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ÉDITO La forteresse Europe Vitavi Deuxième édition du festival des droits humains Le pourquoi du comment Les dessous du prêt-à-porter Le journal des jeunes d’Amnesty International 022 Supplément à n°328 www.amnesty.fr People positions Sophia Aram « La peur est le pire des moteurs » Les frontières de l’Europe s’étendent désormais jusqu’au Maroc ou la Libye. Les humains sont parqués dans des camps et l’immigration est devenu un business juteux. Les guérites, les hommes en armes, les barbelés, sont doublés de dispositifs électroniques, de données biométriques et de fichage à distance. Bienvenue chez nous. Nul besoin d’ouvrir un roman de science-fiction, le dossier d’AJ! suffira. De la délocalisation des frontières vers Lost in migration Illustrations du dossier : Marion Dionnet les Etats-tiers au rôle de l’agence Frontex, dans ce nouveau numéro, AJ! lève le voile sur les dessous d’une politique migratoire européenne souvent méconnue et qui met des vies en danger. Parce que nous ne devons pas oublier que si les Etats ont le droit de contrôler leurs frontières, ils ont aussi l’obligation de protéger les migrants. Parce que migrer n’est pas un crime. Encore faut-il le rappeler... CYRIELLE BALERDI

AJ! Mars 2014

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ÉD

ITO

La forteresse Europe

Vitavi Deuxième édition du festival des droits humains

Le pourquoi du commentLes dessous du prêt-à-porter

Le journal des jeunes d’Amnesty International022

Supplément à n°328

www.amnesty.fr

People positions

Sophia Aram«La peur est le pire

des moteurs»

Les frontières de l’Europe s’étendent désormaisjusqu’au Maroc ou la Libye. Les humains sontparqués dans des camps et l’immigration estdevenu un business juteux. Les guérites, leshommes en armes, les barbelés, sont doublés de dispositifs électroniques, de donnéesbiométriques et de fichage à distance.Bienvenue chez nous. Nul besoin d’ouvrir un roman de science-fiction, le dossier d’AJ!suffira. De la délocalisation des frontières vers

Lost in migration

Illustrations du dossier : Marion Dionnet

les Etats-tiers au rôle de l’agence Frontex, dans ce nouveaunuméro, AJ! lève le voile sur les dessous d’une politiquemigratoire européenne souvent méconnue et qui met desvies en danger. Parce que nous ne devons pas oublier que si les Etats ont le droit de contrôler leurs frontières, ils ontaussi l’obligation de protéger les migrants. Parce quemigrer n’est pas un crime. Encore faut-il le rappeler...

CYRIELLE BALERDI

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Mars 2014 Nº22 AJ!

La guerre aux migrantsDOSSIER

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Le 3 octobre 2013, 366 migrants clandestins ont péri dans lenaufrage d’un bateau, près de l’île de Lampedusa, en Italie.Une illustration révoltante de la réalité quotidienne des

migrants et des conséquences de la politique migratoire del’Union Européenne. Jusque là du ressort de chaque pays mem-bre, la politique migratoire et d’asile devient une compétenceeuropéenne au début des années 2000, pour limiter à distance les“risques migratoires” dans une Europe élargie. « On parle d’une

politique d’externalisation car le contrôle des migrations

s’étend aux pays extérieurs à l’Union Européenne (UE) »

décrypte Jean-François Dubost, responsable du programme Per-sonnes déracinées à Amnesty International France. « Il est délé-

DEPUIS 10 ANS, LA MORTALITÉ MIGRATOIRE N’A FAITQU’AUGMENTER. CHAQUE ANNÉE, PRÈS DE 2 000MIGRANTS MEURENT EN TENTANT DE FRANCHIR LAMÉDITERRANÉE, AUXQUELS IL FAUDRAIT AJOUTERLES MILLIERS DE MORTS DU SAHARA.

gué à des Etats qui ne sont pas en capacité politique ou écono-

mique de s’occuper des migrants et/ou qui se préoccupent peu

de leurs droits, notamment du droit d’asile, comme en Libye. »

Une politique migratoire meurtrièreLe transfert de responsabilités vers des pays tiers passe notam-ment par des accords de réadmission. Les autorités italiennesont pu par exemple remettre aux garde-côtes libyens desmigrants qui ont transité par leur territoire. L’Europe ferme lesyeux sur les violations des droits pendant ces opérations.« Quand ils n’atterrissent pas dans des camps de réfugiés,témoigne Claire Rodier, membre du Gisti, Groupe d’Informationet de Soutien des Immigré(e)s, et co-fondatrice du réseau Migreu-rop, les migrants renvoyés se heurtent à un harcèlement de la

police ou à la montée de la violence raciste, comme au Maroc. »Le bras armé de cette politique migratoire, c’est Frontex, l’Agenceeuropéenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux

MIGRATIONS. QUAND L’EUROPE DÉLOC ADOSSIER « Externalisation » des contrôles.

Ce terme ne vous dit rien ? Depuis quelques

années, c’est pourtant le mot d’ordre de l’Europe

en matière de politique migratoire. Dans sa course

à l’enfermement, la forteresse Europe tend

à ériger des murs au-delà de l’espace Schengen

et repousse à l’extérieur de ses frontières

la charge de contrôler l’immigration.

