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VOL. 23, N O 4 – NOVEMBRE 2007 REVUE DE GESTION DE LA SANTÉ-SÉCURITÉ N o de convention 40063479 de la Poste-publications Alcool et drogues au travail : tolérance zéro !

Alcool et drogues au travail : tolérance zéro · REVUE DE GESTION DE LA SANTÉ-SÉCURITÉ VOL. 23, NO 4 – NOVEMBRE 2007 N o de convention 40063479 de la Poste-publications Alcool

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V O L . 2 3 , N O 4 – N O V E M B R E 2 0 0 7R E V U E D E G E S T I O N D E L A S A N T É - S É C U R I T É

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Alcool et drogues au travail :tolérance zéro !

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3 MOT DE LA RÉDACTIONDrogue ou alcool, quand tu nous tiens !

4 Entre deux joints… VOUS pouvez faire quelque chose !

6 Quand l’usage devient abus

9 Pusher, malgré elle !

10 Drogues et alcool au travail : Comment Simon interviendra-t-il ?

12 La retraite de Firmin !

14 Les tests de dépistage – à utiliser avec discernement

16 INFORMATION JURIDIQUEDoit-on « accommoder » Jean-Guy ?

18 Mon boss m’a saoulé !

19 Question/Réponse

La revue Convergence est publiée quatrefois l’an à l’intention des entreprisesmembres des associations regroupées auCentre patronal de santé et sécurité dutravail du Québec.

PRÉSIDENTE-DIRECTRICE GÉNÉRALEDenise Turenne

DIRECTRICE DES COMMUNICATIONSDiane Rochon

RÉDACTION

La revue Convergence est rédigée par desconseillers du Centre patronal. Ont collaboré à ce numéro :Thérèse BergeronDenyse BrodeurJosianne BrouillardAndré CardinalDenis DubreuilFrancine GauvinIsabelle LessardSylvie MalletteClaudette SicardMichel Watkins

RÉVISION ET COORDINATIONThérèse Bergeron

ILLUSTRATIONSJacques GoldstynFrédéric Fontaine

CONCEPTION GRAPHIQUEFolio et Garetti

IMPRESSION Impression BT

Ce numéro a été tiré à 36 700 exemplaires.

DÉPÔT LÉGAL

Bibliothèque et Archives nationales du QuébecBibliothèque et Archives CanadaISSN 0829-1314

La liste de tous les thèmes développés dansConvergence depuis 1995 se trouve sur lesite Internet du Centre patronal :www.centrepatronalsst.qc.ca En plus, s’y trouve le contenu de plusieursnuméros antérieurs aux douze derniers mois.

Certains articles de Convergence sontindexés dans la base de données Canadianaproduite par le CCHST, ainsi que dans lapublication bibliographique bimestrielle «Bulletin BIT/CIS - Sécurité et Santé au travail»,du Centre international d’informations de sécu-rité et d’hygiène au travail (CIS), à Genève.

La reproduction des articles est autoriséeà la condition expresse de mentionner lasource.

Convention de la Poste-publications n0 40063479.Retourner toute correspondance ne pouvant êtrelivrée au Canada au :

CENTRE PATRONAL DE SST500, rue Sherbrooke Ouest, bureau 1000Montréal (Québec) H3A 3C6

LE CENTRE PATRONAL, au service des entreprises !Le Centre patronal de santé et sécurité du travail est un organisme à but non lucratifregroupant au-delà de 90 associations d’employeurs du Québec. Par le biais de leur adhé-sion au Centre, ces associations permettent, à leurs entreprises membres, de tirer profitde ressources et de services que l’on dit « exceptionnels », qui les aident à améliorer leurgestion de la SST. Parmi les avantages offerts aux entreprises membres, notons l’abon ne -ment, tout à fait gratuitement, à la revue Conver gence.

Pour obtenir des renseignements sur les services offerts et la liste des associations mem-bres, consultez le www.centrepatronalsst.qc.ca

MISSIONAider le milieu patronal à assumer le leadership de la santé-sécurité du travail en offrantdes services de formation et d’information.

Alcool et drogues au travail :tolérance zéro !

SOMMAIRE Vol. 23, n° 4 • NOVEMBRE 2007

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MOT DE LA RÉDACTION

Alcool, cocaïne, cannabis, psychotropes…qu’ont en commun ces substances ? Leur con -sommation n’est pas sans risques, ni pour lasanté ni pour un milieu de travail. Pourriez-vousêtre aux prises avec ce genre de problèmes ausein de votre personnel ? Si oui, ce Convergences’adresse particulièrement à vous !

Selon les drogues, qui n’empruntent pas lesmêmes voies dans le corps humain, une dépen-dance peut s’installer plus ou moins rapide-ment. Et qui dit dépendance, dit perte decontrôle. D’une consommation occasionnelle etmodérée, certains passeront à un usage problé-matique et consommeront alors sur les lieux de travail. En termes de santé et sécurité dutravail, nul besoin de spécifier l’urgence d’agirquand on rencontre de tels cas comme gestion-naire. Il devient même impératif d’en limiter laprogression et les dommages que cela pourraitengendrer dans l’entreprise. Certains consom-mateurs s’avèrent plus vulnérables que d’au -tres. Une fragilité d’origine génétique pourraitles prédisposer à l’addiction. Mais aussi unstress permanent, en perturbant l’équilibre dusystème nerveux, pourrait y contribuer.

Toutes les drogues ne se valent pas. Dans cenuméro, vous découvrirez des statistiques etdes données fort éloquentes quand leur usagedevient abus, quoi faire si un trafiquant s’ins-

talle dans votre entreprise, comment réagir sile comportement d’un de vos employés changedu tout au tout parce qu’il consomme, et vosresponsabilités dès lors. Et si la mine de votreemployé vous apparaît soudainement douteu-se, de quelle façon s’y prendre pour résoudrel’énigme et éviter les récidives. Quant aux testsde dépistage, dans quelle mesure peut-on lesutiliser ?

Par ailleurs, si un travailleur se blesse alorsqu’il a consommé sur les lieux du travail, a-t-ildes droits en matière de santé-sécurité ?Comment les tribunaux voient-ils l’alcoolisme,la toxicomanie et l’obligation d’accommode-ment de l’employeur ? Peut-on congédier unemployé parce qu’il est alcoolique ou en curede désintoxication ? Et si un employé subit unaccident à la suite d’une fête bien arrosée,organisée par l’employeur, pouvez-vous êtretenu responsable ?

Voilà bien des questions dont on se passeraitvolontiers, mais auxquelles on peut tous êtreconfrontés. Et ce n’est pas en faisant l’au-truche relativement à la consommation dedrogues et d’alcool en milieu de travail que l’onpeut résoudre le problème. C’est plutôt en s’yattaquant entièrement !

Bonne lecture !

DROGUE OU ALCOOL, quand tu nous tiens !

CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC Novembre 20073

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4 CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC Novembre 2007

Généralement, Alexis est un employé fiable,intéressé par son travail et surtout très effica-ce. Mais depuis quelque temps son compor-tement vous inquiète : il arrive souvent enretard, s’absente fréquemment en cours dejournée et a une attitude très nonchalante.Mais, pire encore, il commet des erreurs, nonseulement coûteuses pour l’entreprise mais,parfois, dangereuses pour sa sécurité et cellede ses collègues. Tous ces indices vous lais-sent perplexe et vous amènent à croire quevotre employé est peut-être sous l’influencede l’alcool ou de la drogue. Pouvez-vous fairequelque chose dans un tel cas ? Non seule-ment vous pouvez intervenir, mais il est devotre devoir d’agir et de régler les cas d’alcoo-lisme et de toxicomanie en milieu de travail,surtout lorsque la sécurité est en cause.

La responsabilité de l’employeurLe fait que certaines personnes consommentsur les lieux de travail des substances commel’alcool ou des drogues illicites, ou prennentdes médicaments de façon abusive n’est pasnouveau. Au Québec, on estime qu’unemployé sur dix a un problème de surconsom-mation de drogues ou d’alcool susceptible decauser des problèmes physiques, psycholo-giques, économiques ou sociaux.

Bien que les entreprises aient parcouru beau-coup de chemin ces dernières années, cer-tains milieux sont davantage ouverts etprompts à intervenir et à réagir face à la toxi-comanie tandis que, dans d’autres organisa-tions, on adopte carrément une attitude dedéni. Par exemple, certains superviseurs tolè-rent que des employés arrivent sur les lieuxde travail en état d’ébriété ou consommentpendant les pauses et l’heure du repas en sedisant que si le travail est bien fait, nulbesoin d’intervenir. D’autres encore, parcequ’ils ne veulent pas se mêler de la vie privéede leurs employés ou parce qu’ils ne saventpas comment intervenir, se ferment tout sim-plement les yeux devant les problèmes detoxicomanie. Et, dans certaines organisa-tions, cela va même jusqu’à l’installation dela loi du silence où les collègues se protègententre eux et refusent de dénoncer quiconque.

La toxicomanie en milieu de travail est doncun problème réel et les organisations ont toutintérêt à gérer ce dossier prudemment sanstoutefois manquer de rigueur. Voici quelquesconseils pour faire échec à la toxicomaniedans votre milieu de travail, et ce, dans lerespect des chartes en vigueur.

PolitiquePour vous donner des balises et des lignesdirectrices pour gérer de façon cohérentecette problématique, munissez-vous d’abordd’une politique qui établira clairement laposition de votre entreprise vis-à-vis l’usagede l’alcool ou de la drogue sur les lieux de tra-vail. Cette position doit être définie en fonc-tion des risques pour la santé et la sécuritéassociés à la consommation de drogues oud’alcool. Certes, un professionnel, un gestion-naire ou un employé qui travaille dans unbureau ne vit pas les mêmes risques qu’uncariste travaillant dans l’entrepôt à la manu-tention de marchandises. Ce qui n’exclut pasle principe de « tolérance 0 » dans les deuxcas car, pour le premier, il s’agit d’une ques-tion de productivité, de service à la clientèleou d’image de la compagnie tandis que, pourle second, c’est la sécurité qui entre en jeu.

Une telle politique a comme objectif de rensei-gner les employés et de les sensibiliser con -cernant les problèmes de toxicomanie, de lesinformer de leurs obligations et de leur commu-niquer clairement les règles qui s’appliquent.

La politique de l’entreprise doit généralementcontenir les éléments suivants :

• un énoncé de la volonté de la compagnie decréer un environnement de travail sans drogueet sans alcool

• une définition de ce que l’entreprise entendpar « facultés affaiblies », « tolérance 0 », etc.

• la portée, c’est-à-dire l’identification des per-sonnes visées par cette politique et l’identi -fication des lieux de travail (s’adresse-t-elle à tous les employés, incluant les stagiaires,les sous-traitants, etc. ? Les véhicules font-ilspartie des lieux de travail ?)

• la nature de l’interdit (par exemple l’interdic-tion de fabriquer, de posséder, de consom-mer, de distribuer, de vendre ou d’échangerde l’alcool ou des drogues)

• les responsabilités de la direction, des super-viseurs, des employés…

• les conséquences de la violation de la poli-tique (mesures disciplinaires)

• les ressources mises à la disposition du per-sonnel (programme d’aide aux employés,programme de réhabilitation)

• s’il y a lieu, les mécanismes de détectionpour le dépistage de drogues (il faudra alorsêtre à l’aise avec les règles qui encadrentces pratiques)

Il va sans dire que tous les employés doiventêtre bien au fait de l’existence et de la portéede la politique appliquée par l’entreprise. Ilest important également de mettre l’accentsur la reconnaissance du droit à la confiden-tialité des employés, car personne n’aimeêtre étiqueté.

