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L’AFRIQUE SENFUME!

’A ue s ’ ume - OTAFtabac. 80% d’entre elles habiteront un pays en développement. Or, le tabac est aujourd’hui la première cause de mort évitable dans le monde. Si la Chine

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L’Afrique s’enfume!

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ContentsintroduCtion 1

Le tAbAC : un fACteur de pAuvreté 4• un CerCLe viCieux… 4

• … pour Les individus 4

• … pour L’etAt 5

• inoussA sAounA – interview 6

L’épidémie du tAbAC 8• professeur mohAmed bArtAL – interview 10

tAbACuLture et environnement 12• Les produCteurs 12

• un désAstre environnementAL 13

• LA tAnzAnie 13

• LutgArd KAgAruKi – interview 14

Les strAtégies de L’industrie 16• Le mArChé AfriCAin 16

• Les strAtégies de L’industrie 17

• Contenu des CigArettes 17

• Le nom des mArques 18

• vente à L’unité 19

• pubLiCité 19

• Lobbying et menACes 20

• LA ContrebAnde 21

• thAnguy nzue obAme – interview 22

ACtions possibLes 23• LA Convention-CAdre de Lutte AntitAbAC 23

• Le modèLe de L’Afrique du sud 25

• pAsCAL dietheLm – interview 25

ConCLusion 27

bibLiogrAphie 28

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introduCtion

Le tabagisme est une épidémie mondiale qui tue actuellement 5,4 millions de personnes chaque année, plus que la tuberculose, le VIH/sida et le paludisme réunis. Selon les estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) 1, sans aucune mesure urgente, plus de 8 millions de personnes décéderont chaque année, à partir de 2030, des maladies causées par le tabac. 80% d’entre elles habiteront un pays en développement. Or, le tabac est aujourd’hui la première cause de mort évitable dans le monde. Si la Chine et l’Inde représentent les deux régions où l’épidémie est la plus virulente, l’Afrique sub-saharienne inquiète : la consommation de tabac dans les pays africains augmente actuellement en moyenne de 4,3 % par an 2.

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« Toute épidémie a un moyen de contagion, un vecteur qui répand la maladie et la mort. Pour l’épidémie de tabac, le vecteur n’est ni un virus, ni une bactérie ou autre micro-organisme – c’est une industrie et sa stratégie commerciale » 4. En effet, devant la diminution de la consommation de cigarettes dans les pays occidentaux, l’industrie du tabac cherche de nouveaux marchés : « l’industrie du tabac, acculée donc dans les pays du Nord, a pris pour cible ceux du Sud où le grand vide organisationnel et juridique est propice à ses activités (…) 5 ». Les compagnies de cigarettes se sont tournées vers les pays en développement, et notamment vers l’Afrique. Selon l’Observatoire du tabac en Afrique Francophone (OTAF), « la stratégie cynique de l’industrie, cible l’Afrique comme son plus fort potentiel de développement (…) 6 ». La stratégie de l’industrie du tabac use de moyens variés : publicité, distributions gratuites, ventes à l’unité ou encore parrainage d’événements culturels ou sportifs.

1 OMS. WHO Report on the Global Tobacco Epidemic, 2008 ; The MPOWER package, p. 142 OMS. Tobacco WHO/AFRO, overview [en ligne]3 OMS. MPOWER ; un programme de politiques pour inverser le cours de l’épidémie, p. 64 OMS. WHO Report on the Global Tobacco Epidemic, 2008 ; The MPOWER package [traduction libre], p. 215 SAOUNA Inoussa, « Pays pauvres, le nouvel Eldorado du tabagisme », p. 246 OBSERVATOIRE DU TABAC EN AFRIQUE FRANCOPHONE. O.T.A.F., « Qui sommes-nous ? » [en ligne]

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2 L’Afrique s’enfume !

Ce document vise ainsi à présenter une vue générale du problème du tabagisme en Afrique sub-saharienne en tentant de prendre en compte ses conséquences sociales, sanitaires, économiques et écologiques. L’idée originale était de se concentrer sur les réalités de l’Afrique sub-saharienne francophone, mais rapidement, le manque de données sur cette aire géographique fait obstacle. Il a donc fallu élargir l’étude à l’Afrique dans son ensemble. Comme le souligne Sylviane Ratte et Karen Slama, « il est évident que les données standardisées et comparables manquent dans pratiquement tous les domaines relatifs au tabagisme. Les données sont souvent vieilles, parcellaires et peu représentatives (…) 7 ».

Le document se divise en cinq thèmes ; le premier est le lien entre le tabac et l’appauvrissement des individus mais également de l’Etat. La deuxième partie se penche sur les conséquences du tabagisme en terme de santé publique. Après un détour sur les méfaits qu’engendre la culture du tabac notamment sur l’environnement, il sera question des stratégies de l’industrie du tabac en Afrique sub-saharienne, illustrées par différents exemples. Enfin, la dernière partie porte sur les actions possibles pour agir sur l’épidémie du tabac, avec l’exemple notamment de l’Afrique du Sud.

Prévalence du tabagisme parmi les adolescent-e-s (13 - 15 ans) (%)

Filles Garçons Filles et garçons

Niger 8,0 (2006) 15,2 (2006) 11,7 (2006)Afrique du Sud 20,0 (2002) 29,0 (2002) 23,6 (2002)Tanzanie 4,7 (2003) 8,7 (2003) 6,5 (2003)Maroc 8,2 (2006) 12,5 (2006) 11,0 (2006)Gabon – – –

Prévalence du tabagisme parmi les adultes (> = 15 ans) (%)

Femmes Hommes Femmes et hommes

Niger – – –Afrique du Sud 9,1 (2005) 27,5 (2005) 18,4 (2005)Tanzanie 4,3 (2005) 24,8 (2005) 14,6 (2005)Maroc 0,3 (2005) 29,5 (2005) 15,0 (2005)Gabon – – –

Ces tableaux, réalisés sur la base des données disponibles les plus récentes de l’OMS 8, visent à donner une indication sur la prévalence du tabagisme dans les pays d’Afrique dont il sera question dans ce document. De manière générale, et malgré le manque de données, on observe que les taux de prévalence varient fortement selon les pays. Ces différences s’expliquent par le fait que l’épidémie de tabac dans ces pays n’est pas au même stade de propagation. Pour la même raison, la différence de prévalence entre femmes et hommes varient proportionnellement parlant, bien que l’on observe une tendance générale selon laquelle les femmes fument moins que les hommes, pour des raisons notamment culturelles.

7 RATTE Sylviane, SLAMA Karen. « Etat des données et de la recherche en Afrique francophone », p. 178 Chiffres tirés des données statistiques de l’OMS. (OMS. WHO Statistical Information System (WHOSIS) [en ligne])

Un paquet de cigarettes blondes ou « américaines » 1 correspond au prix de :

• 24 œufs au Pakistan

• 5 kilos de riz en Chine

• permet d’assurer les repas familiaux d’une journée au Niger

1 SAOUNA Inoussa, « Pays pauvres, le nouvel Eldorado du tabagisme », p. 22

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• AbréviAtions

BAT : British American Tobacco

CCLAT : Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac

JTI : Japan Tobacco International

OMS : Organisation mondiale de la santé

OTAF : Observatoire du Tabac en Afrique Francophone

PIB : Produit Intérieur Brut

PM : Philip Morris

TTCT : Tanzanian Tobacco Control Forum

UICC : The International Union Against Cancer

Ce travail a été effectué par Jessica De Bernardini, étudiante à l’Institut des hautes études internationales et du développement à Genève, dans le cadre d’un stage de deux mois pour le Centre d’information pour la Prévention du tabagisme dans le canton de Vaud (CIPRET-Vaud), durant l’été 2008.

J’adresse mes plus sincères remerciements à Myriam Pasche pour son encadrement et ses précieux conseils, Pascal Diethelm pour m’avoir permis notamment d’assister au Congrès de l’UICC, Semira Gonseth pour son aide, Mohamed Bartal, Lutgard Kagaruki et Thanguy Nzue Obame pour m’avoir accordé de leur temps et pour leurs riches témoignages ainsi que Maëlle De Bernardini pour la mise en page de ce travail. Je remercie également les Ligues de la santé et le CIPRET-Vaud pour m’avoir donné l’opportunité de rédiger ce document.

Ce document est rédigé au masculin mais s’entend tout autant au féminin.

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9 Image tirée de la couverture de : MACKAY Judith, ERIKSEN Michael. The Tobacco Atlas [en ligne]

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4 L’Afrique s’enfume !

