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GAIGNARD Marie-Hélène Session 2005
Mémoire professionnel
Capa-SH – Option E
Certificat d’aptitude professionnelle pour les aides spécialisées,
les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de
handicap
À QUELLES CONDITIONS L’ÉCRITURE
D’UNE NOUVELLE POLICIÈRE PEUT-ELLE DEVENIR UNE
RE-MÉDIATION AIS ?
SOMMAIRE
INTRODUCTION ..................................................................................................................p. 01
PREMIERE PARTIE : LES FONDEMENTS THEORIQUES ..............................p. 03
I/ Le cadre institutionnel ...............................................................................................p. 03
1/ Les nouveaux programmes ........................................................................................p. 03
II/ La production d’écrits et ses éclairages didactiques .......................................p. 03
1/ Un acte de communication authentique ......................................................................p. 03
2/ La notion de projet .....................................................................................................p. 04
3/ Les modèles théoriques d’écriture ..............................................................................p. 05
a/ Les modèles linéaires ........................................................................................p. 06
b/ Le modèle de résolution de problème ................................................................p. 06
c/ Le modèle de l’interaction sociale .....................................................................p. 06
III/ La posture du maître E en regroupement d’adaptation : Prise en compte
des dernières recherches en sciences de l’éducation .............................................p. 07
1/ Une conception socio-constructiviste de l’apprentissage ............................................p. 07
a/ Le constructivisme ............................................................................................p. 07
b/ Le socio-constructivisme : interactions et importance du langage ......................p. 08
c/ La Zone Potentielle de Développement (ZPD) ...................................................p. 09
d/ Le conflit-socio-cognitif ....................................................................................p. 09
2/ Le transfert ................................................................................................................p. 10
a/ Tentative de définition .......................................................................................p. 10
b/ Les habiletés métacognitives .............................................................................p. 12
3/ Les critères de médiation du PEI (Plan d’Enrichissement Instrumental) .....................p. 13
4/ Les trois postures de l’enseignant ...............................................................................p. 13
a/ L’enseignant médiateur .....................................................................................p. 13
b/ L’enseignant animateur .....................................................................................p. 15
c/ L’enseignant transmetteur de savoirs .................................................................p. 15
5/ Le statut de l’erreur ....................................................................................................p. 16
DEUXIEME PARTIE : APPLICATIONS PEDAGOGIQUES DES FONDEMENTS
THEORIQUES AU REGARD DES ELEVES EN BESOINS EDUCATIFS
PARTICULIERS (BEP) ......................................................................... p. 17
I/Prise en compte et définition des BEP des élèves suivis ....................................p. 17
1/ Evaluations individuelles ...........................................................................................p. 17
2/ Recueil des représentations initiales des élèves sur la production d’écrit ....................p. 18
3/ Elaboration des projets individuels et du projet de groupe ..........................................p. 19
II/ Mise en œuvre de la démarche globale du projet selon les six critères de
l’activité de tutelle de J. Bruner ..................................................................................p. 19
1/ L’enrôlement .............................................................................................................p. 19
2/ La réduction des degrés de liberté ..............................................................................p. 20
3/ Le maintien de l’orientation .......................................................................................p. 21
4/ La signalisation des caractéristiques dominantes ........................................................p. 22
5/ Le contrôle de la frustration .......................................................................................p. 23
6/ La démonstration .......................................................................................................p. 25
III/ Bilan du projet ..........................................................................................................p. 27
CONCLUSION ......................................................................................................................p. 30
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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Introduction
Au cours de mes années d’enseignement en école primaire, principalement en ZEP, j’ai souvent
été confrontée et désarçonnée par la difficulté scolaire de certains d’élèves. A de multiples reprises, je
me suis sentie démunie face aux blocages que certains sujets-apprenants pouvaient avoir dans le
domaine de la maîtrise de la langue et notamment en production d’écrit.
Ecrire est une activité complexe qui requiert de nombreuses compétences et de ce fait qui effraie souvent
aussi bien les élèves que les enseignants, les uns comme les autres se voyant déjà dans une posture
difficile qui pourrait les placer en situation d’échec.
Mais comment envisager de faire de nos élèves de véritables citoyens autonomes dans leurs
choix et dans leur compréhension du monde sans leur donner la possibilité de comprendre le rôle de
l’écrit dans notre société et le pouvoir qu’il offre à ceux qui le maîtrisent ?
Il paraît essentiel d’aider les élèves en Besoins Educatifs Particuliers (BEP) à sortir de cette
spirale liée à la difficulté scolaire qu’ils envisagent pour eux-mêmes en leur permettant de donner du
sens à l’acte d’écrire, en leur faisant vivre l’expérience de la réussite et ainsi rénover l’envie
d’apprendre.
Lors de ma première prise de poste à la rentrée 2004, en tant que maîtresse E, j’ai été amenée à
prendre en charge des élèves de cycle III pour lesquels la demande d’aide se situait dans le domaine de
la maîtrise de la langue : difficultés globales et plus particulièrement en production d’écrit.
J’ai choisi de mettre en place un projet qui engagerait ces élèves dans une réelle démarche d’écriture et
le problème qui se posait était le suivant :
En quoi l’écriture d’une nouvelle policière, pour des élèves de cycle III pris en regroupement
d’adaptation, va permettre l’évolution de leurs représentations liées à l’acte d’écrire ?
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Afin de tenter d’y répondre, j’ai émis les hypothèses suivantes :
- Le fait d’aider les élèves à envisager l’écriture comme un acte de communication leur
permet de donner du sens à cette activité et de mieux comprendre l’obligation de se soumettre à
un code commun.
- L’élaboration et l’appropriation de fiches-outils d’aide à l’écriture peuvent permettre aux
élèves d’améliorer leurs compétences de scripteur ainsi que leur capacité à transférer leurs
compétences en classes de référence.
- Le fait d’adopter une posture de médiatrice cognitive dans le cadre des interactions
langagières en petit groupe doit permettre à ces élèves en BEP de prendre conscience de leurs
processus d’écriture.
Afin de vérifier la validité de ces trois hypothèses, j’organiserai mon travail en deux parties :
Dans la première partie, j’envisagerai les aspects institutionnels et didactiques concernant la maîtrise de
la langue ainsi que les dernières recherches en sciences de l’éducation, fondatrices du paradigme de
l’apprentissage.
Dans la deuxième partie, je présenterai les élèves du groupe pris en charge et j’analyserai leurs besoins
et leurs ressources. Puis j’expliciterai la démarche du projet à la lumière des six critères de l’activité de
tutelle de J. Bruner ainsi que les re-médiations choisies pour, enfin, procéder à l’analyse du bilan de ce
projet d’écriture et envisager les prolongements possibles.
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Première partie : Les fondements théoriques
I/ Le cadre institutionnel 1/ Les nouveaux programmes
Dans le domaine de la maîtrise du langage et de la langue française au cycle III, « objectif
essentiel de l’école élémentaire », les nouveaux programmes à l’école élémentaire concernant la
littérature (dire, lire, écrire) spécifient l’importance de pouvoir donner à chaque élève un répertoire de
références appropriées à son âge et puisées dans la littérature de jeunesse. La volonté de créer la base
d’une culture commune est clairement affichée.
Dans cette optique, la production d’écrit, soutenue par le programme de littérature, devient un vecteur de
partage qui se met en place par le biais, notamment, de projets d’écriture. En effet, on insiste sur le fait
que c’est en mettant en œuvre des projets d’écriture, ancrés dans des situations de communication
véritables, qu’il est possible de se consacrer tour à tour à des activités comme la mobilisation des
informations et l’organisation du texte.
Ainsi, au cycle III, la production d’écrit est envisagée comme une activité complexe prenant appui
principalement sur deux types d’écrits : les écrits fonctionnels et les écrits fictionnels, ces derniers
permettant la construction de la structure narrative : « L’univers de cette littérature se découvre aussi,
dès l’école primaire, par la pratique de l’écriture. Cette expérience, plus exigeante, permet à l’élève de
commencer à prendre conscience des spécificités du monde des fictions. » (CNDP, 2002, p. 185).
L’élève devant, en outre, être capable à la fin du cycle des approfondissements de : « Elaborer et écrire
un récit d’au moins une vingtaine de lignes, avec ou sans support, en respectant des contraintes
orthographiques, syntaxiques, lexicales et de présentation. » (CNDP, 2002 p. 173).
Enfin, toujours à la lecture des nouveaux programmes, on peut constater qu’une part importante
de l’activité d’écriture est accordée à la révision : « La révision reste, comme dans tous les projets
d’écriture, un moment essentiel. (…) Les élèves doivent être régulièrement conduits à réécrire un texte,
en référence au projet d’écriture et aux suggestions de révision élaborées en classe et, pour cela,
ajouter, supprimer, déplacer ou remplacer des morceaux plus ou moins importants de textes. » (CNDP,
2002, p. 172).
II/ La production d’écrits et son éclairage didactique
1/ Un acte de communication authentique
Tout comme la lecture, l’écriture se définit essentiellement comme une activité de construction
de sens. Dans cette optique, l’apprenant doit autant que faire se peut, être amené à vivre des situations
d’écriture signifiantes. En effet, beaucoup d’élèves, notamment ceux pris en charge en regroupement
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d’adaptation, ne voient pas l’intérêt de rentrer dans une démarche d’écriture. Pourquoi cet enjeu
d’écrire ne correspond pas à un besoin qu’ils manifestent ? Pour tenter de répondre à cette
interrogation, on peut se référer à M. Fabre et aux trois fonctions du problème qu’il a théorisées à savoir
la fonction épistémologique ou de signification, la fonction sociale ou de référence et enfin la fonction
psychologique ou de manifestation : « Qu’est-ce qui commande la prudence pédagogique sinon cette
question : quel sens a ce que nous faisons ensemble, maître et élèves, ici et maintenant ? (…) Le premier
axe de questionnement porte sur la nature et la valeur des contenus (signification) : est-ce que je fais
faire à mes élèves des apprentissages valables, épistémologiquement fondés ? (…) Le deuxième axe
concerne la référence : quels rapports les activités scolaires entretiennent-elles avec le monde hors de
l’école ? (…) Le problème revêt (…) une fonction de manifestation dans la mesure où il vise à motiver
ou à enrôler l’élève dans l’apprentissage. » (Fabre, 1999, p. 73 et p. 75).
