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A.C.T.I. septembre 2016/5777 Numéro 34synagogue-montevideo31.com/wp-content/uploads/2016/10/Montevide… · verset du Cantique des cantiques (6, 11) compare Israël à une noix

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A.C.T.I. • septembre 2016/5777 • Numéro 34

S o m m a i r e

A.C.T.I. • septembre 2016/5777 • Numéro 34

Directeur de la publication :Charly Bronner

Rédacteur en chef :Marc Kogel

Secrétaire de rédaction :Joëlle Dayan

Réalisation, régie et impression :SAB-Print

contact : Pascal Karsenti01 30 25 25 57

Conception graphique :Christelle Martinez

A.C.T.I.31 rue Montevideo - 75116 ParisTél. 01 45 04 66 73Fax 01 40 72 83 [email protected]

« Il revient à chacun de vérifiersi les prestations de cacheroutproposées par les annonceurssont conformes à ses propresexigences ».

Le mot du rabbin■ Le juif et la noix

Jacky Milewski

Le mot du Président■ Charly Bronner

L’edito du rédacteur en chef■ Marc Kogel

actualités culturelles■ Conférence-débat MEJAF ■ Exposition de peinture : Alain Mimouni ■ Fête de fin d’année du Talmud Torah

Fêtes de Tichri■ Seli’hote de la veille de Roch Hachana

Jacky Milewski■ Les écrans et les solennités d’automne

Claude Riveline■ Invité(e)s, soyez les bienvenu(e)s !

Jean-Jacques Wahl

Histoire■ Un portrait d’Abraham Ibn Ezra

Judith Kogel

Politique■ Byzance à Ankara : le conflit entre islamistes

en Turquie Pierre Lazar

economie■ L’expulsion des juifs : cause du sous-développement

économique Anthony Gribe

Commentaires■ A propos de... Sivan Rahav Meir Marc Kogel

Cinquante ans après■ Des paroles aux actes Rabbin Jean Schwartz

Humour■ La page d’Avidan Avidan Kogel

Hommage■ Adieu mon Maître, mon plus-qu’ami

Michaël de Saint-Chéron

Carnet de famille■ Naissances, Bar Mitzvah, mariages, décès…

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L e m o T D U r a b b i n

L e j u i f e t l a n o i x■ J a c k y M i l e w s k i

a Roch Hachana, on a l’usage de ne pas manger de noix. L’une des raisons invoquées

dans le Choul’han Aroukh (Ora’h ‘Haïm 583, 2, Roma) pour justi-fier cette habitude est que le mot égoze, noix a la même valeur numérique que le mot ‘hète qui désigne une faute. En réalité, la valeur numérique des deux termes

n’est pas équivalente puisque égoze vaut 17 et ‘hète, 18. Cette différence rend encore plus parlante l’usage de ne pas manger de noix : le Judaïsme est une exigence morale. L’élé-ment qui se rapproche de la faute, même si lui-même ne constitue pas la faute, est déjà appelé à être exclu de la vie. Le Choul’han Aroukh (Ora’h ‘Haïm 611, 2, Roma) rapporte que les enfants ont l’ha-bitude de jouer avec des noix, le jour de Kippour. Kippour est donc lié à la noix. Il nous faut comprendre le sens de cet usage.Il existe différents types de noix : la noix belle à l’intérieur et à l’extérieur, la noix belle à l’ex-térieur mais pourrie à l’intérieur et la noix belle à l’intérieur mais souillée à l’extérieur.

Roch Hachana correspond à la noix abîmée à l’intérieur alors que Kippour est lié à la noix souillée à l’extérieur.

Roch Hachana est le temps du travail inté-rieur, du dialogue de soi avec soi sur soi. Le Talmud (Roch Hachana 26a) suggère bien que la sonnerie du chofar convoque le sou-venir de la conscience. De fait, la sonnerie du chofar renvoie à la pénétration dans le Saint des saints, l’intérieur de l’intérieur. La mémoire est l’un des espaces les plus intérieurs de la conscience. Le texte de la haphtara du premier jour de Roch Hachana évoque ‘Hanna qui parlait à son cœur (I Sam 1). Roch Hachana est le temps du question-nement intérieur. On y découvre une noix, peut-être belle à l’extérieur mais abimée à l’intérieur. On ne peut pas la manger. A Kippour, les données sont modifiées. L’âme a commencé à se manifester grâce au tra-vail intérieur. Elle apparait discrètement. Elle a encore du mal à se frayer un chemin. Un verset du Cantique des cantiques (6, 11) compare Israël à une noix. Le Midrach Chir hachirim Rabba explique cette comparaison : « De même que si une noix tombe dans la saleté, tu peux la ramasser, la rincer, la laver, la nettoyer et la manger, de même Israël se

salit, toute l’année durant, en fautant, et le jour de Kippour peut lui permettre de par-venir au pardon ». Kippour est le temps de l’élaboration du lien entre la vie intérieure et la vie extérieure. La noix y est lavée.

La coquille de la noix, les sillons qui y sont tracés, les deux hémisphères, évoquent le cer-veau humain. D’ailleurs, le Talmud (‘Haguiga 15b), se basant sur le verset du Cantique des cantiques précité, explique que c’est le talmid ’hakham, l’érudit, le cérébral qui est comparé à la noix.

A Roch Hachana, le juif est comme l’enfant qui n’est pas encore évolué intellectuellement. Il veut parler à son père mais il ne parvient qu’à produire des sons, simples ou saccadés, qui ressemblent à des pleurs, comme un enfant simple et humble, qui aime et qui fait confiance mais qui ne sait pas exprimer cet amour et cette confiance. L’enfant ne joue pas avec des noix à Roch Hachana.

A Kippour, le juif, l’enfant a évolué. C’est à Kippour que les secondes Tables de la Loi ont été données. L’homme est capable de comprendre, de saisir, de réagir intellectuelle-ment, de s’engager. A Kippour, le juif accepte d’apprendre et d’étudier, de marcher sur les sillons de l’esprit, tracés par nos ancêtres. Kippour est le jour de la noix.

Tel est le cheminement qui lie le premier au dernier des Jours Redoutables. [L’usage à l’époque de la Michna était de jeter des noix sur les mariés. L’explication de cette coutume est la suivante : égoze a pour valeur numérique 17, valeur proche de ‘hète, la faute qui est de 18, ainsi que du mot tov, bien. Au jour de leur mariage, les mariés voient toutes leurs fautes effacées. Le jour de mariage est comme Kippour puisque les mariés y jeûnent, récitent le vidouy à Min’ha et le ‘hatane porte le kitel (cf. Séfer taamé haminhaguim p. 402)]. C’est alors un nouvel éclairage qui est jeté sur l’opinion de Rabbi Méir selon laquelle le volume minimal du cédrat de Souccoth doit être équivalent à une noix (cf. Souca 34b)... ■

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■ C h a r l y B r o n n e rL es travaux de réhabilitation du centre Edmond Weil sont à présent entière-ment terminés avec, comme cerise sur

le gâteau, un système de climatisation. Nos salons de réception et toutes nos salles en étage ont été rénovés et sont donc prêts à accueillir nos élèves du Talmud Torah, les classes d’oulpan, tous les enseignements et conférences et autres activités que nous vous proposerons tout au long de l’année.

En cette nouvelle année, l’Institut Elie Wiesel propose de dispenser dans l’an-tenne de l’ouest parisien (Centre Edmond Weil) 3 cycles de cours :1) Talmud et psychologie positive par Guila

Kessous,

2) Figures de Moïse au XXe siècle par Fran-klin Rausky,

3) Juifs et Musulmans à travers l’histoire par Joëlle Allouche Benayoun.

Ces cycles d’études seront précédés d’une leçon introductive de Monsieur Franklin Rausky dont le thème sera : « d’Abraham à Job : les personnages bibliques célébrés par Elie Wiesel ».

A cet effet, l’ACTI éditera une brochure propre à notre Centre contenant ces ensei-gnements avec dates et horaires. Cette liste n’étant pas exhaustive, d’autres cours pourront nous être proposés au cours de l’année. J’ai confiance que ce programme

d’études suscitera un vif intérêt au sein de notre communauté et bien au-delà.

Avec toutes les activités cultu-relles, éducatives et autres que nous vous proposerons dans notre nouveau centre Edmond Weil, je nourris beaucoup d’am-bition pour notre communauté.

Je vous adresse mes vœux de félicité, de bonne santé et de prospérité et à l’ACTI le rayonnement auquel elle peut légitimement prétendre. ■

Avec toutes les activités culturelles, éducatives et autres que nous vous proposerons dans notre nouveau centre Edmond Weil, je nourris beaucoup d’ambition pour notre communauté.

L e m o T D U P r é S i D e n T

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Contacter : Pascal KArSENTiTél. : 06 07 52 93 55 - 01 30 25 25 57 | Mail : [email protected]

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L ’ é D i T o D U r é D a C T e U r e n C H e F

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mes vœux pour 5777Que cette année soit pour chacun d’entre nous,

meilleure que la précédente. Mais pour cela ne comptons pas que sur les autres et don-nons l’exemple en réduisant la médisance et en augmentant notre engagement commu-nautaire, présence à l’office en semaine afin d’assurer le

minyan, inscription aux activités cultu-relles ou sportives programmées au centre Edmond Weil, participation aux cours et conférences. Nous avons besoin de toutes les bonnes volontés pour que nos institutions fonc-tionnent sans à coup, et au delà des

activités de loisirs pour que l’Action Sociale, la Tsedaka, la Hevra Kadisha puissent faire face à leurs obligations toute l’année. Faisons tous ensemble de 5777 l’année du militantisme commu-nautaire.

Comment on fabrique l’information :Ruben Salvadori est photographe et anthropologue, et il s’intéresse à ce qui est hors cadre dans les photos des reporters. Il a fait un travail à Jérusalem Est et pho-tographie les grappes de photographes qui attendent patiemment qu’on leur fabrique les images dont leurs journaux sont avides, et pour cela ils commandent auprès de jeunes palestiniens des mises en scène qu’ils vont ensuite vendre à leurs journaux : je vous recommande de voir ce petit documentaire fort instructif https://vimeo.com/29280708

La guerre de l’été 2016Cette année, ce n’est ni la guerre au Liban, ni celle de Gaza qui a fait la une des journaux, mais les attentats commis par les islamistes, dans le monde et aussi en France. Citons en juin l’assassinat d’un couple de policiers à Magnanville, puis le 14 juillet le triste attentat de Nice, et l’as-sassinat d’un prêtre dans une église près de Rouen. Et voici que la France au mois d’août s’est passionnée pour une question de vêtement de plage...Les médias étrangers ne comprennent pas en quoi un simple vêtement, peut provo-quer tant de passion, même les journaux israéliens prompts à condamner la presse française quand elle s’autorise à parler de la paix en Israël, n’hésitent pas à donner leur point de vue, confondant un peu vite la tsniout qui est dans le monde juif, un choix individuel tout à fait respectable, avec l’imposition par les hommes d’un vêtement qui risque de n’être plus du tout optionnel, mais bien la règle obliga-toire, quand on voit l’évolution de la mode vestimentaire dans certains quartiers de la proche banlieue parisienne. En Israël, sauf exception, juifs et arabes ne vivent pas dans les mêmes villes, les mêmes quartiers ni dans les mêmes immeubles, et leurs enfants ne fréquentent pas les mêmes écoles, certes ils se croisent dans les lieux publiques, mais sans se fréquen-ter. Par conséquent, les situations ne sont pas superposables, ce qui présente ici une dimension purement religieuse peut revê-tir ailleurs, dans un contexte d’attentats meurtriers, une dimension prosélyte et politique malvenue.