Aider l’employéIl est bien reconnu (par les tribunaux) que l’alcoolisme et la toxicomanie sont des mala-dies. Or vous ne pouvez punir un employéparce qu’il est malade, pas plus que vous nepouvez le congédier pour cette seule raison.Une personne souffrant d’une dépendance àl’alcool ou à la drogue a d’abord – et avant tout – besoin d’aide. En ce sens, l’entreprise ale devoir d’aider ses employés toxicomanes dansleur démarche de traitements (voir page 16).

Lorsque le besoin d’aide se fait sentir, ilimporte que les superviseurs, les gestion-naires et les dirigeants soient prêts et dispo-sent de ressources ou de procédures dont ilspourront se servir, comme les coordonnéesd’un psychologue, d’un travailleur social oudu programme d’aide aux employés. Malheu -reusement, seulement 30 % des employésaux prises avec un problème de dépendancedemandent de l’aide. Ceux-ci ont donc besoind’un climat de confiance absolue et c’estsouvent lorsqu’ils sont acculés au pied dumur – par exemple dans une démarche disci-plinaire – qu’ils seront incités à recourir àl’aide offerte.

Toute la démarche d’aide repose sur une rela-tion donnant-donnant où l’employeur et l’em-ployé reconnaissent les problèmes et posentdes gestes concrets en vue d’une réhabilita-

ENTRE DEUX JOINTS… VOUS pouvez faire quelque chose !

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tion pour les cas de dépendance. L’employeur,pour sa part, offrira des mesures d’accommo-dement (sans qu’il en résulte, pour l’entrepri-se, une contrainte excessive). Et l’employé, deson côté, prendra son problème en main etsuivra le plan de traitement dans le but defournir une prestation de travail à laquelle sonemployeur est en droit de s’attendre.

Prévenir au lieu de guérir Intervenir auprès de l’employé toxicomanefait partie de votre devoir de gérance, mais ilfaut également agir au niveau de la préven-tion. Et les milieux de travail ont tout intérêtà être plus proactifs dans ce volet.

Cela dit, une façon de prévenir et de limiter lesconséquences des problèmes associés à laconsommation excessive d’alcool et de dro -gues est de les faire connaître aux employéspar des activités de sensibilisation et d’infor-mation. Des affiches pour la promotion de lasanté peuvent être installées, des dépliantsdistribués et des sessions d’information orga-nisées. Par exemple, des sujets tels que la gestion du stress, la conciliation travail-viepersonnelle, la façon de maintenir une bonnequalité de vie, etc., pourront être présentés pardes conférenciers qui aborderont également laquestion de la toxicomanie. En traitant le sujetde cette façon, les employés ne sont pas iden-tifiés comme présentant un problème dedépendance et la participation à de telles ses-sions n’est pas menaçante.

Pour les superviseurs et les gestionnaires, ilfaut prévoir également une formation plusspécifique afin d’augmenter leurs compé-tences dans ce domaine. Cette formation doitles aider à reconnaître les changements d’at-titude, de comportement et de rendementchez un employé souffrant de dépendance.Par exemple : retards, absences fréquentes etnon justifiées, conflits et comportements hos-tiles avec des collègues de travail, oublis,erreurs et manque de jugement, demandesd’avances financières, etc.

La formation doit aussi traiter la façon degérer l’assiduité, le rendement ou le compor-tement, comment noter soigneusement lesfaits observés et comment bien préparer uneentrevue avec l’employé soupçonné de toxico-

manie. Car même si un doute subsiste dansvotre esprit, il faut faire attention à ne pasposer de jugements trop rapides ou pire,jouer au docteur, car là n’est pas votre rôle.Ce qui est important, c’est l’impact qu’a laproblématique de consommation d’alcool oude drogues sur le rendement, le comporte-ment et l’assiduité de votre employé. Et c’està ce niveau que vous devez agir en observantet en consignant les faits.

Une fois cette étape franchie, vous devez pla-nifier une rencontre avec l’employé afin de leconfronter à son problème de rendement ou decomportement problématique et exiger qu’unchangement survienne. C’est à ce momentque vous pouvez également l’informer des res-sources mises à sa disposition. Si la situationdemeure inchangée, une évaluation médicalepourra être demandée et vous pourrez mêmeexiger de l’employé qu’il se prévale de l’aidedisponible, à défaut de quoi des mesures dis-ciplinaires pourront être prises.

Et les tests de dépistage ?Si votre entreprise pense recourir aux tests dedépistage, sachez que cela est possible, maisseulement dans certaines circonstances bienparticulières. En effet, les tribunaux ontmaintes fois reconnu, en matière de tests dedépistage, qu’il s’agit d’établir un juste équi-libre entre les droits de l’employé (le droit àl’égalité, à l’intégrité, à la dignité et à la vieprivée) et les obligations de l’employeur, dontl’obligation d’assurer la santé et la sécuritéde ses employés et du public en général (voirpage 14).

Une question d’équilibre De par sa complexité, un problème de con -sommation de drogues ou d’alcool au travailnécessite une attention sérieuse de la part de l’employeur et des solutions taillées surmesure. On imagine facilement qu’il ne peuty avoir de recette miracle et seule une démar -che globale, visant à établir un équilibre entrela prévention des problèmes et l’intervention,est susceptible d’être vraiment efficace.

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6 CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC Novembre 2007

Dans notre société, la consommation d’alcoolest courante. Les bons vins ou les bièresinédites sont même recherchés par les ama-teurs qui, généralement, ont développé desaines habitudes de consommation. Pour lesdrogues, bien que leur usage soit moins cou-rant, il n’en demeure pas moins que plusieurspersonnes ont déjà expérimenté l’usage decertains produits illicites, à quelques reprisesou de façon plus soutenue, et en consommentencore. Ces habitudes de vie, qui relèventd’un choix personnel, peuvent-elles avoir desrépercussions sur le travail et doivent-ellesêtre prises en considération dans un contextede santé et sécurité du travail ? La réponse estoui puisque, comme nous le verrons dans leslignes qui suivent, l’usage abusif de l’alcool etdes drogues, affecte plusieurs fonctions dusystème nerveux.

Pour bien cerner l’ampleur du problème, ilest donc utile de commencer par dresser unportrait de la situation prévalant au Québec etau Canada pour, ensuite, aborder les impactspersonnels et professionnels des abus deconsommation de drogues et d’alcool.

Prendre un p’tit coup c’est agréable…La consommation d’alcool est très répanduedans notre société. Selon l’enquête Les québé-cois et l’alcool, menée en 2007 par Éduc’al-cool1, elle fait partie de la vie de 83 % des qué-bécois de 15 ans et plus. Mais cela ne veut pasdire que nous sommes tous des alcooliques. Enmoyenne, les québécois consomment 4,1verres standards par semaine (ex. : 4,1 verresde vin ou 4,1 bières). Si cette consommationest bien répartie durant la semaine, cela nepose pas de problème pour le travail.

Au cours des douze derniers mois, la moitiédes québécois ont bu, au moins une fois, cinqconsommations ou plus en une même occa-sion. Les données deviennent plus préoccu-pantes lorsque l’on constate que 25 % desconsommateurs en ont bu huit ou plus. Lesdonnées à l’échelle canadienne sont encoreplus révélatrices, tel qu’il est rapporté dansl’Enquête sur les toxicomanies au Canada,publiée en 20042. Toujours au cours des 12derniers mois précédant l’enquête, 6,2 % descanadiens ont déclaré avoir pris beaucoup

d’alcool (cinq consommations ou plus en uneseule occasion chez les hommes) au moins unefois par semaine, tandis que 25,5 % ont buabusivement au moins une fois par mois. Leslendemains de veille ne sont pas toujours trèsroses. Alors, imaginez s’ils doivent travailler…dans votre entreprise !

L’enquête canadienne estime, de plus, que13,6 % de l’ensemble des canadiens sontdes buveurs excessifs. Pour diverses raisons,ceux-ci ne sont pas nécessairement enemploi, mais il est logique de penser qu’uncertain nombre de buveurs de ce type seretrouvent dans les milieux de travail.

Compte tenu de la prévalence de consomma-tion, l’alcool est la substance susceptible deprovoquer le plus grand nombre de problèmesen milieu de travail.

… mais prendre un grandcoup, ça rend les gens maladesEn effet, l’alcool ne rend pas seulement lesgens désinhibés et joyeux et son abus a desrépercussions sur divers aspects physiques etpersonnels. Comme les autres substancescausant de la dépendance, l’alcool stimule lecircuit de la récompense dans le cerveau(centres cérébraux participant à la modula-tion du plaisir), entraînant, par le fait même,une sensation de bien-être. Deux types deproblématiques se retrouvent avec l’abusd’alcool : l’excès (lors d’une consommationunique et démesurée) et l’alcoolisme.

Peut-être connaissez-vous les effets d’uneconsommation excessive d’alcool lors d’unesoirée trop bien arrosée. Ces excès engendrentdes effets aigus. « Mal de bloc », maux deventre, vomissements, sont les plus remar-quables. Mais il y en a d’autres : arythmie car-diaque, accident cérébrovasculaire, dépres-sion respiratoire figurent aussi au nombre deseffets possibles lors d’une consommationexcessive d’alcool3. On a tous entendu parlerde ces effets lorsque de jeunes étudiants sontmorts à la suite d’un concours de « calage ».Enfin, l’alcool agit aussi sur le cerveau etaffecte la mémoire, l’équilibre et la capacitéd’anticipation des individus. Une personnesous l’effet de l’alcool sera alors plus suscep-tible d’avoir un accident. C’est d’ailleurs pour

ces raisons que notre société condamne l’al-cool au volant. C’est aussi ce pourquoi il fauts’assurer que les travailleurs ne sont pas sousl’influence de l’alcool lorsqu’ils exécutentleurs tâches.

L’autre problématique, c’est l’alcoolisme.Pour certaines personnes, les habitudes deconsommation peuvent augmenter et devenirexcessives, et évoluer vers une dépendance àl’alcool. Elles peuvent alors être aux prisesavec des effets chroniques sur à peu près tousles organes du corps : foie, pancréas, estomac,intestin, cœur, système nerveux… Les alcooli -ques ont aussi plus de troubles mentaux queles non-alcooliques : troubles de personnalité,troubles de l’humeur et de l’anxiété (dont letrouble bipolaire et la dépression) et schizo-phrénie3. Certains problèmes de comporte-ments, que vous observez au travail, peuvent-ils être en lien avec l’alcoolisme ?

Comme l’a dit un jour l’acteur américain W.C. Fields : « Plus d’hommes se sont noyésdans l’alcool que dans la mer ».

Qu’en est-il des drogues ?Contrairement à l’alcool, la possession desdrogues est interdite au Canada et est régie parla Loi réglementant certaines drogues et autressubstances. On peut donc présumer que leurutilisation est moins importante que celle del’alcool, mais elle demeure quand même pro-blématique. Pour le cannabis, la drogue la plusconsommée au Québec et au Canada, le por-trait est même fort préoccupant quand onregarde quelques données statistiques.

