Affaire Ferreira Santos Pardal c. Portugal

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  • 7/23/2019 Affaire Ferreira Santos Pardal c. Portugal

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    PREMIRE SECTION

    AFFAIRE FERREIRA SANTOS PARDAL c. PORTUGAL

    (Requte no30123/10)

    ARRT

    STRASBOURG

    30 juillet 2015

    Cet arrt deviendra dfinitif dans les conditions dfinies larticle 44 2 de laConvention. Il peut subir des retouches de forme.

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    ARRT FERREIRA SANTOS PARDAL c. PORTUGAL 1

    En laffaire Ferreira Santos Pardal c. Portugal,La Cour europenne des droits de lhomme (premire section), sigeant

    en une chambre compose de :Isabelle Berro,prsidente,Elisabeth Steiner,Khanlar Hajiyev,Mirjana Lazarova Trajkovska,Julia Laffranque,Paulo Pinto de Albuquerque,Dmitry Dedov,juges,

    et de Sren Nielsen,greffierde section,Aprs en avoir dlibr en chambre du conseil le 7 juillet 2015,Rend larrt que voici, adopt cette date :

    PROCDURE

    1. lorigine de laffaire se trouve une requte (no 30123/10) dirigecontre la Rpublique portugaise et dont un ressortissant de cet tat, M. JosLus Ferreira Santos Pardal ( le requrant ), a saisi la Cour le 24 mai 2010en vertu de larticle 34 de la Convention de sauvegarde des droits delhomme et des liberts fondamentales ( la Convention ).

    2. Le requrant a t reprsent par MeResende Neiva, avocat Braga.

    Le gouvernement portugais ( le Gouvernement ) a t reprsent par sonagente, MmeM. F. Carvalho, procureure gnrale adjointe.

    3. Le requrant allgue que larrt de la Cour suprme portant rejet delaction en responsabilit civile quil avait introduite contre ltat taitcontraire une jurisprudence constante en la matire, ce qui aurait portatteinte son droit un procs quitable garanti par larticle 6 1 de laConvention..

    4. Le 4 septembre 2012, la requte a t dclare partiellementirrecevable et le grief susmentionn communiqu au Gouvernement.

    EN FAIT

    I. LES CIRCONSTANCES DE LESPCE

    5. Le requrant est n en 1955 et rside Braga.

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    A. Laction en responsabilit civile devant le tribunal de Santo Tirso(affaire interne no541/2000)

    6. Le 25 octobre 1997, le requrant fut victime dun accident de la routealors quil circulait comme passager bord de son vhicule.

    7. Gravement bless, le requrant fut hospitalis jusqu au 16 dcembre1997 puis suivi en rducation jusquen avril 1998.

    8. La socit F., compagnie dassurance du requrant, remboursa lesfrais dhospitalisation et mdicaux de ce dernier jusqu la fin de lanne1998.

    9. Dans une lettre date du 15 mars 1999, la compagnie d assuranceinforma le requrant quil tait considr comme rtabli avec un tauxdincapacit permanente partielle pour le travail de 28,8 %.

    10. une date non prcise, le requrant saisit le tribunal de Santo Tirsodune action en responsabilit civile dirige contre la socit F., rclamant celle-ci 91 927 850 escudos portugais (soit environ 459 000 euros EUR)

    pour les dommages corporels rsultant de laccident. Ayant souscrit uneassurance responsabilit civile obligatoire, le requrant estimait que, enlespce, il devait tre considr comme un tiers , couvert par soncontrat, tant donn quil ne conduisait pas le vhicule au moment delaccident. lappui de son argumentation, le requrant invoquait ladirective 90/232/CEE du Conseil du 14 mai 1990, relative lassurance dela responsabilit civile automobile, transpose au niveau interne par ledcret-loi 130/94 du 19 mai 1994 ayant amend le dcret-loi 522/85 du31 dcembre 1985. Il soutenait que, la suite de la transposition de cettedirective, le contrat dassurance responsabilit civile couvrait les dommagescorporels subis par le preneur dassurance qui tait victime dun accident dela circulation alors quil se trouvait tre passager dans son propre vhicule.

    11. Par un jugement du 2 dcembre 2002, le tribunal dbouta lerequrant de sa prtention. Il considra que le contrat d assurance souscriten lespce ne couvrait pas les dommages corporels que le requrant avaitsubis la suite de laccident mme si lintress ne conduisait pas sonvhicule au moment des faits.

    12. Le requrant fit appel du jugement devant la cour dappel de Porto,

    lui demandant de saisir la Cour de justice des Communauts europennes(ci-aprs la CJCE ), dsormais Cour de justice de lUnion europenne(ci-aprs la CJUE ), dune question prjudicielle dans le but dedterminer si la directive 90/232/CEE du Conseil avait tendu la couverturede lassurance responsabilit civile aux dommages corporels subis par le

    preneur dassurance dans le cas o celui-ci tait passager de son proprevhicule au moment de laccident.

    13. Le 22 avril 2004, la cour dappel de Porto pronona un arrt de rejet,confirmant le jugement du tribunal de Santo Tirso.

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    ARRT FERREIRA SANTOS PARDAL c. PORTUGAL 3

    14. Par ailleurs, elle jugea quil ny avait pas lieu de saisir la CJCEdune question prjudicielle pour les motifs suivants :

    (...) Il nest pas non plus justifi deffectuer un renvoi prjudiciel la Cour dejustice des Communauts europennes de la question pose par le requrant dans lamesure o notre lgislation a intgr la directive 90/232/CEE du Conseil du14 mai 1990, cite par le demandeur en appel, travers le dcret-loi 130/94 du 19 mai1994, tant donn que les doutes allgus ne se posent pas ce tribunal. (...)

    15. Le requrant forma un pourvoi en cassation devant la Cour suprme,rclamant nouveau le renvoi prjudiciel devant la CJCE concernantlinterprtation donner la directive 90/232/CEE du Conseil.