Il semble donc important de faire prendre conscience aux élèves que l’écrit peut remplir
différentes fonctions : on peut écrire pour laisser une trace, pour se rappeler, pour s’exprimer mais aussi
pour communiquer. Ainsi, aider l’apprenant à se considérer comme un auteur/émetteur qui s’adresse à
un lecteur/récepteur lui donne la possibilité de comprendre l’enjeu de cette situation de communication :
exprimer un message qui devra être assez clair et plaisant pour être compris et apprécié par celui qui le
lira. En les comparant à des auteurs de roman par exemple, on peut, d’une part les renarcissiser, d’autre
part les inviter à développer la faculté d’empathie et ainsi être à même de mieux cerner les besoins et les
attentes du lecteur. L’obligation de se soumettre aux exigences d’un code commun pour être compris de
son lectorat devient alors plus claire et plus facile à accepter pour l’élève qui écrit. L’acte d’écrire
retrouve ainsi tout son sens.
2/ La notion de projet
Pour être porteuse de sens, la production d’écrits doit s’organiser autour de projets d’écriture : la
finalisation des productions doit être claire. « Pour qu’il y ait projet, il faut que l’élève soit réellement
impliqué à titre d’acteur responsable dans une tâche dont il perçoit l’enjeu. » (Hatier concours Tome 2
p. 110-115). Les élèves doivent savoir à quoi servent les activités qu’ils sont en train de pratiquer. On
retrouve ici la notion de médiation de l’intentionnalité détaillée plus loin dans la troisième partie de ce
travail.
Les éléments caractéristiques du projet sont les suivants :
- Les élèves doivent être au clair sur les enjeux explicites du projet (Pour quoi écrit-on ? A quoi sert le
travail entrepris ?).
- Mettre en place un dispositif anticipant sur le produit attendu et les moyens de parvenir à sa réalisation.
- Procéder à des essais, qui seront évalués explicitement par les élèves, ce qui permet de définir les
modifications à apporter et de construire les savoirs nécessaires.
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- Intégrer dans le cours du projet des apprentissages en situation, qui permettent d’aller vers la résolution
de problèmes d’écriture ; ces apprentissages portent aussi bien sur le fonctionnement des textes que sur
la maîtrise des codes de la langue.
- Piloter l’ensemble du projet par la mise en œuvre d’une démarche d’évaluation formative.
La démarche de projet doit néanmoins être gérée avec prudence car, comme le précise Philippe
Perrenoud, la logique de l’action et de la réussite est susceptible de l’emporter sur la logique de
l’apprentissage : « Les vertus de la démarche de projet sont à mettre en balance avec ses effets pervers :
d’un côté, la tension vers un objectif ambitieux est une réserve inépuisable de vrais problèmes, qui sont
autant d’occasions de consolider ou de développer des compétences ; de l’autre côté, cette tension
même peut empêcher d’apprendre, parce que l’obstacle qui surgit de l’action n’est pas conçu pour faire
apprendre. (…) La logique de l’action est par ailleurs d’utiliser au mieux les compétences existantes, ce
qui conduit à ne pas solliciter ceux qui auraient le plus grand besoin de progresser, parce que dans une
logique de la réussite, ils retardent ou mettent en danger l’entreprise commune. » (Perrenoud, 1997, p.
82).
Pour éviter ces écueils, selon Rosée Morissette, le projet :
- doit s’inscrire dans une démarche de construction des savoirs et favoriser des interventions explicites
quant au transfert des apprentissages ;
- ne doit pas être une juxtaposition de connaissances, de savoir-faire, de procédures, mais doit plutôt
être une réponse possible à un problème ;
- doit mettre en évidence la nécessité d’acquérir les nouvelles connaissances nécessaires pour
comprendre et résoudre le problème présenté ;
- doit posséder les mêmes caractéristiques qu’une tâche (situation-problème) et contenir les mêmes
composantes ;
- doit regrouper des tâches (situations-problèmes). » (Morisette, 2002, p. 114).
3/ Les modèles théoriques d’écriture
Sur un plan didactique, les tâches scolaires qui sont associées à la production écrite sont des plus
complexes. Elles ont été catégorisées dans les « problèmes compositionnels » de J.G Greeno avec les
caractéristiques suivantes : le but de la tâche n’est pas déterminé d’entrée, il est posé au départ en termes
généraux et doit se préciser au fur et à mesure que le travail avance ; de multiples solutions sont
possibles pour répondre aux objectifs fixés ; de nombreuses connaissances doivent être mobilisées et
coordonnées.
Trois types de modèles se sont succédés pour décrire les processus mis en jeu dans la rédaction du texte.
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a/ Les modèles linéaires
Ils sont largement inspirés du point de vue des professionnels de l’écriture. En effet, ces derniers
s’intéressent particulièrement au produit final et prennent en compte trois opérations séquentielles : la
génération d’idée (prise de note et organisation des idées), la production de texte (écriture proprement
dite) et la révision (travail éditorial sur le texte). Dans son étude sur les différentes approches théoriques
de la production écrite individuelle, J. Fitzgerald identifie le type de modèle linéaire sous l’intitulé
« modèle des stades ». Dans ce modèle, le texte est considéré comme un objet externe. Le processus
d’écriture est vu comme une transmission de connaissances, indépendantes du rédacteur, dans laquelle il
s’agit de trouver, de structurer et de traduire des informations en mots. Sur un plan développemental,
l’attention est portée sur les connaissances des qualités essentielles qui font d’un texte un « bon » texte.
Dans le modèle des stades, la connaissance est considérée comme objective, universelle et indépendante
du rédacteur.
b/ Le modèle de résolution de problème
Le modèle de résolution de problème (ou modèle cognitif) cherche essentiellement à décrire les
processus mentaux mis en œuvre dans les processus d’écriture. Le modèle de résolution de problème le
plus connu est celui de L. Hayes et J.R Flower qui présente trois processus principaux animés par un
principe de récursivité constante :
- Le processus de planification : Récupération des informations stockées en mémoire à long terme et
prise d’information en situation. S’en suivent la sélection et l’organisation des éléments informationnels
récupérés.
- Les opérations de mise en texte du message : Sélection des différentes marques linguistiques et
paralinguistiques qui traduisent le plus correctement possible les choix sémantiques, pragmatiques et
textuels. Organisation de cette sélection aboutissant à la rédaction proprement dite.
- La révision, détection, identification, correction : Comparaison des représentations entre elles, par
exemple celle liée au projet communicatif planifié et celle suscitée par la relecture du texte censé
traduire ce projet.
c/ Le modèle de l’interaction sociale
M. Nystrand, auteur de ce modèle, envisage la production écrite comme une négociation de sens
entre un rédacteur et son lecteur afin de créer un cadre de référence commun. En effet, le rédacteur
cherche à prendre en compte les points de vue de son lectorat et le lecteur lit le texte avec en tête de
retrouver les points de vue défendus par l’auteur. Le sens des textes n’est pas vu en terme de contenu
sémantique, mais plutôt en terme de potentiel sémantique. Dans ce contexte, ce sont les intentions des
lecteurs qui déterminent en grande partie les propriétés saillantes des textes et, par conséquent, leur sens.
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Pour l’auteur du modèle interactionniste, la nature de l’écriture est, tout comme celle du langage,
indubitablement interactive et sociale.
Le modèle de M. Nystrand propose trois opérations essentielles réalisées par un rédacteur confirmé :
- L’initialisation du discours écrit : Le début du texte doit établir un cadre mutuel de référence entre le
rédacteur et son lecteur et donc présenter un sujet clair. Le texte doit également clarifier la nature de la
communication en intégrant des éléments discursifs pour indiquer au lecteur de quel genre de texte il
s’agit et comment l’interpréter.
- La maintenance, la régulation du discours écrit : Une fois le cadre de référence déterminé, le rédacteur
doit poursuivre par l’élaboration du texte dans lequel chaque nouvelle information modifie ou étend la
réalité partagée. Le rédacteur doit donc tester chaque élément modificateur en terme de réciprocité,
c’est-à-dire, qu’il doit vérifier que ces informations ne constituent pas une source de trouble potentiel
menaçant la réciprocité rédacteur-lecteur.
- Les élaborations du rédacteur : Les élaborations de texte incluent les mots, expressions, les phrases et
les paragraphes.
Bien que radicalement différents, ces types de modèle peuvent être vus comme complémentaires
car ils permettent d’adopter plusieurs perspectives du même problème. Ainsi, le modèle des stades met
en valeur la construction du texte lui-même, le modèle de résolution de problème observe le rédacteur en
contexte et le modèle de l’interaction sociale permet de considérer les aspects sociaux de l’écriture.
III/ La posture du maître E avec les élèves en regroupement d’adaptation : prise en
compte des dernières recherches en sciences de l’éducation
1/ Une conception socio-constructiviste de l’apprentissage
a/ Le constructivisme
Initié par J. Piaget dès les années 50, le courant constructiviste se fonde sur ses travaux
concernant le développement cognitif de la personne. Selon Piaget, le développement cognitif est
caractérisé par des changements qualitatifs, changements qui résultent de l’adaptation de structures
cognitives existantes : les schèmes. L’enfant est considéré par Piaget comme constructeur actif de ses
connaissances. Le changement est inévitable et irréversible, déterminé biologiquement, bien que le
temps requis puisse varier pour chaque individu, et serait influencé par les stimulations de son
environnement. Ainsi, chaque enfant se développe selon trois stades immuables chronologiquement
(stade sensori-moteur, stade de l’intelligence concrète, stade de l’intelligence formelle) et pour qu’il
apprenne, un enfant doit être placé dans des situations le menant à un conflit cognitif par lequel il voit se
confronter ses représentations à la réalité, à la déstabilisation. « Ainsi, devant une situation nouvelle,
inconnue, pouvant être perturbante, l’enfant essaie d’abord de l’identifier en l’incorporant à ses
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schèmes déjà constitués. Il s’appui sur des repères connus. Cette régulation que Piaget nomme
assimilation peut être suffisante. Elle peut, en d’autres circonstances, s’avérer insatisfaisante et
nécessiter la modification des schèmes référentiels, voire la création de nouveaux schèmes. C’est
l’accommodation. Le processus complémentaire, dialectique, combinant assimilation et accommodation,
conduit à l’équilibration. » (Perraudeau, 1996, p. 29).
Bien que les études inspirées par Piaget mentionnent l’aspect important de la communication
(sans toutefois l’avoir approfondi), elles indiquent que le conflit conceptuel peut aussi survenir chez une
personne à l’extérieur du processus d’interaction sociale et sans l’aspect de communication
(confrontation de ses représentations avec l’environnement par exemple).
b/ Le socio-constructivisme : interactions et importance du langage
Si la théorie de Piaget sur le développement cognitif est basée sur le conflit (envisagé sous
l’angle du paramètre individuel) en tant que mécanisme d’apprentissage, la collaboration décrirait le
mécanisme de développement proposé par Vygotski : « L’apprentissage avec autrui crée les conditions
chez l’enfant de toute une série de processus de développement, lesquels ne se produisent que dans le
cadre de la communication et de la collaboration avec des adultes ou avec des pairs, mais qui
deviendront après coup une conquête propre à l’enfant. » (Vergnaud, 2000, p. 23).
