68
! BIOLOGIE Ces stars des jardins qui nous envahissent 30-35 ÉNERGIE Gaz de schiste : eldorado ou désastre ? 42-47 CRIMINALITÉ Les secrets des interrogatoires de police 50-55 SAVOIR ALLEZ NUMÉRO 54 Le magazine de l’UNIL | Mai 2013 | Gratuit POP CULTURE LE PREMIER SUPER-HÉROS REVIENT SUPERMAN

Allez savoir ! 54

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Le magazine de l'Université de Lausanne (UNIL).

Citation preview

Page 1: Allez savoir ! 54

!BIOLOGIECes stars des jardins qui nous envahissent30-35

ÉNERGIEGaz de schiste : eldorado ou désastre ? 42-47

CRIMINALITÉLes secrets des interrogatoires de police50-55

SAVOIR ALLEZ

NUMÉRO

54Le magazine de l’UNIL | Mai 2013 | Gratuit

POP CULTURE

LE PREMIER SUPER-HÉROS REVIENTSUPERMAN

Page 2: Allez savoir ! 54

LOGEZUN-E ÉTUDIANT-E

WWW.UNIL.CH/LOGEMENT

021 692 21 10

Grégory 19 ans Étudiant en architecture Cherche un espace de vie convivial et animé.

Annonce_A4_logement_M.indd 1 25.04.12 12:27

Page 3: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 3

ÉDITOIS

SN 1

422-

5220

IMPRESSUM

Magazine de l’Université de LausanneN° 54, mai 2013www.unil.ch/allezsavoir

Editeur responsableUniversité de LausanneUne publication d’UNICOM, service de communication et d’audiovisuelQuartier UNIL-SorgeBâtiment Amphimax1015 LausanneTél. 021 692 22 [email protected]

Rédaction en chefJocelyn Rochat, David Spring (UNICOM)

Direction artistiqueEdy Ceppi (UNICOM)

RédacteursSonia ArnalSophie BadouxElisabeth GordonVirginie JobéMuriel RamoniNadine RichonRenata Vujica

CorrecteursAlbert Grun Fabienne Trivier

Graphisme et mise en pageSecteur B Sàrlwww.secteurb.ch

Ont participé à ce numéroCynthia KhattarEmmanuelle Marendaz Colle Thomas FitzsimonsSandrine Wenger

PhotographieNicole Chuard

IllustrationEric Pitteloud (pp. 3, 41)

CouvertureBrendan Hunter Photography / iStockphoto

PublicitéGo-Uni Werbung

ImpressionIRL plus SA

Tirage15 000 exemplaires

[email protected] (p. 62)

SUPERMAN VOLE DANS L’AIR DU TEMPS

DAVID SPRINGRédacteur, UNIL

L’occasion était trop belle. Avec la sortie cet été de Man of Steel, le film de Zack Snyder consacré à Superman, le premier des super-héros revient sur le devant de la

scène. Apparu en juin 1938 sur le pa-pier bon marché de la revue Action Co-mics, l’extraterrestre s’est aussitôt ins-crit au cœur de son temps. Ainsi, dans une planche ahurissante datée du 27 fé-vrier 1940 et publiée par Look, il arrête Hitler puis Staline, avant de les amener manu militari à la Société des Nations à Genève, afin de les faire condamner pour leurs crimes.

Rapide comme l’éclair, le redresseur de torts est plagié tout aussi vite : plus de 700 super-héros voient le jour entre 1939 et 1945 (lire l’article de Virginie Jobé en p. 16). Leurs exploits alimentent une spi-rale de surenchère musculaire. Quand Superman se contente de soulever une voiture, son concurrent Captain Marvel, vêtu de rouge et d’or, la lance contre un mur (en couverture de Whiz Comics, fé-vrier 1940). Au fil des comics, cette course aux armements implique la destruction de tanks à coups de poing, l’interception de missiles en plein vol ou le renflouage de sous-marins en perdition, le tout bien sûr dans le contexte de la guerre contre les forces de l’Axe.

Les costumes moulants et les prouesses physiques des super-héros n’ont pas surgi du néant : les hommes forts des cirques, les acrobates, les magi-ciens, les catcheurs et les sportifs du dé-but du XXe siècle ont influencé leur appa-rence. L’inspiration se trouve également

chez les animaux. Les bonds invraisem-blables du Superman des origines ren-voient ainsi aux capacités des criquets.

Son invulnérabilité aux balles et autres contrariétés létales devient pour-tant encombrante et ne laisse que peu de place aux surprises. Batman, qui a dé-ployé ses ailes en 1939, est à cet égard plus intéressant, puisqu’il ne possède pas de pouvoirs autres que ceux procu-rés par une technologie d’avant-garde et par une fortune personnelle. Cette édi-tion d’Allez savoir ! renvoie dos à dos, ou plutôt cape à cape, ces deux personnages, l’un solaire et positif, l’autre nocturne et tourmenté.

