Aes 343 5 Le Roman de La Melancolie Aux Xvie Et Xviie Siecles

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    Arts et Savoirs5 (2015)Sciences (et) imaginaires

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    Carine Luccioni-Sauvage

    Le roman de la mlancolie aux XVIe

    et XVIIesicles

    Quand la science se fait fiction

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    Avertissement

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    Rfrence lectroniqueCarine Luccioni-Sauvage, Le roman de la mlancolie aux XVI eet XVIIesicles ,Arts et Savoirs[En ligne],5 | 2015, mis en ligne le 15 mars 2015, consult le 18 juin 2016. URL : http://aes.revues.org/343

    diteur : LISAA (Littratures Savoirs et Arts)http://aes.revues.orghttp://www.revues.org

    Document accessible en ligne sur :http://aes.revues.org/343Document gnr automatiquement le 18 juin 2016.Centre de recherche LISAA (Littratures SAvoirs et Arts)

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    Carine Luccioni-Sauvage

    Le roman de la mlancolie aux XVIeet

    XVIIesicles

    Quand la science se fait fiction1 Au dbut du XVIIesicle, la mdecine perptue une longue tradition remontant Hippocrateet Galien ; elle nenregistre ni dcouverte thorique majeure sinon la circulation du sangpar W. Harvey en 1628, dont les rsultats mettront du temps simposer ni applicationpratique remarquable. Lhistorien Franois Lebrun, dans Se soigner autrefois, constatant queles avances scientifiques dans ce domaine sont trs limites1, impute cette incontestable

    stagnation au respect tyrannique de la tradition 2. Le thtre de Molire, dans laseconde moiti du Grand Sicle, est emblmatique dun discours anti-mdical qui vitupre ledogmatisme aveugle des docteurs de la Facult et leur jargon no-latin. la scne 3 de lacteIII duMalade imaginaire (1673), la clbre discussion des deux frres tourne en ridicule lafois linefficacit des remdes et limpressionnante rudition des mdecins rompus tous les

    tours de la plus habile loquence : Bralde oppose la croyance imbcile dArgan dans lespouvoirs de lart mdical un discours dmystificateur qui en dnonce lartifice et limposture.Dans la bouche du raisonneur, lexpression le roman de la mdecine renvoie la science une pure fiction3, cest--dire un discours qui charme par sa forme sans avoir de rapport niavec la ralit, ni avec la vrit.

    2 En empruntant Molire cette mtaphore, nous voudrions tudier la place de la fiction dansle discours mdical dvelopp par les traits de mlancolie de lge baroque. Le premierXVIIe sicle donne en effet le jour plusieurs ouvrages rdigs en franais qui ont pourobjet de dfinir la mlancolie, den rpertorier les symptmes et dindiquer les moyens desa gurison. Leurs trois principaux auteurs, Andr Du Laurens, Jourdain Guibelet et JacquesFerrand tmoignent dun mme souci de vulgariser leurs connaissances. Dans cette entreprise

    de divulgation

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    savante, la rhtorique joue un rle prpondrant ; elle rvle les liensessentiels qui unissent alors science et littrature et rattachent la mdecine non seulementau champ de la vrit, mais aussi lunivers de la fiction. Pour apprcier ce que BernardBeugnot nomme lemprise rhtorique 5, il convient daborder la rflexion des mdecins surla rception de leur uvre et dillustrer les attraits du roman mlancolique dabord par lepittoresque de la dmonstration savante, puis par le recours aux images et la fable potique.

    Les attraits du roman mlancolique3 lge baroque, le paratexte des traits de mlancolie manifeste les proccupations

    rhtoriques qui accompagnent ldition mdicale : prfaces, ptres ddicatoires et avis aulecteur traduisent un questionnement sur les moyens de plaire. Ces marges de luvrescientifique mritent attention parce quelles sont le lieu de sa rencontre avec le public.

    Prfaces et ddicaces ne sont pas destines aux spcialistes et aux savants. Le choix dcriredans la langue vernaculaire, et non en latin, rpond en effet la volont de sadresser unlarge public. Andr Du Laurens ddie Louise de Clermont, comtesse de Tonnerre et duchessedUzs, ses Discours de la conservation de la veu : Des maladies melancholiques : descatarrhes : & de la vieillesse. Son ptre ddicatoire met en avant la relation qui unit le mdecin

    et sa patiente. Le docteur entreprend de linstruire sur les trois maladies ordinaires 6dontelle souffre et quil soigne. Il a ajout un petit traict de la vieillesse, qui [lui]pourra servir ladvenir 7. Cette ddicace est emblmatique de la posture de lauteur qui publie la foiscomme thoricien et comme praticien de la mdecine. Du Laurens entend gnraliser au plusgrand nombre les services utiles & agreables 8quil a rendus son illustre destinataire. Ilveut faire profiter tous les lecteurs des explications quil lui a donnes lors de consultations

    prives9, comme en tmoigne la pice Au Lecteur : Je crois que tous les gens dhonneurauront agreable ce mien petit labeur : cest eux qui je madresse 10. Le souci dinstruire

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    et de plaire est donc ritr par le mdecin : lavis au lecteur renforce ce que Grard Genetteappelle la fonction prfacielle de lptre ddicatoire , par opposition sa fonction sociale

    la plus directe (conomique) 11. En exhibant une relation, la ddicace la duchesse dUzsa pour effet dassimiler le rapport entre lauteur et le lecteur celui qui unit le mdecin

    son patient12. Ce faisant, elle assigne louvrage une fonction de vulgarisation savante quidtermine la rhtorique du trait, ou plutt du discours 13.