Le tAbAC : un fACteur de pAuvreté

Le lien entre tabac et pauvreté a été étudié en profondeur par l’OMS, dans son rapport « Tabac et pauvreté ; un cercle vicieux », publié en 2004. Il s’agira ici de tirer les grandes lignes de ce document, tout en se penchant sur le cas du Niger, où se bat continuellement Inoussa Saouna, figure de la lutte antitabac en Afrique sub-saharienne.

• un CerCLe viCieux…

Les inégalités de santé entre les groupes socioéconomiques ont été largement démontrées, au Nord comme au Sud ; l’épidémie du tabac n’échappe pas à ce phénomène. Ainsi, les plus pauvres fument plus que les plus riches. Ce gradient social s’explique en particulier par la différence d’éducation. Ce sont donc les plus pauvres qui souffrent le plus des conséquences du tabac, à savoir la morbidité et la mortalité prématurée. Plus on est pauvre, plus on fume, certes ; mais plus on fume, plus on devient pauvre. L’OMS parle alors d’un « cercle vicieux » où tabac et pauvreté se nourrissent dans une spirale d’effets négatifs pour le fumeur et ses proches. Par ailleurs, ce cercle vicieux du tabac et de la pauvreté n’affecte pas seulement les individus ; comme l’explique le rapport de l’OMS, le tabac appauvrit aussi l’Etat.

• … pour Les individus

Il arrive souvent que les fumeurs privilégient les dépenses en tabac plutôt qu’en denrées alimentaires. Les dépenses liées au tabac peuvent ainsi devenir une source de malnutrition. Il a été souvent observé en outre que ces dépenses excèdent celles destinées aux autres besoins essentiels tels que la santé et l’éducation. Par exemple, l’OMS rapporte sur la base d’une étude publiée par SOS Tabagisme que les écoliers au Niger consacrent 40 % de leur revenu à l’achat de cigarettes ; les travailleurs manuels quant à eux, dépensent 25% de leur revenu pour cette même consommation.

14,0

Côte d’

Ivoire

Ghana

Malawi

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Nigéria

Séné

gal

Afrique

du Su

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Tunisie

Ougan

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Tanzan

ie

Zimba

bwe

12,010,0

8,06,04,02,00,0

Dépenses moyennes en cigarettes par fumeur (en % du PNB/habitant)

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Ce tableau montre des estimations 10 établies, sur la base des données disponibles pour douze pays. Il en ressort que les fumeurs dépensent en moyenne 6% du produit national brut par habitant, avec des variations entre 1% à 13%.

Le tabac frappe de plus les familles par les coûts de santé qu’il engendre : le traitement des maladies liées à la consommation du tabac coûte très cher. Dans le documentaire « Pas de fumée sans fric », le Dr. Julien Toessi, qui travaille pour le Ministère de la santé béninois, s’exprime en ces termes : « nous n’avons pas les moyens de traiter [les malades atteints des maladies liées au tabac], tout ce que nous faisons ce sont les soins palliatifs ». Une autre source d’appauvrissement moins liée à la consommation, est la culture du tabac, dont les mécanismes de paupérisation seront décrits par la suite.

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• … pour L’etAt

L’industrie du tabac avance souvent l’argument selon lequel le tabac serait favorable pour les pays en développement, car il serait source d’emplois, de recettes fiscales et serait bénéfique en terme monétaire. Toutefois, les compagnies du tabac ont tendance à exagérer ces bénéfices. Dans le rapport de l’OMS, il est souligné que parmi la centaine de pays producteurs de tabac, seuls le Malawi et le Zimbabwe sont dépendants de la production de tabac. Pour les autres, les exportations de tabac ne comptent que très peu dans le volume total de leurs exportations : selon l’OMS, ces exportations représentent plus de 5% des recettes totales d’exportation dans seulement 5 des 125 pays exportateurs de feuilles de tabac (Malawi, Ouganda, République centrafricaine, Tanzanie et Zimbabwe) 12. En ce qui concerne l’emploi, tant au niveau de la production que de la fabrication des produits du tabac, il semble que le nombre d’emplois soit minime, excepté dans les rares pays extrêmement dépendants du tabac: « dans la plupart des pays, le nombre de postes de travail offerts dans [le secteur de la fabrication] est largement inférieur à 1% du nombre total d’emplois dans le secteur

10 DE BAYER Joy. « L’impact économique de la consommation de tabac en Afrique », p. 1311 CHRISTIE Debbie. Bannatyne takes on Big Tobacco [Emission], arrêt sur image, 00:31:2112 OMS. Tabac et pauvreté : un cercle vicieux, p. 10

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de la transformation. » 13. Toutefois, même au Zimbabwe, seuls 2% des agriculteurs travaillent dans la culture du tabac, pour 10% au Malawi 14. Par ailleurs, les emplois dans la tabaculture sont mal payés et dangereux pour la santé. Enfin, les bénéfices liés à la vente sortent le plus souvent du territoire, en faveur des multinationales qui ont leur siège dans les pays du Nord. Quant aux recettes fiscales, elles représentent dans de nombreux pays en développement une source financière importante pour l’Etat, ce qui fait souvent hésiter les décideurs politiques à contrôler l’épidémie. Cependant, l’Etat peut augmenter ses recettes en augmentant la taxe sur les cigarettes : l’augmentation de la taxe constitue une des principales mesures de lutte anti-tabac prônées par l’OMS.

Le tabac ruine donc les caisses de l’Etat, plus qu’il ne les renfloue. Le rapport de l’OMS relève quatre aspects démontrant que le tabac est un facteur d’appauvrissement pour le pays. Le premier est lié aux coûts de santé élevés que représente le traitement des maladies causées par la fumée, mais également à la perte de productivité à laquelle l’Etat doit faire face, causée par la morbidité et la mortalité prématurée d’une population active. Par exemple, une étude de l’Institut de recherches économiques et régionales de l’Université de Neuchâtel a estimé à 10 milliards de francs suisses les coûts sociaux du tabagisme en Suisse 15. Le rapport de l’OMS mentionne en deuxième lieu les pertes en devises pour les pays importateurs de feuilles ou de produits du tabac. Le troisième aspect soulevé concerne la contrebande et les pertes fiscales qui en découlent. Enfin, la culture du tabac a un coût sur l’environnement non mesurable en termes financiers. Malgré certains profits, les experts s’accordent sur le fait que la culture et la production de produits du tabac ne sont pas rentables pour tous les pays et que les mesures de lutte anti-tabac sont profitables à l’Etat.

• inoussA sAounA – interview

Inoussa Saouna est une figure incontournable de la lutte anti-tabac en Afrique subsaharienne ; il milite avec courage et détermination depuis 1999. Fondateur et président de SOS-Tabagisme Niger, secrétaire de l’OTAF, Inoussa Saouna saisit la parole dès qu’une opportunité lui est offerte pour dénoncer l’industrie du tabac : « [l’Afrique] a été pendant longtemps un marché vierge et par plusieurs méthodes utilisées, notamment le sponsoring, la publicité, le parrainage, ils sont arrivés à rendre cette population qui avant ne s’intéressait pas à ce produit, ils sont arrivés à les faire fumer, notamment les jeunes, qui constituent pour eux un marché de demain. (…) Le taux d’analphabétisme et de l’ignorance étant très élevés, ce n’est pas évident, donc la plupart de la population n’est pas consciente du danger que leur pose la consommation du tabac et ils en profitent pour davantage les enrôler. (…) Si on ne fait rien aujourd’hui, on va se retrouver dans trente ans avec non seulement le palu, le sida, la méningite et tous les autres

13 Ibid., p. 1014 DE BAYER Joy. « L’impact économique de la consommation de tabac en Afrique », p. 1515 OFSP. Coût social du tabagisme : La fumée coûte dix milliards par an [en ligne]

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fléaux, mais ajoutées à cela, toutes les autres maladies liées à la consommation du tabac » 16. Inoussa Saouna fournit dans ses interviews de nombreux exemples de stratégies de l’industrie du tabac. L’un des plus cyniques est l’action menée par BAT dans le village d’Hamdallaye, en 2005. La population de ce village a été invitée à la célébration du château d’eau offert par BAT. De nombreuses personnalités ont participé à la cérémonie où tout a été soigneusement organisé : « la musique, une troupe culturelle connue de la capitale, les belles hôtesses et bien sûr de la bonne nourriture et des boissons » 17. Cependant le château d’eau n’a jamais fonctionné ; il a été rempli d’eau par citerne uniquement pour le jour de l’inauguration. Une vieille dame du village de Hamdallaye s’exprime en ces termes : « Nous, on ne comprend rien de cette affaire de forage. Depuis le jour de la cérémonie, pas d’eau et personne n’est venu ici pour nous

donner des explications ». Le Niger a signé la CCLAT en juin 2004 et l’a ratifiée le 25 août 2005. Dans le but de mettre en application le traité, le gouvernement a adopté une loi antitabac en mars 2006, qui est restée lettre morte. Face à cette situation, SOS-Tabagisme a fait en sorte que le Ministre de la santé soit interpellé à l’Assemblée nationale pour se justifier de la non-application de la loi. Devant la légèreté avec laquelle la question du tabagisme est traitée, SOS-Tabagisme a intenté un procès en janvier 2008 à BAT Niger et SITAB (Imperial Tobacco) pour violation de la loi de 2006, qui interdit toute forme de publicité pour les produits du tabac.