Après un long passage dans la zone des séries B au milieu du siècle précédent, les super-héros redeviennent fréquentables. Sorti en 1978, avec Christopher Reeve dans le rôle principal, Superman rapporte un milliard de dollars. Les quatre films suivants ne connaissent toutefois pas un tel succès. Mais l’actualité des années 2000 mobilise à nouveau les justiciers surhumains. Parfois regroupés en coa-litions, ils reprennent alors leur combat, c’est-à-dire la défense d’une Amérique placée sous le feu d’attaques extérieures. Il est ainsi bien difficile de ne pas voir dans Avengers (2012) une revanche sur le 11 Septembre. Les trois Batman réali-sés par Christopher Nolan (2005, 2008, 2012) adoptent également une esthétique crépusculaire et pessimiste. Dans Man of Steel, Superman perd un peu de ses couleurs (et son ridicule slip rouge) pour adopter un costume plus terne et plus sombre. Ton sur ton avec son époque.

EN 1940, SUPERMAN ARRÊTE HITLER ET STALINE AVANT DE LES LIVRER À LA SOCIÉTÉ DES NATIONS.

Page 4: Allez savoir ! 54

Séjours linguistiques The Experience of a lifetime

• Séjours linguistiques dans le monde entier

• Préparations aux examens de langues

• Stages professionnels / Cours & Job rémunérés

SUMMER FESTIVALS - PLAY AND WIN!

Gagnez un abonnement pour Paléo ou Caribana Festival!!

Plus d’informations sur notre site

www.kaplansuisse.ch

www.kaplansuisse.ch

Kaplan SuissePetit-Chêne 111003 LausanneTél : 021 331 24 24E-mail : [email protected]

Page 5: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 5

BRÈVESL’actualité du campus :

évènements, conférences, distinctions, publications.

PORTFOLIODalaï Lama,

étudiants, Inde.

ÉCONOMIELa Suisse crée bien

plus d’emplois qu’elle n’en supprime.

IL Y A UNE VIE APRÈS L’UNILLe principal, c’est l’essentiel...

ou le contraire ! Rencontre avec Satyavan Benoît Reymond.

BIOLOGIECes stars

des jardins qui nous envahissent.

RELATIONS INTERNATIONALESExtension du

domaine de la norme.

RÉFLEXIONS’engager pour la formation sans se quereller.

Par Christine Bulliard-Marbach, conseillère nationale.

GAZ DE SCHISTEEldorado énergétique

ou désastre environnemental ?

MOT COMPTE TRIPLEMatching funds.

CRIMINALITÉOlivier Guéniat : « Un suspect a le droit de mentir, et il ne s’en prive pas. »

C’ÉTAIT DANS ALLEZ SAVOIR !Le Titanic vogue encore… dans notre imagination. Texte paru en 1998.

MÉMENTOCours publics, animations, visites et expositions ouvertes au public.

FORMATION CONTINUEL’horlogerie fine de la fiscalité. Sciences cognitives et conscience.

ABONNEMENTSRetrouvez Allez savoir ! et l’uniscope sur iPad.Coupon d’abonnement.

LIVRESSéismes. Avec Jérôme Meizoz.

LIVRESScience-fiction, polar, architecture, criminalité, médecine.

CAFÉ GOURMANDRepenser le métier de prof. Avec Eric Verrecchia.

SOMMAIRE

50

57

58

60

62

63

64

66

!SAVOIR ALLEZ

Le magazine de l’UNIL | Mai 2013 | Gratuit

POP CULTURE Superman :

le retour du premier super-héros.

6

12

16

24

29

30

36

41

42

49

Page 6: Allez savoir ! 54
Page 7: Allez savoir ! 54

LA SPIRITUALITÉ ET LA SCIENCE SE PARLENTLe Dalaï Lama a passé la journée du 15 avril à l’UNIL, à l’occasion d’un évènement consacré à deux thèmes : le vieillissement et la mort. Devant plus de 1 000 personnes rassemblées dans l’auditoire Erna Hamburger, il a dialogué avec des chercheurs provenant de différentes disciplines. Si le guide spirituel a souvent été pragmatique dans ses contributions à la discussion, il a également beaucoup parlé de compassion et insisté sur la nécessité de bâtir une « éthique séculière », plus universelle que les religions. Parfois, en toute humilité, le Dalaï Lama a répondu : « Je ne sais pas » aux questions des scientifiques. Ces interrogations constituent autant de points de départ pour de nouvelles recherches. DS

Reportage photo www.unil.ch/allezsavoir. Le

site de l’évènement : www.unil.ch/dalai-lama.

PHOTO DAVID PRÊTRE - STRATES

Page 8: Allez savoir ! 54

HABLA USTED ESPAÑOL ? OUI, ET PLUTÔT BIEN !Etudiante en Lettres, Alice Moraz souhaite perfectionner son espagnol. Etudiant à l’Ecole de français langue étrangère, Julian Miranda vient du Costa Rica et veut améliorer ses compétences dans la langue de Voltaire. Comme des centaines de personnes chaque année, ce duo profite du programme « Tandem » de l’UNIL. Lors de rencontres régulières, ces deux musiciens amateurs (elle joue du violoncelle, lui de tout) communiquent dans leur langue maternelle, à tour de rôle. Un moyen simple, libre et peu formel d’exercer ses compétences linguistiques et, au-delà, de mieux comprendre la culture de l’autre.

