchepassaprèsdeluietallaseficherdansuntroncd'arbre.Alecn'eutqueletempsd'ouvrirdegrandsyeuxébahis;Sébastienfonditsurluietluiarrachal'arcdesmains,puislebrisaendeuxd'uncoupsec,etlecraquementduboisfitfrémirClarycommes'ils'agissaitd'unos.Elletentadeseredresserens'efforçantd'ignorerladouleurquiluiVrillaitlecrâne.Jacegisaitàquelquespasd'elle,immobile.Maiselleavaitbeaufaire,sesjambesrefusaientdeluiobéir.
Aprèsavoirjetéauloinlesdeuxmorceauxdel'arc,Sébastienrepartitàl'assaut.Alecavaitdégainéunpoignardséraphiquequiétinceladanssamainmais,unefoisencore,Sébastienesquivalecoup,saisitsonassaillant à la gorge et le souleva de terre. Il serra de toutes ses forces avec un sourire cruel tandisqu'Alecledébattaitensuffoquant.
—J'aidéjàréglésoncompteàunLightwoodAujourd'hui,murmuraSébastien.Jenepensaispasavoirl'occasionderecommenceraussivite.Soudain, telleunemarionnettedontonauraitactionné les fils, il fitunbondenarrière.Libéré,Alec
l'affaissadansl'herbeensemassantlecou.Unefoiscertainequ'ilétaithorsdedanger,ClaryreportasonattentionsurSébastien,etvituneombrequis'accrochaitàsondoscommeunesangsue.Ilsetintlagorgeensuffoquantetpivotasurlui-mêmepoursedébarrasserdelacréaturequiessayaitdel'étouffer.CommeilsetournaitdansladirectiondeClary,unrayondeluneéclairaleursdeuxcorpsetelleaperçutlevisagedesonassaillant.C'étaitSimon.Sesmains enserraient le coudeSébastien et ses incisivesblanches luisaient dans la
pénombrecommedesaiguillesenos.Clary,quioubliaitsouventqueSimonétaitunvampire,nel'avaitpasvuedanspareilétatdepuislanuitoùils'étaitextraitdesatombe.Incapablededétournerlatête,elleobservalascène,lesyeuxécarquillésd'horreur.LeslèvresretrousséesdeSimondécouvraientsescrocsacéréscommedesdagues.Illesplantaprofondémentdansl'avant-brasdeSébastien,quipoussauncridedouleuretsejetaparterre,Simontoujourscramponnéàlui.Lesdeuxadversairesroulèrentdansl'herbesanscesserdecombattre,engrognantcommedeschiensenragés.Sébastiensaignaitàplusieursendroitsquand ilparvintenfinàse relever. Ildécochadeuxviolentscoupsdepieddans lacage thoraciquedeSimon.
—Espècedepetitevermine.Ilallaitlefrapperdenouveauquandunevoixcalmes'éleva:—Ataplace,j'éviterais.Clarylevalatête,etunautreélancementfulgurantluitransperçalecrâne.Jacesetenaitàquelquespas
deSébastien,levisagecouvertdesang,unœilenfléetàmoitiéfermé,unpoignardséraphiqueàlamain.—Jen'aijamaistuéunêtrehumainavecça,lança*-t-il.Maisj'aibienenvied'essayer.Sébastien jeta un coup d'œil à Simon, cracha par terre et prononça quelquesmots dans une langue
inconnuedeClary.PuisilsedétournaaveclamêmerapiditéterrifiantequequandilavaitattaquéJace,etdisparutdanslesténèbres.Claryessayadeserelever,maislasouffranceétaitintolérable,etelles'affaissadansl'herbehumide.
Quelques instants plus tard, Jace se pencha au-dessus d'elle et l'examina d'un air anxieux. La vue deClarysebrouillaencoreunefois,àmoinsquecehaloblanc.CettelumièreétrangequinimbaitJacenesoitlefruitdesonimagination...ElleentenditlavoixdeSimon,puiscelled'AlecquitenditunobjetàJace...Unestèle.Uneminuteplus
tard,ladouleurrefluaetlebrouillardsedissipa.—Matête...—Tuasunecommotioncérébrale,expliquaJace.L’iratzedevraitt'aideràtesentirmieux,maisilfaut
qu'on t'emmène voir unmédecin de l'Enclave.Ce genre de blessure, c'est traître. (Il rendit sa stèle àAlec.)Tucroisquetupeuxtelever?Claryhochalatête.Malluienprit:ellevittrente-sixchandellesetSimonaccourutpourlasoutenir,
reconnaissante, elle s'appuya contre lui et attendit que son vertige se dissipe. Elle avait encorel'impressionqu'elleallaits'effondreràtoutinstant.
—Tun'auraispasdût'attaqueràSébastien.Tun'étaismêmepasarmée.Qu'est-cequit'apris?— Qu'est-cequinousapris, tuveuxdire, intervintAlec. Il t'a soulevécommeun fétudepaille. Je
n'avaisjamaisvuquelqu'untedonnerautantdemal.— Ilm'aeuparsurprise,protestaJace.Iladûsuivreunentraînementparticulier.Jenem'yattendais
pas.— Jecroisqu'ilm'acasséuneoudeuxcôtes,gémitSimonense tâtant lacage thoraciqueavecune
grimace.Cen'estrien,ajouta-t-ilensurprenantleregardinquietdeClary.Jevaisguérirenunclind'œil.Mais,pasdedoute,Sébastienestunadversairedetaille.(IlsetournaversJace.)Àtonavis,çafaisaitlongtempsqu'ilnousépiait?Jacejetaunregardsombreendirectiondesarbres.— L'Enclave finira bien par l'attraper, et il sera maudit, probablement. J'aimerais bien qu'ils lui
réserventlemêmechâtimentqu'àHodge.Ceneseraitquejustice.Simonseretournapourcracherdanslesbuissonsets'essuyalabouchedureversde,lamain.—Sonsangaungoûtinfect.— Je suppose qu'on peut ajouter ce détail à la liste de ses qualités. Jeme demande ce qu'il avait
manigancéd'autrepourcesoir.—IlfautretourneràlaSalledesAccords.Alecsemblaittendu,etClaryserappelaqueSébastienavaitfaitallusionàunautreLightwood.—Tupeuxmarcher,Clary?—Oui,répondit-elle.EtHodge?Onnepeutpaslelaisserici.—Ilfaudrabien.Ontrouveraletempsderevenirlecherchersionsurvitàcettesoirée.Comme ilsquittaient le jardin, Jace s'arrêtapourôter saveste et en recouvrit levisage inaniméde
Hodge.Claryenvisagead'allerleréconforter,maisquelquechosedanssonattitudel'endissuada.MêmeAlecrenonçaàluiproposerunerunedeguérisonpourtant,endescendantlacolline,ilboitait.Ilss'engagèrentsurlaroutesinueuse,l'armeàlamain,prêtsàriposter,tandisquelaGardeenflammes
éclairait le ciel. Ils ne croisèrent aucun démon, cependant. Le calme qui régnait alentour et la clartéétrange nimbait le paysage troublaient Clary; elle avait l’impression de marcher dans un rêve. Elletitubaitdefatigue,Leseulfaitdemettreunpieddevantl'autreétaituneépreuve.ElleentendaitAlecetJacediscuterdevantelle,etleursvoixluisemblaienttrèslointaines.
— Jace, tu ne penses pas ce que tu as dit àHodge, protestait Alec d'un ton presque implorant. Taparenténefaitpasdetoiunmonstre.QuoiqueValentinaitputefairequandtuétaispetit,quoiqu'ilt'aitenseigné,cen'estpastafaute...
— Jen'ai pas envied'enparler,Alec.Nimaintenant ni plus tard.Nemequestionneplus jamais là-dessus,répliquaJaced'untonféroce,etAlecsetut.Claryvoyaitbienqu'ilétaitblessé.«Quellenuit!»longea-t-elle.Unenuitoùtoutlemondeavaiteu
sonlotdesouffrances.EllechassadesonespritlevisagedeHodge,l'expressionpathétique,suppliantequ'ilavaiteuejuste
avant de mourir. Si elle n'avait aucune sympathie pour cet homme, il ne méritait pas de finir ainsi.Personne neméritait cela. Elle repensa à Sébastien, à sa façon de semouvoir avec la rapidité de lafoudre. Hormis Jace, elle n'avait jamais vu quelqu'un se déplacer aussi vite. Elle devait élucider cemystère :qu'était-ildoncarrivéàSébastien?CommentcecousindesPenhallowavait-ilpuaussimaltournersansquepersonnenes'enaperçoive?Elleavaitcruqu'ilcherchaitàl'aideràsauversamère,or,toutcequil'intéressait,c'étaitderetrouverleLivreBlancafindeleremettreàValentin.Magnuss'étaittrompé : ce n'était pas à cause des Lightwood queValentin était remonté jusqu'àRagnor Fell. C'étaitparcequ'elles'étaitconfiéeàSébastien.Commentavait-ellepuêtreaussibête?Bouleversée,elleremarquaàpeinequ'ilsentraientdanslaville.Lesruesétaientdésertes,lesmaisons
plongées dans l'obscurité.La plupart des réverbères avaient été détruits; les pavés étaient jonchés de
débris de verre.Des voix résonnaient dans le lointain et l'éclat d'une torche crevait de temps à autrel'obscuritéentredeuximmeubles.
—C'esttrèscalme,observaAlecenjetantunregardétonnéautourdelui.—Etçanesentpasledémon,renchéritJaceenfronçantlessourcils.C'estbizarre.Venez.SiClarycommençaitàsesentirdenouveaud'attaque,ilsnecroisèrentpasunseuldémonvivantdans
les rues de la ville. En passant près d'une ruelle, ils virent un groupe de quatreChasseurs d'Ombresrassemblésautourd'unecréaturequiseconvulsaitàleurspieds.Ilslatransperçaientàtourderôleavecdelongueslancespointues.Clarydétournaleregardenfrissonnant.LaSalledesAccordsétaitéclairéecommeenpleinjour;delalumièredesortsedéversaitparses
portesetsesfenêtres.Tandisqu'ilsgravissaientenhâtel'escalier,Clarypritgardeànepastomber.Sesvertiges avaient empiré. Lemonde vacillait autour d'elle comme si elle se trouvait à l’intérieur d'unglobe tournant sur lui-même. Au-dessus de sa tête, les étoiles ressemblaient à des traînées blanchespeintessurlecielnoir.
—Tudevraist'allonger,suggéraSimon.(Et,commeellenerépondaitpas:)Clary?Auprixd'unimmenseeffort,elleesquissaunsourire.—Çava.Unefoisparvenuàl'entréedelasalle,Jacefithalteetsetournaversellesansunmot.Danslalumière
Impitoyable,lesangsursonvisageavaitprisuneteintesombreetsonœilenfléétaithideux.Unbourdonnementsourds'élevaitdelasalle;descentainesdepersonnesconversaientàvoixbasse,et
leur murmure résonnait aux oreilles de Clary comme les battements d'un cœur monstrueux. La clartéaveuglantedestorchesassociéeàlalumièresurnaturelleluipicotaitlesyeuxetaltéraitsavue:ellenedistinguaitàprésentquedesformesetdescouleursindistinctes.Dublanc,del'or,etlecielnocturneau-dessusdesatêtequiavaitprisuneteinteplusclaire.Quelleheurepouvait-ilbienêtre?
—Jenelesvoispas,ditAlecencherchantsafamilleparmil'assemblée.Ilsdevraientêtrerentrés...Sa voix paraissait lointaine, comme s'il parlait du fond d'un puits.Clary s'appuya à une colonne et
sentit lamain deSimondans son dos. Il glissa quelquesmots à Jace, l'air anxieux.Sa voix se perditparmilesdouzainesd'autresquienflaientpuissetaisaientcommeunressac.
—Jen'aijamaisvuça.Lesdémonsonttousdisparu.—L'aubeestproche,c'estprobablementcequilesaurafaitfuir.Ilscraignentlalumièredusoleil.—Non,ilyaautrechose.—Tupréfèresnepaspenserqu'ilsreviendrontdemainsoir,oulesoird'après,c'estça?—Nedispasça.Iln'yaaucuneraisonpourqu'ilsreviennent.Onaurarétablilesboucliersd'icilà.—EtValentinlesdésactiveraencoreunefois.—Peut-êtrequec'esttoutcequ'onmérite.Valentinapeut-êtreraison:ennousalliantaveclesCréatures
Obscures,nousavonsperdulesfaveursdel'Ange.—Tais-toi.Unpeuderespect.Ilssontentraindecompterlesmortssurlaplace.—Lesvoilà,annonçaAlec.Là-bas,prèsdel'estrade.Ondirait...Ils'interrompitets'avançaverssafamilleenfendantlafoule.Claryplissalesyeux.Peineperdue:elle
nediscernaquedestachesdecouleur.Sansunmot,JacesuivitAlecenjouantdescoudes.Clarylâchalacolonnepourleuremboîterlepasettrébucha.Simonlarattrapainextremis.
—Ilfautquetut'allonges,Clary.—Non,murmura-t-elle.Jeveuxsavoircequis'estpassé...Simon suivit Jace des yeux, et son visage s'assombrit. Appuyée à la colonne, Clary se hissa sur la
pointedespiedspourvoirpar-dessuslafoule…...etaperçutlesLightwood.MarysetenaitdanssesbrasIsabellequisanglotait.Assisparterre,Robert
Lightwoodserraituncorpscontrelui.Claryrepensaàl'unedespremièresfoisoùelleavaitvuMax,Al'Institut,endormisuruncanapé,seslunettesdeguingoissursonnez.«Ils'endortpartout»,avaitditJace.Or,immobiledanslesbrasdesonpère,ilsemblaitdormir,maisClarysavaitqu'iln'enétaitrien.Alectombaàgenouxetpritlamaindel'enfantdanslasienne.QuantàJace,ilrestaenretrait,leregard
perdu comme s'il se demandait ce qu'il faisait là. Clary aurait voulu le serrer dans ses bras, maisl'expression de Simon et le souvenir de l'épisode du manoir l'en dissuadèrent. Elle était la dernièrepersonnesurcetteterreàpouvoirréconforterJace.IgnorantSimonquil'appelait,ellesedétournaetcourutverslaporte,malgrésonvertigeetsatêtequi
l’élançait, puis dévala les marches et s'arrêta pour aspirer une grande bouffée d'air glacé. Au loin,l'horizonétaitzébréderougeetlesétoiless'éteignaientdansleciel.Lanuittouchaitàsafin.L'aubeétaitlà.
13.UnLieuOùRègneLaDouleur
CLARYS'ÉVEILLAENSURSAUTd'unrêvepeupléd'angescouvertsdesang,sesdrapsenroulésautourd'elle.Dans la chambre d'amis, l'obscurité était totale et elle se sentit soudain oppressée comme si elle setrouvait dans un cercueil. Elle tendit lamain vers la fenêtre, écarta les rideaux pour laisser entrer lalumière,etlesrefermaenclignantdesyeux.LesChasseursd'Ombresincinéraientleursdéfuntset,depuisl'attaquedesdémons,lecielàl'ouestde
lavilleétaitnoirdefumée.Leseulfaitderegarderparlafenêtreluidonnaitlanausée,aussiserésigna-t-elle à laisser les rideaux fermés. Dans l'obscurité de la pièce, elle ferma les yeux et tenta de seremémorersonrêve.Larunequ'Ithurielluiavaitmontréenecessaitdeclignotercommeunnéonderrièreses paupières. Une rune toute simple, dont le tracé évoquait un nœud. Cependant, elle avait beau seconcentrer elle ne parvenait pas à déchiffrer ce qu'elle signifiait. Elle savait seulement qu'elle étaitincomplète,commesiceluiquil'avaitcrééen'avaitpaseuletempsdel'achever.«Cene sontpas lespremiers rêvesque je temontre»,avaitdit Ithuriel.Fouillant samémoire, elle
revitSimon,lespaumesmarquéesd'unecroix,Jaceavecdesailesdansledos,deslacsgelésétincelantcommeunmiroir.L'angeluiavait-ilenvoyéaussicesvisions?Elleseredressaavecunsoupir.Sisesrêvesétaientsinistres,laréalitén'étaitguèreplusréjouissante.
Lesimagessebousculaientdanssonesprit:Isabelle,enlarmesdanslaSalledesAccords,tirantsursescheveuxnoirsaupointdeselesarracher.Maryses'enprenantàJiaPenhallow.Legarçonqu'ilsavaientaccueillisousleurtoit,leurpropreneveu,étaitliéaumeurtredesonfils.S'ils'étaitralliéàValentin,quedevait-onpenserd'eux?criait-elle.Alec,s'efforçantdecalmersamère,etdemandantl'aidedeJace,quirestaitplantélà,lesbrasballants,tandisquelesoleilselevaitsurAlicanteetilluminaitlaverrièredelasalle.—Lejourselève,avaitditLuke.(Clarynel'avaitjamaisvuaussifatigué.)Ilvafalloirramenerles
mortsici.Il avait dépêché des patrouilles dans la ville afin qu'elles rassemblent les corps des Chasseurs
d'Ombresetdeslycanthropessurlaplaceàl'extérieurdelaGrandeSalle,cettemêmeplacequeClaryavaittraverséeencompagniedeSébastienenfaisantremarquerquelaSalledesAccordsressemblaitàune église. A ce moment-là, elle avait trouvé l'endroit joli avec les jardinières et ses devantures deboutiquespeintesdecouleursvives.Àprésent,laplaceétaitrempliedecadavres.Maxsetrouvaitparmieux.Àlapenséedupetitgarçonquiparlaitdemangasavectantdesérieux,sagorgesenoua.Unjour,elle lui avaitpromisde l’emmeneràForbiddenPlanet.«Je lui aurais achetédes livres, songea-t-elle.Tousleslivresqu'ilvoulait.«N'ypensepas.»Repoussantsesdraps,Claryselevaet,aprèsunedoucheviteexpédiée,elleenfila
lejeanetlesweat-shirtqu'elleportaitenarrivantdeNewYork.Avantd'yglisserlatête,elleenfouitlevisage dans le coton de son sweat dans l'espoir que l'odeur de Brooklyn ou un parfum de lessive -n'importequoiquipuisseluirappelersaville-s'yattarderaitencore,maislevêtementavaitétélavéetsentaitlesavoncitronné.Avecunsoupir,elledescenditl'escalier.Lamaisonétaitvideàl'exceptiondeSimon,qu'elletrouvaassissurlecanapédusalon.Derrièrelui,
lesoleilentraitparlafenêtreouverte.Commeleschats,ilcherchaittoujoursuneflaquedelumièrepours'ylover.Cependant,malgrésesexpositionsquotidiennes,sapeaurestaitd'uneblancheurd'ivoire.Ellepritunepommedanslacorbeillesurlatableets'assitàcôtédeluienrepliantlesjambessouselle.
—Tuasréussiàdormir?
—Unpeu. (Il la dévisagea un bref instant.)C'estmoi qui devrais te poser cette question.Tu as descernessouslesyeux.Encoredescauchemars?Ellehaussalesépaules.—Toujourslamêmerengaine:desimagesdemort,dedestruction,d'angesnoirs.—Unpeucommedanslavraievie,quoi.—Ouimais,aumoins,quandjemeréveille,c'estfini.Ellecroquadanssapomme.—Laisse-moideviner,reprit-elle.LukeetAmatissontpartisassisteràuneautreréunionàlaSalledes
Accords.—Oui.Jecroisquec'estcelleoùilsdoiventdéciderdesautresréunionsàvenir.Simontiranégligemmentsurlafranged'uncoussin.—DesnouvellesdeMagnus?—Non.Clary s'efforçait d'oublier qu'elle ne l'avait pas revudepuis trois jours, et qu'il n'avait donné aucun
signede vie.Rienne l'empêchait de disparaître dans la nature avec leLivreBlanc.Elle se demandacommentelleavaitpuaccordersaconfianceàquelqu'unquiportaitautantd'eye-liner.
—Ettoi?lança-t-elleeneffleurantlebrasdeSimon.Tutienstoujourslecoupici?Elleavait insistépourqu'il rentreàNewYork,enlieusûr.Mais,bizarrement, ils'yétaitfermement
apposé.Pourquelqueraisonmystérieuse,ilvoulaitrester.Elleespéraitquecen'étaitpaspourprendresoind'elle ;elleavait failli luiavouerqu'ellen'avaitpasbesoindesaprotectionmaiss'étaitabstenuecar,aufond,ellen'auraitpassupportédelevoirpartir.Alorsilétaitrestéet,ensonforintérieur,Claryenéprouvaitunsoulagementcoupable.
—Tuas...tusais...toutcequ'iltefaut?—Tuparlesdesang,là?Oui,Maiam'enapportetouslesjours.Nemedemandepasoùelleletrouve.Lapremièrematinéequ'avaitpasséeSimonchezAmatis,unlycanthropes'étaitprésentéàlaporte,tout
sourires,avecunchatvivantdanslesbras.—Dusangfraispourtoi!s'était-ilexclaméavecunfortaccent.Simonavaitremerciéleloup-garouet,aprèssondépart,ilavaitlibérélepauvrechat,lecœuraubord
deslèvres.—Lesang,ilfautbienseleprocurerquelquepari,avaitfaitremarquerLuke,amusé.—Pasquestion,avaitrépliquéSimon.J'aiunchat.Lukeavaitpromisd'entoucherdeuxmotsàMaia.Depuis lors, le sang lui était livré dans des bouteilles : de lait. Clary ignorait commentMaia se
débrouillaitet,àl'instardeSimon,ellen'avaitpasenviedelesavoir.Ellen'avaitpasrevuMaiadepuislanuitdelabataille;leslycanthropescampaientquelquepartidanslaforêtvoisine,etseulLukerestaitenville.
— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Simon en appuyant la tête contre les coussins et en l'observantderrièresescilsbaissés.Toi,tuasl'airdequelqu'unquiveutsavoirquelquechose.Claryavaitplusieursquestionsàluiposer,maiselleserabattitsurlaplusfacile.—Hodge,lança-t-elleaprèsunehésitation.Quandtuétaisenprison...tun'asjamaisdevinéquec'était
lui?—Jenepouvaispaslevoir.Jel'entendaisàtraversunmur.Onparlaitbeaucoup.—Ettul'aimaisbien?Jeveuxdire...ilétaitgentil?— Gentil?Jen'ensaisrien.Torturé,triste,intelligent,compatissant,parmoments...Oui,jel'aimais
bien.Jecroisqu'ilsevoyaitunpeuàtraversmoi,d'unecertainemanière...
—Nedispasça!Claryseredressabrusquementetmanquafairetombersapomme.—Tun'asrienencommunavecHodge.—Tunemetrouvespastorturéetintelligent?—Hodgeétaitunsalebonhomme.Pastoi,décrétaClary.Iln'yarienàajouter.
Simonsoupira.— Lesgensnenaissentpasbonsoumauvais.Peut-êtrequ'ilyadesprédispositionsàlanaissance,
maisl’important,c'estlafaçondonttumènestabarque.Etlesgensquetufréquentes.Valentinétaitl'amideHodge,etjenecroispasqu'ilaiteuquelqu'und'autredanssaviepourl'aideràs'améliorerouàsedépasser.Sij'avaismenélamêmeexistence,jenesaispascequejeseraisdevenu.Maisj'aimafamille.Etjet'ai,toi.Claryluisouritmaissesmotsavaientunerésonancedouloureuse.«Lesgensnenaissentpasbonsou
mauvais.»Elleavaittoujoursétédecetaviset,pourtant,parmilesimagesquel'angeluiavaitmontrées,elleavaitvusamèretraitersonpropreenfantdemonstre.ElleauraitaimépouvoirseconfieràSimon,lui raconter toutescesvisions,maisc'était impossible. Il aurait aussi fallu lui révéler lesdécouvertesqu'elle avait faites au sujet de Jace. Or, c'était son secret, pas celui de Clary. Simon lui avait déjàdemandé ce que Jace avait voulu dire quand il s'en était pris à Hodge, et elle s'était contentée derépondrequ'elleavaitdéjàdumalàcomprendreoùilvoulaitenvenirlaplupardutemps.Siellen'étaitpascertainequeSimonl'aitcrue,iln'avaitpasréitérésaquestion.Descoupsfrappésàlaportecoupèrentcourtàlaconversation.Lessourcilsfroncés,Claryposason
trognondepommesurlatable.—J'yvais.Un courant d'air glacial s'engouffra dans lamaison quand elle ouvrit la porte. Aline Penhallow se
tenaitsurleseuil,vêtued'unevesteensoieviolettepresqueassortieauxcernessoussesyeux.—Ilfautquejeteparle,dit-ellesanspréambule.Étonnée,Claryneputquehocherlatêteetluiouvritgrandelaporte.—D'accord.Entre.—Merci.Alinesedirigeaverslesalond'unpasdécidéetlabousculaaupassage.EnvoyantSimonassissurle
canapé,ellesefigea,laboucheouverte.—Maisc'est...—Levampire?Simonsouritetdécouvritlégèrementsesincisive,Claryn'aimaitpastropquandilavaitcesourire-là.
Alinesetournaverselle.—Est-cequejepeuxteparlerseuleàseule?—Non,réponditClaryenserasseyantàcôtédeSimon.Toutcequetuasàmedire,ilpeutl’entendre
aussi.Alinesemorditlalèvre.— Soit.Écoute, il faut que j'aie une conversation avecAlec, Jace et Isabelle,mais j'ignore où les
trouver.Clarypoussaunsoupir.—Ilsontfaitjouerleursrelationspourobtenirunemaisonenville.Lafamillequil'occupaitestpartie
àlacampagne.Alinehochalatête.Depuislesattaques,beaucoupdegensavaientquittéIdrisenlaissantderrièreeux
desmaisonsvides.
— Ilsvontbien,sic'estcequetuveuxsavoir,repritClay.Moinonplus,jenelesaipasrevusdepuislabataille.JepeuxleurtransmettreunmessageparlebiaisdeLuke,situytiens...
—Jenesaispas.Alineavaitrecommencéàsemordillerlalèvre.— MesparentsontdûannoncerlanouvelleàlatentedeSébastien,quivitàParis.Elleétaitvraiment
contrariée.—Sansblague!répliquaSimon.
Alineluilançaunregardnoir.— D'aprèselle,çaneluiressemblepasdutout.elleestpersuadéequ'ils'agitd'uneerreur,alorselle
m'aenvoyédesphotosdelui.Alinesortitdesapochequelquesphotographiescornéesqu'elletenditàClary.Lesclichésmontraient
ungarçonhilareauxcheveuxbruns,d'unebeautéatypique,avecunsouriremalicieuxetunnezunpeutropgrand.IlavaitunebonnetêteetneressemblaitpasdutoutàSébastien.
—C'estluitoncousin?—C'estSébastienVerlac.Cequisignifie...—QuelegarçonquisefaisaitappelerSébastienestquelqu'und'autre?IClary,enproieàuneagitationcroissante,seremitàexaminerlesphotos.—J'aipenséquesilesLightwoodapprenaientquiSébastien-ouquelquesoitsonnom-n'estpasnotre
cousin,ilsconsentiraientpeut-êtreànouspardonner,bredouillaAline.— Jesuiscertainequ'ilscomprendront,ditClaryd'untoncompatissant.Maisçanes'arrêtepaslà.il
faudraprouveràl'EnclavequeSébastienn'estpasqu'ungaminquiamaltourné.Valentinl'aenvoyéicipournousespionner.
—Ilétaittellementconvaincant!gémitAline.Ilsavaitdesdétailsseulementconnusdemafamille,Desanecdotesd'enfance...
— Ce qui nous amène à la question suivante, intervint Simon. Qu'est-il arrivé au vrai Sébastien ?Apparemment,ilaquittéParispourIdrisetn'estjamaisarrivéàdestination.CefutClaryquirépondit.— Valentinadûpourvoiràcedétail.Ilavaitprobablementtoutmanigancédepuisledébut:ildevait
connaître l'itinéraire de Sébastien, il l'aura intercepté en chemin. Et si c'est arrivé à ce pauvreSébastien…
— Il doit y en avoir d'autres, conclut Aline. Tu devrais en informer l'Enclave et Lucian Graymark(Devantl'airsurprisdeClary,elleajouta:)Lesgensl'écoutent.C'estcequem'ontracontémesparents.
—Peut-êtrequetudevraisveniravecnousetluienparlertoi-même,suggéraSimon.Alinesecoualatête.— Jenemesenspascapabled'affronterlesLightwood.SurtoutIsabelle.Ellem'asauvélavieet…je
mesuisenfuie.Jenesaispascequim'apris.—Tuétaissouslechoc.Cen'estpastafaute.Alineneparutpasconvaincue.—Etmaintenant,sonfrère...(Elles'interrompit.)Bref.Jetedoisaussiuneexplication,Clary.—Ahbon?fitClary,désarçonnée.—Alinepritunegrandeinspiration.— Tu sais, il ne s'est rien passé entre Jace et moi. C'est moi qui l'ai embrassé. C'était un genre...
d'expérience.Etçan'apastrèsbienmarché.Clarysesentitrougir.«Pourquoimeraconte-t-elleça?»—Oh,c'estl'affairedeJace,paslamienne.
—Etpourtant,tusemblaiscontrariéesurlemoment.Unlégersourireétiraleslèvresd'Aline.—Etjecroisquejesaispourquoi,ajouta-t-elle.—Ahbon?—Écoute,tonfrère,ilpapillonne.Toutlemondelesait;ilestsortiavecbeaucoupdefilles.Tuaseu
peurqu'enbatifolantavecmoi,ilaitdesennuis.Aprèstout,nosfamillessont...étaientproches.Maistun'aspasàt'inquiéter.Cen'estpasmontype.
—C'estbienlapremièrefoisquej'entendsçadelubouched'unefille,intervintSimon.JecroyaisqueJaceétaitlegenredegarçonquiplaisaitàtoutlemonde.
— Moiaussi,etc'estpourçaquejel'aiembrassé.J'essayaisdéjàdesavoirsiungarçonpouvaitmeplaire.«ElleaembrasséJace, songeaClary.Etpas lecontraire.»Ellecroisa le regarddeSimonqui riait
souscape.—Etalors?Tuenesarrivéeàuneconclusion?
Alinehaussalesépaules.—Jenesuispasencoredécidée.Maisaumoins,tun'aspasàt'inquiéterpourJace.«Siseulement!»—IlfauttoujoursquejemefassedusoucipourJace.LaSalledesAccordsavaitétéréagencéeenhâteaprèslanuitdelabataille.Depuisladestructionde
la Garde, elle servait désormais de chambre au Conseil, de lieu de rassemblement pour ceux quirecherchaientdesmembresdeleurfamilledisparus,etonyéchangeaitaussilesdernièresnouvelles.Lafontaineaucentreavaitétéasséchéeet,departetd'autreonavaitinstallé,faceàl'estrade,desrangéesdebancssurlesquelsétaientassislesparticipantsàlaréunionduConseiltandisque,danslesalléesetsouslesarcades,desdizainesd'autresNephilimfaisaientlescentpas,l'airanxieux.L'endroitn'avaitplusriend'unesalledebal.Uneatmosphèreparticulièreflottaitdansl'air,mélanged'attenteetdenervosité.Sil'Enclaves'étaitregroupéeaumilieudelasalle,desmessesbassessetenaientdanstouslescoins.
Clarysaisitdesbribesdeconversationalorsqu'elle traversait lasalleavecSimon.Apparemment, lestoursfonctionnaientànouveau.Lesboucliersavaientétérétablis,maisilsétaientmoinsefficacesqueparlepassé.Ouplusefficaces,selonlessources.Desdémonsavaientétérepéréssur lescollinesausud.Lesmaisonsde campagne avaient étédésertées, d'autres familles avaient quitté la ville, et abandonnél'Enclaveparlamêmeoccasion.Surl'estrade,cernéspardescartesd'Alicante,setenaientleConsul,quinecessaitdejeterdesregards
suspicieuxautourdelui,etunpetithommegrassouilletvêtudegris,quigesticulaitenparlant.Cependant,personnenesemblaitprêterattentionàlui.
—Ohmince,c'estl'Inquisiteur,marmonnaSimonàl'oreilledeClary.Aldertree—EtvoiciLuke,ajouta-t-elleenl'apercevantparmilafoule.Debout près de la fontaine asséchée, il était en grande conversation avec un homme en tenue de
combat,dontlapartiegaucheduvisageétaitdissimuléeparunbandage.ClarycherchadesyeuxAmatiset la trouva assise seule au bout d'un banc, le plus loin possible des autres Chasseurs d'Ombres. EnvoyantClary,elleouvritdegrandsyeuxétonnésetfitminedeselever.LukeaperçutClary à son tour, fronça les sourcils et glissaquelquesmots à l'oreillede l'hommeau
bandagepours'excuser.Puis,levisagefermé,ilsedirigeaversClaryetSimonquis'étaientréfugiésprèsd'unecolonne.
— Qu'est-ce que vous fabriquez ici ? Vous savez pourtant que les enfants ne sont pas autorisés à
assister aux réunions de l'Enclave.Quant à toi... (Il jetaml regard noir Simon.)Ce n'est pas une trèsbonneidéedetepavanerdevantl'Inquisiteur,mêmes'ilnepeutplusriencontretoi.Unsouriremalicieuxétiraseslèvres.—Amoinsqu'ilnechercheàcompromettrel'éventualitéd'uneallianceentrel'EnclaveetlesCréatures
Obscures.—Tul'asdit!Simonfitsignedelamainàl'Inquisiteur,quifeignitdenepasl'avoirremarqué.—Arrête,Simon.Onn'estpasvenusicipourrien.ClarytenditlesphotographiesdeSébastienàLuke.—JeteprésenteSébastienVerlac.Levrai.LevisagedeLukes'assombrit. Ilexaminalesphotossansmotdire tandisqueClaryluirépétaitmot
pourmot l'histoired'Aline.Desoncôté,Simonsedandinaitd'unpiedsur l'autreen jetantdes regardamauvaisàAldertree,quimettaitunpointd'honneuràl'ignorer.
—Alors?Est-cequelevraiSébastienressembleàl'imposteur?demandaLuke.—Pasvraiment,réponditClary.LefauxSébastienétaitplusgrand.Et,àmonavis,ilétaitblond.Illes
teignaitforcément;personnen'alescheveuxaussinoirs.«Etaprèslesavoirtouchés,j'avaisdunoirsurlesdoigts»,pensa-t-elle.— Bref,Alineainsistépourquejevousmontrecesphotos,àtoietauxLightwood.Elleapenséque,
s'ilsapprenaientqu'iln'avaitpasdeliendeparentéaveclesPenhallow,alorspeut-être...—Ellenelesapasencoremontréesàsesparentsn'est-cepas?—Non,pasàmaconnaissance.J'aidansl'idéequ'elleestd'abordvenuemetrouver.Ellevoulaitquije
temetteaucourant.Ilparaîtquelesgenst'écoutent.—Quelques-uns,peut-être,concédaLuke.
Iljetauncoupd'œilàl'hommeaubandage.—J'étaisjustemententraindediscuteravecPatrickPenhallow.Valentinétaitsonamiautrefois,etila
peut-être gardé unœil sur la famillePenhallowpar la suite.D'après tes dires,Hodgeprétendait qu'ilavaitdesespionsici.(IlrenditlesphotosàClary.)Malheureusement,lesLightwoodneparticiperontpasauConseilaujourd'hui.LesfunéraillesdeMaxavaientlieucematin.Ilssontsansdouteaucimetière.
Devantl'airdécomposédeClary,ilajouta:—C'étaitunecérémonieintime.Seulelafamilleétaitconviée.«MaisjesuislafamilledeJace»,protestaunepetitevoixdanssatête.Uneautrevoix,plusinsistante
celle-là,luisouffla:«Etilt'aditqu'ilnevoulaitpasdetoiici.ÇavautsansdoutepourlesfunéraillesdeMax.»
— Peut-êtrequetupourraisleurentoucherdeuxmotscesoir,suggéra-t-elle.C'est...c'estunebonnenouvelle,non?QuelquesoitceSébastien,iln'estpasliéàleursamis.
— Ceseraitunemeilleurenouvelleencoresinousconnaissionssavéritableidentité,marmonnaLuke.J'aimeraisbiensavoiraussiquisontlesautresespionsdeValentin.Ilssontforcémentplusieursàs'êtreOccupésdesboucliers.Çanepouvaitêtrefaitquedel'intérieur.
—D'aprèsHodge,ilfautdusangdedémonpourlesneutraliser,intervintSimon.Or,onnepeutpasenintroduiredanslaville.Maisapparemment,Valentinatrouvéunmoyen.
—Quelqu'unapeintuneruneavecdusangdedémonausommetdel'unedestours,expliquaLukeavecun soupir. Preuve que Hodge avait raison. Malheureusement, l'Enclave a toujours eu une confianceaveugleensesboucliers.Maismêmel'énigmelapluscomplexeasasolution.
—C'estaveccegenredetrucqu'onsefaitavoirdanslesjeuxvidéo,observaSimon.AlasecondeoùtuprotègestaforteresseavecunSortilèged'InvincibilitéTotale,quelqu'untrouvelemoyendeladétruire.
—Simon,marmonnaClary.Laferme.— Iln'estpasloinducompte,admitLuke.Onignorecommentilsontréussiàintroduiredusangde
démonàl'intérieurdelavillesansdéclencherlesboucliers.(Ilhaussalesépaules.)Maispourl'heure,c'est le cadet denos soucis. Ils ont été rétablis,mais nous savonsdéjà qu'ils ne sont pas infaillibles.Valentin pourrait revenir à tout moment avec une armée encore plus puissante, et je doute que noussoyons capables de le repousser. Les Nephilim ne sont pas assez nombreux, et ceux qui restent sontprofondémentdémoralisés.
— Et lesCréaturesObscures? lançaClary.TuasditauConsulque l'Enclavedevait s'en fairedesalliés.
— Jepeux le répéteràMalachietàAldertreesurtous les tons,çanesignifiepasqu'ilsm'écoutent,répliquaLuked'untonlas.S'ilsmelaissentrester,c'estparcequel'Enclaveavotépourqu'onmegardecommeconseilleretquemameuteasauvélapeaudequelques-unsdesesmembres.Maislàencore,çaneveutpasdirequ'ilsveulentplusdeCréaturesObscuresàIdris...Quelqu'unpoussaunhurlement.Amatis se levad'unbondenportant lamainà sabouche, lesyeux rivés sur l'entréede la salle.Un
hommese tenaitsur leseuil,auréoléde la lumièredudehors.Cen'étaitqu'unesilhouette,etClarydutattendrequ'ilaitfaitquelquespasdanslasallepourdistinguersonvisage.C'étaitValentin.Pour une raison obscure, le premier détail qui la frappa fut sa barbe rasée de frais. De ce fait, il
ressemblaitdavantageaujeunehommeencolèrequeluiavaitmontréIthuriel.Ilportaitunecravateetuncostume à rayures très fines impeccablement coupé. En outre, il n'était pas armé. Il aurait pu êtren'importequelpassantdanslesruesdeManhattan.Ilauraitpuêtren'importequelpèreanonyme.Ilneparutpasremarquer laprésencedeClaryetneregardapasdanssadirection.Sesyeuxétaient
fixéssurLuketandisqu'ils'avançaitdansl'alléeétroiteentrelesbancs.«Commentose-t-ilseprésentericisansarmes?»s'étonnaClary.Laréponseàsaquestionnesefit
pasattendre:l'InquisiteurAldertreepoussaunrugissementd'oursblessépuis,s'arrachantàMalachiquiessayaitdeleretenir,ildévalamaladroitementlesmarchesdel'estradeetsejetasurValentin.Ilpassaàtravers le corpsde sonennemicommeuncouteau traversantune feuilledepapier.Celui-ci suivit desyeuxavecunintérêtdétachélepetithommequitrébucha,secognacontreunecolonneets'étalaparterrede tout son long.LeConsul accourut pour l'aider à se relever avec une expressionde dégoût à peinedissimuléeet,l'espaced'uninstant,Clarysedemandasic'étaitValentinouAldertreequifaisaitl'objetdesondédain.Unfaiblemurmureparcourutlasalle.Avecuncouinementulcéré,l'Inquisiteursedébattitcommeunrat
prisaupiège tandisqueMalachi l'escortait fermementpar lebrasenhautde l'estrade,etqueValentintraversait la salle sans leuraccorderun regard.LesChasseursd'Ombresqui s'étaient rassemblésprèsdesbancss'écartèrentcommeleseauxde lamerRougedevantMoïse.Claryfrissonnaen levoyantsedirigerversl'endroitoùellesetenaitavecLukeetSimon.«Cen'estqu'uneprojection,sedit-elle.Iln'estpasvraimentlà.Ilnepeutpastefairedemal.»Acôtéd'elle,Simontremblait,luiaussi.ClaryluipritlamainaumomentoùValentins'arrêtaitaupied
del'estrade.Sonregardseposasurelle,ladétaillatranquillementcommepourprendresesmesures,puispassasurSimonsanslevoirets'arrêtasurLuke.—Lucian.Luke lui rendit son regard sans unmot.C'était la première fois qu'ils se retrouvaient dans lamême
piècedepuislesévénementsdeRenwick,songeaClary.Saufquelorsdeleursprécédentesretrouvailles!Luke était blessé et couvert de sang. A présent, il était plus facile de relever les différences et les
similitudesentrelesdeuxhommes:Luke,envestedeflanelleetjeanélimé,avaitunebarbedetroisjourset des cheveux grisonnants. Valentin, en costume élégant et hors de prix, avait à peu près conservél'apparencedesesvingt-cinqans,malgrélafroideuretlasévéritédesestraitsdonnantl'impressionque,aufildutempsilsemuaitpeuàpeuenstatuedepierre.—Ilparaîtquel'Enclavet'anommémembreduConseil,déclara-t-il.Jenem'étonneguère,étantdonné
lacorruptionetlamédiocritéquisévissentparmisesrangs,qu'elletolèrelaprésencedebâtardsetdedégénérés.IIs'exprimaitd'untonplacide,voireaffable,sibienqu’onenoubliaitpresquelevenindesesparoles.
SonregardseposasurClary.—Clarissa,tutraînesencoreaveccevampire.Quandleschosesseserontunpeutassées,ilfaudraque
l'onaitunediscussionsérieuseconcernantlechoixdetesanimauxdecompagnie.Ungrognementsourds'échappadelagorgedeSimon.Claryserrafortsamaindanslasienne,maisil
neparutpass'enapercevoir.—Tais-toi,souffla-t-elle.Jet'enprie.MaisValentin ne prêtait déjà plus attention à eux.Après avoir gravi lesmarches de l'estrade, il se
tournapourfairefaceàlafoule.—Tantdevisagesfamiliers!Patrick.Malachi.Amatis.Amatis se tenait immobile, les yeux étincelant de haine. L'Inquisiteur se débattait encore pour se
libérerdelapoignedeMalachi.Valentinleconsidérad'unairamusé.—Tiens, toiaussi tues là,Aldertree. J'aientendudireque tuétais indirectement responsablede la
mortdemonvieilamiHodgeStarkweather.Queldommage!— Tuadmetsdoncquec'est toiquiasdésactivé lesboucliers, lançaLuke, retrouvantenfinsavoix.
C'esttoiquiasenvoyétouscesdémons.—Oui,etjepeuxenenvoyerencore.Mêmelesmembresdel'Enclave,sistupidessoient-ils,devaient
s'yattendre,non?Toi,Lucian,tut'yattendais,n'est-cepas?—Oui.Maismoi,jeteconnais,Valentin.Alors,tuesvenunégocierouteréjouirdetavictoire?—Nil'unnil'autre,réponditValentinenparcourantduregardlafoulesilencieuse.Jen'aipasbesoinde
négocier, ajouta-t-il, et malgré son ton calme, sa voix se répercuta dans la salle comme si elle étaitamplifiée.Etiln'yapaslieudeseréjouir.LamortdetouscesChasseursd'Ombresnemeprocureaucunplaisir;nousnousfaisonsdéjàassezraresdansunmondequiadésespérémentbesoindenous.Maistoutcela,nousledevonsencoreàl'Enclave,etàsesrèglesabsurdesédictéesdansleseulbutd'opprimerlesChasseurs d'Ombres. Je n'ai fait que mon devoir. C'était le seul moyen de me faire entendre. CesChasseursd'Ombresnesontpasmortsparmafaute;ilsontpériparcequel'Enclavem'aignoré.SonregardseposasurAldertree;levisagedel'Inquisiteurétaitlivideetdéformépardestics.—Beaucoupd'entrevousfaisaientpartiedemonCercle,jadis,reprit-il.C'estàvousquejem'adresse
désormais,etàceuxquienavaiententenduparlermaissetenaientàl'écart.Voussouvenez-vousdecequej'avaispréditvoilàquinzeans?AmoinsquenousnousopposionsauxAccords,lacitéd'Alicante,notrebienleplusprécieux,seraitbientôtenvahiepardeshordesdedégénérésvenuspiétinernoschèrestraditions.Commejel'avaispressenti,toutcelas'estproduit.LaGarden'estplusqu'untasdecendres,lePortail a été détruit, nos rues grouillent de monstres. De la racaille à moitié humaine prétend nousimposersaloi.Aussi,mesamis,mesennemis,mesfrèresaunomdel'Ange,jevousledemande:est-cequevousmecroyez,maintenant?EST-CEQUEvousMECROYEZ?Il balaya l'assemblée du regard comme s'il espérait une réponse. Unemer de visagesmédusés lui
faisaitface.CefutLukequirompitlesilence.—Valentin,tunevoisdoncpascequetuasfait?CesAccordsqueturedoutaistantn'ontpasinstauré
l'égalité entre lesNephilimet lesCréaturesObscures. Ilsnenousontpasdonné ledroit de siéger auConseil.Touteslesvieillesrancœurssonttoujoursdemise.Tuauraisdûcompterlà-dessusmaisçanet'apassuffi,etàprésenttunousoffreslaseulechosesusceptibledenousunir.Unennemicommun.LesjouespâlesdeValentins'empourprèrent.—Jenesuispasl'ennemidesNephilim.L'ennemi,c'esttoi.Tuessaiesdelesentraînerdansuneguerre
perdued'avance.Tucroispeut-êtrequelesdémonsquetuasvussontlesseulsquej'aieàmadisposition?Ilsnereprésententqu'uneinfimepartiedetousceuxquejepeuxinvoquer.
— Nousaussi,noussommesplusnombreuxquetunelepenses.AutantducôtédesNephilimquedesCréaturesObscures.—LesCréaturesObscures?RicanaValentin.Ellesprendrontlafuiteaupremiersignededanger.Les
Nephilimsontnéspoursebattreetpourprotégercemondequihaitlesreprésentantsdetonespèce.Cen'estpassansraisonquel'argentvousbrûle,etquelalumièredujourréduitenpoussièrelesEnfantsdelaNuit.
—Moi,ellenemefaitrien,lançaSimond'unevoixforte,auméprisdesrecommandationsdeClary.—Jet'aivut'étranglerenvoulantprononcerlenomdeDieu,vampire,répliquaValentinenriant.Quant
aufaitquetusupporteslalumièredusoleil..«(Ilsetutetsourit.)Tuesuneexception,peut-être.Maistun'enespasmoinsunmonstre.«Unmonstre. »Clary se souvint des paroles deValentin sur le bateau : « Tamèreme reprochait
d'avoirfaitdesonfilsunmonstre.Elles'estenfuieavantquejepuissefairedemêmeavectoi.»Jace.Laseuleévocationdecenomluiserralecœur.«Aprèstoutcequecethommeafait,ilestlàà
nousparlerdemonstres...»—Leseulmonstreici,c'estvous,cria-t-ellemalgrésarésolutiondegarderlesilence.J'aivuIthuriel,
reprit-ellecommeilladévisageaitd'unairsurpris.Jesaistout...—J'endoute.Sic'étaitlecas,tutiendraistalangue,pourlebiendetonfrèreetletien.«NevenezpasmeparlerdeJace!»eut-elleenviederépliquermais,contretouteattente,uneautre
voixféminines'éleva.—Etmonfrère?Amatiss'avançaaupieddel'estrade,lesyeuxlevésversValentin.Lukesursautaetsecoualatête,mais
elleneprêtapasattentionàlui.Valentinfronçalessourcils.—Quoi,tonfrère?L'interventiond'Amatisleprenaitmanifestementaudépourvu,àmoinsquecenesoitletondedéfiqui
perçaitdanssavoix.Desannéesauparavant,ill'avaitreléguéeparmilesfaiblesincapablesdeluitenirtête.Or,Valentindétestaitêtresurpris.!
—Tum'asditqu'iln'étaitplusmonfrère.Tum'asenlevéStephen.Tuasdétruitmonclan.Ettuprétendsquetun'espasunennemidesNephilim?Tunousastousmontéslesunscontrelesautres,famillescontrefamilles,tuasruinénosviessanslemoindrescrupule.Tudisdétesterl'Enclave,maisc'estpartafautequ'elle estdevenuemesquineetparanoïaque.Nousavionspourhabitudedenous faire confianceentreNephilim.Tuastoutbouleversé.Jenetepardonneraijamaiscela.(Savoixsebrisa.)Àcausedetoi,j'aireniémonfrère.Celanonplus,jenetelepardonneraipas.Pasplusquejemepardonnedel'avoirécouté.
—Amatis...fitLukeenesquissantunpasverssasœurmais,d'ungeste,elleluisignifiades'arrêter.Lesyeuxbrillantdelarmes,ellesetenaitbiendroite,etcefutd'untonfermequ'ellereprit:
— Il futun tempsoùnousétions tousprêtsà t'écouter,Valentin.Etnousavons touscepoids sur laconscience.Mais c'est terminé, tum'entends ?Cette époque est révolue.Y a-t-il quelqu'un dans cettesallequin'estpasdecetavis?Clarylevalatêteetparcourutduregardl'assembléedeChasseursd'Ombres.Elleeutl'impressionde
contemplerl'ébauchegrossièred'unefoule,avecdestachesblanchesenguisedevisages.EllevitPatrickPenhallow,quiserraitlesdents,l'InquisiteurquitremblaitcommeunebranchefrêleagitéeparleventetMalachi,dontl'expressiondemeuraitimpénétrable.Personnenedisaitmot.Si elle s'attendaitqueValentin s'emportedevant le silencedesNephilim,elle futdéçue.Sonvisage
demeuraimpassible,commes'ilavaitprévuleurréaction.— Trèsbien,déclara-t-il.Sivousrefusezd'entendreraison, jedevraiemployer laforce.Jevousai
déjàmontré que je peuxdésactiver les boucliers qui protègent votre ville. J'ai vu que vous les aviezrétablis,maisc'estpeineperdue.Jepeuxrecommencerquandbonmesemble.Accédezàmesexigencesouvousdevrezaffrontertouslesdémonsquepeutinvoquerl'ÉpéeMortelle.Jeleurordonneraidenepasépargnaunseuld'entrevous,homme,femmeouenfant.Àvousdechoisir.Unmurmureparcourutlasalle.—Tuvasdélibérémentanéantirtonproprepeuple,Valentin?demandaLuke,médusé.—Parfois,lesarbresmaladesdoiventêtreabattuspourpréserverlaforêt.Sitoussontatteints...Ilsetournaverslafoulehorrifiée.— À vous de choisir, répéta-t-il. Je détiens la CoupeMortelle. Si j'y suis obligé, je créerai une
nouvelle racedeChasseursd'Ombres.Cependant, jemedoisdevous laisserunechance.Si l'Enclaverenonceàtoussesprivilègesetacceptedereconnaîtresansconditionmonautorité,jevousépargnerai.Tous lesChasseursd'Ombresdevrontprêterunsermentd'allégeanceetporterune runepermanentedeloyautéàmonégard.Cesontlestermesdemonmarché.Lesilencetombasurlafoule.Amatisportalamainàsabouche;lerestedelapiècesemitàdanser
autourdeClary.« Ilsnepeuventpas se rendre», s'insurgea-t-elle.Maisquel choix leur restait-il ?«Valentin les tient sous sa coupe, pensa-t-elle, résignée, aussi sûrement que Jace et moi sommesprisonniersdecequ'ilafaitdenous.Noussommestousenchaînésàluiparnotrepropresang.»Uneéternitésemblas'écouleravantquelapetitevoixsuraiguëdel'Inquisiteurnerompelesilence.—Tonautorité?s'écria-t-il.Quelleautorité?—Aldertree...LeConsuls'efforçadeleretenirmais,aprèss'êtredégagéd'ungestebrusque,ilseruaversl'estrade,
lesyeuxrévulsés,encriantinlassablementlesmêmesmots,commes'ilavaitperdul'esprit.Ilgravitlesmarchesdel'estradequatreàquatreenbousculantAmatisaupassage,etseplantadevantValentin.Jesuisl'Inquisiteur,compris?L'Inquisiteur!JefaispartieduConseil!C'estmoiquiédictelesrègles,
pas toi ! Je ne te laisserai pas faire, espèce d'arriviste, de crapule à la solde des démons...Avec uneexpression qui trahissait vaguement l'ennui, Valentin tendit le bras comme pour toucher l'épauled'Aldertree, ce qui était a priori impossible dans lamesure où il n'était qu'une projection. Sous l'œilhorrifié de l'assemblée, sa main transperça la peau, la chair et les os de l'Inquisiteur, et disparut àl'intérieurdesacagethoracique.Unesecondeàpeines'écoula,durantlaquellelasalleentièreregarda,bouchebée, lebrasgauchedeValentinenfoncéjusqu'aupoignetdanslapoitrinedupetithomme.Puis,d'unesecousse,iltorditlepoignet,commes'ilessayaitdetournerunboutondeporterécalcitrantL'Inquisiteurpoussauncriettombacommeunepierre.Le bras deValentin étaitmaintenant poissé de sangquimaculait le lainage luxueuxde son costume
jusqu'aucoude.Baissantlamain,ilparcourutduregardlasallerévulséeetsesyeuxs'arrêtèrentsurLuke.— Je vous donne jusqu'à demain soirminuit pour réfléchir àma proposition. J'attendrai avecmon
arméedanslaplainedeBrocelinde.Siàminuit,jen'aipasreçudemessagedel'Enclavem'annonçantsacapitulation,jemarcheraisurAlicante,etcettefoisiln'yaurapasdequartier.Vousavezjusqu'àdemain.Usezdutempsqu'ilresteavecsagesse.
Et,àcesmots,ildisparut.
14.LaPremièreNuit
—VOYEZ-VOUSÇA,fitJacesansregarderClary.Il ne lui avait pas accordé un regard depuis qu'elle et Simon avaient franchi la porte de làmaison
qu'occupaientprovisoirementlesLightwood.Appuyéàlabaievitréedusalon,ilcontemplaitlecielquis'assombrissaitàvued'œil.—Jeparsauxfunéraillesdemonpetitfrèreet,paf!Jeratelafête.—Arrête,Jace.Alecétaitavachidansl'undesfauteuilsélimésquifiguraientparmilesraresmeublesdelapièce.La
demeure dégageait cette atmosphère un peu curieuse et inhospitalière qui caractérise les maisonsd'étrangers.Sesmursétaienttapissésdepapierfleuridansdestonspastel,etlemoindreobjetsemblaituséjusqu'àlacorde.Unbocalenverreremplidechocolatstrônaitsurlapetitetableprèsd'Alec;Clary,quimouraitdefaim,enavaitengloutiquelques-unsqu'elleavaittrouvéssecsetdurssousladent.Ellesedemandaquelgenredepersonnesavaitvécuici.«Legenrequitiresarévérenceaumoindredanger»,songea-t-elleavecaigreur.Cesgens-làméritaientqu'onleurprenneleurmaison.
