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TROISIÈME SECTION AFFAIRE G.S.B. c. SUISSE (Requête n o 28601/11) ARRÊT STRASBOURG 22 décembre 2015 Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à larticle 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

Affaire g.s.b. c. Suisse

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Page 1: Affaire g.s.b. c. Suisse

TROISIEgraveME SECTION

AFFAIRE GSB c SUISSE

(Requecircte no 2860111)

ARREcircT

STRASBOURG

22 deacutecembre 2015

Cet arrecirct deviendra deacutefinitif dans les conditions deacutefinies agrave lrsquoarticle 44 sect 2 de la

Convention Il peut subir des retouches de forme

ARREcircT GSB c SUISSE 1

En lrsquoaffaire GSB c Suisse

La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (troisiegraveme section) sieacutegeant

en une chambre composeacutee de

Luis Loacutepez Guerra preacutesident

George Nicolaou

Helen Keller

Johannes Silvis

Dmitry Dedov

Branko Lubarda

Pere Pastor Vilanova juges

et de Stephen Phillips greffier de section

Apregraves en avoir deacutelibeacutereacute en chambre du conseil le 1er deacutecembre 2015

Rend lrsquoarrecirct que voici adopteacute agrave cette date

PROCEacuteDURE

1 Agrave lrsquoorigine de lrsquoaffaire se trouve une requecircte (no 2860111) dirigeacutee

contre la Confeacutedeacuteration suisse et dont un ressortissant saoudien et

ameacutericain M GSB (laquo le requeacuterant raquo) a saisi la Cour le 4 mai 2011 en

vertu de lrsquoarticle 34 de la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales (laquo la Convention raquo) La preacutesidente de la

section a acceacutedeacute agrave la demande de non-divulgation de son identiteacute formuleacutee

par le requeacuterant (article 47 sect 4 du regraveglement)

2 Le requeacuterant a eacuteteacute repreacutesenteacute par Mes Y Bonnard et G Grisel avocats

agrave Lausanne Le gouvernement suisse (laquo le Gouvernement raquo) a eacuteteacute repreacutesenteacute

par son agent M Frank Schuumlrmann

3 Le requeacuterant allegravegue en particulier que la transmission de certaines

donneacutees bancaires le concernant dans le cadre de lrsquoentraide administrative

entre la Suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique a porteacute atteinte agrave ses droits

garantis par les articles 8 et 14

4 Le 18 deacutecembre 2013 les griefs concernant les articles 8 et 14 ont eacuteteacute

communiqueacutes au Gouvernement et la requecircte a eacuteteacute deacuteclareacutee irrecevable pour

le surplus

5 Le 9 juin 2015 la chambre a rejeteacute une demande du requeacuterant tendant

agrave la suspension de lrsquoexamen de lrsquoaffaire

2 ARREcircT GSB c SUISSE

EN FAIT

I LES CIRCONSTANCES DE LrsquoESPEgraveCE

A Lrsquoorigine des plaintes contre UBS SA

6 Le requeacuterant est neacute en 1960 et reacuteside agrave Miami

7 Les faits de la cause tels qursquoils ont eacuteteacute exposeacutes par les parties

peuvent se reacutesumer comme suit

8 Au cours de lrsquoanneacutee 2008 lrsquoadministration fiscale ameacutericaine

(lrsquoInternal Revenue Service [IRS] agrave Washington)

deacutecouvrit ndash essentiellement agrave partir drsquoune deacutenonciation eacutemanant drsquoun

ex-employeacute de la banque UBS SA agrave Genegraveve ancien gestionnaire de

patrimoine pour la clientegravele priveacutee nord-ameacutericaine ndash que des milliers de

contribuables de nationaliteacute ameacutericaine eacutetaient titulaires aupregraves drsquoUBS de

comptes bancaires non deacuteclareacutes agrave leurs autoriteacutes nationales ou bien ayants

droit eacuteconomiques vis-agrave-vis de tels comptes

Du fait du rocircle qursquoelle semblait avoir joueacute agrave cet eacutegard la banque fut mise

devant le risque drsquoun procegraves peacutenal

9 Le 18 feacutevrier 2009 un laquo accord sur la suspension de poursuites

peacutenales raquo (deferred prosecution agreement ou laquo DPA raquo) fut conclu entre

UBS SA et le deacutepartement de la Justice (DOJ) des Eacutetats-Unis La banque y

reconnaissait avoir notamment permis agrave des contribuables ameacutericains par le

biais de comptes extraterritoriaux (off-shore) de dissimuler leur fortune et

leurs revenus aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines et avoir rencontreacute et

conseilleacute sur place aux Eacutetats-Unis des clients qui nrsquoavaient pas deacuteclareacute

leurs comptes au fisc ameacutericain Lrsquoabandon des poursuites eacutetait convenu en

contrepartie du paiement drsquoune somme transactionnelle (settlement amount)

de 780 millions de dollars ameacutericains (USD)

10 Le 19 feacutevrier 2009 lrsquoIRS introduisit devant le mecircme tribunal une

proceacutedure civile (dite John Doe summons ou laquo JDS raquo) tendant agrave ce qursquoil

soit enjoint agrave UBS SA de livrer lrsquoidentiteacute de ses 52 000 clients ameacutericains et

un certain nombre de donneacutees sur les comptes dont ils eacutetaient titulaires

aupregraves drsquoelle

11 La Suisse ayant eacutemis la crainte que le diffeacuterend entre les autoriteacutes

ameacutericaines et UBS nrsquoengendre un conflit entre le droit suisse et le droit

ameacutericain si lrsquoIRS obtenait ces informations la proceacutedure civile fut

suspendue dans la perspective drsquoune conciliation extrajudiciaire

12 Afin de permettre lrsquoidentification des contribuables concerneacutes le

Conseil feacutedeacuteral (gouvernement) de la Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis

drsquoAmeacuterique (laquo les Eacutetats-Unis raquo) conclurent le 19 aoucirct 2009 un laquo Accord

concernant la demande de renseignements de lrsquoInternal Revenue Service des

ARREcircT GSB c SUISSE 3

Eacutetats-Unis relative agrave la socieacuteteacute de droit suisse UBS SA raquo (dit

laquo Accord 09 raquo paragraphe 30 ci-dessous)

Selon lrsquoarticle premier de lrsquoAccord 09 la Suisse srsquoengageait agrave traiter la

demande drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis concernant les clients

ameacutericains drsquoUBS SA selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe dudit accord et

conformeacutement par ailleurs agrave la Convention du 2 octobre 1996 entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere

drsquoimpocircts sur le revenu (CDI-US 96 paragraphe 29 ci-dessous)

Sur la base desdits critegraveres les parties agrave lrsquoAccord 09 estimaient que la

demande drsquoentraide administrative portait sur laquo environ 4 450 comptes

ouverts ou clos raquo

La Suisse srsquoengageait en outre agrave creacuteer laquo une uniteacute opeacuterationnelle

speacuteciale raquo permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC)

suisse de rendre dans certains deacutelais ses deacutecisions finales dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative

En contrepartie lrsquoaccord preacutevoyait que les Eacutetats-Unis et UBS SA

preacutesenteraient au tribunal ameacutericain du district sud de Floride une requecircte

conjointe tendant au classement de la demande drsquoexeacutecution du

John Doe summons (voir lrsquoarticle 3 de lrsquoAccord 09 paragraphe 30

ci-dessous)

13 Le 31 aoucirct 2009 lrsquoIRS adressa agrave lrsquoAFC une demande drsquoentraide

administrative en vue drsquoobtenir des informations sur les contribuables

ameacutericains qui dans la peacuteriode comprise entre le 1er janvier 2001 et le

31 deacutecembre 2008 avaient eu laquo le droit de signature ou un autre droit de

disposer raquo des comptes bancaires laquo deacutetenus surveilleacutes ou entretenus par une

division drsquoUBS SA ou une de ses succursales ou filiales en Suisse raquo

14 Le 1er septembre 2009 lrsquoAFC prit une deacutecision imposant agrave UBS SA

de fournir des renseignements au sens de lrsquoordonnance du 15 juin 1998

concernant la convention ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double

imposition (CDI-US 96 voir paragraphe 29 ci-dessous) Elle deacutecida

drsquoouvrir une proceacutedure drsquoentraide administrative et demanda agrave UBS SA de

fournir en particulier les dossiers complets des clients viseacutes par lrsquoannexe de

lrsquoAccord 09

15 Par un arrecirct du 21 janvier 2010 (A-77892009) le Tribunal

administratif feacutedeacuteral (TAF) admit un recours contre une deacutecision de lrsquoAFC

qui concernait dans le cadre de lrsquoannexe agrave lrsquoAccord 09 une contestation

relevant de la cateacutegorie deacutefinie sous le point 2Ab Dans ses motifs le TAF

consideacutera

ndash que lrsquoAccord 09 eacutetait un accord mutuel qui devait rester agrave lrsquointeacuterieur

du cadre fixeacute par la convention dont il deacutependait agrave savoir la CDI-US 96

ndash qursquoaux termes de cette derniegravere lrsquoentraide administrative eacutetait accordeacutee

en cas de fraude fiscale mais pas en cas de soustraction agrave lrsquoimpocirct

(crsquoest-agrave-dire de simple omission de deacuteclarer un compte bancaire au fisc

4 ARREcircT GSB c SUISSE

sur cette distinction en droit fiscal suisse voir paragraphes 36 et 37

ci-dessous)

ndash que partant la CDI-US 96 ne permettait lrsquoeacutechange drsquoinformations

qursquoen cas de laquo fraude ou deacutelit semblable raquo au sens du droit suisse

crsquoest-agrave-dire en cas drsquoescroquerie fiscale (soustraction agrave lrsquoimpocirct par le biais

drsquoun montage astucieux) ou drsquousage de faux dans les titres

ndash qursquoau vu des obligations qursquoil mettait agrave la charge de la Suisse cet

accord aurait ducirc revecirctir la forme drsquoun traiteacute international ratifieacute par le

parlement feacutedeacuteral suisse et ecirctre soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

ndash que partant la forme drsquoun simple accord amiable conclu par le Conseil

feacutedeacuteral seul eacutetait insuffisante

En conseacutequence le Tribunal administratif feacutedeacuteral invalida les deacutecisions

rendues par lrsquoAFC sur la base de lrsquoAccord 09

16 Avec lrsquoentreacutee en force de cet arrecirct du TAF du 21 janvier 2010

lrsquoapplication de lrsquoAccord 09 se trouvait remise en cause

En effet sur les quelque 4 450 cas individuels viseacutes par cet accord

environ 4 200 concernaient des cas de soustraction continue agrave lrsquoimpocirct

atteignant une ampleur importante Or de lrsquoavis du gouvernement suisse

lrsquoimpossibiliteacute de fournir une entraide administrative dans ces cas eacutetait de

nature agrave mettre la Suisse en grande difficulteacute dans ses relations bilateacuterales

avec les Eacutetats-Unis Le Conseil feacutedeacuteral estima qursquoil eacutetait probable que les

Eacutetats-Unis imposeraient des mesures compensatoires et qursquoil fallait

srsquoattendre au minimum agrave ce qursquoils reacuteactivent la proceacutedure drsquoexeacutecution pour

les clients drsquoUBS par la voie de lrsquoentraide administrative Un tribunal

ameacutericain pourrait alors craignait-il condamner UBS SA agrave fournir agrave lrsquoIRS

les donneacutees en question et faire exeacutecuter le jugement au moyen drsquoastreintes

tregraves eacuteleveacutees

Afin drsquoeacuteviter cela apregraves de nouvelles neacutegociations avec les Eacutetats-Unis le

Conseil feacutedeacuteral conclut le 31 mars 2010 un laquo Protocole modifiant lrsquoAccord

entre la Suisse et les Eacutetats-Unis concernant la demande de renseignements

de lrsquoIRS relative agrave la socieacuteteacute de droit suisse UBS SA signeacute agrave Washington le

19 aoucirct 2009 raquo dit laquo Protocole 10 raquo

Les dispositions de ce protocole venaient srsquointeacutegrer agrave lrsquoAccord 09 Elles

eacutetaient applicables agrave titre provisoire degraves le jour de sa signature par les

parties

17 Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 laquo portant approbation de

lrsquoAccord entre la Suisse et les Eacutetats-Unis concernant la demande de

renseignements relative agrave UBS SA ainsi que du protocole modifiant cet

accord raquo lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale (parlement suisse) approuva lrsquoAccord 09 et

le Protocole 10 et autorisa le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier

La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 tel que modifieacute par le Protocole 10

est parfois deacutesigneacutee sous lrsquoappellation de laquo Convention 10 raquo (voir au

paragraphe 30 ci-dessous la traduction franccedilaise du texte lrsquooriginal eacutetant

reacutedigeacute en anglais)

ARREcircT GSB c SUISSE 5

Lrsquoarrecircteacute feacutedeacuteral susmentionneacute preacutecisait que la possibiliteacute de reacutefeacuterendum

facultatif preacutevue par lrsquoarticle 141 de la Constitution feacutedeacuterale pour certains

traiteacutes internationaux conclus par la Suisse (paragraphe 35 ci-dessous)

nrsquoeacutetait pas ouverte en lrsquoespegravece

18 Le 15 juillet 2010 le Tribunal administratif feacutedeacuteral rendit un arrecirct

dans une affaire pilote (A-40132010) au sujet de la validiteacute de la

Convention 10 Dans cet arrecirct le TAF jugea

ndash que la Convention 10 le liait pleinement au sens de lrsquoarticle 190 de la

Constitution (voir paragraphe 34 ci-dessous)

ndash que le droit international ne connaissait pas de hieacuterarchie mateacuterielle

(hormis la preacuteeacuteminence du ius cogens) et que partant la Convention 10

eacutetait de mecircme rang que la CDI-US 96

ndash que la CDI-US 96 eacutetant tout comme la Convention (de sauvegarde des

droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales) et le Pacte international

relatif aux droits civils et politiques (laquo Pacte ONU II raquo) anteacuterieure agrave la

Convention 10 ses dispositions ne trouvaient application que pour autant

qursquoelles nrsquoeacutetaient pas contredites par les regravegles de cette derniegravere la

Convention 10 primant en vertu de sa posteacuterioriteacute

B La proceacutedure concernant le requeacuterant

1 Lrsquoorigine de lrsquoaffaire

19 Le dossier du requeacuterant fut transmis par UBS agrave lrsquoAFC le

19 janvier 2010

Dans sa deacutecision finale qui fut prise le 7 juin 2010 lrsquoAFC retint que

toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative

agrave lrsquoIRS et ordonner que lui soient fournis les documents eacutediteacutes par UBS SA

20 Le 7 juillet 2010 le requeacuterant introduisit un recours contre cette

deacutecision aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral

Par un arrecirct du 21 septembre 2010 sans entrer dans lrsquoexamen de sa

leacutegaliteacute intrinsegraveque le tribunal annula la deacutecision du 7 juin 2010 en relevant

que le droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacute En

conseacutequence il renvoya lrsquoaffaire agrave lrsquoAFC pour qursquoelle donne lrsquooccasion au

requeacuterant de preacutesenter ses observations et rende une nouvelle deacutecision au

sujet de lrsquoentraide administrative agrave accorder ou non aux autoriteacutes

ameacutericaines dans son cas

21 Par une lettre du 28 septembre 2010 lrsquoAFC impartit au requeacuterant un

deacutelai allant jusqursquoau 29 octobre 2010 pour transmettre ses eacuteventuelles

observations avant qursquoune nouvelle deacutecision ne soit rendue

Le 13 octobre 2010 le requeacuterant deacuteposa lrsquoexposeacute de sa position

Dans sa deacutecision finale du 4 novembre 2010 lrsquoAFC consideacutera derechef

que toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide

6 ARREcircT GSB c SUISSE

administrative agrave lrsquoIRS et enjoindre agrave UBS SA de lui communiquer les

documents demandeacutes

22 Le 8 deacutecembre 2010 le requeacuterant forma un recours contre la

deacutecision du 4 novembre 2010 aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral Il

deacutenonccedilait en substance lrsquoabsence de base leacutegale des deacutecisions du

1er septembre 2009 et du 4 novembre 2010 ainsi que la violation de la

Convention et drsquoautres traiteacutes internationaux agrave travers notamment le

non-respect selon lui de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois du droit au

respect de sa vie priveacutee de la preacutesomption drsquoinnocence du principe de

lrsquoeacutegaliteacute et de la non-discrimination ou encore de son droit de se taire

2 Lrsquoarrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral (TAF) du 2 mars 2011

23 Statuant en tant que derniegravere instance nationale le Tribunal

administratif feacutedeacuteral rendit son arrecirct le 2 mars 2011

Il jugea tout drsquoabord en substance que la Convention 10 liait les

autoriteacutes suisses consideacuterant que celles-ci nrsquoavaient pas agrave veacuterifier sa

conformiteacute au droit feacutedeacuteral et aux conventions anteacuterieures

Se reacutefeacuterant ensuite agrave lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 (voir

paragraphe 18 ci-dessus) le Tribunal administratif feacutedeacuteral srsquoexprima

comme suit

laquo 32 La deacutecision du 1er septembre 2009 de lrsquoAFC agrave lrsquoeacutegard drsquoUBS SA ne porte

pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative Il srsquoagit simplement drsquoune deacutecision par

laquelle lrsquoautoriteacute infeacuterieure a requis drsquoUBS SA des renseignements au sens de

lrsquoarticle 20c alineacutea 3 CDI-US 96 Degraves lors il y a lieu drsquoadmettre que lrsquoAccord 09 en

relation avec la disposition preacuteciteacutee constituait une base leacutegale suffisante pour

permettre agrave lrsquoAFC de prendre une deacutecision agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA exigeant en

particulier que les dossiers complets des clients tombant sous lrsquoannexe agrave lrsquoAccord 09

lui soient fournis Dans ces conditions le grief du recourant est mal fondeacute

411 Dans lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 le Tribunal de ceacuteans

est arriveacute agrave la conclusion que la Convention 10 eacutetait contraignante pour les autoriteacutes

suisses Ni le droit interne ni la pratique interne des autoriteacutes ne permettaient drsquoy

deacuteroger Il a exposeacute que en vertu de lrsquoarticle 190 [de la Constitution] les autoriteacutes

eacutetaient tenues drsquoappliquer le droit international dont fait en particulier partie la

Convention 10 et que ndash en tout eacutetat de cause ndash la conformiteacute du droit international

avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales ne pouvait ecirctre examineacutee lorsque le

droit international eacutetait plus reacutecent Le Tribunal administratif feacutedeacuteral a ainsi admis

que la Convention 10 devait ecirctre appliqueacutee mecircme si elle eacutetait contraire agrave la

constitution feacutedeacuterale ou agrave des lois feacutedeacuterales (cf arrecirct du Tribunal administratif

feacutedeacuteral A-40132010 du 15 juillet 2010 consideacuterant 3 et les reacutefeacuterences citeacutees cf

eacutegalement arrecircts du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-70142010 du 3 feacutevrier 2011

consideacuterant 411 et les reacutefeacuterences citeacutees A-48352010 du 11 janvier 2011

consideacuterant 511 et A-60532010 du 10 janvier 2011 consideacuterant 21)

412 Concernant plus preacuteciseacutement la relation entre les diffeacuterentes conventions (la

Convention 10 la CDI-US 96 [en particulier son article 26] la CEDH [en particulier

son article 8] et le Pacte ONU II [en particulier son article 17]) il a indiqueacute qursquoelle

eacutetait deacutetermineacutee drsquoapregraves les seules regravegles de lrsquoarticle 30 de la convention de Vienne

sur le droit des traiteacutes du 23 mai 1969 (CV) et que le droit international ne

ARREcircT GSB c SUISSE 7

connaissait pas ndash agrave lrsquoexception de la preacuteeacuteminence du ius cogens ndash de hieacuterarchie

mateacuterielle Le Tribunal de ceacuteans a ainsi consideacutereacute que les regravegles de la Convention 10

primaient sur les autres dispositions de droit international y compris lrsquoarticle 8

CEDH et lrsquoarticle 17 Pacte ONU II ces deux derniegraveres dispositions ne contenant pas

de ius cogens Il a toutefois retenu que mecircme si lrsquoarticle 8 alineacutea 1 CEDH eacutetait

applicable les conditions prescrites agrave lrsquoarticle 8 alineacutea 2 CEDH qui permet de

restreindre le droit au respect de la vie priveacutee et familiale eacutetaient reacutealiseacutees La

Convention 10 eacutetait en effet une base juridique suffisante agrave la lumiegravere de la

jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme Les importants inteacuterecircts

eacuteconomiques de la Suisse ainsi que lrsquointeacuterecirct agrave pouvoir respecter les engagements

internationaux pris preacutevalaient en outre sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes

concerneacutees par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale ()

413 Le Tribunal de ceacuteans a eacutegalement exposeacute dans lrsquoarrecirct A-40132010 preacuteciteacute

que lrsquoarticle 7 alineacutea 1 CEDH (pas de peine sans loi) nrsquoeacutetait pas pertinent en matiegravere

de proceacutedure drsquoentraide administrative Cette disposition eacutetait exceptionnellement

applicable dans le cadre de la proceacutedure drsquoentraide suisse si la personne concerneacutee

par lrsquoentraide eacutetait menaceacutee dans lrsquoEacutetat requeacuterant par une proceacutedure violant

lrsquoarticle 7 CEDH () Or tel nrsquoeacutetait pas le cas en lrsquoespegravece ()

415 Le Tribunal de ceacuteans a aussi jugeacute que les parties agrave un accord international

eacutetaient libres de preacutevoir expresseacutement ou de maniegravere implicite son application

reacutetroactive () Des regravegles de proceacutedure pouvaient par ailleurs ecirctre appliqueacutees de

maniegravere reacutetroactive agrave des faits anteacuterieurs car lrsquointerdiction de la non-reacutetroactiviteacute ne

valait que pour le droit peacutenal mateacuteriel et non pas pour le droit de proceacutedure dont les

dispositions en matiegravere drsquoentraide administrative faisaient partie () Par ailleurs

les parties agrave la Convention 10 avaient voulu qualifier diffeacuteremment des faits qui

srsquoeacutetaient deacuterouleacutes anteacuterieurement agrave la signature de lrsquoAccord 09 ce qui eacutetait

communeacutement appeleacute laquo effet reacutetroactif raquo Cette volonteacute drsquoappliquer avec effet

reacutetroactif lrsquoAccord 09 ndash devenu la Convention 10 ndash ressortait clairement des critegraveres

pour accorder lrsquoentraide fixeacutes dans lrsquoannexe agrave la Convention 10 Bien que les parties

eussent preacuteciseacute agrave lrsquoarticle 8 de la Convention 10 que cette derniegravere entrerait en

vigueur au moment de sa signature elles avaient voulu cet effet reacutetroactif ()

417 En lrsquoespegravece il y a lieu de constater agrave la lumiegravere des arrecircts susdits que les

objections suivantes relatives agrave la validiteacute et agrave lrsquoapplicabiliteacute de la Convention 10

peuvent sans autre ecirctre eacutecarteacutees contradiction avec la CEDH et drsquoautres traiteacutes

internationaux violation du principe de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois

(cf article 7 CEDH et article 15 Pacte ONU II) ainsi que violation du droit au

respect de la sphegravere priveacutee (cf article 8 CEDH) De plus contrairement agrave lrsquoopinion

du recourant la Convention 10 est en lrsquooccurrence une base leacutegale suffisante pour

accorder lrsquoentraide et ce nonobstant la non-soumission au reacutefeacuterendum (facultatif)

Enfin mecircme si la Suisse ne pouvait ndash dans le cas preacutecis ndash obtenir les mecircmes

informations selon son propre droit elle reste lieacutee par ses engagements

internationaux et doit accorder lrsquoentraide lorsque les conditions sont remplies

42 Le recourant considegravere en outre que la Convention 10 violerait le principe de

lrsquoeacutegaliteacute et celui de non-discrimination en peacutenalisant uniquement une certaine

cateacutegorie de personnes crsquoest-agrave-dire les clients drsquoUBS SA La Convention 10 ne

srsquoappliquerait en effet qursquoaux clients drsquoUBS SA et non pas aux clients drsquoautres

banques Le recourant invoque les articles 8 Cst 14 CEDH 2 paragraphe 2 du

Pacte international du 16 deacutecembre 1966 relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et

culturels (Pacte ONU I RS 01031) ainsi que 2 paragraphe 1 et 26 Pacte ONU II

8 ARREcircT GSB c SUISSE

Comme exposeacute ci-avant le Tribunal de ceacuteans ne peut pas veacuterifier la conformiteacute de

la Convention 10 avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales Celle-lagrave prime en

outre les accords internationaux anteacuterieurs qui lui seraient contraires (cf consideacuterant

412 ci-avant) La Convention 10 doit degraves lors ecirctre appliqueacutee mecircme si elle instaure

un reacutegime juridique diffeacuterent pour les clients drsquoUBS SA par rapport agrave des clients

drsquoautres banques (cf arrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-71562010 du

17 janvier 2011 consideacuterant 521)

() raquo

24 Par ces motifs le Tribunal administratif feacutedeacuteral rejeta le recours du

requeacuterant

3 Deacuteveloppements ulteacuterieurs

25 Le 24 mars 2011 le requeacuterant forma un recours en matiegravere de droit

public devant le Tribunal feacutedeacuteral au motif que les consideacuterations de lrsquoarrecirct

attaqueacute seraient propres agrave lrsquoentraide peacutenale et non pertinentes en matiegravere

drsquoentraide administrative

Par un arrecirct du 11 avril 2011 celui-ci deacuteclara le recours irrecevable en

renvoyant essentiellement agrave un arrecirct du 20 deacutecembre 2010 (ATF 137 II 128)

selon lequel les recours dirigeacutes contre les deacutecisions de lrsquoAFC rendues en

application de la convention de double imposition et des accords ulteacuterieurs

passeacutes avec les Eacutetats-Unis relevaient bien de lrsquoentraide administrative

26 Le 14 deacutecembre 2012 les donneacutees bancaires concernant le requeacuterant

ont eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

27 Par une lettre du 14 juin 2013 la Cour a demandeacute au requeacuterant de

bien vouloir lui faire connaicirctre les deacuteveloppements ulteacuterieurs de lrsquoaffaire

et en particulier drsquoexposer succinctement en quoi consistaient les

conseacutequences ou sanctions peacutenales qursquoil aurait personnellement et

effectivement subies aux Eacutetats-Unis apregraves la divulgation des donneacutees

bancaires le concernant ordonneacutee par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions

28 Par une lettre du 7 aoucirct 2013 le requeacuterant a indiqueacute ne pas ecirctre alors

en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Par une autre lettre du 30 juin 2014 le requeacuterant preacutecisa que le controcircle

fiscal des autoriteacutes ameacutericaines eacutetait toujours en cours et qursquoil nrsquoavait pas

jusqursquoagrave ce moment-lagrave eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal

ARREcircT GSB c SUISSE 9

II LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX ET INTERNES

PERTINENTS

A Droit international

1 La Convention du 2 octobre 1996 entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en

vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere drsquoimpocircts sur le

revenu (laquo CDI-US 96 raquo)

29 Conclue le 2 octobre 1996 et approuveacutee par lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale le

10 octobre 1997 la CDI-US 96 est entreacutee en vigueur le 19 deacutecembre 1997

jour de lrsquoeacutechange des instruments de ratification

Sur la question de lrsquoeacutechange de renseignements pour preacutevenir les fraudes

et deacutelits semblables (laquo tax fraud or the like raquo1) il y est stipuleacute ce qui suit

laquo Article 26 ndash Eacutechange de renseignements

1 Les autoriteacutes compeacutetentes des Eacutetats contractants eacutechangent les renseignements

(que les leacutegislations fiscales des deux Eacutetats contractants permettent drsquoobtenir)

neacutecessaires pour appliquer les dispositions de la preacutesente Convention ou pour

preacutevenir les fraudes et deacutelits semblables portant sur un impocirct viseacute par la preacutesente

Convention Dans les cas de fraude fiscale (a) lrsquoeacutechange de renseignements nrsquoest

pas limiteacute par lrsquoarticle 1 (Personnes viseacutees) et (b) srsquoil est expresseacutement demandeacute par

lrsquoautoriteacute compeacutetente drsquoun Eacutetat contractant lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoautre Eacutetat

contractant fournira les renseignements conformeacutement au preacutesent article sous forme

de copie authentique des donneacutees ou documents originaux non modifieacutes Tout

renseignement reccedilu par un Eacutetat contractant doit ecirctre tenu secret de la mecircme maniegravere

que les renseignements obtenus en application de la leacutegislation fiscale de cet Eacutetat et

nrsquoest communiqueacute qursquoaux personnes ou autoriteacutes (y compris les tribunaux et

organes administratifs) concerneacutees par lrsquoeacutetablissement ou le recouvrement des

impocircts viseacutes par la Convention par lrsquoadministration et la mise en exeacutecution de ces

impocircts ou par les deacutecisions sur les recours relatifs agrave ces impocircts Ces personnes ou

autoriteacutes nrsquoutilisent ces renseignements qursquoagrave ces fins Il ne pourra pas ecirctre eacutechangeacute

de renseignements qui deacutevoileraient un secret commercial drsquoaffaires industriel ou

professionnel ou un proceacutedeacute commercial

2 Chaque Eacutetat contractant peut percevoir les impocircts leveacutes par lrsquoautre Eacutetat

contractant comme si ces impocircts eacutetaient les impocircts du premier Eacutetat afin drsquoassurer

que lrsquoexemption ou le taux reacuteduit drsquoimpocirct accordeacute par cet autre Eacutetat aux articles 10

(Dividendes) 11 (Inteacuterecircts) 12 (Redevances) et 18 (Pensions et rentes) de la preacutesente

Convention ne beacuteneacuteficie pas agrave des personnes qui nrsquoont pas droit agrave de tels avantages

3 Les dispositions du preacutesent article ne peuvent en aucun cas ecirctre interpreacuteteacutees

comme imposant agrave lrsquoun des Eacutetats contractants lrsquoobligation de prendre des mesures

administratives deacuterogeant agrave la reacuteglementation propre ou agrave la pratique administrative

de lrsquoun des Eacutetats contractants ou qui sont contraires agrave sa souveraineteacute agrave sa seacutecuriteacute

ou agrave lrsquoordre public ou de transmettre des indications qui ne peuvent ecirctre obtenues ni

sur la base de sa propre leacutegislation ni de celle de lrsquoEacutetat qui les demande

1 La convention est reacutedigeacutee en allemand et en anglais Le texte franccedilais ici reproduit est la

traduction qui en a eacuteteacute publieacutee au Recueil officiel (RO 1999 1460)

10 ARREcircT GSB c SUISSE

4 Les autoriteacutes compeacutetentes peuvent mettre agrave disposition de la commission

drsquoarbitrage eacutetablie selon le paragraphe 6 de lrsquoarticle 25 (Proceacutedure amiable) les

renseignements neacutecessaires pour exeacutecuter la proceacutedure drsquoarbitrage Les membres de

cette commission drsquoarbitrage sont astreints aux prescriptions sur le secret deacutecrites

dans le preacutesent article raquo

2 LrsquoAccord sur la demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave

UBS SA dans sa version consolideacutee (dit aussi laquo Convention 10 raquo)

30 La demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave UBS SA a fait

lrsquoobjet drsquoun accord bilateacuteral (laquo Accord entre la Confeacutedeacuteration suisse et les

Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique concernant la demande de renseignements de

lrsquoInternal Revenue Service des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique relative agrave la socieacuteteacute

de droit suisse UBS SA raquo) dit laquo Accord 09 raquo ulteacuterieurement suivi drsquoun

protocole modificatif (le laquo Protocole 10 raquo)

Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 le parlement suisse a approuveacute ces

deux instruments et autoriseacute le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier

La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 inteacutegrant le Protocole 10 est aussi

deacutesigneacutee sous le nom de laquo Convention 10 raquo La langue originale du texte

eacutetant lrsquoanglais la traduction franccedilaise qui en a eacuteteacute publieacutee se lit comme suit

(sans les notes de bas de page)

laquo La Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique

() sont convenus des dispositions suivantes en reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 26 de la

Convention

Article premier ndash Demande drsquoentraide administrative

1 La Confeacutedeacuteration suisse traite la demande drsquoentraide administrative des

Eacutetats-Unis concernant les clients ameacutericains drsquoUBS SA (ci-apregraves laquodemande

drsquoentraide administrativeraquo) selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe au preacutesent

Accord Se fondant sur lesdits critegraveres les Parties estiment que la demande

drsquoentraide administrative porte sur environ 4 450 comptes ouverts ou clos

2 La Confeacutedeacuteration suisse met sur pied une uniteacute opeacuterationnelle speacuteciale

permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC) dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative de rendre ses deacutecisions finales au sens de

lrsquoarticle 20j de lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la Convention de double

imposition ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 selon une proceacutedure acceacuteleacutereacutee Les

deacutelais sont les suivants

ndash les 500 premiegraveres deacutecisions doivent ecirctre rendues dans les 90 jours suivant la

reacuteception de la demande drsquoentraide administrative et

ndash les deacutecisions restantes sont traiteacutees en continu dans les 360 jours suivant la

reacuteception de ladite demande

3 Degraves reacuteception de la demande drsquoentraide administrative lrsquoAFC en informe UBS

SA Elle soutient en toute prioriteacute la proceacutedure preacutevue au preacutesent article en se

fondant sur les critegraveres eacutetablis en annexe Elle srsquoengage agrave traiter toutes les questions

qui pourraient survenir agrave cet eacutegard selon le meacutecanisme deacutefini agrave lrsquoarticle 5 du preacutesent

Accord

ARREcircT GSB c SUISSE 11

4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par

lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de

divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de

deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs

comptes

5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide

administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de

lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral

eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe

()

Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons

1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA

preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte

conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS

2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du

JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur

3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les

Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour

les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date

ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source

fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non

deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement

lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis

5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous

reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard

370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la

demande drsquoentraide administrative

Article 4 ndash Obligations drsquoUBS

1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer

agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants

ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas

ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes

respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et

ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants

2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer

drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire

12 ARREcircT GSB c SUISSE

3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de

surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par

UBS SA de ses engagements

Article 6 ndash Confidentialiteacute

Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave

15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen

Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent

Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien

nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les

critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires

de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces

critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe

Article 8 ndash Entreacutee en vigueur

Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature

Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation

Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par

eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent

En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs

gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord

Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo

3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)

31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres

permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune

demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont

rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits

semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont

deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit

ainsi

laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification

claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif

mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non

deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave

leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils

eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes

concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement

(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest

pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la

demande drsquoentraide administrative

Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition

geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide

administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes

ARREcircT GSB c SUISSE 13

A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee

entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de

comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur

de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont

commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou

B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit

eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et

2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou

deacutelits semblables raquo

2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le

cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention

sont les suivants

A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct

au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y

a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis

srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes

a () ou

b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave

lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements

conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation

des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable

domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins

trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et

(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs

en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins

couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le

revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre

de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees

sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)

4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et

du Protocole 10

32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de

lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est

la suivante dans la partie pertinente

laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas

violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code

peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain

elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee

imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien

avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la

proceacutedure peacutenale

()

Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires

opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs

(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40

14 ARREcircT GSB c SUISSE

des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis

(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS

auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux

Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte

preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS

aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux

au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et

des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la

maison megravere (UBS SA en Suisse)

Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance

aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur

bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via

le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi

des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas

drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont

les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit

interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs

deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute

la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de

comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La

deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en

accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace

pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement

deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe

par UBS SA

() raquo

5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes

33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969

(CV) sont libelleacutees comme suit

Article 26 ndash Pacta sunt servanda

laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi

Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes

Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant

la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46

Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes

Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte

ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou

une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date

ARREcircT GSB c SUISSE 15

Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence

pour conclure des traiteacutes

1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en

violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour

conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son

consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une

regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale

2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se

comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo

B Droit interne

1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999

34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit

Article 190 ndash Droit applicable

laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales

et le droit international raquo

35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon

geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de

demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum

Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif

laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le

demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont

soumis au vote du peuple

a ndash c ()

d les traiteacutes internationaux qui

1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables

2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale

3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont

la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo

2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale

36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo

il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre

la fraude fiscale et la soustraction fiscale

37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du

14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une

infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune

infraction de droit administratif (article 175)

16 ARREcircT GSB c SUISSE

3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention

ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition

38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante

lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de

soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)

laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines

Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente

en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun

examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande

Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la

convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement

remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient

en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de

lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de

la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26

paragraphe 1 3e phrase de la convention)

LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur

de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne

concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des

notifications

Article 20d ndash Obtention des renseignements

1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les

renseignements et prend une deacutecision finale

2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire

ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des

renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements

par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande

ameacutericaine

3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention

des renseignements

Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee

1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne

concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la

deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande

de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas

expresseacutement le maintien du secret

2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des

notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des

ARREcircT GSB c SUISSE 17

contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de

renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications

3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier

La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees

que

a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou

b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige

4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins

drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute

Article 20f ndash Mesures de contrainte

1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de

contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes

sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et

des perquisitions opeacutereacutees

2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre

exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les

objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande

drsquoeacutechange de renseignements

3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps

le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La

mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration

feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant

4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes

Article 20l ndash Demande sans indications personnelles

1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications

personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave

identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse

habiliteacutee agrave recevoir des notifications

2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes

concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune

demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en

Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications

3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave

lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave

recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen

deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement

ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires

sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee

par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

18 ARREcircT GSB c SUISSE

4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la

Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains

5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des

notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave

lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la

publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo

C Pratique interne

39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions

sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner

certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher

lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe

de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres

les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001

du 6 feacutevrier 2002 cons 3)

EN DROIT

I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE

40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des

renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de

ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas

ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui

est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement

demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1

lettre c) de la Convention libelleacute comme suit

laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du

rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure

()

c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus

de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte

Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de

lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige

() raquo

ARREcircT GSB c SUISSE 19

41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la

Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement

drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une

information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du

droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de

lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il

nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]

no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004

9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre

2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va

de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au

cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation

expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le

requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur

lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di

Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et

autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)

42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une

radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la

Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis

mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des

informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour

nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la

Convention

43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du

Gouvernement

II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA

CONVENTION

44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires

comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par

lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son

domicile et de sa correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une

mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave

la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la

preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la

protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

45 Le Gouvernement conteste cette thegravese

20 ARREcircT GSB c SUISSE

A Sur la recevabiliteacute

46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas

en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece

47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au

sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs

agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Existence drsquoune ingeacuterence

48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les

dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave

la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences

dans sa vie priveacutee et sa correspondance

49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee

constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie

priveacutee au sens de lrsquoarticle 8

50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions

exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a

eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au

plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont

effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

(paragraphe 26 ci-dessus)

51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des

comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par

lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512

sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)

2 Justification de lrsquoingeacuterence

52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les

exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si

lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts

leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute

deacutemocratique raquo pour les atteindre

a) laquo Preacutevue par la loi raquo

i Les thegraveses des parties

α) Le requeacuterant

53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose

trois seacuteries drsquoarguments

ARREcircT GSB c SUISSE 21

Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas

eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse

pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de

droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece

Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral

(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par

lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de

lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment

de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son

adoption

54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute

nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient

drsquoapplication reacutetroactive

Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans

la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique

qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit

Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui

excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale

Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains

qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter

que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-

Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de

soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a

modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide

administrative internationale

55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision

rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers

des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le

1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le

parlement feacutedeacuteral

56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures

incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante

β) Le Gouvernement

57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement

soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait

pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de

lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35

ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos

drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des

dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre

exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 2: Affaire g.s.b. c. Suisse

ARREcircT GSB c SUISSE 1

En lrsquoaffaire GSB c Suisse

La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (troisiegraveme section) sieacutegeant

en une chambre composeacutee de

Luis Loacutepez Guerra preacutesident

George Nicolaou

Helen Keller

Johannes Silvis

Dmitry Dedov

Branko Lubarda

Pere Pastor Vilanova juges

et de Stephen Phillips greffier de section

Apregraves en avoir deacutelibeacutereacute en chambre du conseil le 1er deacutecembre 2015

Rend lrsquoarrecirct que voici adopteacute agrave cette date

PROCEacuteDURE

1 Agrave lrsquoorigine de lrsquoaffaire se trouve une requecircte (no 2860111) dirigeacutee

contre la Confeacutedeacuteration suisse et dont un ressortissant saoudien et

ameacutericain M GSB (laquo le requeacuterant raquo) a saisi la Cour le 4 mai 2011 en

vertu de lrsquoarticle 34 de la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales (laquo la Convention raquo) La preacutesidente de la

section a acceacutedeacute agrave la demande de non-divulgation de son identiteacute formuleacutee

par le requeacuterant (article 47 sect 4 du regraveglement)