Reportage sur une soirée Tandem

www.unil.ch/allezsavoir

PHOTO NICOLE CHUARD © UNIL

Page 9: Allez savoir ! 54
Page 10: Allez savoir ! 54
Page 11: Allez savoir ! 54

LE CALME ET LA TEMPÊTESatapada, au bord du Chilika Lake, dans l’est de l’Inde. Située dans l’Etat d’Odisha, parmi les plus pauvres du pays, cette lagune plus vaste que le Léman est au cœur d’enjeux sociaux et économiques, où la pêche traditionnelle et l’aquaculture coexistent difficilement. Mémorant en Faculté des géosciences et de l’environnement, Oskar Hnatek a passé trois mois dans les villages qui bordent cette étendue d’eau, dans le cadre de son travail de master en géographie humaine. Sa démarche scientifique, mais parfois presque journalistique, met en lumière la manière dont la mondialisation peut bousculer un cadre de vie.

Article complet sur www.unil.ch/allezsavoir

PHOTO JOËLLE PROZ

Page 12: Allez savoir ! 54

12 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

BRÈVES

Dès la rentrée de septembre, une nouvelle spé-cialisation en Dramaturgie et histoire du théâtre est proposée conjointement par les Universités de Fribourg, Genève, Lausanne et Neuchâtel. « La Suisse romande possède une offre très riche dans les domaines du théâtre, des performances, de la danse ou du cirque, note Danielle Chaperon, res-ponsable du programme pour Lausanne et profes-seure en Section de français. Ce foisonnement ne possédait pas de reflet académique. Les instru-ments pour penser les pratiques contemporaines manquaient. »Destiné aux étudiants en maîtrise ès Lettres avec spécialisation, le cursus comprend des cours-bloc,

lors desquels les universitaires côtoieront leurs collègues de la Haute école de théâtre de Suisse ro-mande (HETSR). Les volets pratiques s’annoncent également excitants : écriture de critique à chaud, ateliers d’observation, voire un bref passage sur les planches. « Il est important d’expérimenter physiquement ce que signifie monter sur scène », ajoute Danielle Chaperon.Si le but n’est pas de former des comédiens, mais bien de fournir un solide bagage théorique et histo-rique, un spectacle créé par les étudiants de la spé-cialisation devrait être présenté lors du Festival Fé-cule, au printemps 2014, sur le site de Dorigny. DS

www.unil.ch/lettres/page95668.html

UNE SPÉCIALISATION CÔTÉ SCÈNE

Le 11 mars dernier, le Centre Lee-naards de la Mémoire - CHUV a été officielle-ment inau-

guré. Comme l’explique le neu-rologue Jean-François Démonet, son directeur, « les démences et troubles de la mémoire chez les personnes âgées consti-tuent une réelle épidémie silen-cieuse ». Le Centre possède une triple vocation : les soins aux patients, la formation des méde-cins, psychologues, infirmiers et travailleurs sociaux, ainsi que la recherche clinique. (RÉD.)

www.centrememoire.ch

Le réseau des diplômés de l’UNIL (plus de 16 000 membres) pour-suit sa croissance et étoffe ses prestations (voir au dos du maga-zine). Un service d’offres d’em-ploi en ligne est désormais à disposition des membres du réseau ALUMNIL, ainsi que des employeurs qui souhaitent recru-ter. Cette nouvelle rubrique recueille les annonces de postes vacants destinés à des diplômés universitaires, quel que soit leur niveau d’expérience. Les membres peuvent s’abonner à un service d’alerte et recevoir automatiquement un e-mail dès qu’un poste correspondant à leurs critères est publié. Tout employeur peut gratuitement annoncer un poste vacant en remplissant le for-mulaire sur : www.unil.ch/alum-nil/ - Rubrique EMPLOI. Enfin, pour adhérer au réseau, il suffit de compléter le formulaire via la rubrique ADHERER. SW

ALUMNI

MÉDECINE ENQUÊTE

FORMATION

DES OFFRES POUR LES DIPLÔMÉS

UN CENTRE POUR LA MÉMOIRE

© S

ebas

tian

Kaul

itzki

- Fo

tolia

.com

Chaque année, l’UNIL mène une enquête télé-phonique auprès des étudiants qui se sont ins-crits pour la première fois. Avec le concours de la Fédération des associations d’étudiant-e-s (FAE), l’enquête « Comment allez-vous ? » permet de voir comment les débutants s’acclimatent au milieu aca-démique. L’occasion également de repérer et d’ai-der les personnes plongées dans des difficultés. Bonne nouvelle : les trois-quarts des nouveaux ne signalent aucun souci d’adaptation. Les points désignés comme problématiques sont le haut niveau de la matière enseignée, la charge de travail et des aspects d’organisation comme la gestion du temps.Cette année, un accent particulier a été placé sur la situation des étudiants un an avant leur en-trée à l’UNIL. Petite surprise : seuls 56,6 % d’entre eux étaient au secondaire II et ont obtenu leur

maturité en 2012 (contre 61,5 % dans l’enquête 2011). 15 % ont pris une année sabbatique, par exemple pour un séjour linguistique. D’autres ont suivi une formation, travaillé ou accompli leur service militaire. La grande majorité des débutants vise l’obten-tion d’un master, et seul 1 sur 7 pense s’arrê-ter au bachelor. Mais les idées ne sont pas aussi claires en ce qui concerne le projet professionnel futur, puisque 38 % des personnes interrogées dé-clarent en avoir un, la médecine et les sciences du sport en tête.L’enquête du Service d’orientation et conseil grouille de données intéressantes, qui donnent parfois le vertige. 89 % des premières années utilisent les réseaux sociaux, et parmi eux, 98 % d’entre eux possèdent un compte Facebook ! DS