    16. Par un arrt du 14 dcembre 2004, la Cour suprme dbouta lerequrant de sa demande. Sappuyant notamment sur un arrt rendu par ellele 18 mars 1997, elle se pronona comme suit :

    (...) Les [trois] directives [ automobiles ] nont jamais eu pour objectif dtendrela couverture de lassurance au preneur dassurance mme. Ce dernier est exclu de lagarantie en application de larticle 1 1 du dcret-loi 522/85, vu le concept mmedassurance obligatoire [conu] comme assurance en faveur des tiers.

    Aussi, larticle 7 1 et 2 du dcret-loi 522/85 ne peut tre interprt dans le sensque le preneur dassurance est un tiers aux fins dune indemnisation par lassurance

    pour les prjudices quil a subis lorsque le vhicule assur tait conduit par une autrepersonne. (...)

    Sagissant de la demande de renvoi prjudiciel, la Cour suprme jugea :

    (...) [le renvoi prjudiciel] naurait lieu que sil sagissait dappliquer [en lespce]

    directement le droit communautaire et si le tribunal avait des doutes surlinterprtation de la directive, ce qui nest pas le cas, car nous nappliquons pasdirectement le droit communautaire, mais le droit national (article 7 1 et 2 dudcret-loi 522/85, dans sa rdaction issue du dcret-loi 130/94) et nous navons aucundoute quant linterprtation adopter cet gard. (...)

    B. La procdure en responsabilit civile contre ltat devant letribunal de Braga (affaire interne no9180/07.3BBRG.G1S1)

    17. En dcembre 2007, le requrant introduisit devant le tribunal deBraga une action en responsabilit civile extracontractuelle contre ltat,dnonant une erreur judiciaire rsultant selon lui de la procdure quil avait

    engage contre la socit dassurance F. devant le tribunal de Santo Tirso. Ilrclamait le paiement de la somme de 394 550 EUR augmente des intrts compter de la date dintroduction de son action devant le tribunal de SantoTirso, pour lindemnisation du prjudice matriel et moral quil disait avoirsubi. Il demandait aussi le remboursement des frais et dpens engags pourles procdures devant le tribunal de Santo Tirso et le tribunal de Braga. Lerequrant dnonait une mauvaise interprtation de la directive 90/232/CEEdu Conseil du 14 mai 1990. Il invoquait, lappui de ses assertions, larrtde la CJCEKatja Candolin e.a. contre Vahinkovakuutusosakeyhti Pohjola

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    e.a. (C-537/03) du 30 juin 2005 qui, selon lui, avait reconnu que le fait quele passager victime dun accident tait le propritaire du vhicule tait sans

    incidence en ce qui concernait lassurance obligatoire de la responsabilitcivile automobile. Il se rfrait aussi deux arrts de la Cour suprme qui, ses dires, avaient fait droit lapproche dfendue devant le tribunal de SantoTirso. Par ailleurs, le requrant estimait que la Cour suprme aurait d saisirla CJCE dun renvoi prjudiciel concernant la question litigieuse.

    18. Par un jugement du 24 juillet 2008, le tribunal de Braga dbouta lerequrant de sa demande. Le tribunal reconnut que larticle 22 de laConstitution permettait de poursuivre ltat en responsabilit pour les

    prjudices subis en raison du fonctionnement dfectueux de ses servicesjudiciaires condition que lerreur judiciaire soit vidente, grave etclairement arbitraire. Il observa que le requrant faisait reposer sa prtention

    sur une violation du droit communautaire, en loccurrence la directive90/232/CEE du Conseil du 14 mai 1990, et le refus du renvoi prjudicieldevant la CJCE prvu larticle 234 du Trait instituant la Communauteuropenne (ci-aprs le TCE ). Le tribunal indiqua quil nexistait pas de

    jurisprudence nationale ou communautaire portant sur la question soumiseen lespce au moment o larrt de la Cour suprme litigieux avait t

    prononc. Il jugea par ailleurs que lobligation de saisir la CJCE dunequestion prjudicielle ntait pas absolue et quelle comportait desexceptions, notamment lorsquil nexistait pas de doute sur la manire dersoudre une question, comme cela avait t le cas en lespce. Le tribunalen conclut quil nexistait pas derreur grave ou vidente dans larrt de laCour suprme prononc lissue de la procdure civile et que les conditions

    pour engager la responsabilit de ltat ntaient donc pas remplies.19. Le requrant interjeta appel de cette dcision devant la cour dappel

    de Guimares. Il estimait que le rgime de la responsabilitextracontractuelle de ltat prvu par le dcret-loi 67/2007 du 31 dcembre2007 ne sappliquait pas dans la prsente espce au motif quil avaitintroduit son action avant lentre en vigueur dudit dcret-loi. Il allguait

    par ailleurs que la responsabilit des tats membres de la Communauteuropenne pour cause de mauvaise interprtation du droit communautaireavait t reconnue par la jurisprudence de la CJCE.

    20. Par un arrt du 23 avril 2009, la cour d

    appel de Guimares fitpartiellement droit au recours du requrant.Dans son arrt, la cour dappel considra que lassurance responsabilit

    civile automobile obligatoire excluait uniquement les dommages matrielset moraux causs au conducteur du vhicule sinistr, compte tenu de ladirective 90/232/CEE du Conseil, transpose au niveau interne par ledcret-loi 130/94 du 19 mai 1994. Elle estima ainsi que les dommages subis

    par le preneur dassurance devaient tre pris en charge par lassurance si cedernier ntait pas le conducteur du vhicule. La cour dappel se rfra larrt de la CJCE Katja Candolin e.a. contre Vahinkovakuutusosakeyhti

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    Pohjola e.a. (prcit) et galement un arrt de la Cour suprme du16 janvier 2007 qui avait reconnu que par tiers il fallait entendre toute

    personne pouvant imputer la responsabilit dun accident autrui,notamment au conducteur du vhicule. La cour dappel estima ensuite quela Cour suprme avait failli lobligation de renvoi prjudiciel devant laCJCE prvue larticle 234 du TCE, commettant ainsi une erreur grave etmanifeste, en violation du droit communautaire, dans son arrt du14 dcembre 2004. En tenant compte de la jurisprudence de la CJCE, lacour dappel considra que la responsabilit de ltat tait tablie ds lorsquil tait dmontr que les juridictions internes navaient pas respect ledroit communautaire.

