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Juin 2011 - N°34 5 ¢ Addictions Magazine de l’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie ACTION LE BINGE DRINKING MIS EN SCÈNE DOSSIER L’engrenage de la violence GROS PLAN Un atelier d’art thérapie EN DIRECT Chocolatovore, et alors ?

Addictions - hypnothérapeute 62 · Rien de tel qu’un bon carré de chocolat quand le moral est en baisse. ... Pour cela, il fallait dégager du temps et des moyens financiers

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Juin 2011 - N°34 5 ¢

AddictionsAddictionsAddictionsM a g a z i n e d e l ’ A s s o c i a t i o n N a t i o n a l e d e P r é v e n t i o n e n A l c o o l o g i e e t A d d i c t o l o g i e

ACTION

LE BINGE DRINKING MIS EN SCÈNE

DOSSIERL’engrenage de la violence

GROS PLANUn atelier d’art thérapie

EN DIRECTChocolatovore, et alors ?

N°34 - Juin 2011

Magazine trimestriel de l’Association Nationale dePrévention en Alcoologie etAddictologie

20 rue Saint-Fiacre 75002 ParisTél : 01 42 33 51 04www.anpaa.asso.fr

Directeur de la publication Patrick Elineau

Rédactrice en chefElisabeth François

Comité de rédactionPr Jean-Louis BalmèsDr Michel CrapletLuc DurouchouxPatrick ElineauFrançoise FacyElisabeth FrançoisDr Alain RigaudChristian RossignolFaye Wright

AbonnementsNathalie Rigaud

Directeur artistiqueWilliam Silva

ImprimerieXL Imprimerie42004 Saint-Etienne Cedex 1

ISSN 1762-1097Dépot légal : Juin 2011

La revue de la l’A.N.P.A.A. bénéficie d’unfinancement de la Caisse Nationale del’Assurance Maladie des TravailleursSalariés (CNAMTS)

Editorial ....................................................Page 3www.anpaa.asso.fr

Décryptages............................................Page 4

Action .........................................................Page 8Interpeller les jeunes : un art très contemporainUne œuvre d’art au service de la prévention ? Un vrai défi,

que l’A.N.P.A.A. n’a pas hésité à relever…

Exposition : Alcool, drogues, risques professionnels

(A.N.P.A.A. 22)

Entretien.................................................Page 10avec Pierrick Sorin, créateur du théâtre optiqueBinge drinking«Quand j’apprends qu’un jeune de 18 ans est mort lors

d’une soirée des suites de son alcoolisation, j’ai un

sursaut de révolte. Je compte sur le fait que chacun va

réagir…»

Dossier....................................................Page 12L’engrenage de la violenceBoire rend violent, c’est bien connu. Mais la formule peut

se retourner : la violence dont on est victime peut pousser

à boire, ou se droguer. Survol d’une liaison dangereuse, à

la lumière des dernières données.

Gros plan ...............................................Page 18Un atelier d’art-thérapie à Besançonpar Viviane MolardLa création personnelle peut venir au secours des mots

défaillants, et aider le patient alcoolique à découvrir en lui

des ressources insoupçonnées. A Besançon, pinceaux et

pastels racontent le passé et inventent l’avenir…

En direct .................................................Page 20Chocolatovore, et alors ?par Ariane LangloisRien de tel qu’un bon carré de chocolat quand le moral

est en baisse. Mais l’envie de mordre dans la tablette est

parfois irrépressible, voire quotidienne.

Livres .......................................................Page 22l Psychopathologie des addictions l Petite encyclopédie

du cannabis l Entre deux verres l Pour en finir avec les

dealers

Sommaire

Dossier : page 12

En direct : page 20

Entretien : page 10

Crédits photos :Pierrick Sorin (Couv centrale), Stocklib (couv bas, gaucheet droite, 4, 5, 6,7, 12-13, 14, 15, 16,17, 20, 21),Stockbyte (5), BananaStock (14).

Addictions34-Sommaire:AddictN°14/Sommaire 16/06/11 01:50 Page2

e site Internet de l’A.N.P.A.A. a fait peau neuve. II est grand temps, diront les habitués,qui étaient aussi les plus critiques. A décharge, on fera observer que si le graphismemonocolore du premier site avait vieilli et que son ergonomie, inhérente à unetechnologie ancienne, était devenue obsolète, les informations qu’il proposait auxinternautes restaient d’actualité. Mais une évolution, pour ne par dire une révolution,s’imposait. Pour cela, il fallait dégager du temps et des moyens financiers. C’est

aujourd’hui chose faite. Vous en avez un avant-goût avec la reproduction ci-dessous de la paged’accueil, renouvelée, colorée, vivante. Alors, si ce n’est déjà fait, nous vous invitons à aller en découvrir les différentes rubriques : l une page d’actualité tout d’abord, proposant entretiens, paroles d’experts, agenda desmanifestations et bien sûr un point sur l’actualité addictologique l une présentation de l’association, ses objectifs, et un retour sur le passél un espace déclinant nos diverses activités, de la prévention au soin, en passant par la réductiondes risquesl un espace presse l une rubrique adresses utilesl un accès au dernier numéro d’Addictions, à feuilleter en ligne.Le site est conçu aussi bien pour le grand public (qui trouvera en ligne des dépliantsd’information et les adresses de lieux de soins et de prévention) que pour les professionnels desanté. Nouveauté : chacun peut désormais poser desquestions aux experts pour obtenir telle précisionsur un sujet d’actualité ou telle explication surune prise de position de notre association. Chacunpeut également suivre l’actualité du site ens’abonnant au flux RSS qui est proposé. Bien évidemment, ce site est perfectible et évolutif.Autant dire que toutes les suggestionsd’amélioration sont les bienvenues !

Patrick ElineauDirecteur général

Editor ial

3 - Juin 2011 - N°34

Lwww.anpaa.asso.fr

Addictions N°34-Edito:Addic N°14/Edito P.3 16/06/11 01:51 Page3

D é c r y p t a g e s

Confisquées,recyclées Depuis que les liquides sontinterdits dans les avions, lesbouteilles abandonnées parles voyageurs envahissentles poubelles des aéroports,posant un problème decollecte quotidien. D’oùl’idée d’installer deuxmachines à Roissy-Charlesde Gaulle : l’une recueille leliquide, l’autre compacte leplastique, dont plus d’unetonne a été récupérée enmoins d’un an.

72 millions d’euros C’est ce que jouent lesFrançais chaque jour. Auloto, au casino, aux coursesde chevaux, ou en ligne. Unvrai pactole ! La Françaisedes jeux et le PMU,opérateurs historiques,semblent ne pas souffrir dela concurrence des jeux enligne, autorisés depuis juin2010. En revanche lescasinos continuent àenregistrer des pertes.

A toute vapeurLa e-cigarette est trèstendance. Sans nicotine nicombustion, elle ressemble às’y méprendre à son modèle.Sauf qu’un jet de vapeur,inoffensif et inodore,remplace la fumée.L’imitation est si parfaitequ’elle pourrait déclencher,chez les plus accros, unretour à… l’anciennecigarette.

Echos

4 - Juin 2011 - N°34

Les risques de démen-

ce associés au taba-

gisme étaient suspec-

tés depuis longtemps,

mais encore insuffisamment

prouvés, les études menées

portant sur un laps de temps

limité, ou même offrant des

résultats contradictoires.Une

nouvelle étude, s’appuyant

sur des observations

conduites entre 1978 et 1985,

pourrait modifier la donne. Un

suivi ultérieur, mené de 1994 à

2008, a permis de porter un

diagnostic de démence sur un

quart des sujets. L’analyse

des données fait ressortir

que les personnes ayant fumé

plus de deux paquets par jour

ont un risque majoré de

démence, maladie d’Alzhei-

mer et démence vasculaire.

Survolant la ville telle

une fusée, une canette

de 1664 lance dans un

verre improbable son

jet de bière blonde, tandis qu’un

ruban rouge disperse dans le ciel

bleu quelques mots évocateurs :

bulles légères, onctuosité, pres-

sion, dégustation. Au premier

plan, les confortables canapés

rappellent toutefois que la scène

se situe dans le quotidien beau-

coup plus que dans la magie. Si

l’étiquette «Instant pression»

rend compte du procédé permet-

tant de conditionner en canette

une bière pression, pourquoi

cette accroche «Instant unique»,

si ce n’est pour brouiller les

pistes et suggérer un moment

d’exception, unique…et que le

consommateur est implicitement

invité à expérimenter autant de

fois qu’il le souhaite ?

CommentairePour l’A.N.P.A.A., le visuels’inscrit dans une mise en scène suggestive et illiciterenvoyant à l’ivresse du plaisir,via une mise en scène etl’utilisation de symboles sans rapport avec la publicitéobjective voulue

par le législateur.Dans un arrêt du 4 mars 2011,la Cour d’appel de Paris aconfirmé un jugement duTribunal de Grande Instancede Paris du 28 janvier 2010 condamnant la sociétéKronenbourg pour publicitéillicite.

