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1. Société À Paris, haro sur un centre pour migrants Après un débat houleux entre la Mairie et les riverains du XVIe, Valls souligne la « détermination de l’État ». Delphine de Mallevoüe POLÉMIQUE L’opposition des riverains au projet de centre d’hébergement d’urgence de migrants et sans-abri au coeur du XVIe arrondissement de Paris, sur le site classé du bois de Boulogne, a pris des envolées spectaculaires lundi soir. Alors que la Mairie de Paris organisait pour la première fois une réunion publique d’information sur le sujet, en présence des architectes et gestionnaires du projet, des représentants de la municipalité ainsi que Sophie Brocas, préfète et secrétaire générale de la Préfecture de Paris et d’Île-de-France, insultes et chahut ont été si vifs que la salle a été évacuée au bout de 15 minutes. La réunion se tenait à l’université Paris-Dauphine, dans le XVIe arrondissement, devant quelque 800 personnes survoltées. Un nombre équivalent, massé sur les marches extérieures, n’avait pu entrer dans l’enceinte qui grouillait de personnels de sécurité. De nombreux cars de CRS et des voitures de police étaient postés autour de la zone. Décidé à l’automne dernier par Anne Hidalgo, la maire de Paris, ce centre provisoire (pour une durée de trois ans) d’une capacité d’accueil de 200 personnes doit voir le jour avant l’été. Le permis de construire doit être délivré dans les prochains jours (nos éditions du 14 mars 2016). À peine la préfète Sophie Brocas a-t-elle pris la parole pour ouvrir le débat que les huées, sifflets et noms d’oiseaux ont fusé, galvanisés par le vacarme des riverains qui tapaient des pieds. « Marre des violons ! », « Ce terrain ne vous appartient pas ! », « Voleurs ! », « Arrêtez votre bla-bla ! », criaient de nombreux retraités en cravate. D’autres, remontés comme des coucous suisses, injuriaient la préfète mais aussi Anne Hidalgo, pourtant absente. « Salope ! », « Hidalgo au bois ! », « Sophie Brocas caca ! », « Hidalgo démission ! »… Un septuagénaire bouillonnait tant qu’un homme de la sécurité est venu pour l’enjoindre de sortir, mais est reparti penaud face à ses poings menaçants. Sur l’estrade, les intervenants venus expliquer leur projet étaient manifestement déconcertés par un tel soulèvement. Recours en justice Une vague de réactions contraires est intervenue quand Claude Goasguen, député maire (LR) du XVIe arrondissement, farouche opposant au projet, a pris le micro. L’assemblée l’applaudit à tout rompre. « Le minimum dans ce genre de décisions, c’est d’en informer avant les riverains et les élus », dit l’édile à l’adresse de l’estrade comme pour expliquer le fiasco. Or « le problème est que vous avez décidé tout

A Paris, Haro Sur Un Centre Pour Migrants

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Page 1: A Paris, Haro Sur Un Centre Pour Migrants

1. Société

À Paris, haro sur un centre pour migrants

Après un débat houleux entre la Mairie et les riverains du XVIe, Valls souligne la « détermination de l’État ».

Delphine de Mallevoüe

POLÉMIQUE L’opposition des riverains au projet de centre d’hébergement d’urgence de migrants et sans-abri au cœur du XVIe arrondissement de Paris, sur le site classé du bois de Boulogne, a pris des envolées spectaculaires lundi soir. Alors que la Mairie de Paris organisait pour la première fois une réunion publique d’information sur le sujet, en présence des architectes et gestionnaires du projet, des représentants de la municipalité ainsi que Sophie Brocas, préfète et secrétaire générale de la Préfecture de Paris et d’Île-de-France, insultes et chahut ont été si vifs que la salle a été évacuée au bout de 15 minutes.

La réunion se tenait à l’université Paris-Dauphine, dans le XVIe arrondissement, devant quelque 800 personnes survoltées. Un nombre équivalent, massé sur les marches extérieures, n’avait pu entrer dans l’enceinte qui grouillait de personnels de sécurité. De nombreux cars de CRS et des voitures de police étaient postés autour de la zone. Décidé à l’automne dernier par Anne Hidalgo, la maire de Paris, ce centre provisoire (pour une durée de trois ans) d’une capacité d’accueil de 200 personnes doit voir le jour avant l’été. Le permis de construire doit être délivré dans les prochains jours (nos éditions du 14 mars 2016).