16 BURNAN Eric et FARGUES Christian. Pas de fumée sans fric [Documentaire en ligne]17 SAOUNA Inoussa. « Les populations de Hamdallaye grugées par British American Tobacco »

Lors de son enquête sur le tabagisme en Afrique, Duncan Bannatyne rencontre un tabaculteur au Malawi, qui tient les propos suivants : « les personnes qui fument ne se préoccupent pas de la nourriture mais peuvent s’offrir une cigarette » [traduction libre]1

1 CHRISTIE Debbie. Bannatyne takes on Big Tobacco [Emission], arrêt sur image, 00:31:21

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8 L’Afrique s’enfume !

L’épidémie du tAbAC

La santé est devenue ces dernières années une priorité de la communauté internationale. Ainsi, sur les huit Objectifs du Millénaire pour le Développement, trois sont relatifs à la santé : réduire la mortalité infantile, améliorer la santé maternelle et combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies. Les inégalités de santé entre les groupes socioéconomiques ont été largement démontrées : les pauvres sont en moins bonne santé que les riches et meurent plus jeunes. Ces inégalités proviennent notamment des inégalités d’éducation, d’environnement ou encore d’accès aux soins. Par ailleurs, le fait de tomber malade peut rapidement entraîner une personne et sa famille, sans moyen suffisant, dans un cercle vicieux de pauvreté devant les coûts de santé. Le tabagisme participe activement à ce mécanisme d’inégalités et de paupérisation, alors même que fumer est évitable. La nocivité de la fumée pour la santé n’est en effet plus à démontrer ; le tabac a un impact négatif sur tous les organes du corps. Fumer peut entraîner le cancer du poumon, d’autres formes de cancer (bouche, gorge, larynx, œsophage notamment), des maladies respiratoires ou encore des maladies cardiovasculaires.

Quelques exemples d’avertissements, basés sur des faits scientifiques, devant figurer sur les paquets de cigarettes en Suisse 18:

19

18 OFSP. Mises en garde [en ligne]19 Crédit © Communautés européennes, 2009

Pour une vision plus détaillée du bilan économique du commerce du tabac pour l’Etat, consulter le rapport de la Banque mondiale, Maîtriser l’épidémie ; l’Etat et les aspects économiques de la lutte contre la tabagisme, disponible sur internet à l’adresse : http://www1.worldbank.org/tobacco/Curbing-Tobacco-French.pdf

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Le tabac, en tant que vecteur de maladie et de mort, amène, en plus de l’appauvrissement qu’il engendre, de nouveaux cas de maladies dans les pays en développement. Une distinction est souvent établie entre les maladies transmissibles, infectieuses ou « traditionnelles » et les maladies non transmissibles, comportementales ou « modernes ». Les maladies transmissibles comprennent les grands fléaux auxquels doivent encore faire face les pays d’Afrique sub-saharienne en particulier, tels que le VIH/sida, le paludisme ou la tuberculose. Les maladies comportementales comprennent notamment le cancer, les maladies cardiovasculaires, le diabète et l’obésité. Ces maladies sont intimement liées au style de vie prédominant en Occident, caractérisé par un manque d’activité physique, la consommation de tabac et d’alcool ainsi qu’une hygiène alimentaire inadaptée.

Les conséquences liées au tabagisme sont encore sous-estimées en Afrique sub-saharienne et la lutte contre le tabagisme n’est pas encore une priorité des décideurs politiques et de la santé publique. Si rien n’est fait pour contrer l’épidémie de tabac dans les pays du Sud, et notamment en Afrique, la morbidité attribuée à la cigarette ne manquera pas d’augmenter. Or, ces pays devront faire face à la double charge des maladies transmissibles et non transmissibles, qui placera l’Etat face à un dilemme quant à l’attribution des ressources disponibles. Les gouvernements devront ainsi se positionner sur ce qu’ils considèrent comme prioritaire : des maladies transmissibles éradicables à un coût relativement bas grâce à la prévention et à la vaccination ou des maladies qui surviennent à long terme mais dont le traitement est très cher. Si cette interprétation semble quelque peu simplifiée et caricaturale et qu’il paraît évident que les deux types de maladies doivent faire l’objet d’un travail de prévention et de financement, il n’empêche que les décideurs politiques doivent réfléchir et agir dès maintenant sur la bombe à retardement qu’est le tabagisme.

Les quAtre étApes

La diffusion de l’épidémie du tabac a été souvent divisée en quatre stades, comme le montre la figure suivante. Dans la première phase de propagation, fumer est un comportement exceptionnel et l’apanage des groupes socioéconomiques favorisés. Dans un deuxième temps, fumer devient de plus en plus commun. Un pic de prévalence est alors observé chez les hommes alors que les femmes restent encore peu touchées par l’épidémie. Dans la troisième étape, la prévalence chez les hommes chute alors qu’elle atteint son sommet chez les femmes, avant de diminuer. Enfin, la quatrième phase montre un déclin de la fumée chez les hommes et chez les femmes ; à partir de ce moment, la fumée devient une habitude des groupes socioéconomiques défavorisés. Les pays peuvent alors se situer à partir de ce tableau, ce qui les aide à cibler leurs actions.

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10 L’Afrique s’enfume !

1

1 DECLARATION DE BERNE. « Quand le développement part en fumée », p.11

• professeur mohAmed bArtAL – interview

Le Professeur Mohamed Bartal, spécialiste des maladies respiratoires, est impliqué dans la lutte contre le tabac au Maroc, son pays natal, depuis de nombreuses années. Président de l’association marocaine de prévention et d’éducation pour la santé AMAPES STOP-TABAC et membre de deux autres sociétés de santé qu’il a lui-même créées, c’est l’expérience qu’il a acquis en tant que médecin qui l’a poussé à s’engager contre le tabagisme, ayant été confronté à de nombreux malades victimes de la fumée. Pour lui, le tabagisme est une épidémie sournoise, puisque ses grands maux ne surviennent que bien après l’exposition.

Au Maroc, la prévalence du tabagisme est estimée à 18% selon Mohamed Bartal. Toutefois, cette moyenne cache une forte disparité entre hommes et femmes : la prévalence chez les femmes n’est que de 2% pour 34% chez les hommes. Il semble toutefois que les femmes fument de plus en plus, en particulier celles issues des classes aisées. Cependant, le fait que l’épouse du Roi ait fondé l’association « Lalla Salma lutte contre le cancer », qui milite parallèlement contre le tabagisme, est un signal fort. Au niveau juridique, le Maroc a signé la CCLAT en avril 2004 mais ne l’a encore pas ratifiée, la ratification devrait avoir lieu au plus tard en 2009 selon Mohamed Bartal. Mais pour lui, la ratification n’est qu’une étape ; ce qui importe, c’est son application. Concernant la prévention, le professeur insiste beaucoup sur l’éducation, à travers le personnel de santé, les enseignants, les décideurs politiques mais aussi les pères de famille. Selon lui, le tabagisme étant un problème global, il nécessite des solutions globales, ce qui inclut la collaboration entre les expériences, au niveau national et international.