STOP AUX CLICHES STOP AUX CLICHES STOP AUX CLICHES STOP AUX CLICHES STOP AUX CLICHES S

LA FRANCE EST UN PAYS D’IMMIGRATIONMASSIVE La France compte environ 6,5 millionsd’immigrés (incluant ceux devenus français paracquisition selon la définition de l’INSEE) sur la population totale, ce qui représente 11% de la population. Très loin derrière le Qatar qui en compte 87%, les Emirats Arabes Unis (70%)et le Koweit (69%).

La France est une grande terre d’accueil d’EuropeBien au contraire même : à l’exception de l’Allemagne, proportionnellement,

nos voisins sont tous plus accueillants que nous. L’Espagne accueille par exem-

ple 3 fois plus d’immigrés que nous, la Suisse 6 fois plus. Même la Finlande se

place devant la France en matière de flux entrants.

Selon l’ONU 97% des habitants de la planète vivent dans leur pays de naissance. Entre 1960 e

L’immigration coûte cher En moyenne, la contribution nette de chaque immigré (différence entre ce qu’il verse et ce qu’il reçoit en impôts et cotisations sociales) est de l’ordre de 1500 € par an (ministère de l’Emploi, 2010). L’immigration coûte chaque année 48 milliard d’euros à la France en prestations sociales, mais elle lui rapporte 60 milliards d’euros en impôts et cotisations sociales(source ministère de la Santé).

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DOSSIERLa guerre aux migrants

AJ! Nº22 Mars 2014

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C ALISE NOS FRONTIÈRES

L’AGENCEFRONTEX : UNE CRÉATUREINQUIÉTANTECréée en 2004,l’Agence européennepour la gestion de lacoopération opéra-tionnelle aux fron-tières extérieuresdes États membresde l’Union euro-péenne, en français« Frontières exté-rieures » (Frontex), a pour mission desurveiller les fron-tières maritimes ter-restres et aériennesde l’Europe. Depuissa création, l’agenceest devenue unacteur incontourna-ble contre l’immigra-tion illégale. Vérita-ble bras armé de lapolitique migratoireeuropéenne, son bud-get a explosé, pas-sant de 6,3 millionsen 2005* à 85 mil-lions en 2013. Toutcomme ses responsa-bilités : l’agence estdésormais habilitée à passer des accordsavec des pays tierspour lutter contrel’imigration illégale,sans qu’il n’y ait detraités internatio-naux. C’est elle quitire désormais lesficelles de ce qui sejoue aux frontièreseuropéennes. Mêmesi l’agence est tou-jours contrôlée parles institutions et lesÉtats membres,l’opacité de son fonc-tionnement et de sesprérogatives suscitede vives polémiqueset renforce les suspi-cions de violationdes droits desmigrants.

*Migreurop

S STOP AUX CLICHES STOP AUX CLICHES STOP AUX CLICHES

0 et 2010 la proportion d’immigrés dans le monde n’a augmenté que de 0,5%.

frontières extérieures (voir encadré), chargée de maintenir lesmigrants hors de l’UE, avec l’aide des pays voisins. « On évite

un afflux de réfugiés dont l’Europe serait obligée de s’occuper,

comme les Syriens aujourd’hui, ajoute Claire Rodier, car les

pays membres ont l’obligation d’examiner chaque demande

d’asile en donnant accès à leur territoire: c’est le principe de

non-refoulement. »Sous surveillance permanente, l’Europe est plus étanche, mais iln’est pas possible de verrouiller tout le continent. Les passeurss’engouffrent dans les brèches et les conditions de traversée n’ontjamais été si dangereuses, contraintes par une politique de plus enplus répressive. Depuis 10 ans, la mortalité migratoire n’a faitqu’augmenter. Chaque année, près de 2 000 migrants meurent ententant de franchir la Méditerranée, auxquels il faudrait ajouter lesmilliers de morts du Sahara.Les migrants qui échouent dans les filets des garde-côtes ou despatrouilles de Frontex sont conduits en camps de détention, oùils sont parqués dans l’attente de leur expulsion, sans que leursituation soit toujours examinée. D’autres migrants échappentaux camps et errent dans des “jungles” aux portes de l’Europe(Bulgarie, Grèce, Italie…), “enfermés à ciel ouvert”, selon l’expres-sion de Migreurop.

Le poids de l’opinion publique« Malgré les violations répétées des droits des migrants, on

ferme les yeux » estime Claire Rodier. Et celles qui ont lieu endehors du territoire européen sont encore plus “tolérables”puisqu’elles, on ne les voit pas. Quand une situation est trop grave

pour être tue, les citoyens s’indignent et les autorités se renvoientla responsabilité: Frontex n’est qu’un exécutant, les Etats mem-bres et les Etats tiers n’ont pas les moyens d’agir… Pourtant,chacun joue un rôle dans cette politique. Les migrants sont deve-nus les boucs émissaires des problèmes européens. La visiond’un “autre”, indésirable et menaçant, s’est répandue dans lapopulation européenne, notamment à l’Est où l’extrême-droiteest très présente. Le contexte de crise n’a fait qu’attiser davantagela peur de l’autre et la violence raciste.Signe du repli, le Parlement européen a validé la création d’un sys-tème de surveillance des frontières, baptisé Eurosur, fin 2013. Ilva donner un plus grand rôle encore à Frontex, qui pourra alorsrécolter, détenir et diffuser des informations personnelles; voireà terme tenter d’anticiper et d’empêcher les migrations. A la veilledes élections européennes, demandons-nous quelle politiquemigratoire nous voulons pour l’Europe: plus de démocratie etde droits de l’homme ou plus de peur et de répression? Et pourquel résultat... En trente ans de contrôles dissusasifs, l’immigra-tion a plus que doublée.Claire Rodier aimerait déjà un retour de la mobilité grâce à unepolitique moins sécuritaire, même si elle sait qu’une large vic-toire de la droite en mai ne ferait que conforter l’orientationactuelle. Sans attendre d’autres catastrophes, Amnesty Internatio-nal demande à l’Union Européenne et ses états membres de sesaisir du dossier, pour remettre le respect des droits humains aucœur de la politique migratoire européenne.