    4 Suivant leur loquence conventionnelle, ces seuils de luvre scientifique font ressortir

    les attraits du roman mlancolique. Lagrment du lecteur est un lieu commun despices liminaires qui sattachent, pour valoriser le texte , valoriser le sujet 14. Or lesmdecins nignorent pas ce quun discours De LHumeur Melancholique, comme celui queJourdain Guibelet publie en 1603, peut avoir a prioride rebutant : ce petit discours sembletenir quelque chose de lhumeur noire de laquelle il traicte, & monstrer une face triste &melancholique (combien quil soit autre en linterieur) 15. Dans sa prface, il voque le lecteur

    que le tiltre quil porte dgousteroit 16et prend en compte les attentes du public :

    Voire mais dira quelquun, quel plaisir recevra le Lecteur en ce traict de la melancholie ? Cediscours peut il apporter autre chose que du chagrin & de la tristesse, puis que le tiltre quil portesur le front, ne promect que de la melancholie ? Le Lecteur qui ne cerche que les moyens detrouver quelque repos, relasche, ou recreation son esprit, doit-il pas vacquer un autre suject,

    plustost que de sarrester une si facheuse matiere, qui se presente asses delle-mesme dans lesaffaires du monde, sans la recercher de propos deliber dedans les livres ? De verit encore quele premier but de ceux qui crivent soit en instruisant de profiter au public, ils doivent outre cela,donner quelque goust leurs crits, pour rjoir le Lecteur, & luy oster les occasions de sennuyerquand il nous donne une partie de son loisir.17

    5 Le vocabulaire antithtique du plaisir et de lennui semble disqualifier le trait. Conformment la rhtorique prfacielle des uvres thoriques, largumentation de Guibelet consiste alors mettre en avant lintrt intellectuel que son livre prsente :

    Le contentement de la lecture ne dpend pas tousjours de sujects ridicules, mais plustost dematieres qui enrichissent lintellect & le rendent plus noble & plus parfait. Les esprits solidessexercent la recerche des causes : Ils se resjouissent lors que par discours ils entrent encognoissance de ce quils ignoroient au paravant ; fust ce un sujet le plus triste du monde. Les

    Philosophes discourent de la vieillesse, de la mort, & des passions de lame. Les Medecins desmaladies, des douleurs, des excrements, des poisons, & neantmoins on prent plaisir la lecturede leurs uvres. Pourquoy donc ce discours de la melancholie, ou nous examinons la nature, leseffets & les proprietez de cete humeur, dun jugement precipit sera til condamn sans estre oy ?[] Combien que la melancholie de soy, soit mal-plaisante, jespere neantmoins, que ce que jededuiray de cete humeur, sera jug agreable18.

    6 Cet avant-texte est significatif de la stratgie auctoriale qui prside lactivit de vulgarisationmdicale au dbut du XVIIe sicle. Dans le cadre dun ouvrage qui relve du genre didactique,le plaisir du lecteur est insparable de linstruction quil en retire. La rhtorique du discours mdical se manifeste clairement dans lnonc des deux buts quil poursuit : instruire etrjouir le lecteur. Largumentation en faveur du trait (profit et plaisir de la connaissance) estau service dune captatiocense contrer les rticences du public. La formulation des effetsrecherchs est caractristique de la rhtorique scientifique du temps19: le texte mdical estsoumis des jugements semblables ceux que lon porte sur luvre oratoire ou luvre defiction.

    7 Ce souci de plaire amne le mdecin soigner linventio, la dispositio et lelocutio,conformment aux trois parties de la rhtorique. Pour ce qui est de linvention du discours,sa qualit tient principalement labondance de la matire rassemble. Pour son trait Dela Maladie damour, ou Melancholie erotique, Jacques Ferrand attire lattention du lecteursur la diversit des sources quil a utilises : Je vous offre ce petit discours [] danslequel vous trouverez toutes sortes de remedes pour guerir de la plus frequente & dangereusemaladie qui travaille les mortels de tous les deux sexes : lesquels jay ramass s taillis desPhilosophes, parterres des Medecins, & glen s champs des Potes & Theologiens prophanes,

    pour vous plaire par cette variet : Omne tulit punctum, qui miscuit utile dulci. 20Mlerlutile lagrable, telle est la raison pour laquelle le thoricien va multiplier les rfrences.

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    Lencyclopdisme cumulatif de lHumanisme21 se retrouve dans lrudition savante duBaroque pour dterminer une esthtique de la diversit. Celle-ci se donne lire travers lamtaphore file du jardin ( taillis , parterres , champs ) qui assimile la lecture du traitmdical une promenade champtre afin den souligner lagrment. Le motif mtaphoriquedu parterre de fleurs ou de la prairie revient tel un leitmotivdans les prambules des traits demdecine pour renchrir sur la riche matire de cet ample roman que forme la traditionmlancologue. Lrudition joue en effet un rle dterminant dans le charme exerc par lexpos

    du savoir mdical ; bien sr, elle prsente lintrt de lui confrer abondance et varit, maissurtout, elle a lavantage demporter le savant, et avec lui le lecteur, sur les ailes de la fictionet sur la voie de limaginaire. Cest ainsi que le trait de mdecine rencontre le pittoresquedu conte plaisant.

