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1 Carl Gustav Jung & Henry Corbin. Monde de l’Inconscient & Monde Imaginal 7e JOURNEE HENRY CORBIN - 17 décembre 2011 ENS Ulm Dr Alexandre Ahmadi Introduction Notre époque ne montre que trop de signes d’épuisement et ceci à tous les niveaux : écologiquement nous sommes face à un monde surpeuplé, surexploité et surchauffé où des espèces animales et végétales disparaissent tous les jours et où l’espèce humaine aurait l’occasion de s’infliger la même chose ; psychologiquement, les gens sont de plus en plus en souffrance au point où certains parlent de « borderlinisation » de la société ; spirituellement, les églises perdent leur rôle d’inspiration et, lorsque les lieux de culte se remplissent, souvent l’intégrisme est de la partie. Nous sommes bien dans le Kali Yuga, l’Âge de Fer des Hindous ou peut-être même pire. En effet, nous sommes plus bas que le fer, nous sommes à l’ « Âge de Plastique », ère où cette matière vulgaire et envahissante pollue notre environnement naturel et même notre organisme. C’est d’ailleurs une matière qui, à la différence de la pierre, du bois ou du métal façonné par les artisans, n’est pas conductrice, ne vibre pas. Autrement dit, elle est opaque et ne laisse donc pas passer la lumière : c’est une matière ahrimanienne par excellence. Il n’est donc pas étonnant que notre époque où ce plastique s’amasse jusqu’à l’horizon soit aussi celle où l’on ne voit plus la lumière de l’Orient, l’Horizon de l’âme, si chère à Henry Corbin. Dans ce marasme spirituel et matériel, ce dernier n’avait pas attendu l’âge mûr pour s’inquiéter et se révolter. Lorsqu’il faisait partie, dans les années 30, des jeunes intellectuels non-conformistes, il savait déjà que l’homme n’était plus en quête de sagesse : homo sapiens devenait homo oeconomicus, « machine imbécile à produire et à consommer » et le règne du quantitatif était né. Et certainement, depuis le début de ce règne, une quantité de désastre a eu lieu. Il a alors cherché une issue dans ces ténèbres, en se réorientant vers la lumière de l’âme, et l’a trouvée révélée dans le Mundus Imaginalis ou ‘Âlam al-Mithâl, monde médian et médiateur entre notre monde sensible et le monde intelligible. C’est le monde « entre Ciel et

Ahmadi 2011 Jung COrbin Monde Inconscient Monde Imaginal

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Etude croisée des deux penseurs Carl Gustav Jung et Henry Corbin et de leurs concepts clefs

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    Carl Gustav Jung & Henry Corbin.

    Monde de lInconscient & Monde Imaginal

    7e JOURNEE HENRY CORBIN - 17 dcembre 2011 ENS Ulm

    Dr Alexandre Ahmadi

    Introduction

    Notre poque ne montre que trop de signes dpuisement et ceci tous les niveaux :

    cologiquement nous sommes face un monde surpeupl, surexploit et surchauff o des

    espces animales et vgtales disparaissent tous les jours et o lespce humaine aurait

    loccasion de sinfliger la mme chose ; psychologiquement, les gens sont de plus en plus en

    souffrance au point o certains parlent de borderlinisation de la socit ; spirituellement,

    les glises perdent leur rle dinspiration et, lorsque les lieux de culte se remplissent, souvent

    lintgrisme est de la partie. Nous sommes bien dans le Kali Yuga, lge de Fer des Hindous

    ou peut-tre mme pire. En effet, nous sommes plus bas que le fer, nous sommes l ge de

    Plastique , re o cette matire vulgaire et envahissante pollue notre environnement naturel

    et mme notre organisme. Cest dailleurs une matire qui, la diffrence de la pierre, du bois

    ou du mtal faonn par les artisans, nest pas conductrice, ne vibre pas. Autrement dit, elle

    est opaque et ne laisse donc pas passer la lumire : cest une matire ahrimanienne par

    excellence. Il nest donc pas tonnant que notre poque o ce plastique samasse jusqu

    lhorizon soit aussi celle o lon ne voit plus la lumire de lOrient, lHorizon de lme, si

    chre Henry Corbin.

    Dans ce marasme spirituel et matriel, ce dernier navait pas attendu lge mr pour

    sinquiter et se rvolter. Lorsquil faisait partie, dans les annes 30, des jeunes intellectuels

    non-conformistes, il savait dj que lhomme ntait plus en qute de sagesse : homo sapiens

    devenait homo oeconomicus, machine imbcile produire et consommer et le rgne du

    quantitatif tait n. Et certainement, depuis le dbut de ce rgne, une quantit de dsastre a eu

    lieu. Il a alors cherch une issue dans ces tnbres, en se rorientant vers la lumire de lme,

    et la trouve rvle dans le Mundus Imaginalis ou lam al-Mithl, monde mdian et

    mdiateur entre notre monde sensible et le monde intelligible. Cest le monde entre Ciel et

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    Terre o le contact entre Dieu et lhomme se fait. Ainsi, lme peut tre roriente et

    sauve, notamment par lentremise de lAnge ou, mieux dit, de son Ange, figure par

    excellence de ce monde intermdiaire. Ainsi, le monde phnomnal prend origine et trouve

    son sens au-del de lui et vite alors de tomber dans lhistoricisme du temps horizontal qui le

    rendrait absurde car instantanment dpass, perptuellement prim par rapport lui-mme.

