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• Abdellah HARSI Les principes fondamentaux de l'organisation administrative Ces sont des principes qui déterminent l'organisation administrative. Autrement dit, les structures administratives qui seront étudiées sont organisées selon ces principes, et il apparaît logique, pour la commodité et la clarté de la matière, de les exposer et les expliquer en premier. On les retrouvera au niveau des différents chapitres qui suivent. Je les ai regroupés en trois catégories. En premier lieu, l'organisation administrative est réalisée sur la base de la combinaison de différents types d'administration (Section I) ; l'étude de cet aménagement administratif doit être complétée ensuite par celle d'autres notions centrales en matière d'organisation administrative. Il s'agit de la personnalité morale (à propos de laquelle je distinguerai entre personnes morales de droit public et organismes de droit privé en tant qu'ils constituent des sujets de droit administratif) (Section II) et de la centralisation et la décentralisation qui sont des modes d'exercice du pouvoir administratif au sein de l'Etat et des collectivités locales. (Section III). Section I La distinction entre différents types d'administrations §1. L'administration centrale et l'administration territoriale d'Etat L'administration centrale est composée par l'ensemble des autorités qui forment le pouvoir exécutif à l'échelon national, et qui à côté de leur statut politique, exercent un rôle administratif puisqu'elles se trouvent à la tête de l'administration du pays.

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la décentralisation au Maroc

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• Abdellah HARSI

Les principes fondamentaux de l'organisation administrative

Ces sont des principes qui déterminent l'organisation administrative. Autrement dit, les structures administratives qui seront étudiées sont organisées selon ces principes, et il apparaît logique, pour la commodité et la clarté de la matière, de les exposer et les expliquer en premier. On les retrouvera au niveau des différents chapitres qui suivent. Je les ai regroupés en trois catégories.

En premier lieu, l'organisation administrative est réalisée sur la base de la combinaison de différents types d'administration (Section I) ; l'étude de cet aménagement administratif doit être complétée ensuite par celle d'autres notions centrales en matière d'organisation administrative. Il s'agit de la personnalité morale (à propos de laquelle je distinguerai entre personnes morales de droit public et organismes de droit privé en tant qu'ils constituent des sujets de droit administratif) (Section II) et de la centralisation et la décentralisation qui sont des modes d'exercice du pouvoir administratif au sein de l'Etat et des collectivités locales. (Section III).

Section I La distinction entre différents

types d'administrations

§1. L'administration centrale et l'administration territoriale d'Etat L'administration centrale est composée par l'ensemble des

autorités qui forment le pouvoir exécutif à l'échelon national, et qui à côté de leur statut politique, exercent un rôle administratif puisqu'elles se trouvent à la tête de l'administration du pays.

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Publication de la REMALD. Collection « Manuels et travaux universitaires » n° 69. 2006 Les principes fondamentaux de l'organisation administrative

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Cependant la nécessité d'appliquer les mesures prises par les autorités centrales au niveau de l'ensemble du pays exige un aménagement territorial. C'est ainsi que le pays est divisé en circonscriptions administratives territoriales (Wilayas, régions, provinces, préfectures, cercles, caïdats, communes) qui servent de cadre de compétence à des autorités administratives territoriales (gouverneurs, chefs de services extérieurs). Ces autorités sont les représentants locaux du pouvoir central. (Nous verrons que le président du conseil communal, autorité locale élue, peut, dans certaines situations et en vertu du « dédoublement fonctionnel, agir pour le compte de l'Etat.).

L'ensemble constitue l'administration d'Etat. Mais, en outre, dans le cadre territorial, et à côté des besoins collectifs à caractère national et qui sont communs à tous les habitants, existent des besoins collectifs locaux qui expriment une solidarité d'intérêts des habitants de la circonscription locale (ex. : transports urbains, distribution d'eau et d'électricité). A cette dernière exigence répond une autre distinction.

§2. L'administration d'Etat et l'administration locale

L'administration d'Etat est constituée par l'administration centrale et, comme on vient de le voir, par ce qui forme l'administration territoriale, c'est-à-dire les prolongements territoriaux qui sont les représentants du pouvoir central (agents d'autorité avec à leur tête le gouverneur) et les services extérieurs des différentes administrations centrales (délégations régionales ou préfectorales des administrations d'Etat : éducation nationale, santé publique, agriculture, etc.). L'administration d'Etat gère les intérêts communs à l'ensemble des citoyens suivant les orientations et les principes posés par le pouvoir politique (le gouvernement, en particulier).

L'administration locale est formée par des autorités élues au niveau local et pourvoit aux besoins propres à la collectivité concernée (province, commune, par exemple).

