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SÉANCE ÉDUCATIONNELLE Actualités en transfusion sur la conservation des plaquettes Progress in transfusion for storage of platelets J.-P. Cazenave a,b, *, H. Isola a , C. Gachet a,b , B. Aleil a,b a EFS-Alsace, 10, rue Spielmann, BP 36, 67065 Strasbourg cedex, France b Inserm U311, 10, rue Spielmann, BP 36, 67065 Strasbourg cedex, France Résumé L’amélioration de l’efficacité et de la sécurité des concentrés plaquettaires dépend des conditions de conservation et de leur amélioration : conservation au froid, solutions additives, inactivation des pathogènes. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Improvement of platelet concentrates efficacy and safety depends on platelet storage conditions and their improve- ment: storage in the cold, additive solutions and pathogen inactivation. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Transfusion ; Concentré plaquettaire ; Aphérèse ; Mélange ; Solution additive ; Conservation ; Froid Keywords: Transfusion; Platelet concentrate; Apheresis; Buffy-coat; Additive solution; Storage; Cold 1. INTRODUCTION La fonction primordiale des plaquettes sanguines est de maintenir une hémostase normale en réponse à une lésion vasculaire [1]. La prévention ou la survenue d’un syndrome hémorragique lié à une anomalie du nombre (thrombopénie) ou de la fonction (thrombopathie) des plaquettes sanguines, qu’elle soit acquise ou héréditaire, peut nécessiter la transfu- sion de concentrés plaquettaires (CP) obtenus par aphérèse d’un donneur unique (CPA) ou d’un mélange de couches leucoplaquettaires standards déleucocyté (MCP) provenant généralement de quatre à six donneurs. Les établissements de transfusion sanguine doivent donc avoir en permanence des stocks suffisants de CPA et MCP afin de satisfaire les besoins médicaux transfusionnels de CP efficaces et sûrs. Les deux difficultés majeures sont d’une part l’approvisionnement et d’autre part la conservation des CP. Aujourd’hui, la conser- vation liquide des CP est faite à une température ambiante comprise entre 20–24 °C pendant cinq jours. Ces conditions thermiques favorisent la prolifération bactérienne et le risque de septicémie, ce qui limite la durée de conservation à cinq jours. Ce temps réduit de conservation accentue la difficulté d’approvisionnement et accroît le risque de péremption. Ces difficultés logistiques peuvent être atténuées par une meilleure organisation et, surtout, par l’utilisation concomi- tante des CPA et des MCP. Il semble également important d’améliorer par tous les moyens la qualité fonctionnelle des plaquettes conservées et pour faciliter l’approvisionnement de prolonger la durée de conservation au-delà de cinq jours. L’actualité transfusionnelle reflète les progrès qui se font grâce aux connaissances biologiques sur la fonction des pla- quettes, à l’amélioration des solutions de conservation des plaquettes et au développement de nouvelles techniques d’inactivation des pathogènes. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-P. Cazenave). Transfusion Clinique et Biologique 12 (2005) 226–229 1246-7820/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/S1246-7820(05)00053-4

Actualités en transfusion sur la conservation des plaquettes

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SÉANCE ÉDUCATIONNELLE

Actualités en transfusion surla conservation des plaquettes

Progress in transfusion for storage of platelets

J.-P. Cazenave a,b,*, H. Isola a, C. Gachet a,b, B. Aleil a,b

a EFS-Alsace, 10, rue Spielmann, BP 36, 67065 Strasbourg cedex, Franceb Inserm U311, 10, rue Spielmann, BP 36, 67065 Strasbourg cedex, France

Résumé

L’amélioration de l’efficacité et de la sécurité des concentrés plaquettaires dépend des conditions de conservation etde leur amélioration : conservation au froid, solutions additives, inactivation des pathogènes.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Improvement of platelet concentrates efficacy and safety depends on platelet storage conditions and their improve-ment: storage in the cold, additive solutions and pathogen inactivation.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Transfusion ; Concentré plaquettaire ; Aphérèse ; Mélange ; Solution additive ; Conservation ; Froid

Keywords: Transfusion; Platelet concentrate; Apheresis; Buffy-coat; Additive solution; Storage; Cold