    Concernant la responsabilit civile de ltat, elle observa que le dcret-loi 67/2007 du 31 dcembre 2007 ne sappliquait pas en lespce car il

    ntait pas encore entr en vigueur au moment o laction avait tintroduite. Ensuite, elle estima quil ntait pas ncessaire de discuter sur le

    point de savoir si larticle 22 de la Constitution couvrait la responsabilitcivile de ltat pour dysfonctionnement de ses services judiciaires. Ellesouligna alors que, pour que la responsabilit de ltat pour non-respect dudroit communautaire soit considre, il ne simposait pas quune loi internela prvoie et quil ntait donc pas ncessaire de faire appel au dcret-loi 48051 du 21 novembre 1967 mme si, pour la doctrine et la

    jurisprudence, celui-ci couvrait aussi les actes de ltat commis danslexercice des fonctions juridictionnelles. Au vu de la conclusion laquelleelle tait parvenue concernant la violation du droit communautaire, la courdappel jugea comme tablie la responsabilit civile extracontractuelle deltat dans lexercice des fonctions juridictionnelles.

    Tenant compte des prjudices subis par le requrant du fait de laccident,elle condamna ltat verser lintress une indemnisation de479 091 EUR.

    21. En reprsentation de ltat, le ministre public forma un pourvoi encassation devant la Cour suprme, contestant notamment lexistence duneerreur judiciaire grave.

    22. une date non prcise, le requrant prsenta son mmoire enrponse, ritrant, entre autres, sa thse selon laquelle la responsabilit de

    l

    tat pour erreur judiciaire dcoulait d

    un non-respect du droitcommunautaire par les juridictions internes.23. Par un arrt du 3 dcembre 2009, la Cour suprme fit droit au

    pourvoi dans les termes suivants :

    (...)

    Nous laffirmons dores et dj, notre position est dadhrer la dcision dfenduepar la premire instance ce qui ne signifie pas loin de l une concordance avec sonargumentation.

    Allons donc directement la question.

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    Compte tenu de la temporalit des faits, il n y a aucun doute que ce qui est prvudans la loi 67/2007 du 31 dcembre [2007], avec les modifications apportes par laloi 31/2008 du 17 juillet [2008], ne trouve pas application en lespce.

    Ceci ne signifie nanmoins pas un total mpris de ce qui est clairement rgi par cetexte.

    La question qui nous est pose est simplement la suivante : est-ce que, au momentdes faits, ltat pouvait tre tenu pour responsable, comme il a fini par ltre, en raisonde la dcision qui fait lobjet du prsent examen ?

    Pour rpondre cette question, la loi prcite entre en jeu.

    En se rfrant la responsabilit de ltat pour des actes pratiqus dans lexercicede la fonction juridictionnelle, son article 13 1 dispose :

    Sans prjudice du rgime spcial applicable dans les cas dun jugement pnalcondamnatoire injuste et [portant] privation de libert, ltat est civilement

    responsable pour les dommages dcoulant de dcisions judiciaires manifestementinconstitutionnelles, illgales ou non justifies en raison dune erreur judiciaire danslapprciation concrte des lments de fait .

    La lecture de cette disposition nous amne conclure que, la date d entre envigueur de la loi laquelle est rattache ladite disposition, ltat ntait pasresponsable des dommages causs par les situations qui y taient prvues.

    (...)

    Cest le lgislateur [mme] qui affirme son intention dlargir le champ de laresponsabilit de ltat aux dommages causs dans lexercice de la fonction

    juridictionnelle (...).

    Aussi, cest le lgislateur [mme] qui accepte avec clart que, jusqualors, ltat nepouvait pas tre tenu pour responsable des dommages rsultant de la fonctionjuridictionnelle.

    Cette position est audacieuse dans la mesure o, lexception des cas deresponsabilisation de ltat relatifs des jugements pnaux pour condamnation injusteou des privations illgales de libert, il nexistait auparavant rien, au niveaulgislatif, pour appuyer une demande en rparation pour les dommages causs (...) parune erreur judiciaire de la juridiction civile.

    (...)

    Nous nignorons pas que la jurisprudence majoritaire na pas navigu dans ceseaux , allant chercher appui dans le dcret-loi 48051 du 21 novembre [1967] pour

    justifier lattribution dindemnisations pour les dommages causs par lactivit

    juridictionnelle en [raison] dune erreur judiciaire.Nous estimons que, en tenant compte des claircissements lgislatifs apports, il

    nest pas possible daboutir une autre conclusion.

    (...)

    Nous ne pouvons pas finir sans laisser un avertissement pour des situationssimilaires.

    Cette action nest pas une action quelconque.

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    Elle constitue plus quun recours en rvision, tel que prvu aux articles 771 etsuivants du code de procdure civile, tant donn que les tribunaux dinstance mmesagissent en critiquant une dcision de la Cour suprme.

    Le lgislateur, dans ce type de recours, nest pas all aussi loin.

    (...)

    Accepter laction, comme dans le cas despce, a eu le rsultat suivant : il a tpermis aux instances dapprcier le fond dune dcision dfinitive prononce par (...)la Cour suprme !

    (...)

    En consquence, la Cour suprme cassa et annula dans toutes sesdispositions larrt de la cour dappel de Guimares, faisant subsister ladcision prononce par le tribunal de Braga.

    II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES ET COMMUNAUTAIRESPERTINENTS

    A. Le droit interne

    1. La Constitution

    24. Larticle 22 de la Constitution dispose :

    Ltat et les autres entits publiques sont civilement responsables, conjointementavec les membres de leurs organes et leurs fonctionnaires ou agents, de toutes les

    actions ou omissions commises par ceux-ci dans lexercice ou cause de lexercice deleurs fonctions et dont il rsulte des violations des droits, liberts et garanties ou un

    prjudice pour autrui.