La théorie de Vygotski se fonde sur l’idée selon laquelle le développement cognitif ne se produit
pas dans l’isolement. Il soutient que le développement de l’individu est global (développement social,
physique, cognitif et langagier) et se produit dans un contexte social, culturel, historique et économique.
La combinaison de l’utilisation d’outils et de l’utilisation de symboles, particulièrement le langage
permet le développement de fonctions psychologiques et mentales plus complexes. Le langage
transforme les comportements en réalisations plus abstraites, permettant des activités mentales plus
flexibles particulières aux humains. Seules les interactions avec d’autres personnes peuvent permettre
d’apprendre les fonctions du langage qui sont culturellement pertinentes et appropriées. Les enfants
construisent le sens des mots à partir de leur compréhension du langage auquel ils sont exposés dans
leur environnement social.
Le langage et les actions sont unis dans une seule fonction psychologique servant à résoudre des
problèmes. Plus le problème est complexe, plus le rôle du langage prend de l’importance. Dans la
résolution de problèmes complexes, on fait appel à deux formes de langage : le langage égocentrique ou
intrapersonnel et le langage social ou interpersonnel. Dans le premier cas, l’enfant régule ses actions en
se parlant dans le but de trouver la solution au problème : « il s’agit là d’une forme d’accompagnement
et d’orientation de la pensée, qui prendra chez l’adulte la forme du langage intérieur. » (Vergnaud,
2000, p. 42). C’est une sorte de monologue qui n’est adressé à personne, par lequel l’enfant accompagne
son activité, et qui a pour fonctions la décharge et l’expression mais également l’élaboration en vue de
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résoudre un problème. Pour ce faire, l’enfant peut aussi demander de l’aide ; il utilise alors le langage
social.
En fait, le langage égocentrique est l’intériorisation du langage social, au fur et à mesure que
l’enfant fait appel à ses propres ressources intellectuelles ; le langage égocentrique peut être vu comme
l’étape intermédiaire entre le langage extériorisé et le langage intérieur.
La thèse de Vygotski concernant la structuration intellectuelle s’organise donc autour de la
notion d’interaction au sein de laquelle le langage joue un rôle fondamental et ce dans le cadre de la
Zone Potentielle de Développement (ZPD) de l’individu.
c/ La Zone Potentielle de Développement (ZPD)
Le lien entre développement et apprentissage est exprimé par Vygotski par la notion de « Zone
potentielle de développement ». Il s’agit de « La distance entre le niveau de développement actuel tel
qu’on peut le déterminer à travers la façon dont l’enfant résout des problèmes seul, et le niveau de
développement potentiel tel qu’on peut le déterminer à travers la façon dont l’enfant résout des
problèmes lorsqu’il est assisté par l’adulte ou collabore avec d’autres enfants plus avancés. »
(Vygotski, 1995, p. 353).
d/ Le conflit socio-cognitif
Il est issu des recherches menées par Anne-Nelly Perret-Clermont. Une double formation de
psychologue et de sociologue l’a conduite à envisager les coordinations cognitives non plus sous le seul
angle du paramètre individuel comme pouvait le faire Piaget, mais davantage à travers l’interaction
sociale, ces dernières facilitant l’élaboration des structures de la connaissance de l’individu. En effet, les
travaux d’A-N Perret-Clermont ont pu montrer que, à certains moments du développement, « l’action
commune de plusieurs individus, nécessitant la résolution d’un conflit entre leurs diverses centrations,
aboutit à la construction de nouvelles coordinations chez l’individu. » (Perret-Clermont, 1981, p. 39).
Le principe même du conflit socio-cognitif se base sur la confrontation de différents points de
vue dans le cadre d’un dialogue et non pas d’une compétition. De même, il ne suffit pas de placer des
individus dans un confit socio-cognitif pour que ces derniers apprennent. Au contraire, cette situation
peut amener certaines personnes à rester sur leur position, voire à les renforcer. Ce n’est donc pas le
conflit en tant que tel qui permet l’apprentissage mais sa résolution.
Par le concept de conflit socio-cognitif, A-N Perret-Clermont a donc permis de jeter « un pont
entre la conception piagétienne du développement cognitif et celle ouverte à la relation sociale
développée dans certains travaux de Vygotski. » (Perraudeau, 1996, p. 32).
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2/ Le transfert
La problématique du transfert des apprentissages n’est pas nouvelle dans les sciences cognitives,
mais « vu la complexité de plus en plus grande des situations sociales et professionnelles devant laquelle
chaque individu d’aujourd’hui est placé, le transfert des apprentissages constitue un enjeu d’adaptation
sociale extrêmement important. (…) Le transfert devient donc l’enjeu de chaque situation
d’apprentissage. » (Morissette, 2002, p. 23).
a/ Tentative de définition
Le transfert peut être défini comme un mécanisme cognitif complexe d’apprentissage, mettant en
jeu les processus de particularisation et de généralisation permettant au sujet-apprenant de s’adapter
cognitivement et affectivement à des contextes différents en prenant appui sur la mémoire à long terme
et l’analogie. Examinons les éléments de cette définition au regard des travaux menés par différents
enseignants-chercheurs.
Dès 1986, Ph. Meirieu ainsi que différents praticiens et chercheurs en sciences de l’éducation
réunis lors du colloque de Lyon sous l’intitulé « Le transfert des apprentissages en formation initiale et
continue », se proposaient de mener une réflexion conjointe autour de la notion de transfert des
apprentissages. Sans donner lieu à une définition consensuelle du transfert, ce moment a permis deux
avancées majeurs à savoir que :
- Le transfert existe bien en tant que processus distinct de l’intelligence et de l’apprentissage.
- Ce n’est pas un mécanisme automatique mais un processus à part entière et comme tout processus il
peut faire l’objet d’un apprentissage : en ce sens il serait intéressant d’envisager non pas le transfert des
apprentissages mais l’apprentissage du transfert.
Dans cette optique, J. Tardif précise que la recherche constante du transfert fait partie intégrante
du processus d’apprentissage et doit être présente durant tout le déroulement d’une activité : « Le
transfert ne constitue pas la phase terminale de l’apprentissage, mais il est présent tout au long de
l’apprentissage. » (Tardif, 1999, p. 64-65). Ainsi, le transfert est un processus qui doit faire l’objet d’un
apprentissage conscientisé par les apprenants : « Cela revient à dire que le transfert doit s’enseigner, se
construire en même temps que les connaissances de base que l’on souhaite voir transférer, et non après.
Dans ce contexte, les élèves doivent percevoir les connaissances comme des instruments, des outils au
service de l’action. » (Morissette, 2002, p. 24). Dès le moment où l’élève commence à se construire une
nouvelle connaissance, il doit percevoir que cette connaissance est viable en dehors des murs de la classe
et qu’il peut reconnaître des contextes éventuels d’utilisation.
En 1993, Britt-Mari Barth quant à elle, envisageait le transfert comme une capacité de
généralisation : « La notion de transfert se réfère à la capacité de mettre en œuvre des savoirs ou des
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savoir-faire, appris dans une situation donnée, dans un contexte nouveau : autrement dit, il s’agit de la
capacité de généraliser ce qu’on a appris à une situation nouvelle. » (Barth, 1993, p. 168).
Dans cette définition du transfert, B-M. Barth n’envisage pas explicitement la phase de
particularisation même si elle l’envisage dans la formation des concepts permettant l’abstraction,
première étape de la démarche de construction de la conceptualisation. En effet, pour parvenir à la
conceptualisation, l’individu doit, dans un premier temps, abstraire, c’est-à-dire former empiriquement
des concepts par le processus de discrimination, c’est-à-dire dégager les attributs essentiels du concept,
distinguer les ressemblances, les similitudes, en d’autres termes, particulariser. Pour pouvoir transférer,
l’individu doit donc, certes, étendre sa conclusion à une catégorie entière, donc à généraliser, mais avant
de pouvoir faire cela, il doit d’abord effectuer une comparaison entre deux niveaux de contextes
différents pour en dégager les similitudes.
Dans « Le savoir en construction », B-M Barth reprend les travaux de Perkins et Salomon qui
envisagent deux sortes de transfert : « le transfert par le haut » et « le transfert par le bas ». Le premier
type de transfert correspond à la réactivation d’un comportement déjà bien stabilisé par les similitudes
de deux situations qui se ressemblent. Le transfert par le haut correspond quant à lui à un mécanisme qui
n’est pas automatique mais qui se produit de façon consciente et volontaire : « Le transfert passe par la
conscience de la connaissance ou de la compétence qu’on met en œuvre au moment où on le fait et par
la ferme intention de faire le transfert. » (Morissette, 2002, p. 41). C’est ce type de transfert qu’il faut
viser à l’école si l’on souhaite que les élèves puissent réinvestir leurs apprentissages dans des situations
de la vie courante. On peut faire un parallèle entre le modèle de Perkins et Salomon et la théorie de
Piaget sur l’équilibration : le transfert par le bas correspondrait à l’assimilation alors que le transfert par
le haut correspondrait à l’accommodation.
Intéressons nous à présent à la notion d’analogie. Le transfert en pédagogie et le transfert en
psychanalyse font appel au même mécanisme cognitif à savoir l’analogie, c’est-à-dire, le fait de faire des
comparaisons entre deux niveaux de contextes différents en s’appuyant sur la particularisation que l’on
pourrait nommer métacomparaison. « J’ai mis longtemps à oser le rapprochement entre transfert
psychanalytique et transfert des apprentissages ; longtemps j’ai refusé d’envisager un lien quelconque
entre ces deux termes. Or tout mouvement transférentiel (de type inconscient), toute démarche de
transfert (de type cognitif), requièrent la pensée analogique. » (Montandon, 2002, p. 39).
En effet, quand le patient transfert sur son thérapeute, il fait une analogie (inconsciente) entre la relation
qu’il a avec ce dernier et la relation qu’il a pu avoir avec l’un de ses parents. Pour arriver à ce transfert,
on va partir du cognitif de l’individu (les informations qu’il donne de lui-même) pour arriver au
éléments sous-jacents de ces informations à savoir l’affectif qui, pour diverses raisons, peuvent perturber
l’individu. De même, lorsque le sujet apprennant transfert un apprentissage, il fait une analogie entre la
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situation qu’il est en train de vivre ou le problème qu’il a à résoudre et une situation identique qu’il a
déjà vécue. Mais pour arriver à ce transfert des apprentissages, l’individu doit être libéré de toute
surcharge affective qui pourrait le déborder (la sortie du week-end en famille, la bagarre dans la cour qui
vient d’avoir lieu) de façon à être disponible cognitivement.