—Quoi?répliquaJace.IlfaisaitassezsombredehorspourqueClaryvoiesonvisagesereflétersurlavitre.Ilportaitlatenue
dedeuildesChasseursd'Ombres:ilsnemettaientpasdenoiràl'occasiondesfunérailles,puisquec'étaitlacouleurarboréesurlechampdebataille.Enpareillecirconstance,leblancétaitdemise,etlavestequ'avaitrevêtueJaceétaitrebrodéederunesrougesauniveauducoletdespoignets.Contrairementauxrunes de combat, qui touchaient à l'agression et à la protection, elles étaient censées apporter duréconfort.Ilportaitaussiauxpoignetsdesbraceletsenmétalfrappésderunesidentiques.Alecétaitluiaussientièrementvêtudeblancaveclesmêmesrunesrougeetorbrodéessurletissudesoncostume.Parcontraste, ses cheveux semblaient d'unnoir de jais.Quant à Jace, il faisait penser àun ange avec seshabitsblancs.Maisunangevengeur.
— Pas lapeinedepasser tesnerfssureux!s'exclamaAlec.En toutcas, tun'asaucuneraisond'envouloiràSimon,ajouta-t-ilavecunemouecontrariée.Clarys'attendaitàunerepartiefurieusedeJace,maisilsecontentaderétorquer:—Clarysaitquejenesuispasencolèrecontreelle.Simon,lescoudesappuyéssurledosd'unfauteuil,levalesyeuxaucieletchangeadesujet:— Cequejenecomprendspas,c'estcommentValentins'yestprispourtuerl'Inquisiteur.Jecroyais
quelesprojectionsétaientinoffensives.—Entempsnormal,oui,expliquaAlec.Cenesontquedesillusions.Del'aircoloré,pourainsidire.— Pascettefois. Ilaenfoncélebrasdanssacagethoraciqueet ila tourné... (Claryfrissonna.)Ily
avaitbeaucoupdesang.—C'estSimonquiadûêtrecontent,ironisaJace.Simonignorasaremarque.—Est-cequ'onadéjàvuunInquisiteurquinesoitpasmortdansd'horriblescirconstances?songea-t-il
touthaut.C'estunpeucommelamalédictiondubatteurdesSpinalTap.Alecsepassalamainsurlevisage.
— C'est fouquemesparentsn'enaientpasété informés!Jenesuispaspresséde leurannoncer lanouvelle.
—Oùsont-ils,aufait?demandaClary.Jelescroyaisàl'étage.
Alecsecoualatête.— Ilssontencoreà lanécropole. Ilsserecueillentsur la tombedeMax.Ilsvoulaientresterunpeu
seuls.—EtIsabelle?s'enquitSimon.Oùest-elle?
Jaceserembrunit.—Ellerefusedequittersachambre.EllepensequecequiestarrivéàMaxestsafaute.Ellen'amême
pasvouluassisteràlacérémonie.—Vousavezessayédeluiparler?—Non,onluiaflanquédesgifles!Maismerciduconseil.—Jedemandaisçacommeça,protestaSimond'unepetitevoix.—Onluiracontera,pourSébastien,déclaraAlec.Çal'aiderapeut-êtreàsesentirmieux.Ellerépète
sansarrêtqu'elleauraitdûseméfierdecetype,mainsic'étaitunespion...Alechaussalesépaulesetreprit:—Personnen'arienremarqué.PasmêmelesPenhallow.—Jevousavaisbienditquec'étaituntocard.—Oui,maisc'estparceque...Alecs'interrompitets'enfonçadanssonfauteuil.Ilparaissaitépuisé:sapeausedétachait,grise,surla
blancheurimmaculéedesesvêtements.—Peuimporte.Unefoisqu'ellesauracequemijoteValentin,jenevoispascequipourraitluiremonter
lemoral.— Est-cequ'ilvavraimentleverunearméededémonscontrelesNephilim?songeaClarytouthaut.
C'estencoreunChasseurd'Ombres,toutdemême!Ilnepeutpasanéantirsonproprepeuple.— Nous sommes ses enfants, et ça ne l'a pas empêché de nous nuire, observa Jace en plantant son
regarddanslesien.Alorscommentveux-tuqu'ilsesouciedesonpeuple?Aleçlesdévisageatouràtour,etClarycompritàsonairahurietdésemparéqueJaceneluiavaitpas
encoreparléd'Ithuriel.—Entoutcas,onaaumoinsrésoluuneénigme,repritJacesansaccorderunregardàAlec.Magnusa
essayéd'utiliserunerunedefilaturesurlesaffairesqueSébastienalaisséesdanssachambre.Or,iln'arécoltéaucunindiceaveccequenousluiavonsdonné.Rien.
—Qu'est-cequeçasignifie?— Que ces affaires appartiennent au véritable Sébastien Verlac. Le faux Sébastien les lui a
probablementVolées.EtsiMagnusn'entireriendutout,c'estparcequelevraiSébastien...— Estmort,conclutAlec.EtleSébastienqu'onconnaîtestbientropmalinpourlaisserderrièreluile
moindreobjetsusceptibledenousaideràretrouversa trace.Onnepeutpastraquerquelqu'unaveclepremiertrucquinoustombesouslamain.Ilfautquecesoituneffetpersonnel:unhéritagedefamille,unestèle,unebrosseavecdescheveuxdelapersonnerecherchée...
—Dommage,ditJace.Sionavaitpulesuivre,ilnousauraitsansdoutemenéstoutdroitàValentin.Jesuiscertainqu'iladûseprécipiterventreàterrechezsonmaîtrepourluirendreunrapportComplet.Illuiapeut-êtreracontélathéorietorduedeHodgeausujetdulac-miroir.
—Cen'estpeut-êtrepassitorduqueçaobjectaAlec.Ilsontpostédesgardessurlesroutesmenantaulac,etinstallédesboucliersquilesavertirontsiquelqu'unsetéléportedanslesparages.
—Super!Jemesensbeaucoupplusensécuritémaintenant.—Ceque jenecomprendspas,marmonnaSimon,c'estpourquoiSébastienest restéaussi longtemps
danslecoin.AprèsavoirtuéMax,ilrisquaitdesefaireprendre;ilnepouvaitplusjouerlacomédie.Même s'il croyait s'être débarrassé d'Isabelle alors qu'il l'avait juste assommée, comment allait-il
expliquerqu'ils'enétaitsortiindemne?Ilauraitfiniparêtrearrêté.Alors,pourquoiêtrerestéjusqu'àlafindelabataille?Pourquoiest-ilvenumechercheràlaGarde?Jesuisàpeuprèssûrqu'ilsefichaitpasmaldemonsort.
—Enfait,jecroisqu'ilestrestépourmoi,annonçaClary.LesyeuxdeJaceétincelèrent.—Pourtoi?Ilespéraitobtenirunautrerendez-voustorride,tuveuxdire?Clarysesentitrougir.—Non.Etçan'avaitriendetorride.D'ailleurs,cen'étaitmêmepasunrendez-vous.Bref,làn'estpasla
question.Quand il est venume trouver dans la Salle desAccords, il a tenté par tous lesmoyens dem'entrainer dehors sous prétexte de discuter tranquillement. Il avait une idée derrière la tête. J'ignorelaquelle.?
—Peut-êtrequec'étaitvraimenttoiqu'ilvoulait.DevantlamineexaspéréedeClary,ilajouta:—Non,cen'estpascequetucrois.Ilcherchaitpeut-êtreàteconduireauprèsdeValentin.—Valentinsesouciedemoicommed'uneguigne.Ç'atoujoursététoiquil'intéressais.LeregarddeJaces'assombrit.— C'estcommeçaquetuvoisleschoses?lâcha-t-ild'untonglacial.Aprèscequis'estpassésurle
bateau,c'esttoiquil'intéresses.Cequisignifiequetuvasdevoirêtretrèsprudente.Avraidire,ceseraitunebonneidéedenepassortirdanslesjoursquiviennent.Tun'aurasqu'àt'enfermerdanstachambrecommeIsabelle.
—C'esthorsdequestion.—Jem'enseraisdouté.Tunecherchesqu'àmepourrirlavie,pasvrai?—Toutnetournepasautourdetoi,Jace,répliquaClaryaveccolère.—Peut-être,maistudoisreconnaîtrequec'esttrèssouventlecas.Claryréprimal'enviedehurler.— PourenreveniràIsabelle,intervintSimonaprèss’êtreraclélagorge,jedevraispeut-êtreallerlui
parler.— Toi ? s'exclamaAlec. (Puis un peu gêné par sa réaction, il s'empressa d'ajouter :)C'est juste...
qu'ellerefusemêmed'ouvriràsaproprefamille.Pourquoielleaccepteraitdetevoir,toi?—Peut-êtreparceque,justement,jenefaispaspartiedesafamille,suggéraSimon.Il se tenait debout au milieu de la pièce, les mains dans les poches. Plus tôt dans la journée, en
s'asseyant à côté de lui, Clary avait remarqué les cicatrices blanches au niveau de son cou et de sespoignets, vestiges des blessures que lui avait infligées Valentin. Sa rencontre avec les Chasseursd'Ombres l'avait transformé, et pas seulement en apparence. Il avait profondément changé. Il se tenaitdroit,latêtehaute,etaccueillaitlesremarquesdeJaceetd'Alecavecdétachement.LeSimonquijadislescraignaitouétaitmalàl'aiseenleurprésencen'étaitplus.Soncœurseserra,etelles'aperçutavecétonnementqueceSimon-làluimanquait.—Jecroisquejevaisallerluiparler,annonça-t-il.Çanecoûteriend'essayer.— Maislanuitvabientôttomber,protestaClary.OnapromisàLukeetàAmatisderentreravantle
coucherdusoleil.—Jeteraccompagnerai,proposaJace.QuantàSimon,ilsauraretrouversonchemindanslenoir,Pas
vrai,Simon?— Évidemment!s'écriaAleccommes'ilcherchaitàs'amenderdesaréactiondésobligeante.C'estun
vampire...Etjeviensdecomprendrequetuplaisantais,ajouta-t-il.Nefaitespasattentionàmoi.Simonsourit.Claryouvritlabouchepourprotesterdenouveau,puisseravisa,sansdouteàcausedu
regardqueposaJacesurSimon: il trahissait l'amusementmaisaussi lagratitudeetpeut-êtremêmelerespect.Au grand dam de Clary, le nouveau logement des Lightwood n'était pas très éloigné de la maison
d'Amatis.Elleneparvenaitpasàsedébarrasserdel'idéequechaqueinstantpasséencompagniedeJaceétaitprécieux,etqu'unjourprochain,ilsseraientséparésàjamais.Elle l'observaducoinde l'œil. Il regardaitdroitdevant luisanssepréoccuperd'elle.Sonprofilse
détachait sur la lumièredes réverbères.Ses cheveuxbouclaient sur sa tempe,dissimulant enpartie lacicatrice blanche d'une Marque. L'anneau des Morgenstern, pendu à une chaîne encerclant son cou,étincelaitdanslenoir.Lesdoigtsdesamaingaucheétaientcouvertsd'égratignures:ilcicatrisaitcommeunTerrestre,conformémentauxexigencesd'Alec.Ellefrissonna.—Tuasfroid?demanda-t-ilensetournantverselle.— Je réfléchissais.Jem'étonnequeValentins'ensoitprisà l'Inquisiteurplutôtqu'àLuke.C'étaitun
Chasseurd'Ombres,etLuke...LukeestuneCréatureObscure.SanscompterqueValentinlehait.—Oui,maisd'unecertainemanière,illerespectemalgrésanature.ClaryseremémoraleregardqueJaceavaitlancéàSimonunpeuplustôt,etchassacettepenséede
sonesprit.ElledétestaitcomparerJaceàValentin,mêmelorsqu'ils'agissaitd'undétailaussiinsignifiantqu'unregard.
— Lukeessaiedeconvaincrel'Enclavedepenserdifféremment,poursuivitJace.C'estexactementceque Valentin essaie de faire, même si son but est différent. Luke est un iconoclaste ; il prône lechangement.AuxyeuxdeValentin,l'Inquisiteurincarnaitlavieillegardeétriquéequ'ildétestetant.
—EtpuisLukeetValentinétaientamisautrefois;ajoutaClary.— LesMarquesdecequin'estplus,déclaraJaceet,autonmoqueurdesavoix,Clarycompritqu'il
s'agissait d'une citation.Malheureusement, on est souvent plus enclin à haïr ceux qu'on a aimés jadis.ValentinréservesansdouteunsortparticulieràLuke,unefoisqu'ilauraremportésavictoire.
—Maisilnegagnerapas,objectaClary.(EtcommeJacenerépondaitrien,ellerepritd'unevoixforte:) Ilnepeutpasgagner. Ilnevapasentrer enguerre contre lesChasseursd'OmbresET les CréaturesObscures...
—Qu'est-cequitefaitpenserqu'ilsaccepterontdesebattreensemble?rétorquaJace,toujourssanslaregarder.Ilslongeaientlecanalàprésent,etilgardaitlesyeuxfixéssurl'eau,leslèvresserrées.—C'estLukequit'aconvaincue?Lukeestunidéaliste.—Etc'estmal?—Non.Maiscen'estpasmoncas.LavoixatonedeJaceglaçalesangdeClary,«Désespoir,colère,haine.Cesontlescaractéristiques
desdémons.Ilsecomporteconformémentàcequ'ilcroitêtre.»Ils étaient arrivésdevant lamaisond'Amatis ;Clary s'arrêta aupieddesmarches et se tournavers
Jace.—Peut-être,maistun'espasnonpluscommelui.SaremarquefitsursauterJace,àmoinsquecenesoitletondéfinitifdesavoix.Pourlapremièrefois
depuisqu'ilsavaientquittélamaisondesLightwood,ilposalesyeuxsurelle.—Clary...(Ils'interrompit.)Ilyadusangsurtamanche.Tut'esblessée?Ils'approchad'elle,retournasonpoignetdanssamain.Baissantlesyeux,Claryconstataavecsurpris
qu'ildisaitvrai:ilyavaitunetacheécarlatesurlamanchedroitedesonmanteau.Elles'étonnaqu'ellesoitencoreaussirouge.Lesangn'était-ilpascensénoircirenséchant?Ellefronçalessourcils.
—Cesangn'estpaslemien.Jacesedétenditunpeu.—C'estceluidel'Inquisiteur?Ellesecoualatête.—Non,jecroisquec'estlesangdeSébastien.—Quoi?— Oui...Quandilestvenul'autresoir,souviens-toi,ilsaignaitauvisage.Isabelleavaitdûlegriffer...
Bref,j'aitouchésonvisageetjemesuismisdusangsurlamanche.Jecroyaisqu'Amatisavaitlavémonmanteau,ajouta-t-elleenexaminantlatachedeplusprès.Maisapparemment,elleaoublié.Jacegardasonpoignetdanssamainunlongmomentavantdelelâcher,visiblementsatisfait.—Merci.Elleluilançaunregardinterrogateurpuissecoualatête.—Tunevaspasm'expliquercequetuasderrièrelatête,hein?—C'esthorsdequestion.Ellelevalesbrasauciel.—Jerentre.Aplustard.Ellegravitlesmarchesduperrond'Amatis,sanssedouterqu'àlasecondeoùelledétournaitlatête,
le sourire de Jace s'évanouit ; il resta un longmoment immobile dans les ténèbres une fois la porterefermée,laguettantàsafenêtre,unboutdefilentortilléautourdesdoigts.
—Isabelle,appelaSimon.Ilavaitessayéplusieursportesmaisenl'entendantcrier:«Va-t'en!»àtraverslebattant,ilcomprit
qu'ilavaitfaitlebonchoix.—Isabelle,laisse-moientrer.Ilentenditunbruitsourdetlaportetremblasursesgonds,commesiIsabellevenaitdejeterunobjet
contrelebattant.Unechaussure,probablement.—Jen'aipasenviedevousparler,niàtoiniàClary.Jeneveuxvoirpersonne.Laisse-moitranquille,
Simon.—Claryn'estpaslà.Etjenepartiraipastantquetunem'auraspasouvert.—Alec!braillaIsabelle.Jace!Fichez-ledehors!Simonattendit.Aucunbruitneluiparvenaitdurez-de-chaussée.SoitAlecétaitparti,soitilsefaisait
discret.—Ilsnesontpaslà,Isabelle.Iln'yaquemoi.Un moment s'écoula avant qu'elle reprenne la parole. Cette fois, sa voix semblait beaucoup plus
proche,commesielleavaitcollél'oreillecontrelaporte.—Tuesseul?'—Oui.Laportes'entrouvrit.Isabelleapparutsur leseuil,vêtued'unecombinaisonnoire,seslongscheveux
ébouriffés.Simonnel'avaitjamaisvueaussinégligée:piedsnus,dépeignée,sansmaquillage.—Tupeuxentrer.Elles'effaçapourlelaisserpasser.Danslalumièreducouloir,ilconstataquelapièce,pourreprendre
laformuledesamère,avaitl'aird'avoiressuyéunetornade.Desvêtementsétaientéparpilléssurlesol
prèsd'unsacdesportouvert.Lefouetscintillantd'Isabelleétaitnouéàunmontantdu lit ;unsoutien-gorgeendentelleblancheétaitpenduàunautre.Simonajustasesyeuxàl'obscurité.Lesrideauxétaienttirés,leslampeséteintes.Isabelles'assitauborddulitetleconsidérad'unairnarquois.—Unvampirequirougit.Onauratoutvu!(Ellerelevalementon.)Bon,jet'ailaisséentrer.Qu'est-ce
quetuveux?Malgrésaminefurieuse,Simonluitrouval'airplusjeunequed'habitude.Sesyeuxnoirsressortaient,
immenses,sursonvisagepâleetfatigué.Ilobservalescicatricesblanchesquistriaientlapeauclairedeses bras nus, de son dos, de sa clavicule, et même de ses jambes. « Si Clary reste une Chasseused'Ombres,unjourellesera,elleaussi,couvertedecicatrices»,songea-t-il.Cettepenséelechagrinaitmoinsqueparlepassé.C'étaitpeut-êtrelafaçonqu'Isabelleavaitd'arborerlessiennesavecfierté.Elletenaitàlamainunpetitobjetquibrillaitfaiblementdanslapénombre.Simoncrutd'abordqu'il
s'agissaitd'unbijou.—CequiestarrivéàMax,cen'estpastafaute,dit-il.Isabellebaissalesyeuxsurl'objetqu'elleretournaitsanscesseentresesdoigts.—Tusaiscequec'est?lança-t-elleenleluimontrant.Celaressemblaitàunpetitsoldatdebois.Enyregardantdeplusprès,Simons'aperçutqu'ils'agissait
d'unChasseurd'Ombresminiatureentenuedecombat.Lachosequibrillait,c'étaitlapetiteépéepeintequ'ilbrandissait;lapeintures'étaitunpeuécailléeavecletemps.
— IlappartenaitàJace,expliqua-t-ellesansattendrederéponse.C'estleseuljouetqu'ilavaitensapossession en arrivant d'Idris. Je ne sais pas, il en avait peut-être d'autres, là-bas. Je crois qu'il l'afabriquélui-même,maisiln'yajamaisfaitallusion.Ill'emmenaitpartoutavecluiquandilétaitenfantill'avaittoujoursdanssapoche.Unjour,jemesuisaperçuequec'étaitMaxquil'avait.Jacedevaitavoirtreizeans.Ilavaitdûl'offriràMaxparcequ'ilsetrouvaittropvieuxpourça.Bref,Maxleserraitdanssamainquandonl'atrouvé.Onauraitditqu'ils'agrippaitàcejouetquandSébastien...Ellesetutetfituneffortmanifestepournepasfondreenlarmes,labouchedéforméeparunegrimace.—J'auraisdûêtrelàpourleprotéger.C'estàmoiqu'ilauraitdûs'accrocher,etpasàunvulgairejouet
enbois.Ellejetalafigurinesurlelit,lesyeuxbrillants.—Tuétaisdanslesvapes,objectaSimon.Tuasfailliylaissertapeau,Isa.Tun'auraisrienpufaire.Isabellesecouasatignasseemmêlée.—Qu'est-cequetuensais?répliqua-t-elled'untonféroce.Lesoirdesamort,Maxestvenunousdire
qu'ilavaitvuquelqu'unescaladerunedestours,etmoijel'airenvoyédanssachambre.Ilavaitraison.Jepariequec'estcetteorduredeSébastienquiétaitallédésactiverlesboucliers.Ill'atuépournepasqu'ilraconte ce qu'il avait vu. Si j'avais pris une seconde - rien qu'une seconde - pour l'écouter, il seraitencoreenvie.
—Tunepouvaispassavoir.QuantàSébastien,cen'estpaslecousindesPenhallow.Ilabernétoutlemonde.Isabelleneparutpasétonnée.—Jesuisaucourant.Jet'aientendudiscuteravecAlecetJacedepuisl'escalier.—Tunousépiais?Ellehaussalesépaules.—Jusqu'àcequetumanifestestonintentiondemontermeparler.Jesuisretournéem'enfermerdansma
chambre.Jen'avaispasenviedetevoir.Elleluijetaunregardencoin.
—Jedoisaumoinst'accorderça:tunerenoncespasfacilement.Simonfitunpasdanssadirection.— Quandmon père est mort, je savais que ce n'était pas ma faute, mais je passais mon temps à
ressassertoutcequej'auraisdûfaireoudiredesonvivant.—Ouais,ehbienlà,c'estmafaute.J'auraisdûl'écouter.Etsijepeuxencorefairequelquechosepour
lui,c'estretrouvercetteorduredeSébastienetletuerdemespropresmains.—Jenesuispassûrqueçat'aiderait...—Qu'est-cequetuensais?Tuastuélemeurtrierdetonpère,toi?—Ilestmortd'unecrisecardiaque.—Alorstuparlessanssavoir.Isabelleplantasonregarddanslesien.—Viensici.—Quoi?D'ungesteimpérieux,elleluifitsigned'approcher.Ilobéitàcontrecœur.L'agrippantparledevantde
son tee-shirt, elle l'attira contre elle. Leurs visages étaient à quelques centimètres l'un de l'autre ; ildistinguaitlestracesqu'avaientlaisséesseslarmesenséchant.
—Tusaisdequoij'auraisvraimentbesoin,là?dit-elleendétachantchaquesyllabe.Euh...non.—Dedistraction.Etàcesmots,ellelepoussasurlelit.Ilatterritsurledosparmiuntasdevêtements.—Isabelle,protesta-t-ilfaiblement,tucroisvraimentqueçavat'aideràtesentirmieux?— Crois-moi, répliqua-t-elle en posant lamain sur son torse, juste en dessous de son cœur qui ne
battaitplus.Jemesensdéjàbeaucoupmieux.
Claryétaitallongéesursonlit,lesyeuxfixéssurunrayondelunequisereflétaitsurleplafond.Elle
avaitencorelesnerfsàvifaprèslesévénementsdelajournéeetnetrouvaitpaslesommeil.LefaitqueSimonnesoitpasrentrén'arrangeaitrien.Aprèsledîner,elleavaitfaitpartdesesinquiétudesàLuke.Aprèsavoirenfiléunmanteau,ils'étaitrenduchezlesLightwood.Asonretour,unsourireamuséflottaitsurseslèvres.
—Simonvabien,Clary.Vatecoucher.Puis il était reparti avec Amatis assister à l'une de leurs réunions interminables dans la Salle des
Accords.Clarys'étaitdemandés'ilsavaientlavélesangdel'Inquisiteur.Commeellen'avaitriend'autreàfaire,elles'étaitdécidéeàsemettreaulit,maislesommeilnevenait
pas.EllerevoyaitsanscesseValentinarracherlecœurdel'Inquisiteur.«Tudevraistenirtalangue.Pourlebiende ton frère et le tien», lui avait-il dit.Mais surtout, c'étaient les secretsque lui avait révélésIthurièlqui la taraudaient.Pourcouronner le tout, ellevivaitenpermanencedans lapeurquesamèremeure.OuétaitpasséMagnus?Soudain, les rideaux bougèrent et un rayonde lune éclaira la pièce.Clary se redressa brusquement
danssonlitetcherchaàtâtonslepoignardséraphiquequ'ellegardaitsursatabledenuit.—Net'inquiètepas,c'estmoi.Unemainfamilière,fineetcouvertedecicatrices,vîntseposersurlasienne.—Jace!Qu'est-cequetufaisici?Quelquechosenevapas?Ilgardalesilencependantquelquesinstantset,sesentantrougir,Claryserrasesdrapsautourd'elle:
elleneportaitpourtoutvêtementqu'unbasdepyjamaetunmincecaraco.Puis,voyantl'expressiondesonvisage,sagênesedissipa.
—Jace?Tuvasbien?'Immobileprèsdulitdanssesvêtementsdedeuilblancs,ill'observaitd'unairgrave.Ilétaittrèspâle
etilavaitlesyeuxcernés.— Jenesaispastrop,répondit-ild'untonhébété,commes'ilvenaitdes'éveillerd'unrêve.Jen'avais
pas prévude venir. J'aimarché toute la nuit, je ne pouvais pas fermer l'œil etmes pasm'ont conduitjusqu'àtoi.
—Qu'est-cequit'empêchededormir?Ilestarrivéquelquechose?Lesmotsavaientàpeinefranchiseslèvresqu'ellesesentitbête:quellequestion!MaisJacesemblait
nepasl'avoirentendue.—Ilfallaitquejetevoie,dit-ilcommepourlui-même.Jesaisquejen'auraispasdûvenir.Maisille
fallait.— Ehbien,assieds-toi,alors,lança-t-elleenrepliantlesjambespourluiménagerunpeudeplaceau
borddulit.Tum'asfaitunedecespeurs!Tuessûrqu'iln'yarien?—Jen'aipasditça.Il s'assit sur le lit, faceàelle. Ilétait siprèsqu'ellen'avaitqu'àsepencherpour l'embrasser...Son
cœurseserra.—Desmauvaisesnouvelles?— Non, riendeneuf.C'estmême tout le contraire.C'estquelquechoseque j'ai toujours suet... toi
aussi,probablement.Dieusaitquejen'aipasréussiàlecacher.Ilscrutasonvisagecommepourlemémoriserai—Cequis'estpassé...(Ilsetut,paruthésiter.)…C'estquej'aicomprisquelquechose.— Jace,murmura-t-elleetsoudain,sanssavoirpourquoi,elleeutpeurdecequiallaitsuivre.Jace,tu
n'espasobligéde…J'essayaisd'aller...quelquepart.Maismespasmeconduisaienttoujoursici.Jenepouvais plusm'arrêter demarcher, de penser à la première fois où je t'ai vue.Après, je n'ai pas put'oublier.J'avaisbeaufaire,c'étaitplusfortquemoi.J'aiinsistéauprèsdeHodgepourquecesoitmoiquiteramèneàl'Institut.Etdanscecaféminable,quandjet'aivueassiseàcôtédeSimon,jemesuisditquec'étaitmoiquiauraisdûêtreàsaplaceettefairerirecommeça.Jen’arrivaispasàm'ôtercetteidéede la tête : ç'aurait dû êtremoi. Plus j'apprenais à te connaître, plus j'en étais convaincu. Je n'avaisjamaisrienressentidetelauparavant.Unefillemeplaisait,onfaisaitconnaissanceetpuisjemelassais.Alorsqu'avectoi,messentimentsnechangeaientpas,aucontraire,jusqu'àcettefameusenuitàRenwickoùj'aisu.Enapprenantquetuétaismasœur,j'aipenséqueledestinsefichaitdemoi.C'étaitcommesiDieumecrachaitdessus.Pourquoi,jen'ensaisrien.Pouravoircruquejeméritaisd'êtreheureux,peut-être.Jenecomprenaispuscequej'avaispufairepourêtrepuniàcepoint.
— Moiaussi,jemesuissentiepunie.J'éprouvelamêmechosequetoi,maisc'estimpossible...Ilfautqu'onsefasseuneraison,c'estnotreseulechanced'êtreensemble.Jeneveuxpasquetusortesdemavie.Unfrère,c'estmieuxquerien.
— Etjeseraicenséresterlesbrascroiséslejouroùturencontrerasquelqu'un,oùtutemarieras...?J'encrèveraiàpetitfeu!
— Non.Unjour,tun'ensouffrirasplus,objecta-t-elletoutensedemandantsiellepourraitsupportercetteidée.Ellenes'étaitpasprojetéeaussiloinquelui,etquandelles'efforçaitdel'imaginertomberamoureux
d'uneautre,enépouseruneautre,ellenevoyaitrienqu'untunnels'étendantàl'infinidevantelle.—Jet'enprie.Ilsuffiraitdeneriendire,defairesemblant...—Iln'yapasdesemblantquitienne,répliquaJaced'untondéfinitif.Jet'aime,etjet'aimeraitoujours.— Claryretintsonsouffle.Ilavaitfiniparlesdire,cesmotsquines'effaçaientpas.Ellecherchaune
réponse,maisriennevint.Jesaiscequetupenses,reprit-il.Tut'imaginequejeveuxêtreavectoipour...pourme prouver que je suis unmonstre. C'est peut-être le cas, je n'en sais rien.Mais une chose estcertaine:mêmesidusangdémoniaquecouledansmesveines,jenepourraispast'aimerdelasortes'ilnemerestaitpasuneparcelled'humanité.Lesdémons,eux,n'aimentpas.Alorsquemoi...Ilselevabrusquementetallaàlafenêtre.IlsemblaitaussiperduquedanslaGrandeSalle,quandil
s'étaitpenchéau-dessusducorpsdeMax.—Jace ? fit Clary, inquiète, et comme il ne répondait pas, elle se leva à son tour, le rejoignit à la
fenêtre,posalamainsursonbras.Qu'est-cequinevapas?Ilcontinuaàregarderau-dehors.Deuxsilhouettesfantomatiques,cellesd'ungrandgarçonetd'unefille
menuequisecramponnaitàsamanche,sereflétaientsurlavitre.— Je n'aurais pas dû te dire ça. Je suis désolé. Je suis peut-être allé trop loin. Tu semblais si...
bouleversée.Savoixétaittendueàl'extrême.—Oui,c'estvrai.J'aipassécesquelquesderniersjoursàmedemandersitumehaïssais.Etcesoir,en
tevoyant,j'enétaisarrivéeàlaconclusionquec'étaitbienlecas.—Moi,tehaïr?répéta-t-il,médusé.Ilsepenchapoureffleurersonvisageduboutdesdoigts.—Jetel'aidit,jen'arrivaispasàdormir.Demainsoir,àminuit,nousseronssoitenguerresoitsousla
domination deValentin.C'est peut-être la dernière nuit de notre existence.Dumoins, la dernière nuitnormaleoùnouspourrionsdormiretnousleverlematincommed'habitude.Etmoi,jenepensaisqu'àunechose,lapasseravectoi.LecœurdeClarys'arrêta.—Jace...—Cen'estpascequetucrois.Jenevaispastetoucher,àmoinsquetuleveuilles.Jesaisquec'est
mal,maisjeveuxjustem'endormiretmeréveilleràtescôtés,uneseulefoisdansmavie.Justecettenuit.Danslegrandordredel'univers,cen'estqu'unebroutille,non?«Penseaumatin,songea-t-elle.Pensequeceseradixfoispiredejouerlacomédiedevantlesautressi
onpasselanuitensemble,mêmesic'estpourdormir.C'estcommeprendreuntoutpetitpeudedrogue;aufinal,çanesertqu'àenvouloirplus.»Pourtant,enfindecompte,quoiqu'ilsfassent,çanepouvaitpasêtrepirenimieux.Cequ'iléprouvait
pourelleétaitdéfinitif;pouvait-elleprétendrequ'iln'enallaitpasdemêmedesoncôté?Etmêmesielleespéraitque le temps, la raisonouune lassitudeprogressiveviendraientàboutdesessentimentspourJace,encemomentellenedésiraitriendeplusaumondequecettenuitaveclui.
—Fermelesrideauxavantdetecoucher.Jenepeuxpasdormiravecdelalumièredanslapièce.L'incrédulité se peignit sur le visage de Jace. Elle comprit, étonnée, qu'il ne s'attendait pas qu'elle
accepte.Illaserradanssesbrasenenfouissantlevisagedanssescheveux.—Clary…—Vienstecoucher,dit-elledoucement.Ilesttard.Et, s'écartant de lui, elle se remit au lit en rabattant les couvertures sur elle. En le regardant, elle
pouvaitpresquelesimaginertousdeuxdesannéesplustard,silasituationavaitétédifférente,ensembledepuissilongtempsqu'ilsrépéteraientlamêmescènetouslessoirs.Quechaquenuitleurappartiendrait.Lementondanslamain,ellel'observatandisqu'ilfermaitlesrideauxetôtaitsavesteblancheavantdelasuspendre au dos d'une chaise. Il portait un tee-shirt gris pale en dessous, et les Marques quis'entrelaçaientsursesbrasnusbrillèrentfaiblementdanslapénombrecommeildétachaitsaceintureetl'abandonnaitparterre.Aprèsavoirdélacésesbottes,ilvints'allongeràcôtédeClaryavecdesgestes
précautionneux.Danslafaibleclartéquifiltraitàtraverslesrideaux,ellenedistinguaitquelescontoursdesonvisageetl'éclatdesesyeux.
—Bonnenuit,Clary,murmura-t-il.Lesmainsplaquéeslelongducorps,ilrespiraitàpeine.Glissantlamainsousledrap,elleeffleurala
sienne. Jace se raidit à côté d'elle puis se détendit, et ferma les yeux tandis qu'un sourire étirait seslèvres.Ellesedemandaàquoiilressembleraitaumatin-lescheveuxébouriffés,lespaupièresencorelourdesdesommeil-etcettepenséeluiréchauffalecœur.
—Bonnenuit,chuchota-t-elle.Et,lamaindanslamaintelslesenfantsd'uncontedefées,ilss'endormirentcôteàcôtedanslenoir.
15.DeMalEnPis
LukeAVAIT PASSÉ la plus grande partie de la nuit dans la Salle desAccords à observer la lune quiprogressaitdanslecielau-delàdelaverrière,telleunepièced'argentroulantsurunetableenverre.Unefoisqu'elleeutatteintsonapogée,ilsentitsavueetsonodorats'aiguiseralorsmêmequ'ilavaitconservésaformehumaine.Aprésent,parexemple, il flairait lasuspiciondans lasalle,mêléeàdesrelentsdepeur. Il ressentait l'inquiétude permanente tenaillant les loups de sa meute, restée dans la forêt deBrocelinde,quifaisaientlescentpassouslesarbresdansl'attentedesesnouvelles.Lavoixperçanted'Amatisletiradesarêverie.—Lucian!Au prix d'un effort, Luke reporta son attention sur la situation présente.Un petit groupe hétéroclite
s'étaitrassemblépourécoutersonplan.Ilsétaientmoinsnombreuxquecequ'ilavaitespéré.Lamoitiéd'entreeuxétaientdevieillesconnaissances : lesPenhallow, lesLightwood, lesRavenscar.Quantauxautres,ilvenaitdelesrencontrer,qu'ils'agissedesMonteverdoquidirigeaientl'InstitutdeLisbonneets'exprimaientmoitiéenanglaismoitiéenportugais,oudeNasreenChaudhury,laresponsablepeuamènede l'Institut de Bombay. Son sari vert sombre était rebrodé de runes argentées si brillantes que Luketressaillaitchaquefoisqu'elles'approchaittropprèsdelui.
—Franchement,Lucian!s'exclamaMaryseLightwood.Lechagrinetl'épuisementavaientcreusélestraitsdesonpetitvisageblême.Lukenes'attendaitpas
qu'elleetsonmarisoientprésents,maisilsavaientacceptédevenirdèsqu'illeuravaitfaitpartdesonprojet.Illeurétaitreconnaissantd'êtrelà,mêmesilapeinerendaitMaryseplusirritablequed'ordinaire.
—C'esttoiquinousasréunisici.Lemoinsquetupuissesfaire,c'estd'êtreattentif.—Ilnousécoute.Amatis était assise en tailleur, dans une posture de jeune fille, mais son visage était celui de la
détermination.—Cen'estpassafautesiontourneenronddepuisuneheure.—Etoncontinueraàtâtonnerjusqu'àcequ'onsoitparvenusàunesolution,déclaraPatrickPenhallow
d'unevoixtendue.—Avectoutlerespectquejevousdois,Patrick,iln'existepeut-êtrepasdesolutionànotreproblème
intervintNasreen.Toutcequenouspouvonsespérer,c'estunplan.—Unplanquin'aboutisseniàl'assujettissementdenotrepeupleni...s'emportaJia,l'épousedePatrick,
avantdesemordrelalèvre.Comme sa filleAline, qui lui ressemblait beaucoup, Jia étaitmince et jolie.Luke se souvenait que
Patrickavait fui àPékinpour l'épouser.Sondépart avait causéunénorme scandale, car il était censéconvoleravecunejeunefillequesesparentsluiavaientchoisieàIdris.MaisPatrickn'avaitjamaisaiméqu'onluidictesaconduite,etLukelerespectaitpourcela.
— NiàuneallianceaveclesCréaturesObscures?lançaLuke.J'aibienpeurqu'iln'yaitpasd'autrealternative.
—Cen'estpasleproblème,ettulesais,répliquaMaryse.C'estcettehistoiredesiègesauConseilquinouspréoccupe.L'Enclaven'yconsentirajamais.Quatresièges...
— Non,pasquatre.Unpourchacundenous:lePetitPeuple,lesEnfantsdelaLuneetlesEnfantsdeLilith.
— Lesfées,leslycanthropesetlessorciers,résumalesenhorMonteverdedesavoixdouce.Etqu'en
est-ildesvampires?— Ilsnem'ontrienpromis,admitLuke.Etjeneleurairienfaitmiroiternonplus.Ilsnemesemblent
paspressésderejoindreleConseil;ilsn'aimentpasbeaucoupmonpeuple,etnesontpasnonplustrèsadeptesdesrèglesetdesréunions.Maislaporteresteouvertes'ilsdevaientchangerd'avis.
— Malachietsacliqueneseront jamaisd'accord,etnousn'auronsprobablementpasassezdevoixsansleurappui,marmonnaPatrick.Enoutre,sanslesvampires,nousn'avonsaucunechance
— Détrompe-toi ! s'écriaAmatis,qui semblaitencoreplusconvaincuepar leplandeLukeque lui-même. Il y a beaucoup de Créatures Obscures prêtes à se battre à nos côtés. Elles feront des alliéspuissants.Rienquelessorciers...LasenhoraMonteverdesetournaverssonmariensecouantlatête.—Ceplanestinsensé.Çanemarcherajamais.OnnepeutpassefierauxCréaturesObscures.—Ilabienfonctionnépendantl'Insurrection,objectaLuke.Lafemmefitlagrimace.—C'estseulementparceque,alors,Valentinsebattaitauxcôtésd'unearméed'imbéciles.Là,c'estde
démons qu'il s'agit. Et qui nous dit que les membres de son ancien Cercle n'accepteront pas de lerejoindreàlasecondeoùillesappellera?
—Surveillezvosparoles,senhora,grommelaRobert,Lightwood.C'étaitlapremièrefoisqu'ilprenaitlaparoledepuisledébutdelaréunion.Pendantlamajeurepartie
delasoirée,ilétaitrestéprostré.Sonvisageétaitcreuséderides;Lukeauraitjuréqu'ellesn'étaientpaslà trois jours plus tôt. Chacun de ses gestes, ses épaules raides, ses poings serrés attestaient de soncalvaire;Luken'avaitjamaisbeaucoupaiméRobertLightwood,etpourtantlavuedecethommemassifravagéparlechagrinluiserraitlecœur.
—SivouscroyezquejevaismerallieràValentinaprèscequ'ilafaitàmonfils...—Robert,murmuraMaryseenposantlamainsurlebrasdesonépoux.—Sinousnelerejoignonspas,alorstousnosenfantsmourront,déclaralesenhorMonteverde.— Sic'estlàvotreconclusion,alorsquefaites-vousici?lançaAmatisenselevant.Jecroyaisqu'on
s'étaitmisd'accord...«Moiaussi.»Lukeavaitlatêtelourde.«C'esttoujourslemêmerefrainaveccesgens-là,songea-t-il.
Unpasenavant,unpasenarrière.»IlsétaientaussibelliqueuxquelesCréaturesObscuresentreelles.Si seulement ils pouvaient s'en apercevoir ! Peut-être aurait-il mieux valu qu'ils règlent leurs luttesintestinesparlaviolence,commelesloupsdesameute...Soudain,ildéceladumouvementducôtédelaportedelaGrandeSalle.Celaneduraqu'uneseconde,
et si lapleine lunen'avaitpasétéproche, iln'auraitpeut-êtrepasvuni reconnu lasilhouettequiétaitpasséefurtivementdevantlaporte.L'espaced'uninstant,ilcrutquesonimaginationluijouaitdestours.Parfois,lorsqu'ilétaitfatigué,ilcroyaitvoirJocelynedanslesjeuxd'ombreetdelumièresurlesmurs.Mais,enl'occurrence,cen'étaitpasJocelyne.Lukeseleva.—Jevaisprendrel'aircinqminutes.Jereviens.Ilsentitleurregardpesersurluitandisqu'ilsedirigeaitverslaporte.LesenhorMonteverdeparlaen
portugais à l'oreillede sa femme ;Luke saisit lemot lobo- « loup» - dans son flot deparoles. « Ilsdoivents'imaginerquejevaiscourirencercleenhurlantàlalune.»Dehors,l'airétaitglacialetlecielgrisardoiserougeoyaitàl'est.L'aubeteintaitderosel'escalierde
marbremenant à laGrandeSalle. Jace l'attendait aumilieu desmarches.En voyant ses vêtements dedeuil, Luke eut un choc ; ils lui rappelèrent les pertes qu'ils venaient de subir et qu'ils subiraient ànouveau.
—Qu'est-cequetufaisici,Jonathan?
Jacene réagit pas, et en son for intérieurLukemaudit sanégligence : Jacedétestait qu'on l'appelleJonathanetrépondaitgénéralementàceprénompardesprotestationsvéhémentes.Cettefois,cependant,ilneparutpass'ensoucier.L'expressionlugubredesonvisagereflétaitcelledesadultesrassemblésdanslasalle.Bienqu'ilfûtencoreàunandelamajoritélégaleinstauréeparl'Enclave,ilavaitdéjàététémoindeplusd'horreursdanssacourteviequelaplupartdesgrandespersonnes.
—Tucherchestesparents?—TuveuxdirelesLightwood?(Jacesecoualatête.)Non,c'estàtoiquejevoulaisparler.—C'estausujetdeClary?Illuiestarrivéquelquechose?—Ellevabien.—Alorsqu'ya-t-il?Jacejetaunregardverslaporte.—Commentçasepasselà-dedans?Onprogresse?— Pas vraiment, admit Luke. Même s'ils n'ont aucune intention de capituler devant Valentin, la
perspectived'accepterdesCréaturesObscuresauConseilleurparaîtencoremoinsréjouissante.Etsanslapromessedesièges,monpeuplerefuseradesebattre.
LesyeuxdeJaceétincelèrent.—Cetteidéenevapasdutoutplaireàl'Enclave.—Onneleurdemandepasdel'aimermaisdechoisirunealternativeausuicide.— Ilsessaierontdegagnerdu temps.À taplace, je leur fixeraisundélaipour sedécider.L'Enclave
adorelesdélais.Lukeneputs'empêcherdesourire.— Tous les combattants que je pourrai rassembler atteindront la Porte duNord au crépuscule. Si
l'Enclaveconsentàsebattreàleurscôtés, ilsentrerontdanslaville.Lecaséchéant, ilsrebrousserontchemin. Je ne pouvais pas repousser davantage leur venue ; ça leur laisserait à peine le temps deregagnerBrocelinded'iciminuit.Jaceémitunsifflement.— Dugrandspectacle!TuespèresquelavuedetoutescesCréaturesObscuresvainspirerl'Enclave
oul'effrayer?—Unpeudesdeux,sansdoute.UngrandnombredesesmembresviventdansdesInstituts,commetoi:
ils sont beaucoup plus habitués à côtoyer des Créatures Obscures. Ce sont les natifs d'Idris quim'inquiètent.EnvoyanttoutescesCréaturesObscuresàleursportes,ilsrisquentdecéderàlapanique.D'unautrecôté,ilfautleurrappeleràquelpointilssontvulnérables.Jacejetauncoupd'œilauxruinescalcinéesdelaGarde,quisedétachaienttelleunegrossecicatrice
noiresurlacollinedominantlaville.—Jenesuispassûrqu'ilsoitnécessairedeleurrafraîchirlamémoire.Puis,fixantLuked'unairgrave,ilajouta:—J'aiquelquechoseàtedire,etjeveuxpouvoirlefaireentouteconfiance.Lukeneputdissimulersasurprise.—Pourquoimoi?PourquoipaslesLightwood?—Parcequec'esttoiquicommandesici,tulesaitbien.Lukehésita.Malgrésaproprefatigue,levisagepâleetépuisédeJacel'émut.Ilavaitenviedeprouver
à ce garçon, qui avait étémaintes fois trahi et utilisé par les adultes au cours de son existence, qu'ilexistaitdesgrandespersonnessurlesquellesilpouvaits'appuyer,
—Soit.—Enoutre,jecomptesurtoipourtoutexpliqueràClary.
—Luiexpliquerquoi?—Lesraisonsdemadécision.LesyeuxdeJacesemblaientimmensesdanslalumièredulevant;ilparaissaitplusjeune,toutàcoup.—JeparsàlapoursuitedeSébastien,Luke.Jesaiscommentleretrouver,etj'ail'intentiondelesuivre
pourqu'ilmemènejusqu'àValentin.Lukelaissaéchapperuneexclamationdesurprise.—Tusaiscommentleretrouver?— Magnusm'a appris à utiliser une rune de filature quand je séjournais chez lui àBrooklyn.On a
essayéderetrouvermonpèreaumoyendesabague.Çan'apasmarché,mais...—Tun'espasunsorcier.Tunedevraispasrecouriràdessortilègesdecegenre.— C'est de runes qu'il s'agit. C'est par ce biais que l'Inquisitricem'a suivi quand je suis allé voir
Valentin sur son bateau. Tout ce qu'ilme fallait pour que ça fonctionne, c'était un objet personnel deSébastien.
— Maison a déjà passé lamaisondesPenhallowaupeigne fin ! Il n'a rien laissé derrière lui. Sachambreétaitimpeccable,probablementpourcetteraison-là.
— J'ai trouvé son sang surunboutde tissu.Cen’estpasgrand-chosemaisç'a suffi. J'ai essayé, çamarche.
—TunepeuxpastelancerauxtroussesdeValentintoutseul,Jace.Jenetelaisseraipasfaire.— Tunepourraspasm'enempêcher.Amoinsquetuveuillestebattreicimême.Tun'ensortiraispas
vainqueur.Tulesaisaussibienquemoi.LukedécelauneinflexionétrangedanslavoixdeJace,mélangedecertitudeetdedégoûtdesoi.—Écoute,tuespeut-êtredéterminéàjouerleshérossolitaires...—Jen'airiend'unhéros,l'interrompitJaced'untonégal,commes'ilsecontentaitd'énoncerdesimples
faits.—EtlesLightwood?EtClary?—Tucroisquejen'yaipaspensé?Àtonavis,pourquoijefaistoutça?— Tusais,jemerappellecequec'estd'avoirdix-septans.Des'imaginerqu'onpeutsauverlemonde,
qu'ilenvadenotredevoir...—Regarde-moi!s'exclamaJace.Tuvoisungarçondedix-septanscommelesautres?
Lukesoupira.—Tuesuniqueentongenre,ilfautbienl'admettre.—Maintenant,vas-y:dis-moiquemonprojetestirréalisable.CommeLukenerépondaitpas,Jacepoursuivit:—Ton plan est bon, jusqu'ici. Lever une armée de CréaturesObscures, affronterValentin jusqu'aux
portesd'Alicante.C'esttoujoursmieuxquederesterlesbrascroisés.Maisils'attendàtoutça.Vousnel'aurezpasparsurprise.Moisi. Je... jepourrais. Il ignorepeut-êtrequeSébastienest suivi.C'estunechance,pourcommencer,etondoitsaisirtoutescellesquiseprésentent.
—Tuaspeut-êtreraison.Maismêmetoi,tunepeuxpasportercepoidstoutseulsurtesépaules.—Tune comprends pas... ça ne peut être quemoi, protesta Jace d'une voix où perçait le désespoir.
MêmesiValentindécouvrequ'ilestsuivi,ilmelaisserasansdoutel'approcherd'assezprès.—Etensuite?Qu'est-cequetucomptesfaire?—Letuer,biensûr.LukeobservaJace.IlauraitaiméêtrecapabledevoirJocelynedanssonfilscommeillavoyaitdans
Clary,maisJaceétaitencoreettoujourslui-même:secret,solitaire,unique.—Tut'ensenscapable?Tupourraistuertonproprepère?
—Oui,réponditlegarçon,d'unevoixlointainecommeunécho.Etc'estlàquetuvasmedirequejenepeuxpasletuerparceque,aprèstout,c'estmonpère,etqueleparricideestuncrimeimpardonnable?
—Non.Maseuleobjectionestlasuivante:es-tusûrd'enêtrecapable?Luke s'aperçut, à sa propre stupéfaction, qu'une part de lui-même avait déjà accepté la décision de
Jace,etqu'illelaisseraitpartir.—TunepeuxpaspourchasserValentintoutseuletfaiblirauderniermoment.—Oh,fitJace,j'ensuiscapable.Ilbaissalesyeuxverslaplacequi,laveilleencore,étaitjonchéedecadavres.—Monpèrem'afaittelquejesuis.Etjelehaispourça.Jepeuxletuer,crois-moi.Ilm'enadonnéla
capacité.Lukesecoualatête.—Quellequ'aitététonéducation,tul'asdépassée,Jace.Ilnet'apascorrompu...—Non,iln'apaseuàlefaire.Jace observa le ciel zébré de bleu et de gris ; dans les arbres qui bordaient la place, les oiseaux
commençaientàfaireentendreleurschantsmatinaux.—Jeferaismieuxd'yaller.—TuveuxquejetransmetteunmessageauxLightwood?—Non,neleurdisrien.Ilst'envoudraients'ilsapprenaientquetuétaisaucourantdemesprojetsetque
tun'aspasessayédem'arrêter.J'ailaisséunmot.Ilscomprendront.—Alorspourquoi...— Pourquoi je suis venu te raconter tout ça ? Parce que je veux que tu gardes à l'esprit, tout en
établissantleplandebataille,quejechercheValentin.Sijeleretrouve,jeteleferaisavoir.(Unsourireéclairabrièvementsonvisage.)Tun'asqu'àmeconsidérercommeunplandesecours.Lukeserralamaindugarçon.—Sitonpèreétaitdifférent,ilseraitfierdetoi.Jace sembla surpris, ses joues s'empourprèrentpendantune fractionde seconde, et il retira samain
d'ungestebrusque.—Situsavais...marmonna-t-ilavantdesemordrelalèvre.Aucuneimportance.Bonnechance,Lucian
Graymark.Aveatquevale.—Espéronsquecenesontpasdevraisadieux,observaLuke.Lesoleilselevaitàprésentet,commeJaceredressaitlatêteenplissantlesyeuxàcausedelalumière,
Lukefutfrappéparl'expressiondesonvisage,oùlavulnérabilitéledisputaitàunorgueilbuté.—Tumerappellesquelqu'un,dit-ilsansréfléchir.Quelqu'unquej'aicôtoyéilyadesannées.—Jesais,répliquaJaceavecamertume.JeterappelleValentin.— Non,fitLukeavecétonnement,maiscommeJacesedétournait, laressemblancesedissipaet les
fantômesdupassédisparurent.Non,jenepensaispasàValentin.AlasecondeoùClarys'éveilla,ellesutqueJacen'étaitpluslàavantmêmed'avoirouvertlesyeux.Sa
maintoujoursentraversdulitrencontralevide.Elleseredressalentement,lecœurserré.Il avait dû tirer les rideaux avant de s'en aller, car la fenêtre était ouverte et les rayons du soleil
zébraientlelit.Clarys'étonnaquelalumièredujournel'aitpasréveillée.D'aprèslapositiondusoleil,ce devait être l'après-midi. Elle avait la tête lourde et les yeux qui pleuraient.C'était peut-être parcequ'ellen'avaitpasfaitdecauchemarslaveillepourlapremièrefoisdepuislongtempsetqu'ellerattrapaitsonsommeilenretard.
Enselevant,elleremarquaunefeuilledepapierpliéesurlatabledenuit.Ellel'ouvrit,lesourireauxlèvres-Jaceavaitdonclaisséunmot?-etunobjetlourdtombaàsespieds.Surprise,ellesursauta,crutpendantuninstantqu'ils'agissaitd'unechosevivante.Ensebaissantpourleramasser,ellereconnutlachaîneetl'anneauenargentqueJaceportaitautourducou.Labaguedesafamille.Ellel'avaitrarementvusans.Uneboufféed'angoisselasubmergea.Elleparcourutenhâtelespremièreslignesdumessage:Malgrétout,jenesupportepasl’idéequecetanneauseperde,demêmequejenepeuxmerésoudre
àneplusjamaistevoir.Or,sijen'aipaslechoixsurcedernierpoint,jepeuxaumoinsprendreunedécisionconcernantlepremier.Lerestedelalettresefonditenunamasdemotssanssignification;elledutlarelireplusieursfois
pourladéchiffrer.Quandelleeutterminé,ellerestaunlongmomentlesyeuxfixéssurlafeuilledepapierquitremblaitdanssesmains.EllecomprenaitmaintenantpourquoiJaceavaitépanchésoncœur.Quoideplusnaturellorsqu'oncroitqu'onnereverraplusjamaissaconfidente?Ellenesesouvintpaspar lasuited'avoirprisunedécisionquelconque.Ellese rappela justeavoir
dévalél'escalier,danssatenuedeChasseused'Ombres,lalettredansunemain,aprèsavoirpasséenhâtelachaîneautourdesoncou.Le salon était vide, le feu dans l'âtre n'était plus qu'un tas de cendres,mais des voix et une odeur
agréable lui parvenaientde la cuisine éclairée. «Despancakes?» songea-t-elle avec étonnement.Ellen'auraitjamaisimaginéqu'Amatissachelespréparer.Et elle avait raison. En entrant dans la cuisine, Clary ouvrit de grands yeux : Isabelle, ses longs
cheveuxsoyeuxrassembléssurlanuque,setenaitdevantlefourneau,untabliernouéautourdelatailleetunecuillèreàlamain.Simonétaitassissurlatablederrièreelle,lespiedsappuyéssurunechaise,tandisqu'Amatis, qui ne semblait pas disposée à le chasser de son perchoir, était adossée au comptoir, etsemblabeaucoups'amuser.IsabelleagitasacuillèreendirectiondeClary.—Bonjour!Unpetit-déj',çatetente?Bienquecesoitplutôtl'heuredudéjeuner.Muettedesurprise,ClarysetournaversAmatis,quihaussalesépaules.—Ilsviennentdedébarquer,ilsontinsistépours'occuperdupetit-déjeuner,etjedoisadmettrequeje
nesuispastrèsbonnecuisinière.Clarypensaàlasoupeimmondequ'Isabelleavaitpréparéeàl'Institutetréprimaunfrisson.—OùestLuke?—DanslaforêtdeBrocelinde,avecsameute.Toutvabien,Clary?Tuasl'airunpeu...—Hagard,intervintSimon.Çava,tuessûrePendantunbrefmoment,Clarynetrouvapasderéponse.«Ilsviennentdedébarquer»,avaitditAmatis.
Cela signifiait donc que Simon avait passé la nuit avec Isabelle. Elle lui jeta un regard incrédule. Iln'avaitpasl'airchangé.—Oui,répondit-elleenfin.IlfautquejeparleàIsabelle.LemomentétaitmalchoisipoursepréoccuperdelavieamoureusedeSimon.—Vas-y,jet'écoute,lançalacuisinièreenretournantaufonddelapoêleunemasseinformequeClary
soupçonnaitd'êtreunpancake.—Jepréféreraisenprivé.Isabellefronçalessourcils.