À peine la préfète Sophie Brocas a-t-elle pris la parole pour ouvrir le débat que les huées, sifflets et noms d’oiseaux ont fusé, galvanisés par le vacarme des riverains qui tapaient des pieds. « Marre des violons ! », « Ce terrain ne vous appartient pas ! », « Voleurs ! », « Arrêtez votre bla-bla ! », criaient de nombreux retraités en cravate. D’autres, remontés comme des coucous suisses, injuriaient la préfète mais aussi Anne Hidalgo, pourtant absente. « Salope ! », « Hidalgo au bois ! », « Sophie Brocas caca ! », « Hidalgo démission ! »… Un septuagénaire bouillonnait tant qu’un homme de la sécurité est venu pour l’enjoindre de sortir, mais est reparti penaud face à ses poings menaçants. Sur l’estrade, les intervenants venus expliquer leur projet étaient manifestement déconcertés par un tel soulèvement.

Recours en justice

Une vague de réactions contraires est intervenue quand Claude Goasguen, député maire (LR) du XVIe arrondissement, farouche opposant au projet, a pris le micro. L’assemblée l’applaudit à tout rompre. « Le minimum dans ce genre de décisions, c’est d’en informer avant les riverains et les élus », dit l’édile à l’adresse de l’estrade comme pour expliquer le fiasco. Or « le problème est que vous avez décidé tout

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seuls », accuse-t-il, et qu’il s’agit d’un « diktat ». « Ça sert à quoi de nous présenter ça, maintenant que c’est fait ? », hurle un riverain. Claude Goasguen dénonce la « manipulation » de la Mairie de Paris qui voudrait s’arroger le monopole de la solidarité alors que « le XVIe ne l’a jamais refusée », actions à l’appui. Surtout, il dénonce l’illégalité du projet. « Le bois de Boulogne n’est pas constructible, nous irons défendre la loi devant les tribunaux », promet-il. La commission des sites, avait donné un avis favorable en novembre dernier et Ségolène Royal, ministre de l’Environnement, a également donné son aval en janvier. Plusieurs recours sont d’ores et déjà portés devant la justice par plusieurs associations de défense des riverains et du bois de Boulogne.

« Une préfète qui défend un projet hors la loi, on n’a jamais vu ça ! », s’époumone un riverain. « Mairie de Paris, respecte les lois, respecte le bois », hurle un autre. Les architectes ne sont pas épargnés par l’ire de la salle, tout comme Éric Pliez, président du Samu Social de Paris et directeur général de l’Association Aurore, qui est chargée de gérer ce nouveau centre d’hébergement. D’autres riverains en colère arrivent avec des pancartes. « Touche pas à mon bois, non au centre d’hébergement », est-il écrit sur un panneau en forme de main reprenant le célèbre symbole de « Touche pas à mon pote ». Le président de l’université Paris-Dauphine, Laurent Batsch, prend alors la parole, copieusement chahuté lui aussi.

Les riverains gardent en mémoire que l’homme, « politiquement de mèche » avec la Mairie de Paris, accuse Martine, une habitante, avait soutenu Anne Hidalgo en 2014 dans « son projet fou » de piétonniser la mythique avenue Foch, artère huppée et classée elle aussi, située à quelques mètres de là, et d’y construire de nombreux logements sociaux. « Je suis votre hôte alors un peu de respect, calmez-vous !, intime le président de la faculté à l’assemblée. Est-ce que vous vous rendez compte du spectacle que vous donnez aux étudiants ? » Convulsions de la salle qui crie : « Pas de politique à l’université ! » Les nerfs à vif, Laurent Batsch siffle la fin de la récré : « Les conditions de sécurité ne sont plus garanties, la réunion s’arrête dès à présent », dit-il tandis que l’évacuation de la salle commence. Mardi, le premier ministre, Manuel Valls, a souligné, lors de la séance de questions à l’Assemblée nationale, la « détermination » de l’État à ouvrir ce centre dans le XVIe arrondissement. ■