1. INTRODUCTION

La fonction primordiale des plaquettes sanguines est demaintenir une hémostase normale en réponse à une lésionvasculaire [1]. La prévention ou la survenue d’un syndromehémorragique lié à une anomalie du nombre (thrombopénie)ou de la fonction (thrombopathie) des plaquettes sanguines,qu’elle soit acquise ou héréditaire, peut nécessiter la transfu-sion de concentrés plaquettaires (CP) obtenus par aphérèsed’un donneur unique (CPA) ou d’un mélange de couchesleucoplaquettaires standards déleucocyté (MCP) provenantgénéralement de quatre à six donneurs. Les établissementsde transfusion sanguine doivent donc avoir en permanencedes stocks suffisants de CPA et MCP afin de satisfaire lesbesoins médicaux transfusionnels de CP efficaces et sûrs. Les

deux difficultés majeures sont d’une part l’approvisionnementet d’autre part la conservation des CP. Aujourd’hui, la conser-vation liquide des CP est faite à une température ambiantecomprise entre 20–24 °C pendant cinq jours. Ces conditionsthermiques favorisent la prolifération bactérienne et le risquede septicémie, ce qui limite la durée de conservation à cinqjours. Ce temps réduit de conservation accentue la difficultéd’approvisionnement et accroît le risque de péremption. Cesdifficultés logistiques peuvent être atténuées par unemeilleure organisation et, surtout, par l’utilisation concomi-tante des CPA et des MCP. Il semble également importantd’améliorer par tous les moyens la qualité fonctionnelle desplaquettes conservées et pour faciliter l’approvisionnementde prolonger la durée de conservation au-delà de cinq jours.L’actualité transfusionnelle reflète les progrès qui se fontgrâce aux connaissances biologiques sur la fonction des pla-quettes, à l’amélioration des solutions de conservation desplaquettes et au développement de nouvelles techniquesd’inactivation des pathogènes.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (J.-P. Cazenave).

Transfusion Clinique et Biologique 12 (2005) 226–229

1246-7820/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/S1246-7820(05)00053-4

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2. QUELQUES RAPPELS UTILESDE LA PHYSIOLOGIE DES PLAQUETTESEN TRANSFUSION

Les plaquettes sanguines sont des fragments du cyto-plasme des mégacaryocytes extrasinusoïdaux de la moelleosseuse. Le développement des mégacaryocytes qui formentles plaquettes est contrôlé par la thrombopoïétine qui se fixeà son récepteur c-mpl à la surface des plaquettes et desmégacaryocytes. La concentration sanguine des plaquettesest comprise entre 150 000 et 300 000/mm3. Les plaquettessanguines circulent sous forme discoïde. Leur durée de viedans la circulation est d’environ dix jours et 20 à 30 % sontséquestrés de façon transitoire, mais continue, dans la rate.Les plaquettes sanguines sont retirées de la circulation parsénescence, mais une petite fraction de ces plaquettes l’estcontinuellement par interaction avec la paroi vasculaire afinde maintenir l’intégrité du vaisseau [2]. On a estimé qu’envi-ron 7100 plaquettes/mm3 et par jour sont ainsi consomméespar la paroi vasculaire. Ce phénomène est considérablementaccru lors de certains processus immunologiques comme lepurpura thrombopénique auto-immun [3].

Les plaquettes sont faciles à étudier in vitro sur unprélèvement de sang correctement anticoagulé de manière àéviter la génération de thrombine. La thrombine est l’en-zyme clé de la coagulation qui transforme le fibrinogènesoluble en fibrine polymérique insoluble. La thrombine estaussi le plus puissant activateur des plaquettes. Lorsque lesplaquettes discoïdes sont activées, par exemple par un ago-niste soluble comme l’adénosine 5’-diphosphate (ADP), elleschangent rapidement de forme en prenant une forme sphé-rique et émettent de longs pseudopodes [4]. En présence duflux sanguin, de Ca2+ et de fibrinogène, elles agrègent, puisdésagrègent et deviennent réfractaires à l’ADP pendant uncertain temps. Les plaquettes contiennent des grains desécrétion qui sont remplis de substances ayant une activitébiologique importante : activateurs de la plaquette elle-même (ADP, sérotonine), protéines adhésives et de la coa-gulation (fibrinogène, facteur de Willebrand, facteur V),facteurs de croissance (PDGF, FGF, VEGF). La thrombine etle collagène du vaisseau induisent la sécrétion plaquettaire.L’ADP est un agoniste faible qui n’induit pas la sécrétion,mais amplifie l’effet des autres agonistes plaquettaires. Lamembrane des plaquettes contient des récepteurs à septdomaines transmembranaires couplés à des protéines G :• les récepteurs purinergiques de l’ADP [5], P2Y1 qui initie

le changement de forme et l’agrégation à l’ADP et leP2Y12 qui complète et stabilise l’agrégation à l’ADP ;