    2. Le dcret-loi 522/85 du 31 dcembre 1985

    25. Au moment des faits, les dispositions pertinentes en lespce dudcret-loi 522/85 du 31 dcembre 1985, dans sa rdaction issue dudcret-loi 130/94 du 19 mai 1994, se lisaient ainsi :

    Article 1Obligation dassurer

    1. Toute personne pouvant tre civilement responsable pour la rparation dedommages matriels et moraux dcoulant de lsions corporelles ou matriellescauses des tiers par un vhicule terrestre moteur, ses remorques ou semi-remorques, doit, pour que ces vhicules puissent circuler, se trouver, en applicationdu prsent texte, couverte par une assurance qui garantisse cette mmeresponsabilit.

    (...)

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    Article 7Exclusions

    1. Sont exclues de la garantie dassurance les dommages dcoulant de lsionscorporelles subies par le conducteur du vhicule assur.

    2. Sont galement exclus de la garantie dassurance tous les dommages rsultant delsions matrielles causes aux personnes suivantes :

    a) Le conducteur du vhicule et le preneur dassurance ;

    b) Tous ceux dont la responsabilit est (...) garantie notamment raison de lacoproprit du vhicule assur ;

    c) Les socits ou reprsentants lgaux des personnes morales responsables dusinistre alors en exercice dans leurs fonctions ;

    d) Les poux, ascendants, descendants et enfants adopts des personnes indiques

    aux alinas a) et b) (...) ;e) Les personnes qui (...) bnficient dune prestation compensatoire rsultant de

    liens avec lune des personnes indiques aux alinas prcdents ;

    f) Les passagers, lorsquils sont transports en violation des rgles relatives autransport de passagers figurant dans le code de la route.

    (...)

    3. Le dcret-loi 48051 du 21 novembre 1967

    26. Le rgime de la responsabilit civile extracontractuelle de ltatprvu par le dcret-loi 48051 du 21 novembre 1967 est expos dans laffaire

    Paulino Toms c. Portugal ((dc.), no

    58698/00, CEDH 2003-VIII).4. La loi 67/2007 du 31 dcembre 2007

    27. Entre en vigueur le 30 janvier 2008, la loi 67/2007 du 31 dcembre2007 rgit pour la premire fois au Portugal la responsabilit civile de ltat

    pour les dommages causs dans lexercice des fonctions juridictionnelles.En ce qui concerne la responsabilit de ltat pour erreur judiciaire,

    larticle 13 de la loi se lit ainsi :

    1. Sans prjudice du rgime spcial applicable dans les cas dun jugement pnalcondamnatoire injuste et [portant] privation de libert, ltat est civilementresponsable pour les dommages dcoulant de dcisions judiciaires manifestement

    inconstitutionnelles, illgales ou non justifies en raison dune erreur judiciaire danslapprciation concrte des lments de fait.

    2. La demande dindemnisation doit tre fonde sur lannulation pralable de ladcision ayant caus le dommage par la juridiction comptente.

    5. Les dispositions pertinentes en lespce du code de procdure civile

    28. Larticle 732-A du code de procdure civile dans sa rdaction issuedu dcret-loi 329-A/95 du 12 dcembre 1995 se lit ainsi :

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    1. Le prsident de la Cour suprme dcide, tant que larrt na pas t rendu, quele recours est examin par lassemble plnire (pleno) des chambres civiles,lorsquun tel examen savre ncessaire ou utile afin dassurer lunit de la

    jurisprudence.

    2. Lexamen [par lassemble plnire des chambres civiles], prvu au paragrapheprcdent, peut tre requis par lune des parties ou le ministre public ; il doit tresuggr par le rapporteur, par lun des juges assesseurs ou par les prsidents deschambres civiles, notamment lorsque ceux-ci constatent que, sous lempire de lamme lgislation et [au sujet de] la mme question fondamentale de droit, il serait

    possible daboutir une solution juridique en contradiction avec une jurisprudenceantrieure.

    29. Introduit par le dcret-loi 303/2007 du 24 aot 2007, larticle 763 ducode de procdure civile dispose :

    1. Les parties peuvent faire appel devant lassemble plnire des sections civilesde la Cour suprme dun arrt rendu par la Cour suprme en contradiction avec unautre arrt, sous lempire de la mme lgislation et [au sujet de] la mme question dedroit.

    (...)

    Par ailleurs, larticle 11 du dcret-loi 303/2007 prvoit ce qui suit :

    1. (...) les dispositions du prsent dcret-loi ne sappliquent pas aux procdures quitaient pendantes la date de son entre en vigueur.

    (...)

    B. La pratique interne avant l

    entre en vigueur de la loi 67/2007 du31 dcembre 2007

    30. Pour ce qui est des situations survenues avant lentre en vigueur dela loi 67/2007 du 31 dcembre 2007, en dehors des affaires concernant des

    jugements condamnatoires prononcs par les juridictions pnales ou dessituations de privation injuste de libert, la jurisprudence de la Coursuprme portant sur les actions en responsabilit civile introduites contreltat pour erreur judiciaire se prsente comme suit :

    a) Dans des arrts en date des 8 juillet 1997 (procdure no 97A774),3 dcembre 1997 (procdure no 98A644), 19 fvrier 2004 (procdure

    no

    03B4170), 31 mars 2004 (procdure no

    04A051), 29 juin 2005 (procdureno05A1064), 20 octobre 2005 (procdure no 05B2490) et 18 juillet 2006(procdure no06A1979), la Cour suprme a considr que :

    - larticle 22 de la Constitution prvoyait la responsabilit de ltat pourerreur judiciaire ; cette disposition tait directement applicable mme siaucune loi ne la mettait en uvre ;

    - il existait une obligation dindemniser en cas de dni flagrant de justiceou derreur grave (erro grosseiro) rendant arbitraire la dcision ayant tadopte.