Le cormoran et la dameMe promenant un soir du mois d’août sur une plage de Normandie, à l’heure où les plaisanciers sont repartis, j’aperçois un grand oiseau immobile sur le sable. Alors que je m’approche, il ne s’envole pas ; est-il malade ou blessé ? Sur ce, une dame qui a vu la scène arrive d’un air décidé et cherche à se saisir de l’oiseau en lui bloquant le bec avec une main, mais l’oiseau se débat et lui pince violemment la main. Ni une ni deux, elle retire sa robe, la jette sur l’oiseau, lui entoure le bec, le saisit d’une main et de l’autre elle lui bloque les ailes et l’emporte ainsi vers le poste de secours...Il arrive que l’impudeur soit vertueuse. ■

■ M a r c K o g e l

2015

a C T U a L i T é S C U L T U r e L L e S

L a Maison d’Etudes Juives au Féminin (MEJAF), fondée par Madame Joëlle Bernheim, a organisé mercredi 8 juin

dans les locaux du Centre Edmond Weil une conférence à deux voix sur le thème « Etre juif et français en Europe : quel avenir ? Quels projets ? » avec le Grand Rabbin Gilles Bern-heim et Alexandre Adler.

Après une présentation de la MEJAF, de son fonctionnement et de ses projets, par Madame Joëlle Bernheim et par sa prési-dente Martine Nataf, et devant plus d’une

centaine de personnes présentes venues sou-tenir cette très belle cause, le débat de très haute tenue, profond et posé, a permis aux deux orateurs d’analy-ser notamment la nature de l’antisémitisme européen, les conditions pour penser l’avenir des juifs en Europe, et les facteurs permettant de continuer à espérer. Le débat s’est pour-suivi par un échange dense et constructif avec la salle avant que la soirée ne s’achève dans

la chaleur et la convivialité autour d’un buffet somptueux. ■

Voici le lien qui permet de visualiser la vidéo de la conférence.https://youtu.be/UHN0fA96gC0

C o n f é r e n c e - d é b a t M E J A F« E t r e j u i f e t f r a n ç a i s e n E u r o p e :

q u e l a v e n i r ? Q u e l s p r o j e t s ?

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a C T U a L i T é S C U L T U r e L L e S

E x p o s i t i o n : A l a i n M i m o u n i , s o n œ u v r e p i c t u r a l e

a lain Mimouni est un artiste peintre sculpteur né à paris en 1967. à la base principalement biblique ; il

s’oriente aujourd’hui vers des thèmes plus contemporains et actuels, tels que le

sport, la vie, l’argent, la crise, mais aussi l’american spirit, et bien évidemment la chance – d’où son intitulé « lucky » – qui est une spontanéité qui joue un rôle, non des moindres, dans la vie où sans chance

tout est plus difficile et avec du hasard tout peut changer.

Très jeune il a parcouru le monde en quête d’images et d’émotions qui se retrouvent au centre des ses œuvres. En effet, sa peinture et ses œuvres ont toutes une signification et un sens masqué et inter-prétable via la mise en œuvre de son travail.

Sur des fonds extrêmement travaillés, son travail est à la croisée de la peinture et de la sculpture, alliant, dans une secrète alchimie, la précision des formes et des couleurs. Sa technique lui permet de mélanger des matériaux comme le béton, la pierre ou le bois, le tout en trompe l’œil, toujours avec un touché réel.

Il varie notamment sa façon de travail-ler ces matériaux et ces textures, qui est l’unes de ses façons principales de se démarquer. En effet, il réalise ses œuvres tant sur de la toile que sur du plexiglass,

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ou bien encore de l’aluminium qu’il ondule.

Son choix des matières est un choix réfléchi au regard de l’œuvre qu’il effec-tue. Beaucoup de réflexions encadrent sa manière de procéder. Par exemple, pour le thème de la vie, l’ondulation sera une manière de donner du mouvement à son art pour représenter les hauts et les bas de celle-ci. ■

a C T U a L i T é S C U L T U r e L L e S

F ê t e d e f i n d ’ a n n é e d u T a l m u d T o r a h

C ette année, les enfants se sont dépassés, puisque

petits et grands ont tenu à préparer des petites pièces ou des lectures de manière à faire de cette fête un spectacle pour la plus grande joie des parents. Un grand merci à Mme Shapiro et aux Morot pour la préparation de cette fête.Les prix ont été distribués aux enfants présents par le Rabbin Milewski.Nous espérons revoir tous les enfants à la rentrée et pouvoir

compter sur des effectifs plus importants encore cette année. ■

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F ê T e S D e T i C H r i

S e l i ’ h o t e d e l a v e i l l e d e R o c h H a c h a n aSELI’HA 37

« Maître, quand, au matin, Tu Te souviendras de l’humanité,Ne juge pas avec stricte justice,Si Tu dresses l’âme contre le corps,Ils seraient repoussés et ne sauraient se lever,L’homme peut-il être méritant lors du jugement ?A-t-il dans sa main un acte qui puisse le justifier ?La semence de laquelle il est créé est une goutte nauséabonde,Son ennemi est caché en lui depuis le temps de sa naissance,Dissimulé, tel un piège à ses pieds,Il l’incite chaque jour à la destruction, à le faire trébucher,Depuis le jour où il a conscience des choses,Il place son âme dans sa paume pour rapporter son pain,Rassasié, toute sa vie, d’épuisement, de colère et de douleur,Jusqu’à son retour à la poussière, il ne trouve pas de repos,Tourne-Toi, Maître, vers la tristesse de cet esprit,Observe la brisure de son cœur,Tu es proche des lointains,Désirant le repentir des méchants,D.ieu qui Se suffit à Lui-même, dévoile-Toi pour ceux qui Te recherchent,Déclare à ceux qui Te réclament : « Me voici »,Qu’il soit annoncé à ceux qui invoquent Ton Nom : « J’ai pardonné »,Justifie par le jugement le peuple qui affirme Ton unité,Réduis au silence le laid personnage pour qu’il n’accuse pas,Enflamme-Toi contre celui qui incrimine pour qu’il cesse ses attaques,Etablis pour nous un avocat,Aux rebelles, fais entendre « j’ai trouvé l’expiation »,Nous avons jeté à Toi notre fardeau,

De grâce, assure-nous la subsistance,Accepte pour nous notre prière,Accède avec miséricorde à notre désir et notre demande, En Toi, nous avons placé notre confiance,Que Ta miséricorde nous précède rapi-dement,Toi qui es fort et puissant, Ton Nom, nous n’avons pas oublié,De grâce, pour l’éternité, ne nous oublie-pas ». De Rabbi Yts’hak haKohen (on ignore tout de ce Rabbi si ce n’est qu’il est antérieur à l’année 4996).« Déclare à ceux qui Te réclament : “Me voici (hinéni)” » : ce vers sonne en écho au passage de la Torah lu le second jour de Roch Hachana où D.ieu interpelle Avra-ham et celui-ci répond : « Me voici ! », expression qui traduit une totale dispo-sition en vue d’accomplir la demande de D.ieu. La demande est réciproque.

SELI’HA 38 « Maître, quand Tu jugeras l’homme-vers,Souviens-Toi, dans Ta colère, de la grâce et de la consolation,Dans Ton estimation, quand Tu juges pour réprimander les coupables ;Le fauteur involontaire et le stupide, innocente-les et justifie-les,Dispense bonté et bien aux coupables ; N’étends pas le conflit à l’extrême ;Les indigents en bonnes actions et les manquants de capacité,Appellent vers Toi, dévoile-Toi à eux ;Nous voici devant Toi grandement coupables,Nous sommes honteux d’ouvrir la bouche pour parler et prier,L’humain pourrait-il se justifier devant D.ieu ?L’homme pourrait-il se montrer pur à la face de Celui qui l’a créé ?

Des fautes en lui, de l’iniquité en son sein,Empli de péchés, plein de rébellion,Compte et justice au Roi des rois,Il est destiné à rendre quand surgira le passage [la mort],La marque du sceau est gravée dans sa main,A son visage, sa méchanceté s’expri-mera,La poutre de bois montrera et témoi-gnera,Du mur de pierre, elle interpellera et hurlera,L’homme jugé baissera la tête et sera humilié,Se tenant devant Toi, néant, il est considéré,De grâce, agrée l’œuvre de Tes mains,Observe la brisure, protège-le pour qu’il ne tombe dans la géhenne,Tes serviteurs trouveront aujourd’hui la grâce,Purifie-les par Ta proximité, désire-les comme aux premiers temps,Et comme la neige, blanchis les fautes de la rose ».

De Rabbi Elia bar Chemaya.

L’homme laisse des traces, invisibles, imperceptibles, écrites de sa propre main (« La marque du sceau est gravée dans sa main »). Chaque homme est à son insu un écrivain qui raconte sa vie et ses agissements. C’est ce livre qu’il lira plus tard, dans le temps qui n’a pas de fin, c’est ce livre qui le répugnera ou l’emplira de satisfaction. ■

■ J a c k y M i l e w s k i

L e s é c r a n s e t l e s s o l e n n i t é s d ’ a u t o m n e

Connexions et relations.Bientôt, chacun aura, à son poi-gnet, un écran qui lui donnera, outre

l’heure, le téléphone, la télévision, Inter-net, sa tension artérielle et le nombre de pas qu’il a parcourus depuis la veille. Fabuleux ! Chacun pourra ainsi connaître tout sur tous et sur toutes choses. Comme aboutissement d’une humanité qui souffrait d’ignorance et de solitude, le progrès est apparemment féerique. Mais est-ce bien sûr ? En ce qui concerne l’ignorance, ce n’est pas douteux, dans la mesure où l’on a des questions. Mais en ce qui concerne la solitude, bien que nous soyons potentiel-lement connectés à toute la terre, il est facile de montrer que notre solitude s’est globalement aggravée, et que la numéri-sation nous enferme dans une solitude malsaine face à nos écrans, solitude que viennent heureusement briser, pour les Juifs, le shabbat et les fêtes, en particulier les solennités d’automne, Roch Hachana, Yom Kippour et Souccoth. J’y vois aussi un lien avec la Tour de Babel et, grâce au talentueux neurologue Lionel Naccache, avec l’épilepsie. Ces rapprochements énigmatiques vont s’éclairer, à la lumière d’une réflexion sur la différence entre connexion et relation.

Connexions et relations. Considérons deux questions que je pourrais poser à mon épouse. Première question : quelle heure est-il ? Deu-xième question : est-ce que tu m’aimes comme avant ? Il est clair que le rapport que ce début de dialogue va instituer entre nous ne sera pas du tout de même nature. Dans le premier cas, je connaîtrai l’heure, sans plus. Mais dans le second cas, un petit drame s’amorce, car elle se demande pourquoi je pose cette ques-tion, elle se dit que quelle que soit sa réponse (oui ou non), j’enchaînerai sur autre chose, et cet échange va nous modifier tous les deux, il faut espérer

en bien. Mais pour connaître l’heure, je pourrais aussi bien consulter un écran, auquel cas ma solitude restera intacte, alors que si j’interroge ma femme, une minuscule relation humaine s’est amor-cée. Mais rien à voir avec le second dialogue, qui illustre une relation. Le pre-mier ressemble à une simple connexion. Il est frappant d’observer le temps que nous passons aujourd’hui, de la petite enfance à l’âge le plus avancé, à contempler des écrans. Outre la télé-vision, dans les cours de récréation, les repas familiaux, les réunions de travail et même à l’Assemblée Nationale, cha-cun regarde un DVD, consulte ses mails, reçoit et envoie des SMS, emmuré dans un rapport à des textes et à des images et coupé de ses camarades, commen-saux ou collègues, pourtant présents tout près de lui. Les emails ressemblent à des lettres, et d’ailleurs les remplacent de plus en plus, mais ils sont si rapides à rédiger et à expédier que la plupart des destinataires sont ensevelis sous des avalanches de messages auxquels ils n’ont guère le temps de répondre, dans l’hypothèse où ils les lisent. Ces communications abondantes et fébriles réduisent les relations humaines à des connexions de plus en plus anonymes. Autrement dit, si toute relation com-mence, certes, par une connexion, l’excès de connexions empiète sur les relations au point, à la limite, de les abolir. Un ouvrage américain, best-sel-ler des années 80, l’a dit avec une force particulière.