2 Le requeacuterant a eacuteteacute repreacutesenteacute par Mes Y Bonnard et G Grisel avocats

agrave Lausanne Le gouvernement suisse (laquo le Gouvernement raquo) a eacuteteacute repreacutesenteacute

par son agent M Frank Schuumlrmann

3 Le requeacuterant allegravegue en particulier que la transmission de certaines

donneacutees bancaires le concernant dans le cadre de lrsquoentraide administrative

entre la Suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique a porteacute atteinte agrave ses droits

garantis par les articles 8 et 14

4 Le 18 deacutecembre 2013 les griefs concernant les articles 8 et 14 ont eacuteteacute

communiqueacutes au Gouvernement et la requecircte a eacuteteacute deacuteclareacutee irrecevable pour

le surplus

5 Le 9 juin 2015 la chambre a rejeteacute une demande du requeacuterant tendant

agrave la suspension de lrsquoexamen de lrsquoaffaire

2 ARREcircT GSB c SUISSE

EN FAIT

I LES CIRCONSTANCES DE LrsquoESPEgraveCE

A Lrsquoorigine des plaintes contre UBS SA

6 Le requeacuterant est neacute en 1960 et reacuteside agrave Miami

7 Les faits de la cause tels qursquoils ont eacuteteacute exposeacutes par les parties

peuvent se reacutesumer comme suit

8 Au cours de lrsquoanneacutee 2008 lrsquoadministration fiscale ameacutericaine

(lrsquoInternal Revenue Service [IRS] agrave Washington)

deacutecouvrit ndash essentiellement agrave partir drsquoune deacutenonciation eacutemanant drsquoun

ex-employeacute de la banque UBS SA agrave Genegraveve ancien gestionnaire de

patrimoine pour la clientegravele priveacutee nord-ameacutericaine ndash que des milliers de

contribuables de nationaliteacute ameacutericaine eacutetaient titulaires aupregraves drsquoUBS de

comptes bancaires non deacuteclareacutes agrave leurs autoriteacutes nationales ou bien ayants

droit eacuteconomiques vis-agrave-vis de tels comptes

Du fait du rocircle qursquoelle semblait avoir joueacute agrave cet eacutegard la banque fut mise

devant le risque drsquoun procegraves peacutenal

9 Le 18 feacutevrier 2009 un laquo accord sur la suspension de poursuites

peacutenales raquo (deferred prosecution agreement ou laquo DPA raquo) fut conclu entre

UBS SA et le deacutepartement de la Justice (DOJ) des Eacutetats-Unis La banque y

reconnaissait avoir notamment permis agrave des contribuables ameacutericains par le

biais de comptes extraterritoriaux (off-shore) de dissimuler leur fortune et

leurs revenus aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines et avoir rencontreacute et

conseilleacute sur place aux Eacutetats-Unis des clients qui nrsquoavaient pas deacuteclareacute

leurs comptes au fisc ameacutericain Lrsquoabandon des poursuites eacutetait convenu en

contrepartie du paiement drsquoune somme transactionnelle (settlement amount)

de 780 millions de dollars ameacutericains (USD)

10 Le 19 feacutevrier 2009 lrsquoIRS introduisit devant le mecircme tribunal une

proceacutedure civile (dite John Doe summons ou laquo JDS raquo) tendant agrave ce qursquoil

soit enjoint agrave UBS SA de livrer lrsquoidentiteacute de ses 52 000 clients ameacutericains et

un certain nombre de donneacutees sur les comptes dont ils eacutetaient titulaires

aupregraves drsquoelle

11 La Suisse ayant eacutemis la crainte que le diffeacuterend entre les autoriteacutes

ameacutericaines et UBS nrsquoengendre un conflit entre le droit suisse et le droit

ameacutericain si lrsquoIRS obtenait ces informations la proceacutedure civile fut

suspendue dans la perspective drsquoune conciliation extrajudiciaire

12 Afin de permettre lrsquoidentification des contribuables concerneacutes le

Conseil feacutedeacuteral (gouvernement) de la Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis

drsquoAmeacuterique (laquo les Eacutetats-Unis raquo) conclurent le 19 aoucirct 2009 un laquo Accord

concernant la demande de renseignements de lrsquoInternal Revenue Service des

ARREcircT GSB c SUISSE 3

Eacutetats-Unis relative agrave la socieacuteteacute de droit suisse UBS SA raquo (dit

laquo Accord 09 raquo paragraphe 30 ci-dessous)

Selon lrsquoarticle premier de lrsquoAccord 09 la Suisse srsquoengageait agrave traiter la

demande drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis concernant les clients

ameacutericains drsquoUBS SA selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe dudit accord et

conformeacutement par ailleurs agrave la Convention du 2 octobre 1996 entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere

drsquoimpocircts sur le revenu (CDI-US 96 paragraphe 29 ci-dessous)

Sur la base desdits critegraveres les parties agrave lrsquoAccord 09 estimaient que la

demande drsquoentraide administrative portait sur laquo environ 4 450 comptes

ouverts ou clos raquo

La Suisse srsquoengageait en outre agrave creacuteer laquo une uniteacute opeacuterationnelle

speacuteciale raquo permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC)

suisse de rendre dans certains deacutelais ses deacutecisions finales dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative

En contrepartie lrsquoaccord preacutevoyait que les Eacutetats-Unis et UBS SA

preacutesenteraient au tribunal ameacutericain du district sud de Floride une requecircte

conjointe tendant au classement de la demande drsquoexeacutecution du

John Doe summons (voir lrsquoarticle 3 de lrsquoAccord 09 paragraphe 30

ci-dessous)

13 Le 31 aoucirct 2009 lrsquoIRS adressa agrave lrsquoAFC une demande drsquoentraide

administrative en vue drsquoobtenir des informations sur les contribuables

ameacutericains qui dans la peacuteriode comprise entre le 1er janvier 2001 et le

31 deacutecembre 2008 avaient eu laquo le droit de signature ou un autre droit de

disposer raquo des comptes bancaires laquo deacutetenus surveilleacutes ou entretenus par une

division drsquoUBS SA ou une de ses succursales ou filiales en Suisse raquo

14 Le 1er septembre 2009 lrsquoAFC prit une deacutecision imposant agrave UBS SA

de fournir des renseignements au sens de lrsquoordonnance du 15 juin 1998

concernant la convention ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double

imposition (CDI-US 96 voir paragraphe 29 ci-dessous) Elle deacutecida

drsquoouvrir une proceacutedure drsquoentraide administrative et demanda agrave UBS SA de

fournir en particulier les dossiers complets des clients viseacutes par lrsquoannexe de

lrsquoAccord 09

15 Par un arrecirct du 21 janvier 2010 (A-77892009) le Tribunal

administratif feacutedeacuteral (TAF) admit un recours contre une deacutecision de lrsquoAFC

qui concernait dans le cadre de lrsquoannexe agrave lrsquoAccord 09 une contestation

relevant de la cateacutegorie deacutefinie sous le point 2Ab Dans ses motifs le TAF

consideacutera

ndash que lrsquoAccord 09 eacutetait un accord mutuel qui devait rester agrave lrsquointeacuterieur

du cadre fixeacute par la convention dont il deacutependait agrave savoir la CDI-US 96

ndash qursquoaux termes de cette derniegravere lrsquoentraide administrative eacutetait accordeacutee

en cas de fraude fiscale mais pas en cas de soustraction agrave lrsquoimpocirct

(crsquoest-agrave-dire de simple omission de deacuteclarer un compte bancaire au fisc

4 ARREcircT GSB c SUISSE

sur cette distinction en droit fiscal suisse voir paragraphes 36 et 37

ci-dessous)

ndash que partant la CDI-US 96 ne permettait lrsquoeacutechange drsquoinformations

qursquoen cas de laquo fraude ou deacutelit semblable raquo au sens du droit suisse

crsquoest-agrave-dire en cas drsquoescroquerie fiscale (soustraction agrave lrsquoimpocirct par le biais

drsquoun montage astucieux) ou drsquousage de faux dans les titres

ndash qursquoau vu des obligations qursquoil mettait agrave la charge de la Suisse cet

accord aurait ducirc revecirctir la forme drsquoun traiteacute international ratifieacute par le

parlement feacutedeacuteral suisse et ecirctre soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

ndash que partant la forme drsquoun simple accord amiable conclu par le Conseil

feacutedeacuteral seul eacutetait insuffisante

En conseacutequence le Tribunal administratif feacutedeacuteral invalida les deacutecisions

rendues par lrsquoAFC sur la base de lrsquoAccord 09

16 Avec lrsquoentreacutee en force de cet arrecirct du TAF du 21 janvier 2010

lrsquoapplication de lrsquoAccord 09 se trouvait remise en cause

En effet sur les quelque 4 450 cas individuels viseacutes par cet accord

environ 4 200 concernaient des cas de soustraction continue agrave lrsquoimpocirct

atteignant une ampleur importante Or de lrsquoavis du gouvernement suisse

lrsquoimpossibiliteacute de fournir une entraide administrative dans ces cas eacutetait de

nature agrave mettre la Suisse en grande difficulteacute dans ses relations bilateacuterales

avec les Eacutetats-Unis Le Conseil feacutedeacuteral estima qursquoil eacutetait probable que les

Eacutetats-Unis imposeraient des mesures compensatoires et qursquoil fallait

srsquoattendre au minimum agrave ce qursquoils reacuteactivent la proceacutedure drsquoexeacutecution pour

les clients drsquoUBS par la voie de lrsquoentraide administrative Un tribunal

ameacutericain pourrait alors craignait-il condamner UBS SA agrave fournir agrave lrsquoIRS

les donneacutees en question et faire exeacutecuter le jugement au moyen drsquoastreintes

tregraves eacuteleveacutees

Afin drsquoeacuteviter cela apregraves de nouvelles neacutegociations avec les Eacutetats-Unis le

Conseil feacutedeacuteral conclut le 31 mars 2010 un laquo Protocole modifiant lrsquoAccord

entre la Suisse et les Eacutetats-Unis concernant la demande de renseignements

de lrsquoIRS relative agrave la socieacuteteacute de droit suisse UBS SA signeacute agrave Washington le

19 aoucirct 2009 raquo dit laquo Protocole 10 raquo

Les dispositions de ce protocole venaient srsquointeacutegrer agrave lrsquoAccord 09 Elles

eacutetaient applicables agrave titre provisoire degraves le jour de sa signature par les

parties

17 Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 laquo portant approbation de

lrsquoAccord entre la Suisse et les Eacutetats-Unis concernant la demande de

renseignements relative agrave UBS SA ainsi que du protocole modifiant cet

accord raquo lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale (parlement suisse) approuva lrsquoAccord 09 et

le Protocole 10 et autorisa le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier

La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 tel que modifieacute par le Protocole 10

est parfois deacutesigneacutee sous lrsquoappellation de laquo Convention 10 raquo (voir au

paragraphe 30 ci-dessous la traduction franccedilaise du texte lrsquooriginal eacutetant

reacutedigeacute en anglais)

ARREcircT GSB c SUISSE 5

Lrsquoarrecircteacute feacutedeacuteral susmentionneacute preacutecisait que la possibiliteacute de reacutefeacuterendum

facultatif preacutevue par lrsquoarticle 141 de la Constitution feacutedeacuterale pour certains

traiteacutes internationaux conclus par la Suisse (paragraphe 35 ci-dessous)

nrsquoeacutetait pas ouverte en lrsquoespegravece

18 Le 15 juillet 2010 le Tribunal administratif feacutedeacuteral rendit un arrecirct

dans une affaire pilote (A-40132010) au sujet de la validiteacute de la

Convention 10 Dans cet arrecirct le TAF jugea

ndash que la Convention 10 le liait pleinement au sens de lrsquoarticle 190 de la

Constitution (voir paragraphe 34 ci-dessous)

ndash que le droit international ne connaissait pas de hieacuterarchie mateacuterielle

(hormis la preacuteeacuteminence du ius cogens) et que partant la Convention 10

eacutetait de mecircme rang que la CDI-US 96

ndash que la CDI-US 96 eacutetant tout comme la Convention (de sauvegarde des

droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales) et le Pacte international

relatif aux droits civils et politiques (laquo Pacte ONU II raquo) anteacuterieure agrave la

Convention 10 ses dispositions ne trouvaient application que pour autant

qursquoelles nrsquoeacutetaient pas contredites par les regravegles de cette derniegravere la

Convention 10 primant en vertu de sa posteacuterioriteacute

B La proceacutedure concernant le requeacuterant

1 Lrsquoorigine de lrsquoaffaire

19 Le dossier du requeacuterant fut transmis par UBS agrave lrsquoAFC le

19 janvier 2010

Dans sa deacutecision finale qui fut prise le 7 juin 2010 lrsquoAFC retint que

toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative

agrave lrsquoIRS et ordonner que lui soient fournis les documents eacutediteacutes par UBS SA

20 Le 7 juillet 2010 le requeacuterant introduisit un recours contre cette

deacutecision aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral

Par un arrecirct du 21 septembre 2010 sans entrer dans lrsquoexamen de sa

leacutegaliteacute intrinsegraveque le tribunal annula la deacutecision du 7 juin 2010 en relevant

que le droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacute En

conseacutequence il renvoya lrsquoaffaire agrave lrsquoAFC pour qursquoelle donne lrsquooccasion au

requeacuterant de preacutesenter ses observations et rende une nouvelle deacutecision au

sujet de lrsquoentraide administrative agrave accorder ou non aux autoriteacutes

ameacutericaines dans son cas

21 Par une lettre du 28 septembre 2010 lrsquoAFC impartit au requeacuterant un

deacutelai allant jusqursquoau 29 octobre 2010 pour transmettre ses eacuteventuelles

observations avant qursquoune nouvelle deacutecision ne soit rendue

Le 13 octobre 2010 le requeacuterant deacuteposa lrsquoexposeacute de sa position

Dans sa deacutecision finale du 4 novembre 2010 lrsquoAFC consideacutera derechef

que toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide

6 ARREcircT GSB c SUISSE

administrative agrave lrsquoIRS et enjoindre agrave UBS SA de lui communiquer les

documents demandeacutes

22 Le 8 deacutecembre 2010 le requeacuterant forma un recours contre la

deacutecision du 4 novembre 2010 aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral Il

deacutenonccedilait en substance lrsquoabsence de base leacutegale des deacutecisions du

1er septembre 2009 et du 4 novembre 2010 ainsi que la violation de la

Convention et drsquoautres traiteacutes internationaux agrave travers notamment le

non-respect selon lui de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois du droit au

respect de sa vie priveacutee de la preacutesomption drsquoinnocence du principe de

lrsquoeacutegaliteacute et de la non-discrimination ou encore de son droit de se taire

2 Lrsquoarrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral (TAF) du 2 mars 2011

23 Statuant en tant que derniegravere instance nationale le Tribunal

administratif feacutedeacuteral rendit son arrecirct le 2 mars 2011

Il jugea tout drsquoabord en substance que la Convention 10 liait les

autoriteacutes suisses consideacuterant que celles-ci nrsquoavaient pas agrave veacuterifier sa

conformiteacute au droit feacutedeacuteral et aux conventions anteacuterieures

Se reacutefeacuterant ensuite agrave lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 (voir

paragraphe 18 ci-dessus) le Tribunal administratif feacutedeacuteral srsquoexprima

comme suit

laquo 32 La deacutecision du 1er septembre 2009 de lrsquoAFC agrave lrsquoeacutegard drsquoUBS SA ne porte

pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative Il srsquoagit simplement drsquoune deacutecision par

laquelle lrsquoautoriteacute infeacuterieure a requis drsquoUBS SA des renseignements au sens de

lrsquoarticle 20c alineacutea 3 CDI-US 96 Degraves lors il y a lieu drsquoadmettre que lrsquoAccord 09 en

relation avec la disposition preacuteciteacutee constituait une base leacutegale suffisante pour

permettre agrave lrsquoAFC de prendre une deacutecision agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA exigeant en

particulier que les dossiers complets des clients tombant sous lrsquoannexe agrave lrsquoAccord 09

lui soient fournis Dans ces conditions le grief du recourant est mal fondeacute

411 Dans lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 le Tribunal de ceacuteans

est arriveacute agrave la conclusion que la Convention 10 eacutetait contraignante pour les autoriteacutes

suisses Ni le droit interne ni la pratique interne des autoriteacutes ne permettaient drsquoy

deacuteroger Il a exposeacute que en vertu de lrsquoarticle 190 [de la Constitution] les autoriteacutes

eacutetaient tenues drsquoappliquer le droit international dont fait en particulier partie la

Convention 10 et que ndash en tout eacutetat de cause ndash la conformiteacute du droit international

avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales ne pouvait ecirctre examineacutee lorsque le

droit international eacutetait plus reacutecent Le Tribunal administratif feacutedeacuteral a ainsi admis

que la Convention 10 devait ecirctre appliqueacutee mecircme si elle eacutetait contraire agrave la

constitution feacutedeacuterale ou agrave des lois feacutedeacuterales (cf arrecirct du Tribunal administratif

feacutedeacuteral A-40132010 du 15 juillet 2010 consideacuterant 3 et les reacutefeacuterences citeacutees cf

eacutegalement arrecircts du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-70142010 du 3 feacutevrier 2011

consideacuterant 411 et les reacutefeacuterences citeacutees A-48352010 du 11 janvier 2011

consideacuterant 511 et A-60532010 du 10 janvier 2011 consideacuterant 21)

412 Concernant plus preacuteciseacutement la relation entre les diffeacuterentes conventions (la

Convention 10 la CDI-US 96 [en particulier son article 26] la CEDH [en particulier

son article 8] et le Pacte ONU II [en particulier son article 17]) il a indiqueacute qursquoelle

eacutetait deacutetermineacutee drsquoapregraves les seules regravegles de lrsquoarticle 30 de la convention de Vienne

sur le droit des traiteacutes du 23 mai 1969 (CV) et que le droit international ne

ARREcircT GSB c SUISSE 7

connaissait pas ndash agrave lrsquoexception de la preacuteeacuteminence du ius cogens ndash de hieacuterarchie

mateacuterielle Le Tribunal de ceacuteans a ainsi consideacutereacute que les regravegles de la Convention 10

primaient sur les autres dispositions de droit international y compris lrsquoarticle 8

CEDH et lrsquoarticle 17 Pacte ONU II ces deux derniegraveres dispositions ne contenant pas

de ius cogens Il a toutefois retenu que mecircme si lrsquoarticle 8 alineacutea 1 CEDH eacutetait

applicable les conditions prescrites agrave lrsquoarticle 8 alineacutea 2 CEDH qui permet de

restreindre le droit au respect de la vie priveacutee et familiale eacutetaient reacutealiseacutees La

Convention 10 eacutetait en effet une base juridique suffisante agrave la lumiegravere de la

jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme Les importants inteacuterecircts

eacuteconomiques de la Suisse ainsi que lrsquointeacuterecirct agrave pouvoir respecter les engagements

internationaux pris preacutevalaient en outre sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes

concerneacutees par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale ()

413 Le Tribunal de ceacuteans a eacutegalement exposeacute dans lrsquoarrecirct A-40132010 preacuteciteacute

que lrsquoarticle 7 alineacutea 1 CEDH (pas de peine sans loi) nrsquoeacutetait pas pertinent en matiegravere

de proceacutedure drsquoentraide administrative Cette disposition eacutetait exceptionnellement

applicable dans le cadre de la proceacutedure drsquoentraide suisse si la personne concerneacutee

par lrsquoentraide eacutetait menaceacutee dans lrsquoEacutetat requeacuterant par une proceacutedure violant

lrsquoarticle 7 CEDH () Or tel nrsquoeacutetait pas le cas en lrsquoespegravece ()

415 Le Tribunal de ceacuteans a aussi jugeacute que les parties agrave un accord international

eacutetaient libres de preacutevoir expresseacutement ou de maniegravere implicite son application

reacutetroactive () Des regravegles de proceacutedure pouvaient par ailleurs ecirctre appliqueacutees de

maniegravere reacutetroactive agrave des faits anteacuterieurs car lrsquointerdiction de la non-reacutetroactiviteacute ne

valait que pour le droit peacutenal mateacuteriel et non pas pour le droit de proceacutedure dont les

dispositions en matiegravere drsquoentraide administrative faisaient partie () Par ailleurs

les parties agrave la Convention 10 avaient voulu qualifier diffeacuteremment des faits qui

srsquoeacutetaient deacuterouleacutes anteacuterieurement agrave la signature de lrsquoAccord 09 ce qui eacutetait

communeacutement appeleacute laquo effet reacutetroactif raquo Cette volonteacute drsquoappliquer avec effet

reacutetroactif lrsquoAccord 09 ndash devenu la Convention 10 ndash ressortait clairement des critegraveres

pour accorder lrsquoentraide fixeacutes dans lrsquoannexe agrave la Convention 10 Bien que les parties

eussent preacuteciseacute agrave lrsquoarticle 8 de la Convention 10 que cette derniegravere entrerait en

vigueur au moment de sa signature elles avaient voulu cet effet reacutetroactif ()

417 En lrsquoespegravece il y a lieu de constater agrave la lumiegravere des arrecircts susdits que les

objections suivantes relatives agrave la validiteacute et agrave lrsquoapplicabiliteacute de la Convention 10

peuvent sans autre ecirctre eacutecarteacutees contradiction avec la CEDH et drsquoautres traiteacutes

internationaux violation du principe de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois

(cf article 7 CEDH et article 15 Pacte ONU II) ainsi que violation du droit au

respect de la sphegravere priveacutee (cf article 8 CEDH) De plus contrairement agrave lrsquoopinion

du recourant la Convention 10 est en lrsquooccurrence une base leacutegale suffisante pour

accorder lrsquoentraide et ce nonobstant la non-soumission au reacutefeacuterendum (facultatif)

Enfin mecircme si la Suisse ne pouvait ndash dans le cas preacutecis ndash obtenir les mecircmes

informations selon son propre droit elle reste lieacutee par ses engagements

internationaux et doit accorder lrsquoentraide lorsque les conditions sont remplies

42 Le recourant considegravere en outre que la Convention 10 violerait le principe de

lrsquoeacutegaliteacute et celui de non-discrimination en peacutenalisant uniquement une certaine

cateacutegorie de personnes crsquoest-agrave-dire les clients drsquoUBS SA La Convention 10 ne

srsquoappliquerait en effet qursquoaux clients drsquoUBS SA et non pas aux clients drsquoautres

banques Le recourant invoque les articles 8 Cst 14 CEDH 2 paragraphe 2 du

Pacte international du 16 deacutecembre 1966 relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et

culturels (Pacte ONU I RS 01031) ainsi que 2 paragraphe 1 et 26 Pacte ONU II

8 ARREcircT GSB c SUISSE

Comme exposeacute ci-avant le Tribunal de ceacuteans ne peut pas veacuterifier la conformiteacute de

la Convention 10 avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales Celle-lagrave prime en

outre les accords internationaux anteacuterieurs qui lui seraient contraires (cf consideacuterant

412 ci-avant) La Convention 10 doit degraves lors ecirctre appliqueacutee mecircme si elle instaure

un reacutegime juridique diffeacuterent pour les clients drsquoUBS SA par rapport agrave des clients

drsquoautres banques (cf arrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-71562010 du

17 janvier 2011 consideacuterant 521)

() raquo

24 Par ces motifs le Tribunal administratif feacutedeacuteral rejeta le recours du

requeacuterant

3 Deacuteveloppements ulteacuterieurs

25 Le 24 mars 2011 le requeacuterant forma un recours en matiegravere de droit

public devant le Tribunal feacutedeacuteral au motif que les consideacuterations de lrsquoarrecirct

attaqueacute seraient propres agrave lrsquoentraide peacutenale et non pertinentes en matiegravere

drsquoentraide administrative

Par un arrecirct du 11 avril 2011 celui-ci deacuteclara le recours irrecevable en

renvoyant essentiellement agrave un arrecirct du 20 deacutecembre 2010 (ATF 137 II 128)

selon lequel les recours dirigeacutes contre les deacutecisions de lrsquoAFC rendues en

application de la convention de double imposition et des accords ulteacuterieurs

passeacutes avec les Eacutetats-Unis relevaient bien de lrsquoentraide administrative

26 Le 14 deacutecembre 2012 les donneacutees bancaires concernant le requeacuterant

ont eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

27 Par une lettre du 14 juin 2013 la Cour a demandeacute au requeacuterant de

bien vouloir lui faire connaicirctre les deacuteveloppements ulteacuterieurs de lrsquoaffaire

et en particulier drsquoexposer succinctement en quoi consistaient les

conseacutequences ou sanctions peacutenales qursquoil aurait personnellement et

effectivement subies aux Eacutetats-Unis apregraves la divulgation des donneacutees

bancaires le concernant ordonneacutee par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions

28 Par une lettre du 7 aoucirct 2013 le requeacuterant a indiqueacute ne pas ecirctre alors

en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Par une autre lettre du 30 juin 2014 le requeacuterant preacutecisa que le controcircle

fiscal des autoriteacutes ameacutericaines eacutetait toujours en cours et qursquoil nrsquoavait pas

jusqursquoagrave ce moment-lagrave eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal

ARREcircT GSB c SUISSE 9

II LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX ET INTERNES

PERTINENTS

A Droit international

1 La Convention du 2 octobre 1996 entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en

vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere drsquoimpocircts sur le

revenu (laquo CDI-US 96 raquo)

29 Conclue le 2 octobre 1996 et approuveacutee par lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale le

10 octobre 1997 la CDI-US 96 est entreacutee en vigueur le 19 deacutecembre 1997

jour de lrsquoeacutechange des instruments de ratification

Sur la question de lrsquoeacutechange de renseignements pour preacutevenir les fraudes

et deacutelits semblables (laquo tax fraud or the like raquo1) il y est stipuleacute ce qui suit

laquo Article 26 ndash Eacutechange de renseignements

1 Les autoriteacutes compeacutetentes des Eacutetats contractants eacutechangent les renseignements

(que les leacutegislations fiscales des deux Eacutetats contractants permettent drsquoobtenir)

neacutecessaires pour appliquer les dispositions de la preacutesente Convention ou pour

preacutevenir les fraudes et deacutelits semblables portant sur un impocirct viseacute par la preacutesente

Convention Dans les cas de fraude fiscale (a) lrsquoeacutechange de renseignements nrsquoest

pas limiteacute par lrsquoarticle 1 (Personnes viseacutees) et (b) srsquoil est expresseacutement demandeacute par

lrsquoautoriteacute compeacutetente drsquoun Eacutetat contractant lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoautre Eacutetat

contractant fournira les renseignements conformeacutement au preacutesent article sous forme

de copie authentique des donneacutees ou documents originaux non modifieacutes Tout

renseignement reccedilu par un Eacutetat contractant doit ecirctre tenu secret de la mecircme maniegravere

que les renseignements obtenus en application de la leacutegislation fiscale de cet Eacutetat et

nrsquoest communiqueacute qursquoaux personnes ou autoriteacutes (y compris les tribunaux et

organes administratifs) concerneacutees par lrsquoeacutetablissement ou le recouvrement des

impocircts viseacutes par la Convention par lrsquoadministration et la mise en exeacutecution de ces

impocircts ou par les deacutecisions sur les recours relatifs agrave ces impocircts Ces personnes ou

autoriteacutes nrsquoutilisent ces renseignements qursquoagrave ces fins Il ne pourra pas ecirctre eacutechangeacute

de renseignements qui deacutevoileraient un secret commercial drsquoaffaires industriel ou

professionnel ou un proceacutedeacute commercial

2 Chaque Eacutetat contractant peut percevoir les impocircts leveacutes par lrsquoautre Eacutetat

contractant comme si ces impocircts eacutetaient les impocircts du premier Eacutetat afin drsquoassurer

que lrsquoexemption ou le taux reacuteduit drsquoimpocirct accordeacute par cet autre Eacutetat aux articles 10

(Dividendes) 11 (Inteacuterecircts) 12 (Redevances) et 18 (Pensions et rentes) de la preacutesente

Convention ne beacuteneacuteficie pas agrave des personnes qui nrsquoont pas droit agrave de tels avantages

3 Les dispositions du preacutesent article ne peuvent en aucun cas ecirctre interpreacuteteacutees

comme imposant agrave lrsquoun des Eacutetats contractants lrsquoobligation de prendre des mesures

administratives deacuterogeant agrave la reacuteglementation propre ou agrave la pratique administrative

de lrsquoun des Eacutetats contractants ou qui sont contraires agrave sa souveraineteacute agrave sa seacutecuriteacute

ou agrave lrsquoordre public ou de transmettre des indications qui ne peuvent ecirctre obtenues ni

sur la base de sa propre leacutegislation ni de celle de lrsquoEacutetat qui les demande

1 La convention est reacutedigeacutee en allemand et en anglais Le texte franccedilais ici reproduit est la

traduction qui en a eacuteteacute publieacutee au Recueil officiel (RO 1999 1460)

10 ARREcircT GSB c SUISSE

4 Les autoriteacutes compeacutetentes peuvent mettre agrave disposition de la commission

drsquoarbitrage eacutetablie selon le paragraphe 6 de lrsquoarticle 25 (Proceacutedure amiable) les

renseignements neacutecessaires pour exeacutecuter la proceacutedure drsquoarbitrage Les membres de

cette commission drsquoarbitrage sont astreints aux prescriptions sur le secret deacutecrites

dans le preacutesent article raquo

2 LrsquoAccord sur la demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave

UBS SA dans sa version consolideacutee (dit aussi laquo Convention 10 raquo)

30 La demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave UBS SA a fait

lrsquoobjet drsquoun accord bilateacuteral (laquo Accord entre la Confeacutedeacuteration suisse et les

Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique concernant la demande de renseignements de

lrsquoInternal Revenue Service des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique relative agrave la socieacuteteacute

de droit suisse UBS SA raquo) dit laquo Accord 09 raquo ulteacuterieurement suivi drsquoun

protocole modificatif (le laquo Protocole 10 raquo)

Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 le parlement suisse a approuveacute ces

deux instruments et autoriseacute le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier

La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 inteacutegrant le Protocole 10 est aussi

deacutesigneacutee sous le nom de laquo Convention 10 raquo La langue originale du texte

eacutetant lrsquoanglais la traduction franccedilaise qui en a eacuteteacute publieacutee se lit comme suit

(sans les notes de bas de page)

laquo La Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique

() sont convenus des dispositions suivantes en reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 26 de la

Convention

Article premier ndash Demande drsquoentraide administrative

1 La Confeacutedeacuteration suisse traite la demande drsquoentraide administrative des

Eacutetats-Unis concernant les clients ameacutericains drsquoUBS SA (ci-apregraves laquodemande

drsquoentraide administrativeraquo) selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe au preacutesent

Accord Se fondant sur lesdits critegraveres les Parties estiment que la demande

drsquoentraide administrative porte sur environ 4 450 comptes ouverts ou clos

2 La Confeacutedeacuteration suisse met sur pied une uniteacute opeacuterationnelle speacuteciale

permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC) dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative de rendre ses deacutecisions finales au sens de

lrsquoarticle 20j de lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la Convention de double

imposition ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 selon une proceacutedure acceacuteleacutereacutee Les

deacutelais sont les suivants

ndash les 500 premiegraveres deacutecisions doivent ecirctre rendues dans les 90 jours suivant la

reacuteception de la demande drsquoentraide administrative et

ndash les deacutecisions restantes sont traiteacutees en continu dans les 360 jours suivant la

reacuteception de ladite demande

3 Degraves reacuteception de la demande drsquoentraide administrative lrsquoAFC en informe UBS

SA Elle soutient en toute prioriteacute la proceacutedure preacutevue au preacutesent article en se

fondant sur les critegraveres eacutetablis en annexe Elle srsquoengage agrave traiter toutes les questions

qui pourraient survenir agrave cet eacutegard selon le meacutecanisme deacutefini agrave lrsquoarticle 5 du preacutesent

Accord

ARREcircT GSB c SUISSE 11

4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par

lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de

divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de

deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs

comptes

5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide

administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de

lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral

eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe

()

Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons

1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA

preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte

conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS

2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du

JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur

3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les

Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour

les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date

ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source

fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non

deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement

lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis

5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous

reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard

370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la

demande drsquoentraide administrative

Article 4 ndash Obligations drsquoUBS

1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer

agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants

ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas

ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes

respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et

ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants

2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer

drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire

12 ARREcircT GSB c SUISSE

3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de

surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par

UBS SA de ses engagements

Article 6 ndash Confidentialiteacute

Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave

15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen

Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent

Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien

nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les

critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires

de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces

critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe

Article 8 ndash Entreacutee en vigueur

Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature

Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation

Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par

eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent

En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs

gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord

Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo

3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)

31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres

permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune

demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont

rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits

semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont

deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit

ainsi

laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification

claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif

mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non

deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave

leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils

eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes

concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement

(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest

pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la

demande drsquoentraide administrative

Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition

geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide

administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes

ARREcircT GSB c SUISSE 13

A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee

entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de

comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur

de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont

commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou

B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit

eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et

2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou

deacutelits semblables raquo

2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le

cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention

sont les suivants

A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct

au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y

a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis

srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes

a () ou

b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave

lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements

conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation

des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable

domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins

trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et

(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs

en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins

couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le

revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre

de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees

sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)

4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et

du Protocole 10

32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de

lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est

la suivante dans la partie pertinente

laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas

violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code

peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain

elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee

imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien

avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la

proceacutedure peacutenale

()

Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires

opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs

(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40

14 ARREcircT GSB c SUISSE

des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis

(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS

auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux

Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte

preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS

aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux

au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et

des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la

maison megravere (UBS SA en Suisse)

Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance

aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur

bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via

le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi

des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas

drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont

les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit

interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs

deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute

la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de

comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La

deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en

accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace

pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement

deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe

par UBS SA

() raquo

5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes

33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969

(CV) sont libelleacutees comme suit

Article 26 ndash Pacta sunt servanda

laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi

Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes

Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant

la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46

Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes

Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte

ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou

une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date

ARREcircT GSB c SUISSE 15

Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence

pour conclure des traiteacutes

1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en

violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour

conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son

consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une

regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale

2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se

comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo

B Droit interne

1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999

34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit

Article 190 ndash Droit applicable

laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales

et le droit international raquo

35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon

geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de

demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum

Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif

laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le

demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont

soumis au vote du peuple

a ndash c ()

d les traiteacutes internationaux qui

1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables

2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale

3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont

la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo

2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale

36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo

il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre

la fraude fiscale et la soustraction fiscale

37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du

14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une

infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune

infraction de droit administratif (article 175)

16 ARREcircT GSB c SUISSE

3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention

ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition

38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante

lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de

soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)

laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines

Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente

en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun

examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande

Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la

convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement

remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient

en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de

lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de

la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26

paragraphe 1 3e phrase de la convention)

LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur

de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne

concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des

notifications

Article 20d ndash Obtention des renseignements

1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les

renseignements et prend une deacutecision finale

2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire

ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des

renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements

par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande

ameacutericaine

3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention

des renseignements

Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee

1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne

concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la

deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande

de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas

expresseacutement le maintien du secret

2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des

notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des

ARREcircT GSB c SUISSE 17

contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de

renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications

3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier

La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees

que

a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou

b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige

4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins

drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute

Article 20f ndash Mesures de contrainte

1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de

contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes

sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et

des perquisitions opeacutereacutees

2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre

exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les

objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande

drsquoeacutechange de renseignements

3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps

le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La

mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration

feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant

4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes

Article 20l ndash Demande sans indications personnelles

1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications

personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave

identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse

habiliteacutee agrave recevoir des notifications

2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes

concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune

demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en

Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications

3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave

lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave

recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen

deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement

ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires

sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee

par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

18 ARREcircT GSB c SUISSE

4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la

Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains

5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des

notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave

lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la

publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo

C Pratique interne

39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions

sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner

certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher

lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe

de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres

les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001

du 6 feacutevrier 2002 cons 3)

EN DROIT

I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE

40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des

renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de

ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas

ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui

est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement

demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1

lettre c) de la Convention libelleacute comme suit

laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du

rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure

()

c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus

de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte

Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de

lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige

() raquo

ARREcircT GSB c SUISSE 19

41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la

Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement

drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une

information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du

droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de

lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il

nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]

no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004

9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre

2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va

de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au

cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation

expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le

requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur

lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di

Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et

autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)

42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une

radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la

Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis

mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des

informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour

nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la

Convention

43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du

Gouvernement

II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA

CONVENTION

44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires

comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par

lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son

domicile et de sa correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une

mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave

la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la

preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la

protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

45 Le Gouvernement conteste cette thegravese

20 ARREcircT GSB c SUISSE

A Sur la recevabiliteacute

46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas

en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece

47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au

sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs

agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Existence drsquoune ingeacuterence

48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les

dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave

la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences

dans sa vie priveacutee et sa correspondance

49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee

constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie

priveacutee au sens de lrsquoarticle 8

50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions

exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a

eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au

plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont

effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

(paragraphe 26 ci-dessus)

51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des

comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par

lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512

sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)

2 Justification de lrsquoingeacuterence

52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les

exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si

lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts

leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute

deacutemocratique raquo pour les atteindre

a) laquo Preacutevue par la loi raquo

i Les thegraveses des parties

α) Le requeacuterant

53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose

trois seacuteries drsquoarguments

ARREcircT GSB c SUISSE 21

Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas

eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse

pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de

droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece

Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral

(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par

lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de

lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment

de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son

adoption

54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute

nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient

drsquoapplication reacutetroactive

Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans

la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique

qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit

Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui

excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale

Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains

qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter

que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-

Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de

soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a

modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide

administrative internationale

55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision

rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers

des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le

1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le

parlement feacutedeacuteral

56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures

incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante

β) Le Gouvernement

57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement

soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait

pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de

lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35

ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos

drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des

dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre

exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 3: Affaire g.s.b. c. Suisse

2 ARREcircT GSB c SUISSE

EN FAIT

I LES CIRCONSTANCES DE LrsquoESPEgraveCE

A Lrsquoorigine des plaintes contre UBS SA

6 Le requeacuterant est neacute en 1960 et reacuteside agrave Miami

7 Les faits de la cause tels qursquoils ont eacuteteacute exposeacutes par les parties

peuvent se reacutesumer comme suit

8 Au cours de lrsquoanneacutee 2008 lrsquoadministration fiscale ameacutericaine

(lrsquoInternal Revenue Service [IRS] agrave Washington)

deacutecouvrit ndash essentiellement agrave partir drsquoune deacutenonciation eacutemanant drsquoun

ex-employeacute de la banque UBS SA agrave Genegraveve ancien gestionnaire de

patrimoine pour la clientegravele priveacutee nord-ameacutericaine ndash que des milliers de

contribuables de nationaliteacute ameacutericaine eacutetaient titulaires aupregraves drsquoUBS de

comptes bancaires non deacuteclareacutes agrave leurs autoriteacutes nationales ou bien ayants

droit eacuteconomiques vis-agrave-vis de tels comptes

Du fait du rocircle qursquoelle semblait avoir joueacute agrave cet eacutegard la banque fut mise

devant le risque drsquoun procegraves peacutenal

9 Le 18 feacutevrier 2009 un laquo accord sur la suspension de poursuites

peacutenales raquo (deferred prosecution agreement ou laquo DPA raquo) fut conclu entre

UBS SA et le deacutepartement de la Justice (DOJ) des Eacutetats-Unis La banque y

reconnaissait avoir notamment permis agrave des contribuables ameacutericains par le

biais de comptes extraterritoriaux (off-shore) de dissimuler leur fortune et

leurs revenus aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines et avoir rencontreacute et

conseilleacute sur place aux Eacutetats-Unis des clients qui nrsquoavaient pas deacuteclareacute

leurs comptes au fisc ameacutericain Lrsquoabandon des poursuites eacutetait convenu en

contrepartie du paiement drsquoune somme transactionnelle (settlement amount)

de 780 millions de dollars ameacutericains (USD)

10 Le 19 feacutevrier 2009 lrsquoIRS introduisit devant le mecircme tribunal une

proceacutedure civile (dite John Doe summons ou laquo JDS raquo) tendant agrave ce qursquoil

soit enjoint agrave UBS SA de livrer lrsquoidentiteacute de ses 52 000 clients ameacutericains et

un certain nombre de donneacutees sur les comptes dont ils eacutetaient titulaires

aupregraves drsquoelle

11 La Suisse ayant eacutemis la crainte que le diffeacuterend entre les autoriteacutes

ameacutericaines et UBS nrsquoengendre un conflit entre le droit suisse et le droit

ameacutericain si lrsquoIRS obtenait ces informations la proceacutedure civile fut

suspendue dans la perspective drsquoune conciliation extrajudiciaire

12 Afin de permettre lrsquoidentification des contribuables concerneacutes le

Conseil feacutedeacuteral (gouvernement) de la Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis

drsquoAmeacuterique (laquo les Eacutetats-Unis raquo) conclurent le 19 aoucirct 2009 un laquo Accord

concernant la demande de renseignements de lrsquoInternal Revenue Service des

ARREcircT GSB c SUISSE 3

Eacutetats-Unis relative agrave la socieacuteteacute de droit suisse UBS SA raquo (dit

laquo Accord 09 raquo paragraphe 30 ci-dessous)

Selon lrsquoarticle premier de lrsquoAccord 09 la Suisse srsquoengageait agrave traiter la

demande drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis concernant les clients

ameacutericains drsquoUBS SA selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe dudit accord et

conformeacutement par ailleurs agrave la Convention du 2 octobre 1996 entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere

drsquoimpocircts sur le revenu (CDI-US 96 paragraphe 29 ci-dessous)

Sur la base desdits critegraveres les parties agrave lrsquoAccord 09 estimaient que la

demande drsquoentraide administrative portait sur laquo environ 4 450 comptes

ouverts ou clos raquo

La Suisse srsquoengageait en outre agrave creacuteer laquo une uniteacute opeacuterationnelle

speacuteciale raquo permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC)

suisse de rendre dans certains deacutelais ses deacutecisions finales dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative

En contrepartie lrsquoaccord preacutevoyait que les Eacutetats-Unis et UBS SA

preacutesenteraient au tribunal ameacutericain du district sud de Floride une requecircte

conjointe tendant au classement de la demande drsquoexeacutecution du

John Doe summons (voir lrsquoarticle 3 de lrsquoAccord 09 paragraphe 30

ci-dessous)

13 Le 31 aoucirct 2009 lrsquoIRS adressa agrave lrsquoAFC une demande drsquoentraide

administrative en vue drsquoobtenir des informations sur les contribuables

ameacutericains qui dans la peacuteriode comprise entre le 1er janvier 2001 et le