    Le pittoresque ou le modle du conte plaisant

    8 Le choix du pittoresque traduit bien lintention des mdecins de plaire au public. En effet,laccumulation des rfrences charme moins par la varit des arguments que par celle desexemples. Cest surtout par ce biais que le mdecin entend intresser le lecteur et satisfairesa curiosit. Il sagit de flatter son got pour le sensationnel, lextraordinaire par la relationde faits aussi nouveaux qutonnants. Dans lavertissement au lecteur de son discours desMaladies melancholiques, publi pour la premire fois en 1594, Andr Du Laurens prtendvouloir divulgu[er] les mysteres de [son] art linstar des Medecins Grecs [qui] venoyentune fois lannee escrire la veu de tout le peuple, en ce beau temple dAesculape qui estoit

    dress en Epidaure, tout ce quils avoyent observ de plus rare en leurs malades 22. Larfrence lAntiquit grecque autorise et lgitime la dmarche du mdecin en lui assignantcomme tche dinventorier pour les faire connatre les divers accidents des maladies ettoutes les circonstances qui en restituent les singularits. Cependant, lintrt port au faitpathologique dans ce quil a de rare , loin dorienter le trait de mdecine du ct delobservation exacte et du rapport vridique, tend au contraire lentraner vers la fiction. Larecherche du pittoresque incite le thoricien privilgier ladmirable au dtriment du vritable.Le modle du conte plaisant lemporte alors sur celui de la dmonstration scientifique.

    9 Cette contamination du langage mdical par ce que nous qualifions aujourdhui de littraire intervient notamment propos de la cure de la mlancolie hypocondriaque. Le rcit de cesgurisons spectaculaires est propre merveiller tant par lincongruit des rveries du maladeque par lingniosit thrapeutique du praticien. De la mme manire que Jourdain Guibeletle fera sa suite, Du Laurens consacre un chapitre entier de son discours 23 rapporter lesdiffrentes imaginations qui travaillent les mlancoliques et relater les ruses employes parles mdecins pour les dsabuser de leurs illusions persistantes. Ces rcits ressortissent non pas une exprience vcue, mais un savoir livresque. Depuis Galien, linventaire des bizarresobsessions des mlancoliques qui se croient devenues cruche, coq, roi, seigneur, etc. est unpassage oblig pour les auteurs qui abordent la question du dlire atrabilaire. Sinscrivant dans

    une longue tradition qui remonte lAntiquit24, le mdecin compile les rfrences lgues

    par ses prdcesseurs :

    Arce fait mention dun qui croyait navoir point de tte, et publiait partout quon la lui avaitcoupe pour ses tyrannies, il fut guri fort subtilement par lartifice dun Mdecin nommPhilotime. Car il lui fit mettre un bonnet de fer bien pesant sur sa tte, et lors scriant que la ttelui faisait mal : fut tout soudain relev de tous les assistants qui scrirent : Vous avez donc unette ; par ce moyent il se reconnut, et fut dlivr de cette fausse imagination. Trallian crit avoirvu une femme qui pensait avoir dvor un serpent, il la gurit en la faisant vomir, et jetant quantet quant un serpent quil tenait tout prs, dans le bassin. Jai lu quun jeune colier tant en unetude fut surpris dune trange imagination, il se mit en fantaisie que son nez tait tellement grossiet allong quil nosait bouger dune place, de peur quil ne heurtt en quelque lieu : tant plus onle pensait dissuader, tant plus il sopinitrait. Enfin le Mdecin ayant pris un grand morceau dechair et le tenant cach, lassura quil le gurirait sur le champ, et quil lui fallait ter ce grandnez : et soudain pressant un peu son nez, et coupant cette chair quil avait, lui fit croire que cegrand nez tait coup. []25

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    10 La digression introduit une pause divertissante entre deux dveloppements abstraits etthoriques. Lextravagance grotesque des chimres mlancoliques est loccasion damuser etde surprendre le lecteur. Ces rcits dhistoires saugrenues sappuient nanmoins sur lautoritdes plus grands auteurs. Du Laurens avoue quil emprunte ses histoires des Grecs, desArabes, des Latins 26tout en ajoutant celles quil a vues. Mais cette rudition savante a pourbut avou de donner du plaisir au lecteur 27. Le srieux de lobservation scientifique cdede faon vidente lallgresse du style enjou et alerte par lequel le mdecin rapporte les

    tonnants pisodes qui ont ponctu lhistoire de la maladie. Le got pour lanecdote pittoresqueprend le pas sur la poursuite dune finalit thorique. Pour Du Laurens, il sagit dmerveillerle lecteur par les histoires les plus extraordinaires possibles ; son catalogue ne retient que lesfolies les plus rares 28. Toutes ses anecdotes rivalisent doriginalit et dinvraisemblance.Vritable toposmdical, le rcit de ces imaginations mlancoliques tmoigne dune fascinationpour lirrationnel et le dlirant, significative de la place de la fiction dans le discours savant.