Tous les résultats : www.unil.ch/soc/page79295.html

des étudiants ont pris une année sabbatique avant d’entrer à l’UNIL.

des débutants travaillent à côté de leurs études, pour gagner leur vie.

48,7 %15 %des nouveaux habitent chez leurs parents. Et 18,3 % vivent en colocation.

64,8 %

L’UNIL AU BOUT DU FIL

Page 13: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 13

L’Ecole des Sciences criminelles lance une nou-velle « Maîtrise universitaire ès Sciences (Msc) en traçologie et analyse de la criminalité ». Le pre-mier des quatre semestres est donné à l’Univer-sité de Montréal. Partenaire du projet, cette der-nière propose une offre de cours riche dans le domaine de la criminologie, complémentaire aux enseignements criminologiques et forensiques de Lausanne. L’occasion d’un « mélange de cultures

scientifiques, intéressant pour les étudiants », relève Quentin Rossy, l’un des organisateurs. Le cursus permet la découverte d’un système judi-ciaire et policier différent. Interdisciplinaire, le diplôme obtenu permet de se lancer dans une car-rière de chercheur. Mais il étend également l’em-ployabilité à d’autres domaines, comme la sécu-rité, ou, par exemple, la lutte contre le dopage et la contrefaçon. DS

UN MASTER À LA TRACEFORMATION

Le 21 mars dernier, la Fondation Leenaards a re-mis des prix scientifiques, d’un montant de 750 000 francs pour 3 ans, à deux projets prometteurs. Mené par Pierre-Yves Bochud (UNIL-CHUV), Zoltan Kutalik (UNIL & SIB), Christian van Delden (HUG & UNIGE) et Oscar Marchetti (UNIL-CHUV), le premier porte sur le diagnostic et le traitement des infections fon-giques. Le second, consacré à la lutte contre le can-cer du sein et de l’ovaire, est mené par Michele De Palma (ISREC-EPFL) et George Coukos (UNIL-CHUV). De son côté, la relève académique a été soutenue par six bourses. Elles ont été accordées à David Baud (CHUV), Nicolas Senn (PMU), Emanuela Roma-no (UNIL-CHUV), Julie Delaloye (CHUV), Lukas Flatz (CHUV) et Franziska Gruhl (UNIL). (RÉD.)

DES MOYENS POUR LA RECHERCHE

CONFÉRENCE MÉDECINE

UN GRAND EUROPÉEN SUR LE CAMPUS

LA RECHERCHE A MONTRÉ LES AVANTAGES D’UN ENCADREMENT PROFESSIONNEL SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ENFANTS EN BAS ÂGE, VOIE POSSIBLE POUR SORTIR DU CERCLE VICIEUX DE L’EXCLUSION ET DE LA PRÉCARITÉ. Emmanuelle Marendaz Colle, chargée de communication au Pôle de recherche national LIVES, dans Le Temps du 11 mars 2013. ©

Hug

ues

Sieg

enth

aler

LE PREMIER DES QUATRE SEMESTRES DU CURSUS EST DONNÉ À L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL.

Le 22 mars, la Fondation Jean Monnet pour l’Europe a accueilli Martin Schulz, pré-sident du Parlement européen (à g.), José Maria Gil-Robles, président de la Fonda-tion, ainsi que Micheline Calmy-Rey. 350 personnes, dont de nombreux étudiants, ont assisté à la conférence. En grande forme, l’orateur a délaissé le discours écrit qu’il avait préparé et s’est lancé dans un plai-doyer flamboyant, empli d’émotions. Il a éga-lement fait part de son « amitié profonde » pour la Suisse et de sa fascination pour

son multilinguisme. Pour lui, la désaffec-tion croissante et la perte de confiance des citoyens européens constituent une réelle menace pour le projet européen. L’idée de l’Europe unie a constitué une réponse histo-rique au lendemain des deux guerres mon-diales. La réconciliation franco-allemande et la paix sur le continent sont les fruits de ce projet. Mais aujourd’hui, les succès du passé ne suffisent plus : il faut une nouvelle vision pour convaincre les citoyens du bien-fondé du projet européen. DS www.jean-monnet.ch