FLORA CLODIC -TANGUY

Les migrants profitent denotre système de sécuritésociale et de santé. Bien loin de profiter outra-

geusement de nos soins la Commission européenne

a démontré que les migrants européens ne totalisent

que 0,2 % des dépenses de santé de leur pays d'ac-

cueil, soit 0,01 % du PIB.  Les immigrés forment une

population jeune, avec proportionnellement peu de

retraités. De fait, ils tombent moins souvent malade

et cotisent (et rapportent) plus qu'ils ne coûtent.

Le Sud vers le NordLa migration est un mouvement du Sud versle Nord. Rien n’est plus faux. C’est une toutepetite minorité de l’émigration mondiale. La plupart des migrations se font du Sud versle Sud et souvent au sein d’un même pays.66 % des migrants partent d’un pays endéveloppement pour se rendre dans un autrepays en développement et seul 1/3 se dépla-cent du Sud vers le Nord.

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DOSSIER La guerre aux migrants

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Depuis le génocide au Rwanda, c’est la plusgrave crise liée à un afflux de réfugiés quenotre monde ait connu. Une crise dans

laquelle l’Europe refuse délibérément de jouerson rôle. D’ici la fin de cette année, seulement14000 réfugiés syriens seront admis dans les 28pays de l’union, soit 0,5 %. Pire qu’une goutted’eau: une larme.

Le Sud toutes portes closesCette politique du déni, l’Union Européenne lafait peser sur les fragiles épaules des pays dusud. La Grèce notamment. Les témoignagesrecueillis par Amnesty International à la fron-tière avec la Turquie sont alarmants: renvois for-cés, mauvais traitements et violences physiquesy sont des pratiques répétées. Comme des boules de flippers, les réfugiés

SITUATION D’URGENCE Déjà 300 000 morts sur le sol de la Syrie depuis trois ans. Ce sont souvent des civils, pris dansun conflit qui semble ne jamais devoir prendre fin. Certains tentent de fuir  : 2,3 millions d’individus ont quitté cepays synonyme de sang. A ceux-là, l’Europe n’offre aucun refuge  : l’Union a verrouillé toutes ses entrées.

Syriens. Le grand déni

maginez que voussoyez absolument libre

de vous rendre où vousle souhaitez sans aucune for-malité particulière. Vous êteschanceux, vous faites partiedes 300 millions de citoyensde l’espace Schengen. Imagi-nez maintenant qu’en bas dechez vous se dresse un murde 8 m de haut et de 100 mde long, qui transformechaque déplacement le plusélémentaire en une quêtefastidieuse. Tout devientextrêmement compliqué.C’est le quotidien des Pales-

I

ECLAIRAGE Alors que la mondialisation atténue les frontières, les murs continuent de proliférer pour permettre, au moins en apparence, de répondre aux enjeux de sécurité et faire face aux demandes des migrants.

Hauts les murs !

syriens rebondissent d’une frontière à l’autre.Pour entrer en Europe, ils tentent de passer parla Bulgarie, le pays le plus pauvre de l’Union.Là, le refuge qui les attend n’en a que le nom.

La Bulgarie dresse son murDes bancs pour dormir dans un gymnase, destentes sous la neige, et pas de toilettes pour toutle monde. Des conditions d’accueil misérables,auxquelles s’ajoutent la détention quasi systé-matique, et le risque d’être renvoyé à la frontièresans ménagement. Pour toute réponse, la Bulga-rie a annoncé la construction d’un mur de 30 kmà la frontière censé « gérer » le flux grandissantde clandestins et de demandeurs d’asile syriens.Lorsqu'il sortira de terre en mars, il sera le troi-sième du genre aux frontières extérieures del’Union Européenne.

Un aveuglement d’autant plus coupable que pen-dant ce temps, d’autres pays plus pauvres sechargent de recueillir ces populations endétresse. 97 % des réfugiés syriens échouent dansdes pays frontaliers du leur. En tout premier lieu,le Liban et la Jordanie. Deux pays dont les res-sources naturelles ne parviennent souvent pasà absorber cet afflux massif de populations.En Jordanie, le camp de Zaatari est le deuxièmeplus gros camp au monde. 117000 personnes yvivent. Au Liban, un million de syriens est entrésur le territoire. Un afflux qui pousse jusqu’à lalimite les capacités de ce petit pays: ressourcesen eau, services publics (transports, hôpitaux,écoles): tout est sous pression. Le dernier atten-tat a fait dix morts en décembre dernier sur lesol libanais. Une violence que l’Europe auraitpu, indirectement, éviter. MARION MERCIER

Comprendreen deuxminutes :« Lesapathiques »une vidéod’Amnesty àretrouver surinternet.

par la mer ou par le fleuveEvros, au péril de leur vie.