• les récepteurs d’activation à la thrombine PAR-1 etPAR-4.Il existe aussi des récepteurs pour les protéines adhési-

ves :• l’intégrine GPIIb-IIIa qui fixe le fibrinogène indispensable à

l’agrégation plaquettaire ;• le complexe GPIb-V-IX qui fixe le facteur de Willebrand

sur GPIbα indispensable à l’adhésion ;

• les récepteurs du collagène GPVI, α2�1.L’étude in vitro des plaquettes, à l’aide des techniques

d’agrégation, de mesure des produits sécrétés ou de l’étudedes glycoprotéines membranaires en cytométrie en flux àl’aide d’anticorps monoclonaux fluorescents permet d’éva-luer les qualités fonctionnelles des plaquettes.

3. CONSERVATION LIQUIDEDES PLAQUETTES À 20–24 °C ET LÉSIONSDE CONSERVATION

Traditionnellement, les CP (CPA ou MCP) prélevés sur unanticoagulant sont conservés dans du plasma citraté. Lesconditions de conservation recommandées impliquent l’uti-lisation de poches stériles de plastique assurant une bonnediffusion de l’oxygène, qui maintient un métabolisme pla-quettaire actif et une agitation permanente à 20–24 °C. Si laconcentration plaquettaire est comprise entre1–1,8 × 106/mm3 (< 2 × 106/mm3) et le CP déplété en leu-cocytes (< 106/poche), le pH se maintient entre 6,8 et 7,2.L’activation métabolique entraîne une augmentation d’acidelactique pour maintenir la teneur en ATP, puis une déplétiondes bicarbonates du plasma et une chute du pH. Lorsque lepH chute à moins de 6,4, les plaquettes ne changent plus deforme et deviennent sphériques, l’examen visuel de la pochemontre une perte du tournoiement (swirling). Ces plaquet-tes ne sont pas fonctionnelles in vitro, ne recirculent pasaprès transfusion et sont très peu hémostatiques [6].

La conservation des CP pendant cinq jours entraînesystématiquement l’apparition de lésions de conservation.Ces lésions plaquettaires débutent à la collecte dès le prélè-vement de sang. Le facteur critique est la génération induede thrombine. Les traces de thrombine formée déclenchentet accélèrent la formation de thrombine elle-même paractivation des facteurs V, VIII, XI et des plaquettes. Ellespeuvent même coaguler le fibrinogène en fibrine. Les fac-teurs humains qu’il faut contrôler et les techniques qu’il faututiliser pour limiter la formation de thrombine et doncaméliorer le rendement et la conservation des plaquettessont :• une ponction facile et peu traumatique qui libère peu de

facteur tissulaire à partir de la paroi vasculaire ;• un débit sanguin suffisant ;• un ratio d’anticoagulant convenable, au mieux par le

mélange simultané du sang et de l’anticoagulant à un ratioconstant comme avec une machine d’aphérèse ou unepompe du type ABC (Macopharma) ;

• enfin, dès le début du prélèvement, une agitation ma-nuelle dans les trois dimensions ou une pompe ABCs’avèrent supérieurs aux agitateurs–limitateurs imposésen France par incompréhension des mécanismes physio-logiques de l’hémostase [7].On peut brièvement dire que les lésions plaquettaires qui

surviennent pendant la conservation sont principalementliées à des phénomènes d’activation par les substances bio-logiques contenues dans les plaquettes et relarguées dans le

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milieu. Par exemple, l’ADP sécrété active les plaquettes etentraîne un état réfractaire. Des enzymes comme la throm-bine, la calpaïne et les métalloprotéinases (ADAM 17) peu-vent hydrolyser des glycoprotéines de surface : GPIbα, GPVet GPVI modifiant les propriétés fonctionnelles, la recircula-tion et la survie des plaquettes [8]. Ces lésions induisent infine l’exposition de phosphatidylsérine (reconnue par la fixa-tion d’annexine V), la formation de microvésicules et deslésions majeures ressemblant à l’apoptose. La libération mas-sive de lacticodéshydrogénase signe la lyse des plaquettes.

