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Mémoire professionnel CAPA-SH, option E Résolution de problèmes en regroupement d’adaptation au cycle 2 Myriam Kessaï Session 2007

Résolution de problèmes - julieyash.free.frjulieyash.free.fr/capash/Certification/M%E9moire%20Kergomard/M%E9... · schématisation) la transformation numérique mise en jeu au sein

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Mémoire professionnel CAPA-SH, option E

Résolution de problèmes en regroupement d’adaptation

au cycle 2

Myriam Kessaï Session 2007

- 1 -

SOMMAIRE Introduction et problématique………………………………………………………………….. 2 I – Cadre institutionnel 1. Les programmes de 2002 ……………………………………………………….…… 4 2. Quelles compétences attend-on d’un élève de CE1 en résolution de

problèmes ? ……………………………………………………………………….…. 6 3. Mes choix pédagogiques et didactiques au regard des programmes …………..…… 6 II – Mise en place du projet d’aide 1. Le cadre d’expérimentation : les écoles et le réseau ………………………………… 8

2. Le rôle du maître E et le regroupement d’adaptation ………………………….……. 8 3. Présentation du groupe ……………………………………………………………… 8 4. Les besoins des élèves au travers des évaluations initiales …………………………. 9 5. Des projets individuels au projet de groupe…………………………………….…… 11

III – Hypothèse 1 : prendre conscience des attributs essentiels d’un énoncé de problème numérique

1. Explicitation des concepts mis en jeu dans ce mémoire 1.1. Le modèle pédagogique d’acquisition des concepts ………………………..…. 12 1.2. Qu’est-ce qu’un problème à l’école élémentaire ? …………………………..… 12

2. Aspects pratiques 2.1. Les représentations initiales des élèves ………………………………..………. 13 2.2. Scénario guidé par la démarche de B.-M. Barth …………………………...….. 15

3. Bilan ………………………………………………………………………………... 18 IV – Hypothèse 2 : se créer une représentation

1. Apports théoriques 1.1. Que signifie « se représenter un problème » ? …………………………..…….. 19 1.2. Vivre la situation avec son corps ………………………………………….…… 20 1.3. De l’intérêt de la schématisation ……………………………………….……… 21

2. Aspects pratiques 2.1. Choix pratiques……………………… …………………………………………. 22 2.2. Exemple d’une séance. …………………………………………………………. 23

3. Bilan ……………….…………………………………………………………….…… 24 V - Hypothèse 3 : favoriser la verbalisation et les évocations 1. Apports théoriques : le langage, outil de médiation 1.1. Le conflit sociocognitif …………………………………………………………. 26 1.2. Verbalisation et métacognition …………………………………………….…… 26 1.3. Verbalisation et gestion mentale ……………………………………………..…. 27 1.4. Pourquoi développer les évocations ? ………………………………………..…. 27 2. Aspects pratiques 2.1. Mettre en place les conditions favorables à la verbalisation ……………….…… 28 2.2. Le premier temps de parole …………………………………………...………… 28 2.3. Le deuxième temps de parole ………………………………………...………… 28 2.4. Le troisième temps de parole …………………………………………………… 29 3. Bilan et perspectives 3.1. Evaluer le chemin parcouru …………………………………………………….. 29 3.2. Perspectives ………………………………………….……………..………….... 30 CONCLUSION ………………………………………………………………………………… 32

Bibliographie et Annexes

- 2 -

INTRODUCTION

J’exerce la profession d’enseignante depuis maintenant treize ans. Au cours de cette

expérience professionnelle, j’ai eu sous ma responsabilité des élèves de tous âges et de presque tous

les niveaux (MS, CP, CE2, CM1, CM2, adaptation).

Tous ces élèves m’ont amenée à avoir une attitude réflexive sur mon métier et à modifier certaines

de mes pratiques professionnelles. Comment faire vivre des situations d’apprentissage motivantes

qui susciteraient l’adhésion du plus grand nombre et surtout de ceux qui sont en grande difficulté

scolaire ? Comment « relancer scolairement » des élèves qui n’ont plus une image positive d’eux-

mêmes ? Par quels moyens aider les élèves à apprendre ?

J’ai eu la chance de faire de belles rencontres professionnelles, d’être encouragée et nourrie dans

cette recherche. Ainsi en 1997/1998 j’ai participé à un « stage CP » organisé par la circonscription

de Stains et destiné à des titulaires de CP n’ayant jamais exercé dans ce niveau. Ce stage, animé par

une conseillère passionnée et passionnante, fut l’occasion d’une première rencontre avec ce que je

peux nommer aujourd’hui la métacognition et la gestion mentale, c’est-à-dire le fait de faire prendre

conscience aux élèves qu’ils peuvent agir sur leurs stratégies, qu’ils peuvent les expliciter, les

partager et progresser en les verbalisant. Cela m’a incitée à enseigner dans cette direction en classe.

Puis de 2000 à 2005, une institutrice spécialisée E (titulaire d’une classe de perfectionnement puis

d’un regroupement d’adaptation) a subtilement su partager son expérience et m’a donné à voir de

quelle façon elle mobilisait ses élèves au moyen de la pédagogie du projet.

Plus ma réflexion avançait, plus mon désir de formation se faisait pressant car je percevais les

besoins auxquels je devais re-médier pour être plus efficace avec les élèves. Après avoir fait

fonction durant une année en regroupement d’adaptation, je me suis alors inscrite à la formation du

CAPA-SH option E. Ce mémoire retrace donc une expérience menée sur le terrain dans le cadre de

cette formation lors de l’année scolaire 2006/2007.

Lors des concertations en octobre 2006 concernant les élèves de CE1, plusieurs enfants ont

fait l’objet d’une demande d’aide dans le champ disciplinaire des mathématiques de la part de leur

enseignant titulaire de leur classe de référence. Après l’évaluation initiale, il m’est apparu que leurs

difficultés se concentraient essentiellement, voire presque exclusivement, sur le domaine de la

résolution de problèmes. En outre, je percevais chez certains de ces élèves une attitude de grande

anxiété face aux mathématiques et/ou une précipitation à exécuter la tâche, le souci d’écrire une

réponse à tout prix ou de faire une opération…

Parallèlement à ce que j’observais chez ces élèves, je me souvenais m’être sentie assez démunie

pour répondre à de telles difficultés lorsque, enseignante en cycle III, je ne parvenais pas à répondre

complètement à leurs besoins spécifiques d’apprentissage. Comment faire pour aider un élève à

acquérir un raisonnement adéquat ?

- 3 -La recherche, dont ce mémoire professionnel sera le support, me permettra, je l’espère, de

répondre aux besoins particuliers de ces élèves, d’élargir le champ de mes connaissances et de mes

compétences dans le domaine de la didactique des mathématiques, et de participer et contribuer aux

efforts de mes collègues. Ainsi est née la problématique suivante :

Problématique

Question de départ

À quelles conditions le fait de proposer à des élèves de CE1 pris en regroupement

d’adaptation de vivre avec leur corps la transformation mathématique mise en jeu dans un énoncé-

problème et de schématiser cette transformation va-t-il leur permettre d’améliorer leurs

compétences en résolution de problèmes numériques ?

Questionnement

• Qu’est-ce qu’un regroupement d’adaptation ?

• Quelles compétences attend-on d’un élève de CE1 en résolution de problèmes d’après les

programmes scolaires de 2002 ?

• Quels sont les attributs essentiels d’un problème numérique ?

• Quel est l’intérêt de la médiation corporelle dans la compréhension de la transformation

mathématique mise en jeu dans un problème numérique ?

• Quel est l’intérêt de la schématisation dans la compréhension de la transformation

mathématique mise en jeu dans un problème numérique ?

Hypothèses

H1 : prendre conscience des attributs essentiels

Je pars du principe que l’appropriation par les élèves des attributs d’un énoncé de problème

numérique va leur permettre de se lancer dans une procédure de recherche.

H2 : se créer une représentation

Je pars du principe que si les élèves se représentent (avec l’aide de leur corps ou grâce à la

schématisation) la transformation numérique mise en jeu au sein de l’énoncé problème, alors cela

va leur permettre de mieux la comprendre.

H3 : favoriser la verbalisation et les évocations

Je pars du principe que si les élèves réussissent à verbaliser leur vécu corporel ou

schématique, alors cela va leur permettre de mieux comprendre la transformation mathématique

attendue au sein de l’énoncé problème, de donner du sens aux opérations.

- 4 -

I. Cadre institutionnel

1. Les programmes de 2002

En donnant la primauté à la résolution de problèmes, les concepteurs des programmes intègrent les

deux aspects de l’enseignement des mathématiques soit :

(1) développer « l’esprit mathématique » c’est-à-dire la capacité d’anticipation et d’abstraction

chez l’être humain ;

(2) transmettre un ensemble de connaissances qui se réfèrent à un modèle culturel.

Les programmes de 2002 préconisent l’utilisation du problème comme moyen d’élaborer de

nouvelles connaissances. On s’éloigne alors d’une conception plus traditionnelle où les problèmes

sont systématiquement proposés à la fin d’un apprentissage spécifique et prennent la forme

d’exercices d’application. Nous verrons plus loin quelques effets défavorables du contrat didactique

induits par cette conception traditionnelle.

Les programmes de 2002, leurs documents d’accompagnement et le référentiel de compétences du

maître E constituent mes appuis institutionnels dans le développement de mes hypothèses de travail,

comme le tableau ci-après le montre.