    La snescence programme des appareils lectroniques, les starlettes riges en idole

    plantaire du jour au lendemain avant de finir dans loubli, les ressources financires ou

    mme naturelles qui peuvent disparatre en un clin dil (ou un clic de souris) sont peut-tre

    autant de symptmes de cet historicisme, de ce temps sans fondement qui ne peut que se

    dsintgrer peine apparu. Corbin a raison, il faut aller plus loin que cet horizon de

    lhistoricisme qui, dans notre monde actuel de linstantan, est tellement prs quil est

    finalement dj derrire nous et voil pourquoi nous perdons pied, nous ne pouvons plus nous

    orienter, car nous ne reposons sur plus rien, nous sombrons dans labme. Evidemment, aprs

    la mort de Dieu annonce par Nietzsche, nous ne pouvions quarriver la mort du monde cr

    par Dieu. Hors de la hirohistoire donc, point de salut ! Il faut retrouver lAnge, le sacr, la

    verticalit pour rgnrer ce temps qui spuise, sinon leschatologie, qui est en realit une

    rsurrection, deviendra vritablement une fin du monde. Corbin nous rappelle dailleurs la

    belle prire zoroastrienne (Yasna XX ,9) : Puissions-nous tre ceux qui oeuvrent pour la

    Rjuvnation du monde.

    Paralllement, Carl Gustav Jung a lui aussi constat que lhomme avait abandonn, quasiment

    dni, son me au point den faire une farce. Ainsi il stonne du fait que, lorsque nous

    parlons dune chose en la dfinissant de psychologique, ctait comme si nous disions quelle

    tait irelle, factice (pensons par exemple en mdecine la douleur psychologique qui

    veut dire dans la bouche de certains une douleur simule). Nous retrouvons l en cho une

    indignation toute corbinienne face la confusion entre limaginal et limaginaire. Car pour

    Jung, comme pour Corbin avec limaginal, lme est quelque chose de rel, dobjectif avec

    laquelle il faut composer. Le titre dune de ses uvres, De la Ralit de lme, est assez

    explicite. Il faut ainsi couter la psych inconsciente ou plutt, vu que lInconscient est par

    dfinition inconnaissable, observer ses manifestations et les interprter pour voluer. Pour

    prendre un terme cher Corbin, joserai dire quil faut, en tant que jungien, faire un tawl

    vers lme, en lme et avec lme, comme les soufis voyagent vers Dieu, en Dieu et avec

    Dieu. Et Jung a trouv le moyen de le faire en tant guid par ce quil a appel le Soi ou,

    mieux dit, son Soi, qui serait dune certaine faon le centre absolu de sa psych et aussi sa

    totalit. Le Soi de Jung est donc comme lAnge de Corbin, qui complte lme, car lme

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    terrestre est en dficience, en retard sur elle-mme, cest--dire sur la totalit de son tre

    (Eranos Jahrbuch 1951, p176).

    Nous sommes l loin de la psychiatrie biologique, si en vogue de nos jours, qui enferme lme

    dans le monde phnomnal ou, pire encore, dans le monde infra-phnomnal des molcules

    du cerveau et qui essaie de la sauver par la pharmacologie, chimie de guerre qui ne fait que

    trop de dgt collatraux avec ses effets secondaires. Nous sommes aussi distance de Freud

    et de son archologie psychanalytique qui aime remonter lenfance, aux premiers

    traumatismes, aux conflits inconscients refouls et bloqus du pass : il ne cherche pas

    lOrient de lme mais fouille plutt lOccident, l o est tombe la lumire.

    Bien videmment, Corbin et Jung ne pouvaient que se rencontrer et, au cercle Eranos

    Ascona, o plusieurs penseurs tentaient tant bien que mal de sauver ce qui nous restait dme

    humaine, ils ont partag leur vision. Mais quen est-il de ce partage ? Parlent-ils le mme

    langage ? Lme et la psych sont-elles identiques ? Le Monde de lInconscient est-il le

    Mundus Imaginalis ? Le Soi est-il lAnge, le reprsentant de Dieu ?

    Je naurai certainement pas laudace de rpondre ces questions mais essaierai seulement de

    dgager quelques pistes de rflexions et de montrer larticulation que ces deux ralits

    peuvent avoir avec un point de vue trs personnel. Trs personnel donc srement peu

    orthodoxe mais je me dfends dj en disant que je ne fais que rpondre lappel que Denis

    de Rougemont aurait entendu de la bouche de Corbin : hrtiques de toutes religions,

    unissez-vous !