Des murs d’argentLa construction d’un murconstitue d’abord un signalpolitique fort en direction del’opinion. Telle une mise enscène politique, la stratégiede clôture, en matérialisantde nouveau la frontière,entend répondre aux aspira-tions de sécurité d’une partiede la population. Sans doutesemble-t-il plus simple deséparer et d’isoler visiblementplutôt que d’apporter uneréponse construite à la com-plexité des enjeux. Le cas dumur construit par les États-Unis sur sa frontière mexi-caine est à ce titre édifiant.Cette barrière « hypertechno-logique » d’une longueur de1000 km est soutenue parplus de la moitié des améri-cains, sans pour autant queson efficacité soit avérée. Cesont toujours 2000 immi-grants illégaux qui continuentde franchir quotidiennementla frontière et plus de5400 personnes qui y ontlaissé leur vie depuis 1993.Et si les murs d’argent quiséparent les riches des pau-vres, le Nord du Sud, les« élus » des exclus, n’entra-

tiniens de Cisjordanie depuis2002, lorsque l’État d’Israëla décidé de construire «  unmur de séparation » ou «  clô-ture de sécurité  ». Ce murempiète sur les Territoirespalestiniens occupés. Il estédifié à 80 % à l'intérieur dela Cisjordanie et coupe Jéru-salem-est du reste de la Cis-jordanie. Il mesure 723 km –la distance de Paris-Mar-seille – et n'est toujours pasterminé. Amnesty ademandé depuis 2002 sondémantèlement car il bafoueles droits des Palestiniens.

Aujourd’hui, deux milliardsd’individus sont concernésdirectement ou indirecte-ment par 10 000 km demurs, soit la distance quisépare Paris et Tokyo. Si leshommes ont de tous tempsbâti des murs, cette pratiqueest en nette augmentationdepuis les années 2000.L’Europe n’est pas épargnée.Le mur long de 12,5 kmconstruit (en période électo-rale) par la Grèce sur safrontière turque en 2012obligera désormais lesmigrants à faire un détour

vent pas les déplacements, lasurenchère de fortificationselle, a un coût. De l’expropria-tion à sa réalisation, le coûtde construction du mur peuts’élever à plusieurs millionsde dollars par kilomètre. Alorson s’interroge: les 10 à20 milliards de dollars du muraméricain ou les 2 à 3 mil-liards d’euros du mur isralien(additionnés ils équivalent àl’aide publique au développe-ment vers les pays les moinsavancés), n’auraient-ils pasété mieux employés dans despolitiques constructives par-tagées avec les pays d’émi-gration? Pour conclure, uneaccroche alternative s’im-pose: « de tout temps, leshommes ont détruit desmurs ». Le plus célèbre, à Berlin, s’est écroulé le9 novembre 1989 avec unefacilité déconcertante. C’esten répondant maladroitementà une question d’un journa-liste que le porte-parole dugouvernement de la RDA adéclaré que les frontières versl’ouest étaient ouvertes« sans délais ». Dans la nuit,le mur tombait. Le mondeétait alors convaincu que tousles murs étaient appelés àdisparaître...

A. A

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LE POURQUOI DU COMMENTDroits du travail et droits humains

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LES DESSOUS PEU SEXY DU PRÊT-À-PORTER

Phnom Penh, le 3 janvier dernier, la police cam-bodgienne ouvre le feu sur une manifestation d’ou-vriers du textile, causant la mort d’au moins troispersonnes. Au cœur des revendications : le pas-

sage à un salaire minimum de 160 dollars par mois, dansun pays où la rémunération moyenne des ouvriers del’habillement n’atteint pas les 80 dollars mensuels. Cesderniers mois, les manifestations du secteur textile enAsie se multiplient, notamment depuis l’effondrementd’une usine qui a causé plus de 1 000 morts au Bangla-desh en avril dernier et créé un petit séisme dans l’uni-vers du prêt-à-porter. Ce drame, parmi tant d’autresmoins médiatisés, avait révélé au grand public les condi-tions de travail honteuses des petites mains du secteurde l’habillement.

Des conditions de travail indignes En 2008 déjà, l’Organisation Internationale du Travail(OIT) rendait un rapport préoccupant sur les conditionsde travail dans les pays « ateliers » qui attirent les inves-tisseurs pour leur main-d’œuvre à bas coût et la fai-blesse des réglementations en vigueur, alors même quecette industrie génère des milliards d’euros de profitchaque année. Dans les pays exportateurs de produitstextiles, de l’Asie du Sud-Est à l’Afrique en passant parles frontières de l’Europe, les tendances sont lesmêmes : des salaires ne permettant pas l’accès aux biensvitaux (alimentation, logement, santé, hygiène, etc), deshoraires de travail excessifs, le non-respect des normesd’hygiène et de sécurité dans les ateliers, une répressionparfois violente du droit d’association des travailleurs…En premières lignes des victimes de cette exploitation,on découvre parfois des enfants forcés de travailler pour

survivre, et de façon presque systématique, les femmes,majoritaires parmi les ouvriers du textile, et dont lessalaires sont encore minorés dans de nombreux pays parrapport à ceux reçus par les hommes.