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    b) Puis, dans un arrt du 19 juin 2008 (pourvoi no 1091/08), la Coursuprme a estim que :

    - aucune loi ne rgissait au moment des faits la responsabilit de ltatpour les dommages causs dans le cadre de la fonction juridictionnelle,sagissant de la procdure civile ;

    - larticle 22 de la Constitution ntait pas directement applicable ;- la responsabilit civile de ltat pour erreur judiciaire dans le cadre

    dune procdure civile ne pouvait donc tre engage.c) Ensuite, dans un arrt du 8 septembre 2009 (procdure

    no368/09.3YFLSB) portant sur un arrt rendu par elle le 28 juin 2001, laCour suprme a relev que :

    - il appartenait aux tribunaux dassurer lapplication directe delarticle 22 de la Constitution, celui-ci incluant la responsabilit de ltat

    pour les dommages causs dans lexercice de la fonction juridictionnelle ;- pour ne pas entraver le fonctionnement de la justice et perturber

    lindpendance des juges, une certaine prudence simposait. Il fallait donccarter tout type de responsabilit quant linterprtation des normes dedroit ou lapprciation des faits et des lments de preuve. Dans cette

    perspective, le mcanisme des recours et la hirarchie des instancescontribuaient au perfectionnement du processus dcisionnel, rduisant ainsilventualit quun jugement injuste ft rendu ;

    - dans le cas concret alors soumis la Cour suprme, la loi 67/2007 du31 dcembre 2007 ntait pas applicable. Les principes qui sen dgageaient

    pouvaient nanmoins permettre de mieux dfinir le concept derreurjudiciaire en application directe de larticle 22 de la Constitution ;

    - lerreur judiciaire tait une erreur grave, impardonnable, intolrableayant conduit une dcision dfinitive, non susceptible de recours, violantles droits et liberts dautrui.

    d) Ultrieurement, dans un arrt du 28 fvrier 2012 (procdureno825/06.3TVLSB.L1.S1) relatif un jugement prononc par un tribunal de

    premire instance en 2004, la Cour suprme a jug que :- larticle 22 de la Constitution reconnaissait la responsabilit de ltat

    du fait de lactivit judiciaire, en dehors des cas demprisonnement illgalou de condamnations pnales injustes prvus aux articles 27 5 et 29 6 de

    la Constitution ;- indpendamment de lexistence dune loi qui le mettait en uvre,larticle 22 de la Constitution tait dapplication directe ;

    - la difficult rsidait dans la conciliation du principe de lindpendancedes tribunaux, ncessaire lexercice impartial de leurs fonctions, avec le

    principe de la responsabilit de ltat pour des actes illicites des juges ;- lerreur judiciaire ne pouvait engager la responsabilit civile de ltat

    que si elle tait tellement grave, vidente et indiscutable quelle rendait ladcision arbitraire et ses conclusions absurdes.

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    e) Enfin, dans un arrt du 23 octobre 2014 (procdureno 1668/12.0TVLSB.L1.S1) concernant un jugement dun tribunal de

    premire instance adopt en 2007, la Cour suprme a expos que :- elle souscrivait la position suivie par la jurisprudence majoritaire, qui

    acceptait lapplication directe de larticle 22 de la Constitution la fonctionjuridictionnelle de ltat ;

    - mme si la loi 67/2007 du 31 dcembre 2007 ntait pas applicableratione temporis dans le cas concret qui lui tait alors soumis, riennempchait davoir recours aux principes qui se dgageaient de ladite loi.Ainsi, lannulation pralable de la dcision attaque par une voie de recourstait une condition indispensable dans le cadre dune action enresponsabilit civile introduite contre ltat, non seulement en applicationde larticle 13 2 de la loi 67/2007 mais aussi en application directe de

    larticle 22 de la Constitution.- ce principe sappliquait mme si la dcision litigieuse ntait pas

    susceptible dun recours ou si elle avait t confirme par un tribunalsuprieur.

    - pour donner lieu un redressement, lerreur devait tre grave,cest--dire aberrante.

    C. Le droit et la jurisprudence communautaires

    1. La directive 90/232/CEE du Conseil du 14 mai 1990

    31. La directive 90/232/CEE du Conseil du 14 mai 1990 concernant lerapprochement des lgislations des tats membres relatives lassurance dela responsabilit civile rsultant de la circulation des vhicules automoteurs(il sagit de la troisime directive portant sur lassurance automobile)impose, entre autres, lobligation de faire bnficier de la garantieobligatoire dassurance les passagers du vhicule.

    32. Dans son arrt Katja Candolin e.a. contreVahinkovakuutusosakeyhti Pohjola e.a. (C-537/03) du 30 juin 2005, laCJCE (devenue la CJUE aprs lentre en vigueur du Trait de Lisbonne)concluait ainsi :

    Dans des circonstances telles que celles de l

    affaire au principal, les articles 2,paragraphe 1, de la deuxime directive 84/5/CEE du Conseil, du 30 dcembre 1983,concernant le rapprochement des lgislations des tats membres relatives lassurance de la responsabilit civile rsultant de la circulation des vhiculesautomoteurs, et 1erde la troisime directive 90/232/CEE du Conseil, du 14 mai 1990,concernant le rapprochement des lgislations des tats membres relatives lassurance de la responsabilit civile rsultant de la circulation des vhiculesautomoteurs, sopposent une rglementation nationale qui permet de refuser ou delimiter de faon disproportionne, sur le fondement de la contribution dun passager la ralisation du dommage quil a subi, lindemnisation supporte par lassuranceautomobile obligatoire. Le fait que le passager concern soit le propritaire duvhicule dont le conducteur a provoqu laccident est sans incidence.

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    2. La procdure de renvoi prjudiciel devant la Cour de justice desCommunauts europennes

    33. Larticle 234 du TCE (correspondant lancien article 177 du Traitinstituant la Communaut conomique europenne et au nouvel article 267du Trait de Lisbonne sur le fonctionnement de lUnion europenne, entren vigueur le 1erdcembre 2009) prvoyait la saisine titre prjudiciel de laCJCE, en ces termes :

    La Cour de justice est comptente pour statuer, titre prjudiciel :

    a) sur linterprtation du prsent trait,

    b) sur la validit et linterprtation des actes pris par les institutions de laCommunaut (...) ;

    (...)Lorsquune telle question est souleve devant une juridiction dun des tats

    membres, cette juridiction peut, si elle estime quune dcision sur ce point estncessaire pour rendre son jugement, demander la Cour de justice de statuer surcette question.