C'est ainsi que les circonscriptions territoriales servent de cadre d'action à la fois à une administration d'Etat et à une administration Locale. Cette dernière n'existe cependant que dans les circonscriptions qui ont été érigées en collectivités territoriales locales par l'octroi de la personnalité morale (Régions, préfectures ou provinces, communes).

§3. L'administration générale et les administrations spéciales

Certaines autorités administratives ont une compétence de principe à l'égard d'une généralité do matières. Il s'agit de l'administration générale : le Wali, le gouverneur, sont des autorités d'administration générale. Le chef de l'administration générale est le premier ministre, qui se trouve à la tète du gouvernement.

D'autres autorités administratives ont une compétence limitée à un domaine d'activité déterminé : il s'agit de l'administration spéciale ou spécialisée.

Au niveau national, l'existence de l'administration spécialisée s'exprime par la différenciation ministérielle (existence de

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départements ministériels). A l'échelon territorial, certaines circonscriptions sont des circonscriptions d'administration générale (Wilayas, provinces, préfectures). D'autres sont des circonscriptions spéciales (régions militaires, ressorts d'académies ou de cours d'appel, etc.). Elles sont le cadre d'organisation des services extérieurs d'une administration centrale donnée.

Il convient de ne pas confondre les administrations spéciales ou spécialisées que sont les différents ministères, avec se que M. Chap. us appelle les « institutions spécialisés » (pour lesquels il utilise également l'expression « administrations spécialisées »), et qui sont essentiellement les établissements publics (j'y reviendrai).

Section II Personnes de droit public et notion d'autorité

administrative

Il convient de signaler que si l'activité administrative relève principalement des personnes de droit public, il arrive que des Organismes de droit privé soient également chargés de l'exécution. Ces organismes sont normalement étudiés dans le cadre des services publics. Quant aux conséquences juridiques de la distinction entre personnes publiques et organismes de droit privé, elles sont importantes.

Si une institution est reconnue comme étant une personne de droit public, elle bénéficie d'un régime juridique propre : ses biens sont insaisissables (ils ne peuvent faire l'objet des voies d'exécution), la compensation comme procédé de paiement forcé est exclue à son égard, alors que la compensation joue au profit des personnes publiques ; ces dernières ont également le privilège de pouvoir recouvrer leurs créances par la technique de l'état exécutoire (sans passer par le juge). Toutes ces conséquences, qui sont des protections et des privilèges, n'existent pas quand il s'agit d'un organisme de droit privé.

Il convient à présent de dresser la liste des personnes publiques et de préciser ce qu'est la notion d'autorité administrative qui leur est rattachée.

Une première remarque s'impose : la notion de la personnalité morale (qui est aussi une technique) occupe une place centrale dans l'aménagement juridique des structures administratives publiques. Les personnes publiques de droit administratif possèdent toutes (en principe) la personnalité morale, en ce sens qu'un service non personnalisé n'a pas d'existence juridique propre et doit nécessairement être rattaché à une personne morale déjà existante. Pour s'en tenir à l'essentiel, il faut dire que la personne morale (et j'emprunte cette définition à M. Marcel Waline) est un centre d'intérêts juridiquement protégé.

Ainsi, la personnalité morale comprend deux éléments : 1. Une réalité concrète qu'il faut protéger, c'est-à-dire une

somme d'intérêts qui correspondent souvent à l'existence d'un groupe humain présentant une certaine homogénéité (habitants d'une commune par exemple). La procédé juridique utilisé pour protéger ces intérêts, qui est celui de la personnalité morale, et qui entraîne les effets suivants :

-tous les actes concernant les intérêts en question sont rattachés

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à un seul et môme centre érigé en un sujet de droit : c'est la personne morale ;

- ce sujet se voit reconnaître la permanence dans le temps* en dépit du renouvellement des individus intéressés. Autrement dit, la personne morale acquiert une existence juridique propre distincte de ses membres ;

- des organes sont créés pour agir au nom de la personne morale. - la personne morale acquiert la personnalité juridique,

c'est-à-dire qu'elle devient sujet à des droits et des obligations distinctes de ceux des individus qui la composent.

La notion de personne morale en droit administratif est empruntée au droit privé qui en connaît plusieurs sortes : sociétés civiles et commerciales, associations, syndicats, etc.

§1. Les différentes personnes morales administratives (ou publiques)

Dans son sens organique, l'administration se présente comme une collection de personnes morales.