« Se distraire à en mourir1 » Cet essai entreprend de démontrer que la télévision, compte-tenu du fait qu’elle est économiquement contrainte d’attirer le plus grand nombre possible de télé- spectateurs, ne peut livrer que des message agréables, amusants, qui retiennent par le plaisir qu’ils procurent et ne demandent aucun effort. Il la met

en regard des livres, qui ont constitué dans les siècles antérieurs l’essentiel de l’accès à l’information, et qui, à l’inverse, obligent les lecteurs à un travail puis-samment structurant. Dans une contrée majoritairement protestante comme les USA, la lecture de la Bible a toujours été une obligation quotidienne dans les familles. De même, en terre catholique comme la France, c’est l’Eglise qui a assuré depuis Charlemagne l’enseigne-ment de la lecture. Par contraste, on est effrayé de mesurer le nombre d’heures que passent les personnes, et en parti-culier les enfants d’aujourd’hui, devant la télévision, auxquelles il faut ajouter toutes les autres séductions des écrans, comme le fait brièvement Neil Postman lui-même à la fin de son ouvrage. Mais au temps où il l’a rédigé, les téléphones portables et autres i-phones venaient à peine d’apparaître, ce qui donne à son réquisitoire une pertinence considérable-ment renforcée aujourd’hui. En résumé, les écrans affaiblissent jusqu’à les abolir les relations avec autrui, et la passivité à laquelle ils nous poussent en arrivent à affaiblir jusqu’aux relations que nous avons avec nous-mêmes. Cette atrophie des relations fait penser au mythe biblique de la tour de Babel.

La langue de la Tour. Le chapitre XI de la Genèse com-mence par ces mots : « Toute la terre avait les mêmes mots et des paroles sem-blables ». J’ai formulé jadis2 l’hypothèse que cette langue unique était compo-sée, comme la langue des connexions numériques, de deux mots seulement : zéro et un. Les contemporains de la Tour, nous dit le texte, se sont accordés pour atteindre le ciel, à la manière de nos modernes gouvernements qui n’ont à

■ C l a u d e R i v e l i n e

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offrir comme perspectives à leurs peuples qu’une croissance économique indéfinie. Le Créateur n’a pas condamné cette entreprise, qui pourtant Le défiait, parce que la paix régnait entre les hommes. Mais c’était une paix sans dialogues, une paix d’esclaves. Alors Il créa la diversité des langues, afin que chacun prenne conscience de la diversité des identités. Il fallut alors déployer des efforts pour communiquer, et les connexions se trans-formèrent en relations. Mais encore faut-il que les interlocu-teurs aient le temps de s’écouter et de se répondre. Après tout, les mails, bien que codés en zéros et uns, véhiculent des messages potentiellement aussi riches que les paroles de toujours. Oui mais il y en a trop par unités de temps. C’est là qu’intervient la brillante intuition du professeur Naccache.

L’épilepsie mondiale Dans son dernier essai3, le professeur Naccache part de la remarque que l’acti-vité normale du cerveau est matérialisée par des transports d’électricité entre les neurones. L’épilepsie consiste en une multiplication anarchique de telles communications, qui fait que le sujet est atteint de symptômes violents et qu’il peut perdre toute conscience. L’auteur propose un parallèle avec la multiplica-tion des réseaux sociaux, qui véhiculent une telle quantité de messages que ceux-ci s’appauvrissent, s’uniformisent et suscitent des aberrations comme des affaissements culturels ou des fana-tismes religieux. Face à ces risques de totalitarisme planétaire, il appelle de ses vœux une riche cohabitation entre des singularités traditionnelles soigneuse-ment entretenues et de mondialisations raisonnables, sur des objets qui s’y prêtent et qui n’appauvrissent pas les identités. La tradition juive répond de manière admirable à de telles préoccupations.

Les convocations d’automne, festivals de relations.

Face à cette éclipse des relations induite par les écrans, les fêtes juives d’automne, Roch Hachana, Yom Kippour et Souccoth peuvent être interprétées comme des invitations à approfondir

toutes sortes de relations, relations à l’Histoire à Roch Hachana, relations à soi-même à Yom Kippour, relations à autrui à Souccoth. Le son du chofar à Roch Hachana vient nous rappeler que cette sonnerie a accompagné tous les grands épisodes de l’histoire de l’humanité tels que l’évoque la Bible, depuis la création de l’homme jusqu’à Abraham, du don de la Tora à la destruction des Temples de Jérusalem, et accompagnera le retour des exilés, la venue du Messie et la résurrection des morts. La fête de Kippour est consacrée à la remise à jour des relations avec soi-même, ce qu’illustrent notamment les diverses significations de l’expression : ve-initem et ’nafchoteh’em, d’où l’on déduit le jeûne de vingt-cinq heures, et que l’on peut traduire par « vous vous infligerez une ascèse » pour rentrer en vous-même, « vous répondrez » aux questions ainsi posées, et « vous chan-terez » sous l’effet de cette renaissance. La fête de Souccoth, quant à elle, a le double aspect d’un retour aux rela-tions avec la nature et d’un retour aux relations avec nos semblables, notam-ment les 70 nations, qui viendront, nous assure la tradition, offrir chacune un tau-reau au Temple de Jérusalem reconstruit aux temps messianiques. Cet approfondissement de toutes relations ne signifie aucunement que le peuple juif tourne le dos aux progrès qu’induisent les connexions, bien au contraire.

Conclusion : la conception juive du monothéisme.

Les contributions des juifs, en particu-lier du moderne Etat d’Israël, à la science et la technique modernes, en particulier dans toutes les branches actuelles de la numérisation, sont d’une importance sans commune mesure avec leur démo-graphie. Ils sont donc très compétents et très actifs pour promouvoir les bienfaits pratiques que ne cessent d’apporter les connexions. Mais l’observance des mitsvoth, nous venons de le voir, les contraint heureusement à sauvegarder ce que le monde des relations apporte comme remèdes aux dangers de déshu-manisation que ces progrès comportent.

Cet équilibre entre les valeurs de la rationalité et celles de la vie morale est cohérent avec le cœur du monothéisme juif tel que l’exprime la formule du Chema Israël. Ce verset proclame en effet que la manifestation du Divin comme Créateur de l’univers, et Son humble présence, par exemple au Buisson Ardent et sur le Mont Sinaï en relation avec les hommes, sont des manifestations d’une seule et même essence. Réponse parfaite aux menaces que le progrès sans limite des écrans sans âme font peser sur l’hu-manité. ■

1. Se distraire à en mourir, Neil, Portman. Préface de Michel Rocard. PLURIEL. Edition originale USA 1985.

2. « Le modèle de l’Occident » XVIIe colloque des intellectuels juifs de langue française. PUF 1977, p.21.

3. Lionel Naccache. L’homme raiseau-nable. Du microcosme cérébral au macrocosme social. Odile Jacob. 2015.

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I n v i t é ( e ) s , s o y e z l e s b i e n v e n u ( e ) s !

La fête de Souccoth est probablement celle qui a donné naissance au plus grand nombre de minhagim. Le minhag, cou-

tume, habitude, manière de se conduire, est, dans le droit hébraïque, soucieux de rigueur, une catégorie atypique. Elle recouvre aussi bien des usages assimilés à des mitzvot que des habitudes locales dont l’origine n’est pas toujours évidente et qui sont plus ou moins contraignantes. Dans les limites de cet article, nous n’avons pas la prétention d’examiner la complexité du minhag et nous contenterons de nous attacher à l’un d’entre eux, qui non seule-ment s’est maintenu au cours des siècles, mais

connaît même actuellement un rayonnement surprenant, celui des oushpizin.

Oushpizin, que signifie cette dénomination ? C’est un mot araméen qui apparaît déjà dans le Talmud (1) mais qui est en réalité une ara-misation du latin hospes que l’on reconnaît en français dans les mots hôte, hôtel, hôpital, hospitalité. Autant de dérivés que l’on retrouve en hébreu jusqu’à l’expression moderne meoushpaz, hospitalisé.

Mais revenons à nos oushpizin, en l’occurrence nos invités, nos hôtes. Ils apparaissent à la fin

du Moyen-âge dans les cercles cabalistiques inspirés d’un passage du Zohar qui commente le verset « vous habiterez sept jours dans les cabanes » (Lev. 23,42) dans ces termes : « Tandis que l’homme réside dans cette demeure (la souccah) la pré-sence divine étend ses ailes sur lui. Abraham accompagné de cinq Tzadikim (Justes) et du roi David demeure avec lui » (2)

Telle est l’origine de cette coutume. Reste à convenir des cinq Justes qui escortent Abraham

■ Jean-Jacques Wah l

Montréal vers 1950L’utilisation des signes du Zodiaque est fréquente dans l’iconographie juive dès l’antiquité. On remarquera, entre autres, la représentation du signe des “gémelles” et ‘illustration naïve du kotel (GFC Trust).

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et David. Le Zohar mentionne Isaac et Jacob, mais ne désigne pas les trois autres. Très vite Moïse et Aaron s’imposent, reste à coopter le dernier. C’est finalement Joseph qualifié de Tzadik dans le midrach qui complète la cohorte ce qui nous donne la liste suivante « Abraham, Isaac, Jacob, Joseph, Moïse, Aaron, et David » du moins pour l’ordre suivi par les ashkénazim tandis que les sépharadim et la plupart des hassidim placent Joseph et David en dernier. Comment expliquer cette divergence ? Nous avons vu que cette tradition est née dans le milieu cabalistique où chaque personnage s’est vu attribuer une séphira (3) (émanation de la puissance divine pour faire simple !) et le pre-mier classement suit celui qui est généralement attribué aux séphirot. Quant à la variante qui place Joseph et David en dernière position on peut y voir une allusion à la perspective mes-sianique où le Messie fils de David sera précédé du Messie fils de Joseph. D’autres nomencla-tures où Joseph était remplacé par Pinhas ou

par Salomon sont attestées mais n’ont pas été retenues.

Reste à comprendre comment une tradition née dans un milieu spécifique, fondée sur des notions mystiques, a pu se propager à travers le monde juif. La raison essentielle est probable-ment l’accent mis sur la convivialité. Accueillir chaque jour un nouveau convive, fut-il virtuel, permet d’éviter ce qui pourrait apparaître comme répétitif, routinier, dans la célébration des sept jours de fête. Mais surtout la récep-tion des invités a donné lieu à toutes sortes de pratiques qui l’ont étoffée.

La première est l’approfondissement du contenu ésotérique qui a trouvé sa place dans les com-munautés sensibles à ce courant. On y a insisté sur la nécessité de profiter de ces jours de fêtes où le travail était prohibé ou pour le moins limité, pour renforcer l’étude du Zohar et d’autres textes mystiques. On trouve un témoignage de

cette tendance dans un recueil contemporain des usages de la communauté de Boukhara qui rap-porte : « aujourd’hui encore on lit chaque soir des passages du Zohar sur un air traditionnel, lecture qui dure assez longtemps et dont en général on ne comprend pas le sens mais la mélodie émou-vante est très appréciée des auditeurs » !

Chez les partisans d’un judaïsme plus ration-nel c’est l’étude de textes talmudiques ayant les différents oushpizin comme sujet qui a été privilégiée pour occuper ces heures de loisir. (4)

Mais la consigne de consacrer beaucoup de temps à l’étude n’aurait probablement pas suffi à pérenniser ce minhag si elle ne s’était pas accompagnée d’actes moins contraignants !

Il y eut d’abord l’usage d’accueillir chaque soir avant de s’asseoir dans la soucca les oushpizin par de joyeuses formules de bienvenue que l’on retrouve dans certains sidourim : « Entrez

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Jérusalem vers 1900Ordre des oushpizin selon la tradition ashkénaze. à l’origine lithographie pour indiquer le mizrach à laquelle a été ajouté l’accueil des oushpizin.(GFC Trust)

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hôtes suprêmes (éliyonim) et saints, entrez vous asseoir à l’ombre de la foi (betzèl haémouna) » puis est proclamé le nom de celui qui ce jour précède les autres. Car contrairement à une idée répandue ce n’est pas l’un des tzadikim qui est censé apparaître chaque jour mais l’en-semble des 7 personnages tandis qu’à tour de rôle ils se relaient pour guider le groupe.