    Lorsquune telle question est souleve dans une affaire pendante devant unejuridiction nationale dont les dcisions ne sont pas susceptibles dun recoursjuridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour de justice.

    34. La jurisprudence communautaire concernant la procdure de renvoiprjudiciel devant la CJCE figure dans laffaire Ullens de Schooten etRezabek c. Belgique (nos3989/07 et 38353/07, 33-34, 20 septembre

    2011).

    EN DROIT

    I. SUR LA VIOLATION ALLGUE DE LARTICLE 6 1 DE LACONVENTION RAISON DUNE MCONNAISSANCE DUPRINCIPE DE LA SCURIT JURIDIQUE

    35. Invoquant larticle 6 1 de la Convention, le requrant estime que

    linterprtation de la loi concernant la responsabilit civileextracontractuelle de ltat pour erreur judiciaire donne par la Coursuprme dans son arrt du 3 dcembre 2009 est en contradiction avec une

    jurisprudence interne constante et quelle a enfreint le principe de la scuritjuridique et lquit de la procdure. Sous langle de larticle 13 de laConvention, il dnonce aussi une ineffectivit de laction en responsabilitcivile extracontractuelle de ltat.

    36. La Cour rappelle que larticle 6 de la Convention est une lexspecialispar rapport larticle 13, dont les garanties se trouvent absorbespar celles de larticle 6 (Kuda c. Pologne[GC], no30210/96, 146, CEDH

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    2000-XI). Par consquent, elle examinera les griefs du requrantuniquement sous langle de larticle 6 1 de la Convention, lequel dispose :

    Toute personne a droit ce que sa cause soit entendue quitablement (...) par untribunal (...), qui dcidera (...) des contestations sur ses droits et obligations decaractre civil (...)

    37. Le Gouvernement rcuse la thse du requrant.

    A. Sur la recevabilit

    38. Constatant que ce grief nest pas manifestement mal fond au sensde larticle 35 3 a) de la Convention et quil ne se heurte par ailleurs aucun autre motif dirrecevabilit, la Cour le dclare recevable.

    B. Sur le fond

    1. Thse des parties

    39. Le requrant se plaint de ne pas avoir bnfici dun procsquitable tant donn que la Cour suprme, statuant en dernier ressort, seserait prononce sur sa cause dans un sens contraire une jurisprudenceinterne ; cet gard, il se rfre notamment deux arrts de la Coursuprme du 31 mars 2004 (procdure no04A051) et du 8 septembre 2009(procdure no 368/09.3YFLSB).

    40. Le Gouvernement reconnat que l

    arrt de la Cour suprme du3 dcembre 2009 est en contradiction avec une jurisprudence interne qui, aumoment des faits, cest--dire avant lentre en vigueur de la loi 67/2007 du31 dcembre 2007, reconnaissait la possibilit de poursuivre ltat en raisondune erreur judiciaire grave, en appliquant soit le dcret-loi 48051 du21 novembre 1967, soit directement larticle 22 de la Constitution.

    41 Il indique que le requrant disposait toutefois de deux moyens pourremdier la divergence de jurisprudence quil dnonce. Tout dabord,lintress aurait pu demander, au cours de la procdure, lintervention delassemble plnire des chambres civiles de la Cour suprme en vue duneuniformisation de la jurisprudence (julgamento ampliado de revista)

    conformment larticle 732-A du code de procdure civile, mme si cerecours tait dpendant dune dcision prise cet gard par le prsident dela Cour suprme. De mme, aprs ladoption de larrt, le requrant aurait

    pu introduire un recours extraordinaire en harmonisation de jurisprudence(recurso extraordinrio de uniformizao de jurisprudncia) en applicationde larticle 763 du code de procdure civile. Le Gouvernement admettoutefois quil nest pas certain que ce recours et t dclar recevable,

    prcisant que cette dernire disposition a t introduite par le dcret-loi303/2007 et que celui-ci ne sapplique pas aux procdures introduites avantla date de son entre en vigueur, soit le 1erjanvier 2008.

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    2. Apprciation de la Cour

    a) Principes gnraux42. Dans son arrt Nejdet ahin et Perihan ahin c. Turquie ([GC],

    no13279/05, 20 octobre 2011), la Cour a rappel les grands principesapplicables aux affaires portant sur des divergences de jurisprudence(ibidem, 49-58 et 61). Ces principes peuvent se rsumer comme suit.

    a) La Cour na pas pour tche de se substituer aux juridictions internes :cest au premier chef aux autorits nationales, notamment aux cours ettribunaux, quil incombe dinterprter la lgislation interne (Saez Maesoc.Espagne, no 77837/01, 22, 9 novembre 2004). Son rle se limite vrifier la compatibilit avec la Convention des effets de pareilleinterprtation (Kouchoglou c. Bulgarie, no48191/99, 50, 10 mai 2007) et,except lorsque lapprciation par les autorits est rvlatrice dun arbitrairevident, elle nest pas comptente pour mettre en cause linterprtation faitede la lgislation interne par ces juridictions (voir, par exemple, damsonsc. Lettonie, no3669/03, 118, 24 juin 2008).

    b) En principe, il nappartient pas la Cour de comparer les diversesdcisions rendues mme dans des litiges de prime abord voisins ouconnexes par des tribunaux dont lindpendance simpose elle (Engel etautres c. Pays-Bas, 8 juin 1976, 103, srie A no22, Gregrio de Andradec. Portugal, no41537/02, 36, 14 novembre 2006, et damsons, prcit, 118).

    c) Les divergences de jurisprudence constituent, par nature, laconsquence inhrente tout systme judiciaire qui repose sur un ensemblede juridictions du fond ayant autorit sur leur ressort territorial. De tellesdivergences peuvent galement apparatre au sein dune mme juridiction.Cela en soi ne saurait tre considr comme contraire la Convention(Santos Pinto c. Portugal, no39005/04, 41, 20 mai 2008, et Tudor Tudorc. Roumanie, no21911/03, 29, 24 mars 2009).