D’un point de vue pédagogique, cela implique que si la personne n’est pas disponible
affectivement, elle ne pourra pas l’être non plus cognitivement : le conatif est donc au service du cognitif
et inversement, on ne peut pas dissocier l’un de l’autre, l’un doit aider l’autre.
b/ Les habiletés métacognitives
Nous l’avons dit précédemment, pour qu’il y ait transfert réfléchi et volontaire, il faut que
l’apprenant puisse donner du sens à ce qu’il fait mais également qu’il ait conscience, non seulement de
ce qu’il fait, mais aussi de la façon dont il s’y prend pour le faire. Or, cette prise de conscience ne peut
se faire de manière automatique. Pour avoir lieu, elle doit faire l’objet d’un moment de régulation de la
pensée par l’intermédiaire du langage afin que les opérations mentales et les processus mis en œuvre
dans la tâche puissent émerger : « De la métacognition, John H. Flavell dit dans une formule générale
souvent reprise qu’elle est la cognition sur la cognition, le terme cognition désignant l’activité de la
connaissance plutôt que les connaissances elles-mêmes comprises comme produits de cette activité, ce
que confirme la définition de S.R. Yussen (1985) : « C’est cette activité mentale pour laquelle les autres
processus mentaux deviennent objet de réflexion ». On retrouve bien dans ces formules les idées de prise
de conscience et de pensée réflexive qui font du sujet une sorte de spectateur attentif de ses propres
modes de pensée et procédures utilisés pour résoudre des problèmes. » (Doly, 1997, p. 18).
C’est le rôle de l’enseignant de favoriser cette prise de conscience : « L’enseignant chargé des
aides spécialisées à dominante pédagogique (…) favorise la prise de conscience par l’élève de ses
stratégies d’apprentissage et de ses procédures intellectuelles, afin de l’aider à améliorer ses
compétences et son investissement scolaires. » (CNEFEI, 2004, p. 226).
B-M Barth reprend les travaux menés par Vygotski et, en s’appuyant sur lui, précise deux degrés
possibles de prise de conscience dans l’apprentissage : snanie et osoznanie. « Le premier niveau permet
de prendre conscience de « l’objet » (de pensée) lui-même, le second du fait qu’on en a pris conscience,
ce qui est différent. On rencontre d’abord l’objet de la pensée en tant qu’ « objet social », extériorisé, et
ensuite, quand on en a pris conscience, peut commencer le processus d’intériorisation : on sait ce qu’on
sait. » (Barth, 1993, p. 44).
Ainsi, par une analyse conscientisée des schèmes opératoires utilisés par l’apprenant, la
métacognition permet de favoriser le transfert et donc d’améliorer la réussite scolaire car :
« L’inefficacité des efforts des élèves en échec est à mettre au compte d’une déficience de type
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métacognitif bien plus que cognitif. Ils ont des connaissances et des compétences mais ne savent pas les
utiliser, ni les transférer, cette inefficacité étant tout d’abord attribuée au fait qu’ils ne savent pas ce
qu’ils savent. » (Morissette, 2002, p. 56).
3/ Les critères de médiation du PEI (Plan d’Enrichissement Instrumental)
La médiation, c’est ce que l’adulte interpose entre l’enfant et le monde pour lui rendre ce dernier
intelligible, de telle sorte qu’il puisse y penser, y vivre, s’y construire une identité d’homme. Christiane
Montandon précise le rôle des médiations « comme étant ce qui s’interpose entre l’apprenant et le
monde, ou l’objet à connaître, et qui remplissent une fonction de structuration et de facilitation dans la
construction des apprentissages. » (Montandon, 2002, p. 32).
Les critères de médiation définis par R. Feuerstein, quant à eux, sont au nombre de douze mais ne
sont pas à juxtaposer et à utiliser lors d’une seule et même séance d’enseignement, ni même à
hiérarchiser :
Médiation de l’intentionnalité et de la réciprocité
Médiation de la transcendance
Médiation de la signification
Médiation du sentiment de compétence
Médiation de la régulation et du contrôle du comportement
Médiation de l’acte de partage
Médiation du processus d’individuation et de différence psychologique
Médiation de la recherche d’un but
Médiation du comportement de défi
Médiation de la conscience de la modifiabilité de l’être humain
Médiation du choix d’une situation optimiste
Médiation du sentiment d’appartenance
On peut définir le rôle de l’enseignant en tant que médiateur à travers ces critères. Mais
l’enseignant doit varier ses postures afin de favoriser les apprentissages et leur transfert. Ces postures ont
été étudiées par Ch. Montandon suite aux travaux menés notamment par D. Anzieu, R. Feuerstein et Ph.
Meirieu.
4/ Les trois postures de l’enseignant
a/ L’enseignant médiateur
L’enseignant fait appel aux critères 1 et 3 notamment en début de séance en donnant l’objectif
qu’il a pour le groupe, en explicitant son intention de façon à ce que les élèves aient une idée précise de
ce vers quoi il faut tendre (médiation de l’intentionnalité). Sous l’impulsion du médiateur, les apprenants
reformulent les éléments de la tâche (objectif, consigne, support). Ce feed-back permet à l’enseignant de
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vérifier la compréhension que les apprenants ont des modalités et des enjeux de la situation
d’apprentissage (médiation de la réciprocité) et éventuellement de la réajuster. De même, il veille à ce
que la tâche démarre une fois seulement que tous les protagonistes se soient mis d’accord sur la
signification des termes utilisés, sur la base de repères non pas subjectifs mais objectifs qui soient clairs
pour tous (médiation de la signification). Ceci peut être mis en parallèle avec une caractéristique de
l’activité de tutelle de J. Bruner à savoir l’élaboration d’un code commun et de la socialisation.
En fin de séance, l’enseignant fera appel à la médiation de la transcendance pour aider
l’apprenant à généraliser c’est-à-dire à prendre conscience qu’à travers une situation particulière
d’apprentissage, il a acquis certains processus cognitifs, a mis en œuvre certaines stratégies qu’il est
possible de transposer dans d’autres situations. Cette médiation implique bien sûr la transférabilité des
apprentissages.
La médiation du sentiment de compétence est un pré-requis nécessaire pour que le
fonctionnement mentale de l’apprenant se déploie correctement c’est-à-dire pour qu’il y ait besoin et
désir d’apprendre. L’individu doit s’investir dans la démarche de connaissance et pour ce faire,
l’enseignant, par des paroles d’encouragement, va aider l’apprenant à reprendre espoir, lui redonner
confiance en lui. Il y a donc un travail sur l’image de soi qui est effectué par cette médiation de façon à
aider l’apprenant à se renarcissiser.
L’enseignant fait également appel à la médiation de la régulation et du contrôle du comportement
pour aider le sujet-apprenant à planifier, à se repérer dans les différentes étapes qu’il y a à respecter pour
résoudre la tâche. De même, si l’apprenant se décourage ou se perd dans les détails, l’enseignant aidera
l’apprenant à avoir toujours à l’esprit le but à atteindre. Ceci renvoie à l’une des cinq caractéristiques de
l’activité de tutelle de J. Bruner à savoir le maintien de l’orientation et le maintien du cadre.
Par la médiation de l’acte de partage, l’enseignant va s’appuyer sur le groupe et sur la nécessité
d’une écoute mutuelle de façon à ce que chacun puisse donner son propre point de vue et que l’on puisse
ainsi dégager les points communs à tous. On encourage ainsi la pensée convergente contrairement à la
médiation du processus d’individuation et de différence psychologique où l’enseignant va plutôt
chercher à créer les conditions d’émergence du conflit socio-cognitif et ce en s’appuyant cette fois non
plus sur le groupe mais sur les individus. Chacun aura le droit d’exprimer et de défendre son propre
point de vue. L’enseignant cherchera alors à encourager une pensée divergente et le développement de
l’esprit critique.
En sollicitant la médiation du comportement de défi, l’enseignant développe ou restaure l’intérêt
de l’élève pour l’activité intellectuelle en misant sur la nouveauté et la complexité. Il fait donc appel à la
notion de challenge ou de ce que J. Bruner a aussi nommé « enrôlement » ou encore ce que Ph. Meirieu
nomme « l’énigme » qui suscite la curiosité et donne envie à l’apprenant de se lancer dans la tâche.
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Enfin, par la médiation du sentiment d’appartenance, l’enseignant peut rassurer, valoriser
l’apprenant en lui montrant l’aspect sécurisant d’une appartenance à un groupe qui partage les mêmes
normes.
b/ L’enseignant animateur
La posture est identique mais réajustée en fonction de la taille du groupe. Dans sa fonction de
production, l’enseignant va mettre en œuvre la médiation de l’intentionnalité c’est-à-dire expliquer quel
est l’objectif qu’il poursuit à travers la résolution de la tâche, quel est l’enjeu de la situation de travail et
par la médiation de la réciprocité, va être à l’écoute des élèves de façon à pouvoir analyser ce que les
élèves ont pu interpréter ou retenir de cet objectif. Ceci se traduit donc par des réajustements de la part
de l’enseignant, l’élève réagissant aux propos de l’enseignant qui réagit à son tour aux propos ou actions
de l’élève. L’enseignant, toujours en tant qu’animateur, fournit également des supports adaptés aux
différents groupes d’apprenants et par ces médiations matérielles permet le maniement de la zone
proximale de développement.
Mais en tant qu’animateur, l’enseignant exerce également une fonction de facilitation : il aide le
groupe à s’organiser pour progresser dans la tâche, à élaborer une méthode de travail, à structurer les
différentes étapes, à se répartir les tâches dans le groupe, il veille au maintien du cadre temporel, il fait
en sorte qu’il y aie une bonne circulation de la parole au sein du groupe et effectue également des
synthèses partielles.
A la frontière entre fonction de production et de facilitation, l’enseignant utilise donc diverses
médiations méthodologiques.
Enfin, l’enseignant, en tant qu’animateur peut également exercer une fonction de régulation du
groupe qui consiste pour lui à aider les membres du groupe à comprendre comment il fonctionne par le
biais de la métacognition. Mais il peut également intervenir au sein du groupe pour tenter d’aider les
apprenants à régler des conflits d’ordre affectif qui, s’ils ne sont pas résolus, empêchent la progression
du groupe dans la résolution de la tâche.
c/ L’enseignant transmetteur de savoirs
L’enseignant adopte à ce moment la posture de la personne qui apporte son savoir. Il fournit du
vocabulaire, nomme les objets utilisés par les élèves ou les actions effectuées par ces derniers lorsqu’ils
en ignorent la dénomination. Ceci renvoie à l’une des caractéristiques de l’activité de tutelle de J. Bruner
à savoir la fonction d’instrumentation.
