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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - FÉVRIER 2013 - 449 BIS // 25 55 es JOURNÉES DE BIOLOGIE CLINIQUE NECKER – INSTITUT PASTEUR Alcool et marqueurs biologiques Jean-Baptiste Trabut a , Stanislas Pol a, * a Service d’hépatologie Groupe hospitalier Cochin – Saint-Vincent-de-Paul (AP-HP) 27, rue du Faubourg Saint-Jacques 75679 Paris cedex 14 Institut Cochin – CNRS (UMR 8104) – INSERM U-1016 Université Paris Descartes – Sorbonne Paris Cité * Correspondance [email protected] 1. Introduction La surconsommation d’alcool chronique est fréquente en France. Les chiffres du « Baromètre Santé 2010 » montrent, en effet, que près de 20 % de la population adulte a une consom- mation d’alcool régulière et que 7,5 % a une consommation abusive ou à risque, définie selon les critères de l’OMS par une consommation de plus de 20 g d’alcool par jour chez la femme et plus de 30 g d’alcool par jour chez l’homme (tout verre d’alcool – alcool fort, vin ou bière – apporte environ 10 g d’alcool pur et les consommations à risque sont consi- dérées comme étant de plus de 3 à 4 verres par jour) [1]. Par ailleurs, près de 30 % des Français ont une consommation occasionnelle à risque (plus de 4 verres par occasion). Si la consommation moyenne d’alcool baisse de façon continue en France depuis 50 ans, les derniers chiffres montrent une stabilité du taux de consommations problématiques qui sont, par ailleurs, en augmentation chez les 17-25 ans [1]. En Europe, la consommation excessive d’alcool est la troi- sième cause de décès évitable avec un risque en premier lieu hépatique (par le biais d’une augmentation du risque de cirrhose) mais aussi une augmentation de la fréquence de certains cancers (notamment des voies aéro-digestives supérieures, du foie, des seins et du côlon) ainsi que celles de pathologies pancréatiques, cardiaques, neurologiques, traumatiques ou psychiatriques. Outre ses conséquences sanitaires, l’abus d’alcool a également des conséquences socioprofessionnelles pour l’individu et économiques pour la société [2]. Ceci explique que la prise en charge des patients en difficulté avec l’alcool se distribue entre les spécialités médicales (médecine interne, hépato-gastro-entérologie, médecine générale et médecins du travail) ou psychiatrique et implique également les professions paramédicales. Le diagnostic de surconsommation d’alcool fait souvent peu de doute, soit du fait de la démarche de soin du patient dans l’objectif d’un sevrage (récemment médiatisé avec la polémique autour du Baclofène, [3], soit du fait d’un interroga- toire mené dans des conditions de confiance qui amènera le patient a faire des déclarations fiables sur sa consommation. Cependant, certaines situations peuvent poser plus de problèmes diagnostiques du fait du déni du patient, de l’intrication d’autres pathologies ou d’une consommation considérée comme « traditionnelle ». Des questionnaires spécifiques (tel que le DETA, l’AUDIT ou le FACE) peuvent aider à la détection des consommations problématiques mais nécessite la coopération du patient. Les marqueurs biochi- miques ont pour principaux objectifs, d’une part, de faire le diagnostic de surconsommation d’alcool (et en parallèle, de confirmation du sevrage dans le cadre des prises en charge des patients) lorsque l’interrogatoire risque de ne pas être fiable et, d’autre part, d’évaluer la sévérité et le pronostic des conséquences hépatiques de la suralcoolisation. 2. Diagnostic de surconsommation d’alcool et de sevrage Une intoxication aiguë doit être objectivée par un dosage de l’alcoolémie chaque fois qu’il existe un enjeu médical significatif. Lorsque l’on dispose d’un appareil spécifique, on pourra remplacer le dosage sanguin par la détection d’éthanol dans l’air expiré (qui n’a cependant pas la même valeur médico-légale). La durée de la positivité de l’alcoo- lémie est proportionnelle à la quantité d’alcool ingérée en sachant qu’il faut, en moyenne, une heure pour éliminer l’équivalent d’un verre standard. Du fait de l’effet « réser- voir » de la vessie, l’alcoolurie pourra rester positive pen- dant quelques heures après que l’alcoolémie ne se soit négativée. De nouveaux marqueurs urinaires (éthylglucuro- nide et éthylsulfate notamment) restent positifs pendant 3 à 5 jours [4]. Ces marqueurs semblent spécifiques mais ont, à ce jour, une trop grande sensibilité qui ne permet pas de faire la part entre la consommation volontaire d’une boisson alcoolisée et l’utilisation d’un produit ne comportant que des traces d’éthanol (médicaments ou bains de bouche, par exemple). Les trois marqueurs biologiques principaux permettant de détecter une surconsommation chronique d’alcool sont le volume globulaire moyen (VGM), l’activité de la gamma- glutamate transpeptidase (GGT), et la mesure de l’activité de la transferrine désialylée (CDT). Le VGM et/ou la GGT sont des marqueurs très anciens, facilement disponibles en routine et efficaces en termes de sensibilité et surtout de spécificité. La macrocytose, d’une part, et l’augmentation de GGT d’autre part, liée à l’induction enzymatique en rapport avec la consommation régulière d’alcool (voire avec l’hépatopathie intriquée) sont des éléments très évocateurs, surtout lorsqu’ils sont com- binés et qu’il n’y a pas d’autre cause pour les expliquer. Les causes de faux positifs sont en effet nombreuses mais, le plus souvent, facilement identifiables. Outre la consommation © 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. 55 es JOURNÉES DE BIOLOGIE CLINIQUE NECKER – INSTITUT PASTEUR