Hypothèses et choix

Programmes 2002 (cycle 2)

et Documents d’application des

programmes

Référentiel de compétences

Circulaire du 10 février 2004 : on

attend que l’enseignant chargé

des aides spécialisées à

dominante pédagogique :

Choix du thème et des

hypothèses de travail

« Elaborées comme réponses efficaces à des

problèmes, les premières notions

mathématiques sont identifiées, puis étudiées

dans le but d’être utilisables pour résoudre de

nouveaux problèmes » p.95

« élabore le projet d’aide

spécialisé, en définit les objectifs

et les stratégies (…) »

(en fonction des besoins éducatifs

particuliers des élèves)

Hypothèse 1 : prendre

conscience des attributs

essentiels d’un problème

Choix : clarifier le

contrat didactique,

encourager les

procédures personnelles

« Dès le cycle 2, les élèves doivent prendre

conscience du fait que résoudre un problème

ne revient pas à trouver, tout de suite, les

calculs à effectuer pour répondre à la

question posée. Une élaboration est, en

général, nécessaire, faite d’étapes ou d’essais

(…) » p. 95

- 5 -Hypothèses et choix Programmes 2002 (cycle 2) Référentiel de compétences

Hypothèse 2 : se créer

une représentation de

la situation

• en mimant, en

manipulant

• en schématisant

Choix :

• travailler sur un

domaine numérique

connu des élèves

• favoriser et

encourager les

procédures

personnelles

Document d’application des programmes du

primaire, mathématique cycle 2

« Une présentation mimée ou orale,

éventuellement avec l’aide d’une image ou

d’un document, peut également être

utilisée. »

« L’enfant doit pouvoir valider sa réponse. »

« Les problèmes doivent se situer dans des

contextes maîtrisés par les élèves, le plus

souvent possible, à l’aide de supports (…)

(matériel, jeu) »

Programmes p.96 « Afin d’éviter les

difficultés rencontrées par les élèves du cycle

2 pour se représenter des situations décrites

dans un texte, les questions peuvent être

posées dans le cadre de jeux ou d’expériences

effectivement réalisées avec des objets. »

p. 98 « Les procédures personnelles que les

élèves peuvent utiliser sont extrêmement

variées : elles peuvent s’appuyer sur un

dessin ou un schéma imaginé par l’élève, le

comptage, des essais additifs, soustractifs ou

multiplicatifs… »

« … tient compte dans ses

médiations et choix pédagogiques

des besoins éducatifs particuliers

des élèves. »

(besoin identifié : se créer une

représentation de la situation

décrite dans l’énoncé en

s’appuyant sur une représentation

matérielle : mime, jetons,

schéma)

« … adapte les situations qu’il

propose en prenant en

considération les compétences

scolaires attendues. »

(choix des variables didactiques

en fonction des besoins des

élèves et des exigences des

programmes)

Hypothèse 3 :

favoriser la

verbalisation des

démarches, les

échanges de parole, les

évocations

Programmes p.104 « Rendre compte

oralement de la démarche utilisée. »

« Admettre qu’il existe d’autres procédures

que celle qu’on a soi-même élaborée et

essayer de les comprendre.»

« … favorise la prise de

conscience par l’élève de ses

stratégies d’apprentissage et de

ses procédures intellectuelles » en

le faisant verbaliser, en favorisant

le conflit sociocognitif

Les programmes de 2002 distinguent deux types de problèmes auxquels les élèves doivent être

confrontés :

(1) - les problèmes pour lesquels, à terme, ils devront disposer d’une procédure experte. Ces

problèmes relèvent de la rubrique « traitement de données numériques » ; ils correspondent aux

problèmes autrefois dits « des quatre opérations » ;

(2) - les problèmes de recherche ou problèmes pour chercher.

Dans ce mémoire, nous traiterons de la première catégorie.

- 6 -

2. Quelles compétences attend-on d’un élève de CE1 en résolution de problèmes d’après les

programmes scolaires de 2002 ?

Les compétences attendues en fin de cycle 2 en résolution de problèmes sont les suivantes1 :

• s’engager dans une procédure personnelle de résolution et la mener à son terme ;

• rendre compte oralement de la démarche utilisée ;

• admettre qu’il existe d’autres procédures que celle qu’on a soi-même élaborée et essayer de

les comprendre ;

• rédiger une réponse à la question posée ;

• identifier des erreurs dans une solution.

3. Mes choix pédagogiques et didactiques au regard des programmes scolaires

• A cette étape de l’apprentissage (cycle 2), mon objectif ne sera pas de conduire les élèves en

difficulté jusqu’à la rédaction traditionnelle (procédure experte et phrase réponse) de la solution du

problème – dont on peut repousser l’apprentissage au cycle 3 – mais de leur permettre de donner du

sens aux situations proposées, afin qu’ils s’engagent dans une procédure personnelle de résolution.

Je choisirai donc de faciliter l’utilisation de systèmes matériels de représentation permettant le

passage de la représentation de la situation décrite par l’énoncé à celle de la transformation

mathématique en jeu ;

• Certains des élèves du groupe ne s’autorisent pas à utiliser une procédure personnelle pour

résoudre des problèmes et se précipitent à tout additionner. Il est nécessaire de clarifier le contrat

didactique, d’encourager explicitement l’élève à utiliser des procédures personnelles donc de

pouvoir donner une solution sans l’obligation d’utiliser une opération mathématique.

A cette fin, les énoncés proposés au cours des séances relèveront des quatre opérations et pas

exclusivement de l’addition. Il ne s’agit pas de commencer un apprentissage précoce des techniques

opératoires mais de conduire les élèves à organiser un raisonnement sur les données. Précisons que,

pour d’autres élèves du groupe, le passage à la procédure experte (addition et/ou soustraction)

pourra être amorcé par un dialogue pédagogique s’appuyant sur leurs procédures personnelles. Ex :

comment pourrais-tu t’y prendre différemment pour aller plus vite ?

• Je choisis par ailleurs de proposer aux élèves des énoncés :

- relatant des situations qui leur sont familières ;

- dans un champ numérique connu ;

1 Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? p. 104 - Voir compétences détaillées attendues en fin de cycle 2 en ce qui concerne le traitement de données numériques p 16-17 du document d’application des programmes.

- 7 -- dont l’ordre d’énonciation correspond à l’ordre chronologique de survenue des

événements.

Cette exigence se trouve dans les programmes de 2002 : « Les problèmes proposés doivent se situer

dans des contextes maîtrisés par les élèves. (…) De telles situations favorisent une entrée rapide

dans le problème et permettent une validation des réponses ainsi qu’une explicitation des

procédures par retour à l’expérience. » (Document d’application des programmes, cycle 2, p. 13)

Elle trouve son fondement dans les travaux de Michel FAYOL2 qui tirent pour conclusion que les

performances en résolution de problèmes s’améliorent lorsque :

- les situations et les formulations sont familières ;

- l’ordre d’énonciation correspond à l’ordre chronologique de survenue des événements ;

- la question est placée en tête d’énoncé.

Notons que j’ai choisi de ne pas changer la place « traditionnelle » de la question pour proposer des

énoncés ressemblant le plus possible à ceux qui sont les plus communément rencontrés.

• Afin d’encourager les élèves à se lancer dans des procédures personnelles de résolution, il

est important de dédramatiser l’erreur et de lui donner un véritable statut. Ainsi, selon Pierre

Higelé3, l’analyse de l’erreur favorise l’accès au processus d’accommodation : l’enseignant devra

inciter l’élève à « investir dans son erreur », à comprendre le comment et le pourquoi de celle-ci. De

plus, je pense que le fait de donner une véritable place à l’erreur diminue une part de l’anxiété des

élèves.

2 FAYOL M. (L’enfant et le nombre : du comptage à la résolution de problème) cité par P.HERVE dans La résolution de problèmes arithmétiques à l’école, Hatier, 2005 3 HIGELE P., Construire le raisonnement chez les enfants, Retz, 1997

- 8 -

II. Mise en place du projet d’aide

1. Cadre d’expérimentation : écoles et réseau

Ce sont des élèves des écoles élémentaires Macé et Condorcet d’Aubervilliers (Seine Saint Denis)

qui ont participé à ce projet. Ces deux écoles, de 15 classes chacune, sont classées en ZEP réseau

Ambition Réussite. Le réseau d’aides spécialisées du secteur Macé-Condorcet-Fromond-Prévert est

composé de quatre membres : une psychologue scolaire, deux enseignantes chargées de l’aide à

dominante psychologique (dont moi-même en formation CAPA-SH) et une enseignante chargée de

l’aide à dominante rééducative (également en formation).

2. Le rôle du maître E et le regroupement d’adaptation

Le regroupement d’adaptation est un dispositif d’aide proposant des situations d’apprentissage avec

des groupes restreints d’élèves. C’est « un temps et un espace de respiration pour l’élève4 » qui lui

donne l’occasion de s’investir dans des interactions langagières et de trouver sa place au sein d’un

petit groupe. Ainsi peut-il prendre conscience de ses capacités et évoluer vers plus d’autonomie.

Cela suppose l’intervention de l’enseignant pour aider l’élève à se représenter ce qu’il fait, prendre

conscience de ses stratégies, apprendre à les réguler. Le maître E est chargé « en référence aux

domaines d’activités de l’école maternelle ou aux domaines disciplinaires de l’école élémentaire,

des actions qui visent à la maîtrise des méthodes et techniques de travail, à la stabilisation des

acquis et à leur transférabilité, à la prise de conscience des manières de faire qui conduisent à la

réussite. » (Circulaire n°113 du 30 avril 2002) De plus, l’enseignant spécialisé doit « concevoir des

situations d’apprentissages adaptées et motivantes, les mettre en œuvre, les analyser et les évaluer ».

C’est dans cet esprit que j’ai tenté d’élaborer un projet de groupe cohérent qui tienne compte des

besoins éducatifs particuliers de chaque élève.

3. Présentation du groupe

Il s’agit de cinq élèves de CE1 : Mohamed, Cyril, Nirupan, Arthur et Rabia5, issus de trois classes

différentes. Afin de rédiger leur projet d’aide individualisée à dominante pédagogique, il a été pour

moi important de reprendre le contenu des demandes d’aides des enseignants (écrites et orales) et de

construire une évaluation de départ. Pour ces cinq élèves, les demandes d’aides concernaient surtout

la discipline des mathématiques.

Mohamed (cursus scolaire normal) est décrit comme un élève très immature, qui « semble perdu »

en classe. Son rythme de travail est lent, son attention peu soutenue. Son institutrice signale des

4 De Peslouan D., Rivalland G., Guide des aides aux élèves en difficulté, ESF éditions, p.67 5 les prénoms ont été modifiés

- 9 -difficultés en lecture (code et sens), en numération et en résolution de problèmes. Il bénéficie

d’un suivi orthophonique pour un problème de prononciation.