    11 Un tel recensement dillusions bizarres excde dailleurs le cadre du trait de mdecine.Le caractre distrayant et rcratif de ces lubies explique quelles alimentent une littraturenarrative factieuse dont tmoigne bien le Trsor dhistoires admirables et mmorables denotre temps de Simon Goulart. la fois cas mdicaux et histoires plaisantes, ces rcits dechimres mlancoliques rsultent, daprs Patrick Dandrey, dun curieux mlange en associant

    fiction savante et ralit historique 29:Transposition de lgendes mdicales dans le traitement concret et somme toute crdible de patientsidentifiables ? Ou forgeries dune mdecine qui ne reculait pas devant la hblerie ? La questiondemeure en suspens. []

    La fiction ne cesse daffleurer la surface des rcits donns pour historiques. En tmoigne leconstant parallle que lon observe entre les faits attests par les traits mdicaux et les narrations,toutes badines et imaginaires, du conte et de la farce, du recueil joyeux ou curieux on ne peut plusfictifs. [] Il est malais de trancher, tant les va-et-vient sont constants entre les deux domaines,sans prsance avre. En tout cas, bonne part des vignettes dorigine mdicale que nous avonsrpertories et cites trouve place ici ou l dans le vaste rseau de contes, demblmes, dadages,de fables, de farces ou de proverbes qui agrmentent la littrature de la Renaissance et de lpoquebaroque30.

    12 Comme lindique lauteur des Trteaux de Saturne, ces anecdotes, que les traits de mlancolieprsentent comme des observations mdicales des temps ancien et prsent, possdent en fait unstatut instable et ambivalent en relevant autant du tmoignage historique que de laffabulationsavante. la jonction de la science et de la littrature , elles trahissent le caractreminemment syncrtique du savoir mlancolique. La place de la fiction est constitutive dun artqui donne le primat la tradition et dune logique qui entremle sans cesse rflexion et motion.Au dbut du XVIIesicle, la pense mdicale ne se rduit pas une dmarche strictementrationnelle. Elle se dveloppe lintrieur dun imaginaire culturel o communiquent lessavoirs et les arts. Cest ainsi que le roman de la mlancolie se constitue aussi partir dunvaste rpertoire de textes littraires que les mdecins empruntent aux potes. Le modle dela fable potique contamine le discours mlancologue qui y trouve un moyen supplmentaire

    de charmer par la varit.

    Le recours aux images et la fable potique

    13 Linvention livresque dont se rclament les traits de mdecine sur la mlancolie puise nonseulement la tradition mdico-philosophique, mais aussi la tradition potico-lyrique. Dansla perspective de vulgarisation mdicale qui est la sienne, le discours scientifique sinspiresouvent de la posie antique et moderne et des hros quelle met en uvre. La prose du mdecincde alors la place aux enchantements des Muses et aux ravissements de la Fable. Prcisonstoutefois que la fiction lyrique et mythologique de la posie est surtout convoque par les traitsde mlancolie rotique31. Lamour est en effet un sujet propice aux rencontres du scientifique

    et du littraire lintrieur dun mme imaginaire culturel32. Le discours du mdecin nestquune des voies possibles de lanalyse des maux de lamour galement effectue par lephilosophe, le thologien et le pote33. Lindex des noms propres que contiennent les ouvrages

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    mdicaux (outre le traitDe la Maladie damour, ou Melancholie erotique de Jacques Ferrand,citonslAntidote dAmour[1599] de Jean Aubery et lAnatomie de la mlancolie[1621] deRobert Burton) rvle ici encore labondance de la matire convoque, de Virgile, Properceet Ovide Ptrarque, Belleau et Ronsard. Mais le statut de ces rfrences nest pas seulementillustratif ; elles possdent une fonction proprement dmonstrative en jouant le rle dunargument dautorit. Il est frappant de voir que les potes cits servent authentifier le proposdu mdecin.

    14 Litalien Mario Equicola, auteur dun trait De la Nature dAmour traduit par GabrielChappuis en 1584, opre une synthse des analyses de la passion amoureuse, toutes disciplinesconfondues. Aprs lexamen des discours Philosophiques , il se propose de retrouver

    lhonorable troupe des Potes, pour deviser avec eux, avec quelque affection 34. Cestloccasion pour lui de vanter la pntration du discours potique en comparaison de lalittrature mdico-philosophique : Que lon ne tienne pour fable ce que souz une fabuleusefiction, les Potes nous manifestent avec verit, fin quils cognoissent par exemples,lamoureux de present 35. La fabuleuse fiction des potes ninspire au thoricien aucunmpris ; jouant sur lantithse fable / fiction et sur la polysmie du mot fable dontil rcuse le caractre mensonger et faux, Equicola met laccent sur la dimension fictionnellede la posie quil valorise en la considrant comme le vhicule de la vrit. Emprunte la

    Gnalogie des dieux paensde Boccace36, cette dfinition de la posie comme expression duvrai sous couvert de la fiction sous-tend la potique de la Pliade et la thorie littraire des

    XVIe-XVIIesicles.15 Une telle conception justifie le statut de la rfrence littraire dans les traits de mlancolie

    o la fonction de la posie et du mythe excde le cadre de lornement en servant de cautionau discours mdical. Par exemple, Jacques Ferrand corrobore son analyse de la pleur desamants par la rfrence la fable potique de Clytie. La lgende de cette nymphe prisedApollon et mtamorphose en hliotrope lui semble une image approprie pour dfinir leteint dcolor des amants passionns : Les Potes ont recogneu que ceste couleur appartenoitaux amans, & non pas la blanche, quand ils ont feint que Clytia mourant de lAmour duSoleil, fut chang en une herbe palle, & sans sang que les Grecs nommerent Heliotropion,

    les Franois soucy, illets dInde, ou semblable 37

    . Le mdecin souligne le gnie des fableset lintelligence des potes qui ont peru leur valeur anthropologique. En mme temps quilatteste la science dpose dans le mythe, il consolide sa dmonstration en lappuyant surlun des lieux communs les plus frquents de la posie amoureuse renaissante et baroque :

    la comparaison de lamant au souci38. travers le prestige qui accompagne le langage desMuses, la fiction se trouve par l mme rige en mise en forme indirecte mais non moinsefficace et lgitime de la vrit, usant de lexemple pour atteindre des significations profondeset vritables.

