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Activité physique intense responsable d’une insuffisance anté-hypophysaire chez un patient atteint d’un kyste de la poche de Rathke

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Presse Med. 2013; 42: 108–116

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Activité physique intenseresponsable d’une insuffisanceanté-hypophysaire chez unpatient atteint d’un kyste de lapoche de RathkeAnterior pituitary failure secondary to intenseexercise in a patient with Rathke’s cleft cyst

Figure 1

Imagerie par résonance magnétique hypophysaire : coupesagittale T1. Lésion hypo-intense à la jonction de l’anté- et de lapost-hypophyse compatible avec un kyste de la poche de Rathke.Anté-hypophyse saine en avant du kyste

Le diagnostic étiologique d’une insuffisance anté-hypophysaireest important car il conditionne la prise en charge ultérieure.Nous publions le cas d’un jeune patient ayant une insuffisanceanté-hypophysaire secondaire à la pratique d’une activitéphysique intense, dans un contexte de restriction alimentaire,alors qu’il a un kyste de la poche de Ratkhe fortuitementassocié.

Observation

Un jeune homme de 16 ans a été adressé pour suspiciond’insuffisance thyréotrope. Il n’avait pas d’antécédent médicalpersonnel notable, aucun traitement au long cours. Devant unebradycardie associée à une constipation depuis six mois, unbilan fonctionnel thyroïdien a été réalisé et a mis en évidenceune thyréostimuline (TSH) normale à 2 mU/mL associée à uneT4l abaissée à 8,5 pmol/L (N : 11,5–22,7).L’interrogatoire a révélé que le jeune homme était très sportif,pratiquant du cyclisme en compétition (dix heures par semaineen moyenne, soit 200 km/semaine). Il a perdu à ses dires 8 kgdepuis six mois et s’était plaint d’une asthénie croissante etd’une constipation.Sur le plan clinique, le poids était de 53 kg, la taille de 173 cm,soit un IMC à 17,5 kg/m2. La fréquence cardiaque était à40 bpm, la tension artérielle à 110/60 mmHg. L’examen clini-que en dehors de l’état de maigreur était sans particulariténotable. L’examen testiculaire était normal avec des testiculesde volume normaux, une pilosité pubienne et axillaire déve-loppée. Il n’y avait pas de gynécomastie. Il n’y avait pas desyndrome polyuro-polydipsique.Une enquête alimentaire a été réalisée et a évalué les apports à1500 kilocalories/jour, ce qui était nettement insuffisant enregard de l’activité physique effectuée.Le bilan hormonal est vérifié et complété :� TSH : 3,71 mU/mL, T4l : 10,3 pmol/L (N : 11,5–22,7) ;

� testostéronémie : 1,27 ng/mL (N : 2,41–8,27), LH : 1 UI/L (N :0,1–6), FSH : 6,5 UI/L (N : 1,4–18) ;

� prolactinémie : 12,6 ng/mL (N : 2,1–17,7) ;� IGF-1 : 147 mg/L (N : 183–996), GH : 3,44 mg/L (N : 0,06–0,8) ;� cortisolémie de base : 21,9 mg/dL (N : 6,2–19,4) s’élevant à

35 mg/dL après tétracosactide (SynacthèneW) (250 mg).Ce bilan a témoigné de l’association d’une insuffisance gona-dotrope et thyréotrope, d’une IGF-1 basse contrastant avec uneGH élevée, d’une normalité de la fonction prolactinique etd’une hyperréactivité corticotrope.Une IRM hypophysaire a été réalisée mettant en évidence unezone hypo-intense en T1, dans la région médiane hypophysairemesurée à 7 mm de grand axe, compatible avec un kyste de lapoche de Rathke (KPR) (figure 1). Le reste du parenchymehypophysaire était homogène et de signal normal. Il n’y avaitpas d’anomalie de la région hypothalamique.Il n’y avait pas d’argument pour une maladie digestive à typede malabsorption. Le bilan électrolytique sanguin, l’hémo-gramme étaient normaux. Le bilan ferrique, la vitamine B12,les folates étaient normaux. Les anticorps anti-gliadine et anti-transglutaminase étaient négatifs. Il n’y avait pas de syndromeinflammatoire.