Que viennent faire ces visiteurs ? Leur rôle est éclectique, ils viennent témoigner de la pré-sence divine, qu’ils concrétisent en quelque sorte. Mais ils viennent aussi s’assurer que la conduite de ceux qui les reçoivent est conforme à ce qu’on attend d’eux pendant la fête. Si tel n’est pas le cas ils n’hésitent pas à se retirer s’ils se trouvent dans une assemblée où la pres-cription biblique « tu te réjouiras pendant ta fête » (Deut. 16,14) n’est pas respectée et où prédomine tristesse ou colère.

Mais la plus grande faute est de ne pas obser-ver ce qui est le cœur de l’exigence liée au séjour dans la soucca, celle de l’hospitalité en particulier vis-à-vis du pauvre. Ce n’est pas par hasard qu’Abraham, figure emblématique de l’hospitalité a été choisi pour prendre la tête des oushpizin. Déjà dans le Zohar l’accent est mis sans équivoque sur cette obligation. « Si l’on ne donne pas au pauvre ce qui lui revient, Abra-ham quitte la table et s’écrie, citant le verset du livre des Nombres (16,26) « Eloignez-vous des tentes de ces méchants hommes, et ne touchez à rien de ce qui leur appartient » et ses compagnons se lèvent et le suivent » (5). Pour éviter une telle humiliation les commu-nautés ont institué des règles précises. Dans certaines ont s’efforçait d’avoir 7 pauvres à chaque repas, dans d’autres il convenait d’en recevoir au moins un, dans d’autres encore, on se retrouvait le soir pour partager un repas

dans la soucca d’une personne dont le prénom correspondait à celui de l’oushpiz du jour et à défaut de pouvoir recevoir à sa table, par manque de place, le nécessiteux, on veillait à lui remettre de quoi acheter des vivres.

Mais la richesse du minhag ne s’arrête pas là. Elle se concrétise aussi dans une autre coutume : la décoration de la soucca liée à la recommandation de hidour mitzvah, l’em-bellissement de toute mitzvah. Comme en témoignent les illustrations de ces pages des vœux de bienvenue aux oushpizin sont accro-chées aux murs comme le sont souvent les portraits des Patriarches. Et à ceux qui s’éton-nerait d’une interprétation complaisante du deuxième commandement (interdiction de la représentation) les rabbins ont répondu par un verset du prophète Isaïe (30,20) « tes yeux verront ceux qui t’enseignent ».

Montréal 1947L’influence mystique se manifeste par la représentation du troisième Temple tel qu’il est décrit dans les chapitres 40 à 48 du livre d’Ézéchiel.(GFC Trust)

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Plus confidentielle, l’habitude d’allumer chaque jour 7 bougies en l’honneur des oushpizin est mentionnée dans plusieurs ouvrages du 16e siècle. à notre époque où règne à juste titre le principe de précaution on peut sûrement s’abstenir de suivre cette recommandation et

pourquoi ne pas lui substituer l’allumage de 7 ampoules !?

Mais la coutume la plus répandue et la plus visible a été l’introduction dans la soucca d’une petite table recouverte d’une élégante

nappe, ou le plus souvent d’un fauteuil qui est lui aussi, recouvert de tissu sur lequel on ne s’assoit pas mais où l’on place des livres de prières ou de textes sacrés. Dans certaines communautés pour souligner son caractère symbolique ce fauteuil n’est pas posé à terre

Allemagne 1855Tradition ashkénaze. Papier découpé. Cette technique répandue pour des tableaux destinés à décorer les maisons et très rare pour la soucca en raison des intempéries d’automne. On notera d’ailleurs les traces de pluie. (GFC Trust)

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mais suspendu au plafond de la soucca. Un siège vide qui attend son invité, la comparai-son avec la coupe destinée au prophète Elie le soir du Séder, est incontestable et si certains appelaient ce meuble « chaise des ouchpizin » il a vite reçu le titre de « chaise d’Eliyaou » ren-forçant le lien entre la fête de Souccoth et celle de Pessah qui se manifeste par leur durée et date respectives (au 15 du mois hébraïque) mais surtout par la relation naturelle entre la sortie d’Égypte et le séjour dans le désert et en l’occurrence par l’injonction « que celui qui a faim vienne et mange ».

Signe des temps, il y a une vingtaine d’années est apparue la notion des oushpizot, équivalent féminin des oushpizin. C’est ainsi que dans de nombreuses souccot israéliennes sont invitées Sarah, Rebecca, Rachel, Léa, Myriam, Esther et Déborah (il existe des variantes) à rejoindre les Tzadikim. Ceux qui y verraient une mani-festation du féminisme de certains courants modernistes marginaux seront surpris de découvrir sous la plume de Sholom Rokeah (1779-1855) qui fut le premier Rebbe de Belz le passage suivant : « … de la même manière

qu’il est connu que les Patriarches sont évoqués dans la soucca, les Matriaches le sont aussi, ensemble ils apporteront grâce et miséricorde sur Israël ». (6) Il déduit cette exigence du ver-set :

« Vous demeurerez pendant sept jours sous des tentes ; tous les autochtones en Israël demeureront sous des tentes » (Lev. 23,42) et considère que l’expression « tous les autoch-tones » implique aussi bien les femmes que les hommes.

On voit à travers ces exemples comment un minhag qui n’est mentionné ni dans le Talmud ni dans le shoulhan aroukh et qui aurait pu comme tant d’autres disparaître ou rester confi-dentiel a su se rénover, se diversifier, enrichir sa signification pour être adopté par la majorité des communautés juives.

En Israël comme dans les écoles juives de diaspora jardinières d’enfants et enseignants ont pris conscience du potentiel pédagogique des oushpizin pour transmettre les valeurs qui

y sont attachées. Le thème est devenu l’un de ceux qui est enseigné à l’approche du mois de Tichri ce qui devrait assurer aux invité(e)s d’être longtemps encore les bienvenu(e)s. ■

Un grand merci à William (Bill) Gross qui avec sa générosité habituelle a bien voulu nous transmettre et nous autoriser à publier les illustrations des tableaux provenant de sa col-lection personnelle.

Cluj (Roumanie) vers 1930Tradition hassidique. Lithographie. Le choix des illustrations est souvent original tel la représentation du sacrifice d’Isaac et pour Joseph les entrepôts où était conservé le blé. (GFC Trust)

Notes à l’intention de ceux qui souhaitent approfondir le sujet :1. Yoma 12a2. Zohar Emor, 103-1043. Sept Justes bibliques sont considérés comme l’incarnation des séphiroth de Atzilout : Abraham - Miséricorde (‘Hésèd) Isaac - Force (Guevoura), Jacob-Beauté (Tiférèt),Moïse - Victoire (Nétza’h), Aaron - Gloire (Hod), Joseph - Fondation (Yessod), David - Royaume (Mal’hout) 4. Abraham : Kidoushin chap.4 - Isaac : Zevachim chap.5 - Jacob : ‘Houlin chap.7 - Moïse : Avoth chap.5 - Aaron : Midoth chap.5 - Joseph : Sotah chap.1 - David : Taanit chap.25. Zohar Emor 104a6. Midbar Kodesh

H i S T o i r e

U n p o r t r a i t d ’ A b r a h a m I b n E z r a

i l y a six mois environ, une de mes collè-gues, Patricia Stirnemann, spécialiste des manuscrits enluminés m’a posé quelques

questions à propos d’une image insolite qu’elle avait repérée dans le Psautier, dit de Blanche de Castille (Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, ms 1186).Ce tableau évoque une scène peu banale, la traduction d’un ouvrage d’astronomie, d’hé-breu en latin, en présence d’un savant juif. Au centre, un homme portant, semble-t-il, un couvre-chef, tient un astrolabe et une règle ; c’est le plus âgé et le plus impor-tant en raison de sa position, à la fois centrale et légèrement suréle-vée. Il est entouré de deux clercs tonsurés : sur la droite de l’image, un homme d’âge mûr, qui porte une longue tunique semblable à celle des maîtres, des chanoines et des érudits, est assis sur le même banc ; il présente un livre ouvert où l’on peut distinguer des ébauches de lettres hébraïques – on retrouve des « lettres » iden-tiques dans le Livre des Psaumes qui apparaît dans le même manuscrit, f. 30v ; à gauche, un jeune clerc, copie la traduction latine – il est glabre et porte une tunique tombant à mi-mollet qui découvre ses chausses, une parti-cularité signalant qu’il s’agit d’un clerc séculier.

Chacun des détails du tableau est un indice qui nous permet de recueillir des informations sur les différents personnages. Le savant juif est un astrologue et un mathé-maticien, les nombreuses étoiles dans le ciel complètent l’indication donnée par l’astro-labe, utilisé pour déterminer la position des astres. La présence de fleurs de lys souligne le contexte royal.

Qui peut- bien être ce savant juif ? Où et quand cet événement a-t-il eu lieu ?Le Psautier ne comporte aucune indication de date. Cependant, P. Stirnemann pense qu’il a été produit à Paris ou à Soissons, peu

après 1218, année de la mort tragique du fils aîné de Blanche de Castille, Philippe. Ce dernier y est représenté, le visage triste, dans une miniature décorant le calendrier qui ouvre le manuscrit (f. 4r). La scène a donc forcément eut lieu avant. Ce qui frappe également dans ce manuscrit, ce sont les nombreuses décorations qui font référence à la cour d’Angleterre, et notamment aux armoiries d’Aliénor d’Aquitaine et Henri II, les grands-parents de Blanche de Castille pour qui le manuscrit fut produit.

Au XIIe siècle, en France du nord, peu de juifs lisaient et comprenaient le latin ; ils lisaient et écrivaient en hébreu mais ils parlaient le vieux français qui était la langue vernaculaire du pays où ils habitaient ; quand ils voulaient écrire du français, ils utilisaient fréquemment des caractères hébreux, à l’instar de Rashi qui a inséré de nombreux mots en vieux français dans ses commentaires bibliques et talmu-diques. La situation était un peu différente dans les autres pays latins, les érudits juifs qui habitaient l’Italie, l’Espagne et le Portugal

et parlaient donc les langues de ces pays, ne pouvaient pas ne pas comprendre le latin qui y ressemblait beaucoup.

C’était notamment le cas d’Abraham Ibn Ezra dont on sait qu’il a dicté la traduction latine d’un de ses ouvrages, Keli ha-neho-shet, à un scribe qui le mentionne dans le texte latin lui-même : comme Abraham notre

maître « magister noster » qui expliquait la disposition des astro-labes, que nous avons consignée. Érudit et curieux de tout, Abraham Ibn Ezra était poète, exégète, grammairien, philosophe, mathé-maticien et astronome. Né en 1089 à Tudèle, capitale de la Navarre, il s’est formé à Cor-doue où il a reçu une éducation religieuse et scientifique dans la plus pure tradition d’Al-Andalus. On suppose qu’il a ensuite vécu en Espagne et au Maghreb de sa plume de poète. En 1140, il arrive en Europe chrétienne et les premiers de ses ouvrages qui nous sont parvenus datent de cette époque. C’est à Rome, étape initiale d’une vie de savant itinérant, qu’il se fait connaître sur la scène littéraire, alors qu’il a déjà 50 ans. Il séjourne ensuite en Provence (1148-1153) et en France du nord (1154-1156), avant de rejoindre l’Angleterre en 1158. Il ne cesse d’enseigner

et d’écrire abondamment sur des sujets très variés. Deux chercheurs, Gad Freudenthal et Shlomo Sela, ont reconstitué assez précisé-ment le trajet d’Abraham Ibn Ezra, de Rome jusqu’en Angleterre, en recueillant dans les manuscrits qui les avaient conservées, les indications de lieu et de date que l’auteur renseignait au moment où il rédigeait ses ouvrages. On citera, à titre d’exemple, les mots par lesquels Abraham Ibn Ezra a intro-duit son responsum, Iggeret ha-shabbat : « Ce fut au cours de l’année 4919, au milieu

■ J u d i t h K o g e l

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de la nuit du vendredi, 14e jour du mois de Tevet [7 décembre 1158], alors que je me trouvais, moi Abraham l’espagnol Ibn Ezra, dans une des villes de l’ile que l’on nomme qese ha-ares [traduction littérale pour Angle-terre] … ».