© Je

an-B

erna

rd S

iebe

r / A

RC

www.unil.ch/esc/page95846.html

© S

ébas

tien

Féva

l / F

JME

Page 14: Allez savoir ! 54

14 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

BRÈVES

309C’est le nombre d’articles que les chercheurs de l’UNIL et du CHUV ont fait paraître dans des revues scientifiques (d’après Serval, au 24

avril 2013). Le 31 janvier dernier, PLoS Pathogens publiait 24 Hours in the Life of HIV-1 in a T Cell Line, une étude me-née par des scientifiques de l’UNIL, du CHUV, de l’Institut suisse de bioinformatique, de l’ETH et de l’Hôpital de Zu-rich. Le but ? « Observer le cadre dynamique de l’infection des cellules du système immunitaire par le VIH, pendant 24 heures », explique Angela Ciuffi, maître d’enseignement et de recherche à l’Institut universitaire de microbiologie UNIL-CHUV et dernière auteure de l’article.720 millions de lymphocytes ont été préparés : la moitié a été infectée par des doses massives de virus, et l’autre a été épargnée pour servir de point de comparaison. Ensuite, des échantillons ont été prélevés toutes les deux heures. « Dès son entrée dans la cellule, le VIH provoque des chambou-lements », note la chercheuse. Ainsi, une sorte de couvre-feu s’installe au niveau de l’ARN du lymphocyte. Celui-ci, proche de l’ADN, est un sup-port intermédiaire utilisé pour la fabrication de protéines. « Est-ce dû au virus, ou est-ce une réaction de défense ? La question est ouverte », ajoute la chercheuse. Ensuite, cer-taines cellules meurent, alors que d’autres reprennent leur activité. Le virus utilise la machinerie des survivantes pour se répliquer et se propager. Cette étude – financée par le Fonds national suisse de la recherche scientifique et par la Fondation Bill & Melinda Gates – a bénéficié des nouvelles technologies de séquen-çage de l’ARN à haut débit et des progrès de la bioinforma-tique. Il a fallu en effet traiter « des quantités de données impressionnantes » produites par les évènements en cours sur des milliers de gènes. PLoS Pathogens, à l’excellente réputation, appartient à la fa-mille des publications en « open access ». Ainsi, l’article signé par Angela Ciuffi et ses collègues est disponible gratuite-ment. Il n’est donc pas nécessaire de souscrire un abon-nement exorbitant. Enfin, les chercheurs ont mis en place une ressource en ligne qui permet – aux spécialistes tout de même – de consulter l’activité des gènes cellulaires au cours de l’infection. DS 

1990Le nombre de références faites à l’Univer-sité de Lausanne et au CHUV dans les mé-dias suisses, en 2013 (selon la revue de

presse Argus, au 24 avril). Mi-janvier, l’annonce de la dé-couverte d’un « chromosome social » chez la fourmi de feu, grâce à une étude menée par le biologiste Laurent Keller à l’UNIL et par l’Institut Suisse de Bioinformatique, a connu un écho médiatique. Comme par exemple, une mention en couverture du magazine français La Recherche. L’an-nonce du soutien de la Commission européenne au Hu-man Brain Project, ainsi que la construction annoncée, à Dorigny, du bâtiment Neuropolis destiné à l’accueil-lir, ont été abondamment traités. En mars, dans le cadre d’un article sur les chouettes, le New York Times interro-geait Alexandre Roulin, professeur associé au Départe-ment d’écologie et évolution (lire également Allez savoir ! N° 53). Les chercheurs sont régulièrement intervenus dans les médias romands, que ce soit par des chroniques dans Le Temps, ou même par des pages entières. Par exemple, le professeur Bernard Andenmatten (section d’Histoire) narrait, dans 24 heures du 30 mars, l’abdication du pape Félix V à Lausanne, en 1449. Enfin, le 15 avril 2013, la venue du Dalaï Lama à l’UNIL a suscité beaucoup d’intérêt chez les médias, ainsi que sur les réseaux sociaux (voir également en p. 6). DS

24 HEURES SUR LA PISTE DU VIH

FOURMIS, CERVEAU ET DALAÏ LAMA

RECHERCHEL'UNIL DANS LES MÉDIAS PASSAGE EN REVUE

LE CANARI HEC DANS LA MINE DU SECTEUR FINANCIERAu début de 2013, la Fa-culté des HEC a lancé un nouveau système d’alerte précoce pour mesurer le risque systémique ban-caire en Europe. Le Cen-ter for Risk Manage-ment Lausanne (CRML) évalue le niveau de risque de près de 200 des plus grands établissements financiers européens.Il a été mis sur pied avec le Volatility Institute de la Stern School of Busi-ness de l’Université de New York en collabora-tion avec le Prix Nobel d’économie Robert Engle. En utilisant des outils in-dépendants, les cher-cheurs examinent le ni-veau de risque financier affectant les banques commerciales, les assu-rances, les fonds de pen-sion, les régulateurs et les banques centrales. Des mises à jour régu-lières permettent d’indi-quer quels sont les éta-blissements qui ont le plus besoin de capital. La sonnette d’alarme est tirée quand une banque passe au rouge, afin d’éviter une autre crise financière comme celle qui a dévasté le système mondial en 2007-2008.« Le CRML s’emploie à suivre le risque en Eu-rope, où qu’il se situe, ex-plique Michael Rockinger, professeur de finance. Le centre est composé d’un groupe de profes-seurs issus de différents départements d’HEC qui entendent améliorer la qualité de l’enseignement et de la recherche dans le domaine de la gestion du risque et promouvoir une gouvernance financière plus responsable. » TF