    16 Cette conception de la posie nest pas sans rpercussion sur la valeur accorde par lesmdecins la langue image, laquelle ils recourent volontiers. Certes, le discours savantqui vise surtout la clart et lintelligibilit exclut en principe les tours langagiers sophistiqus

    et prfre la simplicit aux dtours du style potique. Lemploi du style simple correspond la rgle rhtorique selon laquelle cest la matire qui doit dterminer dans le choix dustyle 39; cest une rgle de bon sens quil faut que les mots conviennent aux choses 40

    dclare Bernard Lamy dans sa Rhtorique. Ayant pour objet les vrits qui se dmontrent

    dans les sciences profanes 41, la mdecineappartient aux matires dogmatiques 42o ilest assez ridicule de se passionner et de parler avec des emportements, des transports,

    et des figures que le bon sens veut quon rserve dautres occasions 43. Alors que le stylesublime se caractrise par les mtaphores, les figures o lon a une grande libert , le stylesimple contraint de nemployer que les termes propres et ordinaires 44. Cest ainsi quenpubliantDe la Maladie damour, Jacques Ferrand prtend offrir un petit discours desnude toute eloquence et affeterie de langage 45. Dans son avis au lecteur, Andr Du Laurens se

    dfend aussi de poursuivre une vise esthtique dans la rdaction de son discours desMaladies

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    melancholiques. Il se compare au philosophe, par opposition lcrivain qui recherche le beaulangage :

    Jauray bien plus faire contenter ceux l qui ne samusent qua la mignardise des mots, & la propriet des dictions : car sans doute ils se trouveront une infinit de mots rudes qui pourrontoffencer leurs par trop delicates aureilles : mais sils ne veulent avoir esgard que je ne fay pasprofession descrire en Franois, je leur diray avec tous les sages, que ceste trop curieuse recherchedes mots est indigne dun Philosophe, & que je me suis content fuyant la Barbarie (de laquelle

    ils ne me sauroyent du tout accuser) de faire entendre mon subject.

    46

    17 Le choix dune criture sobre et limpide est conforme la perspective didactique du traitde mdecine. Lelocutio rpond ici la dispositio du genre dmonstratif, lune et lautreparticipant lexigence de clart qui caractrise sa rhtorique.

    18 Si beaucoup de thoriciens du dbut du XVIIesicle se vantent de possder une methodeplus claire & plus aisee que pas une des autres, avec un style non moins facile que succinct 47,certains crivains ne renoncent pourtant pas aux images potiques. Les mtaphores, lescomparaisons et les allgories sont courantes sousla plume des mdecins, en particulier pourtraiter de la maladie damour, mais cest condition que ces figures ne soient pas obscures

    et quelles ne fassent pas obstacle la comprhension du texte48. Lexigence de clart quelesthtique malherbienne impose la potique de la posie dans lusage des figures49prvaut

    plus lgitimement encore dans la rhtorique mdicale. Cependant, pour rendre plus agrableleur expos savant, les mdecins nhsitent pas recourir aux ressources dun discourspotique imag. Les images, et surtout les hyperboles et les mtaphores 50daprs BernardLamy, sont le propre du style potique car celui-ci vise avant tout plaire. Cest le dsir defrapper vivement les sens, et de se faire entendre sans peine qui porte les potes user si

    souvent de fictions 51. Le mdecin suit en cela les leons de sduction que donnent les Muses :

    On naime pas ordinairement les vrits abstraites, qui ne saperoivent que par les yeux delesprit. Nous sommes tellement accoutums ne concevoir que ce que les sens nous prsentent,que nous sommes incapables de comprendre un raisonnement sil nest tabli sur quelqueexprience sensible : de l vient que les expressions abstraites sont des nigmes la plupart desgens ; et que celles-l plaisent qui forment dans limagination une peinture sensible de ce quonleur veut faire concevoir. Cest pourquoi les potes dont le but principal est de plaire, nemploientque ces dernires expressions : et cest pour cette mme raison que les mtaphores, qui rendentles choses sensibles, sont si frquentes dans leur style.52

    19 Cet art de persuader caractristique du style potique, les thoriciens de la mlancolie selapproprient. Pour dcrire les souffrances de latrabilaire amoureux, Jean Aubery emprunte la posie du temps sa mythologie infernale et il convoque les supplicis des Enfers dans uneprose destine frapper limagination du lecteur :

    Lamour est un vray enfer, o se voyent tous les plus fameux supplices que lantiquit a sceuinventer pour la punition des plus scelerats, on y verra des Sysiphes indefatigables, lesquels ayansroul toute puissance de services le rocher de leur amour, au sommet & desgal dun plus grandmerite que celuy quils poursuivent estre repoussez & ravallez si bas quil leur est impossibledeux relever de dessous le faix desdaigneux [] : on y recognoistra lamoureux Tythie, qui

    par nouvelles & renaissantes esperances repare continuellement les breches de son foye que lacruaut becquette sans se pouvoir rassasier, on y trouvera mille Tantales qui baisent leau, sans laboire, qui touchent les pommes sans les oser entamer, qui sont au centre des faveurs, & toustefoisnapprochent que de la superficie : Bref on y verra quantit dIxions qui attachez la rou damourtoute leur vie, se promeinent & inquietent pour neant, & retournent tousjours au mesme poinct,ainsi que le cours du Soleil.53