A qui la faute ?Comment faire alors, pour s’habiller avec la consciencetranquille ? Un nombre croissant de marques proposentaujourd’hui de consommer « responsable », en affichantune meilleure traçabilité de leurs marchandises et uneplus grande transparence quant aux conditions dans les-quelles elles ont été produites. Cependant il s’agit encored’une consommation « de niche », qui s’adresse à un typede consommateur particulier, disposé et surtout capablefinancièrement de dépenser davantage pour des produitsjugés plus conformes à leur éthique. « Mais il faut surtoutque les consommateurs mesurent leur pouvoir «  citoyen »pour exiger un changement des politiques et engager laresponsabilité des Etats sur cette question, comme l’af-firme Sabine Gagnier, coordinatrice de projets Acteurséconomiques et droits humains pour AIF. C’est avant toutaux Etats de mettre en place une législation permettantle respect de la dignité et des droits des ouvriers, et defaire pression sur les entreprises pour qu’elles les respec-tent ». Quant aux nombreuses enseignes de prêt-à-porterqui ont essuyé une bien mauvaise presse ces derniersmois, il revient aux États et à la loi de les contraindre àprendre leur responsabilités. C’est seulement en multi-pliant les contrôles et en imposant des conditions d’em-ploi, des horaires et des salaires décents pour lesouvriers du textile, quitte à rogner sur leur marge,qu’elles sauront nous vêtir avec autant d’éthique qued’esthétique. MARION SOURD

A

Derrière le prix attractif du dernier « must have » de votre enseigne préférée se cache peut-être des pratiques peurespectueuses du droit du travail et du respect de la dignité humaine. Aperçu des coulisses de l’industrie de lamode…

Amnesty Internatio-nal France travaille à la réforme du droitfrançais et à l’ins-tauration d’undevoir de vigilancepour les entreprisesmultinationales. Eneffet, certains videsjuridiques empê-chent les victimesd’obtenir justice dèslors qu’elles s’affron-

LEXIQUE

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Les  vraiesfashion victims• STOP AU SABLAGE! Cette techniqueutilisée pour donner un aspect usé à la toile réalisés en Chine ou enTurquie provoquerait une formeaiguë de la silicose, maladie pulmo-naire incurable, voire mortelle.• INTOX. Infroissable, séchagerapide, imperméable! C’est grâce à…l’éthoxylate de nonylphénol, un pro-duit chimique cité parmi les pertur-bateurs endocriniens, utilisé dansles processus de fabrication desusines asiatiques. Une fois dispersédans l’eau, il peut aussi contaminerla chaîne alimentaire.• IRRESPONSABLES? On compteaujourd’hui 80000 entreprisesmultinationales, dix fois plus defiliales et des millions de firmesnationales. Pour l’heure, il n’existetoujours pas de lien juridique entreune société-mère et ses filiales...• LA BELLE AUBAINE. La récente vic-toire des travailleuses bangladaisesavec une augmentation de salairede 75 % fait office d’exception dansun secteur où les ateliers, souventpropriété d’hommes politiqueslocaux, sont régulièrement déména-gés avant que toute forme d’organi-sation syndicale n’ait pu voir le jour.• « MADE IN ETHIOPIA ». Cette infor-mation devrait bientôt se répandresur de nombreux vêtements.D’après une étude rapportée par le Wall Street Journal, les coûts defabrication étaient, en 2011, près dedeux fois moins élevés en Ethiopiequ’en Chine. Les Chinois, eux, sontdéjà partis à l’assaut de ce pays quicompte parmi les plus pauvres dumonde... BÉNÉDICTE MINGOT

Des manifestantsblessés par la policelors d’affrontementsattendent à l’hôpitalde Phnom Penh, le 3 janvier dernier.Ces travailleursdemandent ledoublement de leurssalaires.

AC

TIO

N

tent à une multinationale. C’estnotamment le cas de la commu-nauté de Bodo que nous soute-nons au Nigeria dans son combatcontre Shell, ou encore de YolandaOqueli, militante contre un projetminier au Guatémala. Le butultime d’AI est d’offrir des voies de recours aux victimes.Si vous voulez rejoindre l’équipe debénévoles de la commission APDH(acteurs économiques pauvreté etdroits humains), [email protected]

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Les yeux, les oreilles

Mars 2014 Nº22 AJ!

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Le Mémorial de laShoah sera aussi aucœur de l’actualitécommémorative, avecle lancement le 10 avrilde l’exposition gratuite

« Rwanda, 1994 : legénocide des Tutsi ».L’exposition, qui maté-rialise le génocide autravers de la reconstitu-tion des lieux de

mémoire et de la pré-sence de nombreuxobjets d’histoire, a pourobjectif de plonger levisiteur au cœur mêmede cette sanglante

période et de sa mémo-rialisation, ramenantainsi le génocide desTutsi au cœur de notreactualité.