AnalyseLes résultats de cette étuderappellent que le risquesanitaire lié au tabagismeperdure bien après l’arrêt, etque «le cerveau n’est pas

indemne de ses conséquences àlong terme», selon lecommentaire des auteurs. Minna Rusanen et coll., Archives of internal medicine, 28 fev 2011

Tabagisme

Fumez, fumez, il en restera toujours quelque chose

Publicité illicite

Un instant de trop

Addic N°34-4 à 7:Addic N°14/4 à 7 16/06/11 01:54 Page4

Cloué au solUn Boeing 737d’Aeromexico n’a pudécoller, en raison del’alcoolémie de ses deuxpilotes. Les passagers ontdû patienter 24 h avantl’arrivée des remplaçants.Parisien, 15.03.2011

Tante Margueriteremise au pasSaisi par l’associationDroits des non fumeurs, le Tribunal correctionnel deParis a condamné lerestaurant TanteMarguerite (voir Addictions29, p. 7) pour non-respectde la législation sur le tabac. Afin decontourner la loi Evin,Tante Marguerite avaitimaginé des espacesfumeurs fermés danslesquels les clients se servaient eux-mêmes…

LuxeCaser son champagnedans le coffre de saFerrari, ce n’est pastoujours aisé. Rassurez-vous, il existe une mallespécialement conçue à ceteffet. Siglée LV.

Gros lotUn hectare de vigne àCrozes-Hermitage. C’est le gros lot qu’aremporté un habitant deCrolles (Isère) qui avaitparticipé à une tombola.

D é c r y p t a g e s

Echos Criminalité

Récidive : Un risque qui n’a rien de virtuel

Bistrots

La rue est à tout le monde

5 - Juin 2011 - N°34

Le risque de récidive

est-il prévisible, ou

même quantifiable ? La

question peut sembler

provocante. Elle n’est pourtant

pas infondée, si l’on en croit une

récente méthode de pronostic

nord-américaine. Selon la

méthode clinique classique, ce

risque est jaugé lors d’un entre-

tien individuel avec un expert,

qui évalue les capacités d’in-

trospection ou d’empathie du

criminel avant de se prononcer.

La nouvelle méthode, dite

actuarielle, s’appuie sur l’exis-

tence de plusieurs facteurs

retrouvés dans le parcours du

criminel : avoir vécu en foyer

avant 16 ans, avoir commis plu-

sieurs agressions de même

type, être addict à un ou plu-

sieurs produits… Le fait de se

rapprocher d’un profil-type aug-

menterait, statistiquement par-

lant, la probabilité de récidive.

Mais… les individus ne sont

pas des statistiques, rétorquent

les opposants à la méthode, qui

font valoir les capacités de cha-

cun à évoluer, et parfois de

façon radicale.

Testée depuis plusieurs années,

la méthode semble pourtant

convaincante et pourrait être

très utile, à condition toutefois

d’être complétée par un entre-

tien ou d’autres investigations.

CommentaireLa méthode a le mérite depointer les facteurs objectifssusceptibles de motiver unerécidive. Au nombre desquelsle fait d’être addict. S’il n’existepas de déterminisme du crimeet de la récidive, certainschemins ont plus que d’autrestendance à y mener. Ladéfinition de ces facteurs, misen évidence par l’observationde données objectives, pourraiten outre permettre uneprévention plus efficace.Une nouvelle méthode pourraitmieux évaluer le risque derécidive. La Croix, 28.01.2011

…mais certains ont

tendance à prendre

beaucoup de place.

Pour répondre à

l’exaspération chro-

nique d’un certain

nombre d’usagers,

et réhabiliter les

droits des piétons,

le Conseil de Paris

vient de prendre à

l’encontre des terrasses de

café un certain nombre de

mesures : disparition d’ici deux

ans du chauffage au gaz (trop

polluant) et des bâches souples

type «rideau de douche» (trop

vilaines). Les terrasses fermées

par des panneaux vitrés restent

en revanche autorisées, afin de

limiter le bruit. Interdites sur les

trottoirs d’une largeur inférieure

à 2,20 m, les terrasses devront

dans tous les cas laisser un

passage minimum de 1,60 m

pour les piétons.

CommentaireDes dispositions que justifiele nombre des cafés,prolongés par plus de12 000 terrasses (leurnombre est monté en flèchedepuis l’interdiction de

fumer dans le bars), mais aussides commerçants (fleuristes,primeurs…) dont les étalagesoccupent les trottoirs de lacapitale au point de gêner lepassage.

Addic N°34-4 à 7:Addic N°14/4 à 7 16/06/11 01:54 Page5

D é c r y p t a g e s

RussieA quoi joue-t-on ?Officiellement interditsdepuis 2009, les casinosfleurissent à nouveau dansles banlieues moscovites,sous la haute protection duparquet et de la police.Lesquels ferment les yeuxcontre la remise d’uneenveloppe bien garnie…

Vert saleLes nouveaux paquets decigarettes australiensn’auront pas bonne mine.Vert olivâtre, vous imaginez ?Et tous sur le même modèle.L’une des faces seracouverte d’avertissementstrès directs sur les risquesencourus par le fumeur. Lalégislation australienne estl’une des plus strictes aumonde.

Cocaïnomanes(entre autres)Cadre d’entreprise,intellectuel, artiste ? Lecliché sur le profil-type ducocaïnomane a vécu.Aujourd’hui, la blanche estconsommée par leschômeurs, étudiants,intérimaires, ouvriers ouemployés. Lesquelsconnaissent parfois desdérapages importants :consommation compulsive,endettement, retrait de la viesociale. La plupart desusagers sontpolyconsommateurs.OFDT

Echos

6 - Juin 2011 - N°34

L es importations de vins

français en Chine ont

quadruplé depuis 2004.

Et ce n’est pas fini.

Selon les spécialistes, le mar-

ché chinois devrait continuer à

se développer fortement dans

les prochaines années. Les

exportateurs français se frot-

tent les mains. Preuve de leur

intérêt croissant, des investis-

seurs chinois achètent désor-

Viticulture

nouveau, et encore plusprononcé, le goût des Chinoispour la cigarette ne cesse de seconfirmer. Encouragée par le prixmodique des paquets decigarettes, et en l’absenced’information sur les risquesencourus par le fumeur, laconsommation s’est multipliée parcinq au cours des trente dernièresannées, faisant exploser enconséquence les dépensessanitaires liées au tabagisme. Desmesures concernant l’interdictionde fumer dans les lieux publicssont bien annoncées, maisrestent semble-t-il lettre morte.

P. Galinier. Le marché chinoisprovoque l’ivresse des viticulteursfrançais. Direct Matin, 01.03.2011

X. Zang. En Chine, le tabagismedevient un problème massif desanté publique. Le Monde,01.03.2011

mais des châteaux dans le Bor-

delais.

AnalyseL’intérêt porté par les Chinois auxBordeaux et Côtes-du-Rhône estrévélateur d’un goût émergentpour les vins en général. Lesvignobles se multiplient d’ailleurssur leurs terres, au point que laChine est devenue le… septièmeproducteur mondial de vin. Moins

Quand la Chine s’éveille

Coca-Cola

L’eau est un bien précieux500 000 litres d’eau puisés

chaque jour, et 150 000 litres

d’eau usée rejetés. Ainsi

pourrait se résumer l’activité

de l’usine Coca-Cola implan-

tée dans l’Etat de Kerala (sud

de l’Inde). Construite en 2000

au milieu de rizières, elle a

fermé en 2004, à la suite des

protestations des habitants,

furieux de se voir privés d’une

eau indispensable à leurs

récoltes et inquiets des

risques pour leur santé

engendrés par les eaux

usées, chargées en chlore et

en cadmium. Des faits que

continue à nier le géant amé-

ricain, lequel affirme avoir

entretemps mis au point un

procédé de fabrication plus

économe en eau, et incite les

fermiers à expérimenter

d’autres méthodes d’irrigation.

CommentaireUne situation emblématique,montrant clairement lanécessité d’établir despriorités. Préserver les nappesphréatiques dans une régionconnaissant des problèmes de

sécheresse par exemple. Et quine pourra trouver d’issue qu’àtravers un cadre juridiquerendant impossiblel’implantation d’activitésindustrielles coûteuses en eauet compromettant une activitéagricole de premièrenécessité. Il faut savoir quel’Inde est le pays du monde quiexploite le plus les réserves deses nappes phréatiques.

J. Boissou. Coca-Cola au centrede conflits sur l’eau en Inde. Le Monde, 05.03.2011

Addic N°34-4 à 7:Addic N°14/4 à 7 16/06/11 01:54 Page6

D é c r y p t a g e s

L’A.N.P.A.A. ne peut en

aucun cas soutenir la

prescription hors autori-

sation de mise sur le

marché (AMM) d’un produit dont

l’efficacité et l’innocuité ne sont

pas démontrées par des essais

thérapeutiques. Elle suit à

cet égard les recommandations

de l’Agence française de sécuri-

té sanitaire des produits de

santé (Afssaps) qui met en garde

contre l’utilisation du baclofène

dans le traitement de l’alcoolo-

dépendance (6 juin 2011).

L’A.N.P.A.A. respecte néanmoins

le libre choix de prescription des

médecins intervenant dans ses

CSAPA, conformément au Code

de déontologie. Mais elle attire

leur attention sur le fait que c’est

leur responsabilité personnelle

qu’ils engagent.

RappelLe baclofène est un produitproche des benzodiazépines,dont l’utilisation peut donc être

Responsabilité médicale

dangereuse. En particulier chezdes personnes exerçantcertaines activitésprofessionnelles, conduisant desvéhicules ou utilisant certainesmachines. Les études depharmacovigilance aujourd’huidisponibles concernent desdosages inférieurs à ceux quisont préconisés pourl’alcoolodépendance. (A.N.P.A.A. – Délégation à larecherche et l’évaluation – avril 2011)

Héroïne

Culture ancestrale du

Triangle d’or, la culture

du pavot avait diminué

ces dernières années,

à la suite des politiques d’éradica-

tion menées dans le cadre de la

lutte contre la drogue, en Thaïlan-

de ou dans le Laos notamment.