31 deacutecembre 2008 avaient eu laquo le droit de signature ou un autre droit de

disposer raquo des comptes bancaires laquo deacutetenus surveilleacutes ou entretenus par une

division drsquoUBS SA ou une de ses succursales ou filiales en Suisse raquo

14 Le 1er septembre 2009 lrsquoAFC prit une deacutecision imposant agrave UBS SA

de fournir des renseignements au sens de lrsquoordonnance du 15 juin 1998

concernant la convention ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double

imposition (CDI-US 96 voir paragraphe 29 ci-dessous) Elle deacutecida

drsquoouvrir une proceacutedure drsquoentraide administrative et demanda agrave UBS SA de

fournir en particulier les dossiers complets des clients viseacutes par lrsquoannexe de

lrsquoAccord 09

15 Par un arrecirct du 21 janvier 2010 (A-77892009) le Tribunal

administratif feacutedeacuteral (TAF) admit un recours contre une deacutecision de lrsquoAFC

qui concernait dans le cadre de lrsquoannexe agrave lrsquoAccord 09 une contestation

relevant de la cateacutegorie deacutefinie sous le point 2Ab Dans ses motifs le TAF

consideacutera

ndash que lrsquoAccord 09 eacutetait un accord mutuel qui devait rester agrave lrsquointeacuterieur

du cadre fixeacute par la convention dont il deacutependait agrave savoir la CDI-US 96

ndash qursquoaux termes de cette derniegravere lrsquoentraide administrative eacutetait accordeacutee

en cas de fraude fiscale mais pas en cas de soustraction agrave lrsquoimpocirct

(crsquoest-agrave-dire de simple omission de deacuteclarer un compte bancaire au fisc

4 ARREcircT GSB c SUISSE

sur cette distinction en droit fiscal suisse voir paragraphes 36 et 37

ci-dessous)

ndash que partant la CDI-US 96 ne permettait lrsquoeacutechange drsquoinformations

qursquoen cas de laquo fraude ou deacutelit semblable raquo au sens du droit suisse

crsquoest-agrave-dire en cas drsquoescroquerie fiscale (soustraction agrave lrsquoimpocirct par le biais

drsquoun montage astucieux) ou drsquousage de faux dans les titres

ndash qursquoau vu des obligations qursquoil mettait agrave la charge de la Suisse cet

accord aurait ducirc revecirctir la forme drsquoun traiteacute international ratifieacute par le

parlement feacutedeacuteral suisse et ecirctre soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

ndash que partant la forme drsquoun simple accord amiable conclu par le Conseil

feacutedeacuteral seul eacutetait insuffisante

En conseacutequence le Tribunal administratif feacutedeacuteral invalida les deacutecisions

rendues par lrsquoAFC sur la base de lrsquoAccord 09

16 Avec lrsquoentreacutee en force de cet arrecirct du TAF du 21 janvier 2010

lrsquoapplication de lrsquoAccord 09 se trouvait remise en cause

En effet sur les quelque 4 450 cas individuels viseacutes par cet accord

environ 4 200 concernaient des cas de soustraction continue agrave lrsquoimpocirct

atteignant une ampleur importante Or de lrsquoavis du gouvernement suisse

lrsquoimpossibiliteacute de fournir une entraide administrative dans ces cas eacutetait de

nature agrave mettre la Suisse en grande difficulteacute dans ses relations bilateacuterales

avec les Eacutetats-Unis Le Conseil feacutedeacuteral estima qursquoil eacutetait probable que les

Eacutetats-Unis imposeraient des mesures compensatoires et qursquoil fallait

srsquoattendre au minimum agrave ce qursquoils reacuteactivent la proceacutedure drsquoexeacutecution pour

les clients drsquoUBS par la voie de lrsquoentraide administrative Un tribunal

ameacutericain pourrait alors craignait-il condamner UBS SA agrave fournir agrave lrsquoIRS

les donneacutees en question et faire exeacutecuter le jugement au moyen drsquoastreintes

tregraves eacuteleveacutees

Afin drsquoeacuteviter cela apregraves de nouvelles neacutegociations avec les Eacutetats-Unis le

Conseil feacutedeacuteral conclut le 31 mars 2010 un laquo Protocole modifiant lrsquoAccord

entre la Suisse et les Eacutetats-Unis concernant la demande de renseignements

de lrsquoIRS relative agrave la socieacuteteacute de droit suisse UBS SA signeacute agrave Washington le

19 aoucirct 2009 raquo dit laquo Protocole 10 raquo

Les dispositions de ce protocole venaient srsquointeacutegrer agrave lrsquoAccord 09 Elles

eacutetaient applicables agrave titre provisoire degraves le jour de sa signature par les

parties

17 Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 laquo portant approbation de

lrsquoAccord entre la Suisse et les Eacutetats-Unis concernant la demande de

renseignements relative agrave UBS SA ainsi que du protocole modifiant cet

accord raquo lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale (parlement suisse) approuva lrsquoAccord 09 et

le Protocole 10 et autorisa le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier

La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 tel que modifieacute par le Protocole 10

est parfois deacutesigneacutee sous lrsquoappellation de laquo Convention 10 raquo (voir au

paragraphe 30 ci-dessous la traduction franccedilaise du texte lrsquooriginal eacutetant

reacutedigeacute en anglais)

ARREcircT GSB c SUISSE 5

Lrsquoarrecircteacute feacutedeacuteral susmentionneacute preacutecisait que la possibiliteacute de reacutefeacuterendum

facultatif preacutevue par lrsquoarticle 141 de la Constitution feacutedeacuterale pour certains

traiteacutes internationaux conclus par la Suisse (paragraphe 35 ci-dessous)

nrsquoeacutetait pas ouverte en lrsquoespegravece

18 Le 15 juillet 2010 le Tribunal administratif feacutedeacuteral rendit un arrecirct

dans une affaire pilote (A-40132010) au sujet de la validiteacute de la

Convention 10 Dans cet arrecirct le TAF jugea

ndash que la Convention 10 le liait pleinement au sens de lrsquoarticle 190 de la

Constitution (voir paragraphe 34 ci-dessous)

ndash que le droit international ne connaissait pas de hieacuterarchie mateacuterielle

(hormis la preacuteeacuteminence du ius cogens) et que partant la Convention 10

eacutetait de mecircme rang que la CDI-US 96

ndash que la CDI-US 96 eacutetant tout comme la Convention (de sauvegarde des

droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales) et le Pacte international

relatif aux droits civils et politiques (laquo Pacte ONU II raquo) anteacuterieure agrave la

Convention 10 ses dispositions ne trouvaient application que pour autant

qursquoelles nrsquoeacutetaient pas contredites par les regravegles de cette derniegravere la

Convention 10 primant en vertu de sa posteacuterioriteacute

B La proceacutedure concernant le requeacuterant

1 Lrsquoorigine de lrsquoaffaire

19 Le dossier du requeacuterant fut transmis par UBS agrave lrsquoAFC le

19 janvier 2010

Dans sa deacutecision finale qui fut prise le 7 juin 2010 lrsquoAFC retint que

toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative

agrave lrsquoIRS et ordonner que lui soient fournis les documents eacutediteacutes par UBS SA

20 Le 7 juillet 2010 le requeacuterant introduisit un recours contre cette

deacutecision aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral

Par un arrecirct du 21 septembre 2010 sans entrer dans lrsquoexamen de sa

leacutegaliteacute intrinsegraveque le tribunal annula la deacutecision du 7 juin 2010 en relevant

que le droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacute En

conseacutequence il renvoya lrsquoaffaire agrave lrsquoAFC pour qursquoelle donne lrsquooccasion au

requeacuterant de preacutesenter ses observations et rende une nouvelle deacutecision au

sujet de lrsquoentraide administrative agrave accorder ou non aux autoriteacutes

ameacutericaines dans son cas

21 Par une lettre du 28 septembre 2010 lrsquoAFC impartit au requeacuterant un

deacutelai allant jusqursquoau 29 octobre 2010 pour transmettre ses eacuteventuelles

observations avant qursquoune nouvelle deacutecision ne soit rendue

Le 13 octobre 2010 le requeacuterant deacuteposa lrsquoexposeacute de sa position

Dans sa deacutecision finale du 4 novembre 2010 lrsquoAFC consideacutera derechef

que toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide

6 ARREcircT GSB c SUISSE

administrative agrave lrsquoIRS et enjoindre agrave UBS SA de lui communiquer les

documents demandeacutes

22 Le 8 deacutecembre 2010 le requeacuterant forma un recours contre la

deacutecision du 4 novembre 2010 aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral Il

deacutenonccedilait en substance lrsquoabsence de base leacutegale des deacutecisions du

1er septembre 2009 et du 4 novembre 2010 ainsi que la violation de la

Convention et drsquoautres traiteacutes internationaux agrave travers notamment le

non-respect selon lui de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois du droit au

respect de sa vie priveacutee de la preacutesomption drsquoinnocence du principe de

lrsquoeacutegaliteacute et de la non-discrimination ou encore de son droit de se taire

2 Lrsquoarrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral (TAF) du 2 mars 2011

23 Statuant en tant que derniegravere instance nationale le Tribunal

administratif feacutedeacuteral rendit son arrecirct le 2 mars 2011

Il jugea tout drsquoabord en substance que la Convention 10 liait les

autoriteacutes suisses consideacuterant que celles-ci nrsquoavaient pas agrave veacuterifier sa

conformiteacute au droit feacutedeacuteral et aux conventions anteacuterieures

Se reacutefeacuterant ensuite agrave lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 (voir

paragraphe 18 ci-dessus) le Tribunal administratif feacutedeacuteral srsquoexprima

comme suit

laquo 32 La deacutecision du 1er septembre 2009 de lrsquoAFC agrave lrsquoeacutegard drsquoUBS SA ne porte

pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative Il srsquoagit simplement drsquoune deacutecision par

laquelle lrsquoautoriteacute infeacuterieure a requis drsquoUBS SA des renseignements au sens de

lrsquoarticle 20c alineacutea 3 CDI-US 96 Degraves lors il y a lieu drsquoadmettre que lrsquoAccord 09 en

relation avec la disposition preacuteciteacutee constituait une base leacutegale suffisante pour

permettre agrave lrsquoAFC de prendre une deacutecision agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA exigeant en

particulier que les dossiers complets des clients tombant sous lrsquoannexe agrave lrsquoAccord 09

lui soient fournis Dans ces conditions le grief du recourant est mal fondeacute

411 Dans lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 le Tribunal de ceacuteans

est arriveacute agrave la conclusion que la Convention 10 eacutetait contraignante pour les autoriteacutes

suisses Ni le droit interne ni la pratique interne des autoriteacutes ne permettaient drsquoy

deacuteroger Il a exposeacute que en vertu de lrsquoarticle 190 [de la Constitution] les autoriteacutes

eacutetaient tenues drsquoappliquer le droit international dont fait en particulier partie la

Convention 10 et que ndash en tout eacutetat de cause ndash la conformiteacute du droit international

avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales ne pouvait ecirctre examineacutee lorsque le

droit international eacutetait plus reacutecent Le Tribunal administratif feacutedeacuteral a ainsi admis

que la Convention 10 devait ecirctre appliqueacutee mecircme si elle eacutetait contraire agrave la

constitution feacutedeacuterale ou agrave des lois feacutedeacuterales (cf arrecirct du Tribunal administratif

feacutedeacuteral A-40132010 du 15 juillet 2010 consideacuterant 3 et les reacutefeacuterences citeacutees cf

eacutegalement arrecircts du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-70142010 du 3 feacutevrier 2011

consideacuterant 411 et les reacutefeacuterences citeacutees A-48352010 du 11 janvier 2011

consideacuterant 511 et A-60532010 du 10 janvier 2011 consideacuterant 21)

412 Concernant plus preacuteciseacutement la relation entre les diffeacuterentes conventions (la

Convention 10 la CDI-US 96 [en particulier son article 26] la CEDH [en particulier

son article 8] et le Pacte ONU II [en particulier son article 17]) il a indiqueacute qursquoelle

eacutetait deacutetermineacutee drsquoapregraves les seules regravegles de lrsquoarticle 30 de la convention de Vienne

sur le droit des traiteacutes du 23 mai 1969 (CV) et que le droit international ne

ARREcircT GSB c SUISSE 7

connaissait pas ndash agrave lrsquoexception de la preacuteeacuteminence du ius cogens ndash de hieacuterarchie

mateacuterielle Le Tribunal de ceacuteans a ainsi consideacutereacute que les regravegles de la Convention 10

primaient sur les autres dispositions de droit international y compris lrsquoarticle 8

CEDH et lrsquoarticle 17 Pacte ONU II ces deux derniegraveres dispositions ne contenant pas

de ius cogens Il a toutefois retenu que mecircme si lrsquoarticle 8 alineacutea 1 CEDH eacutetait

applicable les conditions prescrites agrave lrsquoarticle 8 alineacutea 2 CEDH qui permet de

restreindre le droit au respect de la vie priveacutee et familiale eacutetaient reacutealiseacutees La

Convention 10 eacutetait en effet une base juridique suffisante agrave la lumiegravere de la

jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme Les importants inteacuterecircts

eacuteconomiques de la Suisse ainsi que lrsquointeacuterecirct agrave pouvoir respecter les engagements

internationaux pris preacutevalaient en outre sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes

concerneacutees par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale ()

413 Le Tribunal de ceacuteans a eacutegalement exposeacute dans lrsquoarrecirct A-40132010 preacuteciteacute

que lrsquoarticle 7 alineacutea 1 CEDH (pas de peine sans loi) nrsquoeacutetait pas pertinent en matiegravere

de proceacutedure drsquoentraide administrative Cette disposition eacutetait exceptionnellement

applicable dans le cadre de la proceacutedure drsquoentraide suisse si la personne concerneacutee

par lrsquoentraide eacutetait menaceacutee dans lrsquoEacutetat requeacuterant par une proceacutedure violant

lrsquoarticle 7 CEDH () Or tel nrsquoeacutetait pas le cas en lrsquoespegravece ()

415 Le Tribunal de ceacuteans a aussi jugeacute que les parties agrave un accord international

eacutetaient libres de preacutevoir expresseacutement ou de maniegravere implicite son application

reacutetroactive () Des regravegles de proceacutedure pouvaient par ailleurs ecirctre appliqueacutees de

maniegravere reacutetroactive agrave des faits anteacuterieurs car lrsquointerdiction de la non-reacutetroactiviteacute ne

valait que pour le droit peacutenal mateacuteriel et non pas pour le droit de proceacutedure dont les

dispositions en matiegravere drsquoentraide administrative faisaient partie () Par ailleurs

les parties agrave la Convention 10 avaient voulu qualifier diffeacuteremment des faits qui

srsquoeacutetaient deacuterouleacutes anteacuterieurement agrave la signature de lrsquoAccord 09 ce qui eacutetait

communeacutement appeleacute laquo effet reacutetroactif raquo Cette volonteacute drsquoappliquer avec effet

reacutetroactif lrsquoAccord 09 ndash devenu la Convention 10 ndash ressortait clairement des critegraveres

pour accorder lrsquoentraide fixeacutes dans lrsquoannexe agrave la Convention 10 Bien que les parties

eussent preacuteciseacute agrave lrsquoarticle 8 de la Convention 10 que cette derniegravere entrerait en

vigueur au moment de sa signature elles avaient voulu cet effet reacutetroactif ()

417 En lrsquoespegravece il y a lieu de constater agrave la lumiegravere des arrecircts susdits que les

objections suivantes relatives agrave la validiteacute et agrave lrsquoapplicabiliteacute de la Convention 10

peuvent sans autre ecirctre eacutecarteacutees contradiction avec la CEDH et drsquoautres traiteacutes

internationaux violation du principe de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois

(cf article 7 CEDH et article 15 Pacte ONU II) ainsi que violation du droit au

respect de la sphegravere priveacutee (cf article 8 CEDH) De plus contrairement agrave lrsquoopinion

du recourant la Convention 10 est en lrsquooccurrence une base leacutegale suffisante pour

accorder lrsquoentraide et ce nonobstant la non-soumission au reacutefeacuterendum (facultatif)

Enfin mecircme si la Suisse ne pouvait ndash dans le cas preacutecis ndash obtenir les mecircmes

informations selon son propre droit elle reste lieacutee par ses engagements

internationaux et doit accorder lrsquoentraide lorsque les conditions sont remplies

42 Le recourant considegravere en outre que la Convention 10 violerait le principe de

lrsquoeacutegaliteacute et celui de non-discrimination en peacutenalisant uniquement une certaine

cateacutegorie de personnes crsquoest-agrave-dire les clients drsquoUBS SA La Convention 10 ne

srsquoappliquerait en effet qursquoaux clients drsquoUBS SA et non pas aux clients drsquoautres

banques Le recourant invoque les articles 8 Cst 14 CEDH 2 paragraphe 2 du

Pacte international du 16 deacutecembre 1966 relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et

culturels (Pacte ONU I RS 01031) ainsi que 2 paragraphe 1 et 26 Pacte ONU II

8 ARREcircT GSB c SUISSE

Comme exposeacute ci-avant le Tribunal de ceacuteans ne peut pas veacuterifier la conformiteacute de

la Convention 10 avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales Celle-lagrave prime en

outre les accords internationaux anteacuterieurs qui lui seraient contraires (cf consideacuterant

412 ci-avant) La Convention 10 doit degraves lors ecirctre appliqueacutee mecircme si elle instaure

un reacutegime juridique diffeacuterent pour les clients drsquoUBS SA par rapport agrave des clients

drsquoautres banques (cf arrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-71562010 du

17 janvier 2011 consideacuterant 521)

() raquo

24 Par ces motifs le Tribunal administratif feacutedeacuteral rejeta le recours du

requeacuterant

3 Deacuteveloppements ulteacuterieurs

25 Le 24 mars 2011 le requeacuterant forma un recours en matiegravere de droit

public devant le Tribunal feacutedeacuteral au motif que les consideacuterations de lrsquoarrecirct

attaqueacute seraient propres agrave lrsquoentraide peacutenale et non pertinentes en matiegravere

drsquoentraide administrative

Par un arrecirct du 11 avril 2011 celui-ci deacuteclara le recours irrecevable en

renvoyant essentiellement agrave un arrecirct du 20 deacutecembre 2010 (ATF 137 II 128)

selon lequel les recours dirigeacutes contre les deacutecisions de lrsquoAFC rendues en

application de la convention de double imposition et des accords ulteacuterieurs

passeacutes avec les Eacutetats-Unis relevaient bien de lrsquoentraide administrative

26 Le 14 deacutecembre 2012 les donneacutees bancaires concernant le requeacuterant

ont eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

27 Par une lettre du 14 juin 2013 la Cour a demandeacute au requeacuterant de

bien vouloir lui faire connaicirctre les deacuteveloppements ulteacuterieurs de lrsquoaffaire

et en particulier drsquoexposer succinctement en quoi consistaient les

conseacutequences ou sanctions peacutenales qursquoil aurait personnellement et

effectivement subies aux Eacutetats-Unis apregraves la divulgation des donneacutees

bancaires le concernant ordonneacutee par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions

28 Par une lettre du 7 aoucirct 2013 le requeacuterant a indiqueacute ne pas ecirctre alors

en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Par une autre lettre du 30 juin 2014 le requeacuterant preacutecisa que le controcircle

fiscal des autoriteacutes ameacutericaines eacutetait toujours en cours et qursquoil nrsquoavait pas

jusqursquoagrave ce moment-lagrave eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal

ARREcircT GSB c SUISSE 9

II LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX ET INTERNES

PERTINENTS

A Droit international

1 La Convention du 2 octobre 1996 entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en

vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere drsquoimpocircts sur le

revenu (laquo CDI-US 96 raquo)

29 Conclue le 2 octobre 1996 et approuveacutee par lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale le

10 octobre 1997 la CDI-US 96 est entreacutee en vigueur le 19 deacutecembre 1997

jour de lrsquoeacutechange des instruments de ratification

Sur la question de lrsquoeacutechange de renseignements pour preacutevenir les fraudes

et deacutelits semblables (laquo tax fraud or the like raquo1) il y est stipuleacute ce qui suit

laquo Article 26 ndash Eacutechange de renseignements

1 Les autoriteacutes compeacutetentes des Eacutetats contractants eacutechangent les renseignements

(que les leacutegislations fiscales des deux Eacutetats contractants permettent drsquoobtenir)

neacutecessaires pour appliquer les dispositions de la preacutesente Convention ou pour

preacutevenir les fraudes et deacutelits semblables portant sur un impocirct viseacute par la preacutesente

Convention Dans les cas de fraude fiscale (a) lrsquoeacutechange de renseignements nrsquoest

pas limiteacute par lrsquoarticle 1 (Personnes viseacutees) et (b) srsquoil est expresseacutement demandeacute par

lrsquoautoriteacute compeacutetente drsquoun Eacutetat contractant lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoautre Eacutetat

contractant fournira les renseignements conformeacutement au preacutesent article sous forme

de copie authentique des donneacutees ou documents originaux non modifieacutes Tout

renseignement reccedilu par un Eacutetat contractant doit ecirctre tenu secret de la mecircme maniegravere

que les renseignements obtenus en application de la leacutegislation fiscale de cet Eacutetat et

nrsquoest communiqueacute qursquoaux personnes ou autoriteacutes (y compris les tribunaux et

organes administratifs) concerneacutees par lrsquoeacutetablissement ou le recouvrement des

impocircts viseacutes par la Convention par lrsquoadministration et la mise en exeacutecution de ces

impocircts ou par les deacutecisions sur les recours relatifs agrave ces impocircts Ces personnes ou

autoriteacutes nrsquoutilisent ces renseignements qursquoagrave ces fins Il ne pourra pas ecirctre eacutechangeacute

de renseignements qui deacutevoileraient un secret commercial drsquoaffaires industriel ou

professionnel ou un proceacutedeacute commercial

2 Chaque Eacutetat contractant peut percevoir les impocircts leveacutes par lrsquoautre Eacutetat

contractant comme si ces impocircts eacutetaient les impocircts du premier Eacutetat afin drsquoassurer

que lrsquoexemption ou le taux reacuteduit drsquoimpocirct accordeacute par cet autre Eacutetat aux articles 10

(Dividendes) 11 (Inteacuterecircts) 12 (Redevances) et 18 (Pensions et rentes) de la preacutesente

Convention ne beacuteneacuteficie pas agrave des personnes qui nrsquoont pas droit agrave de tels avantages

3 Les dispositions du preacutesent article ne peuvent en aucun cas ecirctre interpreacuteteacutees

comme imposant agrave lrsquoun des Eacutetats contractants lrsquoobligation de prendre des mesures

administratives deacuterogeant agrave la reacuteglementation propre ou agrave la pratique administrative

de lrsquoun des Eacutetats contractants ou qui sont contraires agrave sa souveraineteacute agrave sa seacutecuriteacute

ou agrave lrsquoordre public ou de transmettre des indications qui ne peuvent ecirctre obtenues ni

sur la base de sa propre leacutegislation ni de celle de lrsquoEacutetat qui les demande

1 La convention est reacutedigeacutee en allemand et en anglais Le texte franccedilais ici reproduit est la

traduction qui en a eacuteteacute publieacutee au Recueil officiel (RO 1999 1460)

10 ARREcircT GSB c SUISSE

4 Les autoriteacutes compeacutetentes peuvent mettre agrave disposition de la commission

drsquoarbitrage eacutetablie selon le paragraphe 6 de lrsquoarticle 25 (Proceacutedure amiable) les

renseignements neacutecessaires pour exeacutecuter la proceacutedure drsquoarbitrage Les membres de

cette commission drsquoarbitrage sont astreints aux prescriptions sur le secret deacutecrites

dans le preacutesent article raquo

2 LrsquoAccord sur la demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave

UBS SA dans sa version consolideacutee (dit aussi laquo Convention 10 raquo)

30 La demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave UBS SA a fait

lrsquoobjet drsquoun accord bilateacuteral (laquo Accord entre la Confeacutedeacuteration suisse et les

Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique concernant la demande de renseignements de

lrsquoInternal Revenue Service des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique relative agrave la socieacuteteacute

de droit suisse UBS SA raquo) dit laquo Accord 09 raquo ulteacuterieurement suivi drsquoun

protocole modificatif (le laquo Protocole 10 raquo)

Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 le parlement suisse a approuveacute ces

deux instruments et autoriseacute le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier

La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 inteacutegrant le Protocole 10 est aussi

deacutesigneacutee sous le nom de laquo Convention 10 raquo La langue originale du texte

eacutetant lrsquoanglais la traduction franccedilaise qui en a eacuteteacute publieacutee se lit comme suit

(sans les notes de bas de page)

laquo La Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique

() sont convenus des dispositions suivantes en reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 26 de la

Convention

Article premier ndash Demande drsquoentraide administrative

1 La Confeacutedeacuteration suisse traite la demande drsquoentraide administrative des

Eacutetats-Unis concernant les clients ameacutericains drsquoUBS SA (ci-apregraves laquodemande

drsquoentraide administrativeraquo) selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe au preacutesent

Accord Se fondant sur lesdits critegraveres les Parties estiment que la demande

drsquoentraide administrative porte sur environ 4 450 comptes ouverts ou clos

2 La Confeacutedeacuteration suisse met sur pied une uniteacute opeacuterationnelle speacuteciale

permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC) dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative de rendre ses deacutecisions finales au sens de

lrsquoarticle 20j de lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la Convention de double

imposition ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 selon une proceacutedure acceacuteleacutereacutee Les

deacutelais sont les suivants

ndash les 500 premiegraveres deacutecisions doivent ecirctre rendues dans les 90 jours suivant la

reacuteception de la demande drsquoentraide administrative et

ndash les deacutecisions restantes sont traiteacutees en continu dans les 360 jours suivant la

reacuteception de ladite demande

3 Degraves reacuteception de la demande drsquoentraide administrative lrsquoAFC en informe UBS

SA Elle soutient en toute prioriteacute la proceacutedure preacutevue au preacutesent article en se

fondant sur les critegraveres eacutetablis en annexe Elle srsquoengage agrave traiter toutes les questions

qui pourraient survenir agrave cet eacutegard selon le meacutecanisme deacutefini agrave lrsquoarticle 5 du preacutesent

Accord

ARREcircT GSB c SUISSE 11

4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par

lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de

divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de

deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs

comptes

5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide

administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de

lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral

eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe

()

Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons

1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA

preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte

conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS

2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du

JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur

3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les

Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour

les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date

ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source

fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non

deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement

lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis

5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous

reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard

370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la

demande drsquoentraide administrative

Article 4 ndash Obligations drsquoUBS

1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer

agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants

ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas

ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes

respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et

ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants

2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer

drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire

12 ARREcircT GSB c SUISSE

3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de

surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par

UBS SA de ses engagements

Article 6 ndash Confidentialiteacute

Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave

15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen

Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent

Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien

nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les

critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires

de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces

critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe

Article 8 ndash Entreacutee en vigueur

Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature

Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation

Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par

eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent

En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs

gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord

Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo

3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)

31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres

permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune

demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont

rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits

semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont

deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit

ainsi

laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification

claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif

mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non

deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave

leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils

eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes

concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement

(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest

pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la

demande drsquoentraide administrative

Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition

geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide

administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes

ARREcircT GSB c SUISSE 13

A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee

entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de

comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur

de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont

commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou

B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit

eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et

2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou

deacutelits semblables raquo

2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le

cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention

sont les suivants

A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct

au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y

a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis

srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes

a () ou

b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave

lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements

conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation

des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable

domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins

trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et

(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs

en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins

couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le

revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre

de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees

sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)

4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et

du Protocole 10

32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de

lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est

la suivante dans la partie pertinente

laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas

violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code

peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain

elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee

imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien

avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la

proceacutedure peacutenale

()

Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires

opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs

(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40

14 ARREcircT GSB c SUISSE

des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis

(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS

auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux

Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte

preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS

aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux

au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et

des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la

maison megravere (UBS SA en Suisse)

Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance

aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur

bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via

le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi

des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas

drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont

les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit

interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs

deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute

la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de

comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La

deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en

accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace

pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement

deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe

par UBS SA

() raquo

5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes

33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969

(CV) sont libelleacutees comme suit

Article 26 ndash Pacta sunt servanda

laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi

Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes

Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant

la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46

Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes

Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte

ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou

une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date

ARREcircT GSB c SUISSE 15

Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence

pour conclure des traiteacutes

1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en

violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour

conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son

consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une

regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale

2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se

comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo

B Droit interne

1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999

34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit

Article 190 ndash Droit applicable

laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales

et le droit international raquo

35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon

geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de

demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum

Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif

laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le

demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont

soumis au vote du peuple

a ndash c ()

d les traiteacutes internationaux qui

1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables

2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale

3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont

la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo

2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale

36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo

il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre

la fraude fiscale et la soustraction fiscale

37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du

14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une

infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune

infraction de droit administratif (article 175)

16 ARREcircT GSB c SUISSE

3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention

ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition

38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante

lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de

soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)

laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines

Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente

en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun

examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande

Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la

convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement

remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient

en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de

lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de

la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26

paragraphe 1 3e phrase de la convention)

LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur

de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne

concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des

notifications

Article 20d ndash Obtention des renseignements

1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les

renseignements et prend une deacutecision finale

2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire

ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des

renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements

par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande

ameacutericaine

3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention

des renseignements

Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee

1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne

concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la

deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande

de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas

expresseacutement le maintien du secret

2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des

notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des

ARREcircT GSB c SUISSE 17

contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de

renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications

3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier

La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees

que

a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou

b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige

4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins

drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute

Article 20f ndash Mesures de contrainte

1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de

contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes

sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et

des perquisitions opeacutereacutees

2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre

exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les

objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande

drsquoeacutechange de renseignements

3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps

le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La

mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration

feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant

4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes

Article 20l ndash Demande sans indications personnelles

1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications

personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave

identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse

habiliteacutee agrave recevoir des notifications

2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes

concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune

demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en

Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications

3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave

lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave

recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen

deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement

ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires

sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee

par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

18 ARREcircT GSB c SUISSE

4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la

Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains

5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des

notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave

lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la

publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo

C Pratique interne

39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions

sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner

certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher

lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe

de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres

les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001

du 6 feacutevrier 2002 cons 3)

EN DROIT

I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE

40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des

renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de

ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas

ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui

est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement

demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1

lettre c) de la Convention libelleacute comme suit

laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du

rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure

()

c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus

de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte

Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de

lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige

() raquo

ARREcircT GSB c SUISSE 19

41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la

Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement

drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une

information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du

droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de

lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il

nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]

no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004

9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre

2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va

de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au

cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation

expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le

requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur

lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di

Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et

autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)

42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une

radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la

Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis

mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des

informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour

nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la

Convention

43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du

Gouvernement

II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA

CONVENTION

44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires

comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par

lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son

domicile et de sa correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une

mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave

la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la

preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la

protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

45 Le Gouvernement conteste cette thegravese

20 ARREcircT GSB c SUISSE

A Sur la recevabiliteacute

46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas

en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece

47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au

sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs

agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Existence drsquoune ingeacuterence

48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les

dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave

la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences

dans sa vie priveacutee et sa correspondance

49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee

constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie

priveacutee au sens de lrsquoarticle 8

50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions

exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a

eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au

plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont

effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

(paragraphe 26 ci-dessus)

51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des

comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par

lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512

sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)

2 Justification de lrsquoingeacuterence

52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les

exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si

lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts

leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute

deacutemocratique raquo pour les atteindre

a) laquo Preacutevue par la loi raquo

i Les thegraveses des parties

α) Le requeacuterant

53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose

trois seacuteries drsquoarguments

ARREcircT GSB c SUISSE 21

Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas

eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse

pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de

droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece

Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral

(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par

lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de

lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment

de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son

adoption

54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute

nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient

drsquoapplication reacutetroactive

Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans

la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique

qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit

Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui

excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale

Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains

qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter

que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-

Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de

soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a

modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide

administrative internationale

55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision

rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers

des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le

1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le

parlement feacutedeacuteral

56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures

incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante

β) Le Gouvernement

57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement

soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait

pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de

lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35

ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos

drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des

dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre

exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 4: Affaire g.s.b. c. Suisse

ARREcircT GSB c SUISSE 3

Eacutetats-Unis relative agrave la socieacuteteacute de droit suisse UBS SA raquo (dit

laquo Accord 09 raquo paragraphe 30 ci-dessous)

Selon lrsquoarticle premier de lrsquoAccord 09 la Suisse srsquoengageait agrave traiter la

demande drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis concernant les clients

ameacutericains drsquoUBS SA selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe dudit accord et

conformeacutement par ailleurs agrave la Convention du 2 octobre 1996 entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere

drsquoimpocircts sur le revenu (CDI-US 96 paragraphe 29 ci-dessous)

Sur la base desdits critegraveres les parties agrave lrsquoAccord 09 estimaient que la

demande drsquoentraide administrative portait sur laquo environ 4 450 comptes

ouverts ou clos raquo

La Suisse srsquoengageait en outre agrave creacuteer laquo une uniteacute opeacuterationnelle

speacuteciale raquo permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC)

suisse de rendre dans certains deacutelais ses deacutecisions finales dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative

En contrepartie lrsquoaccord preacutevoyait que les Eacutetats-Unis et UBS SA

preacutesenteraient au tribunal ameacutericain du district sud de Floride une requecircte

conjointe tendant au classement de la demande drsquoexeacutecution du

John Doe summons (voir lrsquoarticle 3 de lrsquoAccord 09 paragraphe 30

ci-dessous)

13 Le 31 aoucirct 2009 lrsquoIRS adressa agrave lrsquoAFC une demande drsquoentraide

administrative en vue drsquoobtenir des informations sur les contribuables

ameacutericains qui dans la peacuteriode comprise entre le 1er janvier 2001 et le

31 deacutecembre 2008 avaient eu laquo le droit de signature ou un autre droit de

disposer raquo des comptes bancaires laquo deacutetenus surveilleacutes ou entretenus par une

division drsquoUBS SA ou une de ses succursales ou filiales en Suisse raquo

14 Le 1er septembre 2009 lrsquoAFC prit une deacutecision imposant agrave UBS SA

de fournir des renseignements au sens de lrsquoordonnance du 15 juin 1998

concernant la convention ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double

imposition (CDI-US 96 voir paragraphe 29 ci-dessous) Elle deacutecida

drsquoouvrir une proceacutedure drsquoentraide administrative et demanda agrave UBS SA de

fournir en particulier les dossiers complets des clients viseacutes par lrsquoannexe de

lrsquoAccord 09

15 Par un arrecirct du 21 janvier 2010 (A-77892009) le Tribunal

administratif feacutedeacuteral (TAF) admit un recours contre une deacutecision de lrsquoAFC

qui concernait dans le cadre de lrsquoannexe agrave lrsquoAccord 09 une contestation

relevant de la cateacutegorie deacutefinie sous le point 2Ab Dans ses motifs le TAF

consideacutera

ndash que lrsquoAccord 09 eacutetait un accord mutuel qui devait rester agrave lrsquointeacuterieur

du cadre fixeacute par la convention dont il deacutependait agrave savoir la CDI-US 96

ndash qursquoaux termes de cette derniegravere lrsquoentraide administrative eacutetait accordeacutee

en cas de fraude fiscale mais pas en cas de soustraction agrave lrsquoimpocirct

(crsquoest-agrave-dire de simple omission de deacuteclarer un compte bancaire au fisc

4 ARREcircT GSB c SUISSE

sur cette distinction en droit fiscal suisse voir paragraphes 36 et 37

ci-dessous)

ndash que partant la CDI-US 96 ne permettait lrsquoeacutechange drsquoinformations

qursquoen cas de laquo fraude ou deacutelit semblable raquo au sens du droit suisse

crsquoest-agrave-dire en cas drsquoescroquerie fiscale (soustraction agrave lrsquoimpocirct par le biais

drsquoun montage astucieux) ou drsquousage de faux dans les titres

ndash qursquoau vu des obligations qursquoil mettait agrave la charge de la Suisse cet

accord aurait ducirc revecirctir la forme drsquoun traiteacute international ratifieacute par le

parlement feacutedeacuteral suisse et ecirctre soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

ndash que partant la forme drsquoun simple accord amiable conclu par le Conseil

feacutedeacuteral seul eacutetait insuffisante

En conseacutequence le Tribunal administratif feacutedeacuteral invalida les deacutecisions

rendues par lrsquoAFC sur la base de lrsquoAccord 09

16 Avec lrsquoentreacutee en force de cet arrecirct du TAF du 21 janvier 2010

lrsquoapplication de lrsquoAccord 09 se trouvait remise en cause

En effet sur les quelque 4 450 cas individuels viseacutes par cet accord

environ 4 200 concernaient des cas de soustraction continue agrave lrsquoimpocirct

atteignant une ampleur importante Or de lrsquoavis du gouvernement suisse

lrsquoimpossibiliteacute de fournir une entraide administrative dans ces cas eacutetait de

nature agrave mettre la Suisse en grande difficulteacute dans ses relations bilateacuterales

avec les Eacutetats-Unis Le Conseil feacutedeacuteral estima qursquoil eacutetait probable que les

Eacutetats-Unis imposeraient des mesures compensatoires et qursquoil fallait

srsquoattendre au minimum agrave ce qursquoils reacuteactivent la proceacutedure drsquoexeacutecution pour

les clients drsquoUBS par la voie de lrsquoentraide administrative Un tribunal

ameacutericain pourrait alors craignait-il condamner UBS SA agrave fournir agrave lrsquoIRS

les donneacutees en question et faire exeacutecuter le jugement au moyen drsquoastreintes

tregraves eacuteleveacutees

Afin drsquoeacuteviter cela apregraves de nouvelles neacutegociations avec les Eacutetats-Unis le

Conseil feacutedeacuteral conclut le 31 mars 2010 un laquo Protocole modifiant lrsquoAccord

entre la Suisse et les Eacutetats-Unis concernant la demande de renseignements

de lrsquoIRS relative agrave la socieacuteteacute de droit suisse UBS SA signeacute agrave Washington le

19 aoucirct 2009 raquo dit laquo Protocole 10 raquo

Les dispositions de ce protocole venaient srsquointeacutegrer agrave lrsquoAccord 09 Elles

eacutetaient applicables agrave titre provisoire degraves le jour de sa signature par les

parties

17 Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 laquo portant approbation de

lrsquoAccord entre la Suisse et les Eacutetats-Unis concernant la demande de

renseignements relative agrave UBS SA ainsi que du protocole modifiant cet

accord raquo lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale (parlement suisse) approuva lrsquoAccord 09 et

le Protocole 10 et autorisa le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier

La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 tel que modifieacute par le Protocole 10

est parfois deacutesigneacutee sous lrsquoappellation de laquo Convention 10 raquo (voir au

paragraphe 30 ci-dessous la traduction franccedilaise du texte lrsquooriginal eacutetant

reacutedigeacute en anglais)

ARREcircT GSB c SUISSE 5

Lrsquoarrecircteacute feacutedeacuteral susmentionneacute preacutecisait que la possibiliteacute de reacutefeacuterendum

facultatif preacutevue par lrsquoarticle 141 de la Constitution feacutedeacuterale pour certains

traiteacutes internationaux conclus par la Suisse (paragraphe 35 ci-dessous)

nrsquoeacutetait pas ouverte en lrsquoespegravece

18 Le 15 juillet 2010 le Tribunal administratif feacutedeacuteral rendit un arrecirct

dans une affaire pilote (A-40132010) au sujet de la validiteacute de la

Convention 10 Dans cet arrecirct le TAF jugea

ndash que la Convention 10 le liait pleinement au sens de lrsquoarticle 190 de la

Constitution (voir paragraphe 34 ci-dessous)

ndash que le droit international ne connaissait pas de hieacuterarchie mateacuterielle

(hormis la preacuteeacuteminence du ius cogens) et que partant la Convention 10

eacutetait de mecircme rang que la CDI-US 96

ndash que la CDI-US 96 eacutetant tout comme la Convention (de sauvegarde des

droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales) et le Pacte international

relatif aux droits civils et politiques (laquo Pacte ONU II raquo) anteacuterieure agrave la

Convention 10 ses dispositions ne trouvaient application que pour autant

qursquoelles nrsquoeacutetaient pas contredites par les regravegles de cette derniegravere la

Convention 10 primant en vertu de sa posteacuterioriteacute

B La proceacutedure concernant le requeacuterant

1 Lrsquoorigine de lrsquoaffaire

19 Le dossier du requeacuterant fut transmis par UBS agrave lrsquoAFC le

19 janvier 2010

Dans sa deacutecision finale qui fut prise le 7 juin 2010 lrsquoAFC retint que

toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative

agrave lrsquoIRS et ordonner que lui soient fournis les documents eacutediteacutes par UBS SA

20 Le 7 juillet 2010 le requeacuterant introduisit un recours contre cette

deacutecision aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral

Par un arrecirct du 21 septembre 2010 sans entrer dans lrsquoexamen de sa

leacutegaliteacute intrinsegraveque le tribunal annula la deacutecision du 7 juin 2010 en relevant

que le droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacute En

conseacutequence il renvoya lrsquoaffaire agrave lrsquoAFC pour qursquoelle donne lrsquooccasion au

requeacuterant de preacutesenter ses observations et rende une nouvelle deacutecision au

sujet de lrsquoentraide administrative agrave accorder ou non aux autoriteacutes

ameacutericaines dans son cas

21 Par une lettre du 28 septembre 2010 lrsquoAFC impartit au requeacuterant un

deacutelai allant jusqursquoau 29 octobre 2010 pour transmettre ses eacuteventuelles

observations avant qursquoune nouvelle deacutecision ne soit rendue

Le 13 octobre 2010 le requeacuterant deacuteposa lrsquoexposeacute de sa position

Dans sa deacutecision finale du 4 novembre 2010 lrsquoAFC consideacutera derechef

que toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide

6 ARREcircT GSB c SUISSE

administrative agrave lrsquoIRS et enjoindre agrave UBS SA de lui communiquer les

documents demandeacutes

22 Le 8 deacutecembre 2010 le requeacuterant forma un recours contre la

deacutecision du 4 novembre 2010 aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral Il

deacutenonccedilait en substance lrsquoabsence de base leacutegale des deacutecisions du