Ainsi, on sait que le Tractatus de astrola-bio fut dicté en 1154, à Rouen ; le Liber de rationibus tabularum II a été écrit en 1154, à Angers ; le Liber de nativitatibus en 1154, à Rouen également, etc. Ce dernier ouvrage a joué un rôle très important car il a fait connaître à l’Occident latin, la « doctrine des nativités » et le « système d’horosco-pie continue des nativités », développés en Grèce et en Perse puis adaptés en arabe, une langue qu’Ibn Ezra maîtrisait parfaitement. La doctrine de nativités fait des prédictions cou-

vrant toute la vie de l’individu, en comparant l’horoscope de sa naissance à ceux établis pour chacun de ses anniversaires. Si l’image représente effectivement Abraham Ibn Ezra traduisant un de ses ouvrages, elle évoque un événement qui a eu lieu dans un contexte anglo-normand (Rouen et Angers), puisque la Normandie faisait partie du royaume Plan-tagenêt qui allait de l’Ecosse aux Pyrénées. Ce que nous savons, par ailleurs, c’est que le savant Adélard de Bath (1080-1152), qui connaissait les textes scientifiques arabes, avait dédicacé son ouvrage sur l’astronomie et les mathématiques au futur roi d’An-gleterre, Henri Plantagenêt. Il est dès lors vraisemblable que la réputation de l’érudit Abraham Ibn Ezra, qui se trouvait dans l’em-pire angevin, soit parvenue jusqu’à Henri II et que la cour d’Angleterre ait souhaité profiter

de son enseignement. Ce serait possiblement dans ce cadre qu’il aurait franchi la Manche.

Le souvenir de cet épisode a été immorta-lisé cinquante plus tard dans un magnifique ouvrage destiné à Blanche de Castille, la petite-fille d’Aliénor d’Aquitaine et d’Henri II. ■

Pour de plus amples informations :• Gad Freudenthal et Shlomo Sela, « Abraham Ibn Ezra’s Scholarly Writings: A Chronological Listing », Aleph: Histo-rical Studies in Science and Judaism 6 (2006), p. 13-55.• Shlomo Sela, Abraham Ibn Ezra and the Rise of Medieval Hebrew Science, Brill, 2003.• En hébreu : http://www.daat.ac.il/encyclopedia/value.asp?id1=2038 qui renvoie à d’autres sites.

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P o L i T i q U e

B y z a n c e à A n k a r a : l e c o n f l i t e n t r e i s l a m i s t e s e n T u r q u i e

r écemment, un de mes amis de la kehilla Etz Hahayim d’Istanbul1 me faisait la remarque suivante à propos de la ten-

tative du coup d’état du 15 juillet : « Nous ne savons pas où nous allons, et nous ne savons même pas ce qui s’est passé. à part cela, les choses continuent comme d’habitude dans la communauté ». Le journal de l’ensemble de la petite communauté de Turquie (18 000 per-sonnes), Shalom, avait dans son numéros du 20 juillet violemment condamné la tentative de coup d’Etat ; une semaine plus tard, plus question de parler des évènements doulou-reux et de leurs tragiques conséquences qui se déroulaient alors. Le journal titrait sur l’accord de réconciliation entre Israël et la Turquie. Les juifs d’Istanbul, traditionnellement peu enga-gés dans la politique, observent, pour l’instant tout au moins, en spectateurs, la vaste cam-pagne de répression et d’arrestations qui secoue la Turquie depuis plus de deux mois.

Dans les paragraphes qui suivent, je voudrais essayer de commenter la réflexion de mon ami qui me paraît tout à fait pertinente.

Dans l’Orient compliqué, que ce soit à Istanbul ou à Ankara, on n’est jamais très loin de Byzance ; rien en politique n’est transparent. Depuis toujours, les théories de la conspiration vont bon train. Un terme consacré en Turquie, « l’État profond », fait référence à des structures souterraines où se trouverait la réalité du pouvoir politique, les institutions officielles, le gouvernement, le parlement, n’étant qu’à la surface des choses. Il n’y a pas si longtemps, « l’État profond » évoquait soit la police secrète, des confréries ottomanes, la CIA ou une coalition de généraux. Aujourd’hui, le président Erdogan affirme que le coup d’état avorté était l’œuvre d’une « structure paral-lèle », une organisation religieuse, à la tête de laquelle se trouve Fetullah Gülen, un imam

exilé aux Etats-Unis depuis la fin des années 1990. Fetullah Gülen dément formellement avoir quoi que ce soit à voir avec la tentative de putsch militaire qu’il a condamné, dans une tribune du journal Le Monde également, et avec les sympathisants du mouvement qui auraient trempé dans la conjuration. Dans les déclarations qui ont été faites durant la nuit du 15 juillet, les putschistes parlaient le lan-gage des forces laïques, celle des généraux Kémalistes (du nom de Mustapha Kemal dit Atatürk). Sans doute était-ce pour donner le change ; il semble en effet que l’opinion en Turquie soit persuadée que le coup était pré-paré par les « Gülenistes ». à cette conviction, s’en ajoutent d’autres beaucoup plus problé-matiques, qui relèvent de la théorie du complot pure et simple, comme par exemple le fait que

■ P ier re Lazar

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P o L i T i q U e

Gülen aurait préparé le coup avec l’aide de la CIA, les États-Unis souhaitant voir l’imam de Pennsylvanie prendre le pouvoir à la place d’Erdogan ; la preuve en serait le manque d’empressement du président Obama, ainsi que des dirigeants européens, à soutenir son homologue turc après le putsch avorté.

En France et ailleurs en Occident, par contre, beaucoup de gens sont sceptiques ; ils découvrent, pour la plupart, Fetullah Gülen dont ils n’avaient pratiquement jamais entendu parler, et sont surpris qu’un person-nage aussi peu visible ait pu concentrer tant de pouvoirs dans des secteurs aussi divers que la justice, la police, l’éducation et l’armée. C’est une situation difficile à comprendre, notam-ment pour les Français dont le personnel politique est désespérément le même depuis 30 ans. Dans un tel contexte, on conçoit que beaucoup pensent qu’Erdogan aurait facilité ou même simulé un putsch de manière à jus-tifier les arrestations de ses opposants. S’il est vrai qu’il a sauté sur l’occasion providentielle qui s’offrait à lui pour neutraliser toute oppo-sition, il me parait peu probable qu’Erdogan ait lui-même provoqué la tentative de coup d’état. En effet, il prenait un grand risque à laisser faire une opération qui aurait facilement pu échapper à son contrôle – il suffit de voir la violence de la nuit du 15 juillet. Ensuite, durant cette nuit, il s’est retrouvé étonnamment seul et vulnérable. Les putschistes ayant pris le contrôle de la télévision officielle, il fut réduit à communiquer de manière surréaliste sur la chaîne de télévision CNN turc, qu’il avait tou-jours vouée aux gémonies et même menacée de fermeture : on le voyait parler en direct sur son smartphone que la journaliste de la chaine turco-américaine présentait aux cameras de la télévision. On imagine que s’il avait orchestré le coup, Erdogan, habituellement très sûr de lui, aurait trouvé un moyen plus glorieux de communiquer. Enfin, l’échec du coup tient beaucoup à la mobilisation populaire ainsi que l’appel des mosquées à sortir dans la rue et à bloquer les tanks des putschistes, quelque chose qu’il était à la fois difficile de prévoir et surtout, d’orchestrer à l’avance. Si l’on exclut la possibilité d’un coup d’état monté par le pouvoir, peut-on néanmoins considérer qu’il a été préparé par les partisans de Fetullah Gülen ou encore mieux par Gülen lui-même ?

Avant d’essayer de répondre à cette question, il nous faut retourner vers le début

des années 1970, au moment où a commencé l’islamisme turc. Deux courants se sont déve-loppés principalement. Le courant dit de l’islam politique, représenté alors par Necmet-tin Erbakan, un antisémite virulent et mentor du jeune Recept Tayip Erdogan (Erdogan). Erdogan, a commencé sa carrière politique en tant que leader des jeunes étudiants du mouvement dirigé par Erbakan, puis est rapi-dement devenu maire d’Istanbul toujours dans le cadre du parti d’Erbakan. à côté de l’islam politique, Fetullah Gülen, alors prédicateur isla-miste, a créé un nouveau courant de pensée qui mettait l’accent sur la transformation de la société par l’éducation et la société civile. Dans ses nombreuses écoles, il a encouragé l’enseignement des matières profanes, en particulier des sciences, en même temps que l’enseignement religieux. On estime le nombre des établissements se réclamant de son mou-vement à un millier à travers le monde (il y aurait deux écoles Gülénistes à Strasbourg). Le mouvement de Fetullah Gülen ressemble donc dans un premier temps, à celui des jésuites ou de l’Opus Dei. C’est en tous cas, comme cela, qu’il a longtemps été présenté dans les pays occidentaux.

Gülen a progressivement développé des liens avec des leaders de la com-munauté juive en Turquie et aux États-Unis. Dès l997, Abraham Foxman, le dirigeant de l’Anti Defamation League a déclaré qu’il était « un homme modéré aux vues raisonnables et capable de mener l’Islam dans la bonne direction ». Il semble qu’il a pu rencontrer le pape Jean-Paul II en 1998, grâce à l’aide des juifs américains. Les juifs turcs, étaient dans un premier temps plus réservés, sans doute parce qu’ils connaissaient les nombreux textes et interventions antisémites que Gülen avait faites dans les années 19702. Toutefois, vers la fin de la première décennie des années 2000, les portes parole de la communauté juive ont rejoint le chœur des admirateurs, et ont rendu hommage au rôle des Gülenistes dans la lutte contre les antisémites3. Ainsi, bien que son mouvement ait pour but ultime la réislamisa-tion de la Turquie, Gülen est devenu, en partie grâce aux juifs, un islamiste acceptable.

Fetullah Gulen est-il un maître du double langage, ou peut-on parler de conversion qui serait intervenue depuis son arrivée aux États-Unis4 ? Comme toujours dans ce genre de cas, il est bien difficile de

faire la part des choses. Encore faut-il définir ce qu’on appelle « conversion ». Parle-t-on d’une conversion sincère ou d’une conversion de cir-constances ? Paris ne vaut-il pas une messe ? Il me semble évident, qu’en fin politique, Fetul-lah Gülen, a très vite compris qu’il fallait mettre en sourdine les thèmes antisémites, porteurs en Turquie mais beaucoup plus embarrassants dans le contexte américain. D’autant plus qu’il s’est trouvé devant une occasion unique de pouvoir utiliser la force du lobby juif auprès du monde politique américain, les deux étant désespérément en quête d’un islam modéré. Il est même possible que le soutien du lobby juif américain n’a pu que renforcer sa croyance en un pouvoir occulte des juifs.

Mais derrière l’apparence de tolérance, des ex-Gülenistes décrivent une organisa-tion strictement hiérarchisée, une obsession du secret et une stratégie d’infiltration dans toutes les administrations du pays, particulièrement dans la justice et dans la police5. L’emprise du mouvement s’est renforcée avec l’arrivée au pouvoir d’Erdogan, qui ne disposait pas, en 2003, de cadres en nombre suffisant et se trouvait face à une administration encore largement kémaliste, donc hostile. Le mouve-ment Gülen a offert le soutien de ses cadres au sein de l’administration en échange du renforcement de ses propres positions dans l’administration, la police, la justice et l’armée, et l’augmentation du nombre de ses écoles.