Mais la tendance est repartie à la

hausse. Très lucrative, la culture

du pavot permet aux paysans

pauvres de s’approvisionner en

denrées alimentaires, et de fournir

des antalgiques aux hôpitaux iso-

lés en panne de morphine.

CommentairePolitique préventive d’un côté,logique de subsistance del’autre : deux langages qui nepeuvent guère se comprendre.Surtout quand on sait que lapolitique d’éradication estdictée par les Nations Unies etle gouvernement américain.A l’ombre des champs de pavoten fleurs. A l’ombre des champs de pavoten fleurs. Courrier international,04.04.2011

7 - Juin 2011 - N°34

Ecol-eau-gieLe consommateur est deplus en plus sensible à cequ’il boit…mais aussi aucontenant. Même réaliséeen matériaux recyclés,même allégée, la petitebouteille d’eau devientsuspecte. Accusée d’êtretransportée, et donc deconsommer du CO2. Onobserve du même coupun retour à l’eau durobinet, cent fois moinschère et généralementd’excellente qualité.Désormais plébiscitée parplus d’un Français surdeux.

AntioxydantsIl n’y a pas que le vin. Lesirop d’érable, lui aussi,contient des composésphénoliques au précieuxpouvoir antioxydant.C’est également unanticancérigène,antibactérien etantidiabétique, pleind’éléments nutritifs. Bref,un superaliment !

C’est marquédessusUn œnologue a eu l’idéed’habiller ses bouteillesde collerettes marquéesd’un code-barre. Décryptépar votre smartphone, lecode donne accès à unevidéo, qui vous apprendratout sur le producteur etl’histoire du vin.

Echos

L’A.N.P.A.A. se positionne faceau baclofène

L’or des champs de pavotL’or des champs de pavot

Cannabis

La filière vietnamienne

La découverte d’une discrète

«usine à cannabis», dans un

ancien atelier de confection

à La Courneuve (93), a révé-

lé les agissements d’une filière viet-

namienne spécialisée et déjà

implantée dans plusieurs pays d’Eu-

rope. La plantation, relativement

importante (700 plants), avait néces-

sité une installation sophistiquée et

du matériel coûteux. Elle était entre-

tenue et surveillée par des clandes-

tins en situation irrégulière. .

CommentaireLes fermes de cannabis seraient-elles en train de supplanter lesateliers de confection entre lesmains des Chinois ? Les méthodesemployées témoignent duprofessionnalisme d’une filièreparticulièrement efficace.Des fermes de cannabis «made in Vietnam». JDD, 13.02.2011

Addic N°34-4 à 7:Addic N°14/4 à 7 16/06/11 01:54 Page7

Consciente de l’urgence àintervenir dans les milieuxuniversitaires, lycéens et fes-tifs, l’A.N.P.A.A. a d’emblée faitvaloir son objectif : créer unévénement artistique itinérantet interactif, pour mieuxmobiliser les acteurs locaux etinterpeller l’opinion publique.De son côté, l’artiste sollicité,Pierrick Sorin, a défini lescontours de sa prestation :offrir au regard du public unobjet qui le séduise, attise sacuriosité et provoque enmême temps des interroga-tions sur sa relation à l’al-cool, tout particulièrementquand il fait la fête (voirEntretien pp 10,11). Lescontacts nécessaires ont étéétablis par artconnexion,structure de médiation en artcontemporain. Quant au lancement del’œuvre, il a été assuré par la

Cité internationale universi-taire de Paris, via son pro-gramme Art campus.

Une œuvre en mouvementL’œuvre attire, elle séduit. Maisson impact ne s’arrête pas là.Car le dispositif, démontable, avocation à se déplacer, essentiel-lement dans des sites étudiants.Lors de chaque nouvelle instal-lation, une opération de com-

munication d’envergure est parailleurs prévue pour mobilisermédias et partenaires locaux.Des temps de rencontre serontorganisés avec les animateursde l’A.N.P.A.A. pour ouvrir le dia-logue et répondre aux questionsdu public.La région Ile-de-France est lapremière des quatre régions-pilotes pressenties, et danslaquelle l’action a démarré. Aterme, toutes les régionsdevraient être concernées.

Une œuvre d’art au service de la prévention ? Un vrai défi, que l’A.N.P.A.A. n’a pas hésité à relever…

roposée depuis 1993par la Fondation deFrance, l’actionNouveaux comman-ditaires vise à mettre

en relation un commanditaire(commune, hôpital, associa-tion…) et un artiste contempo-rain, autour d’un projet social :violence urbaine, revitalisationdes liens sociaux…Pourquoi nepas profiter de ce cadre poursensibiliser les jeunes et leurentourage aux conséquencesde la consommation excessived’alcool et lutter contre la bana-lisation des ivresses répétées ?

P Binge drinkingModule multimédia comportant une paroi frontale(2x1,5m) encadrant le théâtre optique proprementdit, et deux parois latérales (1,5x1,5m), supportsd’images défilantes. Le projet a été réalisé grâce ausoutien de la Fondation de France, de l’INPES, de laCité internationale universitaire de Paris,d’artconnexion (Lille) et du Conseil régional Nord-Pas-de-Calais.

Interpeller les jeunes,un art

très contemporain

Action

8 - Juin 2011 - N°34

Addictions34-Action:Addict N°14/P.18-19-Endirect 16/06/11 01:58 Page8

9 - Juin 2011 - N°34

Alcool, autres drogues et risques professionnelsDescription générale :L’exposition, composée de 8panneaux, permet d’aborder laquestion des risques professionnelsen rapport avec la consommationd’alcool et d’autres produitspsychoactifs. C’est un outil informatif et interactifsuscita nt l’échange et la réflexion surles accidents du travail, les effets des produits, la notion deresponsabilité, les contrôles, lespersonnes et structures ressources… L’exposition facilite l’échange etl’information dans certainesentreprises (notamment les PME/PMIet TPE) qui ont peu l’habituded’aborder ces questions.

Public visé :Toutes les entreprises et notamment les PME/PMI ainsi que les centres de formation(CFA, Lycées professionnels, …)

Supports :8 panneaux à exposer : deux formats possibles(totem ou bâche)Livrets d’information (à distribuer) reprenant lesthèmes de l’expositionAffiches reprenant les thèmes de l’expositionLivret d’accompagnement pour l’animateurqualifié

Commentaire :L’exposition peut être utilisée à l’occasion desalons (Préventica…), forums, journées inter-entreprises … ou à l’occasion de journées de

sensibilisation. Il est indispensable quel’exposition soit accompagnée et animée(professionnel compétent de l’A.N.P.A.A. oupersonne formée).L’expérimentation menée en Bretagne a permisde vérifier la pertinence de l’outil et de créerdes contacts avec plusieurs entreprises,aboutissant à d’autres prestations : séances desensibilisation, formations…L’exposition a été validée par la commissionde validation des outils de prévention interne àl’A.N.P.A.A.

Pour tout renseignement complémentaire,s’adresser à l’A.N.P.A.A. 22Contact : [email protected] [email protected]

BRETAGNE : UNE EXPOSITION POUR S’INFORMER

transformé en squelette toutblanc. Qu’un zélé infirmier vaescamoter, afin de libérer laplace. Au suivant !La qualité du montage, laprécision du décor, lespaillettes de lumière et ladanse des couleurs, toutconcourt à capter l’attention.Mais surtout à interrompre,ne serait-ce que quelquesinstants, le fil des pensées

ordinaires, et obliger leregard à se renouveler.Logique et dogmatismes’évanouissent au profit duspectacle. Ici tout est jeu.Mais comme dans tout jeu,des règles doivent être res-pectées. Les petits danse ursl’apprennent à leurs dépens :de toute évidence quelquechose n’a pas été respecté…La boîte magique ne se limi-

te pas à sa façade. De part etd’autre, les panneaux laté-raux s’animent sous le flotd’un liquide mousseux, etlaissent apparaître des mes-sages de prévention.

Bonjour les dégâtsInterloqués, amusés,curieux, les étudiants dela Cité internationaleuniversitaire (Paris), oùl’oeuvre est exposée pour

la première fois, s’arrê-tent quelques instants,puis s’attardent pour ensavoir un peu plus. L’und’eux, manifestementcaptivé, résume à samanière : Un verre ça va,trois verres bonjour lesdégâts. Le slogan, quiremonte à 1984, est plusvieux que lui. Mais mani-festement certaines véri-tés n’ont pas d’âge…

es boîtes noires, c’estfascinant. On le savaitdepuis longtemps.Gare au promeneur

qui va risquer un œil sur lethéâtre optique de PierrickSorin. Happé par la petitemusique échappée du dis-positif, le voilà cloué devantl’étrange fenêtre, etcontraint de plonger dansla scène pétillante quis’offre à lui. Une plongéevirtuelle bien sûr, comme lesont les petits danseurs fré-nétiques qui se déhanchentsur une scène en forme dedisque vinyle, ne reposantle pied à terre que pourremplir leur verre à unebouteille venue du plafond.C’est reparti pour un tour,un peu plus fou, un peu plusdésarticulé. Et puis clac !C’est l’accident. Un danseurtombe à la renverse, illico