1er septembre 2009 et du 4 novembre 2010 ainsi que la violation de la

Convention et drsquoautres traiteacutes internationaux agrave travers notamment le

non-respect selon lui de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois du droit au

respect de sa vie priveacutee de la preacutesomption drsquoinnocence du principe de

lrsquoeacutegaliteacute et de la non-discrimination ou encore de son droit de se taire

2 Lrsquoarrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral (TAF) du 2 mars 2011

23 Statuant en tant que derniegravere instance nationale le Tribunal

administratif feacutedeacuteral rendit son arrecirct le 2 mars 2011

Il jugea tout drsquoabord en substance que la Convention 10 liait les

autoriteacutes suisses consideacuterant que celles-ci nrsquoavaient pas agrave veacuterifier sa

conformiteacute au droit feacutedeacuteral et aux conventions anteacuterieures

Se reacutefeacuterant ensuite agrave lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 (voir

paragraphe 18 ci-dessus) le Tribunal administratif feacutedeacuteral srsquoexprima

comme suit

laquo 32 La deacutecision du 1er septembre 2009 de lrsquoAFC agrave lrsquoeacutegard drsquoUBS SA ne porte

pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative Il srsquoagit simplement drsquoune deacutecision par

laquelle lrsquoautoriteacute infeacuterieure a requis drsquoUBS SA des renseignements au sens de

lrsquoarticle 20c alineacutea 3 CDI-US 96 Degraves lors il y a lieu drsquoadmettre que lrsquoAccord 09 en

relation avec la disposition preacuteciteacutee constituait une base leacutegale suffisante pour

permettre agrave lrsquoAFC de prendre une deacutecision agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA exigeant en

particulier que les dossiers complets des clients tombant sous lrsquoannexe agrave lrsquoAccord 09

lui soient fournis Dans ces conditions le grief du recourant est mal fondeacute

411 Dans lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 le Tribunal de ceacuteans

est arriveacute agrave la conclusion que la Convention 10 eacutetait contraignante pour les autoriteacutes

suisses Ni le droit interne ni la pratique interne des autoriteacutes ne permettaient drsquoy

deacuteroger Il a exposeacute que en vertu de lrsquoarticle 190 [de la Constitution] les autoriteacutes

eacutetaient tenues drsquoappliquer le droit international dont fait en particulier partie la

Convention 10 et que ndash en tout eacutetat de cause ndash la conformiteacute du droit international

avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales ne pouvait ecirctre examineacutee lorsque le

droit international eacutetait plus reacutecent Le Tribunal administratif feacutedeacuteral a ainsi admis

que la Convention 10 devait ecirctre appliqueacutee mecircme si elle eacutetait contraire agrave la

constitution feacutedeacuterale ou agrave des lois feacutedeacuterales (cf arrecirct du Tribunal administratif

feacutedeacuteral A-40132010 du 15 juillet 2010 consideacuterant 3 et les reacutefeacuterences citeacutees cf

eacutegalement arrecircts du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-70142010 du 3 feacutevrier 2011

consideacuterant 411 et les reacutefeacuterences citeacutees A-48352010 du 11 janvier 2011

consideacuterant 511 et A-60532010 du 10 janvier 2011 consideacuterant 21)

412 Concernant plus preacuteciseacutement la relation entre les diffeacuterentes conventions (la

Convention 10 la CDI-US 96 [en particulier son article 26] la CEDH [en particulier

son article 8] et le Pacte ONU II [en particulier son article 17]) il a indiqueacute qursquoelle

eacutetait deacutetermineacutee drsquoapregraves les seules regravegles de lrsquoarticle 30 de la convention de Vienne

sur le droit des traiteacutes du 23 mai 1969 (CV) et que le droit international ne

ARREcircT GSB c SUISSE 7

connaissait pas ndash agrave lrsquoexception de la preacuteeacuteminence du ius cogens ndash de hieacuterarchie

mateacuterielle Le Tribunal de ceacuteans a ainsi consideacutereacute que les regravegles de la Convention 10

primaient sur les autres dispositions de droit international y compris lrsquoarticle 8

CEDH et lrsquoarticle 17 Pacte ONU II ces deux derniegraveres dispositions ne contenant pas

de ius cogens Il a toutefois retenu que mecircme si lrsquoarticle 8 alineacutea 1 CEDH eacutetait

applicable les conditions prescrites agrave lrsquoarticle 8 alineacutea 2 CEDH qui permet de

restreindre le droit au respect de la vie priveacutee et familiale eacutetaient reacutealiseacutees La

Convention 10 eacutetait en effet une base juridique suffisante agrave la lumiegravere de la

jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme Les importants inteacuterecircts

eacuteconomiques de la Suisse ainsi que lrsquointeacuterecirct agrave pouvoir respecter les engagements

internationaux pris preacutevalaient en outre sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes

concerneacutees par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale ()

413 Le Tribunal de ceacuteans a eacutegalement exposeacute dans lrsquoarrecirct A-40132010 preacuteciteacute

que lrsquoarticle 7 alineacutea 1 CEDH (pas de peine sans loi) nrsquoeacutetait pas pertinent en matiegravere

de proceacutedure drsquoentraide administrative Cette disposition eacutetait exceptionnellement

applicable dans le cadre de la proceacutedure drsquoentraide suisse si la personne concerneacutee

par lrsquoentraide eacutetait menaceacutee dans lrsquoEacutetat requeacuterant par une proceacutedure violant

lrsquoarticle 7 CEDH () Or tel nrsquoeacutetait pas le cas en lrsquoespegravece ()

415 Le Tribunal de ceacuteans a aussi jugeacute que les parties agrave un accord international

eacutetaient libres de preacutevoir expresseacutement ou de maniegravere implicite son application

reacutetroactive () Des regravegles de proceacutedure pouvaient par ailleurs ecirctre appliqueacutees de

maniegravere reacutetroactive agrave des faits anteacuterieurs car lrsquointerdiction de la non-reacutetroactiviteacute ne

valait que pour le droit peacutenal mateacuteriel et non pas pour le droit de proceacutedure dont les

dispositions en matiegravere drsquoentraide administrative faisaient partie () Par ailleurs

les parties agrave la Convention 10 avaient voulu qualifier diffeacuteremment des faits qui

srsquoeacutetaient deacuterouleacutes anteacuterieurement agrave la signature de lrsquoAccord 09 ce qui eacutetait

communeacutement appeleacute laquo effet reacutetroactif raquo Cette volonteacute drsquoappliquer avec effet

reacutetroactif lrsquoAccord 09 ndash devenu la Convention 10 ndash ressortait clairement des critegraveres

pour accorder lrsquoentraide fixeacutes dans lrsquoannexe agrave la Convention 10 Bien que les parties

eussent preacuteciseacute agrave lrsquoarticle 8 de la Convention 10 que cette derniegravere entrerait en

vigueur au moment de sa signature elles avaient voulu cet effet reacutetroactif ()

417 En lrsquoespegravece il y a lieu de constater agrave la lumiegravere des arrecircts susdits que les

objections suivantes relatives agrave la validiteacute et agrave lrsquoapplicabiliteacute de la Convention 10

peuvent sans autre ecirctre eacutecarteacutees contradiction avec la CEDH et drsquoautres traiteacutes

internationaux violation du principe de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois

(cf article 7 CEDH et article 15 Pacte ONU II) ainsi que violation du droit au

respect de la sphegravere priveacutee (cf article 8 CEDH) De plus contrairement agrave lrsquoopinion

du recourant la Convention 10 est en lrsquooccurrence une base leacutegale suffisante pour

accorder lrsquoentraide et ce nonobstant la non-soumission au reacutefeacuterendum (facultatif)

Enfin mecircme si la Suisse ne pouvait ndash dans le cas preacutecis ndash obtenir les mecircmes

informations selon son propre droit elle reste lieacutee par ses engagements

internationaux et doit accorder lrsquoentraide lorsque les conditions sont remplies

42 Le recourant considegravere en outre que la Convention 10 violerait le principe de

lrsquoeacutegaliteacute et celui de non-discrimination en peacutenalisant uniquement une certaine

cateacutegorie de personnes crsquoest-agrave-dire les clients drsquoUBS SA La Convention 10 ne

srsquoappliquerait en effet qursquoaux clients drsquoUBS SA et non pas aux clients drsquoautres

banques Le recourant invoque les articles 8 Cst 14 CEDH 2 paragraphe 2 du

Pacte international du 16 deacutecembre 1966 relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et

culturels (Pacte ONU I RS 01031) ainsi que 2 paragraphe 1 et 26 Pacte ONU II

8 ARREcircT GSB c SUISSE

Comme exposeacute ci-avant le Tribunal de ceacuteans ne peut pas veacuterifier la conformiteacute de

la Convention 10 avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales Celle-lagrave prime en

outre les accords internationaux anteacuterieurs qui lui seraient contraires (cf consideacuterant

412 ci-avant) La Convention 10 doit degraves lors ecirctre appliqueacutee mecircme si elle instaure

un reacutegime juridique diffeacuterent pour les clients drsquoUBS SA par rapport agrave des clients

drsquoautres banques (cf arrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-71562010 du

17 janvier 2011 consideacuterant 521)

() raquo

24 Par ces motifs le Tribunal administratif feacutedeacuteral rejeta le recours du

requeacuterant

3 Deacuteveloppements ulteacuterieurs

25 Le 24 mars 2011 le requeacuterant forma un recours en matiegravere de droit

public devant le Tribunal feacutedeacuteral au motif que les consideacuterations de lrsquoarrecirct

attaqueacute seraient propres agrave lrsquoentraide peacutenale et non pertinentes en matiegravere

drsquoentraide administrative

Par un arrecirct du 11 avril 2011 celui-ci deacuteclara le recours irrecevable en

renvoyant essentiellement agrave un arrecirct du 20 deacutecembre 2010 (ATF 137 II 128)

selon lequel les recours dirigeacutes contre les deacutecisions de lrsquoAFC rendues en

application de la convention de double imposition et des accords ulteacuterieurs

passeacutes avec les Eacutetats-Unis relevaient bien de lrsquoentraide administrative

26 Le 14 deacutecembre 2012 les donneacutees bancaires concernant le requeacuterant

ont eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

27 Par une lettre du 14 juin 2013 la Cour a demandeacute au requeacuterant de

bien vouloir lui faire connaicirctre les deacuteveloppements ulteacuterieurs de lrsquoaffaire

et en particulier drsquoexposer succinctement en quoi consistaient les

conseacutequences ou sanctions peacutenales qursquoil aurait personnellement et

effectivement subies aux Eacutetats-Unis apregraves la divulgation des donneacutees

bancaires le concernant ordonneacutee par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions

28 Par une lettre du 7 aoucirct 2013 le requeacuterant a indiqueacute ne pas ecirctre alors

en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Par une autre lettre du 30 juin 2014 le requeacuterant preacutecisa que le controcircle

fiscal des autoriteacutes ameacutericaines eacutetait toujours en cours et qursquoil nrsquoavait pas

jusqursquoagrave ce moment-lagrave eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal

ARREcircT GSB c SUISSE 9

II LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX ET INTERNES

PERTINENTS

A Droit international

1 La Convention du 2 octobre 1996 entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en

vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere drsquoimpocircts sur le

revenu (laquo CDI-US 96 raquo)

29 Conclue le 2 octobre 1996 et approuveacutee par lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale le

10 octobre 1997 la CDI-US 96 est entreacutee en vigueur le 19 deacutecembre 1997

jour de lrsquoeacutechange des instruments de ratification

Sur la question de lrsquoeacutechange de renseignements pour preacutevenir les fraudes

et deacutelits semblables (laquo tax fraud or the like raquo1) il y est stipuleacute ce qui suit

laquo Article 26 ndash Eacutechange de renseignements

1 Les autoriteacutes compeacutetentes des Eacutetats contractants eacutechangent les renseignements

(que les leacutegislations fiscales des deux Eacutetats contractants permettent drsquoobtenir)

neacutecessaires pour appliquer les dispositions de la preacutesente Convention ou pour

preacutevenir les fraudes et deacutelits semblables portant sur un impocirct viseacute par la preacutesente

Convention Dans les cas de fraude fiscale (a) lrsquoeacutechange de renseignements nrsquoest

pas limiteacute par lrsquoarticle 1 (Personnes viseacutees) et (b) srsquoil est expresseacutement demandeacute par

lrsquoautoriteacute compeacutetente drsquoun Eacutetat contractant lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoautre Eacutetat

contractant fournira les renseignements conformeacutement au preacutesent article sous forme

de copie authentique des donneacutees ou documents originaux non modifieacutes Tout

renseignement reccedilu par un Eacutetat contractant doit ecirctre tenu secret de la mecircme maniegravere

que les renseignements obtenus en application de la leacutegislation fiscale de cet Eacutetat et

nrsquoest communiqueacute qursquoaux personnes ou autoriteacutes (y compris les tribunaux et

organes administratifs) concerneacutees par lrsquoeacutetablissement ou le recouvrement des

impocircts viseacutes par la Convention par lrsquoadministration et la mise en exeacutecution de ces

impocircts ou par les deacutecisions sur les recours relatifs agrave ces impocircts Ces personnes ou

autoriteacutes nrsquoutilisent ces renseignements qursquoagrave ces fins Il ne pourra pas ecirctre eacutechangeacute

de renseignements qui deacutevoileraient un secret commercial drsquoaffaires industriel ou

professionnel ou un proceacutedeacute commercial

2 Chaque Eacutetat contractant peut percevoir les impocircts leveacutes par lrsquoautre Eacutetat

contractant comme si ces impocircts eacutetaient les impocircts du premier Eacutetat afin drsquoassurer

que lrsquoexemption ou le taux reacuteduit drsquoimpocirct accordeacute par cet autre Eacutetat aux articles 10

(Dividendes) 11 (Inteacuterecircts) 12 (Redevances) et 18 (Pensions et rentes) de la preacutesente

Convention ne beacuteneacuteficie pas agrave des personnes qui nrsquoont pas droit agrave de tels avantages

3 Les dispositions du preacutesent article ne peuvent en aucun cas ecirctre interpreacuteteacutees

comme imposant agrave lrsquoun des Eacutetats contractants lrsquoobligation de prendre des mesures

administratives deacuterogeant agrave la reacuteglementation propre ou agrave la pratique administrative

de lrsquoun des Eacutetats contractants ou qui sont contraires agrave sa souveraineteacute agrave sa seacutecuriteacute

ou agrave lrsquoordre public ou de transmettre des indications qui ne peuvent ecirctre obtenues ni

sur la base de sa propre leacutegislation ni de celle de lrsquoEacutetat qui les demande

1 La convention est reacutedigeacutee en allemand et en anglais Le texte franccedilais ici reproduit est la

traduction qui en a eacuteteacute publieacutee au Recueil officiel (RO 1999 1460)

10 ARREcircT GSB c SUISSE

4 Les autoriteacutes compeacutetentes peuvent mettre agrave disposition de la commission

drsquoarbitrage eacutetablie selon le paragraphe 6 de lrsquoarticle 25 (Proceacutedure amiable) les

renseignements neacutecessaires pour exeacutecuter la proceacutedure drsquoarbitrage Les membres de

cette commission drsquoarbitrage sont astreints aux prescriptions sur le secret deacutecrites

dans le preacutesent article raquo

2 LrsquoAccord sur la demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave

UBS SA dans sa version consolideacutee (dit aussi laquo Convention 10 raquo)

30 La demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave UBS SA a fait

lrsquoobjet drsquoun accord bilateacuteral (laquo Accord entre la Confeacutedeacuteration suisse et les

Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique concernant la demande de renseignements de

lrsquoInternal Revenue Service des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique relative agrave la socieacuteteacute

de droit suisse UBS SA raquo) dit laquo Accord 09 raquo ulteacuterieurement suivi drsquoun

protocole modificatif (le laquo Protocole 10 raquo)

Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 le parlement suisse a approuveacute ces

deux instruments et autoriseacute le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier

La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 inteacutegrant le Protocole 10 est aussi

deacutesigneacutee sous le nom de laquo Convention 10 raquo La langue originale du texte

eacutetant lrsquoanglais la traduction franccedilaise qui en a eacuteteacute publieacutee se lit comme suit

(sans les notes de bas de page)

laquo La Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique

() sont convenus des dispositions suivantes en reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 26 de la

Convention

Article premier ndash Demande drsquoentraide administrative

1 La Confeacutedeacuteration suisse traite la demande drsquoentraide administrative des

Eacutetats-Unis concernant les clients ameacutericains drsquoUBS SA (ci-apregraves laquodemande

drsquoentraide administrativeraquo) selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe au preacutesent

Accord Se fondant sur lesdits critegraveres les Parties estiment que la demande

drsquoentraide administrative porte sur environ 4 450 comptes ouverts ou clos

2 La Confeacutedeacuteration suisse met sur pied une uniteacute opeacuterationnelle speacuteciale

permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC) dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative de rendre ses deacutecisions finales au sens de

lrsquoarticle 20j de lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la Convention de double

imposition ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 selon une proceacutedure acceacuteleacutereacutee Les

deacutelais sont les suivants

ndash les 500 premiegraveres deacutecisions doivent ecirctre rendues dans les 90 jours suivant la

reacuteception de la demande drsquoentraide administrative et

ndash les deacutecisions restantes sont traiteacutees en continu dans les 360 jours suivant la

reacuteception de ladite demande

3 Degraves reacuteception de la demande drsquoentraide administrative lrsquoAFC en informe UBS

SA Elle soutient en toute prioriteacute la proceacutedure preacutevue au preacutesent article en se

fondant sur les critegraveres eacutetablis en annexe Elle srsquoengage agrave traiter toutes les questions

qui pourraient survenir agrave cet eacutegard selon le meacutecanisme deacutefini agrave lrsquoarticle 5 du preacutesent

Accord

ARREcircT GSB c SUISSE 11

4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par

lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de

divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de

deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs

comptes

5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide

administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de

lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral

eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe

()

Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons

1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA

preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte

conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS

2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du

JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur

3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les

Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour

les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date

ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source

fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non

deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement

lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis

5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous

reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard

370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la

demande drsquoentraide administrative

Article 4 ndash Obligations drsquoUBS

1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer

agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants

ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas

ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes

respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et

ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants

2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer

drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire

12 ARREcircT GSB c SUISSE

3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de

surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par

UBS SA de ses engagements

Article 6 ndash Confidentialiteacute

Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave

15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen

Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent

Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien

nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les

critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires

de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces

critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe

Article 8 ndash Entreacutee en vigueur

Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature

Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation

Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par

eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent

En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs

gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord

Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo

3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)

31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres

permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune

demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont

rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits

semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont

deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit

ainsi

laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification

claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif

mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non

deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave

leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils

eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes

concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement

(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest

pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la

demande drsquoentraide administrative

Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition

geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide

administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes

ARREcircT GSB c SUISSE 13

A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee

entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de

comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur

de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont

commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou

B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit

eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et

2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou

deacutelits semblables raquo

2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le

cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention

sont les suivants

A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct

au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y

a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis

srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes

a () ou

b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave

lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements

conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation

des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable

domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins

trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et

(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs

en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins

couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le

revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre

de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees

sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)

4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et

du Protocole 10

32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de

lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est

la suivante dans la partie pertinente

laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas

violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code

peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain

elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee

imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien

avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la

proceacutedure peacutenale

()

Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires

opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs

(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40

14 ARREcircT GSB c SUISSE

des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis

(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS

auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux

Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte

preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS

aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux

au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et

des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la

maison megravere (UBS SA en Suisse)

Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance

aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur

bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via

le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi

des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas

drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont

les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit

interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs

deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute

la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de

comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La

deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en

accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace

pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement

deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe

par UBS SA

() raquo

5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes

33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969

(CV) sont libelleacutees comme suit

Article 26 ndash Pacta sunt servanda

laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi

Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes

Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant

la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46

Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes

Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte

ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou

une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date

ARREcircT GSB c SUISSE 15

Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence

pour conclure des traiteacutes

1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en

violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour

conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son

consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une

regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale

2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se

comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo

B Droit interne

1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999

34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit

Article 190 ndash Droit applicable

laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales

et le droit international raquo

35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon

geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de

demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum

Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif

laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le

demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont

soumis au vote du peuple

a ndash c ()

d les traiteacutes internationaux qui

1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables

2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale

3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont

la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo

2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale

36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo

il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre

la fraude fiscale et la soustraction fiscale

37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du

14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une

infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune

infraction de droit administratif (article 175)

16 ARREcircT GSB c SUISSE

3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention

ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition

38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante

lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de

soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)

laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines

Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente

en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun

examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande

Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la

convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement

remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient

en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de

lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de

la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26

paragraphe 1 3e phrase de la convention)

LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur

de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne

concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des

notifications

Article 20d ndash Obtention des renseignements

1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les

renseignements et prend une deacutecision finale

2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire

ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des

renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements

par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande

ameacutericaine

3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention

des renseignements

Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee

1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne

concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la

deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande

de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas

expresseacutement le maintien du secret

2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des

notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des

ARREcircT GSB c SUISSE 17

contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de

renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications

3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier

La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees

que

a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou

b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige

4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins

drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute

Article 20f ndash Mesures de contrainte

1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de

contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes

sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et

des perquisitions opeacutereacutees

2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre

exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les

objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande

drsquoeacutechange de renseignements

3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps

le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La

mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration

feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant

4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes

Article 20l ndash Demande sans indications personnelles

1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications

personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave

identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse

habiliteacutee agrave recevoir des notifications

2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes

concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune

demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en

Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications

3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave

lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave

recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen

deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement

ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires

sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee

par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

18 ARREcircT GSB c SUISSE

4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la

Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains

5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des

notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave

lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la

publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo

C Pratique interne

39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions

sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner

certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher

lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe

de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres

les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001

du 6 feacutevrier 2002 cons 3)

EN DROIT

I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE

40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des

renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de

ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas

ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui

est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement

demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1

lettre c) de la Convention libelleacute comme suit

laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du

rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure

()

c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus

de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte

Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de

lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige

() raquo

ARREcircT GSB c SUISSE 19

41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la

Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement

drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une

information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du

droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de

lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il

nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]

no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004

9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre

2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va

de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au

cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation

expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le

requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur

lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di

Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et

autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)

42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une

radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la

Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis

mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des

informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour

nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la

Convention

43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du

Gouvernement

II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA

CONVENTION

44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires

comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par

lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son

domicile et de sa correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une

mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave

la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la

preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la

protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

45 Le Gouvernement conteste cette thegravese

20 ARREcircT GSB c SUISSE

A Sur la recevabiliteacute

46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas

en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece

47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au

sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs

agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Existence drsquoune ingeacuterence

48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les

dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave

la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences

dans sa vie priveacutee et sa correspondance

49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee

constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie

priveacutee au sens de lrsquoarticle 8

50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions

exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a

eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au

plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont

effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

(paragraphe 26 ci-dessus)

51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des

comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par

lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512

sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)

2 Justification de lrsquoingeacuterence

52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les

exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si

lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts

leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute

deacutemocratique raquo pour les atteindre

a) laquo Preacutevue par la loi raquo

i Les thegraveses des parties

α) Le requeacuterant

53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose

trois seacuteries drsquoarguments

ARREcircT GSB c SUISSE 21

Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas

eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse

pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de

droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece

Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral

(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par

lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de

lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment

de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son

adoption

54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute

nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient

drsquoapplication reacutetroactive

Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans

la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique

qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit

Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui

excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale

Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains

qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter

que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-

Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de

soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a

modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide

administrative internationale

55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision

rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers

des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le

1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le

parlement feacutedeacuteral

56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures

incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante

β) Le Gouvernement

57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement

soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait

pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de

lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35

ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos

drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des

dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre

exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 5: Affaire g.s.b. c. Suisse

4 ARREcircT GSB c SUISSE

sur cette distinction en droit fiscal suisse voir paragraphes 36 et 37

ci-dessous)

ndash que partant la CDI-US 96 ne permettait lrsquoeacutechange drsquoinformations

qursquoen cas de laquo fraude ou deacutelit semblable raquo au sens du droit suisse

crsquoest-agrave-dire en cas drsquoescroquerie fiscale (soustraction agrave lrsquoimpocirct par le biais

drsquoun montage astucieux) ou drsquousage de faux dans les titres

ndash qursquoau vu des obligations qursquoil mettait agrave la charge de la Suisse cet

accord aurait ducirc revecirctir la forme drsquoun traiteacute international ratifieacute par le

parlement feacutedeacuteral suisse et ecirctre soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

ndash que partant la forme drsquoun simple accord amiable conclu par le Conseil

feacutedeacuteral seul eacutetait insuffisante

En conseacutequence le Tribunal administratif feacutedeacuteral invalida les deacutecisions

rendues par lrsquoAFC sur la base de lrsquoAccord 09

16 Avec lrsquoentreacutee en force de cet arrecirct du TAF du 21 janvier 2010

lrsquoapplication de lrsquoAccord 09 se trouvait remise en cause

En effet sur les quelque 4 450 cas individuels viseacutes par cet accord

environ 4 200 concernaient des cas de soustraction continue agrave lrsquoimpocirct

atteignant une ampleur importante Or de lrsquoavis du gouvernement suisse

lrsquoimpossibiliteacute de fournir une entraide administrative dans ces cas eacutetait de

nature agrave mettre la Suisse en grande difficulteacute dans ses relations bilateacuterales

avec les Eacutetats-Unis Le Conseil feacutedeacuteral estima qursquoil eacutetait probable que les

Eacutetats-Unis imposeraient des mesures compensatoires et qursquoil fallait

srsquoattendre au minimum agrave ce qursquoils reacuteactivent la proceacutedure drsquoexeacutecution pour

les clients drsquoUBS par la voie de lrsquoentraide administrative Un tribunal

ameacutericain pourrait alors craignait-il condamner UBS SA agrave fournir agrave lrsquoIRS

les donneacutees en question et faire exeacutecuter le jugement au moyen drsquoastreintes

tregraves eacuteleveacutees

Afin drsquoeacuteviter cela apregraves de nouvelles neacutegociations avec les Eacutetats-Unis le

Conseil feacutedeacuteral conclut le 31 mars 2010 un laquo Protocole modifiant lrsquoAccord

entre la Suisse et les Eacutetats-Unis concernant la demande de renseignements

de lrsquoIRS relative agrave la socieacuteteacute de droit suisse UBS SA signeacute agrave Washington le

19 aoucirct 2009 raquo dit laquo Protocole 10 raquo

Les dispositions de ce protocole venaient srsquointeacutegrer agrave lrsquoAccord 09 Elles

eacutetaient applicables agrave titre provisoire degraves le jour de sa signature par les

parties

17 Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 laquo portant approbation de

lrsquoAccord entre la Suisse et les Eacutetats-Unis concernant la demande de

renseignements relative agrave UBS SA ainsi que du protocole modifiant cet

accord raquo lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale (parlement suisse) approuva lrsquoAccord 09 et

le Protocole 10 et autorisa le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier

La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 tel que modifieacute par le Protocole 10

est parfois deacutesigneacutee sous lrsquoappellation de laquo Convention 10 raquo (voir au

paragraphe 30 ci-dessous la traduction franccedilaise du texte lrsquooriginal eacutetant

reacutedigeacute en anglais)

ARREcircT GSB c SUISSE 5

Lrsquoarrecircteacute feacutedeacuteral susmentionneacute preacutecisait que la possibiliteacute de reacutefeacuterendum

facultatif preacutevue par lrsquoarticle 141 de la Constitution feacutedeacuterale pour certains

traiteacutes internationaux conclus par la Suisse (paragraphe 35 ci-dessous)

nrsquoeacutetait pas ouverte en lrsquoespegravece

18 Le 15 juillet 2010 le Tribunal administratif feacutedeacuteral rendit un arrecirct

dans une affaire pilote (A-40132010) au sujet de la validiteacute de la

Convention 10 Dans cet arrecirct le TAF jugea

ndash que la Convention 10 le liait pleinement au sens de lrsquoarticle 190 de la

Constitution (voir paragraphe 34 ci-dessous)

ndash que le droit international ne connaissait pas de hieacuterarchie mateacuterielle

(hormis la preacuteeacuteminence du ius cogens) et que partant la Convention 10

eacutetait de mecircme rang que la CDI-US 96

ndash que la CDI-US 96 eacutetant tout comme la Convention (de sauvegarde des

droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales) et le Pacte international

relatif aux droits civils et politiques (laquo Pacte ONU II raquo) anteacuterieure agrave la

Convention 10 ses dispositions ne trouvaient application que pour autant

qursquoelles nrsquoeacutetaient pas contredites par les regravegles de cette derniegravere la

Convention 10 primant en vertu de sa posteacuterioriteacute

B La proceacutedure concernant le requeacuterant

1 Lrsquoorigine de lrsquoaffaire

19 Le dossier du requeacuterant fut transmis par UBS agrave lrsquoAFC le

19 janvier 2010

Dans sa deacutecision finale qui fut prise le 7 juin 2010 lrsquoAFC retint que

toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative

agrave lrsquoIRS et ordonner que lui soient fournis les documents eacutediteacutes par UBS SA

20 Le 7 juillet 2010 le requeacuterant introduisit un recours contre cette

deacutecision aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral

Par un arrecirct du 21 septembre 2010 sans entrer dans lrsquoexamen de sa

leacutegaliteacute intrinsegraveque le tribunal annula la deacutecision du 7 juin 2010 en relevant

que le droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacute En

conseacutequence il renvoya lrsquoaffaire agrave lrsquoAFC pour qursquoelle donne lrsquooccasion au

requeacuterant de preacutesenter ses observations et rende une nouvelle deacutecision au

sujet de lrsquoentraide administrative agrave accorder ou non aux autoriteacutes

ameacutericaines dans son cas

21 Par une lettre du 28 septembre 2010 lrsquoAFC impartit au requeacuterant un

deacutelai allant jusqursquoau 29 octobre 2010 pour transmettre ses eacuteventuelles

observations avant qursquoune nouvelle deacutecision ne soit rendue

Le 13 octobre 2010 le requeacuterant deacuteposa lrsquoexposeacute de sa position

Dans sa deacutecision finale du 4 novembre 2010 lrsquoAFC consideacutera derechef

que toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide

6 ARREcircT GSB c SUISSE

administrative agrave lrsquoIRS et enjoindre agrave UBS SA de lui communiquer les

documents demandeacutes

22 Le 8 deacutecembre 2010 le requeacuterant forma un recours contre la

deacutecision du 4 novembre 2010 aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral Il

deacutenonccedilait en substance lrsquoabsence de base leacutegale des deacutecisions du

1er septembre 2009 et du 4 novembre 2010 ainsi que la violation de la

Convention et drsquoautres traiteacutes internationaux agrave travers notamment le

non-respect selon lui de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois du droit au

respect de sa vie priveacutee de la preacutesomption drsquoinnocence du principe de

lrsquoeacutegaliteacute et de la non-discrimination ou encore de son droit de se taire

2 Lrsquoarrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral (TAF) du 2 mars 2011

23 Statuant en tant que derniegravere instance nationale le Tribunal

administratif feacutedeacuteral rendit son arrecirct le 2 mars 2011

Il jugea tout drsquoabord en substance que la Convention 10 liait les

autoriteacutes suisses consideacuterant que celles-ci nrsquoavaient pas agrave veacuterifier sa

conformiteacute au droit feacutedeacuteral et aux conventions anteacuterieures

Se reacutefeacuterant ensuite agrave lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 (voir

paragraphe 18 ci-dessus) le Tribunal administratif feacutedeacuteral srsquoexprima

comme suit

laquo 32 La deacutecision du 1er septembre 2009 de lrsquoAFC agrave lrsquoeacutegard drsquoUBS SA ne porte

pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative Il srsquoagit simplement drsquoune deacutecision par

laquelle lrsquoautoriteacute infeacuterieure a requis drsquoUBS SA des renseignements au sens de

lrsquoarticle 20c alineacutea 3 CDI-US 96 Degraves lors il y a lieu drsquoadmettre que lrsquoAccord 09 en

relation avec la disposition preacuteciteacutee constituait une base leacutegale suffisante pour

permettre agrave lrsquoAFC de prendre une deacutecision agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA exigeant en

particulier que les dossiers complets des clients tombant sous lrsquoannexe agrave lrsquoAccord 09

lui soient fournis Dans ces conditions le grief du recourant est mal fondeacute

411 Dans lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 le Tribunal de ceacuteans

est arriveacute agrave la conclusion que la Convention 10 eacutetait contraignante pour les autoriteacutes

suisses Ni le droit interne ni la pratique interne des autoriteacutes ne permettaient drsquoy

deacuteroger Il a exposeacute que en vertu de lrsquoarticle 190 [de la Constitution] les autoriteacutes

eacutetaient tenues drsquoappliquer le droit international dont fait en particulier partie la

Convention 10 et que ndash en tout eacutetat de cause ndash la conformiteacute du droit international

avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales ne pouvait ecirctre examineacutee lorsque le

droit international eacutetait plus reacutecent Le Tribunal administratif feacutedeacuteral a ainsi admis

que la Convention 10 devait ecirctre appliqueacutee mecircme si elle eacutetait contraire agrave la

constitution feacutedeacuterale ou agrave des lois feacutedeacuterales (cf arrecirct du Tribunal administratif

feacutedeacuteral A-40132010 du 15 juillet 2010 consideacuterant 3 et les reacutefeacuterences citeacutees cf

eacutegalement arrecircts du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-70142010 du 3 feacutevrier 2011

consideacuterant 411 et les reacutefeacuterences citeacutees A-48352010 du 11 janvier 2011

consideacuterant 511 et A-60532010 du 10 janvier 2011 consideacuterant 21)

412 Concernant plus preacuteciseacutement la relation entre les diffeacuterentes conventions (la

Convention 10 la CDI-US 96 [en particulier son article 26] la CEDH [en particulier

son article 8] et le Pacte ONU II [en particulier son article 17]) il a indiqueacute qursquoelle

eacutetait deacutetermineacutee drsquoapregraves les seules regravegles de lrsquoarticle 30 de la convention de Vienne

sur le droit des traiteacutes du 23 mai 1969 (CV) et que le droit international ne

ARREcircT GSB c SUISSE 7

connaissait pas ndash agrave lrsquoexception de la preacuteeacuteminence du ius cogens ndash de hieacuterarchie

mateacuterielle Le Tribunal de ceacuteans a ainsi consideacutereacute que les regravegles de la Convention 10

primaient sur les autres dispositions de droit international y compris lrsquoarticle 8

CEDH et lrsquoarticle 17 Pacte ONU II ces deux derniegraveres dispositions ne contenant pas

de ius cogens Il a toutefois retenu que mecircme si lrsquoarticle 8 alineacutea 1 CEDH eacutetait

applicable les conditions prescrites agrave lrsquoarticle 8 alineacutea 2 CEDH qui permet de

restreindre le droit au respect de la vie priveacutee et familiale eacutetaient reacutealiseacutees La

Convention 10 eacutetait en effet une base juridique suffisante agrave la lumiegravere de la

jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme Les importants inteacuterecircts

eacuteconomiques de la Suisse ainsi que lrsquointeacuterecirct agrave pouvoir respecter les engagements

internationaux pris preacutevalaient en outre sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes

concerneacutees par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale ()

413 Le Tribunal de ceacuteans a eacutegalement exposeacute dans lrsquoarrecirct A-40132010 preacuteciteacute

que lrsquoarticle 7 alineacutea 1 CEDH (pas de peine sans loi) nrsquoeacutetait pas pertinent en matiegravere

de proceacutedure drsquoentraide administrative Cette disposition eacutetait exceptionnellement

applicable dans le cadre de la proceacutedure drsquoentraide suisse si la personne concerneacutee

par lrsquoentraide eacutetait menaceacutee dans lrsquoEacutetat requeacuterant par une proceacutedure violant

lrsquoarticle 7 CEDH () Or tel nrsquoeacutetait pas le cas en lrsquoespegravece ()

415 Le Tribunal de ceacuteans a aussi jugeacute que les parties agrave un accord international

eacutetaient libres de preacutevoir expresseacutement ou de maniegravere implicite son application

reacutetroactive () Des regravegles de proceacutedure pouvaient par ailleurs ecirctre appliqueacutees de

maniegravere reacutetroactive agrave des faits anteacuterieurs car lrsquointerdiction de la non-reacutetroactiviteacute ne

valait que pour le droit peacutenal mateacuteriel et non pas pour le droit de proceacutedure dont les

dispositions en matiegravere drsquoentraide administrative faisaient partie () Par ailleurs

les parties agrave la Convention 10 avaient voulu qualifier diffeacuteremment des faits qui

srsquoeacutetaient deacuterouleacutes anteacuterieurement agrave la signature de lrsquoAccord 09 ce qui eacutetait

communeacutement appeleacute laquo effet reacutetroactif raquo Cette volonteacute drsquoappliquer avec effet

reacutetroactif lrsquoAccord 09 ndash devenu la Convention 10 ndash ressortait clairement des critegraveres

pour accorder lrsquoentraide fixeacutes dans lrsquoannexe agrave la Convention 10 Bien que les parties

eussent preacuteciseacute agrave lrsquoarticle 8 de la Convention 10 que cette derniegravere entrerait en

vigueur au moment de sa signature elles avaient voulu cet effet reacutetroactif ()

417 En lrsquoespegravece il y a lieu de constater agrave la lumiegravere des arrecircts susdits que les

objections suivantes relatives agrave la validiteacute et agrave lrsquoapplicabiliteacute de la Convention 10

peuvent sans autre ecirctre eacutecarteacutees contradiction avec la CEDH et drsquoautres traiteacutes

internationaux violation du principe de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois

(cf article 7 CEDH et article 15 Pacte ONU II) ainsi que violation du droit au

respect de la sphegravere priveacutee (cf article 8 CEDH) De plus contrairement agrave lrsquoopinion

du recourant la Convention 10 est en lrsquooccurrence une base leacutegale suffisante pour

accorder lrsquoentraide et ce nonobstant la non-soumission au reacutefeacuterendum (facultatif)

Enfin mecircme si la Suisse ne pouvait ndash dans le cas preacutecis ndash obtenir les mecircmes

informations selon son propre droit elle reste lieacutee par ses engagements

internationaux et doit accorder lrsquoentraide lorsque les conditions sont remplies

42 Le recourant considegravere en outre que la Convention 10 violerait le principe de

lrsquoeacutegaliteacute et celui de non-discrimination en peacutenalisant uniquement une certaine

cateacutegorie de personnes crsquoest-agrave-dire les clients drsquoUBS SA La Convention 10 ne

srsquoappliquerait en effet qursquoaux clients drsquoUBS SA et non pas aux clients drsquoautres

banques Le recourant invoque les articles 8 Cst 14 CEDH 2 paragraphe 2 du

Pacte international du 16 deacutecembre 1966 relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et

culturels (Pacte ONU I RS 01031) ainsi que 2 paragraphe 1 et 26 Pacte ONU II

8 ARREcircT GSB c SUISSE

Comme exposeacute ci-avant le Tribunal de ceacuteans ne peut pas veacuterifier la conformiteacute de

la Convention 10 avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales Celle-lagrave prime en

outre les accords internationaux anteacuterieurs qui lui seraient contraires (cf consideacuterant

412 ci-avant) La Convention 10 doit degraves lors ecirctre appliqueacutee mecircme si elle instaure

un reacutegime juridique diffeacuterent pour les clients drsquoUBS SA par rapport agrave des clients

drsquoautres banques (cf arrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-71562010 du

17 janvier 2011 consideacuterant 521)

() raquo

24 Par ces motifs le Tribunal administratif feacutedeacuteral rejeta le recours du

requeacuterant

3 Deacuteveloppements ulteacuterieurs

25 Le 24 mars 2011 le requeacuterant forma un recours en matiegravere de droit

public devant le Tribunal feacutedeacuteral au motif que les consideacuterations de lrsquoarrecirct

attaqueacute seraient propres agrave lrsquoentraide peacutenale et non pertinentes en matiegravere

drsquoentraide administrative

Par un arrecirct du 11 avril 2011 celui-ci deacuteclara le recours irrecevable en

renvoyant essentiellement agrave un arrecirct du 20 deacutecembre 2010 (ATF 137 II 128)

selon lequel les recours dirigeacutes contre les deacutecisions de lrsquoAFC rendues en

application de la convention de double imposition et des accords ulteacuterieurs

passeacutes avec les Eacutetats-Unis relevaient bien de lrsquoentraide administrative

26 Le 14 deacutecembre 2012 les donneacutees bancaires concernant le requeacuterant

ont eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

27 Par une lettre du 14 juin 2013 la Cour a demandeacute au requeacuterant de

bien vouloir lui faire connaicirctre les deacuteveloppements ulteacuterieurs de lrsquoaffaire

et en particulier drsquoexposer succinctement en quoi consistaient les

conseacutequences ou sanctions peacutenales qursquoil aurait personnellement et

effectivement subies aux Eacutetats-Unis apregraves la divulgation des donneacutees

bancaires le concernant ordonneacutee par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions

28 Par une lettre du 7 aoucirct 2013 le requeacuterant a indiqueacute ne pas ecirctre alors

en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Par une autre lettre du 30 juin 2014 le requeacuterant preacutecisa que le controcircle

fiscal des autoriteacutes ameacutericaines eacutetait toujours en cours et qursquoil nrsquoavait pas

jusqursquoagrave ce moment-lagrave eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal

ARREcircT GSB c SUISSE 9

II LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX ET INTERNES

PERTINENTS

A Droit international

1 La Convention du 2 octobre 1996 entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en

vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere drsquoimpocircts sur le

revenu (laquo CDI-US 96 raquo)