De même, il aide à l’institutionnalisation d’une règle ou d’une notion élaborée par le groupe et validée
par son aval.
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5/ Le statut de l’erreur
Avant les années 80, les interprétations des erreurs situent celles-ci hors des processus
d’apprentissage. Dans un modèle d’apprentissage dit transmissif, l’erreur est considérée comme une
faute. Cette faute est mise à la charge de l’élève, ce dernier étant considéré comme pas assez investi, ou
comme n’ayant pas mis en œuvre toutes ses compétences. Dans ce contexte, l’erreur est sanctionnée lors
d’une évaluation finale.
L’erreur peut également être considérée comme un « bogue » dont l’origine serait une mauvaise
adaptation de l’enseignant au niveau réel de ses élèves. Dans ce cas, l’erreur induit chez l’enseignant un
effort de réécriture de la progression, en décomposant les difficultés en étapes élémentaires beaucoup
plus simples. Il s’agit du modèle comportementaliste, inspiré de la psychologie behavioriste (J. Watson
et B. Skinner), dans laquelle l’activité de l’élève est guidée pas à pas afin de contourner les erreurs.
Depuis, on considère davantage l’erreur comme un élément du processus didactique, c’est-à-dire
comme une information dont il faut élucider les composants (origines) pour construire une connaissance
correcte. Apprendre nécessite le franchissement progressif d’une série d’obstacles. Dans cette théorie,
sur laquelle s’appuient les modèles constructivistes modernes, l’apprentissage passe obligatoirement par
des moments de difficultés face auxquels les élèves doivent modifier leurs anciennes conceptions
erronées par de nouvelles correctes. Pour apprendre, l’élève doit prendre conscience de ses erreurs, de
son fonctionnement mental, de ses processus cognitifs. Ainsi, les erreurs (signes de performances)
servent d’indicateurs de ces processus intellectuels en jeu, comme le signal de ce à quoi s’affronte la
pensée de l’élève aux prises avec la résolution d’un problème.
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Deuxième partie : Applications pédagogiques des fondements théoriques
au regard des élèves en besoins éducatifs particuliers (BEP)
I/Prise en compte et définition des BEP des élèves suivis
Chaque élève suivi par le réseau d’aide l’est après :
- Observation éventuelle dans la classe de référence
- Concertation entre les membres du réseau d’aide, la directrice et l’enseignant référent
- Synthèse au sein du réseau d’aide pour déterminer les indications d’aide de prise en charge.
Les élèves faisant partie du groupe étudié étaient les suivants : Yanis et Amel qui étaient en
CM2, Laure, Mina et Stéphanie qui étaient en CM1.
Les BEP de chacun de ces élèves avaient été évoqués lors des concertations de début d’année et
après des observations menées dans la classe de référence et d’une synthèse au sein du RASED, une
décision de prise en charge en adaptation et en français avait été formulée.
Les difficultés énoncées pour ces élèves lors des concertations étaient les suivantes :
- Yanis : Difficultés scolaires globales.
- Amel : Elève qui participe mais qui se démobilise facilement. Les compétences en lecture restent
floues.
- Laure : Enfant en grande difficulté, inhibée en classe, qui manque de confiance en elle mais qui est
volontaire. Difficultés d’expression.
- Mina : Mina est très centrée sur elle-même, prend beaucoup son temps. Mina donne l’impression
d’avoir compris mais ne comprend pas, n’investit pas le travail.
- Stéphanie : Problèmes scolaires depuis plusieurs années. Le travail n’est pas fait, Stéphanie n’apprend
pas ses leçons, semble fatiguée.
1/ Evaluations individuelles
Pour affiner ces données et établir de façon plus précise les besoins de ces élèves, j’ai donc
procédé à des évaluations individuelles.
Ces évaluations individuelles comprenaient deux parties distinctes mais complémentaires : une partie
écrite portant sur la lecture-compréhension et les outils de la langue (grammaire, orthographe,
vocabulaire, conjugaison) et une partie orale s’articulant autour des représentations initiales concernant
les apprentissages réalisés à l’école, notamment en français et en mathématiques, et sur ce que pouvaient
leur apporter ces apprentissages dans leur vie actuelle et future.
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L’analyse des évaluations (menées en groupe et à l’écrit) ainsi que les représentations recueillies
lors d’entretiens individuels avait permis de dégager les constats globaux suivants :
- Les élèves ne se faisaient pas une juste représentation scolaire et disciplinaire de ce que sont la
grammaire, l’orthographe, le vocabulaire, la conjugaison et ne comprenaient pas à quoi cela servait.
- L’enjeu du français n’était pas appréhendé et de manière générale, les élèves ne mettaient pas vraiment
de sens à ce qu’ils faisaient en classe dans cette discipline.
- Les cinq élèves avaient du mal à faire du lien entre les différentes activités réalisées en classe de
référence.
- Chaque enfant avait une bonne lecture orale et avait une compréhension juste des contenus explicites.
- La plupart d’entre eux avaient besoin de reprendre confiance en eux.
Fort de ces constats, il me semblait déjà pertinent, pour ces élèves, d’envisager une re-médiation
dans le domaine de la maîtrise du langage et de la langue française notamment autour de la production
d’écrit avec pour objectif principal de redonner du sens à l’acte d’écrire en les plaçant dans une situation
de producteur de textes fictionnels. Cette condition était certes nécessaire mais non suffisante car tout
l’enjeu de les placer dans une situation d’écriture était que celle-ci soit authentique, c’est-à-dire que les
écrits produits devaient être lus et diffusés au sein de l’école afin que cette démarche d’apprentissage
s’inscrive dans une réalité. L’objectif étant de faire le lien entre la sphère privée de l’enfant et ses rêves
et la sphère publique de l’élève et ses règles.
Dans cette optique, j’ai procédé, à nouveau, au recueil des représentations initiales des élèves sur la
production d’écrit en posant les questions suivantes :
- A quoi ça sert d’écrire ?
- Une fois que tu sauras bien écrire, qu’est-ce que tu aimeras écrire ?
- Comment fait-on pour écrire une histoire ?
- A quoi ça sert d’écrire des histoires ?
2/ Recueil des représentations initiales des élèves sur la production d’écrit
Parmi les quatre questions posées, il me semblait pertinent de sélectionner les réponses énoncées
à la 1ère question « A quoi cela sert d’écrire ? ». En effet, cette question permet de mettre en exergue
aussi bien les motivations intrinsèques des élèves que le sens global qu’ils attribuent au fait d’écrire.
- Stéphanie : « Quand on est grand, si on veut envoyer des lettres aux gens, faut savoir écrire. »
- Amel : « Quand tu vas à la banque, on te demande de remplir des formulaires. »
- Mina : « Pour moi, écrire, déjà il faut apprendre l’alphabet. »
- Laure : « Je ne sais pas. »
- Yanis : « Si tu veux raconter des histoires, faut savoir lire parce que l’alphabet, ça sert à écrire. »
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L’analyse de ces réponses peut se faire de la manière suivante :
En ce qui concerne Stéphanie et Amel, elles évoquent toutes deux l’aspect communicationnel de
l’écriture mais Stéphanie met davantage en exergue le destinataire et donc le fait que l’on peut écrire en
vue d’être lu par une autre personne que soi-même. Amel, évoque l’aspect fonctionnel de l’écrit qui
serait de donner des informations mais le destinataire, lui, n’est évoqué qu’implicitement puisqu’en fait,
il s’agit de donner des informations à quelqu’un. Mina et Yanis, eux, envisagent dans leur réponse, non
pas la finalité de l’écriture, mais les moyens à mettre en œuvre pour écrire.
Par la suite, je me suis donc appuyée sur les réponses de Stéphanie et d’Amel pour exposer le
projet de groupe aux élèves.
Il me paraissait également intéressant de conserver leurs propos et de leur reposer la même
question à la fin de la prise en charge pour comparer les réponses obtenues à sept mois d’intervalle et
ainsi voir si leurs représentations avaient progressé, ou non.
3/ Elaboration des projets individuels et du projet de groupe
A ce stade de la prise en charge, il me fallait donc formuler les objectifs précis de savoirs, de
savoir-faire et de savoir-être pour chacun des élèves de façon à être en adéquation avec leurs besoins
(voir projets individuels en annexe n° 1-2-3-4-5). C’est également autour de ces objectifs individuels que
devaient s’articuler les grandes lignes déjà esquissées du projet de groupe à savoir aider les élèves à
donner du sens à l’acte d’écrire en les plaçant dans une situation de communication (voir projet de
groupe en annexe n°6 et programmation en annexe n°8).
II/ Mise en œuvre du projet : la démarche globale selon les six critères de l’activité de
tutelle de J. Bruner
J’ai souhaité présenter la genèse de ce travail à la lumière des six critères de l’activité de tutelle
de J. Bruner car il me semblait intéressant d’analyser ma démarche selon un axe chronologique mais
également selon un axe de catégorisation pédagogique ou d’unités de sens.
1/ L’enrôlement
Après la phase d’évaluation diagnostique et de début d’élaboration des projets individuels et de
groupe, devait commencer le travail à proprement parler avec les élèves. Pour cela, j’ai utilisé la
médiation de l’intentionnalité en précisant aux élèves quel était mon objectif pour eux et quel en était
l’enjeu. Je leur ai donc expliqué qu’au vu de l’analyse de leurs besoins, il me paraissait pertinent pour
eux d’engager un travail dont la finalité serait de produire un recueil de petites histoires qui serait diffusé
au sein de l’école. Ce choix n’était pas neutre. En effet, j’aurais pu leur proposer un travail écrit dont la
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fonction aurait été d’expliquer ou d’informer (écrit documentaire, journal, exposé) mais il me semblait
que s’appuyer sur d’autres fonctions de l’écrit comme écrire pour raconter ou écrire pour le plaisir
d’inventer permettrait une expression plus personnelle de chacun de ces élèves en sollicitant, par des
aides appropriées, l’imagination. Par ce choix, chaque élève pouvait se placer en véritable auteur. De
même, la part de subjectivité de chacun me paraissait fondamentale dans la mise en valeur de leur
travail.