J. D.

En 1965, plus de 1 millions d’opposantspolitiques ont été massacrés en Indonésie.45 ans plus tard, les bourreaux semblentprotégés, les survivants terrorisés : « Cesont les vainqueurs qui définissent lescrimes de guerre ». Plus qu’un documen-taire, un exercice inédit où les génocidairesrevivent leurs crimes devant la caméra. Unemise en lumière par la force des mots, sanseffusion de sang. Récompensé 29 fois etnominé aux Oscars. M. T

es Hommes debout » est un ambitieux projet d’artcontemporain mural imaginé par le plasticienBruce Clarke, qui s’inscrit dans le cadre d’une

longue réflexion pour trouver des formes artistiquespermettant un travail de mémoire. C’est finalement dansdes visuels plus grands que nature – jusqu’à 7 mètresde hauteur – représentant des hommes, femmes etenfants en position digne sur les murs de bâtimentsemblématiques, qu’il déjoue l’oubli et œuvre à la réhu-manisation des victimes.

Du Rwanda, sur les nombreux sites de massacres deve-nus mémoriaux, à la place des Nations de Genève, enpassant par la Route de l’esclave au Bénin et bien sur laFrance (le 7 avril à Lille pour une projection mondialesimultanée et durant tout le mois à Ivry), un magnifiquepont sera dressé entre les survivants et le reste dumonde. À noter que Gaël Faye, parrain du projet et chanteur dugroupe Milk Coffee & Sugar, donnera un concert auHangar d’Ivry le soir du 11 avril. JULIA DUFOUR

Génocide des TutsiLa mémoire à l’œuvre

« Les Hommes debout » du plasticien Bruce Clarke. Toutes les infos sur http://www.uprightmen.org

Mémorial de la Shoah, 17, rue Geoffroy-l’Asnier 75004 Paris. Ouverture : tous les jours de 10 h à 18 h et le jeudi jusqu’à 22 h. Fermé le samedi.

D

« 7ème étage » par Åsa Grennvall, Éditions L’agrume, 2013, 80p.

Documentaire « Dancing in Jaffa » de Hilla Medalia,sortie le 2 avril.

Documentaire «The Act of Killing», réalisé par Joshua Oppenheimer, 2013, 1h55.

« En Chemin elle rencontre... », Collectif d’auteurs, Éditions Des ronds dans l’O, 2013, 84p.

BUTINAGES

LE 7 AVRIL 2014 MARQUERA UN ÉVÉNEMENT D’UNE AMPLEUR MÉMORIELLE CONSIDÉRA-BLE  : LA VINGTIÈME COMMÉMORATION DU GÉNOCIDE DES TUTSI, QUI, D’AVRIL À JUIN 1994,VIT ENVIRON UN MILLION DE RWANDAIS, EN GRANDE MAJORITÉ TUTSI, EXTERMINÉSMÉTHODIQUEMENT.

EN CHEMIN ELLE RENCONTRE, VOLUME 3... Sous la forme d’une succession de courts récits réalistes, 24 auteursdénoncent les discriminations ordinaires ou non, dont sont victimes lesfemmes et dont nous n’avons plus toujours conscience dans un systèmepatriarcal. Un livre humaniste, un travail enrichissant et pédagogique àdécouvrir et à offrir. M. T

7ÈME ÉTAGE Une histoire d’amour qui se transforme en enfer. Åsa se livre, déconstruite. D’abordl’insouciante, puis l’amoureuse, la victime et l’invisible, à qui il ne reste qu’un pilier :son bourreau. Parfois elle s’adresse à nous, qui nous demandons pourquoi ellereste. Un témoignage fort sur le mécanisme de dévalorisation menant aux vio-lences. Une œuvre intime d’une grande force. MORGANE TYMEN

On l’a vu, on y croit

Art mémoriel

Une expo gratuite pour tout comprendre

BD

La sortie Ciné

DVD

Dancing in JaffaMelting Rock

Le coup de cœur de la rédac’

The Act of KillingLe génocide impuni

Le regard fuyant, ils remontent les manches de leurs tee-shirts sur leurs paumes de mainspour ne pas toucher l’autre avec leur peau etprennent des mines dégoûtées. Lorsque PierreDulaine, danseur émérite de danse de salon(quatre fois champion du monde), leur proposede danser ensemble, la réaction des filles etgarçons de la ville de Jaffa, en Israël, prête à sourire. Pourtant, en quelques pas de dance, il va mélanger les deux communautés qui separtagent la ville. Sous sa houlette, des petitsgarçons juifs vont poser la main sur l’épaule de fillettes arabes, et réciproquement. Non sansmal. « Dancing in Jaffa » retrace les semainesde persévérance qu’il faudra au danseur, lui-même fils d’une arabe catholique et d’un irlan-dais protestant, pour faire aboutir son projet.Une formidable aventure humaine dont on sortde cœur un peu plus léger. MARION MERCIER

Albums disponibles sur www.boutique.amnesty.fr

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Page 7: AJ! Mars 2014

18h15. Les cours sontterminés au Lycée Poly-valent Denis Diderot deLangres et une bonnequinzaine d’élèves volon-taires viennent suivre lavisite de l’exposition queleur propose Amnesty.L’an passé, le groupe deLangres a redécouvertquelques centaines d’af-fiches d’AI, certainesremontant aux débuts dumouvement. Nettoyées,les mieux conservéestournent désormais sousforme d’exposition dans le secteurlangrois. Guidés par le groupebienveillant, les jeunes d’AI ontl’opportunité de les présenter auxautres lycéens. Ils ont ainsi et sur-tout l’occasion de se faire connaî-tre auprès d’eux et du personnelqui semblent voir d’un bon œil lacréation d’une antenne jeunesd’Amnesty dans l’établissement.