Toutefois, après plusieurs années d’entente cordiale, les relations se sont pro-gressivement dégradées. En 2010, au moment de l’arraisonnement du Mavi Marmara par Tsahal, Gülen a critiqué la position officielle en se déclarant contre le projet d’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza sans l’assenti-ment des autorités israéliennes. Une autre fois, comme Israël, il critique la nomination du chef des services secrets, jugé trop proche de l’Iran. Certains analystes politiques y voient l’influence d’Israël6. Gülen s’oppose enfin au projet de présidentialisation du régime, voulue par Erdogan. L’alliance entre Gülen et Erdogan est rompue en 2013 lorsque les médias Gülenistes prennent fait et cause pour les manifestants qui s’opposent à la transfor-mation en centre commercial du parc de Gezi, un des rares espaces verts subsistant au centre d’Istanbul7. Erdogan riposte en interdisant les cours de préparation à l’université contrôlés par les Gülénistes. Suivent alors une série d’at-

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taques et de contre-attaques où les proches d’Erdogan, y compris un de ses fils, se trouvent accusés de corruption, notamment dans des cas de trafic de pétrole avec l’Iran. Erdogan, de son côté, multiplie les mutations de fonc-tionnaires de la police et de la justice jugés trop proches du « mouvement » et modifie les règles concernant l’administration judiciaire. La guerre entre islamistes se poursuit en 2014 et 2015 avec l’arrestation, par des policiers partisans de Gülen, de plusieurs convois de camions chargés d’armes à destination de la Syrie. Enfin, en décembre 2015, le gouverne-ment fait arrêter des dirigeants Gülenistes et délivre un mandat d’arrêt international contre Fetullah Gülen.

On comprend maintenant que les accu-sations selon lesquelles le « mouvement » serait à l’origine de la tentative de coup d’état ne sont pas purement fantaisistes, bien qu’en l’absence de preuves tangibles il soit difficile de se faire une opinion. La plupart des gens en Turquie, y compris les membres de la commu-nauté juive à qui j’ai pu parler, sont persuadés que cette tentative était bien l’œuvre du mou-vement Gülen. Pour certains, le coup d’état a été préparé par un groupe de Gülenistes dis-sidents et quelques autres comploteurs ayant des motifs divers, sans que Fetullah Gülen lui-même ait été au courant8. Il ne semble pas, par contre, que les autorités américaines aient été convaincues par les preuves que leur aurait apportées le gouvernement turc dans leur demande d’extradition de Fetullah Gülen. Il est clair, cependant, comme on a pu le voir, que la liquidation du parti Güleniste, était un objectif d’Erdogan, bien avant cette tentative de coup d’état, et il semble, par ailleurs, qu’un certain nombre de militaires liés au « mouve-ment » étaient sur le point d’être limogés.

Quelles que soient les ambiguïtés de Fetullah Gülen et quel que soit le sort de son mouvement, le fait qu’il apparaisse aujourd’hui comme l’adversaire principal d’Erdogan, montre que les contre-pouvoirs laïcs qui avaient existé pendant si longtemps, ceux des kémalistes, de l’armée et de la rue, à l’exception peut-être du mouvement kurde, ont pratiquement disparu. Les énormes purges en cours depuis la fin juillet dans la police, l’éducation, la justice signifient-elles la fin d’une justice indépendante et le déclin d’un système éducatif ouvert qui semblait se développer dans quelques universités ?

Quelles seront les conséquences des purges dans l’armée après celles déjà considérables des années 2012 et 2013 ? Dans une inter-view au journal « die Welt am Sonntag », Dani Rodrik présente deux scénarios pour l’avenir de la Turquie. Le meilleur scénario possible, selon lui, est l’évolution vers un modèle de type Malaysien, économiquement prospère et culturellement conservateur, certainement pas une démocratie et un régime peu tolérant pour les minorités9. Il pourrait également y avoir un scénario pessimiste, celui d’une guerre civile entre les différents groupes ethniques, Sun-nites, Alawites et Kurdes. La Turquie suivrait alors le sort de ses voisins moyen-orientaux.

La Turquie est un pays où ont vécu pen-dant des siècles de nombreux groupes ethniques et des minorités religieuses. Sous l’empire Ottoman, les communautés religieuses jouissaient d’une certaine autono-mie, dans les limites toutefois de la charia et notamment du statut de dhimmi. Depuis la création de la République Turque par Atatürk en 1923, les minorités, et notamment les chrétiens et les Juifs, jouissent d’une égalité de droits. Toutefois, on sait ce qu’il est arrivé aux Arméniens. Les juifs, quant à eux, qui ont pour beaucoup été formés dans les écoles de l’Alliance Israélite Universelle, avaient mis beaucoup d’espoir dans l’émergence d’une

république laïque inspirée du modèle fran-çais. Malheureusement, ils ont vite été déçus, subissant dès 1934 d’importantes émeutes antijuives qui ont mené à l’exil (vers Istanbul) pratiquement toute la population juive de la région des Dardanelles et de la Thrace. Durant la deuxième guerre mondiale, sans être inquié-tés comme en Europe, ils ont néanmoins subi des politiques discriminatoires, notamment dans le domaine de la conscription militaire et de la fiscalité. Un impôt sur le capital fut intro-duit en 1942 en principe pour lutter contre les profiteurs de guerre et le marché noir, mais en pratique il ne fut appliqué qu’aux seuls juifs et avec des taux d’imposition arbitraires et exorbitants. Beaucoup de juifs furent ruinés et ceux qui ne pouvaient pas payer furent déportés dans des camps de travail dans l’est de l’Anatolie. Les prisonniers ne furent libérés qu’en 1943 après qu’un article du New York Times ait dénoncé ces pratiques. Il n’est donc pas étonnant, qu’à la fin de l’année 1948, la moitié de la population juive de Turquie soit partie pour Israël. Aujourd’hui, il reste moins de 18 000 juifs sur près de 80 millions d’ha-bitants, tandis qu’en 1927, il y avait 80 000 juifs sur une population de 13,5 millions d’ha-bitants. Avec la montée du pouvoir islamiste, et surtout les derniers évènements, l’émigration juive s’est accélérée. Il serait illusoire de penser qu’elle va s’arrêter là. ■

1. Voir mon article dans Montevideo31 de septembre 2011.2. Un court extrait suffira pour comprendre qu’il ne s’agit pas là de textes antisémites « modé-rés » si tant est que l’expression ait un sens : « Mise à part leur incurable hostilité à l’Islam et aux Musulmans, les juifs, qui regardent avec mépris leur propres prophètes dont ils ont tué nombre d’entre eux, vont terminer dans la position de nazis et chercheront un endroit pour se cacher aux quatre coins de la terre ». Ma traduction depuis l’anglais de la traduction du texte turc par Pinar Dogan et Dani Rodrik : Fetullah Gülen, the Jews and hypocrisy. Blog ”Bayloz Davasi ve Gerceler’. 5 avril 2012. Dani Rodrik, né à Istanbul dans une famille sépharade est un professeur d’économie à Harvard. Un des meilleurs économistes actuels, on parle de lui pour le prix Nobel.3. D’après le livre remarquable de Nicolas Cheviron et de Jean-François Pérouse : Erdogan, nouveau père de la Turquie, éditions François Bourin, 2016.4. C’est l’opinion, semble-t-il du grand-rabbin de Turquie Ishak Haleva. Voir Efrat Aviv, opus cite. Il convient de remarquer, toutefois, que les dirigeants de la communauté juive en Turquie ont eu souvent pour politique de refuser d’admettre de manière publique l’importance de l’antisémitisme en Turquie. D’une manière caractéristique, un de mes amis qui ne voulait pas se prononcer sur l’antisémitisme de Fetullah Gulen, m’a dit qu’il était très clair par contre que le numéro deux du « mouvement » était un antisémite virulent.5. Voir Nicolas Cheviron et Francois Pérouse, op. cité.6. Pour ajouter à la confusion, le journal Zaman, principal organe de la presse Gülen, a généra-lement adopté une ligne très dure, islamiste, contre Israël. 7. Voir mon article dans Montevideo31 sur ce sujet en 2013.8. Voir : Is Fetullah Gülen behind Turkey’s coup? 22 juillet 2016. Et aussi : Is the US behind Fetullah Gülen, 30 juillet 2016. Dani Rodrik weblog.rodrik.typepad.com9. Dani Rodrick : « Ein Eu-Betritt der Turkei schliesse ich aus ». Die Welt am Sonntag. 1er août 2016.

é C o n o m i e

L’ e x p u l s i o n d e s j u i f s : c a u s e d u s o u s - d é v e l o p p eme n t é c o n om i q u e

P our les communautés juives euro-péennes, le Moyen-âge a été synonyme de discrimination, de per-

sécution et parfois d’expulsion. Des villes et parfois des pays entiers ont interdit leur territoire aux juifs, poussant ceux-ci à l’im-migration (cf. carte).

Une étude1 récente du professeur Luigi Pascali, économiste à l’Université de Warwick et à l’Université Pompeu Fabra de Barcelone, établit un lien de causalité entre le fait d’avoir chassé les Juifs au Moyen-âge et le fait d’avoir une prospé-rité économique plus faible aujourd’hui. Il démontre en effet que les villes italiennes qui ont toléré la présence des communau-tés juives et leur ont permis de s’épanouir ont connu un développement économique plus marqué, dont les effets se font encore ressentir aujourd’hui.

Son analyse repose sur l’observation de l’accroissement des disparités écono-

miques entre le nord et le sud de l’Italie, à partir du XVIe siècle, et en particulier à partir du moment où le Royaume de Naples passe sous le contrôle des rois d’Espagne, dont la politique vis-à-vis des juifs reposait sur un choix simple : la conversion au christianisme ou l’exil. A l’inverse, le nord de l’Italie, longtemps dominé par le Royaume de France et par des cités Etats indépendantes, était beau-coup plus accueillant pour les juifs.

A cette même époque, plusieurs édits ecclésiastiques interdirent aux chrétiens la pratique du prêt à intérêt, qui devint de facto un domaine de « compétence » juive.

Ceci explique la naissance de l’industrie bancaire dans le nord de l’Italie. Or, ainsi que le démontre Pascali, la densité des banques au niveau local a un effet positif sur la productivité de l’économie locale. Le développement des banques au nord de

l’Italie a constitué le moteur de la crois-sance économique de la Renaissance.

La thèse du Professeur Pascali va encore plus loin dans la mesure où il évalue l’im-pact sur le développement économique de la présence, ou non, d’une communauté juive pour chaque ville d’Italie. Il en tire la conclusion que, si le Royaume espagnol de Naples n’avait pas expulsé les juifs du sud de l’Italie, le Produit Intérieur Brut (PIB) de cette région serait aujourd’hui supérieur de 7 %. Il explique en outre que l’expulsion des juifs d’Italie du sud au XVIe siècle explique a minima 10 % de l’écart du PIB entre Italie du nord et Italie du sud en 2016.

Si son étude repose uniquement sur le cas de l’Italie, il estime que des conclusions identiques pourraient s’appliquer pour les

autres pays européens qui expulsèrent des juifs. ■

■ A n t h o n y G r i b e

1. Luigi Pascali, The Review of Economics and Statistics, Mars 2016, Vol. 98, Pages 140-158.

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C o m m e n T a i r e S

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■ Marc Kogel

à p r o p o s d e . . . S i v a n R a h a v M e i r

Après vous avoir présenté Avivah Gottlieb Zornberg dans notre numéro précédent, je poursuis ma recherche de commentaires originaux en hébreu, mais cette fois, c’est d’une journaliste dont je vais vous entre-tenir.

S ivan Rahav Meir anime une émis-sion d’information sur la chaine TV Aroutz 2, écrit dans Yediot Aharonot

et on peut écouter son cours de parachat hashavouah au Hechal Shlomo le mercredi soir ou à Tel Aviv le dimanche soir.Bien sûr, elle s’exprime et écrit en Ivrit, mais sa diction, son style et son vocabu-laire sont faciles à comprendre. Et on peut se rattraper en lisant l’essentiel de ses commentaires sur le site http://leeba.org.il/artist

Elle introduit son propos le plus souvent en rapportant des commentaires traditionnels, en les interprétant à la lumière du sionisme religieux. Tout en citant de nombreux rabbins de la mouvance sioniste, ses com-mentaires sont émaillés de faits issus de l’actualité de la semaine, moins pour don-ner un sens moderne à des textes anciens, que pour faire passer de l’émotion et frap-per l’imagination de ses auditeurs quand

ils lisent les récits bibliques, sans y prêter suffisamment d’attention.En excellente communicatrice, elle utilise abondamment des anecdotes personnelles dont elle émaille ses propos, autant pour capter l’attention que créer une complicité avec son auditoire.