29 Conclue le 2 octobre 1996 et approuveacutee par lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale le

10 octobre 1997 la CDI-US 96 est entreacutee en vigueur le 19 deacutecembre 1997

jour de lrsquoeacutechange des instruments de ratification

Sur la question de lrsquoeacutechange de renseignements pour preacutevenir les fraudes

et deacutelits semblables (laquo tax fraud or the like raquo1) il y est stipuleacute ce qui suit

laquo Article 26 ndash Eacutechange de renseignements

1 Les autoriteacutes compeacutetentes des Eacutetats contractants eacutechangent les renseignements

(que les leacutegislations fiscales des deux Eacutetats contractants permettent drsquoobtenir)

neacutecessaires pour appliquer les dispositions de la preacutesente Convention ou pour

preacutevenir les fraudes et deacutelits semblables portant sur un impocirct viseacute par la preacutesente

Convention Dans les cas de fraude fiscale (a) lrsquoeacutechange de renseignements nrsquoest

pas limiteacute par lrsquoarticle 1 (Personnes viseacutees) et (b) srsquoil est expresseacutement demandeacute par

lrsquoautoriteacute compeacutetente drsquoun Eacutetat contractant lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoautre Eacutetat

contractant fournira les renseignements conformeacutement au preacutesent article sous forme

de copie authentique des donneacutees ou documents originaux non modifieacutes Tout

renseignement reccedilu par un Eacutetat contractant doit ecirctre tenu secret de la mecircme maniegravere

que les renseignements obtenus en application de la leacutegislation fiscale de cet Eacutetat et

nrsquoest communiqueacute qursquoaux personnes ou autoriteacutes (y compris les tribunaux et

organes administratifs) concerneacutees par lrsquoeacutetablissement ou le recouvrement des

impocircts viseacutes par la Convention par lrsquoadministration et la mise en exeacutecution de ces

impocircts ou par les deacutecisions sur les recours relatifs agrave ces impocircts Ces personnes ou

autoriteacutes nrsquoutilisent ces renseignements qursquoagrave ces fins Il ne pourra pas ecirctre eacutechangeacute

de renseignements qui deacutevoileraient un secret commercial drsquoaffaires industriel ou

professionnel ou un proceacutedeacute commercial

2 Chaque Eacutetat contractant peut percevoir les impocircts leveacutes par lrsquoautre Eacutetat

contractant comme si ces impocircts eacutetaient les impocircts du premier Eacutetat afin drsquoassurer

que lrsquoexemption ou le taux reacuteduit drsquoimpocirct accordeacute par cet autre Eacutetat aux articles 10

(Dividendes) 11 (Inteacuterecircts) 12 (Redevances) et 18 (Pensions et rentes) de la preacutesente

Convention ne beacuteneacuteficie pas agrave des personnes qui nrsquoont pas droit agrave de tels avantages

3 Les dispositions du preacutesent article ne peuvent en aucun cas ecirctre interpreacuteteacutees

comme imposant agrave lrsquoun des Eacutetats contractants lrsquoobligation de prendre des mesures

administratives deacuterogeant agrave la reacuteglementation propre ou agrave la pratique administrative

de lrsquoun des Eacutetats contractants ou qui sont contraires agrave sa souveraineteacute agrave sa seacutecuriteacute

ou agrave lrsquoordre public ou de transmettre des indications qui ne peuvent ecirctre obtenues ni

sur la base de sa propre leacutegislation ni de celle de lrsquoEacutetat qui les demande

1 La convention est reacutedigeacutee en allemand et en anglais Le texte franccedilais ici reproduit est la

traduction qui en a eacuteteacute publieacutee au Recueil officiel (RO 1999 1460)

10 ARREcircT GSB c SUISSE

4 Les autoriteacutes compeacutetentes peuvent mettre agrave disposition de la commission

drsquoarbitrage eacutetablie selon le paragraphe 6 de lrsquoarticle 25 (Proceacutedure amiable) les

renseignements neacutecessaires pour exeacutecuter la proceacutedure drsquoarbitrage Les membres de

cette commission drsquoarbitrage sont astreints aux prescriptions sur le secret deacutecrites

dans le preacutesent article raquo

2 LrsquoAccord sur la demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave

UBS SA dans sa version consolideacutee (dit aussi laquo Convention 10 raquo)

30 La demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave UBS SA a fait

lrsquoobjet drsquoun accord bilateacuteral (laquo Accord entre la Confeacutedeacuteration suisse et les

Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique concernant la demande de renseignements de

lrsquoInternal Revenue Service des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique relative agrave la socieacuteteacute

de droit suisse UBS SA raquo) dit laquo Accord 09 raquo ulteacuterieurement suivi drsquoun

protocole modificatif (le laquo Protocole 10 raquo)

Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 le parlement suisse a approuveacute ces

deux instruments et autoriseacute le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier

La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 inteacutegrant le Protocole 10 est aussi

deacutesigneacutee sous le nom de laquo Convention 10 raquo La langue originale du texte

eacutetant lrsquoanglais la traduction franccedilaise qui en a eacuteteacute publieacutee se lit comme suit

(sans les notes de bas de page)

laquo La Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique

() sont convenus des dispositions suivantes en reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 26 de la

Convention

Article premier ndash Demande drsquoentraide administrative

1 La Confeacutedeacuteration suisse traite la demande drsquoentraide administrative des

Eacutetats-Unis concernant les clients ameacutericains drsquoUBS SA (ci-apregraves laquodemande

drsquoentraide administrativeraquo) selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe au preacutesent

Accord Se fondant sur lesdits critegraveres les Parties estiment que la demande

drsquoentraide administrative porte sur environ 4 450 comptes ouverts ou clos

2 La Confeacutedeacuteration suisse met sur pied une uniteacute opeacuterationnelle speacuteciale

permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC) dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative de rendre ses deacutecisions finales au sens de

lrsquoarticle 20j de lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la Convention de double

imposition ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 selon une proceacutedure acceacuteleacutereacutee Les

deacutelais sont les suivants

ndash les 500 premiegraveres deacutecisions doivent ecirctre rendues dans les 90 jours suivant la

reacuteception de la demande drsquoentraide administrative et

ndash les deacutecisions restantes sont traiteacutees en continu dans les 360 jours suivant la

reacuteception de ladite demande

3 Degraves reacuteception de la demande drsquoentraide administrative lrsquoAFC en informe UBS

SA Elle soutient en toute prioriteacute la proceacutedure preacutevue au preacutesent article en se

fondant sur les critegraveres eacutetablis en annexe Elle srsquoengage agrave traiter toutes les questions

qui pourraient survenir agrave cet eacutegard selon le meacutecanisme deacutefini agrave lrsquoarticle 5 du preacutesent

Accord

ARREcircT GSB c SUISSE 11

4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par

lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de

divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de

deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs

comptes

5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide

administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de

lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral

eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe

()

Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons

1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA

preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte

conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS

2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du

JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur

3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les

Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour

les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date

ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source

fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non

deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement

lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis

5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous

reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard

370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la

demande drsquoentraide administrative

Article 4 ndash Obligations drsquoUBS

1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer

agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants

ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas

ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes

respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et

ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants

2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer

drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire

12 ARREcircT GSB c SUISSE

3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de

surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par

UBS SA de ses engagements

Article 6 ndash Confidentialiteacute

Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave

15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen

Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent

Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien

nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les

critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires

de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces

critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe

Article 8 ndash Entreacutee en vigueur

Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature

Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation

Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par

eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent

En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs

gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord

Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo

3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)

31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres

permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune

demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont

rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits

semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont

deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit

ainsi

laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification

claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif

mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non

deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave

leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils

eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes

concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement

(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest

pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la

demande drsquoentraide administrative

Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition

geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide

administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes

ARREcircT GSB c SUISSE 13

A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee

entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de

comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur

de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont

commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou

B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit

eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et

2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou

deacutelits semblables raquo

2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le

cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention

sont les suivants

A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct

au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y

a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis

srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes

a () ou

b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave

lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements

conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation

des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable

domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins

trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et

(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs

en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins

couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le

revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre

de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees

sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)

4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et

du Protocole 10

32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de

lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est

la suivante dans la partie pertinente

laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas

violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code

peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain

elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee

imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien

avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la

proceacutedure peacutenale

()

Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires

opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs

(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40

14 ARREcircT GSB c SUISSE

des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis

(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS

auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux

Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte

preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS

aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux

au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et

des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la

maison megravere (UBS SA en Suisse)

Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance

aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur

bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via

le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi

des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas

drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont

les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit

interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs

deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute

la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de

comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La

deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en

accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace

pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement

deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe

par UBS SA

() raquo

5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes

33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969

(CV) sont libelleacutees comme suit

Article 26 ndash Pacta sunt servanda

laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi

Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes

Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant

la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46

Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes

Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte

ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou

une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date

ARREcircT GSB c SUISSE 15

Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence

pour conclure des traiteacutes

1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en

violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour

conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son

consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une

regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale

2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se

comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo

B Droit interne

1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999

34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit

Article 190 ndash Droit applicable

laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales

et le droit international raquo

35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon

geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de

demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum

Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif

laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le

demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont

soumis au vote du peuple

a ndash c ()

d les traiteacutes internationaux qui

1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables

2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale

3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont

la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo

2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale

36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo

il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre

la fraude fiscale et la soustraction fiscale

37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du

14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une

infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune

infraction de droit administratif (article 175)

16 ARREcircT GSB c SUISSE

3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention

ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition

38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante

lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de

soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)

laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines

Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente

en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun

examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande

Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la

convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement

remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient

en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de

lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de

la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26

paragraphe 1 3e phrase de la convention)

LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur

de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne

concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des

notifications

Article 20d ndash Obtention des renseignements

1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les

renseignements et prend une deacutecision finale

2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire

ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des

renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements

par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande

ameacutericaine

3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention

des renseignements

Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee

1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne

concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la

deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande

de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas

expresseacutement le maintien du secret

2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des

notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des

ARREcircT GSB c SUISSE 17

contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de

renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications

3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier

La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees

que

a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou

b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige

4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins

drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute

Article 20f ndash Mesures de contrainte

1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de

contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes

sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et

des perquisitions opeacutereacutees

2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre

exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les

objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande

drsquoeacutechange de renseignements

3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps

le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La

mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration

feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant

4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes

Article 20l ndash Demande sans indications personnelles

1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications

personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave

identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse

habiliteacutee agrave recevoir des notifications

2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes

concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune

demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en

Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications

3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave

lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave

recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen

deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement

ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires

sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee

par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

18 ARREcircT GSB c SUISSE

4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la

Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains

5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des

notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave

lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la

publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo

C Pratique interne

39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions

sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner

certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher

lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe

de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres

les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001

du 6 feacutevrier 2002 cons 3)

EN DROIT

I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE

40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des

renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de

ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas

ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui

est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement

demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1

lettre c) de la Convention libelleacute comme suit

laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du

rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure

()

c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus

de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte

Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de

lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige

() raquo

ARREcircT GSB c SUISSE 19

41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la

Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement

drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une

information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du

droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de

lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il

nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]

no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004

9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre

2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va

de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au

cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation

expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le

requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur

lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di

Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et

autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)

42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une

radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la

Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis

mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des

informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour

nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la

Convention

43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du

Gouvernement

II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA

CONVENTION

44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires

comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par

lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son

domicile et de sa correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une

mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave

la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la

preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la

protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

45 Le Gouvernement conteste cette thegravese

20 ARREcircT GSB c SUISSE

A Sur la recevabiliteacute

46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas

en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece

47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au

sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs

agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Existence drsquoune ingeacuterence

48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les

dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave

la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences

dans sa vie priveacutee et sa correspondance

49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee

constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie

priveacutee au sens de lrsquoarticle 8

50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions

exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a

eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au

plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont

effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

(paragraphe 26 ci-dessus)

51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des

comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par

lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512

sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)

2 Justification de lrsquoingeacuterence

52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les

exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si

lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts

leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute

deacutemocratique raquo pour les atteindre

a) laquo Preacutevue par la loi raquo

i Les thegraveses des parties

α) Le requeacuterant

53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose

trois seacuteries drsquoarguments

ARREcircT GSB c SUISSE 21

Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas

eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse

pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de

droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece

Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral

(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par

lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de

lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment

de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son

adoption

54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute

nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient

drsquoapplication reacutetroactive

Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans

la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique

qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit

Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui

excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale

Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains

qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter

que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-

Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de

soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a

modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide

administrative internationale

55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision

rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers

des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le

1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le

parlement feacutedeacuteral

56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures

incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante

β) Le Gouvernement

57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement

soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait

pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de

lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35

ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos

drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des

dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre

exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 6: Affaire g.s.b. c. Suisse

ARREcircT GSB c SUISSE 5

Lrsquoarrecircteacute feacutedeacuteral susmentionneacute preacutecisait que la possibiliteacute de reacutefeacuterendum

facultatif preacutevue par lrsquoarticle 141 de la Constitution feacutedeacuterale pour certains

traiteacutes internationaux conclus par la Suisse (paragraphe 35 ci-dessous)

nrsquoeacutetait pas ouverte en lrsquoespegravece

18 Le 15 juillet 2010 le Tribunal administratif feacutedeacuteral rendit un arrecirct

dans une affaire pilote (A-40132010) au sujet de la validiteacute de la

Convention 10 Dans cet arrecirct le TAF jugea

ndash que la Convention 10 le liait pleinement au sens de lrsquoarticle 190 de la

Constitution (voir paragraphe 34 ci-dessous)

ndash que le droit international ne connaissait pas de hieacuterarchie mateacuterielle

(hormis la preacuteeacuteminence du ius cogens) et que partant la Convention 10

eacutetait de mecircme rang que la CDI-US 96

ndash que la CDI-US 96 eacutetant tout comme la Convention (de sauvegarde des

droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales) et le Pacte international

relatif aux droits civils et politiques (laquo Pacte ONU II raquo) anteacuterieure agrave la

Convention 10 ses dispositions ne trouvaient application que pour autant

qursquoelles nrsquoeacutetaient pas contredites par les regravegles de cette derniegravere la

Convention 10 primant en vertu de sa posteacuterioriteacute

B La proceacutedure concernant le requeacuterant

1 Lrsquoorigine de lrsquoaffaire

19 Le dossier du requeacuterant fut transmis par UBS agrave lrsquoAFC le

19 janvier 2010

Dans sa deacutecision finale qui fut prise le 7 juin 2010 lrsquoAFC retint que

toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative

agrave lrsquoIRS et ordonner que lui soient fournis les documents eacutediteacutes par UBS SA

20 Le 7 juillet 2010 le requeacuterant introduisit un recours contre cette

deacutecision aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral

Par un arrecirct du 21 septembre 2010 sans entrer dans lrsquoexamen de sa

leacutegaliteacute intrinsegraveque le tribunal annula la deacutecision du 7 juin 2010 en relevant

que le droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacute En

conseacutequence il renvoya lrsquoaffaire agrave lrsquoAFC pour qursquoelle donne lrsquooccasion au

requeacuterant de preacutesenter ses observations et rende une nouvelle deacutecision au

sujet de lrsquoentraide administrative agrave accorder ou non aux autoriteacutes

ameacutericaines dans son cas

21 Par une lettre du 28 septembre 2010 lrsquoAFC impartit au requeacuterant un

deacutelai allant jusqursquoau 29 octobre 2010 pour transmettre ses eacuteventuelles

observations avant qursquoune nouvelle deacutecision ne soit rendue

Le 13 octobre 2010 le requeacuterant deacuteposa lrsquoexposeacute de sa position

Dans sa deacutecision finale du 4 novembre 2010 lrsquoAFC consideacutera derechef

que toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide

6 ARREcircT GSB c SUISSE

administrative agrave lrsquoIRS et enjoindre agrave UBS SA de lui communiquer les

documents demandeacutes

22 Le 8 deacutecembre 2010 le requeacuterant forma un recours contre la

deacutecision du 4 novembre 2010 aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral Il

deacutenonccedilait en substance lrsquoabsence de base leacutegale des deacutecisions du

1er septembre 2009 et du 4 novembre 2010 ainsi que la violation de la

Convention et drsquoautres traiteacutes internationaux agrave travers notamment le

non-respect selon lui de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois du droit au

respect de sa vie priveacutee de la preacutesomption drsquoinnocence du principe de

lrsquoeacutegaliteacute et de la non-discrimination ou encore de son droit de se taire

2 Lrsquoarrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral (TAF) du 2 mars 2011

23 Statuant en tant que derniegravere instance nationale le Tribunal

administratif feacutedeacuteral rendit son arrecirct le 2 mars 2011

Il jugea tout drsquoabord en substance que la Convention 10 liait les

autoriteacutes suisses consideacuterant que celles-ci nrsquoavaient pas agrave veacuterifier sa

conformiteacute au droit feacutedeacuteral et aux conventions anteacuterieures

Se reacutefeacuterant ensuite agrave lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 (voir

paragraphe 18 ci-dessus) le Tribunal administratif feacutedeacuteral srsquoexprima

comme suit

laquo 32 La deacutecision du 1er septembre 2009 de lrsquoAFC agrave lrsquoeacutegard drsquoUBS SA ne porte

pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative Il srsquoagit simplement drsquoune deacutecision par

laquelle lrsquoautoriteacute infeacuterieure a requis drsquoUBS SA des renseignements au sens de

lrsquoarticle 20c alineacutea 3 CDI-US 96 Degraves lors il y a lieu drsquoadmettre que lrsquoAccord 09 en

relation avec la disposition preacuteciteacutee constituait une base leacutegale suffisante pour

permettre agrave lrsquoAFC de prendre une deacutecision agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA exigeant en

particulier que les dossiers complets des clients tombant sous lrsquoannexe agrave lrsquoAccord 09

lui soient fournis Dans ces conditions le grief du recourant est mal fondeacute

411 Dans lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 le Tribunal de ceacuteans

est arriveacute agrave la conclusion que la Convention 10 eacutetait contraignante pour les autoriteacutes

suisses Ni le droit interne ni la pratique interne des autoriteacutes ne permettaient drsquoy

deacuteroger Il a exposeacute que en vertu de lrsquoarticle 190 [de la Constitution] les autoriteacutes

eacutetaient tenues drsquoappliquer le droit international dont fait en particulier partie la

Convention 10 et que ndash en tout eacutetat de cause ndash la conformiteacute du droit international

avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales ne pouvait ecirctre examineacutee lorsque le

droit international eacutetait plus reacutecent Le Tribunal administratif feacutedeacuteral a ainsi admis

que la Convention 10 devait ecirctre appliqueacutee mecircme si elle eacutetait contraire agrave la

constitution feacutedeacuterale ou agrave des lois feacutedeacuterales (cf arrecirct du Tribunal administratif

feacutedeacuteral A-40132010 du 15 juillet 2010 consideacuterant 3 et les reacutefeacuterences citeacutees cf

eacutegalement arrecircts du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-70142010 du 3 feacutevrier 2011

consideacuterant 411 et les reacutefeacuterences citeacutees A-48352010 du 11 janvier 2011

consideacuterant 511 et A-60532010 du 10 janvier 2011 consideacuterant 21)

412 Concernant plus preacuteciseacutement la relation entre les diffeacuterentes conventions (la

Convention 10 la CDI-US 96 [en particulier son article 26] la CEDH [en particulier

son article 8] et le Pacte ONU II [en particulier son article 17]) il a indiqueacute qursquoelle

eacutetait deacutetermineacutee drsquoapregraves les seules regravegles de lrsquoarticle 30 de la convention de Vienne

sur le droit des traiteacutes du 23 mai 1969 (CV) et que le droit international ne

ARREcircT GSB c SUISSE 7

connaissait pas ndash agrave lrsquoexception de la preacuteeacuteminence du ius cogens ndash de hieacuterarchie

mateacuterielle Le Tribunal de ceacuteans a ainsi consideacutereacute que les regravegles de la Convention 10

primaient sur les autres dispositions de droit international y compris lrsquoarticle 8

CEDH et lrsquoarticle 17 Pacte ONU II ces deux derniegraveres dispositions ne contenant pas

de ius cogens Il a toutefois retenu que mecircme si lrsquoarticle 8 alineacutea 1 CEDH eacutetait

applicable les conditions prescrites agrave lrsquoarticle 8 alineacutea 2 CEDH qui permet de

restreindre le droit au respect de la vie priveacutee et familiale eacutetaient reacutealiseacutees La

Convention 10 eacutetait en effet une base juridique suffisante agrave la lumiegravere de la

jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme Les importants inteacuterecircts

eacuteconomiques de la Suisse ainsi que lrsquointeacuterecirct agrave pouvoir respecter les engagements

internationaux pris preacutevalaient en outre sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes

concerneacutees par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale ()

413 Le Tribunal de ceacuteans a eacutegalement exposeacute dans lrsquoarrecirct A-40132010 preacuteciteacute

que lrsquoarticle 7 alineacutea 1 CEDH (pas de peine sans loi) nrsquoeacutetait pas pertinent en matiegravere

de proceacutedure drsquoentraide administrative Cette disposition eacutetait exceptionnellement

applicable dans le cadre de la proceacutedure drsquoentraide suisse si la personne concerneacutee

par lrsquoentraide eacutetait menaceacutee dans lrsquoEacutetat requeacuterant par une proceacutedure violant

lrsquoarticle 7 CEDH () Or tel nrsquoeacutetait pas le cas en lrsquoespegravece ()

415 Le Tribunal de ceacuteans a aussi jugeacute que les parties agrave un accord international

eacutetaient libres de preacutevoir expresseacutement ou de maniegravere implicite son application

reacutetroactive () Des regravegles de proceacutedure pouvaient par ailleurs ecirctre appliqueacutees de

maniegravere reacutetroactive agrave des faits anteacuterieurs car lrsquointerdiction de la non-reacutetroactiviteacute ne

valait que pour le droit peacutenal mateacuteriel et non pas pour le droit de proceacutedure dont les

dispositions en matiegravere drsquoentraide administrative faisaient partie () Par ailleurs

les parties agrave la Convention 10 avaient voulu qualifier diffeacuteremment des faits qui

srsquoeacutetaient deacuterouleacutes anteacuterieurement agrave la signature de lrsquoAccord 09 ce qui eacutetait

communeacutement appeleacute laquo effet reacutetroactif raquo Cette volonteacute drsquoappliquer avec effet

reacutetroactif lrsquoAccord 09 ndash devenu la Convention 10 ndash ressortait clairement des critegraveres

pour accorder lrsquoentraide fixeacutes dans lrsquoannexe agrave la Convention 10 Bien que les parties

eussent preacuteciseacute agrave lrsquoarticle 8 de la Convention 10 que cette derniegravere entrerait en

vigueur au moment de sa signature elles avaient voulu cet effet reacutetroactif ()

417 En lrsquoespegravece il y a lieu de constater agrave la lumiegravere des arrecircts susdits que les

objections suivantes relatives agrave la validiteacute et agrave lrsquoapplicabiliteacute de la Convention 10

peuvent sans autre ecirctre eacutecarteacutees contradiction avec la CEDH et drsquoautres traiteacutes

internationaux violation du principe de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois

(cf article 7 CEDH et article 15 Pacte ONU II) ainsi que violation du droit au

respect de la sphegravere priveacutee (cf article 8 CEDH) De plus contrairement agrave lrsquoopinion

du recourant la Convention 10 est en lrsquooccurrence une base leacutegale suffisante pour

accorder lrsquoentraide et ce nonobstant la non-soumission au reacutefeacuterendum (facultatif)

Enfin mecircme si la Suisse ne pouvait ndash dans le cas preacutecis ndash obtenir les mecircmes

informations selon son propre droit elle reste lieacutee par ses engagements

internationaux et doit accorder lrsquoentraide lorsque les conditions sont remplies

42 Le recourant considegravere en outre que la Convention 10 violerait le principe de

lrsquoeacutegaliteacute et celui de non-discrimination en peacutenalisant uniquement une certaine

cateacutegorie de personnes crsquoest-agrave-dire les clients drsquoUBS SA La Convention 10 ne

srsquoappliquerait en effet qursquoaux clients drsquoUBS SA et non pas aux clients drsquoautres

banques Le recourant invoque les articles 8 Cst 14 CEDH 2 paragraphe 2 du

Pacte international du 16 deacutecembre 1966 relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et

culturels (Pacte ONU I RS 01031) ainsi que 2 paragraphe 1 et 26 Pacte ONU II

8 ARREcircT GSB c SUISSE

Comme exposeacute ci-avant le Tribunal de ceacuteans ne peut pas veacuterifier la conformiteacute de

la Convention 10 avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales Celle-lagrave prime en

outre les accords internationaux anteacuterieurs qui lui seraient contraires (cf consideacuterant

412 ci-avant) La Convention 10 doit degraves lors ecirctre appliqueacutee mecircme si elle instaure

un reacutegime juridique diffeacuterent pour les clients drsquoUBS SA par rapport agrave des clients

drsquoautres banques (cf arrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-71562010 du

17 janvier 2011 consideacuterant 521)

() raquo

24 Par ces motifs le Tribunal administratif feacutedeacuteral rejeta le recours du

requeacuterant

3 Deacuteveloppements ulteacuterieurs

25 Le 24 mars 2011 le requeacuterant forma un recours en matiegravere de droit

public devant le Tribunal feacutedeacuteral au motif que les consideacuterations de lrsquoarrecirct

attaqueacute seraient propres agrave lrsquoentraide peacutenale et non pertinentes en matiegravere

drsquoentraide administrative

Par un arrecirct du 11 avril 2011 celui-ci deacuteclara le recours irrecevable en

renvoyant essentiellement agrave un arrecirct du 20 deacutecembre 2010 (ATF 137 II 128)

selon lequel les recours dirigeacutes contre les deacutecisions de lrsquoAFC rendues en

application de la convention de double imposition et des accords ulteacuterieurs

passeacutes avec les Eacutetats-Unis relevaient bien de lrsquoentraide administrative

26 Le 14 deacutecembre 2012 les donneacutees bancaires concernant le requeacuterant

ont eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

27 Par une lettre du 14 juin 2013 la Cour a demandeacute au requeacuterant de

bien vouloir lui faire connaicirctre les deacuteveloppements ulteacuterieurs de lrsquoaffaire

et en particulier drsquoexposer succinctement en quoi consistaient les

conseacutequences ou sanctions peacutenales qursquoil aurait personnellement et

effectivement subies aux Eacutetats-Unis apregraves la divulgation des donneacutees

bancaires le concernant ordonneacutee par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions

28 Par une lettre du 7 aoucirct 2013 le requeacuterant a indiqueacute ne pas ecirctre alors

en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Par une autre lettre du 30 juin 2014 le requeacuterant preacutecisa que le controcircle

fiscal des autoriteacutes ameacutericaines eacutetait toujours en cours et qursquoil nrsquoavait pas

jusqursquoagrave ce moment-lagrave eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal

ARREcircT GSB c SUISSE 9

II LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX ET INTERNES

PERTINENTS

A Droit international

1 La Convention du 2 octobre 1996 entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en

vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere drsquoimpocircts sur le

revenu (laquo CDI-US 96 raquo)

29 Conclue le 2 octobre 1996 et approuveacutee par lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale le

10 octobre 1997 la CDI-US 96 est entreacutee en vigueur le 19 deacutecembre 1997

jour de lrsquoeacutechange des instruments de ratification

Sur la question de lrsquoeacutechange de renseignements pour preacutevenir les fraudes

et deacutelits semblables (laquo tax fraud or the like raquo1) il y est stipuleacute ce qui suit

laquo Article 26 ndash Eacutechange de renseignements

1 Les autoriteacutes compeacutetentes des Eacutetats contractants eacutechangent les renseignements

(que les leacutegislations fiscales des deux Eacutetats contractants permettent drsquoobtenir)

neacutecessaires pour appliquer les dispositions de la preacutesente Convention ou pour

preacutevenir les fraudes et deacutelits semblables portant sur un impocirct viseacute par la preacutesente

Convention Dans les cas de fraude fiscale (a) lrsquoeacutechange de renseignements nrsquoest

pas limiteacute par lrsquoarticle 1 (Personnes viseacutees) et (b) srsquoil est expresseacutement demandeacute par

lrsquoautoriteacute compeacutetente drsquoun Eacutetat contractant lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoautre Eacutetat

contractant fournira les renseignements conformeacutement au preacutesent article sous forme

de copie authentique des donneacutees ou documents originaux non modifieacutes Tout

renseignement reccedilu par un Eacutetat contractant doit ecirctre tenu secret de la mecircme maniegravere

que les renseignements obtenus en application de la leacutegislation fiscale de cet Eacutetat et

nrsquoest communiqueacute qursquoaux personnes ou autoriteacutes (y compris les tribunaux et

organes administratifs) concerneacutees par lrsquoeacutetablissement ou le recouvrement des

impocircts viseacutes par la Convention par lrsquoadministration et la mise en exeacutecution de ces

impocircts ou par les deacutecisions sur les recours relatifs agrave ces impocircts Ces personnes ou

autoriteacutes nrsquoutilisent ces renseignements qursquoagrave ces fins Il ne pourra pas ecirctre eacutechangeacute

de renseignements qui deacutevoileraient un secret commercial drsquoaffaires industriel ou

professionnel ou un proceacutedeacute commercial

2 Chaque Eacutetat contractant peut percevoir les impocircts leveacutes par lrsquoautre Eacutetat

contractant comme si ces impocircts eacutetaient les impocircts du premier Eacutetat afin drsquoassurer

que lrsquoexemption ou le taux reacuteduit drsquoimpocirct accordeacute par cet autre Eacutetat aux articles 10

(Dividendes) 11 (Inteacuterecircts) 12 (Redevances) et 18 (Pensions et rentes) de la preacutesente

Convention ne beacuteneacuteficie pas agrave des personnes qui nrsquoont pas droit agrave de tels avantages

3 Les dispositions du preacutesent article ne peuvent en aucun cas ecirctre interpreacuteteacutees

comme imposant agrave lrsquoun des Eacutetats contractants lrsquoobligation de prendre des mesures

administratives deacuterogeant agrave la reacuteglementation propre ou agrave la pratique administrative

de lrsquoun des Eacutetats contractants ou qui sont contraires agrave sa souveraineteacute agrave sa seacutecuriteacute

ou agrave lrsquoordre public ou de transmettre des indications qui ne peuvent ecirctre obtenues ni

sur la base de sa propre leacutegislation ni de celle de lrsquoEacutetat qui les demande

1 La convention est reacutedigeacutee en allemand et en anglais Le texte franccedilais ici reproduit est la

traduction qui en a eacuteteacute publieacutee au Recueil officiel (RO 1999 1460)

10 ARREcircT GSB c SUISSE

4 Les autoriteacutes compeacutetentes peuvent mettre agrave disposition de la commission

drsquoarbitrage eacutetablie selon le paragraphe 6 de lrsquoarticle 25 (Proceacutedure amiable) les

renseignements neacutecessaires pour exeacutecuter la proceacutedure drsquoarbitrage Les membres de

cette commission drsquoarbitrage sont astreints aux prescriptions sur le secret deacutecrites

dans le preacutesent article raquo

2 LrsquoAccord sur la demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave

UBS SA dans sa version consolideacutee (dit aussi laquo Convention 10 raquo)

30 La demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave UBS SA a fait

lrsquoobjet drsquoun accord bilateacuteral (laquo Accord entre la Confeacutedeacuteration suisse et les

Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique concernant la demande de renseignements de

lrsquoInternal Revenue Service des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique relative agrave la socieacuteteacute

de droit suisse UBS SA raquo) dit laquo Accord 09 raquo ulteacuterieurement suivi drsquoun

protocole modificatif (le laquo Protocole 10 raquo)

Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 le parlement suisse a approuveacute ces

deux instruments et autoriseacute le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier

La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 inteacutegrant le Protocole 10 est aussi

deacutesigneacutee sous le nom de laquo Convention 10 raquo La langue originale du texte

eacutetant lrsquoanglais la traduction franccedilaise qui en a eacuteteacute publieacutee se lit comme suit

(sans les notes de bas de page)

laquo La Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique

() sont convenus des dispositions suivantes en reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 26 de la

Convention

Article premier ndash Demande drsquoentraide administrative

1 La Confeacutedeacuteration suisse traite la demande drsquoentraide administrative des

Eacutetats-Unis concernant les clients ameacutericains drsquoUBS SA (ci-apregraves laquodemande

drsquoentraide administrativeraquo) selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe au preacutesent

Accord Se fondant sur lesdits critegraveres les Parties estiment que la demande

drsquoentraide administrative porte sur environ 4 450 comptes ouverts ou clos

2 La Confeacutedeacuteration suisse met sur pied une uniteacute opeacuterationnelle speacuteciale

permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC) dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative de rendre ses deacutecisions finales au sens de

lrsquoarticle 20j de lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la Convention de double

imposition ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 selon une proceacutedure acceacuteleacutereacutee Les

deacutelais sont les suivants

ndash les 500 premiegraveres deacutecisions doivent ecirctre rendues dans les 90 jours suivant la

reacuteception de la demande drsquoentraide administrative et

ndash les deacutecisions restantes sont traiteacutees en continu dans les 360 jours suivant la

reacuteception de ladite demande

3 Degraves reacuteception de la demande drsquoentraide administrative lrsquoAFC en informe UBS

SA Elle soutient en toute prioriteacute la proceacutedure preacutevue au preacutesent article en se

fondant sur les critegraveres eacutetablis en annexe Elle srsquoengage agrave traiter toutes les questions

qui pourraient survenir agrave cet eacutegard selon le meacutecanisme deacutefini agrave lrsquoarticle 5 du preacutesent

Accord

ARREcircT GSB c SUISSE 11

4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par

lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de

divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de

deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs

comptes

5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide

administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de

lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral

eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe

()

Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons

1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA

preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte

conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS

2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du

JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur

3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les

Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour

les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date

ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source

fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non

deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement

lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis

5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous

reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard

370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la

demande drsquoentraide administrative

Article 4 ndash Obligations drsquoUBS

1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer

agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants

ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas

ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes

respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et

ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants

2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer

drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire

12 ARREcircT GSB c SUISSE

3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de

surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par

UBS SA de ses engagements

Article 6 ndash Confidentialiteacute

Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave

15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen

Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent

Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien

nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les

critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires

de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces

critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe

Article 8 ndash Entreacutee en vigueur

Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature

Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation

Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par

eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent

En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs

gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord

Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo

3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)

31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres

permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune

demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont

rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits

semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont

deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit

ainsi

laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification

claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif

mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non

deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave

leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils

eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes

concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement

(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest

pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la

demande drsquoentraide administrative

Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition

geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide

administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes

ARREcircT GSB c SUISSE 13

A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee

entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de

comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur

de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont

commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou

B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit

eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et

2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou

deacutelits semblables raquo

2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le

cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention

sont les suivants

A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct

au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y

a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis

srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes

a () ou

b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave

lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements

conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation

des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable

domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins

trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et

(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs

en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins

couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le

revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre

de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees

sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)

4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et

du Protocole 10

32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de

lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est

la suivante dans la partie pertinente

laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas

violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code

peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain

elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee

imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien

avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la

proceacutedure peacutenale

()

Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires

opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs

(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40

14 ARREcircT GSB c SUISSE

des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis

(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS

auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux

Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte

preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS

aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux

au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et

des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la

maison megravere (UBS SA en Suisse)

Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance

aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur

bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via

le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi

des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas

drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont

les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit

interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs

deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute

la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de

comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La

deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en

accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace

pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement

deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe

par UBS SA

() raquo

5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes

33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969

(CV) sont libelleacutees comme suit

Article 26 ndash Pacta sunt servanda

laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi

Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes

Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant

la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46

Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes

Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte

ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou

une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date

ARREcircT GSB c SUISSE 15

Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence

pour conclure des traiteacutes

1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en

violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour

conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son

consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une

regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale

2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se

comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo

B Droit interne

1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999

34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit

Article 190 ndash Droit applicable

laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales

et le droit international raquo

35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon

geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de

demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum

Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif

laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le

demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont

soumis au vote du peuple

a ndash c ()

d les traiteacutes internationaux qui

1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables

2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale

3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont

la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo

2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale

36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo

il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre

la fraude fiscale et la soustraction fiscale

37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du

14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une

infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune

infraction de droit administratif (article 175)

16 ARREcircT GSB c SUISSE

3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention

ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition

38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante

lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de

soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)

laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines

Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente

en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun

examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande

Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la

convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement

remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient

en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de

lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de

la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26

paragraphe 1 3e phrase de la convention)

LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur

de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne

concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des

notifications

Article 20d ndash Obtention des renseignements

1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les

renseignements et prend une deacutecision finale

2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire

ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des

renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements

par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande

ameacutericaine

3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention

des renseignements

Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee

1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne

concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la

deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande

de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas

expresseacutement le maintien du secret

2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des

notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des

ARREcircT GSB c SUISSE 17

contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de

renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications

3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier

La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees

que

a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou

b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige

4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins

drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute

Article 20f ndash Mesures de contrainte

1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de

contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes

sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et

des perquisitions opeacutereacutees

2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre

exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les

objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande

drsquoeacutechange de renseignements

3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps

le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La

mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration

feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant

4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes

Article 20l ndash Demande sans indications personnelles

1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications

personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave

identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse

habiliteacutee agrave recevoir des notifications

2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes

concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune

demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en

Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications

3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave

lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave

recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen

deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement

ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires

sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee

par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

18 ARREcircT GSB c SUISSE

4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la

Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains

5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des

notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave

lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la

publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo

C Pratique interne

39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions

sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner

certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher

lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe

de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres

les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001

du 6 feacutevrier 2002 cons 3)

EN DROIT

I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE

40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des

renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de

ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas

ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui

est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement

demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1

lettre c) de la Convention libelleacute comme suit

laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du

rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure

()

c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus

de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte

Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de

lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige

() raquo

ARREcircT GSB c SUISSE 19

41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la

Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement

drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une

information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du

droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de

lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il

nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]

no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004

9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre

2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va

de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au

cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation

expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le

requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur

lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di

Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et

autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)

42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une

radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la

Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis

mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des

informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour

nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la

Convention

43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du

Gouvernement

II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA

CONVENTION

44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires

comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par

lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son

domicile et de sa correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une

mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave

la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la

preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la

protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

45 Le Gouvernement conteste cette thegravese

20 ARREcircT GSB c SUISSE

A Sur la recevabiliteacute

46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas

en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece

47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au

sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs

agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Existence drsquoune ingeacuterence

48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les

dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave

la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences

dans sa vie priveacutee et sa correspondance

49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee

constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie

priveacutee au sens de lrsquoarticle 8

50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions

exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a

eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au

plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont

effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

(paragraphe 26 ci-dessus)

51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des

comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par

lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512

sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)

2 Justification de lrsquoingeacuterence

52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les

exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si

lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts

leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute

deacutemocratique raquo pour les atteindre

a) laquo Preacutevue par la loi raquo

i Les thegraveses des parties

α) Le requeacuterant

53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose

trois seacuteries drsquoarguments

ARREcircT GSB c SUISSE 21

Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas

eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse

pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de

droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece

Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral

(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par

lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de

lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment

de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son

adoption

54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute

nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient

drsquoapplication reacutetroactive

Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans

la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique

qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit

Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui

excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale

Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains

qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter

que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-

Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de

soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a

modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide

administrative internationale

55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision

rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers

des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le

1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le

parlement feacutedeacuteral

56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures

incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante

β) Le Gouvernement

57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement

soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait

pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de

lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35

ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos

drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des

dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre

exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 7: Affaire g.s.b. c. Suisse

6 ARREcircT GSB c SUISSE

administrative agrave lrsquoIRS et enjoindre agrave UBS SA de lui communiquer les

documents demandeacutes

22 Le 8 deacutecembre 2010 le requeacuterant forma un recours contre la

deacutecision du 4 novembre 2010 aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral Il

deacutenonccedilait en substance lrsquoabsence de base leacutegale des deacutecisions du

1er septembre 2009 et du 4 novembre 2010 ainsi que la violation de la

Convention et drsquoautres traiteacutes internationaux agrave travers notamment le

non-respect selon lui de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois du droit au

respect de sa vie priveacutee de la preacutesomption drsquoinnocence du principe de

lrsquoeacutegaliteacute et de la non-discrimination ou encore de son droit de se taire

2 Lrsquoarrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral (TAF) du 2 mars 2011

23 Statuant en tant que derniegravere instance nationale le Tribunal

administratif feacutedeacuteral rendit son arrecirct le 2 mars 2011

Il jugea tout drsquoabord en substance que la Convention 10 liait les

autoriteacutes suisses consideacuterant que celles-ci nrsquoavaient pas agrave veacuterifier sa

conformiteacute au droit feacutedeacuteral et aux conventions anteacuterieures

Se reacutefeacuterant ensuite agrave lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 (voir

paragraphe 18 ci-dessus) le Tribunal administratif feacutedeacuteral srsquoexprima

comme suit

laquo 32 La deacutecision du 1er septembre 2009 de lrsquoAFC agrave lrsquoeacutegard drsquoUBS SA ne porte

pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative Il srsquoagit simplement drsquoune deacutecision par

laquelle lrsquoautoriteacute infeacuterieure a requis drsquoUBS SA des renseignements au sens de

lrsquoarticle 20c alineacutea 3 CDI-US 96 Degraves lors il y a lieu drsquoadmettre que lrsquoAccord 09 en

relation avec la disposition preacuteciteacutee constituait une base leacutegale suffisante pour

permettre agrave lrsquoAFC de prendre une deacutecision agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA exigeant en

particulier que les dossiers complets des clients tombant sous lrsquoannexe agrave lrsquoAccord 09

lui soient fournis Dans ces conditions le grief du recourant est mal fondeacute

411 Dans lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 le Tribunal de ceacuteans

est arriveacute agrave la conclusion que la Convention 10 eacutetait contraignante pour les autoriteacutes

suisses Ni le droit interne ni la pratique interne des autoriteacutes ne permettaient drsquoy

deacuteroger Il a exposeacute que en vertu de lrsquoarticle 190 [de la Constitution] les autoriteacutes

eacutetaient tenues drsquoappliquer le droit international dont fait en particulier partie la