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L’hypothèse privilégiée à ce stade était celle d’une insuffisanceanté-hypophysaire fonctionnelle en rapport avec l’activité phy-sique intense réalisée dans un contexte de restriction calorique.Il avait été conseillé au patient d’arrêter l’activité physique etde majorer ses apports alimentaires, ce qui a été effectué. Unesurveillance était alors mise en place. Après 15 jours, le poidsavait augmenté de 1,7 kg. Le bilan thyroïdien était alorsnormalisé : TSH : 1,75 mU/mL, T4l : 12,3 pmol/L (N : 11,5–

22,7). Six mois plus tard, le poids était normalisé avec un IMC à20 kg/m2. Le bilan thyroïdien restait normal, la testostéroné-mie était normalisée à 4,72 ng/mL, l’IGF-1 est normalisée à201 ng/mL.

Discussion

Il est fréquent d’observer des athlètes désireux de réduire leurpoids et en particulier leur masse grasse pour améliorer leursperformances. Ce phénomène, à la frontière des troubles ducomportement alimentaire, est qualifié d’« anorexia athletica »

avec des conséquences sur les différents axes hypothalamo-hypophysaires [1].Les conséquences de l’activité physique sur l’axe gonadotropesont largement décrites dans la littérature. Alors que l’activitéphysique brève et intense s’accompagne chez l’homme d’uneaugmentation de la concentration de testostérone plasma-tique, la pratique d’une activité physique prolongée en entraîneune diminution corrélée à la durée et à l’intensité de l’activité[2]. Cette hypotestostéronémie résulte d’une part d’une altéra-tion de la pulsatilité de LH, d’autre part d’une hyperactivationde l’axe hypothalamohypophysosurrénalien (HHS) responsabled’une inhibition de l’axe gonadotrope, et enfin du fait durôle inhibiteur de la CRH dont les récepteurs sont présents surles cellules de Leydig, d’une inhibition de la biosynthèse de latestostérone [3]. Ces anomalies sont réversibles après arrêt del’activité physique [2], comme cela a été le cas chez notrepatient. Les mécanismes de l’insuffisance gonadotrope secon-daire à l’anorexie mentale sont en grande partie similaires àceux du surentraînement [4].L’activité physique s’accompagne d’une hyperactivation del’axe HHS proportionnelle à l’intensité et au type d’exercice[5]. La réponse du cortisol à l’ACTH est atténuée chez les sportifstrès entraînés, du fait d’un mécanisme de down-regulation desrécepteurs surrénaliens à l’ACTH, ce qui est décrit comme unphénomène adaptatif pour contrer les effets de l’hypercorti-solisme [6]. Ce phénomène n’est pas retrouvé chez certainssportifs, en particulier chez des « coureurs compulsifs »,considérés par certains auteurs comme un équivalent d’anorexiementale [7], problématique compatible avec notre patient.L’activité physique est un régulateur de l’axe GH/IGF-1. Lasécrétion de GH est stimulée par l’activité physique et dépen-dante de sa durée et de son intensité. Le pic de GH est plus

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ample lorsque l’activité est prolongée et lorsque son inten-sité est élevée [8]. L’activité physique augmente le niveaud’IGF-1, en particulier du fait de variation de concentrationdes protéines porteuses de l’IGF-1 [9]. La baisse de l’IGF-1 dans notre observation est certainement en rapport avec lestatut nutritionnel du patient, l’IGF-1 étant régulièrementabaissée dans les états de dénutrition [4].Les données concernant l’axe thyréotrope sont pauvres etparfois contradictoires. Schmidt et al. rapportent une diminu-tion des concentrations de TSH et de T4l au cours d’exercice dehaute intensité alors que les niveaux sont inchangés en casd’activité plus modérée [10]. Cependant d’autres études rap-portent des niveaux de TSH, T4l et T3l inchangés, diminués ouaugmentés, en fonction du type et de l’intensité de l’activité,les mécanismes impliqués étant mal élucidés [11]. Le tableauthyroïdien classique en cas d’anorexie mentale est celui du« syndrome de basse T3 ». Une diminution de T4l peut égale-ment être observée [12]. La normalisation du bilan thyroïdien àl’arrêt de l’activité physique et la reprise pondérale chez notrepatient est en faveur d’un lien entre l’insuffisance thyréotropeconstatée et l’activité intense.L’IRM hypophysaire réalisée chez notre patient a mis en évi-dence un KPR infracentimétrique. Une série récente [13] rap-porte des taux élevés d’insuffisance hypophysaire en lien avecles KPR. Il a été rapporté que la présence d’une insuffisanceanté-hypophysaire n’est pas corrélée à la taille du kyste, maisavec le signal du kyste. Dans cette série, les KPR sont néan-moins tous supra-centimétriques [14]. L’hypothèse d’uneinsuffisance anté-hypophysaire en lien avec le KPR n’a pasété retenue devant la taille du KPR et la présence d’anté-hypophyse saine en avant du kyste. La régression des anoma-lies avec l’arrêt de l’activité physique et la reprise pondéralepermet d’éliminer tout lien de causalité chez notre patient.Au total, le contexte clinique, les données hormonales avec untableau d’insuffisance gonadotrope et thyréotrope, d’IGF-1 basse contrastant avec une GH élevée et d’hyperréactivitécorticotrope sont en faveur chez notre patient de troubles enlien avec une activité physique intense dans un contexte decarence nutritionnelle. Les anomalies hormonales décrites enrapport avec le surentraînement physique et l’anorexie men-tale sont très proches et de ce fait rendent difficiles d’enattribuer l’imputabilité à l’un ou à l’autre. Il est probable quela conjonction des deux facteurs ait contribué au tableauhormonal de notre patient. La normalisation du bilan hormonalavec l’arrêt de l’activité physique et la reprise pondérale aconfirmé cette hypothèse alors que la présence du KPR n’étaitqu’incidentale dans le cas de notre patient.

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflitsd’intérêts en relation avec cet article.

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Lettres a la redaction

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Jean-Christophe Maiza, Stéphane Schneebeli

Groupe hospitalier Sud-Réunion, service d’endocrinologie-dia-bétologie, BP 350, 97448 Saint-Pierre, France

Correspondance : Jean-Christophe Maiza,Groupe hospitalier Sud-Réunion, service d’endocrinologie-dia-

bétologie, BP 350, 97448 Saint-Pierre, [email protected]

Reçu le 21 novembre 2011Accepté le 19 janvier 2012

Disponible sur internet le 25 février 2012

� 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/j.lpm.2012.01.026

Angiocholite aiguë : mode derévélation d’un carcinomeépidermoïde pur de la vésiculebiliairePrimary pure squamous cell carcinoma of thegallbladder revealed by an acute angiocholitis

Le carcinome de la vésicule biliaire représente 3 % de toutes lestumeurs malignes. Le type histologique le plus fréquent estl’adénocarcinome. Le carcinome épidermoïde pur de la vésiculebiliaire est une tumeur exceptionnelle dont la fréquenceest estimée entre 0 et 3,3 % des tumeurs vésiculaires. Lacholécystectomie est le traitement de référence et, à l’heureactuelle, aucun traitement complémentaire n’a fait preuve deson efficacité.Nous rapportons le cas d’un carcinome épidermoïde vrai de lavésicule biliaire révélé par une angiocholite aiguë, nous insistonsà travers ce cas sur les difficultés du diagnostic histologique ducarcinome épidermoïde pur et sur la prise en charge de cettetumeur agressive diagnostiquée, le plus souvent à un stade tardif.

Observation

Une patiente âgée de 77 ans, sans antécédents, consultait pourdouleurs de l’hypochondre droit évoluant depuis trois jours. Lapatiente était fébrile à 39 8C,elle avaitun ictère cutanéomuqueuxfranc. L’examen abdominal a objectivé une défense de l’hypo-chondre droit. Le reste de l’examen était sans particularités.À la biologie : une hyperleucocytose à 15 000/mm3 a éténotée, ainsi qu’une cholestase avec une hyperbilirubinémietotale à 68 mmol/L, à prédominance conjuguée, et un taux degamma-GT à dix fois la normale. Le diagnostic d’angiocholiteaiguë a été porté. Une échographie couplée à la tomodensi-tométrie (TDM) abdominale a objectivé une masse au niveaude l’aire vésiculaire à contenu échogène infiltrant le lit hépa-tique, avec une dilatation de la voie biliaire principale et desvoies biliaires intrahépatiques, avec suspicion de présence decalculs dans le bas cholédoque (figure 1).Le diagnostic retenu était une tumeur de la vésicule biliaire,associée à des lithiases de la voie biliaire principale. La patiente aété réanimée et traitée par antibiotiques par voie parentérale.Elle a été opérée par voie sous-costale droite. L’explorationopératoire a révélé une vésicule biliaire distendue, pierreuse àla palpation, infiltrant le lit hépatique, ainsi qu’une dilatation dela voie biliaire principale. On a procédé à une cholécystectomie,associée à une résection à la Wedge du tissu hépatiqueadjacent. À l’ouverture de la pièce de cholécystectomie, on adécouvert la présence d’un matériel pâteux, blanc nacrérappelant le sébum (figure 2), et de deux lithiases de 1 cmde diamètre. La cholangiographie peropératoire a objectivé un

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