Cyril (cursus scolaire normal) n’a pas de difficulté en lecture. Son enseignante souhaite que nous

fassions un bilan en mathématiques et que nous lui apportions une aide appropriée. Il est préoccupé

car ses parents sont en instance de divorce ; il traverse une période difficile sur le plan personnel.

Nirupan (maintien en GS, suivi E en GS et CP) est un élève en situation de handicap. Il est suivi au

CMPP par une psychologue et par une rééducatrice. Ce handicap engendre des problèmes de vue et

des difficultés de compréhension, de conceptualisation et de verbalisation (de nombreuses

hospitalisations par le passé). Il est actuellement dans une dynamique de progression rapide : ainsi,

il n’est entré dans le langage que depuis 18 mois (en utilisant « je ») et progresse depuis. En lecture,

il décode très correctement. Il calcule de façon performante et rapide, il est dans le désir de faire et

d’apprendre. Enfin, il a trouvé sa place dans le groupe classe. A la suite d’une réunion d’équipe

éducative du 30 novembre 2006 à laquelle participaient les parents de Nirupan, la psychologue du

CMPP, la psychologue du RASED, la directrice d’école, l’enseignante et moi-même, nous avons

proposé à Nirupan de rejoindre un groupe de re-médiation en résolution de problèmes avec pour

objectif de favoriser l’accès à la symbolisation et la verbalisation (apprentissages plus difficiles à

conduire en grand groupe).

Rabia (cursus normal, suivi CMPP) : son instituteur signale un « gros besoin de soutien en

mathématiques » et un comportement instable. Elle peut être irritable, craintive, émotive, introvertie

mais aussi ouverte, à l’aise, spontanée, insolente. Son attitude peut être tour à tour coopérative ou

perturbatrice en classe. Elle ne connaît pas de difficulté particulière en lecture.

Arthur (cursus scolaire normal) : son instituteur signale des difficultés scolaires en mathématiques

exclusivement et des difficultés comportementales (« élève excessivement extraverti qui ne connaît

pas ses limites : se balance, ne tient pas en place, chantonne, siffle, explose sans raison apparente »).

Arthur aime lire et écrire des histoires ; il réussit dans ce domaine.

4. Présentation des besoins éducatifs particuliers des élèves au regard des évaluations initiales

« Les aides spécialisées sont adaptées aux situations particulières.6 » Par conséquent, afin de

déterminer les besoins éducatifs particuliers (BEP) des élèves, je leur ai fait passer une évaluation

diagnostique portant sur le domaine mathématique (numération, opérations, résolution de

problèmes)7.

Il est ressorti de cette évaluation que d’une part Mohamed savait déjà lire (code et sens maîtrisés) et

que d’autre part les difficultés des cinq élèves se concentraient sur la résolution de problèmes

(Cyril, Rabia et Nirupan ne se sont pas engagés dans une procédure de résolution). Je décidai donc

6 Circulaire n°2002-113 du 30 avril 2002 7 Voir Annexe 1: Résultats de l’évaluation diagnostique n°1

- 10 -de proposer une nouvelle évaluation diagnostique ciblée sur la seule résolution de problèmes

numériques portant sur cinq problèmes à résoudre8 et un entretien ayant pour but de mettre en

évidence les conceptions des élèves au sujet des problèmes mathématiques et leurs habitudes

évocatives9. Il s’agissait pour moi de situer les difficultés de ces élèves en résolution de problèmes.

Ces difficultés pouvaient être du domaine du langage (lecture, compréhension de texte, lexique), de

représentation de l’énoncé ou encore d’investissement affectif (oser prendre le risque de chercher et

de se hasarder dans l’inconnu).

Rabia ne s’est pas véritablement engagée dans une procédure de recherche. Elle a

systématiquement additionné tous les nombres présents dans les énoncés et m’a expliqué que

« parfois il faut utiliser les moins mais je ne sais pas quand… » Elle est satisfaite de la forme de son

travail : une addition et une phrase réponse. Rabia fonctionne comme un « automath10 » et croit que

le contrat didactique est de faire une opération avec tous les nombres de l’énoncé.

Cyril dit à de nombreuses reprises « C’est dur ! Trop dur ! » ; mais à la suite de mes

encouragements, il soutient son attention et entre dans une véritable démarche de recherche. Il

résout même avec succès le problème multiplicatif en manipulant les pions et en dessinant. Sa

recherche est parfois parasitée par des considérations personnelles : il a du mal à séparer les

situations décrites par les énoncés des situations vécues.

Mohamed exprime son envie de travailler et de progresser. Il est souriant, détendu, volontaire face

à la tâche et très désireux de bien faire. Il a un rapport très affectif à la notion de problème

mathématique : « quand on gagne des billes, ce n’est pas un problème parce que c’est bien de

gagner. » Après deux tentatives infructueuses, il réussit à résoudre le problème de partage (n°3) en

dessinant des pièces de 2 €. Je le félicite ; heureux, il pense que j’ai ainsi validé une « méthode

infaillible et reproductible » et refait exactement le même dessin pour les problèmes suivants sans

réfléchir ni vérifier son résultat. (Attention à la pédagogie du sourcil ou du sourire…)

Nirupan n’est pas encore capable de s’engager dans une procédure de résolution de manière

autonome et ne peut le faire qu’avec l’aide du questionnement de l’adulte.

Arthur est, comme Cyril, très ‘‘encombré’’ dans sa procédure de résolution par des considérations

affectives. Il rapproche et mélange situations décrites dans les énoncés et situations vécues.

L’analyse des conceptions initiales des élèves se trouve au chapitre III.2.1. De cette analyse et de

cette évaluation diagnostique n°2 découlent les besoins éducatifs particuliers de ces élèves dans le

domaine de la résolution de problèmes11.

8 Voir Annexe 2 : Résultats de l’évaluation diagnostique n°2 9 Voir Annexe 3 : Questionnaire pour le recueil des conceptions initiales des élèves 10 BARUK S., L’âge du capitaine, Points Seuil, 1985 11 Voir Annexe 4 : BEP en résolution de problèmes, l’exemple de Cyril

- 11 -

5. Des projets individuels au projet de groupe

Il apparaît que les difficultés de ces élèves en résolution de problèmes ne sont pas liées à

l’insuffisante maîtrise de la langue orale ou de la lecture12 (sauf pour Nirupan). M’étant assurée de

cela, je décidai d’orienter la construction des séances de re-médiation selon les trois hypothèses de

travail exposées en page 4 de ce mémoire.

Le projet du groupe (voir annexe 6) est défini à partir des programmes et des objectifs spécifiques

des projets d’aide individualisée. Il a pour objet de construire un outil d’aide à la résolution – ou

plus précisément d’aide à la représentation. La perspective de créer, de présenter et d’utiliser cet

affichage pour la classe de référence les motivait.

Ce projet induit une réflexion autour du « Comment faire pour chercher ? Sur quelles aides

s’appuyer ?» - réflexion qui donne du sens à leurs efforts et apporte une dynamique de réussite

commune.

Les chapitres qui suivent mettent en relation les appuis théoriques et les aspects pratiques de

chacune des hypothèses de travail de ce projet.

12 Voir Annexe 5 : tableau récapitulatif / Hypothèses sur les origines des difficultés

- 12 -

III. Hypothèse 1 : prendre conscience des attributs

essentiels « Je pars du principe que l’appropriation par les élèves des attributs d’un énoncé de problème numérique va

leur permettre de se lancer dans une procédure de recherche. »

1. Explicitation des concepts mis en jeu dans ce mémoire

1.1. Le modèle pédagogique d’acquisition des concepts

L’élève construit son savoir. Pour Britt-Mari Barth, le rôle de l’enseignant est d’abord d’assister

l’élève dans la construction de son savoir13. Pour ce faire, elle propose un modèle pédagogique

d’acquisition des concepts, modèle auquel je me suis intéressée pour aborder le concept de

« problème numérique ». B.-M. Barth définit le concept comme un ensemble d’éléments qui

possèdent les mêmes attributs. Elle distingue les attributs essentiels - qui renvoient aux

caractéristiques qui permettent d’identifier l’objet, de déterminer son appartenance à une catégorie -

des attributs non essentiels qui peuvent servir à décrire l’objet mais non à le définir.

S’approprier un concept c’est reconnaître et distinguer ses attributs essentiels. Un mot

« étiquette » permet de réunir tous les exemples ayant les mêmes attributs essentiels, même si, par

ailleurs, ils présentent des différences (attributs non essentiels). La structure opératoire du concept

dont elle fait un schéma regroupe l’étiquette, les attributs essentiels et les exemples. Son modèle

pédagogique d’acquisition des savoirs se déroule en trois phases : première phase : l’observation,

l’exploration ; deuxième phase : la clarification, la vérification et troisième phase : l’abstraction14.

1.2. Qu’est-ce qu’un problème à l’école élémentaire ?

Afin de préciser la notion de problème, citons les définitions fournies par des chercheurs en

didactique : pour G. Vergnaud, « par problème, il faut entendre dans le sens large que lui donne le

psychologue, toute structuration dans laquelle il faut découvrir des relations, développer des

activités d’exploration d’hypothèse et de vérification pour produire une solution » et « la notion de

problème n’a guère de sens pour les problèmes résolus ou, pour être plus précis, pour les problèmes

pour lesquels le sujet peut appliquer un système de réponses tout constitué.(…)La notion de

problème comporte l’idée de nouveau, de jamais fait, de pas encore compris pour l’individu qui

cherche. »

Selon Jean Brun, « un problème est généralement défini comme une situation initiale avec un but à

atteindre. Il n’y a problème que si la solution n’est pas disponible d’emblée mais possible à

13 BARTH B., Le savoir en construction, Retz, 1997 14 Idem, pages 181-182

- 13 -construire. C’est dire aussi qu’un problème pour un sujet donné peut ne pas être un problème

pour un autre sujet, en fonction de leur développement intellectuel par exemple. »

Pour les auteurs de l’équipe ERMEL de l’INRP, « il y a problème dès qu’il y a quelque chose à

chercher et qu’il n’est pas possible de mettre en jeu la mémoire seule. »

Pour ma part, Je retiendrai cette acception : le problème se définit par rapport au sujet qui se le

pose et qui cherche à le surmonter.