A. L'Etat

Personne publique unique en son genre, l'Etat a une vocation administrative générale, c'est-à-dire qu'il peut intervenir dans tous les secteurs de l'activité administrative et exerce une compétence géographique nationale.

Il n'existe aucun texte attribuant à l'Etat expressément la qualité de personne morale. Cette qualité est déduite de plusieurs dispositions constitutionnelles : « Le Royaume du Maroc est un Etat souverain. (...) ; il « souscrit aux principes, droits et obligations découlant des chartes des organismes internationaux ; le Roi est garant de la pérennité et de la continuité de l'Etat » (Préambule de la constitution et art. 19 C). Enfin, l'Etat dispose de l'autonomie financière exprimée par l'existence d'un budget étatique (art. 50).

B. Les collectivités territoriales locales Elles sont également dotées de la personnalité morale. Le

existence est prévue par l'article 100 de la constitution : il s'agit c régions, des préfectures, des provinces et des communes. Le même article ajoute que toute autre collectivité locale peut être créée par la 1

Le champ d'action de ces personnes morales s'étend à la général des intérêts de la collectivité tels qu'ils sont définis par la loi, m géographiquement limité au territoire de la circonscription concerné

C. Les établissements publics

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Alors que l'Etat et les collectivités locales ont une vocation administrative générale nationale ou territoriale, les établissements publics ont une compétence spéciale. Elles exercent leur activité d; un domaine déterminé soit au niveau national (Office national l'électricité, par exemple), soit au niveau local (Régies autonomes transport, ou de distribution d'eau et d'électricité, par exemple)

Les établissements publics sont dominés par le principe spécialité qui limite leurs interventions aux domaines fixés par la (pour les établissements publics nationaux) ou par une décision conseil communal (pour les établissements publiques locaux).

D. Les établissements publics territoriaux Ce sont des groupements de collectivités locales dotés de

personnalité morale et de l'autonomie financière, créés pour exe des attributions déterminées par la loi dans le cadre géographique collectivités intéressées. Ils sont destinés à assurer la coopération e différentes collectivités locales. Il s'agit des comités interrégionaux coopérations, des groupements de préfectures ou de provinces, groupements de communes ou de collectivités locales.

§2. Personnes morales publiques et autorités administratif Les sujets de droit ordinaires du droit administratif sont personnes publiques que l'on vient de citer (en plus des personnes privées gérant un service public). Cela signifie que tout acte de l'administration se rattache en principe à une personne publique. Ce rattachement permet de déterminer le régime juridique et contentieux de l'acte, ainsi que le patrimoine responsable des conséquences de celui-ci en cas dommage causé à un administré, par exemple.

Mais, comme les personnes morales de droit privé, les personnes publiques ne peuvent s'exprimer et agir directement par elles-mêmes. En pratique, elles agissent par l'intermédiaire de leurs organes, individuels ou collégiaux, qui constituent les autorités administratives. Ces autorités accomplissent les actes imputables aux personnes publiques, leurs compétences étant fixées par les textes constitutifs de la personne publique en cause. Ainsi, par exemple, les actes du conseil communal engagent la commune.

Les principales autorités administratives sont : pour la commune, le président du conseil communal ; pour l'Etat dans la région, la province ou la préfecture, le gouverneur, ou encore le premier ministre et les ministres au niveau central ; pour les établissements publics, leurs directeurs.

Parfois, une même personne physique peut être une autorité relevant de deux collectivités publiques différentes, en vertu de la technique dite du « dédoublement fonctionnel ». L'exemple de cette situation est celui du gouverneur qui est en même temps une autorité représentant l'Etat dans la région, la province et la préfecture (en tant que cadre d'action de l'Etat), et autorité exécutive de ces mêmes collectivités en tant que collectivités locales territoriales.

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Section 111

Centralisation et décentralisation Ce sont deux modes d'administration et d'aménagement de l'exercice des compétences administratives. Pour simplifier, on peut dire que la centralisation détermine au sein de l'administration d'Etat les rapports entre l'administration centrale et ses représentants locaux. Elle prend généralement la forme de la déconcentration. décentralisation définit les rapports qui existent entre l'administration d'Etat et l'administration locale.

En principe, toute autorité administrative est ou déconcentrée, ou décentralisée, réserve faite de l'hypothèse des autorités administratives dites indépendantes, sur lesquelles je reviendrai.

§1. Définition de la centralisation et de la décentralisation

A. La centralisation administrative Dans les rapports entre l'administration centrale et ses

représentants locaux, la centralisation absolue (dite aussi concentration) est impraticable. Elle est tempérée en pratique par la déconcentration.