4. ÉVALUATION FONCTIONNELLE IN VITROET SURVIE IN VIVO DES PLAQUETTES [9–12]

Les études pratiquées in vitro permettent d’apprécier leslésions des plaquettes au cours de la conservation. Lesréponses fonctionnelles sont évaluées par les modificationsdu changement de forme, l’agrégation plaquettaire à diversagonistes, l’augmentation de l’expression de P-sélectine, leclivage de la GPV, la sécrétion de FP4 ou de �-thro-imboglobuline, la réponse au choc hypotonique. Les modifi-cations métaboliques sont évaluées par les mesures du pH,pO2, pCO2 et le taux de glucose et de lactate dans le milieu.La morphologie des plaquettes (indice de tournoiement) estle seul examen in vitro (beaucoup moins la résistance auchoc osmotique et le pH) qui présente un certain degré decorrélation avec la viabilité des plaquettes in vivo.

La viabilité des plaquettes transfusées est mesurée in vivo parle taux de récupération et la durée de survie communémentévalués après marquage isotopique des plaquettes au 51Crou à l’111Indium. La récupération (mesurée à 1 et 24 heuresaprès injection) et la survie des plaquettes humaines mar-quées au 51Cr ou à l’111In à partir des CP varient peu aucours des trois premiers jours de conservation. Au 5e jour,la récupération et la survie diminuent de 20 à 30 %. Parailleurs, la récupération et la survie sont considérablementinfluencées dans les conditions pathologiques par l’impor-tance de la thrombopénie, la fièvre, la présence d’une septi-cémie, une splénomégalie ou une coagulation intravascu-laire.

5. SOLUTIONS ADDITIVES ET CONCENTRÉSPLAQUETTAIRES [13,14]

L’utilisation de solutions additives qui remplacent unepartie du plasma des CP est un phénomène assez récentdont les objectifs sont multiples, mais visent à l’améliorationde la qualité des CP, à l’extension du temps de conservationau-delà de cinq jours et à la réduction des risques infectieuxet immunologiques. Il est intéressant de se rendre compteque des études plus anciennes, importantes et détaillées,portant sur des méthodes de préparation et d’évaluation invitro et in vivo, des plaquettes lavées et resuspendues dansdes solutions additives contenant de faibles concentrationsd’albumine et dépourvues de plasma [4,15] n’ont pas tou-jours guidé les réflexions en transfusion.

Il est important de respecter quelques règles minimalesdans l’utilisation des solutions additives en transfusion. Letaux de plasma résiduel doit être compris entre 20 et 40 %et le pH entre 6,8 et 7,2. Les solutions additives optimales,disponibles sur le marché, sont celles qui contiennent :citrate, acétate, phosphate, K, Mg. L’acétate métabolisé parle cycle tricarboxylique de Krebs remplace l’oxydation desacides gras libres, son oxydation par un proton du plasmaentraîne une alcalinisation qui élimine le besoin en bicarbo-nates. Les besoins indispensables en glucose des plaquettessont fournis par sa présence dans le plasma résiduel. Ilsemble évident que ces solutions additives pourraient êtreaméliorées en tentant d’y ajouter d’autres composants. Parexemple, l’addition de L-carnitine, qui semble améliorer laconservation des concentrés érythrocytaires, n’a pas en-traîné d’amélioration fonctionnelle in vitro des CP [16].