L’Enquête sur les toxicomanies au Canadaindique, qu’en 2004, 14,1 % des canadiensavaient consommé du cannabis au cours des12 derniers mois. Ce qui est plus inquiétant,c’est qu’environ le tiers des consommateursdéclarent ne pouvoir en contrôler l’usage.Comme on peut s’y attendre intuitivement, lepourcentage de consommation est aussi plusélevé chez les jeunes (plus de 47 % chez lespersonnes âgées de 18 et 19 ans versusmoins de 10 % passé l’âge de 45 ans). Lesdonnées québécoises de 2000 font, quant àelles, état que 13 % des québécois consom-meraient des drogues. Chez les jeunes de 15à 24 ans, ce taux passe à 32 %4. La popula-

QUAND L’USAGE devient abus

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tion de jeunes travailleurs est donc particuliè-rement à risque et l’entreprise serait bien avi-sée d’informer les jeunes recrues des risquesencourus s’ils sont sous l’effet de drogues autravail, ainsi que des règles de sécurité.

Quant aux autres drogues illicites, les plusconsommées, toujours selon l’Enquête sur lestoxicomanies au Canada, sont les hallucino-gènes, la cocaïne, le speed, et l’ecstasy. Letaux de consommation des drogues illicites,excluant le cannabis, est de 1,9 % pour lacocaïne et de moins de 1 % pour les autresdrogues.

Il y a fort à parier que ces données sont pos-siblement très conservatrices (seulement lespersonnes interrogées indiquant leur con -sommation). On peut présumer que la réalitéest pire !

Impact des drogues sur les usagersLes différentes drogues sont des substancespsychoactives qui agissent sur les neuromé-diateurs présents à l’état naturel dans notresystème nerveux.

L’ecstasy est, en fait, un dérivé d’amphétami-ne (généralement du « MDMA », ou méthy -lènedioxyméthamphétamine). Les effets du « MDMA » sont à la fois stimulants et hallu-cinogènes. Cette drogue est souvent associéeaux raves, ces méga fêtes où l’on danse 24heures d’affilée. Un comprimé d’ecstasy peutcontenir plusieurs autres substances en plusdes amphétamines, dont des hallucinogènes,des anabolisants, des analgésiques et mêmede l’amidon, des détergents et du savon…5

Ces effets stimulants causent l’excitation, lasuppression de la fatigue, de la faim, de ladouleur. Les sensations sont exacerbées etles consommateurs ont moins d’inhibitions.Les sensations agréables sont généralementsuivies de fatigue, de tristesse, de déprime et de mauvaise humeur. Un travailleur qui seprésente au boulot, après un rave où l’ecsta-sy a circulé, n’est donc pas dans une formeexemplaire.

Le cannabis, habituellement consommé sousforme de marijuana et de haschich, est unperturbateur du système nerveux central. Leseffets sont variables : euphorie, accompagnéed’un sentiment d’apaisement, d’une légèresomnolence et d’une envie spontanée derire5. À forte dose, on note, entre autres, unedifficulté à accomplir certaines tâches, uneperturbation de la perception visuelle, uneléthargie et des troubles de la coordinationdes mouvements. Lors d’intoxications chro-niques, on observe, entre autres, des déficitsde la mémoire, de l’apathie…

La cocaïne (et le crack) stimule fortement lesystème nerveux central. Au nombre des effetsqu’elle provoque, on retrouve l’euphorie, unsentiment de puissance intellectuelle et phy-sique, une augmentation de la vigilance, del’acuité motrice et mentale ainsi qu’unaccroissement de la fébrilité. Après la périoded’euphorie, une sensation de malaise accom-pagnée d’anxiété s’installe5. C’est ce quipousse la personne à consommer à répétition.La cocaïne affecte aussi différents aspects ducomportement (dont la méfiance, la colère,une psychose toxique) et peut entraîner desactes violents. Au stade chronique, on obser-ve aussi divers troubles psychiatriques6.

Il est à noter que plusieurs consommateursde drogues ont recours à plus d’un produit,ou encore, consomment en même temps del’alcool, avec tous les impacts qui peuvent endécouler. Toutes ces substances, prisent indi-viduellement ou « en combo », ont des effetsnon négligeables sur les consommateurs, qu’ilssoient à la maison ou au travail.

L’usage de drogues peut même amener leconsommateur au suicide. Selon des donnéesde 1998, rapportées par le ministère de laJustice du Canada, sur l’ensemble des décèsau Canada attribuables à l’usage ou à l’abusde drogues illicites, 55 % étaient liés au sui-cide. Comme les jeunes sont particulièrementà risque de consommer des drogues, il nefaut pas sous-estimer le risque de suicidedans ce groupe d’âge.

Pour sensibiliser la population québécoiseà la prévention du suicide chez les jeuneset pour contrer la banalisation de ce phé-nomène, la Fédération des cégeps a lancé,en septembre 2007, une déclaration com-mune en prévention du suicide. Pour ensavoir plus, consultez le site Internet de laFédération, au www.fedecegeps.qc.ca.

Et que dire des petites pilules rosesLes employés utilisent aussi divers médica-ments d’ordonnance pour différents troublespersonnels. Les produits dits psychotropes(antidépresseurs, calmants, analgésiques etantidouleurs, anxiolytiques, somnifères,sédatifs, barbituriques, etc.) sont parmi lesmédicaments les plus utilisés dans la popula-tion. Et ils représentent les médicaments lesplus susceptibles d’entraîner des abus.

Il est difficile d’estimer le pourcentage d’usa-gers de substances psychotropes, mais certai -nes grandes tendances ressortent :• les femmes utilisent plus les psychotropes

que les hommes;• les canadiens sont parmi les plus grands

consommateurs de médicaments psycho-tropes au monde.

Il est possible de développer des dépen-dances physiques à certains de ces produits.Fort utiles pour traiter certaines affections,ces médicaments pourraient toutefois avoirdes conséquences dans le milieu de travail.

Par ailleurs, certains individus peuvent recou-rir à ces produits comme drogues illicites etnon dans le cadre d’un traitement médical.La vente de médicaments d’ordonnance parInternet, entre autres, peut entraîner unehausse de l’abus de ces médicaments.

Des experts7 ont répertorié certaines réper-cussions négatives possibles associées auxmédicaments psychotropes, dont une baissede motivation, une baisse du niveau deconcentration et une diminution de la coordi-nation. Imaginez ce qui peut se produire si la

Suite à la page 8

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personne consomme également de l’alcool ! Ilne faut donc pas ignorer ces conséquencespossibles chez des travailleurs dans despostes à haut risque.

Consommation = répercussions au travailPas besoin d’avoir fait beaucoup de recher -ches pour comprendre qu’un employé qui seprésente ivre ou drogué, sur les lieux de tra-vail, peut mettre sa sécurité et celle de ses collègues en péril. Puisque sont alors altéréssa perception, sa motricité, son jugement etbien d’autres facultés, la personne sousinfluence n’est pas nécessairement en mesurede vaquer, en toute sécurité, à ses tâcheshabituelles. On a bien compris cela dans lecas de la conduite automobile et les statis-tiques d’accidents, lors de conduite avecfacultés affaiblies, se révèlent très éloquentes.Quel est l’impact des facultés affaiblies surles accidents du travail ? Peu de données sontdisponibles, mais une étude québécoise4 arecensé les effets reliés à la présence d’alcoolet de drogues au travail (effets qui peuventd’ailleurs être un indice que vous avez un pro-blème de consommation).

• Au Québec, la perte de productivité liée àl’alcool et aux drogues illicites se chiffre àplus de un milliard de dollars annuellement.

• Outre les pertes quantifiables liées à la mor-talité prématurée, à la maladie et à l’inva -lidité, l’abus de substances psychotropes(drogues, alcool ou médicaments) en milieude travail entraîne :

- deux à trois fois plus de risques d’acci-dents de travail;

- un taux d’absentéisme trois fois plus élevéque la moyenne;

- des problèmes relationnels;- un rendement inférieur de 30 % à la

moyenne;- trois fois plus de réclamations d’indemni-

té de maladie que la moyenne;

- des coûts reliés à la sécurité, vu les volsplus nombreux et le trafic de drogues;

- cinq fois plus de probabilité de réclama-tion à la CSST;

- dix fois plus de risques d’être impliquédans une procédure de grief.

Toutes ces données peuvent être inquiétantesquand on pense à la sécurité des employés autravail. En fait, notre objectif est de vous sen-sibiliser à ce problème sérieux et à ses con -séquences. Sur les lieux de travail, vous nepouvez pas vous dire que les dépendances decertains employés ne vous concernent pas.Au contraire, vous avez des responsabilités.

Un premier pas consiste à informer et à formerles employés quant aux conséquences de l’usa-ge des drogues et de l’alcool sur leur santé,leur sécurité au travail et la sécurité de leurscollègues, en plus de leur communiquer leursresponsabilités et les attentes de l’entreprise.

Les québécois et l’alcool, Éduc’alcool, 2007, 57 p.

Enquête sur les toxicomanies au Canada, Points saillants,Conseil canadien sur les toxicomanies, 2004, 12 p.

Les effets de la consommation abusive d’alcool, Éduc’alcool,2007.

Le point sur la situation de la toxicomanie au Québec enl’an 2000, Comité permanent de lutte à la toxicomanie(CPLT), 2000, 21 p.

Drogues : savoir plus, risquer moins, Centre québécois delutte aux dépendances, 2006.

CHIASSON, Jean-Pierre. État de la situation sur la consomma-tion d’alcool et de drogues au travail, Conférence dans lecadre d’un colloque du Centre patronal, le 22 novembre 2006.

L’usage des médicaments psychotropes chez les travailleurs :prévalence, déterminants et conséquences, Comité perma-nent de lutte à la toxicomanie (CPLT), 2000, 51 p.

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C’EST NOTRE TOURNÉE !

Depuis 2006, il existe une ressource intéressante pour informer vos employés relativementaux conséquences de la surconsommation d’alcool. En effet, Éduc’alcool et Opération NezRouge se sont associés dans un projet de tournée dans les entreprises : C’est notre tournée !Celui-ci a pour objectif de rejoindre les travailleurs, les consommateurs et les parents sur leslieux de travail pour promouvoir la modération dans la consommation d’alcool, de les infor-mer sur divers programmes d’éducation mis à leur disposition et de prévenir la conduite avecfacultés affaiblies.

Cette conférence d’une durée de 75 à 90 minutes est offerte gratuitement aux entreprisesqui en font la demande. Dans un premier temps, on y présente les effets de l’alcool sur laconduite automobile et sur la santé. Dans un deuxième temps, les employés sont invités àfaire l’essai de lunettes Fatal Vision (reproduisant, entre autres, un taux d’alcoolémie de .21)lors de différents exercices.

Ce programme a été conçu à la demande des entreprises. Comme le souligne la coordonna tricedu programme, Mme Kathleen Frenette, le ton utilisé dans la conférence n’est pas moralisateur.On y présente des faits de façon à ce que les participants puissent faire leur choix.

Comme en toute matière, l’éducation est toujours utile !

Les entreprises intéressées peuvent communiquer avec Mme Frenette à Opération Nez Rouge,au 1 800 463-7222, poste 23, ou, par courriel, à [email protected]

Suite de la page 7

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Les renseignements reliés au permis, au motif et au man-dat ont été transmis par la firme Les Consultants LupienRouleau Inc., lors du colloque tenu, par le Centre patro-nal, le 22 novembre 2006.

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La consommation d’alcool ou de droguespeut exister dans tous les secteurs d’activité,dans les petites, les moyennes ou les grandesentreprises. Peu importe la classe sociale oule niveau d’éducation, la consommation ou lavente de stupéfiants existe tant en milieurural qu’urbain. Et alors, est-il possible qu’untrafiquant de drogues se soit infiltré dansvotre entreprise ? Nous verrons quels peuventêtre les indices d’un réseau de vente de trafi-quants et comment s’y prendre pour fairecesser cet acte non seulement illégal, maissource d’ennuis pour les gestionnaires.