Il peut être un levier dans l’élaboration des connaissances (ainsi que le préconisent les Programmes

de 2002) à condition de créer des obstacles épistémologiques : selon Piaget, les connaissances ne

s’accumulent pas mais passent d’un état d’équilibre donné à un nouvel état d’équilibre, après s’être

trouvées dans une phase transitoire, au cours de laquelle les connaissances antérieures étaient

remises en cause.

Le maître devient alors « metteur en scène » en intervenant sur les variables didactiques et

pédagogiques en fonction des besoins des élèves et des connaissances à acquérir afin que la

situation proposée soit réellement un problème pour le sujet-apprenant. Aussi l’acquisition des

différents sens d’une opération se fait à partir des situations significatives proposées aux élèves.

2. Aspects pratiques

2.1. Les représentations initiales des élèves

Avant de travailler sur la construction du concept de problème, je me suis attachée à prélever les

représentations initiales des élèves. Cela m’a permis de mieux choisir les supports (exemples et

contre-exemples) pour la séquence mettant en œuvre le modèle pédagogique d’acquisition des

concepts de Britt-Mari BARTH.

Représentations initiales des élèves du concept de problème mathématique

Selon… C’est un problème parce que…

Ce n’est pas un problème parce que…

Réflexions et élaboration des exemples/contre-exemples

Nirupan

- il y a un calcul - il y a des nombres - les nombres servent à écrire la date, et à faire des calculs avec + et – - « Magali a préparé ça » : ressemble à ce que peut proposer la maîtresse mais ne sait pas dégager (dire) les ressemblances

Ça se passe à la boulangerie

Objectif: identifier les attributs cités par les élèves comme essentiels – proposer ces attributs dans la séance BMB, afin qu’ils se rendent compte eux-mêmes que ce ne sont pas des attributs essentiels. Proposer un énoncé de problème dont le cadre serait une boulangerie

- 14 -Selon… C’est un problème parce

que… Ce n’est pas un problème parce que…

Réflexions

Mohamed - il y a une perte ou un vol (rapport affectif) - un problème c’est par exemple quand on perd quelque chose, après on fait des math. Les problèmes se trouvent dans le fichier de mathématiques.

- elle voulait bien en donner à sa copine donc ce n’est pas un problème - âge : ce n’est pas un problème parce que nous aussi on va grandir après - taille : ce n’est pas grave, on va grandir après - gagner : ce n’est pas un problème parce que c’est bien pour lui s’il en a gagné 10 - école : pas de problème qui porte sur les classes d’une école

Proposer des énoncés problèmes qui comportent un gain, qui se situent dans un contexte scolaire, qui parlent d’âge ou de taille.

Arthur - il faut faire des calculs, il y a des chiffres - ça ressemble à une petite histoire - on peut faire du travail avec - on doit chercher le plus petit - il y a des nombres - ça parle des classes, des élèves et de combien il y a d’élèves

Il y a des prénoms dans l’énoncé Proposer un énoncé dans lequel il y aurait des prénoms.

Rabia - il y a des calculs - est capable de donner un exemple d’énoncé de problème - parce qu’il y a des données chiffrées (2 €, 5 bonbons) - il faut faire une addition

- c’est chez nous, pour faire la cuisine (recette) Rabia ne sait pas justifier son choix 3 fois sur 4 ; elle semble démotivée.

Dans une séance ultérieure, proposer différents problèmes comportant les mêmes données numériques et impliquant des transformations différentes.

Cyril - il y a des calculs difficiles - c’est dur, trop dur c’est comme dans le fichier de math avec Lisa, Moustic et Alex - je fais une addition (50 + 54 + 75 + 50 + 51) pour trouver

- reconnaît la recette - « J’ai pas envie de le dire » - on ne donne pas de bonbons à ses copains sinon il ne nous en reste plus (la situation ne lui semble pas réaliste) - on ne doit pas gagner ses billes sinon c’est voler. Rapport très affectif à la résolution de problème.

Proposer des énoncés avec les verbes « donner » et « gagner ». Par la suite, s’assurer que les situations très familières à Cyril proposées dans les énoncés ne sont pas source de « perturbation affective » dans son processus de résolution.

J’ai été d’emblée frappée par le fait que les représentations des élèves sont étroitement liées à leurs

préoccupations personnelles et à leur univers affectif. Ainsi, Arthur qui se trouve actuellement dans

une problématique identitaire (son prénom d’usage a changé dans sa famille à la suite d’un baptême

récent mais son prénom reste inchangé au regard de l’état-civil et de l’école) dit : « Ce n’est pas un

problème mathématique car il y a des prénoms. »

- 15 -De même, Mohamed dit que « l’âge et la taille » ne peuvent figurer dans des énoncés de

problème puisque « ce ne sont pas des problèmes, on va grandir après. » Or, cet enfant est décrit par

son enseignante comme très immature. La séquence suivant la démarche de B.-M. Barth va

permettre aux élèves du groupe de définir les attributs essentiels des problèmes numériques. Cela

entraînera une distanciation par rapport à leurs préoccupations affectives qui sera bénéfique dans le

processus de résolution de problème qui en était perturbé. Si cette distanciation n’est pas suffisante

en dépit des éclaircissements apportés par la découverte du concept, il faudra veiller à ce que les

énoncés ne soient pas source de « perturbation affective » car trop proches de l’univers des enfants

(et éventuellement revenir sur mon choix de proposer des énoncés aux situations familières comme

le proposent les travaux de M. Fayol). D’autre part, l’émergence du rôle de la question – ou donnée

prescriptive de l’énoncé – va leur permettre de mieux comprendre « ce qu’on attend d’eux ». Un

travail ultérieur sera mené qui consistera à lier la question et les données de l’énoncé.

2.2. Scénario guidé par la démarche de B.-M. Barth

Objectif : co-construction par les élèves du concept de problème numérique.

Déroulement : cette séance se déroule collectivement : les élèves sont placés face au tableau. J’ai

écrit préalablement des exemples et des contre-exemples relatifs au concept de problème numérique

sur des feuilles A4. Il y a aussi une étiquette vide (pour écrire le nom du concept) et le tableau sur

lequel je noterai au fur et à mesure ce que les élèves proposent comme points communs aux

exemples-oui. Au fil de la séance, je barrerai ce qu’ils éliminent « en chemin ». A la fin ne

subsisteront que les attributs essentiels. Notons que les exemples-oui et les exemples-non ont été

soigneusement choisis en tenant compte des représentations initiales des élèves (cf. 2.1. tableau)

Consigne de départ : « Aujourd’hui, je vais essayer de vous faire deviner quelque chose. Pour cela

j’ai préparé des exemples-oui et des exemples-non. Les exemples-oui ont toutes les caractéristiques

de ce que je veux vous faire deviner. Votre tâche consiste à observer tous les exemples-oui et à me

dire tout ce qu’ils ont en commun à chaque fois. Les exemples-non sont des indices importants, ils

peuvent contenir une ou deux caractéristiques mais jamais toutes à la fois. Je noterai toutes vos

idées au tableau. Comme ça, on pourra les vérifier au fur et à mesure. Ce n’est pas grave de se

tromper, on pourra rectifier ensuite. »

Exemples-oui et exemples-non Elaboration des attributs essentiels

(1) exemple-oui : Nicolas a 25 images. Il en perd 5. Combien lui en reste-t-il ?

Mohamed: il en a 7. Adulte: pour le moment, je ne demande pas de calculer mais de réfléchir à ce que je veux te faire deviner. Arthur : c’est des mathématiques. Adulte : pourquoi penses-tu cela ? Pas de réponse.

- 16 - (2) exemple-oui : Une petite fille va à la boulangerie et achète 5 croissants. Elle en donne 2 à sa copine. Combien en a-t-elle maintenant ?

Nirupan : elle achète 5 croissants (a besoin de redire les données de l’énoncé) Arthur : c’est des mathématiques. Cyril : non, c’est du français car il y a de l’écriture. Adulte : Arthur, pourquoi penses-tu que ce sont des mathématiques ? Arthur : parce qu’il y a des nombres. Les élèves tombent d’accord et me demandent de noter : - il y a des nombres – il y a un texte.

(3) exemple-non :

Adulte : Attention ! Il s’agit maintenant d’un exemple-non. Je voudrais que vous me disiez pourquoi c’est un exemple-non. (je leur demanderai pour chaque contre-exemple)

Adulte : cet exemple ne possède rien de commun avec ce que je veux vous faire deviner. Nirupan : c’est un tigre. Mohamed : c’est une image. Arthur : il n’y a pas de nombres. Cyril : il n’y a pas d’écriture.

(4) exemple-non : un poème « Automne », Anne-Marie Chapouton

Arthur lit le poème aux autres. Nirupan : C’est un tigre (parle à nouveau de l’exemple précédent) Cyril : c’est une poésie Rabia ne parle pas mais acquiesce. Arthur : à la fin, il faut un point d’interrogation, et là il n’y en a pas. Mohamed : il a raison. Dans tes exemples-oui, il y a des questions. Une question, c’est quand on demande quelque chose. Par exemple, c’est quoi ton nom de famille Nirupan ? Ça c’est une question. Il faut rajouter qu’il y a une question dans les exemples-oui. Cyril : et il faut barrer « texte » parce que là c’est un texte et c’est un exemple-non.

(5) exemple-non : combien y a-t-il de petites voitures ?

Mohamed, Cyril, Arthur : alors, il ne faut pas une question ! Je souligne toutes les questions. Mohamed : si, il faut une question mais avec autre chose, une histoire qui va avec. Arthur relit les exemples-oui à haute voix.

(6) exemple-oui : il y a 12 carrés dans une tablette de chocolat. Combien de carrés y a-t-il dans 3 tablettes de chocolat ?

Arthur : c’est des mathématiques car il faut faire des calculs pour trouver la réponse. Nirupan : c’est des problèmes de calcul ! Malgré ma relance, il ne peut justifier sa réponse. Les autres élèves s’emparent de ce mot étiquette. Adulte : alors pourquoi ceux-ci ne sont pas des problèmes de calcul ? Mohamed : là, c’est juste une image, on ne nous demande rien. Cyril : là, c’est une poésie. Arthur : on n’a pas de chiffres ; il n’y a que des mots. Mohamed : il manque des informations. Revenant sur l’ex (5), Arthur : si tu nous donnes ce problème, on ne peut rien faire faire, on ne peut rien chercher !