A l’énonciation de cet objectif, les élèves ont été à la fois enchantés et en même temps septiques et
dubitatifs. Enchantés, car la perspective de savoir leur travail exposé à la vue de tous comportait un côté
valorisant indéniable, mais également septiques, chacun s’estimant incapable d’atteindre un tel objectif,
incapable de réaliser un tel travail. En tant que médiatrice, j’ai sollicité à cet instant la médiation du
comportement de défi en affirmant, que bien qu’effectivement cet objectif soit ambitieux, je croyais en
leurs possibilités, leurs compétences et que mon rôle était justement de les aider à atteindre cet objectif.
Il m’est alors apparu important, pour favoriser l’adhésion à la tâche et l’investissement des élèves dans
le projet, de les associer à la décision. A la frontière du « fais comme je veux » et du « fais comme tu
veux » qui selon moi caractérise un bon enrôlement, j’ai donc proposé aux élèves d’effectuer un choix.
2/ La réduction des degrés de liberté
En effet, les élèves devaient produire un écrit narratif, mais encore fallait-il choisir quel type
d’écrit narratif serait le support de l’écriture. Après un classement d’ouvrages fictionnels (bandes
dessinées, romans policiers de jeunesse, romans fantastiques de jeunesse et contes) pour en dégager les
différents attributs, j’ai demandé aux élèves de choisir, parmi ceux précédemment classés, un type
d’écrit fictionnel particulier sur lequel porterait leur travail. A l’unanimité, leur choix s’est porté sur le
récit policier. Je leur ai alors expliqué qu’ils devaient être sûrs de leur décision car on ne changerait pas
de support en cours de travail. L’objectif du projet était à présent clair pour les élèves : à la fin de la
prise en charge de 24 séances, ils devraient avoir produit un recueil de nouvelles policières qui serait
diffusé dans leur classe respective ainsi que dans le reste de l’école.
De façon à ce que chacun puisse visualiser la durée
du projet et envisager la planification des tâches, j’ai
justement affiché un planning montrant le nombre total de
séances qu’engloberait le projet. A la fin de chaque séance,
un élève venait rayer la case correspondant à la séance
effectuée et ainsi, chacun pouvait voir combien de séances
avaient été réalisées et combien il en restait avant la fin du
projet.
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De même, maintenant que nous étions fixés sur le type d’écrit narratif sur lequel nous allions
travailler, il me paraissait important de mettre en place un rituel qui soit en lien directe avec la ligne
directrice du projet. J’ai donc proposé aux élèves de leur lire un roman policier de jeunesse au rythme de
deux pages par séance et ce au début de chacune d’entre elle.
L’objectif était double : non seulement aider les élèves à opérer une transition entre la classe de
référence et le travail en regroupement, mais également réinvestir les connaissances construites lors des
séances du projet comme suivre le déroulement des étapes de l’histoire, réentendre le vocabulaire et
réinvestir les catégories du récit policier, s’approprier les descriptions des personnages, remarquer la
présence des dialogues etc.
3/ Le maintien de l’orientation
Il fallait à présent se plonger dans le monde du récit policier pour en dégager les attributs et se
familiariser avec son lexique. Pour cela, j’ai donc choisi dans la BCD de l’école quelques romans
policiers de jeunesse. J’ai ensuite sélectionné un chapitre dans chaque livre, puis j’ai demandé à chaque
élève de relever tous les mots qui selon lui caractérisaient l’univers du récit policier.
Cette séance fut peu productive et seuls cinq ou six mots ont pu émerger. La tâche était beaucoup trop
complexe et l’effort de lecture trop important. Pour
réajuster leur ZPD, j’ai donc choisi de changer de
support et d’utiliser cette fois les albums d’Yvan
Pommeaux « Lilas », « John Chatterton, détective » et
« Le grand sommeil ». Je pensais que ces ouvrages à mi
chemin entre l’album de jeunesse et le roman photo
seraient plus « parlants » et moins austères pour les
élèves. Et en effet, ces derniers, en voyant les images
notamment, ont pu mettre des mots sur les actions
comme « courir », « être en danger », « suivre », « surveiller », « avoir peur » et par association d’idée
ont pu retrouver des indices dans les images comme « détective », « héros », « arme », « victime ». En
outre, ces images ont très vite sollicité leur culture policière qu’ils avaient pu se forger par le biais de la
télévision au travers de séries comme « Columbo » et des nouveaux mots sont apparus comme
« meurtre », « meurtrier », « sang », etc.
Les images des albums avaient donc permis aux élèves de fixer des images mentales déjà
présentes en eux ou d’en fixer de nouvelles. Je leur précisais alors que ces images mentales étaient
importantes et qu’il fallait bien les garder en tête car elles pourraient peut-être les aider le jour ou ils
devraient passer à l’écrit et solliciter leur imagination. Comme ces images des albums de J. Chatterton
avaient été de bons déclencheurs, je décidais de les conserver et de les mettre sur l’affichage de façon à
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ce qu’elles soient présentes en permanence quand les élèves étaient là, pour qu’ils puissent s’en
imprégner.
Cette séance nous avait donc permis d’établir la base du lexique policier que nous utiliserions par la
suite (voir annexe n°11).
Afin d’enrichir ce lexique de base et pour se décentrer de l’image des albums, j’ai donc proposé
aux élèves de travailler sur la recherche de synonymes des mots qu’ils avaient déjà trouvés à l’aide de
dictionnaires de synonymes. Ce travail s’est étendu sur deux séances et nous a permis d’obtenir un
lexique relativement riche (voir annexe n°12).
4/ La signalisation des caractéristiques dominantes
A ce stade du projet, il me paraissait important que les élèves puissent structurer ce lexique de
façon à pouvoir dégager les invariants du récit policier. J’ai donc repris le lexique que les élèves avaient
construit et je leur ai donné des crayons de couleurs, le tout, sans leur donner de consigne. Je leur ai
ensuite demandé ce qu’ils pensaient devoir faire avec ces éléments. Cette phase de problématisation a
été riche en interactions et les élèves ont vite compris qu’ils devaient colorier de la même couleur tous
les mots qui pouvaient être mis ensemble. Après un temps de travail individuel, j’ai tracé au tableau des
colonnes et chacun à leur tour, les élèves m’ont dit quels étaient les mots qu’ils avaient coloriés de la
même couleur et que l’on pouvait donc mettre dans la même colonne. Par le biais des interactions et du
conflit socio-cognitif, une première colonne a été remplie de façon consensuelle. Il fallait à présent
donner un nom à cette colonne. En cherchant ce qu’il y avait de commun à chacun des mots, les élèves
ont fini par trouver le mot « lieu ». Puis une seconde colonne s’est peu à peu dessinée pour être
finalement nommée « indices » et ainsi de suite jusqu'à la sixième colonne (voir annexe n°13).
Une fois les colonnes remplies et nommées, je me devais de remplir ma fonction
d’instrumentation en institutionnalisant le travail que les élèves venaient d’effectuer à savoir la
construction de catégories du récit policier. Je leur ai également explicité qu’une importante partie du
travail d’écriture allait tourner autour de ces catégories en articulation avec le schéma quinaire.
Restait encore à définir ce dernier. Pour cela, je me suis inspirée du travail mené par le groupe de
recherche d’Ecouen sur le schéma narratif dans la nouvelle fantastique. Ainsi, je suis partie de ce que les
élèves percevaient de la structure narrative en leur demandant comment étaient organisées, selon eux, les
étapes d’une histoire. Tous ont facilement répondu qu’il y avait un début, un milieu et une fin. Pour
mettre en œuvre ce schéma, je leur ai fourni un tableau en trois lignes avec les rubriques « le début »,
« la fin », « ce qui se passe entre les deux ». Je leur ai ensuite demandé de remplir ce tableau en
choisissant une histoire connue qu’ils ne devaient pas nommer au début et que les camarades devraient
reconnaître à la lecture des différentes étapes de l’histoire. Certains n’ont écrit qu’une phrase par étape
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alors que d’autres en avaient écrits plusieurs notamment pour la partie du milieu « ce qui se passe entre
les deux ». Je me suis donc appuyée sur la présence de nombreux détails dans cette partie pour le travail
d’Amel et de Stéphanie notamment afin d’introduire le schéma quinaire. En effet, celui-ci reprend la
structure « début, milieu, fin » mais détaille en trois sous parties le « milieu » (voir annexe n°14). Pour
en tester la validité, nous avons repris l’histoire « Lilas » d’Yvan Pommeaux et nous avons rempli
chacune des parties du schéma quinaire en fonction des événements de cette histoire.
Les élèves possédaient donc à présent les éléments de la structure du récit policier : les catégories et le
schéma quinaire. Il fallait à présent trouver un élément déclencheur pour démarrer la phase d’écriture.
En effet, je ne pouvais pas demander aux élèves d’inventer une histoire sans étayer leur
imagination. Je leur ai donc proposé que nous construisions un jeu de cartes reprenant chaque catégorie
du récit policier. Durant cette séance, à tour de rôle, chaque élève nommait une catégorie (arme par
exemple). J’écrivais alors le mot en gros et en couleur sur une fiche bristol. Puis sur des petits cartons,
chacun me dictait un ou plusieurs éléments de la catégorie en question (par exemple revolver, couteau).
Nous avons procédé ainsi pour chaque catégorie (armes, lieux, indices, héros, mobiles, méfaits,
victimes) et lorsque le jeu de cartes a été complet, chaque élève a tiré une carte dans chaque catégorie et
ce, au hasard. Les sept cartes ainsi tirées devaient alors constituer la trame de l’histoire.
Il est intéressant de constater comment chaque élève a tenté, au début de l’écriture, de respecter
les cartes qu’il avait tirées et comment progressivement, au cours de l’élaboration de l’histoire, chacun
s’en ai éloigné pour parfois les abandonner totalement. Cependant, je pense que cette phase d’étayage
était indispensable afin d’éviter aux élèves la difficulté de se retrouver face à « la page blanche ».
Tout au long de cette phase de conceptualisation du récit policier et même après, à chaque fois
qu’un objectif était atteint pour un élève, je l’invitais à surligner l’objectif sur l’affichage, à indiquer s’il
l’avait atteint avec ou sans aide et à quelle date cet objectif avait été atteint. Ainsi, les élèves pouvaient
matérialiser leurs progrès et prendre conscience de leurs compétences (voir annexe n°7).