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L’Afrique s’enfume ! 11

« Nous sommes en train de courir derrière les pays développés, de les rattraper, aussi bien dans ce qu’il y a de bien mais malheureusement également dans ce qu’il y a de mauvais. Les pays sous-développés sont assaillis par les maladies classiques liées à la malnutrition, à l’infection, et sont rattrapés par les maladies modernes, notamment dans les villes. » Le cancer, en particulier celui du larynx et celui des poumons qui sont les plus connus, devient en effet une réalité pour les populations. Mohamed Bartal parle de ravages : le diagnostic du cancer est établi le plus souvent trop tard pour traiter la maladie. Dans sa présentation sur le cancer en Afrique lors du congrès de l’UICC, il insiste largement sur la sous-estimation du cancer, due notamment au manque de données. Toutefois, au Maroc, depuis la création de l’association de Lalla Salma, un grand effort est effectué dans la mise en place de centres anticancéreux. Mais le traitement du cancer coûte cher : traiter un cancer du poumon au Maroc pourrait couvrir la prévention pendant des années. Pour Mohamed Bartal, malgré la menace du cancer, la priorité de la santé publique devrait rester l’immédiat, soit la malnutrition et les maladies infectieuses. Le gouvernement, qui ne peut faire face, doit concentrer ses efforts sur l’urgence. Il est donc nécessaire que la société civile s’implique, se mobilise dans la lutte anti-tabac.

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12 L’Afrique s’enfume !

tAbACuLture et environnement

Alors que la production de tabac a décliné entre 1970 et 2000 dans les pays du Nord, elle a fortement augmenté dans les pays du Sud. Il semble qu’aujourd’hui, trois quarts du tabac mondial pousse dans les pays du Sud. Le tabac est produit dans plus de cent pays, mais 80% de la production mondiale provient de huit entités : Chine, Etats-Unis, Inde, Brésil, Turquie, Malawi, Zimbabwe et Union européenne 20. La Chine est le plus grand producteur parmi les pays en développement, puisqu’en 2000, sa production représentait 35% de la production mondiale de feuilles de tabac. En Afrique, le Malawi et le Zimbabwe sont les principaux producteurs et ont vu leur production s’étendre de manière rapide durant les années 1970. Avec le cas de la Tanzanie, pays producteur de tabac, il s’agira de montrer comment la tabaculture appauvrit le sol ainsi que les humains. Déforestation, érosion, utilisation de produits chimiques et déchets sont les principaux dégâts que cause la culture du tabac sur l’environnement. Les tabaculteurs quant à eux s’endettent le plus souvent en raison des contrats très durs conclus auprès des acheteurs de tabac.

• Les produCteurs

Dans les pays du Nord, la production de tabac s’est beaucoup mécanisée ces dernières années. L’investissement nécessaire pour cette mécanisation n’est pas une option possible pour tous les producteurs, en particulier dans les pays du Sud. La tabaculture reste alors un travail pénible : selon un tabaculteur interrogé 21, la culture du tabac demande 100 fois plus de travail que la culture de céréales. Face au besoin de main d’œuvre, le recours au travail des enfants dans les plantations de tabac est une pratique courante, bien que peu documentée. Au-delà du travail, la culture du tabac demande une grande quantité de produits chimiques et fertilisants. Pour obtenir ces produits, les paysans concluent le plus souvent un contrat auprès des acheteurs de feuilles; ceux-ci exercent une pression accrue depuis plusieurs décennies, pour encourager pays et producteurs à cultiver le tabac. Il semble que le marché mondial de la feuille de tabac soit monopolisé par

trois compagnies : Dimon, Stancom et Universal. Ces acheteurs font alors crédit aux tabaculteurs sous forme de graines, de fertilisants, de pesticides ou de support technique. Les paysans s’engagent quant à eux à vendre toutes leurs récoltes à la même compagnie.

Les tabaculteurs subissent une grande pression de la part des acheteurs et sont souvent contrôlés par des inspecteurs qui s’assurent du respect du contrat. Au moment de la récolte, ce sont les acheteurs qui déterminent le prix du tabac et les paient le plus souvent moins que le prêt original. Avec la concurrence instaurée au sein du marché de la feuille, les tabaculteurs

20 FAO. Projections of tobacco production, consumption and trade to the year 2010, p. 1421 Ibid.

« Il ne nous reste rien ! (…) Tout est trop cher au vu de nos récoltes. Dimon soustrait les frais pour l’engrais, les pompes, les tuyaux, les sacs et la location de camions » Aurelia Pinda, paysanne en Tanzanie1.

1 Ibid.

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sont contraints de vendre leurs récoltes à un prix de plus en plus bas. La tabaculture, excepté pour certains gros producteurs qui ont pu s’enrichir, n’est pas rentable et coûte en termes monétaires mais aussi sanitaires. Les tabaculteurs, pris au piège dans le système de crédit et d’endettement, n’ont pas les moyens, le plus souvent, de se reconvertir à une autre culture.

• un désAstre environnementAL

Le bois est utilisé en grande quantité comme combustible pour sécher les feuilles de tabac ainsi que pour construire des séchoirs à tabac. Dans la plupart des pays du Sud, où le tabac est de plus en plus cultivé, les tabaculteurs utilisent le bois disponible immédiatement et non régulé, soit celui qui provient de la forêt. Les conséquences ne sont autres que la déforestation. D’autres méfaits de la cigarette atteignent la forêt : l’usage de papier pour les emballages et publicité mais également les feux de forêt, dont un tiers dans le monde est estimé provenir d’une cigarette mal éteinte 22. La culture du tabac demande de plus une grande quantité de produits chimiques, dont certains avec un taux de toxicité élevé, qui peuvent avoir des conséquences graves pour le sol mais aussi pour les travailleurs. La culture du tabac épuise rapidement le sol, plus vite que beaucoup d’autres cultures. Enfin, la fabrication du tabac dégage une grande quantité de déchets : il est estimé qu’en 1995, l’industrie du tabac a produit 2,3 milliards de kilos de déchets et 209 millions de kilos de déchets de produits chimiques 23.

24

• LA tAnzAnie

La Tanzanie, pays situé en Afrique de l’Est, est le troisième pays producteur de tabac en Afrique ; le tabac y est donc une des plus importantes marchandises d’exportation. Le documentaire « Forêt contre fumée bleue » de Peter Heller montre comment la tabaculture en Tanzanie a des conséquences néfastes sur l’environnement et sur les producteurs. Il semble

22 CLAY Jason. « Tobacco »23 OMS. Tabac et pauvreté : un cercle vicieux, p. 824 Ferme de séchage de feuilles de tabac au Malawi.

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que la forêt tanzanienne, essentielle à la vie, soit en danger : en cinquante ans, elle a vu sa superficie diminuer de moitié. Le bois est en effet utilisé pour sécher le tabac : selon un tabaculteur interrogé, six à sept stères de bois (un stère équivaut à 1m3) sont nécessaires pour faire sécher 800 kilos de tabac. Pour Niko John Roussos, un grand fermier, la solution réside dans le reboisement : « si la culture du tabac doit continuer ici, il faut replanter des arbres. Ces grandes compagnies exploitent nos ressources naturelles sans rien nous rendre. L’Etat devrait faire pression pour que les compagnies reboisent notre pays. Elles en ont les moyens, il faut les obliger à le faire ». Par ailleurs, les tabaculteurs interrogés rencontrent les problèmes évoqués précédemment: contrats durs avec les acheteurs et endettement. Selon le chef de la coopérative de paysans, les dettes des tabaculteurs à l’égard des acheteurs s’élève à 16 millions d’euros.

• LutgArd KAgAruKi – interview

Lutgard Kagaruki, activiste tanzanienne, est spécialiste en parasitologie médicale et vétérinaire. Ce n’est qu’en 2005, lors de la création du Tanzanian Tobacco Control Forum (TTCF), qu’elle s’engage entièrement dans la lutte anti-tabac, ayant été élue secrétaire exécutive du forum. Les objectifs principaux

du forum se déclinent en deux axes : la sensibilisation et le recrutement de nouveaux membres. A travers notamment la radio et la télévision, le TTCF cherche à informer la population sur les méfaits du tabac ; pour Lutgard Kagaruki, l’éducation semble être la priorité de la lutte anti-tabac. En ce qui concerne le recrutement, le TTCF chapeaute aujourd’hui deux mille associations et ONG en relation avec le tabac, alors qu’il n’en comptait qu’une vingtaine au moment de sa création. Lutgard Kagaruki insiste sur le besoin d’être et de se battre ensemble. La prochaine étape de la lutte anti-tabac en Tanzanie, qui a déjà ratifié la Convention-cadre de l’OMS, est de rendre la capitale, Dar es Salam, 100% sans fumée. En ce qui concerne la prévalence du tabagisme en Tanzanie, Lutgard Kagaruki a été choquée de voir le grand nombre de fumeurs en Suisse, en comparaison au contexte tanzanien. Mais elle observe que la fumée prend de l’ampleur dans son pays, en raison de la publicité qui a un impact majeur sur les jeunes, et que, sans action, de plus en plus de personnes fumeront : « Nous devons agir maintenant ! »

En 2006, Lutgard Kagaruki a visité une région dans le sud de la Tanzanie afin de récolter des témoignages audiovisuels sur les conditions de vie des tabaculteurs. Elle s’est servie de ce matériel durant le processus de ratification de la CCLAT : les parlementaires ne pouvaient y croire. La tabaculture ne procure pas de profit et même appauvrit : les paysans achètent à crédit aux acheteurs de feuilles, du matériel au double du prix sur le marché, ne reçoivent que le minimum au moment de la vente et n’arrivent finalement pas à rembourser leur emprunt. Lutgard Kagaruki dénonce alors les implications de la culture du tabac : les familles vivant sur la tabaculture

Quelques chiffres

Chaque année, on estime que 200’000 hectares de forêts et de bois sont abattus pour la culture du tabac1.