—Çanepeutpasattendre?J'aipresquefini...—Non,décrétaClaryet,enentendantletondesavoix,Simonselevabrusquement.— Bon,onvous laisse tranquilles. (Se tournantversAmatis, ilajouta :)Vouspourriezpeut-êtreme
montrercesphotosdeLukequandilétaitbébé.— Oui,pourquoipas?réponditAmatisen jetantunregard inquietàClaryavantdequitter lapièce
derrièreSimon.Isabelle secoua la tête tandis que la porte se refermait sur eux. Le petit poignard qui retenait ses
cheveux sur sa nuque étincela dans la lumière :malgré le tableau vivant qu'elle offrait de la parfaitemaîtressedemaison,elledemeuraituneChasseused'Ombres.—Sic'estausujetdeSimon...—Non,c'estàproposdeJace.Lisça,ditClaryentendantlafeuilledepapieràIsabelle.Avecunsoupir,elleallas'asseoiraveclalettreàlamain.Clarypritunepommedanslacorbeilleet
s'installaà l'autreboutde la tablependantqu'Isabelle lisaitensilence.Auboutdequelquessecondes,ellelevalesyeux,l'airperplexe.
—C'estassezpersonnel.Tuessûrequejedevraislalire?«Sansdoutepas»,songeaClary.Elle-mêmeneserappelaitmêmeplusducontenudelalettre.Dans
d'autres circonstances, elle ne l'aurait pas montrée à Isabelle, mais son inquiétude au sujet de Jacebalayaittouteautrepréoccupation.
—Lis-lajusqu'aubout.Isabelleobéit.Quandelleeutterminé,ellereposalalettresurlatable.—Çanem'étonnepasdelui,tiens.—Tuvois,hein?Iln'apasdûallerbienloin,ilfautqu'onlerattrapeet...Clarys'interrompit.—Commentça?Pourquoiçanet'étonnepas?Isabellerepoussaunemèchedecheveuxderrièresonoreille.—DepuisladisparitiondeSébastien,toutlemondeneparlequedepartiràsarecherche.J'aipassésa
chambreaupeignefinchez lesPenhallowpour trouverunindice...Rien.J'auraisdûmedouterque,siJacemettaitlamainsurunobjetsusceptibledel'aideràretrouverlatracedeSébastien,ilfileraitsansuneexplication.Ellesemorditlalèvre.—IlauraitaumoinspuemmenerAlecaveclui.Ilnevapasêtrecontent.—Alorstucroisqu'Alecaccepteradeleretrouver?demandaClaryavecunregaind'espoir.—Clary,fitIsabelled'untonoùperçaitl'exaspération.Commentveux-tuqu'onleretrouve?Onn'apas
lamoindreidéedeladirectionqu'ilaprise.—Ildoitexisterunmoyende...—Onpeutessayerdeletraquer.MaisJaceestmalin.Iladûpenseràbrouillerlespistes.UneragefroideenvahitClary.— Ondiraitquetut'enmoquesqu'ilsesoitlancédansunemissionsuicide!Ilnepourrapasvaincre
Valentintoutseul!—Probablementpas,admitIsabelle.Maisj'imaginequeJaceadebonnesraisonsde...—Dequoi?Devouloirmourir?—Clary!s'exclamaIsabelletandisqu'unéclairdecolèretraversaitsonregard.Tut'imaginesquenous,
par contre, onest en sécurité ?On risque tousdemouriroud'être réduits en esclavage.Tuvois Jaceresterlesbrascroisésenattendantlacatastrophe?
— Cequejevois,moi,c'estqu'ilesttonfrèreaumêmetitrequeMax.Etlui,tutesouciaisbiendece
qu'ilpouvaitluiarriver!Claryregrettasesparolesinstantanément.Isabelledevintlivide.— Maxétaitunpetitgarçon,objecta-t-elleens'efforçantdemaîtrisersafureur.JaceestunChasseur
d'Ombres,unguerrier.SiondoitcombattreValentin,tucroisqu'Alecneparticiperapasàlabataille?Depuislanuitdestemps,c'estnotrelotàtousdemourirpourunecausesielleenvautlapeine.ValentinestlepèredeJace.C'estsansdouteluiquialeplusdechancesdel'approcher...
—ValentintueraJaces'illedoit.Ilnel'épargnerapas.—Jesais.—Maistoutcequicompte,c'estqu'ilmeureenhéros?Ilnevamêmepastemanquer?— Ilmemanqueratouslesjoursdemavie,qui,siJaceéchoue-regardonsleschosesenface-,ne
devraitpasseprolongerplusd'unesemaine.Ellesecoualatête.—Tunecomprendspascequec'estd'êtretoujoursenguerreetdegrandiraveclanotiondesacrifice,
Clary.Cen'estpastafaute,j'imagine.C'estcommeçaqu'onnousaélevés...Clarylevalesbrasauciel.—Maissi,jecomprends!Jesaisquetunem'aimepas,Isabelle.Jenesuisqu'uneTerrestreàtesyeux.—Tupensesquec'estça,laraison?Isabelles'interrompit,lesyeuxbrillantsdelarme.— Décidément,tun'asriencompris,reprit-elle.TuconnaisJacedepuisquoi,unmois?Moi,çafait
septans.Etpendanttoutescesannées,jenel'aijamaisvutomberamoureuxnimêmeavoirlebéguinpourquelqu'un.Ilestsortiavecdesfilles,çaoui.Elless'amourachaientdelui,maisils'enfichait.Jepensequec'estpourçaqu'Alecacru...Immobilecommeunestatue, Isabellese tutdenouveau.«Elles'efforcedenepaspleurer»,songea
Claryétonnée.Isabelle,quineversaitpourtantjamaisunelarme.— Jem'ensuistoujoursinquiétée,etmamèreaussi.C'estvrai,çan'existepas,unadolescentquin'a
jamais d'amourette !C'était comme si, en ce qui concernait les autres, il était toujours un peu absent.Peut-être que ce qui s'est passé avec son père l'avait en quelque sorte traumatisé, peut-être qu'il étaitincapable d'aimer quelqu'un. Si seulement je savais ce qu'il lui est vraiment arrivé... Mais je n'enpenseraispasmoins,sansdoute.Quineseraitpastraumatiséparunpassépareil?Puistuesentréedanssavieetils'estcommeréveillé.Tunet'enespasaperçueparcequetuneleconnaissaispasavant.Maismoi, je l'ai vu. Hodge et Alec aussi... A ton avis, pourquoi il te haïssait autant ? Tout a changé dèsl'instantoùtuasfaitirruptiondansnotreexistence.C'étaitpeut-êtreincroyablequetupuissesnousvoirmais,àmesyeux,cequil'étaitencoredavantage,c'étaitqueJacet'aitvue,luiaussi.Iln'apascessédeparlerdetoipendanttoutletrajetduretouràl'Institut;ilapersuadéHodgedel'envoyertechercher.Etunefoisqu'ilt'aramenée,iln'aplusvouluquetupartes.Dèsquetuentraisdansunepièce,iltedévoraitdesyeux...IlétaitmêmejalouxdeSimon.Jenesuispassûrequ'ils'ensoitaperçu,maisilétaitjaloux.Çacrevaitlesyeux.Jalouxd'unTerrestre.Ilaacceptédet'accompagneràl'hôtelDumortetd'enfreindrelaLoi,toutsapoursauverunTerrestrequ'iln'appréciaitmêmepas.Ill'afaitpourtoi.Parceque,s'ilétaitarrivéquelquechoseàSimon,tuenauraiseulecœurbrisé.Tuétaislapremièrepersonne,endehorsdenotrefamille,dontlebonheurcomptaitpourlui.Parcequ'ilt'aimait.
—Maisc'étaitavant...—Avantqu'ilapprennequetuétaissasœur.Jesais.Jenet'enveuxpas.Tunepouvaispassavoir.EtJe
supposequetunepouvaispasfaireautrementquetejeteraucoudeSimonparlasuite.J'aipensé,unefoisJaceaucourant,qu'ilpasseraitàautrechose,maisj'aibienvuqu'ilenétaitincapable.Jenesaispasceque lui a fait subirValentinquand il étaitpetit. J'ignore si c'estpourcette raisonqu'il secomporte
ainsi,ousic'estseulementsanature,maisilneguérirapasdetoi,Clary.Ilenestincapable.Peuàpeu,jenesupportaisplusdetevoir.Jenetoléraisplusqu'iltevoie.C'estunpeucommecesblessurescauséesparlepoisondémoniaque:ilfautleslaissercicatrisersansytoucher.Chaquefoisqu'onôtelesbandagesonrouvrelaplaie.Chaquefoisqu'iltevoit,ilsouffreànouveau.
—Jesais,murmuraClary.Tucroisquec'estfacilepourmoi?—Jen'ensaisrien.J'ignorecequeturessens.Tun'espasmasœur.Jenetehaispas,Clary.J'aimême
appris à t'aimer. Si c'était possible, je ne lui souhaiterais pas d'autre compagne que toi. Mais tucomprendras,j'espère,que,siparquelquemiracleons'ensort,j'aimeraisquemafamilles'exileauboutdumonde,histoired'êtresûrequ'onnetereverraplusjamais.Clary sentit les larmes luipicoter lesyeux.Commec'étaitbizarred'êtreassiseà cette table, faceà
IsabelleetdepleurercommeellesurJacepourdesraisonsàlafoistrèsdifférentesettrèssemblables!—Pourquoitumedistoutçamaintenant?Parcequetum'accusesdenepasvouloirprotégerJace.Aton
avis, pourquoi j'étais si contrariée quand tu as débarqué chez les Penhallow ? Tu agis comme uneétrangèrevis-à-visdenotremonde;turestesdanslescoulissesmaistuenfaispartie.Tuesaucentredetoutça.Onnepeutpasjoueréternellementlessecondsrôles,Clary,pasquandonestlafilledeValentin.PasquandJacesemouillecommeillefait,ettoutçaàcausedetoi.
—Acausedemoi?—Pourquoiaime-t-ilautantprendredesrisques?Atonavis,pourquoiçaluiestégaldemourir?Lesmotsd'IsabelleblessaientClarycommeautantdepoignards.«Jesaispourquoi.Ilcroitqu'iln'est
pasvraimenthumain...Maisjenepeuxpastrahirsonsecret.»—Ilatoujourspenséquequelquechoseclochaitchezlui,repritIsabelle.Désormais,partafaute,ilse
croitmauditjusqu'àlafindesesjours.Jel'aientenduledireàAlec.Pourquoinepasrisquersaviesil'onn'y tientpas?Pourquoinepas risquer savie si l'on saitqu'onne sera jamaisheureux,quoiqu'ilarrive?
—Isabelle,çasuffît.Laportes'ouvritsansunbruitetSimonapparutsurleseuil.Claryavaitpresqueoubliéàquelpointson
ouïeétaitdevenuefine.—Cen'estpaslafautedeClary.Levisaged'Isabelles'empourpra.—Resteendehorsdeça,Simon.Tunesaispasdequoituparles.Simonentradanslacuisineetfermalaportederrièrelui.—J'aientendulaplusgrandepartiedevotreconversationàtraverslemur,lança-t-ild'untoncalme.—TuprétendsnepassavoircequeressentClaryparcequetunelaconnaispasdepuislongtemps.Eh
bien,moisi.SitucroisqueJaceestleseulàsouffrir,tutetrompes.Unsilences'installa.Lacolèred'Isabelle retombapeuàpeu.Clarycrutentendre frapperà laporte
d'entrée;Luke,sansdoute,ouMaiavenuelivrerdusangpourSimon.—Cen'estpasàcausedemoiqu'ilestparti.Soncœursemitàbattrelachamade.«Ai-jeledroitdeleurrévélerlesecretdeJaceensonabsence?
Est-ce que je peux leur confier la véritable raison de son départ ? » Presque malgré elle, les motsjaillirentdesabouche.
—QuandJaceetmoi,noussommesalléschercherleLivreBlancaumanoirdesWayland....Elle s'interrompit aumoment où la porte de la cuisine s'ouvrait à la volée.Amatis se planta sur le
seuil,uneexpressionétrangesurlevisage.L'espaced'uninstant,Clarycrutyliredel'effroi,etsonsangnefitqu'untour.Maiscen'étaitpaslapeurquisepeignaitsurlestraitsd'Amatis.Avraidire,elleavaitlamêmetêtequelejouroùLukeetClarys'étaientprésentéschezelle.Latêtedequelqu'unquiavuun
fantôme.—Clary,dit-elleàvoixbasse.Ilyaunepersonnequiveuttevoir…Avant qu'elle ait pu finir sa phrase, quelqu'un s'engouffra dans la cuisine en la bousculant. Amatis
recula,etClaryputexaminerl'intrus:unefemmemince,toutevêtuedenoir.D'abord,ClarynevitquesatenuedeChasseused'Ombres,etfaillitnepaslareconnaîtrejusqu'àcequesesyeuxseposentsursonvisage.AlorsellesentitsonestomacremonterdanssagorgecommequandJaceavaitprécipitéleurmotoduhautdutoitdel'hôtelDumort.Lafemmedevantelleétaitsamère.
TROISIÈMEPARTIE
LeCheminDuParadis
Ohoui,jesaisquelecheminduparadisétaitfacileàtrouver.
SiegfriedSASSOON,L'Amantimparfait.
16.ArticlesDeFoi
Depuis la nuit où elle était rentrée dans l'appartement vide, Clary s'était imaginé tant de fois sesretrouvailles avec sa mère qu'elles avaient, dans sa mémoire, pris la teinte fanée d'une vieillephotographie. A présent, ces images défilaient dans son esprit tandis qu'elle l'observait d'un œilincrédule.Desvisionsdesamère, l'airheureux, laserrantdanssesbrasenluidisantcombienelle luiavaitmanquémaisquetoutallaits'arrangerdésormais.Samèreimaginairen'avaitpasgrand-choseencommunaveclafemmequisetenaitmaintenantdevantelle.Dans
sonsouvenir,Jocelyneétaituneartisted'untempéramentdoux,unpeubohémienneavecsesvêtementstachésdepeintureet sescheveux rouxnégligemment retenusparuncrayon.Or, lanouvelle Jocelyneétait tiréeàquatreépingles.Pasunemèchenes'échappaitdesonchignonsévèreetlenoirdesatenuecontrastaitaveclapâleurdesonvisage,luidonnantuneallurehautaine.Mêmesonexpressionn'étaitpascellequeClarys'étaitreprésentéemaintesfois:sesyeuxvertsécarquilléslafixaientd'unairhorrifié.
-Clary,souffla-t-elle.Tesvêtements.Clarybaissalesyeux.ElleportaitlatenuedeChasseused'Ombresd'Amatis.Or,toutesavie,samère
avaitfaitdespiedsetdesmainspourqu'ellen'aitjamaisàlarevêtir.Claryavalasasaliveavecpeineetse leva en s'agrippant au bord de la table. Elle contempla sesmains qui, bizarrement, lui semblaientdétachéesdesoncorps,commesiellesappartenaientàquelqu'und'autre.Jocelynes'avançaverselleentendantlesbras.-Clary.Elleeutunmouvementdereculsibrutalqu'elleheurtalecomptoir.Ignorantladouleur,ellegardales
yeuxfixéssursamère.Simonladévisageait,luiaussi,laboucheouverte.QuantàAmatis,ellesemblaitfrappéedestupeur.Isabelleselevaàsontourpours'interposerentreClaryetsamère.Elleglissalamainsoussontablier,
etClarysupposaqu'ellevenaitdes'emparerdesonfouetenélectrum.-Qu'est-cequisepasseici?demanda-t-elle.Quitêtes-vous?ElleperditunpeudesonassurancequandJocelynelaconsidéraavecétonnementenportantlamainà
soncœur.-Maryse,dit-elledansunmurmure.Isabelleparutstupéfaite.-Commentconnaissez-vouslenomdemamère?LesjouesdeJocelynes'empourprèrent.- Évidemment.TueslafilledeMaryse.Tuluiressemblestellement!Jem'appelleJocelyneFr…
Fairchild.JesuislamèredeClary.IsabellesortitlamaindedessoussontablieretjetaunregardinterloquéàClary.-Maisvousétiezàl'hôpital...ANewYork...-Oui,réponditJocelyned'unevoixplusassurée.Maisgrâceàmafille,jevaismieux.Etj'aimeraislui
parlerentêteàtête.-Jenesuispassûrequ'elleenaitenvie,intervintAmatis.Elleposalamainsurl'épauledeJocelyne.-Cedoitêtreunsacréchocpourelle...Jocelynesedégagead'ungestebrusqueetfîtunpasversClary,lamaintendue.Celle-ci,quiavaitenfin
retrouvésavoix,demandad'untonfurieuxquilasurpritelle-même:
—Commenttuesarrivéeici,Jocelyne?Samères'arrêtanet,etsemblahésiter.- Jemesuis téléportée jusqu'auxabordsde lavilleavecMagnusBane.Hier, ilestvenumevoirà
l'hôpitalavecl'antidote.Ilm'aracontétoutcequetuavaisfaitpourmoi.Jenesongeaisqu'àunechosedepuismonréveil,terevoir...Clary,quelquechosenevapas?
-Pourquoitunem'asjamaisditquej'avaisunfrère?-Jecroyaisqu'ilétaitmort.J'aipenséquelesavoirneserviraitqu'àtefairesouffrir.-Laisse-moit'expliquerquelquechose,maman.Quelquesoitlecasdefigure,c'estmieuxdesavoir.-Jeregrette...-Turegrettes?Claryavaitl'impressionqu'unedigues'étaitouverteenelle,libéranttoutelarancœuretlaragequ'elle
avaitaccumuléesjusque-là.-Tuveuxbienm'expliquerpourquoitunem'aspasditquej'étaisuneChasseused'Ombresetquemon
pèreétaittoujoursenvie?Oh,etj'oubliais:tuaspayéMagnuspourmevolermessouvenirs,c'estbiença?
-J'essayaisdeteprotéger...-Ehbien,tut'estrèsmaldébrouillée!Atonavis,qu'est-cequim'estarrivéaprèstadisparition?Sans
Jaceetlesautres,jeseraismorte.Tunem'aspasapprisàmeprotégertouteseule.Tunem'aspasavertiedu danger. Qu'est-ce qui t'est passé par la tête ? Tu croyais qu'en me cachant les choses, elles nem'atteindraientpas?Clarysentitleslarmesmonter.-TusavaisqueValentinn'étaitpasmort.TuasditàLukequetulecroyaistoujoursenvie.-C'estpourcetteraisonquejedevaistecacher.Jenepouvaispasrisquerqu'ilapprenneoùtuvivais.
Jedevaiséviteràtoutprixqu'ilt'approche...-Parcequ'ilafaitunmonstredetonpremierenfantetquetunevoulaispasquejeconnaisselemême
sort,c'estça?Jocelynerestaunlongmomentsansvoix.-Qui,répondit-elleenfin.Maiscen'estpastout,Clary...-Tum'asvolémessouvenirs.Tum'asprismavie.-Maistavien'estpasici!s'écriaJocelyne.Jen'aijamaisvoulucelapourtoi...—Ons'enfiche,decequetuveux!C'estmavie!Tumel'asvolée!LevisagedeJocelynedevintcendre.LesyeuxdeClaryseremplirentdelarmes:ellenesupportaitpas
devoirsamèresouffrirainsi,etcependantellesavaitquesielleouvraitdenouveaulabouche,desmotshorribless'enéchapperaient.BousculantsamèreetSimonquiessayaitdelaretenir,elles'enfuitàtoutesjambesdanslecouloir,poussalaporteetdébouladanslarue.Derrièreelle,quelqu'uncriasonnommaiselleneseretournapas.
Jaces'étonnaqueSébastienaitlaissélechevaldesVerlacdanssonécurieplutôtquedes'enfuiravec.
Peut-êtrecraignait-ilqu'onretrouvesatraceparlebiaisdeWayfarer.Iléprouvaunesatisfactioncertaineàsellerl'étalon.SiSébastienavaitvraimentvouludesamonture,il
ne l'auraitpasabandonnéederrière lui.D'ailleurs, ellene luiappartenaitpasenpremier lieu.De fait,Jaceadoraitleschevaux.Ildevaitavoirdixansladernièrefoisqu'ilétaitmontéàchevalmaisilconstataavecplaisirquelamémoirerevenaitvite.IlleuravaitfallumarcherpendantsixheurespourcouvrirladistanceséparantAlicantedumanoirdes
Wayland.Ilnemitquedeuxheurespouryretourner,enchevauchantaupetitgalop.Quandilsparvinrentausommetdelacollinequisurplombaitledomaine,legarçonetlechevalétaienttousdeuxensueur.Lesboucliersquiprotégeaientlemanoirdesintrusavaientétédétruitsaveclabâtisse.Ilnerestaitde
l'élégantedemeurequ'untasdedécombres.Malgrél'herberoussie,lesjardinsétaientencorechargésdesouvenirsd'enfance:lesmassifsderosesenvahisparlesmauvaisesherbes;lesbancsdepierreprèsdesbassins vides ; et l'endroit où il s'était réfugié avec Clary la nuit où le manoir s'était effondré. Ildistinguaitlesrefletsbleusdulacvoisinautraversdesarbres.Uneboufféed'amertumel'envahit.Ilsortitdesapochelefilqu'ilavaitarrachéàlamanchedeClaryet
la stèle qu'il avait « empruntée»dans la chambred'Alec avant departir afínde remplacer celle queClaryavaitperdue;Alecpourraittoujourss'enprocureruneautre.Poséaucreuxdesapaume,lefilétaittachéderougesombreàuneextrémité.Ilrefermalepoingdessuset,delapointedesastèle,traçaunerunesurledosdesamain.Lelégerpicotementsursapeauétaitplusfamilierquedouloureux.Ilregardalarunes'enfoncerdanssachair,telleunepierreimmergéedansl'eau,etfermalesyeux.Lavisiond'unevallées'imprimasoussespaupières. Il se tenaitsurunecrêtedominant laplaineet,
commes'ilexaminaitunecarteindiquantsasituation,ilsavaitexactementoùilsetrouvait.Ilsesouvintque l'Inquisitriceavaitpu localiser lebateaudeValentinaubeaumilieude l'EastRiver, et songea :«C'estcommeçaqu'elles'yestprise.»Chaquedétailluiapparaissaitnettement:lemoindrebrind'herbe,lamoindrefeuillemorteàsespieds;enrevanche,iln'entendaitaucunbruit.Unsilenceinquiétantplanaitsurlepaysage.Lavallée,en formede feràcheval, s'étrécissaitàunendroit.Un torrentcristallin serpentaitenson
milieuavantdedisparaîtredanslesrochers.Aubordducoursd'eaus'élevaitunemaisonenpierregrise,dont lacheminéecrachaitun rubande fuméeblanche.Sous lecielazur, la scènesemblaitétrangementbucoliqueetpaisible.Soudain,une silhouetteminceapparut.Sébastien.Maintenantqu'ilne sedonnaitpluslapeinedejouerlacomédie,sonarrogancetransparaissaitdanssadémarche,lemouvementdesesépaules,l'expressionnarquoisedesonvisage.Aprèss'êtreagenouilléauborddutorrent,ilyplongealesmainsetsemouillalevisageetlescheveux.Jaceouvritlesyeux.Wayfarers'étaitmisàbroutertranquillementl'herbecourte.Jaceglissalastèle
etlefildanssapochepuis,aprèsavoirjetéundernierregardauxruinesdesamaisond'enfance,iltirasurlesrênesenéperonnantlesflancsducheval.
Allongéedansl'herbeprèsdelacollinedelaGarde,ClarycontemplaitAlicanted'unœilmorne.La
vueétaitpourtantspectaculaire,ilfallaitbienl'admettre.D'ici,elledominaitlestoitsdelavilleavecleurs sculptures délicates et leurs girouettes ornées de runes. Au-delà des flèches de la Salle desAccords,ellevoyaitquelquechosemiroiterauloincommeunepièced'argent:lelacLyn?LesruinesnoirciesdelaGardesedressaientderrièreelle,etlestoursétincelaientcommeducristal.Clarycroyaitpresquedistinguerlesboucliersscintillanttelunfiletinvisibletisséauxabordsdelacité.Elle contempla sesmains. Toute à sa colère, elle avait arraché de pleines poignées d'herbe en y
laissantunongle,etsesdoigtsétaienttachésdeterre,etdesang.Unefoissarageapaisée,elles'étaitsentievidée,Ellen'avaitpasconscienced'êtreaussifurieuseenverssamèrejusqu'àcequ'ellelavoiefranchirlaportedelamaisond'Amatis.Alors,Claryavaitoubliésesinquiétudesconcernantl'étatdesantédeJocelyneetlaisséparlersarancœur.Maintenantqu'elleétaitcalmée,ellesedemandasiunepartd'elle-mêmen'avaitpasvoulupunirsamèredecequiétaitarrivéàJace.Sionne luiavaitpasmenti, le choccausépar ladécouvertedecequeValentin lui avait fait subir alorsqu'il n'étaitqu'unbébéauraitétéamoindri,etiln'auraitpaspriscettedécisionqueClaryapparentaitàunsuicide.
—Jepeuxmejoindreàtoi?Clary sursauta et roula sur le côté. Simon se tenait au-dessus d'elle, les mains dans les poches.
Quelqu'un - Isabelle, sans doute - lui avait donné une de ces vestes noires en tissu épais que lesChasseursd'Ombresportaientaucombat.«Unvampireenuniforme,songeaClary,c'estsansdouteunepremière.»
— Jene t'aipasentenduapprocher,marmonna-t-elle. Il fautcroireque je suisunepiètreChasseused'Ombres.Simonhaussalesépaules.—Pourtadéfense,jeterappelleque,commelapanthère,jemedéplacesansfairedebruit.Malgréelle,Clarysourit.Elleseredressaenfrottantlaterresursesmains.—Allez,vienst'asseoir.Laséancededéprimeestouverteàtoutlemonde.Aprèsl'avoirrejointedansl'herbe,Simonparcourutdesyeuxlepanoramaetsifflaentresesdents.—Jolievue!—N'est-cepas?Commenttum'asretrouvée?— Ehbien,ilm'afalluquelquesheures,répondit-ilavecunsourireencoin.Jemesuissouvenuqu'en
primaire,aprèschacunedenosdisputes,tuallaisboudersurmontoit,etquemamèredevaitmontertechercher.
—Et?—Jeteconnaisparcœur.Quandtuesdemauvaispoil,tuchoisisl'altitude.Illuitenditsonmanteausoigneusementplié.Ellelepritetl'enfila;levêtementmalmenécommençaità
montrer des signes d'usure. Il y avaitmêmeun trou au niveaudu coude, assez large pour y glisser undoigt.
—Merci,Simon,dit-elleenserrantsesgenouxcontreelle.Lesoleilétaitbasdansleciel,etunefaiblelueurrougeâtrenimbaitlestours.—C'estmamèrequit'envoiemechercher?Simonsecoualatête.—Non,c'estLuke.Ilaimeraitqueturentresavantlecoucherdusoleil.Quelquechosed'importantse
prépare.—Quoiexactement?—Lukeadonnéàl'Enclavejusqu'àlatombéedelanuitpourdécidersiouiounonilsacceptentqueles
CréaturesObscuressiègentauConseil.EllesconvergeronttoutesverslaPorteduNordaucrépuscule.Sil'Enclaveyconsent,ellesentrerontdansAlicante.Danslecascontraire...
—Ellesrentrerontchezelles,conclutClary.Etl'EnclaveserendraàValentin.—Oui.—Ellefiniraparcéder.Illefautbien.PersonnenechoisiraValentin.—Contentdevoirquetonidéalismen'apasétéentamé,répliquaSimond'untondétaché.Soudain, Clary repensa à Jace disant qu'il n'était pas un idéaliste et, malgré son manteau, elle
frissonna.—Simon?J'aiunequestionidiote.—Vas-y.—TuascouchéavecIsabelle?Simonfaillits'étrangler.Claryluijetaunregardinterloqué.—Tuvasbien?—Oui,jecrois,répondit-ilenretrouvantsonsangfroidauprixd'uneffortvisible.Tuessérieuse?—Ehbien,tuasdisparutoutelanuit.
Simonrestasilencieuxunlongmoment.—Jenesuispassûrqueçateconcerne,maisnon,dit-ilenfin.—Tun'auraispasprofitédesavulnérabilité,jesuppose,observa-t-elleaprèsunepausejudicieuse.Simonricana.— Si tu rencontresunhommecapabledeprofiter d'Isabelle, fais-moi signe. J'aimerais lui serrer la
main.—AlorstunesorspasavecIsabelle.— Clary,pourquoicetteconversation?Tunepréféreraispasparlerdetamère?OudeJace?Isam'a
toutraconté.Jesaiscequeturessens.—Non,jenecroispas.—Tun'espaslaseuleàtesentirabandonnée,rétorquaSimonavecimpatience.Jenet'avaisjamaisvue
aussifurieusecontretamère.Etmoiquicroyaisqu'elletemanquait!— Bien sûr qu'elle m'amanqué ! s'exclama Clary, prenant soudain conscience de ce qu'avaient dû
penserlespersonnesprésentesdanslacuisine,etsamèreenparticulier.Elles'empressadechassercettepensée.
— C'est juste que... jeme suis tellement démenée pour la sauver des griffes deValentin, puis pourtrouver unmoyen de la guérir que je n'ai pas réalisé à quel point j'étais furieuse qu'elle m'ait mentipendanttoutescesannées.Ellenem'ajamaisexpliquéquij'étaisvraiment.
—Maiscen'estpascequetuasditquandelleestentréedanslacuisine,objectacalmementSimon.Tuascrié:pourquoinepasm'avoirrévéléquej'avaisunfrère?
—Jesais.Claryarrachaunbrind'herbeetl'entortillaautourdesesdoigts.—Jenepeuxpasm'empêcherdepenserque,sij'avaissulavérité,jeneseraispastombéeamoureuse
deJace.Simonrestasilencieuxquelquesinstants.—Jenecroispast'avoirdéjàentendueprononcercemotavant.—Quoi,amoureuse?
Clarypartitd'unrireamer.—Acestade,ilestinutiledeprétendrelecontraire:jel'aime.Maisçan'apeut-êtreplusd'importance.
Jenelereverraisansdoutejamais,detoutemanière.—Ilreviendra.—Peut-être.—Ilreviendra,répétaSimon.Pourtoi.—Jen'ensaisrien.Lefroids'intensifiaitàmesurequelesoleildisparaissaitàl'horizon.Clarysepenchaenplissantloi;
yeux.—Regarde,Simon.Au-delàdesboucliers,aupieddelaPorteduNorddescentainesdesilhouettesminusculess'étaient
rassemblées ; certaines s'étaient regroupées, d'autres se tenaient à l'écart. C'étaient les CréaturesObscuresqueLukeavait appeléesà l'aide,quiattendaientpatiemment l'autorisationde l'Enclavepourpénétrerdans l'enceintede laville.Un frissonparcourut ledosdeClary.Perchéeau sommetdecettecollinequi dominait la ville, elle avait conscienced'être à la veille d'un conflit qui bouleverserait lemondedesChasseursd'Ombres.
—Ilssontlà,chuchotaSimoncommepourlui-même.L'Enclaves'estdécidée,tucrois?—Jel'espère.
Lebrind'herbequeClaryretournaitdanssesdoigtan'étaitplusqu'unebouillieverte;ellelejetaauloinetenarrachaunautre.
—J'ignoreceque jeferais'ilsoptentpour lacapitulation.Jepourraispeut-êtreouvrirunPortailquinous emmènera tous loin d'ici, là où Valentin ne pourra jamais nous retrouver. Une île déserte, parexemple.
—Bon,moiaussij'aiunequestionidiote.Tupeuxcréerdenouvellesrunes,pasvrai?Pourquoinepaseninventerunecapablededétruiretouslesdémonsjusqu'audernier,oudetuerValentin?
—Çanemarchepascommeça.Pourcréerunerune,jedoisd'abordlavisualiser.Elledoits'imprimerdansmon esprit comme un tableau.Quand j'essaie de visualiser « tuerValentin » ou « régner sur lemonde»,jenevoisrien.
—Maisd'oùviennentcesimages,àtonavis?— Jen'ensaisrien.TouteslesrunesconnuesdesChasseursd'OmbresproviennentduGrimoire.C'est
pourçaqueseulslesNephilimpeuvents'enservir:ellesontétéconçuespoureux.Cependant,ilexisted'autresrunesplusanciennes.C'estMagnusquimel'adit.Comme,parexemple,laMarquedeCaïn.C'estune rune de protection qui ne figure pas dans le Grimoire. Donc, quand je pense, disons, à la runed'intrépidité, j'ignore si je l'ai inventée ou si je m'en souviens, dans le cas où il s'agirait d'une runeantérieureauxChasseursd'Ombres.Uneruneaussianciennequelesanges.ClaryrepensaàlarunequeluiavaitmontréeIthuriel,cellequiévoquaitunsimplenœud.Avait-elle
surgidesonespritoudeceluidel'ange?Amoinsqu'elleaittoujoursexisté,àl'instardelamerouduciel?Cetteéventualitélafitfrémir.
—Tuasfroid?s'enquitSimon.—Oui...Pastoi?—Jeneressenspluslefroid,tuasoublié?Ilpassasonbrasautourd'elleetluifrictionnadoucementledos.— Jesupposequeçanesertpasàgrand-chosesachantquejeneproduisplusdechaleurcorporelle,
observa-t-iltristement.—Si,çafaitdubien.Continue.Clary regarda Simon du coin de l'œil. Il avait lesyeux fixés sur la Porte duNord. Les silhouettes
n'avaientpasbougé.L'éclatrougeâtredestoursseréfléchissaitdanssesprunelles;onauraitditunedecesphotographiesprisesavecun flash.Ellediscerna le réseaudeveinesbleuesquicouraient sous lapeaufinedesestempesetdesoncou.Elleensavaitassenezsurlesvampirespourendéduirequ'ilnes'étaitpasnourridepuislongtemps.
—Tuasfaim?—Quoi,tuaspeurquejetemorde?répondit-ilensetournantverselle.—Tusaisquemonsangestdisponibledèsquetuenressentiraslebesoin.UnfrissonparcourutSimonetilattiraClarycontrelui.—Jamaisjeneferaiunechosepareille.Puis,d'untonbadin,ilreprit:—Etpuisj'aidéjàbulesangdeJace.Jemesuisasseznourrisurledosdemesamis,tunecroispas?ClarysongeaàlacicatricequibarraitlagorgedeJace.—Tucroisquec'estpourcetteraisonque...—Quequoi?—Quelalumièredujournetebrûlepas?Cen'étaitpaslecasavantcettefameusenuitsurlebateau,
n'est-cepas?Simonhochalatêteàcontrecœur.
—Tuasnotéd'autreschangements?Ouc'estlesimplefaitd'avoirbusonsang?—Tupensesqueparcequec'estunNephilim...Oui,ç'apeut-êtrejoué,maisiln'yapasqueça.Jaceet
toi, vous n'êtes pas tout à fait comme les autres Chasseurs d'Ombres, n'est-ce pas ? Ce qui vousparticulariseaaussifaitdemoiunêtredifférent.Ilyaquelquechosed'uniquechezvousdeux,commel'aditlareinedelaCourdesLumières.Vousétiezdesexpériences.Ilsouritdevantl'airmédusédeClary.— Passibête!J'aireconstituélepuzzle.Toiettonpouvoirsurlesrunes,Jaceet...Ehbien,personne
nepeutêtreodieuxàcepoint,ilyadusurnaturellà-dessous.—Tuledétestesàcepoint?— Je ne déteste pas Jace, protesta Simon. Enfin, c'est vrai que je l'ai haï au début. Il semblait si
arrogant,sisûrdelui,ettutecomportaiscommes'ilsortaitdelacuissedeJupiter...—Cen'estpasvrai.—Laisse-moifinir,Clary.Jevoyaisbienqu'ilteplaisaitbeaucoup.J'aid'abordcruqu'ilt'utilisait,qu'à
ses yeux tu n'étais qu'une Terrestre idiote qu'il pourrait facilement impressionner avec ses trucs deChasseurd'Ombres.Audébut,jemepersuadaisquetunetomberaisjamaisdanslepanneauetque,mêmesic'étaitlecas,ilfiniraitparselasserdetoiettumereviendrais.Jen'ensuispasfier,maisquandonestdésespéré,ons'accrocheàn'importequoi,j'imagine.Lorsqu'ils'estavéréqueJaceétaittonfrère,j'aieula même impression qu'un condamné à mort qui bénéficie d'une grâce à la dernière minute. J'étaisheureux.J'enétaismêmearrivéàmeréjouirdesasouffrance,jusqu'àcequetul'embrassesàlaCourdesLumières.Là,j'aicompris...
—Comprisquoi?fitClary,àboutdepatience.—C'étaitsafaçondeteregarder.Ilnes'étaitpasservidetoi.Ilt'aimaitsincèrement,etçalerongeait.—C'estpourçaquetuesalléàl'hôtelDumort?C'étaitunequestionqueClaryavaittoujoursvouluposersansjamaisoserlaformuler.— A cause de Jace et toi ? Pas vraiment, non.Depuisma première venue à l'hôtel, je brûlais d'y
retourner.J'enrêvaislanuit.Jemeréveillaisaupieddemonlit,voiredansmarue,habillédepiedencap.Jen'aipaspenséunesecondequemoncomportementétaitliéàunphénomènesurnaturel;jecroyaisquejesouffraisdestresspost-traumatique.Cesoir-là,j'étaisépuiséetfurieux,etnousétionstrèsprochesdel'hôtel.Ilfaisaitnuitnoire...Jemesouviensàpeinedecequis'estpassé.Jemerappellejusteêtresortiduparc,puis...levidetotal.
—Maissitun'avaispasétéencolèrecontremoi...Sionnet'avaitpasfaitdelapeine...—Cen'estpascommesivousaviezeulechoix.Etpuisj'étaisaucourant,tupenses!Onnepeutpasse
voiler la face éternellement. L'erreur que j'ai commise, c'est de ne pasm'être confié à toi, de ne past'avoirparlédemesrêves.Maisjeneregrettepasd'êtresortiavectoi.Jesuiscontentqu'onaitessayé.Etjetesuisreconnaissantd'avoirtentélecoupmêmesi,forcément,çanepouvaitpasmarcher.
— Etpourtant jevoulais tellementqueçamarche,ditClaryàmi-voix. Jen'ai jamaisvoulu te fairesouffrir.
—Sic'étaitàrefaire,jenechangeraisrien.Tusaiscequem'aditRaphaël?Quejeneseraijamaisunbonvampireparcequejen'acceptepasl'idéed'êtremort.Maistantquejemesouviendraicequec'étaitdet'aimer,j'auraitoujoursl'impressiond'êtreenvie.
—Simon...Ill'interrompitd'ungeste,lesyeuxsoudainécarquillés.—Regarde.Là-bas.Le soleil n'était plus qu'unpoint rouge à l'horizon ; sous les yeuxdeClary, sa lumière vacilla et il
disparut.Lestoursd'Alicantes'illuminèrentbrusquement.Dansleurclartéaveuglante,Clarydistinguala
foulequis'agitaitau-delàdelaPorteduNord.—Qu'est-cequisepasse?chuchota-t-elle.Lesoleilsecouche;pourquoilaportenes'ouvre-t-ellepas
?Simons'étaitfigé.—L'EnclaveadûrefuserlapropositiondeLuke.—Maisc'estimpossible!Çasignifierait...—Qu'ilsvontserendreàValentin.—Ilsnepeuventpasfaireça!MaissousleregardeffarédeClary,lessilhouettesregroupéesderrièrelesbouclierssedétournèrentet
commencèrentàs'éloignerdelaville.Danslalumièredéclinante,levisagedeSimonpritunaspectcireux.—Ilfautvraimentqu'ilsnousdétestentpournouspréférerValentin.— Cen'est pasde lahaine, c'est de lapeur.MémeValentin apeurdevous, répliquaClary sans
réfléchir,etellecompritàcetinstantquec'étaitlasimplevérité.Ilapeuretilestjaloux.Simonladévisageaavecsurprise.—Jaloux?Clary repensa au rêve qu'Ithuriel lui avait montré, et la voix deValentin résonna à ses oreilles. «
J'espéraisquetum'expliqueraispourquoiRazielnousacrées,nouslaracedesChasseursd'Ombres,sansnousaccorderlesdonsdesCréaturesObscures:larapiditédesloups,l'immortalitéduPetitPeuple,lespouvoirs magiques des sorciers, l'invulnérabilité des vampires. Il nous a laissés nus, sans autreprotectioncontreleshôtesdel'enferquecesMarquestatouéessurnotrepeau.Pourquoileurspouvoirsdevraient-ilsêtresupérieursauxnôtres?Pourquoinepouvons-nouspasbénéficierdecequ'ilspossèdent?»ClaryregardasanslavoirlavilleencontrebasvaguementconscientequeSimonl'appelait,maisson
cerveaubouillonnait.L'angeauraitpuluimontrern'importequellescène,orilavaitchoisicesouvenirenparticulierdansunbutprécis.LesmotsdeValentin lui revinrentenmémoire :«Laperspectived'êtreenchaînésàcescréatures...»La rune. Celle dont elle avait rêvé. La rune évoquant un nœud. «Pourquoi ne pouvons-nous pas
bénéficierdecequ'ilspossèdent?»—C'estuneruned'alliance.Ellenouslielesunsauxautresmalgrénosdifférences.—Quoi?fitSimon.Claryserelevaprécipitammentenépoussetantsesvêtements.—Ilfautquejeredescende.Oùsont-ils?—Quiça,ils?Clary...—L'Enclave.Oùseréunit-elle?OùestLuke?Simonselevaàsontour.—DanslaSalledesAccords.Mais...Clarydévalaitdéjàlesentiermenantàlaville.Simonlasuivitenjurantdanssabarbe.
« Il paraît que tous les chemins mènent à la Salle des Accords. » Tout en parcourant les rues
d'Alicante,ClaryserépétaitsanscesselesmotsdeSébastien.Elleespéraitqu'ilavaitditlavérité,sansquoielle finirait inévitablementparseperdre.Ellesesentaitbien loindeNewYork,avecsonréseauquadrillédebellesavenuesrectilignes.ÀManhattan,onsavait toujoursoùonétait.Touslesbâtiments
étaientsoigneusementnumérotés.Encomparaison,Alicanteétaitunvéritablelabyrinthe.Clary traversa une placeminuscule et s'engagea dans une des rues étroites qui longeaient le canal,
sachantqu'ensuivantl'eauellefiniraitbienparretombersurlaplacedel'Ange.Asonétonnement,sespaslaconduisirentauxabordsdelamaisond'Amatiset,pantelante,ellebifurquadansuneruepluslarge,d'aspectfamilier,quidébouchaitsurlaplaceaucentredelaquelles'élevaitlastatuedel'Ange.Postéàcôtédumonument,Simonl'attendait,lesbrascroisés,l'airfurieux.
—Tuauraispum'attendre,marmonna-t-il.— Tuas...bondos...dedireça, lançaClary,horsd'haleine, lecorpspliéendeux.Tues...arrivé…
avantmoi.— Lesvampiresvontvite,expliqua-t-ilavecunesatisfactioncertaine.Unefoisrentré,jedevraisme
mettreaumarathon.—Ceserait...delatriche.Sanscesserdesuffoquer,Claryseredressaenrepoussantsescheveuxtrempésdesueur.—Viens.Entrons.Claryn'avaitjamaisvuautantdeChasseursd'OmbresrassemblésdanslaGrandeSalle,mêmelanuit
del'attaque.Letumultedeleursvoixévoquaitlerugissementd'uneavalanche;lapluparts'étaientréunisenpetitsgroupeset sequerellaientbruyamment.Derrière l'estradevide, lacarted'Idrispendait sur lemur.ClarycherchaLukedesyeux.Il luifallutunlongmomentpour lerepérer,adosséàunecolonne, les
yeuxmi-clos.Ilsemblaittrèsabattu.Amatis,deboutprèsdelui,luitapotaitl'épaule,l'airanxieux.Claryjetaunregardautourd'ellemaisnevitpasJocelynedanslafoule.Pendant un bref instant, elle hésita. Puis elle pensa à Jace qui s'était lancé seul à la poursuite de
Valentin, au risque d'être tué. Il savait où était sa place, et elle comprit qu'elle aussi avait trouvé lasienne.L'adrénalinecouraitencoredanssesveines,aiguisantsessens,ettoutluisemblaitpresquetropclair.ElleserralamaindeSimondanslasienne.
—Souhaite-moibonnechance.Elle se dirigea vers l'estrade, comme guidée par une volonté étrangère et, après avoir gravi les
marches,setournépourfairefaceàlafoule.Ellenesavaitpastropàquois'attendre.Deschuchotementssurpris?Unemerdevisagesavides,silencieux?Personnenesemblaitprêterattentionàelle.SeulLukeleva la tête, commes'il sentait saprésence,et se figead'étonnementen lavoyant.Unhommegrandetosseuxs'avançaverselleenfendantlafoule.C'étaitleConsulMalachi.Avecforcegestes,illuifitsignede descendre de l'estrade et cria quelque chose qu'elle n'entendit pas. Les uns après les autres, lesChasseursd'Ombresrassembléstournaientlatêtedanssadirectionàmesurequ'ilserapprochait.Claryavaitatteintsonbut:touslesregardsmaintenantétaientrivéssurelle.Unmurmureparcourutla
foule:«C'estelle.C'estlafilledeValentin.»— C'estvrai,cria-t-elle,jesuislafilledeValentin.J'aiapprisqu'ilétaitmonpèreilyaquelques
semaines.J'ignoraistoutdesonexistencejusque-là.J'aiconsciencequevousêtesnombreuxàdouterdema bonne foi, et ce n'est pas grave. Croyez ce que bon vous semble, du moment que je peux vousconvaincrequejesaisdeschosesàsonsujetquevousignorez,etquejepeuxvousaideràgagnercetteguerre...Maispourcela,vousdevrezaccepterdem'écouter.
—C'estridicule!s'exclamaMalachiens'arrêtantaupieddesmarches.Tun'esqu'unepetitefille...—C'estlafilledeJocelyneFairchild,intervintPatrickPenhallow.Ilsefrayaunpassagejusqu'àl'estrade,lamainlevée.—Laisse-laparler,Malachi.Lafoules'agita.
—Vous!crachaClaryenjetantunregardnoirauConsul.Vousetl'Inquisiteur,vousavezjetémonamiSimonenprison...Malachiricana.—Tonamilevampire,c'estbiença?—Vous luiavezdemandécequi s'étaitpassé sur lebateaudeValentince soir-là.Vouscroyiezqu'il
avaiteu recoursà lamagienoire.Ehbien,cen'estpas lecas.Sivous tenezà savoirquiadétruit cebateau,c'estmoi.Malachipartitd'unrireincrédule,etplusieursautresl'imitèrent.Luke,lesyeuxfixéssurClary,secoua
latête,mais,loindeselaisserabattre,ellepoursuivit:—J'aieurecoursàunerunesipuissantequelebateaus'estdisloqué.Jepeuxcréerd'autresrunesque
cellesduGrimoire.Desrunesquin'ontjamaisservijusqu'ici...—Assez!rugitMalachi.Personnenepeutcréerdenouvellesrunes.C'estimpossible.Prenantàpartielafoule,ilajouta:—Cettefilleestunementeuse,commesonpère.1—Elleditlavérité,fitunevoixaufonddelasalle,Les têtes se tournèrent, etClaryvitAlec,debout entre Isabelle etMagnus.Simon les avait rejoints.
AvecMaryseLightwood,ilsformaientunpetitgroupedéterminépostéprèsdelaporte.—Jel'aivuedemespropresyeux.J'aimêmeservidecobaye,etç'amarché.—Tumenspourprotégertonamie,répliqualeConsul,maisledoutesepeignitsursonvisage.—Franchement,Malachi,intervintMarysed'untoncassant.Pourquoimonfilsmentirait-ilalorsqu'ilest
sifacilededécouvrirlavérité?Donnezdoncunestèleàcettefille!Unmurmure d'assentiment parcourut la salle. PatrickPenhallow s'avança versClary et lui tendit sa
stèle,ellelaprit,leremerciaduregardetsetournadenouveauverslafoule.Elleavaitlabouchesèche.Sil'adrénalinefaisaitencoreeffet,ellenesuffisaitpasàcalmersontrac.
Qu'était-elle censée dessiner ? Quelle rune serait susceptible de convaincre la foule ? Qu'est-ce quipouvaitbienleurprouverqu'elledisaitlavérité?,EllecherchaSimondesyeux,etlerepéraaucôtédesLightwood;ill'observait.IlavaitlemêmeregardqueJace,cejour-là,danslemanoir.C'étaitlàleseullienquireliaitcesdeuxgarçonsqu'elleaimaittant,leurseulpointcommun:tousdeuxcroyaientenellemêmequandelleavaitperdulafoi.LesyeuxrivéssurSimon,etl'esprittoujourstournéversJace,elleappliqualapointedelastèlesur
l'intérieurdesonpoignet,àl'endroitoùbattaitsonpoulset,sansbaisserlatête,elletraçadeslignesàl'aveuglette,comptantsursonpouvoiretceluidelastèlepourcréerlarunedontelleavaitbesoin.Elleprocédapartoucheslégèresmaissansuneseconded'hésitation.Unefoissatâcheterminée,lapremièrepersonnequ'ellevitfutMalachi.Livide,ilreculadequelques
pas,l'airhorrifié.Ilprononçaunmotdansunelangueinconnueet,derrièrelui,ClaryaperçutLukequiladévisageait,bouchebée.-Jocelyne?murmura-t-il.Ellesecouaimperceptiblementlatêteàsonintentionetobservalesvisagesdevantelle;ilssouriaient,
regardaientautourd'euxd'unairdésorientéouéchangeaientunregardahuriavecleurvoisin.Certains,lamainplaquéesurlabouche,semblaientfrappésd'horreuroudestupéfaction.EllevitAlecjeteruncoupd'œilfurtifàMagnuspuissetournerdenouveauverselle,l'airincrédule.Soudain,AmatisseprécipitaverslesmarchesenbousculantPatrick.
—Stephen!cria-t-elleenlevantversClaryunregardhébété.Stephen!— Oh,Amatis, non ! fit celle-ci et, brusquement elle sentit que lamagie de la rune lui échappait,
commeunvêtementinvisibleglissantdesesépaules.
Le visage d'Amatis s'assombrit et elle recula avec une expression mi-stupéfaite mi-déconfite. Unsilencedemortplanaitsurlafoule;touslesregardsétaienttournésversClary.
— Jesaiscequevousavezvu.Et,vouslesavezaussibienquemoi,cegenredemagien'ariend'uncharmeoud'uneillusion.Ilm'asuffid'uneseulerune.Cetterune,c'estmoiqui l'aicréée.L'originedemon pouvoir n'a pas d'importance. Ce qui compte,c'est que je peux vous aider à gagner cette guerrecontreValentin,sivousmelaissezfaire.
— Iln'yaurapasdeguerrecontreValentin,objectaMalachienévitantleregarddeClary.L'Enclaveaprissadécision.Noussommesprêtsàacceptersesconditions.Nousrendronslesarmesdemainmatin.
— Vousnepouvezpasfaireunechosepareille!s'écria-t-elle,audésespoir.Vouspensezpeut-êtrequeValentinvouslaisseraretrouvervosviesd'avant?Vouscroyezqu'ilsecontenterad'éliminerlesdémonsetlesCréaturesObscures?Ellebalayalasalleduregard.—Laplupartd'entrevousnel'ontpasvudepuisquinzeans.Vousavezpeut-êtreoubliéquiilest.Mais
moi, je sais. J'ai entendu ses projets de sa bouche. Vous pensez que vous continuerez à vivretranquillementsoussonrègne?Ilvoustiendraàsamerci,carilpourratoujoursvousmenaceraveclesInstrumentsMortels.IlcommenceraparréglerleurcompteauxCréaturesObscures,évidemment.Puisils'occuperadesmembresdel'Enclave,qu'ilconsidèrecommefaiblesetcorrompus.Ensuite,ilélimineratousceuxquicomptentuneCréatureObscureparmileursproches.Unfrèrelycanthrope.(Sonregardseposa tour à tour surAmatis et sur lesLightwood.)Une fille rebelle qui fréquente un chevalier-elfe àl'occasion...Puisils'enprendraàtousceuxquionteurecoursauxservicesd'unsorcier.Combienparmivoussontconcernés?
— Sottises ! rétorqua sèchement Malachi. Valentin n'a pas l'intention de s'attaquer aux Chasseursd'Ombres.
— Enrevanche, ilestimequetoutepersonnes'associantaveclesCréaturesObscuresn'estpasdigned'être un Nephilim. Admettons : vous n'êtes pas en guerre contre Valentin mais contre les démons.Protégerlemondecontreeux,c'estledevoirquelecielvousaconfié.Or,unetellemissionnepeutpasêtreignorée.LesCréaturesObscuresdétestentaussilesdémons.Ellesaussin'aspirentqu'àlesdétruire.SiValentin s'en sort vainqueur, il passera le plus clair de son temps à les pourchasser, ainsi que lesChasseursd'Ombresquisesontassociésavecelles.Iloubliera lesdémons,etvousaussi :voussereztropoccupésàavoirpeurdelui.Ainsi,ilspourrontrégnertranquillementsurlemonde.
— Jevoisoùtuveuxenvenir,ditMalachientresesdents.NousnenousrallieronspasauxCréaturesObscuresdanscetteguerreperdued'avance...
—Maisvouspouvezlagagner!protestaClary.Elleavaitlagorgesèche,latêtelourdeetlesvisagesdevantellesemblaientsefondreenunbrouillard
traverséicietlàd'explosionsdelumièreblanche.«Tunepeuxpast'arrêtermaintenant.Ilfautcontinuer.Tudoisessayer.»
— MonpèrehaitlesCréaturesObscuresparcequ'ilestjaloux,reprit-elle.Illeurenvieleurspouvoirsautantqu'illescraint.L'idéequ'ilspuissentêtrepluspuissantsquelesNephilimdanscertainsdomainesl'effraie,etjepariequ'iln'estpasleseul.Ladifférentfaitpeur.Ellepritunegrandeinspirationavantdepoursuivre.— Maissivouspouviezlespartager,cespouvoirs?Sijepouvaiscréerunerunesusceptibledelier
chaque Chasseur d'Ombres à une Créature Obscure ? Vous guéririez aussi vite qu'un vampire, vousdeviendriez aussi fort qu'un loup-garou ou aussi rapide qu'un chevalier-elfe. Et eux, à leur tour,pourraientbénéficierdevotreexpérience,devostalentsdecombattants.VousseriezinvinciblessivousmelaissiezvousmarqueretsivousacceptiezdevousbattreauxcôtésdesCréaturesObscures.Car,le
cas échéant, les runesnemarcherontpas.S'il vousplaît, ajouta-t-elle aprèsun silence,mais lesmotss'étranglèrentdanssagorge.S'ilvousplaît,laissez-moivousmarquer.Unsilenceassourdissantaccueillitsesparoles.Lemondevacillaautourd'elle,etelles'aperçutqu'elle
avaitprononcéladernièrepartiedesondiscourslesyeuxlevésversleplafonddelaGrandeSalle,etquelesexplosionsdelumièreblancheétaientlesétoiless'allumantuneparunedanslecielnocturne.Lesilenceseprolongeaet,lentement,elleserralespoings.Puis,toujoursaveclamêmelenteur,ellebaissalesyeuxverslafoulequilaregardaitbouchebée.