Alcool et marqueurs biologiques

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THÉMATIQUE À TAPER

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55es JOURNÉES DE BIOLOGIE CLINIQUE NECKER – INSTITUT PASTEUR

Alcool et marqueurs biologiquesJean-Baptiste Trabuta, Stanislas Pola,*

a Service d’hépatologieGroupe hospitalier Cochin – Saint-Vincent-de-Paul (AP-HP)27, rue du Faubourg Saint-Jacques75679 Paris cedex 14Institut Cochin – CNRS (UMR 8104) – INSERM U-1016Université Paris Descartes – Sorbonne Paris Cité

* [email protected]

1. Introduction

La surconsommation d’alcool chronique est fréquente en France. Les chiffres du « Baromètre Santé 2010 » montrent, en effet, que près de 20 % de la population adulte a une consom-mation d’alcool régulière et que 7,5 % a une consommation abusive ou à risque, définie selon les critères de l’OMS par une consommation de plus de 20 g d’alcool par jour chez la femme et plus de 30 g d’alcool par jour chez l’homme (tout verre d’alcool – alcool fort, vin ou bière – apporte environ 10 g d’alcool pur et les consommations à risque sont consi-dérées comme étant de plus de 3 à 4 verres par jour) [1]. Par ailleurs, près de 30 % des Français ont une consommation occasionnelle à risque (plus de 4 verres par occasion). Si la consommation moyenne d’alcool baisse de façon continue en France depuis 50 ans, les derniers chiffres montrent une stabilité du taux de consommations problématiques qui sont, par ailleurs, en augmentation chez les 17-25 ans [1].En Europe, la consommation excessive d’alcool est la troi-sième cause de décès évitable avec un risque en premier lieu hépatique (par le biais d’une augmentation du risque de cirrhose) mais aussi une augmentation de la fréquence de certains cancers (notamment des voies aéro-digestives supérieures, du foie, des seins et du côlon) ainsi que celles de pathologies pancréatiques, cardiaques, neurologiques, traumatiques ou psychiatriques. Outre ses conséquences sanitaires, l’abus d’alcool a également des conséquences socioprofessionnelles pour l’individu et économiques pour la société [2].Ceci explique que la prise en charge des patients en difficulté avec l’alcool se distribue entre les spécialités médicales (médecine interne, hépato-gastro-entérologie, médecine générale et médecins du travail) ou psychiatrique et implique également les professions paramédicales.Le diagnostic de surconsommation d’alcool fait souvent peu de doute, soit du fait de la démarche de soin du patient dans l’objectif d’un sevrage (récemment médiatisé avec la polémique autour du Baclofène, [3], soit du fait d’un interroga-toire mené dans des conditions de confiance qui amènera le patient a faire des déclarations fiables sur sa consommation.