Coup de théâtre sur le Binge drinking

L

Addictions34-Action:Addict N°14/P.18-19-Endirect 16/06/11 01:58 Page9

E n t r e t i e n

serait-ce qu’avec lesreflets des portesvitrées, qui parfois sesuperposent etdonnent des effetssurprenants.L’absence de paroledu théâtre optiquerenforce encorel’impact del’image. Commedans le cinémamuet. Il y a de lamagie et de laliberté…Dans unpremier tempsj’avais imaginéréaliserquelque chose

qui se rapprocheraitdu documentaire. Solliciter desjeunes, qui s’alcooliseraient,puis rentreraient chez eux.J’aurais recueilli leurs réactionsquelques heures plus tard, enles surprenant au milieu de lanuit. Mais c’était assez

compliqué à mettre enoeuvre, il aurait fallu desmoyens considérables.Toutefois, avec le petitsquelette, j’ai conservé cetteidée du réveil brutal, qui vousplace face à la réalité, vousoblige à voir les choses…

l Quel impact Bingedrinking aura-t-il sur le public, à votre avis ? Mon œuvre va-t-elle jouersur les comportements ?

l Comment avez-vous réagi à lacommande deBinge drinking ? Je dois direhonnêtement quedans ce projet, cequi a d’abordmobilisé monattention, beaucoupplus que sa finalitépréventive, c’est larecherche technique :avant tout, il s’agissaitpour moi de créerquelque chose quipuisse voyager, tenirdebout, sans tituber…Mais il est vrai qu’aucours des étapes qui ontmené à la réalisation deBinge drinking, j’ai étéamené à prêter attention àcertaines réalités, qui nelaissent personne indifférent.J’ai moi-même des enfants, etje sais ce que celareprésente…

10 - Juin 2011 - N°34

}L’absence de

parole renforcel’impact de

l’image. Commedans le cinéma

muet. Il y a de lamagie et de la

liberté. }

Un sursaut de révolteavec Pierrick Sorin

L’artiste créateur de Binge drinking (voir pp. 8-9), c’est lui. Il parle de sonimplication dans l’œuvre, mais aussi de ses conceptions artistiques.

l Comment avez-vousprocédé ?A la base il y a les jeuxoptiques. Ça peut sembler trèstechnique mais en fait on y estexposé tous les jours, ne

Né à Nantes en 1960, Pierrick Sorin, artiste-vidéaste, réalise des court-métrages et des dispositifs visuels danslesquels il aborde l’existence humaine et la création artistiquesur le mode burlesque. On lui doit en particulier des petits«théâtres optiques», mélanges d’ingénieux bricolages et detechnologies nouvelles, combinant hologrammes et objetsréels. Il signe aussi des mises en scène ou scénographiesd’opéra. Ses œuvres ont été présentées à Paris (Fondation Cartier,Centre Georges-Pompidou, Londres (Tate Gallery), New-York(Guggenheim), Tokyo (Museum of Photography)…

www.pierricksorin.com

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Peut-être. Ou pas… Commentsavoir ? Certains auront peut-être encore plus envie de sebourrer la gueule… Plussérieusement, Binge drinkingn’est pas une œuvre destinée àêtre enfermée dans une cave.Elle a vocation à communiquer,voyager, partager. Au cours deses déplacements, le dispositifsera accompagné par desprofessionnels qui vontcommuniquer avec le public,guider son interprétation. Jesouhaite vivement que monœuvre représente aumoins…une goutte d’eau dansla prévention !

l Vous êtes artiste. Commentpeut-on concilier l’inspirationpersonnelle, nécessaire à toutecréation, et la réponse à unecommande ?A toute époque des artistes ontété amenés à répondre à descommandes. Je pense qu’onpeut à la fois répondre à unecommande et resterindépendant. C’est vrai que par principe jesuis plutôt pour une totaleliberté dans la conception del’œuvre. Je n’aime pas trop lesmessages commandés, quientravent la création. Mais laréalité est là, elle s’impose àvous, et vous oblige à réviser vosprincipes. Personnellement, jeserais plutôt enclin à unecertaine forme de nihilisme. Lavie humaine a-t-elle vraiment lavaleur qu’on lui accorde ?Pourtant quand j’apprendsqu’un jeune de 18 ans est mortlors d’une soirée des suites deson alcoolisation, j’ainaturellement un sursaut derévolte. Je compte sur le fait quechacun va réagir à sa façon, enfonction de l’instant, de sapersonnalité, de ses convictions.

l Vous-même êtes-vous accro àquelque chose ?Oui, à l’art ! n

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Le burlesque apprivoisel’angoisse

I NAUGURATION

Lors de l’inauguration de Bingedrinking à la Cité Universitairede Paris, le 3 mai 2011, le Dr Alain Rigaud, président del’A.N.P.A.A. a évoqué lecontexte dans lequel l’œuvre aété créée. En voici quelquesextraits :

Les soûleries s’observent dèsl’adolescence, et parfois dès douzeans, jusque chez les jeunesmajeurs. Elles s’observent danstous les milieux sociaux, desbanlieues difficiles aux beauxquartiers, des caves d’HLM auxsquares. Elles s’observent aussibien chez les jeunes déjàprécarisés, incertains de leurinsertion, que les étudiants inquietsde la valeur de leur diplôme sur lemarché du travail ou les élites desgrandes écoles, élevées dansl’idéal de la réussite et confrontéesà l’inquiétude de l’avenir oul’angoisse de l’échec. Mais la fête et l’ivresse d’alcooltournent parfois au cauchemar et àl’horreur. L’ivresse tue. L’ivresseest la première cause de mortalitéchez les 15-24 ans. Et pendant ce temps, la préventionreste un objectif délaissé, tant leboire met en jeu des forcesindividuelles et collectivescontradictoires. Comment interpeller et impliquer,dans une démarche de proximité,aussi bien les jeunes adeptes de lafête que les adultes qui lesentourent, la communauté et lesautorités ?

Ayant eu connaissance duprogramme «Les nouveauxcommanditaires», nous avonstrouvé pertinente l’idée de nousappuyer sur une œuvre d’art. Car l’art est un langage universelqui, au-delà de sa fonctionesthétique, porte une fonctionsociétale d’interpellation par d’autres moyens que ceux de laraison. En l’occurrence, je citerai Picasso : «Il faut réveillerles gens. Bouleverser leur façond’identifier les choses. Il faudrait créer des imagesinacceptables. Que les gensécument…»En nous sollicitant par le jeu de sesimages et ses installationsdélirantes, par les effets magiquesde ses vidéos et ses théâtresoptiques, Pierrick Sorin nousinterroge sur notre perception de laréalité. Il nous touche par sonhumour caustique, aussi pince-sans-rire que poétique. Leburlesque apprivoise l’angoisse enla rendant sensible au lieu del’écarter par le déni.

Le Dr Rigaud avec Pierrick Sorin

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D o s s i e r

’alcool est-il unpousse-au-crime ?On sait depuislongtemps queviolence et pro-

duits psychoactifs entretien-nent des liens étroits. Maisau-delà de l’image couram-ment admise, abondammententretenue par les faits diversou la littérature, il convient des’interroger sur la natureexacte de ces liens, et leuréventuelle réciprocité.

L’agression facilitéepar l’alcoolUn bar, un soir. La clientèlese bouscule, dans un relatifanonymat. Et l’incident écla-te. D’un côté des agresseurspassablement alcoolisés,ayant perdu le contrôle deleurs actes. De l’autre despersonnes en état d’ivresse,moins capables de repérer,d’anticiper et de répondre à

la violence, et constituant dece fait des cibles faciles. L’agression, comportementintentionnel, destiné à bles-ser -quel qu’en soit le degréde gravité- est un phénomè-ne complexe, explique Lau-rent Bègue, professeur depsychologie sociale à l’Uni-versité de Grenoble. S’yretrouvent des composantesliées à la situation, maisaussi des variables liées àl’âge, à la personnalité, aucontexte familial ou social(1). Ainsi les sujets disposantde peu de ressources per-sonnelles (capacités de ver-balisation, aptitudes à larelation…) ont tendance àréagir violement à la frustra-tion. Les enfants rejetés parleurs parents, ou dont ons’occupe peu, se montrentplus hostiles et agressifs queles autres. Les circonstancesqui entourent la vie quoti-dienne jouent aussi un rôle :

la violence est observée pré-férentiellement dans desmilieux marqués par la pau-vreté et le chômage. Elle vade pair avec une scolaritépeu investie, ou un basniveau de qualification àl’âge adulte. Enfin les sujetsviolents ont tendance à agirensemble, d’où un «effetgroupe» qui amplifie encorela propension à l’hostilité. Parmi les substances psy-chotropes, l’alcool estconsidéré comme le pro-duit le plus fortement lié au

comportement agressif.Une récente étude françaisea montré que 40% des per-sonnes qui avaient participéà une bagarre dans un lieupublic avaient bu dans les 2heures précédentes (2).Toutefois, «le fait que l’al-cool soit fréquemmentimpliqué dans les épisodesagressifs ne démontre pasqu’il soit causalement oudirectement responsabledes actes agressifs» préciseLaurent Bègue. Des sujetsalcoolisés qui n’ont pas été

L

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C o m p o r t e m e n t s

Boire rend violent, c’est bienconnu. Mais la formule

peut se retourner : la violence donton est victime peut pousser à boire,ou se droguer. Survol d’une liaison

dangereuse, à la lumière desdernières données.

L’engrenage de

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13 - Juin 2011 - N°34

provoqués se montrentrarement agressifs. Com-ment alors rendre comptedu surgissement de l’acteviolent ? Sous l’effet de l’alcool, plusexactement durant la phaseascendante de la courbed’alcoolémie, le traitementde l’information peut subirdes modifications. C’estainsi que certains éléments,de portée immédiate : uneparole, un geste, un regard,accaparent l’attention del’individu, au détriment

d’autres informations pluscomplexes qui permet-traient de relativiser. «Unesimple bousculade serajugée plus hostile quandon a bu que si l’on est àjeun».C’est la «myopiealcoolique», responsabled’interprétations erronées,devenant elles-mêmesmotif à violence. La percep-tion qu’on a de soi peutaussi se trouver modifiée, lesujet alcoolisé ayant ten-dance à se trouver supé-rieur.