    20 Lexemple mythologique dvelopp par la mtaphore file de lenfer54 permet de mieuxfaire comprendre les symptmes de la maladie, den cerner la spcificit. Cette rhtoriquesuperlative rvle linnutrition littraire des mdecins. Les savants ont parfaitement assimilles codes de la posie lyrique dont ils soumettent les images hyperboliques aux finalitsdmonstratives et didactiques de leurs traits. Il convient donc de distinguer deux rgimes dediscours qui dfinissent la prose mdicale ou deux types delocutioqui entrent non pas en

    concurrence mais en complmentarit : dune part, une langue propre & intelligible relative

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    la vise scientifique de louvrage, et dautre part un style poly & orn 55renvoyant lafiction et limaginaire potique qui fconde la pense mdicale.

    21 Le pittoresque du conte plaisant et les images de la fable potique sont donc la preuve dela rhtorique fictionnelle qui informe le discours mlancologue au dbut du XVII e sicle.Les traits portant sur la mlancolie lpoque baroque illustrent bien ce roman de lamdecine que raillera Molire travers le masque de ses personnages. Quil soit narratif oulyrique, en prose ou en vers, le modle fictionnel rvle par ses nombreuses occurrences la

    culture humaniste de ces auteurs qui synthtisent les apports dune tradition composite. Plusprofondment, la fiction du conte et du pome met en abyme la nature essentiellement fictivedu savoir mlancolique, puisquil prend pour objet une ralit lhumeur noire qui nexistepas. Construction mentale forme de la fusion des apports conjoints des savoirs et des arts,la fiction mlancolique signe lunit dune culture et cristallise lesprit dune poque o lascience ne sinstituepas autonome. Lrudition suscite par ce mal fantastique 56questla mlancolie construit lintrieur de luvre scientifique un espace imaginaire qui place lemdecin au cur dela Rpublique des Lettres.

    Notes

    1 La mise en place, au XVIIesicle, de la science moderne qui, loppos du naturalisme magiquedu Moyen ge et dela Renaissance, sappuie sur le doute mthodique et le primat de la raison et delexprience, na longtemps aucun effet sur la mdecine qui reste esclave de ses thories invrifies etde son attachement servile aux grands matres de lAntiquit. in Franois Lebrun, Se soigner autrefois.Mdecins, saints et sorciers aux XVIIe et XVIIIe sicles, Paris, ditions du Seuil, coll. Points / Histoire , 1995 [1983], p. 19.

    2Ibid., p. 53.

    3 Fiction est dfinie par Pierre Richelet Action ingnieuse de lesprit qui imagine une chose quinest pas (Dictionnaire franois, contenant les mots et les choses, plusieurs nouvelles remarques sur lalangue franoise. [], Genve, Jean Herman Widerhold, 1680, p. 332). LeDictionnaire de lAcademiefranoisenote : Invention fabuleuse. [] Il se prend aussi pour Mensonge, Dissimulation, Deguisementde la verit (tome I, Paris, Jean-Baptiste Coignard, 1694, p. 443). Antoine Furetire parle quant lui de Mensonge, imposture et ajoute : se dit aussi des inventions potiques, des productions de

    limagination (Dictionnaire universel, contenant generalement tous les mots franois, tant vieux quemodernes, et les Termes des sciences et des arts : Divis en trois Tomes. Tome second. E-N, La Hayeet Rotterdam, Arnoud et Reinier Leers, 1701, n.p.)

    4 Radu Suciu, Introduction , in Andr Du Laurens, Discours des maladies mlancoliques, Paris,Klincksieck, coll. Le gnie de la mlancolie , 2012 [1594], p. LVII.

    5 Bernard Beugnot, De quelques lieux rhtoriques du discours scientifique classique , Revue desynthse, Paris, ditions Albin Michel, 101-102, Tome CII (janvier-juin 1981), p. 20.

    6 Andr Du Laurens, Discours de la conservation de la veu : Des maladies melancholiques : descatarrhes : & de la vieillesse. [], [s.l.], Theodore Samson, 1598, Epistre. , p. 5.

    7Ibid., p. 7-8.

    8Ibid., p. 4.

    9 Vostre esprit quiest capable de tout ce qui est de plus rare au monde, a est curieux den cognoistre lescauses, & savoir do procedoyent tous ces accidents : Je vous en ay fort souvent entretenue, & en proposvulgaires, & en termes expres de la medecine. En fin mes discours vous ont est si agreables, que []vous mavez command de les mettre par escrit, & de leur faire voir le jour sous vostre autorit. (Ibid.,p. 6-7).

    10 Andr Du Laurens, Discours de la conservation de la veu : Des maladies melancholiques : descatarrhes : & de la vieillesse. [], op.cit., LAutheur au Lecteur. , p. 12.

    11 Grard Genette, Seuils, Paris, ditions du Seuil, coll. Points / Essais , 1987, p. 126-127.

    12 Quel quen soit le ddicataire officiel, il y a toujours une ambigut dans la destination duneddicace duvre, qui vise toujours au moins deux destinataires : le ddicataire, bien sr, mais aussi lelecteur, puisquil sagit dun acte public dont le lecteur est en quelque sorte pris tmoin. (GrardGenette, op. cit., p. 137).