Cependant, certaines situations peuvent poser plus de problèmes diagnostiques du fait du déni du patient, de l’intrication d’autres pathologies ou d’une consommation considérée comme « traditionnelle ». Des questionnaires spécifiques (tel que le DETA, l’AUDIT ou le FACE) peuvent aider à la détection des consommations problématiques mais nécessite la coopération du patient. Les marqueurs biochi-miques ont pour principaux objectifs, d’une part, de faire le diagnostic de surconsommation d’alcool (et en parallèle, de confirmation du sevrage dans le cadre des prises en charge des patients) lorsque l’interrogatoire risque de ne pas être fiable et, d’autre part, d’évaluer la sévérité et le pronostic des conséquences hépatiques de la suralcoolisation.

2. Diagnostic de surconsommation d’alcool et de sevrage

Une intoxication aiguë doit être objectivée par un dosage de l’alcoolémie chaque fois qu’il existe un enjeu médical significatif. Lorsque l’on dispose d’un appareil spécifique, on pourra remplacer le dosage sanguin par la détection d’éthanol dans l’air expiré (qui n’a cependant pas la même valeur médico-légale). La durée de la positivité de l’alcoo-lémie est proportionnelle à la quantité d’alcool ingérée en sachant qu’il faut, en moyenne, une heure pour éliminer l’équivalent d’un verre standard. Du fait de l’effet « réser-voir » de la vessie, l’alcoolurie pourra rester positive pen-dant quelques heures après que l’alcoolémie ne se soit négativée. De nouveaux marqueurs urinaires (éthylglucuro-nide et éthylsulfate notamment) restent positifs pendant 3 à 5 jours [4]. Ces marqueurs semblent spécifiques mais ont, à ce jour, une trop grande sensibilité qui ne permet pas de faire la part entre la consommation volontaire d’une boisson alcoolisée et l’utilisation d’un produit ne comportant que des traces d’éthanol (médicaments ou bains de bouche, par exemple).Les trois marqueurs biologiques principaux permettant de détecter une surconsommation chronique d’alcool sont le volume globulaire moyen (VGM), l’activité de la gamma- glutamate transpeptidase (GGT), et la mesure de l’activité de la transferrine désialylée (CDT).Le VGM et/ou la GGT sont des marqueurs très anciens, facilement disponibles en routine et efficaces en termes de sensibilité et surtout de spécificité. La macrocytose, d’une part, et l’augmentation de GGT d’autre part, liée à l’induction enzymatique en rapport avec la consommation régulière d’alcool (voire avec l’hépatopathie intriquée) sont des éléments très évocateurs, surtout lorsqu’ils sont com-binés et qu’il n’y a pas d’autre cause pour les expliquer. Les causes de faux positifs sont en effet nombreuses mais, le plus souvent, facilement identifiables. Outre la consommation © 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