- 17 -(7) exemple-non : Nicolas a 25 images. Il en perd 5.

Mohamed : Myriam, tu t’es trompée, c’est un problème. (Il a anticipé la question) Cyril : Non, il manque la question ! Arthur : on ne sait pas ce qu’on nous demande de chercher. On ne nous demande rien. Mohamed : oui mais on peut demander combien il en aura. Adulte : alors, que faudrait-il pour que cela devienne un exemple-oui ? Arthur : il faut la question. Adulte : qu’est-ce qu’on va écrire comme question ? Mohamed : combien il lui restera d’images à la fin ?

(8) adulte : maintenant, je vous donne un exemple et ensemble vous devez vous mettre d’accord et le placer dans la bonne colonne.

Adulte : que faut-il pour que ce soit un exemple-oui ? Cyril : on nous demande de chercher quelque chose. Accord du groupe. Arthur : il doit y avoir des nombres. Accord du groupe. Mohamed compte les points, trouve la réponse et dit que c’est un problème. Accord du groupe.

(9) Olivier veut acheter un collier à 25 euros pour l’anniversaire de sa sœur. Combien Olivier a-t-il d’images de Spiderman ?

Mohamed : oui, c’est un problème. Il y des nombres et une question. Olivier a 25 images de Spiderman. Arthur : non ! ce sont des euros. Cyril : on ne sait pas. On ne nous dit rien pour les images. Mohamed : je le mets dans les exemples-non car la question ne va pas avec l’histoire.

Les élèves ont ainsi construit ensemble le concept de « problème de calcul ». Lors de la phase de

structuration, nous avons produit une affiche récapitulative des attributs essentiels :

Dans un problème de calcul, il y a toujours : - des nombres ; - quelque chose à chercher (une

question ou une consigne nous l’indique) ; - des informations « en lien » avec la question.

Je pensais que le mot étiquette proposé par les élèves serait « problème » ou « problème

mathématique ». Nirupan fut plus précis en proposant « problème de calcul ». Effectivement je

n’avais pas proposé dans mes exemples-oui de problème de comparaison (problème numérique ne

nécessitant pas de calcul). Je n’oublierai pas de présenter aux élèves au cours du projet des

problèmes de comparaison et des énigmes non numériques afin qu’ils sachent qu’ils peuvent aussi

rencontrer ces types de problèmes.

Analyse : Nirupan, du fait de ses difficultés à verbaliser, n’a pas réussi à prendre part pleinement

aux échanges mais il semblait attentif et c’est lui qui a proposé le mot étiquette.

Mohamed, Cyril et Arthur se sont montrés dynamiques et motivés ; ils ont réussi à s’écouter, à

exprimer leurs idées et à coopérer.

● ● ● ● ●

● ● ● ●

?

- 18 -Rabia a peu participé aux échanges verbaux. J’ai profité du trajet Rased-classe pour parler avec

elle. Elle dit qu’elle n’aime pas parler devant les autres enfants et me restitue – sans erreur – les

attributs essentiels découverts par ses camarades.

Prolongements envisagés : tri d’énoncés en exemples-oui/ exemples-non ; inventer un exemple-oui/

des exemples-non (avec toutes les caractéristiques sauf une).

3. Bilan

L’attitude des élèves face à la tâche s’est améliorée : tous se lancent dans des procédures de

recherche. Cyril, Mohamed et Arthur ne s’égarent plus dans des détours affectifs. Lors de

l’évaluation initiale, Mohamed n’avait pas l’idée de résoudre des problèmes comportant des gains

car selon lui ce n’étaient pas des problèmes. La découverte de ce concept lui a permis de dépasser

ce stade. Cyril, lui, introduisait des données personnelles (querelles à la cantine) lorsque la situation

de l’énoncé ressemblait à une situation déjà vécue. Par la suite, il ne l’a plus fait. Rabia se décide à

manipuler des pions, à dessiner, à proposer une phrase réponse. Nirupan a compris que dans chaque

problème, il faut rechercher quelque chose.

Cette clarification du concept de problème a permis de comprendre la nécessité de repérer la

question, de retrouver dans l’énoncé les données utiles à sa résolution. Les séances qui ont suivi ont

eu pour objet de travailler le lien entre la question et les données. Chaque élève a pris conscience de

l’existence d’un but intrinsèque à chaque problème – parallèlement, j’encourageai explicitement

l’élaboration de solutions personnelles (clarification du contrat didactique) : il semble que ce soient

ces deux facteurs conjugués qui ont favorisé chez les élèves cette attitude de recherche, qui

contraste vivement avec celle observée lors de l’évaluation initiale n°1.

Il est cependant difficile de déterminer si telle ou telle hypothèse de travail est à l’origine des

progrès et il serait plus juste de considérer qu’il s’agit davantage d’une combinaison de facteurs

facilitants et indissociables (découverte du concept et de ses attributs, clarification du contrat

didactique, cadre encourageant et bienveillant du petit groupe, verbalisation de ses choix, matériel

accessible…) qui ont favorisé ces progrès. Par exemple, dans le modèle proposé par B.-M. Barth, la

découverte du concept est aussi importante et facilitante que la découverte par les élèves de leurs

capacités à agir sur la construction de leurs connaissances. Cette démarche développe chez eux une

posture d’apprenant actif ; il n’est alors pas étonnant qu’elle aide à la prise de conscience de ses

capacités, qu’elle aide à adopter une attitude de recherche indispensable dans l’activité de résolution

de problèmes.

- 19 -

IV. Hypothèse 2 : se créer une représentation « Je pars du principe que si les élèves se représentent (avec l’aide de leur corps ou grâce à la schématisation)

la transformation numérique mise en jeu au sein de l’énoncé problème, alors cela va leur permettre de mieux la

comprendre. »

1. Apports théoriques

1.1. Que signifie « se représenter un problème » ?

La représentation est un processus de construction et d’appréhension du réel à partir de données

provenant du monde extérieur. C’est une activité fondamentale à la source de l’abstraction et de la

généralisation. Selon Jean Julo, « comprendre, ce serait, d’une manière ou d’une autre,

construire une représentation de quelque chose » ; et « la représentation, au sens où l’entend la

psychologie cognitive est le résultat d’une véritable activité mentale mettant en œuvre un ensemble

de processus chargés de traiter les informations issues de cet environnement.15 » La représentation

suppose donc la compréhension des informations issues de nos organes sensoriels.

Selon J. Julo, « se représenter un problème c’est non seulement se représenter un objet particulier

(…) mais aussi se représenter la tâche particulière qui est associée à cet objet. » Aussi, ce qui

caractérise la représentation dans le cas d’un énoncé de problème c’est l’existence d’une tâche

associée à l’objet mais aussi le fait que celle-ci définit un contrat particulier entre l’auteur de

l’énoncé et le destinataire. Comme le souligne Alain Descaves, « la compréhension du problème

comporte au minimum la constitution de la représentation d’un but. 16 »

Dans le processus de compréhension d’un énoncé, les élèves vont mobiliser différents types de

représentations entre lesquelles s’établissent des correspondances :

- des représentations de type linguistique ;

- des représentations de type iconique ;

- et des représentations liées à l’écrit mathématique et à sa correspondance orale.

C’est la combinaison de telles représentations qui construisent la compréhension immédiate et pas

forcément pertinente de l’énoncé (exemple : un élève qui associerait le signe – au verbe

« manquer » sans effectuer de calcul relationnel17). Pour l’élève, ces représentations vont dépendre

de son vécu, de ses connaissances pragmatiques et du contrat didactique existant dans la classe.

J.Julo émet l’hypothèse suivante : « c’est au niveau de la représentation des problèmes qu’il faut

rechercher l’une des sources principales des situations d’échec en mathématiques », et développe

l’idée d’aide à la représentation comme forme particulière de l’aide à la résolution de problèmes.

15 JULO J., Représentation des problèmes et réussite mathématique, Presses Universitaires de Rennes 16 DESCAVES A., Comprendre des énoncés, résoudre des problèmes, Hachette Education 17 G.VERGNAUD distingue le calcul numérique qui renvoie aux opérations arithmétiques et le calcul relationnel qui fait référence aux opérations de pensée nécessaires pour élucider les relations qu’entretiennent les éléments du problème.

- 20 -Pour Pascal Hervé18, « la représentation est déjà une forme d’évocation élaborée, qui porterait

elle-même le modèle de réponse. » Donc pour construire une représentation pertinente et se lancer

dans une procédure de résolution, l’élève aura la nécessité de s’appuyer en amont sur ses

évocations.

1.2. Vivre la situation avec son corps : une aide à l’élaboration des évocations

Antoine de La Garanderie appelle évocations les « images mentales » qui nourrissent les opérations

de pensée. Des images, des mots et/ou des symboles forment le contenu de ces évocations. Pour

donner du sens à une situation décrite dans un énoncé de problème, l’élève a besoin de recourir

d’abord à des évocations permettant de situer le contexte concret (paramètre 1 de La Garanderie

« habitudes évocatives dont les images et les mots expriment du concret »), puis d’une évocation

des relations/ de la transformation en vue de sa traduction mathématique.

La manipulation concrète d’objets (jetons) – et l’évocation que l’élève va s’en faire – peuvent aider

cette évocation dynamique. Le mouvement des mains, le geste physique permettent de vivre et

d’intégrer les relations entre les différentes données du problème. A. de La Garanderie utilise le

terme de « geste mental » qui est dans ce cas une intériorisation d’un « geste physique ». Le

mouvement permet – par exemple – de vivre le changement entre une situation initiale et une

situation finale.