17.LeRégitDeLaChasseuseD'Ombres
ASSISESURLADERNIÈREMARCHEdugrandescaliermenantàlaSalledesAccords,Clarycontemplaitlaplace de l'Ange. La lune, qui s'était levée plus tôt, émergeait à peine au-dessus des toits. Les toursreflétaientsaclartélaiteuse.Alafaveurdel'obscurité,lesplaiesetlesbossesdelavilleavaientdisparu;sanslacitadelleenruinequisedressaitsurlacolline,elleauraitpusemblerpaisibleauclairdelune.Des gardes patrouillaient sur la place, éclairés de temps à autre par la lumière d'un réverbère.Apparemment,ilsmettaientunpointd'honneuràignorerlaprésencedeClary.Quelquesmarchesplusbas,Simonfaisaitlescentpas,lesmainsdanslespoches.Quandilseretourna
pourlarejoindre,laluneéclairasapeaublêmecommeunesurfaceréfléchissante.—Arrêtedet'agiter,marmonnaClary.Tumerendsencoreplusnerveuse.—Désolé.—J'ail'impressionqu'onestlàdepuisuneéternité.Clarytenditl'oreille,maisnediscernaguèrequelebrouhahamonotoned'unecentainedevoixau-delà
delaporteàdoublebattant.—Tuentendscequ'ilsdisentàl'intérieur?Simonfermalesyeuxàdemiets'efforçadeseconcentrer.—Desbribes,répondit-ilaprèsunsilence.—J'auraisvouluparticiperàlaréunion,gémitClaryendonnantdescoupsdetalondanslesmarches.Lukeavaitexigéqu'elleattendedehorspendantquel'Enclavedélibérait;ilavaitessayéderenvoyer
Amatis avec elle, mais Simon avait insisté pour prendre sa place sous prétexte qu'il valait mieuxqu'AmatisrestepourdéfendreClary.—Tuesbienmieuxici,répliqua-t-il.ClarysavaitpertinemmentpourquoiLukeluiavaitdemandédesortir.Elles'imaginaitcequ'ilsétaient
entrainderacontersursoncompte.Menteuse.Dégénérée.Idiote.Folle.Monstre.FilledeValentin.Peut-êtreavait-ileuraisondelachasser,maislatensionliéeàl'attenteétaitpresquedouloureuse.—Peut-êtrequejepourraisgrimpersurundecesmachins,suggéraSimonenindiquantd'unsignede
têtelesgrossescolonnesblanchesquisoutenaientletoitpentudelaGrandeSalle.Hormislesrunesquis'entrelaçaientsurlemarbre,iln'yavaitaucuneprisepourlesescalader.—Çamedéfoulera,ajouta-t-il.—Voyons,fitClary.Tuesunvampire,pasSpiderman.Pourtouteréponse,Simongravitlesmarchesd'unpaslesteets'avançaverslacolonnelaplusproche.
Illaconsidérad'unairpensifpendantquelquessecondes,puiscommençasonascension.Claryl'observa,bouchebée,tandisqu'ilprogressaitentrouvantduboutdesdoigtsdesprisesimpossiblesurlesreliefsdelapierre.
—OK,tuesSpiderman!s'exclama-t-elle.Parvenuàmi-hauteurdelacolonne,Simonbaissalesyeuxverselle.—ÇafaitdetoiMaryJane.Çatombebien,ellealescheveuxroux.Ilbalayaduregardlavillealentouretfronçalessourcils.—J'espéraisquejepourraisvoirlaPorteduNordd'ici,maisjenesuispasassezhaut.Évidemment,Clarysavaitpourquoiiltenaittantàlavoir.Desmessagersavaientétédépêchéslà-bas
pour demander aux Créatures Obscures d'attendre pendant que l'Enclave délibérait, et Clary espéraitqu'ellesaccéderaientàsarequête.
Lesbattantsdelagrandeportes'ouvrirentdansuncraquement.Uneformefrêleseglissaau-dehorset,après avoir refermé la porte, se tourna vers Clary. Son visage était dissimulé par la pénombre et,lorsqu'elle s'avança vers l'escalier éclairé par la lumière de sort,Clary entrevit l'éclat d'une tignasserousse.Acetinstantseulement,ellereconnutsamère.Jocelynelevalesyeux,l'airsurpris.—Tiens!Bonsoir,Simon.Raviedevoirquetu…t'adaptes.Simonselaissa tomberdesonperchoiretatterritgracieusementsur lesol. Ilsemblaitunpeumalà
l'aise.—Bonsoir,madameFray.—Jenevoisplusvraimentl'intérêtdem'appelerainsi.Tudevraispeut-êtret'enteniràJocelyne.(Elle
hésita.)Tusais,malgrél'étrangetédelasituation,c'estbondetevoirici,auprèsdeClary.Décidément,vousêtesinséparables.Simonsetortillad'embarras.—C'estbondevousvoiraussi.—Merci,Simon.Jocelynesetournaverssafille.—Clary,tuveuxbienqu'onaitunepetiteconversation?Seuleàseule?Claryrestaimmobileunlongmoment,lesyeuxfixéssursamère.Elleavaitl'impressionderegarder
une étrangère. La gorge serrée, elle jeta un coup d'œil à Simon, qui, visiblement, n'attendait que sonsignalpourresteroutournerlestalons.Ellepoussaunsoupir.
—D'accord.Simon leva les pouces en signe d'encouragement avant de retourner dans la salle. Clary reporta le
regardsurlaplaceetfitmined'observerlesgardesentraind'effectuerleurronde,tandisqueJocelynes'asseyaitàcôtéd'elle.D'uncôté,Claryavaitenviedesepencherverssamèrepourposerlatêtesursonépaule.Elleauraitmêmepufermerlesyeuxetprétendrequetoutallaitbien.Mais,d'unautrecôté,ellesavaitquecelaneferaitaucunedifférence:ellenepourraitpasgarderlesyeuxferméséternellement.
— Clary,ditJocelyneàmi-voix,jesuisvraimentdésolée.Jen'auraisjamaiscrurevoircetendroitunjour,reprit-elleaprèsunsilence.Claryobservasamèreducoinde l'œilets'aperçutqu'elleavait lesyeuxrivéssur les tours,dont laclarté
laiteusesedétachaitsurl'horizon.— Ilrevenaitparfoisdansmesrêves.J'aimêmevoulupeindrelesouvenirquej'engardais,maisjecraignais
qu'envoyantmestoilestunetemettesàposerdesquestionssurcespaysages.J'avaissipeurquetudécouvresd'oùjevenaisetquij'étaisvraiment.
—Ehbien,maintenantjesais.—Oui,tusais,murmuraJocelyned'untonmélancolique.Ettuastouteslesraisonsdemehaïr.—Jenetehaispas,maman.C'estjuste...—Jenepeuxpast'envouloir.J'auraisdûterévélerlavérité.Jocelyneeffleural'épauledeClaryetinterprétasonabsencederéactioncommeunencouragement.— Jepourraistedirequejel'aifaitpourteprotéger,maisjesaisquec'estunepiètreexcuse.J'étaislà,toutà
l'heure,danslasalle.Jet'observais...—Ahbon?fitClary,étonnée.Jenet'aipasvue.—J'étaistoutaufond.Lukem'avaitdemandédenepasveniràlaréunion.Ilestimaitquemaprésencemettraitle
feuauxpoudres,etilavaitprobablementraison.Maisj'avaistellementenvied'yassister!Unefoislaréunioncommencée,jesuisentréeendouceetjemesuiscachéedansuncoin.Maisj'aitoutvu.Etjetenaisàtedire...
—Quejemesuisridiculisée?lâchaClaryavecamertume.Jelesaisdéjà.
—Non.Jevoulaistedirequej'étaisfièredetoi.Clarysetournabrusquementverssamère.—Vraiment?Jocelynehochalatête.— Çavadesoi.Ilfallaittevoirtenirtêteàl'Enclavecommetul'asfait.Tuleurasmontrécedonttuétais
capable.Enteregardant,ilsontvulapersonnequ'ilsaimaientleplusaumonde,n'est-cepas?—Oui.Commentlesais-tu?—Parcequejelesaientendusprononcerdesnoms,expliquaJocelyneavecdouceur.Maismoi,c'étaitencoretoi
quejevoyais.—Oh.Claryregardasespieds.—Ehbien,jenesuistoujourspassûrequ'ilsm'aientcrueausujetdesrunes.Enfin,j'espèremais...—Jepeuxlavoir?—Quoi?—Larune.CellequetuascrééepourlierlesChasseursd'OmbresauxCréaturesObscures.(Jocelynehésita.)Si
tunepeuxpas...—Si,si,biensûr.AveclastèlequeluiavaitdonnéePatrickPenhallow,Clarytraçalarunequel'angeluiavaitmontréesurle
marbred'unemarche,etleslignesscintillèrentcommedel'or.C'étaitunerunepuissante,simpleetcomplexeàlafois,composéedecourbeschevauchantunematricedelignesdroites.Clarysavaitmaintenantpourquoielleluiavait semblé inachevée lorsqu'elle l'avait visualisée la première fois : il lui fallait une rune jumelle pourfonctionner.«Alliance.C'estcommeçaquejel'aibaptisée.»Muetted'étonnement,Jocelyneregardaleslignesnoiresqu'avaitlaisséeslarunesurlapierre.— Quand j'étais jeune, dit-elle enfin, je me suis battue de toutes mes forces pour réconcilier les
Chasseurs d'Ombres et les Créatures Obscures afin de protéger les Accords. J'avais l'impression depourchasserunrêve,quelquechosed'àpeineimaginablepourlaplupartdesChasseursd'Ombres.Tuasfaitdece rêveune réalité. J'ai comprisquelquechoseen t'observantdans la salle.Pendant toutescesannées,j'aitentédeteprotégerent'empêchantdesortir.C'estpourçaquejenevoulaispasquetuaillesauCharivari.Jesavaisque,là-bas,lesCréaturesObscuressemêlaientauxTerrestres,etcelasignifiaitqu'il y avait aussi des Chasseurs d'Ombres. Jem'imaginais que c'était ton sang qui t'attirait dans cetendroit,toninstinctquireconnaissaitleMondeObscur,alorsmêmequejet'avaisprivéedelaSecondeVue.Jepensaisquetuseraisensécuritésijetecachaisl'existencedecemonde.Ilnem'estjamaisvenuàl'espritquejepourraisteprotégerent'apprenantàtebattre.Pourtant,tuétaisassezfortepoursupporterlavérité.Tuveuxtoujoursl'entendre?
—Jenesaispas.Clarysongeaauxvisionsterriblesquel'angeluiavaitmontrées.—D'accord,jet'enveuxdem'avoirmenti.Maisd'unautrecôté,jenesuispassûredevouloirentendre
d'autreshorreurs.— J'aiparléàLuke.Ilpensequetudevraisconnaîtretoutel'histoire,ycomprislesdétailsquejen'ai
racontés à personne,même pas à lui. Je ne peux pas nier que la vérité n'est pas toujours agréable àentendre.Maisc'estlavérité.«Laloiestduremaisc'estlaloi.»ClarydevaitautantàJacequ'àelle-mêmedeconnaîtrelefinmot
del'histoire.Elleserralastèledanssamain.—Jeveuxtoutsavoir.
—Tout...(Jocelynepritunegrandeinspiration.)Jenesaismêmepasparoùcommencer.—Pourquoinepasm'expliquerpourquoituasépousécemonstre?— Cen'estpasunmonstre,c'estunhomme.Unhommemauvais,certes.Situtiensvraimentàsavoir
pourquoi,c'estparcequejel'aimais.—C'estimpossible.Quipeutaimercethomme-là?— J'avaistonâgequandjesuistombéeamoureusedelui.Jeletrouvaisparfait :brillant, intelligent,
drôle,charmant.C'estça,regarde-moicommesij'avaisperdulatête.TuneconnaisValentinquedepuispeu. Tu ne sais pas comment il était à l'époque. Nous allions à l'école ensemble, et tout le mondel'adorait.Ildégageaituneauraincroyablequ'ilacceptaitdepartageravecquelqueschanceux.Touteslesfilles étaient amoureuses de lui, et j'étais persuadée de n'avoir aucune chance. Je n'avais riend'extraordinaire.Jen'étaismêmepaspopulaire.Lukeétaitl'undemesplusprochesamis,etjepassaisleplusclairdemontempsaveclui.Pourtant,sansquejeparvienneàmel'expliquer,c'estmoiqueValentinachoisie.« Berk ! » songea Clary, mais elle se garda de formuler tout haut sa pensée. Peut-être était-ce la
nostalgie qui perçait dans la voix de samère, ou sesmots concernant l'aura deValentin.Clary s'étaitsouventfaitlamêmeréflexionausujetdeJace.Peut-êtrequetouslesgensamoureuxréagissaientdelasorte.
—D'accord,concéda-t-elle,j'aipigé.Maistuavaisseizeansàl'époque.Riennet'obligeaitàl'épouser—J'avaisdix-huitanslorsqu'ons'estmariés.Luidix-neuf,précisaJocelyned'untonégal.—Oh,lala,fitClary,horrifiée.Tumetueraissijedécidaisdememarieraumêmeâge.— Sûrement,admitJocelyne.Mais lesChasseursd'Ombresont tendanceàconvolerplus tôtque les
Terrestres.Leur...notreespérancedevieestpluscourte ;beaucoupd'entrenousconnaissentunemortviolente.Pourcetteraison,noussommesplusprécoces.Quandbienmême,j'étaisjeunepourmemarier.Pourtant, ma famille était heureuse pour moi. Tout le monde pensait que Valentín était un garçonformidable.Etiln'étaitqu'unadolescent,luiaussi.Laseuleàm'avoirmiseengarde,c'étaitMadeleine.Nous nous connaissions depuis l'école, et lorsque je lui ai annoncémes fiançailles, ellem'a dit queValentin était égoïste, détestable, et que son charme dissimulait une absence terrible demoralité. J'aipenséqu'elleétaitjalouse.
—C'étaitlecas?—Non,elledisaitlavérité.Seulement,jenevoulaispasl'entendre.—Mais,parlasuite,tuasregrettédel'avoirépousé,n'est-cepas?— Clary,murmuraJocelyned'untonlas.Nousétionsheureux.Lespremièresannées,dumoins.Nous
sommesretournésvivrechezmesparents,danslemanoiroùj'avaisgrandi.Valentinnevoulaitpasresterenville, et il tenait aussi àceque lesautresmembresduCercle se tiennentà l'écartd'Alicanteet del'Enclave.LesWaylandhabitaientunmanoiràquelqueskilomètresdunôtre,etnouscomptionsd'autresamisparminosvoisins:lesLightwood,lesPenhallow.C'étaitunpeucommeêtreaucentredumonde,aveccetteeffervescence,cettepassionautourdenous,et jevivais toutcelaaucôtédeValentin. Ilmedonnaitunegrandeplacedanssavie. J'étaismêmeunélémentcrucialduCercle. Je faisaispartiedesrarespersonnesdontilrespectaitl'opinion.Ilmerépétaitsanscesseque,sansmoi,iln'étaitrien.
—Ahbon?Claryn'arrivaitpasàsereprésenterValentinsousunjouraussi...vulnérable.—Ilmentait,biensûr.Valentinétaitnépourdevenirchef,pourêtreaucentred'unerévolution.Deplus
enplusdegensseralliaientàsacause.Ilsétaientfascinésparsapassion,sonéloquence.IlparlaitpeudesCréaturesObscuresàcetteépoque. Ilnesongeaitqu'à réformer l'Enclave,àchangerdes loisqu'iltrouvaitobsolètes,rigidesetmauvaises.Asonsens,ildevaityavoirdavantagedeChasseursd'Ombres
etd'Instituts.Plutôtquedenouscacher,nousdevionsconcentrernoseffortssurlaluttecontrelesdémons.Selonlui,ilnousfallaitmarcheraugrandjour,latêtehaute.Elleétaitséduisante,savision:unmondepeuplédeChasseursd'Ombresetdébarrassédesdémons,avecenprimelagratitudedesTerrestres.Nousétionsjeunes;pournous,lareconnaissanceétaitimportante.Jocelynepritunegrandeinspiration,commesielles'apprêtaitàplongersousl'eau.—Puisjesuistombéeenceinte.Clarysentitunfrissonluiparcourirlanuqueetsoudain,sanss'expliquerpourquoi,ellen'eutplustrès
envied'entendrelavéritédelabouchedesamère.—Maman...Jocelynesecouaobstinémentlatête.— Tum'as demandépourquoi je ne t'ai jamais révélé que tu avais un frère, non ? J'étais tellement
heureusequandjel'aisu!QuantàValentin,ilavaittoujoursvouluêtrepère.Ilsouhaitaitfairedesonfilsunguerrier,luiinculquercequesonproprepèreluiavaitappris.«Etsic'estune»,protestais-je,etilajoutaitensouriantqu'unefillepouvaitsebattreaussibienqu'ungarçon,etqu'ilseraitravidansl'unoul'autrecas.J'avaisl'impressionquetoutallaitpourlemieuxdanslemeilleurdesmondes.«PuisLukeaétémorduparunloup-garou.Ilparaîtqu'ilyaunechancesurdeuxpourquelamorsure
entraîne un cas de lycanthropie. A mon avis, c'est plutôt trois chances sur quatre. J'ai rarement vuquelqu'un échapper aumal, et Luke ne fut pas une exception. Lors de la pleine lune suivante, il s'esttransformé.Aumatin,jel'aitrouvésurlepasdenotreporte,couvertdesang,lesvêtementsenlambeaux.J'aivoululeréconforter,maisValentinm'apousséeàl'intérieur."Jocelyne,m'a-t-ildit.Lebébé."CommesiLuke allait se jeter surmoi pour arracher l'enfant demes entrailles ! Il était resté lemême.Aprèsm'avoirécartée,Valentinl'aemmenédanslesbois.Quandilestrevenubeaucoupplustard,ilétaitseul.Lorsquejel'aiquestionné,ilm'aréponduqueLukes'étaitsuicidédansunaccèsdedésespoir.Après toutes ces années, le chagrin dans la voix de Jocelyne était encore perceptible, alorsmême
qu'ellesavaitLuketoujoursenvie.Cependant,ClaryserappelaitsonpropredésespoirquandelleavaittenudanssesbrasunSimonagonisantsurlesmarchesdel'Institut.Certainssouvenirsnes'effaçaientpas.
— MaisiladonnéuncouteauàLuke,objecta-t-elled'unepetitevoix.Illuiaordonnédesetuer.Ilaforcélemarid'Amatisàdemanderledivorceparcequesonfrèreétaitdevenuunloup-garou.
—Je n'étais pas au courant.Après lamort deLuke, je suis tombée dans une spirale. Je passais desjournéesentièresenferméedansmachambreàdormir.Jenemangeaisquepourlebébé.LesTerrestresauraientdiagnostiquéunedépression,maislesChasseursd'Ombresneconnaissentpasceterme.Valentíncroyaitquejevivaisunegrossessedifficile.Ilracontaitàtoutlemondequej'étaismalade.Etc'étaitlecas: jenefermaispasl'œildelanuit, j'entendaisdesbruitsétranges,descrisdéchirants.Valentinmefaisaitboiredespotionspourdormir,mais ellesmedonnaientdescauchemars.Dansces rêves, ilmemaintenaitàterrepourmepoignarderoumefaireavalerdupoison.Aumatin,j'étaisépuiséeetjedevaisdormir toute la journée. Jen'avaisaucune idéedecequi sepassaitdehors, j'ignoraisqu'il avait forcéStephenàdivorcerd'AmatispourépouserCéline.J'erraisdansunbrouillard.Puis...Jocelynetorditsesmainsquitremblaient.—Puisl'enfantestné.Ellerestasilencieusesi longtempsqueClaryenvintàsedemandersielleachèveraitsonrécit.Les
yeuxperdusdanslevague,ellepianotaitnerveusementsursesgenoux.— Mamèreétaitavecmoicejour-là,reprit-elleenfin.Tunel'aspasconnue.Tagrand-mèreétaitune
femmed'une bonté exceptionnelle. Tu l'aurais aimée, je crois. Ellem'a tendumon fils, et d'abord j'aiseulementpenséquemesbrasétaient faitspour lui,que lacouverturedans laquelle il était enveloppéétaitdouceautoucher.Ilétaitsipetit,sifrêle,avecunetouffedecheveuxclairsausommetducrâne.Puis
ilaouvertlesyeux.Jocelynes'exprimaitd'unevoixcalme,presquemonocorde,etpourtantClarysesurpritàtrembleretà
redouter ce qui allait suivre. « Tais-toi », l'implora-t-elle en silence. Mais Jocelyne poursuivit,imperturbable:
— L'horreurm'a submergée.Auprix d'un immense effort, j'ai réprimé l'envie de le jeter au loin enhurlant. Ilparaîtqu'unemère reconnaît sonenfantd'instinct. Je supposeque lecontraireest égalementvrai. Tout mon corps me criait que ce n'était pas mon bébé mais une créature horrible, inhumaine.Commentétait-ilpossiblequemamèrenes'ensoitpasaperçue?Ellemesouriaitcommesi toutétaitparfaitementnormal.«SonnomestJonathan»,aditunevoixduseuildelachambre.Levantlesyeux,j'aivuValentinquicontemplaitlascèned'unairradieux.Lebébéarouvertlesyeux,commes'ilreconnaissaitsonprénom.Ilavaitdesyeuxnoirscommelanuit,insondables,ilsn'exprimaientaucunehumanité.Unlongsilences'installa.Figéed'horreur,Claryconsidérasamèrebouchebée.«C'estdeJacequ'elle
parle,songea-t-elle.Commentpeut-onéprouverunteldégoûtvis-à-visd'unnouveau-né?»—Tuétaispeut-êtresouslechoc,murmura-t-elle.Outuétaismalade...—C'estcequ'ilm'adit,répliquaJocelyned'unevoixdépourvued'émotion.Quej'étaismalade.Valentin
adoraitJonathan.Ilnecomprenaitpascequim'arrivait.Etjesavaisqu'ilavaitraison.J'étaisunmonstrede ne pas supportermon propre fils. J'ai pensémettre fin àmes jours. Je l'aurais peut-être fait si jen'avaispasreçuunmessagedeRagnorFell.Cesorcieravaittoujoursétéprochedemafamille;c'étaitàluiquenousfaisionsappelquandilnousfallaitunsortilègedeguérison.IlavaitdécouvertqueLukeétaitdevenulechefd'unemeutede loups-garousdans laforêtdeBrocelinde,prèsde lafrontièreorientale.J'aibrûlésonmessageaprèsl'avoir lu.J'étaissûrequeValentinignorait toutdecettehistoire.Maiscen'estqu'enarrivantaucampementdeslycanthropesetenvoyantLukesainetsaufdevantmoiquej'aisuaveccertitudequeValentinm'avaitmenti.C'estalorsquej'aicommencéàlehaïr.
— Mais d'après Luke, tu savais déjà que quelque chose ne tournait pas rond chez lui, et qu'ilmanigançaitquelquechose.IlditquetulesavaisavantsaTransformation.Pendantunmoment,Jocelyneneréponditpas.— Tusais,Luken'auraitpasdûêtremordu.Celan'auraitpasdûseproduire.C'étaitunepatrouillede
routinedanslesbois,ilétaitpartiseulavecValentin...—Maman...—SelonLuke,jeluiaiditquej'avaispeurdeValentinavantsaTransformation.Jeluiaiaussiconfié
que j'entendais des hurlements à travers lesmurs dumanoir et que j'avais des soupçons.ConnaissantLuke, iladûquestionnerValentinàcesujet le lendemainmême.Lanuitsuivante,Valentinl’aemmenépatrouilleraveclui,etilaétémordu.Jecrois...JecroisqueValentin,d'unefaçonoud'uneautre,m'afaitoubliercequej'avaisvu.Ilm'aconvaincuequecen'étaientquedescauchemars,et,àmonavis,ilafaitensortequeLukesoitmorducettenuit-là.Jecroisqu'ilavoulul'éliminer;ainsi,personnenepourraitmerappelerquej'avaispeurdemonépoux.Mais,surlemoment,jenem'ensuispasrenducompte.Lorsdecesretrouvailles,Lukeetmoin'avonspaseubeaucoupdetempspourdiscuter.Jemouraisd'enviedeluiparlerdeJonathan,mais jenepouvaispas.C'étaitmonfilsmalgré tout.Pourtant, lesimple faitdevoir Lukem'a redonné courage. Je suis rentrée chez moi en me persuadant que je devais fournir denouveauxeffortsavecJonathan,qu'avecletempsj'apprendraiàl'aimer.«Cettenuit-là,j'aiétéréveilléepardespleursdebébé.Jemesuisredresséebrusquementdansmon
lit.J'étaisseuledanslachambre.ValentinassistantàuneréunionduCercle,jen'avaispersonneavecquipartagermonétonnement.Car,vois-tu,Jonathannepleuraitjamais.Sonsilenceétaitl'unedeschosesquime déroutaient le plus chez lui. Jeme suis précipitée dans sa chambre : il dormait paisiblement. Etcependant, j'entendais toujours un enfant pleurer. J'en étais certaine. Dévalant l'escalier, j'ai suivi les
pleursquisemblaientprovenirdelacave,maislaporteétaitverrouillée;cettecaveneservaitjamais.Parchance,commej'avaisgrandidanslemanoir,jesavaisoùmonpèrecachaitlaclé...JocelyneneregardaitpasClarytandisqu'elleparlait.Ellesemblaitperduedanssessouvenirs.— Je ne t'ai jamais raconté l'histoire de Barbe-Bleue quand tu étais petite, n'est-ce pas ? Il avait
ordonnéàsafemmedenejamaisentrerdanslapièceferméeàclé.Elleadésobéiettrouvélesrestesdetoutessesprécédentesépousesqu'ilavaitassassinées.Enouvrantcetteporte,jen'avaisaucuneidéedecequejetrouveraisderrière.Sijedevaistoutrecommencer,trouverais-jelaforcedetournerànouveaucettecléetd'avancerdanslesténèbresenmeguidantavecmapierrederune?Jel'ignore,Clary.« L'odeur... Oh, l'odeur là-dedans était épouvantable.Une odeur de sang, demort et de pourriture.
Valentinavaitcreuséunespacesouslesoldecettecavequiservaitjadisàentreposerlevin.Cen'étaitpasunenfantque j'avaisentendupleurer.Dans lescellulesqu'ilavaitaménagéesétaientemprisonnéestoutessortesdecréatures:desdémonsattachésavecdeschaînesenélectrumsetordaientdedouleurengargouillant. Mais j'ai trouvé bien pire : des cadavres de Créatures Obscures à différents stades dedécomposition.Desloups-garous,lecorpsàmoitiédissouspardelapoudred'argent.Desvampires,latêteimmergéedansdel'eaubénite.Deselfesdontlapeauavaitététranspercéedeflèchesenferfroid.«Mêmemaintenant, je n'arrive pas à le voir comme un tortionnaire. Il semblait poursuivre un but
scientifique. Il y avait des carnets accrochés à l'entrée de chaque cellule, retraçant par le détail sesexpériences,combiendetempsilavaitfalluàchaquecréaturepourmourir.Ilyavaitlàunvampiredontilavaitbrûlélapeaudefaçonrépétitivepourdéterminerjusqu'àquelpointlapauvrecréaturepouvaitserégénérer.Ilétaitdifficiledeliresesnotessanstournerdel'œilouêtreprisdenausée.«Ilyavaitunepageconsacréeauxexpériencesqu'ilavaitfaitessurlui.Ilavaitluquelquepartquele
sangdémoniaquepouvaitdécuplerlespouvoirsqueleChasseursd'Ombresacquièrentàleurnaissance.Ilavaittentédes'injecterdusang,sansautrerésultatquedeserendremalade.Ilétaitdoncparvenuàlaconclusionqu'ilétaittropvieuxpourquelesangl'affecteetqu'ildevaitêtreadministréàunenfantpourfairetotalementeffet,depréférencealorsqu'ilétaitencoredansleventredesamère.«Entraversdelapageoùfiguraientsesconclusions,ilavaitgriffonnéunesériedenotesdontletitre
attiramonattention.C'étaitmonnom.JocelyneMorgenstern.« Je me souviens que mes doigts tremblaient tandis que je tournais les pages et que les mots
s'imprimaient dans mon esprit. "Jocelyne a de nouveau bu ma potion ce soir. Pas de changementsvisibles,maislàencorec'estl'enfantquim'inquiète...Aveclesinfusionsd'ichorquejeluiaidonnéesàintervallesréguliers,ilsepourraitqu'ilsoitcapabledetouteslesprouesses.Hiersoir,j'aientendusoncœurbattreplusfortqu'aucuncœurhumain.J'aipenséàuneénormeclochesonnantleglasdelavieillegardeetannonçantl'avènementd'unenouvelleracedeChasseursd'Ombres.Enmêlantlesangdesangesà celui des démons, je pourrai créer des pouvoirs inimaginables, susceptibles de surpasser ceux desCréaturesObscures..."«Etainsidesuite,surdespagesentières.Jefeuilletaislescarnetsdemesmainstremblantestouten
énumérantmentalement les potions queValentinm'avait données à boire chaque soir, les cauchemarsdans lesquels ilmepoignardait,m'étranglait,m'empoisonnait.En réalité, cen'était pasmoiqu'il avaitempoisonnée.C'était Jonathan. Jonathan, qu'il avait transforméenune espècededemi-démon.Et c'estalors,Clary,quej'aicomprisquiétaitvraimentValentin.Clarycherchasonsouffle.Sihorriblesoit-il,cerécitconcordaitparfaitementaveclavisionqu'Ithuriel
luiavaitmontrée.Ellenesavaitplustropquielledevaitplaindreleplus,samèreouJonathan.Jonathanqu'elle ne pouvait associer à Jace, pas avec lesmots de samère encore frais dans son esprit - privéd'humanitéparunpèreplusdisposéàassassinerdesCréaturesObscuresqu'àprotégersaproprefamille.—Pourtant...tun'espaspartie,n'est-cepas?demandaClaryd'unepetitevoix.
—Je suis restéepourdeux raisons, confessa Jocelyne.Lapremière étant l'Insurrection.Ceque j'aidécouvertdans lacavecettenuit-làm'a tiréedema léthargie.J'aienfinvucequisepassaitautourdemoi. Une fois que j'ai compris ce quemanigançait Valentin, c'est-à-dire lemassacre systématique detouteslesCréaturesObscures,j'aidécidédel'enempêcher.J'aicommencéàrencontrerLukeensecret.JenepouvaispasluirévélercequeValentinnousavaitfaitsubiràmoietànotreenfant.Celaneserviraitqu'à le rendra foude rage ; ilne songeraitplusqu'à tuerValentinety laisserait sansdoute lavie.Enoutre,personnenedevaitsavoircequiétaitarrivéàJonathan.Malgrétout,ilrestaitmonfils.Cependant,j'aiparléàLukedesatrocitésquej'avaisvuesdanslacaveetdemaconvictionqueValentinavaitperdulatête.Ensemble,nousavonsprojetédedéjouerl'Insurrection.Jesentaisquejeledevais,Clary.C'étaitenquelquesorteuneexpiation,leseulmoyenquej'avaistrouvédepayerpouravoirrejointleCercleetm'êtrefiéeàcethomme-là.
—Etiln'enariensu?Iln'apasdécouvertquetucomplotaiscontrelui?Jocelynesecoualatête.— Quandonaime,onfaitconfiance.Etpuisàlamaison,j'essayaisd'agircommesiderienn'était.Je
prétendaisque ledégoûtquem'avait inspiréJonathanàsanaissancem'étaitpassé.Je l'emmenaischezMaryseLightwood,jelelaissaisjoueravecsonpetitgarçon,Alec.Parfois,CélineHerondalesejoignaitànous;elleétaitenceinteàcetteépoque.«Tonmariestsigentil,disait-elle.Ils'inquiètebeaucouppourStephenetmoi.Ilmedonnedespotionsetdesmixturespourlebébé;ellessontformidables.
—Oh,fitClary.Oh,monDieu!— C'est ce que j'ai pensé, déclara Jocelyned'un air sombre. J'aurais voulu lui expliquer qu'elle ne
devaitpassefieràValentinniaccepterlemoindredesescadeaux,maisc'étaitimpossible.Sonépouxétaitleplusprocheamidumien,etellem'auraittrahidanslaseconde.Alorsjemesuistue.Parlasuite...
— Elle s'est tuée, achevaClary, se rappelant soudain cette histoire.Mais... c'est à cause de ce queValentinluiafait?Jocelynesecoualatête.— Honnêtement, je ne crois pas. Stephen a été tué lors d'un raid, et elle s'est ouvert les veines en
apprenantlanouvelle.Elleétaitenceintedehuitmois.Elles'estvidéedesonsang...(Ellesetutavantdereprendre:)C'estHodgequiadécouvertsoncorps.Valentinm'asemblésincèrementaffligéparcesdeuxpertes.Iladisparupendantunejournéeentière,etilestrevenul'œilhagard,ladémarchehésitante.D'unecertainemanière,jemeréjouissaisdelevoiraussidistrait.Aumoins,ilneprêtaitpasattentionàmoi.Amesurequelesjourspassaient,jetremblaisdeplusenplusàl'idéequ'ildécouvrelaconspirationdontilétait l'objet et qu'il me torture pour obtenir la vérité : qui faisait partie de notre alliance secrète ?Qu'avais-je révélé de ses projets ? Je me demandais si je pourrais endurer la torture. Je craignaisfortementdenepasenêtrecapable.Jemesuisfinalementrésolueàprendredesmesurespourquecelan'arrivepas.J'aifaitpartàFelldemescraintesetilafabriquéunepotionpourmoi...
—LapotionduLivreBlanc.Commenta-t-ilatterridanslabibliothèquedesWayland?— Jel'aicachélà lesoird'unefête,expliquaJocelyneavecunsourireencoin.Jen'aipasvouluen
parler à Luke ; je savais que cette idée ne lui plairait pas. Le problème, c'est que toutesmes autresconnaissancesfaisaientpartieduCercle.J'aienvoyéunmessageàRagnor,mais ils'apprêtaitàquitterIdrisetrefusaitdemedirequandilseraitderetour.Ilprétendaitqu'onpourraittoujourslejoindreencasd'urgence...maisparquelmoyen?Pourfinir,jemesuisaperçuequ'ilyavaitencorequelqu'unàquijepouvaismeconfier,unepersonnequidétestaitassezValentinpournepasmetrahir.J'aidoncécritunelettreàMadeleinepourluiexposermonprojetenprécisantqueleseulmoyendemeressusciterétaitderetrouverRagnorFell.Jen'aijamaisreçuderéponse,maisjemesuispersuadéequ'elleavaitcomprislemessage.Jen'avaisriend'autreàquoimeraccrocher,detoutefaçon.
— Deuxraisons,intervintClary.Tum'asditquetuétaisrestéepourdeuxraisons.L'uneétaitl'Insurrection.Etl'autre?LesyeuxvertsdeJocelynetrahissaientlalassitudemaisilsbrillaientintensément.—Tun'aspasdeviné?Laseconderaison,c'estquej'étaisenceintedenouveau.—Oh,fitClaryd'unepetitevoix.Les paroles de Luke lui revinrent enmémoire : « Elle attendait un autre enfant, elle le savait depuis des
semaines.»—Etçanet'apasdonnéencoreplusenviedefuir?reprit-elle.—Si,réponditJocelyne.Maisjenepouvaispas.Sij'avaisquittéValentin,ilauraitremuécieletterrepourme
retrouver.Ilm'auraitsuiviejusqu'auboutdumonde;j'étaissapropriété,ilnem'auraitjamaislaisséeluiéchapper.J'auraispeut-êtreprislerisquesij'avaisétéseulemaisjenevoulaispastemettreendanger.Ellerepoussasescheveuxdesonvisage.—Iln'existaitqu'unesolutionpourqu'ilmelaissetranquille.Ilfallaitqu'ilmeure.Claryconsidérasamèreavecsurprise.Malgrésafatigue,unelueurférocebrillaitdanssesyeux.—Jepensaisqu'ilseraittuéaucoursdel'Insurrection.Moi-même,jenepouvaispasm'encharger.Jen'enavais
paslaforce.Maisjen'auraisjamaisimaginéqu'ilpuissesurvivreàlabataille.Plustard,aprèsl’incendiedelamaison,j'aicherchéàmeconvaincrequ'ilétaitmort.JemerépétaissanscessequeJonathanetluiavaientpéridanslesflammes.Maisaufonddemoi,jesavais...(Elles'interrompit.)C'estdelàqu'estvenuemadécision.Jepensaisqu'enteprivantdetessouvenirsetentecachantdanslemondeterrestre, jeparviendraisà teprotéger.C'étaitstupide, j'en ai conscience àprésent.Stupide etmal. Je regrette,Clary. J'espère seulement que tupourrasmepardonner.Peut-êtrepasmaintenant,maisplustard.Clarys'éclaircitlavoix.Elleseretenaitd'éclaterensanglotsdepuisaumoinsdixminutes.—Cen'estrien.Mais...quelquechosem'échappe,dit-elleentriturantletissudesonmanteau.Jesavaisdéjàplus
oumoinscequeValentinavaitfaitàJace...enfin,àJonathan.Maistuledécriscommeunmonstre.Or,jet'assure,maman,Jacen'estriendetoutça.Situleconnaissais...situpouvaisseulementlerencontrer...
—Clary,murmuraJocelyneenprenantlamaindesafille.J'aid'autresrévélationsàtefaire.Dansmonrécit,jen'airienomisjusqu'àmaintenant.Enrevanche,ilyadeschosesquejeviensjustededécouvrir.Etellessontpeut-êtredifficilesàentendre.«Piresquecequetum'asdéjàraconté?»songeaClary.Ellesemorditlalèvreethochalatête.—Vas-y.Jepréfèresavoir.—QuandDorotheam'arévéléqueValentinavaitétévuenville,j'aisuqu'ilétaitvenupourmoi...pourlaCoupe.
J'aipenséfuir,maisjenepouvaispasmerésoudreàt'expliquerpourquoi.Jenet'enveuxpasdutoutd'êtrepartiecesoir-là,Clary.J'étaissoulagéequetunesoispasprésentequandtonpère...quandValentinetsesdémonsontfaitirruptiondansnotreappartement.J'aijusteeuletempsd'avalerlapotion...jelesentendaiss'acharnersurlaporte...(Ellesetut,lavoixnouéeparl'émotion.)J'espéraisqueValentinmecroiraitmorte,maisiladécidédem'emmeneràRenwickaveclui.Ilatestéenvaindiversesméthodespourmeréveiller.J'étaisplongéedansuneespècedecoma.J'avaisvaguementconsciencedesaprésence,maisjenepouvaisnibougerniluirépondre.Amonavis,iln'apaspenséunesecondequejepouvaisl'entendre.Ils'asseyaitàmonchevetetmeparlaitpendantdesheures.
—Ilteparlait?Dequoi?—Denotrepassé.Denotremariage.Ilreconnaissaitqu'ilm'avaittrahie.Qu'iln'avaitpuaimerpersonned'autre
depuis.Jecroisqu'ilétaitsincère,dansunecertainemesure.C'étaittoujoursàmoiqu'ilfaisaitpartdesesdoutes,desaculpabilitéet,pendantlesannéesquiontsuivimondépart,jenecroispasqu'ilaiteud'autreconfident.Ilmesemblequ'ilnepouvaitpass'empêcherdeseconfieràmoi,mêmes'ilsavaitqu'ilneledevaitpas.Jepensequ'ilavait simplementbesoind'épancher soncœur.Onpourrait supposerquesesétatsd'âmeportaient sur tous les
pauvresgensqu’ilavaittransformésenDamnésetsursesprojetsconcernantl'Enclave.Maisiln'enétaitrien.C'étaitJonathanquilepréoccupait.
—Commentça?— Il regrettait ce qu'il avait infligé à notre fils avant sa naissance, car il savait que cela avait bien failli
m'anéantir.Ilavaitcomprisquej'étaisàdeuxdoigtsdemesuicideràcausedeJonathan.Enrevanche,ilignoraitquejesouffraisaussienraisondecequej'avaisdécouvertsursoncompte.D'unemanièreoud'uneautre,ilavaitréussiàseprocurerlesangd'unange.C'estunesubstancequasimythiquechezlesChasseursd'Ombres.Celuiquiboitcesangestcenséacquériruneforceextraordinaire.Valentinl'avaittestésurlui;ilavaitdécouvertquenonseulementildécuplaitsonénergiemaisaussiqu'illuiapportaitunsentimentdebonheuretd'euphoriechaquefoisqu'ill'injectaitdanssesveines.Alorsilenaréduitunepartieenpoudreavantdelemélangeràmanourrituredansl'espoirqu'ilatténueraitmondésespoir.«Jesaisoùils'estprocurécesang»,songeaClaryavectristesse.—Tucroisqueç'amarché?— Jemedemandemaintenantsicen'estpascelaquim'adonnélaforcedeteniretlavolontéd'aiderLukeà
déjouer l'Insurrection. Quelle ironie si c'est le cas, étant donné les raisons qui avaient poussé Valentin àm'administrercesang!Maiscequ'ilignorait,c'estquej'étaisenceintedetoiàcetteépoque.Sisonexpériencem'apeut-êtreaffectéedansunemoindremesure,sesconséquencessurtoisontsansdoutebeaucoupplusimportantes.Jecroisquec'estdelàquevienttonpouvoirsurlesrunes.
— C'estpeut-êtreaussipourçaquetuescapabledecacherlaCoupeMortelledansunecartedetarot,ajoutaClary.EtqueValentinapuleverlamalédictiondeHodge...
— Valentin a mené quantité d'expériences sur lui-même pendant des années. Ses pouvoirs égalentpresque ceux d'un sorcier.Mais,malgré tous ses efforts, il ne pouvait pas obtenir des résultats aussiextraordinairesqu'avectoiouJonathan,parcequevousétiezdessujetstrèsjeunes.Amonavis,personneavantluines'étaitservicommecobayed'unbébéquin'étaitmêmepasné.
—AlorsJace...Jonathanetmoi,onestvraimentdesexpériences?—Encequiteconcerne,cen'étaitpasprémédité.AvecJonathan,Valentincherchaitàcréeruneespèce
desuperguerrier,plusfortetplusrapidequelesautresChasseursd'Ombres.ÀRenwick,ilm'aracontéque,decepointdevue-là, ilavaitréussi.CependantJonathanétaitaussicruel,dépourvudemoraleetd'émotions. Ildemeurait loyalàValentin,maiscelui-ci s'étaitaperçuqu'enessayantdecréerunenfantsupérieurauxautres,ilavaithéritéd'unfilsincapabledel'aimervraiment.ClaryrevitJaceàRenwick,serrantlefragmentdePortailàs'enfairesaignerlesdoigts.— Non!s'écria-t-elle.Non,nonetnon!Jacen'estpascommeça.Malgrélui,ilaimeValentin.Etila
desémotions.Ilestlecontrairedecequetumedécris.Jocelyne se tordit les mains. Elles étaient couvertes de petites cicatrices blanches, ces vestiges
d'anciennesMarques qu'arboraient tous les Chasseurs d'Ombres. Cependant, Clary les voyait pour lapremièrefois.LamagiedeMagnuslesavaiteffacéesdesamémoire.Ilyenavait-une,à l'intérieurdupoignet,quiavaitlaformed'uneétoile...—Cen'estpasdeJacequejeparle,déclaraJocelyne.—Mais...Toutsemblasedéroulerauralenti,commedansunrêve.«Peut-êtrequejesuisbeletbienentrainde
rêver, songea Clary. Peut-être que ma mère ne s'est jamais réveillée, et que tout ceci n'est qu'unehallucination.»
—JaceestlefilsdeValentin,protesta-t-elle.Dequid'autrepourrais-tubienparler?Jocelyneplantasonregarddansceluidesafille.— LanuitoùCélineHerondaleestmorte,elleétaitenceintedehuitmois.Valentinluiavaitdonnédes
potions et des poudres : il testait sur elle le sang d'Ithuriel dans l'espoir que l'enfant de StephendeviendraitaussipuissantqueJonathansanshériterdesesdéfauts.Commeilnesupportaitpasd'avoirdéployétousceseffortspourrien,avecl'aidedeHodge,ilasortil'enfantdesentraillesdesamère.Ellen'étaitmortequedepuisquelquesminutes...Claryeutunhaut-le-cœur.—C'estimpossible!Jocelynepoursuivitcommesiellenel'avaitpasentendue.—Ensuite,ilachargéHodgedelecacherdanssamaisond'enfancenichéedansunevalléeàproximité
du lacLyn.C'est pour cette raisonqu'il n'est pas rentré cettenuit-là.Hodgeapris soindunourrissonjusqu'àl'Insurrection.Ensuite,Valentins'estfaitpasserpourMichaelWayland,ilainstallél'enfantdanslemanoirdecedernieretl'aélevécommelefilsdeMichael.
—AlorsJacen'estpasmonfrère?murmuraClary.Samèreserratendrementsamaindanslasienne.—Non,Clary.LavuedeClarys'obscurcitetsoncœursemitàbattrelachamade.Unepenséel'effleura:«Mamère
esttristepourmoi.Ellecroitquec'estunemauvaisenouvelle.»Sesmainssemirentàtrembler.— Alorsàquiappartenaientlesosqu'onatrouvésdanslesruinescalcinées?D'aprèsLuke,c'étaient
ceuxd'unenfant...Jocelynesecoualatête.— Au fils deMichaelWayland.Valentin les a tués, lui et son père, puis il a brûlé leurs corps. Il
cherchaitàconvaincrel'Enclavequesonfilsetluiavaientpéridansl'incendie.—Maisalors,Jonathan...— Est toujoursenvie,déclara Jocelyne, levisagealtérépar la souffrance.Valentinme l'a apprisà
Renwick.IlaélevéJacedanslemanoirdesWaylandetJonathandanslamaisonprèsdulac.Ilaréussiàpartagersontempsentrelesdeuxenfants,allantetvenantd'unendroitàl'autre,laissantparfoisseull'unou l'autredesgarçons,voire lesdeux,pendantde longuespériodes. Il semblequeJace ignore toutdel'existencede Jonathan,mais qu'en revanche ce dernier soit au courant pour lui. Ils ne se sont jamaisrencontrés,alorsqu'ilsvivaientprobablementàquelqueskilomètresl'undel'autre.
—AlorsValentinn'apasdonnédusangdedémonàJace?Iln'estpas...maudit?—Maudit?répétaJocelyne,surprise.Non,Clary.Valentins'estservidumêmesangsurluiquesurtoi
et moi. Le sang d'un ange. Jace n'est pas maudit. C'est plutôt l'inverse, a priori. Tous les Chasseursd'Ombresontdusangdel'Angedanslesveines.Vousdeux,vousêtesunpeumieuxpourvus,c'esttout.LecerveaudeClarybouillonnait.Elles'efforçades’imaginerValentinélevantdeuxenfantsenmême
temps,l'unenpartieange,l'autreenpartiedémon.L'unnédel'ombreetl'autredelalumière.Illesavaitpeut-êtreaiméstouslesdeux,sitantestqu'ilpuisseaimerquelqu'un.Jacen'avaitjamaissupourJonathan;quepouvaitsavoircelui-ciàsonsujet?Qu'était-il,soncomplément,soncontraire?L'avait-ilhaïsansleconnaître?Brûlait-ildelerencontrer?Était-ilindifférent?Ilsavaienttouslesdeuxdûsesentirtrèsseuls.L'und'euxétaitsonvéritablefrère,sonfrèredesang.
—Atonavis,ilestrestélemême?Jonathan,jeveuxdire.Tupensesqu'ilauraitpuchanger...enmieux?
—J'endoute,réponditJocelyneavecdouceur.—Qu'est-cequitefaitcroireça?Ilapeut-êtrechangé,aprèstout.Del'eauacoulésouslesponts.—Valentinm'aracontéqu'ilavaitpassédesannéesàmontreràJonathancommentsemontreragréable
et charmant. Il voulait en faire un espion, or c'est impossible quand on terrifie tous ceux que l'onrencontre. Jonathan a appris à utiliser de petits charmes pour gagner la confiance d'autrui, expliqua
Jocelyneensoupirant.Si je te raconteça,c'estpourque tune t'enveuillespasde t'être laisséberner.Clary,tuasrencontréJonathansousuneautreidentité.IlsefaisaitpasserpourSébastienVerlac.Clary considéra sa mère d'un air interdit. Sa première pensée fut : « Mais c'est le cousin des
Penhallow!»Évidemment,Sébastienn'étaitpasceluiqu'ilprétendaitêtre ; toutcequ'il leuravaitditn'étaitquepurmensonge.Ellerepensaàsapremièreimpressionenlevoyant:elleavaiteulasensationdel'avoirtoujoursconnu.Or,ellen'avaitpasressenticelaavecJace.
—Sébastienestmonfrère?LestraitsdélicatsdeJocelyneétaienttendusàl'extrême,sesmainscrispéessursesgenoux.— Aujourd'hui,jemesuislongtempsentretenu!avecLukedecequis'estpasséàAlicantedepuisson
arrivée.IlsoupçonneSébastiend'avoirdétruitlesboucliers,bienqu'ilignorecommentils'yestpris,Enl'écoutantm'expliquertoutcela,j'aicomprisquiétaitvraimentSébastien.
— Qu'est-cequi t'amise sur lapiste ?Le faitqu'il ait usurpé l'identitédeSébastienVerlacetqu'ilespionnepourlecomptedeValentin?
— Oui,maispas seulement.C'estquandLukem'a racontéque,d'après toi,Sébastien se teignait lescheveuxquej'aideviné.Jepeuxmetromper,maisungarçonàpeineplusâgéquetoi,auxcheveuxblondsetauxyeuxnoirs,soi-disantorphelindepèreetdemère,etentièrementdévouéàValentin...Jen'aipaspum'empêcherdefairelerapprochementavecJonathan.Enoutre,Valentinatoujourscherchélemoyendedésactiverlesboucliers.EnexpérimentantdusangdémoniaquesurJonathan,ilprétendaitlerendreplusfort,maisilyavaitpeut-êtreautrechoselà-dessous...
—Commentça?— C'étaitsansdoute lemoyenqu'ilavait trouvépourneutraliser lesboucliers.Onnepeutpas faire
entrerundémondansAlicante.Or, il fautdusangdedémonpourveniràboutdesboucliers.C'estcesang-là qui coule dans les veines de Jonathan. Et le fait d'être un Chasseur d'Ombres lui ouvraitautomatiquementlesportesdelaville.Jonathans'estservidesonsangpourdésactiverlesboucliers.J'ensuiscertaine.Clary revit Sébastien face à elle près des ruines du manoir des Fairchild. Ses cheveux noirs lui
fouettaientlevisage.Ill'avaitpriseparlespoignetsenenfonçantlesonglesdanssachair,etprétenduqueValentinn'avaitjamaisaiméJace.Surlemoment,elleavaitcruqu'ilhaïssaitValentin.Maisenréalité,ilétaitjaloux.Ellesongeaauprinceténébreuxdesescarnetsdecroquis,quiressemblaittantàSébastien.Ellen'avait
vudanscetteressemblancequ'unecoïncidence,untourdesonimagination.Maintenant,cependant,ellesedemandaitsicen'étaientpas les liensdusangqui l'avaientpousséeàdonner les traitsdesonfrèreauhérosmalheureuxdesonhistoire.Elles'efforçadeseremémorerlevisageduprince,maissonimagesefissura puis disparut comme des cendres éparpillées par le vent. Elle ne voyait plus que Sébastiendésormais;lerougeoiementdelavilleenflammessereflétaitdanssesyeux.
—Quelqu'undoitprévenirJace.Ilfautqu'ilsachelavérité.Les pensées se bousculaient dans sa tête: Si Jace avait su, il ne se serait peut-être pas lancé à la
poursuitedeValentin.S'ilavaitsuqu'iln'étaitpassonfrère...—Maisjecroyaisquevousn'aviezaucuneidéedesadestination...objectaJocelyned'untonmi-étonné
mi-compatissant.AvantqueClaryaitpurépondre,laportes'ouvritengrand,inondantlesmarchesdelumière,etLuke
sortit.Ilsemblaitàlafoisépuiséetheureux.Voiresoulagé.Jocelyneseleva.—Qu'ya-t-il,Luke?Ilfitquelquespasdansleurdirectionets'arrêtaausommetdesmarches.
—Jocelyne,excuse-moidet'interrompre.—Cen'estrien,Luke.Malgrésontrouble,Clarypensa:«Qu'est-cequ'ilsontàs'appelertoutletempsparleurprénom?»
Unecertainemaladresseperçaitdésormaisdansleurattitude.—Quelquechosenevapas?s'enquit-elle.Ilsecoualatête.—Non,aucontraire.Pourunefois,lesnouvellessontbonnes.Ilsouritetannonçaavecfierté:— Tuasréussi,Clary.L'Enclaveconsentàcequetumarquessesguerriers.Iln'estplusquestiondese
rendre.