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d’alcool, une macrocytose sans anémie peut être secondaire à la prise de médicaments (azathioprine ou certains antiré-troviraux, par exemple). Lorsqu’une anémie est associée à la macrocytose, on devra rechercher une autre cause que la seule consommation d’alcool telle qu’une hémopathie ou une carence vitaminique. La GGT peut être augmentée dans la plupart des maladies du foie. Les plus fréquentes sont les hépatopathies métaboliques ou virales au cours desquelles l’augmentation de la GGT est cependant plus inconstante et souvent moins marquée. Une augmentation significa-tive des phosphatases alcalines associée à celle de la GGT est évocatrice de cirrhose mais peut aussi orienter vers une pathologie biliaire, une infiltration granuloma-teuse ou tumorale du foie voire une pathologie vasculaire (foie cardiaque ou péliose notamment).La cinétique de la décroissance des GGT et du VGM au cours du sevrage est très sensible pour, à la fois le diagnostic de surconsommation d’alcool et d’efficacité du sevrage. Plus de 90 % des sujets sevrés auront une diminution des GGT dans les jours suivant l’arrêt de la consommation d’alcool quelles que soient les valeurs initiales, tandis que la décroissance du VGM est plus lente [5]. Malgré la robustesse de ces marqueurs, leur spécificité est imparfaite et leur normalité ne permet pas d’éliminer une consommation d’alcool excessive. L’évaluation de la transferrine désialylée (CDT) peut alors rajouter une pierre à l’édifice diagnostique. Traditionnellement élevée au cours de la consommation régulière d’alcool, elle permettra, en l’absence de preuve diagnostique basée sur le VGM et la GGT, d’améliorer les capacités diagnostiques. On estime que la sensibilité de la GGT et des CDT est similaire (de l’ordre de 60 % pour détecter une consommation d’alcool régulière au-dessus de 100 g/j) et supérieure à celle du VGM (environ 45 %). La combinaison de la GGT et des CDT augmenterait les performances diagnostiques en permettant de détecter 90 % des buveurs excessifs [6]. Après l’arrêt de l’alcool, la demi-vie de décroissance de la GGT est de l’ordre de 2 à 3 semaines. Elle est plus longue (2 à 4 mois) pour le VGM [7].L’interprétation de la GGT et des CDT est compliquée par la préexistence d’une hépatopathie sous jacente. En ce qui concerne la GGT, c’est le cas quel que soit le stade de l’hépatopathie. Ainsi une stéatose simple, liée à un surpoids peut augmenter la GGT en l’absence de toute intoxication alcoolique [8]. La CDT paraît moins sensible à l’existence d’une hépatopathie mais l’existence d’une cirrhose peut rendre son résultat ininterprétable [9]. En pratique, la persis-tance d’une GGT supérieure à 2,5 N chez un patient ayant une cirrhose alcoolique témoigne de l’absence d’abstinence ou de l’existence d’une comorbidité associée (notamment métabolique) [5] ; une augmentation de plus faible amplitude peut néanmoins se voir chez un patient cirrhotique abstinent du fait de la seule fibrose hépatique.D’autres anomalies biologiques peuvent être expliquées par une consommation d’alcool excessive : outre les per-turbations relatives à l’existence d’une maladie alcoolique du foie que nous détaillerons dans la section suivante, les buveurs excessifs peuvent présenter une throm-bopénie, une augmentation de la ferritinémie, du HDL- cholestérol, de l’acide urique et des immunoglobulines A. Ces anomalies ont toutefois une sensibilité et une spécificité insuffisantes pour être utilisées comme des biomarqueurs de l’alcoolisme.

3. Diagnostic des conséquences de la suralcoolisation

Nous parlerons principalement des conséquences hépatiques, car elles sont, d’une part, les plus fréquentes et, d’autre part, parce que l’histoire naturelle de la maladie alcoolique du foie (MAF) rend possible son diagnostic biologique à un stade où la maladie est encore asymptomatique. Ce dépistage pré-coce peut permettre d’éviter la progression vers la cirrhose et/ou la survenue de ses complications. Les conséquences extra-hépatiques seront, quant à elles, recherchées en cas de symptômes évocateurs qui pourront justifier des exa-mens biochimiques ou morphologiques (amylase, lipase et échographie pancréatique pour les pancréatites aiguës ou les pancréatiques chroniques ; électrocardiogramme, BNP et échocardiographie pour les cardiomyopathies dilatées ; examen clinique voire électromyogramme pour les polyneu-ropathies périphériques).Les anomalies du bilan biologique hépatique usuel (AST, ALT, GGT) témoignent constamment d’une atteinte hépa-tique associée à la surconsommation d’alcool. Elles sont inconstantes puisque l’on considère qu’environ un tiers des patients en difficulté avec l’alcool peut avoir un bilan hépatique normal. Elles témoignent, dans environ deux tiers des cas, d’une hépatopathie non cirrhotique (stéatose ou stéatohépatite) et dans un tiers des cas, d’une cirrhose (un rapport AST/ALT est évocateur de l’origine alcoolique et de l’existence d’une cirrhose, de même que l’hyperphospha-tasémie alcaline et la thrombopénie) [10, 11].L’hépatite alcoolique (HA) se caractérise par une cytolyse souvent modeste prédominant sur le AST et peut être asymp-tomatique sur un plan clinique. Elle est observée dans environ 15 % des biopsies réalisées chez des patients ayant une maladie alcoolique du foie non décompensée [10, 11]. Les formes symptomatiques d’HA se caractérisent le plus sou-vent par un ictère et peuvent mettre en jeu le pronostic vital en particulier si la fonction hépatique est significativement altérée [12]. La biologie standard est peu performante pour faire le diagnostic d’hépatite alcoolique. Un score spécifique, l’AshTest®, combinant les 5 marqueurs du FibroTest® avec les AST a démontré de bonnes corrélations avec la présence de signes histologiques d’HA [13]. Ces résultats ont toutefois été obtenus dans une population hétérogène de patients et n’ont pas été, à ce jour, répliqués dans une étude « indépendante ». En conséquence, la biopsie reste la méthode de référence pour le diagnostic d’HA.Les tests non invasifs de fibrose qui permettent le diagnostic précis des conséquences de la surconsommation d’alcool, avec une invasivité moindre que celle de la ponction biopsie hépatique, sont les tests autorisés (ou non) par la Haute Auto-rité de Santé pour l’évaluation non invasive de la fibrose au cours de l’infection virale C. Dans la MAF, les performances du FibroTest® et du FibroMètre® pour la prévision du stade de fibrose semblent équivalents à ce qui a été rapporté pour l’hépatite C [14, 15]. Naveau et coll. ont, par ailleurs, montré que ces deux tests étaient corrélés à la mortalité en cas de MAF [16]. Concernant les tests utilisant des dosages bio-logiques plus simples (APRI, FIB4 ou Forns), les données sont peu nombreuses et vont dans le sens de performances diagnostiques médiocres [17].