    Sauver lme

    Henry Corbin a insist sur le Szein ta phainomena : nous devons, travers la brillance du

    visible retrouver la lumire originelle qui se cache dans lombre, le non-manifest. Il nous le

    dit dans Philosophie iranienne et philosophie compare (p.22-23) :

    Le phnomne, c'est ce qui se montre, ce qui est apparent et qui dans son apparition montre

    quelque chose qui peut se rvler en lui qu'en restant simultanment cach sous son

    apparence. Quelque chose se montre dans le phnomne, et ne peut sy montrer quen se

    cachant () le phanomenon, cest le zhir, lapparent, lextrieur, lexotrique. Ce qui se

    montre dans ce zhir, tout en sy cachant, cest le btin, lintrieur, lsotrique. La

    phnomnologie consiste sauver le phnomne , sauver lapparence, en dgageant ou

    dvoilant le cach qui se montre sous cette apparence () Cest laisser se montrer le

    phnomne tel quil se montre au sujet qui il se montre.

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    En effet, le mot phnomne drive du verbe grec Phainesthai, qui signifie ce qui se montre, se

    met au jour, la lumire (on reconnat dailleurs la racine Pha- comme dans Phos, la lumire,

    la clart). Ainsi, on dpasse lhorizon du monde phnomnal pour atteindre son essence

    lumineuse pourrait-on dire et lui donner un sens.

    La dfinition de Corbin de la phnomnologie pourrait dcrire parfaitement lapproche de

    Jung quant la psych humaine. Celle-ci aussi se cache en partie dans lombre et se manifeste

    en restant simultanment cache. En effet, nous avons lhabitude de nous identifier notre

    moi, centre du champ de la conscience et de laisser alors dans lombre la plus grande partie de

    nous-mme, ce qui en fait son fondement. Pensons au titre dune autre uvre de Jung , les

    Racines de la Consience : la conscience plonge, sinscrit donc dans un plan plus profond,

    celui de lInconscient, do elle puise sa lumire. Dans cette mme uvre (p.508-520), Jung,

    citant notamment des textes alchimiques de Paracelse et de Gerhard Dorn, y met en vidence

    lide dune lumire naturelle en lhomme (lumen naturae), qui illumine le conscient, cache

    dans les profondeurs de lombre, comme des toiles dans un ciel nocturne. Ces toiles sont les

    scintillae, luminosits germinales qui luisent hors de lobscurit de linconscient , sorte

    dtincelles primordiales intrieures, dorigine divine daprs nos alchimistes - et dune

    certaine faon aussi pour Jung quand il crit luminositas correspond numinositas - qui,

    ensemble, forment les racine de la conscience. Ce rattachement, via les alchimistes, de la

    conscience de lhomme la conscience divine nest pas sans rappeler le hadth qudsi du

    Trsor Cach tant de fois mdit par les mystiques de lIslam.

    Nous voyons donc le monde et nous nous voyons nous-mme avec notre moi conscient, le

    sujet de laction, qui illumine ou conscientise le rel. Il nous fait ainsi voir par sa lumire et il

    est alors facile de sidentifier cette lumire. Lumire sur lumire pour reprendre le verset

    fameux du Coran (XXIV:35) mais, tant quon reste limit au moi, aux branches de la

    conscience plutt qu ses racines, cest comme si lon perdait alors de vue la deuxime partie

    du verset : Dieu guide vers Sa Lumire qui Il veut En effet, sans cet Autre absolu quest

    Dieu, lhomme reste bloui par sa propre lumire, tellement vidente quelle en devient

    invisible, et il ne voit vritablement plus, il nest plus guid vers Sa Lumire. Erreur toute

    halljienne de se mprendre pour le divin et de croire que le moi fait la lumire sur la ralit

    ou, pire, fait la vrit. Egocentrisme, psycho-rigidit, inflation de lgo, dsenchantement du

    monde, autant de symptmes qui sonnent comme un An al-Haqq, mais celui-ci sans beaut,

    sans enthousiasme. De l, nous le rappelle dailleurs Jung, vient la difficult de faire de la

    psychologie vu que le sujet et lobjet de ltude sont les mmes. On a donc besoin de lAutre

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    pour voir clair et le Soi jungien est laltrit absolue vers laquelle on tend infiniment, en un

    chemin de ralisation illimit appel individuation. Celle-ci est la voie qui permet de devenir

    un tre individu, total, loppos de lindividualiste, qui est limit car centr sur son petit

    ego. Le moi nest donc pas la personnalit totale mais en est seulement une partie (Aon, p19)

    et ce moi est ignorant car il ne connat que ses propres contenus et ignore tout de linconscient

    et de sa teneur (Prsent et Avenir, p13-14). Pour reprendre les mots de Corbin, je dirai donc

    que le moi, qui sidentifie la conscience, est la face zahr de lme, la surface du champ

    plus vaste de linconscient btini. Sidentifier seulement son moi est donc comme la lecture

    littrale du livre de sa vie qui reste lettre morte si on ne fait pas de tawl qui rvle

    lsotrique sous lexotrique. Corbin nous le dit encore dans Philosophie iranienne et

    philosophie compare (p23) :

    Le tawl, cest ramener une chose sa source, son archtype (tchz-r be-asl-e khwd

    rasndan). En ly reconduisant, on la fait passer de niveau en niveau de ltre, et par le fait

    mme on dgage la structure dune essence (ce qui ne veut pas du tout dire tre

    structuraliste). La structure, cest le tartb al-mazhir, le systme des formes de

    manifestation dune essence donne.