1. La concentration administrative La centralisation absolue ou concentration ad. ainistrative

peut-être définie comme le système d'organisation de l'Etat qui permet au pouvoir central d'exercer l'ensemble des fonctions et de prendre l'essentiel des décisions administratives intéressant le territoire national.

Dans la centralisation, l'Etat est l'unique personne juridique à laquelle il incombe de satisfaire les besoins d'intérêt général ; les circonscriptions territoriales ne constituant qu'un découpage administratif sans vie juridique propre. De ce fait, la collectivité étatique concentre tous les moyens d'action administrative.

Mais la centralisation absolue est difficilement réalisable en pratique. Pour cela, la centralisation est tempérée (on peut dire aussi remplacée) par une déconcentration des pouvoirs.

2. La déconcentration administrative Quelque soit le système constitutionnel adopté, le pouvoir central ne peut pas matériellement prendre lui-même toutes les décisions administratives (ce qui répondrait à la notion de concentration administrative). Deux techniques d'aménagement du pouvoir administratif sont alors envisageables :

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la première consiste à permettre au gouvernement de délég son pouvoir de décision ou de signature à ses subordonnés, moins dans certaines matières, généralement les mesures moins importantes ;

- la seconde consiste à faire attribuer certaines compétences d'i importance particulière à ces subordonnés par des tex législatifs (on parle dans ce cas de transfert de compétences) réglementaires (il y a alors délégation de compétences).

C'est la deuxième technique qui, lorsqu'elle s'insère dans \ politique générale de l'Etat, de nature à lui assurer une certain stabilité, correspond à la véritable déconcentration administratif Certes, dans les deux situations et sur le plan juridique il y a transfert (par une loi) ou délégation (par un acte réglementaire) de compétent Mais ce qui les distingue, c'est l'importance des compétences déléguées et la volonté politique d'en assurer la permanence, dan: souci de rendre l'administration plus proche des administrés.

La déconcentration administrative est largement appliquée Maroc concernant les gouverneurs et autres agents d'autorité i disposent d'importants pouvoirs propres tout en demeurant soumis à l'autorité hiérarchique du pouvoir central.

Enfin, il faut noter que si la déconcentration est appliquée habituellement au sein de l'administration d'Etat et régit les rapports entre supérieurs et subordonnés, elle peut très bien être appliquée au sein des collectivités locales sous forme de délégation de compétences.

B. La décentralisation administrative La décentralisation repose sur la reconnaissance, par le

pouvoir central, d'intérêts distincts devant être gérés par des entités juridiques distinctes de l'Etat. Des entités reçoivent de l'Etat le di de gérer leurs propres affaires et sont à cet effet dotées de personnalité juridique. En outre, les collectivités décentralise disposent de compétences propres et des moyens financiers humains nécessaires à leur gestion. Il existe deux formes décentralisation.

1. La décentralisation territoriale La décentralisation territoriale a pour objet de permettre à

des collectivités locales de gérer leurs affaires elles-mêmes, par l'intermédiaire d'organes à caractères représentatif. Elle repose ainsi sur deux éléments : l'existence de collectivités locales, c'est-à-dire de communautés humaines spécifiques, et d'organes propres, élus en principe.

Bien que relevant de la technique administrative, la décentralisation territoriale a, comme la déconcentration, une portée politique. Etroitement liée à la démocratie libérale, elle permet d'adapter l'action administrative aux aspirations des habitants tout en donnant l'occasion à un grand nombre de personnes (les élus) de s'occuper des affaires publiques. Une authentique décentralisation repose sur l'élection.

Bénéficiant de la garantie constitutionnelle (les collectivités locales sont prévues par la constitution en droit marocain), les collectivités locales sont cependant placées sous le contrôle de l'Etat. C'est la loi qui fixe leur organisation, leur fonctionnement et leurs attributions.

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2. La décentralisation fonctionnelle ou par services A côté de la décentralisation territoriale, le droit administratif

connaît une décentralisation dite fonctionnelle ou par services. Il s'agit de certains services nettement individualisés par leur objet, leur structure et qui sont mis, en quelque sorte, hors de la hiérarchie, dotés de la personnalité juridique, d'un patrimoine et d'organes autonomes, chargés de diriger leurs actions. Normalement, ces services reçoivent le statut d'« établissements publics ».

§2. Le contrôle en régime de déconcentration et de

décentralisation A. Déconcentration et pouvoir hiérarchique .Les avantages de la déconcentration -c'est-à-dire de l'attribution

de compétences propres à des délégués du gouvernement central, en particulier - par rapport à la « concentration » sont évidents : d'une part le gouvernement central est moins encombré par les questions

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