www.crml.ch

groups notably identified the Reactome generic transcription

pathway (43%, 47/108, p,1024) that includes components of the

mediator complex and zinc finger proteins. Individual upregulated

clusters showed overrepresentation of several signaling and innate

immune pathways, such as cytokine-cytokine receptor interaction

(p,1023), TLR signaling (p=0.0016), and activation of NF-kB(p,1023). Genes involved in antiviral defense and cell death

signaling were also enriched in the four clusters, comprising 1,111

Figure 2. Clusters of host genes correlated with viral progression. Temporal expression patterns of 7,991 genes modulated in concordancewith key steps of viral replication (panel A) were grouped into 18 clusters with differential expression profiles at three phases of the viral life cycle,namely reverse transcription, integration, and late phase. The cluster code characters ‘+’ and ‘2’ mark significant (p,1022) upregulation anddownregulation, respectively, while ‘o’ indicates no significant deviation from zero. For example, the cluster ‘2+o’ contains 373 genes downregulatedduring reverse transcription, upregulated during integration, and unregulated during the late phase. In total, six upregulated clusters (B), four clusterswith mixed patterns of regulation (C), and eight downregulated clusters (D) were found. Details of clusters are available at the dedicated webresource [6].doi:10.1371/journal.ppat.1003161.g002

24 Hours in the Life of HIV-1

PLOS Pathogens | www.plospathogens.org 3 January 2013 | Volume 9 | Issue 1 | e1003161

QuandunpapeabdiquaitàLausanneLe renoncement de Félix V,le 7 avril 1449, marque la find’un épisode curieux de la papauté

BernardAndenmattenProfesseur d’histoiremédiévaleà l’UNIL*

Lescommentateursde ladémis-sion du pape Benoît XVI ontsouligné son caractère excep-tionnel dans l’histoire mo-derne de la papauté. Il faut re-monter au Moyen Age pour

trouver des cas de renoncements à la tiare.Il s’agit de Célestin V, qui abdiqua six moisaprès son élection en 1294, ou encore deGrégoire XII qui se démit en 1415 pour favo-riser la résolution du Grand Schisme, enlaissant la place à Martin V, le candidat duconcile de Constance.

On n’a guère parlé en revanche d’uneautre abdication pontificale qui se déroulaà… Lausanne! Le 7 avril 1449 en effet, lepape Félix V renonça à la dignité pontifi-cale. Il invoquait non pas la maladie ou lavieillesse – il avait pourtant 66 ans, un âgealors respectable –, mais le souci de l’unitéde l’Eglise. Ainsi se termina un épisodecurieux de l’histoire de la papauté qui sedéroula sur les bords du Léman.

Veuf et pèrede familleDès son élection, dix ans auparavant, Fé-lix V, qui avait été duc de Savoie sous lenom d’Amédée VIII, avait vu sa légitimitécontestée. L’élection au trône pontifical dece prince laïc, veuf et père de famille, avaitsuscitédenombreusesréserves.Toutefois,laquestiondunon-respectdudroitcanoni-que est moins évidente qu’il n’y paraît: enthéorie, aucun empêchement majeur nes’oppose à l’élection d’un laïque, pourvuqu’il soit un homme, baptisé dans la foicatholique. Aujourd’hui pourtant, Félix Vne figure pas dans la liste officielle des pa-pes et il est considéré comme antipape parl’Eglise romaine. Celle-ci a en effet toujoursregardé ce pontificat comme étant l’ultimedérive d’une assemblée ayant perdu toutelégitimité.Leconcile,quis’était réuniàBâle

à partir de 1431 pour réformer l’Eglise, étaitentréenconflitavec lepapeEugène IV,quiétait resté à Rome et qui ordonna sa disso-lution. Le concile refusa et proclama la su-périorité du concile sur le pape. Il déposaEugèneIVle24 juin1439etélut le5novem-bre le duc de Savoie Amédée VIII. Celui-cine fut reconnu comme pape légitime quedans son duché et dans quelques cantonssuisses (notammentBerneetSoleure). Ilnetrouva pas non plus grâce auprès des histo-riens de l’Eglise, qui soulignent combienson autorité fut contestée et limitée.

Les raisons qui poussèrent les pèresconciliairesà fairecechoixsurprenantsontassezprosaïques. Il fallait trouverunprinceriche et puissant pour s’imposer face auxmonarchiesetsoutenirparsesrevenusuneassemblée, qui prétendait gouverner col-lectivement l’Eglise mais qui ne disposaitpas des revenus du Siège apostolique.Ajoutons quand même au crédit du nou-

veau pontife, et des prélats qui l’avaientélu, qu’Amédée VIII jouissait alors d’uneréputation de sagesse et de piété, obtenuegrâce à son retrait du monde en 1434 et lanouvelle condition d’ermite qu’il menaitdans son château de Ripaille (lire encadré).