18.AveAtqueVale
LAVALLÉEÉTAITPLUSBELLEencoredanslaréalitéquedanslavisionqu'enavaiteueJace.C'étaitpeut-être dû aux reflets du clair de lune sur le torrent qui serpentait parmi les herbes hautes. À flanc demontagnes'élevaientdestremblesetdesbouleauxdontlesfeuillesfrémissaientdanslabrise.Ilfaisaitfroidàcettealtitude,sansprotectioncontrelevent.C'étaitsansaucundouteàcetendroitqu'ilavaitvuSébastienpourladernièrefois.Ladistancequiles
séparait se réduisaitpeuàpeu.Aprèsavoir attachéWayfarerau troncd'unarbre, il sortit le filde sapocheetrépétasonrituelpourenavoirlecœurnet.Ilfermalesyeux,s'attendantàvoirSébastien,etpriaintérieurementpourqu'ilsetrouvequelquepart
danslavallée.Cependant,ilnevitquedesténèbres.Soncœursemitàbattreplusfort.Il refit une tentative en changeant le fil de main et, de sa main droite qui était moins agile, traça
maladroitementlarunedefilaturesursonpoinggauche.Cettefois,ilprituneprofondeinspirationavantdefermerlesyeux.Toujours rien. Il se tint immobile pendant une longueminute, les dents serrées, tandis que le vent
s'engouffraitdanssaveste,luidonnantlachairdepoule.Puis,avecunjuron,ilrouvritlesyeuxet,toutàsacolère,desserralesdoigts:leventemportalefilsivitequ'ilneputmêmepasesquisserungestepourlerattraper.Son cerveau s'affola.Manifestement, la runene fonctionnait plus. S'étant peut-être aperçuqu'il était
suivi,Sébastienavaitdûfaireensortederomprelecharme...Maiscommentaurait-ilpuneutraliserunerunedefilature?Oualorsilsetrouvaitàproximitéd'unpointd'eau.Cetélémentperturbaitlamagie.Cesréflexionsn'aidaientpasbeaucoupJace.Ilnepouvaitpasécumertousleslacsdupays.Ilétaitsi
prèsdubut...Ilavaitbeletbienvucettevallée.Lamaisonétaitlà,nichéecontreunbouquetd'arbres.Ilpouvait toujours en fouiller les alentoursdans l'espoird'y trouverunobjet susceptiblede lui indiquerl'endroitoùsetrouvaitSébastienouValentin.Résigné,avecsastèleiltraçasursapeauunesériedeMarquesdecombatauxeffetsprovisoires:une
poursedéplacerensilence,uneautrepouraccroîtresarapiditéetunetroisièmepourmarcherd'unpassûr.Quandileutterminé,ilglissal'objetdanssapoche,tapotal'encoluredeWayfareretdescenditdanslavallée.Malgré les apparences, elle était très escarpée et sujette aux éboulements. Tantôt il progressait
prudemmenttantôtilselaissaitporterparlapente,cequiétaitàlafoisplusrapideetplusdangereux.Quandileutatteintlefondlavallée,ilavaitlesmainsensang,étanttombésurlegravierplusd'unefois.Illavaseségratignuresdansl'eauclaireetglacéedutorrent.Jetantuncoupd'œilautourdelui,ils'aperçutqu'ilvoyaitmaintenantlavalléesousunangletoutautre
quedanssavision:lesarbresauxbranchesnoueusessetrouvaientdevantlui,lesmontagnestoutautouretlapetitemaisonàquelquespas.Sesfenêtresétaientàprésentplongéesdansl'obscurité,etlacheminéenecrachaitpasdefumée.LesoulagementdeJaceétaitàhauteurdesadéception.Ilétaitplusfaciledefouillerunemaisoninoccupée.Maisjustement,oùétaientdoncpasséssesoccupants?Enserapprochant, ilsedemandapourquoi,danssavision, l'endroit luiavaitparuaussi lugubre.Ce
n'étaitqu'unefermebanalebâtieavecdespierresblanchesetgrises.Lesvoletspeintsenbleuvifavaientbesoind'unsérieuxrafraîchissement.Lacouleurs'étaitfanéeets'écaillaitparendroits.Jacesehissasur le rebordd'une fenêtreet jetaun regardà l'intérieur. Ildistinguaunegrandepièce
poussiéreuse avec une espèce d'établi poussé contre un mur. Les objets posés sur le plan de travail
n'étaientmanifestement pas destinés au bricolage. Jace reconnut dumatériel de sorcier : des piles deparchemins tachés, des bougies de cire noire, de grosses bassines en cuivre, les bordsmaculés d'unliquide sombre, un assortiment de couteaux, certains fins comme des poinçons. Un pentagramme auxcontoursàdemieffacésavaitététracéàlacraiesurlesol;chacunedesespointesétaitsurmontéed'unerune.LeventredeJacesenoua:cesrunesressemblaientàcellesquiétaientgravéesauxpiedsd'Ithuriel.Etaient-elles l'œuvre de Valentin ? À quoi servait donc cette cachette, dont il n'avait jamais entenduparler?Il sauta de sonperchoir et atterrit dans l'herbe sèche.À cet instant, uneombrepassa sur la lune. «
Pourtant, il n'y a pas d'oiseaux par ici », pensa-t-il. Levant les yeux, il eut le temps d'apercevoir uncorbeauquidécrivaitdescerclesau-dessusdesatête.Ilsefigeapuiscourutseréfugiersousunarbre.Unefoisàl'abri,ilscrutalecielàtraverslesbranches.Tandisquel'oiseauamorçaitsadescente,Jacesutquesoninstinctnel'avaitpastrompé.Cecorbeaun'étaitpasn'importequelvolatile:c'étaitHugo,quiavaitjadisappartenuàHodge,lequelavaitdetempsentempsrecoursàsesservicespourenvoyerdesmessageshorsdel'Institut.JaceavaitapprisdepuisqueHugoétaitàl'originelecompagnondévouédeValentin.Lecœurbattantd'excitation,ilsecollacontreletroncdel'arbre.SiHugoétaitdanslesparages,cela
ne signifiait qu'une chose : il apportait unmessage, dont le destinataire n'était autre que Valentin. Siseulementilparvenaitàlesuivre...Perchésurunreborddefenêtre,Hugoscrutal'intérieurdelamaison.Comprenantapparemmentqu'elle
étaitvide,ils'élevadanslesairsavecuncroassementfurieuxets'éloignaenbattantdesailes.Jaceémergeadel'ombreetselançaàlapoursuiteducorbeau.
— Donc, techniquement,même si Jace et toi, vous n'êtes pas apparentés, tu as embrassé ton frère,résumaSimon.
—Simon!s'écriaClary,horrifiée.Tais-toi!Ellejetauncoupd'œilàlarondepours'assurerquepersonnenelesécoutait.Elleétaitassisedansun
siègeàhautdossiersurl'estradedelaSalledesAccords,etSimonluitenaitcompagnie.Dansuncoindel'estrade,samèreétaitengrandeconversationavecAmatis.Toutautourd'eux,lasalleétaiteneffervescence.DesCréaturesObscuressedéversaientenmassepar
laporteàdoublebattantets'agglutinaientcontrelesmurs.ClaryreconnutplusieursmembresdelameutedeLuke,ycomprisMaia,quiluiadressaungrandsouriredepuislefonddelasalle.Ilyavaitaussideselfes à la beautépâle et froide, ainsi quedes sorciers avecdes ailes de chauve-souris, despattes debouc,voiredesantennespour l'und'eux,qui faisaient jaillirdes flammesbleuesde leursdoigtsensedéplaçant dans la salle. Les Chasseurs d'Ombres se mêlaient à cette foule étrange, l'air vaguementnerveux.Serrantsastèledanssesmains,Clarylançaunregardanxieuxautourd'elle.OùétaitLuke?Ilavait
disparudanslacohue.Illuifallutunmomentpourl'apercevoir.IldiscutaitavecMalachi,quinecessaitdesecouerlatêtevigoureusement.Amatiss'étaitrapprochée,etfusillaitleConsulduregard.—Nemefaispasregretterdet'avoirracontéça,Simon,marmonnaClary.ElleavaitfaitdesonmieuxpourluirésumeràvoixbasselerécitdeJocelynetandisqu'ill'aidaitàse
frayer un passage jusqu'à l'estrade et à trouver un siège.Maintenant qu'elle dominait la salle de sonperchoir,elleavaitl'impressionétranged'êtrelasouverainedetoussesoccupants.Saufqu'unevéritablereinenecèdejamaisàlapanique.—D'ailleurs,ilembrassaittrèsmal,ajouta-t-elle.
—Oupeut-êtrequec'étaitjusterépugnantparcequecegarçonest...tusais...tonfrère.CettehistoiresemblaitunpeutropamuserSimonaugoûtdeClary.—Simamèret'entend,jet'étrangle.J'aidéjàenvielevomir,alorsn'enrajoutepas.Jocelyne,quis'avançaitverseux,avaitdûentendrelesderniersmotsdeClary-mais,parbonheur,pas
lesujetdeleurdiscussion-,carelleposaunemainrassurantesursonépaule.—Nesoispassinerveuse,machérie.Tuasétéformidabletoutàl'heure.Iltefautquelquechose?Une
couverture,del'eauchaude...—Je n'ai pas froid, répondit Clary, à bout de patience. Et je n'ai pas besoin d'un bain non plus.
J’aimeraisjustequeLukem'expliquecequisepasse.Jocelynefitsigneàl'intéressépourattirersonattention.Seslèvresformèrentdesmotssilencieuxque
Claryneparvintpasàdéchiffrer.—Maman,arrête,grommela-t-elle,maisilétaitdéjàtroptard.Luke leva la tête, à l'instar de quelques Chasseurs d'Ombres à proximité. La plupart détournèrent
précipitammentlesyeux,maisClarylutdelafascinationdansleurregard.Elleavaitdumalàs'habitueràl'idéequesamèrepuisseêtreunefigure légendaireàIdris.Tout lemondeoupresquedanscettesalleavaitentenduparlerd'elleetavaituneopinionàsonsujet,bonneoumauvaise.Clarys'étonnaitqu'ellenes'enformalisepas;ellesemblaitcalme,détachée,dangereuse.Unmoment plus tard,Luke les rejoignit sur l'estrade,Amatis sur les talons. S'il avait toujours l'air
fatigué,ilétaitaussiétonnammentalerte,voireexcite,—Attendezencoreuneseconde,lança-t-il.Toutlemondearrive.—Malachitedonnaitdufilàretordre?s'enquitJocelynesansregarderLuke.Ilfitungestedédaigneux.— Il pense qu'on devrait envoyer un message à Valentin pour l'informer de notre décision.
Personnellement,jecroisqu'onnedevraitpasdévoilernotrejeu.LaissonsValentinmarchersurlaplainedeBrocelindeavectoutesonarméeens'attendantànotrecapitulation.Malachiestimequecen'estpasfair-play.Quandjeluiaifaitremarquerquelaguerren'avaitrienàvoiravecunmatchdecricket,ilm'arétorqué qu'au moindre débordement il annulerait tout. Qu'est-ce qu’il s'imagine ? Que les CréaturesObscuresnepeuventpasrestercinqminutessanssebattre?
— Exactement, lançaAmatis.C'estMalachi,ne l'oubliepas. Ildoitavoirpeurquevousvousentre-dévoriez.
—Amatis,chuchotaLuke.Onpourraitt'entendre,Ilseretournaaumomentoùdeuxhommesgravissaientlesmarchesderrièrelui:l'unétaitungrandelfe
élancé avecde longs cheveuxnoirs encadrant sonvisageétroit. Il portait une armureblanche faitedeminuscules écailles en métal qui se chevauchaient comme celles d'un poisson. Ses yeux étaient vertémeraude.L'autrehommeétaitMagnusBane.SansunsourirepourClary,ilvintseposterprèsdeLuke.Ilportait
Unlongmanteaunoirferméjusqu'audernierboutonetsescheveuxétaienttirésenarrière.—Qu'est-cequec'estquecelook...passe-partout!s'exclamaClaryenouvrantdegrandsyeux.Ilsouritimperceptiblementetchoisitd'ignorersaremarque.—Ilparaîtquetuasuneruneànousmontrer.
ClarysetournaversLuke;ilhochalatête.—Oui,répondit-elle.Ilmefautjustedequoiécrire.—Jet'aidemandésituavaisbesoindequelquechose,marmonnaJocelyne.—Moi,j'aidupapier,intervintSimonenfouillantlapochedesonjean.II tenditàClaryleflyerfroissédesongroupe,surlequelfigurait ladatedeleurconcertauKnitting
Factory,enjuillet.Avecunhaussementd'épaules,ellesortitsastèle,quiprojetadepetitesétincellesaucontactdupapier.L'espaced'uninstant,ellecraignitqueletractnes'enflamme,maisiltintbon.Ellesemit à dessiner en s'efforçant de s'abstraire de l'agitation environnante et de l'impression que tous lesregardsétaientbraquéssurelle.Commeprécédemment,laruneapparutsurlepapierdansunenchevêtrementdecourbesquisemblaient
inachevées.Aprèsl'avoirépousseté,ellebranditleflyeravecl'impressionridiculed'êtreuneécolièreentraindefaireunexposédevantsaclasse.
—Voilà.Ilenfautuneautrepourlacompléter.Une...runejumelle,enquelquesorte.—UneCréatureObscure,unChasseurd'Ombres,Chaqueélémentdelapairedevraêtremarqué,ajouta
Luke.Ilrecopialarunesuruncoindutract,déchiralepapierendeuxetentenditunepartieàAmatis.—Commenceàfairecirculerlarune.MontreauxNephilimcommentçamarche.Aprèsluiavoiradresséunsignedetête,Amansdescendit lesmarchesetsefonditdanslafoule.Le
chevalier-elfelaregardas'éloignerd'unairdubitatif.—J'ai toujours entendu dire que seuls lesNephilim supportaient lesMarques de l'Ange, déclara-t-il
d'untonméfiant.Nousautres,nousdevenonsfousàleurcontactounousmourons.—Cen'estpasuneMarqueduGrimoire,objectaClary.Vousnerisquezrien,jevousassure.Lechevalier-elfeneparutpasconvaincu.Avecunsoupir,Magnusrelevasamancheettenditlebras.—Vas-y,lance-toi.—Jenepeuxpas.LeChasseurd'Ombresquitemarquedevienttonpartenaire,etjen'aipasledroitde
prendrepartàlabataille.—Encoreheureux,lâchaMagnus.Iljetauncoupd'œilàLukeetàJocelyne,quisetenaienttoutprèsl'undel'autre.—Vousdeux.Montrezàl'elfecommentçamarche.—Quoi?fitJocelyne.—Jeprésumequevousserezpartenaires,vuquevousêtespratiquementmariés.LesjouesdeJocelynes'empourprèrentetellepritsoind'éviterleregarddeLuke.—Jen'aipasdestèle…—Prendslamienne,suggéraClary.Vas-y,montre-leur.Jocelyne se tourna vers Luke, qui semblait désorienté. Il tendit le bras avant même qu'elle le lui
demande,etellemarquasapaumeavecdesgestesrapidesetprécis.Visiblement,ilétaitnerveuxetelledutluitenirlepoignetpourl'empêcherdetremblertandisqu'illadévoraitdesyeux.Claryrepensaàsaconversation avec lui au sujet de sa mère, et une bouffée de tristesse l'envahit. Elle se demanda siJocelyneavaitconsciencedessentimentsqu'elleinspiraitàLuke.Sitelétaitlecas,lespartageait-elle?
—Voilàdit-elleenseredressant.C'estfait.LuketenditsapaumepourmontrerlaMarqueauchevalier-elfe.—Satisfait,Meliorn?— Meliorn ? s'étonna Clary. On s'est déjà rencontrés, n'est-ce pas? Vous sortiez avec Isabelle
Lightwood.Sil'elfedemeuraimpassible,Claryauraitpujurerqu'ilétaitmalàl'aise.Lukesecoualatête.—Voyons,Clary,MeliornestchevalieràlaCourdesLumières.Ilestpeuprobableque...—Ilssortaientensemble,intervintSimon,etc'estellequil'aplaqué.Dumoinselleenavaitl'intention.
C'estrude,hein,mec?Meliornletoisad'unairdédaigneux.—Tuesleporte-paroledesEnfantsdelaNuit?
—Non,jesuisjustelàpourelle,réponditSimonenmontrantClary.—LesEnfantsdelaNuitontrefusédeserallierànotrecause,annonçaLukeaprèsunebrèvehésitation.
J'aitransmiscetteinformationàvotrereine.Ilsontchoiside...menerleurbarqueseuls.LevisagedélicatdeMeliorns'assombrit.—Sij'avaissu!LesEnfantsdelaNuitsontunpeupleprudentetavisé.Toutprojetsuscitantleurcolère
éveillemessoupçons.—Quiaditqu'ilss'étaientmisencolère?répliquaLukeens'efforçantdegardersoncalme.Ilfallaitvraimentleconnaîtrepours'apercevoirqu'ilétaitexaspéré.Soudain,sesyeuxseposèrentsurlafoule.Suivantsonregard,Claryaperçutunesilhouettefamilière
quisefrayaituncheminparmilabousculade:Isabelle,sescheveuxnoirsdansantautourd'elle,sonfouetenroulécommeunbraceletd'orautourdesonpoignet.ClarypritSimonparlebras.—LesLightwood.JeviensdevoirIsabelle.Ilfronçalessourcils.—Jenesavaispasquetulescherchais.— S'il teplaît,va leur transmettreunmessage, chuchota-t-elleen jetantun regardautourd'ellepour
s'assurerqu'onnelesécoutaitpas.Parchance,personneneprêtaitattentionàeux.Lukefaisaitsigneàquelqu'undanslafoulependantque
Jocelynes'adressaitàMeliorn,quilaregardaitd'unairpresquepaniqué.—Ilfautquejeresteici,repritClary,maisjet'enprie,raconteàAlecetàIsabellecequem'arévélé
ma mère au sujet de Jace et de Sébastien. Il faut qu'ils sachent. Dis-leur de venir me voir dès quepossible.S'ilteplaît,Simon.
—D'accord,jerevienstoutdesuite,répondit-il,visiblementalarméparletondésespérédeClary.Libérantsonbras,illuicaressalajoued'ungesteréconfortantavantdes'éloigner.Sedétournant,elle
s'aperçutqueMagnusl'observaitavecunpetitsourire.— Ne t'inquiète pas, répondit-il à Luke. Je connais la plaine de Brocelinde comme ma poche.
J'installerailePortailsurlaplace.Vusataille,ilnedevraitpastenirbienlongtemps,aussijetesuggèredemelesamenertrèsviteunefoisqu'ilsaurontétémarqués.Lukehochalatête.AumomentoùilsetournaitpourparleràJocelyne,ClarysepenchaversMagnus.—Aufait,mercipourtoutcequetuasfait.
Magnussouritdeplusbelle.—Tunepensaispasquejetiendraismapromesse,pasvrai?— J'aieudesdoutes,admitClary.Surtoutsil'onconsidèreque,quandjet'aivuchezRagnorFell,tu
n'as même pas pris la peine de m'informer que Jace avait emmené Simon avec lui par le Portail.Jusqu'ici, jen'aipaseu l'occasionde t'incendier.Qu'est-ceque tucroyais?Quecegenrededétailnem'intéressaitpas?
— Queçat'intéresseraittrop,tuveuxdire.JetevoyaisdéjàtoutlaissertomberpourteprécipiteràlaGarde.Or,j'avaisbesoindetoipourretrouverleLivreBlanc.
—C'estcruel!s'emportaClary.Ettuastort:j'aurais...— Tuauraisagicommen'importequià taplace.Jene te jettepas lapierre,Clary,et jamais jen'ai
penséquetuétaisfaible.Sijenet'airiendit,c'estparcequetueshumaine,etl'humanité,jesaiscommentçamarche.Jenesuispasnédeladernièrepluie.
— Commesi toi, tune te laissais jamaisguiderpur toncœur!Aufait,oùestAlec?Tudevrais luiproposerd'êtretonpartenaire.Magnusfitlagrimace.
—Jenepeuxpasl'approcherquandsesparentssontdanslesecteur,tulesaisbien.Clary,lementondanslamain,répliqua:—Agirenfonctiondeceluiqu'onaime,cen'eutpastoujoursdrôle,hein?—Tul'asdit,marmonnalesorcier.
Lecorbeauvolaitversl'ouestendécrivantdagrandscerclesindolentsau-dessusdesarbres.Lalune
étaithautedansleciel,sibienqueJacepouvaitlesuivresansrecouriràsapierrederune,pourpeuqu'ilrestecachédanslapénombredesarbres.Leflancdelamontagnesedressaitdevantluitelunimmensemurdepierregrise.Lecorbeausemblait
suivreletorrentquiserpentaitversl'ouestavantdedisparaîtredansunefissuredelaroche.Jacefaillitse tordre lachevilleplusieurs fois sur lescaillouxhumideset regrettadenepaspouvoir jureràvoixhaute,maisHugol'entendraitàcoupsûr.Ildevaitprogresserpliéendeuxtoutenprenantgardeànepassecasserunejambe.Sachemiseétaittrempéedesueurquandilparvintaupieddelamontagne.Pendantunmoment,ilcrut
qu'ilavaitperdulatraced'Hugo.Ilétaitprèsdesedécouragerquandilvitlecorbeaudescendreenpiquépuiss'engouffrerdanslacrevasse.Ilsemitàcourir;quelsoulagementdeneplusavoiràramper!Enserapprochant du trou, il constata qu'il s'élargissait pour former une espèce de caverne naturelle.Aprèsavoirsortisapierrederunedesapoche,ils'élançaderrièrel'oiseau.Unefaibleclartééclairaitl'entréedupassagemais,auboutdequelquespas,Jaceseretrouvaplongé
dansdesténèbresoppressantes.Levantsapierrederune,illaissasalumièrefiltrerentresesdoigts.D'abord,ilcrutqu'ilavaitdéjàtrouvélechemindelasortie,etquelesétoilesscintillaientau-dessus
desatête.Ellesnebrillaientjamaisaussiintensémentqu'àIdris,maiscettefoiscen'étaitpaselles.Lapierre de rune éclairait des dizaines d'éclats de mica incrustés dans la roche autour de lui, et deminusculespointslumineuxluimontraientlechemin.Ilsetrouvaitdansunespaceétroitcreuséauseindelamontagne,lequelsescindaitunpeuplusloinen
deux tunnelsobscurs. Il repensaauxhistoiresque lui racontait sonpère,oùdeshéroségarésdansdeslabyrinthesseservaientd'unecordeoud'unboutdeficellepourretrouverleurchemin.Or,ilnepossédaitni l'un ni l'autre. Parvenu à l'embranchement, il se figea et tendit l'oreille.D'abord, il ne perçut qu'unclapotislointainpuislerugissementdutorrent,unfroissementd'aileset,enfin,desvoix.Ilsursauta.Ellesprovenaientdutunneldegauche,ilenétaitcertain.Ilpassalepoucesursapierrede
runejusqu'àcequ'elleémetteunelueursuffisantepouréclairersonchemin,ets'enfonçadansl'obscurité.—Tuessérieux,Simon?C'estfantastique!Isabellepritsonfrèreparlebras.—Alec,tuentendsça?Jacen'estpaslefilsdeValentin!—Alorsc'estlefilsdequi?s'enquitAlec,maisSimonsentaitqu'ilavaitl'espritailleurs.Il semblait chercher quelqu'un des yeux. Non loin, ses parents froncèrent les sourcils dans leur
direction. Simon avait craint d'être obligé de leur raconter à eux aussi toute l'histoire, mais ilsacceptèrentdebonnegrâcedelelaisserseulavecAlecetIsabellependantquelquesminutes.
—Ons'enfiche!Isabellelevalesbrasaucielpourmanifestersajoie,puisserembrunitbrusquement.—Enfait,c'estunebonnequestion.Quiestsonvraipère?MichaelWayland?Simonsecoualatête.
—StephenHerondale.—Alorsl'Inquisitriceétaitsagrand-mère,observaAlec.C'estsansdoutepourcetteraisonqu'elle...Ils'interrompit,leregardfixésurlafoule.—Qu'ellequoi?fitIsabelleavecimpatience.Alec,soisattentif.Oualors,dis-nousquitucherches.— Magnus,répondit-il.Jevoulaisluiproposerd'êtremonpartenaire,maisjenel'aperçoisnullepart.
Tul'asvu,toi?demanda-t-ilàSimon.—Ilétaitsurl'estradeavecClarymais...(Simontenditlecoupourmieuxvoir.)Ilestparti.Ildoitêtre
quelquepartdanslafoule.— Vraiment?Tuvasluiproposer?s'étonnaIsabelle.C'estunpeucommelebaldefind'année,cette
histoiredepartenaires,saufqu'aufinal,onvamassacrerquelquesdémons.—Exactementcommeaubaldefind'année,quoi,ironisaSimon.—Jevaispeut-êtreteproposerd'êtremonpartenaire,Simon.Alecfronçalessourcils.Al'instardesautresChasseursd'Ombresdanslasalle,ilétaitvêtudenoirde
piedencapetd'innombrablesarmespendaientàsaceinture.Unarcétaitsangléentraversdesondos;Simonseréjouissaitqu'ilaittrouvédequoiremplacerceluiqueSébastienavaitcassé.
—Isabelle,marmonna-t-il.Tun'aspasbesoind'unpartenairepuisquetunevaspastebattre.Tuestropjeune.Etsitufaismineneserait-cequed'ysonger,jet'étrangle.(Illevabrusquementlatête.)Attendez…cen'estpasMagnus,là-bas?Isabellesuivitsonregardetricana.— Alec,c'estun lycanthrope.Une lycanthrope,pourêtreexacte.Enfait,c'estMachinchose.May, je
crois.—Maia,intervintSimon.Ellesetenaitnonloind'eux,vêtued'unpantalonencuirmarronetd'untee-shirtnoirmoulantsurlequel
était inscrit : «Cequi neme tuepas... feraitmieuxdedéguerpir. »Un élastique retenait ses cheveuxtressés.Elleseretourna,commesiellesentaitleursregardspesersurelle,etsonvisages'éclaira.SimonluirenditsonsourireetsefigeaenvoyantIsabelleserenfrogner.Depuisquandlavieétait-elledevenueaussicompliquée?
—VoilàMagnus!s'écriaAlec.Il s'éloigna sans accorder un regard à ses compagnons et fendit la foule pour rejoindre le sorcier.
Même à cette distance, il était impossible de ne pas voir la surprise qui se peignit sur le visage deMagnusquandill'aperçut.
— Ils sont plutôt mignons même s'ils s'y prennent comme des manches, commenta Isabelle en lesobservant.
—Commentça?—AlecveutqueMagnusleprenneausérieuxalorsqu'iln'ajamaisparlédeluiànosparents.Ilneleur
amêmepasavouéqu'ilpréfère,tusais…—Lessorciers?— Trèsdrôle,rétorquaIsabelleenjetantunregardnoiràSimon.Tusaistrèsbiencequejeveuxdire.
Cequisepasse...—Oui,qu'est-cequisepasse,aujuste?lançaMaiaens'avançant.Jenecomprendsrienàcettehistoire
departenaires.Commentçamarche?—Commeça.SimonmontradudoigtAlecetMagnusquis'étaientisolésàl'écartdelafoule.Alecdessinaitsurla
maindeMagnus,l'airconcentré,etsescheveuxnoirsluiretombaientsurlesyeux.—Alorsonvatousdevoirenpasserparlà?s'étonnaMaia.
— Seulementceuxquisebattent,répliquaIsabelleentoisantl'autrefille.Tun'aspasl'aird'avoirdixhuitans.Maiaeutunsourirepincé.—JenesuispasuneChasseused'Ombres.Chezleslycanthropes,l'âgeadulte,c'estseizeans.— Alors tuvasyavoirdroit.C'estunChasseurd’Ombresquidoit temarquer.Tuferaismieuxd'en
chercherundèsmaintenant.—Mais...Maia, qui avait toujours les yeux fixés sur Alec et Magnus, s'interrompit en fronçant les sourcils.
Simonseretournaàsontour,etrestabouchebée.AlecavaitlesbrasautourducoudeMagnusetl’embrassaitàpleinebouche.Celui-ci,apparemmenten
étatdechoc,étaitclouésurplace.Plusieurspetitsgroupes-Chasseursd'OmbresetCréaturesObscuresconfondus-lesobservaientenchuchotant.Jetantuncoupd'œilprèsdelui,SimonaperçutlesLightwoodquiregardaientlascèneavecdesyeuxrondscommedessoucoupes.Maryseavaitlamainplaquéesursabouche.Perplexe,Maiademanda:—Attendezuneseconde...Çaaussi,ilfautqu'onlrfusse?Pourlaénièmefois,ClarycherchaSimonparmilafoule.Ildemeuraitintrouvable.Chasseursd'Ombres
CréaturesObscuresallaientetvenaientdanslasalleousedéversaientparlesportesouvertesjusquesurlesmarches.Danstouslescoins,desstèlesétincelaient:lescombattantsseregroupaientpardeuxpoursemarqueràtourderôle.ClaryvitMaryseLightwoodtendrelebrasàunegrandefemmeàlapeauverte,aussi pâle et majestueuse qu'elle. Patrick Penhallow échangeait solennellement desMarques avec unsorcier ; des étincelles bleues illuminaient de temps à autre sa chevelure; Au-dehors, Clary voyaitmiroiter lePortailsur laplace.Lesétoilesbrillantà traverslaverrièredonnaientà lascèneunaspectirréel.
—Incroyable,n'est-cepas?s'exclamaLuke.Ilsetenaitauborddel'estrade,d'oùildominaitlafoule.—DesChasseursd'OmbresetdesCréaturesObscuresensemble,danslamêmepièce.Ilsemblaitimpressionné.ClaryregrettaitqueJacenesoitpaslàpourvoirça.Malgrétoussesefforts,
ellenepouvaitpass'empêcherd'avoirpeurpourlui.L'idéequ'ilaffronteseulValentin,qu'ilmettesavieendangerparcequ'ilsecroyaitmaudit,qu'ilmeuresansconnaîtrelavérité...
—Clary,tum'asentendue?lançaJocelyneavecunepointed'amusementdanslavoix.—Oui,c'estincroyable,jesais.Jocelynepritlamaindesafille.—Cen'estpascequej'aidit.Lukeetmoi,nousallonscombattre.Oui,jesaisquetusais.Turesteras
iciavecIsabelleetlesautresenfants.—Jenesuispasuneenfant.— Jesais,maistuestropjeunepourparticiperàlabataille.Et,mêmesicen'étaitpaslecas,tun'as
passuivid'entraînement.—Jen'aipasenviederestericilesbrascroisés.— Tuenasdéjàassezfait!Sanstoi,riendetoutçan'auraitpuseproduire.Nousn'aurionsmêmepas
eul'occasiondenousbattre.Jesuistrèsfièredetoi.Jeteprometsque,Lukeetmoi,nousreviendrons.Toutirabien,tuverras.
Claryplantasonregarddansceluidesamère.—Maman.Pasdemensonges.Jocelyne se leva en soupirant et lâcha lamain de sa fille. Avant qu'elle ait pu dire unmot, Clary
reconnut unvisage familier dans la foule.Lenouveauvenu s’avançavers elles d'unpas décidé en sefaufilantparmilacohueavecuneaisancesurprenante.Ilsemblaittraverserlescorpscommedelafumée.Etc'étaitbeletbienlecas,comprit-elleaumomentouils'approchaitdel'estrade.Ilportaitlesmêmes
vêtementsquelorsdeleurpremièrerencontre:unechemiseblancheetunpantalonnoir.Elleavaitoubliéàquelpointilétaitfrêle.Onluidonnaitàpeinequatorzeans.Avecsestraitsfins,angéliques,etsonaircalme,onauraitditunenfantdechœurmontantlesmarchesdel'autel.
—Raphaël!LavoixdeLuketrahissaitàlafoislasurpriseetlesoulagement.—Jenepensaispasquetuviendrais.LesEnfantsdelaNuitontdoncreconsidérél'idéedesejoindreà
nouspourrepousserValentin?IlresteunsiègeauConseilpourvous,sivouslevoulez.IltenditlamainàRaphaël,dontlesbeauxyeuxbrillantsnetrahissaientaucuneémotion.—Jenepeuxpasteserrerlamain,loup-garou.Devantl'airoffensédeLuke,ilsouritjusteassezpourdécouvrirlapointedesescrocsétincelants.—Jenesuisqu'uneprojection,expliqua-t-ilenlevantlamainpourquetousvoientlalumièrepasserà
travers.Jenepeuxrientoucher.—Mais...Lukelevalesyeuxversleclairdelunequisedéversaitparlaverrière.— Pourquoi...(Ilbaissalamain.)Entoutcas,jesuiscontentquetusoisvenu.Quelquesoitlemoyeu
quetuaieschoisi.LeregarddeRaphaëls'attardasurClarypendantquelquesinstants-ellen'aimaitpasceregard-là-,
puisilsetournaversJocelyneetsourit.—Toi,tueslafemmedeValentin.Ceuxdesmiensquisesontbattusàtescôtéslorsdel'Insurrection
m'ontbeaucoupparlédetoi.Jedoisadmettrequejen'auraisjamaispenséterencontrerunjour.Jocelynelesaluad'unsignedetête.—Beaucoupd'EnfantsdelaNuitontcombattubravementcejour-là.Taprésenceicisignifiedoncque
nouslutteronsdenouveauensemble?Clary trouvait étranged'entendre samère s'exprimerde façonaussi froide et formelle, et cependant
Jocelynesemblaittrouvercelaaussinaturelquedepeindre,assiseparterre,envieillesalopette.—Jel'espère,réponditRaphaël,etsonregardglissadenouveausurClarycommelacaressed'unemain
glacée.Nousn'avonsqu'uneseuleexigence-oh!unebroutille.Sivousyaccédez,lesEnfantsdelaNuitvousrejoindrontvolontierssurlechampdebataille.
—LesiègeauConseil,lançaLuke.Biensûr...Ceserabientôtréglé,lesdocumentspeuventêtreprêtsdansl'heure...
—Non,l'interrompitRaphaël.C'estautrechose.—Autrechose?répétaLuke,interdit.Quoidonc?Jet'assureques'ilestennotrepouvoir...— Ohoui,répliquaRaphaëlensouriantdetoutessesdents.Enfait,cequenousvoulonssetrouveici
même.Sedétournant,ildésignalafouled'ungestegracieux.—C'estcegarçon,Simon.Levampirediurne.
Le tunnel, long et sinueux, s'enroulait sur lui-même; Jace avait l'impression de ramper dans les
entraillesd'unénormemonstre.Àl'odeurdepierrehumideetdecendresemêlaitunrelentétrangequiluirappelait vaguement l'odeur de la Cité des Os. Enfin, le tunnel déboucha sur une caverne circulaire.D'immensesstalactites,étincelantescommedesgemmes,pendaientdelavoûtedentelée.Lesol,lui,étaitaussilisseques'ilavaitétépoliet,parendroits,lapierreluisanteformaitd'obscursmotifs.Aucentredelacavernes'élevaituneimposantestalagmiteenquartzémergeantdusolteluncrocgigantesque,peinteçà et là de signes écarlates. En y regardant de plus près, Jace s'aperçut que ses parois étaienttransparentes,etquelapeintureétaitenréalitéunesubstanceétrangequitournoyaitcommedelafuméecoloréeàl'intérieurd'uneéprouvette.Au-dessusdesatête,unraidelumièrefiltraitàtraversuntroucirculairedanslapierre,formantune
lucarnenaturelle.Aenjugerparlesmotifscomplexesincrustésdanslesol,lacavernen'étaitpasl'œuvredelanature.Maisquiavaitbienpucreusercetteénormechambresouterraine,etpourquelleraison?Uncroassementstridents'éleva,etJacesursauta.Aprèss'êtrebaisséderrièreunegrossestalagmite,il
éteignitsapierrederuneaumomentoùdeuxsilhouettesémergeaientdelapénombreàl'autreboutdelacaverne.Elles s'avancèrent vers lui, la têtebaisée, l'air absorbédans leur conversation.Commeellesatteignaientlecentredelagrotte,laluneéclairaleurvisageetc'estalorsqu'illesreconnut.Sébastien.EtValentin.
Pourgagnerl'estrade,Simoncontournalafouleenlongeantlarangéedecolonnes.Latêtebaissée,ilétaitperdudanssespensées.Iltrouvaitbizarrequ'Alecquin'avaitqu'unanoudeuxdeplusquelui,seprépare à partir pour le champ de bataille, alors que le reste du groupe restait à l'arrière. Isabellesemblaitl'avoirbienpris:iln'yavaiteunilarmesnicrised'hystérie.Elledevaits'yattendre.Ilapprochaitdesmarchesquand, levant lesyeux, ilvitRaphaël,aussi impassiblequ'àsonhabitude,
quisetenaitsurl'estradefaceàLuke.Celui-ci,enrevanche,semblaitagité:ilsecouaitlatête,levaitlesmainsensignedeprotestationet,àcôtéde lui,Jocelyneétaitscandalisée.Simonnedistinguaitpas levisagedeClary,quiluitournaitledos,maisillaconnaissaitassezpours'apercevoir,rienqu'àlatensiondesesépaules,quequelquechosenetournaitpasrond.PouréviterqueRaphaëlnelevoie,ilsecachaderrièreunecolonneettenditl'oreille.Par-dessusles
bavardagesdelafoule,ildiscernalavoixdeLuke.—C'esthorsdequestion,disait-il.Jen'arrivemêmepasàcroirequetuaiespuledemander.—Etmoijen'arrivepasàcroirequeturefuses,répliquaRaphaëld'untonglacial.C'estunebabiole.—Cen'estpasunebabiole,intervintClary,furieuse.C'estunepersonne.—C'estunvampire,tuastendanceàl'oublier.— Ettoi,tun'espasunvampire,peut-être?rétorquaJocelynedutonqu'elleemployaitquandClaryet
Simonavaientcommisunebêtise.Tusous-entendsquetavien'aaucunevaleur?Simonseplaquacontrelacolonne.Quesepassait-i l?—Mavievautbeaucoupplusquelavôtre,carjesuisimmortel.Iln'yapasdelimiteàcequejepeux
accomplir, alors que votre séjour sur terre est de courte durée. Mais là n'est pas le sujet. C'est unvampire,ilm'appartient,etjeveuxqu'onmelerende.
—Ilnet'appartientpas!s'emportaClary.Tunet'intéressaismêmepasàluijusqu'àcequetuapprennesqu'ilpouvaitmarcheraugrandjour...
—Peut-être,lâchaRaphaël,maispaspourlesraisonsquetucrois.Ilrelevalatêted'unairdedéfietsesyeuxétincelèrent.—Aucunvampirenedevraitdétenircepouvoir,poursuivit-il,demêmequ'aucunChasseurd'Ombresne
devraitposséderlesdonsdontvousavezhérité,tonfrèreettoi.Pendantdessiècles,onnousaserinéquenousétionsdesêtrescontrenature.Maislà,c'estbeletbienlecas.
— Raphaël, dit Luke d'un tonmenaçant. J'ignore ce que tu espérais en venant ici, mais nous ne telaisseronspasfairedemalàSimon.
— En revanche, vous laisserez Valentin et son armée de démons massacrer tous vos alliés, lançaRaphaëlenembrassantd'ungestelasalle.Vousacceptezqu'ilsrisquentleurvieetvousnedonnezpasàSimonlemêmechoix?Peut-êtrequesadécisiondifféreradelavotre.Voussavezpourtantquenousnenousbattronspasàvoscôtéssivousrefusez.
—Nousnouspasseronsdevous.Jen'achèteraipasvotreaideaveclavied'uninnocent.Jenem'appellepasValentin.RaphaëlsetournaversJocelyne.—Ettoi,Chasseused'Ombres?Tuvaslaisserunloup-garoudéciderdel'avenirdetonpeuple?JocelynedévisageaRaphaëlcommesielleavaitaffaireàuncafardentrainderampersurlesoldesa
cuisine,puiselleréponditcalmement:—SitutouchesàuncheveudeSimon,vampire,tufinirasenpâtéepourchats,compris?UnplisévèrebarralabouchedeRaphaël.— Soit.EnrendanttonderniersouffledanslaplainedeBrocelinde,tutedemanderaspeut-êtresiça
valaitlapeinedesacrifiertantdeviespouruneseule,Et,àcesmots,ildisparut.LukesetournaversClary,maisSimonnelesentendaitplus.Ilregardaitses
mains.Ils'étaitattenduqu'ellestremblent,oriln'enétaitrien.Lentement,ilserralespoings.
Valentinétaitrestélemême,avecsoncorpsrobustesanglédanssonarmuredeChasseurd'Ombreset
ses épaules larges qui contrastaient avec l'ossature fine de son visage. L'EpéeMortelle pendait d'unbaudrierattachédanssondos,et ilportaitune largeceinturedans laquelle ilavaitglissé toutessortesd'armes :degroscouteauxdechasse,desdagueseffiléesetdepetitspoignardsservantàdépecer.EnobservantValentindepuissacachette,Jaceéprouvalamêmeémotionqu'àchaquefoisqu'ilpensaitàsonpère:unmélanged’affectionfilialemêléededésespoir,dedéceptionetdeméfiance.Levoir avecSébastienétaitunpeudéroutant.Celui-ci s'étaitmétamorphosé. Ilportait lui aussi son
armure, et une longue épée à pommeau d'argent à la ceinture. Néanmoins, ce n'était pas sa tenue quifrappaJacemaissescheveuxdésormaisd'unorpâle.Ilportaitd'ailleursmieuxleblondquelebrun;encomparaison,sapeaunesemblaitplusaussilivide.IlavaitdûteindresachevelurepourressemblerauvéritableSébastienVerlac.UneboufféedehainesubmergeaJace,etileuttouteslespeinesdumondeàrestercachéderrièresonrocher;iln'avaitqu'uneenvie,sauteràlagorgedeSébastien.Hugopoussaunautrecroassementetvintseposersurl'épauledeValentin.Jaceeutunpincementau
cœur en voyant l'animal adopter la posture, si familière, qu'il avait jadis avec Hodge. Hugo vivaitpratiquementsur l'épauledesonancienprécepteur,et levoirperchésurcelledeValentin luisemblaitétrange,voirecontrenaturemalgrétoutlemalqu'ilpensaitdudéfunt.Valentincaressalesplumeslustréesdel'oiseauenhochantlatêtecommesitousdeuxétaientengrande
conversation.Sébastienlesobservait,lessourcilsfroncés.—Desnouvellesd'Alicante?S’enquit-il,commeHugos'envolaitdenouveauenfrôlantdesesailesles
stalactites.—Çanesepassepascommeprévu.La voix de Valentin, imperturbable comme à son habitude, transperça Jace comme une flèche. Ses
mainssemirentàtrembleretillesplaquacontreseshanches.—Unechoseestcertaine,repritValentin.L'Enclaves'estralliéeauxCréaturesObscuresdeLucian,—MaisMalachidisait...
—Malachiaéchoué.A la stupéfaction de Jace, Sébastien s'avança versValentin et posa lamain sur son bras. Il y avait
quelque chose d'intime et de confiant dans ce contact qui lui souleva le cœur. Personne ne touchaitValentindelasorte,ycomprislui,sonproprefils.
—Vous êtes contrarié ? demanda Sébastien, et le ton de sa voix véhiculait cettemême impression,bizarreetgrotesque,defamiliarité.
— L'Enclaveestplusavancéeque jene l'auraiscru. Je savaisque lesLightwoodétaientcorrompusjusqu'àlamoelle,etlacorruptionestcontagieuse.C'estpourquoij'aivoululesempêcherdeserendreàIdris.Maisquelesautressesoient laissébourrer lecrâneparLucian,alorsquecen'estmêmepasunNephilim...Si ledégoûtsepeignaitsur levisagedeValentin,Jaceconstataavecuneincrédulitécroissantequ'il
n'avaittoujourspasrepoussélamaindeSébastien.—Jesuisdéçu.Jepensaisqu'ilsfiniraientparentendreraison.Jenevoulaispasquecelasetermine
ainsi.Sébastieneutunsourireamusé.—Jenesuispasd'accord.Imaginez-les,prêtsàsebattre,déjàgonflésdeleurvictoire,ets'apercevant
enfindecomptequetouterésistanceestinutile.Imaginezlatêtequ'ilsferont!Valentinsoupira.—Jonathan...Seulel'horriblenécessiténouspousseàagirainsi.Iln'yapasdequoiseréjouir.«Jonathan?»Jaces'agrippaàlaparoirocheuse,lesmainssoudainmoites.PourquoiValentinavait-il
appeléSébastienparsonproprenom?Salangueavait-ellefourché?Cependant,Sébastienneparaissaitpass'enétonner.
—Tantqu'àfaire,autants'amuser,non?rétorqua-t-il.Entoutcas,jenemesuispasennuyéàAlicante.LesLightwoodsontdemeilleurecompagniequecequevousm'aviezlaissécroire,surtoutcetteIsabelle.Nousnoussommesséparésenbeauté.QuantàClary…LesangdeJacenefitqu'untour.— Elle n'est pas du tout comme je l'avais imaginé, poursuivit Sébastien avec colère. Elle ne me
ressembleenrien.—Tuesuniqueentongenre,Jonathan.QuantàClary,c'esttoutleportraitdesamère.—Ellenesaitpascequ'elleveut.Pasencore,entoutcas.Ellereviendraversnous.Valentinlevaunsourcil.—Qu'entends-tuparlà?LesouriredeSébastienmitJacehorsdelui.Ilsemorditlalèvrejusqu'ausang.— Oh, vous savez bien, lança le garçon. Elle finira par rejoindre notre camp. J'ai hâte. Jeme suis
beaucoupamuséàlaroulerdanslafarine.—Tun'étaispaslà-baspourtedivertir,maispourmettrelamainsurcequ'ellecherchait.Etquandelle
l'atrouvé-sanstonaide,medois-jedeterappeler-tul'aslaisséeenfairecadeauàunsorcier.Enoutre,tun'aspasréussià larameneravec toi,malgré lamenacequ'ellereprésentepournous.Cen'estpasàproprementparlerunsuccèsfracassant,Jonathan.
— J'ai fait demonmieux. Ils ne la lâchaient pas d'une semelle, et je nepouvais décemment pas lakidnapperaubeaumilieudelaSalledesAccords,répliquaSébastiend'untonmaussade.Etpuis,commeje vous l'ai déjà expliqué, elle ne sait pas se servir de son pouvoir. Elle est trop naïve pour poserproblème.
—Elleestaucœurdesprojetsdel'Enclave,quelsqu'ilssoient.C'estdumoinscequeprétendHugo.Il l'a vue là-bas sur l'estrade, dans la Salle desAccords, Si ellemontre à l'Enclave l'étendue de son
pouvoir...Jace éprouvauneboufféed'inquiétudepourClary, à laquelle semêlait une étrange fierté : bien sûr
qu'elleétaitaupremierplan!Illareconnaissaitbienlà!— Alors ilssebattront,déclaraSébastien.C'estcequenousvoulions,non?Cen'estpasClaryqui
nousintéresse,c'estlaguerre.—Tulasous-estimes,àmonavis,ditcalmementValentin.—Jel'aiobservée.Sisonpouvoirétaitaussiillimitéquevoussemblezlecroire,elles'enseraitservie
pourfaireévadersonamilevampireousauvercetimbéciledeHodge...— Lepouvoirn'apasbesoind'êtreillimitépourserévélerdangereux.EncequiconcerneHodge,tu
devraispeut-êtretetenirsurlaréserve,étantdonnéquec'esttoiquil'astué.—Ilallaitleurparlerdel'Ange.Jen'avaispaslechoix.—Biensûrquesi.Valentinsortitunepairedegantsencuirdesapocheetlesenfilalentement.— Ilauraitpeut-êtretenusalangue.Pendanttoutescesannées,ils'estoccupédeJaceàl'Institutense
demandantàquiilavaitaffaire.Ilétaitl'undesraresàsavoirqu'ilyavaitunautregarçon.J'avaisbonespoirqu'ilnemetrahiraitpas;ilétaittroplâchepourcela.«Unautregarçon?»DequoiparlaitValentin?Sébastienfitungestedédaigneux.—Quelleimportance?Ilestmort,bondébarras!Unelueurmauvaises'allumadanssesyeux.—Vouspartezpourlelac?—Oui.Tusaiscequetuasàfaire,n'est-cepas?D'unsignedetête,Valentinmontral'épéependueàlaceinturedeSébastien.—Tut'enserviraspourleRituel.Cen'estpasl'ÉpéeMortelle,maisl'alliagedesalamedevraitsuffire.—Jenepeuxpasvousaccompagner?demandaSébastiend'unevoixgeignarde.Vousn'avezqu'àleur
envoyervotrearméedèsmaintenant.—Iln'estpasencoreminuit.Ilschangerontpeut-êtred'avisd'icilà.—Ilsnerisquentpas...—J'aidonnémaparole.Jelatiendrai,déclaraValentind'untondéfinitif.Situn'aspasdenouvellesde
Malachid'iciminuit,ouvrelaporte.Devantl'airhésitantdeSébastien,Valentinperditpatience.—J'ai besoinde toi, Jonathan. Je nepeuxpas attendre ici jusqu'àminuit ; ilme faudrapresqueune
heurepourgagnerlelacparlestunnels,etjen'aipasl'intentiondelaisserlabatailles'éterniser.Ainsi,nouspourronsraconterauxgénérationsfuturesquenousavonsécrasél'Enclaveentrèspeudetempsetquenotrevictoireaétédécisive.
—Jeregretteseulementdenepaspouvoirassisteràl'invocation.J'auraisaiméêtrelàpendantquevousaccomplirezleRituel.DerrièrelaminedéçuedeSébastien,Jacedéceladucalcul,delasournoiserieetunefroideurétrange.
MaisValentinneparutpass'eninquiéter.ÀlastupéfactiondeJace,ileffleuralevisagedeSébastiend'ungesteouvertementaffectueux,puisilsedirigeaverslefonddelacaverne.Avantdedisparaîtredanslesténèbres,ilseretourna.
—Jonathan!Malgrélui,Jacelevalesyeux.—Un jour, tu verras le visage de l'Ange.Après tout, c'est toi qui hériteras des InstrumentsMortels
quandjeneseraipluslà.Unjourpeut-être,toiaussituinvoquerasRaziel.
—Çameplairait,ditSébastien.Immobile,ilregardaValentins'éloigner,puisilrepritdansunmurmure:—Oui,çameplairaitdeluicracheràlafigure.Ilfitvolte-face;sonvisageblêmesedétachaitsurl'obscuritételunmasquedeplâtre.—Tuferaismieuxdesortir,Jace.Jesaisquetueslà.Jace se figea. Puis, sans réfléchir, il courut vers l'entrée de la caverne. Coûte que coûte, il fallait
transmettreunmessageàLuke.MaisSébastienluibarraitdéjàlepassage,l'airtriomphant.—Vraiment?Tutecroyaisplusrapidequemoi?Jaces'arrêtanet.Soncœurbattaitcommeunmétronomedéréglé,etcependantilparvintàmaîtrisersa
voix:—Commejetesurpassedanstouslesautresdomaines,çamesemblaitlogique.Sébastiensecontentadesourire.—J'entendaistoncœurbattrependantquejediscutaisavecValentin,susurra-t-il.Çatecontrariait?—Quoi?Quetusortesavecmonpère?(Jacehaussalesépaules.)Honnêtement,jetetrouveunpeu
jeunepourlui.Pour la première fois depuis qu'ils se connaissaient, Sébastien parut désarçonné. Jace n'eut pas le
tempsdesavourersavictoire.Ravalantsacolère,Sébastienrepritd'untonsuave:—Jemesuisposédesquestionssur toncompte.Detempsentemps, jecroyaisdéceleruneétincelle
danstesyeux,unelueurd'intelligence,contrairementàtafamilleadoptive,cettebandededégénérésetd'imbéciles. Mais ce n'était qu'une pose, en fin de compte. Tu es aussi bête que les autres, malgrél'éducationquetuasreçuependantlesdixpremièresannéesdetavie.
—Quesais-tudemonéducation?— Plusquetunelecrois.C'estlemêmehommequinousaélevés,aprèstout.Seulementvoilà,ilne
s'estpaslassédemoiauboutdedixans.— Qu'est-cequeturacontes?ditJacedansunmurmurepuis,alorsqu'ilobservaitlevisageimpassible
deSébastien,ileutl'impressiondelevoirpourlapremièrefois:lescheveuxd'unblondpresqueblanc,lesyeuxanthracite,lestraitssévères,commeciselésdanslapierre,auxquelsvintsesuperposerlevisagedesonpèretelquel'angeleluiavaitmontré,jeune,impatient,alerte.Alors,seulement,ilcomprit.
—Valentinesttonpère.Tuesmonfrère.MaisSébastienavaitdisparudesonchampdevision.Ilsetenaitmaintenantderrièrelui,etsesbrasse
resserrèrentautourdesesépaulescommepourl'enlacer.—Aveatquevale,monfrère,cracha-t-il,etsoudain,Jaceeutlesoufflecoupé.Clary était épuisée.Unedouleur persistante - effet secondaire des efforts fournis pour visualiser la
rune d'alliance - avait élu domicile dans son lobe frontal. Elle avait l'impression d'avoir unmarteau-piqueurdanslatête.Jocelyneposalamainsursonépaule.
—Çava?Tun'aspasl'airdanstonassiette.Baissant lesyeux,Claryobserva la runenoire tracée sur ledosde lamainde samère ; sa jumelle
s'épanouissaitsurlapaumedeLuke.Soncœurseserra.Ellenepouvaitpasserésoudreàl'idéeque,d'iciàquelquesheures,samèrepartiraitaffronterunearméededémons.
—JemedemandeoùestpasséSimon.Jevaislechercher,annonça-t-elleenselevant.— Aumilieudetoutcemonde?fitJocelyneenposantunregardinquietsurlafoulequicommençaità
sedisperser:ceuxquiavaientétémarquéssepressaientverslasortie.
Postéprèsdelaporte,Malachi,impassible,orientaitChasseursd'OmbresetCréaturesObscures.—Net'inquiètepas,lançaClaryensedirigeantverslesmarchesdel'estrade.Jerevienstoutdesuite.Tandisqu'elledescendaitlesmarchespoursemêleràlacohue,ellesentittouslesregardsconverger
danssadirection.EllecherchadesyeuxlesLightwoodetSimon,maisnevitaucunvisagefamilier.Avecunsoupir,elleseréfugiadansuncoindelasalle,oùlafouleétaitmoinscompacte.À la seconde où elle eut atteint la rangée de colonnes enmarbre, unemain jaillit de derrière l'une
d'elleset l'entraînadans lapénombre.Clarypoussauncridesurpriseetseretrouvaplaquéecontre lemur.
—Nehurlepas,ditSimon.C'estseulementmoi.—Qu'est-cequiteprenddejouerlesespions?J'allaisjustementtechercher.— Jesais.J'aiattenduquetudescendesdel'estrade.Jevoulaisteparlerseulàseul.Voilà.J'aisurpris
votreconversationavecRaphaël.—Oh,Simon!Ecoute,ilnes'estrienpassé.Lukel'aenvoyépaître...—Iln'auraitpeut-êtrepasdû.IlfallaitdonneràRaphaëlcequ'ilvoulait.—Nesoispasbête.Iln'estpasquestion...Simonresserrasamainautourdesonbras.—Etsimoi,jesuisd'accord?JeveuxqueLukeailleannonceràRaphaëlquelemarchéestconclu.Ou
j'iraileluidiremoi-même.— Jetevoisvenir.Etj'admiretadécision,maistun'espasobligéd'enarriverlà,Simon.Larequête
deRaphaëlest irrecevable,etpersonnenetedemandedetesacrifierpouruneguerrequin'estpaslatienne...
—MaisRaphaëlaraison.Jesuisunvampire,ettupassestontempsàl'oublier.Oubientuneveuxpast'ensouvenir.JesuisuneCréatureObscure,tuesuneChasseused'Ombres:cetteguerrenousconcernetouslesdeux.
—Tun'espascommeeux...— Jesuisl'undesleurs,tranchaSimonendétachantdélibérémentchaquesyllabe.Etl'onn'ychangera
rien.SilesCréaturesObscuressebattentauxcôtésdesChasseursd'OmbressansRaphaëletsonclan,iln'yaurapasdesiègeauConseilpour lesEnfantsde laNuit. Ilsne feront jamaispartiedumondequeLukeessaiedecréer,unmondeoùChasseursd'OmbresetCréaturesObscuresseserrentlescoudes.Lesvampiresseronttenusàl'écart.Ilsserontvosennemis.Jeseraitonennemi.
—Jamaisjenetetournerailedos.— Moinonplus,çametuerait.Maisjenepeuxpasvousaidersijenem'impliquepas.Jen'aipas
besoinde tapermission.C'est tonsoutienqu'ilmefaut.De toutemanière,si turefusesdemevenirenaide, je demanderai àMaia deme conduire au campement des vampires et jeme livrerai àRaphaël.Compris?Claryleconsidérabouchebée.Illuiserraitsifortlebrasqu'ellesentaitsonpoulsbattredanssamain.
Ellepassasalanguesurseslèvressèches;elleavaitungoûtamerdanslabouché—Quefaut-ilfairepourt'aider?murmura-t-elle.Simon exposa son plan et, à mesure qu'il parlait, les yeux de Clary s'agrandissaient d'effroi. Elle
secoualatêteavantmêmequ'ilaitfinisonexplication.—Non!C'estuneidéecomplètementfolle,Simon.Cen'estpasundon;c'estunepunition...—Peut-êtrepaspourmoi.Iljetauncoupd'œilverslafoule,etClaryvitMaiaquilesobservaitavecunecuriositémanifeste.A
l'évidence,elleattendaitSimon.«Çavatropvite,songeaClary.Toutçavabeaucouptropvite.»—C'esttoujoursmieuxquel'alternative,Clary.
—Non...— Peut-êtreque jenesentirai rien.Après tout, j'aidéjàétépuni,pasvrai? Jen'aiplus ledroitde
pénétrerdansuneégliseouunesynagogue,jenepeuxpasprononcerlesnomssanctifiés,jenevieilliraiplus,jesuisdéjàprivéd'unevienormale.Peut-êtrequeçanechangerarien.
—L'inverseestpossibleaussi.SimonglissalamaindanslapochedeClaryetensortitlastèledePatrickPenhallow.—Clary,s'ilteplaît.Faisçapourmoi.Lesdoigtsengourdis,ClarypritlastèleetenappuyalapointesurlefrontdeSimon,justeau-dessus
desyeux.«LapremièreMarque»,avaitditMagnus.Elleseconcentraetlastèles'animadanssamaincommeundanseurausonde lamusique.Les lignesnoiress'épanouirent telleune fleursur lapeaudeSimon.QuandClaryeutterminé,samaindroitel'élançaitmais,encontemplantsonœuvre,ellecompritqu'elleavaitdessinéquelquechosed'uniquequiremontaitàlanuitdestemps.LarunescintillaitcommeuneétoilesurlefrontdeSimon.Ill'effleuradesdoigts,l'airperplexe.