Convention 10 et que ndash en tout eacutetat de cause ndash la conformiteacute du droit international

avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales ne pouvait ecirctre examineacutee lorsque le

droit international eacutetait plus reacutecent Le Tribunal administratif feacutedeacuteral a ainsi admis

que la Convention 10 devait ecirctre appliqueacutee mecircme si elle eacutetait contraire agrave la

constitution feacutedeacuterale ou agrave des lois feacutedeacuterales (cf arrecirct du Tribunal administratif

feacutedeacuteral A-40132010 du 15 juillet 2010 consideacuterant 3 et les reacutefeacuterences citeacutees cf

eacutegalement arrecircts du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-70142010 du 3 feacutevrier 2011

consideacuterant 411 et les reacutefeacuterences citeacutees A-48352010 du 11 janvier 2011

consideacuterant 511 et A-60532010 du 10 janvier 2011 consideacuterant 21)

412 Concernant plus preacuteciseacutement la relation entre les diffeacuterentes conventions (la

Convention 10 la CDI-US 96 [en particulier son article 26] la CEDH [en particulier

son article 8] et le Pacte ONU II [en particulier son article 17]) il a indiqueacute qursquoelle

eacutetait deacutetermineacutee drsquoapregraves les seules regravegles de lrsquoarticle 30 de la convention de Vienne

sur le droit des traiteacutes du 23 mai 1969 (CV) et que le droit international ne

ARREcircT GSB c SUISSE 7

connaissait pas ndash agrave lrsquoexception de la preacuteeacuteminence du ius cogens ndash de hieacuterarchie

mateacuterielle Le Tribunal de ceacuteans a ainsi consideacutereacute que les regravegles de la Convention 10

primaient sur les autres dispositions de droit international y compris lrsquoarticle 8

CEDH et lrsquoarticle 17 Pacte ONU II ces deux derniegraveres dispositions ne contenant pas

de ius cogens Il a toutefois retenu que mecircme si lrsquoarticle 8 alineacutea 1 CEDH eacutetait

applicable les conditions prescrites agrave lrsquoarticle 8 alineacutea 2 CEDH qui permet de

restreindre le droit au respect de la vie priveacutee et familiale eacutetaient reacutealiseacutees La

Convention 10 eacutetait en effet une base juridique suffisante agrave la lumiegravere de la

jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme Les importants inteacuterecircts

eacuteconomiques de la Suisse ainsi que lrsquointeacuterecirct agrave pouvoir respecter les engagements

internationaux pris preacutevalaient en outre sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes

concerneacutees par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale ()

413 Le Tribunal de ceacuteans a eacutegalement exposeacute dans lrsquoarrecirct A-40132010 preacuteciteacute

que lrsquoarticle 7 alineacutea 1 CEDH (pas de peine sans loi) nrsquoeacutetait pas pertinent en matiegravere

de proceacutedure drsquoentraide administrative Cette disposition eacutetait exceptionnellement

applicable dans le cadre de la proceacutedure drsquoentraide suisse si la personne concerneacutee

par lrsquoentraide eacutetait menaceacutee dans lrsquoEacutetat requeacuterant par une proceacutedure violant

lrsquoarticle 7 CEDH () Or tel nrsquoeacutetait pas le cas en lrsquoespegravece ()

415 Le Tribunal de ceacuteans a aussi jugeacute que les parties agrave un accord international

eacutetaient libres de preacutevoir expresseacutement ou de maniegravere implicite son application

reacutetroactive () Des regravegles de proceacutedure pouvaient par ailleurs ecirctre appliqueacutees de

maniegravere reacutetroactive agrave des faits anteacuterieurs car lrsquointerdiction de la non-reacutetroactiviteacute ne

valait que pour le droit peacutenal mateacuteriel et non pas pour le droit de proceacutedure dont les

dispositions en matiegravere drsquoentraide administrative faisaient partie () Par ailleurs

les parties agrave la Convention 10 avaient voulu qualifier diffeacuteremment des faits qui

srsquoeacutetaient deacuterouleacutes anteacuterieurement agrave la signature de lrsquoAccord 09 ce qui eacutetait

communeacutement appeleacute laquo effet reacutetroactif raquo Cette volonteacute drsquoappliquer avec effet

reacutetroactif lrsquoAccord 09 ndash devenu la Convention 10 ndash ressortait clairement des critegraveres

pour accorder lrsquoentraide fixeacutes dans lrsquoannexe agrave la Convention 10 Bien que les parties

eussent preacuteciseacute agrave lrsquoarticle 8 de la Convention 10 que cette derniegravere entrerait en

vigueur au moment de sa signature elles avaient voulu cet effet reacutetroactif ()

417 En lrsquoespegravece il y a lieu de constater agrave la lumiegravere des arrecircts susdits que les

objections suivantes relatives agrave la validiteacute et agrave lrsquoapplicabiliteacute de la Convention 10

peuvent sans autre ecirctre eacutecarteacutees contradiction avec la CEDH et drsquoautres traiteacutes

internationaux violation du principe de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois

(cf article 7 CEDH et article 15 Pacte ONU II) ainsi que violation du droit au

respect de la sphegravere priveacutee (cf article 8 CEDH) De plus contrairement agrave lrsquoopinion

du recourant la Convention 10 est en lrsquooccurrence une base leacutegale suffisante pour

accorder lrsquoentraide et ce nonobstant la non-soumission au reacutefeacuterendum (facultatif)

Enfin mecircme si la Suisse ne pouvait ndash dans le cas preacutecis ndash obtenir les mecircmes

informations selon son propre droit elle reste lieacutee par ses engagements

internationaux et doit accorder lrsquoentraide lorsque les conditions sont remplies

42 Le recourant considegravere en outre que la Convention 10 violerait le principe de

lrsquoeacutegaliteacute et celui de non-discrimination en peacutenalisant uniquement une certaine

cateacutegorie de personnes crsquoest-agrave-dire les clients drsquoUBS SA La Convention 10 ne

srsquoappliquerait en effet qursquoaux clients drsquoUBS SA et non pas aux clients drsquoautres

banques Le recourant invoque les articles 8 Cst 14 CEDH 2 paragraphe 2 du

Pacte international du 16 deacutecembre 1966 relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et

culturels (Pacte ONU I RS 01031) ainsi que 2 paragraphe 1 et 26 Pacte ONU II

8 ARREcircT GSB c SUISSE

Comme exposeacute ci-avant le Tribunal de ceacuteans ne peut pas veacuterifier la conformiteacute de

la Convention 10 avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales Celle-lagrave prime en

outre les accords internationaux anteacuterieurs qui lui seraient contraires (cf consideacuterant

412 ci-avant) La Convention 10 doit degraves lors ecirctre appliqueacutee mecircme si elle instaure

un reacutegime juridique diffeacuterent pour les clients drsquoUBS SA par rapport agrave des clients

drsquoautres banques (cf arrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-71562010 du

17 janvier 2011 consideacuterant 521)

() raquo

24 Par ces motifs le Tribunal administratif feacutedeacuteral rejeta le recours du

requeacuterant

3 Deacuteveloppements ulteacuterieurs

25 Le 24 mars 2011 le requeacuterant forma un recours en matiegravere de droit

public devant le Tribunal feacutedeacuteral au motif que les consideacuterations de lrsquoarrecirct

attaqueacute seraient propres agrave lrsquoentraide peacutenale et non pertinentes en matiegravere

drsquoentraide administrative

Par un arrecirct du 11 avril 2011 celui-ci deacuteclara le recours irrecevable en

renvoyant essentiellement agrave un arrecirct du 20 deacutecembre 2010 (ATF 137 II 128)

selon lequel les recours dirigeacutes contre les deacutecisions de lrsquoAFC rendues en

application de la convention de double imposition et des accords ulteacuterieurs

passeacutes avec les Eacutetats-Unis relevaient bien de lrsquoentraide administrative

26 Le 14 deacutecembre 2012 les donneacutees bancaires concernant le requeacuterant

ont eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

27 Par une lettre du 14 juin 2013 la Cour a demandeacute au requeacuterant de

bien vouloir lui faire connaicirctre les deacuteveloppements ulteacuterieurs de lrsquoaffaire

et en particulier drsquoexposer succinctement en quoi consistaient les

conseacutequences ou sanctions peacutenales qursquoil aurait personnellement et

effectivement subies aux Eacutetats-Unis apregraves la divulgation des donneacutees

bancaires le concernant ordonneacutee par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions

28 Par une lettre du 7 aoucirct 2013 le requeacuterant a indiqueacute ne pas ecirctre alors

en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Par une autre lettre du 30 juin 2014 le requeacuterant preacutecisa que le controcircle

fiscal des autoriteacutes ameacutericaines eacutetait toujours en cours et qursquoil nrsquoavait pas

jusqursquoagrave ce moment-lagrave eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal

ARREcircT GSB c SUISSE 9

II LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX ET INTERNES

PERTINENTS

A Droit international

1 La Convention du 2 octobre 1996 entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en

vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere drsquoimpocircts sur le

revenu (laquo CDI-US 96 raquo)

29 Conclue le 2 octobre 1996 et approuveacutee par lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale le

10 octobre 1997 la CDI-US 96 est entreacutee en vigueur le 19 deacutecembre 1997

jour de lrsquoeacutechange des instruments de ratification

Sur la question de lrsquoeacutechange de renseignements pour preacutevenir les fraudes

et deacutelits semblables (laquo tax fraud or the like raquo1) il y est stipuleacute ce qui suit

laquo Article 26 ndash Eacutechange de renseignements

1 Les autoriteacutes compeacutetentes des Eacutetats contractants eacutechangent les renseignements

(que les leacutegislations fiscales des deux Eacutetats contractants permettent drsquoobtenir)

neacutecessaires pour appliquer les dispositions de la preacutesente Convention ou pour

preacutevenir les fraudes et deacutelits semblables portant sur un impocirct viseacute par la preacutesente

Convention Dans les cas de fraude fiscale (a) lrsquoeacutechange de renseignements nrsquoest

pas limiteacute par lrsquoarticle 1 (Personnes viseacutees) et (b) srsquoil est expresseacutement demandeacute par

lrsquoautoriteacute compeacutetente drsquoun Eacutetat contractant lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoautre Eacutetat

contractant fournira les renseignements conformeacutement au preacutesent article sous forme

de copie authentique des donneacutees ou documents originaux non modifieacutes Tout

renseignement reccedilu par un Eacutetat contractant doit ecirctre tenu secret de la mecircme maniegravere

que les renseignements obtenus en application de la leacutegislation fiscale de cet Eacutetat et

nrsquoest communiqueacute qursquoaux personnes ou autoriteacutes (y compris les tribunaux et

organes administratifs) concerneacutees par lrsquoeacutetablissement ou le recouvrement des

impocircts viseacutes par la Convention par lrsquoadministration et la mise en exeacutecution de ces

impocircts ou par les deacutecisions sur les recours relatifs agrave ces impocircts Ces personnes ou

autoriteacutes nrsquoutilisent ces renseignements qursquoagrave ces fins Il ne pourra pas ecirctre eacutechangeacute

de renseignements qui deacutevoileraient un secret commercial drsquoaffaires industriel ou

professionnel ou un proceacutedeacute commercial

2 Chaque Eacutetat contractant peut percevoir les impocircts leveacutes par lrsquoautre Eacutetat

contractant comme si ces impocircts eacutetaient les impocircts du premier Eacutetat afin drsquoassurer

que lrsquoexemption ou le taux reacuteduit drsquoimpocirct accordeacute par cet autre Eacutetat aux articles 10

(Dividendes) 11 (Inteacuterecircts) 12 (Redevances) et 18 (Pensions et rentes) de la preacutesente

Convention ne beacuteneacuteficie pas agrave des personnes qui nrsquoont pas droit agrave de tels avantages

3 Les dispositions du preacutesent article ne peuvent en aucun cas ecirctre interpreacuteteacutees

comme imposant agrave lrsquoun des Eacutetats contractants lrsquoobligation de prendre des mesures

administratives deacuterogeant agrave la reacuteglementation propre ou agrave la pratique administrative

de lrsquoun des Eacutetats contractants ou qui sont contraires agrave sa souveraineteacute agrave sa seacutecuriteacute

ou agrave lrsquoordre public ou de transmettre des indications qui ne peuvent ecirctre obtenues ni

sur la base de sa propre leacutegislation ni de celle de lrsquoEacutetat qui les demande

1 La convention est reacutedigeacutee en allemand et en anglais Le texte franccedilais ici reproduit est la

traduction qui en a eacuteteacute publieacutee au Recueil officiel (RO 1999 1460)

10 ARREcircT GSB c SUISSE

4 Les autoriteacutes compeacutetentes peuvent mettre agrave disposition de la commission

drsquoarbitrage eacutetablie selon le paragraphe 6 de lrsquoarticle 25 (Proceacutedure amiable) les

renseignements neacutecessaires pour exeacutecuter la proceacutedure drsquoarbitrage Les membres de

cette commission drsquoarbitrage sont astreints aux prescriptions sur le secret deacutecrites

dans le preacutesent article raquo

2 LrsquoAccord sur la demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave

UBS SA dans sa version consolideacutee (dit aussi laquo Convention 10 raquo)

30 La demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave UBS SA a fait

lrsquoobjet drsquoun accord bilateacuteral (laquo Accord entre la Confeacutedeacuteration suisse et les

Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique concernant la demande de renseignements de

lrsquoInternal Revenue Service des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique relative agrave la socieacuteteacute

de droit suisse UBS SA raquo) dit laquo Accord 09 raquo ulteacuterieurement suivi drsquoun

protocole modificatif (le laquo Protocole 10 raquo)

Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 le parlement suisse a approuveacute ces

deux instruments et autoriseacute le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier

La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 inteacutegrant le Protocole 10 est aussi

deacutesigneacutee sous le nom de laquo Convention 10 raquo La langue originale du texte

eacutetant lrsquoanglais la traduction franccedilaise qui en a eacuteteacute publieacutee se lit comme suit

(sans les notes de bas de page)

laquo La Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique

() sont convenus des dispositions suivantes en reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 26 de la

Convention

Article premier ndash Demande drsquoentraide administrative

1 La Confeacutedeacuteration suisse traite la demande drsquoentraide administrative des

Eacutetats-Unis concernant les clients ameacutericains drsquoUBS SA (ci-apregraves laquodemande

drsquoentraide administrativeraquo) selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe au preacutesent

Accord Se fondant sur lesdits critegraveres les Parties estiment que la demande

drsquoentraide administrative porte sur environ 4 450 comptes ouverts ou clos

2 La Confeacutedeacuteration suisse met sur pied une uniteacute opeacuterationnelle speacuteciale

permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC) dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative de rendre ses deacutecisions finales au sens de

lrsquoarticle 20j de lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la Convention de double

imposition ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 selon une proceacutedure acceacuteleacutereacutee Les

deacutelais sont les suivants

ndash les 500 premiegraveres deacutecisions doivent ecirctre rendues dans les 90 jours suivant la

reacuteception de la demande drsquoentraide administrative et

ndash les deacutecisions restantes sont traiteacutees en continu dans les 360 jours suivant la

reacuteception de ladite demande

3 Degraves reacuteception de la demande drsquoentraide administrative lrsquoAFC en informe UBS

SA Elle soutient en toute prioriteacute la proceacutedure preacutevue au preacutesent article en se

fondant sur les critegraveres eacutetablis en annexe Elle srsquoengage agrave traiter toutes les questions

qui pourraient survenir agrave cet eacutegard selon le meacutecanisme deacutefini agrave lrsquoarticle 5 du preacutesent

Accord

ARREcircT GSB c SUISSE 11

4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par

lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de

divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de

deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs

comptes

5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide

administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de

lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral

eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe

()

Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons

1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA

preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte

conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS

2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du

JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur

3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les

Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour

les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date

ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source

fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non

deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement

lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis

5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous

reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard

370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la

demande drsquoentraide administrative

Article 4 ndash Obligations drsquoUBS

1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer

agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants

ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas

ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes

respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et

ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants

2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer

drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire

12 ARREcircT GSB c SUISSE

3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de

surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par

UBS SA de ses engagements

Article 6 ndash Confidentialiteacute

Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave

15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen

Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent

Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien

nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les

critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires

de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces

critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe

Article 8 ndash Entreacutee en vigueur

Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature

Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation

Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par

eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent

En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs

gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord

Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo

3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)

31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres

permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune

demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont

rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits

semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont

deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit

ainsi

laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification

claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif

mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non

deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave

leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils

eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes

concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement

(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest

pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la

demande drsquoentraide administrative

Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition

geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide

administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes

ARREcircT GSB c SUISSE 13

A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee

entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de

comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur

de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont

commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou

B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit

eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et

2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou

deacutelits semblables raquo

2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le

cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention

sont les suivants

A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct

au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y

a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis

srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes

a () ou

b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave

lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements

conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation

des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable

domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins

trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et

(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs

en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins

couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le

revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre

de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees

sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)

4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et

du Protocole 10

32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de

lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est

la suivante dans la partie pertinente

laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas

violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code

peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain

elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee

imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien

avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la

proceacutedure peacutenale

()

Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires

opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs

(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40

14 ARREcircT GSB c SUISSE

des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis

(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS

auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux

Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte

preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS

aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux

au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et

des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la

maison megravere (UBS SA en Suisse)

Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance

aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur

bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via

le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi

des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas

drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont

les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit

interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs

deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute

la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de

comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La

deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en

accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace

pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement

deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe

par UBS SA

() raquo

5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes

33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969

(CV) sont libelleacutees comme suit

Article 26 ndash Pacta sunt servanda

laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi

Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes

Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant

la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46

Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes

Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte

ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou

une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date

ARREcircT GSB c SUISSE 15

Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence

pour conclure des traiteacutes

1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en

violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour

conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son

consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une

regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale

2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se

comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo

B Droit interne

1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999

34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit

Article 190 ndash Droit applicable

laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales

et le droit international raquo

35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon

geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de

demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum

Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif

laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le

demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont

soumis au vote du peuple

a ndash c ()

d les traiteacutes internationaux qui

1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables

2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale

3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont

la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo

2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale

36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo

il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre

la fraude fiscale et la soustraction fiscale

37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du

14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une

infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune

infraction de droit administratif (article 175)

16 ARREcircT GSB c SUISSE

3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention

ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition

38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante

lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de

soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)

laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines

Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente

en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun

examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande

Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la

convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement

remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient

en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de

lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de

la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26

paragraphe 1 3e phrase de la convention)

LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur

de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne

concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des

notifications

Article 20d ndash Obtention des renseignements

1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les

renseignements et prend une deacutecision finale

2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire

ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des

renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements

par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande

ameacutericaine

3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention

des renseignements

Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee

1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne

concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la

deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande

de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas

expresseacutement le maintien du secret

2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des

notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des

ARREcircT GSB c SUISSE 17

contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de

renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications

3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier

La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees

que

a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou

b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige

4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins

drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute

Article 20f ndash Mesures de contrainte

1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de

contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes

sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et

des perquisitions opeacutereacutees

2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre

exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les

objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande

drsquoeacutechange de renseignements

3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps

le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La

mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration

feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant

4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes

Article 20l ndash Demande sans indications personnelles

1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications

personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave

identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse

habiliteacutee agrave recevoir des notifications

2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes

concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune

demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en

Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications

3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave

lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave

recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen

deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement

ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires

sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee

par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

18 ARREcircT GSB c SUISSE

4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la

Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains

5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des

notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave

lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la

publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo

C Pratique interne

39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions

sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner

certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher

lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe

de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres

les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001

du 6 feacutevrier 2002 cons 3)

EN DROIT

I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE

40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des

renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de

ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas

ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui

est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement

demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1

lettre c) de la Convention libelleacute comme suit

laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du

rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure

()

c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus

de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte

Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de

lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige

() raquo

ARREcircT GSB c SUISSE 19

41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la

Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement

drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une

information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du

droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de

lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il

nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]

no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004

9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre

2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va

de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au

cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation

expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le

requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur

lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di

Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et

autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)

42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une

radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la

Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis

mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des

informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour

nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la

Convention

43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du

Gouvernement

II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA

CONVENTION

44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires

comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par

lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son

domicile et de sa correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une

mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave

la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la

preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la

protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

45 Le Gouvernement conteste cette thegravese

20 ARREcircT GSB c SUISSE

A Sur la recevabiliteacute

46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas

en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece

47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au

sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs

agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Existence drsquoune ingeacuterence

48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les

dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave

la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences

dans sa vie priveacutee et sa correspondance

49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee

constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie

priveacutee au sens de lrsquoarticle 8

50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions

exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a

eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au

plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont

effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

(paragraphe 26 ci-dessus)

51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des

comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par

lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512

sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)

2 Justification de lrsquoingeacuterence

52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les

exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si

lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts

leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute

deacutemocratique raquo pour les atteindre

a) laquo Preacutevue par la loi raquo

i Les thegraveses des parties

α) Le requeacuterant

53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose

trois seacuteries drsquoarguments

ARREcircT GSB c SUISSE 21

Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas

eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse

pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de

droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece

Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral

(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par

lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de

lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment

de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son

adoption

54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute

nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient

drsquoapplication reacutetroactive

Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans

la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique

qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit

Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui

excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale

Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains

qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter

que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-

Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de

soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a

modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide

administrative internationale

55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision

rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers

des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le

1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le

parlement feacutedeacuteral

56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures

incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante

β) Le Gouvernement

57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement

soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait

pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de

lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35

ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos

drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des

dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre

exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 8: Affaire g.s.b. c. Suisse

ARREcircT GSB c SUISSE 7

connaissait pas ndash agrave lrsquoexception de la preacuteeacuteminence du ius cogens ndash de hieacuterarchie

mateacuterielle Le Tribunal de ceacuteans a ainsi consideacutereacute que les regravegles de la Convention 10

primaient sur les autres dispositions de droit international y compris lrsquoarticle 8

CEDH et lrsquoarticle 17 Pacte ONU II ces deux derniegraveres dispositions ne contenant pas

de ius cogens Il a toutefois retenu que mecircme si lrsquoarticle 8 alineacutea 1 CEDH eacutetait

applicable les conditions prescrites agrave lrsquoarticle 8 alineacutea 2 CEDH qui permet de

restreindre le droit au respect de la vie priveacutee et familiale eacutetaient reacutealiseacutees La

Convention 10 eacutetait en effet une base juridique suffisante agrave la lumiegravere de la

jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme Les importants inteacuterecircts

eacuteconomiques de la Suisse ainsi que lrsquointeacuterecirct agrave pouvoir respecter les engagements

internationaux pris preacutevalaient en outre sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes

concerneacutees par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale ()

413 Le Tribunal de ceacuteans a eacutegalement exposeacute dans lrsquoarrecirct A-40132010 preacuteciteacute

que lrsquoarticle 7 alineacutea 1 CEDH (pas de peine sans loi) nrsquoeacutetait pas pertinent en matiegravere

de proceacutedure drsquoentraide administrative Cette disposition eacutetait exceptionnellement

applicable dans le cadre de la proceacutedure drsquoentraide suisse si la personne concerneacutee

par lrsquoentraide eacutetait menaceacutee dans lrsquoEacutetat requeacuterant par une proceacutedure violant

lrsquoarticle 7 CEDH () Or tel nrsquoeacutetait pas le cas en lrsquoespegravece ()

415 Le Tribunal de ceacuteans a aussi jugeacute que les parties agrave un accord international

eacutetaient libres de preacutevoir expresseacutement ou de maniegravere implicite son application

reacutetroactive () Des regravegles de proceacutedure pouvaient par ailleurs ecirctre appliqueacutees de

maniegravere reacutetroactive agrave des faits anteacuterieurs car lrsquointerdiction de la non-reacutetroactiviteacute ne

valait que pour le droit peacutenal mateacuteriel et non pas pour le droit de proceacutedure dont les

dispositions en matiegravere drsquoentraide administrative faisaient partie () Par ailleurs

les parties agrave la Convention 10 avaient voulu qualifier diffeacuteremment des faits qui

srsquoeacutetaient deacuterouleacutes anteacuterieurement agrave la signature de lrsquoAccord 09 ce qui eacutetait

communeacutement appeleacute laquo effet reacutetroactif raquo Cette volonteacute drsquoappliquer avec effet

reacutetroactif lrsquoAccord 09 ndash devenu la Convention 10 ndash ressortait clairement des critegraveres

pour accorder lrsquoentraide fixeacutes dans lrsquoannexe agrave la Convention 10 Bien que les parties

eussent preacuteciseacute agrave lrsquoarticle 8 de la Convention 10 que cette derniegravere entrerait en

vigueur au moment de sa signature elles avaient voulu cet effet reacutetroactif ()

417 En lrsquoespegravece il y a lieu de constater agrave la lumiegravere des arrecircts susdits que les

objections suivantes relatives agrave la validiteacute et agrave lrsquoapplicabiliteacute de la Convention 10

peuvent sans autre ecirctre eacutecarteacutees contradiction avec la CEDH et drsquoautres traiteacutes

internationaux violation du principe de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois

(cf article 7 CEDH et article 15 Pacte ONU II) ainsi que violation du droit au

respect de la sphegravere priveacutee (cf article 8 CEDH) De plus contrairement agrave lrsquoopinion

du recourant la Convention 10 est en lrsquooccurrence une base leacutegale suffisante pour

accorder lrsquoentraide et ce nonobstant la non-soumission au reacutefeacuterendum (facultatif)

Enfin mecircme si la Suisse ne pouvait ndash dans le cas preacutecis ndash obtenir les mecircmes

informations selon son propre droit elle reste lieacutee par ses engagements

internationaux et doit accorder lrsquoentraide lorsque les conditions sont remplies

42 Le recourant considegravere en outre que la Convention 10 violerait le principe de

lrsquoeacutegaliteacute et celui de non-discrimination en peacutenalisant uniquement une certaine

cateacutegorie de personnes crsquoest-agrave-dire les clients drsquoUBS SA La Convention 10 ne

srsquoappliquerait en effet qursquoaux clients drsquoUBS SA et non pas aux clients drsquoautres

banques Le recourant invoque les articles 8 Cst 14 CEDH 2 paragraphe 2 du

Pacte international du 16 deacutecembre 1966 relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et

culturels (Pacte ONU I RS 01031) ainsi que 2 paragraphe 1 et 26 Pacte ONU II

8 ARREcircT GSB c SUISSE

Comme exposeacute ci-avant le Tribunal de ceacuteans ne peut pas veacuterifier la conformiteacute de

la Convention 10 avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales Celle-lagrave prime en

outre les accords internationaux anteacuterieurs qui lui seraient contraires (cf consideacuterant

412 ci-avant) La Convention 10 doit degraves lors ecirctre appliqueacutee mecircme si elle instaure

un reacutegime juridique diffeacuterent pour les clients drsquoUBS SA par rapport agrave des clients

drsquoautres banques (cf arrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-71562010 du

17 janvier 2011 consideacuterant 521)

() raquo

24 Par ces motifs le Tribunal administratif feacutedeacuteral rejeta le recours du

requeacuterant

3 Deacuteveloppements ulteacuterieurs

25 Le 24 mars 2011 le requeacuterant forma un recours en matiegravere de droit

public devant le Tribunal feacutedeacuteral au motif que les consideacuterations de lrsquoarrecirct

attaqueacute seraient propres agrave lrsquoentraide peacutenale et non pertinentes en matiegravere

drsquoentraide administrative

Par un arrecirct du 11 avril 2011 celui-ci deacuteclara le recours irrecevable en

renvoyant essentiellement agrave un arrecirct du 20 deacutecembre 2010 (ATF 137 II 128)

selon lequel les recours dirigeacutes contre les deacutecisions de lrsquoAFC rendues en

application de la convention de double imposition et des accords ulteacuterieurs

passeacutes avec les Eacutetats-Unis relevaient bien de lrsquoentraide administrative

26 Le 14 deacutecembre 2012 les donneacutees bancaires concernant le requeacuterant

ont eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

27 Par une lettre du 14 juin 2013 la Cour a demandeacute au requeacuterant de

bien vouloir lui faire connaicirctre les deacuteveloppements ulteacuterieurs de lrsquoaffaire

et en particulier drsquoexposer succinctement en quoi consistaient les

conseacutequences ou sanctions peacutenales qursquoil aurait personnellement et

effectivement subies aux Eacutetats-Unis apregraves la divulgation des donneacutees

bancaires le concernant ordonneacutee par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions

28 Par une lettre du 7 aoucirct 2013 le requeacuterant a indiqueacute ne pas ecirctre alors

en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Par une autre lettre du 30 juin 2014 le requeacuterant preacutecisa que le controcircle

fiscal des autoriteacutes ameacutericaines eacutetait toujours en cours et qursquoil nrsquoavait pas

jusqursquoagrave ce moment-lagrave eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal

ARREcircT GSB c SUISSE 9

II LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX ET INTERNES

PERTINENTS

A Droit international

1 La Convention du 2 octobre 1996 entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en

vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere drsquoimpocircts sur le

revenu (laquo CDI-US 96 raquo)

29 Conclue le 2 octobre 1996 et approuveacutee par lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale le

10 octobre 1997 la CDI-US 96 est entreacutee en vigueur le 19 deacutecembre 1997

jour de lrsquoeacutechange des instruments de ratification

Sur la question de lrsquoeacutechange de renseignements pour preacutevenir les fraudes

et deacutelits semblables (laquo tax fraud or the like raquo1) il y est stipuleacute ce qui suit

laquo Article 26 ndash Eacutechange de renseignements

1 Les autoriteacutes compeacutetentes des Eacutetats contractants eacutechangent les renseignements

(que les leacutegislations fiscales des deux Eacutetats contractants permettent drsquoobtenir)

neacutecessaires pour appliquer les dispositions de la preacutesente Convention ou pour

preacutevenir les fraudes et deacutelits semblables portant sur un impocirct viseacute par la preacutesente

Convention Dans les cas de fraude fiscale (a) lrsquoeacutechange de renseignements nrsquoest

pas limiteacute par lrsquoarticle 1 (Personnes viseacutees) et (b) srsquoil est expresseacutement demandeacute par

lrsquoautoriteacute compeacutetente drsquoun Eacutetat contractant lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoautre Eacutetat

contractant fournira les renseignements conformeacutement au preacutesent article sous forme

de copie authentique des donneacutees ou documents originaux non modifieacutes Tout

renseignement reccedilu par un Eacutetat contractant doit ecirctre tenu secret de la mecircme maniegravere

que les renseignements obtenus en application de la leacutegislation fiscale de cet Eacutetat et

nrsquoest communiqueacute qursquoaux personnes ou autoriteacutes (y compris les tribunaux et

organes administratifs) concerneacutees par lrsquoeacutetablissement ou le recouvrement des

impocircts viseacutes par la Convention par lrsquoadministration et la mise en exeacutecution de ces

impocircts ou par les deacutecisions sur les recours relatifs agrave ces impocircts Ces personnes ou

autoriteacutes nrsquoutilisent ces renseignements qursquoagrave ces fins Il ne pourra pas ecirctre eacutechangeacute

de renseignements qui deacutevoileraient un secret commercial drsquoaffaires industriel ou

professionnel ou un proceacutedeacute commercial

2 Chaque Eacutetat contractant peut percevoir les impocircts leveacutes par lrsquoautre Eacutetat

contractant comme si ces impocircts eacutetaient les impocircts du premier Eacutetat afin drsquoassurer

que lrsquoexemption ou le taux reacuteduit drsquoimpocirct accordeacute par cet autre Eacutetat aux articles 10

(Dividendes) 11 (Inteacuterecircts) 12 (Redevances) et 18 (Pensions et rentes) de la preacutesente

Convention ne beacuteneacuteficie pas agrave des personnes qui nrsquoont pas droit agrave de tels avantages

3 Les dispositions du preacutesent article ne peuvent en aucun cas ecirctre interpreacuteteacutees

comme imposant agrave lrsquoun des Eacutetats contractants lrsquoobligation de prendre des mesures

administratives deacuterogeant agrave la reacuteglementation propre ou agrave la pratique administrative

de lrsquoun des Eacutetats contractants ou qui sont contraires agrave sa souveraineteacute agrave sa seacutecuriteacute

ou agrave lrsquoordre public ou de transmettre des indications qui ne peuvent ecirctre obtenues ni

sur la base de sa propre leacutegislation ni de celle de lrsquoEacutetat qui les demande

1 La convention est reacutedigeacutee en allemand et en anglais Le texte franccedilais ici reproduit est la

traduction qui en a eacuteteacute publieacutee au Recueil officiel (RO 1999 1460)

10 ARREcircT GSB c SUISSE

4 Les autoriteacutes compeacutetentes peuvent mettre agrave disposition de la commission

drsquoarbitrage eacutetablie selon le paragraphe 6 de lrsquoarticle 25 (Proceacutedure amiable) les

renseignements neacutecessaires pour exeacutecuter la proceacutedure drsquoarbitrage Les membres de

cette commission drsquoarbitrage sont astreints aux prescriptions sur le secret deacutecrites

dans le preacutesent article raquo

2 LrsquoAccord sur la demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave

UBS SA dans sa version consolideacutee (dit aussi laquo Convention 10 raquo)

30 La demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave UBS SA a fait

lrsquoobjet drsquoun accord bilateacuteral (laquo Accord entre la Confeacutedeacuteration suisse et les

Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique concernant la demande de renseignements de

lrsquoInternal Revenue Service des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique relative agrave la socieacuteteacute

de droit suisse UBS SA raquo) dit laquo Accord 09 raquo ulteacuterieurement suivi drsquoun

protocole modificatif (le laquo Protocole 10 raquo)

Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 le parlement suisse a approuveacute ces

deux instruments et autoriseacute le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier

La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 inteacutegrant le Protocole 10 est aussi

deacutesigneacutee sous le nom de laquo Convention 10 raquo La langue originale du texte

eacutetant lrsquoanglais la traduction franccedilaise qui en a eacuteteacute publieacutee se lit comme suit

(sans les notes de bas de page)

laquo La Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique

() sont convenus des dispositions suivantes en reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 26 de la

Convention

Article premier ndash Demande drsquoentraide administrative

1 La Confeacutedeacuteration suisse traite la demande drsquoentraide administrative des

Eacutetats-Unis concernant les clients ameacutericains drsquoUBS SA (ci-apregraves laquodemande

drsquoentraide administrativeraquo) selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe au preacutesent

Accord Se fondant sur lesdits critegraveres les Parties estiment que la demande

drsquoentraide administrative porte sur environ 4 450 comptes ouverts ou clos

2 La Confeacutedeacuteration suisse met sur pied une uniteacute opeacuterationnelle speacuteciale

permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC) dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative de rendre ses deacutecisions finales au sens de

lrsquoarticle 20j de lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la Convention de double

imposition ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 selon une proceacutedure acceacuteleacutereacutee Les

deacutelais sont les suivants

ndash les 500 premiegraveres deacutecisions doivent ecirctre rendues dans les 90 jours suivant la

reacuteception de la demande drsquoentraide administrative et

ndash les deacutecisions restantes sont traiteacutees en continu dans les 360 jours suivant la

reacuteception de ladite demande

3 Degraves reacuteception de la demande drsquoentraide administrative lrsquoAFC en informe UBS

SA Elle soutient en toute prioriteacute la proceacutedure preacutevue au preacutesent article en se

fondant sur les critegraveres eacutetablis en annexe Elle srsquoengage agrave traiter toutes les questions

qui pourraient survenir agrave cet eacutegard selon le meacutecanisme deacutefini agrave lrsquoarticle 5 du preacutesent

Accord

ARREcircT GSB c SUISSE 11

4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par

lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de

divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de

deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs

comptes

5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide

administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de

lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral

eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe

()

Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons

1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA

preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte

conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS

2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du

JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur

3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les

Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour

les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date

ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source

fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non

deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement

lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis

5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous

reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard

370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la

demande drsquoentraide administrative

Article 4 ndash Obligations drsquoUBS

1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer

agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants

ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas

ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes

respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et

ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants

2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer

drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire

12 ARREcircT GSB c SUISSE

3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de

surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par

UBS SA de ses engagements

Article 6 ndash Confidentialiteacute

Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave

15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen

Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent

Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien

nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les

critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires

de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces

critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe

Article 8 ndash Entreacutee en vigueur

Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature

Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation

Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par

eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent

En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs

gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord

Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo

3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)

31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres

permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune

demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont

rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits

semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont

deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit

ainsi

laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification

claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif

mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non

deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave

leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils

eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes

concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement

(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest

pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la

demande drsquoentraide administrative

Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition

geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide

administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes

ARREcircT GSB c SUISSE 13

A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee

entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de

comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur

de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont

commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou

B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit

eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et

2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou

deacutelits semblables raquo

2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le

cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention

sont les suivants

A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct

au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y

a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis

srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes

a () ou

b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave

lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements

conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation

des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable

domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins

trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et

(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs

en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins

couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le

revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre

de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees

sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)

4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et

du Protocole 10

32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de

lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est

la suivante dans la partie pertinente

laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas

violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code

peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain

elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee

imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien

avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la

proceacutedure peacutenale

()

Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires

opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs

(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40

14 ARREcircT GSB c SUISSE

des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis

(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS

auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux

Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte

preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS

aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux

au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et

des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la

maison megravere (UBS SA en Suisse)

Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance

aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur

bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via

le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi

des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas

drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont

les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit

interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs

deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute

la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de

comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La

deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en

accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace

pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement

deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe

par UBS SA

() raquo

5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes

33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969

(CV) sont libelleacutees comme suit

Article 26 ndash Pacta sunt servanda

laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi

Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes

Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant

la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46

Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes

Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte

ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou

une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date

ARREcircT GSB c SUISSE 15

Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence

pour conclure des traiteacutes

1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en

violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour

conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son

consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une

regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale

2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se

comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo

B Droit interne

1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999

34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit

Article 190 ndash Droit applicable

laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales

et le droit international raquo

35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon

geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de

demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum

Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif

laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le

demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont

soumis au vote du peuple

a ndash c ()

d les traiteacutes internationaux qui

1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables

2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale

3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont

la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo

2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale

36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo

il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre

la fraude fiscale et la soustraction fiscale

37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du

14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une

infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune

infraction de droit administratif (article 175)

16 ARREcircT GSB c SUISSE

3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention

ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition

38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante

lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de

soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)

laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines

Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente

en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun

examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande

Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la

convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement

remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient

en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de

lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de

la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26

paragraphe 1 3e phrase de la convention)

LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur

de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne

concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des

notifications

Article 20d ndash Obtention des renseignements

1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les

renseignements et prend une deacutecision finale

2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire

ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des

renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements

par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande

ameacutericaine

3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention

des renseignements

Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee

1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne

concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la

deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande

de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas

expresseacutement le maintien du secret

2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des

notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des

ARREcircT GSB c SUISSE 17

contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de

renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications

3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier

La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees

que

a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou

b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige

4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins

drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute

Article 20f ndash Mesures de contrainte

1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de

contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes

sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et

des perquisitions opeacutereacutees

2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre

exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les

objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande

drsquoeacutechange de renseignements

3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps

le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La

mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration

feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant

4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes

Article 20l ndash Demande sans indications personnelles

1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications

personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave

identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse

habiliteacutee agrave recevoir des notifications

2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes

concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune

demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en

Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications

3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave

lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave

recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen

deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement

ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires

sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee

par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

18 ARREcircT GSB c SUISSE

4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la

Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains

5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des

notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave

lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la

publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo

C Pratique interne

39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions

sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner

certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher

lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe

de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres

les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001

du 6 feacutevrier 2002 cons 3)

EN DROIT

I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE

40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des

renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de

ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas

ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui

est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement

demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1

lettre c) de la Convention libelleacute comme suit

laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du

rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure

()

c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus

de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte

Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de

lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige

() raquo

ARREcircT GSB c SUISSE 19

41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la

Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement

drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une

information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du

droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de

lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il

nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]

no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004

9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre

2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va

de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au

cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation

expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le

requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur

lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di

Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et

autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)

42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une

radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la

Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis

mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des

informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour

nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la

Convention

43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du

Gouvernement

II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA

CONVENTION

44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires

comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par

lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son

domicile et de sa correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une

mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave

la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la

preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la

protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

45 Le Gouvernement conteste cette thegravese

20 ARREcircT GSB c SUISSE

A Sur la recevabiliteacute

46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas

en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece

47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au

sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs

agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Existence drsquoune ingeacuterence

48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les

dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave

la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences

dans sa vie priveacutee et sa correspondance

49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee

constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie

priveacutee au sens de lrsquoarticle 8

50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions

exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a

eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au

plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont

effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

(paragraphe 26 ci-dessus)

51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des

comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par

lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512

sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)