Quelques indicesSi vous découvrez que certains employésconsomment de la drogue sur les lieux du tra-vail, il y a lieu de soupçonner qu’il y a un ven-deur dans les parages. Toutefois, la non-con -sommation n’exclut pas la présence d’un réseaude ventes de stupéfiants. Les entreprises peu-vent constituer de très bons endroits pour éta-blir un réseau. Mettez-vous dans la peau d’unvendeur quelques instants seulement… Vousvoulez vendre de la drogue pour faire beaucoupd’argent. Il vous faut des personnes, en nombreimportant et qui ont un revenu pour vous payer.Vous désirez organiser des rencontres de façonsubtile, pour vendre votre stock là où la super-vision n’est pas constante. Ajoutez à cela unpeu d’imagination et enlevez de votre conscien-ce tout principe de bonne conduite. Quoiquepour ne pas attirer l’attention, vous ferez tout demême l’effort d’accomplir votre travail convena-blement. Alors là, vous avez ce qu’il faut pourétablir votre réseau, il ne vous reste qu’à choi-sir l’entreprise ! Bon, revenez à votre rôle degestionnaire et à ce que vous devez effectuerpour découvrir, s’il y a lieu, lequel de vosemployés trafique.

Heureusement, quelques indices peuvent vousaider à reconnaître l’existence d’un réseau. Envoici quelques-uns. Le vendeur choisit souventles jours précédant la paye pour prendre lescommandes. Vous remarquerez alors la tenuede rencontres avec de petits groupes d’em-ployés lors de ces journées ou des déplace-ments accrus entre certains collègues. Et, lelendemain de la paye, c’est la distribution.Encore une fois, de petits groupes se formentdans le stationnement, dans le vestiaire, dans

les toilettes, lors des pauses ou à l’heure desrepas. Des codes existent aussi pour se com-prendre. À titre d’exemple, on alignera troiscanettes de boisson gazeuse sur le rebord dela fenêtre pour transmettre l’information quela substance illicite est disponible. Autre indi-ce, le comportement d’une personne à l’aisefinancièrement : elle possède une maison cos-sue dans un chic quartier, un chalet à la cam-pagne et conduit une voiture de luxe avec unsalaire annuel de 35 000 $ ! Posez-vous alorsdes questions… à moins d’un héritage oud’une belle-mère fortunée, il est possible quesa fortune provienne de votre établissementd’une manière illégale !

InfiltrationLorsque des indices sérieux existent, chezvous, sur la consommation ou la vente dedrogues, vous devez agir. L’intervention pourvérifier s’il existe bel et bien un réseau deventes pourra alors s’effectuer par un agentd’infiltration officiel, lequel provient d’unefirme experte en la matière. Assurez-vous quecet agent possède un permis valide, avec unedate d’expiration. Cela facilitera vos recourslégaux, le cas échéant.

Ce type de démarche pourra se réaliser avecsuccès, à certaines conditions. Et la premièreest cruciale. Il s’agit de la confidentialité duprojet, et ce, dès l’intention du recours auprèsde la firme. En d’autres mots, à compter dumoment où le gestionnaire désire faire appel àun agent d’infiltration, ou simplement obtenirde l’information sur le déroulement du projet,lui seul doit connaître l’existence de celui-ci, dudébut à la fin. Moins il y a de personnes au cou-rant, plus la réussite de l’enquête est assurée.

En second lieu, il vous faudra un motif pourjustifier votre démarche avec la firme. Votremotif doit être sérieux et appuyé par un dos-sier étoffé. Ainsi, à compter du moment oùvous soupçonnez la vente de drogues, soyezattentif et prenez des notes sur ce que vousvoyez : les allées et venues de certains em -ployés, leur fréquence, les jours, les heures,les comportements, etc. Ayez des renseigne-ments vérifiables. Lorsque vous aurez recueillisuffisamment d’indices sérieux, vous établirezun mandat écrit avec la firme. Ce mandat

décrit précisément vos attentes avec cettedernière. Exemple : Je, directeur des RH, dela compagnie ABC, mandate la firme XYZd’enquêter dans notre entreprise dans le butde découvrir la vente de stupéfiants… Unefois le mandat rédigé, la firme émet régulière-ment un compte rendu de son enquête, lequeldeviendra de plus en plus rapproché à mesu-re que l’enquête progressera1. Et advenant la confirmation de l’existence d’un réseau àl’intérieur de votre entreprise, une démarcheauprès des autorités policières est à envisager,de même que des sanctions disciplinaires àl’égard du (des) fautif(s).

Cette démarche pourra vous sembler coûteu-se. Rappelez-vous alors les pertes de produc-tion associées à la consommation et à la ventede drogues, les risques accrus d’accidents detravail, l’émergence d’un milieu davantagepropice aux conflits et à la violence… Toutcompte fait, ça vaut peut-être le coût !

PUSHER, malgré elle !

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La scène se passe durant la pause d’un ven-dredi automnal, en après-midi, Break time !Plusieurs employés se rendent à la cafétériapour se reposer quelques instants. Certains sesustenteront avec une boisson gazeuse et unsac de croustilles alors que d’autres, ayant uneapproche plus « santé », favoriseront un fruitsaisonnier. Au moment où Simon, superviseurà l’assemblage, déguste un succulent jus defruits dans la cafétéria, il note que Robert, unemployé de son secteur de travail, se dirigevers le stationnement. Dans quelques instants,Simon découvrira que Robert a profité de cettepause pour avoir accès aux « réserves alcooli-sées », bien rangées dans le coffre de sonvéhicule. En fait, quelques minutes après lapause, Simon s’est rendu près du poste de tra-vail de Robert pour y effectuer un contrôle defabrication. S’adressant à ce dernier au sujetdu lot de production en cours, Simon note queson employé dégage une odeur d’alcool.Reconnaissez-vous cette situation ? Selonvous, Simon fait-il face à un employé souffrantd’alcoolisme ou à un travailleur ayant agi defaçon irréfléchie durant la pause ? Commentdevrait-il intervenir ?

Point de départEn matière de drogues et d’alcool, le principeinitial est le suivant : l’employeur doit refuserqu’un employé accomplisse ses tâches lors -que ses facultés sont réduites à la suite d’uneconsommation de drogues ou d’alcool. Dansle cadre de ses obligations générales, l’em-ployeur doit veiller à ce que le milieu de tra-vail soit sécuritaire pour tous (article 51,LSST). De plus, l’article 2087 du Code civildu Québec mentionne que l’employeur doitprendre les mesures appropriées en vue d’as-surer la santé et la sécurité des travailleurs.Bref, devant une telle situation, on doit inter-venir; pas question de tolérer ! Tolérer vou-drait dire « accepter la situation » et « ne pasrespecter ses obligations légales ». Et puis-qu’il est de votre devoir d’intervenir, commentpouvez-vous réagir dans cette situation ?

Tête-à-tête avec RobertTout employé doit être en mesure d’accomplirconvenablement sa prestation de travail. Or,si Robert est sous l’influence de drogues oud’alcool, il contrevient fort probablement àce « contrat de travail ». Et puisque votre

intervention est dès lors pleinement justifiée,il sera pertinent de le retirer de son poste afinde clarifier les aspects suivants : est-il enmesure d’exécuter ses tâches de façon sécu-ritaire ? Possède-t-il toutes ses facultés pouraccomplir ses fonctions ? Il est possible quece contrôle s’effectue en collaboration avec leservice des ressources humaines. Les sujetssuivants seront probablement discutés durantla rencontre avec Robert. Bien sûr, les proposde chacun seront alors notés.

• Rappeler les faits constatés : … durant lapause… stationnement… au retour : odeurd’alcool… yeux rouges…

• Vérifier auprès du travailleur la véracité desfaits notés.

• Confirmer la nature du produit consomméainsi que la quantité.

• Poser des questions : As-tu un problème desanté ? Est-ce que cette situation va sereproduire ?

• Inviter à consulter un médecin.• Offrir de recourir au programme d’aide aux

employés et rappeler que le superviseur ainsique le Service des ressources humaines peu-vent collaborer à la démarche.

• Vérifier les notes au dossier du travailleur(retards, autres épisodes de consommation,comportement reprochable…).

• Rappeler les attentes de l’employeur entermes de rendement et de comportement,et l’impact d’une telle consommation.

• Rappeler qu’un tel comportement contre-vient aux règles de conduite ainsi qu’à lapolitique de l’entreprise au sujet de la pos-session et de la consommation de drogueset d’alcool.

• Rappeler les obligations légales de l’em-ployeur et du travailleur citées dans la Loisur la santé et la sécurité du travail (LSST);particulièrement à l’article 51 (responsabi-lités générales de l’employeur de s’assurerque le milieu de travail soit sécuritaire) etde l’article 49 (2) et (3), lequel précise quele travailleur doit prendre les mesuresnécessaires pour protéger sa santé, sa sécu-rité ainsi que de ne pas mettre en danger lasanté et la sécurité des autres travailleurs1.

• Rappeler qu’on attribue, aux représentantsde l’employeur (particulièrement aux super-viseurs), la fonction de surveillance quantau respect des règles et politiques internes.

• Expliquer la raison des mesures discipli-

naires citées dans les règles et politiques àce sujet.

• Rappeler que c’est l’affaire de tous de s’as-surer que le milieu de travail soit sécuritaire.

• Mettre en force dès lors la mesure discipli-naire appropriée (ne serait-ce que la suspen-sion pour le restant de la journée en raisonde l’odeur d’alcool dans l’haleine de Robert);voir au meilleur moyen pour retourner le tra-vailleur à la maison.

Pour tout représentant patronal, il n’est pastoujours évident d’engager de telles discus-sions avec des collègues, surtout s’ils seconnaissent depuis plusieurs années. Pourcette raison, il est certainement pertinent des’assurer que les intervenants soient habile-tés à diriger un tel entretien.

Odeur d’alcoolPas besoin d’observer une situation d’étatd’ébriété avancé avant d’intervenir; l’em-ployeur n’a tout simplement pas à assumer lerisque qu’un travailleur soit sous l’effet dedrogues ou d’alcool. Des arbitres de grief ontdéjà maintenu des décisions de suspensionpour le fait qu’un travailleur revienne de sonrepas avec une haleine dégageant une odeurd’alcool. Ainsi, au sujet de la sanction disci-plinaire que vous appliquerez, rappelons quede nombreux cas de suspension — variant duquart de travail en cours jusqu’à trois mois desuspension — sont survenus au cours desdernières années. De plus, lorsque le princi-pe de progression des mesures disciplinairesest respecté, la sanction extrême du congé-diement pourrait être justifiée2.

Geste irréfléchi ou alcoolisme ?Il est possible que cet épisode de Robert selimite à une mesure de type « disciplinaire ».Or, si un second épisode se produit, il y auraassurément progression de la sanction disci-plinaire. Mais, c’est également lors de cetterécidive que vous pourriez découvrir que letravailleur souffre d’alcoolisme et qu’il abesoin d’aide. Par conséquent, il y aura cer-tainement un deuxième volet de type « admi-nistratif » à votre intervention. Si tel est lecas, il faudra confirmer le tout avec uneexpertise médicale (diagnostic médical).Puis, dans la mesure où l’alcoolisme occa-sionne un handicap au travailleur, il y aura

DROGUES ET ALCOOL AU TRAVAIL :Comment Simon interviendra-t-il ?