Qu’elle ait été ou non inspirée par leSt-Esprit, l’élection pontificale ne fut pasacceptéetoutdesuiteparAmédéeVIII.Desnégociations serrées s’engagèrent entre leconcile et la cour de Savoie, qui portèrentsur des aspects financiers mais aussi sym-boliques: le duc Amédée souhaitait conser-ver son prénom, en usage dans sa famille depuis l’an Mil, et sa barbe, insigne de sacondition d’ermite. Si ces deux demandeslui furent refusées, la répartition des char-ges financières fut complexe et source debiendesmalentendus.LesSavoieobtinrentdesdroitsétendussur lesdignitésecclésias-tiquesdeleurduché,désormaisconsidéréscomme les nouveaux Etats de l’Eglise. Le

pape savoyard quitta Ripaille et se rendit àBâle où il fut couronné le 24 juin 1440.

Entre une assemblée de clercs un peubavards, aux aspirations démocratiquesmaismanquantdemoyenspour lesmettreenœuvre,etunprinceautoritaire, imbudesonpouvoiretsoucieuxdes financesdesesEtats, il y avait un sérieux malentendu. Lenouveau pontife se brouilla avec le concileet revint dès 1442 au bord du Léman, rési-dantàGenèveetàLausanne.Dansunsoucide légitimation, il recréa une cour et uneadministration structurées selon l’organi-grammedelaCurieromaine.Deséchangesde fonctionnaires, mais aussi d’artistes,étaient fréquents avec la cour savoyardequi séjournait dans la région, dans ses rési-dences de Thonon, Genève et Morges.

AbdicationâprementnégociéeContrairement à ses espoirs, le pape sa-voyard n’obtint pas le soutien des monar-chies européennes. Le roi de France etl’empereur d’Allemagne, qui avaientd’abord observé une prudente neutralité,optèrent pour le pontife romain, ce quipriva Félix V de tout soutien en dehors deson propre duché. Le décès du papeEugène IV en 1447 et l’élection de son suc-cesseur Nicolas V, habile diplomate, favori-sèrent la tenuedenégociationssecrètesquiconduisirent à l’abdication du 7 avril 1449.

A la différence du coup de théâtre defévrier 2013, il ne s’agissait pas de la déci-sion solitaire d’un pontife fatigué qui lacommunique à ses cardinaux décontenan-cés. L’abdication de Félix V fut le résultatd’une négociation serrée entre une dynas-tie princière, décidée à retirer le maximumde son renoncement, et une papauté ro-maine soucieuse de terminer au plus vitecette phase conciliariste. Les actes de Fé-lix V furent validés et ses partisans absous.Amédée VIII devenait légat pontifical enSavoie et recevait la dignité cardinalice,devenant ainsi cardinal après avoir étépape! L’Eglise romaine reconnaissait doncune certaine légitimité à ce curieux pontife

issu de la Maison de Savoie. Cette dernièreobtint encore le droit de nomination auxsièges épiscopaux et abbayes du duché, cequi lui assura jusqu’à la Réforme le con-trôle de la ville de Genève.

A certains égards, le choix des pères deBâlepeutnoussemblernovateur.Dansleuresprit, il s’agissait d’instaurer une véritablemonarchie constitutionnelle pontificale, lepapedevantrendredescomptesà l’assem-blée qui l’avait élu. Force est de constaterque cette orientation conciliaire n’a pasvraiment été suivie d’effet, puisque l’Eglisecatholique a maintenu, voire renforcé, jus-qu’à l’époquecontemporainecetteorienta-tion monarchique du pouvoir pontifical.

Si modernité il y a dans cet étonnantépisode, elle doit plutôt être recherchéedans l’évolution des relations entre EgliseetEtat.L’idéedeconfieràunpouvoir laïc latutelle des affaires ecclésiastiques et la ré-forme du clergé avait commencé à se fairejour dans les esprits dès le début duXVesiècle,cequirelativiseaufondlecarac-tère inattendu de l’élection d’un duc ausouverainpontificat.Moinsd’unsiècleplustard, cette conception nouvelle des rela-tions entre les pouvoirs ecclésiastique etlaïc sera précisément l’un des enjeux de laRéforme…

* Tous les mois, une page est proposée parles chercheurs de l’Université de Lausanne.L’occasion de porter un regard plusscientifique sur les événements qui ontfaçonné le canton et les traces laissées àceux qui les décortiquent aujourd’hui.

Portrait présumédeFélixVdatantdudébutduXVIesiècle,Domaineduchâteau,Colombier-sur-Morges. G.BOSSHARD

Hiérarchie

Lepapeet l’ermiteLors de son abdication, Félix V déclareavoir quitté «une tranquille solitude»pour accepter «une charge pénible etimmense», faisant allusion à sondépart de Ripaille pour assumer lestracas du pouvoir pontifical. Célestin Vavait lui aussi quitté son ermitage pouroccuper une charge trop lourde pourlui. Quant à Benoît XVI, il entendmener une vie de prière et de silencedans un monastère situé à l’intérieurdu Vatican.Ainsi, tout semble opposer le pape etl’ermite, placés aux deux extrêmes dela hiérarchie ecclésiastique. Pourtant,la réputation de sagesse, voire desainteté, acquise par l’ermite peut lui

valoir un destin exceptionnel à la têtede l’Eglise lorsque celle-ci est en crise;par ailleurs, face aux difficultés d’unecharge écrasante, la tentation érémiti-que n’est probablement pas excep-tionnelle chez un pontife. Si, dans latradition chrétienne, c’est la rude viedes pères du désert qui sert d’exempleaux ermites, le modèle mis en œuvrepar Amédée VIII à Ripaille ressembledavantage à une vie mondaine visant àéviter les désagréments causés par lepouvoir tout en continuant à pouvoirexercer ce dernier. De Ripaille auchâteau ducal de Thonon, de l’ermi-tage au Palais apostolique, la distancen’est pas si grande…