    13 Comme laffirme Radu Suciu, le discours est le genre de prdilection du mdecin vulgarisateur au

    dbut du XVIIesicle. Relevant de lentretien didactique par une dimension doralit, un caractreoratoire , son caractre rhtorique est vident si on loppose au genre du trait : celui-ci replie sur

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    lmetteur lintrt et la fin du projet , alors que le discours est propuls vers un auditoire (in AndrDu Laurens,Discours des maladies mlancoliques, op.cit., Introduction , p. LXIII-LXIV).

    14 Grard Genette, op.cit., p. 201.

    15 Jourdain Guibelet, Trois discours philosophiques. Le I. de la comparaison de lHomme avec le Monde.Le II. du Principe de la generation de lHomme. Le III. de lHumeur Melancholique. Mis de nouveau en

    lumiere par Jourdain Guibelet. M., vreux, Antoine Le Mari, 1603, Discours troisiesme. De lHumeurMelancholique , noble et vertueux Seigneur Pierre de Roncherolles Baron du Pont Sainct Pierre ,n.p.

    16Ibid.

    17Ibid., Preface , n.p.

    18Ibid.

    19 Du discours de la science, on attend aussi une certaine forme dagrment ou dornatus. Ds lorsque le souci du publicimpose ses exigences ou ses codes, ds lors que sont pris en compte les moyensdassurer au texte scientifique une efficacit ou des effets propres un auditoire ou des fins dtermines,il y a manifestation rhtorique. Luvre scientifique nchappe pas, dans la forme mme quelle adopte,au poids du public surle texte en gnral. in Bernard Beugnot, op. cit.,p. 12.

    20 Jacques Ferrand,De la Maladie damour, ou Melancholie erotique. Discours curieux qui enseigne cognoistre lessence, les causes, les signes, & les remedes de ce mal fantastique. Par Jacques Ferrand

    Agenois, Docteur en la Facult de Medecine, Denis Moreau, 1623, Au Lecteur , n.p.

    21 Ces rudits dupremier XVIIesicle sont rests pour une part des humanistes, au sens XVIesicledu mot : accabls et ravis la fois devant la masse de connaissances que leur fournissent les auteursde lAntiquit, dont ils nont pas limpression davoir puis les ressources. Ils continuent, ou pluttreprennent, en seconde et troisime lecture, la collation des manuscrits, les traductions qui ont tdonnes avant eux et les interprtations qui ont suivi. Car ils sont bien persuads que ces savoirs antiquesdoivent tre assimils par eux ; font partie de ce langage ncessaire quils peuvent combiner avec leursconnaissances apprises sur leur temps. , in Robert Mandrou,Histoire de la pense europenne. 3. Deshumanistes aux hommes de science (XVIeet XVIIesicles), Paris, ditions du Seuil, coll. Points / Histoire , 1973, p. 154.

    22 Andr Du Laurens, Discours de la conservation de la veu : Des maladies melancholiques : descatarrhes : & de la vieillesse [], op.cit., LAutheur au Lecteur. , p. 11.

    23 Voir Andr Du Laurens, Des maladies melancholiques, & du moyen de les guarir, op. cit., 1594, Histoire de certains melancholiques qui ont eu destranges imaginations. Chap. VII. , p. 263-271 etJourdain Guibelet, Trois discours philosophiques [], op. cit., Discours troisiesme : De LHumeurMelancholique , Quelques histoires de melancholiques. Explication de leurs diverses imaginations.Chapitre VI. , p. 238b-245a.

    24 Lorigine antique de la liste que les mdecins dressent des bizarreries mlancoliques remonte auchapitre du trait Des Lieux affects o Galien propose plusieurs histoires dj rapportes par desanalystes antrieursde la mlancolie, tout en y ajoutant du sien. Voir Patrick Dandrey, Les Trteauxde Saturne. Scnes de la mlancolie lpoque baroque, Paris, Klincksieck, coll. Le gnie de lamlancolie , 2003, V, p. 172.

    25 Andr Du Laurens,Des maladies melancholiques, & du moyen de les guarir, op. cit., Histoire decertains melancholiques qui ont eu destranges imaginations. Chap. VII. , p. 263-271.

    26Ibid., p. 263.

    27Ibid.

    28Ibid., p. 270.

    29 Patrick Dandrey, op. cit., p. 175.

    30Ibid., p. 175-176.

    31 Voir ce propos larticle de Roger Duchne, ros chez le mdecin ,Eros in Francia nel Seicento,Adriatica-Bari / Nizet-Paris, 1987, p. 177-186.

    32 Voir sur ce point Splendeurs et misres de lamour noir , 2epartie de notre ouvrageLes RencontresdApollon et Saturne, Paris, Classiques Garnier, 2012, coll. Lire le XVIIesicle , p. 235-476.

    33 Dans une des pices liminaires au traitDe la Maladie damourde Jacques Ferrand, le libraire DenisMoreau situe la paroledu savant au sein dune pluralit de discours : Je say que ce suject a occuptoute lantiquit, & a donn de la peine tous ceux qui ont voulu sembarquer sur cet Ocean de merveilles[] Apres que les Theologiens lont nomm charit & dilection, les Philosophes passion & mouvementde lame, les Medecins concupiscence, maladie desprit, melancholie, fureur, rage : Apres que lon luya donn des tiltres dhonneur, & dinfamie ; quon la surnomm chaleur, feu, flambeau, glace, neige,fiel, poison, venin, peste, beste, tygre, lyon, medecin, alchemiste, musicien, soldat, enchanteur, religieux,laboureur, berger, charlatan, encore se plaint-on de navoir pas assez dit, & de navoir pas penetr assez

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    avant en la cognoissance de sa nature & de son pouvoir. (Jacques Ferrand, op. cit., Epistre. AMessieurs les Estudians en Medecine Paris. , n.p.).