Pour P. Hervé, « les enfants doivent donc faire l’expérience physique de ce mouvement et

l’accompagner ensuite d’une évocation, en constatant non seulement le changement qui s’est

produit entre situation initiale et situation finale mais aussi le mouvement qui l’a conduit.19 »

Catherine Berdonneau20 souligne en outre que la manipulation de matériel indifférencié facilite le

passage à l’abstraction : « devoir utiliser des jetons pour représenter aussi bien des fleurs que des

salades ou des billes contraint à renoncer graduellement à tout détail figuratif. » Par ailleurs, en

modifiant l’organisation spatiale de leurs jetons, les élèves peuvent s’appuyer sur des règles de

calcul mental et découvrir des propriétés de numération ou de calcul (ex : la commutativité).

Notons que les documents d’application des programmes soulignent que « ce n’est pas la

manipulation d’un matériel qui constitue l’activité mathématique mais les questions qu’elle

suggère » – questions qui « invitent l’enfant à choisir, décider, prévoir, essayer ». (Documents

d’application des programmes – Mathématiques cycle 2 – pages 9 et 10).

18 HERVE P., La résolution de problèmes arithmétiques à l’école, Hatier, 2005 19 HERVE P., La résolution de problèmes arithmétiques à l’école, Hatier, 2005 20 BERDONNEAU C., Aider les élèves en difficulté en mathématiques CP/CE1, Hachette éducation

- 21 -1.3. L’intérêt de la schématisation

Au regard de la psychologie cognitive, il semblerait qu’un élève améliore ses performances en

résolution de problèmes lorsqu’il associe au problème à résoudre un modèle déjà connu. C’est grâce

à de nombreuses expériences qu’il se construit petit à petit ces modèles de problèmes et de

résolution. A la lecture d’un nouveau problème, l’élève va donc chercher des similitudes ou des

différences avec un modèle déjà intériorisé.

L’utilisation de schémas – comme outil de modélisation – va permettre aux élèves de faire évoluer

leurs évocations vers la généralisation d’une situation particulière à une situation plus large. Les

schémas permettent en effet de saisir les similitudes entre des situations que les élèves perçoivent

comme distinctes. Les schémas ont en outre une seconde fonction, celle de la mise en séquence des

informations de l’énoncé (ordre chronologique).

Voici la définition du concept de schéma de problèmes proposée par Michel Devidal21 : « Le

schéma doit être compris comme un bloc de connaissances relatives à une situation générale. Il

comporte un certain nombre de places vides (ou variables) qui seront remplies par des informations

spécifiques (des objets) venant de l’énoncé. Le schéma conserve les caractéristiques essentielles de

la situation ; c’est une sorte d’intermédiaire entre la réalité parce qu’il fixe, dans un temps ou un

espace, les relations entre les éléments et le concept. »

Selon P. Belmas22, la symbolisation non langagière (dont la schématisation fait partie) favorise le

processus d’abstraction car elle implique un « tri des informations fournies par la réalité [ici

l’énoncé du problème] et la réalisation de représentations imagées abstraites. »

Malgré l’intérêt des symbolisations schématiques pour développer des compétences dans la

résolution de problèmes, il est essentiel de ne pas en imposer l’usage. D’une part parce qu’il y a

chez les élèves une évolution progressive des schématisations figuratives, iconiques vers des

symbolisations plus abstraites, qui ne correspond pas à des étapes programmables23 ; d’autre part

parce que chaque élève a un fonctionnement cognitif propre : certains éprouvent le besoin de

recourir à cet outil, d’autres non.

Lors des séances de re-médiation, je proposerai aux élèves d’utiliser la schématisation s’ils pensent

que cela peut les aider mais sans les y contraindre car, « dans le cas d’élèves en situation d’échec,

toute démarche cherchant à intervenir autoritairement sur la représentation pour la guider dans une

direction donnée et lui imposer une certaine forme n’a aucune chance de succès24 .»

21 Cité par Pascal Hervé dans La résolution de problèmes arithmétiques à l’école, Hatier. 22 BELMAS P., « Symboliser, c’est conceptualiser », in JDI n°3, 1997 23 Voir Annexe 7 : Modèle des procédures de résolution de problème. 24 JULO J., Représentation des problèmes et réussite en mathématiques, Presses Universitaires de Rennes, p. 173

- 22 -

2. Aspects pratiques

2.1 Choix pratiques

• Lors de la conception du projet, j’avais imaginé mettre à disposition des élèves certains objets

identiques à ceux décrits dans les énoncés de problèmes (billes, figurines, miniatures…) afin de

rendre les situations plus attrayantes, enrôlantes. Finalement, il m’a semblé que choisir du matériel

indifférencié était plus judicieux pour favoriser la symbolisation. Les élèves avaient dès lors à leur

libre disposition à chaque séance : des jetons, des cubes, des allumettes (pour les dizaines).

• J’ai souhaité proposer aux élèves des supports d’aide à la représentation variés : manipulation de

matériel, langage oral, dessins, schémas, écrits mathématiques – afin que les élèves s’approprient

celui ou ceux qui leur conviennent le mieux. Aussi, bien que ne souhaitant pas en imposer l’usage,

il m’a semblé important de sensibiliser tous les élèves à l’utilisation du schéma.

Voici ma démarche :

1. séance 12 : encourager les élèves à dessiner leur représentation du problème, afficher et

comparer leurs représentations, leur soumettre un schéma.

2. séance 13 : selon la démarche de B.-M. Barth, découvrir les attributs essentiels d’un schéma.

3. séance 14 : associer des énoncés de problèmes aux schémas correspondants.

4. séance 15 : imaginer un schéma pour chacun des trois problèmes de transformation.

5. séances suivantes : utiliser le schéma si et seulement si « cela vous est utile ».

Par la suite, j’ai souhaité que le schéma soit utilisé par les élèves qui le pouvaient comme une aide à

la représentation, donc créé par eux-mêmes. Je n’ai pas voulu leur donner des schémas « déjà faits »

porteurs de la procédure de résolution car je risquais ainsi d’induire fortement leur raisonnement et

de nuire à leur créativité et à leurs initiatives de recherche. Or c’est précisément ce que je souhaitais

développer chez les élèves : la capacité à oser, oser chercher, oser explorer, s’engager dans des

procédures personnelles, construire du sens (sens de l’addition, sens de la soustraction), pour, à

terme, aller vers des procédures expertes.

J’ai donc choisi de placer l’aide du côté des représentations et non de celui des procédures

comme le recommande J. Julo. Car « un guidage portant sur la manière de procéder est non

seulement le moins intéressant sur le plan des acquis cognitifs (il réduit considérablement la part

d’investissement personnel dans la solution du problème) mais il est aussi le plus souvent inefficace

sur le plan de l’aide qu’il apporte effectivement. » (J. Julo, op.cit., p.150)

- 23 -2.2. Un exemple de séance

Voici une séance25 qui a eu pour objectif de démontrer que l’addition n’était pas forcément

« la bonne opération » ou « la seule opération possible ». Cette séance s’est appuyée sur le mime, la

manipulation d’objets et les évocations. Il s’agissait de proposer des énoncés de problèmes dans

lesquels on utilise les mêmes nombres mais dont les relations qui existent entre ces nombres ne sont

pas les mêmes ; et de faire comparer ces énoncés et les procédures de résolution proposées.

Description de la tâche (par binômes)

• Résoudre des problèmes relevant des quatre opérations et possédant les mêmes données

numériques.

• Retrouver le « faux énoncé » glissé parmi eux.

Lors de la mise en commun :

• Se souvenir des attributs essentiels d’un énoncé de problème numérique.

• Expliquer aux autres ses stratégies (dessin, manipulation…)

• Comparer les différents énoncés et les stratégies proposées, en tirer une conclusion.

Enoncés proposés

1. Pour Noël, Paul a acheté 2 ballotins de chocolat. Chaque (un) ballotin contient 12 petits chocolats. Combien y a-t-il de chocolats en tout ? (procédure experte 2×12)

2. Samia a 12 petites voitures. Son frère lui en offre 2. Combien en a-t-elle maintenant ? (12+2) 3. Les poules de Marie ont pondu 12 œufs ce matin. Marie va les ranger dans 2 petites boîtes

d’œufs. Elle en mettra autant dans chacune des boîtes. Combien d’œufs y aura-t-il dans chacune des boîtes ? (12 divisé par 2)

4. Les poules de Marie ont pondu 12 œufs ce matin. Marie va les ranger dans 2 petites boîtes d’œufs. Quel est l’âge de la petite poule rousse ? (impossible)

5. Sandra a 12 livres. Elle en donne 2 à son ami Marc. Trouve le nombre de livres restants. (12-2)

Remarques

• L’activité proposée est très longue, je l’envisage sur deux séances et je retire le 5ème énoncé.

• Nirupan (résolution avec l’aide de l’adulte) : a utilisé la manipulation, le dessin et a joué les

saynètes avec moi. (2 problèmes résolus sur 4)

• Mohamed et Cyril : 3 problèmes résolus sur 4. Ils coopèrent de façon efficace, manipulent

les pions puis posent des opérations.

Pb(1) : 12 + 12 = 24 Pb(2) : 12 + 2 = 14 Pb(3) : 6 et 6 (avec aide)

Pb(4) : « Ils n’ont pas dit l’âge »

• Rabia et Arthur : Ils ne coopèrent pas. Arthur a décidé de ne pas travailler et laisse faire sa

camarade. Le travail en binôme ne semble pas pertinent pour lui.

Pb(1) : 12 + 2 = 14 Pb(2) : 12 + 2 = 14 Pb(3) : 6 sans explication

Pb(4) : 6 sans explication

25 Cf. programmation des séances détaillée en Annexe 6 dans le projet de groupe

- 24 -Bilan de la séance

La manipulation et les échanges verbaux (entre eux) ont permis à Mohamed et Cyril d’être très

efficaces. Lors de la phase de mise en commun, ils sont très dynamiques et expliquent leurs

résolutions. Nirupan, qui a du mal à s’exprimer, manipule les pions devant les autres pour montrer

ce qu’il a fait. Ce n’est que lors de cette phase que les élèves remarquent que les données

numériques des énoncés sont identiques. Je trouve que c’est bon signe : ils n’ont pas été

« aveuglés » par les nombres et ont pris en considération les données narratives. Cette séance a été

profitable à Rabia qui commence à comprendre que l’addition ne peut pas être une réponse

systématique. Arthur s’est peu investi dans cette séance mais a été attentif aux conclusions

apportées par le groupe.