—Jelasensquimebrûle.—J'ignorecequivasepasser,chuchotaClary.Jenesaispasquelsserontleseffetsàlongterme.UnpâlesourireétiraleslèvresdeSimon.—Espéronsqu'onaural'occasiondeledécouvrir,dit-ilenluieffleurantlajoue.
19.Penil
MAIARESTASILENCIEUSEpendantlaplusgrandepartiedutrajet.Ellenelevaitquerarementlatêtepourjeter un regard autour d'elle en plissant le nez, l'air concentré. Simon, qui la soupçonnait de flairerl'atmosphèrepourserepérer,décidaquecedon,quoiqu'unpeubizarre,étaitfortutile.Ils'aperçutaussiqu'il n'était pas obligé de presser le pas pour la suivre, quelle que soit la vitesse à laquelle elle sedéplaçait.Même lorsqu'ils eurent atteint le chemindéfoncéquimenait à la forêt etqueMaia semit àcourir,lecorpspenchéenavant,iln'eutaucunmalàtenirlerythme.C'étaitl'undesraresaspectsdesanouvelleviedevampirequ'ilappréciait.Leurcourseàtraversboiss'achevatropviteàsongoût.Laforêts'épaississaitetlesolétaitjonchéde
racines et de feuilles mortes qui ralentissaient leur progression. Les branches au-dessus de leur têteformaientunevoûtemasquantlecielétoilé.Ilsémergèrentdansuneclairièreparseméedegrosrochersqui luisaient commedes dents blanches sous la lune.Çà et là, des feuilles étaient rassemblées en tascomme,siquelqu'unavaitratissélaterre.Maiamitsesmainsenporte-voixetcriaassezfortpoureffrayerlesoiseauxperchéssurlacimedes
arbres.—Raphaël,montre-toi!Silence.Puisunfroissementàpeineperceptible,pareilaucrépitementdelapluiesuruntoitdetôle,
résonnadanslaclairière.Lesfeuilless'éparpillèrent.Maiatoussaetlevalesmainspourseprotégerlesyeux.Soudain, le vent retomba aussi vite qu'il s'était levé. Raphaël se tenait devant eux, à deux pas de
Simon.Ilétaitentouréd'ungroupedevampiresimmobilescommedesarbressouslalune.Malgréleurair impassible, il émanait d'eux une hostilité presque palpable. Simon reconnut parmi eux quelquesoccupantsdel'hôtelDumort:lapetiteLilyetJacob,legarçonblondauxyeuxperçants.Maislaplupartluiétaientinconnus.Raphaëls'avança;ilavaitleteintcireuxetlesyeuxcernés.IladressaunsourireàSimon.—Tuesvenu.—Oui,jesuisvenu.Tuescontent?C'estfini.—C'estloind'êtreterminé.Toi,lançaRaphaëlensetournantversMaia.Retourneauprèsdetonchefet
remercie-le d'avoir changé d'avis.Dis-lui que lesEnfants de laNuit combattront à vos côtés dans laplainedeBrocelinde.LevisagedeMaiaseferma.—Luken'apas...Simonl'interrompitprécipitamment.—C'estbon,Maia.Tupeuxyaller.Unelueurdetristesses'allumadanslesyeuxdelajeunelycanthrope.—Réfléchis,Simon.Tun'espasobligédefaireça.—Si,répondit-ild'untondécidé.Mercidem'avoiremmenéjusqu'ici.Maintenant,va-t'en.—Simon...—Situneparspasmaintenant,ilsnoustueronttouslesdeux,ettoutçan'auraserviàrien.Va-t'en.S'il
teplaît.Maia hocha la tête et se détourna.L'instant d'après, la jeune fillemenue aux cheveux tressés s'était
transforméeenunénormeloupquis'élança,rapideetsilencieux,etdisparutdanslesténèbres.Simonsetournaverslesvampiresetfaillitpousseruncridefrayeur.Raphaëlsetenaitàprésenttout
prèsdelui.Sapeauaccusaitlessignesavant-coureursdelafaim.Simonserappelacettefameusenuitàl'hôtelDumort-lesvisagesémergeantdel'ombre,lesrireslointains,l'odeurdusang-etilfrissonna.Raphaëllesaisitparlesépaulesd'unepoignedefermalgrésesmainstrompeusementfrêles.—Tournelatêteetgardelesyeuxfixéssurlesétoiles.Ceseraplusfacile.—Alorstuvasmetuer,lâchaSimon.À son étonnement, il n'éprouva aucune peur. Le temps semblait s'être arrêté et tout lui apparaissait
soudainavecunenettetéparfaite,delamoindrefeuillesurlesbranchesau-dessusdesatêteaupluspetitcaillousurlesol,enpassantparchaquepaired'yeuxrivéesurlui.
— Qu'est-cequetucroyais?rétorquaRaphaël,etSimoncrutdécelerunepointedetristessedanssavoix.Çan'ariendepersonnel,jet'assure.Commejel'aidéjàexpliqué,tuestropdangereux.Sij'avaissu...
—Tunem'auraisjamaislaissésortirdematombe,jem'endoute.Raphaëlplantasonregarddanslesien.—C'estnotreinstinctdesurviequiguidenosactes.Encela,noussommescommeleshumains.Ildécouvritsescrocseffiléscommedesrasoirs.—Tiens-toitranquille.Ceneserapaslong,ajouta-t-ilensepenchant.— Attendsuneseconde,ditSimon,etcommeRaphaëlreculaitenserenfrognant, il répétad'unevoix
plusforte:Attends.J'aiquelquechoseàtemontrer.—Situessaiesdegagnerdutemps,c'estpeineperdue,sifflalevampire.—Non,çapourraitt'intéresser,répliquaSimonenécartantsescheveuxdesonfront.Songeste luiparutunpeu ridicule,voire théâtral,maisaumomentoù il s'exécutait, il revit lepetit
visageblêmedeClaryquileregardait,lastèleàlamain,etpensa:«Ehbien,pourelle,aumoins,j'auraiessayé.»LaréactiondeRaphaëlfut immédiate.Lesyeuxécarquillésd'horreur, il reculacommesisavictime
avaitbrandiuncrucifixsoussonnez.—Quit'afaitça?cracha-t-il.Simonneréponditpas.S'ilnesavaitpas tropàquois'attendrede lapartdeRaphaël, iln'avaitpas
prévucela.—C'estClary,repritlechefdesvampires:Evidemment.Seulsonpouvoirpeutaccomplircegenrede
miracle:unvampiremarqué,etunerunecommecelle-ci...—Qu'est-cequ'ellea,cetterune?demandaJacob,quisetenaitjustederrièreRaphaël.Lerestedesvampiresobservaientlascène,euxaussi,etsurleurvisagelaconfusionledisputaitàla
peur.Cequiétaitsusceptibled'effrayerRaphaëlnepouvaitquelesalarmer.— CetteMarque,expliqua-t-il sansquitterSimondesyeux,ne figurepasdans leGrimoire.Elleest
antérieure.C'estl'unedesplusanciennes,tracéesdelamainmêmeduCréateur.IlfitminedetoucherlefrontdeSimon,samains'attardaquelquesinstantsau-dessusdelarune,puis
retomba.—IlestquestiondecesMarquesdanslesTextes,reprit-il,maispourmapart,jen'enavaisjamaisvu.—«Siquelqu'untuaitCaïn,Caïnseraitvengéseptfois,récitaSimon.Etl'ÉternelmitunsignesurCaïn
pourquequiconqueletrouveraitneletuâtpoint.»Tupeuxtoujoursessayerdemenuire,Raphaël.Maisjeneteleconseillepas.
—TuporteslaMarquedeCaïn?s'étonnaJacob.—Tue-le,lançaunefemmerousseavecunaccentrussetrèsprononcé.Tue-lequandmême.LafureursepeignitsurlevisagedeRaphaël.—Non!s'écria-t-il.Lemalqu'onluiferarejailliraseptfoissurnous.C'estlàlepouvoirdelaMarque.
Maissil'undevousveutprendrelerisque,qu'ils'avance.Personneneréagit.—C'estbiencequejepensais,lâchaRaphaël.(IljaugeaSimonduregard.)Commelaméchantereine
ducontedefées,Lucianm'aenvoyéunepommeempoisonnée.Ilespéraitquejeledébarrasseraisdetoi,jesuppose,pourqu'ensuiteilpuisseprendreszrevanchesurnous.
—Non,protestavivementSimon.Non...Luken'estmêmepasaucourant.Ilaagientoutebonnefoi.Tudoishonorersongeste.
—Alorsc'étaittadécision?Pourlapremièrefois,leregardqueposaRaphaëlsurSimontrahissaitautrechosequedumépris.—Cen'estpasunsimplesortilègedeprotectionquetuasinvoqué.TusaiscequelechâtimentdeCaïn
signifie?«Maintenanttuserasmaudit.Tuseraserrantetvagabondsurlaterre»,récita-t-ilàmi-voix,surletondelaconfidence.
—Alorsj'erreraipourl'éternité,s'illefaut,déclaraSimon.—ToutçapourdesNephilim...—Non,passeulement.Jelefaisaussipourvous.Mêmesivousn'êtespasd'accord.Élevantlavoixpourêtreentendudetouslesvampiresquilesentouraient,Simonpoursuivit:—Vousavezpeurqu'enapprenantcequim'estarrivé,lesautresvampiress'imaginentquelesangdes
Chasseursd'Ombresleurpermettradesortiraugrandjour.Maismonpouvoirnevientpasdelà.C'estuneexpériencedeValentinquienestlacause,pasJace.Etçanesereproduirapas.
— Je pense qu'il dit la vérité,marmonna Jacob, à la stupéfaction deSimon. J'ai déjà rencontré desEnfantsdelaNuitquiavaientunfaiblepourlesChasseursd'Ombres.Aucund'euxn'adéveloppéungoûtparticulierpourlesoleil.
— Jusqu'ici,vouspouviezrefuserd'aiderlesChasseursd'Ombres,maispuisqu'ilsm'ontenvoyévousvoir...Simonlaissalerestedesaphraseensuspens.— N'essaie pas deme faire du chantage, lâchaRaphaël.Quand lesEnfants de laNuit acceptent un
marché,ilss'engagentàl'honorerquoiqu'iladvienne.Ilesquissaunsourire,etsescaninesétincelèrentdansl'obscurité.—J'ymetsunedernièrecondition,pourmeprouverquetuesvenuicientoutebonnefoi.Ilinsistasurlesdeuxderniersmots.—Laquelle?s'enquitSimon.— NousneseronspaslesseulsvampiresànousbattreauxcôtésdeLucianGraymark.Tutejoindrasà
nous.
Jaceouvritlesyeuxet,autourdelui,toutsemitàtourner.Unliquideamerluiemplissaitlabouche.Il
futprisd'unequintede touxet,pendantquelques instants,crutqu'il senoyaitpuis sentit la terre fermesoussespieds.Ilétaitadosséàunestalagmite,lesmainsliéesderrièreledos.Iltoussadenouveau,labouchepleinedesel,etcompritqu'ils'étouffaitavecsonpropresang.
—Onestréveillé,petitfrère?Sébastiens'agenouilladevantlui,unecordeàlamain,etluisouritd'unairféroce.—Bien.Pendantunmoment,j'aieupeurdet'avoirtuétroptôt.Jace détourna la tête pour cracher un jet de salive ensanglantée. Il avait l'impression d'avoir la tête enflée
commeunballon.Au-dessusdelui,lesétoilesvisiblesàtraversletroucreusédanslavoûtedelacaverneavaientcessédetournoyer.
—Tuattendsuneoccasionspécialepourtedébarrasserdemoi?Noëlapproche,tusais.Sébastienleconsidérad'unairpensif.—Tunesaispaslafermer,hein?Cen'estpasdeValentinquetuashéritécetravers.Qu'est-cequ'ilt'aenseigné,
àpropos?Jen'aipasl'impressionqu'ilt'aitsérieusementinitiéaumaniementdesarmes.(IlsepenchaversJace.)Tusaisàquoij'aieudroitpourmesneufans?Auneleçon.Ilm'aapprisqu'enplantantuncouteaudansledosd'unhommeàunendroitprécis,onpeutàlafoisluipercerlecœuretluitrancherlamoelleépinière.Ettoi,qu'est-cequetuaseupourtonneuvièmeanniversaire,petitange?Unbiscuit?Auprixd'unimmenseeffort,Jaceavalasasalive.—Dis-moi,lança-t-il,dansqueltrout'a-t-ilcachépendanttoutemonenfance?Jenemerappellepast'avoirvu
aumanoir.—J'aigrandidanslavallée.(D'unsignedetête,Sébastienmontral'entréedelacaverne.)Jenemesouvienspas
det'avoirvunonplus,enyréfléchissant.Maisj'étaisaucourantdetonexistence.Tunepeuxpasendireautant.Jacesecoualatête.—Valentinnem'ajamaisfaittonéloge.J'ignorepourquoi.LesyeuxdeSébastienétincelèrent.SaressemblanceavecValentinfrappaJace:ilsavaientlesmêmescheveux
blondclair,lesmêmesyeuxnoirs,lemêmevisageàl'ossaturefineetauxtraitsaccusés.— Moi,jesaistoutdetoi,ditSébastienenselevant.Toi,tunesaisrien,pasvrai?Jevoulaistegarderenvie
pourquetuvoiesça,petitfrère.Regardebien.Et,d'ungeste fulgurant, ildégaina sonépéede son fourreau.Telle l'ÉpéeMortelle, elle avaitunpommeau
d'argentetdispensaitunhalodelumièrenoire.Uneséried'étoilesétaientgravéessursalame;aumomentoùSébastienlaretournaitdanssamain,ellereflétal'éclatpâledesétoilesau-dessusdeleurstêtesetparuts'embraser.Jaceretintsonsouffle.Sébastienl'auraitsansdoutedéjàtués'ilenavaiteuintention.Il lesuivitdes
yeuxtandisqu'ils'avançaitaucentredelacaverneentenantsonépéed'ungestenonchalant,bienqu'elleparûttrèslourde.Lespenséessebousculaientdanssatête.Valentinavaitdoncunautrefils?Quiétaitsamère?Avait-ellefaitpartieduCercle,elleaussi?Était-ilplusjeuneouplusâgéquelui?Sébastiens'étaitplantédevantl'énormestalagmite.Ellesemblaitbattrecommeunpouls,etlafuméeà
l'intérieurtournoyaitdeplusenplusviteàmesurequ'ilserapprochait.Lesyeuxmi-clos,ilprononçaunmotdansunelanguedémoniaqueauxsonoritéssifflantes,fittournoyersonépéeettranchalapointedelastalagmite.Lafuméeenjaillitcommedugais'échappantd'unballoncrevé.Uneexplosionpareilleàunrugissement retentit dans la caverne. Les oreilles de Jace bourdonnèrent et il eut soudain du mal àrespirer.Sébastienétaitàdemidissimuléparlacolonnedefuméerougeetnoirquis'élevaitentourbillonnant.—Regarde!cria-t-il,extatique.Ses yeux brillaient d'une lueur folle, et le vent qui s'était levé fouettait ses cheveux clairs. Jace se
demandasisonpèreavaitlamêmephysionomie,àlafoisterribleetfascinante,dutempsdesajeunesse.—Regardel'arméedeValentin!La voix de Sébastien fut couverte par un fracas semblable au déferlement d'une vague gigantesque
transportantavecelleunamoncellementdedétritus,lesgravatsdevillesentières,undélugedepouvoirmalfaisant. Une monstrueuse masse noire et tourbillonnante s'échappait maintenant de la stalagmitedécapitée et jaillissait dans le ciel par le trou dans la voûte de la caverne.Des centaines de démonsrugissant,unmagmadegriffes,deserres,decrocsetd'yeuxperçants.Jaceserevitallongésurlepontdubateau de Valentin tandis qu'autour de lui le ciel, la terre et les eaux se peuplaient de créatures decauchemar.Orcettefois,c'étaitpire.Onauraitditquel'enfersedéversaitdesentraillesdelaterre.Lesdémons empestaient comme des milliers de corps en putréfaction. Jace frotta ses mains l'une contre
l'autre;lesliensquiemprisonnaientsespoignetsluientaillaientlachair.Ungoûtdebileetdesangluiemplitlabouchetandisquelesdernièrescréaturesdisparaissaientdanslecielenmasquantlesétoiles.Illuisemblaqu'ils'étaitévanouipendantuneminuteoudeux.Entoutcas,ilsombramomentanément
dansuntrounoiralorsquelescrisperçantsau-dessusdeluis'éloignaient,etilrestasuspenduentrecieletterreavecuneimpressiondedétachementquiressemblaitpresqueàdelasérénité.Sonabsencefutdecourtedurée.Soudain,ilregagnasoncorpsetladouleurdanssespoignetsdevint
intolérable.Lapuanteurdesdémonsétait suffocante sibienque,détournant la tête, ilvomitun flotdebile.Illevalesyeuxenentendantunricanementprèsdelui,etrefoulauneautreremontéeacide.
—C'estfini,petitfrère,susurraSébastien.Ilssontpartis.Jaceavaitlagorgesècheetlesyeuxquipleuraient.—Ilavaitditd'ouvrirlaporteàminuit,protesta-t-ild'unevoixéraillée.Çanepeutpasêtrel'heure.—J'aitoujoursconsidéréque,danscegenredesituation,ilvalaitmieuxessayerdesefairepardonner
quedemanderlapermission.Sébastienlevalesyeuxverslecielàprésentvide.— IlleurfaudracinqminutespouratteindrelaplainedeBrocelinde,soitunpeumoinsdetempsqu'il
n'enfaudraàpèrepourrejoindrelelac.JeveuxvoircoulerlesangdesNephilim.Jeveuxqu'ilsmeurentdansd'atrocessouffrances.Ilsméritentlespireshumiliationsavantdesombrerdansl'oubli.
—Tupensesdoncqu'ilsn'ontaucunechancecontrelesdémons?Ilssontpourtantbienpréparés...Sébastienchassad'ungestedédaigneuxl'argumentdeJace.—Tunousépiais,non?Tunesaispascequemonpèreprojettedefaire?Jacesegardaderépondre.—C'étaitgentildetapartdemeconduirejusqu'àHodgel'autresoir,repritSébastien.S'ilnevousavait
pasracontéque leMiroiret le lacLynnefontqu'un, jenesuispassûrquenousaurionspucontinuer.Sais-tuqueceluiquidétientlesdeuxpremiersInstrumentsMortelspeutinvoquerl'angeRazielauborddulac,commeJonathanShadowhunterunedizainedesièclesavantlui?Lorsquel'Angeparaît,onpeutluiréclamerunefaveur.Jacefrissonna.—EtquevaluidemanderValentin?LadéfaitedesChasseursd'OmbresdanslaplainedeBrocelinde?— Ceseraitdugâchis.Non,ilexigeraquetousceuxquirefusentdeboiredanslaCoupeMortelleet
doncdesesoumettreàsaloisoientprivésdetousleurspouvoirs.IlsneserontplusdesNephilimet,àcausedeleursMarques...(Sébastiensourit.)IlssetransformerontenDamnés,desproiesfacilespourlesdémons.QuantauxCréaturesObscuresquin'aurontpasfui,nousn'auronsaucunmalàleséliminer.LesoreillesdeJacebourdonnaientetilavaitlevertige.—MêmeValentinneferaitjamaisunechosepareille...—Arrête,tucroisvraimentquemonpèren'irapasjusqu'aubout?—Notrepère.Sébastienbaissalesyeuxverslui.Avecsonhalodecheveuxclairs,ilressemblaitàunangemaléfique.—Pardon,tupriais?ironisa-t-il.—JeparlaisdeValentin.Notrepère.Pendantquelquessecondes,Sébastienrestaimpassible;puisunsourirenarquoisétiraseslèvres.—Petitange,tun'esqu'unidiot.Monpèreavaitraisonàtonsujet.—Arrête dem'appeler comme ça s'emporta Jace.Qu'est-ce qui te prend deme parler d'anges sans
arrêt...—Bonsang,maistunesaisdoncrien!s'exclamaSébastien.Est-cequemonpèret'aracontéautrechose
quedesmensonges?
Jacesecoualatête.Iltiraittoujourssurlesliensquiretenaientsespoignetsmais,àchaquenouvelletentative,ilavaitl'impressionqu'ilsseresserraientunpeuplus.Ilsentaitsonpoulsbattredanschacundesesdoigts.
—Ettoi,commenttusaisqu'ilnet'apasmenti?—Parcequenoussommesdumêmesang.Jesuiscommelui.Aprèssadisparition,jeluisuccéderaiàla
têtedel'Enclave.—Ataplace,jenemeréjouiraispasdeluiressembler.— Çaaussi,ç'adû jouer,observaSébastiend'unevoixdépourvued'émotion.Jeneprétendspasêtre
différent de ce que je suis. Je ne prends pas l'air horrifié parce quemon père prend lesmesures quis'imposentpoursauversonpeuple,mêmesicelui-cirefusesonaide...etnelaméritepas,situveuxmonavis.Quelfilspréférerais-tu?Celuiquiestfierdet'avoirpourpèreouceluiquiseratatinedehonteetdepeurdevanttoi?
—Jen'aipaspeurdeValentin.—Tun'asaucuneraisondelecraindre.C'estdevantmoiquetudevraistrembler.Jacecessade tirersurses lienset leva lesyeuxSébastien tenait toujoursà lamainsonépéenimbée
d'unhalosombre.Jaceneputs'empêcherd'admirerl'arme,mêmequandSébastienenappuyalapointesursagorge,auniveaudelapommed'Adam.
—Etmaintenant?fitJaceens'efforçantdemaîtrisersavoix.Tuvasmetuersansmedétacher?L'idéedem'affrontertefaitpeuràcepoint?LevisageblafarddeSébastiennetrahissaitaucuneémotion.—Tunereprésentespasunemenacepourmoi.Tun'esqu'unenuisance.Unvaguedésagrément.—Alorspourquoitunemedétachespaslesmains?Immobile,Sébastienleconsidéraquelquesinstants.Encemomentmême,ilévoquaitlastatuedecire
d'unprincemortdepuisdessièclesdanslaforcedel'âgeaprèsavoirgâchésa jeunesse.C'était làquerésidait la différence entre Sébastien et Valentin, même s'ils avaient le même visage de marbre :Sébastienportaitenluilegâchiscommequelquechosequilerongeaitdel'intérieur.
—Jenesuispassibêteettunem'auraspascommeça.Jet'ailaissévivreassezlongtempspourvoirlesdémonss'abattresurIdris.Quandtuaurasrejointtesancêtreslesanges,tupourrasleurexpliquerqu'iln'yaplusdeplacepoureuxencebasmonde.Ilsonttrahil'Enclave,etellen'aplusbesoind'eux.Maintenant,nousavonsValentin.
—TuvasmetuerpourquejetransmetteunmessageàDieudetapart?Jacesecoualatêteetlapointedel'épéeéraflasagorge.—Tuesencoreplusfouquecequejecroyais.Sébastien se contenta de sourire et enfonça plus profondément la lame ; chaque fois que Jace
déglutissait,illasentaitentaillersachair.—Situveuxréciteruneprière,c'estlemoment,petitfrère.—Jen'aipasenviedeprier.Enrevanche,j'aiunmessagepournotrepère.Tuleluidonneras?—Evidemment, répondit Sébastien d'un ton suave,mais Jace perçut une inflexion hésitante dans sa
voix,quiconfirmacequ'ilpensaitdéjà.—Tumens.Tunelui transmettrasriendutout.Ilnet'a jamaisdemandédemetuer,et ilserafurieux
quandill'apprendra.—Sottises!Tunel'intéressespas.—Tucroisqu'iln'ensaurariensitumetuesicimême?Tupeuxtoujoursprétendrequejesuismortsur
lechampdebataille,maisilfiniraparapprendrelavérité.—Tuparlessanssavoir,répliquaSébastien,maissoudain,ilparaissaittendu.
Jacerepritlaparolepournepasperdrel'avantage.—Tunepourraspasleluicacherbienlongtemps.Ilyauntémoin.— Un témoin ? répéta Sébastien, manifestement surpris, et Jace considéra sa réaction comme une
premièrevictoire.Commentça?—Lecorbeau.Iltesurveillaitdansl'ombre.IliratoutrépéteràValentin.—Hugin?Sébastienlevalesyeux,etbienquel'oiseaudemeureintrouvable,quandilsetournadenouveauvers
Jace,ilsemblaitrongéparledoute.—SiValentindécouvrequetum'asassassinéalorsquej'avaislesmainsliées,ilteméprisera.Jace reconnut dans sa propre voix les inflexions suaves que prenait Valentin quand il cherchait à
convaincresoninterlocuteur.—Iltetraiteradelâcheetilnetepardonnerajamais.Sébastiennerépliquapas.SabouchetremblaitetilfixaitJaced'unregardbrûlantdehaine.—Détache-moietaffronte-moicommeunhomme.C'estleseulmoyen.Un autre spasme déforma la bouche de Sébastien, et cette fois Jace crut qu'il était allé trop loin.
Sébastien brandit son épée, et les étoiles sur la lame étincelèrent au clair de lune.Avec un rictus decolère,ill'abattitsurJace.
Assise sur lesmarches de l'estrade,Clary retournait la stèle dans sesmains. Jamais elle ne s'était
sentieaussiseule.LaSalledesAccordss'étaitcomplètementvidée.ElleavaitcherchéenvainIsabelleunefoisquelescombattantsavaienttousfranchilePortail.,D'aprèsAline,elleétaitsansdouteretournéechez lesPenhallow,oùAlineetquelquesautresétaient censés s'occuperd'unedouzained'enfants tropjeunes pour se battre. Clary avait refusé de l'accompagner. Si elle ne pouvait pasmettre lamain surIsabelle,ellepréféraitencorelasolitudeàlacompagnied'étrangers.Dumoins,c'étaitcedontelleavaitfiniparseconvaincre.Maisàmesurequeletempspassait,elletrouvaitlesilenceautourd'elledeplusenplusoppressant.Pourtant,ellenesedécidaitpasàselever.Elles'efforçaittantbienquemaldenepaspenseràJace,àSimon,àsamère,àLukeouàAlec,etleseulmoyenqu'elleavaittrouvépournepasréfléchir,c'étaitderesterimmobile,lesyeuxfixéssurlamêmedalleenmarbredontellerecomptaitsanscesse les craquelures. Il y en avait six au total.Une fois qu'elle avait le compte, elle recommençait :une...deux...Soudain,lecielexplosaau-dessusdesatête.Oudumoins,c'estcequ'illuisembla.Ellelevalesyeux.
Au-delàdelaverrière,làoù,quelquesinstantsplustôt,onnedistinguaitquel'obscuritédelanuit,unemassenoireetmouvantevenaitdesurgirenprojetantdeséclairsorangés.Descréaturesémergeaientdetempsàautredanslalumière;ellesétaientsilaidesqueClaryremercialecielqu'ilfassenuit.Lepeuqu'elleenvoyaitluisoulevaitdéjàlecœur.La verrière semit à onduler au passage de la horde de démons, comme déformée par une onde de
chaleurinfernale.Unbruitpareilàuncoupdefeurésonnadanstoutelasalle,etuneénormecraquelureseformasurleverre.Claryenfouitlatêtedanssesmainstandisqu'unepluiededébriss'abattaitsurelle.
Ilsavaientpresqueatteintlechampdebataillequandunbruitassourdissantdéchiralanuit.Puisleciels'embrasa.Simonperdit l'équilibre, se rattrapaàun troncd'arbreet leva la tête.D'abord, il crutqu'ilavaitlaberlue.Autourdelui,lesautresvampiresscrutaienteuxaussileciel,leurvisageblêmelevéversleclairdelune,tandisqued'innombrablescréaturesdecauchemarpleuvaientdufirmament.
—Tun'arrêtespasdetournerdel'œil,c'estlassant,lâchaSébastien.Jace ouvrit les yeux. Sa tête l'élançait. En levantmachinalement lamain pour se tâter le visage, il
s'aperçut que Sébastien l'avait détaché. Un bout de corde était encore noué autour de son poignet. Ilexaminasamain;elleétaitnoiredesangsousleclairdelune.Il jeta un regard à la ronde. Il était étendu dans l'herbe, non loin de la petitemaison en pierre. Il
entendaitl'eaudutorrentruisselerprèsdelui.Lavoûteforméeparlesbranchesdesarbresau-dessusdesatêtedissimulaitenpartieleclairdelune,maisilfaisaitencoreassezclair.
—Debout,ordonnaSébastien.Tuascinqsecondes,oujetetueicimême.Jaces'exécutaavecdesgesteslents.Latêteluitournaitencoreunpeu.Pournepasperdrel'équilibre,
ilplantalestalonsdanslaterremolle.—Pourquoitum'asemmenéici?— Pour deux raisons, répondit Sébastien. D'abord, j'ai pris beaucoup de plaisir à te jeter dehors.
Ensuite,onn'auraitrienàgagner,toietmoi,àrépandretonsangsurlesoldecettecaverne.Crois-moisurparole.Jace tâta sa ceinture, et sentit son courage l'abandonner.Soit il avait perdu la plupart de ses armes
lorsqueSébastienl'avait traînéhorsdelacaverne,soit,plusprobablement,il l'avaitdésarmé.Ilneluirestaitqu'unedaguedontlalame,trèscourte,nepourraitpasrivaliseravecuneépée.
—Cen'estpasunearme,ça,fitremarquerSébastienavecunsouriremoqueur.—Jenepeuxpasmebattreavecça!protestaJaceenforçantletremblementdesavoix.—C'estbiendommage.Sébastiens'avança,l'airostensiblementdétaché,enpianotantduboutdesdoigtssurlepommeaudeson
épée.Jacecompritquec'étaitlemomentoujamaisetillefrappadetoutessesforcesauvisage.IlsentitlesosdeSébastiencraquersoussesphalanges.Iltombaenarrièredanslaboueetlâchasonépée.Jaces'élançapourlaramasseret,uninstantplustard,ilsedressaitau-dessusdesonennemi,l'armeàlamain.Sébastiensaignaitdunez.D'ungesterageur,ilécartalecoldesonvêtementpourdénudersagorge.—Vas-y.Finissons-en.Jace hésita ; il répugnait à achever quelqu'un qui gisait sans défense à ses pieds. Il se souvint que
Valentin, à Renwick, l'avait mis au défi de le tuer, et qu'il n'en avait pas eu le courage. Cependant,Sébastienétaitunmeurtrier.IlavaitassassinéMaxetHodge.Jacelevasonépée...Rapidecommel'éclair,Sébastienseredressad'unbond,roulasurlui-mêmeetatterritgracieusement
dansl'herbeàunpasdeJace.Aupassage,ilenvoyavalserl'épéed'uncoupdepied,s'enemparaavantqu'elleait touché lesolet,dansunéclatde rire, repartità l'assaut. Jace reculaaumomentoù la lamefendaitl'air,entaillantlétissudesachemiseetsontorse,quisemitàsaignerabondamment.Avecungloussement,Sébastienfonditsurlui.Jacetâtasaceinturepourdégainersapauvredagueet
cherchadésespérémentdesyeuxunobjet susceptiblede lui servird'arme -unboutdebois,n'importequoi-maisnevitquel'étendued'herbe,letorrentetlesarbresquidéployaientleursbranchesépaissesau-dessusdesatêtecommeunfiletdeverdure.Soudain;ilserappelalaConfigurationdeMalachiedanslaquellel'avaitemprisonnél'Inquisitrice.Sébastienn'étaitpasleseulàsavoirsauterhaut.Celui-citentaunenouvelleattaque,maisJaceavaitdéjàbondidanslesairs.Ilserattrapaàlabranche
laplusbassed'unarbreet,aumoyend'unepirouette,sejuchadessus.Agenouxsursonperchoir,ilvitSébastienfairevolte-face.Avantqu'ilaitpuleverlesyeux,iljetasadagueetl'entenditpousseruncri.Puis,pantelant,ilseredressa...
Ets'aperçutqueSébastien l'avait rejoint sur labranche.Sonvisage,d'ordinairepâle,était rougedecolère,etsonbrasdégoulinaitdesang.L'épéegisaitdansl'herbe,bienenévidence.Cependant,Jacenesesentaitpaspourautantenpositiondesupériorité,étantdonnéquesadagueétaithorsd'atteinte,elleaussi. Il constata avecplaisirque,pour lapremière fois,Sébastien semblait furieuxetdépassépar latournuredesévénements,commesil'animalqu'ilcroyaitdressévenaitdelemordre.—Onabienri,cracha-t-il,maismaintenantc'estterminé.IlsejetasurJaceetlefitbasculerdelabranche.Agrippésl'unàl'autre,ilstombèrentdanslevideet
atterrirentlourdementparterre.SiJacevittrente-sixchandelles,ilseressaisitrapidementetplantalesonglesdanslebrasblessédeSébastien,quipoussauncridedouleur.Ilripostaenlefrappantauvisagedureversdelamain.UngoûtsaléemplitlabouchedeJace,etilcrachaunflotdebavesanglantetandisqu'ilsroulaientensembledanslaboue.Ilsdégringolèrentainsijusqu'auborddelarivièresanscesserdesedonnerdescoupsdepoing.Aucontactdel'eauglacée,Sébastiensuffoquadesurprise;profitantdesadistraction, Jace noua lesmains autour de sa gorge et serra de toutes ses forces. S'étranglant à demi,Sébastien trouva néanmoins la force de lui tordre le poignet jusqu'à en faire craquer les os. Jaces'entendit hurler comme de très loin. Tirant parti de son avantage, son ennemi continua à malmenerimpitoyablementsonpoignetcasséjusqu'àcequ'illâchepriseets'affaledanslaboueglacée,àl'agonie.Àcalifourchonsurlui,ungenouenfoncédanssescôtes,Sébastiengrimaçaunsourire.Sesyeuxnoirs
ressortaient sur sonvisagequin'étaitplusqu'unmasquedesangetdeboue.Unobjetétinceladanssamaindroite:c'étaitladaguedeJace.Ilavaitdûlaramasserpendantleurcorpsàcorps.Ilenpointalalamesursoncœur.
—Et nous voilà exactement au même stade qu’il y a cinq minutes, dit-il. Je t'ai donné ta chance,Wayland.Quellessonttesdernièresparoles?Jacelevalesyeuxverslui,laboucheensang.Iln'éprouvaitriend'autrequ'uneextrêmefatigue.Était-
cevraimentainsiqu'ilallaitmourir?—Wayland?fit-il.Cen'estpasmonnom,tulesaisbien.—PasplusqueceluideMorgenstern.Sébastien sepenchavers Jaceet il sentit lapointede ladague lui transpercer lapeau.Unedouleur
fulgurante se propagea dans tout son corps. Sébastien, le visage tout près du sien, poursuivit dans unmurmure:
—Tut'esvraimentprispourlefilsdeValentin?Tucroyaisqu'unepauvrechosepleurnichardecommetoiméritaitd'êtreunMorgenstern?D'unmouvementdetête,ilrepoussasesmèchesblondespoisséesdesueuretdeboue.—Tuesunorphelin.Monpèreamutilélecorpsd'unefemmepourt'arracheràsesentrailles.Ilatenté
de t'élever comme son fils,mais tu étais trop faible pour lui être d'un quelconque usage. Tu n'auraisjamaispudevenirunguerrier.Commetun'étaisbonàrien,ilt'aabandonnéauxLightwooddansl'espoirqu'unjour,peut-être,tuluiserviraisd'appât.Ilnet'ajamaisaimé.
—Alorstoi,tu...—Moi,jesuislefilsdeValentin.JonathanChristopherMorgenstern.Tun'asaucundroitsurcenom.Tu
esunfantôme.Unimposteur.LesyeuxnoirsdeSébastienluisaientcommelacarapaced'uninsecteet,soudain,Jaceentendit,comme
dansunrêve,lavoixdesaprétenduemère:«Jonathann'estplusunêtrehumain;c'estunmonstre.—C'esttoiquiasdusangdedémondanslesveines,hoqueta-t-il.—C'estexact.Ladagues'enfonçaencored'unmillimètredanslachairdeJace.LesouriredeSébastienavaitlaissé
placeàunrictusféroce.
—Ettoi,tuesl'angeblond.Qu'est-cequejen'aipasentendusurtoncompte?Toiettonjoliminois,tesjoliesmanièresettasensibilité!Tunepouvaismêmepasvoirunoiseaumortsanstemettreàpleurer.PasétonnantqueValentinaiteuhontedetoi.Jaceenoublialadouleur.—C'esttoiquiledéshonores.Tut'imaginespeut-êtrequ'iln'apasvoulut'emmeneraulacavecluiparce
qu'ilfallaitquelqu'unpourouvrirlaporteàminuit?Commes'iln'avaitpasprévuquetunepourraispasattendre!S'iln'apasvouluquetul'accompagnes,c'estparcequ'ilahontedeseprésenterdevantl'Angeaveclacréaturequ'ilaconçue.Toi.JacelevaversSébastienunregardempreintdepitiéetdetriomphe.—Ilsaitqu'iln'yaaucunehumanitéentoi.Ilt'aimepeut-être,maisilnetehaitpasmoins...—Tais-toi!SébastienplongealadaguedansletorsedeJaceenfaisanttournerlemancheentresesdoigts.Jacese
voûtaavecunhurlement,etlasouffranceexplosaderrièresespaupièresenunemultituded'étincelles«Jevaismourir,pensa-t-il.Çayest,c'estlafin.»Ilsedemandasisoncœuravaitdéjàététranspercé,Ilétaitparalysécommeunpapillonépinglésuruneplanche.Ilouvritlabouchepourprononcerunnom,etunflotdesangs'échappadesabouche.Etcependant,Sébastienparutliredanssesyeux.—Clary,murmura-t-il.Jel'avaispresqueoubliée.Tuesamoureuxd'elle,n'est-cepas?Tahontefaceà
tesvilainespulsionsincestueusesadûtemettreausupplice.C'estdommagequetun'aiespassuavantqu'ellen'estpastasœur.Tuauraispupasserlerestedetavieàsescôtés,situn'avaispasétésibête.Ilsepenchapourglisseràl'oreilledeJace:—Ellet'aime,elleaussi.Gardeçaentêtequandtupasserasdel'autrecôté.Des taches sombres obscurcirent la vision de Jace comme de l'encre se répandant sur une
photographie. Soudain, la douleur disparut. Il ne sentait plus rien, pas même le poids du corps deSébastien. Il avait l'impression de flotter. Le visage de son ennemi, blanc sur l'obscurité de la nuit,sembla s'éloigner lentement. Tout à coup, un éclair doré déchira les ténèbres, et quelque chose vints'enroulercommeunbraceletautourdupoignetdeSébastien.Surpris,ilbaissalesyeuxsursamain,etladaguetombaàsespiedsavecuntintementaudible.Puislamainelle-même,tranchéenet,vintrejoindrel'armedanslaboue.Jace regarda sanscomprendre lemorceaudechair s'immobiliserdevantunepairedebottesnoires.
Levantlesyeux,ildiscernadelonguesjambesfines,unetaillemince,unvisagefamilierencadréparunemassedecheveuxsombres,etreconnutIsabelleàtraversunbrouillard.Sonfouetàlamain,elletoisaitSébastienquiobservaitsonmoignonensanglantéd'unairmédusé.
—Ça,c'estpourMax,espècedesalaud,cracha-t-elle.— Garce,siffla-t-ilenserelevantd'unbondaumomentoùelleabattaitdenouveausonfouetsurluià
unevitesseprodigieuse.Ilesquivalecoupetdisparut.Jaceentenditunbruissementdefeuilles;Sébastienavaitdûsecacher
danslesarbres,maisilsouffraittantqu'iln'avaitpaslecouragedetournerlatêtepourlevérifier.—Jace!Isabelles'agenouilla,sastèleàlamain.Sesyeuxétaientremplisdelarmes.Ildevaitêtremalenpoint
pourqu'ellesoitsibouleversée.—Isabelle,marmonna-t-il.Ilauraitvoululasupplierdefuircar,malgrésabravoureetsestalentsdeguerrière,ellen'étaitpasde
tailleà luttercontréSébastien : ilne se laisserait jamaisarrêterparundétail aussi insignifiantqu'unemainenmoins.MaisJaceneparvintqu'àémettreungargouillisincompréhensible.
—Neparlepas,luiditIsabelle,etilsentitlapointedelastèleluipicoterlapeau.Toutirabien,reprit-elleavecunsouriretremblant.Tutedemandessansdoutecequejefaisici.J'ignorecequeSébastient'araconté,maistun'espaslefilsdeValentin.Elle avait presque fini de tracer l’iratze ; Jace sentait déjà la douleur refluer. Il hocha
imperceptiblementlatête,commepourluirépondre:«Jesais.»— Bref,jen'avaispasl'intentiondepartiràtarechercheàcausedumotquetuaslaissé,maisilétait
hors de question que tu meures en pensant que tu n'étais pas normal... D'ailleurs, comment tu as put'imaginerunechosepareille?Isabelle,quifaisaitdegrandsgestesenparlant,s'immobilisapournepasratersarune.— Et il fallait que tu saches queClary n'est pas ta sœur, poursuivit-elle plus calmement.Bref, j'ai
demandéàMagnusdem'aideràretrouvertatrace,ils'estservidupetitsoldatdeboisquetuasdonnéàMax. Je ne crois pas qu'il aurait accepté en temps normal, disons juste qu'il était particulièrement debonnehumeur.Jeluiaipeut-êtreglisséaupassagequec'étaituneidéed'Alec,mêmesicen'estpastoutàfaitvrai,maisilluifaudraunpeudetempspourledécouvrir.Quandj'aisuoùtuétais...ehbien,ilavaitdéjàouvertlePortail,etcommejesuistrèsdouéspourmefaufilerendouce...Isabellepoussauncri.Jaceessayadelaretenir,maisellefutprojetéeenarrièreetsonfouetglissade
ses mains. Elle tomba à genoux et Sébastien se dressa devant elle, les yeux étincelant de rage ; unmouchoirensanglantéétaitnouéautourdesonmoignon.Ellevoulutsejetersursonfouet,maisilfutplusrapidequ'elleetluidécochaunviolentcoupdepieddanslacagethoracique.Jacecrutentendresescôtescraqueretelle tombaenarrière.Elle,pourtantsolidecommeunroc,poussaunhurlementcommeil lafrappaitdenouveau.PuisSébastienramassasonfouetetlebranditdanssadirection.Jace roula sur le flanc.Grâce à l’iratze inachevée, il se sentait un peumieux,mais sa blessure le
faisaitencoresouffrir,etilsupposaavecuncertaindétachementquelefaitqu'ilcrachâtdusangsignifiaitqu'ilavaitunpoumonperforé.Ilignoraitcombiendetempsilluirestaitàvivre.Quelquesminutes,sansdoute.Atâtons,ilparvintàretrouverladaguequeSébastienavaitabandonnéeparterre,prèsdesamaintranchée,etserelevaentitubant.L'odeurdusangétaitomniprésente.IlpensaàlavisiondeMagnus-lesrivièresdesang-etsamainseresserraautourdumanchedeladague.Il fitunpas,puisunautre, chaque fois avec l'impressionque sespiedspesaientune tonne. Isabelle
accablait d'injures Sébastien, qui répondit par un éclat de rire et fit claquer le fouet. Poussé par leshurlements de la jeune fille, Jace se rapprocha tant bien quemal. Lemonde tournoyait autour de luicommedansunmanègedefêteforaine.«Unpasdeplus»,sedit-il.Encoreun.Sébastienluitournaitledos;ilétaitaccaparéparIsabelle.Il
devaitprobablements'imaginerquesonrivalétaitmort.D'ailleurs,ceseraitbientôtlecas.«Unpasdeplus.»MaisJacen'avaitpluslaforced'avancer.Lesténèbresenvahissaientsonchampdevision;plusépaissesencorequecellesdusommeil,elleseffaçaient toutcequ'ilavaitvu jusque-làet l'entraînaientverslereposéternel.Lapaix.IlsongeasoudainàClary,àladernièrefoisqu'ilavaitposélesyeuxsurelle alorsqu'elledormait, les cheveuxépars sur l'oreiller, la jouedans samain. Il s'était alors fait laréflexionqu'iln'avaitjamaisvutableausipaisible.Cependant,cen'étaitpassoncalmeàelle,propreàtouslesdormeurs,quil'avaitsurpris,maislesien.Lesentimentdepaixqu'iléprouvaitàsescôtésencetinstant,ilnel'avaitjamaisconnujusque-là.Ladouleur remontait le longdesonépinedorsale,et il s'aperçut,àsonétonnement,queses jambes
l'avaientportémalgrélui.Sébastienavaitlevélebras;lefouetétincelaitdanssamain.Isabellegisait,recroquevilléedansl'herbe,inconsciente.—Espècedepetitegarce,disait-il.J'auraisdûteréduirelevisageenbouillieaveccemarteauquand
j'enavaisl'occasion...
JacebranditsadagueetlaplantadansledosdeSébastien.Celui-cireculaentitubant;lefouettombaàsespieds.Alorsqu'ilsetournaitlentementverslui,Jace
pensaavecunvaguesentimentd'horreur:«Ets'iln'étaitpasvraimenthumain...S'ilétaitinvincible?»Sonvisagen'exprimaitplusrienetlefeusombrequibrûlaitdanssesyeuxs'étaitconsumé,laissantplaceàlapeur.IlneressemblaitplusàValentin.Ilouvrit labouchecommepourprotester,etsesgenouxsedérobèrentsous lui.Puis ils'affaissapar
terreetroulajusqu'autorrent.Là, ils'immobilisasur ledos, lesyeuxlevésverslecielqu'ilnevoyaitdéjàplus,tandisquelecourantemportaitdegrandestraînéesrouges.«"Ilm'aapprisqu'enplantantuncouteaudansledosd'unhommeàunendroitprécis,onpeutàlafois
luipercerlecœuretluitrancherlamoelleépinière",avaitditSébastien.J'ail'impressionquenousavonseulemêmecadeaud'anniversairecetteannée-là,grandfrère»,songeaJace.Isabelle,levisagecouvertdesang,seredressaàgrand-peine.—Jace!cria-t-elle.Ilvoulutluirépondremaislesmotss'étranglèrentdanssagorge.Iltombaàgenoux.Unpoidsénorme
pesait sur ses épaules, et la terre semblait l'appeler à elle. Bientôt, il n'entendit plus les appelsfrénétiquesd'Isabelleetlesténèbresserefermèrentsurlui.
Simon était le vétéran d'innombrables guerres. Enfin, si l'on comptait celles qu'il avait menées en
jouantàDonjonsetDragons.SonamiEricétaitunpassionnéd'histoiremilitaire,et,d'habitude,c'étaitàlui qu'incombait de préparer les batailles avec des dizaines de petites figurines se déplaçant en lignedroitesurdespaysagesplatsméticuleusementdessinéssurdupapiersulfurisé.C'étaitsaseulevisiondelaguerre,aveccelledesfilms:deuxarméesmarchantl'uneversl'autresur
uneétenduedeterreplate.Deslignesdroitesetdesdéplacementsd'hommesméthodiques.Or,laréalitéétaittoutautre.Cetteguerre-làn'étaitqu'unvastechaos,unemêléeconfuse,etlepaysage,masseinstabledeboueetde
sang,n'avaitriendeplat.Simons'étaitfiguréqu'enarrivantsurleslieuxlesEnfantsdelaNuitseraientaccueillisparunresponsable;ils'étaitreprésentéobservantlabatailledeloindansunpremiertemps,alors que les deux camps s'apprêtaient à donner l'assaut. Mais il n'y eut ni paroles de bienvenue nicampements. La guerre éclata soudain devant ses yeux comme si, débouchant d'une rue déserte, il seretrouvaitprisdansuneémeuteaubeaumilieudeTimesSquare.Lafoulesurgissaitdetoutesparts,desmainsl'agrippaient,l'écartaientdupassageet,bientôt,lesvampiress'éparpillèrentpoursejeteràcorpsperdudanslabataillesansluiaccorderunseulregard.Quant aux démons, ils étaient partout, et jamais il ne s'était imaginé pareil vacarme : hurlements,
sifflements,grognementset,pireencore,lebruitdesgriffesetdescrocsquilacèrent,taillentenpiècesetla satisfaction du corps repu. Simon aurait bien renoncé à son ouïe fine de vampire : les sons luitransperçaientlestympanscommedespoignards.Trébuchantsuruncorpsàmoitiéenfouidanslaboue,ilseretournapourluivenirenaide,ets'aperçut
queleChasseurd'Ombresquigisaitàsespiedsavaitétédécapité.Sesossementssedétachaient,blancssur la terre noire et, malgré sa nature de prédateur, Simon fut pris de nausée. « Je dois être le seulvampireaumondeànepassupporterlavuedusang»,songea-t-il.Soudain,ilreçutuncoupviolentsurlanuqueetdégringola le longd'unepenteboueuseavantd'atterrirdansun trou. Iln'étaitpas le seulàavoiréchouélà.Ilroulasurledosaumomentoùledémonquil'avaitattaquésedressaitau-dessusdelui.Illuiévoquacesreprésentationsdelamortqu'onvoyaitsurlesgravuresmédiévales:c'étaituneespècedesqueletteaniméquitenaitdanssamainosseuseunehacheensanglantée.Simonfitunbonddecôtéau
momentoùlahaches'abattaitsurlui.Lesqueletteémitunsifflementfurieux.Alorsqu'ilbrandissaitdenouveau son arme, un coup demassue le fit voler en éclats ; ses os s'éparpillèrent dans un bruit decastagnettesavantdedisparaîtredanslanuit.UnChasseurd'Ombress'avançaversSimon.L’homme,grand,barbuetcouvertdesang,l'observaense
frottantlefrontdesamainsale,quilaissaunetraînéenoiresursapeau.—Çava?lança-t-il.Unpeusonné,Simonhochalatêteetfitminedeserelever.L'étrangersepenchapourluioffrirsamain,
qu'ilacceptadebonnegrâce...etileutl'impressiondevolerdanslesairs.Ilatterritsursespiedsauborddutrou,enéquilibreprécairedanslaboue.L'hommeluiadressaunsourirepiteux.
—Désolé.C'estlaforcedesCréaturesObscures...Monpartenaireestunloup-garou.J'aidumalàm'yfaire.IlscrutalevisagedeSimon.—Tuesunvampire,n'est-cepas?—Commentlesavez-vous?L'hommesouritdenouveau.—Tescrocs.Ilssortentquandtutebats.Jelesaisparceque...Ils'interrompit.Simonauraitpuacheversaphraseàsaplace:«Jelesaisparcequej'aituépasmalde
vampires.»—Bref.Mercidetebattreànoscôtés.Simon allait répliquer qu'il n'avait pas encore eu l'occasion d'apporter sa contribution quand une
gigantesquecréatureailéetombaducieletplantasesserresdansledosduChasseurd'Ombres.L'hommenelaissapasmêmeéchapperuncri.Illevadesyeuxsurpris,l'airdesedemandercequilui
arrivait,puisdisparutdansuntourbillond'ailes.SamassueretombaauxpiedsdeSimon.L'épisode,depuislemomentoùilétaittombédansletrou,avaitdurémoinsd'uneminute.Hébété,il
regardaautourdeluietdistinguadespointsdelumièrequi,pareilsàdeslucioles,surgissaientçàetlàdesténèbres.Ilmitdutempsàcomprendrequ'ils'agissaitduhalodespoignardsséraphiques.IlnevitnilesLightwood,nilesPenhallow,niLuke.Iln'étaitpasunChasseurd'Ombres,etpourtant
cethommel'avaitremercié.Cequ'ilavaitconfiéàClaryétaitlastrictevérité:cetteguerreétaitaussilasienne,etonavaitbesoindeluiici.Cen'étaitpassaparthumainequ'onsollicitait,Simonlegentilgarçonquidéfaillaità lavuedusang,non,c'étaitSimon levampire,unecréatureque lui-mêmeconnaissaitàpeine.«Unvraivampireaccepted'êtremort»,avaitditRaphaël.Pourtant,Simonnes'étaitjamaissentiaussi
vivant.Ilseretournaaumomentoùunautredémonsurgissaitdevantlui:uneespècedelézardaucorpsrecouvertd'écaillésetauxdentsderongeur.Simonsejetasurl'énormebêteetlacérasapeausquameusedesesongles.LaMarquesursonfrontse
mitàbattrecommeilenfonçaitsescrocsdanslecoudumonstre.Sachairavaitungoûtatroce.
Lorsquelapluiedeverreeutcessé,untroudeplusieursmètresdelarges'étaitformédanslaverrière,
comme si unemétéorite était passée à travers.Un vent glacial s'engouffra par la brèche. Tremblante,Claryserelevaenépoussetantlesdébrissursesvêtements.LaGrandeSalleétaitdésormaisplongéedans l'obscurité.La faibleclartéémanantduPortail sur la
place entrait par la porte ouverte. Clary jugea qu'elle n'était sans doute plus en sécurité ici. Il valaitmieuxrejoindreAlinechezlesPenhallow.Elleavaittraversélamoitiédelasallequandelleperçutunbruitdepassurlesolenmarbre.Lecœurbattant,elleseretournaetvitMalachis'avancerversl'estrade
dans la semi-pénombre.Que faisait-il ici ? Il n'était pas censé être sur le champde bataille avec lesautresChasseursd'Ombres?Commeilserapprochaitdel'estrade,elleétouffauncridesurprise.Unoiseaunoirétaitperchésur
l'épauleduConsul.Uncorbeau,plusprécisément.Hugo.Clarysebaissaderrièreunecolonne,tandisquel'hommegravissaitlesmarchesdel'estradeenjetant
unregardfurtifdepartetd'autredelasalle.Apparemmentrassuré,ilsortitunanneaudesapocheetleglissaàsondoigt.ClaryrevitHodge,danslabibliothèquedel'Institut,prenantlabaguesurlamaindeJace...L'airdevantMalachimiroitacommesous l'effetd'uneondedechaleur.Unevoixfamilière,calmeet
distinguée,oùperçaitunepointed'agacement,résonnasoudaindanslasalle.—Qu'ya-t-il,Malachi?Jenesuispasd'humeuràbavarder.—SeigneurValentin.L'hostilitécoutumièreduConsulavaitlaisséplaceàuneobséquiositésirupeuse.— Huginestvenumetrouveràl'instantpourm'apporterlesdernièresnouvelles.Jesupposequevous
étiezdéjàpartipourlelac,aussiilestvenumevoiràvotreplace.J'aipenséquevousaimeriezêtrevousaussiinformé.
—Bon,jet'écoute,réponditValentind'untoncassant.—C'estvotrefils,seigneur.L'autre.Huginarepérésaprésencedanslavallée.Apparemment,ilvous
auraitmêmesuividanslestunnels.Clarys'agrippaàlacolonne.IlsétaiententraindeparlerdeJace.Valentinpoussaungrognement.—Est-cequ'ilavusonfrère,là-bas?—Huginestpartialorsqu'ilssebattaient.Clarysentitsonestomacsenouer.Jaces'étaitdoncmesuréàSébastien?Ellerepensaàlafaçondontil
l'avaitsoulevécommeunfétudepailledevantlaGardeenflammes,etellefutprised'unetellepaniquequesesoreillessemirentàbourdonner.Quandelleeutrecouvrésesesprits,elles'aperçutqu'ellen'avaitpasentendularéponsedeValentin.
—Cesontsurtoutceux,assezvieuxpourêtremarquéssansavoir l'âgedesebattre,quim'inquiètent,disaitMalachi. Ilsn'ontpasvoté ladécisionduConseil. Ilme semblequ'ilsneméritentpas lemêmechâtimentquelesautres.