Selon une étude réalisée en 1999, près de 5% de la déforestation totale dans les pays en développement où existent des plantations de tabac sont attribués à la culture du tabac2.

En Afrique orientale, plus de 100’000 saisonniers travaillent dans la tabaculture pour un salaire d’un euro par jour3.

1 OMS. Tabac et pauvreté : un cercle vicieux, p. 8

2 Ibid., p. 83 HELLER Peter. Forêt contre fumée

bleue [DVD]

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ont faim, n’ayant pas vraiment le temps de cultiver d’autres cultures alimentaires, les enfants travaillent et ne sont pas envoyés à l’école et les problèmes de santé sont fréquents alors qu’elles ne peuvent se permettre d’aller à l’hôpital. Lutgard Kagaruki confirme aussi les problèmes environnementaux causés par la culture du tabac, soit la déforestation et la désertification qui s’ensuit : ces dégâts coûtent très chers et ne sont pas calculables en termes financiers. Son mot d’ordre : « il n’y a pas de business dans le tabac ! ».

Lutgard Kagaruki fait partie de ces personnes sans qui rien ne serait possible. A la question de savoir si se battre contre la tabac est dangereux en Tanzanie, elle répond n’avoir pas été touchée directement. Selon elle, l’industrie du tabac est rusée et agit de manière plus mesquine. Bien qu’elle ait un soutien national et international, elle admet qu’il faut rester forte et prudente face aux attaques indirectes de l’industrie du tabac. Lutgard Kagaruki dit se battre pour une cause juste dont elle connaît les risques. « Quelqu’un doit le faire et je vais le faire, peu importe ce qu’il arrivera. Je les attends. Peut-être qu’un jour quelqu’un mourra, je peux mourir aussi assise ici. Je ne dois pas trop m’inquiéter. »

Maladie du tabac vert

La tabaculture est nocive pour la santé en raison des produits chimiques employés et du contact avec la nicotine. Les tabaculteurs, en particulier les enfants, peuvent développer la « maladie du tabac vert ». Cette maladie est causée par l’absorption de la nicotine à travers la peau, suite à un contact avec des feuilles de tabac humide. Le risque est particulièrement élevé lorsque les producteurs ne portent pas de gants où de vêtement de protection. Selon l’OMS, les symptômes sont les suivants : nausées, vomissements, faiblesse, maux de tête, crampes abdominales,difficultéderespireretvertiges1.

1 OMS. Tabac et pauvreté : un cercle vicieux, p. 6

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Les strAtégies de L’industrie

• Le mArChé AfriCAin

« Les compagnies ont pris pour cible les pays pauvres, parce que la législation antitabac y est le plus souvent absente : les pouvoirs publics ont d’autres priorités et sont facilement corruptibles. La population est jeune et ignore les méfaits du tabagisme. Ces faits font que les pays pauvres, et notamment l’Afrique, représentent un marché émergent pour les fabricants de tabac, qui leur permet de faire face au déclin de la consommation en Europe et en Amérique du Nord » 25. Inoussa Saouna résume de manière synthétique pourquoi l’Afrique est devenue la nouvelle cible ou le nouvel eldorado de l’industrie du tabac. Loin d’avoir un impact positif pour les individus et les pays, le marché du tabac en Afrique profite surtout à l’industrie du tabac. Qui donc se partage le marché africain ? Voici quelques estimations basées sur les documents les plus récents en ligne de ces multinationales :

British American Tobacco : BAT est la compagnie de cigarettes la plus implantée en Afrique en particulier anglophone ; elle dit commercer avec 40 pays africains et conclure des contrats avec environ 50’000 tabaculteurs dans six pays d’Afrique. Dans son rapport de 2007, il est estimé que le profit de BAT en Afrique et au Moyen-Orient s’élève à 470 millions de livres. Les marques présentes sur le continent sont Kent, Dunhill, Pall Mall, Vogue, Rothmans, Peter Stuyvesant et John Player Gold Leaf.

Imperial Tobacco : Imperial Tobacco, qui vient d’acquérir Altadis, est présent en Afrique avec notamment les marques Excellence et Davidoff. Dans leur rapport de juin 2008, les profits spécifiques pour l’Afrique ne sont pas indiqués. Toutefois, il est mentionné qu’avec l’acquisition d’Altadis, Imperial Tobacco a pénétré de nouveaux marchés et a renforcé sa position dans nombre de leurs marchés existants : ainsi, Imperial Tobacco détient 85,4% du marché de la cigarette de la Côte d’Ivoire et 88% du marché marocain.

25 AUZANNEAU Matthieu. « Inoussa Saouna : ‘En Afrique, fumer est une façon de ressembler à l’Occidental’ »

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Philip Morris International : PM a des usines en Afrique du Sud, au Maroc et à la Réunion. Ses revenus tirés du marché africain ne sont pas spécifiés.

Japan Tobacco International : Dans son rapport annuel de 2008, JTI ne précise pas ses activités par rapport à l’Afrique.

• Les strAtégies de L’industrie

Selon Médard Bassene, du Mouvement Anti-tabac du Sénégal, on peut parler de marketing du tabac comme étant « un ensemble de processus de gestion développés par les firmes du tabac, pour susciter et entretenir des illusions au sein des populations en vue de rentabiliser leurs produits » 26. Selon l’auteur, l’industrie du tabac, dans sa quête de responsabilité sociale, se donne une image d’acteur oeuvrant pour le développement dans les pays du Sud, en soutenant notamment des manifestations culturelles et sportives. Toutefois, BAT, qui se vante d’être une entreprise responsable, a refusé de participer au documentaire Pas de fumée sans fric et a fait parvenir pour toute justification un courrier dans lequel les arguments suivants étaient avancés : « La cigarette est un produit légal destiné à des consommateurs adultes qui, comme en Europe, sont conscients des risques pour leur santé mais qui ont du plaisir à fumer. (…) Pour toute l’Afrique, notre société a pris des initiatives pour limiter l’accès à des produits du tabac aux jeunes et a mené campagne auprès des détaillants pour les dissuader de vendre des cigarettes aux mineurs ». Derrière les discours, la réalité est autre et les stratégies et pratiques déployées par l’industrie sont agressives et omniprésentes. Pour s’implanter sur le continent, tous les coups sont permis. En voici quelques exemples :

• Contenu des CigArettes

« La plupart des cigarettes fumées en Afrique – qu’elles soient issues de la production légale ou de la contrebande – sont beaucoup plus nocives que celles qu’on trouve chez vous, du simple fait qu’elles ne sont pas contrôlées » 27. Pour avoir un exemple concret des différences de nocivité entre les cigarettes, voici un tableau comparatif entre des cigarettes de même marque, les unes vendues en Suisse, les autres vendues à Libreville, au Gabon :

26 BASSENE Médard. « Le marketing du tabac en Afrique Subsaharienne : Le cas du Sénégal », p. 227 AUZANNEAU Matthieu. « Inoussa Saouna : ‘En Afrique, fumer est une façon de ressembler à l’Occidental’ »

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Goudron Nicotine Monoxyde de carbone

Avertissement Production

Marlboro rouge Philip MorrisSuisse 10 mg 0.8 mg 10 mg Moitié du paquet SuisseGabon 12 mg 0.9 mg Pas d’indication « Nuit gravement à la santé »

en tout petitSuisse

Marlboro Lights Philip MorrisSuisse 6 mg 0.5 mg 7 mg Moitié du paquet SuisseGabon 8 mg 0.6 mg Pas d’indication « Nuit gravement à la santé »

en tout petitSuisse

Dunhill International British American TobaccoSuisse 10 mg 1,0 mg 10 mg Moitié du paquetGabon 14 mg 1.2 mg Pas d’indication « Nuit gravement à la santé »

en tout petitDavidoff Classic Imperial TobaccoSuisse 10 mg 0.9 mg 10 mg Moitié du paquet AllemagneGabon 12 mg 0.9 mg Pas d’indication « Nuit gravement à la santé »

en tout petitAllemagne

Ces chiffres montrent une différence de contenu en termes de goudron et de nicotine pour chaque marque. Au-delà du contenu, L’avertissement sur les paquets de cigarettes vendus au Gabon est réduit au minimum ; la quantité de monoxyde de carbone n’est par ailleurs pas mentionnée. La visibilité de la nocivité des cigarettes varie donc entre le Gabon et la Suisse, alors même que le produit est fabriqué dans les mêmes usines.