Son féminisme sans être militant et reven-dicatif, part de l’évidence du texte ; ainsi rapporte-t-elle par exemple dans son commentaire sur Balak : il est dit que la génération sortie d’Egypte a été condam-née à mourir dans le désert, après la faute des explorateurs qui ont médit de la terre d’Israël, mais il faut noter que les explorateurs envoyés par Moïse étaient tous des hommes, par conséquent seuls les hommes ont été punis, les femmes ont survécu. Ainsi Rahav Meir en déduit que la génération de Josué est composée d’hommes jeunes et de femmes de tous âges, dont les veuves de ceux qui sont sortis d’Egypte. De là, il n’y a qu’un pas pour supposer que si Moïse avait envoyé des femmes comme explorateurs, la catas-trophe aurait pu être évitée !

Sa formation de journaliste lui fait aborder des sujets accessibles au grand public et elle cherche à expliquer le texte en fonc-

tion des préoccupations de sa génération et du moment, ce qui rend son commentaire vivant et stimulant.

Comme sioniste convaincue, elle parle avec passion et enthousiasme de tout ce qui est en rapport avec le pays d’Israël. Sur le plan de la communication, le ton emphatique et le débit rapide de sa voix font que l’on ne s’ennuie pas au cours des 50 minutes que dure son intervention. Et si vous suivez les vidéos de ses interventions, vous observe-rez également son « body langage » qui est saisissant.Les thèmes abordés sont simples à comprendre, on est loin de l’approche universitaire et sophistiquée d’une Aviva Gottlieb Zornberg, ou des commentaires profonds, universels et imprégnés de culture occidentale du Grand Rabbin Jona-than Sacks. Les centres d’intérêts principaux de Rahav Meir, me semblent participer à une critique de la société israélienne actuelle. Ainsi les thèmes récurrents de ses interventions tournent souvent autour du problème de leadership, qu’est-ce qui fait qu’un leader soit « inspiré » ? Comment un véritable leader doit se comporter ? Autant dire que les leaders politiques font souvent figure de contre-exemple !Son commentaire trouve un large écho en Israël et un public nombreux se presse à ses cours et lit le compte rendu de ses interventions.

Je vous encourage, pour ma part, à vous faire votre propre opinion. Vous pouvez consulter les cours de parachat hashavoua de Sivan Rahav Meir sous forme textuelle condensée sur le site leeba.org, ou en version complète sous forme d’enregis-trement sonore téléchargeable ou vidéo consultable sur youtube. ■

C i n q U a n T e a n S a P r è S

D e s p a r o l e s a u x a c t e s P a r l e R a b b i n J e a n S c h w a r t z

■ Tra i t d’Union 1965

C oup sur coup, en l’espace d’une seule année, deux rabbins éminents ont été ravis à leurs familles et à leurs Com-

munautés, les rabbins Rubinstein et Stern. Leur disparition a affecté leurs familles, mais également – au-delà – l’ensemble de la Com-munauté Traditionaliste de Paris. Aussi, est-ce avec une grande satisfaction que nous avons appris la nomination à la tête de synagogue de la rue Pavée du rabbin Rottenberg d’Anvers. Ainsi se trouvait être obturée l’une des deux grandes brèches si tragiquement ouvertes dans les flancs du traditionalisme.

L’installation du rabbin Rottenberg à la tête de sa Communauté a été l’occa-sion d’une manifestation importante à laquelle assistèrent des représentants – rabbins et laïques – des Communautés traditionalistes de Paris, de province et aussi de l’étranger. Comme il se doit, des discours ont été prononcés par le président de la Communauté, le consul d’Israël, M. Zvi Locker, le grand rabbin Jaïs, les rabbins Horowitz de Strasbourg et Munk de Paris, puis par le rabbin Rottenberg. On peut dire que, mis à part le Président de la Communauté, qui pré-cisa que leur rabbin était reconnu par un certain nombre d’autres Communautés « orthodoxes » qui voyaient en celui-ci « leur chef religieux (mara deatra), président d’un Tribunal rabbinique s’occupant des questions de cacherout, de mariages et de divorces », tous les autres orateurs prônèrent l’union et la collaboration avec toutes les bonnes volontés.

A juste titre, le grand rabbin de Paris insista sur l’effort immense et les réalisations éten-dues du Tribunal rabbinique de Paris, dans le

En janvier 1965, le Trait d’Union publiait un billet de Jean Schwartz, rabbin de la Communauté Ohel Avraham, qui exprime son scepticisme et ses doutes quant à la volonté du nouveau rabbin de la rue Pavée d’accepter l’unité de la cacherout parisienne sous l’égide du Tribunal rabbinique de Paris… ce que l’avenir devait confirmer.

domaine de la cacherout surtout, afin de pou-voir répondre à toutes les demandes d’une population juive qui va en s’accroissant et qui comprend à l’heure actuelle plus de 100 000 consommateurs de viande cachère. « C’est là dit-il, une masse de frères que l’on n’a pas le

droit de négliger et qui ont droit à toute notre sollicitude dans tous les domaines, mais dont il nous faut surtout maintenir et renforcer les liens avec la Communauté, sinon nous aurons la grande responsabilité de leur assimilation et leur perte irrémédiable ». Le rabbin Horowitz, chef du Tribunal rab-binique de Strasbourg, se basant sur une « expérience de 18 ans dans une Commu-

nauté occidentale », exhorte le récipiendaire à la collaboration avec ceux qui « n’ont peut-être pas tout-à-fait la même optique, mais qui néanmoins travaillent dans le même sens que nous. Nos rangs doivent être renforcés, mais non sur le compte des autres. Nous devons

apporter un complément, mais non nous élever en abaissant les autres. Chaque bougie de ‘Hanouca s’ajoute à la pré-cédente pour renforcer la lumière, mais ne prend pas la place de celle qui brûlait avant elle ». C’est dans le même sens que parla le rabbin Munk. Et le rabbin Rottenberg lui-même précisa : « qu’il ne vient que pour ajouter son effort à celui déjà fourni par d’autres qui travaillent dans le même domaine, que pour appor-ter son aide et son soutien à tous ceux qui œuvrent pour insuffler l’amour de la Torah et d’Israël dans la Communauté ».

En sortant d’une telle manifestation, on ne pouvait que se sentir réconforté : lo almann Yisraël : La Communauté d’Israël ne manque pas de grands hommes…

Ce furent effectivement de belles et touchantes paroles. Comme on voudrait rester sous leur charme, une fois sorti de la synagogue !

On ne peut, en effet, ne pas admirer – et il est bon qu’une fois on le dise publiquement – tout le travail anonyme et désintéressé accompli par le Tribunal rabbinique de Paris dans le domaine de la cacherout. Sans ména-ger aucun effort, personnel ou financier, ne prenant en considération avant toutes choses, que les besoins religieux d’une population juive, D-ieu merci fort importante, il a mis sur pied une organisation solidement structurée, absolument impeccable au point de vue reli-

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gieux, pouvant donner satisfaction aux plus exigeants, de façon à ce que chacun, avec le plus de facilité possible, puisse respecter les lois alimentaires. Certes, il ne se cache pas qu’il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine, qu’il lui faut étendre le champ de ses activités, disperser les points de vente, contrôler un plus grand nombre de produits, en faire importer pour Pessa’h, faire dispa-raître les abus, agir sur le prix, etc. Aussi est-ce avec satisfaction qu’il accueille les appuis, les aides de toutes les bonnes volontés qui veulent travailler « épaule contre épaule », dans le même sens que lui pour étendre le domaine de ses réalisations.

De la sorte, le Tribunal rabbinique de Paris – et c’est en témoin de l’extérieur que nous l’affir-mons – mène la seule politique religieuse qui puisse garantir l’avenir. Elle doit être considé-rée, en effet, comme périmée définitivement la politique du « chtibel », de ces embryons de

Communautés, désirant – pour des raisons de prérogatives et d’honneur surannées – avoir chacun sa propre « organisation », sa propre hiérarchie, son Tribunal rabbinique, sa cache-rout, sa surveillance, etc. User nos forces de la sorte, c’est en réalité moins agir en faveur de quelques fidèles, que contre la Communauté dans son ensemble. Les rabbins n’ont plus le droit religieux et moral de se contenter d’as-surer le salut et les besoins religieux d’une poignée de Juifs et de se désintéresser des nécessités de l’ensemble de la Communauté. Ce n’est plus leur nom qui compte, ni même celui de leur propre Communauté, mais celui de la grande Communauté juive, les sefardim comme les ashkenazim, aussi exigeants les uns que les autres sur ce terrain et qui ne pardonneraient pas à leurs dirigeants de les avoir négligés en bloc, au profit de quelques particuliers. Le « clal », la masse, doit avoir la priorité dans nos préoccupations, même au détriment, s’il y a lieu, des prérogatives de

telle ou telle autre Communauté particulière, dans quelque domaine que ce soit.

… Mais en réalité, n’avons-nous pas l’air d’enfoncer des portes ouvertes ? Les paroles entendues de la bouche de tant de chefs spirituels ne sont-elles pas garantes de leur volonté délibérée et inébranlable d’union et de coopération au service de la grande Com-munauté dans son ensemble ? Prononcées en une telle circonstance, devant l’Arche sainte, en présence d’une multitude de responsables communautaires et de fidèles, ne reflètent-elles pas, sans aucun doute possible, le fond de leur pensée ? Seuls de mauvais esprits pourraient supposer le contraire. Aussi, demain, nous en sommes sûrs, la Com-munauté juive de Paris, dans sa totalité, ne connaîtra qu’un Tribunal rabbinique, une seule cacherout, un seul « he’hchère », comme elle ne connaît qu’une seule Torah. ■

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H U m o U r

L a p a g e d ’ A v i d a n■ Résumé des fêtes de Tichri : si tu pries bien, à Soukkot, le Ciel cédrat.

■ J’avoue, après avoir posé des jours de congés pour toutes les fêtes de Tichri, je me force un peu pour me « réjouir dans les fêtes ».

■ Les 40 jours de selihot pour les séfarades, c’est juste un bon prétexte pour s’épargner le stress matinal de la rentrée scolaire.

■ La meilleure choule à Kippour, c’est celle qui finit le plus tôt.

■ Vu le nombre d’attaques terroristes en ce moment, on devrait peut-être être dispensé de grenade à Roch Hachana ?

■ Dans l’immensité de l’univers, il a fallu que les terroristes naissent sur la même planète que nous...

■ J’aurais pas aimé être à la place de Dieu quand Élie Wiesel est arrivé devant Lui.

■ La seule façon discrète que j’ai trouvée pour me débarrasser des travaux manuels faits par mes enfants, c’est de déménager.

■ Mes dernières vacances étaient géniales. Mes beaux-parents étaient là, j’ai donc pu me plaindre tout le temps.

■ L’opéra, c’est vraiment pas un gâteau que j’apprécie. La preuve, c’est qu’à la 3e part, j’en ai un peu marre.

■ Plus fier et plus susceptible que le corse, j’ai nommé le juif marocain.

■ Je ne dis pas qu’il pleut trop, je dis seu-lement que j’ai un mikve dans ma cave.

■ A force de s’attaquer aux flics, aux homosexuels et aux juifs, on va finir par croire que les terroristes en ont même après les gens normaux !

■ Au foot, notre revanche sur l’antisémi-tisme, c’est le match Allemagne - Pologne. On sera content quel que soit le perdant.

■ Proverbe ashkénaze : le judaïsme se transmet par l’amer.