Comme le souligne le ProviseurM. Lesage: « La formation d’un

adolescent à son futur rôle de

citoyen fait aussi partie de nos

missions, et privilégier la dimen-

sion humaniste, au-travers

d’Amnesty, ne peut avoir qu’un

impact positif sur l’élève. »Mme Simonin, la CPE, renchérie :« AI nous ouvre à des problèmes

qui, s’ils ne sont pas for-

cément les nôtres ici,

nous aide à dépasser nos

petits soucis, à nous

interroger, sur les droits

dont devrait disposer

tout humain. » L’AJ n’estpas encore officialisée,mais est déjà « une très

bonne expérience ». « Le

but serait de l’implanter

réellement au sein du

Lycée et de lui donner

une forte résonnance »explique Lucia, élève determinale et responsable

du projet, qui voit en lui « une

opportunité immense de faire de

belles choses et de montrer que

c’est à nous, nouvelle génération,

de nous bouger pour faire chan-

ger toutes ces choses inadmissi-

bles sur Terre! » Un bel avenir enperspective.

VALENTIN PICHON

UNE ANTENNE JEUNES EN CRÉATION À LANGRES

Amnesty International – Service

Jeunes

76 boulevard de la Villette – 75940 Paris cedex 19Tél : 01 53 38 65 52 –[email protected] www.amnesty.fr

Dans toutes les régions de

France, les Antennes Jeunes

d’Amnesty International ont

besoin de toi ! Avec nous,

agis sur le terrain :

sensibilisation aux droits

humains dans les écoles, organisation

de conférences, tenue de stands,

manifestations, campagnes pour faire

libérer des prisonniers… On a tous

quelque chose à apporter pour faire

avancer les droits humains !

www.amnesty.fr

C’est vous qui le faites c’est vous qui le dites

AJ! Nº22 Mars 2014

07

ENGAGEZ-VOUS !

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«  FORMER UN ADO À SON FUTUR RÔLE DE CITOYEN FAIT AUSSI PARTIE DE NOS MISSIONS »

« Laissez votre empreintepour les droits humains »Aux côtés du stand où plus de 2500 signa-tures ont été recueillies le 10 décembre, lorsdes « 10 jours pour signer » à l'université Paris13, chacun a pu apporter sa touche créative àune fresque participative dédiée à Nelson Man-dela et aux personnes en danger que défendAmnesty International.

À voir sur Youtube :http://www.youtube.com/watch?v=w7DdWmlyRZY

LE FESTIVAL ITINÉRANT DES DROITS HUMAINS

« C’est l’aboutissement d’une démarche com-mune qui dure depuis plusieurs années » tient àsouligner Patrick Noyon, le secrétaire du groupe deNevers née en octobre 2013 suite au premier festivaldes droits humains. « Le groupe souhaitait terminer

par un acte fort à Paris où se trouvent les sièges

d’Amnesty International et de la Ligue de l’ensei-

gnement qui sont partenaires sur ce projet ». Il fautdire qu’en matière d’éducation aux droits humains,l’AJ de Nevers a grimpé en puissance. Des DVD éduca-tifs sur l’homosexualité ou les Roms, à des débats dis-pensés dans des écoles en passant par une émission

sur la radio locale Bac FM, le Festiv’oDH illustre laténacité et l’engagement de ces militants des droitshumains.

Un programme éclectiqueDu 19 au 25 avril, quatre journées seront dédiées àla promotion et la défense des droits humains. Lepremier rendez-vous aura lieu à Auxerre, puis lefestival s’arrêtera pour deux journées à Neversavant d’arriver à la capitale où les différentesantennes jeunes auront l’occasion de se rencon-trer. Projections de films, conférences, débats,concerts, expositions, spectacles de danse etactions communes permettront d’aborder desthèmes aussi variés que les discriminations, l’enga-gement citoyen, les violences faites aux femmes,les réfugiés politiques, les demandeurs d’asile ouencore la laïcité. Pour nourrir les débats, le festival

comptera avec de grands spécialistes d’associations etd’ONG (SOS Racisme, AIF, La Cimade, La Ligue del’enseignement) ou du journalisme (Edwy Plenel deMédiapart, Véronique Gaillamard de RFI). Côtéconcert, l’AJ a réussi à combiner deux belles têtesd’affiches: Natacha Atlas le 19 à Auxerre et Da Silva le21 à Nevers.Des moments forts qui auront pour particularité d’as-socier les centres sociaux locaux et les habitants desquartiers où le Festival se déplacera, un moyen d’éten-dre le dialogue sur les droits humains à tous lescitoyens. CHARLÈNE MARTIN ET LÉA VOLLET

EN AVRIL PROCHAIN, L’ANTENNE JEUNES DE NEVERS S’ASSOCIE À CELLE DE DIJON, AUXERRE ET PARIS POUR ORGANISER LA DEUXIÈME ÉDITION DU FESTIVAL DES DROITS HUMAINS.

Festiv’o DH

Conférence/débatà Nevers le 25avril dernier.Concert à chalon-sur-Saône de Brigadeiropacotes.

Page 8: AJ! Mars 2014

Humoriste, one-woman show et anima-trice, cette piquante brune de quaranteans a forgé son sens de la répartie etl’acier de sa plume grâce à dix ans dematchs d’impro. Sophia Aram se sert del’humour pour défendre avec fougue laliberté d’expression, mais pas que. En2013, l’humoriste a été récompenséepour son engagement contre l’homopho-bie par le Prix Pierre Guénin. Rencontre.