    Jai choisi dlibrment cette phrase car Corbin nous parle de la remonte des niveaux de

    ltre jusqu larchtype qui serait la source de la structure dune essence. Et c'est ce mot

    archtype qui est fondamental car il est une brique majeure de la psychologie de Jung qui voit

    aussi en lui un lment psychique structurel. Jung l'utilise ds 1919 mais, entre lui et Corbin,

    il y a eu probablement des influences rciproques quant au concept. Ce qui est certain c'est

    que toute la cohrence du systme jungien repose sur les archtypes et sur le Soi qui est, pour

    ainsi dire, l'archtype des archtypes. la diffrence du lieu commun qui dirait que

    l'archtype est une forme culturelle fige hrditaire, Jung nous le dfinit comme un modle

    hypothtique non manifeste , un lment vide, formel, qui nest rien que facultas

    praeformandi, une possibilit donne a priori de la forme de reprsentation . Cette notion

    ressemble au dator formarum, whib al-sowar, que l'on retrouve, Corbin nous le rappelle,

    dans la thosophie islamique, notamment shaykhi. Pour essayer dexpliquer simplement une

    notion trs complexe et qui a de plus beaucoup volu avec le temps dans luvre de Jung, on

    peut dire que larchtype est un organe psychique qui se manifeste dans la psych d'un

    individu par des images multiples bien que gardant une certaine unit. Ainsi, chez une

    personne, les complexes lis la mre par exemple seront bien videmment trs personnels

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    mais aussi sous-tendus par l'archtype de la Grande Mre, autant nourricire que dvorante.

    Autrement dit, une mre est tout autant une Junon qu'une Diane mais chaque individu "verra"

    diffremment la prise de forme de cet archtype et ragira personnellement elle. Pour Jung,

    de grands schmes mythologiques peuplent notre me d'o l'intrt d'tudier les mythes de

    l'humanit, les systmes religieux, les traditions populaires, les contes de fe : finalement

    toutes les manifestations de la spiritualit de lhomme. Et, quand il nous dit aussi que limage

    archtypique exprime autre chose que ce quelle donne voir, un tiers qui demeure toujours

    inconnu et informulable (Introduction lessence de la mythologie, p128) et quelle est le

    but spirituel vers lequel tend la nature de lhomme , nous nous rapprochons alors du tawl

    de Corbin. Michel Cazenave rsume peut-tre le mieux la polysmie de larchtype quand il

    dit, dans La Synchronicit, l'me et la science (p31-32), quil est la fois matrice d'images

    dans le champ de l'inconscient, condition de possibilit par rapport l'exprience, structure

    mtaphysique dans le royaume rel de l'me

    Ce monde de lme, que lon exprimente de faon magique, avec toute la richesse

    tymologique que nous pouvons donner ce mot, est donc un monde visionnaire dans lequel

    se rencontrent tous les dieux et dmons de l'humanit, les jinn, les fes et les anges. Jung l'a

    appel le monde de l'inconscient collectif. Pour ma part je ne peux qu'y voir le mme monde

    que celui des rcits visionnaires des mystiques et prophtes tudis par Corbin: ainsi l'histoire

    de notre psych serait une hirohistoire.

    Mais dautres rapprochements sont aussi possibles. Corbin nous dit que le ta'wl nous fait

    passer de niveaux en niveaux de l'me avant d'arriver l'archtype et, de faon similaire, le

    voyage dans la profondeur de la psych selon Jung contient lui aussi des tapes majeures

    comme celles des rencontres successives avec l'Ombre et l'Anima/Animus. Sans entrer dans

    les dtails, on peut dire simplement que l'Ombre est la personnification de l'inconscient

    personnel et l'Anima la personnification de l'inconscient collectif (chez une femme ce serait

    l'Animus). La rencontre avec l'Ombre est priori difficile et celle avec l'Anima ambivalente.

    Pour reprendre des symboles de l'Irfn et de la mystique musulmane, on pourrait dire que

    l'Ombre est comme la Nafs, Satan-Iblis intrieur qui reprsente le Mal en nous et qui nous

    pousse au mal. Plus spcifiquement la Nafs ammra, traduite souvent par me concupiscente.