■ Est ce que l’eau de la Seine, cette année, c’est un bon cru ?

■ L’agence juive devrait porter plainte contre la politique israélienne pour publi-cité négative.

■ Peut-on manger de la viande avec des dents de lait ?

■ J’ai envie de dire à certains rabbins : « merci de bien vouloir laisser la halakha comme vous l’avez trouvée en arrivant ».

■ A v i d a n K o g e l

H o m m a g e

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A d i e u m o n M a î t r e , m o n p l u s - q u ’ a m i

a voir été l’ami, le disciple d’Elie Wie-sel trente-quatre ans durant, fut une chance, une grâce. C’est aujourd’hui

un devoir de témoigner pour le témoin inlassable qu’il fut. Trente-quatre années de dialogue, de rencontres, scellées par sept livres comme les sept sceaux de l’Apocalypse et d’abord comme les sept jours de la Création selon la Torah. Sept livres et deux colloques surtout celui de Cerisy-la-Salle en juillet 1995, où il vint pour célébrer le Shabbat avec nous tous. Il chanta pour nous seuls les chants de son enfance à Sighet et à la cour du Rabbi de Wizsnitz. Inoubliable Shabbat partagé avec ce chantre de la Mémoire juive que nous aimions, que j’aimais.

Je rouvre son dernier livre paru de son vivant Cœur ouvert (Flammarion), qui fait en moi écho à La nuit. Un écho lourd, douloureux, mais cette douleur wiese-lienne n’en est pas moins un hymne à la Vie. Certains voient l’œuvre d’Elie comme une lamentation, une tragédie sans fin, celle du peule juif.Je la regarde, moi, avant tout et même au fond de l’horreur de la Shoah et des autres tragédies dont il parlait, comme lui seul pouvait le faire, comme une façon de dire la louange non pas la louange de la mort et de la barbarie, non bien sûr ! La louange devant la Vie qui perdure, la louange pour la mémoire, qui est une autre forme de la vie. Mais aussi, au fond

de toute œuvre d’Elie Wiesel je lis la célé-bration et le chant.

Dans Cœur ouvert, Elie Wiesel parlait en quatre-vingts pages, de son fils Elisha, de Marion, mais aussi de ses petits-enfants Elijah et Shira – avec une tendresse rare. C’est à travers Elisha leur père, qu’il tisse son récit. Elisha, qui porte aussi le nom de son grand-père Shlomo, assassiné à Buchenwald sous les yeux d’Elie en 1945, c’est la vie qui continue et conti-nuera au-delà d’Elie Wiesel bien sûr. C’est l’assurance d’une survie pas seulement physiologique naturellement mais surtout spirituelle, psychologique. Le regard que Wiesel porte sur sa seconde survie, autant que sur le jeune garçon de Sighet qu’il fut, le rescapé, l’écrivain, l’enseignant,

■ Michaël de Saint-Chéron

le père et le grand-père, l’homme tout court, se fait plus proche qu’auparavant, plus proche encore que dans La nuit. Cette épure, nous en trouvons le sens secret, le sens profond, dans le chant qu’il évoque et invoque, au cœur de son texte, Ani Maamin. Non pas le chant traditionnel, mais le nigoun qu’il reçut d’un miraculé d’un ghetto de Pologne en 1943 (mais ce miraculé d’un jour réchappa-t-il à la guerre ?), qu’il ne vit qu’une seule fois, « Shabbat Shira », à la cour du Rabbi de Wizsnitz. Je l’entendis chanter par Elie Wiesel deux fois, notamment lors de ce quasi « miraculeux » colloque de Cerisy donc, et qu’il bénit de ses nigounim au dîner de ce Shabbat Houquat, qu’il pré-sida, et une autre fois au Centre Rachi, à Paris, il y a déjà trente ans. Ce chant d’espérance infinie du peuple juif prend dans ce nigoun des accents jamais atteints portés par le sentiment à la fois insignifiant et invulnérable d’appartenir au « petit reste d’Israël » - et ce que cela pouvait signifier au printemps 1943 ! ■

Michaël de Saint-Cheron est notamment l’auteur de Entretiens avec Elie Wiesel 1983-2000 suivi de Wiesel ce méconnu, Parole et silence, 2008.

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C a r n e T m o n T é v i D é o

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NAISSANCES■ Ida et Ophir sont heureux de vous annoncer la naissance de leur petite sœur Léonore.Mazal Tov aux parents Elsa et Avidan Kogel ainsi qu’aux familles Barros et Kogel.

■ Rachel et Henri Garih laissent à Gabrielle, Jake, Livnat et Joseph la joie d’annoncer la naissance de leur petit frère Emmett le 28 avril 2016

■ Nous avons la joie d’annoncer la naissance de Eva au foyer de Laura et Grégory Sayag.Un grand Mazal Tov aux parents, aux grands parents Sylvie et Elie Moryoussef, Hélène et Claude Sayag.

■ Nous avons la joie d’annoncer la nais-sance de Stella le 30 avril 2016 au foyer de Yoan et Jessica Maman. Un grand Mazal Tov à ses parents, ainsi qu’à ses grand-parents, nos amis Guy et Gilberte Lopater, Marc Maman et Nicole Haddad.

■ Nous avons la joie d’annoncer la nais-sance d’Arthur le 18 juillet 2016 au foyer de Jonathan et Johanna Lopater. Un grand Mazel Tov à ses parents, ainsi qu’à ses grand-parents, nos amis Guy et Gilberte Lopater, Charly et Sylvie Oks.

■ Un grand Mazal Tov à M. et Mme Luciano Sebeo à l’occasion de la nais-sance de leur petit-fils Elie Yechaya Sebeo à New York. Toutes nos félicitations également aux parents M. et Mme Joseph Olivier Sebeo.

BAR MITSVA■ Yonathan Elbaz, fils de Judith et Uri Elbaz, petit fils de Arlette et Jacques Garih a célébré sa Bar Mitzva le 2 juillet 2016 en Israël.Maayan, Daniel, Eylon et Benjamin sont fiers de leur grand frère.

■ Victor Lazare Zimeray a célébré sa Bar Mitsva le jeudi 12 mai 2016. Le Chabbat a eu lieu le 15 mai (Parachat Kedochim).Un grand Mazal Tov à M. et Mme François Zimeray ainsi qu’à Mme Doro-tea Beyersdorf.

■ Nous souhaitons un grand Mazal Tov aux familles Milewski et Botbol pour la Bar Mitsva d’Ariel-Mordékhaï, célébré parachat Ekev.Félicitations à notre Rabbin et à son épouse. ■ Caroline, Alexis, Clara et Arthur Sarberg ont la joie de vous faire part de la Bar Mitsva de leur fils et frère Thomas (Aaron) qui s’est tenue le 8 septembre en notre synagogue.Félicitations aux parents, enfants, grands parents Charles Craunot, Daniel et Blanca Sarberg.Une pensée toute particulière pour sa grand mère Jacqueline Craunot z’l et son arrière grand mère Fryda Reicher z’l.

MARIAGES■ Nous avons le plaisir de vous faire part du mariage de Tsilla Kogel et David Isaac Haziza qui a été célébré le 13 juillet. Un grand Mazal Tov aux familles Kogel, Rozen, Haziza, Sztabowicz et Rouche.

■ Kathy et Elie Chamma, Isabelle et Richard Berger, Mme Chamma, Mme Fareau ont la joie de vous annoncer le mariage de leurs enfants et petits enfants Salomé et Yaacov Berger le 14 juillet 2016.

■ Le mariage de Sandrine Hanau et David Soussan a eu lieu le 13 septem-bre à Paris.Mazal Tov aux mariés et à leurs parents Corinne et Roger Hanau ; Joelle et Ray-mond Soussan.

■ Nous avons le plaisir de vous faire part du mariage de Nathaniel Braun et Diane Zlotnik qui a eu lieu le 28 août dernier.

Mazal Tov aux parents du marié, Hélène et Michel Braun ainsi qu’aux parents de la mariée, Paule et Avi Zlotnik.

■ Evelyne et Alain Ziegler, ainsi que leurs “mahatounem” Claire et Alain Alter, ont le bonheur de vous annoncer le mariage de leurs enfants Laura Alter et Gary Ziegler. Le mariage a été célébré dans la région de Toulouse le 1er Elloul 5776 (4 septembre 2016).

■ Le 28 aout 2016 a eu lieu le mariage de Candice Laufer avec Jonathan Adwocat.Toutes nos félicitations aux mariés, à leurs parents Michèle et Didier Laufer, aux grand-parents, M. et Mme Amsellem et notre amie Jeannette Laufer.

DéCèS■ Mme Sylvie Lichnewski, épouse d’Alain Lichnewski et fille de M. et Mme Guy Granat.

■ Mme Rahma Benichou, mère de Jacqueline Meyer.

Nous adressons nos très sincères condoléances à leurs familles.

Nous invitons les per-sonnes n’ayant pas d’e-mail et qui sou-haitent être prévenues des événements commu- nautaires par téléphone, de se manifester auprès du secrétariat au 01 45 04 66 73. « Ce journal contient des textes sacrés, merci de ne pas le jeter. Il doit être mis à la Gueniza ».

L’Aide à AutRui : une « mitSvA » qui L’emPoRte SuR tout AutRe !

Rabbi Meïr de Premishlane (1780-1850) consacrait une partie importante de son temps à faire le tour des communautés juives de Pologne afin de collecter des fonds pour les pauvres. Un fidèle s’en étonna : son rôle de responsable communautaire, l’étude de la Thora ne le dispensaient-ils pas de cette tâche ingrate, purement matérielle ?

Le Rabbi lui répondit : « Lors d’un rêve, j’ai assisté à une séance du tribunal céleste. Un érudit s’y est présenté, désireux d’être admis au paradis. Il fut interrogé sur sa science, sur ses efforts à l’étude mais surtout sur sa motivation : son étude avait-elle été “lechem chamaïm”, totalement désintéressée ? Puis un ‘hazan (un ministre-officiant) a comparu. A lui aussi fut demandé si sa prière était pure de tout intérêt particulier, de toute vanité d’artiste. Enfin se présenta un juif réputé pour sa générosité. Il eut accès sans difficulté au paradis : peu importait si sa générosité était intéressée, par goût des honneurs ou celui de se faire valoir, l’essentiel était qu’il avait redonné vie à des malheureux. Depuis ce rêve, conclut le Rabbi, j’ai compris que la Tsedaka, les dons aux pauvres était la clef du paradis. »

De même que la Thora commence par un acte de générosité divine (Dieu habille ceux qui sont nus), elle se termine par un acte de générosité (Dieu accompagne Moïse à sa dernière demeure).

Pour le judaïsme, la solidarité, l’aide aux démunis est à la base de son existence. Le Rav Yerou’ham LEVOVITZ de Mir expliquait que le concept de charité a précédé, dans la création du monde, l’existence des pauvres. Car un monde sans compassion et sans générosité, où il n’y aurait pas de solidarité, serait imparfait, composé de robots, sans relations humaines entre eux. « Le pauvre fait plus pour le riche, que celui-ci ne fait pour le pauvre ».

Le Talmud enseigne « Celui qui se détourne de la Tsedaka, c’est comme s’il niait l’existence de Dieu ». En effet, Dieu dit dans la Genèse : « Faisons l’homme à notre ressemblance » (1,26). Le midrach interroge : pourquoi cette forme plurielle ? Parce que D. propose aux hommes un partenariat : « Faisons l’homme ensemble : je lui donne la vie et vous lui apporterez, si néces-saire, sa subsistance ».

Rav Assi a dit : « Le commandement de ‘Hessed, d’entraide communautaire, égale l’ensemble des autres commandements ».

C’est pourquoi, depuis des millénaires, les communautés juives ont créé des structures de bien-faisance solide, sur lesquelles s’appuie l’ensemble de la vie juive.

Lorsque, pour certains, s’estompent la foi et les traditions, la solidarité et la générosité sont les garants d’un judaïsme vivant !

Gabriel vAdnAiDélégué général aux donations et aux legs de la Fondation CASIP-COJASOR