Le châteaudeRipaille, oùAmédéeVIII vivait en ermite. PHILIPPEMAEDER

Pour en savoir plus

-Amédée VIII – Félix V, premier duc de Savoieet pape (1383-1451), éd. B. Andenmatten etA. Paravicini Bagliani, Lausanne 1991(Bibliothèque historique vaudoise 103).- Article «Félix V», dans leDictionnairehistorique de la Suisse (www.dhs.ch).

Date: 11.03.2013

The New York Times Int. Weekly10018 New York

www.nytimes.com

Genre de média: Médias imprimés N° de thème: 377.6N° d'abonnement: 1072864Type de média: Presse journ./hebd.

Tirage: 188'602Parution: hebdomadaire

Page: 6Surface: 50'098 mm²

Observation des médiasAnalyse des médiasGestion de l'informationServices linguistiques

ARGUS der Presse AGRüdigerstrasse 15, case postale, 8027 ZurichTél. 044 388 82 00, Fax 044 388 82 01www.argus.ch

Réf. Argus: 49180827Coupure Page: 1/2

http ://peachi.labtelenti.org/

Page 15: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 15

Maître assistant au Centre d’études interdisciplinaires Wal-ras-Pareto, François Allisson vient d’obtenir deux prix pour sa thèse : le Joseph Dorfman Prize for the Best Dissertation in the His-tory of Economics 2013 et le War-ren J. and Sylvia J. Samuels Young Scholar Award. Décernée par la prestigieuse History of Economics Society, la première de ces distinc-tions est la seule au monde à cou-ronner un travail de doctorat en histoire de la pensée économique. Russophone, le chercheur s’inté-resse à l’économiste Mikhail Tu-gan-Baranovsky (1865-1919). Fran-çois Allisson enseigne dans trois facultés différentes : Droit, HEC, Sciences sociales et politiques. DS

© D

R

CINQ CHERCHEURS À L’HONNEUR NOMINATIONS ET RÉCOMPENSES

Aujourd’hui doctorant à l’Univer-sité de Fribourg, Mario Kummert a décroché le Prix ArGiLe 2012 pour la qualité de son mémoire de master en géographie. Choisi par l’Association des géographes de l’Université de Lausanne, son travail « se base sur la réalisation de cartes géomorphologiques pour étudier la dynamique sédi-mentaire contemporaine du bas-sin-versant des Aiguilles Rouges d’Arolla ». Le comité a relevé le ca-ractère pratique de l’étude. « La problématique de ce travail, qui s’inscrit dans un contexte pla-nétaire de réchauffement clima-tique, captive le lecteur. » (RÉD.) 

Le mémoire est accessible via www.unil.ch/igul

Le 7 février 2013 à Zurich, Amé-lie Sabine, post-doctorante au Département d’oncologie CHUV-UNIL, et Tatiana Petrova, profes-seure-boursière FNS au Dépar-tement d’oncologie CHUV-UNIL, au Département de biochimie de l’UNIL ainsi qu’à l’ISREC (EPFL), ont été récompensées par la Fon-dation du Prix Pfizer de la Re-cherche pour l’excellence de leurs travaux. Après un cancer du sein avec ablation des ganglions lym-phatiques, de nombreuses pa-tientes souffrent de lymphoedème, une accumulation chronique de lymphe. L’étude des deux scien-tifiques apporte de nouvelles connaissances au sujet de cette maladie et de son traitement. (RÉD.)

Professeur assistant en Section d’histoire de l’art, Dave Lüthi a été nommé à la Commission fédé-rale des Monuments historiques, qui compte 15 membres représen-tant toutes les régions du pays. Cette instance supérieure travaille en lien avec la Commission fédé-rale pour la protection de la nature et du paysage. Elle donne un pré-avis lorsque l’on souhaite « restau-rer, transformer ou raser un bâti-ment, un ensemble de bâtiments ou un quartier », indique Dave Lüthi, historien de l’architecture. Les inté-rêts patrimoniaux, politiques, éco-nomiques pèsent dans la balance, sans oublier l’attachement des ha-bitants. Il arrive que le Tribunal fé-déral sollicite la Commission. DS

© S

imon

Mar

tin

© P

fizer

For

schu

ngsp

reis

Félix

Imho

f © U

NIL

ONCOLOGIEINTERNATIONAL

LES HAUTES ÉCOLES VAUDOISES À SINGAPOURFin février 2013, la conseillère d’Etat Anne-Catherine Lyon a mené une délégation représentant les Hautes Ecoles vaudoises (la HEP, plusieurs HES, l’IDHEAP et l’UNIL) à Singapour. Comme la Suisse, ce pays mise fortement sur la formation. