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1
Adresser les défis sanitaires urbains des pays en développement :
contribution des institutions universitaires
Jean-Bosco Kahindo Mbeva*, Mitangala Ndeba Prudence
** et Agnès Echterbille.
* Département de Santé Publique, Université Officielle de Ruwenzori (UOR); Faculté de Santé et
Développement communautaires, Université Libre des Pays des Grands Lacs (ULPGL) et ULB-Coopération
** Département de Santé Publique, Université Officielle de Ruwenzori (UOR); Département de Santé
publique, Université Catholique de Bukavu (UCB)et ULB Coopération ; [email protected] .
Abstract
Introduction : Face à la transition urbaine dans les pays en développement, cette étude
propose des éléments théoriques sur la contribution des systèmes éducatifs et de recherche
pour adresser les défis sanitaires qui lui sont liés.
Méthodes : En référence au cadre d’analyse intégrant les particularités urbaines, les missions
des universités et le troisième objectif de développement durable, une revue narrative de la
littérature a été menée sur PubMed, google scholar et certains sites d’organisations
spécialisées.
Résultats : Les études d’universités documentent l’ampleur du phénomène d’urbanisation
dont la massification et la vitesse, en décalage avec la gouvernance urbaine, amplifient les
défis sanitaires. Certaines stratégies sont proposées face à la déficience des conditions de vie
et de travail, des systèmes d’assainissement, à l’incapacité des services de santé urbains à
adresser les maladies transmissibles et celles non transmissibles liées à la précarité, à la
transition épidémiologique, au vieillissement des populations et à la mondialisation.
Discussion et conclusion : Pour relever ces défis sanitaires, les systèmes éducatifs et de
recherche, pourraient structurer davantage les partenariats avec les instances de gouvernance
urbaine, les acteurs urbains et changer de paradigme d’enseignement vers un modèle plus
créatif.
Mots clés : Urbanisation, santé, université, innovation.
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1. Introduction
L’urbanisation constitue un phénomène global, progressif et historique. Ce phénomène est au
cœur du onzième objectif de développement durable. Ce dernier ambitionne, au niveau global,
l’évolution de l’urbanisation vers des villes ouvertes à tous, sûres, résilientes et durables
(Nations Unies, 2018).
Les résultats de l’étude « World Urbanization Prospects » (2018) des Nations Unies montrent
une progression de la population urbaine. Selon les prévisions de cette étude, l’Afrique
connaîtra, dans les prochaines décennies, le plus important accroissement démographique
urbain. En République Démocratique du Congo, la population urbaine était estimée à 42,5%
en 2015. En 2018, elle compte une ville de plus de 10 millions d’habitants, cinq villes d’un à
cinq millions d’habitants, six villes de 500.000 à 1 million d’habitants et des dizaines de villes
de moins de 500.000 habitants. (Maïga et Boquier, 2016).
D’après d’anciennes études, nombreux pays en développement, disposent d’une organisation
des services de santé qui est en décalage avec les particularités des contextes urbains, dont
ceux relatifs aux conséquences de la mondialisation et à la transition épidémiologique
(Malher, 2010 ; Grodos et Tonglet 2002) ; La tendance étant de répliquer en milieu urbain le
modèle rural d’organisation sanitaire sans un recul préalable et suffisant (Grodos et Tonglet
2002).
Dans la perspective où la santé pourrait être considérée comme point d’impulsion du nouvel
agenda urbain (OMS, 2016), l’ampleur des défis sanitaires dans les pays en développement,
impose de travailler à une meilleure compréhension des réalités et des particularités urbaines.
La question centrale de cette étude est de savoir si les institutions universitaires s’intéressent
assez aux défis sanitaires liés à l’urbanisation dans les pays en développement au point de leur
opposer des politiques publiques et des stratégies pertinentes de remédiation.
Dans cette optique, cet article a pour objectifs d’analyser l’ampleur des défis sanitaires
urbains et de proposer quelques éléments théoriques sur la contribution des institutions
universitaires, afin d’adresser adéquatement ces défis sanitaires liés à la transition urbaine
dans les pays en développement. Nous formulons l’hypothèse selon laquelle les défis
sanitaires urbains font l’objet de nombreuses études des institutions universitaires, mais que
leur contribution pour adresser ces défis devrait être repensée au regard de leur complexité.
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2. Méthodes
Le processus mené pour tenter de répondre à cette question centrale, est parti de la
construction d’un cadre sommaire d’analyse. Ensuite une revue de la littérature a été réalisée.
Le cadre d’analyse ébauché tentait proposer les actions envisagées au niveau du troisième
objectif de développement durable relatif au bien-être et la santé comme des éléments
pertinents de réponse aux défis sanitaires urbains, moyennant une meilleure prise en compte
des contextes urbains particuliers à chaque pays ou chaque ville. La meilleure compréhension
de ces contextes urbains et l’adaptation des actions envisagées au niveau du troisième objectif
de développement durable pouvant être réalisées au travers les études et la formulation des
propositions par les institutions universitaires. Ce cadre d’analyse a permis d’identifier les
mots clés de recherche.
Sur cette base, une revue de littérature a été menée. Il s’agit plus, dans le cas de cette étude,
d’une revue générale de la littérature, dans laquelle la recherche bibliographique n’est pas
exhaustive et qui représente plus l’opinion de l’auteur, en lieu et place d’une revue
systématique comme l’ont fait dans le passé d’autres chercheurs (Zaugg et al, 2014).
Collecte des données : La recherche bibliographique a été menée au niveau de la base de
données de recherche Pubmed, Medline et du moteur de recherche Google-Scholar. La
recherche des données de littérature a été guidée par les mots clés suivants : « défis
sanitaires », « urbanisation » « pays en développement », « santé» en Français et par les mots
clés suivants en Anglais « health», «urbanization », «cities», «developing countries». Sur la
base des références bibliographiques des articles pertinents trouvés, cette recherche a été
complétée par une recherche sur les sites de l’Organisation Mondiale de la santé (OMS), de
l’ONU-Habitat et de l’Unicef. Le processus de recherche, d’inclusion et d’exclusion des
études, est résumé dans la figure 1, ci-dessous.
4
Figure 1. Schéma de collecte des données de l’étude.
Qualité des données et inclusion dans l’étude : La qualité des données documentaires a été
appréciée sur la base de la notoriété de la revue et de l’organisation de publication et la
cohérence méthodologique. Ont été incluses dans cette étude, les données documentaires des
vingt dernières années (2000 à 2019), ayant traité des défis sanitaires urbains et des stratégies
d’endiguement de ces défis. Les articles sans auteur rattaché à une Université ont été exclus.
Au total 92 ressources documentaires ont été incluses dans l’étude : des articles scientifiques
(n=78) et des rapports d’études empiriques ou des documents traitant des défis sanitaires
urbains (n=14).
Analyse des données et synthèse : Chaque ressource documentaire incluse dans l’étude a fait
l’objet d’une lecture systématique du résumé puis d’une lecture approfondie de l’article. La
lecture approfondie a été guidée par une grille de lecture, qui comportait les éléments
suivants : (i) l’affiliation des auteurs à une institution universitaire ou de recherche, (ii) les
défis urbains mis en évidence, (iii) les pays dont les problématiques urbains ont été étudiées,
(iv) les apports de l’étude en termes de formulation des politiques publiques ou des stratégies
d’endiguement des défis sanitaires urbains. Les éléments consignés dans la grille de lecture
ont fait l’objet d’un processus circulaire d’analyse et de synthèse.
Sur cette base, les éléments théoriques sur la contribution des systèmes éducatifs et de
recherche pour adresser les défis sanitaires ont été formulés puis discutés.
Articles sur PubMed,
Medline (N=274)
Articles exclus pour plusieurs
raisons (N=15)
Non ciblé PED (N=6)
Non centré sur la
problématique urbaine (N=4)
Aucun auteur rattaché à une
Université (N=5)
Articles en première analyse (Titre, résumé, références )
(N=101)
Articles inclus dans l’analyse
approfondie
(Entièreté de l’article) (N=78)
Articles exclus (antérieurs à
l’an 2000) (N=171)
Articles et documents
inclus dans l’analyse
approfondie (N=92)
Articles et
documents sur
Google Scholar,
sites UN-Habitat,
Unicef (depuis
2000, ciblé PED
et problématique
urbaine) (N=14)
5
3. Résultats
La littérature sur les défis sanitaires urbains des pays en développement est abondante.
L’intérêt des chercheurs des institutions universitaires pour l’étude du phénomène
d’urbanisation et la formulation des stratégies visant à adresser ces défis est éloquent au
travers les écrits analysés. Cet intérêt date des années 1990 dans certains pays en
développement comme le Brésil (Barreira, 2014). Globalement, certaines études traitent soit
de la compréhension profonde des contextes urbains, soit proposent des politiques, des
stratégies idoines pour relever les défis sanitaires urbains. D’autres études portent à la fois sur
l’analyse des problématiques, des pratiques et formulent des propositions d’améliorations. En
revanche, les études axées sur l’analyse des effets occasionnés par l’implémentation des
stratégies préalablement suggérées par des institutions universitaires sont peu nombreuses.
Le tableau 1 ci-dessous, illustre les principales thématiques de recherche et les pays dont les
villes ont fait l’objet d’études par les chercheurs des institutions universitaires.
Tabl.1. Thématiques urbaines étudiées par des chercheurs des institutions universitaires de
2000 à 2019.
Thématiques
centrales
Exemple
d’études
Pays d’études urbaines Analyse du
problème
Formulation
des stratégies
Services de santé
urbains et morbidités Diallo et al., 2019
(N=13)
Sénégal, Burkina Faso, Nigeria, Guinée, Congo,
RDC, Maroc, Cameroun,
Inde, Pakistan
N=11 N=13
Planification urbaine Bolay, 2018
(N=9)
Tanzanie, Madagascar, Argentine, Bengladesh,
Brésil Afghanistan,
République Dominicaine
N=6 N=9
Gouvernance urbaine Kironde et al.,
2015
(N=10)
Tanzanie, Ghana, Kenya,
Zambie, Uganda, Botswana, Egypte,
Taiwan, Cameroun,
N=10 N=10
Bâti, aménagement
urbain, bidonvilles
Adomon, 2018
(N=9)
Côte d’Ivoire, Cameroun,
Inde
N=6 N=6
Hygiène et
assainissement urbains
Kasala et al., 2015
(N=10)
Tanzanie, Bénin, Pérou,
Inde, Ghana
N=5 N=6
Approvisionnement
urbain (qualité) en eau
Iyer, 2014
(N=5)
Inde, Burkina Faso N=3 N=3
6
Alimentation urbaine Mvodo, 2018
(N=3)
Cameroun, Inde,
Cameroun
N=3 N=3
Insécurité et
criminalité urbaines
Elis, 2018
(N=4)
Thaïlande, Inde, Nigeria,
Iran
N=2 N=2
Exclusions sociales
urbaines
Simelane, 2012
(N=3)
Afrique du Sud, Inde, N=2 N=2
Pollution urbaine et
nuisances sonores
Erickson et al.,
2017
(N=3)
Brésil, Inde, Nigeria N=3 N=2
Transport et mobilité
urbaine
Giduthuri et
al.,2015
(N=2)
Inde, Pérou N=2 N=2
Catastrophes et autres
thématiques urbaines
Barreira, 2018
(N=2)
Brésil, Inde N=2 N=2
Ces études mettent en évidence le caractère massif et globalement peu planifié de
l’urbanisation dans les pays en développement (Friel et al. 2011). En Inde par exemple, la
population urbaine devrait atteindre 40% de la population totale en 2020 ; en Amérique
Latine, elle devrait passer de 57% en 1970 à 81% en 2020 ; d’un autre côté, près du quart de
la population urbaine mondiale vivra en Afrique en 2050 et près de 60% de la population
africaine vivra en milieu urbain (Vearey et al., 2019). Ce processus d’urbanisation massive
dans les pays en développement parait en décalage complet avec les capacités de
planification, de gouvernance, d’aménagement urbains et d’absorption des villes dans les pays
en développement (Friel et al. 2011 ; Smith et al.,2011). Ces deux particularités (caractère
massif et non planifié des villes) amplifient les défis sanitaires de l’urbanisation dans les pays
en développement.
Ces défis sanitaires sont illustrés par des morbidités secondaires aux maladies transmissibles
comme celles décrites en Afrique du Sud (Vearey, 2010), aux maladies non transmissibles, en
particulier les deux pôles des maladies nutritionnelles (formes carentielles et surcharges
nutritionnelles) et les accidents de trafic routier (Saklayen, 2018 ; Campbell et al., 2007). Ces
derniers sont incriminés dans la mortalité urbaine prématurée dans les pays en développement
(Campbell et al., 2007; Belon et al., 2012).
Les thématiques de recherche universitaires sur le phénomène d’urbanisation dans les pays en
développement sont illustratives et révélatrices des déterminants multifactoriels des défis
sanitaires, à savoir : le déficit de gouvernance, de planification et d’aménagement urbains
7
(Kironde et al., 2015 ; Bolay, 2018 ; Adomon, 2018 ;Tende Renz et al.,2018 ; Vearey et al.,
2019), l’environnement insalubre (Kasala et al., 2016), le déficit de sécurité (Elis, 2018), la
mauvaise alimentation (Mvodo, 2018), le logement insalubre (Adomon, 2018 ; Simelane,
2012), la pollution urbaine (Erickson et al., 2017 ), les problèmes de mobilité urbaine
(Giduthuri et al.,2015), le déficit dans l’organisation et l’accès aux services de santé urbains
(Gupta et al.,2015).
3.1. Massification et dérives du phénomène d’urbanisation dans les pays en développement
L’urbanisation dans les pays en développement constitue un phénomène évolutif et complexe.
Au-delà de la croissance démographique galopante dans de nombreux pays en
développement, l’exode rural par fuite de la précarité et l’insécurité dans certains milieux
ruraux ou en quête d’emplois rémunérateurs en milieux urbains, constitue un important
facteur de la propension urbaine. Au Botswana, de nombreux villages périurbains, se sont en
fait transformés en de nouveaux quartiers spontanés (Kalabamu & Lyamuya, 2017). La non
prise en compte de ce phénomène conduit à deux dérives urbaines : (i) le développement des
constructions précaires spontanées sous forme de bidonvilles sur des sites à risque et (ii)
l’élargissement important des villes, en lieu et place d’une concentration urbaine planifiée
(Campbell et al. 2007). L’élargissement trop important des villes, amplifie la difficulté de
concentrer des densités optimales des populations autour des infrastructures sociales de base
(Giduthuri, 2015 ; Daven, 2017). Elle étend les distances entre les lieux de travail et les
domiciles et favorise le recours à une mobilité par le transport en commun, en lieu et place
d’une mobilité par vélos ou à pieds (Giduthuri, 2015).
3.2. Des bidonvilles à l’exclusion sociale et aux défis sanitaires urbains
Comme indiqué par Vlavov (2007), les bidonvilles sont habités jusqu’à 7 citadins sur 10 dans
certaines villes des pays en développement. En 2009 la proportion des citadins vivant dans les
bidonvilles était évaluée à 76,4% en Ethiopie, 73,6% en Somalie, 68,9% aux Comores, 63,5%
en Tanzanie, 60,21% en Uganda et à 54,7% au Kenya (Kironde, 2015). Dans la ville de
Mumbaï en Inde, 41% de ménages habitent les bidonvilles (Daruwalla, et al., 2018).
De fait, l’ampleur des bidonvilles implique l’urbanisation de la pauvreté et de l’exclusion
sociale dans les pays en développement. Ces bidonvilles réunissent les principaux facteurs à
la base de la vulnérabilité de ses habitants pour des morbidités infectieuses et non
infectieuses. (Campbell, 2017 ; Unger et Rilley, 2007). Au Botswana par exemple, le
8
phénomène d’urbanisation des villages sous forme des bidonvilles empreintes de précarité et
d’exclusion sociales date des années 1964 (Kalabamu & Lyamuya, 2017). Une étude menée
par Chandra et Mukherjee (2015) en Inde montre l’ampleur d’exclusions et des
comportements peu compatibles avec la santé. En Inde Occidentale, dans le quartier urbain
d’Ahmedabad, une ville en pleine expansion, l’insuffisance dans l’approvisionnement en eau
potable incite des larges franges d’habitants à recourir à l’eau souterraine, avec comme effet
21% de morbidité liée à l’eau insalubre (Iyer et al.,2014).
Les maladies chroniques sont également exacerbées chez les citadins, particulièrement dans
les bidonvilles. Une étude menée en Inde (Oruganti et al.,2019) dans le bidonville de
Rukmini, ville de Belagavi, auprès de 400 adultes âgés de 30 à 60 ans, a montré une
prévalence de 10,5%, du diabète sucré, avec comme facteurs de risque la sédentarité et l’excès
de poids. Face à ces problèmes de santé, l’organisation des services de santé urbains est plutôt
globalement peu adaptée (Tonglet et Grodos, 2002 ; Chenge, 2017). Dans la ville de Conakry
en Guinée, il a par exemple été rapporté 94% des transferts non médicalisés des gestantes,
dont 1,77% se sont soldés par des décès maternels (Diallo et al., 2019). Les services de santé
étatiques ne sont pas nécessairement plus attractifs dans les bidonvilles, comme l’indique une
étude menée dans deux bidonvilles indiens, dont ces services sont peu utilisés, car considérés
par 40 à 45% de la population comme peu réactifs et de mauvaise qualité, comparativement à
l’offre privée des soins (Marimuthu et al., 2016).
La gouvernance urbaine à rude épreuve face aux défis urbains dans les pays en
développement
L’ampleur des défis sanitaires décrits dans les deux précédentes sections montre que ses
déterminants vont largement au-delà du seul secteur de la santé et que la gouvernance urbaine
est questionnable. Une étude réalisée en Uganda sur la gouvernance urbaine (Lwasa, 2015),
propose quatre axes de gouvernance : l’axe politique mobilisatrice de la participation et de
l’engagement citoyen ; l’axe administrative intégrant la décentralisation décisionnelle, la
transparence des processus et la reddition des comptes ; l’axe économique mobilisateur des
financements et conducteur des projets de développement ; enfin l’axe systémique,
fédérateurs de plusieurs secteurs et acteurs. Ces quatre axes de gouvernance sont à rude
épreuve dans les villes des pays en développement, tel que illustré en Ethiopie ((Biadgilign et
al, 2019), en Tanzanie (Lupala, 2016) et au Cameroun (Tende Renz et al., 2018).
9
4. Discussion
L’analyse des données de la littérature glanées au cours de cette étude montrent deux focus
importants : l’intérêt des institutions universitaires à questionner les problématiques sanitaires
urbaines et à formuler des stratégies et des politiques basées sur les faits pour adresser les
défis sanitaires urbains. Ces études mettent en évidence l’ampleur des défis liés aux maladies
non transmissibles, aux traumatismes mais aussi certaines maladies transmissibles (Campbell
et al., 2007) ; Elles mettent également en exergue le déficit de planification et de gouvernance
urbaines, qui est en décalage avec l’ampleur et la vitesse de la transition urbaine ; ces défis
sont particulièrement illustrés par l’inadéquation des services de santé urbains et amplifiés
dans les bidonvilles des pays en développement.
Certaines politiques formulées visent à renforcer la résilience face aux gros risques liés à la
santé et évoluer vers le concept de villes intelligentes. Le réseau de recherche RICHE
(Initiative de recherche sur la santé et l'équité des villes en Afrique) a été mis au point en vue
de fournir des bases factuelles pour soutenir les politiques et les programmes visant à
améliorer la santé urbaine sur le continent (Vearey, 2019). Toutefois, les études analysées
évaluent très peu les effets ou l’impact des politiques et des recommandations formulées au
terme des études précédentes.
En somme, la vie en milieu urbain dans les pays en développement est très complexe.
Adresser les défis sanitaires urbains dans ce contexte, impose une approche holistique et
multisectorielle. Cette approche rejoint les recommandations formulées par Webb et al.
(2018), en rapport avec la mise en relation des parties prenantes pour traiter la complexité
urbaine. Dans cette approche et pour chaque ville, un cadre commun de développement sur
des bases factuelles devrait être défini. Comme l’ont indiqué Davern et al. (2017), des aspects
clés comme le développement des infrastructures sociales de base indispensables pour la
santé, le bien-être et la qualité de la vie des communautés urbaines, doivent être intégrés dans
la planification urbaine. Cette planification permettrait par exemple d’optimiser les espaces
bâtis et de concentrer les communautés urbaines autour des infrastructures sociales de base.