    Mais il ne faut pas tomber dans un moralisme naf car, autant dans l'Irfn que chez Jung,

    l'Ombre-Nafs n'est pas un ennemi abattre mais plutt une chose (le mot est malheureux)

    avec laquelle il faut entrer en communication pour la pacifier: elle devient alors Nafs

    mutma'inna, lme apaise. Laisser le diable dans l'ombre et il ne deviendra que plus

    dangereux, combattez-le et il se dchanera de plus belle. Le principe est bien connu en

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    psychologie o, sans travail sur l'inconcient, ce dernier nous trompe travers lapsus et

    projections, mais lutter contre ses aspects les plus sombres, base du refoulement, ne peut

    qu'amener un retour de flamme dramatique. La confrontation avec lOmbre est une tape

    difficile du processus de transformation de lme (mise en parallle avec la phase de nigredo

    du processus alchimique) mais elle nest pas une exprience uniquement ngative car, dans

    lombre, se cache aussi les potentialits non ralises de la psych, les trsors cachs de

    lme. Il y a chez Corbin, dans lHomme de lumire dans le soufisme iranien (p110-111), un

    passage clairant sur ces deux aspect de lOmbre quand il parle de la Lumire noire (nr-e

    siyh) :

    () quelque chose qui clt au terme dun combat () Une fois le seuil franchi, la

    perspective souvre sur les pripties dune histoire secrte, les tapes de litinraire

    spirituel, avec les prils et les triomphes de la personne de lumire () La dimension de

    la surconscience sannonce symboliquement par la lumire noire () chez Semnni

    elle marque ltape initiatique la plus prilleuse, celle qui prcde immdiatement

    lultime thophanie qui sannonce dans la lumire verte () visio smaragdina () Il y a

    une obscurit qui est la matire, et il y a une obscurit qui est labsence de matire () la

    parcelle de lumire absorbe dans le puis obscur (nafs ammar) selon Najm Kobr et

    Sohravard (). Cela, cest le corps noir, le puits ou four obscur, le Ngre ; cest la

    tnbre den-bas, linfraconscience ou subconscience. Dautre part, il y a une lumire sans

    matire, non plus donc la lumire qui devient visible parce quune matire prdonne

    labsorbe () Tnbre den-haut () elle correspondrait () la lumire noire du Deus

    absconditus, le Trsor cach qui aspire se rvler () et qui ne peut se manifester quen

    se voilant ltat dobjet. Cette tnbre divine ne se rapporte donc pas la tnbre den-

    bas, celle du corps noir, linfraconscience (nafs ammra). Elle est le Ciel noir, la Lumire

    noire en laquelle sannonce la surconscience lipsit du Deus absconditus.

    Il est intressant de voir dcrites ces deux lumires noires. Tout dabord il y a celle avec un

    corps, davantage matrielle, donc presque biologique, pulsionnelle aussi ; elle est connote

    ngativement car elle trouble, absorbe lhomme de lumire. Puis il y a la lumire sans

    matire, lombre spirituelle, qui veut se manifester pour faire apparatre le Trsor cach, le

    Dieu cach, comme dans la psych lorsque le Soi tend se manifester. Ces aspects de la

    Lumire noire pourraient correspondre aux diffrentes facettes de lOmbre, premier dmon de

    lme combattre pour son volution psychique mais qui est aussi lannonciateur du plan plus

    profond du Soi qui tend se rvler. En cela lOmbre est vritablement Lucifer dans le sens

    tymologique du nom.

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    L'Anima, quant elle prend une forme priori moins ngative que l'Ombre. Elle est par

    excellence notre double psychique ou, plus simplement dit et comme l'indique son nom, la

    personnification de notre me. Jung l'expliquait simplement: nous sommes tous ns

    physiquement d'un homme et d'une femme et pourtant nous n'avons en gnral qu'un seul

    sexe. Le sexe contraire est donc dans la partie par excellence loppos du physique: le

    psychique. L'homme a donc une me fminine et la femme un me masculine: Anima et

    Animus. Ces archtypes, comme tout contenu de l'inconscient, se manifestent selon une image

    double, zhir et btin. Il y a une face extrieure qui vient souvent des imago parentales et une

    face intrieure qui vient de sa relation sa propre me. En effet, si l'on traite mal son me

    pour ainsi dire, l'Anima, reprsentante de cette immensit psychique, aura tendance se

    manifester de faon terrible. De plus, se situant selon Jung l'interface entre l'inconscient

    personnel et l'inconscient collectif, elle est une figure psychopompe au seuil de ce monde

    immense du collectif, contenant une nergie extraordinaire qui, si elle est mal canalise,

    comme dans une psychose, peut devenir un feu destructeur qui dchire la personnalit au lieu

    d'tre illuminative. La schizophrnie en est l'exemple le plus typique. Feu (nr) contre lumire

    (nr), deux catgories coraniques qui sont aussi les essences des Jinn et des Anges, ces

    figures du Monde Imaginal. Dans le passage prcdent, il est captivant de voir que la lumire

    noire prcde la lumire verte qui est la couleur par excellence du monde spirituel (on la

    retrouve par exemple dans les cits dmeraude de la Terre dHrqaly ou dans le vert-bleu