5/ Le contrôle de la frustration
La phase d’écriture pouvait à présent commencer. Au brouillon, chaque élève a donc commencé
à mettre en mot son histoire. Dès la première séance d’écriture, il m’a semblé utile que le groupe soit
régulateur des productions de chacun. En effet, il me semblait que si j’intervenais dès le premier jet
d’écriture, cela me positionnerait en tant qu’enseignant évaluateur. Durant ces phases de travail, il me
paraissait important de revêtir plutôt une fonction d’animateur. J’ai donc proposé aux élèves qu’ils
soient eux-mêmes les « conseillers » de leurs camarades « écrivains ». J’ai bien explicité à ce moment
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que les interventions des « conseillers » devaient être formatrices, c’est-à-dire à même d’aider
« l’auteur » à améliorer sa production, et non critiques négatives, chaque correcteur devant se retrouver
de toute façon à un moment donné à son tour auteur présentant son travail à ses camarades. En veillant à
la bonne distribution de la parole, en effectuant des synthèses des propos tenus par les correcteurs et en
les notant par écrit pour l’auteur, je tentais de lui permettre de réguler son travail et de l’améliorer.
Très vite, les remarques des élèves sur leur travail montrèrent des incohérences dues à une
mauvaise syntaxe et notamment à une mauvaise structuration de la phrase : absence de point et de sens
en l’occurrence. Il m’a alors paru nécessaire de redéfinir les attributs de la phrase écrite. Pour cela, je me
suis inspirée de la méthode de B-M Barth sur l’apprentissage de l’abstraction. Par l’agencement et la
comparaison d’une série d’exemples comportant tous
les attributs de la phrase écrite (majuscule, point,
signification) en même temps ou « exemples oui » et
une série d’exemples ne comportant que un ou deux
attributs de la phrase écrite (voire aucun) ou « exemples
non », les élèves ont pu reconstruire le concept de
phrase écrite. La compréhension du fait que les trois
attributs devaient être présents en même temps pour
constituer une phrase écrite a semblé pour certains une véritable révélation.
En outre, les critiques constructives des élèves les uns envers les autres montraient également que
certains confondaient ligne et phrase et qu’aucun n’avait donné de titre à leur histoire. De même, les
passages entre le récit et les prises de parole des personnages au style direct étaient désorganisés et les
personnages n’étaient pas décrits.
En parallèle de l’écriture et des moments de régulations par les élèves sur leur travail, j’ai donc
pris l’initiative de retravailler collectivement sur l’organisation du texte : titre, ligne, phrase, paragraphe
marques du discours. Pour cela, j’ai inventé le début d’une nouvelle policière. Sur un premier
exemplaire format A3 que j’ai affiché au tableau, le texte était tapé en noir et blanc, sans que ne soient
mis en relief les paragraphes, discours, les descriptions et sans titre (voir annexe 19). J’ai ensuite affiché
un second exemplaire A3 de la même histoire qui comportait cette fois en couleur chacun des éléments
précédemment énoncés de façon à les mettre en évidence et à les faire verbaliser par les élèves (voir
annexe 20). Par la comparaison des deux exemplaires et la mise en relief des éléments importants à
respecter, les élèves ont pu prendre conscience des manques au niveau de leur production personnelle.
Tous ces éléments ont donc fait l’objet d’une fiche-outil d’aide à l’écriture (voir annexe 18).
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6/ La démonstration
Celle-ci a eu lieu lors de la dernière séance de la prise en charge. Elle a consisté à présenter le
travail effectué par les élèves dans leur classe respective. Celle-ci s’est faite à travers la présentation du
recueil de nouvelles, la présentation des fiches-outils et la genèse du projet. Nous n’avons pas fait cette
présentation dans la classe de Laure qui n’avait pas fini sa nouvelle mais elle est venue faire la
présentation du projet dans les deux autres classes avec ses camarades. Chaque élève a lu sa propre
nouvelle et à la suite de chaque lecture, les élèves pouvaient poser des questions aux auteurs de ces
nouvelles s’ils n’avaient pas compris quelque chose ou s’ils voulaient faire une remarque formative.
Cette liberté avait été laissée aux élèves des classes de référence pour faire prendre conscience aux
auteurs l’importance de se placer à la place du lecteur lorsqu’on écrit, l’importance également d’être
rigoureux dans ce que l’on écrit afin d’être bien compris du lecteur que ce soit dans la construction des
phrases ou dans la cohérence du texte et enfin pour leur faire comprendre que ce projet n’était que
l’amorce d’un travail de perfectibilité continuelle, à savoir que l’on n’a jamais fini d’apprendre et de
progresser, de s’améliorer. Dans cette optique conjointement élaborée avec les enseignants des classes
de référence, ces derniers ont félicité le travail des cinq élèves pour les valoriser mais ont également
ponctué leur discours de quelques remarques pour encourager chacun d’entre eux à poursuivre leurs
efforts.
Chaque élève est reparti avec son recueil de nouvelles policière et dans chaque classe, deux
recueils ont été mis à disposition des élèves. De même, deux recueils ont été placés en BCD et sont en
libre consultation.
Après cette présentation, j’ai fait en sorte de revoir une dernière fois les élèves pour faire le bilan
du projet avec eux. Avec le recul et la distanciation prise par la rédaction simultanée de mon mémoire, je
me suis rendue compte que je n’avais pas permis aux élèves de prendre conscience de la démarche
globale que nous avions suivie pour aboutir à ce recueil de nouvelles. Nous avons donc repris un
moment pour retracer les étapes de construction du travail depuis le classement d’ouvrages narratifs
jusqu’à la présentation du travail dans les classes de référence. Il me paraît maintenant évident qu’il
aurait fallu axer davantage le travail sur la prise de conscience par les élèves de ces étapes suivies pour
élaborer une nouvelle policière car c’est cette démarche qui peut être transférée dans les classes de
référence. J’ai donc tapé à l’ordinateur les étapes de la démarche que nous avions reconstituées
(malheureusement à posteriori) et je leur ai remis, lors de la dernière semaine d’école, cet écrit pour
finaliser le travail (voir annexe 21). Lors de cette dernière séance, j’ai également tenu à prélever leurs
représentations sur l’acte d’écrire et ainsi procéder à l’évaluation du projet. Je leur ai donc posé la même
question qu’en tout début de prise en charge à savoir : « A quoi cela sert d’écrire ? ». Voici les réponses
que j’ai obtenues (Yanis était absent ce jour là) :
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Amel : Surtout, ça sert à payer les factures. Et puis aussi, quand on sera grand, si on écrit un roman
policier, on saura quoi faire, on connaîtra le schéma quinaire et ce qu’il faut faire dans le détail.
Stéphanie : Quand on est grand, ça nous sert à envoyer des lettres à quelqu’un quand c’est Noël ou la
bonne année.
Mina : Ca sert à apprendre des mots, ça sert d’outils. Ecrire, ça m’a appris plein de choses comme les
catégories et en plus on pouvait s’en servir avec ou sans aide.
Laure : Ca sert à apprendre des mots qu’on ne connaît pas, à réfléchir, à trouver les bons mots. Le travail
qu’on a fait, ça nous a appris à écrire des histoires.
Les représentations de l’acte d’écrire ont dans l’ensemble évolué positivement même si elles
n’ont pas radicalement changé depuis le début du projet. Les élèves évoquent l’écrit fonctionnel, l’écrit
apprentissage, l’écrit communicationnel et l’écrit comme source de satisfaction (Mina).
A la fin des réponses des élèves, j’ai été surprise qu’Amel me demande à son tour : « Et pour
vous, maîtresse, à quoi ça sert d’écrire ? ». J’ai trouvé cet échange très positif dans le sens où Amel avait
suffisamment confiance en moi pour me retourner ma question, qu’elle avait besoin de confronter ses
représentations à celle d’un adulte « expert » et peut-être en attendre des réponses qui pourraient
l’orienter dans sa réflexion. J’ai donc utilisé cette opportunité pour rebondir sur le travail que nous
avions mené au cours du projet et j’ai répondu que pour moi, tout acte d’écrire servait à communiquer
(en dehors de l’écriture dans un journal intime) avec quelqu’un comme justement ils l’avaient fait en
écrivant pour eux-mêmes et leur plaisir personnel mais aussi pour leur camarades dans l’objectif d’être
compris d’eux. Je leur ai également répondu qu’écrire pouvait également servir à se rappeler de quelque
chose que l’on pourrait oublier, à fixer des traces d’une expérience comme les fiches-outils qu’ils
avaient utilisées et qu’ils pourraient réutiliser plus tard s’ils en avaient besoin.
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III/ Bilan du projet
Le bilan que je ferais est plutôt positif. Bien que ce travail ait été très complexe, les élèves se sont
investis dans ce projet d’écriture sans jamais montrer de signes de découragement. En ce sens, je pense
avoir réussi à les enrôler jusqu’à la fin par un travail dont les enjeux étaient sans cesse rappelés : ils
construisaient des connaissances, des outils pour écrire et ce travail d’écriture était mené, non pas pour
lui-même mais pour les autres, pour être lu et compris d’un public. De même, en adoptant une posture
volontairement transparente par le recours à la médiation de l’intentionnalité, j’ai essayé, séance après
séance, d’expliquer au mieux aux élèves quelle était ma démarche, les objectifs que j’avais pour eux et
surtout, dans quel but.
Ce maintien de l’orientation du projet par le rappel constant de l’objectif a aidé les élèves à
mener à bien leur travail, à redonner du sens à l’acte d’écrire et à prendre conscience de leurs stratégies,
des objectifs importants de la prise en charge.
Cependant, ce travail comporte des écueils importants. En effet, avec le recul, je m’aperçois que
j’ai voulu traiter trop d’objectifs d’un seul coup. J’ai été trop ambitieuse par rapport à ce que les élèves
pouvaient faire dans le temps imparti. En fait, je pense que j’avais mal évalué leur ZPD. Cela a eu pour
conséquence de hâter le travail d’écriture des élèves vers les dernières séances, et d’avoir même recours
à la dictée à l’adulte pour la dernière séance ! Tous les élèves n’ont pas vraiment eu le temps de produire
une nouvelle structurée.
Pourquoi ?
- Car je ne les ai pas assez étayé au niveau de la phase d’écriture,
- Car je leur ai donné une consigne trop large au départ : écrire avec la consigne trop vaste
d’écrire une histoire en respectant les cartes tirées et les étapes du schéma quinaire,
- Car la création de fiches-outils prend du temps.
Pour pallier à ce défaut, j’aurais par exemple pu partir du schéma quinaire et demander aux
élèves de produire une phrase pour chaque étape de ce schéma, l’enrichissement se serait fait ensuite au
fur et à mesure. Cette démarche aurait garanti la cohérence de l’histoire jusqu’à son terme avec un
enchaînement articulé des actions, même si celle-ci n’aurait comporté que cinq phrases.