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mise en place de l’obligation d’accommode-ment par une intervention tripartite : tra-vailleur/employeur/syndicat (voir page 16).

Circonstancesaggravantes/atténuantesLa notion de « circonstances aggravantes »est couramment utilisée lorsque vient lemoment d’établir la mesure disciplinaireappropriée. Cette notion veut que l’on consi-dère plusieurs éléments afin d’établir leniveau de gravité du manquement reproché.Dans le cas de consommation de drogues etd’alcool, les questions suivantes pourraientêtre considérées afin d’évaluer globalementl’importance de la sanction :

• Est-ce la première intervention du genreauprès du travailleur ?

• Est-ce que le travailleur était conscient dugeste posé et de ces conséquences ?

• Le travailleur connaissait-il l’existence desrègles internes et la politique de la compa-gnie au sujet de la consommation dedrogues et d’alcool ? Savait-il que la poli-tique de l’entreprise fait mention duconcept de « tolérance zéro » en matière depossession et de consommation ?

• Quelle est la nature des fonctions de l’em-ployé fautif ? Quel est le niveau d’attentionrelié aux tâches du travailleur ? Doit-ileffectuer des tâches précises et relative-ment dangereuses ? Utilise-t-il des équipe-ments de travail pouvant occasionner desconséquences graves ? Doit-il manipulerdes matières dangereuses ? Est-ce que letravailleur est un cariste ?

• L’employé est-il en relation directe avec laclientèle (le public) ?

• Est-ce que la situation a porté atteinte àl’image de l’employeur, à la réputation del’entreprise ?

• Qu’en est-il du dossier disciplinaire de l’em-ployé ?

• Est-ce que le travailleur reconnaît la gravitéde sa faute ?

Aux yeux d’un arbitre de grief, il est égale-ment important de ne pas oublier certains cri-tères qui pourraient atténuer la sanction. Àtitre d’exemple, la tolérance de l’employeurdans certaines situations de consommationde drogues ou d’alcool pourrait justifier uneréduction de la sanction imposée.

Drogue : pire encore !De nombreux cas de consommation dedrogues sur les heures de travail ont étérépertoriés en sentence arbitrale (grief).Certains de ces cas ont conclu à une sanctionde congédiement. La raison principale decette mesure extrême se réfère au fait que lapossession de drogues est une infraction denature criminelle – contrairement à l’alcool.Et, bien sûr, aucun employeur ne souhaiteavoir des employés commettant des actes cri-minels sur les lieux de travail.3

Un dernier motLe lieu de consommation de drogues et del’alcool n’est pas un élément atténuant lamesure disciplinaire. Ce n’est pas tant le lieude la consommation comme la conséquenceobservée durant le travail que l’on doit analy-ser. Ainsi, peu importe que la consommationait eu lieu dans l’établissement, dans le sta-tionnement (durant la pause) ou encore aurestaurant (heure du midi), l’employé s’expo-se à une mesure disciplinaire lorsqu’il est deretour à son poste de travail sous l’influencede drogues ou d’alcool. En conclusion, assu-rez-vous que votre politique énonçant le con -cept de « tolérance zéro » soit claire et préci-se l’intolérance vis-à-vis toute possession ouconsommation de drogues et d’alcool pouvantavoir des répercussions sur le milieu de travail.

Art. 49 et 51 de la LSST.

BERNIER, L., G. BLANCHET, L. GRANOSIK. et É. SÉGUIN.Les mesures disciplinaires et non disciplinaires dans lesrapports collectifs de travail, Les Éditions Yvon Blais inc.,partie II, chapitre 11.

Supra note 2.

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Vendredi dernier, vos employés ont célébré ledernier jour de travail de Firmin avant laretraite. Et rien n’a été négligé : un bon repaset une heure de dîner allongée. Mais voilà,une fois de retour au travail, Firmin s’est bles-sé en trébuchant dans un escalier de l’usine.Évidemment, Firmin a été conduit à l’hôpitalet l’enquête est en cours. Tout le monde estsecoué : Juste au moment de sa retraite !Malgré toute la sympathie que Firmin attire,vous devez gérer cet événement.

Assurance invalidité ou CSST ?Dans un premier temps, vous devrez analyservers quel « assureur » vous tourner. Si l’évé-nement correspond à la notion d’accident dutravail définie dans la Loi sur les accidents dutravail et les maladies professionnelles(LATMP), c’est évidemment la Commissionde la santé et de la sécurité du travail (CSST)qui indemnisera Firmin.

Article 2. « Accident du travail » : un événe-ment imprévu et soudain attribuable à toutecause, survenant à une personne par le faitou à l’occasion de son travail et qui entraînepour elle une lésion professionnelle.

L’événement de Firmin peut-il être qualifiéd’accident du travail ? Une chute dans unescalier est facilement qualifiable d’événe-ment imprévu et soudain. De plus, Firmin,qui travaille à la production, revenait du labo-ratoire où il était allé porter des échantillons.L’événement est donc survenu par le fait dutravail. Et tout le monde l’a constaté, il y aune blessure. Alors, on y va pour la CSST !

À votre silence, vous ne semblez pas sûr !Quoi ? Vous pensez que le dîner de Firminpourrait expliquer sa chute ! Il a peut-être bu !Cette piste vous semble-t-elle intéressante ?En fait, elle l’est plus ou moins, car un acci-dent du travail est un événement attribuable àtoute cause… Que Firmin ait glissé parce queles marches avaient été arrosées ou parce queson dîner avait été arrosé ne fait pas de diffé-rence ! C’est un cas pour la CSST !1

Oui, mais…Je vous vois venir… vous allez dire que Firmina peut-être été un peu négligent et que s’iln’avait pas bu, il n’aurait pas eu cet accident.

Y’a pas un article de loi là-dessus ?, pensez-vous. Il y en a un, c’est l’article 27 de la LATMP.

Article 27. Une blessure ou une maladie quisurvient uniquement à cause de la négligencegrossière et volontaire du travailleur qui en estvictime n’est pas une lésion professionnelle, àmoins qu’elle entraîne le décès du travailleurou qu’elle lui cause une atteinte permanentegrave à son intégrité physique ou psychique.

En vertu de cet article, la CSST pourrait reje-ter une réclamation si la lésion est due à lanégligence du travailleur (un dîner arrosé, parexemple). Mais pour faire rejeter une telle récla -mation, l’employeur doit prouver quatre éléments.

Une preuve difficile à fairePremièrement, il faut prouver la négligence.Deuxièmement, il faut que cette négligencesoit grossière. Troisièmement, il faut qu’ellesoit volontaire. Quatrièmement, il faut que lalésion soit uniquement causée par cettenégligence grossière et volontaire. Commevous le voyez, la marche est haute !

Voici comment la négligence grossière et volon-taire a été définie par le tribunal dans la causeAgence Route Canadienne Inc. et Savard 2.

Ainsi donc, il ressort de l’analyse des défini-tions propres à chacun de ces termes que lanégligence consiste en une faute non inten-tionnelle résultant d’un manque de vigilan-ce de soin, consistant à ne pas accomplir unacte qu’on aurait dû accomplir et, par voiede conséquence, à accomplir un acte qu’onn’aurait pas dû accomplir.

Quant à la notion de grossier (grossière), laCommission d’appel retient qu’il s’agit d’unqualificatif dénotant tantôt l’ignorance ou lemanque d’intelligence, alors que dans lecas particulier de la faute ou de l’erreur, leterme sera employé en équivalence de graveet lourd. C’est donc dans ce sens qui (sic)doit être retenu en regard de l’interprétationde ce terme que l’on retrouve à l’article 27.

Quant au mot volontaire, il qualifie ce quise fait sans contrainte et résulte d’un actede volonté et non de l’automatisme, duréflexe ou de l’impulsion.

L’association de ces trois termes amènenécessairement à conclure que pour ques’applique l’exception de l’article 27, ondoit nécessairement retrouver la présenced’une faute, qu’elle soit par omission ou paraction, qui doit revêtir un caractère suffi-samment grave et important qu’elle ne puis-se être qualifiée de simple et qu’elle résulted’un acte de volonté et non d’un simpleréflexe ou réaction.

En terminant, pour permettre l’application de l’article 27, il faut que la négligence gros-sière et volontaire soit l’unique cause de lalésion. Si un travailleur est blessé en utilisantune machine, l’employeur ne pourra deman-der l’application de l’article 27 si l’accident a été causé par le bris de la machine, et ce, même si l’employé a été négligent lors deson utilisation.

Certaines réclamations ont été rejetées par lestribunaux pour cause de négligence grossièreet volontaire. Dans une cause, l’employeur adémontré que, malgré qu’il ait formellementinterdit au travailleur d’utiliser la grue de soncamion (boom truck) pour soulever une char-ge (et ce, devant témoin), ce dernier l’a quandmême fait et a été blessé lorsque la charge esttombée. Le tribunal a conclu à la négligencegrossière et volontaire du travailleur3.

Firmin a-t-il été négligent ? Dans plusieurs causes, le fait de travailler enétat d’ébriété avéré a été considéré commeune négligence grossière et volontaire4. Maisencore faut-il prouver l’ivresse.

Si les compagnons de Firmin témoignentqu’il a pris une bière à 0,5 % d’alcool lors durepas, il sera difficile de prouver l’ébriété,donc la négligence grossière et volontaire. S’ilest prouvé qu’il était en état d’ébriété avancé(difficulté à s’exprimer, à marcher, témoi-gnages qu’il avait beaucoup bu, etc.), c’estune autre histoire…

Et même s’il était en état d’ébriété, est-ce quecet élément est la seule cause de son acci-dent ? C’est une question de fait qui s’inter-prétera en fonction de l’état de l’escalier. Siles marches de l’escalier sont « arrondies » etque la rampe est arrachée à cet endroit…

LA RETRAITE de Firmin !

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En cas de décèsComme le stipule le deuxième alinéa de l’ar-ticle 27, cet article ne s’applique pas si lablessure ou la maladie « entraîne le décès dutravailleur ou qu’elle lui cause une atteintepermanente grave à son intégrité physique oupsychique ». Donc, dans ces deux cas, lalésion professionnelle serait indemnisée mal-gré la négligence grossière et volontaire.

D’autres options s’offrent à vousSi la voie de l’article 27 ne vous permet pasde faire rejeter la réclamation, vous pourriezexplorer d’autres pistes afin d’éviter les coûtsassociés à une réclamation où un problèmed’alcool est en scène.

Dans certaines causes5, la CLP en est venueà la conclusion que l’alcoolisme est un han-dicap pouvant donner lieu à un partage decoûts en vertu de l’article 329 de la LATMP.

Dans une cause6, le travailleur a un accidentde la route mortel après avoir terminé seslivraisons. La preuve a démontré que le tra-vailleur avait un taux d’alcoolémie deux foissupérieur à la norme. Cet élément ne permet-tant pas de rejeter la réclamation, l’em-ployeur a demandé un partage de coûts aumotif qu’il était obéré injustement (art. 326,LATMP). Le tribunal lui a donné raison,puisque la lésion engendrait des coûts impor-tants alors que l’employeur avait mis en placedes moyens pour éviter de telles situations(tests de dépistages, politique de « tolérancezéro », etc.).

Dans la cause Location Pro-Cam inc.7, le tri-bunal arrive à la même conclusion. Dans cecas, l’employé a conduit son camion pendant22 heures d’affilée (contrairement auxrecommandations du répartiteur), en état defatigue extrême et en excès de vitesse. Il s’estensuivi un accident mortel.