    Qing de lhorizon dans le Taosme) et, similairement, lAnima, place aprs la lumire

    noire de lOmbre, ouvre le champ de lInconscient collectif, ce monde spirituel que Jung

    appelle aussi aussi Anima Mundi ou Unus Mundus. On devine ici un autre rapprochement

    avec une figure importante mdite par Corbin : la Dana zoroastrienne, notre pardre cleste

    que l'on rencontre post-mortem sur le pont Chinvat et qui est aussi notre religion, notre foi,

    notre relation au ciel donc l'me et qui, comme l'Anima, peut revtir l'aspect d'une vieille

    sorcire plutt que celle d'une douce fe et nous prcipiter alors dans le feu de l'enfer. Si le

    passage de l'Anima est russi, on entre alors dans le domaine divin et l'me individuelle de

    l'homme peut alors rejoindre son Soi cleste, sa Fravarti, et atteindre ainsi la contemplation

    ternelle du divin en soi sans en tre terrass. La face de Dieu qui regarde l'homme et la face

    de l'homme qui regarde Dieu s'embrassent enfin, c'est le retour tant attendu de l'Imm cach,

    la Parousie. Comme le dirait si potiquement Hfez de Shiraz, il n'y a plus d'Amant, ni

    d'Aim, il n'y a plus que l'Amour.

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    Critiques et enrichissements rciproques

    Mais finalement ne suis-je pas en train de jouer simplement avec les mots, intervertissant des

    concepts corbiniens et jungiens arbitrairement? Nai-je pas voulu rapprocher deux savoirs de

    lme qui nont rien en commun ? Peut-tre que la religion soccupe tout simplement de

    lme, la psychologie de la psych et que ces deux entits sont parfaitement dissemblables ?

    Le bt blesse exactement l. Car pour les mystiques, la psychologie ne soccuperait que de la

    partie de lme qui se trouve dans la tte qui est, au mieux, un reflet de ce qui se trouve dans

    le monde mtaphysique, mais au pire un chemin de perdition qui, par orgueil, nous fait centrer

    lunivers autour de notre go. Et pour les psychologues, la mystique nest quun dlire, une

    exprience subjective qui, dans le meilleur des cas, nous donne accs une inspiration

    profonde et cratrice, mais le plus souvent nous plonge dans la folie psychotique. Pour dire la

    chose autrement : le prophte est-il un schizophrne quon ne diagnostique pas ou le

    schizophrne est-il un prophte quon ne reconnat pas ? Le monde psychique dcrit par Jung

    est immense, peut-tre mme infini, mais il semble par moment comme enferm sur lui-

    mme : la psych est une bulle gigantesque, remplie de millions dentits, mais reste une bulle

    malgr tout. Le monde imaginal dcrit par Corbin quant lui est encore plus colossal et

    fascinant mais, il faut le dire, difficile daccs : qui peut se targuer de lavoir connu, qui de

    nos jours peut savoir avec certitude que son exprience imaginale ntait pas en fait une

    exprience imaginaire ? Nous sommes tous daccord que symboliquement lhomme est fait

    limage de Dieu, que le macrocosme se reflte dans le microcosme, pourquoi ne pas mme

    dire que le mtaphysique se rflchit dans le mtapsychologique mais, malgr cela, nous

    narrivons pas faire le lien entre les deux de faon efficace. Les traces de lumire

    macrocosmique que lon retrouve dans le microcosme de la psych humaine ne sont peut-tre

    quun moindre mal dans notre poque de tnbres ; elles nous permettraient dj de nous

    rorienter. Mais si cette lumire nest quune trace, quun reflet, elle nest donc pas la vraie

    lumire : nous risquons de confondre dune certaine faon le lumineux avec le phosporescent.

    Mais, nouveau, dans la grotte obscure dans laquelle nous nous trouvons, o toute vraie

    lumire est presque totalement teinte, peut-tre que cette pseudo-lumire est-elle mieux que

    rien, si elle peut nous permettre de retrouver un jour la vraie lumire. Le psychologique

    pourrait donc tre le point de dpart du mtaphysique, condition de lier les deux. Do

    limportance primordiale de ce passage de la psych lme : si nous restons dans la

    contemplation de ces deux sphres, y compris dans ce quelles refltent de commun, nous

    perdons le point crucial et nous tombons exactement dans le pige que Corbin nous dcrit en