Nous écrivons : « L’addition n’est pas forcément la bonne opération. Il faut réfléchir. Pour

comprendre un énoncé, on peut s’aider : imaginer la situation, manipuler des pions ou faire un

dessin. »

3. Bilan

En ce qui concerne les différentes formes d’aide à la représentation :

- Le mime et la manipulation : En classe ordinaire, les élèves ont peu l’occasion de se déplacer et

de manipuler des objets. Les élèves de ce groupe ont montré beaucoup de plaisir et d’empressement

à « jouer » les saynètes décrites par les énoncés ou à manipuler. Si pour Nirupan cette étape était

nécessaire à la construction de la compréhension, elle ne l’était pas pour Mohamed qui, cependant,

ne souhaitait pas s’en détacher. Je lui demandai donc de ne manipuler qu’en cas de « blocage » et

pour vérifier ses résultats. Quant à Rabia, la manipulation était nécessaire pour l’inciter à entrer

dans la tâche et à ne pas tout additionner d’emblée.

- Le dessin : A la fin de la prise en charge, le dessin était devenu une aide précieuse pour Mohamed

et Arthur. Après avoir dessiné, Mohamed était capable de choisir « la bonne opération » (addition

ou soustraction).

- Le schéma : A la fin de la prise en charge, Mohamed utilisait le schéma de façon épisodique ;

Cyril de façon systématique pour les situations additives/soustractives. Son institutrice a observé

qu’il les utilise également en classe de façon pertinente.

Les résultats de l’évaluation finale se trouvent en annexe 8.

- 25 -Le cas d’une élève, Rabia : Son comportement par rapport à la résolution de problèmes

traduisait un mal-être. Après avoir lu l’énoncé, Rabia avait du mal à commencer l’activité, soupirait,

cessait de parler, mordillait ses doigts et ce, malgré mes encouragements. J’ai fait l’hypothèse que

les situations pédagogiques proposées provoquaient une résonance affective trop forte. J’en ai parlé

à son instituteur qui m’a décrit une enfant qui changeait radicalement de comportement dès qu’elle

était confrontée à une difficulté (surtout en mathématiques). Alors qu’elle pouvait être volubile et

extravertie, elle devenait anxieuse, introvertie, mutique. Nous avons poursuivi l’aide jusqu’au terme

du projet car c’était le souhait de Rabia. Elle n’a cependant pas voulu intervenir lors de l’exposé

oral dans les trois classes de référence.

Pour les autres élèves de groupe : Cette pédagogie d’aide à la représentation semble avoir porté

ses fruits. Ces quatre élèves adoptent désormais une attitude de recherche :

1. Parce qu’ils ont conscience de la présence d’un but dans l’énoncé (cf. hypothèse 1)

2. Parce qu’ils disposent maintenant d’outils sur lesquels s’appuyer pour se représenter la

situation décrite par l’énoncé ainsi que la transformation qui en découle.

Cyril : « Maintenant, je sais que si je ne comprends pas tout de suite, je peux prendre du temps pour

imaginer dans ma tête ou dessiner. Pour trouver l’opération, je préfère faire un schéma. »

Mohamed : « Je pourrai expliquer les schémas à ceux de ma classe ? »

- 26 -

V. Hypothèse 3 : Favoriser la verbalisation et les évocations « Je pars du principe que si les élèves réussissent à verbaliser leur vécu corporel ou schématique, alors cela

va leur permettre de mieux comprendre la transformation mathématique attendue au sein de l’énoncé problème »

1. Apports théoriques : le langage, outil de médiation

Le langage permet de mettre en mots le vécu (ici, la transformation mathématique vécue avec le

corps grâce au mime, ou celle matérialisée par un schéma). Sans le langage, la pensée n’atteindrait

pas le même niveau d’abstraction.

1.1 Le conflit sociocognitif

Dans le cadre de cette expérimentation, je retiens surtout les théories socioconstructivistes qui

soutiennent que les interactions sociales structurent le développement cognitif. Aussi, lors d’une

séance d’apprentissage, les élèves verbalisent et confrontent leurs réponses, hétérogènes, opposées

ou complémentaires. Ces confrontations sont appelées conflits sociocognitifs, lorsqu’elles sont

source de progrès ; elles permettent aux élèves de prendre conscience de démarches et de réponses

différentes de la leur ou de prendre en compte des informations qu’ils n’avaient pas prélevées.

Le conflit sociocognitif ne peut être efficace que s’il se situe dans la Zone de Proche

Développement (ZPD) de l’élève. En deçà ou au-delà de cette zone, l’apprentissage n’est pas

possible. Il s’agit donc pour moi d’ajuster les contenus et les conditions non pas aux capacités

présentes de l’enfant mais à son potentiel de progrès.

1.2 Verbalisation et métacognition

Gérard de Vecchi26 définit la métacognition ainsi : « la métacognition implique que l’on considère

que la manière d’apprendre est aussi importante que le savoir lui-même et que l’analyse des modes

d’apprentissage fait partie de ces apprentissages. Cela permet de mieux mobiliser volontairement

ses savoirs et ses compétences dans des situations futures. »Les élèves peuvent alors prendre

conscience de leurs savoirs et de leurs procédures, se les approprier et les transférer dans d’autres

domaines. Modestement j’ai donc tenté de mettre en place des situations favorisant cette démarche

métacognitive. Amener les élèves à verbaliser, à décrire ce qu’ils voient, ce qu’ils font (mime,

manipulation, schématisation) doit leur permettre de faire émerger la transformation mathématique

attendue. Au fil des séances, chacun doit pouvoir décrire son action, sa démarche, ses impressions

et justifier ses choix. Verbaliser son action n’est pas facile, c’est un acte inhabituel pour ces élèves,

il faudra donc l’aide du questionnement de l’adulte27.

26 Cité par HERVE P., La résolution de problèmes arithmétiques à l’école, Hatier, page 64 27 Voir Annexe 9 : exemples de questions de type métacognitif

- 27 -1.3 Verbalisation et gestion mentale

Dans le dialogue métacognitif, les questions portent essentiellement sur la planification de la tâche,

sur les actions effectuées par l’enfant et sur la manière dont il les a vécues. La pédagogie des gestes

mentaux développée par A. de la Garanderie introduit une exigence supplémentaire : le dialogue

pédagogique préconisé met l’accent sur les procédures mentales que l’élève utilise28.

Aussi souvent que possible, je chercherai à développer les évocations. Par exemple, les phases de

recherche – même lorsqu’elles seront menées en binômes – seront précédées par un moment

de ‘‘travail’’ individuel qui permettra à chaque élève d’entrer dans le problème, d’élaborer ses

premières évocations de la situation. Ensuite je demanderai aux élèves de reformuler l’énoncé du

problème.

Autre possibilité pour favoriser les évocations : faire travailler les élèves en binômes. Le premier

reçoit un énoncé, le lit silencieusement, le ‘‘visualise’’ ou ‘‘se le raconte’’ puis le reformule à son

camarade qui doit le résoudre (puis les rôles sont échangés).

1.4 Pourquoi développer les évocations ?

L’énoncé de problème est un texte particulier dans lequel s’établit un système de relations entre les

données – relations que l’on va ensuite pouvoir symboliser par des signes mathématiques

(procédure experte). J. Julo pense que « les mathématiques auraient la fonction d’un langage servant

à exprimer autrement, à traduire les données du problème. 29 » Pour le jeune élève du cycle 2

débutant dans la manipulation du langage mathématique, cette traduction, avant d’être

mathématique, va s’effectuer dans son langage courant. Je pense que la verbalisation des

perceptions pendant le mime ou la mise en schéma (et pendant la mise en commun) et leurs

évocations vont favoriser la prise de conscience des relations entre les données, donc la

compréhension de l’énoncé. Il s’agira pour moi d’observer les élèves et de les faire s’exprimer sur

leur action, la manière dont ils l’ont vécue – de prolonger cette action en leur demandant de garder

cette image ‘‘dans leur tête’’. Alors peut-être les élèves pourront-ils voir des similitudes entre les

problèmes relevant d’un même « modèle d’action ». Aussi il ne s’agit pas de rechercher l’opération

qui correspond le mieux à la forme de l’énoncé (on évite le piège des mots-clés) mais de permettre à

l’élève de s’appuyer sur ses capacités d’évocation dirigées par un projet de compréhension des

relations des données de l’énoncé entre elles.

28 Voir Annexe 10 : exemples de questions mettant l’accent sur les procédures mentales 29 JULO J., Représentation des problèmes et réussite en mathématiques, PUR, p.65

- 28 -

2. Aspects pratiques : l’articulation de chaque séance en trois temps de parole

2.1. Mettre en place des conditions favorables à la verbalisation

Le cadre doit être rassurant, des règles peuvent être définies autour de la prise de parole : écoute,

respect de la parole d’autrui, entraide, droit à l’erreur… Il est indispensable de réduire les

inquiétudes des élèves pour qu’ils acceptent d’exprimer « ce qui se passe dans leur tête ».

2.2. Le premier temps de parole

Il était consacré à la présentation du travail à effectuer et à l’évocation permettant de situer le

contexte de l’énoncé :

• Temps individuel d’entrée dans l’énoncé qui permet à chaque élève de se faire sa propre

évocation de la situation ; puis, reformulation de l’énoncé.

• Questionnement : que s’est-il passé dans votre tête ? Pouvez-vous décrire la situation ? Que faut-

il chercher ? Comment allez-vous faire ? De quoi avez-vous besoin ? etc… Il s’agissait de

permettre à l’élève de s’approprier la situation décrite par l’énoncé et de se mettre au travail de

façon plus réfléchie ; mais aussi d’encourager les élèves à prendre des risques, à croire en leurs

capacités, à choisir la représentation qui leur convenait le mieux (manipulation, dessin, schéma,

opération).

2.3. Le deuxième temps de parole

Il s’agissait ici de permettre aux élèves de verbaliser leur vécu et leurs images mentales pendant la

manipulation, le mime ou la schématisation (selon la stratégie choisie).