Attention à votre négligencegrossière et volontaireIl peut être facile de voir la négligence chezle travailleur qui se présente au travail en étatd’ébriété et de chercher à faire refuser saréclamation au motif qu’il est la cause de sonaccident. Mais n’oubliez pas qu’il revient àl’employeur d’assurer la sécurité de sesemployés. Pimentons l’histoire de Firmin etimaginons que :

• tous les employés et vous-même ayez bienri de Firmin quand il est revenu de son dînerun peu gorlo…

• personne ne soit intervenu pour empêcherFirmin de reprendre son poste

• le dîner de Firmin ait été arrosé par et avecson contremaître (qui, d’ailleurs, allait vousréclamer le coût de ce repas)

Il est sans doute plus facile d’avoir et d’appli-quer une politique de « tolérance zéro » vis-à-vis l’alcool que de gérer une réclamation àcoup d’articles 27, 326 ou 329.

Et Firmin…Ah oui, Firmin ! Sachez que son histoire s’estbien terminée. Il a pris sa retraite commeprévu. Sa réclamation à la CSST a été accep-tée et il n’en gardera aucune séquelle… Ehoui, son dîner avait été bien arrosé, mais avecun délicieux moût de pomme !

Article 25, LATMP : « Les droits conférés par la présenteloi le sont sans égard à la responsabilité de quiconque. »

C.A.L.P. 1644, 6 novembre 1996.

Recyclage Kébec inc. et Jean-Marc Vézina, C.L.P. 255563-31-0502, 13 décembre 2006.

Entre autres : Donahue inc. Division Scierie, SecteurOutardes et Guy Leblanc, C.L.P. 124696-09-9908, 26 sep-tembre 2000.

Entre autres : Wal-Mart Canada inc., C.L.P. 169210-62-0109, 26 mars 2002.

Normand Cloutier Transport Inc., C.L.P. 254275-04-0502,17 mai 2005.

Location Pro-Cam inc. et CSST et ministère des Transportsdu Québec, C.L.P. 114354-32-9904, 18 octobre 2002.

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14 CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC Novembre 2007

Problème social, les conséquences liées à laconsommation de drogues et d’alcool affec-tent le milieu du travail. Autant on a mis fin àla consommation de tabac sur les lieux du tra-vail, autant on peut fermer la porte aux effetsdes autres substances. Il s’agit de s’y atteler.

Parmi les mesures, existe le dépistage :prendre la mesure de la consommation afinde valider des soupçons et de bien diriger nosefforts. Mais il faut résister à jouer aux justi-ciers tous azimuts ! Ces tests sont permis,dans des circonstances précises et pour desobjectifs légitimes.

Assise légale Les tests de dépistage de drogues, par prélè-vement d’échantillon d’urine, de sang, d’ha-leine ou de salive, heurtent le droit à l’intégri-té physique et le respect de la vie privée. Cesont des droits dont la protection est garantiepar la constitution de notre pays. Ce ne sontpas de simples caprices ou des susceptibili-tés démodées. Donc l’imposition de test dedépistage ne sera possible qu’en des circons-tances particulières.

Il faut aussi savoir que tout droit, soit-ilconstitutionnel, n’est pas absolu. Les droitset libertés d’une personne sont inséparablesdes droits et libertés d’autrui, de l’ordrepublic et du bien-être général des citoyens.

L’assise transposée dans le milieu de travailLe citoyen au travail est protégé par les loismais il demeure aussi soumis aux règlesdiverses de bonne conduite et aux règlesd’ordre public (ex. : le Code criminel), enplus d’être assujetti aux différentes règlesparticulières aux contrats de travail, commel’obligation de fournir une prestation de tra-vail adéquate, diligente et assidue. On ne secomporte pas au travail comme on le ferait àla taverne.

Tout employé conserve la protection de sa vieprivée au travail. Mais l’expectative de vie pri-vée au travail n’est pas absolue. Tout employédemeure responsable de son comportement.Ainsi, s’il choisit de consommer de la drogueou de l’alcool sur son lieu de travail ou devenir travailler avec les facultés encore affai-

blies ou altérées, il expose son employeur àdes risques divers et s’expose ainsi à devoirrépondre de ses actes.

De son côté, le gestionnaire se doit d’êtreoutillé pour gérer ce problème délicat et seprotéger lui-même de son laxisme (ou de sonzèle), de ses préjugés et d’un manque deconnaissances ou de moyens. Les litiges,nombreux, démontrent souvent la difficulté,qu’ont les entreprises, à gérer cet aspect desressources humaines.

Bon, mettons que la taverne se retrouve dansvotre cour. Ce n’est pas toujours évident, dansle feu roulant du quotidien à l’usine, de savoirce qu’on peut faire, quand le faire, commentle faire et quoi ne pas faire lorsque la consom-mation se transpose hors de la sphère person-nelle du consommateur et déverse ses effetsdans la sphère du milieu de travail. Et la poli-tique de l’autruche n’est pas une solution…

C’est une situation méritant réflexion, autantsur la légalité que sur l’opportunité de procéderà du dépistage. La réflexion permet l’action etcette action se traduit, bien sûr, en politique,en procédures, en directives et en suivi.

L’entreprise est justifiée d’effectuer des tests de dépistage L’entreprise a un droit de direction qu’elledoit, entre autres, exercer pour respecter sespropres obligations. Parmi ces obligations :s’assurer de la sécurité de ses employés, dela qualité de la production, mais aussi dubien-être du public. Quelles sont les consé-quences possibles d’une politique de l’au-truche ? La liste peut être très longue… Toutcomme la liste des conséquences à exercerson droit de direction sans suivre les règles,ou à coups de préjugés.

L’entreprise a une marge de manœuvreL’employeur sera justifié de procéder à dudépistage lorsque les objectifs qu’il poursuitpar cette action sont légitimes et que lerecours à ces tests se trouve à être un moyenrationnel et proportionnel pour atteindre cesobjectifs. Ça veut dire quoi en gros ?

Les objectifs poursuivis doivent être en lienavec les obligations qu’a l’entreprise, qui sontgénéralement des questions de sécurité, deprobité, de réputation, de confiance dupublic ou encore des questions de productivi-té, soit le droit contractuel à une exécutionefficace et économique du travail. Une entre-prise de fabrication de schprountz n’a paspour objectif la répression du crime ni le trai-tement de la toxicomanie. Elle n’a pas à s’in-vestir d’une mission qui ne lui appartient paset son programme doit le refléter. D’ailleurs,la consommation de drogues ou d’alcool n’estprohibée par aucune loi et nul ne peut êtresoumis sans son consentement à des soins,quelle qu’en soit la nature…

Le citoyen peut se geler tant qu’il le veut,mais si cela le rend dangereux au travail, ou siça le pousse à voler son employeur pour finan-cer sa dispendieuse dépendance, il aura à enaffronter les conséquences. Un citoyen peutboire jusqu’au délirium et refuser tout traite-ment pour son alcoolisme, mais si ça l’em-pêche de remplir sa prestation de travail avecassiduité, il aura à composer avec son bleu1.

Donc, en entreprise, ces tests devront s’inscri-re dans le cadre d’une gestion administrativeou disciplinaire des ressources humaines. Niplus, ni moins.

Par exemple, ce serait raisonnable de recourirà ces tests pour identifier les employés inaptesà exécuter leurs tâches de manière sécuritaire,efficace et fiable en raison de l’usage de cessubstances. Mais cela ne donne pas carteblanche pour y recourir de façon systématiqueou aléatoire. Ce serait trop simple.

Ce sont les circonstances particulières danslesquelles les tests sont utilisés qui détermi-neront si la mesure est rationnelle ou non.Voici les circonstances classiques, générale-ment reconnues comme étant raisonnables.

• La nature de l’emploi justifie que l’employésoit en pleine possession de ses facultésmentales et physiques pour des raisons desécurité. C’est le cas des employés occu-pant un poste critique pour la sécurité. Onpense, entre autres, aux contrôleursaériens, mais aussi à tout employé qui doitconduire un véhicule ou opérer de la machi-

LES TESTS DE DÉPISTAGE – à utiliser avec discernement

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nerie. Pour identifier un poste à risque, ontient compte de plusieurs facteurs : lerisque d’accidents graves ou de gestes irré-parables, les dangers liés à l’équipement, lavulnérabilité du public en contact avecl’employé, etc. Bref, une défaillance del’employé à ce genre de poste entraîneraitdes conséquences beaucoup plus gravesque dans un emploi non à risque.

Parfois, la réglementation en place justifieles tests, comme dans le domaine du trans-port international.

Ce peut être aussi les employés dont la pro-bité doit être exemplaire, les policiers parexemple. Un consommateur de drogues illi-cites devient alors en conflit avec lesvaleurs fondamentales liées à son emploi.

• Lorsque l’employeur a des motifs raison-nables de croire qu’un employé a les facultésaffaiblies ou altérées (est sous l’influencede…) au moment de fournir sa prestation detravail. Les motifs raisonnables sont reliés àla constatation objective du comportementou du rendement de l’employé. On a dessoupçons, des raisons suffisantes de croirequ’un employé consomme ou est sousinfluence, donc incapable d’accomplir sontravail de manière sécuritaire, efficace etfiable : signes extérieurs habituels d’abusd’alcool, erreurs de jugement, comportementinhabituel ou violent, retards ou absences deplus en plus fréquents, ou suivant un certainpattern, etc. Encore faut-il que la nature del’emploi justifie le recours à du dépistage.

• Lors de la survenance d’un incident ou d’unaccident, dont les circonstances permettentde douter raisonnablement que, au momentde l’événement, les facultés de l’employéétaient affaiblies.

• Dans le cadre d’un programme de probationou de retour au travail à la suite d’uneabsence motivée par un problème dedépendance à l’alcool/drogues. Les testsserviront alors comme mécanisme de suiviafin de s’assurer que l’employé est sobre etdemeure abstinent, et qu’il respecte ainsil’entente de réintégration conditionnelle.

Des tests au-dessus de tout soupçonLes tests eux-mêmes doivent être raison-nables, c’est-à-dire être le moins intrusifspossibles, administrés selon des critèresrigoureux et produire des résultats fiables etexacts. Des faux positifs peuvent avoir uneffet désastreux, engageant ainsi la responsa-bilité de l’entreprise eu égard au préjudicecausé à la personne testée.

Il est hors de question qu’un gestionnaire secharge d’effectuer le prélèvement… Plusieurscliniques médicales offrent un excellent ser-vice à ce chapitre et sauront vous conseillerdans l’évaluation des résultats obtenus.

Une condition sine qua non On ne le répétera pas assez souvent : outre -passer des droits constitutionnels, dont le droit au respect de sa vie privée et à l’intégrité physique, ne sera possible qu’avec le consen-tement du titulaire de ce droit.

Ça s’articule comment ce principe-là ? Cen’est pas compliqué : l’employé peut consen-tir de façon libre et éclairée à subir un test dedépistage lorsqu’il est informé de la légitimitéde cette mesure, de la nature du test, de sonimportance, des circonstances dans les-quelles cela se déroulera et des conséquencesauxquelles il est exposé selon les résultatsobtenus ou selon son refus d’y consentir. Il vade soi aussi que l’employé ait la garantie queles résultats ne serviront qu’aux fins visées.