L’utilisation de solutions additives a déjà entraîné desaméliorations des CP. Les solutions additives permettent derécupérer du plasma utile pour d’autres usages thérapeuti-ques, dont la production de médicaments dérivés du sang(albumine, immunoglobulines). La réduction de la concen-tration en plasma dans les CP permet de diminuer lesréactions fébriles non hémolytiques liées aux cytokines, lesréactions immunologiques comme le trali [17]. Enfin, l’inac-tivation des pathogènes (virus, bactéries, parasites, spiro-chètes, leucocytes résiduels) dans les CP par l’amotosalen etillumination par les UVA nécessite une concentration finalede plasma de l’ordre de 35 %. Les concentrés plaquettaires(CPA, MCP) inactivés par l’amotosalen (Intercept blood sys-tem, Baxter-Cerus) ont des fonctions in vitro et in vivo(récupération, survie) peu différentes ou identiques aux CPnon traités. Les essais cliniques de phase 3 (euroSPRITE etSPRINT) ont démontré une efficacité hémostatique chez desmalades thrombopéniques comparables aux CP (CPA, MCP)non traités [18,19]. Les CP traités par l’amotosalen ontobtenu l’autorisation de préparation, distribution et utilisa-tion thérapeutique de l’Afssaps le 13 octobre 2003. Il estmaintenant important de valider sur une plus grande échellel’utilisation thérapeutique des CP inactivés afin d’augmenterla sécurité des transfusions plaquettaires. On peut penser, enparticulier, faire disparaître le risque bactérien de façonradicale et supérieure à la détection préalable des bactériespar des méthodes délicates et qui comportent encore desfaux résultats positifs et négatifs. On peut également envisa-ger d’étendre, après validation, la durée de conservation desCP à sept jours. On sait en effet que la qualité des CP, qui adiminué de 20 à 30 % par rapport aux jours 1 à 3, ne s’altèrepas plus entre les jours 5 et 7.

6. CONSERVATION DES PLAQUETTESAU FROID

En 1954, Zucker et Borrelli [20] ont montré que lesplaquettes discoïdes subissaient des modifications de formeet devenaient échinocytaires lorsqu’elles étaient conservéesà des températures inférieures à 15 °C. Ce changement de

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forme irréversible est dû à des modifications du cytosque-lette et à l’augmentation des concentrations intracellulairesde calcium libre. Le refroidissement des CP, même pendantdes temps courts, entraîne une diminution irréversible de lasurvie des plaquettes dans la circulation. C’est la raison pourlaquelle les CP sont conservés à des températures compri-ses entre 20 et 24 °C de manière à maintenir leur viabilité invivo. Malheureusement, le risque de prolifération bacté-rienne est augmenté à ces températures et le temps deconservation doit être réduit à cinq jours. L’utilisation desubstances qui réduisent l’augmentation du calcium intracel-lulaire comme l’amiloride et la cytochalasine B qui inhibent lecytosquelette a permis de montrer que la forme discoïdedes plaquettes pouvait être maintenue même au froid. Mal-heureusement, ces plaquettes discoïdes conservées dans lefroid ne survivent pas normalement dans la circulation [21].

Très récemment, des expériences remarquables ont per-mis de comprendre quel était le mécanisme de la clairancedes plaquettes conservées au froid [22]. L’exposition desplaquettes de souris et des plaquettes humaines au froidentraîne un rassemblement (formation de clusters) des ré-cepteurs du facteur de Willebrand (complexe GPIb-IX-V).Ce phénomène entraîne la reconnaissance de ces plaquettespar des récepteurs spécifiques des macrophages du foie(récepteur CR3) qui permettent la phagocytose des plaquet-tes. La phagocytose est due à la fixation des sous-unitésGPIbα sous forme de clusters par les intégrines αM�2 desmacrophages. La lectine αM�2 des macrophages reconnaîtles résidus �-N-acétylglucosamine des N-glycans de laGPIbα. Les auteurs ont également montré que la galactosy-lation enzymatique des plaquettes réfrigérées bloque la re-connaissance par l’intégrine αM�2 des macrophages, ce quiprolonge la survie des plaquettes dans la circulation [23].Ces travaux ouvrent de nouveaux horizons pour améliorerla conservation liquide des plaquettes au froid, ce qui rédui-rait le risque bactérien et augmenterait la possibilité de lesconserver au-delà de cinq jours. En effet, les mêmes auteursont montré que la plaquette contient une galactosyltransfé-rase qui produit une galactosylation efficace lorsque lesplaquettes sont incubées en présence d’uridine diphospha-te–galactose [23]. Ces travaux devront être étendus auxplaquettes humaines et il faudra s’assurer que les fonctionsplaquettaires, la récupération et la survie in vivo des plaquet-tes soient satisfaisantes pour assurer l’hémostase.

REMERCIEMENTS

B. Aleil a reçu le soutien de l’Armesa et d’une subventiondu Conseil scientifique de l’EFS no 2002/032.

RÉFÉRENCES

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