    34 Mario Equicola,Les Six Livres de Mario Equicola dAlveto autheur celebre. De la Nature dAmour,tant humain que divin, et de toutes les differences diceluy. Rempliz dune profonde doctrine, mesle

    avec facilit et plaisir, Imprimez de ce temps plusieurs fois en Italie, et maintenant. Mis en Franoys par

    Gabriel Chappuys tourangeau, Jean Hous, 1584, IV, 3, p. 206a.

    35Ibid., p. 206a-206b.

    36 Jean Boccace, De la Gnalogie des dieux paens, livres XIV et XV : un manifeste pour la posie,traduit, prsent et annot par Yves Delgue, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2001.

    37 Jacques Ferrand, op. cit., Chapitre XV. Les causes de la couleur palle des Amans. , p. 97.

    38 Sur la fortune de cette image et sa signification mdicale, voir notre ouvrageLes Rencontres dApollonet Saturne, op. cit., p. 451-473.

    39 Bernard Lamy, La Rhtorique ou lArt de parler, d. de Christine Noille-Clauzade, Paris, HonorChampion, 1998, IV, 8, La matire que lon traite doit dterminer dans le choix du style. , p. 348.

    40Ibid., IV, 10, Du style, ou caractre simple. , p. 354.

    41Ibid., IV, 15, Quel doit tre le style dogmatique. , p. 366.

    42Ibid., p. 365.

    43Ibid., p. 366.

    44Ibid., IV, 10, Du style, ou caractre simple. , p. 354.

    45 Jacques Ferrand, op. cit., Au Lecteur , n.p.46 Andr Du Laurens, Discours de la conservation de la veu : Des maladies melancholiques : descatarrhes : & de la vieillesse [], op.cit., LAutheur au Lecteur , p. 12.

    47 Nicolas-Abraham de La Framboisire,Le Gouvernement necessaire chacun pour vivre longuementen sant [], Paris,Marc Orry, 1608, Preface, Monseigneur de Sillery, Chancelier de France , n.p.

    48 Vray est que pour donner plus de grce au discours, en certains endroits jay us de metaphores &dallegories, mais quand elles sont tant soit peu obscures, jay adjoust linterpretation en la marge, findestre entendu de chacun. (Nicolas-Abraham de La Framboisire, op.cit., Preface, Monseigneurde Sillery, Chancelier de France , n.p.).

    49 Contre les obscurits du langage potique, Pierre de Deimier crit : Je donneray encore ce motdavertissement au futur Pote, que lors quil luy aviendra dalleguer en ses Pomes quelque exemple,ou comparaison de fable, dHistoire, ou de Philosophie, quil soit avis de lespecifier par des termes les

    plus clairs & significatifs (LAcademie de lArt poetique [], Paris, Jean de Bordeaux, 1610, De laclairt ou claire intelligence dont la Posie doit estre accompagnee , p. 275-276).

    50 Bernard Lamy, op.cit., IV, 16, Quel doit tre le style des potes , p. 367.

    51Ibid., p. 368.

    52Ibid., p. 367-368.

    53 Jean Aubery, LAntidote dAmour [], Paris, Claude Chappelet, 1599, Que lAmour est la plusgrande, la plus violente, & pernicieuse passion de lAme , p. 48b-49b.

    54 Cette mtaphore file se retrouve sous la plume de Robert Burton. Voir lAnatomie de la mlancolie,Paris, Jos Corti, 2001, vol. I, p. 724-725.

    55 Nicolas-Abraham de La Framboisire, op. cit., Preface, Monseigneur de Sillery, Chancelier deFrance , n. p.

    56 Cest ainsi que Jacques Ferrand caractrise la mlancolie dans le titre de son trait De la Maladiedamour, ou Melancholie erotique. [], op. cit.

    Pour citer cet article

    Rfrence lectronique

    Carine Luccioni-Sauvage, Le roman de la mlancolie aux XVIeet XVIIesicles ,Arts etSavoirs[En ligne], 5 | 2015, mis en ligne le 15 mars 2015, consult le 18 juin 2016. URL : http://aes.revues.org/343

    propos de lauteur

    Carine Luccioni-Sauvage

    Universit Paris-Sorbonne, CELLF 17e-18e

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    Arts et Savoirs, 5 | 2015

    Droits dauteur

    Centre de recherche LISAA (Littratures SAvoirs et Arts)

    Rsum

    travers le corpus des traits de mdecine consacrs en intgralit ou en partie la mlancolie,qui sont publis en France aux XVIeet XVIIesicles, la science rvle les liens troits quellenoue entre raison et imagination, liens caractristiques dun ge prscientifique o la pensese dpart rarement de lexemple et de lanalogie. Dans un souci de vulgarisation, lexposdidactique est soumis aux principes horatiens de lutile dulciet les ressources de la rhtoriquefournissent au mdecin les moyens de plaire au public. Selon cet art de persuader, le modlefictionnel, quil soit narratif ou lyrique, intgre la catgorie de limaginaire au champ du savoirmlancologue qui trouve dans le conte ou la fable quelques-unes de ses formes dexpressionoriginales.

    Entres dindexMots-cls :science, fiction, mlancolie