Des expériences de gouvernance participative expérimentées en Uganda dans les domaines de
la santé, de l’éducation, de l’éclairage des rues, de l’approvisionnement en eau, de drainage et
collecte des déchets (Lwasa, 2015) et dans certaines villes Tanzaniennes (Lupala, 2014), sont
emblématiques à ce propos.
Interactions entre les institutions universitaires et les instances de Gouvernance urbaine
10
Les contextes, les problématiques urbaines sont évolutifs et dynamiques (Adomon et al.,
2018 ; Simelane, 2012). Pour mieux comprendre ces évolutions et les nouveaux défis
sanitaires, des analyses plus approfondies sont requises (Granta, 2017). De nouveaux modèles
pourraient être imaginés et testés pour pouvoir proposer des réponses pertinentes en termes de
politiques, d’organisation et de qualité des services, notamment socio-sanitaires. Les
chercheurs du monde académique doivent être impliqués. Le cloisonnement entre le monde
académique et les décideurs et acteurs du monde urbain s’impose (Figure 2) ; Il permettrait
aux chercheurs d’identifier les besoins pertinents en matière de recherches et aux décideurs
d’accéder aux bases factuelles susceptibles de fonder leurs décisions (Kahindo MJB, 2018).
Figure 2. Modélisation de la contribution des institutions universitaires face aux défis urbains
Le décloisonnement contribuerait au développement des compétences multidisciplinaires.
Cette collaboration pourrait amener les institutions universitaires de mettre à la disposition
des instances de gouvernance urbaine ses compétences spécifiques et outils. Dans la ville de
Córdoba en Argentine (Marengo, 2014), des outils informatiques de simulation basés sur la
dynamique des systèmes développés par la National University of Córdoba, ont permis
d'anticiper sur les effets de certaines décisions dans un projet de rénovation urbaine.
Structurer les liens entre les universités et d’autres acteurs urbains
Les défis sanitaires urbains sont fortement liés à des déterminants autres que la santé. Cette
donnée impose de considérer les villes comme des systèmes socio-écologiques et techniques
complexes. Dans certains pays comme le Taiwan (Wang et al., 2013), un modèle collaboratif
Universités-Industries a permis la création des start-up ainsi que des innovations dans le
secteur industriel. Un tel modèle (Leite, 2016) pourrait être transposé en milieu urbain et
11
soutenir des initiatives de création des petites entreprises, susceptibles de contribuer à la
résorption du chômage et du secteur informel qui caractérise nombreuses villes des pays en
développement.
Changer de paradigme de formation au niveau des universités : basculer du paradigme
d’acquisition des connaissances au paradigme de créativité
Au-delà de la compréhension profonde des contextes urbains et de la proposition des
politiques et des stratégies d’endiguement des défis sanitaires urbains, les universités
pourraient, dans leur fonction d’enseignement, s’engager davantage pour produire des
universitaires capables d‘analyser les problèmes, de travailler ensemble et d’innover. (Mwiya
et al., 2017). Une étude a proposé un modèle collaboratif d’enseignement qui intègre la
formation, la pratique, la science et les technologies [modèle coopératif Université-Industrie-
Recherche] (Wang, 2019) ; un tel modèle de formation impose de revisiter les curricula de
formations, mais aussi le cadre, les conditions de formation, y compris les travaux pratiques et
même les approches d’évaluation. Avec cette innovation dans la formation, des étudiants,
jeunes candidats architectes, pourraient par exemple être capables de proposer des modèles
pertinents d’aménagement architectural urbain sur la base des référentiels bien pensés.
Conclusion
Les défis sanitaires qu’impose la double transition urbaine et épidémiologique aux pays de
développement sont massifs, évolutifs et complexes et ses déterminants vont largement au-
delà du seul secteur de la santé. L’ampleur de ces défis sanitaires impose de repenser et
réinventer les systèmes urbains dans les pays en développement. Une approche holistique et
multisectorielle impliquant les institutions universitaires est proposée. Elle pourrait guider la
planification et la gouvernance urbaines. Des processus collaboratifs entre instances de
gouvernance urbaine, des praticiens, des chercheurs et d’autres parties prenantes, sont
indispensables, en vue de la de cocréation des espaces, du bâti et des environnements urbains
plus protecteurs et promoteurs de la santé des communautés urbaines dans les pays en
développement.
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