Quant aux victimes, leurimplication, même passive,dans l’agression est de plusen plus suspectée. La plu-part connaissent leur agres-seur, et peuvent, en raisonde leur comportement oude leur consommation, êtreplus facilement entraînéesdans un acte de violence.Les phénomènes de répéti-tion sont fréquents. Uneétude de 2010 (Bègue et al)montre que des femmesayant des concentrationsd’alcool élevées avaient étévictimes de coups et bles-sures au cours des deuxannées précédentes. Que nous apprennent lesobservations menées àgrande échelle et sur le longterme, sur la relation entreconsommations et manifes-tations de violence ? En Finlande, une étude por-tant sur une période de cin-quante ans (1950-2000) s’estintéressée à l’augmentation

En laboratoireL’association alcool-violenceétant souvent présentéecomme une évidence, lasimple suspicion d’alcool peutfaciliter le passage à l’acte,habituellement observé quandle sujet est alcoolisé. On parlealors d’anticipation de l’effet. Au cours d’une expériencemenée en 2009, des sujets secroyant alcooliséstémoignaient d’une réactionagressive à l’égard d’unprovocateur-figurant. Qui plusest, leur agressivité étaitproportionnelle à la dosed’alcool qu’ils étaient censésavoir consommée.Plus subtilement encore, uneétude a montré que des sujetsexposés de façon subliminaleà un mot lié à l’alcool puisconfrontés à une frustrationavaient plus volontiers uncomportement réactionnelhostile (1).

e la violence

des actes de violence recen-sés par la police d’une part,et à l’augmentation de laconsommation d’alcool parhabitant de l’autre. Les deuxséries suivent des courbessimilaires. On a même puestimer qu’une augmenta-tion d’un litre de la consom-mation annuelle d’alcoolcorrespondait à une aug-mentation située entre 3 et6% du taux d’agression (3). Une autre étude, australien-ne, s’est intéressée aux cir-constances des décès parhomicide ou suiciderépertoriés pendant dixans dans un centre demédecine légale de Syd-ney. Il s’agissait de quan-tifier chez ces victimes laprésence d’alcool,opioïdes et psychosti-mulants (les cas de sui-cide par empoisonne-ment ou overdoses,

ll ll ll

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dans lesquels les substancessont la cause directe dudécès, avaient été exclus).Des toxiques ont été repérésdans 65% des cas (4), aunombre desquels l’alcool,retrouvé dans la majoritédes cas.Parmi les 185 000 auteursprésumés d’infractions vio-lentes (meurtre, viol, vol,dommage corporel grave)commises en Allemagne en2002 et repérés par la police,plus de 5% étaient consom-mateurs de drogues duresou toxicomanes, soit quatrefois plus que dans la popu-lation générale (3).

L’agression facilitéepar la drogueBagarres entre revendeurs,entre revendeurs et clients,intimidations, menaces,extorsions…Si le commer-ce, légal, de l’alcool est enprincipe exempt de faits deviolence, le trafic de ladrogue, lui, n’y échappe pas,gangrénant la vie quoti-dienne de quartiers entiers,dont les habitants n’ont pasd’autre choix que d’obtem-pérer. Même si la générali-sation des traitements desubstitution aux opiacés afait baisser le niveau demenace sociale en prove-nance des usagers. Unauteur [Goldstein (3)] défi-nit ainsi la relation existantentre consommation dedrogue et actes de violence : l la violence découle dessubstances qui agissent surl’individu, incapable de sur-monter ses impulsions l la violence est motivée parle besoin pour le consom-mateur de se procurer l’ar-gent nécessaire à sa

consommation. D’où desactes de vol, pouvant dégé-nérer en cas de résistance dela victime.l le marché de produits illi-cites est violent par nature. Ils’accompagne de conflits deterritoire, où sévissentbandes rivales et règlementsde code.

La violence incite àconsommerChangement de perspecti-ve : si la consommation etle trafic de psychotropes

de santé d’un individu, lesviolences qu’il a éventuel-lement subies, et son par-cours biographique. Il enressort qu’un tiers de lapopulation interrogéeconnaît un cumul de pro-blèmes : violences (phy-siques ou psychologiques)subies, état de santé dégra-dé, conditions de vie diffi-ciles. Ces dernières recou-vrant des éléments tels queprécarité, chômage,

peuvent engendrerdes violences, l’agres-sion dont on a été vic-time pourrait, danscertains cas, enclen-cher ou encouragerun comportementtoxicomaniaque. L’enquête Evénementsde vie et santé, menéeauprès de personnes

âgées de 18-75 ans (5), s’estintéressée aux trois dimen-sions que constituent l’état

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L’alcoolisme est fortement lié au comportement agressif.

}L’agression dont on a été victime

pourrait encouragerun comportementtoxicomaniaque. }

Le marché de produits illicites est violent par nature.

D o s s i e rC o m p o r t e m e n t s

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carences affectives, perteou suicide d’un proche,mais aussi consommationd’alcool ou de drogue dansle milieu familial. «Fairepartie d’une populationqui subit à la fois des vio-lences et traverse des évé-nements de vie difficiles vade pair avec un état desanté mentale dégradé etune situation de probableconsommation excessived’alcool ou d’alcoolodé-pendance». A contrario, lesdeux autres tiers de popu-lation de l’étude se trou-vent relativement épar-gnés.Dans cette même enquête,les jeunes adultes (18-34ans) déclarant avoir subides violences (physiques,sexuelles, psychologiques)au cours des deux annéesprécédentes ont des préva-lences plus élevées d’usagede substances illicites et detabagisme quotidien. Desconflits graves avec leursparents, un divorce, uneséparation, vécus durantl’enfance et l’adolescencesont fortement associés àune expérimentation deproduits illicites ou unusage régulier de tabac oude cannabis. Les jeunesadultes rapportant des pro-blèmes d’alcool ou de toxi-comanie dans leur familleproche sont deux fois plusnombreux à consommer ducannabis (6). On se gardera toutefois,insistent les auteurs, detirer des conclusions trophâtives sur le caractèreautomatique des enchaî-nements négatifs : enaucun cas la fréquence sta-tistique n’équivaut à undéterminisme, elle doit en

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revanche attirer l’attentiondes responsables de santépublique sur les priorités àdéterminer dans les poli-tiques menées.

Des contextes particuliers Tout le monde le sait : cer-tains contextes sont parti-culièrement propices àl’émergence de faitsextrêmes en lien avec laconsommation de pro-duits : quand ils ne déclen-chent pas l’acte de violen-ce, l’alcool ou la drogueviennent exacerber uneagressivité latente, révéléepar un environnementparticulier (foule, confine-ment, bruit, nuit…) ou dessituations plus ou moinsexplosives.

SportLes grands rassemble-ments sportifs sont de plusen plus le cadre d’agres-sions spécifiques entresupporters rivaux ou sup-porters et policiers. Uneviolence qui, les jours dematch, ne reste pas confi-née dans les stades et serépand dans les quartiers

avoisinants, créant deséchauffourées spectacu-laires et parfois des actesmeurtriers.Une hypothèse intéressan-te (3) suggère que les actesde violence observés lorsdes matchs de football se

cristallisent autour de cli-vages préexistants, indé-pendants du sport propre-ment dit mais liés à desproblématiques nationales :rivalités de classes socialesen Angleterre, conflits reli-

Durant les épreuves du Championnat d’Europe de football (2000), lamunicipalité d’Eindhoven (Pays-Bas) avait émis des restrictions concernantl’alcool : seule la bière légère en cannettes métalliques était autorisée encentre-ville. Donc pas de bière forte, pas de bouteilles non plus pouvantservir d’armes ou de projectiles. Les rues de la ville sont restées relativementcalmes. En Belgique en revanche où, dans la même période, aucune mesurespécifique n’avait été prise, de nombreuses émeutes ont éclaté entresupporters d’équipes adverses.

La preuve par neuf

L’alcool ou la drogue viennent exacerber une agressivité latente.

ll ll ll

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gieux en Irlande du Nord,divisions linguistiques enEspagne, oppositionNord/Sud en Italie… Preuves’il en est que les phéno-mènes observés prennentracine dans de véritablesenchevêtrements de causa-lités, ce qui ne rend pas leurprévention plus facile, loinde là.

RouteDans un accident mortelsur trois, le conducteur adépassé le taux légal d’al-cool. Les nuits de fin desemaine se révèlent parti-culièrement meurtrières enprésence d’alcool, avec unnombre d’ accidents repré-sentant en France 12% de lamortalité routière totale. Malgré un durcissement dela législation dans notrepays depuis 1980, la pro-portion des accidents avecalcool reste stable. Leurdiminution apparente enchiffres absolus tient en faità la diminution globale dunombre des accidents. Lesconducteurs masculinssont surreprésentés dansles accidents avec alcool(92% dans les accidentsmortels). Un cyclomotoriste

nent souvent gâcher la fête.A tel point que les grandesmanifestations font désor-mais l’objet d’une attentionspécifique.Le récent rapport (8) remis àla demande du ministre del’enseignement supérieursur les Soirées étudiantes,mais dont les réflexionss’élargissent à l’ensembledes soirées festives, soulignela fréquence des alcoolé-mies supérieures à 2g, liées à

des agressions, viols et vio-lences. L’organisation de cessoirées pourrait être pro-chainement soumise àdéclaration en mairie oupréfecture, avec désignationd’un responsable en chargedes questions de sécurité.Des opérations testing pour-raient être multipliées pourvérifier la conformité avec lalégislation.