PEOPLE POSITIONS

Mars 2014 Nº22 AJ!

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On vous retrouve en tournée avec votre spectacle « Crisede foi  » où, derrière le rire, vous abordez des sujets plusgraves, comme les dérives de la religion. Votre religion, çan’est pas kamikaze ? Pourquoi  défendez-vous l’athéisme ?Si la foi et la spiritualité sont pour moi des sujets graves ou en toutcas « profonds », celui des croyances religieuses prête beaucoupplus facilement à rire. C’est même un assez bon sujet de specta-cle comique. Il n’y a rien de kamikaze à choisir de parler des reli-gions dès lors que vous vous attachez à traiter équitablement lestrois grands monothéismes. C’est un peu comme le CSA, lescroyants acceptent que l’on puisse rire de leurs croyances dumoment que vous ne dévalorisez pas une religion par rapport àune autre. On peut en parler, mais il faut citer les trois grandesmarques concurrentes. Je ne défends pas l’athéisme, mais plutôtla liberté de s’interroger et de rire des dogmes religieux qui noussont « vendus » comme des « vérités révélées ».

Vous  vous êtes engagée en  faveur du mariage pourtous  et plus  généralement l’égalité des droits, considérezvous l’humour comme une forme de résistance ?Difficile de faire de l’humour en se dégageant de tout point de vue.Je n’ai pas le sentiment de m’engager ni de résister. Tous leshumoristes, qu’ils le veuillent ou non émettent des points de vue,même ceux qui préfèrent aborder le quotidien ou la vie de couple.Personnellement je préfère aborder des thèmes plus « politisés »mais je ne m’interdis rien.

Vos origines, votre parcours ont-ils façonné votre enga-gement ?C’est le cas de tout le monde je pense. La vie lycéenne et étu-diante ont été très structurantes pour moi (elle a étudié leslangues orientales et décroché une maîtrise d’anthropologie, ndlr)mais les rencontres que j’ai pu faire à la radio m’ont égalementbeaucoup apporté.

Vous vous revendiquez en femme libre, qu’est-ce que celasignifie ? Être libre de mes choix, des thèmes que j’aborde mais plus géné-ralement de mes choix de vie. Libre de croire ou non par exem-ple, libre de mon corps, de mes idées. Je fais parfois des conneriesmais ce sont les miennes, et je les assume. Ne pas avoir peur. Lapeur est le pire des moteurs.

Ces dernières années vous avez été très exposée maisaussi  beaucoup  attaquée. Certaines de vos chroniques radioont suscité de vives polémiques. Insultes, menaces… La liberté d’expression a-t-elle un prix ?Oui, mais ce prix est très faible au regard de la liberté de s’expri-mer. J’assume mes propos et les attaques qu’ils suscitent, et puisla plupart des gens qui réagissent violemment le font sous couvertd’anonymat et je me dis que de toutes manières je n’avais paspour projet de partir en vacances avec eux.

L’engagement vous inspire-t-il ? Quels sont les droitspour lesquels vous avez envie d’écrire  dans vos futursprojets ?Pour l’instant, il est un peu tôt pour parler de mes projets, car jesuis en plein travail. Mais il y a de nombreuses causes qui metiennent à cœur... SABRINA RAMESSUR ET C.B

Sophia Aram

LA PEUR est le piredes moteurs

1973 Naissance à Ris-Orangis (91).

2006 Premier spectacle, « Du plomb dans la tête ».

2008 Chroniqueuse au « Fou du roi » sur France Inter.

2010 Deuxième spectacle,« Crise de foi ». Chroniqueuse dans la matinale de France Inter.

2013 Reçoit le prix Pierre Guénin contre l’homophobie.

2014 En tournée avec son spectacle « Crise de foi ».

BIO EXPRESS

ZE EQUIPE Direction de la publication : Geneviève Garrigos et Cécile Coudriou. Rédaction en chef : Cyrielle Balerdi ([email protected])Conception maquette et iconographie : Jean-Jacques Farré ([email protected]) Ont écrit dans ce numéro : Flora Clodic-Tanguy, Karim Triki,

Marion Mercier, Marion Sourd, Bénédicte Mingot, Julia Dufour, Morgane Tymen, Valentin Pichon, Léa Vollet, Charlène Martin, Sabrina Ramessur. Coordination : Pascale Guillier et Rémi Farge. Secrétarait de rédaction et suivi de fabrication : Josette Debord. Impression : Les Presses

de Bretagne. Photogravure : Faure &co Retrouvez-nous sur facebook http://www.facebook.com/pages/AJ-Le-magazine-des-jeunes-dAmnesty N° de commission paritaire : 0414 G 84664/ISSN : 2104-8169. Dépôt légal 1er trimestre 2014. Pour nous contacter/féliciter/engueuler :Amnesty International – Journal AJ !, 76, boulevard de la Villette - 75940 Paris cedex 19 – Tél : 01 53 38 65 52 – [email protected] - www.amnesty.fr

AJ!, supplément trimestriel à La Chronique d’Amnesty International. Ne peut être vendu séparément. Les articles signés dans AJ! n’engagent que leursauteurs et pas nécessairement Amnesty International.

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