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consommation d’alcool et au risque de développer une hépatopathie et de progression de la fibrose. Les études épidémiologiques scandinaves comparant des jumeaux mono et dizygotes suggèrent une prédisposition géné-tique à la surconsommation d’alcool sans qu’à ce jour des gènes spécifiques de prédisposition n’aient été identifiés de façon formelle (en dehors de l’identifica-tion de variants de l’acétaldéhyde déshydrogénase 2, présents exclusivement dans la population asiatique, et qui protègent de la survenue d’une alcoolodépendance). Un certain nombre de gènes ont été identifiés favorisant la survenue d’hépatite alcoolique (polymorphisme de l’alcool déshydrogénase notamment). Enfin, plusieurs gènes ont été récemment suggérés comme favorisant la constitution d’une fibrose significative et sa progression à la fois dans les hépatopathies alcooliques mais aussi dans les stéa-toses non alcooliques. Le gène principalement identifié est celui de l’adiponutrine (PNPLA3) [20, 21].

5. Conclusion

En conclusion, en plus de l’interrogatoire et de l’examen cli-nique qui restent essentiels dans la prise en charge diagnos-tique et thérapeutique des patients et de l’échographie hépa-tique, les examens biochimiques vont permettent de faire un diagnostic sensible et spécifique de surconsommation d’alcool et de sevrage efficace d’une surconsommation d’alcool à risque, ainsi que d’évaluer la sévérité de l’hépa-topathie et de l’efficacité des traitements nécessaires au contrôle de ces hépathopathies sévères.

Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

En cas d’hépatopathie sévère (hépatite alcoolique et/ou cir-rhose), il convient d’évaluer des scores de gravité. Le score de Maddrey, le plus utilisé, incluant le temps de prothrombine et la bilirubine, permet de définir une HA sévère qui conduira à un traitement immédiat par corticoïdes (40 mg/jour de pred-nisolone pour 28 jours) permettant une réduction de mortalité de près de 50 % à 3 mois. Le score de Lille (combinant âge du patient, bilirubine, albuminémie, temps de prothrombine, créatinine) permettra la surveillance de l’efficacité de la corti-cothérapie. En l’absence de diminution significative du score de Lille à 7 jours de corticothérapie, il n’y a pas de justification à poursuivre le traitement et les alternatives thérapeutiques sont dominées par la question difficile de la transplantation hépatique [18, 19]. Pour évaluer la sévérité de la cirrhose (et les éventuelles indications à la transplantation hépatique), le score de MELD (incluant bilirubine, créatinine et INR) permet de prédire un pronostic en fonction de l’étiologie alcoolique ou non alcoolique de la maladie hépatique et participe aux décisions d’indication des greffons. Le score CHILD-PUGH a, parallèlement au développement du score de MELD, perdu de sa pertinence. Ainsi, l’utilisation de marqueurs biochi-miques de complexité croissante (bilan biologique hépatique, hyaluronate, index non invasifs de fibrose, index de sévérité des hépatopathies) permet une évaluation sensible du type d’hépatopathie sous-jacente, de ses conséquences et notam-ment de sa sévérité et conduit les décisions thérapeutiques, notamment les plus urgentes (corticothérapie d’une hépatite alcoolique aiguë, discussion de transplantation hépatique).

4. Les marqueurs génétiques

De nombreuses recherches ont été effectuées sur les polymorphismes associés à la fois au risque de sur-

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