• Le nom des mArques

Une autre stratégie de l’industrie du tabac est l’utilisation de marques dont le nom fait référence à l’Occident ou aux démarches pour voyager. Le message vendu par l’industrie du tabac est défaire croire que fumer facilite les démarches pour voyager dans les pays du Nord. Il existe ainsi les marques Visa ou encore Embassy (qui signifie ambassade). Cette stratégie de marketing fait son effet comme le montre les propos recueillis auprès de jeunes, dans le reportage de la TSR « Pas de fumée sans fric » : « si je fume Visa, peut-être qu’un jour je peux avoir mon visa pour aller en France ou en Amérique ». Ou encore : « celui qui l’a fait, il sait pourquoi il lui a donné le nom Visa ; (…) je me suis dit que peut-être, avec Visa, c’est avoir la possibilité de voyager, de prendre l’avion. »

28

28 Image tirée d’Internet : http://images.google.com/imgres?imgurl=http://www.essentialaction.org/tobacco/photos/wafr04/ne/006aw.jpg&imgrefurl=http://www.takingontobacco.org/event/altria04/PMtour.html&h=512&w=768&sz=32&hl=fr&start=1&um=1&usg=__dK8xhcZrTDNOC9Go5KtP1ekTs8=&tbnid=yXShRBEsyDewKM:&tbnh=95&tbnw=142&prev=/images%3Fq%3Dvisa%2Bcigarettes%26um%3D1%26hl%3Dfr%26lr%3D%26client%3Dsafari%26rls%3Dfr-fr

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• vente à L’unité

La vente à l’unité est une pratique courante en Afrique, bien qu’elle soit interdite par la CCLAT : « les cigarettes sont vendues partout à l’unité, à la criée, souvent par des enfants, et il n’existe aujourd’hui aucune restriction contre ça. » 29 La vente à l’unité permet d’attirer les plus pauvres qui n’ont pas les moyens de s’acheter un paquet entier et donc implicitement les jeunes. Dans son reportage sur le tabagisme, Duncan Bannatyne est choqué par l’accessibilité des cigarettes dans les boutiques ; il déplore également la distribution gratuite de petits pots en plastique de couleur, permettant le transport des cigarettes achetées à la pièce.

Par ailleurs, les cigarettes en Afrique sub-saharienne sont souvent vendues par de jeunes revendeurs, qui constituent selon Pascal Diethelm, le « dernier maillon d’un réseau organisé ». Les conditions d’existence de ces vendeurs semblent être le plus souvent précaires ; la vente de cigarettes n’est pas rentable et elle empêche ces adolescents d’aller à l’école.

30

• pubLiCité

Lorsque l’on parle de publicité, cela englobe à la fois la distribution gratuite de cigarettes et d’autres produits dérivés, de gadgets publicitaires tels que des parasols, briquets et autres, le sponsoring de manifestations culturelles ou sportives ou encore la publicité au sens strict du terme, par tous les supports possibles (affichage, radio, télévision).

29 AUZANNEAU Matthieu. « Inoussa Saouna : ‘En Afrique, fumer est « une façon de ressembler à l’Occidental’ »30 CHRISTIE Debbie. Bannatyne takes on Big Tobacco [Emission], arrêt sur image, 00:36:44

Duncan Bannatyne, au Nigéria, dénonce la vente à l’unité des cigarettes et la distribution gratuite de petits pots qui ciblent, selon lui, les jeunes. 1

1 CHRISTIE Debbie. Bannatyne takes on Big Tobacco [Emission], arrêt sur image, 00:09:12

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Cette affiche pour Embassy Lights a été trouvée au Kenya et vise incontestablement à attirer les femmes. 31

Cette image montre l’imagination sans fin de l’industrie du tabac pour créer de nouveaux gadgets publicitaires. 32

La photographie de ce vendeur, sponsorisé par Philip Morris, a été prise au Sénégal. 33

« A Conakry, la cigarette est partout. La publicité omniprésente. Aucun lieu public n’y échappe. Devant les marchés, les boîtes de nuit, les stades… s’alignent des pick-up 4x4 avec à leur bord de ravissantes hôtesses en uniforme (t-shirt, jupe courte, casquettes) et parfois chaussures aux couleurs et griffe de telle ou telle marque. Equipées de groupes électrogènes et de puissantes chaînes stéréo, ces gros véhicules diffusent de la musique entrecoupée de spots publicitaires. De temps à autre, les demoiselles chargées de la promotion débarquent du véhicule, les bras chargés de gadgets : briquets, t-shirts, parapluies, bics, casquettes, sacs, cendriers, calendriers, agendas, bols en plastique et bien sûr cigarettes qu’elles distribuent généreusement au public » 34.

• Lobbying et menACes

L’industrie du tabac est particulièrement habile dans le lobbying auprès du gouvernement. En effet, il est courant que les compagnies de cigarettes bloquent ou ralentissent le processus de réglementation antitabac. Thanguy Nzue Obame, activiste anti-tabac au Gabon, parle notamment de corruption : l’industrie du tabac aurait réussi à corrompre certaines hautes personnalités du pouvoir politique au Gabon en leur octroyant des bons postes dans les entreprises productrices de tabac. De plus, lutter contre le

31 Image tirée du site de Campaign for Tobacco-Free Kids : http://www.tobaccofreekids.org/adgallery/display.php3?ID=52732 Image tirée d’Internet : http://images.google.com/imgres?imgurl=http://www.essentialaction.org/tobacco/photos/wafr04/ne/006aw.

jpg&imgrefurl=http://www.takingontobacco.org/event/altria04/PMtour.html&h=512&w=768&sz=32&hl=fr&start=1&um=1&usg=__dK8xhcZrTDNOC9Go5KtP1ekTs8=&tbnid=yXShRBEsyDewKM:&tbnh=95&tbnw=142&prev=/images%3Fq%3Dvisa%2Bcigarettes%26um%3D1%26hl%3Dfr%26lr%3D%26client%3Dsafari%26rls%3Dfr-fr

33 Image tirée du site de Campaign for Tobacco-Free Kids : http://www.tobaccofreekids.org/adgallery/display.php3?ID=16634 BINETA Mamadou. « Guinée : la petite allumeuse de cigarettes », p. 35

Dans son reportage au Nigéria, Duncan Bannatyne interroge notamment deux revendeurs de cigarettes, mineurs, et les suit dans leur activité. Il est choqué de voir que ces deux vendeurs ne peuvent pas lire le message de prévention inscrit sur un paquet de cigarettes, par manque de scolarisation. 1

1 CHRISTIE Debbie. Bannatyne takes on Big Tobacco [Emission], arrêt sur image, 00:36:44

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tabagisme peut se révéler être dangereux en Afrique, comme nous l’avons déjà vu avec Lutgard Kagaruki. Thanguy Nzue Obame distingue deux méthodes par lesquelles l’industrie fait pression sur les activistes : « des menaces visant à vous dessaisir de toute responsabilité dans vos administrations, des affectations disciplinaires lorsque vous ne rentrez pas dans leurs méthodes, ou alors on tente également de vous corrompre, pour vous faire taire, afin de faire de vous, un simple faire valoir qui en réalité, va servir leurs intérêts ».

A la question de savoir s’il faut collaborer avec l’industrie du tabac, les deux activistes Thanguy Nzue Obame et Inoussa Saouna sont catégoriques. Le premier répond : « absolument pas, c’est vouloir d’une chose et son contraire. C’est collaborer avec des mercenaires, donc leur donner la possibilité de vous éliminer quand ils le veulent ». Inoussa Saouna quant à lui, dans le reportage « Pas de fumée sans fric » s’exprime de la sorte : « C’est comme quand vous proposez de collaborer avec les moustiques pour lutter contre le paludisme, c’est impossible ! Ca revient à la même chose que de collaborer avec l’industrie du tabac pour lutter contre le tabac. Ils sont les agents vecteurs de la transmission du tabagisme comme le moustique est l’agent vecteur de la transmission du paludisme ».

• LA ContrebAnde

De plus en plus de preuves s’accumulent pour soutenir que l’industrie du tabac entretient délibérément le marché de la contrebande de cigarettes dans les pays en développement notamment. Comment expliquer que 355 milliards de cigarettes 35 leur échappent, soit 30% des exportations ? L’industrie du tabac prétend que la contrebande résulte du marché et que la solution réside dans la baisse des taxes. Cependant, les experts s’accordent sur le fait que la contrebande profite surtout aux compagnies de tabac. Les cigarettes de contrebande sont moins chères que les cigarettes légales, ce qui augmente le nombre de fumeurs en particulier parmi les jeunes et parmi les pauvres. Ainsi, les cigarettiers accèdent à de nouveaux marchés et les marques fidélisent progressivement une nouvelle clientèle. Lorsque les cigarettes de contrebande sont implantées sur le territoire, l’industrie du tabac a d’autant plus d’arguments pour convaincre l’Etat à collaborer avec elle, puisque l’Etat perd des sommes considérables en termes de recettes fiscales avec le marché noir. Il semble ainsi que plusieurs documents internes de BAT suggèrent que l’entreprise ait été impliquée dans la contrebande dans environ trente pays d’Afrique sub-saharienne 36. En effet, entre la fin des années 1970 et le début des années 1990, BAT a organisé la vente de cigarettes, légales et illégales sur le continent africain. La marchandise produite dans les usines en Angleterre étaient alors déchargées dans la ville de Malabo (Guinée équatoriale) et était ensuite dirigée vers le Cameroun. Au centre de l’Afrique sub-saharienne, le Cameroun a servi ainsi de plaque tournante pour BAT pour alimenter les marchés de contrebande de plusieurs pays d’Afrique centrale et de l’Ouest.

35 BANQUE MONDIALE. Maîtriser l’épidémie, p. 6736 THE CAMPAIGN FOR TOBACCO-FREE KIDS. Illegal Pathways to Illegal Profits, The Big Cigarette Companies and International Smuggling

[en ligne], p. 8-12

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• thAnguy nzue obAme – interview

Thanguy Nzue Obame est activiste antitabac à Libreville au Gabon. Avec son ONG « PHM Gabon », il est impliqué dans la défense et la promotion des droits humains, notamment ceux relatifs à la santé, en s’appuyant entre autres sur les technologies de l’information et de la communication. C’est d’ailleurs par mail que ses propos ont été recueillis. PHM Gabon vise ainsi à amener les dirigeants du pays, voir du continent, à respecter leurs engagements en matière de santé publique, de permettre un accès équitable aux soins de santé primaire pour tous, conformément aux différents traités internationaux signés et ratifiés par le Gabon mais qui ne sont jamais respectés. Selon Thanguy Nzue Obame, le Gabon, pays sous-peuplé et politiquement stable, est un terrain fertile pour l’industrie du tabac. Bien qu’il ait été un des premiers signataires de la CCLAT en 2003, le Gabon n’a toujours pas ratifié le traité. Selon l’activiste, le principal obstacle est l’ingérence de l’industrie du tabac dans la politique gouvernementale ; l’industrie du tabac aurait réussi à corrompre certaines hautes personnalités du pays, afin de s’assurer que ses activités se déroulent en toute impunité. Thanguy Nzue Obame déplore le manque de données nationales sur la prévalence du tabagisme : « une de nos préoccupations est justement de mener une étude au plan national afin d’avoir la situation réelle du Gabon. Nous lançons un appel pour un appui à la réalisation de cette étude qui est à mon avis primordial pour nos activités futures ». L’industrie du tabac au Gabon semble être bien implantée. Thanguy Nzue Obame soulève ainsi que la SOGICA (Société des Cigarettes du Gabon) ne cesse de renforcer ses activités et qu’elle est en train de faire du Gabon, la principale plateforme pour ses activités dans la région. Elle profiterait ainsi de la stabilité politique du pays pour fabriquer et distribuer ses produits dans toute la région de l’Afrique centrale.

La vision de BAT

« La contrebande et la contre-façon sont des activités criminelles et nous soutenons les régulations gouvernementales qui visent à éliminer ce problème. Selon nos estimations, le commerce illégal dans les produits du tabac représentent approximativement 6% de la consommation totale de tabac dans le monde et il est prévu que ce chiffre augmente vu les augmentations futures des taxes, qui encouragent les consommateurs à chercher plus de produits illégaux moins chers. Le commerce illégal affecte de manière défavorable nos affaires et celles de nos partenaires commerciaux. Selon nos estimations, cela prive les gouvernements d’environ 20 milliards de dollars dans le revenu annuel, alors qu’en même temps, cela expose les consommateurs aux produits qui ne répondent pas aux standards nationaux de régulation. » 1

1 BRITISH AMERICAN TOBACCO. British American Tobacco’s view on the FCTC Protocol on Illicit Trade [en ligne]

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ACtions possibLes

• LA Convention-CAdre de Lutte AntitAbAC

De grands espoirs sont placés dans la Convention-cadre de lutte antitabac (CCLAT) de l’OMS, entrée en vigueur le 27 février 2005, après un processus d’élaboration de quatre ans. En 2008, 160 pays ont ratifié la CCLAT. En Afrique, six pays n’ont pas signé le traité et sept ne l’ont pas encore ratifié. Douglas Bettcher, directeur de l’Initiative pour un monde sans tabac de l’OMS, n’hésite pas à qualifier ce traité de révolutionnaire, qui fournit toutes les clefs pour freiner l’épidémie de tabac. La CCLAT est en effet le premier traité négocié au sein de l’OMS et constitue un véritable succès au sein des Nations Unies. Les pays africains ont constitué, durant le processus d’élaboration « le bloc régional le mieux coordonné et le plus résolu à dépasser les simples déclarations de principe pour en arriver à des mesures concrète » 37. Mais comme le souligne le professeur Mohamed Bartal, la signature et la ratification sont une étape, il faut encore s’assurer de son application.

La CCLAT se divise en plusieurs parties. Chacune d’elle porte sur un problème relatif au tabagisme et sur les solutions qui visent à le résoudre. Différentes mesures sont alors amenées pour réduire la demande et l’offre de tabac, en voici quelques-unes : augmenter les taxes, protéger les non-fumeurs, informer sur les risques liés à la consommation, lutter contre la contrebande, interdire la vente de tabac aux mineurs ou encore aider à la reconversion des tabaculteurs.

37 HUBER Laurent, THOMPSON Francis, RATTE Sylviane. « La Convention-cadre pour la lutte anti-tabac : espoir pour l’Afrique ? », p. 40

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Mpower : un programme de politiques pour investir le cours de l’épidémie Sur la base des articles de la CCLAT, l’OMS a élaboré un programme de politiques qui vise à rendre possiblel’applicationdutraité.Ceprogramme,appelé«mpower»,viseà«aideràplanifieretformerdes partenariats nationaux et internationaux et à les évaluer, tout en facilitant l’accès aux ressources financièresnécessairespourmenerdesactivitésdelutteantitabac»38. Six mesures sont alors promulguées : Monitor Surveiller la consommation de tabac Protect Protéger la population contre la fumée du tabac Offer Offrir une aide à ceux qui veulent renoncer au tabac Warn Mettre en garde contre les dangers du tabagisme Enforce Faire respecter l’interdiction de la publicité en faveur du tabac et de la promotion Raise Augmenter les taxes sur les produits du tabac

Bien que la CCLAT soit un instrument substantiel dans la lutte internationale contre le tabagisme, la mobilisation au niveau national semble tout autant déterminante, en particulier celle de l’Etat et de la société civile. La lutte contre le tabagisme nécessite en effet une forte volonté politique. Il apparaît toutefois que la volonté politique manque en matière de lutte antitabac en Afrique sub-saharienne. Une interprétation possible pour expliquer le caractère non prioritaire du tabagisme est que la lutte anti-tabac peut être considérée comme un luxe par les décideurs politiques ainsi que par la population ; les résultats en termes de bien-être ne se feront sentir qu’à long terme alors que d’autres besoins immédiats ne sont pas satisfaits. Ainsi, la lutte antitabac n’est probablement pas un argument mobilisable en vue de légitimation politique. Quant à la société civile, Thanguy Nzue Obame affirme que la société civile « doit faire pression sur l’Etat afin que ce dernier respecte ses engagements. Elle doit en outre s’impliquer dans l’éducation de la population quant aux dangers du tabac grâce notamment à des campagnes de sensibilisation, de formation et d’information, mais également veiller à l’application de la législation en faveur de la lutte contre le tabagisme et dénoncer toute ingérence de l’industrie du tabac dans la politique gouvernementale ». La tâche semble lourde mais à y regarder de plus près, que ce soit en naviguant sur Internet ou en discutant avec des personnes actives sur le terrain, un tissu associatif dense et énergique est en place et semble prêt à relever les défis.