2 Justification de lrsquoingeacuterence

52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les

exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si

lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts

leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute

deacutemocratique raquo pour les atteindre

a) laquo Preacutevue par la loi raquo

i Les thegraveses des parties

α) Le requeacuterant

53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose

trois seacuteries drsquoarguments

ARREcircT GSB c SUISSE 21

Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas

eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse

pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de

droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece

Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral

(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par

lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de

lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment

de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son

adoption

54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute

nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient

drsquoapplication reacutetroactive

Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans

la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique

qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit

Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui

excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale

Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains

qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter

que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-

Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de

soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a

modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide

administrative internationale

55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision

rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers

des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le

1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le

parlement feacutedeacuteral

56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures

incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante

β) Le Gouvernement

57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement

soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait

pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de

lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35

ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos

drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des

dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre

exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 9: Affaire g.s.b. c. Suisse

8 ARREcircT GSB c SUISSE

Comme exposeacute ci-avant le Tribunal de ceacuteans ne peut pas veacuterifier la conformiteacute de

la Convention 10 avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales Celle-lagrave prime en

outre les accords internationaux anteacuterieurs qui lui seraient contraires (cf consideacuterant

412 ci-avant) La Convention 10 doit degraves lors ecirctre appliqueacutee mecircme si elle instaure

un reacutegime juridique diffeacuterent pour les clients drsquoUBS SA par rapport agrave des clients

drsquoautres banques (cf arrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-71562010 du

17 janvier 2011 consideacuterant 521)

() raquo

24 Par ces motifs le Tribunal administratif feacutedeacuteral rejeta le recours du

requeacuterant

3 Deacuteveloppements ulteacuterieurs

25 Le 24 mars 2011 le requeacuterant forma un recours en matiegravere de droit

public devant le Tribunal feacutedeacuteral au motif que les consideacuterations de lrsquoarrecirct

attaqueacute seraient propres agrave lrsquoentraide peacutenale et non pertinentes en matiegravere

drsquoentraide administrative

Par un arrecirct du 11 avril 2011 celui-ci deacuteclara le recours irrecevable en

renvoyant essentiellement agrave un arrecirct du 20 deacutecembre 2010 (ATF 137 II 128)

selon lequel les recours dirigeacutes contre les deacutecisions de lrsquoAFC rendues en

application de la convention de double imposition et des accords ulteacuterieurs

passeacutes avec les Eacutetats-Unis relevaient bien de lrsquoentraide administrative

26 Le 14 deacutecembre 2012 les donneacutees bancaires concernant le requeacuterant

ont eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

27 Par une lettre du 14 juin 2013 la Cour a demandeacute au requeacuterant de

bien vouloir lui faire connaicirctre les deacuteveloppements ulteacuterieurs de lrsquoaffaire

et en particulier drsquoexposer succinctement en quoi consistaient les

conseacutequences ou sanctions peacutenales qursquoil aurait personnellement et

effectivement subies aux Eacutetats-Unis apregraves la divulgation des donneacutees

bancaires le concernant ordonneacutee par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions

28 Par une lettre du 7 aoucirct 2013 le requeacuterant a indiqueacute ne pas ecirctre alors

en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Par une autre lettre du 30 juin 2014 le requeacuterant preacutecisa que le controcircle

fiscal des autoriteacutes ameacutericaines eacutetait toujours en cours et qursquoil nrsquoavait pas

jusqursquoagrave ce moment-lagrave eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal

ARREcircT GSB c SUISSE 9

II LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX ET INTERNES

PERTINENTS

A Droit international

1 La Convention du 2 octobre 1996 entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en

vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere drsquoimpocircts sur le

revenu (laquo CDI-US 96 raquo)

29 Conclue le 2 octobre 1996 et approuveacutee par lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale le

10 octobre 1997 la CDI-US 96 est entreacutee en vigueur le 19 deacutecembre 1997

jour de lrsquoeacutechange des instruments de ratification

Sur la question de lrsquoeacutechange de renseignements pour preacutevenir les fraudes

et deacutelits semblables (laquo tax fraud or the like raquo1) il y est stipuleacute ce qui suit

laquo Article 26 ndash Eacutechange de renseignements

1 Les autoriteacutes compeacutetentes des Eacutetats contractants eacutechangent les renseignements

(que les leacutegislations fiscales des deux Eacutetats contractants permettent drsquoobtenir)

neacutecessaires pour appliquer les dispositions de la preacutesente Convention ou pour

preacutevenir les fraudes et deacutelits semblables portant sur un impocirct viseacute par la preacutesente

Convention Dans les cas de fraude fiscale (a) lrsquoeacutechange de renseignements nrsquoest

pas limiteacute par lrsquoarticle 1 (Personnes viseacutees) et (b) srsquoil est expresseacutement demandeacute par

lrsquoautoriteacute compeacutetente drsquoun Eacutetat contractant lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoautre Eacutetat

contractant fournira les renseignements conformeacutement au preacutesent article sous forme

de copie authentique des donneacutees ou documents originaux non modifieacutes Tout

renseignement reccedilu par un Eacutetat contractant doit ecirctre tenu secret de la mecircme maniegravere

que les renseignements obtenus en application de la leacutegislation fiscale de cet Eacutetat et

nrsquoest communiqueacute qursquoaux personnes ou autoriteacutes (y compris les tribunaux et

organes administratifs) concerneacutees par lrsquoeacutetablissement ou le recouvrement des

impocircts viseacutes par la Convention par lrsquoadministration et la mise en exeacutecution de ces

impocircts ou par les deacutecisions sur les recours relatifs agrave ces impocircts Ces personnes ou

autoriteacutes nrsquoutilisent ces renseignements qursquoagrave ces fins Il ne pourra pas ecirctre eacutechangeacute

de renseignements qui deacutevoileraient un secret commercial drsquoaffaires industriel ou

professionnel ou un proceacutedeacute commercial

2 Chaque Eacutetat contractant peut percevoir les impocircts leveacutes par lrsquoautre Eacutetat

contractant comme si ces impocircts eacutetaient les impocircts du premier Eacutetat afin drsquoassurer

que lrsquoexemption ou le taux reacuteduit drsquoimpocirct accordeacute par cet autre Eacutetat aux articles 10

(Dividendes) 11 (Inteacuterecircts) 12 (Redevances) et 18 (Pensions et rentes) de la preacutesente

Convention ne beacuteneacuteficie pas agrave des personnes qui nrsquoont pas droit agrave de tels avantages

3 Les dispositions du preacutesent article ne peuvent en aucun cas ecirctre interpreacuteteacutees

comme imposant agrave lrsquoun des Eacutetats contractants lrsquoobligation de prendre des mesures

administratives deacuterogeant agrave la reacuteglementation propre ou agrave la pratique administrative

de lrsquoun des Eacutetats contractants ou qui sont contraires agrave sa souveraineteacute agrave sa seacutecuriteacute

ou agrave lrsquoordre public ou de transmettre des indications qui ne peuvent ecirctre obtenues ni

sur la base de sa propre leacutegislation ni de celle de lrsquoEacutetat qui les demande

1 La convention est reacutedigeacutee en allemand et en anglais Le texte franccedilais ici reproduit est la

traduction qui en a eacuteteacute publieacutee au Recueil officiel (RO 1999 1460)

10 ARREcircT GSB c SUISSE

4 Les autoriteacutes compeacutetentes peuvent mettre agrave disposition de la commission

drsquoarbitrage eacutetablie selon le paragraphe 6 de lrsquoarticle 25 (Proceacutedure amiable) les

renseignements neacutecessaires pour exeacutecuter la proceacutedure drsquoarbitrage Les membres de

cette commission drsquoarbitrage sont astreints aux prescriptions sur le secret deacutecrites

dans le preacutesent article raquo

2 LrsquoAccord sur la demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave

UBS SA dans sa version consolideacutee (dit aussi laquo Convention 10 raquo)

30 La demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave UBS SA a fait

lrsquoobjet drsquoun accord bilateacuteral (laquo Accord entre la Confeacutedeacuteration suisse et les

Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique concernant la demande de renseignements de

lrsquoInternal Revenue Service des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique relative agrave la socieacuteteacute

de droit suisse UBS SA raquo) dit laquo Accord 09 raquo ulteacuterieurement suivi drsquoun

protocole modificatif (le laquo Protocole 10 raquo)

Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 le parlement suisse a approuveacute ces

deux instruments et autoriseacute le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier

La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 inteacutegrant le Protocole 10 est aussi

deacutesigneacutee sous le nom de laquo Convention 10 raquo La langue originale du texte

eacutetant lrsquoanglais la traduction franccedilaise qui en a eacuteteacute publieacutee se lit comme suit

(sans les notes de bas de page)

laquo La Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique

() sont convenus des dispositions suivantes en reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 26 de la

Convention

Article premier ndash Demande drsquoentraide administrative

1 La Confeacutedeacuteration suisse traite la demande drsquoentraide administrative des

Eacutetats-Unis concernant les clients ameacutericains drsquoUBS SA (ci-apregraves laquodemande

drsquoentraide administrativeraquo) selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe au preacutesent

Accord Se fondant sur lesdits critegraveres les Parties estiment que la demande

drsquoentraide administrative porte sur environ 4 450 comptes ouverts ou clos

2 La Confeacutedeacuteration suisse met sur pied une uniteacute opeacuterationnelle speacuteciale

permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC) dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative de rendre ses deacutecisions finales au sens de

lrsquoarticle 20j de lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la Convention de double

imposition ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 selon une proceacutedure acceacuteleacutereacutee Les

deacutelais sont les suivants

ndash les 500 premiegraveres deacutecisions doivent ecirctre rendues dans les 90 jours suivant la

reacuteception de la demande drsquoentraide administrative et

ndash les deacutecisions restantes sont traiteacutees en continu dans les 360 jours suivant la

reacuteception de ladite demande

3 Degraves reacuteception de la demande drsquoentraide administrative lrsquoAFC en informe UBS

SA Elle soutient en toute prioriteacute la proceacutedure preacutevue au preacutesent article en se

fondant sur les critegraveres eacutetablis en annexe Elle srsquoengage agrave traiter toutes les questions

qui pourraient survenir agrave cet eacutegard selon le meacutecanisme deacutefini agrave lrsquoarticle 5 du preacutesent

Accord

ARREcircT GSB c SUISSE 11

4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par

lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de

divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de

deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs

comptes

5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide

administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de

lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral

eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe

()

Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons

1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA

preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte

conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS

2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du

JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur

3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les

Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour

les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date

ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source

fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non

deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement

lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis

5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous

reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard

370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la

demande drsquoentraide administrative

Article 4 ndash Obligations drsquoUBS

1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer

agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants

ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas

ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes

respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et

ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants

2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer

drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire

12 ARREcircT GSB c SUISSE

3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de

surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par

UBS SA de ses engagements

Article 6 ndash Confidentialiteacute

Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave

15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen

Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent

Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien

nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les

critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires

de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces

critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe

Article 8 ndash Entreacutee en vigueur

Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature

Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation

Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par

eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent

En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs

gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord

Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo

3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)

31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres

permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune

demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont

rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits

semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont

deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit

ainsi

laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification

claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif

mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non

deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave

leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils

eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes

concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement

(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest

pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la

demande drsquoentraide administrative

Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition

geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide

administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes

ARREcircT GSB c SUISSE 13

A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee

entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de

comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur

de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont

commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou

B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit

eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et

2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou

deacutelits semblables raquo

2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le

cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention

sont les suivants

A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct

au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y

a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis

srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes

a () ou

b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave

lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements

conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation

des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable

domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins

trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et

(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs

en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins

couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le

revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre

de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees

sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)

4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et

du Protocole 10

32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de

lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est

la suivante dans la partie pertinente

laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas

violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code

peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain

elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee

imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien

avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la

proceacutedure peacutenale

()

Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires

opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs

(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40

14 ARREcircT GSB c SUISSE

des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis

(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS

auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux

Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte

preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS

aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux

au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et

des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la

maison megravere (UBS SA en Suisse)

Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance

aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur

bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via

le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi

des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas

drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont

les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit

interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs

deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute

la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de

comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La

deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en

accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace

pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement

deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe

par UBS SA

() raquo

5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes

33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969

(CV) sont libelleacutees comme suit

Article 26 ndash Pacta sunt servanda

laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi

Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes

Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant

la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46

Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes

Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte

ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou

une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date

ARREcircT GSB c SUISSE 15

Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence

pour conclure des traiteacutes

1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en

violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour

conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son

consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une

regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale

2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se

comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo

B Droit interne

1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999

34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit

Article 190 ndash Droit applicable

laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales

et le droit international raquo

35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon

geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de

demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum

Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif

laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le

demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont

soumis au vote du peuple

a ndash c ()

d les traiteacutes internationaux qui

1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables

2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale

3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont

la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo

2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale

36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo

il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre

la fraude fiscale et la soustraction fiscale

37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du

14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une

infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune

infraction de droit administratif (article 175)

16 ARREcircT GSB c SUISSE

3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention

ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition

38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante

lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de

soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)

laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines

Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente

en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun

examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande

Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la

convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement

remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient

en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de

lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de

la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26

paragraphe 1 3e phrase de la convention)

LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur

de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne

concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des

notifications

Article 20d ndash Obtention des renseignements

1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les

renseignements et prend une deacutecision finale

2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire

ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des

renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements

par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande

ameacutericaine

3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention

des renseignements

Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee

1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne

concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la

deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande

de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas

expresseacutement le maintien du secret

2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des

notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des

ARREcircT GSB c SUISSE 17

contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de

renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications

3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier

La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees

que

a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou

b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige

4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins

drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute

Article 20f ndash Mesures de contrainte

1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de

contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes

sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et

des perquisitions opeacutereacutees

2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre

exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les

objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande

drsquoeacutechange de renseignements

3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps

le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La

mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration

feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant

4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes

Article 20l ndash Demande sans indications personnelles

1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications

personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave

identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse

habiliteacutee agrave recevoir des notifications

2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes

concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune

demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en

Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications

3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave

lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave

recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen

deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement

ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires

sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee

par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

18 ARREcircT GSB c SUISSE

4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la

Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains

5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des

notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave

lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la

publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo

C Pratique interne

39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions

sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner

certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher

lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe

de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres

les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001

du 6 feacutevrier 2002 cons 3)

EN DROIT

I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE

40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des

renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de

ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas

ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui

est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement

demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1

lettre c) de la Convention libelleacute comme suit

laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du

rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure

()

c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus

de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte

Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de

lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige

() raquo

ARREcircT GSB c SUISSE 19

41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la

Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement

drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une

information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du

droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de

lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il

nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]

no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004

9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre

2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va

de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au

cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation

expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le

requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur

lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di

Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et

autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)

42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une

radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la

Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis

mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des

informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour

nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la

Convention

43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du

Gouvernement

II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA

CONVENTION

44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires

comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par

lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son

domicile et de sa correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une

mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave

la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la

preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la

protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

45 Le Gouvernement conteste cette thegravese

20 ARREcircT GSB c SUISSE

A Sur la recevabiliteacute

46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas

en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece

47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au

sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs

agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Existence drsquoune ingeacuterence

48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les

dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave

la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences

dans sa vie priveacutee et sa correspondance

49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee

constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie

priveacutee au sens de lrsquoarticle 8

50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions

exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a

eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au

plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont

effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

(paragraphe 26 ci-dessus)

51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des

comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par

lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512

sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)

2 Justification de lrsquoingeacuterence

52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les

exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si

lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts

leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute

deacutemocratique raquo pour les atteindre

a) laquo Preacutevue par la loi raquo

i Les thegraveses des parties

α) Le requeacuterant

53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose

trois seacuteries drsquoarguments

ARREcircT GSB c SUISSE 21

Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas

eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse

pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de

droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece

Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral

(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par

lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de

lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment

de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son

adoption

54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute

nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient

drsquoapplication reacutetroactive

Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans

la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique

qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit

Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui

excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale

Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains

qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter

que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-

Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de

soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a

modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide

administrative internationale

55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision

rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers

des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le

1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le

parlement feacutedeacuteral

56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures

incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante

β) Le Gouvernement

57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement

soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait

pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de

lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35

ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos

drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des

dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre

exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 10: Affaire g.s.b. c. Suisse

ARREcircT GSB c SUISSE 9

II LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX ET INTERNES

PERTINENTS

A Droit international

1 La Convention du 2 octobre 1996 entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en

vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere drsquoimpocircts sur le

revenu (laquo CDI-US 96 raquo)

29 Conclue le 2 octobre 1996 et approuveacutee par lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale le

10 octobre 1997 la CDI-US 96 est entreacutee en vigueur le 19 deacutecembre 1997

jour de lrsquoeacutechange des instruments de ratification

Sur la question de lrsquoeacutechange de renseignements pour preacutevenir les fraudes

et deacutelits semblables (laquo tax fraud or the like raquo1) il y est stipuleacute ce qui suit

laquo Article 26 ndash Eacutechange de renseignements

1 Les autoriteacutes compeacutetentes des Eacutetats contractants eacutechangent les renseignements

(que les leacutegislations fiscales des deux Eacutetats contractants permettent drsquoobtenir)

neacutecessaires pour appliquer les dispositions de la preacutesente Convention ou pour

preacutevenir les fraudes et deacutelits semblables portant sur un impocirct viseacute par la preacutesente

Convention Dans les cas de fraude fiscale (a) lrsquoeacutechange de renseignements nrsquoest

pas limiteacute par lrsquoarticle 1 (Personnes viseacutees) et (b) srsquoil est expresseacutement demandeacute par

lrsquoautoriteacute compeacutetente drsquoun Eacutetat contractant lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoautre Eacutetat

contractant fournira les renseignements conformeacutement au preacutesent article sous forme

de copie authentique des donneacutees ou documents originaux non modifieacutes Tout

renseignement reccedilu par un Eacutetat contractant doit ecirctre tenu secret de la mecircme maniegravere

que les renseignements obtenus en application de la leacutegislation fiscale de cet Eacutetat et

nrsquoest communiqueacute qursquoaux personnes ou autoriteacutes (y compris les tribunaux et

organes administratifs) concerneacutees par lrsquoeacutetablissement ou le recouvrement des

impocircts viseacutes par la Convention par lrsquoadministration et la mise en exeacutecution de ces

impocircts ou par les deacutecisions sur les recours relatifs agrave ces impocircts Ces personnes ou

autoriteacutes nrsquoutilisent ces renseignements qursquoagrave ces fins Il ne pourra pas ecirctre eacutechangeacute

de renseignements qui deacutevoileraient un secret commercial drsquoaffaires industriel ou

professionnel ou un proceacutedeacute commercial

2 Chaque Eacutetat contractant peut percevoir les impocircts leveacutes par lrsquoautre Eacutetat

contractant comme si ces impocircts eacutetaient les impocircts du premier Eacutetat afin drsquoassurer

que lrsquoexemption ou le taux reacuteduit drsquoimpocirct accordeacute par cet autre Eacutetat aux articles 10

(Dividendes) 11 (Inteacuterecircts) 12 (Redevances) et 18 (Pensions et rentes) de la preacutesente

Convention ne beacuteneacuteficie pas agrave des personnes qui nrsquoont pas droit agrave de tels avantages

3 Les dispositions du preacutesent article ne peuvent en aucun cas ecirctre interpreacuteteacutees

comme imposant agrave lrsquoun des Eacutetats contractants lrsquoobligation de prendre des mesures

administratives deacuterogeant agrave la reacuteglementation propre ou agrave la pratique administrative

de lrsquoun des Eacutetats contractants ou qui sont contraires agrave sa souveraineteacute agrave sa seacutecuriteacute

ou agrave lrsquoordre public ou de transmettre des indications qui ne peuvent ecirctre obtenues ni

sur la base de sa propre leacutegislation ni de celle de lrsquoEacutetat qui les demande

1 La convention est reacutedigeacutee en allemand et en anglais Le texte franccedilais ici reproduit est la

traduction qui en a eacuteteacute publieacutee au Recueil officiel (RO 1999 1460)

10 ARREcircT GSB c SUISSE

4 Les autoriteacutes compeacutetentes peuvent mettre agrave disposition de la commission

drsquoarbitrage eacutetablie selon le paragraphe 6 de lrsquoarticle 25 (Proceacutedure amiable) les

renseignements neacutecessaires pour exeacutecuter la proceacutedure drsquoarbitrage Les membres de

cette commission drsquoarbitrage sont astreints aux prescriptions sur le secret deacutecrites

dans le preacutesent article raquo

2 LrsquoAccord sur la demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave

UBS SA dans sa version consolideacutee (dit aussi laquo Convention 10 raquo)

30 La demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave UBS SA a fait

lrsquoobjet drsquoun accord bilateacuteral (laquo Accord entre la Confeacutedeacuteration suisse et les

Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique concernant la demande de renseignements de

lrsquoInternal Revenue Service des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique relative agrave la socieacuteteacute

de droit suisse UBS SA raquo) dit laquo Accord 09 raquo ulteacuterieurement suivi drsquoun

protocole modificatif (le laquo Protocole 10 raquo)

Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 le parlement suisse a approuveacute ces

deux instruments et autoriseacute le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier

La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 inteacutegrant le Protocole 10 est aussi

deacutesigneacutee sous le nom de laquo Convention 10 raquo La langue originale du texte

eacutetant lrsquoanglais la traduction franccedilaise qui en a eacuteteacute publieacutee se lit comme suit

(sans les notes de bas de page)

laquo La Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique

() sont convenus des dispositions suivantes en reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 26 de la

Convention

Article premier ndash Demande drsquoentraide administrative

1 La Confeacutedeacuteration suisse traite la demande drsquoentraide administrative des

Eacutetats-Unis concernant les clients ameacutericains drsquoUBS SA (ci-apregraves laquodemande

drsquoentraide administrativeraquo) selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe au preacutesent

Accord Se fondant sur lesdits critegraveres les Parties estiment que la demande

drsquoentraide administrative porte sur environ 4 450 comptes ouverts ou clos

2 La Confeacutedeacuteration suisse met sur pied une uniteacute opeacuterationnelle speacuteciale

permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC) dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative de rendre ses deacutecisions finales au sens de

lrsquoarticle 20j de lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la Convention de double

imposition ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 selon une proceacutedure acceacuteleacutereacutee Les

deacutelais sont les suivants

ndash les 500 premiegraveres deacutecisions doivent ecirctre rendues dans les 90 jours suivant la

reacuteception de la demande drsquoentraide administrative et

ndash les deacutecisions restantes sont traiteacutees en continu dans les 360 jours suivant la

reacuteception de ladite demande

3 Degraves reacuteception de la demande drsquoentraide administrative lrsquoAFC en informe UBS

SA Elle soutient en toute prioriteacute la proceacutedure preacutevue au preacutesent article en se

fondant sur les critegraveres eacutetablis en annexe Elle srsquoengage agrave traiter toutes les questions

qui pourraient survenir agrave cet eacutegard selon le meacutecanisme deacutefini agrave lrsquoarticle 5 du preacutesent

Accord

ARREcircT GSB c SUISSE 11

4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par

lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de

divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de

deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs

comptes

5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide

administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de

lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral

eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe

()

Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons

1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA

preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte

conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS

2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du

JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur

3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les

Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour

les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date

ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source

fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non

deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement

lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis

5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous

reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard

370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la

demande drsquoentraide administrative

Article 4 ndash Obligations drsquoUBS

1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer

agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants

ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas

ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes

respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et

ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants

2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer

drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire

12 ARREcircT GSB c SUISSE

3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de

surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par

UBS SA de ses engagements

Article 6 ndash Confidentialiteacute

Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave

15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen

Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent

Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien

nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les

critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires

de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces

critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe

Article 8 ndash Entreacutee en vigueur

Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature

Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation

Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par

eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent

En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs

gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord

Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo

3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)

31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres

permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune

demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont

rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits

semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont

deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit

ainsi

laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification

claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif

mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non

deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave

leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils

eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes

concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement

(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest

pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la

demande drsquoentraide administrative

Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition

geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide

administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes

ARREcircT GSB c SUISSE 13

A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee

entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de

comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur

de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont

commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou

B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit

eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et

2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou

deacutelits semblables raquo

2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le

cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention

sont les suivants

A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct

au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y

a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis

srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes

a () ou

b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave

lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements

conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation

des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable

domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins

trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et

(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs

en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins

couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le

revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre

de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees

sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)

4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et

du Protocole 10

32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de

lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est

la suivante dans la partie pertinente

laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas

violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code

peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain

elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee

imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien

avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la

proceacutedure peacutenale

()

Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires

opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs

(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40

14 ARREcircT GSB c SUISSE

des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis

(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS

auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux

Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte

preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS

aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux

au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et

des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la

maison megravere (UBS SA en Suisse)

Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance

aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur

bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via

le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi

des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas

drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont

les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit

interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs

deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute

la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de

comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La

deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en

accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace

pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement

deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe

par UBS SA

() raquo

5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes

33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969

(CV) sont libelleacutees comme suit

Article 26 ndash Pacta sunt servanda

laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi

Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes

Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant

la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46

Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes

Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte

ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou

une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date

ARREcircT GSB c SUISSE 15

Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence

pour conclure des traiteacutes

1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en

violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour

conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son

consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une

regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale

2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se

comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo

B Droit interne

1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999

34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit

Article 190 ndash Droit applicable

laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales

et le droit international raquo

35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon

geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de

demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum

Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif

laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le

demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont

soumis au vote du peuple

a ndash c ()

d les traiteacutes internationaux qui

1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables

2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale

3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont

la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo

2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale

36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo

il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre

la fraude fiscale et la soustraction fiscale

37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du

14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une

infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune

infraction de droit administratif (article 175)

16 ARREcircT GSB c SUISSE

3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention

ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition

38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante

lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de

soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)

laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines

Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente

en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun

examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande

Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la

convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement

remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient

en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de

lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de

la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26

paragraphe 1 3e phrase de la convention)

LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur

de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne

concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des

notifications

Article 20d ndash Obtention des renseignements

1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les

renseignements et prend une deacutecision finale

2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire

ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des

renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements

par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande

ameacutericaine

3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention

des renseignements

Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee

1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne

concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la

deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande

de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas

expresseacutement le maintien du secret

2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des

notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des

ARREcircT GSB c SUISSE 17

contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de

renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications

3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier

La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees

que

a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou

b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige

4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins

drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute

Article 20f ndash Mesures de contrainte

1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de

contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes

sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et

des perquisitions opeacutereacutees

2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre

exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les

objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande

drsquoeacutechange de renseignements

3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps

le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La

mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration

feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant

4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes

Article 20l ndash Demande sans indications personnelles

1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications

personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave

identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse

habiliteacutee agrave recevoir des notifications

2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes

concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune

demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en

Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications

3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave

lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave

recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen

deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement

ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires

sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee

par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

18 ARREcircT GSB c SUISSE

4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la

Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains

5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des

notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave

lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la

publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo

C Pratique interne

39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions

sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner

certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher

lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe

de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres

les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001

du 6 feacutevrier 2002 cons 3)

EN DROIT

I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE

40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des

renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de

ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas

ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui

est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement

demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1

lettre c) de la Convention libelleacute comme suit

laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du

rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure

()

c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus

de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte

Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de

lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige

() raquo

ARREcircT GSB c SUISSE 19

41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la

Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement

drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une

information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du

droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de

lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il

nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]

no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004

9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre

2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va

de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au

cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation

expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le

requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur

lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di

Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et

autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)

42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une

radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la

Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis

mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des

informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour

nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la

Convention

43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du

Gouvernement

II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA

CONVENTION

44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires

comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par

lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son

domicile et de sa correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une

mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave

la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la

preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la

protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

45 Le Gouvernement conteste cette thegravese

20 ARREcircT GSB c SUISSE

A Sur la recevabiliteacute

46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas

en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece

47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au

sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs

agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Existence drsquoune ingeacuterence

48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les

dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave

la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences

dans sa vie priveacutee et sa correspondance

49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee

constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie

priveacutee au sens de lrsquoarticle 8

50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions

exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a

eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au

plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont

effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

(paragraphe 26 ci-dessus)

51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des

comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par

lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512

sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)

2 Justification de lrsquoingeacuterence

52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les

exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si

lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts

leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute

deacutemocratique raquo pour les atteindre

a) laquo Preacutevue par la loi raquo

i Les thegraveses des parties

α) Le requeacuterant

53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose

trois seacuteries drsquoarguments

ARREcircT GSB c SUISSE 21

Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas

eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse

pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de

droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece

Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral

(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par

lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de

lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment

de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son

adoption

54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute

nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient

drsquoapplication reacutetroactive

Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans

la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique

qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit

Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui

excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale

Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains

qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter

que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-

Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de

soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a

modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide

administrative internationale

55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision

rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers

des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le

1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le

parlement feacutedeacuteral

56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures

incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante

β) Le Gouvernement

57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement

soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait

pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de

lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35

ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos

drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des

dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre

exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 11: Affaire g.s.b. c. Suisse

10 ARREcircT GSB c SUISSE

4 Les autoriteacutes compeacutetentes peuvent mettre agrave disposition de la commission

drsquoarbitrage eacutetablie selon le paragraphe 6 de lrsquoarticle 25 (Proceacutedure amiable) les

renseignements neacutecessaires pour exeacutecuter la proceacutedure drsquoarbitrage Les membres de

cette commission drsquoarbitrage sont astreints aux prescriptions sur le secret deacutecrites

dans le preacutesent article raquo

2 LrsquoAccord sur la demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave

UBS SA dans sa version consolideacutee (dit aussi laquo Convention 10 raquo)

30 La demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave UBS SA a fait

lrsquoobjet drsquoun accord bilateacuteral (laquo Accord entre la Confeacutedeacuteration suisse et les

Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique concernant la demande de renseignements de

lrsquoInternal Revenue Service des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique relative agrave la socieacuteteacute

de droit suisse UBS SA raquo) dit laquo Accord 09 raquo ulteacuterieurement suivi drsquoun

protocole modificatif (le laquo Protocole 10 raquo)

Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 le parlement suisse a approuveacute ces

deux instruments et autoriseacute le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier

La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 inteacutegrant le Protocole 10 est aussi

deacutesigneacutee sous le nom de laquo Convention 10 raquo La langue originale du texte

eacutetant lrsquoanglais la traduction franccedilaise qui en a eacuteteacute publieacutee se lit comme suit

(sans les notes de bas de page)

laquo La Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique

() sont convenus des dispositions suivantes en reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 26 de la

Convention

Article premier ndash Demande drsquoentraide administrative

1 La Confeacutedeacuteration suisse traite la demande drsquoentraide administrative des

Eacutetats-Unis concernant les clients ameacutericains drsquoUBS SA (ci-apregraves laquodemande

drsquoentraide administrativeraquo) selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe au preacutesent

Accord Se fondant sur lesdits critegraveres les Parties estiment que la demande

drsquoentraide administrative porte sur environ 4 450 comptes ouverts ou clos

2 La Confeacutedeacuteration suisse met sur pied une uniteacute opeacuterationnelle speacuteciale

permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC) dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative de rendre ses deacutecisions finales au sens de

lrsquoarticle 20j de lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la Convention de double

imposition ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 selon une proceacutedure acceacuteleacutereacutee Les

deacutelais sont les suivants

ndash les 500 premiegraveres deacutecisions doivent ecirctre rendues dans les 90 jours suivant la

reacuteception de la demande drsquoentraide administrative et

ndash les deacutecisions restantes sont traiteacutees en continu dans les 360 jours suivant la

reacuteception de ladite demande

3 Degraves reacuteception de la demande drsquoentraide administrative lrsquoAFC en informe UBS

SA Elle soutient en toute prioriteacute la proceacutedure preacutevue au preacutesent article en se

fondant sur les critegraveres eacutetablis en annexe Elle srsquoengage agrave traiter toutes les questions

qui pourraient survenir agrave cet eacutegard selon le meacutecanisme deacutefini agrave lrsquoarticle 5 du preacutesent

Accord

ARREcircT GSB c SUISSE 11

4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par

lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de

divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de

deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs

comptes

5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide

administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de

lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral

eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe

()

Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons

1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA

preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte

conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS

2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du

JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur

3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les

Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour

les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date

ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source

fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non

deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement

lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis

5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous

reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard

370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la

demande drsquoentraide administrative

Article 4 ndash Obligations drsquoUBS

1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer

agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants

ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas

ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes

respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et

ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants

2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer

drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire

12 ARREcircT GSB c SUISSE

3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de

surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par

UBS SA de ses engagements

Article 6 ndash Confidentialiteacute

Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave

15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen

Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent

Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien

nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les

critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires

de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces

critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe

Article 8 ndash Entreacutee en vigueur

Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature

Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation

Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par

eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent

En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs

gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord

Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo

3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)

31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres

permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune

demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont

rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits

semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont

deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit

ainsi

laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification

claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif

mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non

deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave

leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils

eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes

concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement

(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest

pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la

demande drsquoentraide administrative

Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition

geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide

administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes

ARREcircT GSB c SUISSE 13

A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee

entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de

comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur

de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont

commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou

B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit

eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et

2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou

deacutelits semblables raquo

2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le

cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention

sont les suivants

A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct

au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y

a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis

srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes

a () ou

b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave

lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements

conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation

des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable

domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins

trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et

(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs

en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins

couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le

revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre

de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees

sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)

4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et

du Protocole 10

32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de

lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est

la suivante dans la partie pertinente

laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas

violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code

peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain

elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee

imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien

avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la

proceacutedure peacutenale

()

Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires

opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs

(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40

14 ARREcircT GSB c SUISSE

des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis

(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS

auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux

Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte

preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS

aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux

au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et

des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la

maison megravere (UBS SA en Suisse)

Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance

aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur

bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via

le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi

des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas

drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont

les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit

interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs

deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute

la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de

comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La

deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en

accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace

pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement

deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe

par UBS SA

() raquo

5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes

33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969

(CV) sont libelleacutees comme suit

Article 26 ndash Pacta sunt servanda

laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi

Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes

Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant

la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46

Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes

Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte

ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou

une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date

ARREcircT GSB c SUISSE 15

Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence

pour conclure des traiteacutes

1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en

violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour

conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son

consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une

regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale

2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se

comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo

B Droit interne

1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999

34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit

Article 190 ndash Droit applicable

laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales

et le droit international raquo

35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon

geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de

demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum

Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif

laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le

demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont

soumis au vote du peuple

a ndash c ()

d les traiteacutes internationaux qui

1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables

2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale

3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont

la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo

2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale

36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo

il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre

la fraude fiscale et la soustraction fiscale

37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du

14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une

infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune

infraction de droit administratif (article 175)

16 ARREcircT GSB c SUISSE

3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention

ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition

38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante

lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de

soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)

laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines

Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente

en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun

examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande

Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la

convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement

remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient

en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de

lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de

la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26

paragraphe 1 3e phrase de la convention)

LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur

de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne

concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des

notifications

Article 20d ndash Obtention des renseignements

1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les

renseignements et prend une deacutecision finale

2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire

ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des

renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements

par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande

ameacutericaine

3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention

des renseignements

Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee

1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne

concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la

deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande

de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas

expresseacutement le maintien du secret

2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des

notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des

ARREcircT GSB c SUISSE 17

contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de

renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications

3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier

La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees

que

a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou

b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige

4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins

drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute

Article 20f ndash Mesures de contrainte

1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de

contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes

sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et

des perquisitions opeacutereacutees

2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre

exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les

objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande

drsquoeacutechange de renseignements

3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps

le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La

mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration

feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant

4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes

Article 20l ndash Demande sans indications personnelles

1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications

personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave

identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse

habiliteacutee agrave recevoir des notifications

2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes

concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune

demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en

Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications

3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave

lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave

recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen

deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement

ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires

sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee

par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

18 ARREcircT GSB c SUISSE

4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la

Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains

5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des

notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave

lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la

publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo

C Pratique interne

39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions

sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner

certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher

lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe

de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres

les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001

du 6 feacutevrier 2002 cons 3)

EN DROIT

I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE

40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des

renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de

ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas

ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui

est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement

demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1

lettre c) de la Convention libelleacute comme suit

laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du

rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure

()

c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus

de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte

Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de

lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige

() raquo

ARREcircT GSB c SUISSE 19

41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la

Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement

drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une

information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du

droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de

lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il

nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]

no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004

9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre

2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va

de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au

cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation

expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le

requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur

lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di

Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et

autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)

42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une

radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la

Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis

mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des

informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour

nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la

Convention

43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du

Gouvernement

II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA

CONVENTION

44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires

comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par

lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son

domicile et de sa correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une

mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave

la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la

preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la

protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

45 Le Gouvernement conteste cette thegravese

20 ARREcircT GSB c SUISSE

A Sur la recevabiliteacute

46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas

en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece

47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au

sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs

agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Existence drsquoune ingeacuterence

48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les

dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave

la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences

dans sa vie priveacutee et sa correspondance

49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee

constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie

priveacutee au sens de lrsquoarticle 8

50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions

exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a

eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au

plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont

effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

(paragraphe 26 ci-dessus)

51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des

comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par

lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512

sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)

2 Justification de lrsquoingeacuterence

52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les

exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si

lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts

leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute

deacutemocratique raquo pour les atteindre

a) laquo Preacutevue par la loi raquo

i Les thegraveses des parties

α) Le requeacuterant

53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose

trois seacuteries drsquoarguments

ARREcircT GSB c SUISSE 21

Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas

eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse

pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de

droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece

Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral

(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par

lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de

lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment

de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son

adoption

54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute

nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient

drsquoapplication reacutetroactive

Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans

la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique

qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit

Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui

excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale

Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains

qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter

que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-

Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de

soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a

modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide

administrative internationale

55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision

rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers

des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le

1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le

parlement feacutedeacuteral

56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures

incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante

β) Le Gouvernement

57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement

soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait

pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de

lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35

ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos

drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des

dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre

exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 12: Affaire g.s.b. c. Suisse

ARREcircT GSB c SUISSE 11

4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par

lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de

divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de

deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs

comptes

5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide

administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de

lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral

eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe

()

Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons

1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA

preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte

conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS

2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du

JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur

3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les

Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour

les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date

ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative

lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source

fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non

deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement

lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis

5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous

reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard

370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la

demande drsquoentraide administrative

Article 4 ndash Obligations drsquoUBS

1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer

agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la

demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants

ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas

ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes

respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et

ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette

derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants

2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer

drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire

12 ARREcircT GSB c SUISSE

3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de

surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par

UBS SA de ses engagements

Article 6 ndash Confidentialiteacute

Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave

15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen

Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent

Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien

nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les

critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires

de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces

critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe

Article 8 ndash Entreacutee en vigueur

Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature

Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation

Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par

eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent

En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs

gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord

Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo

3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)

31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres

permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune

demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont

rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits

semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont

deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit

ainsi

laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification

claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif

mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non

deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave

leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils

eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes

concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement

(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest

pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la

demande drsquoentraide administrative

Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition

geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide

administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes

ARREcircT GSB c SUISSE 13

A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee

entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de

comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur

de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont

commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou

B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit

eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et

2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou

deacutelits semblables raquo

2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le

cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention

sont les suivants

A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct

au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y

a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis

srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes

a () ou

b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave

lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements

conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation

des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable

domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins

trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et

(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs

en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins

couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le

revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre

de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees

sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)

4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et

du Protocole 10

32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de

lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est

la suivante dans la partie pertinente

laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas

violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code

peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain

elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee

imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien

avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la

proceacutedure peacutenale

()

Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires

opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs

(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40

14 ARREcircT GSB c SUISSE

des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis

(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS

auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux

Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte

preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS

aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux

au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et

des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la

maison megravere (UBS SA en Suisse)

Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance

aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur

bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via

le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi

des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas

drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont

les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit

interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs

deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute

la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de

comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La

deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en

accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace

pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement

deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe

par UBS SA

() raquo

5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes

33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969

(CV) sont libelleacutees comme suit

Article 26 ndash Pacta sunt servanda

laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi

Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes

Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant

la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46

Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes

Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte

ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou

une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date

ARREcircT GSB c SUISSE 15

Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence

pour conclure des traiteacutes

1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en

violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour

conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son

consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une

regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale

2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se

comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo

B Droit interne

1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999

34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit

Article 190 ndash Droit applicable

laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales

et le droit international raquo

35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon

geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de

demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum

Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif

laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le

demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont

soumis au vote du peuple

a ndash c ()

d les traiteacutes internationaux qui

1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables

2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale

3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont

la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo

2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale

36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo

il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre

la fraude fiscale et la soustraction fiscale

37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du

14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une

infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune

infraction de droit administratif (article 175)

16 ARREcircT GSB c SUISSE

3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention

ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition

38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante

lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de

soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)

laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines

Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente

en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun

examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande

Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la

convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement

remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient

en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de

lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de

la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26

paragraphe 1 3e phrase de la convention)

LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur

de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne

concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des

notifications

Article 20d ndash Obtention des renseignements

1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les

renseignements et prend une deacutecision finale

2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire

ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des

renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements

par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande

ameacutericaine

3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention

des renseignements

Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee

1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne

concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la

deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande

de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas

expresseacutement le maintien du secret

2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des

notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des

ARREcircT GSB c SUISSE 17

contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de

renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications

3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier

La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees

que

a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou

b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige

4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins

drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute

Article 20f ndash Mesures de contrainte

1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de

contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes

sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et

des perquisitions opeacutereacutees

2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre

exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les

objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande

drsquoeacutechange de renseignements

3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps

le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La

mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration

feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant

4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes

Article 20l ndash Demande sans indications personnelles

1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications

personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave

identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse

habiliteacutee agrave recevoir des notifications

2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes

concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune

demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en

Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications

3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave

lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave

recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen

deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement

ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires

sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee

par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

18 ARREcircT GSB c SUISSE

4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la

Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains

5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des

notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave

lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la

publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo

C Pratique interne

39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions

sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner

certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher

lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe

de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres

les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001

du 6 feacutevrier 2002 cons 3)

EN DROIT

I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE

40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des

renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de

ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas

ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui

est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement

demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1

lettre c) de la Convention libelleacute comme suit

laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du

rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure

()

c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus

de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte

Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de

lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige

() raquo

ARREcircT GSB c SUISSE 19

41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la

Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement

drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une

information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du

droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de

lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il

nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]

no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004

9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre

2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va

de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au

cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation

expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le

requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur

lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di

Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et

autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)

42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une

radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la

Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis

mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des

informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour

nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la

Convention

43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du

Gouvernement

II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA

CONVENTION

44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires

comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par

lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son

domicile et de sa correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une

mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave

la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la

preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la

protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

45 Le Gouvernement conteste cette thegravese

20 ARREcircT GSB c SUISSE

A Sur la recevabiliteacute

46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas

en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece

47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au

sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs

agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Existence drsquoune ingeacuterence

48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les

dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave

la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences

dans sa vie priveacutee et sa correspondance

49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee

constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie

priveacutee au sens de lrsquoarticle 8

50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions

exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a

eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au

plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont

effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

(paragraphe 26 ci-dessus)

51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des

comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par

lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512

sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)

2 Justification de lrsquoingeacuterence

52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les

exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si

lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts

leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute

deacutemocratique raquo pour les atteindre

a) laquo Preacutevue par la loi raquo

i Les thegraveses des parties

α) Le requeacuterant

53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose

trois seacuteries drsquoarguments

ARREcircT GSB c SUISSE 21

Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas

eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse

pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de

droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece

Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral

(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par

lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de

lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment

de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son

adoption

54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute

nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient

drsquoapplication reacutetroactive

Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans

la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique

qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit

Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui

excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale

Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains

qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter

que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-

Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de

soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a

modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide

administrative internationale

55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision

rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers

des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le

1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le

parlement feacutedeacuteral

56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures

incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante

β) Le Gouvernement

57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement

soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait

pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de

lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35

ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos

drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des

dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre

exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 13: Affaire g.s.b. c. Suisse

12 ARREcircT GSB c SUISSE

3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de

surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par

UBS SA de ses engagements

Article 6 ndash Confidentialiteacute

Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave

15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen

Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent

Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien

nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les

critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires

de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces

critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe

Article 8 ndash Entreacutee en vigueur

Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature

Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation

Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par

eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent

En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs

gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord

Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo

3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)

31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres

permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune

demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont

rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits

semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont

deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit

ainsi

laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification

claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif

mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non

deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave

leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils

eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes

concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement

(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest

pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la

demande drsquoentraide administrative

Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition

geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide

administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes

ARREcircT GSB c SUISSE 13

A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee

entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de

comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur

de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont

commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou

B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit

eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et

2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou

deacutelits semblables raquo

2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le

cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention

sont les suivants

A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct

au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y

a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis

srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes

a () ou

b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave

lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements

conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation

des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable

domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins

trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et

(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs

en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins

couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le

revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre

de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees

sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)

4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et

du Protocole 10

32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de

lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est

la suivante dans la partie pertinente

laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas

violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code

peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain

elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee

imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien

avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la

proceacutedure peacutenale

()

Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires

opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs

(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40

14 ARREcircT GSB c SUISSE

des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis

(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS

auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux

Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte

preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS

aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux

au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et

des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la

maison megravere (UBS SA en Suisse)

Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance

aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur

bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via

le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi

des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas

drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont

les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit

interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs

deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute

la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de

comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La

deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en

accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace

pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement

deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe

par UBS SA

() raquo

5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes

33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969

(CV) sont libelleacutees comme suit

Article 26 ndash Pacta sunt servanda

laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi

Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes

Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant

la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46

Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes

Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte

ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou

une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date

ARREcircT GSB c SUISSE 15

Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence

pour conclure des traiteacutes

1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en

violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour

conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son

consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une

regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale

2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se

comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo

B Droit interne

1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999

34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit

Article 190 ndash Droit applicable

laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales

et le droit international raquo

35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon

geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de

demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum

Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif

laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le

demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont

soumis au vote du peuple

a ndash c ()

d les traiteacutes internationaux qui

1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables

2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale

3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont

la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo

2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale

36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo

il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre

la fraude fiscale et la soustraction fiscale

37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du

14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une

infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune

infraction de droit administratif (article 175)

16 ARREcircT GSB c SUISSE

3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention

ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition

38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante

lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de

soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)

laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines

Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente

en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun

examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande

Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la

convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement

remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient

en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de

lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de

la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26

paragraphe 1 3e phrase de la convention)

LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur

de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne

concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des

notifications

Article 20d ndash Obtention des renseignements

1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les

renseignements et prend une deacutecision finale

2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire

ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des

renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements

par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande

ameacutericaine

3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention

des renseignements

Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee

1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne

concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la

deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande

de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas

expresseacutement le maintien du secret

2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des

notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des

ARREcircT GSB c SUISSE 17

contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de

renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications

3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier

La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees

que

a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou

b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige

4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins

drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute

Article 20f ndash Mesures de contrainte

1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de

contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes

sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et

des perquisitions opeacutereacutees

2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre

exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les

objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande

drsquoeacutechange de renseignements

3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps

le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La

mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration

feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant

4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes

Article 20l ndash Demande sans indications personnelles

1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications

personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave

identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse

habiliteacutee agrave recevoir des notifications

2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes

concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune

demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en

Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications

3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave

lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave

recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen

deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement

ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires

sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee

par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

18 ARREcircT GSB c SUISSE

4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la

Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains

5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des

notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave

lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la

publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo

C Pratique interne

39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions

sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner

certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher

lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe

de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres

les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001

du 6 feacutevrier 2002 cons 3)

EN DROIT

I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE

40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des

renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de

ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas

ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui

est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement

demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1

lettre c) de la Convention libelleacute comme suit

laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du

rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure

()

c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus

de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte

Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de

lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige

() raquo

ARREcircT GSB c SUISSE 19

41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la

Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement

drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une

information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du

droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de

lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il

nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]

no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004

9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre

2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va

de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au

cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation

expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le

requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur

lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di

Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et

autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)

42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une

radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la

Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis

mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des

informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour

nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la

Convention

43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du

Gouvernement

II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA

CONVENTION

44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires

comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par

lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son

domicile et de sa correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une

mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave

la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la

preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la

protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

45 Le Gouvernement conteste cette thegravese

20 ARREcircT GSB c SUISSE

A Sur la recevabiliteacute

46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas

en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece

47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au

sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs

agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Existence drsquoune ingeacuterence

48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les

dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave

la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences

dans sa vie priveacutee et sa correspondance

49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee

constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie

priveacutee au sens de lrsquoarticle 8

50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions

exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a

eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au

plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont

effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

(paragraphe 26 ci-dessus)

51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des

comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par

lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512

sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)

2 Justification de lrsquoingeacuterence

52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les

exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si

lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts

leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute

deacutemocratique raquo pour les atteindre

a) laquo Preacutevue par la loi raquo

i Les thegraveses des parties

α) Le requeacuterant

53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose

trois seacuteries drsquoarguments

ARREcircT GSB c SUISSE 21

Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas

eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse

pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de

droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece

Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral

(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par

lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de

lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment

de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son

adoption

54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute

nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient

drsquoapplication reacutetroactive

Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans

la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique

qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit

Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui

excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale

Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains

qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter

que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-

Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de

soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a

modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide

administrative internationale

55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision

rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers

des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le

1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le

parlement feacutedeacuteral

56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures

incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante

β) Le Gouvernement

57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement

soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait

pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de

lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35

ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos

drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des

dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre

exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 14: Affaire g.s.b. c. Suisse

ARREcircT GSB c SUISSE 13

A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee

entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de

comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur

de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont

commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou

B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit

eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et

2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou

deacutelits semblables raquo

2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le

cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention

sont les suivants

A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct

au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y

a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis

srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes

a () ou

b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave

lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements

conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation

des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable

domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins

trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et

(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs

en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins

couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le

revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre

de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees

sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)

4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et

du Protocole 10

32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de

lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est

la suivante dans la partie pertinente

laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas

violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code

peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain

elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee

imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien

avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la

proceacutedure peacutenale

()

Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires

opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs

(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40

14 ARREcircT GSB c SUISSE

des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis

(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS

auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux

Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte

preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS

aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux

au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et

des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la

maison megravere (UBS SA en Suisse)

Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance

aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur

bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via

le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi

des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas

drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont

les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit

interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs

deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute

la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de

comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La

deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en

accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace

pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement

deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe

par UBS SA

() raquo

5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes

33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969

(CV) sont libelleacutees comme suit

Article 26 ndash Pacta sunt servanda

laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi

Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes

Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant

la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46

Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes

Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte

ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou

une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date

ARREcircT GSB c SUISSE 15

Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence

pour conclure des traiteacutes

1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en

violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour

conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son

consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une

regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale

2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se

comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo

B Droit interne

1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999

34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit

Article 190 ndash Droit applicable

laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales

et le droit international raquo

35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon

geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de

demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum

Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif

laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le

demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont

soumis au vote du peuple

a ndash c ()

d les traiteacutes internationaux qui

1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables

2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale

3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont

la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo

2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale

36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo

il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre

la fraude fiscale et la soustraction fiscale

37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du

14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une

infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune

infraction de droit administratif (article 175)

16 ARREcircT GSB c SUISSE

3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention

ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition

38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante

lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de

soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)

laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines

Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente

en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun

examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande

Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la

convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement

remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient

en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de

lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de

la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26

paragraphe 1 3e phrase de la convention)

LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur

de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne

concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des

notifications

Article 20d ndash Obtention des renseignements

1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les

renseignements et prend une deacutecision finale

2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire

ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des

renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements

par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande

ameacutericaine

3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention

des renseignements

Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee

1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne

concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la

deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande

de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas

expresseacutement le maintien du secret

2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des

notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des

ARREcircT GSB c SUISSE 17

contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de

renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications

3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier

La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees

que

a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou

b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige

4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins

drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute

Article 20f ndash Mesures de contrainte

1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de

contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes

sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et

des perquisitions opeacutereacutees

2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre

exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les

objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande

drsquoeacutechange de renseignements

3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps

le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La

mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration

feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant

4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes

Article 20l ndash Demande sans indications personnelles

1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications

personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave

identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse

habiliteacutee agrave recevoir des notifications

2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes

concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune

demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en

Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications

3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave

lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave

recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen

deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement

ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires

sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee

par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

18 ARREcircT GSB c SUISSE

4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la

Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains

5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des

notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave

lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la

publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo

C Pratique interne

39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions

sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner

certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher

lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe

de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres

les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001

du 6 feacutevrier 2002 cons 3)

EN DROIT

I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE

40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des

renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de

ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas

ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui

est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement

demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1

lettre c) de la Convention libelleacute comme suit

laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du

rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure

()

c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus

de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte

Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de

lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige

() raquo

ARREcircT GSB c SUISSE 19

41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la

Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement

drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une

information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du

droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de

lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il

nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]

no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004

9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre

2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va

de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au

cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation

expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le

requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur

lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di

Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et

autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)

42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une

radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la

Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis

mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des

informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour

nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la

Convention

43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du

Gouvernement

II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA

CONVENTION

44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires

comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par

lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son

domicile et de sa correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une

mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave

la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la

preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la

protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

45 Le Gouvernement conteste cette thegravese

20 ARREcircT GSB c SUISSE

A Sur la recevabiliteacute

46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas

en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece

47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au

sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs

agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Existence drsquoune ingeacuterence

48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les

dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave

la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences

dans sa vie priveacutee et sa correspondance

49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee

constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie

priveacutee au sens de lrsquoarticle 8

50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions

exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a

eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au

plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont

effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

(paragraphe 26 ci-dessus)

51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des

comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par

lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512

sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)

2 Justification de lrsquoingeacuterence

52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les

exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si

lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts

leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute

deacutemocratique raquo pour les atteindre

a) laquo Preacutevue par la loi raquo

i Les thegraveses des parties

α) Le requeacuterant

53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose

trois seacuteries drsquoarguments

ARREcircT GSB c SUISSE 21

Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas

eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse

pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de

droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece

Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral

(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par

lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de

lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment

de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son

adoption

54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute

nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient

drsquoapplication reacutetroactive

Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans

la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique

qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit

Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui

excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale

Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains

qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter

que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-

Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de

soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a

modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide

administrative internationale

55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision

rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers

des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le

1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le

parlement feacutedeacuteral

56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures

incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante

β) Le Gouvernement

57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement

soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait

pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de

lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35

ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos

drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des

dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre

exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 15: Affaire g.s.b. c. Suisse

14 ARREcircT GSB c SUISSE

des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis

(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS

auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux

Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte

preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS

aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux

au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et

des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la

maison megravere (UBS SA en Suisse)

Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance

aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur

bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via

le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi

des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas

drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont

les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit

interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs

deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute

la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de

comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La

deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en

accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace

pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement

deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe

par UBS SA

() raquo

5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes

33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969

(CV) sont libelleacutees comme suit

Article 26 ndash Pacta sunt servanda

laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi

Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes

Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant

la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46

Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes

Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte

ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou

une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date

ARREcircT GSB c SUISSE 15

Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence

pour conclure des traiteacutes

1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en

violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour

conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son

consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une

regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale

2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se

comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo

B Droit interne

1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999

34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit

Article 190 ndash Droit applicable

laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales

et le droit international raquo

35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon

geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de

demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum

Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif

laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le

demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont

soumis au vote du peuple

a ndash c ()

d les traiteacutes internationaux qui

1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables

2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale

3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont

la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo

2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale

36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo

il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre

la fraude fiscale et la soustraction fiscale

37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du

14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une

infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune

infraction de droit administratif (article 175)

16 ARREcircT GSB c SUISSE

3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention

ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition

38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante

lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de

soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)

laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines

Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente

en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun

examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande

Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la

convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement

remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient

en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de

lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de

la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26

paragraphe 1 3e phrase de la convention)

LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur

de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne

concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des

notifications

Article 20d ndash Obtention des renseignements

1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les

renseignements et prend une deacutecision finale

2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire

ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des

renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements

par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande

ameacutericaine

3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention

des renseignements

Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee

1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne

concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la

deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande

de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas

expresseacutement le maintien du secret

2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des

notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des

ARREcircT GSB c SUISSE 17

contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de

renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications

3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier

La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees

que

a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou

b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige

4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins

drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute

Article 20f ndash Mesures de contrainte

1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de

contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes

sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et

des perquisitions opeacutereacutees

2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre

exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les

objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande

drsquoeacutechange de renseignements

3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps

le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La

mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration

feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant

4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes

Article 20l ndash Demande sans indications personnelles

1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications

personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave

identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse

habiliteacutee agrave recevoir des notifications

2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes

concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune

demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en

Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications

3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave

lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave

recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen

deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement

ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires

sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee

par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

18 ARREcircT GSB c SUISSE

4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la

Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains

5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des

notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave

lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la

publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo

C Pratique interne

39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions

sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner

certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher

lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe

de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres

les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001

du 6 feacutevrier 2002 cons 3)

EN DROIT

I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE

40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des

renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de

ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas

ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui

est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement

demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1

lettre c) de la Convention libelleacute comme suit

laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du

rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure

()

c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus

de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte

Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de

lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige

() raquo

ARREcircT GSB c SUISSE 19

41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la

Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement

drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une

information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du

droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de

lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il

nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]

no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004

9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre

2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va

de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au

cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation

expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le

requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur

lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di

Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et

autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)

42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une

radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la

Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis

mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des

informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour

nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la

Convention

43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du

Gouvernement

II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA

CONVENTION

44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires

comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par

lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son

domicile et de sa correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une

mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave

la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la

preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la

protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

45 Le Gouvernement conteste cette thegravese

20 ARREcircT GSB c SUISSE

A Sur la recevabiliteacute

46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas

en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece

47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au

sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs

agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Existence drsquoune ingeacuterence

48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les

dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave

la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences

dans sa vie priveacutee et sa correspondance

49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee

constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie

priveacutee au sens de lrsquoarticle 8

50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions

exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a

eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au

plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont

effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

(paragraphe 26 ci-dessus)

51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des

comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par

lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512

sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)

2 Justification de lrsquoingeacuterence

52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les

exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si

lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts

leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute

deacutemocratique raquo pour les atteindre

a) laquo Preacutevue par la loi raquo

i Les thegraveses des parties

α) Le requeacuterant

53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose

trois seacuteries drsquoarguments

ARREcircT GSB c SUISSE 21

Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas

eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse

pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de

droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece

Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral

(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par

lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de

lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment

de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son

adoption

54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute

nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient

drsquoapplication reacutetroactive

Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans

la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique

qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit

Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui

excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale

Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains

qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter

que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-

Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de

soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a

modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide

administrative internationale

55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision

rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers

des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le

1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le

parlement feacutedeacuteral

56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures

incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante

β) Le Gouvernement

57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement

soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait

pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de

lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35

ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos

drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des

dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre

exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 16: Affaire g.s.b. c. Suisse

ARREcircT GSB c SUISSE 15

Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence

pour conclure des traiteacutes

1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en

violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour

conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son

consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une

regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale

2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se

comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo

B Droit interne

1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999

34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit

Article 190 ndash Droit applicable

laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales

et le droit international raquo

35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon

geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de

demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum

Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif

laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le

demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont

soumis au vote du peuple

a ndash c ()

d les traiteacutes internationaux qui

1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables

2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale

3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont

la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo

2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale

36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo

il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre

la fraude fiscale et la soustraction fiscale

37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du

14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une

infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune

infraction de droit administratif (article 175)

16 ARREcircT GSB c SUISSE

3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention

ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition

38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante

lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de

soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)

laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines

Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente

en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun

examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande

Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la

convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement

remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient

en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de

lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de

la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26

paragraphe 1 3e phrase de la convention)

LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur

de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne

concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des

notifications

Article 20d ndash Obtention des renseignements

1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les

renseignements et prend une deacutecision finale

2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire

ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des

renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements

par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande

ameacutericaine

3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention

des renseignements

Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee

1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne

concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la

deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande

de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas

expresseacutement le maintien du secret

2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des

notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des

ARREcircT GSB c SUISSE 17

contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de

renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications

3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier

La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees

que

a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou

b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige

4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins

drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute

Article 20f ndash Mesures de contrainte

1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de

contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes

sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et

des perquisitions opeacutereacutees

2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre

exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les

objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande

drsquoeacutechange de renseignements

3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps

le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La

mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration

feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant

4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes

Article 20l ndash Demande sans indications personnelles

1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications

personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave

identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse

habiliteacutee agrave recevoir des notifications

2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes

concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune

demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en

Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications

3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave

lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave

recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen

deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement

ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires

sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee

par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

18 ARREcircT GSB c SUISSE

4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la

Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains

5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des

notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave

lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la

publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo

C Pratique interne

39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions

sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner

certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher

lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe

de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres

les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001

du 6 feacutevrier 2002 cons 3)

EN DROIT

I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE

40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des

renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de

ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas

ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui

est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement

demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1

lettre c) de la Convention libelleacute comme suit

laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du

rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure

()

c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus

de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte

Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de

lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige

() raquo

ARREcircT GSB c SUISSE 19

41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la

Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement

drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une

information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du

droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de

lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il

nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]

no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004

9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre

2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va

de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au

cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation

expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le

requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur

lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di

Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et

autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)

42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une

radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la

Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis

mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des

informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour

nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la

Convention

43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du

Gouvernement

II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA

CONVENTION

44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires

comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par

lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son

domicile et de sa correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une

mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave

la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la

preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la

protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

45 Le Gouvernement conteste cette thegravese

20 ARREcircT GSB c SUISSE

A Sur la recevabiliteacute

46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas

en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece

47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au

sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs

agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Existence drsquoune ingeacuterence

48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les

dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave

la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences

dans sa vie priveacutee et sa correspondance

49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee

constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie

priveacutee au sens de lrsquoarticle 8

50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions

exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a

eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au

plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont

effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

(paragraphe 26 ci-dessus)

51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des

comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par

lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512

sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)

2 Justification de lrsquoingeacuterence

52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les

exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si

lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts

leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute

deacutemocratique raquo pour les atteindre

a) laquo Preacutevue par la loi raquo

i Les thegraveses des parties

α) Le requeacuterant

53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose

trois seacuteries drsquoarguments

ARREcircT GSB c SUISSE 21

Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas

eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse

pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de

droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece

Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral

(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par

lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de

lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment

de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son

adoption

54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute

nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient

drsquoapplication reacutetroactive

Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans

la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique

qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit

Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui

excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale

Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains

qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter

que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-

Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de

soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a

modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide

administrative internationale

55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision

rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers

des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le

1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le

parlement feacutedeacuteral

56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures

incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante

β) Le Gouvernement

57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement

soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait

pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de

lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35

ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos

drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des

dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre

exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 17: Affaire g.s.b. c. Suisse

16 ARREcircT GSB c SUISSE

3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention

ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition

38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante

lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de

soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)

laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines

Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente

en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun

examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande

Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la

convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement

remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient

en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de

lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de

la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26

paragraphe 1 3e phrase de la convention)

LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur

de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne

concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des

notifications

Article 20d ndash Obtention des renseignements

1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les

renseignements et prend une deacutecision finale

2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire

ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des

renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements

par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande

ameacutericaine

3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention

des renseignements

Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee

1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne

concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la

deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande

de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas

expresseacutement le maintien du secret

2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des

notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine

compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des

ARREcircT GSB c SUISSE 17

contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de

renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications

3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier

La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees

que

a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou

b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige

4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins

drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute

Article 20f ndash Mesures de contrainte

1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de

contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes

sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et

des perquisitions opeacutereacutees

2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre

exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les

objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande

drsquoeacutechange de renseignements

3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps

le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La

mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration

feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant

4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes

Article 20l ndash Demande sans indications personnelles

1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications

personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave

identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse

habiliteacutee agrave recevoir des notifications

2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes

concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune

demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en

Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications

3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave

lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave

recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen

deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement

ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires

sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee

par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

18 ARREcircT GSB c SUISSE

4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la

Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains

5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des

notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave

lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la

publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo

C Pratique interne

39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions

sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner

certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher

lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe

de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres

les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001

du 6 feacutevrier 2002 cons 3)

EN DROIT

I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE

40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des

renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de

ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas

ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui

est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement

demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1

lettre c) de la Convention libelleacute comme suit

laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du

rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure

()

c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus

de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte

Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de

lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige

() raquo

ARREcircT GSB c SUISSE 19

41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la

Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement

drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une

information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du

droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de

lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il

nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]

no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004

9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre

2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va

de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au

cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation

expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le

requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur

lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di

Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et

autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)

42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une

radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la

Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis

mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des

informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour

nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la

Convention

43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du

Gouvernement

II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA

CONVENTION

44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires

comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par

lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son

domicile et de sa correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une

mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave

la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la

preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la

protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

45 Le Gouvernement conteste cette thegravese

20 ARREcircT GSB c SUISSE

A Sur la recevabiliteacute

46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas

en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece

47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au

sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs

agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Existence drsquoune ingeacuterence

48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les

dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave

la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences

dans sa vie priveacutee et sa correspondance

49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee

constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie

priveacutee au sens de lrsquoarticle 8

50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions

exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a

eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au

plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont

effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

(paragraphe 26 ci-dessus)

51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des

comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par

lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512

sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)

2 Justification de lrsquoingeacuterence

52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les

exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si

lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts

leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute

deacutemocratique raquo pour les atteindre

a) laquo Preacutevue par la loi raquo

i Les thegraveses des parties

α) Le requeacuterant

53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose

trois seacuteries drsquoarguments

ARREcircT GSB c SUISSE 21

Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas

eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse

pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de

droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece

Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral

(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par

lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de

lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment

de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son

adoption

54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute

nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient

drsquoapplication reacutetroactive

Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans

la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique

qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit

Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui

excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale

Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains

qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter

que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-

Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de

soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a

modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide

administrative internationale

55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision

rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers

des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le

1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le

parlement feacutedeacuteral

56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures

incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante

β) Le Gouvernement

57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement

soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait

pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de

lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35

ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos

drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des

dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre

exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 18: Affaire g.s.b. c. Suisse

ARREcircT GSB c SUISSE 17

contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de

renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications

3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier

La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees

que

a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou

b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige

4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins

drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute

Article 20f ndash Mesures de contrainte

1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de

contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes

sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et

des perquisitions opeacutereacutees

2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre

exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les

objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande

drsquoeacutechange de renseignements

3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps

le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La

mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration

feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant

4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des

contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes

Article 20l ndash Demande sans indications personnelles

1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications

personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute

lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave

identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse

habiliteacutee agrave recevoir des notifications

2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes

concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune

demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en

Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications

3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave

lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave

recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen

deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement

ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires

sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee

par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions

18 ARREcircT GSB c SUISSE

4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la

Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains

5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des

notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave

lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la

publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo

C Pratique interne

39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions

sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner

certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher

lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe

de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres

les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001

du 6 feacutevrier 2002 cons 3)

EN DROIT

I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE

40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des

renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de

ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas

ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui

est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement

demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1

lettre c) de la Convention libelleacute comme suit

laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du

rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure

()

c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus

de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte

Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de

lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige

() raquo

ARREcircT GSB c SUISSE 19

41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la

Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement

drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une

information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du

droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de

lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il

nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]

no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004

9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre

2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va

de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au

cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation

expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le

requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur

lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di

Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et

autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)

42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une

radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la

Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis

mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des

informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour

nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la

Convention

43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du

Gouvernement

II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA

CONVENTION

44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires

comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par

lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son

domicile et de sa correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une

mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave

la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la

preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la

protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

45 Le Gouvernement conteste cette thegravese

20 ARREcircT GSB c SUISSE

A Sur la recevabiliteacute

46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas

en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece

47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au

sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs

agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Existence drsquoune ingeacuterence

48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les

dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave

la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences

dans sa vie priveacutee et sa correspondance

49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee

constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie

priveacutee au sens de lrsquoarticle 8

50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions

exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a

eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au

plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont

effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

(paragraphe 26 ci-dessus)

51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des

comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par

lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512

sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)

2 Justification de lrsquoingeacuterence

52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les

exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si

lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts

leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute

deacutemocratique raquo pour les atteindre

a) laquo Preacutevue par la loi raquo

i Les thegraveses des parties

α) Le requeacuterant

53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose

trois seacuteries drsquoarguments

ARREcircT GSB c SUISSE 21

Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas

eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse

pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de

droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece

Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral

(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par

lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de

lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment

de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son

adoption

54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute

nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient

drsquoapplication reacutetroactive

Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans

la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique

qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit

Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui

excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale

Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains

qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter

que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-

Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de

soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a

modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide

administrative internationale

55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision

rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers

des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le

1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le

parlement feacutedeacuteral

56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures

incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante

β) Le Gouvernement

57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement

soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait

pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de

lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35

ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos

drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des

dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre

exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 19: Affaire g.s.b. c. Suisse

18 ARREcircT GSB c SUISSE

4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la

Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains

5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des

notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave

lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la

publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo

C Pratique interne

39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions

sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner

certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher

lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe

de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres

les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001

du 6 feacutevrier 2002 cons 3)

EN DROIT

I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE

40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des

renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de

ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas

ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour

Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui

est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement

demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1

lettre c) de la Convention libelleacute comme suit

laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du

rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure

()

c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus

de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte

Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de

lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige

() raquo

ARREcircT GSB c SUISSE 19

41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la

Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement

drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une

information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du

droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de

lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il

nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]

no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004

9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre

2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va

de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au

cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation

expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le

requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur

lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di

Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et

autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)

42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une

radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la

Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis

mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des

informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour

nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la

Convention

43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du

Gouvernement

II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA

CONVENTION

44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires

comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par

lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son

domicile et de sa correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une

mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave

la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la

preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la

protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

45 Le Gouvernement conteste cette thegravese

20 ARREcircT GSB c SUISSE

A Sur la recevabiliteacute

46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas

en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece

47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au

sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs

agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Existence drsquoune ingeacuterence

48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les

dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave

la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences

dans sa vie priveacutee et sa correspondance

49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee

constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie

priveacutee au sens de lrsquoarticle 8

50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions

exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a

eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au

plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont

effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

(paragraphe 26 ci-dessus)

51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des

comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par

lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512

sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)

2 Justification de lrsquoingeacuterence

52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les

exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si

lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts

leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute

deacutemocratique raquo pour les atteindre

a) laquo Preacutevue par la loi raquo

i Les thegraveses des parties

α) Le requeacuterant

53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose

trois seacuteries drsquoarguments

ARREcircT GSB c SUISSE 21

Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas

eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse

pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de

droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece

Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral

(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par

lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de

lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment

de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son

adoption

54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute

nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient

drsquoapplication reacutetroactive

Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans

la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique

qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit

Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui

excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale

Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains

qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter

que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-

Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de

soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a

modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide

administrative internationale

55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision

rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers

des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le

1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le

parlement feacutedeacuteral

56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures

incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante

β) Le Gouvernement

57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement

soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait

pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de

lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35

ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos

drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des

dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre

exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 20: Affaire g.s.b. c. Suisse

ARREcircT GSB c SUISSE 19

41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la

Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement

drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une

information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du

droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de

lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il

nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]

no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004

9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre

2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va

de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au

cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation

expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le

requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur

lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di

Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et

autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)

42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une

radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la

Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis

mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des

informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour

nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la

Convention

43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du

Gouvernement

II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA

CONVENTION

44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires

comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par

lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son

domicile et de sa correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une

mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave

la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la

preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la

protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

45 Le Gouvernement conteste cette thegravese

20 ARREcircT GSB c SUISSE

A Sur la recevabiliteacute

46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas

en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece

47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au

sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs

agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Existence drsquoune ingeacuterence

48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les

dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave

la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences

dans sa vie priveacutee et sa correspondance

49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee

constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie

priveacutee au sens de lrsquoarticle 8

50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions

exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a

eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au

plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont

effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

(paragraphe 26 ci-dessus)

51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des

comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par

lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512

sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)

2 Justification de lrsquoingeacuterence

52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les

exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si

lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts

leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute

deacutemocratique raquo pour les atteindre

a) laquo Preacutevue par la loi raquo

i Les thegraveses des parties

α) Le requeacuterant

53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose

trois seacuteries drsquoarguments

ARREcircT GSB c SUISSE 21

Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas

eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse

pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de

droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece

Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral

(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par

lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de

lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment

de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son

adoption

54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute

nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient

drsquoapplication reacutetroactive

Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans

la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique

qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit

Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui

excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale

Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains

qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter

que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-

Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de

soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a

modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide

administrative internationale

55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision

rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers

des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le

1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le

parlement feacutedeacuteral

56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures

incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante

β) Le Gouvernement

57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement

soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait

pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de

lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35

ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos

drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des

dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre

exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 21: Affaire g.s.b. c. Suisse

20 ARREcircT GSB c SUISSE

A Sur la recevabiliteacute

46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas

en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece

47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au

sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs

agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Existence drsquoune ingeacuterence

48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale

des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les

dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave

la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences

dans sa vie priveacutee et sa correspondance

49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee

constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie

priveacutee au sens de lrsquoarticle 8

50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions

exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a

eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au

plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont

effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

(paragraphe 26 ci-dessus)

51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des

comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par

lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512

sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)

2 Justification de lrsquoingeacuterence

52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les

exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si

lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts

leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute

deacutemocratique raquo pour les atteindre

a) laquo Preacutevue par la loi raquo

i Les thegraveses des parties

α) Le requeacuterant

53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose

trois seacuteries drsquoarguments

ARREcircT GSB c SUISSE 21

Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas

eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse

pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de

droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece

Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral

(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par

lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de

lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment

de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son

adoption

54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute

nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient

drsquoapplication reacutetroactive

Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans

la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique

qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit

Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui

excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale

Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains

qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter

que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-

Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de

soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a

modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide

administrative internationale

55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision

rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers

des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le

1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le

parlement feacutedeacuteral

56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures

incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante

β) Le Gouvernement

57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement

soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait

pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de

lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35

ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos

drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des

dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre

exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 22: Affaire g.s.b. c. Suisse

ARREcircT GSB c SUISSE 21

Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas

eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse

pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de

droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece

Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral

(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par

lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de

lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment

de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son

adoption

54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute

nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient

drsquoapplication reacutetroactive

Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans

la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique

qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit

Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la

Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui

excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale

Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains

qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter

que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-

Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de

soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a

modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide

administrative internationale

55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision

rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers

des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le

1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le

parlement feacutedeacuteral

56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures

incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante

β) Le Gouvernement

57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement

soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait

pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de

lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35

ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos

drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des

dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre

exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 23: Affaire g.s.b. c. Suisse

22 ARREcircT GSB c SUISSE

La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo

nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le

parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de

ladite disposition

58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le

Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon

lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas

de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141

de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande

59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base

leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la

Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes

de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par

un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne

concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par

cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait

eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash

objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere

conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit

interne drsquoimportance fondamentale

Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le

Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une

violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution

feacutedeacuterale

60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que

lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son

application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre

drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne

19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est

communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de

proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours

61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de

Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee

par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave

sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui

avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins

qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs

eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont

donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses

dispositions

62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence

constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 24: Affaire g.s.b. c. Suisse

ARREcircT GSB c SUISSE 23

srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y

compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs

agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001

12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3

paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que

lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide

administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs

deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit

proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la

reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer

63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui

lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question

Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le

requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees

concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain

tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les

anneacutees 2001-2008

Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France

(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev

c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le

Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct

dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations

fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant

64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement

exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la

laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux

dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et

les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par

les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de

deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date

65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de

lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux

personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant

reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui

visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur

le droit proceacutedural applicable

66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le

fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au

moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement

objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide

administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par

lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions

requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 25: Affaire g.s.b. c. Suisse

24 ARREcircT GSB c SUISSE

En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre

provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce

dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu

que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave

la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes pertinents

68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes

laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base

en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit

expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave

lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible

et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave

lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa

conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit

fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence

deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du

pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni

2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]

no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895

sect 56 CEDH 2000-II)

69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne

peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large

mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et

du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch

c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)

70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux

tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse

25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990

sect 29 seacuterie A no 176-A)

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part

les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure

litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant

selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question

ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire

preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure

72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les

opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 26: Affaire g.s.b. c. Suisse

ARREcircT GSB c SUISSE 25

question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments

auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo

Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette

question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus

rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a

pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune

ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant

lrsquoarbitraire

73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont

eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement

feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion

des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que

lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun

laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les

bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues

inexistantes

74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de

lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du

deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour

partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas

sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave

lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies

En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre

provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et

celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010

ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des

traiteacutes litigieux

75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base

leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la

preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne

soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute

inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise

en œuvre

76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que

la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec

les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de

lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international

applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives

agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple

Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec

les renvois qui y figurent)

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 27: Affaire g.s.b. c. Suisse

26 ARREcircT GSB c SUISSE

Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de

pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel

lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les

parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de

non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en

compte

En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au

premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques

immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive

drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses

propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8

77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre

(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un

laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition

expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent

immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres

c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096

sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune

exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe

qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide

administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural

78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du

Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative

et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature

proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en

cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur

adoption (paragraphe 39 ci-dessus)

Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances

internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il

ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune

maniegravere impreacutevisible pour lui

79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant

restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale

avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave

placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des

autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de

controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32

28 mai 2009)

80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la

mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la

Convention

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 28: Affaire g.s.b. c. Suisse

ARREcircT GSB c SUISSE 27

b) But leacutegitime

i Les thegraveses des parties

81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun

but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre

invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises

sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et

non celui de la Suisse

Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant

estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la

soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un

deacutelit

82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS

des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de

lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au

maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales

De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte

particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois

preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les

proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes

concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la

preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour

UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne

pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des

dispositions de lrsquoAccord 09

Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient

eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique

du pays

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique

importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui

participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le

conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait

valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du

bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines

contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme

drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun

nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver

un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis

84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure

incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 29: Affaire g.s.b. c. Suisse

28 ARREcircT GSB c SUISSE

c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

i Les thegraveses des parties

85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de

faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont

pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les

deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient

86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de

lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un

conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation

particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les

dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures

intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que

cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du

Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10

drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique

drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages

consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave

lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-

dessus)

87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif

central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de

ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi

explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent

tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en

agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui

de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties

drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de

recours

Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans

le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le

DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a

profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs

aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines

Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le

seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux

Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une

proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que

drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit

ameacutericain

88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la

mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 30: Affaire g.s.b. c. Suisse

ARREcircT GSB c SUISSE 29

ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour

α) Les principes applicables

89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains

principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en

particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique

(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees

fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du

1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)

90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient

compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des

donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie

priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des

garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation

de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences

de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la

confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer

devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre

les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil

srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus

grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes

nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre

entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des

inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees

rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute

sectsect 94 95 et 97-99)

91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont

largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires

relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en

particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et

3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv

18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence

litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee

β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes

92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments

tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure

litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but

leacutegitime

Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que

les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute

ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 31: Affaire g.s.b. c. Suisse

30 ARREcircT GSB c SUISSE

en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays

ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements

internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees

par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale

(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est

largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la

Cour

93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la

jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere

personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en

cause garanti par la Convention son importance pour la personne

concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon

lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est

drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave

lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre

laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement

important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la

marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte

Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules

sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement

financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees

eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il

srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample

94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime

poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse

avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande

drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes

ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en

Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter

un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis

95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse

la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune

proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee

aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la

premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde

En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises

aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres

de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait

bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait

pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques

96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines

garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes

fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin

preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

Page 32: Affaire g.s.b. c. Suisse

ARREcircT GSB c SUISSE 31

Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010

(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave

cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par

conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations

dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le

4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee

dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions

eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le

requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral

qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)

Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties

effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses

donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre

arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis

97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et

notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il

nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute

du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation

98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute

AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que

client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas

concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere

fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute

laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre

assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur

la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine

nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance

ou toute autre situation raquo

100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une

seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS

ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement

speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la

CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09

ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux

discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son

pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun

eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette

possibiliteacute

32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident

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32 ARREcircT GSB c SUISSE

101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute

En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation

particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et

dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de

certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines

Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres

banques ameacutericaines

102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal

fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par

ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare

recevable

103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une

situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait

lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la

Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que

celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant

nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute

avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune

preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus

beacuteneacutevole dans une autre banque suisse

104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec

lrsquoarticle 8 de la Convention

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement

2 Deacuteclare la requecircte recevable

3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de

la Convention

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en

application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour

Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra

Greffier Preacutesident