Comment agir ?

Les politiques relatives à l’al-cool n’ont pas toujours l’im-pact désiré, les impératifs desanté publique et de sécuritéaffichés s’effaçant parfois auprofit d’autres considéra-tions, intérêts économiquescompris. Par ailleurs cer-taines mesures ont du mal às’imposer du fait de leurimpopularité : ainsi les res-trictions aux jours et heuresde vente d’alcool imposéesdans certains pays sont deplus en plus critiquées par

sur trois impliqué dans unaccident mortel présente untaux d’alcoolémie supérieurà 0,5g/l. (La sécurité routièreen France. Bilan 2009. securi-te-routiere.equipement.gouv.fr)

FêtesSoirées privées, événementsfestifs, grands rassemble-ments…Des débordementsimprévus liés aux consom-mations excessives vien-

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Dans un accident mortel sur trois, le taux légal a été dépassé.

Nombre de délits au Code de la route en lien avec la consommation de psychotropes

Conduite d’un véhicule en état d’ivresse manifeste : 8051 (2008) – 7245 (2009)

Conduite avec un taux d’alcoolémie supérieur à 0,8 g : 163700 (2008) – 159 795 (2009)

Conduite après usage de stupéfiants : 12640 (2008) – 20 968 (2009)

Conduite après usage de stupéfiants et sous l’empire de l’alcool 2 130 (2008) – 3 268(2009)

(Ministère de l’intérieur, 2010)

Délits routiers

D o s s i e rC o m p o r t e m e n t s

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17 - Juin 2011 - N°34

les mouvements de consom-mateurs. Toutefois on assisteactuellement à la généralisa-tion des mesures prises àl’encontre de l’ivressepublique et en faveur de lasécurité routière. En France, la loi relative à lapolitique de santé publiquedu 9 août 2004 prévoyait unPlan «pour limiter l’impactsur la santé de la violence,des comportements à risqueet des conduites addictives».Initiative pionnière en Euro-pe, la France ayant été l’undes premiers pays à produiredes analyses de fond sur lesliens complexes entre violen-ce et santé. Pourtant force estde constater que ce plan n’ajamais réellement vu le jour.«La prise en charge desauteurs comme des victimesreste complexe et fragmentéeà l’image des diverses institu-tions qui les prennent encharge» (9).

Croiser les données

La mesure la plus efficaceconsisterait effectivement àcroiser les données et les res-sources existantes, en prove-

interventions diversifiéeset complémentaires d’ac-teurs relevant des champsmédico-social, associatifou municipaux. Dans une note sur Drogueet criminalité (10),l’OEDT résumait la situa-tion en ces termes : «Encomparaison avec la popu-lation générale, les délin-quants présentent desusages de drogue élevés, etles usagers problématiquesde drogue s’avèrent plussouvent être des délin-quants. Toutefois la rela-tion entre drogue et crimi-nalité n’est ni simple nilinéaire. Elle n’est pas nonplus universelle : de nom-breux récidivistes ne sontpas des consommateurs dedrogue, et de nombreuxtoxicomanes ne commet-tent aucun délit autre quecelui de la consommationde drogue». On ne sauraitmieux dire. Toutefois lesprobabilités de collusionentre drogue et criminalitésont trop souvent vérifiées

nance par exemple desorganes de justice (casiersjudiciaires) et des services desanté. Pourquoi ne pas ins-taurer, au nom de la préven-tion, une collaboration régu-lière entre commissariats ethôpitaux ?On sait par exemple que lamajorité des personnesentrant aux urgences avecblessures liées à l’agressionont déjà été impliquées dansd’autres violences l’annéeprécédente. Des interventions cibléespermettraient de réduireles cas de récidive. La coopération désormaisdéveloppée entre acteursdu champ pénal et duchamp social au sein descentres spécialisés CAA-RUD et CSAPA constitueune étape importante etprometteuse. Reste toute-fois le problème de cer-taines populations sociale-ment précaires, marginali-sées, particulièrement diffi-ciles à sensibiliser et àprendre en charge. D’unemanière générale, le dispo-sitif de réduction desrisques s’appuie sur les

Instaurer une collaboration régulière entre commissariats et hôpitaux.

pour que des actions derepérage et de prévention nesoient pas généralisées. n

(1) BEGUE (Laurent) – L’Agressionhumaine – Paris, Dunod, 2010 – 152 p.

(2) Voir Addictions juin 2009.Entretien avec Laurent Bègue

(3) Conseil de l’Europe. Drogues etalcool : violence et insécurité. Projetintégré 2005

(4) DARKE et al – Drugs and violentdeath ; comparative toxicology ofhomicide and non-substancetoxicity suicide victims. Addiction,2009, 104

(5) CAVALIN (C.) – Des parcours devie difficiles, où surviennentviolences et problèmes de santé. In(7) pp. 171-183

(6) BECK (F.) – Les pratiquesaddictives des jeunes adultes. In (7)pp. 203-219

(7) BECK (F.), CAVALIN (C.),MAILLOCHON (F.), sous la dir. de –Violences et santé en France. Paris,La Documentation française, 2010 –274 p.

(8) DAOUST (Martine) – Rapport dugroupe de travail sur la mission“soirées étudiantes et week-endsd’intégration. 2011

(9) Violence et santé. Autopsie d’unplan de santé publique. Santépublique 2010 n° 6

(10) OEDT – Drogue et criminalité :une relation complexe. Objectifdrogues, 2007

Une expérience finlandaiseUn projet a été expérimenté dans une ville finlandaise de200 000 habitants, Tampere, au début des années 2000 (6).Les rassemblements de jeunes, surtout en fin de semaine,bruyants et accompagnés de désordres de toute sorte,étaient de plus en plus mal vécus par les habitants. D’oùl’initiative de la ville de mettre en œuvre un plan prévoyantl’intervention de la police, dont les effectifs ont étémultipliés dans les quartiers concernés entre 18h et 2h dumatin, et en coopération avec les services sociaux.L’initiative a bénéficié d’une couverture médiatiqueimportante. Si les troubles ont nettement diminué en centre-ville, il est malheureusement probable qu’unepartie des jeunes s’est déplacée dans d’autres quartiers, envahis à leur tour…

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G r o s p l a n

es patients qui seprésentent pourl ’ A c c o m p a g n ement De Jour (voirencadré) sortentd’une cure de

sevrage, effectuée en ambula-toire au CSAPA, avec leurmédecin traitant ou en milieuhospitalier. Leur maintien dansl’abstinence est donc encorefragile. C’est dans ce cadre qu’ils vontdécouvrir l’atelier que j’animedeux après-midis par semaine.

Une séance à l’atelierLa première partie de la séan-ce est axée sur la créativité col-lective. Le groupe, de 5 à 8patients, se voit proposer desjeux ou énigmes dont la solu-tion exige beaucoup d’inven-tivité et la participation detous. Les patients prennentconscience de la force créatri-ce et de la richesse de leurgroupe, quels que soient lesmembres qui le composent.Ces jeux vont leur permettrede repérer les stratégies quedéveloppe inconsciemment legroupe pour trouver la solu-tion de n’importe quel problè-me (une énigme n’est jamaisqu’un problème parmi tantd’autres !). La mise en éviden-ce de ces stratégies permetalors à chacun de les réutiliser,de manière consciente etvolontaire, pour résoudre sespropres difficultés quoti-diennes en sollicitant la créa-

Je leur explique alors que l’en-jeu n’est pas de faire uneœuvre d’art, mais plutôtquelque chose de «juste», decohérent pour son créateur.Petit à petit le maniement despinceaux, des feutres, des pas-tels ou de la terre va faireémerger des formes, des cou-leurs, des visages, des situa-tions, des expériences, des his-toires... Pendant quatresemaines, au fil des séances,les patients se racontent etvoient émerger sous leurs yeuxétonnés un monde qui est leleur, qui parle d’eux...Un fil setisse entre la boule de terrequ’ils ont pétrie, les mandalasqu’ils ont inventés, les textesécrits ou les photos transfor-mées. Ce fil, c’est leur fil.Unique, personnel, celui deleur histoire, cette histoire quiles a amenés là où ils sontaujourd’hui.A chaque étape, ce qui a été

tivité de son entourage : com-ment gérer un problèmeadministratif, commentrecréer un lien distendu, sefaire des amis, trouver unlogement…Cette phase permet aussid’activer la dynamique degroupe , le plus souvent par lerire, et les propositions de laseconde partie sont ainsi trèsfacilement introduites. La deuxième partie de laséance est consacrée au tra-vail individuel de chaquepatient, invité à explorer sapropre créativité au traversde différents supports :peinture, dessin, collages,modelage, travail sur man-dalas (2), écriture, etc…; cesexpérimentations se font enlien avec les thématiquesabordées les quatre pre-mières semaines par lesmembres de l’équipe théra-peutique, à savoir : les émo-tions, l’affirmation de soi etl’estime de soi, les pensées

18 - Juin 2011 - N°34

et croyances, la gestion desconflits.