    d) Les critres qui guident la Cour dans son apprciation des conditionsdans lesquelles des dcisions contradictoires de diffrentes juridictionsinternes statuant en dernier ressort emportent violation du droit un procsquitable, consacr par larticle 6 1 de la Convention, consistent

    dterminer sil existe dans la jurisprudence des juridictions internes desdivergences profondes et persistantes , si le droit interne prvoit desmcanismes visant la suppression de ces incohrences, si ces mcanismesont t appliqus et quels ont t, le cas chant, les effets de leurapplication (voir, entre autres, Iordan Iordanov et autres c. Bulgarie,no 23530/02, 49-50, 2 juillet 2009, et voir aussi, Beian c. Roumanie(no1), no 30658/05, 34-40, CEDH 2007XIII (extraits), tefan et tefc. Roumanie, nos 24428/03 et 26977/03, 33-36, 27 janvier 2009,Schwarzkopf et Taussik c. Rpublique tchque (dc.), no 42162/02,

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    2 dcembre 2008, Tudor Tudor, prcit, 31, et tefnic et autresc. Roumanie, no38155/02, 2 novembre 2010, 36).

    e) Lapprciation de la Cour repose constamment sur le principe de lascurit juridique, qui est implicite dans lensemble des articles de laConvention et qui constitue lun des lments fondamentaux de ltat dedroit (voir, parmi dautres, Beian (no1), prcit, 39, Iordan Iordanov etautres, prcit, 47, et tefnic et autres, prcit, 31).

    f) Le principe de la scurit juridique tend notamment garantir unecertaine stabilit des situations juridiques et favoriser la confiance du

    public dans la justice. Toute persistance de dcisions de justice divergentesrisque dengendrer un tat dincertitude juridique de nature rduire laconfiance du public dans le systme judiciaire, alors mme que cetteconfiance est lune des composantes fondamentales de ltat de droit

    (Paduraru c. Roumanie, no 63252/00, 98, CEDH 2005-XII (extraits),Vini et autres c. Serbie, nos44698/06 et autres, 56, 1erdcembre 2009,tefan et tef, prcit, 33, et tefnic et autres, prcit, 38).

    g) Cependant, les exigences de la scurit juridique et de la protection dela confiance lgitime des justiciables ne consacrent pas un droit acquis une

    jurisprudence constante (Undic c. France, no20153/04, 74, 18 dcembre2008). En effet, une volution de la jurisprudence nest pas en soi contraire la bonne administration de la justice, car labandon dune approchedynamique et volutive risquerait dentraver toute rforme ou amlioration(Atanasovski c. lex-Rpublique yougoslave de Macdoine , no36815/03, 38, 14 janvier 2010).

    h) Enfin, la diffrence de traitement opre entre deux litiges ne sauraitsentendre comme une divergence de jurisprudence si elle est justifie parune diffrence dans les situations de fait en cause (voir, en ce sens, Uar c.Turquie(dc.), no12960/05, 29 septembre 2009).

    b) Application la prsente espce

    43. La Cour observe que le Gouvernement ne conteste pas quunejurisprudence interne reconnaissait, avant lentre en vigueur de laloi 67/2007 du 31 dcembre 2007, la possibilit de poursuivre ltat enresponsabilit civile pour les dommages causs raison dune erreur

    judiciaire. Ceci ressort dailleurs de laperu de la jurisprudence pertinenteen lespce de la Cour suprme figurant au paragraphe 30 ci-dessus.44. Dans la prsente affaire, la Cour constate que, par un arrt du

    3 dcembre 2009, la Cour suprme a jug quau moment des faits il ntaitpas possible de poursuivre ltat en responsabilit civile pour une erreurjudiciaire. Cassant et annulant larrt de la cour dappel, la haute juridictiona estim que le jugement de premire instance devait subsister, quoique

    pour des motifs diffrents (paragraphe 23 ci-dessus).

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    45. linstar de laffaire Beian (prcite), cest donc la plus hautejuridiction qui est lorigine de la divergence jurisprudentielle dnonce par

    le requrant.46. La Cour rappelle que les divergences de jurisprudence constituent,

    par nature, la consquence inhrente tout systme judiciaire qui repose surun ensemble de juridictions du fond ayant autorit sur leur ressort territorial.

    47. Cependant, la Cour souligne que le rle dune juridiction suprmeest prcisment de rgler ces contradictions (Zielinski et Pradal et Gonzalezet autres c. France[GC], no24846/94 et 34165/96 34173/96, 59, CEDH1999-VII). Par consquent, si une pratique divergente se dveloppe au seindune des plus hautes autorits judiciaires du pays, cette dernire devientelle-mme source dinscurit juridique, portant ainsi atteinte au principe dela scurit juridique et rduisant la confiance du public dans le systme

    judiciaire (Beian,prcit, 39).48. Dans la prsente espce, la Cour observe que la Cour suprme a

    adopt une solution diamtralement oppose une jurisprudence interneconstante, comme elle lavait dailleurs dj fait dans un arrt du 19 juin2008 (paragraphe 30 point b) ci-dessus). Elle estime quon ne sauraitnanmoins considrer ces deux arrts comme des revirements

    jurisprudentiels fonds sur une nouvelle interprtation de la loi, tant donnque la Cour suprme est revenue ultrieurement sa jurisprudence constante(voir, a contrario, Ik c.Turquie (dc.), no35224/05, 16 juin 2009), commele dmontrent les arrts du 28 fvrier 2012 et du 23 octobre 2014(paragraphe 30 points d) et e) ci-dessus).

    49. Aux yeux de la Cour, ces deux interprtations divergentes quant larecevabilit dune action en responsabilit civile de ltat pourdysfonctionnement de la justice ont invitablement, sagissant de la Coursuprme, cr une situation dincertitude jurisprudentielle de nature porteratteinte au principe de la scurit juridique.