—J'yairéfléchi.DanslamesureoùlesadolescentssontmoinsaffectésparlesMarques,illeurfautaumoinsplusieursjourspourdevenirdesDamnés.Etj'aidansl'idéequeleurTransformationestréversible.
—MaisceuxquiaurontbudanslaCoupeMortelleneserontpasmenacés,n'est-cepas?—Jesuisoccupé,Malachi.Jet'aidéjàexpliquéquetunerisquaisrien.Fais-moiconfiance.Malachiinclinalatête.— J'aiunetotaleconfianceenvous,seigneur.Pendanttoutescesannées,ellenes'estpaseffritée,etje
vousaitoujoursservidansl'ombre.—Tuserasrécompensé.Malachilevalesyeux.—Seigneur...Mais l'airavaitcessédemiroiter.Valentinavaitdisparu.Lessourcilsfroncés,Malachidescenditde
l'estradeetsedirigeaverslasortie.Claryserecroquevilladerrièrelacolonneenpriantpournepasêtrevue.Soncœurbattait lachamade.Qu'est-cequec'étaitquecettehistoiredeDamnés?Laréponseàsaquestion trottaitdansuncoindesa tête,maiselleétait trophorriblepourêtresérieusementenvisagée.
MêmeValentinn'oseraitpas...Soudain, quelque chose lui sauta auvisage.Apeine s'était-elle protégé les yeuxde ses bras que la
créatureluilacéraledosdesmainsenpoussantuncroassementféroce.—Hugin!Assez!criaMalachi.Hugin!Unautrecroassementretentit,suivid'unbruitsourd.Clarybaissalesbrasetvitlecorbeauimmobile
auxpiedsduConsul.Ellen'aurait sudire s'il étaitmortou simplement sonné.Avecun rugissementdecolère,Malachiécartalevolatiled'uncoupdepiedets'avançaversClaryaupasdecharge.Ill'agrippaparundesespoignetsensanglantésetlarelevasansménagement.
—Petiteidiote!cracha-t-il.Depuiscombiendetempstunousépiais?—DepuisassezlongtempspoursavoirquevouafaitespartieduCercle,cracha-t-elleenessayantdese
dégager,maisillamaintintfermement.VousêtesdanslecampdeValentin.— Iln'yaqu'unseulcamp,siffla-t-il.L'Enclavaestdirigéepardesgensstupidesetmalavisésquise
prêtentauxcapricesdedemi-humains.Elledoitêtrepurgéepourretrouversonanciennegloire.TouslesChasseursd'Ombresdevraientserangeràmonavis,orilspréfèrentécouterdessotsetdesadorateursdedémons comme Lucian Graymark. Et voilà que vous envoyez la fine fleur des Nephilim se fairemassacrerpourunecauseridicule;c'estungestevainquinerésoudrarien.ValentinadéjàcommencéleRituel;bientôtl'Anges'élèveradeseaux,etlesNephilimdeviendrontdesDamnés.Tous,sauflapoignéed'entreeuxquibénéficiedelaprotectiondeValentin...
—C'estdumeurtre!Ilassassinesonpeuple!— Non,protestaleConsuldelavoixpassionnéedesfanatiques.C'estunepurge.Valentins'apprêteà
créerunenouvelleracedeChasseursd'Ombres,unmondedébarrassédesfaiblesetdescorrompus.—Ilyauratoujoursdesfaibles!Cedontlemondeabesoin,cen'estpasd'unepurge,c'estdegensbien
pouréquilibrerlabalance.Etvousvoulezlesmassacrer!Malachi ladévisageapendantquelques instantsavecunesurprisesincère,commesi la forcedeses
convictionsledéconcertait.—Debienbellesparolesvenantd'unefilleprêteàtrahirsonpère.Sansluilâcherlepoignet,illapoussabrutalementdevantlui.—JemedemandesiValentinm'envoudraitbeaucoupdetedonnerune...Claryne sut jamais la suite.Le corbeau s'interposa entre eux, les ailes déployées, et creusa de ses
serresunsillonsanglantsur la jouedeMalachi.LeConsul lâchaClaryenpoussantunhurlementetsecouvrit la tête de ses bras,mais l'oiseau revint à la charge en lui donnant deméchants coupsdebec.Malachireculaenagitantlesbrasetheurtalecoind'unbancquitombaparterreenl'entraînantaveclui.Privéde sonéquilibre, il s'étalade tout son longavecuncri étrangléquimourutbrusquement sur seslèvres.Claryaccourut.Unemaredesangseformaitdéjàautourde la têtedeMalachi. Ilétait tombésurun
amasde débris provenant de la verrière, et un fragment de verre cassé lui avait tranchénet la gorge.Hugo décrivait des cercles au-dessus du cadavre en poussant des croassements triomphants ;apparemment,iln'avaitpaspardonnéauConsulsescoupsdepied.Malachin'auraitpasdûs'attaqueràunecréaturedeValentin,songeaClaryavecaigreur.Lecorbeaun'étaitguèreplusclémentquesonmaître.MaisClaryn'avaitpasletempsdepenseràMalachi.D'aprèsAlec,desbouclierscernaientlelacet,si
quelqu'unsetéléportaitdanslesparages,ildéclencheraitl'alarme.Valentinétaitprobablementdéjàsurles lieux, il n'y avait donc pas uneminute à perdre,Après s'être prudemment éloignée à reculons ducorbeau,Clarys'élançaverslaportedelaGrandeSalleetlechatoiementduPortailau-delà.
20.L’équilibreDeLaBalance
LECONTACTDEL'EAUGLACIALEluifitl'effetd'unegifle.Tandis,qu'ellecoulaitàpic,sapremièrepenséefut que le Portail s'était déréglé et qu'elle resterait à jamais prisonnière des limbes obscurs quis'étendaiententrelesdeuxmondes.Sadeuxièmepenséefutqu'elleétaitdéjàmorte.Ellenerestaprobablementinconscientequequelquessecondes,etpourtantellecrutquetoutétaitfini.
Lorsqu'elle revintàelle, ellegisait sur la terrehumideet lesétoilesbrillaientcommeunepoignéedepiècesd'argentéparpilléesdanslecielnocturne.Unliquidesaumâtreluiemplissaitlabouche.Tournantlatête,elletoussaetcrachajusqu'àcequ'elleaitretrouvésonsouffle.Lorsque les spasmes de son estomac se furent calmés, elle roula sur le côté. Ses poignets étaient
emprisonnésparunhalolumineux,elleavait lesjambeslourdes,étrangementengourdies,etsapeauladémangeait comme si elle subissait l'assautd'unmillierd'aiguilles.Elle sedemanda si c'était un effetsecondairedesonséjourdansl'eau.Sanuquel'élançaitcommesiuneguêpel'avaitpiquéeàcetendroit.Elleseredressaavecungémissement,lesjambesétenduesdevantelle,etjetaunregardàlaronde.Elle se trouvait sur la berge sablonneuse du lacLyn.Derrière elle se dressait une falaise en roche
noire,qu'elleserappelaitavoirvuelapremièrefoisavecLuke.Lesable,lui-mêmed'uneteintesombre,scintillaitàlalumièredestorchesdisposéesçàetlà,quiprojetaientdesligneslumineusessurlasurfacedulac.Aquelquesmètresdel'endroitoùelleavaitéchouésetrouvaitunauteldefortunefaitdepierresplates
empiléesenhâteetcimentéesavecdusablehumide, sur lequel trônaitunobjetqueClary reconnutdupremiercoupd'œil:laCoupeMortelle.Poséeentraversduprécieuxrécipient,l'ÉpéeMortellebrillaittelle une flammenoire dans la lumière.Tout autour de l'autel, on avait tracé des runes dans le sable.Clarylesexaminapendantquelquesinstantssansparveniràendéchiffrerlesens...Une ombre s'étira soudain sur le sable : la silhouette allongée d'un homme tremblotait à la lueur
vacillantedestorches.QuandClarylevalatête,ilsedressaitau-dessusd'elle.Valentin.Envoyant sonpère,ellen'éprouvaaucuneémotion.Sonvisagesedétachait sur l'obscurité telleune
lunepâle,austère,avecdeuxyeuxnoirsetperçantsenfoncéscommelescratèresd'unemétéorite.Sursaveste,dessanglesdecuir retenaientunebonnedizained'armesémergeantdesondos tels lespiquantsd'unporc-épic. Il lui semblait immense toutàcoup,semblableà lastatue terrifianted'undieuguerrieraffamédedestruction.
— Tuasprisunrisqueentetéléportantjusqu'ici,Clarissa,lança-t-il.Unechancequejet'aieaperçuedans l'eau. Sansmoi, tu te serais noyée. A ta place, je ne compterais pas trop sur les boucliers quel'Enclaveadisposéstoutautourdulac.Jelesaineutralisésdèsmonarrivée.Personnenesaitquetuesici.«Jenevouscroispas!»:Claryouvritlabouchepourluicrachercesmotsàlafigure;aucunsonn'en
sortit.Elleeutsoudainl'impressionderevivrel'undecescauchemarsoùelleessayaitenvaind'appeleràl'aide.Valentinsecoualatête.— Netefatiguepas.J'aiappliquésur tanuqueunerunedesilence,unedesMarquesqu'utilisent les
Frères Silencieux. Jeme suis servi d'une autre rune pour te lier les poignets et d'une troisième pourparalysertesjambes.Sij'étaistoi,jen'essaieraispasdemelever:tesjambesneteportentplus,ettuteferaismal.
Claryluijetaunregardhaineux,maisilneparutpass'enapercevoir.— Cela aurait pu être pire, tu sais.Quand je t'ai traînée sur le rivage, le poison du lac avait déjà
commencésonœuvre.Jet'aiguérie,aufait.Surtout,nemeremerciepas.(Ilébauchaunsourire.)Toietmoi,nousn'avonsjamaiseudevraieconversation,n'est-cepas?Tudoistedemanderpourquoijenet'aijamaistémoignéd'intérêt.Aprèstout,jesuistonpère.Sijet'aiblessée,jem'enexcuse.Sur le visage de Clary, la haine laissa place à l'incrédulité. Comment pouvaient-ils avoir une
conversationsielleétaitprivéedel'usagedelaparole?Elletentadeformulersapensée,maisseulunfaiblesoupirs'échappadeseslèvres.Valentinsetournaversl'auteletposalamainsurl'ÉpéeMortelle.Unhalodelumièrenoireémanaitde
lalamecommesielleaspiraitlalumièreautourd'elle.—J'ignoraisquetamèreétaitenceintequandellem'aquitté,poursuivitValentin.Clarysongeaqu'ilneluiavait jamaisparléainsi.Ils’exprimaitd'untoncalmeetsemblaitd'humeur
loquace,maisilyavaitautrechosequidétonnaitchezlui.— J'avais remarqué qu'elle n'allait pas bien. Elle s'imaginait pouvoir me cacher qu'elle était
malheureuse.J'aiprisdusangàIthuriel,j'enaifaitdelapoudreetjel'aimélangéeàsanourrituredansl'espoirqu'illaguériraitdesamélancolie.Sij'avaissuqu'elleattendaitunenfant,jemeseraisabstenu.J'avaisdéjàrésoludeneplustenterd'expériencesurmaprogéniture.«Menteur!»voulaitcrierClary.Cependant,ledoutes'insinuaitenelle:etsi,pourunefois,ildisait
lavérité?Ilsemblaitdifférent.— Aprèssondépartd'Idris,jel'aicherchéesansrelâchependantdesannées.Etpasseulementparce
qu'elledétenait laCoupeMortelle.Jel'aimais.J'étaispersuadéqu'ilmesuffiraitdeluiparlerpourluifaireentendreraison.Cettenuit-là,àAlicante,j'avaisagidansunaccèsderage:jevoulaisladétruire,anéantirtoutcequenousavionsvécuensemble.Maisaprèscoup,j'ai...Ilsecoualatêteetsetournaverslelac.—Quandj'aienfinretrouvésatrace,j'aiouïdirequ'elleavaiteuunautreenfant,unefille.J'aid'abord
supposéquetuétaisdeLucian.Ill'atoujoursaimée,ilnepensaitqu'àmel'enlever.J'enaiconcluqu'elleavait dû finir par lui céder.Qu'elle avait consenti à procréer avecuneCréatureObscure. (Savoix sedurcit.)Quandjel'aidécouvertedansvotreappartementdeNewYork,elleétaitàdemiconsciente.Ellem'a reprochéd'avoir fait unmonstredenotrepremier enfant ; ellem'avaitquitté avantque j'inflige lemême sort au second. Puis elle s'est évanouie dans mes bras. Après toutes ces années passées à lachercher, je n'avais partagé avec elle que ces quelques secondes au cours desquelles elle m'avaitdévisagéavec,dansleregard,toutelahainedumonde.J'aicomprisquelquechoseàcemoment-là.IllevaMaellartachdanssamain.Clarysesouvintàquelpointelleétaitlourde,etvitlesmusclesdu
brasdeValentinsaillircommedescordessoussapeau.— J'aicompris, reprit-il,qu'ellem'avaitquittépour teprotéger.Jonathan,elle lehaïssait,mais toi...
Elle aurait fait n'importe quoi pour t'éloigner demoi, y compris vivre aumilieu des Terrestres alorsqu'elleavaitlemaldupays,j'ensuisconvaincu.Elleadûregretterdenepaspouvoirt'éleverdansnostraditions.Tuauraispuaccomplirdegrandeschoses.Tuesdouéepour lesrunes,mais tontalentaétégâchépartonéducationterrestre.Ilabaissal'Épée,dontlapointesetrouvaitmaintenantàquelquescentimètresduvisagedeClary.— J'aisualorsqueJocelynen'accepteraitjamaisdereveniràcausedetoi.Tueslaseulepersonneau
mondequ'elleaitaiméeplusquemoi.Partafauteellemehait.Et,pourcetteraison,leseulfaitdetevoirm'estinsupportable.Clarydétournalatête.S'ildevaitlatuer,ellenevoulaitpasvoirlamortvenir.—Clarissa,ditValentin.Regarde-moi.
«Non.»Ellefixaobstinémentlelac.Au-delàdel'étendued'eau,elledistinguaunefaiblelueurrouge,telleslescendresd'unfeumourant.Lalueurdelabataille.SamèreetLukeétaientlà-bas.Elleseréjouitqu'ilssoientensemble,mêmesiellen'étaitpasauprèsd'eux.«Jenequitteraipasdesyeuxcettelumière.Quoiqu'ilarrivé,c'estladernièrechosequejeverrai.»— Clarissa,répétaValentin.Tuluiressemblestraitpourtrait,tulesais?Tuesleportraitcrachéde
Jocelyne.Elle sentit lemétal froidde l'Épée sur sa joue. Il en appuya lapointe sur sapeaupour la forcer à
tournerlatête.—Jevaisinvoquermaintenant,etjeveuxquetuvoiescela.Clarysentitungoûtamersursa langue.«Jesaispourquoi tuesobsédéparmamère.Tucroyais la
contrôlercorpsetâme,etellet'atournéledos.Tucroyaislaposséderetiln'enétaitrien.Tuaimeraistantqu'ellesoitàtescôtésencemomentmêmepourassisteràtavictoire.Alors,commeellen'estpaslà,tutecontentesdemoi.»Valentinenfonçaplusprofondémentlapointedel'Épéedanssajoue.—Regarde-moi,Clary.Malgréelle,Clarylevalatête;ladouleurétaittropvive,degrossesgouttesdesangperlaientsurson
visageavantd'éclabousserlesable.ValentinexaminalalamedeMaellartach,maculéedesang.Lorsqu'ilreportaleregardsursafille,une
lueurétrangebrillaitdanssesyeux.— IlfautdusangpourcompléterleRituel.J'avaisl'intentiondemeservirdumien,maisentevoyant
émerger du lac, j'ai compris que Raziel m'ordonnait à sa manière d'utiliser celui de ma fille. C'estpourquoi je l'ai purgéde sonpoison.Tu es purifiée à présent.Purifiée et prête.Merci pour ton sang,Clarissa.Et,d'unecertainemanière,ilétaitreconnaissant.Ilavaitdepuislongtempscessédefaireladistinction
entrevolontarismeetcoercition,amourettorture.Alalumièredececonstat,àquoibonlehaïrpuisqu'ilnes'apercevaitmêmepasqu'ilétaitunmonstre?
—Etmaintenant,ajouta-t-il,ilm'enfautunpeuplus.«Unpeuplusdequoi?»pensaClaryaumomentoùilbrandissaitMaellartach.«Biensûr.Cen'est
passeulementmonsangqu'ilveut,c'estmavie.»L'EpéeMortelles'étaitassezrassasiée;elleavaitsansdoutelemêmepenchantpourlesangquesonpropriétaire.Claryvitlalameserapprocherd'elle...Puisvolerdanslesairsetdisparaîtredansl'obscurité.Valentinécarquillalesyeux,contemplasamain
àprésentvide et couvertede sangpuis, levant la tête, il vit, aumêmemomentqueClary, Jacequi setenaitàdeuxpasdelui,uneépéeàlamain.Clarycompritàl'expressionsidéréedesonpèrequeluinonplusnel'avaitpasentenduapprocher.Ellesentitsoncœurseserrer.Dusangséchémaculaitlevisagedujeunegarçon,etunevilainemarque
rouge zébrait sa gorge. Ses yeux étincelaient comme des miroirs et, à la lumière des torches, ilssemblaientaussinoirsqueceuxdeSébastien.
—Tuvasbien,Clary?demanda-t-ilsansquitterValentindesyeux.«Jace!»LecrideClarys'étrangladanssagorge.—Ellenepeutpasterépondre.—Qu'est-cequevousluiavezfait?crachaJaceenmenaçantValentindesonarme.Il recula d'un pas. Son visage ne trahissait pas la peur ; Clary y lut de la dissimulation. Loin de
savourerceretournementdesituation,elleétaitencoremoinsrassuréequequelquesinstantsplustôt.Elles'étaitfaiteàl'idéequ'elleallaitmourirdelamaindeValentinetvoilàqueJacesurgissaitdenullepart.Aprésent,soninquiétudeportaitaussisur lui.Enoutre, ilsemblait...anéanti.Sachemiseenlambeaux
laissaitvoirlesrestesd'uneIratzequin'étaitpasvenueàboutdel'horriblebalafresursapoitrine.Sesvêtementsétaient tachéscommes'il s'était roulépar terre.Maispar-dessus tout,c'était la fixitédesonvisagequieffrayaitClary.
—Jel'aimarquéeavecunerunedesilence.Ellessonttotalementinoffensives.ValentinfixaJaced'unairpresqueavide,commes'ilserepaissaitdesavue.—J'imaginequetun'espasvenuicipourêtrebéniparl'Angeàmescôtés,lança-t-il.L'expression de Jace ne changea pas. Ses yeux rivés sur son père adoptif ne trahissaient aucune
émotion, pas le moindre vestige d'affection ou de nostalgie. Clary n'y lut même pas de la haine. «Seulementdudédain,pensa-t-elle.Unméprisglacial.»
— Je connais vos projets, annonça-t-il. Je sais pourquoi vous voulez invoquer l'Ange et je ne vouslaisseraipasfaire.J'aidéjàenvoyéIsabelleavertirlesautres...
—Aquoibonlesmettreengarde?Ilsnepourrontpasfuir.Valentinbaissalesyeuxsurl'épéedeJace.—Posecette arme,que l'ondiscute. (Il s'interrompit.)Cette épéen'estpasà toi.Elle appartient aux
Morgenstern.—ElleétaitàJonathan,lançaJaceavecunsouriremielleux.Ilestmort.Valentinsefigea.—Tuveuxdire...—Jel'airamasséeaprèsl'avoirtué,repritJace,impassible.—TuastuéJonathan?répétaValentin,sidéré.Commenttuaspu...—C'étaitluioumoi.Jen'avaispaslechoix.—Cen'estpasmaquestion.Valentinsecoualatête.Ilsemblait toujourssonné,commeunboxeurjusteavantdes'effondrersurle
ring.—J'aiélevéJonathan...Jel'aiformémoi-même.Iln'yavaitpasmeilleurguerrier.—Apparemment,si.—Mais...La voix de Valentin se brisa. C'était la première fois que Clary percevait de la faiblesse dans la
facondelisse,imperturbabledecethomme.—Maisc'étaittonfrère.—Non.JacefitunpasversValentin,l'épéetoujourspointéesursoncœur.—Qu'est-ilarrivéàmonvéritablepère?D'aprèsIsabelle,ilestmortaucoursd'unraid.Est-cebienla
Vérité?Est-cequevousl'aveztuécommemamère?Valentin ne semblait pas s'être remis de sa stupéfaction.Clary sentait qu'il luttait pour reprendre le
contrôledelui-même.Refoulait-ilsonchagrinouavait-ilsimplementpeurdemourir?—Jen'aipastuétamère.Elles'estsuicidée.Jet'aisortidesonventre,sansquoituseraismortavec
elle.—Maispourquoiavoirfaitça?Vousn'aviezpasbesoind'unfils,vousenaviezdéjàun!Sous le clair de lune, Jace avait une expression étrange, implacable. Clary avait l'impression de
regarderunétranger.Samainquitenaitl'épéepointéesurValentinnetremblaitpas.—Dites-moi la vérité, poursuivit-il. Je ne veux plus entendre vos salades.Nous ne sommes pas du
mêmesang.Lesparentsmententàleursenfantsmaisvous...vousn'êtespasmonpère.Etjeveuxlavérité.—Cen'était pasun filsqu'ilme fallait, expliquaValentin.C'était un soldat. Jepensaisque Jonathan
seraitcesoldat,maissanaturedémoniaqueavaitprisledessus.Ilétaittropféroce,tropbrutal,pasassez
subtil.Jecraignaismême,alorsqu'iln'étaitpassortidelapetiteenfance,qu'iln'aitpaslapatiencenilacompassionnécessairespourmesuccéderàlatêtedel'Enclave.J'aidoncrefaitunetentativeavectoi.Etavec toi, j'ai eu leproblème inverse.Tuétais tropdoux.Tropempathique.Tu ressentais la souffranced'autruicommesic'étaitlatienne.Tunesupportaismêmepaslapertedetesanimauxdecompagnie.Neteméprends pas, mon fils : je t'aimais pour cela.Mais du fait de ces qualités que je chérissais parailleurs,tudevenaisinutile.
—Alorsjesuistropgentil?Vousrisquezd'avoirunchocquandjevousauraitranchélagorge!— Noussommesdéjàpassésparlà.Tun'enespascapable.Tun'aspaspulefaireàRenwickettune
réussiraspasdavantageici.Valentins'exprimaitd'untonferme,maisClarycrutvoirdelasueurperlersursestempesetàlabase
desoncou.— Vousvoustrompez,objectacalmementJace.Depuisquejevousailaisséfiler,ilnes'estpaspassé
unjoursansquejeleregrette.MonfrèreMaxestmortparcequejen'aipaseulaforcedevoustuercejour-là.Desdizaines,voiredescentainesontpériparcequejemesuislaisséattendrir.JesaisquevousavezprévudemassacrerpresquetouslesChasseursd'Ombresd'Idris.J'ensuisàmedemandercombiendemortsilfaudraavantquejemedécide.Jen'aiaucuneenviedevoustuer,conclut-il.Maiscettefois,jeneflancheraipas.
—Jet'enprie,ditValentin.Jeneveuxpas...—Mourir?Personneneveutmourir,père.Unedernièreparole?LevisagedeJaceétaitserein.C'étaitlevisaged'unangeprêtàaccomplirlajusticedivine.—Jonathan...DusangtachaitlachemisedeValentinàl'endroitoùreposaitlapointedel'épée,etClaryrevitJaceà
Renwick,lesmainstremblantes,tandisquesonpèreleprovoquait.Cettefois,c'étaitdifférent.LamaindeJacenetremblaitplus.EtValentinavaitpeur.
—J'attends,sifflaJace.Quellessontvosdernièresparoles?Valentinlevalatêteetconsidéralegarçondevantluid'unairgrave.—Jesuisdésolé.Jesuisvraimentdésolé.Il tendit lamain comme pour toucher Jace, ouvrit les doigts et, soudain, il y eut un éclair argenté.
QuelquechosefrôlaClarycommeuneballedepistolet.Ellesentitundéplacementd'aircontresajoue,puisValentinrattrapal'objetauvol.C'étaitl'ÉpéeMortelle.Elledessinaunetraînéedelumièrenoiredansl'airaumomentoùValentinla
plantaitdanslecœurdeJace.Ilouvritdegrandsyeux.Uneexpressionincrédulepassasursonvisage,puisilcontemplaMaellartach,dontlemanchedépassaitgrotesquementdesapoitrine.C'étaitunevisionplusbizarrequ'effrayante, qui semblait toutdroit sortied'un cauchemar sansqueueni têtedans lequell'épéeauraitétéunaccessoiredethéâtre.PuisValentinôtalalamedelapoitrinedeJacecommeilauraitdégainéunedagued'unfourreau.Legarçontombaàgenoux.Sonarmeglissadesamainetatterritdanslesablehumide.Il laconsidérad'unairhébété,ouvrit la
bouchecommepourposerunequestion.Unfiletdesangs'écoulalelongdesonmanteausursachemiseenlambeaux.Lasuitesemblasedéroulerauralenti.ClaryvitValentins'agenouillerpourprendreJacedanssesbras.
Illeberçacontreluicommeunpetitenfantenappuyantlatêtecontresonépauleet,l'espaced'uninstant,Clarycrutqu'ilpleurait.Maisquandilrelevalatête,sesyeuxétaientsecs.—Monfils,murmura-t-il.Mongarçon.Letempss'étiraitinterminablement.ValentinserraitJacecontreluienécartantdesonfrontsescheveux
poissésdesang.Ilattenditquesesyeuxsevoilentpuisledéposadélicatementparterreetcroisasesbras
sursapoitrine,commepourmasquerl'horribleblessurequin'enfinissaitpasdesaigner.«Ave...»lança-t-il,maissavoixsebrisaetlesmotsd'adieus'étranglèrentdanssagorge.D'unmouvementbrusque,ilsedétournaetrejoignitl'autel.Immobile,Clarypouvaitàpeinerespirer.Ellepercevaitlesbattementsdesoncœur,etleraclementde
son souffle dans sa gorge sèche.Du coin de l'œil, elle regardaValentin, debout au bord du lac, fairecoulerlesangquimaculaitlalamedeMaellartachdanslaCoupeMortelleenpsalmodiantdesmotsdansune langue inconnue.Bientôt, toutserait fini,etClarys'enréjouissaitpresque.Ellesedemandasielleauraitassezd'énergiepoursetraînerjusqu'àl'endroitoùJacereposaitetseserrercontreluienattendantlafin.Ellecontemplasonvisageimmobile,sesyeuxclos,soncorpsétendusurlesablesouillédesang.N'eûtétél'entaillesursapoitrine,elleauraitpuseconvaincrequ'ildormait.Jace était un Chasseur d'Ombres. Il était mort au combat. Il méritait de recevoir une dernière
bénédiction.Aveatquevale.Les lèvresdeClary formèrent lesmotsen silence.Adieu, JaceWayland.Ellesongeaavectristesseàcepatronymequin'étaitpasvraimentlesien.Valentinluiavaitdonnélenomd'unenfantmortparcequ'àl'époquecelaservaitsesobjectifs.Ilyavaittantdepouvoirdansunsimplenom...Elletournalesyeuxversl'autel.Toutautour,lesruness'étaientmisesàluire.Ellesn'étaientpastrès
différentes de celles qui retenaient Ithuriel prisonnier sous le manoir desWayland.Malgré elle, ellepensaauregardqueluiavaitlancéJaceàcemoment-là,àlaconfiancequibrillaitdanssesyeux.Ilavaittoujours cru en elle.Elle le sentait dans chacunde ses gestes, dans chacunde ses regards. Simon luifaisait confiance, lui aussi, etpourtant il la serrait toujoursdans sesbrascommeunobjet fragile,unefigurineenverre.Jace,lui,laserraitdetoutessesforcessansjamaisseposerdequestion.Illasavaitaussisolidequelui.À présent,Valentin trempait l'Epée ensanglantée dans l'eau du lac en récitant des incantations.Des
ridulesseformaientsurlesflots,commesiunemaingigantesquepromenaitsesdoigtssurlasurface.Clary ferma les yeux.En se remémorant le regard de Jace cette nuit-là, elle ne pouvait s'empêcher
d'imaginercequ'ilpenseraitmaintenantenlavoyantsetraînerjusqu'àluipourmouriràsescôtés.Ilneseraitpasémuparsongeste.Ilseraitfurieuxcontreelled'avoirabandonné.Ilserait...déçu.Elletombaàplatventreetrampasurlesableens'aidantdesesgenouxetdesesmainsliées.Lehalo
lumineuxquiencerclaitsespoignetsluibrûlaitlapeau.Quandelleeutenfinatteintlebordducerclederunes,ellehaletaitsifortqu'ellecraignitqueValentinnel'entende.Pourtant,ilneseretournamêmepas.TenantlaCoupeMortelledansunemainetl'Epéedansl'autre,il
prononçaquelquesmotsressemblantàdugrec,etjetalaCoupeauloin.Elleétincelacommeuneétoilefilantedansl'obscuritéavantd'êtreengloutieparleseauxdulac.Unelégèrechaleurémanaitducerclederunes.Clarydutsetortillerdanstouslessenspouratteindrela
stèle glissée dans sa ceinture. Quand ses doigts se refermèrent sur l'objet, elle poussa un soupir desoulagement. Tenant maladroitement la stèle dans ses deux mains, elle se hissa sur les coudes pourexaminer les runes.Elle sentait leur chaleur contre sonvisage.Valentin s'apprêtait à jeter l'Epéedansl'eau;ilrécitaitlesderniersmotsdusortilèged'incantation.Auprixd'unultimeeffort,Claryenfonçalapointedelastèledanslesableet,prenantgardeànepaseffacerlessymbolesqueValentinavaittracés,semitàdessinerpar-dessusceluiquireprésentaitlenomdesonpère.Ellesemblaitdérisoire,cetterune,de même que le changement qu'elle y apporta. À des années-lumière de la rune d'alliance ou de laMarquedeCaïn,aupouvoirphénoménal.Enfin,épuisée,elleroulasurledosaumomentoùValentínjetaitl'ÉpéeMortelledansleseauxdulac.
Soudain,unimmensegeysers'élevaàl'endroitoùelleétaittombée.Ilyeutunbruitassourdissant,pareilau craquement d'un glacier, le lac sembla s'ouvrir en deux, et l'Ange émergea de la brèche.Clary ne
savaitpasvraimentàquois'attendre,sicen'estàunerépliqued'Ithuriel.Or,ilavaitétéravagépardesannéesdecaptivitéetdetorture.Enrevanche,cetange-làétaitaufaîtedesagloire.Elledétournalatête,éblouiecommesielleavaitessayéderegarderlesoleil.LesmainsdeValentínétaientretombéeslelongdesoncorps.Ilavaitlesyeuxlevésetsurlevisage
l'airextasiédel'hommequivoitsonplusgrandrêveseréaliser.«Raziel»,murmura-t-il.L'Angecontinuait à s'élever et le lac refluait sous lui, révélantunehaute colonnedemarbre en son
milieu.Aprèslatêteauréoléed'unemassedecheveuxd'oretd'argent,lesépaulesdel'Angeémergèrent,blanchescommelapierre,puissontorsenu.Clarys'aperçutalorsqu'àl'imagedesNephilimilavaitlapeau couverte de runes, sauf que les siennes brillaient d'un éclat doré et s'animaient sur sa peau pâlecomme lesétincellesd'un feu.Étrangement, l'Ange semblait à la fois immenseetpasplusgrandqu'unhommeordinaire.Aumomentouil terminaitsonascension,sesailessedéployèrentau-dessusdu lac ;ellesaussisemblaientfaitesd'or,etchacunedeleursplumesétaitornéed'unœilouvert.C'étaitunevisionà la foismagnifiqueet terrifiante.Malgréelle,Claryn'arrivaitpasàdétourner la
tête.Elleregarderaitdoncjusqu'aubout,pourJace,quiluinelepouvaitpas.«C'estexactementcommesurlesimages»,songea-t-elle.L'Angeémergeantdulacavecl'Épéedans
une main et la Coupe dans l'autre. Si les deux précieux objets ruisselaient d'eau, Raziel quant à luidemeuraitentièrementsec.Sespiedsblancsetnusformaientdesridulessurlasurfacedulac.IltournasonbeauvisageinhumainversValentin,etpritlaparole.Savoixévoquaittoutàlafoisunesériedecrisaigusetdesnotesdemusique.Ilneformulaitpasdesmots,etcependantilétaitparfaitementintelligible.LapuissancedesonsoufflefitpresquetomberValentinàlarenverse;ilenfonçalestalonsdesesbottesdanslesableet tournalatêtecommes'ilaffrontaitunventviolent.Clarysentitelleaussi lesouffledel'Angepassersurelle,chaudcommel'airs'échappantd'unefournaise,avecuneodeurd'épicesinconnues.Ladernièrefoisquel'onm'ainvoquéicimême,c'étaitilyamilleans.Cejour-là,JonathanShadowhunter
m'a imploré demêlermon sang à celui desmortels dans une coupe afin de créer une race de guerrierssusceptiblesdedébarrassercetteterredesesdémons.Aprèsavoiraccédéàsarequête,j'aidécrétéquejeneluiaccorderaisriendeplus.Queveux-tuàprésent,Nephilim?
— Mille ans se sont écoulés, ôGlorieux, réponditValentin avec empressement, et les démons sonttoujourslà.Quepuis-jeyfaire?Pourunange,milleansreprésententàpeineunbattementdecils.— LesNephilimquetuascréésétaientunegranderaced'hommes.Pendantdenombreusesannées,ils
ontcombattubravementpouréradiquer lesdémon.Mais ilsont finiparéchouer,car la faiblesseet lacorruptionavaientgagnéleursrangs.J'ail'intentiondeleurrestituerleuranciennegloire...Gloire?répétal'Ange,vaguementintrigué.Lagloiren'appartientqu'àDieu.Valentinneselaissapasimpressionner.— L'Enclave que les premiers Nephilim ont créée n'existe plus. Ils se sont alliés aux Créatures
Obscures, ces demi-démons qui infestent lemonde commede la vermine sur le cadavre d'un rat. J'ail'intentiondelepurgerendétruisanttouteslesCréaturesObscuresettouslesdémons...Les démons n'ont pas d'âme, contrairement aux créatures dont tu parles. Il me semble que tes lois
concernantl'appartenanceaugenrehumainsontplusstrictesquelesnôtres.Clarycrutpercevoirdel'agacementdanslavoixdel'Ange.Essaierais-tudedéfierlespuissancescélestescommecetteautreÉtoileduMatindont tuporteslenom,
Chasseurd'Ombres?—Non,seigneurRaziel.Aucontraire,jeveuxm'allieràelles...
Pourmenertapropreguerre?C'estaucielquetut'adresses,Chasseurd'Ombres.Nousnenousmêlonspasdevosluttesterrestres.LorsqueValentinrepritlaparole,ilsemblaitpresquevexé.—SeigneurRaziel,tun'auraispaspermisl'existencedeceRituelsitun'acceptaispasd'êtreinvoqué.
NousautresNephilimsommestesenfants.Nousavonsbesoindetesconseils.Mesconseils?—Aprésent,l'Angeparaissaitouvertementamusé.Cen'estpaspourcelaquetum'asappelé,ilmesemble.C'esttaproprerenomméequit'intéresse.—Marenommée?répétaValentínd'unevoixrauque.J'ai toutsacrifiéàcettecause.Mafemme.Mes
enfants.Jen'aipasépargnémesfils.J'aidonnétoutcequejepossédais.Tout!L'Ange toisa Valentín de ses yeux étranges, inhumains. Ses ailes s'agitèrent lentement comme des
nuagestraversantleciel.Dieuaexigéd'Abrahamqu'ilsacrifiesonfilssurunautelàpeuprèsidentiqueàcelui-cidanslebutde
savoirquiilaimaitleplus.Personnenet'ademandédesacrifiertonfils,Valentín.Valentínbaissalesyeuxversl'auteléclaboussédusangdeJace.—S'illefaut,jet'yobligerai.Maisjepréféreraisquetum'exaucesmonsouhaitdetonpleingré.QuandJonathanShadowhunterm'aappelé,jeluiaioffertmonassistanceparcequesonrêved'unmonde
sansdémonsmesemblaitlégitime.Ils'imaginaitleparadissurterre.Maistun'esmotivéqueparlagloire,ettunevénèrespaslespuissancescélestes.MonfrèreIthurielpeutentémoigner.Valentín,blêmit.—Mais...Tucroyaispeut-êtrequejenelesavaispas?L'Angesourit.C'étaitlesourireleplusterriblequeClaryaitjamaisvu.C'estvrai,lemaîtreducerclequetuastracépeutmecontraindreàluiobéir.Maiscemaître,cen'estpastoi.Valentinouvritdegrandsyeux.—SeigneurRaziel,iln'yapersonned'autre..Si,répliqual'Ange.Tafille.Valentin fitvolte-face.Etenduesur le sable,àdemiconsciente,Clary ledéfiadu regard.Etpour la
premièrefoiselleeutl'impressionqu'illavoyaitvraiment.—Clarissa!Qu'est-cequetuasfait?Clary tendit lamainet traçadudoigt,nonpasdessymboles,maisdesmotsdans le sable.C'étaient
ceuxquesonpèreavaitprononcésenvoyantlarunequiavaitdétruitsonbateau.Menemenetekelupharsin.Ilécarquillalesyeux,commeJacejusteavantdemourir.Blanccommeunlinge,ilsetournalentement
versl'Angeet,d'ungesteimplorant,levalesmains.—SeigneurRaziel...L'Angeouvrit laboucheetcracha.Oudumoinsc'est l'impressionqu'eutClary.Unrayonde lumière
blanche,pareilàuneflècheenflammée, jaillitdeses lèvreset traversa lapoitrinedeValentin,commeunepierre transperçantune feuilledepapier, en laissantun trou fumantgroscomme lepoing.Pendantquelquessecondes,Claryputvoiràtraverslelacet,au-delà,lehaloaveuglantdel'Ange.Puis,Valentins'effondra,droitcommeunarbre,ets'immobilisasurlesol,laboucheouvertesuruncriinarticulé,uneexpressionincrédulefigéeàjamaisdansleregard.Lajusticedivineaétérendue.J'espèrequetuessatisfaite.
Clarylevalesyeux.L'Angesedressaitau-dessusd'elletelleunecolonnedefeupâlemasquantleciel.Sesmainsétaientvides;laCoupeetl'Épéeétaientposéessurlaberge.Jepeuxaccéderàuneseuledetesexigences,ClarissaMorgenstern.Quelesttonsouhait?Claryouvritlabouchemaisaucunsonn'ensortit.Ahoui, fit l'Angeavecdouceur.Larune.Les innombrablesyeuxde ses ailes clignèrent.Un souffle
plus légerqu'unmurmureouque le frôlementd'uneplumepassa surClary. Il transportait avec luiuneodeuragréable,entêtanteetsucrée.Ladouleurdanssespoignetssecalmaetsesmainsretombèrentle longdesoncorps.Lepicotement
dans sanuquedisparut lui aussi, ainsique la lourdeurdans ses jambes.Elle se redressaàdemi.Ellen'avait qu'un souhait, ramper sur le sable jusqu'au cadavrede Jace et s'étendre à côtéde lui, les brasautour de son cou.Mais la voixde l'Ange la rappela à l'ordre ; immobile, elle leva les yeuxvers salumière.Labatailledanslaplainetoucheàsafin.Morgensternn'aplusd'empiresursesdémons.Laplupartontdéjà
fui;ceuxquirestentserontbientôtanéantis.Encemomentmême,desNephilimsontenrouteverslelac.Situasunerequête,Chasseused'Ombres,parlemaintenant.(L'Angemarquaunepause.)Etsouviens-toiquejenesuispaslegéniedelalampe.Choisisavecsagesse.Claryn'hésitaqu'unbrefmoment,mais il lui semblauneéternité.La tête lui tournait :elleauraitpu
demandern'importequoi,mettreuntermeàtouteslessouffrances,auxmaladiesouàlafaim,exigerlapaixsurterre.Maislàencore,peut-êtrequ'iln'étaitpasduressortdesangesd'exaucerpareilsvœux,ouils auraient déjà été accordés. Peut-être que les hommes étaient censés trouver les solutions par eux-mêmes,Çan'avaitaucuneimportance,detoutemanière.Iln'yavaitqu'unseulchoixquis'imposaitàelle.Ellelevalesyeuxversl'Angeetdit:—Jace.Razieldemeuraunlongmomentimpassible.Claryn'auraitsudiresisarequêteavaittrouvégrâceàses
yeuxet,surtout,pensa-t-elledansunaccèsdepanique,s'ilavaitl'intentiond'yaccéder.Fermelesyeux,ClarissaMorgenstern,dit-ilenfin.Clarys'exécuta.Onnedisaitjamaisnonàunange,quellesquesoientsesexigences.Lecœurbattant,
ellese laissadériverdansles ténèbresquis'étendaientderrièresespaupièresens'efforçantdenepaspenserà Jace.Pourtant, sonvisage s'imprimasur l'écranvidede ses rétines. Il l'observaitducoindel'œil,levisagegrave.Elledétaillalacicatricesursatempe,lepliaucoindesabouche,labalafresursagorge,àl'endroitoùSimonl'avaitmordu,bref,touteslespetitesimperfectionsquilecaractérisaient.Unelumière éblouissante teinta l'écran de rouge, et elle retomba dans le sable, sans savoir si elle allaittournerdel'œilourendresonderniersouffle.Or,ellenevoulaitpasmourir,non,pasmaintenantqu'ellevoyait Jacedevant elle.Elle pouvait presque l'entendre l'appeler dansunmurmure, répéter, encore etencore,commeàRenwick,sonseulprénom.Clary.Clary.Clary.
—Clary.Ouvrelesyeux.Clary obéit. Elle gisait sur le sable dans ses vêtements déchirés, trempés, couverts de sang. Rien
n'avait changé, en apparence. Sauf que l'Ange avait disparu, et avec lui la lumière éblouissante quiéclairaitlecielcommeenpleinjour.Levantlesyeuxverslesétoilespâlesscintillantcommedesmiroirsdans l'immensiténoire,ellevit,penchéau-dessusd'elle,Jacequi lacontemplait,etsonregardbrillaitplusintensémentquetoutlefirmament.Claryobserva avidement lesmoindresdétails de son apparence : ses cheveuxemmêlés, sonvisage
saleetbarbouillédesang,sesyeuxétincelantssouslacouchedecrasse,sesbleusvisiblesàtraversses
manchesenlambeauxetledevantdesachemisedéchirée.Rien,paslamoindreégratignure.—Tuesvivant,murmura-t-elle.Ileffleurasonvisageetréponditàmi-voix:—J'erraisdanslenoir.J'étaisuneombreparmilesombres.Jesavaisquej'étaismort,quetoutétaitfini.
Etsoudain,jet'aientendueprononcermonnom.Tum'asramené.—Non,ditClary,lagorgenouée.C'estl'Ange.—Parcequetuleluiasdemandé.Duboutdesdoigts,ilsuivitlecontourdesonvisage,commepours'assurerqu'elleétaitbienréelle.—Tuauraispuavoirn'importequoi.Ellesourit.—Maisjenevoulaisriend'autrequetoi.Acesmots,leregarddeJaces'éclaira.Clarysongeaàl'Ange,àlalumière,éblouissantecommel'éclat
d'unmillierdetorches,quiémanaitdelui.An'enpasdouter,lemêmesangincandescentcoulaitdanslesveinesdeJace.
«Jet'aime,voulait-elledire.Ets'ilfallaitrecommencer,c'estencoreettoujourstoiquejeréclameraisàl'Ange.»Pourtant,cefurentd'autresmotsquifranchirentseslèvres.
—Tun'espasmonfrère,annonça-t-elleavecunpeutropd'empressement.Tulesais,non?Soussonmasquedecrasseetdesang,Jaceeutunpetitsourire.—Oui.Jesais.
EPILOGUE
DesÉtoilesDansLeCiel
Jet'aimais;c'estpourquoi,tirantdemesmainscesmaréesd'hommes,j'aitracéen
étoilesmavolontédansleciel.T.E.Lawrence
Lafumées'élevaitenspiralesindolentes,zébrantleciellimpidedelignesdélicates.Assisseulsurla
collinequisurplombaitlecimetière,Jaceregardaitlemincerubannoirmonterdansl'azur.L'ironiedelasituationneluiavaitpaséchappé.C'étaientlesrestesdesonpère,aprèstout.Delàoùilsetrouvait,ilvoyaitlabièrevoiléeparunrideaudeflammesetdefumée,ainsiquelepetit
groupequis'étaitrassemblétoutautour.IlrepéralachevelureincandescentedeJocelyne,etLukequisetenaitprèsd'elle,unemainposéesursondos.Elleavaitdétournélatêtedubûcherfunéraire.Jaceauraitpusejoindreàeuxs'ill'avaitvoulu.Ilavaitpassélesdeuxderniersjoursàl'infirmerie,et
onl'avaitlaissésortirdanslamatinéepourqu'ilpuisseassisterauxfunéraillesdeValentin.Mais,àmi-chemindubûcher,ilavaitcomprisqu'iln'iraitpasplusloin.Alorsilavaitfaitdemi-tourets'étaitréfugiéausommetdelacolline,àl'écartducortègefunèbre.Lukel'avaitappelédeloin,maisJacenes'étaitpasretourné.Il les avait regardés s'assembler autourde labière tandisquePatrickPenhallow,dans sonhabit de
deuilblanc,enflammaitlebûcher.C'étaitlasecondefoiscettesemainequeJacevoyaituncadavrebrûler.L'incinérationdupetitcorpsdeMaxavaitétéunspectacledéchirant;Valentin, lui,en imposaitencore,mêmeétendu sur le dos, les bras croisés sur la poitrine, unpoignard séraphique fichédans sonpoingfermé.Unbandeaudesoieblancheluirecouvraitlesyeux,commel'exigeaitlacoutume.Ilss'étaientbienoccupésdelui,malgrétout.Sébastienn'avaitpaseude funérailles.UngroupedeChasseursd'Ombresavaitétédépêchédans la
vallée,sanspouvoirretrouversoncorps.Emportéparlesflots,avaient-ilsexpliquéàJace.Ilnourrissaitquelquesdoutesàcesujet.IlavaitvainementcherchéClarydanslafouleréunieautourdelabière.Celafaisaitmaintenantpresque
deux jours qu'il ne l'avait pas vue, et il ressentait le manque presque physiquement. Cette séparationn'étaitpaslefaitdeClary.Cesoir-là,elleavaitcraintqu'iln'aitpaslaforcederentreràAlicanteparlebiaisduPortail,etelleavait raison.A l'arrivéedespremiersChasseursd'Ombres, ilavaitdéjàglissédansunsemi-coma.Ils'étaitréveillélelendemaindansl'hôpitaldelaville.Assisàsonchevet,MagnusBanel'observaitd'unairétrange.Difficilededire,avecMagnus,sic'étaitdel'inquiétudeoudelasimplecuriosité.Lesorcierluiavaitexpliquéque,mêmesil'Angel'avaitsauvé,ilavaitététellementéprouvépsychologiquementqueseullereposl'aideraitàguérir.Entoutcas,ilsesentaitmieux,àprésent.Pileàtempspourlesfunérailles.
Levents'étaitlevé,éloignantlafumée.Auloin,ildistinguaitlestoursscintillantesd'Alicante,dontlagloireavaitétérestaurée.Ilignoraitaujustecequ'ilespéraitenrestantassislààregarderlecorpsdesonpèrepartirencendres.Qu'aurait-ilditaumomentdeprononcerquelquesmotsd'adieu,s'ils'étaitjointaucortège ?«Tun'as jamais étémonpère»ou : «Tu es le seul pèreque j'aie jamais eu» ?Lesdeuxphrases,bienquecontradictoires,étaientaussivraiesl'unequel'autre.Quandilavaitouvertlesyeuxauborddulac,sachantconfusémentqu'ilétaitmortetque,soudain,on
luiavaitrendulavie,sapremièrepenséeavaitétépourClary,étendueprèsdeluisurlesablepoissédesang, les yeux clos. Paniqué, il avait rampé jusqu'à elle, pensant qu'elle était blessée, voiremorte, etquandelleavaitouvertlesyeuxàsontour,ilavaitéprouvéunimmensesoulagement.Pasuneseconde,iln'avait songéàValentin. Il avait falluque lesautresarriventenpoussantdesexclamationsdesurprisepourqu'ilremarquesoncorpsrecroquevilléauborddulac.Ilavaiteul'impressionderecevoiruncoupdepoingdansl'estomac.IlsavaitdéjàqueValentinétaitmort,ill'auraittuélui-mêmes'ill'avaitfallu,etcependant,lavuedesoncadavreluiavaitserrélecœur.Claryl'avaitobservétristement,etilavaitsentiàcetinstantque,malgrésahainejustifiéepourValentin,elleavaitdelapeinepourlui.Ilfermalesyeuxàdemietunflotd'imagesdéfiladerrièresespaupières:Valentinlesoulevantdans
ses bras, Valentin le tenant par les épaules à l'avant d'une barque voguant sur un lac et lui montrantcomment garder l'équilibre. D'autres souvenirs, moins heureux, resurgirent : Valentin le frappant auvisage,lefauconmort,l'angeenchaînédanslacavedesWayland.
—Jace.Illevalesyeux.LasilhouettedeLukesedétachaitsurleciellimpide.Ilportaitunjeanetsonéternelle
chemiseenflanelle;pasquestionpourluidesacrifieràlatenueblanchededeuil.—Lacérémonieestterminée,annonça-t-il.Çan'apastraîné.—J'imagine.Quelqu'unaditquelquechose?—Justelesformuleshabituelles.Lukes'assitparterreentressaillantdedouleur.Jaceneluiavaitpasdemandécomments'étaitdéroulée
labataille;celanel'intéressaitpasvraiment.Ilsavaitjustequ'elles'étaitfinieplustôtqueprévu:aprèslamort deValentin, les démons qu'il avait invoqués avaient disparu dans la nuit comme de la brumedisperséepar le soleil.Celane signifiaitpaspourautantqu'iln'yavaitpaseudepertes.LecorpsdeValentinn'avaitpasétéleseulàbrûlercesderniersjours.
—EtClary...Ellen'estpasvenue?—Non,ellen'enavaitpasenvie.JacesentitqueLukel'observaitàladérobée.—Tunel'aspasvue?s'enquit-il.—Non,pasdepuislelac.Ilsm'ontlaissésortirdel'hôpitalaujourd'huipourassisterauxfunérailles.—Tun'étaispasobligédevenir.—Peut-être,maisj'enavaisenvie,admitJace.Quoiqu'onendise.— Lesfunéraillessontpourlesvivants,Jace,paspourlesmorts.Valentinétaitplustonpèrequecelui
de Clary, malgré les liens du sang. C'est toi qui devais lui dire adieu, pas elle. C'est à toi qu'il vamanquer.
—J'ail'impressionquejen'aipasledroitd'avoirdelapeine.— Tun'aspasconnuStephenHerondale.EtquandRobertLightwoodestentrédans tavie, tun'étais
déjàplusvraimentunenfant.C'estValentinquit'aélevé.C'estnormalqu'iltemanque.—Jen'arrêtepasdepenseràHodge.Cettenuit-là,àlaGarde,jeluiaidemandépourquoiilnem'avait
jamais révélé qui j'étais - à ce moment-là, je croyais encore que j'étais en partie démon - et il m'aréponduqu'iln'étaitpasaucourant.J'étaispersuadéqu'ilmentait.Maismaintenant, jepensequ'ilétaitsincère.Ilétaitl'undesraresàsavoirquel'enfantdesHerondaleavaitsurvécu.Amonarrivéeàl'Institut,
ilnesavaitpasquij'étais,desdeuxfilsdeValentin.Lefilsbiologiqueoulefilsadoptif.J'auraispuêtreautantl'unquel'autre,aprèstout.L'angeouledémon.Amonavis,ilnel'asuqu'envoyantJonathanàlaGarde.C'est alors qu'il a compris.Bref, pendant toutes ces années, il a essayéde faire de sonmieuxjusqu'àcequeValentinsemanifestedenouveau.Celarequéraitunecertaineconfiance,tunecroispas?
—Si,réponditLuke.— D'après Hodge, l'éducation faisait parfois la différence, au mépris du sang. Je n'ai pas pu
m'empêcher de penser que, si j'étais resté avec Valentin, s'il ne m'avait pas envoyé vivre avec lesLightwood,j'auraispeut-êtrefinicommeJonathan.
—Est-ceque c'est si important ?Si tu veuxmonavis,Valentin t'a confié auxLightwoodparcequ'ilsavaitquec'étaitlameilleuresolutionpourtoi.Peut-êtrequ'ilavaitd'autresraisons.Maistunepeuxpasnierqu'ilt'aconfiéàeuxensachantqu'ilstechériraient.C'estpeut-êtrel'undesraresbeauxgestesqu'ilaiteuspourquelqu'un.Ataplace,jem'ensouviendrais.Acesmots,Luke lui donnaune claque sur l'épaule.Songeste était si paternelque Jace réprimaun
sourire.
Postéedevantlafenêtredelachambred'Isabelle,Claryregardaitlerubandefumées'éleverdansle
cield'Alicante.Aujourd'hui,onincinéraitlecorpsdeValentin,sonpère,danslanécropoleàl'écartdelaville.
—Tuesaucourantpourlafêtedecesoir,n'est-cepas?Seretournant,ClaryvitIsabelles'avancerentenantdeuxrobesdevantelle,l'unebleueetl'autregris
acier.—Atonavis,laquellejedevraisporter?reprit-elle.PourIsabelle,lesvêtementsseraienttoujoursunethérapie.—Lableue.Isabelleposalesrobessurlelit.—Ettoi,qu'est-cequetucomptesmettre?Clary songeaà la robeen tulle argenté rangéeau fondde lamalled'Amatis.Ellen'accepterait sans
doutejamaisdelaluiprêter.—Jenesaispas.Probablementunjeanetmonmanteauvert.—C'estnul,répliquaIsabelle.Ellejetauncoupd'œilàAlinequilisait,assisedansunfauteuilprèsdulit.—Tunetrouvespasçanul,toi?—JecroisquetudevraislaisserClaryportercequ'elleveut,réponditcelle-cisansleverlesyeuxde
sonlivre.Etpuis,cen'estpascommesielledevaits'habillerpourquelqu'un.—EtJace?lançaIsabellecommesic'étaituneévidence.Alinelevalesyeux,l'airconfus,puissourit.—Ahoui.J'oubliesansarrêt.Çaadûtefairebizarre,non,d'apprendrequ'iln'étaitpastonfrère.—Non,réponditClaryd'untonferme.C'étaitl'inversequiétaitbizarre.Ellereportaleregardverslafenêtre.—Lehic,c'estquejenel'aipasrevudepuisquej'aiapprislanouvelle.—C'estcurieux,observaAline.—Pasdutout!s'exclamaIsabelleenjetantàAlineunregardlourddesous-entendus,cedontcelle-ci
neparutpass'apercevoir.Ilétaitàl'hôpital.Iln'estsortiqu'aujourd'hui.—Etiln'estpasvenutevoiraussitôt?demandaAlineàClary.