Pour chaque élève, le constat que je pourrais faire est donc le suivant :
Yanis : Ses représentations ont évolué dans le bon sens car il a compris une des fonctions de l’écrit, à
savoir la fonction de communication. Il était peu motivé au début de la prise en charge mais son
adhésion au projet s’est peu à peu construite pour être totale à la fin de la prise en charge. Il a écrit une
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nouvelle relativement longue et, en ce sens, a été capable de construire et de mobiliser des compétences
de scripteurs tout à fait remarquables. De même, il a été capable de réguler son action en revenant sur
ses écrits en tenant compte des remarques formulées par ses camarades.
Amel : Elle s’est investie dans le projet dès le départ et a été un élément moteur du groupe par la
pertinence de ses remarques quant à ses prises de conscience de ses processus de pensée et son aisance à
oser prendre la parole. Elle a su s’approprier les étapes du schéma quinaire, les catégories et le lexique
du récit policier. De même, elle a su réinvestir dans sa production écrite les attributs de la phrase écrite
mais les relations entre le groupe nominal et le groupe verbal restent à consolider. De manière plus
générale, Amel a pris conscience du sens de l’écrit en tant qu’objet de connaissance, de l’importance de
maîtriser les outils de la langue et de respecter des règles communes à tous afin de comprendre les autres
et d’être compris d’eux.
Stéphanie : Elle a toujours fait preuve de bonne volonté même si parfois elle a eu tendance à douter
d’elle. La séance sur les attributs de la phrase écrite a été une révélation quant au fait que dans une
phrase écrite, on devait retrouver une majuscule au début, un point à la fin et du sens et ce en même
temps, mais Stéphanie a encore du mal à réinvestir spontanément ce principe à l’écrit. Elle s’est
appropriée du lexique mais certains termes demeurent encore confus pour elle. Stéphanie a encore
besoin de développer son autonomie car elle perd encore vite pied lorsqu’elle n’est pas étayée. Elle a
encore des difficultés à faire seule des liens entre les questions qu’elle se pose face à un problème
qu’elle rencontre et les outils qui sont à sa disposition pour les résoudre. Je pense que Stéphanie aurait
eu besoin d’un travail peut-être moins complexe mais davantage différencié. En outre, je pense ne pas
avoir assez développé ses compétences métacognitives pour l’aider à prendre conscience de ses
processus de pensée et l’aider à en développer de plus efficients. De même, il aurait été souhaitable pour
Stéphanie que je l’aide à construire des stratégies de compréhension d’un récit, d’une consigne. En ce
sens, il me semble que Stéphanie aurait besoin que l’aide soit reconduite l’an prochain afin de l’aider
dans ces objectifs.
Mina : Bien que très participante et très investie dans le projet, Mina demeure encore fragile d’un point
de vue de la compréhension de l’enchaînement des évènements dans un récit et a beaucoup de mal à être
cohérente dans ses propos oraux ou écrits. Elle est capable de nommer les étapes du schéma quinaire
mais n’arrive pas à les respecter à l’écrit. Elle a eu le réflexe d’avoir sans cesse près d’elle ses fiches
outils pendant la phase d’écriture mais avait du mal à les utiliser concrètement. Mina demeure encore
peu autonome dans la gestion de son travail et sollicite beaucoup l’adulte dans les moindres étapes
d’écriture. Elle se reproche encore d’être plus lente que les autres dans le travail écrit. De ce point de
vue, je pense que je ne l’ai pas assez aidée à prendre confiance en elle. Mina, avec le recul, aurait eu
davantage besoin que je l’aide à construire des stratégies pour définir des trames d’organisation de ses
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tâches écrites par des prises de conscience dans le dysfonctionnement de sa démarche de travail. Ceci
pourrait faire l’objet d’une nouvelle prise en charge en regroupement d’adaptation.
Laure : Laure est restée très discrète tout au long de la prise en charge et s’est peu exprimée devant le
groupe. Elle a cependant volontairement pris la parole à quelques reprises et à chaque fois à bon escient.
Elle a également accepté d’exposer son travail à ses camarades du groupe et à en accepter les remarques.
En ce sens, un des objectifs que je m’étais fixé pour elle me semble atteint. Laure a tout de même besoin
de prendre davantage confiance en elle pour exprimer ce qu’elle sait car elle s’est forgée une bonne
culture policière par exemple. La lecture orale demeure encore difficile pour Laure et le passage à l’écrit
très fragile. Dans cette phase d’écriture, Laure a eu besoin de beaucoup d’étayage pour mettre en ordre
ses idées et pour construire des phrases simples et compréhensibles. Je n’ai pas atteint l’objectif de
construction et de réinvestissement des attributs de la phrase écrite pour Laure. En outre, Laure ayant été
absente durant les quatre dernières séances d’écriture, elle n’a pu finaliser l’écriture de sa nouvelle.
Pour une meilleure prise en compte des difficultés de lecture de Laure, il aurait été souhaitable
d’envisager une interaction lecture/écriture (peut-être sur un autre type d’écrit que le fictionnel). Cela
pourrait peut-être être envisagée dans le cadre d’un travail ultérieur en regroupement d’adaptation.
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Conclusion
L’engagement des élèves dans un projet motivant et valorisant a favorisé leur enrôlement. Ils
savaient pourquoi ils faisaient ce travail mais aussi pour qui. Tout au long du projet, cette perspective les
a aidé à se décentrer de leur travail pour adopter le point de vue du lecteur. Toute l’importance de
respecter des règles d’écriture précises pour pouvoir être compris de l’autre et ainsi pouvoir
communiquer avec lui a donc revêtu tout son sens.
Ma première hypothèse « Aider les élèves à envisager l’écriture comme un acte de
communication leur permet de donner du sens à cette activité et de mieux comprendre l’obligation
de se soumettre à un code commun » se trouve donc validée. Cependant, ce travail sur le code
demande à être poursuivi en classe de référence, si possible à travers la production d’écrit visant à
travailler d’autres fonctions de l’écrit que celle de raconter, en abordant d’autres types d’écrit.
J’apporterai une réponse plus nuancée quant à la validation de ma deuxième hypothèse
« l’élaboration et l’appropriation de fiches-outils d’aide à l’écriture peuvent permettre aux élèves
d’améliorer leurs compétences de scripteur ainsi que leur capacité à transférer leurs savoirs ». En
effet, il m’a été impossible de vérifier qu’un quelconque transfert ait pu avoir lieu dans la classe de
référence et ce pour plusieurs raisons :
- A mon avis, pour qu’il y ait transfert, il faut absolument qu’il existe une articulation réfléchie entre le
travail menée en classe de référence et le travail mené au sein du regroupement d’adaptation. Avec le
recul, il m’apparaît comme évident que j’aurais dû demander aux trois enseignants de classe de référence
sur quel type d’écrit ils travaillaient respectivement dans leur classe afin de diversifier mes pratiques
pour chacun des élèves avec toujours pour objectif commun d’écrire. Ainsi, j’aurai pu, en concertation
avec chaque enseignant vérifier s’il y aurait eu transfert en classe de référence et si oui, de quelle nature
il aurait été. Il faut reconnaître que dans le cas présent, je n’ai pas impulsé cette articulation classe de
référence/classe d’adaptation et que donc, ce travail à partir des fiches-outils reste une aide
méthodologique plus qu’une aide au transfert, ce qui est pourtant un enjeu majeur du travail mené en
regroupement d’adaptation.
- En outre, ces fiches-outils constituaient plus une aide sur les contenus (schéma quinaire) et sur les
procédés méthodologiques (révision) que sur les processus cognitifs à mettre en œuvre dans un travail
d’écriture. Or, c’est en s’appuyant sur les processus cognitifs et leur prise de conscience que l’apprenant
pourra transférer ses apprentissages en classe de référence. Je pense que l’idée des fiches-outils reste
pertinente mais pour qu’elles remplissent ce rôle d’aide au transfert, il aurait fallu que je les conçoive
davantage dans une optique métacognitive en orientant les rubriques par des questions élucidantes du
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type « Qu’est-ce que je fais avant l’écriture, pendant l’écriture, après l’écriture ? », « Comment ai-je
procédé pour trouver les catégories du récit policier ? » etc…
- Enfin, le projet s’étant terminé le 25 juin et les deux élèves de CM2 arrivant en fin de cycle III, il était
difficile de voir si un réinvestissement de la démarche était possible en classe de référence.
En ce qui concerne ma troisième hypothèse « le fait d’adopter une posture de médiatrice
cognitive dans le cadre des interactions langagières en petit groupe doit permettre à ces élèves en
BEP de prendre conscience de leurs processus d’écriture », je dirais qu’effectivement, le fait d’avoir
conscientisé mon changement de posture en passant peu à peu de mes réflexes d’enseignant de classe
ordinaire à des attitudes de médiateur cognitif, m’a permis de m’inscrire davantage dans le paradigme de
l’apprentissage que dans celui de l’enseignement. Cette conscientisation personnelle favorisée par la
formation que j’ai suivie, mes lectures et ma réflexion, m’a donc permis de mettre en œuvre, certes, de
façon encore hésitante, les conditions d’émergence du conflits socio-cognitif et de façon plus générale
des habiletés métacognitives des élèves sur leurs apprentissages. Ces derniers, par l’ensemble des
médiations que j’ai utilisées, ont pu prendre conscience des étapes d’écriture à respecter et des processus
à mettre en œuvre pour y parvenir. A ce titre, la révision de texte collective par les élèves eux-mêmes
leur a permis d’échanger et de comparer leurs procédures afin de s’approprier les procédures les plus
efficientes. L’erreur étant envisagée comme un point d’appui pour améliorer son écrit, les remarques des
uns permettaient aux autres de prendre conscience de ce qui n’allait pas et de le modifier. Cette
autorégulation du groupe a donc été très riche pour chacun des élèves.
La rédaction de ce mémoire professionnel a été l’occasion pour moi de prendre du recul par
rapport à ma pratique naissante de maître E. Elle m’a aidé à prendre conscience de mes démarches
auprès des élèves, des points positifs à conserver comme le fait d’adopter une posture de médiatrice
cognitive et de ceux qu’il faut garder mais qui doivent être améliorés comme l’utilisation de fiche-outils.
Ce temps de distanciation m’a également permis de prendre conscience des insuffisances de ma
démarche comme le manque d’articulation réfléchie avec les enseignants des classes de référence pour
pouvoir réellement envisager le transfert des apprentissages et le manque de centration sur les processus
mis en œuvre par les élèves.
C’est donc autour de ces points mais également autour des questions ayant trait à la construction
du savoir, à la métacognition et à l’élaboration de stratégies cognitives que je devrais poursuivre ma
réflexion et ainsi continuer à construire mon identité professionnelle d’enseignante spécialisée à
dominante pédagogique.
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