Forme, couleurs,expression, histoires…L’art thérapie consiste doncdans un premier temps àproposer au patient de s’ex-primer en créant quelquechose, en réalisant un objeten terre, un masque enpapier, etc... Sur un thèmedonné (les émotions, lestress…) en lien bien sûr avecla problématique alcool. Pourcela il va devoir explorer desmoyens d’expression qui luisont la plupart du tempsinconnus : très peu ont eul’occasion de peindre, dessi-ner, sculpter. J’entends sou-vent dire : «Ah, vous savez,moi je ne sais rien faire ! Je nesais pas dessiner, je suis nul !»

La création personnelle peut venir ausecours des mots défaillants, et aider le patient alcoolique àdécouvrir en lui des ressources insoupçonnées. A Besançon,pinceaux et pastels racontent le passé et inventent l’avenir…

par Viviane Molard (1)

Un atelier d’art- t

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créé fait jaillir des émotions,des souvenirs et des désirs quivont faciliter la parole. Lepatient tout doucementrecommence à se dire... sousun nouveau jour, avec unenouvelle compréhension de sasituation, un nouvel éclairage.

Une source de libérationL’art thérapie privilégied’abord et avant tout unmode d’expression autre quele langage verbal. Elle s’adres-se aux personnes en difficultépsychologique pour qui le«dire» est inhibé, pour toutessortes de raisons : parce queles situations sont trop dou-loureuses, parce que les motsmanquent pour décrire ce quia été vécu et ressenti, parceque les personnes ont perdutoute confiance en elles,parce qu’elles ne se donnent

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plus le droit de s’exprimer,parce qu’elles n’ont plusconscience de ce qu’ellesvivent au jour le jour.Mon rôle ne consiste pas àinterpréter ce qu’a fait lepatient mais plutôt à l’accom-pagner par ma présence, mespropositions et surtout mesquestions pour qu’il mettelui-même les mots qui sontles siens sur son histoire, ses

expériences, ou ce qui fait delui un être unique. C’est aussià moi de pointer tout ce quipeut être ressenti commepositif dans l’œuvre créée,tout ce qui révèle un poten-tiel, une capacité ou tout sim-plement une envie de vivre,un amour de la vie. Car c’estlà-dessus que le patient s’ap-puiera pour avancer plus tard.On n’avance pas en regardantles freins de sa voiture mais enmobilisant le moteur et l’ac-célérateur ! C’est un peu pareilà mon sens en art thérapie,d’où l’importance aussi dedévelopper le sens du plaisiret celui du jeu. C’est fou cequ’on apprend en jouant ! Lerire partagé fait deux fois plusde bien que le rire solitaire, etla contemplation de sonœuvre par des yeux étrangersapporte au créateur un plaisirqu’il n’aurait pas seul devantson travail achevé, quellequ’en soit la qualité.Permettre au patient d’explo-rer son potentiel de créativité,c’est aussi faire appel à sonimagination, à son intuition, àsa mémoire... c’est l’amener àse reconnaître des capacitésqu’il ne pensait pas avoir, cequi développe bien sûr aussisa confiance en lui. Cet aspectconstructif est, de mon pointde vue, tout aussi importantque celui qui consiste à explo-rer les parties les plussombres de sa personnalité etde son histoire.L’atelier d’art thérapie va ainsipermettre des prises deconscience, c’est une sourcede libération, un révélateur,un catalyseur dans le chemi-nement de la personne. Enrégénérant l’estime et l’affir-mation de soi, il apporte trèssouvent aux patients un senti-ment de bien-être, d’autono-mie et de liberté.

Et après…Les patients restent bien sûrles seuls détenteurs de leurproduction qu’ils peuventremporter à leur départ del’institution. Ils ont le choix deretravailler les informationsémergentes avec d’autresmembres de l’équipe s’ils lesouhaitent, en particulier lapsychologue de l’ADJ. L’atelierd’art thérapie participe,comme les autres activités del’ADJ, à la mise en lumière deleurs problématiques commede leurs potentialités. Mais ilest évident qu’au fil du temps,les images, les textes ou lesformes créés ont la capacité degénérer une vision et des com-portements nouveaux quicontribuent à leur manière aulong cheminement despatients vers l’abstinence etvers un mieux-être physique etémotionnel. n

(1) Art thérapeuteADJ / RBA/ANPAA 25 / CSAPA deBesançonBiologiste de l’environnement, VivianeMolard a aussi une formation en artsplastiques, art thérapie etcommunication. Elle conçoit et animedes ateliers d’écriture et des formationspour adultes (formationprofessionnelle).

(2) Dessin ou peinture inscrit dans uncercle qui favorise l’expression de soi, lacréativité et la méditation

Le Réseau bisontind’alcoologieCréé et coordonné par l’A.N.P.A.A. 25 depuis 2005, leRéseau Bisontin d’Alcoologie (RBA) propose unAccompagnement De Jour aux patients en difficulté avecl’alcool, en complément des prestations déjà en placedans les différents établissements. Un suivithérapeutique de groupe, d’une durée de 5 semaines,est assuré par une équipe pluridisciplinaire composéedu médecin référent, de deux art thérapeutes (artsplastiques et approche corporelle), d’une psychologueclinicienne, d’une sophrologue, d’une diététicienne et d’une éducatrice spécialisée. La prise en charge sedéroule du lundi au vendredi de 9h30 à 16h30 dans leslocaux de l’A.N.P.A.A. 25, à Besançon. Avec, trois fois par semaine, un atelier d’art thérapie,d’une durée de 3 heures.

- thérapie à Besançon

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E n d i r e c t

oir, blanc, aulait, auxamandes, auxnoisettes ou àl’orange, le

chocolat est souvent décritcomme une drogue par sesadeptes. Eva, 33 ans, ensei-gnante, explique qu’elle nesaurait se passer de sa «dosequotidienne» : «J’ai besoin demanger deux carrés de cho-colat après chaque repas. Il nese passe pas un jour sans quej’aie ma dose de chocolat.Même au régime, je ne peuxpas faire l’impasse dessus,sinon je suis trop frustrée.Pour moi, c’est un besoinvital : j’en mange à la fois parplaisir mais aussi lorsque jesuis triste ou stressée. Sanscela, je serais malheureuse etinvivable !» Grande amatricede chocolat au lait, la jeunefemme avoue même ressen-tir les effets du manque. «Jedeviens vite irritable lorsqueje n’ai pas de chocolat sous lamain. En principe, il y a tou-jours une plaquette d’avanceà la maison. Mais si vraimentje suis en manque, je suiscapable de ressortir même

ceux qui consomment entre100 et 500 g de chocolat noirtous les jours, depuis aumoins trois mois. Leur profil ?Plutôt célibataires, sportifs,très investis dans leur travailet parfaitement intégrés dansla société. Reconnue, lachocolatomanie n’en restepas moins marginale. Quantà savoir si elle peut êtreassimilée à une véritableaddiction, la réponse sembleassez claire pour les spécial-istes. «Non, l’addiction auchocolat n’existe pas, assure leDr Hervé Robert, médecin

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c’est que l’on peut être accrodu chocolat sans craindre lesconséquences car cela nerend pas malade. C’est unedrogue tendance et acceptéepar la société. »

Plaisir ou droguedouce ?S’intéressant à ces fana-tiques du chocolat, lePr Chantal Bismuth et le DrGrauzmann ont publié en1985 une étude sur la « cho-colatomanie ». Ils désignentpar « chocolatomanes »

par un temps affreux pouraller en acheter à l’épicerie ducoin et ce, à n’importe quelprix !»Pour certains, la passion duchocolat va encore plus loin.Michelle, 57 ans, fonctionnai-re, fait partie de ces gens quel’on nomme «chocolato-manes». Capable d’engloutirune tablette entière de choco-lat, elle n’hésite pas à fondresur le chocolat pâtissier si ellen’a rien d’autre sous la mainet va même jusqu’à faire desrepas 100% chocolat. «Meslimites reculent de plus enplus. De quelques carrés que jem’autorisais quand j’étaisjeune, je suis passée à 200,voire 300g. Pour moi, il y avraiment une corrélationentre la cinquantaine et cebesoin encore plus grand dechocolat. Je peux manger sansm’arrêter même si les quanti-tés semblent exagérées.»Consciente de son péchémignon, Michelle n’a paspour autant l’intention defreiner sa consommation. « Jesuis trop gourmande et j’aibesoin de sucre sous cetteforme, sourit-elle. L’avantage,

Rien de tel qu’un bon carré de chocolatquand le moral est en baisse. Mais

l’envie de mordre dans la tablette estparfois irrépressible, voire quotidienne.

Faut-il alors parler d’addiction ?