Si l’on tente d’obtenir le consentement par laruse (par exemple en mentant sur le but dutest), ou avec des menaces (de renvoi, desuspension, de rétrogradation, etc.), de touteévidence, le consentement ainsi obtenu nesera pas valide. Et là, on risque à son tour dese faire sanctionner…

Lorsque l’employeur est fondé à exiger ledépistage, par exemple lorsqu’il veut confir-mer des soupçons avant de sévir ou lorsqu’ilprocède au spot check, l’employé qui refusealors d’obtempérer est présumé avoir échouéle test et s’expose alors à des mesures discipli-naires pouvant aller jusqu’au congédiement.

La consommation de drogues ou d’alcool autravail est généralement considérée une fautegrave. Lorsque cela arrive, vaut mieux avoirles esprits clairs et garder la tête froide !

Formulaire de cessation d’emploi.1

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[ INFORMATION JURIDIQUE ] DOIT-ON « ACCOMMODER » Jean-Guy ?

L’alcoolisme et la toxicomanie en milieu detravail sont des sujets qui ont fait coulerbeaucoup d’encre depuis quelques années.Pour les employeurs, il s’agit là d’une autrepréoccupation s’ajoutant à celles touchant laproductivité et les relations du travail. Maisavant de brandir la Charte des droits et liber-tés de la personne et de parler d’« accommo-dement raisonnable » pour le « problème deboisson » de Jean-Guy, quelques simples rap-pels doivent être faits.

Distinguer le « social » du travailL’alcool est un produit de consommation envente libre, aux plus de 18 ans. Quant auxdrogues dites « douces », qui ne connaît pasun beau-frère qui aime bien se rouler un petitjoint de temps en temps… Bien qu’illégales,certaines drogues sont facilement disponibleset on ne se surprend plus d’être exposé àquelques effluves aux odeurs reconnais-sables… Tout cela pour dire que les tra-vailleurs – adultes et consentants – ont toutle loisir de consommer ce qu’ils veulent dansle contexte de leur vie privée, ce qui neconcerne nullement leurs employeurs.

Cependant, lorsqu’un employé consomme surles lieux du travail, ou encore s’y présente enétat d’ébriété ou intoxiqué, là, l’employeurest directement interpellé et il n’est plusquestion seulement de vie privée. Entrent enligne de compte, pour l’employeur, diversesobligations légales, notamment le respect desrègles de santé et de sécurité au travail. Dansce contexte, tout employeur est justifiéd’adopter des règles d’entreprise interdisantla consommation de drogues ou d’alcool surles lieux du travail, ou même la simple pré-sence au travail dans un état d’intoxication,par exemple par l’adoption d’une politique de« tolérance zéro » à ce sujet et par l’imposi-tion de mesures disciplinaires1.

Distinguer le malade du fêtardPour le gestionnaire, c’est une chose deretourner Jean-Guy chez lui parce qu’il nes’est pas remis de sa cuite de la veille; c’en estune autre de devoir accommoder Paul, alcoo-lique notoire ayant subi deux cures de désin-toxication, en le réintégrant dans de nouvellesfonctions, avec l’accord du syndicat…

Car, en définitive, un employé qui n’est pasen état de travailler parce qu’il a trop fêté,exceptionnellement, pose un problèmed’ordre comportemental qui doit faire l’objetd’une mesure disciplinaire de la part de l’em-ployeur, alors qu’un employé « malade » desa dépendance à l’alcool ou à la drogue posedavantage un problème d’ordre administratifau gestionnaire. Alors, avant de parler deCharte dans le cas de Jean-Guy…

L’alcoolisme, la toxicomanie etl’obligation d’accommodementde l’employeurLe droit de gérance d’un employeur (ou enco-re une convention collective) justifie le faitqu’un employeur sanctionne un travailleurqui fait preuve d’insubordination envers unsupérieur parce qu’il est en état d’ébriété, ouun autre qui ne peut remplir ses tâches aprèsavoir « sniffé sa ligne ». Le respect des règlespropres aux relations du travail, l’obligationde l’employeur de s’assurer que ses employéstravaillent de façon sécuritaire pour eux etleurs collègues justifient amplement de tellesmesures disciplinaires, pouvant aller jusqu’aucongédiement.

Ce que la loi interdit, plus précisément laCharte des droits et libertés de la personne2,c’est qu’un employeur fasse preuve de discri-

mination ou impose une sanction envers unepersonne en raison d’un droit protégé par laCharte, notamment en raison d’un « handi-cap » dont serait porteur cette personne3.Ainsi, congédier un travailleur parce qu’il estalcoolique risque de poser problème.

Au fil des années, les tribunaux ont dévelop-pé une volumineuse jurisprudence à l’égarddes droits protégés par la Charte. On a notam-ment reconnu que l’alcoolisme et la toxico-manie, étant des maladies, peuvent donc êtreun « handicap » au sens de la Charte et fairel’objet d’une protection contre les mesuresdiscriminatoires4.

Et c’est dans l’application des droits protégéspar la Charte qu’a été développée l’obligationd’accommodement imposée aux employeurs.Ainsi, pour prendre l’exemple d’un employeuraux prises avec un employé souffrant d’alcoo-lisme ou de toxicomanie, l’employeur pourra,au fur et à mesure de l’évolution de la mala-die du travailleur et en fonction de son absen-téisme grandissant, exiger que celui-ci « cor-rige » son problème afin de pouvoir fourniradéquatement sa prestation de travail, àdéfaut de quoi on en arrivera à mettre fin àl’emploi du travailleur. Pour l’employeur, il esttout à fait correct d’exiger d’un employé quecelui-ci donne une complète prestation de travail, exécutée de façon sécuritaire. Cette

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« norme » exigée par l’employeur se justifiepleinement. Cependant, cet employé souffred’un « handicap » au sens de la Charte desorte que l’employeur ne peut, purement etsimplement, congédier l’employé malade à lapremière occasion. C’est dans ce sens que laCour suprême du Canada a défini « l’obli -gation d’accommodement » imposée auxemployeurs. Dans l’affaire Meiorin, le tribunala précisé qu’un employeur qui établit une« norme » à première vue discriminatoire àl’égard d’une personne (car visant un droitprotégé par la Charte, tel le handicap) devraprouver que cette norme constitue une exi-gence professionnelle justifiée. Pour ce faire,l’employeur doit démontrer :

• qu’il a adopté la norme dans un butrationnellement lié à l’exécution du travailen cause;

• qu’il a adopté la norme particulière encroyant sincèrement qu’elle était nécessai-re pour réaliser ce but légitime au travail;

• que la norme est raisonnablement nécessai-re pour réaliser ce but légitime lié au travail.Pour prouver que la norme est raisonnable-ment nécessaire, il faut démontrer qu’il estimpossible de composer avec les employésqui ont les mêmes caractéristiques que ledemandeur sans que l’employeur en subis-se une contrainte excessive5.

(Nos soulignés)

Pour définir ce qui pourrait constituer une« contrainte excessive » pour un employeur, laCour suprême propose, entre autres, de consi-dérer si l’accommodement se heurte, parexemple, à une impossibilité de changementau niveau des effectifs ou à des risques pourla sécurité, ou encore porterait atteinte aumoral du personnel, ou constituerait une tropgrande atteinte à la convention collective6.

Jusqu’où accommoder en matière d’alcoolisme et de toxicomanie ?L’alcoolisme et la toxicomanie étant générale-ment traités comme des maladies par les tri-bunaux7, ceux-ci ont établi que la premièreétape de l’accommodement requise d’unemployeur vise à permettre la réhabilitationde l’employé. Selon des auteurs :

Lorsque l’employeur peut relier l’absentéi -sme, les retards, les absences non autoriséeset autres manquements à la dépendance àl’alcool ou aux drogues, il doit orienter la ges-tion du dossier du salarié en privilégiant uneapproche administrative.

Les mesures alors prises par l’employeur nevisent pas à punir le salarié. Elles visent,d’abord, à donner la chance au salarié de seréhabiliter et, d’autre part, dans les cas où laréhabilitation n’est pas possible, à se dépar-tir des services d’un salarié qui ne peut four-nir une prestation normale de travail 8.

Ainsi, lorsque disponible, l’employeur a l’obli -gation d’offrir, au travailleur alcoolique, la pos -sibilité de se prévaloir d’un programme d’aideaux employés ou l’opportunité de suivre unecure de désintoxication9, par exemple enaccordant un congé sans solde. L’employé quirefuserait une telle offre s’exposerait à uncongédiement10.

Le comportement du travailleur à l’égard desa maladie et de sa réhabilitation pourraitinciter l’employeur à prendre diversesmesures. L’employé qui refuse d’admettreson problème d’alcoolisme et qui démontreun haut taux d’absentéisme s’expose, biensûr, à être congédié11.

L’abandon d’une cure de désintoxication oul’insuccès des cures suivies peut aussi justi-fier le congédiement du travailleur alcooliqueou toxicodépendant12.

Mais combien de cures ?L’employeur qui décide d’offrir toutes ceschances à un employé alcoolique en lui per-mettant de s’absenter pour une cure de désin-toxication n’est pas toujours au bout de sespeines. Il n’est pas rare en effet que, pour cetype de pathologie, une rechute survienne.Alors combien de cures seront nécessaires pourque l’employeur puisse dire que c’est assez ?Évidemment, il n’existe pas de réponse simpleà cette question. Chaque cas est un cas d’es-pèce. L’employeur doit évaluer si le problèmed’absentéisme causé par l’alcoolisme du tra-vailleur peut être réglé dans un avenir prévi-sible, grâce à une cure.

L’employeur qui, à l’analyse du dossier de l’em-ployé, en arrive à la conclusion qu’il n’y a pasraisonnablement de chance pour que la presta-tion de travail de l’employé revienne à la nor-male dans un avenir prévisible, peut congédiercet employé. À cette fin, l’opinion d’un méde-cin expert est un « must ». Dans une affaireimportante, la Cour suprême du Canada aconfirmé qu’il ne revenait pas à un arbitre degrief d’offrir une dernière et ultime chance à unemployé congédié en raison de son absentéis-me chronique, attribuable à l’alcoolisme. Enl’espèce, l’arbitre avait pris en compte la réus-site d’une cure de désintoxication faite après lecongédiement pour obliger l’employeur àreprendre son employé. Or, pour la Cour suprê-me, cette preuve ne pouvait être opposée àl’employeur qui était justifié, lors de sa prise dedécision, à conclure que tous les efforts consa-crés à l’employé s’étaient avérés vains13.

Un bon encadrement de la problématique au travailest requisÀ la lumière des principes énoncés précédem-ment, la dépendance aux drogues ou à l’alcoolcause un véritable casse-tête aux gestionnai -res. Il convient donc de se donner des outilspermettant de mieux encadrer la probléma-tique. D’abord, une politique claire à l’égard del’alcool et des drogues indiquant dans quel casun employeur pourra faire un test de contrôle,s’il soupçonne qu’un employé travaille « sousinfluence »14. D’autre part, cette politique nedoit pas être ambiguë. Par exemple, dans uneaffaire récente, un employeur a retourné chezlui un travailleur qui « avait les yeux rouges,l’air fatigué et qui sentait l’alcool ». Privé deson salaire pour la journée, le travailleur logeun grief. L’arbitre accueille le grief faisant ladistinction entre être « sous l’effet de l’alcool »et « dégager une odeur d’alcool » précisant quela norme de l’employeur interdit d’être « sousl’effet de l’alcool ». En d’autres termes, l’arbitrerappelle à l’employeur, qui déclare avoir adop-té une politique de tolérance zéro à l’alcool,que les termes de son règlement « sous l’effetde l’alcool » ne sont pas assez rigoureux pourrencontrer son objectif.15

Par ailleurs, la possibilité de recourir à unprogramme d’aide aux employés, à un régime

Suite à la page 19

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Nous sommes vendredi après-midi, dernièrejournée de travail avant le congé des Fêtes.Bien que le bureau soit encore ouvert, lesemployés ont commencé à festoyer dans lasalle de réunion. Les derniers mois ont été trèschargés et la fête de Noël leur permettra derelaxer un peu. Vous les invitez même à se servir « un petit verre » pour l’occasion. Leslangues se délient, une ambiance s’installe, lafatigue semble disparaître. À 19 heures, la fêtese termine, les employés quittent le bureau ense souhaitant de « Joyeuses Fêtes ».