38 OMS. MPOWER ; un programme de politiques pour inverser le cours de l’épidémie, p. 9

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• Le modèLe de L’Afrique du sud

L’Afrique du Sud est souvent citée en modèle dans la lutte contre le tabagisme. Dès 1994, grâce à une réelle volonté politique de la part du gouvernement fraîchement élu et en particulier de la ministre de la santé de l’époque, Nkosazama Dlamini Zuma, la consommation de cigarettes a chuté de 40% en Afrique du Sud, entre 1993 et 2003 39. Ces résultats ont été possibles par l’augmentation des taxes de 50% 40. Au lieu d’absorber la taxe, l’industrie du tabac a préféré augmenter le prix du paquet de cigarettes pour conserver son profit : les consommateurs n’ont pas suivi. Ce premier pas a permis à la ministre d’aller plus loin, en élaborant notamment une loi anti-tabac en 1998, le Tobacco Products Acts Control Act, qui interdit notamment toute publicité et sponsoring pour les cigarettes et bannit la fumée des espaces publics. Cette loi, adoptée en 1999, a été régulièrement complétée.

• pAsCAL dietheLm – interview

Président d’OxyRomandie et investigateur, avec Jean-Charles Rielle de l’affaire Rylander, Pascal Diethelm se bat sans relâche et depuis plusieurs années contre l’industrie du tabac. Le thème abordé durant cette entrevue était en particulier le rôle de la Suisse dans le déroulement des activités de l’industrie du tabac. En effet, la plupart des grandes compagnies de tabac

ont leur siège en Suisse. Selon Pascal Diethelm, la Suisse offre à ces compagnies, un environnement propice ou « tobacco friendly », en raison notamment de la présence historique de commerces liés au tabac ainsi que de planteurs de tabac dans ce pays. Cependant, il y a les raisons de cette localisation affirmées par l’industrie et celles qu’elles taisent. Pascal Diethelm voit deux principales raisons : des conditions fiscales attrayantes mais également un contexte qui placent les compagnies de tabac à l’abri des poursuites judiciaires, contrairement aux Etats-Unis. Cet abri est notamment préservé par la culture du secret présente en Suisse, mais également par le fait que le système judiciaire suisse ne donne que peu de moyens pour des plaintes groupées, contrairement aux Etats-Unis. Par ailleurs, les cigarettiers semblent déployer des stratégies adaptées au système politique suisse : ce système étant plutôt décentralisé, l’industrie du tabac cherche des garanties au niveau local, parmi les politiciens, afin de créer des alliances et ainsi s’implanter de manière durable. Pascal Diethelm parle alors de « sanctuaire » ou « paradis judiciaire » que l’industrie du tabac s’est créé, en plus d’un « paradis fiduciaire ».

39 TOWNSEND Joy. « Tobacco nurtures poverty: Africa experience » [présentation]40 EBERLEE John. « La lutte antitabac en Afrique du Sud: une stratégie gagnante»

Deux liens utiles:

Observatoire du tabac en Afrique francophone (OTAF)

L’OTAF, organe indépendant, vise à récolter des informations et données sur le tabagisme en Afrique francophone dans le but des les diffuser et de devenir une référence dans la lutte anti-tabac.

http://www.otaf.org/

SOS Tabagisme

Le rendez-vous africain des internautes anti-tabac. Véritable source d’information, ce site redirige l’internaute vers une vingtaine de blogs gérés par des activistes anti-tabac en Afrique.

http://blogsofbainbridge.typepad.com/sos/

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Quelle serait la responsabilité sociale des compagnies de cigarettes ? Pour Pascal Diethelm, « responsabilité sociale » et « industrie du tabac » constitue tout et son contraire. Chaque compagnie développe sa propre politique de « responsabilité sociale » ; toutefois, il semble qu’elle vise moins une remise en question pour l’entreprise qu’un effort pour améliorer leur image. Par exemple, Philip Morris soutient en Suisse une cinquantaine d’associations pour un montant total de plus de 650’000 francs. Japan Tobacco International s’engage quant à elle en faveur du climat qu’elle considère comme un fléau mondial, à travers la reforestation au Malawi et en Tanzanie : il est question de la demande de bois notamment pour les familles, mais celle provenant de la tabaculture n’est pas mentionnée. Quant à BAT, elle se considère comme une entreprise sociale, comme on peut le voir dans son Rapport social 2007/2008 41. A la carte proposée par le rapport, concernant les bienfaits qu’apporterait BAT à la Suisse, Pascal Diethelm en oppose une autre 42 :

41 BRITISH AMERICAN TOBACCO. Rapport social 2007/2008 [en ligne]42 OXYROMANDIE. « Le Rapport Social 2007/2008 de British American Tobacco : pathétique ! » [en ligne]

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Pour Pascal Diethelm, la production de tabac est une anomalie totale du point de vue de sa fabrication : ce serait le seul produit au monde qui nécessite si peu de travail par employé et qui a une valeur ajoutée aussi grande. Le tabac engendre des profits énormes et crée des convoitises gigantesques. Pour Pascal Diethelm, l’industrie du tabac échappe aux lois de l’économie et de la justice : il faut l’extraire du marché et réglementer ce marché de manière stricte.

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ConCLusion

L’objectif de ce document était de fournir aux personnes intéressées, un aperçu des problèmes qu’engendre l’épidémie du tabac en Afrique sub-saharienne. N’ayant aucunement la prétention de tout dire, ce travail vise surtout à proposer quelques pistes au lecteur pour lui permettre d’approfondir l’un ou l’autre des thèmes abordés. On peut déplorer l’ambition de vouloir traiter de l’Afrique sub-saharienne dans son ensemble, englobant des réalités multiples et fort différentes ainsi que le manque de recours à des sources fiables, basées sur des enquêtes de terrain, qualitatives ou quantitatives. Ces deux critiques sont notamment liées au manque de données systématique en ce qui concerne le tabagisme dans les pays d’Afrique sub-saharienne ; l’usage d’interviews, de photographies ou de liens internet avait comme but d’atténuer quelque peu cette carence. Ce qu’il ressort de ce panorama est l’effet incontestablement défavorable de la consommation et de la production de cigarettes. Tant au niveau des individus que de l’Etat, le tabac n’est pas rentable et surtout, constitue un facteur de pauvreté. La majorité des pays d’Afrique sub-saharienne se situant à ce jour au premier stade de l’épidémie, il est nécessaire d’agir au plus vite pour influencer sa propagation. Il est donc essentiel que les acteurs les plus à même de freiner le tabagisme, soit la communauté internationale, l’Etat et la société civile, affirment clairement leur volonté et agissent en ce sens. Parler de communauté internationale comprend aussi la coopération internationale et le développement : l’aide au développement et les stratégies de coopération devraient dès à présent intégrer dans leurs programmes des objectifs en termes de lutte antitabac et non pas les considérer comme non prioritaires car impliquant des méfaits seulement à long terme. Une des priorités à laquelle ces différents acteurs doivent s’atteler et qui semble la plus urgente est la récolte de données au niveau national sur le tabagisme, afin de savoir qui et combien de personnes sont touchées par cette épidémie. Il est aussi intéressant de se demander quel pourrait être le rôle d’associations telles que les CIPRETs latins dans la lutte contre le tabagisme en Afrique sub-saharienne. Une première action, sous forme de pression, pourrait être dirigée sur les compagnies de tabac dont le siège des plus grandes est localisé en Suisse, en leur demandant de se positionner en termes de responsabilité face aux conséquences de leurs stratégies sur le continent africain. Une autre piste d’action pourrait être la collaboration entre les associations de lutte antitabac du Sud et celles du Nord, sous forme par exemple, de transferts mutuels de connaissances et de savoir-faire, d’actions communes ou de soutien.

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