Au début de la prise en charge, je n’avais pas perçu l’importance de cette étape. Je m’attachais à

développer chez les élèves l’évocation de la situation décrite dans l’énoncé et je me heurtais à une

difficulté : Rabia et Arthur avaient tous deux une bonne compréhension du texte, me décrivaient de

façon pertinente leur manière mentale d’imaginer le problème puis se précipitaient à additionner

toutes les données. Au fil de mes lectures, j’ai compris qu’il s’agissait d’une « rupture de sens »30.

Lors de la résolution du problème, ces deux élèves se donnaient deux projets de sens en rupture l’un

par rapport à l’autre : (a) imaginer la situation, (b) trouver une opération. Je permettais à ces élèves

de mimer l’action, de manipuler des jetons mais j’avais omis d’insister sur l’évocation de cette

manipulation. Or c’est cette évocation qui peut leur permettre de comprendre les relations qui

existent entre les données.

30 HERVE P., La résolution de problèmes arithmétiques à l’école, Hatier, p.135

- 29 -Afin de remédier à cette difficulté, je décidai donc :

1. de proposer des problèmes de transformation (état initial/ état final) qui favorisent les évocations

« dynamiques » ;

2. d’encourager Rabia, Arthur et Nirupan à faire l’expérience physique de cette transformation et

d’en faire l’évocation mentale juste après (s’appuyer sur les verbes d’action) ;

3. d’aider à la résolution (en cas de blocage) par mon questionnement.

2.4. Le troisième temps de parole

Il s’agissait d’expliquer à ses pairs ses stratégies, son vécu et sa résolution. Le questionnement du

maître favorisait cette mise en commun : comment avez-vous fait pour résoudre ces problèmes ?

Qu’est-ce qui vous a été très utile ? Qu’est-ce qui ne vous a pas servi ? Pourriez-vous faire

comme… ? Qu’est-ce que vous utiliserez en classe ? Ce temps de parole permettait aux élèves de

prendre conscience des différentes stratégies utilisées. Il montrait ainsi qu’il n’y avait pas qu’une

stratégie possible et que l’on pouvait s’approprier celle qui nous convenait le mieux.

3. Bilan et perspectives

3.1. Evaluer le chemin parcouru

Au début de cette expérimentation, les élèves n’étaient pas du tout habitués à expliquer leur

stratégie et à verbaliser leur vécu. Au cours des séances, j’ai pris des notes sur leur participation,

leur écoute, leur capacité à expliciter leurs démarches. Les résultats sont très contrastés.

Mohamed et Cyril : les temps de parole leur ont permis des temps de réflexion. Ces deux élèves ne

se précipitent plus sur la tâche. Ils sont plus à l’aise à l’oral, ont pris de l’assurance, sont plus précis

dans leur propos (vocabulaire utilisé, relations entre les données). Ils sont visiblement plus motivés.

En ce qui concerne Cyril, c’est spectaculaire. En début de prise en charge, il disait souvent : « C’est

dur, trop dur, trop dur… » Il a totalement cessé d’employer ces mots, a développé un sentiment de

compétence presque palpable, donne des conseils aux autres. Les performances de ces deux élèves

se sont améliorées (voir l’évaluation finale). Il serait néanmoins péremptoire d’affirmer que la

verbalisation est la seule cause de ces améliorations.

Arthur : il s’est investi dans les échanges verbaux (entre pairs, avec l’adulte) de façon trop

irrégulière d’une séance à l’autre en dépit de mes sollicitations. Sa motivation était visiblement très

fluctuante, tout comme ses performances en résolution de problèmes. Dans ce domaine de la

verbalisation, comment savoir si cette démarche métacognitive lui a été profitable ? A la fin du

projet, je doutais fort de son impact positif. Toutefois, le maître de la classe de référence m’a fait

savoir que cet élève était bien plus investi en mathématiques, qu’il s’était senti valorisé lors de la

présentation orale que le groupe avait fait dans sa classe. Dans ce cas c’est un élément de type

- 30 -conatif qui a permis à cet élève de s’investir plus et de faire des progrès dans sa classe de

référence, alors que peu de progrès étaient visibles dans le regroupement d’adaptation.

Nirupan : du fait de son handicap, Nirupan a beaucoup de difficultés à verbaliser ses stratégies et à

participer à un échange de parole. Lors de la mise en commun, il semble ne pas écouter, être

ailleurs. Cependant, je constate que, d’une séance à l’autre, il acquiert du vocabulaire. Comme les

tout jeunes enfants, il répète d’abord les mots plusieurs fois hors contexte avant de les utiliser à bon

escient. Je l’accompagne systématiquement avec un questionnement car il n’est, pour le moment,

pas en mesure d’organiser ce cheminement lui-même : questions sur le texte (Combien y a-t-il

de… ? Que se passe-t-il ?), sur ses actes (Que fais-tu ?). Et … pour la première fois, en février

2007, il dit : « J’ai posé 5 platanes » en parlant des pions qu’il manipulait. Il est difficile d’établir

s’il s’agissait d’un premier pas vers la symbolisation et la verbalisation ou bien d’une forme de

mimétisme par rapport aux autres élèves. Par la suite, il a souvent commenté ses gestes, de façon

très brève. Très performant en calcul, il donnait ensuite le bon résultat sans pouvoir fournir

d’explication aux autres ou à moi-même.

Rabia est restée très introvertie pendant toute la durée de la prise en charge. La verbalisation de ses

gestes et l’évocation de ceux-ci ne lui ont été profitables que lorsque je la questionnais dans le cadre

d’un dialogue pédagogique duel maître élève. Elle parvenait alors à percevoir la relation

(transformation) mathématique en jeu. Elle ne s’est pas appropriée cette façon de faire et dans des

situations de travail individuel, elle a continué à additionner systématiquement toutes les données

du problème, très rapidement, comme pour se ‘‘débarrasser’’ de la tâche à accomplir.

3.2. Perspectives

Rabia : en ce qui concerne cette élève, je pense que mes hypothèses de départ concernant ses BEP

sont partiellement erronées. Peut-être fallait-il travailler en amont le sens et l’utilité des problèmes

mathématiques ? A quoi cela peut-il lui servir ? Peut-être fallait-il lui faire travailler le lien entre les

données des problèmes au travers d’énigmes ou de logigrammes non numériques (car elle adore la

lecture et semble bloquée par les données chiffrées) ?

Les outils pédagogiques étaient-ils les plus adaptés pour cette élève dont l’inquiétude face aux

apprentissages mathématiques était visible ? Je décidai d’en parler en réunion de concertation du

Rased afin de demander une évaluation de la rééducatrice.

Nirupan : cet élève semble avoir fait un pas vers la symbolisation et la verbalisation de ses gestes.

L’étape suivante pour lui serait : l’autonomie (agir et écrire une réponse sans l’aide du

questionnement de l’adulte) et la verbalisation des stratégies.

- 31 -

D’une manière générale, évaluer l’impact de la verbalisation et des évocations sur la

compréhension des relations mathématiques en jeu dans un énoncé de problème m’a semblé

difficile. Une grille d’observation m’a paru indispensable. Construire ce type d’outils est devenu

important dans ma démarche d’enseignante spécialisée.

Par ailleurs, je constate que, dans cette expérimentation, il m’a été plus facile de questionner

les élèves sur leurs gestes physiques que sur leurs cheminements mentaux. D’une part, parce que les

élèves en difficulté vont aller spontanément vers « le faire » et grâce à mon questionnement vers la

description de ce « faire ». D’autre part, parce que la construction de mon identité professionnelle

est encore inachevée et qu’il ne suffit pas de décider d’offrir à ces élèves un espace de réflexion sur

leurs actions et sur leurs cheminements mentaux pour être d’emblée capable de le faire. Je souhaite

étoffer mon expérience dans ce domaine en utilisant régulièrement dans ma pratique la

métacognition.

- 32 -

CONCLUSION

La recherche, dont ce mémoire professionnel fut le support, m’a permis d’élargir le champ

de mes connaissances en didactique des mathématiques. De plus, je me suis rendue compte que les

stratégies mises en œuvre dans le cadre de ce projet particulier sont largement transposables à

d’autres domaines (méthode d’acquisition des concepts de B.-M. Barth, démarche métacognitive…)

et qu’elles seront indispensables dans ma pratique quotidienne en regroupement d’adaptation.

Cette réflexion m’a permis de conscientiser cette pratique jusqu’alors trop souvent intuitive

et d’affiner mes gestes professionnels. J’ai pu, par exemple, faire l’expérience de :

• L’importance de déterminer très précisément les besoins éducatifs particuliers (BEP) des élèves

au travers d’une évaluation initiale et d’un entretien afin que l’aide s’avère efficace (voir le cas

de Rabia). L’entretien avec chaque élève est en effet nécessaire car les difficultés et démarches

qui sont visibles au niveau de la feuille d’évaluation ne sont jamais suffisantes pour déterminer

les besoins spécifiques des élèves. Cet entretien peut me permettre de dépasser les symptômes,

d’approcher les causes ;

• La nécessité d’avoir une pédagogie explicite, de clarifier le contrat didactique et pour cela

d’être capable d’énoncer précisément aux élèves l’objectif d’apprentissage (distinct de la tâche)

et les critères de validation ;

• La difficulté et la nécessité d’aider « ni trop, ni trop peu » (J.Julo, Représentation des

problèmes et réussite en mathématiques, op.cit., p.150). « Spontanément nous avons toujours

tendance à aider trop. » (idem) ;

• Et de la nécessité de m’appuyer sur mes capacités d’écoute et de communication :

1. en direction des élèves, pour déterminer leurs BEP et construire une pédagogie différenciée ;

2. en direction des enseignants afin de favoriser le transfert des apprentissages vers la classe

car les objectifs d’apprentissage du projet ne sont atteints que s’ils sont réinvestis dans le

contexte de la classe de référence.

Pour poursuivre la construction de ma nouvelle identité professionnelle, je souhaite m’inscrire

dans une dynamique de recherche en continuant mes lectures et en me formant aux techniques de

l’entretien (dialogue pédagogique d’A. de La Garanderie, entretien d’explicitation de Pierre

Vermesch) avec pour objectif d’améliorer l’efficacité de mes interventions, de diversifier et

d’enrichir les projets pédagogiques spécialisés.