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    utilisant deux termes de la thologie musulmane : le tashbh et le tatl, lanthropomorphisme

    et lidoltrie mtaphysique. A trop faire du jungisme et nous tombons dans le tashbh : les

    motifs de lme deviennent les motifs clestes et lon est fascin par lme comme par Dieu,

    que lon enferme alors dans la bulle psychique ; faire trop de corbinisme et cest le tatl,

    notre vision du monde mtaphysique en devient si norme quon est cras, amenuis par

    cette sphre qui devient alors inatteignable. Nous sommes ainsi toujours dans la scission des

    mondes spirituel et matriel qui fait la maladie de notre poque, qui a troqu le symbole

    unifiant au profit du signe, civilisation de limage mais non de limaginal. Car cet imaginal,

    plus quun troisime monde entre les deux autres, est plutt le ciment qui les relie, le lieu o

    ils sembrassent, o les esprits se corporalisent et o les corps se spiritualisent qui

    ressemble ainsi beaucoup ce que Jung dcrit comme le psychode, cette zone mystrieuse

    entre le matriel et le psychique, substance mme de larchtype. Corbin nous parle

    encore de thologie spculaire dans le sens tymlogique du terme, thologie des miroirs

    donc, qui refltent mutuellement les ralits infrieures et suprieures ; nous maintenant de

    ne pas rester bloqus dans la dualit des deux miroirs du Ciel et de la Terre, dans lattraction

    de leurs images respectives mais plutt de voir au-del, dans le lien entre eux. Pour ainsi dire,

    plus important que les deux miroirs, il y a la miroirit. Tel est peut-tre le vritable sens de

    lImm, le Guide de lme, dans le Shisme qui, comme mentionn auparavant, est la face de

    Dieu tourne vers lHomme et la face de lHomme tourne vers Dieu : Dieu et Sa crature

    sont chacun image lun de lautre et, plus important donc queux deux, est leur relation, le

    regard mutuel de leur face respective, leur interface qui est le symbole de leur vritable

    amour. Peut-tre que le vrai tawl est donc l, dans le face face rotique que lon ferait avec

    le texte rvl, avec les phnomnes du monde et avec son me et, pour reprendre lide

    prcdente, ce nest plus linterprtation qui compte mais linterprtativit au prsent. Sans

    cela, on enferme le tawl dans lhistoricisme et il devient lui aussi lettre morte : les Imm

    historiques enseignent de lire le texte sacr comme sil tait rvl soi au moment mme

    sinon il serait lettre morte. Mais lire maintenant un tawl historique du pass est aussi le trahir

    car il nest plus au prsent. Ainsi, le but de Corbin ntait peut-tre pas de nous faire connatre

    lImm et ses enseignements, mme sil la fait de faon incomparable, mais de nous faire

    rencontrer lImm, de lui parler au prsent, dans le prsent de son me. Jung le montrait peut-

    tre aussi sa manire lorsquil disait quil tait content dtre Jung et non pas dtre

    jungien ! Cest donc ce quil devrait se passer en analyse : on napplique pas une recette

    jungienne avec le patient, on ne suit pas un dogme psychanalytique pour analyser les rves

    mais on se fait simplement face face, psych avec psych. Do le fait, quen analyse aussi

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    il ny a pas quune interprtation possible, limportant tant simplement de se trouver en

    relation pour interprter. Et, dans cette relation, qui est mon sens bien plus que seulement

    thrapeutique, pourra apparatre alchimiquement le Soi qui est le vritable guide, lImm du

    processus analytique. Ce face face met donc au prsent les motifs psychiques de son pass

    permettant une amlioration de son tat, qui est souvent une vritable rsurrection. Car

    lamlioration psychique dune personne nest pas tant lie une comprhension alternative

    de problmes du pass pour aller de lavant (on voit bien dailleurs quon peut

    comprendre parfaitement des choses sans pour autant que la situation ne change) mais est

    plutt stimule par un retour au prsent de ces lments anciens afin de pouvoir prendre un

    nouveau dpart dans le futur avec eux. Ceci explique pourquoi il est illusoire de vouloir

    prouver scientifiquement ( lhomo oeconomicus qui soccupe des finances de la sant le plus

    souvent) comment samliore ltat psychique dune personne. Cette vision permet aussi de

    dpasser, sans le nier, lternel faux problme du transfert et du contre-transfert et de voir au-

    del de la relation thrapeutique, dans ce champ intermdiaire o se manifeste le Soi. On

    pourrait dire alors que la relation thrapeutique, le champ entre lanalysant et lanalyste, ouvre

    le monde imaginal, ce monde justement hors du temps de lhistoire, hors de la linarit du

    temps et amne ce prsent total qui permet toutes les potentialits futures. Cest peut-tre ce

    que Corbin nous dit dans ce beau passage de Philosophie iranienne et philosophie compare

    (p79) :

    () ni la vie ni la mort, ni lavenir ni le pass, ne sont des attributs des choses. Ce sont des

    attributs de lme () Il ne sagit ni de lutter contre un pass qui se meurt, ni de prendre en

    charge un pass mort. Il sagit de comprendre quil y a des questions qui nont cess et ne

    cesseront de se poser lhumanit. Il sagit den tre lindomptable tmoin ; et par ce

    tmoignage au prsent den tre lavenir. Il ne sagit pas daller stablir demeure dans un

    pass fictif. Il sagit de faire en soi-mme une demeure lavenir de ce pass. Cest l un

    processus dintgration fondamentale. Lintgration est la passion du vrai philosophe, dans

    tous les sens du mot passion.