Npar Ariane Langlois

Chocolatovore,

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notre esprit ! «C’est un ali-ment facilement accessible,socialement accepté, qui sti-mule dans le cerveau nossystèmes de récompense etreste associé aux plaisirs denotre enfance, poursuit le DrRobert. Comme son goût estagréable et que l’on sait parexpérience qu’il nous fait dubien, cela suscite imman-quablement l’envie d’enmanger encore et encore…»Anti-dépresseur naturel, sti-mulant pour notre cerveau,le chocolat n’aurait que desqualités : fini donc la culpa-bilité, les passionnés n’ontaucune raison de s’en priver !

nutritionniste, enseignant àla faculté de médecine deParis 13 et co-auteur du livre«Tout sur le chocolat» auxéditions Odile Jacob.Contrairement au tabac ou àl’alcool, le chocolat n’occa-sionne ni dépendance, niaccoutumance. Pour obtenirles mêmes effets bénéfiques, letoxicomane est obligé d’aug-menter les quantités dedrogue ingérées au fil desmois. Or, ce n’est pas le cas duconsommateur de chocolatqui absorbe en moyenne tou-jours les mêmes doses. Parailleurs, sa consommationrelève plus du rituel que de laconduite addictive : il s’offreun chocolat de temps entemps pour se donner ducourage durant sa journée detravail. C’est un plaisir inno-cent et non un signe de troubledu comportement.» Autre dis-tinction par rapport à uneaddiction traditionnelle, lesperformances psychomotri-ces ou intellectuelles ne sontpas modifiées par la prise desubstance. Enfin, même s’ilsont le sentiment que c’est dif-ficile, les chocolatomanespeuvent se passer de leurproduit fétiche. «Un passion-né de chocolat qui part en

Le chocolat, bon pour la santéRiche en magnésium, en fer, enphosphore, en potassium et envitamines B1 et B2, le chocolat renfermeégalement des anti-oxydants, substances

utiles dans la prévention de nombreusesmaladies, dont les cancers. En outre, lecacao assurerait une excellente protection

contre les maladies cardiovasculaires, grâce àses polyphénols et ses flavonoïdes. Enmoyenne, un Français consomme 12 g de

chocolat par jour. Selon les spécialistes, 8 grammes suffiraient àassurer le maximum d’effets positifs sur la santé. A condition toutefoisde privilégier un chocolat noir riche en cacao (minimum 70%).

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je croque . je craque . juste un carré. fondant . noir . aux noisettes . nappé .

encore un . mmmmmmmm .

y’en a plus ?

, et alors ?être accros ? «Tout simple-ment parce que le fait demanger du chocolat libère del’endorphine : cette hormonedu plaisir se répand danstout notre organisme etdéclenche un sentiment d’eu-phorie et de bien-être,explique le Dr Robert. Lechocolat est l’aliment plaisirpar excellence : il apporte unréconfort certain.» Le magnésium, surtout pré-sent dans le chocolat noir,aurait par ailleurs un effetrelaxant sur le système neu-romusculaire. Autrement dit,l’effet anti-stress du chocolatn’est pas une illusion de

vacances dans un pays où lechocolat n’est pas une denréecoutumière et où la chaleur nepermet pas de le conserver n’aaucun symptôme physique demanque», confirme le DrRobert.

Un effet avéré sur lestressAlors, si le chocolat n’est pasune source d’addiction,pourquoi ses adeptes ont-ilsl’impression si nette d’en

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Nous avons aimé beaucoup ™™™, assez ™™, moyen ™

22 - Juin 2011 - N°34

T abac, alcool, jeux de hasard,

boulimie…De plus en plus les

thérapeutes - qu’ils soient

infirmiers, médecins, psycho-

logues ou psychanalystes - sont appelés à

traiter des cas de dépendances, simples

ou croisées. Tel le cas d’Y., addict au sport

et victime de crises alimentaires, sur fond

de rumination anxieuse et de dysmorpho-

phobie. Problématiques trouvant proba-

blement leurs racines dans une faible esti-

me de soi. Ou celui de Max, 18 ans,

consommateur d’alcool, tabac et canna-

bis, chez lequel sont décelés hypervigilan-

ce, voire méfiance et agressivité, et dont

le comportement est aggravé par ses

consommations. A Julia, qui «joue trop»

aux machines à sous («c’est mon antidé-

presseur et en même temps ma dépres-

sion»), fume et doit faire face à de grosses

C omment se débarrasser

d’un détective sur le

point de découvrir une

vérité gênante ? Répon-

se : en posant un petit whisky bien

tassé sur son bureau, et arrosant son

matelas du même liquide, chargeant

l’atmosphère d’une odeur propre à le

faire rechuter dans les trente

secondes… Car Matt, le détective en

question, est alcoolique, ou plutôt ex-

alcoolique, à la veille de fêter son

premier anniversaire d’abstinence.

Elle n’est pas si lointaine, la période

où une autre partie de lui-même

«gérait les choses, conduisait la voi-

ture et faisait grincer les vitesses»…

L’idée de situer l’intrigue du polar au

découvert… Les évé-

nements se déroulent

et s’embrouillent au

rythme des réunions

AA, entre cafés noirs

et Cocas. On appré-

ciera la maîtrise et

l’esprit de déduc-

tion du héros. Tout

comme la finesse

des dialogues et

la qualité de la

traduction, qui caractérisent ce

roman d’excellente facture. EF

BLOCK (Lawrence) - Entre deux verres -Paris, Calmann-Lévy, 2011 – 306 p.™™

pertes financières, sera proposée une

prise en charge biopsychosociale incluant

mobilisation des proches, plan de rem-

boursement et relaxation. Au travers de

l’analyse de douze cas cliniques, ce livre

présente un panorama de situations fré-

quemment rencontrées, ce qui ne veut

pas dire banales, les mécanismes psy-

chiques entrant en jeu étant à la fois mul-

tiples et complexes. Observations cli-

niques et hypothèses diagnostiques

concourent à l’élaboration de recomman-

dations thérapeutiques. Un ouvrage

sérieux, ouvert et pédagogique.

EF

FERNANDEZ (Lydia), sous la dir. de –Psychopathologie des addictions : 12cas cliniques. Paris, In Press, 2010 –297 p. ™™™

Psychopathologie des addictions : 12 cas cliniques

LivresLivres

Entre deux verressein du petit

monde des AA

new-yorkais, dans

les années 80, est

une trouvaille. Et

surtout celle d’en

exploiter la huitiè-

me étape («Nous

avons dressé une

liste de toutes les

personnes que nous

avions lésées et nous

avons consenti à

réparer nos torts envers chacune

d’elles»). Précisément, l’une de ces

listes recèle des indices propres à

repérer un ancien co-meurtrier.

Lequel désormais craint d’être

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magazine trimestriel de l'Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie

Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom :. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

CP : . . . . . . . . . . . . . . . Ville : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse e-mail : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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VOICI MES COORDONNÉES PERSONNELLES

Pour en finir avec les dealers N e vous fiez pas à sa présentation, déli-

cieusement vieillotte ! Ce petit ouvrage,

qu’on croirait tombé du grenier, regorge

d’informations, académiques ou pas,

mais tout à fait actuelles, sur

le produit. De A (comme

Appel du 18 joint) à Z (comme

Karl Zéro). En passant par

chocolat, danger, le plus vieux

pétard du monde, scientolo-

gie etc. Bonne lecture !

MILLET (Nicolas) – Petiteencyclopédie du cannabis –le Castor astral, 2010 – 160 p

Petite encyclopédie du cannabis

CRS dans le département (93), cet ouvrage

décrit parfaitement, et courageusement, une

situation que l’un comme l’autre connaissent

dans le détail, pour y être confrontés tous les

jours. Leur réflexion se poursuit sur la politique

menée actuellement, «tout répressif, tout judi-

ciaire», et qui selon eux montre ses limites :

avec 9 millions d’utilisateurs occasionnels, et

3,8 millions de réguliers, ne sommes-nous pas

les champions du monde de la consommation

de cannabis ? Devenue auxiliaire de la justice,

la police passe plus de temps dans les bureaux

que dans la rue. A Sevran, «114 policiers gèrent

8 à 900 affaires de stupéfiants par an, perdant

un temps précieux au com-

missariat» explique le maire.

On sait par ailleurs ce qu’il

en est des «coups de pied

dans la fourmilière». Les

jeunes délogés d’un hall

d’immeuble y reviennent

le lendemain, ou vont

s’installer dans un autre

hall. Les indics se font

rares et les habitants

n’ont guère d’autre pos-

sibilité que d’être

«avec» ou «contre», à

leurs risques et périls.

Enfin, en dépit de l’ar-

gent investi par l’Etat

dans les banlieues, le

contexte écono-

mique et social des «quartiers» dominés par le

chômage, l’absence de perspective et l’insécu-

rité ne peut qu’amplifier un phénomène désor-

mais bien enraciné.

Faut-il alors dépénaliser le cannabis ? Sur ce

point l’argumentation des auteurs est un peu

faible. Il est difficile d’imaginer que la commer-

cialisation des drogues, même étayée par des

campagnes de prévention, puisse inverser une

situation bien installée, et le seul exemple de la

politique menée, apparemment avec succès,

au Portugal ne peut suffire à convaincre. Du

moins la question est-elle posée ouvertement. Il

est grand temps d’y répondre.

GATIGNON (Stéphane), SUPERSAC (Serge)– Pour en finir avec les dealers. Paris, Grasset, 2011 – 223 p ™

A llons-nous vers une société à la

mexicaine ? Peut-être pas, mais

en matière de drogue, l’existence

de réseaux de trafic multiples, à la

fois locaux et supranationaux, pourrait bien y

mener. Les trafiquants bénéficient désormais

d’une véritable assise financière, qui leur confè-

re un pouvoir assez proche du pouvoir politique.

Leurs pratiques se professionnalisent et devien-

nent hermétiques pour la police. Les jeunes des

cités ne craignent pas grand-chose, certains

sont même armés. Pour défier les policiers, ils

n’hésitent pas à se saisir de n’importe quel pro-

jectile, poubelle, éléments d’abribus… Des

groupuscules s’affrontent dans une obscure

guerre de territoires, les

affrontements connais-

sent un niveau de vio-

lence encore jamais

atteint. Avec des réper-

cussions catastrophiques

en termes de santé, de

sécurité, de démocratie. La

drogue gangrène tout,

favorisant le vol, le recel, la

contrefaçon. Les habitants,

qui n’ont guère d’autre choix,

subissent, avec un sentiment

de fatalité.

Co-écrit par le maire (Europe-

Ecologie) de Sevran (51 000

habitants) et un ancien policier

ayant dirigé des compagnies de

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