    50. La Cour prend note de lallgation du Gouvernement selon laquellele requrant disposait de deux moyens pour remdier cette situation.Cependant, sagissant du premier recours (julgamento ampliado de revista),la Cour constate que sa mise en uvre dpend dune dcision du prsidentde la Cour suprme et quil na pas fonctionn dans la prsente espce. En

    effet, malgr l

    existence d

    une divergence de jurisprudence au sein de laCour suprme, le prsident de cette haute juridiction na pas saisi dofficelassemble plnire des chambres civiles de la Cour suprme aux finsdassurer luniformit de la jurisprudence, alors quil aurait pu le faireconformment lalina 1 de larticle 732-A du code de procdure civile(paragraphe 28 ci-dessus). Quant au recours extraordinaire en harmonisationde jurisprudence (recurso extraordinrio de uniformizao de

    jurisprudncia), la Cour note linstar du Gouvernement qui ladmet quil ntait pas applicable au moment des faits. En effet, ledcret-loi 303/2007 du 24 aot 2007 rgissant ce recours ne couvre pas les

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    procdures qui, comme en lespce, taient pendantes avant son entre envigueur (paragraphe 29 ci-dessus). Le requrant ne disposait donc pas dun

    mcanisme pour pallier les diffrends jurisprudentiels qui existaient au seinde la Cour suprme.

    51. La Cour en conclut que lincertitude jurisprudentielle qui a entranle rejet de laction forme par lintress, laquelle sajoute, dans la

    prsente espce, labsence dun mcanisme apte assurer la cohrence despratiques au sein mme de la plus haute juridiction interne, a eu pour effetde priver le requrant de la possibilit de faire examiner son action enresponsabilit dirige contre ltat, alors que dautres personnes dans unesituation similaire se sont vu reconnatre ce droit. Il y a donc eu violation delarticle 6 1 de la Convention.

    II. SUR LA VIOLATION ALLGUE DE LARTICLE 6 1 DE LACONVENTION POUR DFAUT DIMPARTIALIT DE LA COURSUPRME

    52. Sous langle de larticle 6 1 de la Convention, le requrant se plaintgalement dun dfaut dimpartialit de la Cour suprme au motif quecelle-ci tait en lespce appele se prononcer sur une erreur judiciairedont elle tait lorigine.

    53. La Cour relve que ce grief est li celui examin ci-dessus et quildoit donc aussi tre dclar recevable.

    54. Elle rappelle que le droit de toute personne ce que sa cause soitentendue par un tribunal indpendant et impartial nest quun aspect du droitplus large un procs quitable, garanti par larticle 6 de la Convention.

    55. Eu gard son constat de violation relatif larticle 6 1 de laConvention (paragraphe 53 ci-dessus), la Cour estime quil ny a pas lieudexaminer sil y a eu aussi, en lespce, violation de cette mme disposition

    pour manque dimpartialit de la Cour suprme (voir, mutatis mutandis,Beian, prcit, 45).

    III. SUR LAPPLICATION DE LARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    56. Aux termes de larticle 41 de la Convention, Si la Cour dclare quil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et

    si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet deffacerquimparfaitement les consquences de cette violation, la Cour accorde la partielse, sil y a lieu, une satisfaction quitable.

    A. Dommages

    57. Pour le prjudice matriel quil estime avoir subi, le requrantrclame 479 091 euros (EUR), cette somme correspondant lindemnisation

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    qui lui avait t octroye par la cour dappel de Guimares dans son arrt du23 avril 2009 qui, par la suite, a t annul par larrt de la Cour suprme du

    3 dcembre 2009. Il rclame aussi une somme pour le prjudice moral quildit avoir subi mais ne chiffre pas sa prtention.

    58. Le Gouvernement conteste la somme rclame pour le dommagematriel, estimant quil nexiste aucun lien de causalit entre la violation etle dommage matriel allgu.

    59. La Cour naperoit pas de lien de causalit entre la violationconstate et le dommage matriel allgu et rejette la demande y affrente.Le requrant nayant pas prcis le montant quil rclame pour le dommagemoral allgu, la Cour estime quil ny a pas lieu non plus de lui octroyer desomme ce titre.

    B. Frais et dpens

    60. Le requrant demande 78 809,21 EUR pour les frais et dpensengags devant les juridictions internes et devant la Cour, lesquels sontventils comme suit : 18 689,25 EUR pour les frais de justice relatifs la

    procdure devant le tribunal de Santo Tirso, 29 369,96 EUR pour les fraisde justice concernant la procdure devant le tribunal de Braga, 750 EUR

    pour les frais divers (papeterie, dplacements, communicationstlphoniques) et 30 000 EUR dhonoraires estims pour 300 heures detravail un taux horaire de 100 EUR.

    61. Le Gouvernement s

    en remet la sagesse de la Cour.62. La Cour rappelle que, lorsquelle constate une violation de laConvention, elle peut accorder le paiement des frais et dpens expossdevant les juridictions nationales pour prvenir ou faire corriger parcelles-ci ladite violation (voir, parmi beaucoup dautres,Hertel c. Suisse,25 aot 1998, 63, Recueil des arrts et dcisions1998-VI). En lespce,tant donn que la violation constate concerne un arrt de la Cour suprme

    prononc lissue de la procdure nationale, les frais y affrents nont past engags pour prvenir ou faire corriger la violation constate.

    63. Quant aux frais et dpens devant elle, la Cour rappelle quunrequrant ne peut obtenir leur remboursement que dans la mesure o se

    trouvent tablis leur ralit, leur ncessit et le caractre raisonnable de leurtaux (Iatridis c. Grce (satisfaction quitable) [GC], no 31107/96, 54,CEDH 2000-XI). En lespce, la Cour constate que les frais et leshonoraires engags pour la procdure devant la Cour ne sont tays paraucun justificatif.

    64. Partant, la Cour rejette la demande du requrant au titre des frais etdpens devant les juridictions internes et devant la Cour.

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    PAR CES MOTIFS, LA COUR, LUNANIMIT,

    1. Dclarela requte recevable ;

    2. Ditquil y a eu violation de larticle 6 1 de la Convention raison de lamconnaissance du principe de la scurit juridique ;

    3. Dit quil ny a pas lieu dexaminer le grief tir de larticle 6 1 de laConvention pour dfaut dimpartialit de la Cour suprme.

    Fait en franais, puis communiqu par crit le 30 juillet 2015, enapplication de larticle 77 2 et 3 du rglement de la Cour.

    Sren Nielsen Isabelle BerroGreffier Prsidente