Malheureusement, un des employés est victi-me d’un accident d’automobile après la petitecélébration et, selon l’enquête policière, l’al-cool est en cause. L’employeur peut-il êtrepoursuivi en justice ?

Une histoire semblable s’est produite enOntario, le 16 décembre 1999, sauf qu’en plus,l’employée avait continué de consommer,avec d’autres collègues de travail, dans un barsitué tout près. Elle a, par la suite, subi ungrave accident de la route lui laissant desséquelles permanentes. L’accidentée, Mme Hunt,a intenté une poursuite en dommages contreson employeur pour avoir failli à son devoir dediligence envers ses employés.

La Cour supérieure de l’Ontario a condamnél’employeur. Selon elle, l’employeur :1. devait s’assurer que les lieux de travail

étaient sécuritaires, que son employée neconsommait pas d’alcool sur les lieux detravail et qu’elle était en mesure deretourner, en toute sécurité, à son domici-le après la fin de sa prestation de travail;

2. a commis une faute en permettant lemaintien d’un bar ouvert sans aucunesupervision, de telle sorte qu’il ne pouvaits’assurer que la consommation d’alcool deses employés ne les mette en danger;

3. aurait dû raisonnablement prévoir que sesemployés continueraient à fêter à l’exté-rieur des locaux de l’établissement.

Selon ce jugement, il incombait, à l’employeur,de prendre tous les moyens raisonnables pouréviter qu’un employé conduise après avoirconsommé de l’alcool dans le cadre d’une acti-vité de bureau se tenant à l’intérieur des locauxde l’employeur1.

L’employée a obtenu 25 % des dommagesinitialement réclamés à son employeur et aubar qu’elle avait fréquenté lors de la soirée.Pour le reste, la Cour a jugé que l’employéeavait contribué à 75 % de ses dommages parsa propre négligence.

Peut-il en être de même au Québec ?Au Québec, le régime de responsabilité « sansfaute » de la Société de l’assurance automobi-le du Québec (SAAQ) ne permet pas de récla-mer les dommages en matière de préjudicesphysiques et moraux résultant d’un accidentautomobile. Donc, une faute de l’employeurdans des circonstances similaires à celles del’affaire Hunt ne pourrait entraîner une con -damnation à des dommages et intérêts.

Mais attention, l’employeur peut engager saresponsabilité criminelle. Le Code criminelprévoit : Est coupable de négligence criminel-le, quiconque : a) soit en faisant quelquechose, b) soit en omettant de faire quelquechose qu’il est de son devoir d’accomplir,montre une insouciance déréglée ou témé raireà l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui (…)En d’autres termes, un employeur qui a permisun bar ouvert sur les lieux de travail et qui laisse partir un employé en état d’ébriété pour-rait se voir accuser de négligence criminelle.

Prévention même dans vos fêtes de bureau !De plus, la Loi sur la santé et la sécurité dutravail (LSST) oblige l’employeur à prendreles mesures nécessaires pour protéger lasanté et assurer la sécurité et l’intégrité phy-sique du travailleur. Dans cet esprit, desmesures doivent aussi être prises pour préve-nir tout préjudice pouvant être causé par l’al-cool, lorsqu’il est consommé sur les lieux detravail, dans le cadre d’une activité socialeorganisée par l’employeur. Dans tout bon pro-gramme de prévention, les risques sont iden-tifiés et des moyens sont mis en place pourles éliminer ou les contrôler.

L’élimination des dangers à la source, c’estfacile, soit qu’il n’y a pas d’alcool sur leslieux et les heures de travail ou, à tout lemoins, qu’on offre des consommations ou descocktails sans alcool.

De façon moins drastique maintenant, voiciquelques exemples de moyens de contrôlerles risques d’accident :• limiter la quantité de consommations;• cesser de servir quelque temps avant la fin

de la fête;• inviter les employés à prévoir leur moyen de

transport pour le retour;• avoir des conducteurs désignés ou faire

appel à un service de raccompagnement(par exemple le taxi, Opération Nez rouge).

Bien des employeurs sont conscients de leurrôle social et de leur responsabilité envers lasécurité et le bien-être de leurs employés.Lorsque l’on sert de l’alcool lors d’une fête,nous avons le devoir de protéger nos employéscontre les préjudices possibles. Nous avonsnotamment l’obligation d’intervenir pourempêcher nos employés de conduire en étatd’ébriété.

Enfin, n’oubliez pas que si un employé devaitse blesser pendant une fête de bureau, là, iln’apparaît pas impossible, selon les circons-tances, que l’on puisse être en présence d’unaccident à l’occasion du travail et ça, c’estune autre histoire.

Tout compte fait, il vaut peut-être mieux êtreun « casseux de party » !

À noter que la décision aurait pu être différente s’il s’étaitagi d’une activité sociale ne survenant pas sur les lieuxet pendant les heures de travail.

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MON BOSS m’a saoulé !

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d’assurance-salaire ou à d’autres moyens desupport en cas d’absentéisme de l’employéne pourrait qu’aider à un meilleur encadre-ment de cette problématique au travail.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue que l’obli-gation d’accommodement est une notionessentiellement juridique. Les tribunaux l’ontdéveloppée dans le strict contexte de la pro-tection des droits énoncés à la Charte desdroits et libertés afin de protéger les per-sonnes à l’encontre de mesures discrimina-toires. Alors avant d’exiger l’accommodementde Jean-Guy, notre fêtard du début du texte,peut-être devrions-nous répondre à la ques-tion suivante : exerce-t-on une mesure discri-minatoire à son endroit lorsqu’on exige qu’iltravaille en sécurité ?

Nos procédés de fabrication comportent destâches qui demandent vigilance et attention,et que nous considérons à risque relativementélevé d’accidents. Nous avons donc élaboréune politique pour contrer toute consomma-tion de drogues et d’alcool sur les lieux de tra-vail. Nous savons par ailleurs que plusieurs de nos employés prennent des médicamentspour traiter des allergies (rhume des foins,pollen, etc.). Nous craignons que ces médica-ments puissent affecter leur vigilance. Quefaire vis-à-vis cette situation ?

Tout d’abord, il faut faire la distinction entrel’abus de médicaments, qui peut être observéchez certains toxicomanes, et la prise de médi-cation pour soulager des symptômes ou traiterune maladie, ce qui semble être le cas ici.

Ceci étant dit, il est vrai que certains médica-ments (en vente libre parfois) peuvent avoirdes effets sur le système nerveux central(troubles de la vision, de l’attention, de lavigilance, perturbation de l’équilibre). Qu’onpense aux médicaments psychotropes donton a parlé dans ce numéro, ou encore à lacodéine et à certains autres antitussifs, demême que des médicaments contre l’allergie,notamment les antihistaminiques.

Quoiqu’il soit légitime de se demander si cesmédicaments ne sont pas dangereux combinés àl’exercice d’un métier ou d’une profession, il fautreconnaître qu’ils sont là pour favoriser la santé.De plus, les données sont encore insuffisantes

pour établir le rapport exact entre l’utilisation demédicaments et les accidents du travail.

Néanmoins, il peut s’avérer nécessaire d’inter-venir et nous considérons que le principal ins-trument de gestion en cette matière est l’in -formation. Pour ce faire, certaines règles deconduite peuvent être émises concernant l’uti-lisation de médicaments. À titre d’exemple, onpourrait responsabiliser les travailleurs relati-vement à ce phénomène en les sensibilisantsur les aspects suivants :

• être bien conscients que lorsqu’ils prennentdes médicaments, ceux-ci peuvent influencerleur capacité de réaction et de perception;

• informer leur médecin de leur profession etvérifier avec lui s’il est judicieux d’effectuercertaines tâches ou s’il faut modifier ouréduire la médication;

• s’informer auprès du pharmacien des effetssecondaires des médicaments qu’ils prennent;

• éviter de boire de l’alcool quand ils prennentdes médicaments influençant leurs réac-tions et leur perception, à cause de l’effetsynergique de cette combinaison.

En conclusion, vous avez l’obligation, en tantqu’employeur, de vous assurer que le travail seréalise en sécurité en tout temps et en toute cir-constance et, de ce fait, d’intervenir lorsquevous constatez un comportement qui peut por-ter atteinte à la sécurité sur les lieux de travail.Ceci n’empêche cependant pas de faire appel àla responsabilité individuelle de vos travailleurs.

[?]QUESTION/RÉPONSE

« Tolérance 0 » face à la drogue et à l’alcool, d’accord. Mais qu’en est-il des médicaments ?

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À ce sujet, voir : BERNIER, L., G. BLANCHET et L. GRANO-SIK. Les mesures disciplinaires et non disciplinaires dansles rapports collectifs du travail, Éditions Yvon Blais, p. II/11-1 à 11-3 et voir texte p. 10.

L.R.Q. c. C-12.

La notion de handicap s’interprète largement, incluantune pathologie ne laissant pas de limitations fonction-nelles; C.D.P.J. c. Ville de Montréal et Ville de Boisbriand,(2000) 1 R.C.S. 665.

Voir, par exemple : Syndicat de la fonction publique duQuébec c. Québec, 2003 R.J.D.T. 1355 (T.A.); Québec c.Poulin, D.T.E. 2004T-552 (C.S.); Union des employés deservice, section locale 800 (FTQ) c. Commission scolaireEnglish-Montreal, 2005 R.J.D.T. 960 (T.A.); Milazzo c.Autocar Connaisseur inc., D.T.E. 2004T-9 (T.C.D.P.).

Colombie-Britannique c. BCGSEU et Meiorin, (1999) 3R.C.S. 3.

Alberta Human Rights Commission c. Central Dairy Pool,(1990) 2 R.C.S. 489; Central Okanagan School District c.Renaud, (1992) 2 R.C.S. 970.

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Société canadienne des postes c. Sylvestre, D.T.E. 93T-57,(1993) R.D.J. 301 (CA).

Supra note 1, p. III/3-1.

Syndicat canadien des communications, section locale21 c. Tripap inc., D.T.E. 99T-764, 1999 R.J.D.T. 1406.

Supra note 7.

Bell Canada c. Syndicat des travailleurs en communica-tion, D.T.E. 88T-166.

Compagnie Christie Brown c. Syndicat des travailleurs de laboulangerie, D.T.E. 98T-1051; Marlin Chevrolet Oldsmobileinc. c. Syndicat national des employés de garage (CSD), SA03-03053; Syndicat des salariés de la scierie Peribonka(CSD) c. Uniforêt, SA 94-11022.

Compagnie minière Québec Cartier c. Lippe, 1995 2 R.C.S.1095.

Voir texte p. 4 à ce sujet.

Sanimax ACI inc. c. Poulin, C.S. 200-17-007627-060, 29-05-2007 (la Cour supérieure confirme la décision de l’arbitre).

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