    Ainsi, lanalyse est bien un vritable tawl de lme qui fait se rejoindre larc de la descente

    (Qaws al-nozl), qui est la Chute de lme, larc de la remonte (Qaws al-Sod), non par

    pour la faire revenir son point de dpart antrieur, car ce serait une rgression, mais pour

    simplement connecter les deux arcs de la roue et permettre ainsi le mouvement autour du

    centre. tre centr (un mot souvent utilis par les patients pour dcrire leur bien-tre

    psychique) nest pas tre immobile sur un point, mais cest tre au centre de la roue de son

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    destin et ainsi son univers tourne en harmonie autour de soi, car on est alors la place du Soi.

    Davantage quun sentiment ocanique, cest limpression dtre au centre de locan

    cosmique qui est alors harmonieusement en orbite autour de soi. L, sans tre dans une

    inflation de lego, on est pourtant bien limage de Dieu.

    Conclusion

    Les rencontres entre la psychologie de Jung et la mtaphysique de Corbin, on la vu, se sont

    faites dans ce travail de manire quelque peu tmraire. On pourrait bien videmment

    critiquer ici une absence de mthodologie scientifique, un manque de rigueur philosophique et

    mme des contre-sens psychologiques. Mais, justement, le Mundus Imaginalis ne se rencontre

    ni avec la science, ni avec la philosophie et ni mme avec la psychologie. Il ne peut se

    rencontrer que par enthousiasme, dans tous les sens de ce terme. Et cet enthousiasme, avec

    tous les excs dont il fait preuve notre poque, me semble un trait typique de lme

    musulmane, surtout celle de lIran si chre Corbin. Il me semble que lhomo islamicus

    originaire lui-mme dun monde mdian entre lEurope de lIncarnation et lAsie de la

    Vacuit pure, lui qui vient de cette communaut mdiane, pour tmoigner des hommes

    (Coran II :143), a une certaine facilit naturelle (pour le meilleur et pour le pire dailleurs)

    composer avec le lam al-Mithl et, de ce fait, peut tisser des liens entre la psychologie et la

    mtaphysique de faon dcomplexe. Cet homme-l est peut-tre alors notre dernier rempart

    contre lhomo oeconomicus mais, pour le faire sortir dun simple antagonisme guerrier avec le

    monde, il faudrait lui donner les cls psychologiques qui lui permettraient de mieux

    comprendre son rle, son sens. Et la cl jungienne me semble optimale. Jung, reprenant le mot

    de Tertullien, disait que lme humaine est naturaliter cristiana, pour exprimer quelle ne

    peut tre que spirituelle ; je me permettrai de dire pour ma part que lme musulmane est

    naturaliter jungiana. Lislam, avec Jung, pourrait tre, plus quun rempart contre le

    dsenchantement du monde, un vrai facteur de rjuvnation du monde. Corbin, dans son

    uvre monumentale, a rendu manifeste le vrai cur spirituel de lIslam et Jung pourrait

    permettre aux musulmans de retrouver aussi leur vrai centre spirituel et le rendre vivace. On

    pourrait ainsi renchanter la psychologie et lui faire retrouver son rle mtaphysique car une

    psychologie qui ne soccupe pas du monde de lme ne peut tre la longue quabsurde. La

    publication rcente, cinquante ans aprs sa mort de Jung, de son Livre Rouge, vritable

    compte rendu de son voyage visionnaire dans le Malakt, fait quil sera bientt plus possible

    de mettre de ct cet aspect plus gnant de Jung : son versant mystique. Les musulmans

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    pourrait peut-tre alors le faire sans complexe. Dailleurs, la sortie du livre, un confrre

    iranien mavait dit : mais finalement, cest le Coran de Jung !

    Mais un dernier point me taraude : pourquoi, si leurs penses sont si proches, Jung et Corbin

    nont pas mis en vidence davantage leur convergence ? Dans la lettre de Jung Corbin,

    publie dans le Cahier de lHerne consacr ce dernier, Jung lui dit : ctait pour moi une

    joie extraordinaire et une exprience pas seulement des plus rares, mais plutt unique, dtre

    compris compltement Alors, nouveau, pourquoi ne lont-ils pas dit plus officiellement ?

    pourquoi nous montrer une dualit o il ny aurait quunit ? Je ne mexplique cela pas trs

    srieusement - quavec un seul mot, ketmn, que Corbin a joliment traduit par discipline de

    larcane . Et je souris en imaginant les deux vieux matres, lun assis en Jbars lautre en

    Jbalq, les deux cits dmeraude du Mundus Imaginalis, en train de se moquer de nous qui

    essayons de les comprendre.

    Alors continuons sans crainte le chemin avec les deux Sages, car on ne peut se tromper de

    route quand Corbin nous le dit : le centre est partout o le centre est atteint .

    Alexandre Ahmadi

    ([email protected])