—Ilnepouvaitpas.IldevaitassisterauxfunéraillesdeValentin.—Peut-être...lançaAlined'untonjovial.Àmoinsqu'ilnes'intéresseplusàtoimaintenantquecen'est
plusinterdit.Certainsgarçonsnes'intéressentqu'àcequ'ilsnepeuventpasavoir.—Jacen'estpasdeceux-là,répliquaIsabelle.Alineselevaetjetasonlivresurlelit—Jedevraisallerm'habiller.Àcesoir,lesfilles.Surcesmots,ellesortittranquillementdelapièceenfredonnant.Isabellelasuivitdesyeuxetsecoualatête.—Tucroisqu'elleestjalouse?Jaceluiplaisait,j'ail'impression.—Bah!fitClary,unrienamusée.Non,Alinenes'intéressepasàlui.Ellefaitjustepartiedecesgens
quidisenttoutcequileurpasseparlatête,àmonavis.Peut-êtrequ'ellearaison.Isabelleôta l'épinglequi retenait sescheveuxet rejoignitClarydevant la fenêtre.Aprésent, le ciel
étaitdégagéau-delàdestours;lafumées'étaitdissipée.—Ettoi,tupensesqu'ellearaison?—Jen'ensaisrien.IlfaudraquejeposelaquestionàJace.J'imaginequejeleverraicesoiràlafête.
Qu'est-cequ'ilyadeprévu?—Undéfiléetunfeud'artifice,probablement.Delamusique,desdanses,desjeux,cegenredetruc.Ce
seraunpeucommeunegrandefêtedequartieràNewYork.Isabelleregardaparlafenêtred'unairmélancolique.—Maxauraitadoré.Clarycaressasescheveuxd'ungestetendre.—J'ensuissûre.
Jacedut frapperplusieurs foisà laportede lavieillemaisonsituéeaubordducanal.Enentendant
enfindespasserapprocher,ilsentitsoncœurbondirdanssapoitrine.Maissonexcitationretombadèsl'instant où la porte s'ouvrit et qu'AmatisHerondale s'encadra sur le seuil, l'air surpris. Elle semblaitprête à partir pour la fête : elle portait une longue robe gris tourterelle et des boucles d'oreilles quifaisaientressortirlesmèchesargentéesdesachevelure.
—Clary,bredouilla-t-ilavantdes'interrompre.Oùétaitdoncpasséesonéloquence?Ilavaittoujourspossédéundonpourlesmotsmais,cesderniers
temps,ilavaitl'impressionqu'onluiavaitouvertlecrânepourleviderdetoutsoncontenu.—Claryestlà?sereprit-il.J'aimeraisluiparler.Amatissecoualatêteetledévisageaavecuneinsistancequilemitmalàl'aise.—Elleestsortie.Jecroisqu'elleestaveclesLightwood.Ilfutétonnéd'êtreaussidéçu.—Oh...Désolédevousavoirdérangée.— Cen'estrien.Jesuiscontentequetusoisvenu,enfait,dit-ellebrusquement.Jevoulaisteparlerde
quelquechose.Entre,jerevienstoutdesuite.Jaces'exécutaetelledisparutdanslecouloir.Ilsedemandacequ'ellepouvaitbienavoiràluidire.
Peut-êtrequeClarynevoulaitplusavoiraffaireàluietqu'elleavaitchargéAmatisdeluitransmettrelemessage.Ellerevintquelquesinstantsplustard.AusoulagementdeJace,elletenaitdanssesmainsnonpasune
lettremaisunepetiteboîteenferfinementouvragée,surlaquelleétaientgravésdesoiseaux.— Lukem'aracontéquetu...queStephenHerondaleest tonpère. Ilm'aexpliquétoutcequis'était
passé.Ne sachant que répondre, Jace hocha la tête. La nouvelle se propageait lentement, et il s'en
accommodait trèsbien.Avecunpeudechance, il serait rentréàNewYorkavantque tout lemondeàIdrisnesemetteàledévisagerenpermanence.
—Tusaisquej'aiétémariéeàStephenavanttamère,poursuivitAmatis,lavoixtenduecommesielleparlaitàcontrecœur.Jacelaconsidérad'unairperplexe.Était-cedoncsamère,lesujetdecetteconversation?Amatislui
envoulait-ellederaviverlesouvenird'unefemmequiétaitmorteavantmêmequ'ilvoielejour?—Parmiceuxquisontencoreenvie,jecroisêtrecellequiconnaissaitlemieuxtonpère.—Oui,ditJace,quiregrettaitdéjàd'êtrevenu.J'ensuissûr.—Jesaisquetuéprouvesdessentimentsmêlésàsonégard.Tunel'asjamaisconnu.Cen'estpasl'hommequit'a
élevé.Vousn'avezpasgrand-choseencommun,hormislacouleurdecheveux...Tesyeux,j'ignoredequitulestiens.Bref, je suis peut-être folle de t'ennuyer avec ça.Tu ne veux probablement pas entendre parler de lui.Pourtant,c'étaittonpère,ets'ilt'avaitconnu...D'ungestebrusque,elleluitenditlaboîte.— Voici quelques-unes de ses affaires que j'ai gardées au fil des ans. Des lettres qu'il a écrites, des
photographies, un arbre généalogique. Sa pierre de rune. Peut-être que tu n'as pas de questions pour lemoment,maisunjour,quisait?Cejour-là,jettes-yuncoupd'œil.D'ungestesolennel,elleluimitlaboîtedanslesmainscommesielleluiconfiaituntrésorprécieux.
Jacel'acceptasansunmot;elleétaitlourde,etlecontactdumétalfroidsursapeau.—Merci,dit-il,àcourtdemots.(Puisilhésitaetreprit:)Ilyaunequestionquejemepose.—Oui?—SiStephenestmonpère,alorsl'Inquisitrice...Imogène...C'étaitmagrand-mère.—Oui...(Amatissetutuninstant.)Unefemmepeucommode.Mais,oui,c'étaittagrand-mère.—Ellem'asauvélavie.Enfin,audébut,ellemehaïssait.Etpuis,avantdemourir,elleavuça.IlécartalecoldesachemiseetmontraàAmatislacicatriceblancheenformed'étoilesursonépaule.—Avotreavis,qu'est-cequeçasignifiaitpourelle?Amatisécarquillalesyeux.—Valentinm'aracontéquejem'étaisblessé,maisquej'étaistropjeunepourm'ensouvenir,repritJace.Jecrois
qu'ilm'amenti.—Cen'estpasunecicatrice,c'estunetachedenaissance.Ilexisteunevieillelégendefamilialeàsonsujet.L'un
despremiersHerondaleàdevenirunChasseurd'Ombresauraitétévisitéparunangedansunrêve.L'angel'auraittouchéàl'épauleet,àsonréveil,ilavaitunemarquesemblableàlatienne.Toussesdescendantsenauraienthérité.(Amatishaussalesépaules.)J'ignoresicettehistoireestvraie,maistouslesHerondaleavaientcettemarque,ycompristonpère.Apparemment,celasignifiequetuauraisétéencontactavecunange.C'estunebénédiction,enquelquesorte.Envoyanttamarque,Imogèneadûdevinertavéritableidentité.Jace regardaAmatis sans la voir : il repensait à cette nuit-là sur le bateau.Lepont noir détrempé,
l'Inquisitriceagonisantàsespieds.—Avantdemourir,ellem'adit:«Tonpèreauraitétéfierdetoi.»J'aicruqu'ellesemoquaitdemoi.
Jepensaisqu'ellefaisaitallusionàValentin.Amatissecoualatête.—ElleparlaitdeStephen.Etelleavaitraison.Ilauraitétéfier.
Enpoussantlaporte,Clarys'étonnaquelamaisond'Amatisluisoitdevenueaussifamilièreensipeu
detemps.Ellen'étaitplusobligéedeseconcentrerpourserappelerlechemin,etellesavaitdésormaisquelaporterésistaitunpeuavantdes'ouvrir.Lesoleilsereflétantsurlecanalfaisaitluiaussipartiedeson quotidien, ainsi que la vue de sa fenêtre. Elle pouvait presque s'imaginer vivre ici, tout en sedemandant cequiviendrait à luimanquer enpremier : lesplats chinois à emporter ?Les films?Lesbandesdessinées?Elle sedirigeaitvers l'escalierquand lavoixde samère luiparvintdu salon.Elle semblait agitée.
Qu'est-ce qui pouvait bien contrarier Jocelyne à ce point ? Tout était rentré dans l'ordre, non? Sansréfléchir,Clarysecollacontrelemurmitoyendusalonettenditl'oreille.
—Commentça,turestes?disaitJocelyne.TunerentresplusàNewYork?— Onm'ademandédem'installeràAlicantepour représenter les loups-garousauConseil,expliqua
Luke.Jemesuisengagéàleurdonnermaréponsecesoir.—Quelqu'unnepourraitpass'enchargeràtaplace?L'undeschefsdemeuted'Idris,parexemple?— Jesuisleseuld'entreeuxàavoirétéunChasseurd'Ombres.C'estmoiqu'ilsveulent.(Ilpoussaun
soupir.)Jesuisàl'originedeceprojet,Jocelyne.Jedoisrestericipourlemeneràterme.Ilyeutunbrefsilence.— Si ça te semble la meilleure solution, alors, bien sûr, tu devrais rester, déclara Jocelyne sans
conviction.— Je vais devoir vendre la librairie etmettre de l'ordre dansmes affaires, annonça Luke d'un ton
bourru.Jenevaispasdéménagertoutdesuite.—Jepeuxm'enoccuper.Aprèstoutcequetuasfait...Al'évidence,Jocelynen'avaitpluslaforcedefeindreledétachement.Ellesetut,etlesilencedurasi
longtempsqueClaryenvisageademanifestersaprésencepourmettrefinàsonsupplice.Uninstantplustard,elleseréjouitdes'êtreabstenue.
—Écoute,ditLuke.Çafaitlongtempsquej'aiquelquechosesurlecœur;jen'aijamaisosét'enparler.Çan'auraitrienchangéquejeteledise,àcausedecequejesuis.TunevoulaispasdeçadanslaviedeClary.Maismaintenantellesaittout,alorsçaneferapasunegrandedifférence.Bref,autanttel'avouer:jet'aime,Jocelyne.Jet'aimedepuisvingtans.Lecœurbattant,Claryattendit la réponsede samère.Mais Jocelynegarda le silence.Auprixd'un
effortmanifeste,Lukerepritlaparole:— Il fautque je retourneauConseilpour leurannoncermadécision.Ne t'inquiètepas,onn'estpas
obligésd'enreparler.Jemesensmieuxdem'êtreconfiéaprèstoutcetemps.ClaryseplaquacontrelemurtandisqueLukesortaitdusalon,latêtebaissée.Illafrôlasanslavoiret
ouvritlaported'entrée.Ilrestaunlongmomentsurleseuilàregarderdistraitementlesoleilsereflétersurleseauxducanal.Puisils'avançaau-dehorsetlaporteserefermaderrièrelui.Clary se tint immobile, dos au mur. Elle se sentait terriblement triste pour Luke et pour sa mère.
Apparemment,Jocelynen'étaitpasamoureusedelui,etsessentimentsnechangeraientprobablementpas.C'étaitunpeucommeentreelleetSimon,saufqu'ellenevoyaitpascommentLukeetsamèrepourraientredresserlasituation.Pass'ilavaitl'intentionderesteràIdris.Leslarmesluimontèrentauxyeux.Elles'apprêtaitàentrerdanslesalonquandelleentenditlaportedelacuisines'ouvrir.Uneautrevoix,lasseetunpeurésignée,s'élevadanslapièce.Amatis.
—Désolée,j'aitoutentendu,etjesuiscontentequ'ilreste.Cen'estpasseulementpourlegarderprèsdemoi.Ici,aumoins,ilarriverapeut-êtreàt'oublier.
—Amatis...protestaJocelyne,soudainsurladéfensive.—Çafaittroplongtemps,Jocelyne.Situnel'aimespas,laisse-lepartir.Jocelynesetut.Claryauraitvouluvoirl'expressiondesamère.Etait-elletriste?Furieuse?Résignée
?Amatiseutunhoquetdesurprise.—Quoi...Tul'aimes?—Amatis,jenepeuxpas...—Tul'aimes!Tul'aimes!Jelesavais.Jel'aitoujourssu!—Çan'apasd'importance,murmuraJocelyned'untonlas.Ceneseraitpasjustevis-à-visdeLuke.—Jeneveuxrienentendre!Ilyeutunremue-ménage,etJocelynepoussaungrognementdeprotestation.ClarysoupçonnaAmatis
d'avoiragrippésamèreparlecol.—Situl'aimes,valeluidiremaintenant.Rattrape-lependantqu'ilenestencoretemps.—MaisilsontbesoindeluiauConseil!Etluiveut...— ToutcequeveutLucian,c'est toi, l'interrompitAmatisd'un tonferme. Iln'a jamaisvouluque toi.
Maintenant,ouste!AvantqueClaryaitpuesquisserunmouvement,Jocelyneseprécipitadanslecouloir...etvitsafille,
aplatiecontrelemur.Pantelante,elleladévisageabouchebée.—Clary!fit-elled'unevoixquisevoulaitenjouée,maiselleéchoualamentablement.J'ignoraisquetu
étaislà.Clary traversa lecouloiretouvrit laporteengrand.La lumièreéblouissantedusoleil s'engouffraà
l'intérieur.Éblouie,Jocelyneclignadesyeux.—Situnelerattrapespas,jetetue,ditClaryendétachantchaquesyllabe.Pendantunbrefmoment,Jocelynelaregarda,ébahie.Puisellesourit.—Bon,situinsistes.Quelquesinstantsplustard,ellesehâtaitlelongducanalendirectiondelaSalledesAccords.Clary
refermalaportederrièreelleets'yadossa.Émergeantdusalon,Amatisseprécipitavers la fenêtreetjetaunregardinquietau-dehors.
—Tucroisqu'elleparviendraàlerejoindreavantqu'ilarrivelà-bas?—Mamèreapassésavieàmecouriraprès,ironisaClary.C'estunebonnesprinteuse.Amatissourit.—Oh,tantquej'ypense.Jaceestpassé.Jecroisqu'ilespèretevoiràlafêtedecesoir.—Ahbon?fitClaryd'unairsongeur.«Autantdemander.Quinetenterienn'arien.»—Amatis?LasœurdeLukesedétournadelafenêtre.—Oui?—Larobeargentéedanslamalle?Jepeuxtel'emprunter?LesruescommençaientdéjààseremplirquandClarypritlechemindelamaisondesLightwood.Le
soir tombait, et les lumières s'allumaient progressivement, nimbant l'obscurité d'une pâle clarté. Desbouquetsdefleursblanchesdisposésdansdescorbeillesaccrochéesauxmurssaturaientl'airdesenteursépicées.Desrunesflamboyantes,symbolisantlavictoireetlafête,brillaientsurlesportesdesmaisons.Une foule de Chasseurs d'Ombres déambulait dans les rues. Ils avaient troqué leurs vêtements de
combatcontredebellestoilettes,certainesaugoûtdujour,d'autrestoutdroitsortiesd'unfilmhistorique.La nuit s'annonçait étonnamment chaude, aussi voyait-on peu de manteaux, et beaucoup de femmes
portaientdelonguesrobesdebaldontlajupetraînaitparterre.UnesilhouettemincepassadevantClaryaumomentoùelletournaitaucoindelaruedesLightwood,etellereconnutRaphaël,maindanslamainavecunegrandefemmebruneenrobedecocktailrouge.Avecunrapidecoupd'œil,ilsouritàClary.Elleréprimaunfrisson.La porte de la maison des Lightwood était ouverte, et la plupart des membres de la famille se
trouvaientdéjàsurletrottoir.MaryseetRobertLightwoodbavardaientavecdeuxautresadultes;quandilsseretournèrent,ClaryreconnutavecsurpriselesPenhallow.Marysesouritenlavoyant;elleportaitun tailleur élégant en soie bleu sombre, et ses cheveux étaient retenus par un bandeau argenté. ElleressemblaittantàIsabellequeClaryfaillitposerlamainsursonépaule.Ellesemblaitterriblementtriste,mêmequandellesouriait,etClarysongea:«EllepenseàMaxet,commeIsabelle,elleseditqu'ilauraitadorécettesoirée.»—Clary!Tuessplendide!Isabelledévalalesmarchesduperronenfaisantvolersescheveuxnoirsautourd'elle.Elleneportait
aucunedestenuesqu'elleavaitmontréesàClaryplustôtdanslajournée,ayantfinalementoptépourunerobe improbable en satin or qui moulait son corps comme les pétales fermés d'une fleur. Elle étaitchaussée de sandales à talons aiguilles ; Clary se souvint de sa passion pour les chaussures et ritintérieurement.
—Merci.Toiaussi,répondit-elle.D'ungestenerveux,elletirasurletissudiaphanedesarobeargentée.C'étaitprobablementlevêtement
leplusfémininqu'illuiaitétédonnédeporter.Elleavaitlesépaulesnues,etchaquefoisqu'ellesentaitsescheveuxluichatouillerledos,elledevaitseretenirdenepascourirchercherungiletchezAmatis.Isabellesepenchapourluiglisseràl'oreille:—Jacen'estpaslà.—Alorsoùest-il?—D'aprèsAlec,ilestsurlaplaceoùsetiendralefeud'artifice.Jesuisdésolée...jenesaispascequ'il
a.Claryhaussalesépaulesets'efforçadecachersadéception.—Cen'estrien.AlineetAlecsortirentàleurtourdelamaison,Alinevêtued'uneroberougevifquifaisaitressortir
ses cheveux noirs, et Alec, comme à son habitude, d'un pull et d'un pantalon de couleur sombre.Cependant,Clarydutreconnaîtrequecettefois,aumoins,lepullenquestionn'étaitpastroué.Illuisouritet elle nota quequelque chose avait changédans son apparence. Il semblait plus léger, d'une certainemanière,commesionluiavaitôtéunpoidsdesépaules.
—Jene suis jamaisalléeàune fêteoù ilyavaitdesCréaturesObscures,déclaraAlineen jetantunregardnerveuxverslebasdelarue.Une fée aux longs cheveux tressés de fleurs était en train de cueillir des fleurs blanches dans une
corbeille.Aprèslesavoirexaminéesd'unairpensif,ellesemitàlesmangerl'uneaprèsl'autre.—Tuvasadorer!s'exclamaIsabelle.Cesgens-làsaventfairelafête.Ellefitunsignedelamainàsesparents,et ilsprirent ladirectiondelaplace.Claryseretenaitde
croiserlesbrassursapoitrine.Sarobevirevoltaitàchacundesespas.—Hé!criaIsabelleet,levantlesyeux,ClaryvitSimonetMaias'avancerverseuxdanslarue.Ellen'avaitpasvuSimondelajournée;ilétaitalléassisteràlapremièreréunionduConseil,curieux,
disait-il,desavoirquelvampireseraitchoisipourysiéger.ClarynepouvaitpasimaginerMaiaenrobeet,defait,elleportaitunpantalonbaggytaillebasseetuntee-shirtnoiravecl'inscription:«Choisistonarme»,surmontéed'undéà jouer.«C'estun tee-shirtdegamer !» songeaClary.Elle sedemandasi
Maiaétait, elle aussi,passionnéede jeuxvidéoou si elle avaitoptépourcette tenuedans le seulbutd'impressionnerSimon.Sic'étaitlecas,elleavaitvujuste.
—Vousallezsurlaplacedel'Ange?MaiaetSimonacquiescèrentet lepetitgroupeseremitenroute.Aprèsunmoment,Simonréglason
passurceluideClary,et tousdeuxmarchèrentcôteàcôteensilence.Commec'étaitbonderetrouverSimon ! Il était la première personne qu'elle avait eu envie de voir après son retour àAlicante. Ellel'avait serré fortcontreelle,heureusede levoirsainet sauf,puiselleavait touché laMarquesursonfront.
—Alors,ellet'asauvélavie?—Oui,avait-ilrépondusansautreexplication.—J'aimeraispouvoirl'effacer.J'aimeraissavoircequivat'arriveràcaused'elle.Ilavaitgentimentrepoussésonbras.—Attendons.Onverrabien.Même en l'examinant de près, elle avait dû admettre que la Marque ne semblait pas l'affecter
visiblement.Ilétaitrestélemême,àladifférenceprèsque,désormais,ildevaitsecoifferdifféremmentpourlacacher.Sionignoraitsonexistence,ilétaitimpossibledeladeviner.
—Comments'estpasséelaréunion?Quiont-ilschoisi?demandaClaryendétaillantSimondelatêteauxpieds.Ilnes'étaitpashabillépourlacirconstance,maisellenepouvaitpasluienvouloir:lejeanetletee-
shirtqu'ilportaitétaientlesseulsvêtementsqu'ilpossédaitàIdris.— PasRaphaël,répondit-ild'unairsatisfait.Unautrevampire.Ilaunnomprétentieux.Nightshadeou
quelquechosecommeça.— Tu sais, ilsm'ont proposé de dessiner le symbole du nouveauConseil, annonçaClary. C'est un
honneur,non?J'aiaccepté.J'aidéjàmapetiteidée;laruneduConseilentouréedessymbolesdesquatrefamillesdeCréaturesObscures:unelunepourlesloups-garous,untrèfleàquatrefeuillespourlesfées,unlivredesortilègespourlessorciers...Maisjen'aipasd'idéepourlesvampires.
—Uncroc?suggéra-t-il.Oudusangquidégouline.Ildécouvritsesdents.—Merci.Tum'aidesbeaucoup.—Jesuiscontentqu'ilst'aientchoisie,déclaraSimon,redevenusérieux.Tuméritescethonneur.Avrai
dire,tuméritesmêmeunemédaillepourtoutcequetuasfait.Claryhaussalesépaules.—Jenesaispas.Labataillen'apasduréplusdedixminutes,aprèstout.J'ignoredansquellemesure
j'aiétéutile.—J'aiparticipéàcettebataille,Clary.Elleapeut-êtredurédixminutes,maisc'étaientlespiresdema
vie. Jen'aimêmepasenviede t'enparler. Jedirai seulementque,mêmeendixminutes, ilyauraiteubeaucoupplusdemortssanstonintervention.Etpuisiln'yapasquelabataille.Situn'avaispasinventécette rune, il n'y aurait pas de nouveau Conseil. Les Chasseurs d'Ombres et les Créatures Obscurespasseraientleurtempsàsedétesterplutôtqu'àfairelafêteensemble.Clarysentitsagorgesenouerd'émotionetregardadroitdevantellepournepasfondreenlarmes.—Merci,Simon.Ellehésita.—Qu'est-cequinevapas?s'enquit-il.—Jemedemandecequ'onferaànotreretour.JesaisqueMagnuss'estoccupédetamèrepournepas
qu'elles'inquiètedetonabsence,mais...l'école.Onamanquépleindecours.Et...
—Tun'yretournespas,lacoupaSimond'untontranquille.Tucroisquejenel'aipasdeviné?TuesuneChasseused'Ombres,désormais.Tufinirastonéducationàl'Institut.
—Ettoi?Tuesunvampire.Tuvasretourneraulycéecommesiderienn'était?—Biensûr, répondit-il,à lasurprisedeClary.Jeveuxunevienormale,dans lamesuredupossible.
Continuerlelycée,puism'inscrireàl'université,toutça.Claryserrasamaindanslasienne.—Alorstuyarriveras.(Ellesourit.)Évidemment,toutlemondevahallucinerentevoyant.—Pourquoi?—Parcequetuesbeaucoupplussexyqu'avant.(Ellehaussalesépaules.)C'estlavérité.Cedoitêtreun
trucdevampire.Simonparutperplexe.—Jesuisplussexymaintenant?—Carrément!Regarde-moicesdeux-là.Ellessontsouslecharme.Ellemontra,àquelquespasdevanteux,IsabelleetMaia,quimarchaientcôteàcôte.Ellessemblaient
engrandeconversation.Simonobservalesdeuxfilles.Claryauraitpujurerl'avoirvurougir.—Ahbon?fit-il.Parfois,elleschuchotentenmeregardant.Jemedemandedequoiellesparlent.—C'est ça, lançaClary en riant.Pauvre chéri, tu asdeux jolies fillesqui sebattent pourgagner tes
faveurs.C'estdur,lavie.—Bon.Dis-moilaquellechoisir,alors.—Pasquestion.C'esttonproblème.Clarybaissalavoix.—Écoute,tupeuxsortiravecquituveux,jetesoutiendraideAàZ.Lesoutien,çameconnaît.Soutien,
c'estmondeuxièmeprénom.— Ah,c'estpourçaquetun'asjamaisvoulumel'avouer!Jesavaisbienquec'étaitunnomàcoucher
dehors.Claryignorasaboutade.—Maisfais-moiunepromesse,d'accord?Jesaiscommentsontlesfilles.Ellesn'aimentpaslesamies
deleurpetitcopain.Promets-moiquetunem'exclurasjamaisdetavieetqu'onpourrasevoirdetempsentemps.Simonsecoualatête.—Jamaisjenesacrifierainotreamitiépourunefille.Cen'estpasnégociable.Tuveuxunboutdecette
merveille,chérie?ajouta-t-ilensedésignantd'ungrandgeste.Ehbien,mameilleurecopinefaitpartiedu lot. Je ne t'exclurai jamais demavie,Clary, pas plus que je n'iraime couper lamain droite pourl'offriràquelqu'unencadeaudeSaint-Valentin.
Laplacedel'Angeétaitpresqueméconnaissable.LaGrandeSallescintillaitàl'autrebout,enpartie
dissimulée par un rideau d'arbres immenses qui avaient poussé au beau milieu de l'esplanade.Manifestement,lamagieyétaitpourquelquechose,mêmes'ilsepouvaitbienqu'ilssoientvrais,songeaClary,sesouvenantqueMagnusavaitlepouvoirdesubtilisertoutessortesdechosesauxquatrecoinsdeManhattan.Ces arbres s'élevaient presque à hauteur des tours ; leurs troncs argentés étaient noués derubansetdes loupiotescoloréesornaient lefeuillagede leursbranches.Leparfumdesfleursblanchesembaumait laplace, semêlantà l'odeurde la fumée.Autourdes tablesetdesbancsdisposésçàet làs'étaientrassemblésdesgroupesdeChasseursd'OmbresetdeCréaturesObscuresquibuvaient,riaientetbavardaient.Malgrélesriresetl'atmosphèredefête,unecertainetristesseflottaitdansl'air.Lechagrin
semêlaitàlajoie.Delalumièresedéversaitsurlestrottoirsparlesportesouvertesdesboutiquesbordantlaplace.Les
fêtardsallaientetvenaientenportantdesassietteschargéesdenourritureetdesverresremplisdevinoudeliquidecoloré.Simonregardapasserunkelpiequitenaitàlamainunecoupepleined'unliquidebleu,etlevaunsourcil.
— Cen'estpascommeàlafêtedeMagnus,lerassuraIsabelle.Normalement,ici,tupeuxboiresansrisque.
—Normalement?répétaAline,l'airinquiet.Alecscrutalaforêtminiature,dontleslumièrescoloréessereflétaientdanssesirisbleus.Magnusse
tenaitdansl'ombred'unarbre;ildiscutaitavecunejeunefilleenrobeblanche,lescheveuxchâtainclair.ElleseretournaaumomentoùMagnusregardaitdansleurdirection,etsesyeuxseposèrentsurClary.Ilyavaitquelquechosedefamilierchezl'inconnue,bienqu'elleignorâtquoi.Magnusvintàleurrencontre,etsamystérieuseinterlocutricedisparutdanslapénombre.Ilportait,tel
un gentleman de l'époque victorienne, une longue redingote noire sur un gilet en soie violette. UnmouchoirrebrodédesinitialesM.B.dépassaitdesapoche.
—Joli,tongilet,lançaAlecensouriant.—Tuvoudraislemême?s'enquitMagnus.Danslacouleurdetonchoix,évidemment—Jenem'intéressepasbeaucoupàlamode.— Etc'estceque j'aimechez toi,mais j'aimeraisaussique tuaiesaumoinsuncostumedecréateur.
Qu'est-cequetuendis?Dolce?Armani?Alec protesta en bafouillant tandis qu'Isabelle éclatait de rire, etMagnus en profita pour glisser à
l'oreilledeClary:—LesmarchesdelaSalledesAccords.Vas-y.Elleauraitvoululuidemandercequ'ilentendaitparlà,maisils'étaitdéjàtournédenouveauversAlec
etlerestedugroupe.Enoutre,Clarypensaitavoirdeviné.ElleserralebrasdeSimonens'éloignant,etilluisouritavantdereprendresaconversationavecMaia.Pourtraverserlaplace,elledutcouperparlaforêtartificiellequis'étendaitjusqu'aupieddesmarches,
raisonpourlaquelleiln'yavaitpersonneàcetendroit.Personneoupresque.Jetantuncoupd'œilverslaporte,Claryaperçutunesilhouettefamilièreassisedansl'ombred'unecolonne.Soncœursemitàbattreplusvite.Jace.Ellegravitlesmarchesenrelevantlespansdesarobedepeurdeseprendrelespiedsdansletissu.En
s'avançantversJace,qui,adosséàlacolonne,gardaitlesyeuxfixéssurunpointau-delàdelaplace,elleregrettapresquedenepasavoiroptépour sesvêtementshabituels. Ilportait sa tenuedeTerrestre,unjean,unechemiseblancheetunevestenoire.Etpourlapremièrefoisdepuisleurrencontre,iln'étaitpasarmé.Brusquement, elle se sentit ridiculedans sa robedu soir.Elle s'arrêtaàquelquespasde lui,nesachanttropcommentluiadresserlaparole.Commes'il sentait saprésence, Jace leva lesyeux. Il tenait, enéquilibre sur sesgenoux,unepetite
boîteenmétalargenté.Ilsemblaitfatigué;ilavaitlesyeuxcernésetlescheveuxendésordre.Ilparutétonnédelavoir.
—Clary?—Quiveux-tuquecesoit?Sarepartienelefitpassourire.—J'aifaillinepastereconnaître.—C'estlarobe.
Malàl'aise,elletrituraletissu.—D'habitude,jesuisbeaucoupmoinsapprêtée.— Tu es toujours belle, protesta-t-il, et elle se souvint de la première fois où il avait employé cet
adjectifpourladécrire,danslaserredel'Institut.Saremarquen'avaitriend'uncompliment,ill'avaitformuléecommeunfaitacquis,aumêmetitreque
lacouleurdesescheveuxousongoûtpourledessin.—Maislà,tuasl'air...distant.Commesijenepouvaispastetoucher,reprit-il.Claryvints'asseoiràcôtédeluisurladernièremarchedel'escalier.Lapierreétaitfroideàtraversle
tissufindesarobe.ElletenditlamainversJace;elletremblaitlégèrement.—Tupeuxmetouchersituveux.Ilpritsamainetlapressaunmomentcontresajoueavantdelarepousserdoucement.Claryfrissonna
etlesmotsd'Alineluirevinrentenmémoire:«Peut-êtrequ'ilnes'intéresseplusàtoimaintenantquecen'estplusinterdit.»Ill'avaittrouvéedistantemais,àenjugerparl'expressiondesonregard,ilsemblaitàdesannées-lumièred'elle.
—Qu'est-cequ'ilyalà-dedans?s'enquit-elle.Ilserraittoujourslepetitcoffretenargentdansunemain.—JesuisvenutevoirchezAmatisaujourd'hui.Tun'étaispaslà,alorsonadiscuté.Ellem'aremiscette
boîte.Elleappartenaitàmonpère.Claryledévisageasanscomprendrependantquelquesinstants.«CetteboîteappartenaitàValentin?»
songea-t-elle,puislalumièresefitdanssonesprit.—Biensûr!AmatisaétémariéeàStephenHerondale.—J'aiépluchésoncontenu,luleslettres,lejournalintime.Jepensaisqueçam'aideraitàmesentirplus
prochedelui.Jem'étaispersuadéqu'audétourd'unepagej'auraisuneilluminationetquejepourraismedire:«Oui,c'estbienmonpère.»Maisjeneressensrien.Cenesontquedesmots.N'importequiauraitpuécrireça.
—Jace...chuchotaClary.—Etcen'estpastout.Jen'aimêmeplusdenom.JenesuispasJonathanChristopher...c'étaitquelqu’un
d'autre.Etpourtant,jem'ysuishabitué.—QuiatrouvélesurnomdeJace?C'esttoi?Jacesecoualatête.—Non.Valentinm'atoujoursappeléJonathan.Etc'estlenomqu'onm'adonnéàmonarrivéeàl'Institut.
Jen'étaispascensésavoirquejemeprénommaisJonathanChristopher...Jel'aiapprisparaccident,enfeuilletantlejournaldemonpère.Saufquecen'étaitpasàmoiqu'ilfaisaitallusion.Cen'étaientpasmesprogrèsqu'ilrépertoriait.C'étaientceuxdeSéb...deJonathan.Quandj'airévélémondeuxièmeprénomàMaryse,elleacruquesamémoireluijouaitdestoursetqueJonathanChristopherétaitbienlenomdufilsdeMichaelWayland.Dixanss'étaientécoulés,aprèstout.C'estàcetteépoquequ'elleacommencéàm'appelerJace;àcroirequ'elleavaitbesoindemetrouverunnomquiailleavecmanouvellevie.Jel'aitoutdesuiteadopté.Jen'aijamaisaimé«Jonathan»,detoutefaçon.(Ilretournalaboîtedanssesmains.)Maintenant,jemedemandesiellen'avaitpasdevinélavérité.Elleaurapréférésevoilerlaface.Ellem'aimait...etellerefusaitdelecroire.
— C'estpourçaqu'elleapiquéunecolèrenoireenapprenantquetuétaislefilsdeValentin.Elles'estditqu'elleauraitdûs'endouter,voireque,d'unecertainemanière,ellelesavaitdéjà.Maisquandonaimequelqu'un,onn'apasenviedecroirecegenredechoses.Ettusaisquoi,Jace?Enfindecompte,ellenes'étaitpastrompéesurtonidentité.Tuasunprénom.Ceprénom,c'estJace.Cen'estpasValentinquitel'adonné,c'estMaryse.Laseulechosequicompte,c'estqu'ilteviennedequelqu'unquit'aime.
—Jacequoi?JaceHerondale?—Oh,jet'enprie.TuesJaceLightwood.Tulesaisbien.Illevalesyeuxverselleetluiparutsoudainmoinslointain.— Tu es peut-être différent de ce que tu croyais, reprit-elle en espérant qu'il comprenait ce qu'elle
entendait par là.Mais on ne peut pas changer radicalement en une nuit. Ce n'est pas parce que tu asdécouvertqueStephenHerondaleétaittonpèrebiologiquequetudoisl'aimerautomatiquement.Riennet'yoblige.Valentinn'étaitpastonpère,maisçan'arienàvoiraveclesliensdusang.Iln'étaitpastonpèreparcequ'ilnes'estjamaiscomportécommetel.Iln'apasprissoindetoi.CesontlesLightwoodquis'ensontchargés.Ilssonttafamille,aumêmetitrequemamanetLukepourmoi.Pardon,poursuivit-elleenluieffleurantl'épaule.Jesuislààtefairelaleçonalorsquetuétaispeut-êtrevenuicipourtrouverunpeudetranquillité.
—Tuasraison,admit-il.Claryeneutlesoufflecoupé.—Trèsbien,jetelaisse.Ellese levad'unbond.Danssaprécipitation,elleoubliaderelever lespansdesarobeetfaillitse
prendrelespiedsdansl'ourlet.—Clary!Posantlaboîteparterre,Jaceselevaàsontour.—Clary,attends!Cen'estpascequejevoulaisdire.Jen'aipasenvied'êtreseul.Tuasraisonausujet
deValentinetdesLightwood...Clarysetournaverslui.Ilsetenaitàmoitiédanslapénombre,etleslumièresvivesetcoloréesdela
fête projetaient desmotifs étranges sur sa peau.Elle pensa à leur première rencontre. Il lui avait faitpenser à un lion.Beau et dangereux à la fois.Àprésent, elle ne le voyait plus dumêmeœil. Il avaitabandonnésacuirasseetportaitfièrementsesblessuresenétendard.Ilnes'étaitmêmepasservidesastèle pour guérir les bleus sur son visage. Et pourtant, il lui semblait plus beau que jamais, car il semontraitdanstoutesonhumanité.
— Tusais,murmura-t-elle,Alineprétendque jene t'intéressepeut-êtreplus,maintenantquecen'estplusinterditetqu'onpeutêtreensemblesitulesouhaites.(Ellefrissonnadanssarobelégèreetcroisalesbrassursapoitrine.)C'estvrai,tun'esplusintéressé?
—Intéressé?Commesituétaisunlivreouunepiècedethéâtre?Ils'interrompitpourtrouverlesmotsexacts,commequelqu'unquitâtonnedanslenoiràlarecherche
d'uninterrupteur.—Tusais,jen'aijamaisvraimentcruquetuétaismasœur.Çameminait,maisjerefusaisd'ycroire.Je
n'aijamaiseudesentimentsfraternelspourtoi.Enrevanche,j'aitoujourseul'impressionquetufaisaispartiedemoi.(Devantl'airperplexedeClary,ilgrognad'impatience.)Jem'exprimemal!Jedétestaisl'idéequetusoismasœur.Jedétestaismesentircoupable.Mais...
—Maisquoi?LecœurdeClarybattaitsifortqu'elleenavaitletournis.— Je voyais la joiemauvaise qu'en retiraitValentin. Il s'en est servi contre nous. Et pour ça, plus
encore que pour le reste, je l'ai détesté. Enmême temps, j'avais besoin d'une raison de le haïr. Parmoments,jenesavaisplussi jedevaisounonlesuivre.J'aidûfaireunchoixdifficile...plusdifficilequejeneveuxl'admettre.
— Un jour, tum'asdit qu'on avait toujours le choix, lui rappelaClary.Au final, tu as choisi l'autrecamp,etc'esttoutcequicompte.
—Jesais.Jedisseulementque,sij'aibienchoisi,c'estenpartiegrâceàtoi.Jenepeuxpasmepasser
detoi,Clary.Etjeneleveuxpas.Ilfitunpasdanssadirection,lesyeuxrivéssurelle.— J'ai toujours pensé que l'amour rendait bête et faible. Aimer, c'est détruire, tu te souviens ? Je
croyaisque,pourêtreunbonguerrier,ilfallaitsemoquerdetout.J'aiprisdesrisquesinsensés.Jecroisquej'aidonnédescomplexesàAlecsursestalentsdecombattant,toutçaparcequeluitenaitàlavie.Etpuis je t'ai rencontrée. Tu étais une Terrestre. Tu ne savais pas te battre. Tu n'avais jamais reçud'entraînement. J'aivuàquelpoint tuaimais tamèreetSimon ; tuseraisallée jusqu'enenferpour lessauver.Tu t'es précipitée dans cet hôtel infesté de vampires. Je connais desChasseurs d'Ombres qui,mêmeavecdixansd'expérience,nes'yseraientpasrisqués.L'amourneterendaitpasfaible,iltedonnaitdelaforce.Alors,j'aicomprisquelefaible,c'étaitmoi.
—Non,protestaClaryavecvéhémence,tun'espasfaible.—Plusmaintenant,peut-être.Jacefitunautrepasverselle;àprésent,ilétaitassezprèspourlatoucher.— SiValentinn'arrivaitpasàcroirequej'avaistuéJonathan,c'estparcequej'étais lefaibleetqu'il
étaitmieuxentraîné.Entoutelogique,c'estluiquiauraitdûmetuer.Ilabienfailli,d'ailleurs.Maisj'aipenséàtoi.Jet'aivuedemesyeuxcommesitutetenaisdevantmoi,etj'aicomprisquejevoulaisvivre,plusquejamais,neserait-cequepourrevoirtonvisageunedernièrefois.Claryl'écoutait,incapabledebouger.SonvisageétaitsiprèsdeceluideJacequ'elledistinguaitson
refletdanssespupilles.—Etmaintenantjeteregarde,poursuivit-il,ettumedemandessijeveuxencoredetoi?Commesije
pouvaiscesserdet'aimer!Jen'aijamaisosédistribuerdesmarquesd'affectionautourdemoi...Jel'aiunpeufaitaveclesLightwood,Alec,Isabelle,maisilm'afalludesannées.Etpourtant,dèsquejet'aivue,Clary,jet'aiappartenucorpsetâme.C'esttoujourslecas,situveuxdemoi.Pendant une fraction de seconde,Clary se figea. Puis, soudain, elle saisit Jace par le devant de sa
chemiseet l'attiracontreelle. Il l'enlaçaen lasoulevantpresquede terreet l'embrassa.Ensentantseslèvressur lessiennes,elleeut l'impressionderecevoirunedéchargeélectrique.Elleagrippasesbraspourseserrercontrelui,griséeparlesbattementsfrénétiquesdesoncœur.AucuncœurnebattraitjamaisaussifortqueceluideJace.Quandildesserrasonétreinte,elledutreprendresonsouffle;elleenavaitpresqueoubliéderespirer.
Ilpritsonvisagedanssesmains,et frôlases jouesduboutdesdoigts.Sesyeuxbrillaientdenouveaucommecettenuit-làauborddulac,maiscettefoisellecrutydécelerunelueurdemalice.
—Voilà,lança-t-il.Cen'étaitpassimalmêmesicen'estplusinterdit,non?—J'aiconnupire,répliqua-t-elleenriant.—Tusais,murmura-t-ileneffleurantseslèvresdessiennes,sic'estlemanqued'interditquit'inquiète,
tupeuxmefixerdeslimites.Merefuserdestrucs.—Commequoi,parexemple?Ilsouritetl'embrassaàpleinebouche.—Commeça.
Aprèsunmoment,ilsdescendirentlesmarchesetregagnèrentlaplace,oùunefoulecompactes'était
rassemblée en vue du feu d'artifice. Isabelle et les autres s'étaient réunis autour d'une table un peu àl'écart.Commeilss'approchaientdugroupe,ClarysepréparaàlâcherlamaindeJace,puisseravisa.Ilspouvaientsedonnerlamains'ilsenavaientenvie.Iln'yavaitriendemalàcela.Cettepenséeluidonnadesailes.
—Vousvoilà!Isabellesautillaverseux,l'airravi,enbrandissantunverrepleind'unliquidefuchsia,qu'elletendità
Clary.— Est-ce que je vaisme transformer en rongeur ? demanda celle-ci en examinant le verre d'un air
suspicieux.—Mercipourlaconfiance!Jecroisquec'estdujusdefraise.Entoutcas,c'estdélicieux.Jace?fit-
elleenluimettantleverresouslenez.—Jesuisunhomme,lâcha-t-il,etleshommesneboiventpasdeboissonsroses.Vadoncmechercher
unebièrebrune,femme.—Brune?Isabellefîtlagrimace.— C'est une couleur virile, non ? reprit Jace en tirant sur unemèche de cheveux d'Isabelle. Tiens,
regarde:Alecenporte.Alecjetauncoupd'œilmorneàsonsweat-shirt.—Ilétaitnoirmaisiladéteintaulavage.— Tu pourrais rehausser ta tenue avec un bandeau, suggéraMagnus en sortant de sa poche un bout
d'étoffebleueàpaillettes.C'estjusteuneidée.—Résisteàlatentation,Alec.Amoinsquetuaiesenviederessembleràunereinedudisco.SimonétaitassissurunmuretàcôtédeMaia,quisemblaitengrandeconversationavecAline.—Ilyapire,commecomparaison,observaMagnus.Aprèss'êtrelevéd'unbond,Simons'avançaversClaryetJace.Lesmainsenfouiesdanslespochesde
sonjean,illesexaminad'unairpensif.—Tuparaisheureuse,dit-ilàClary.(Puis,setournantversJace,ilajouta:)Ilvalaitmieuxpourtoi.Jacelevaunsourcil.—Etc'estlàquetumedis:«Situluifaisdumal,jetetue»?— Non,rétorquaSimon.Claryesttoutàfaitcapabledet'étripertouteseule.Elleauraitprobablement
recoursàtoutunarsenal.CettepenséeamenaunsouriresurleslèvresdeJace.—Ecoute,repritSimon,jevoulaisjustetedirequecen'estpasgravesitunem'aimespas.Tantquetu
rendsClaryheureuse,çameva.IltenditlamainetJacelaserra,l'airmédusé.—C'estjustementparcequejet'aimebienquejevaistedonnerunconseil,dit-il.—Unconseil?répétaSimond'untonméfiant.—J'ai vu que tu travaillais ton image de vampire avec un certain succès, déclara Jace enmontrant
IsabelleetMaiad'unsignedetête.Félicitations.Lecoupduvampiresensible,çamarcheauprèsd'untasde filles.Mais à ta place, je laisserais tomber l'histoire dumusicien. Les vampires rock stars, c'estsurfait,etpuisjepariequetunesaispasalignertroisaccords.Simonpoussaunsoupir.—Jepréféraisquandtunepouvaispasmevoir.—Çasuffit,touslesdeux,intervintClary.Vousn'allezpasvouscomportercommeçajusqu'àlafindes
temps.—Techniquement,moijepeux,ironisaSimon.Jaceréprimaungloussement.—Jet'aieu!s'exclamaSimonensouriantdetoutessesdents.—Ehbien,onvientdevivreungrandmomentd'émotion,commentaClary.
Elle chercha Isabelle des yeux. Elle aussi serait sans doute ravie d'apprendre que Jace et Simonfinissaientpars'entendre,àleurmanière.C'estalorsqu'elleaperçutauloinunesilhouettefamilière.Deboutàl'oréedelaforêtartificielle,àl'endroitoùl'ombrelaissaitplaceàlalumière,setenaitune
femmeminceenrobevertfeuillage,dontleslongscheveuxrougesétaientretenusparuncercled'or.La reine de la Cour des Lumières. Elle avait les yeux fixés sur Clary et, lorsque leurs regards se
croisèrent,elleluifitsignedelarejoindre.SanssavoirsielleobéissaitàsonpropredésirouaucharmeétrangeduPetitPeuple,Clarymarmonna
uneexcuseetsedirigeaverslaforêtenfendantlafoulebruyantedesfêtards.Enyregardantdeplusprès,elles'aperçutqu'uncertainnombredeféesetd'elfespostésàunedistancerespectableformaientuncercleautourdeleursouveraine.Mêmesiellevoulaitdonnerl'impressiond'êtreseule,lareinenesedéplaçaitpassanssescourtisans.Ellelevalamaind'ungesteimpérieux.—N'approchepasdavantage.Clary,quisetrouvaitàquelquespasd'elle,s'arrêta.—VotreMajesté,dit-elle,sesouvenantdesmanièresformellesdeJaceàlaCour.Quemevautl'honneur?—J'aiunefaveuràtedemander,réponditlareinesanspréambule.Et,biensûr,jet'enprometsuneenretour.—Unefaveur?s'étonnaClary.Mais...vousn'avezaucunesympathiepourmoi.Lareineeffleurapensivementseslèvresd'unlongdoigtblanc.— Contrairementauxhumains,lePetitPeuplenes'embarrasseguèredecegenredechose.Nousaimons,peut-
être,etnoushaïssons.Voilàdesémotionsutiles.Quantàlasympathie...Ellehaussalesépaulesd'ungestegracieux.—LeConseiln'apasencorechoisiceluioucellequinousreprésenteraàsatable,reprit-elle.JesaisqueLucian
Graymarkestcommeunpèrepour toi. Ilécoutera tonavis. J'aimeraisque tu lui recommandesmonchevalierMeliornpourcettetâche.Clarysesouvintque,danslaSalledesAccords,Meliornavaitdéclaréqu'ilnesebattraitpassanslesEnfantsde
laNuit.—JenecroispasqueLukeaitbeaucoupdesympathiepourlui.—Encore!—Quandjevousairencontrée,àlaCourdesLumières,vousvousêtesadresséeàJaceetàmoicommeàun
frèreetàunesœur.Pourtant,voussaviezquenousn'étionspasliésparlesang,n'est-cepas?Lareinesourit.—Lemêmesangcouledansvosveines.Celuidel'Ange.Tousceuxquipartagentcesangsontfrèresetsœurs.Claryfrémit.—Vousauriezpunousdirelavérité,malgrétout.—Jet'aidonnélamienne.Ondittoujourssavérité,non?T'es-tujamaisdemandéquelsmensongesapuglisserta
mèredanscequ'ellet'aracontépourservirsonbut?Penses-turéellementconnaîtretouslessecretsdetonpassé?Claryhésita.Soudain,lesparolesdeMmeDorothealuirevinrentenmémoire.«Tutomberasamoureux
de la mauvaise personne », avait dit la sorcière à Jace. Clary en avait conclu que Dorothea faisaitallusionauxdifficultésquecréeraientlessentimentsdeJacepourelle.Cependant,ilexistaitencoredeszonesd'ombredanssamémoire,mêmemaintenant,desdétailsetdesévénementsquine luiétaientpasrevenus.Dessecretsquineluiseraientjamaisdévoilés.Elles'étaitfaiteàcetteidée,maispeut-être...Non. Elle serra les poings. Le venin que distillait la reine était insidieuxmais puissant. Existait-il
quelqu’unencebasmondequipûtprétendretoutsavoirsursoncompte?Etnevalait-ilpasmieuxquecertainssecretsrestentenfouis?Ellesecoualatête.
—Peut-êtrequevousn'avezpasmenticejour-là,maisvousn'avezpasététrèscharitable.Etj'aiassezfaitlesfraisdelaméchancetéd'autrui.
—TunevaspasrefuserunefaveurdelareinedelaCourdesLumières!s'indignalasouverain.Raressontlesmortelsquionteudroitàuntelhonneur.
—Jen'aipasbesoindevosfaveurs,lâchaClary.J'aidéjàtoutcequejesouhaite.Àcesmots,elletournaledosàlareineets'éloigna.
À son retour, Robert et Maryse Lightwood avaient rejoint leur groupe. A sa stupéfaction, ils
échangèrent unepoignéedemain avecMagnusBane, qui avait rangé sonbandeau à paillettes. Il étaitdevenuunmodèledebienséance.Maryse avait passé sonbras autourdes épaulesd'Alec.Le restedeleursamiss'étaientassisenrangsurlemuret;Claryallaitlesrejoindrequandellesentitquelqu'unluitapersurl'épaule.
—Clary!Se retournant, elle vit sa mère et Luke, main dans la main. Jocelyne n'avait pas fait d'effort
vestimentaire:elleportaitunjeanetunechemiseamplequi,pourunefois,n'étaitpastachéedepeinture.Cependant,àenjugerparlafaçondontLukelaregardait,ellen'étaitriendemoinsqueparfaite.
—Enfin,onteretrouve!s'exclama-t-elle.ClaryadressaungrandsourireàLuke.—Alors,tunerestespasàIdris,finalement?—Non,répondit-il.Lespizzassontimmangeablesici.Clary ne l'avait jamais vu aussi heureux. Jocelyne éclata de rire et rejoignitAmatis, qui s'extasiait
devantunebulleenverreflottanterempliedefuméeauxcouleurschangeantes.Clarylançauncoupd'œilàLuke.—Tuavais réellement l'intentiondequitterNewYorkou c'était juste pour qu'elle se décide enfin à
réagir?—Clary,jesuischoquépartesinsinuations.Ilsouritpuis,retrouvantbrusquementsonsérieux,ajouta:—Dis-moi, ça ne te pose pas problème ? Je sais que c'est un gros changement dans ta viemais...
j'envisageaisdevousproposer,àtamèreetàtoi,devousinstallerchezmoi,puisquevotreappartementestinhabitabledansl'immédiat...Claryricana.—Ungroschangement?Mavieadéjàétéchamboulée,Luke.Plusieursfois.Ducoindel'œil,LukeregardaJacequi lesobservaitdesonperchoir.Il leurfitunsignedetête,un
sourireamusésurleslèvres.—Jevoiscequetuveuxdire,déclaraLuke.—Lechangement,ç'adubon.Luke leva lamain ; la rune d'alliance s'était estompée,mais sa peau en portait la cicatrice, qui ne
disparaîtraitjamaiscomplètement.IlexaminalaMarqued'unairsongeur.—Oui,c'estvrai.—Clary!criaIsabelle.Lefeud'artifice!Clarytapotagentimentl'épauledeLukeetallarejoindresesamis.Ilsétaientassislesunsàcôtédes
autressurlemuret:Jace,Isabelle,Simon,MaiaetAline.Elles'arrêtaàcôtédeJace.—Jenevoispasdefeud'artifice,protesta-t-elleavecunemouefaussementindignée.—Minute,papillon,répliquaMaia.Toutvientàpointàquisaitattendre.
D'ungesteabsent,commes'ils'agissaitd'unsimpleréflexe,JaceattiraClarycontrelui.Elles'appuyacontresonépauleetlevalesyeuxverslecield'encrefaiblementéclairéparlalumièrelaiteusedestours.
—Oùétais-tupassée?demanda-t-ilàvoixbasse.—La reine de la Cour des Lumières m'a réclamé une faveur, répondit Clary. Et elle voulait m'en
accorderuneenretour.EllesentitJaceseraidir.—Détends-toi.J'airefusé.—Jen'enconnaispasbeaucoupquioseraientdéclineruneoffredelareinedesfées.—Jeluiaiditquej'avaisdéjàtoutcequejesouhaitais.JacerittoutbasetsamainremontalelongdubrasdeClary.Sesdoigtsjouèrentdistraitementavecla
chaîneautourdesoncou,etellebaissalesyeuxversl'anneauquiétincelaitsurletissudesarobe.ElleportaitlabaguedesMorgensterndepuisqueJacel'avaitlaisséesursatabledechevet,etparfoisellesedemandaitpourquoi.Voulait-elleréellementgarderunsouvenirdeValentin?Etd'unautrecôté,était-ilbond'oublier?Elle ne pouvait pas effacer les souvenirs sous prétexte qu'ils faisaient mal. Elle n'avait pas envie
d'oublierMax,Madeleine,Hodge,l'InquisitriceoumêmeSébastien.Touslessouvenirsétaientprécieux,mêmelesmauvais.Valentins'étaittoujoursefforcéd'oublier.Oublierquelemondedevaitchanger,etlesChasseursd'Ombresaveclui.OublierquelesCréaturesObscurespossédaientuneâme,etquechacuneavait sa place sur cette terre. Il n'avait pensé qu'à ce qui différenciait les Chasseurs d'Ombres desCréaturesObscuressanss'intéresseràcequilesrassemblait,etc'estcequiavaitcausésaperte.—Clary,murmuraJace,l'arrachantàsamélancolie.Regarde.Ilresserrasonétreinte,etellelevalatête;lafouleacclamaitlapremièrefuséequis'élevaitdansl'air.Ellelaregardaexploserenunepluied'étincellesquiretombèrentenpeignantdesnuéesd'oretdefeu,
commedesangesvenusduciel.
REMERCIEMENTS
Lagenèsed'unlivreestuntravaild'équipe,etsansl'aidedemesamis,monprojetauraitcoulécomme
leTitanic.Alalumièredececonstat,merciàlaNBTeametauMassachusettsAil-Stars:àElka,Emilyet Clio pour avoir manigancé un soutien intensif, et à Holly Black qui a relu patiemment les mêmesscènes pendant des heures. A Libba Bray qui a fourni les bagels et le canapé pour écrire, à RobinWassermanpourm'avoirdétournéedemontravailavecdesextraitsdeGossipGirl,àMaureenJohnsonqui me surveillait d'un œil sévère pendant que j'essayais d'avancer, à Justine Larbalestier et à ScottWesterfield quim'ont viréedu canapé enm'ordonnant d'aller écrire ailleurs.Merci également à Ioanad'avoircorrigémonroumain(inexistant).Merci,commetoujours,àmonagent,BarryGoldblatt;àmonéditrice,KarenWojtyla ;auxéquipesdeSimon&SchusteretdeWalkerBooksquisontderrière toutecetteaventure,etàSarahPaynepouravoirprocédéàdesmodificationsbienaprèsl'échéance.Et,enfin,merciàmafamille,évidemment:mamère,monpère,JimetKate,leclanEsonetJosh,quipersisteàcroirequelepersonnagedeSimonestinspirédelui.Ilapeut-êtreraison.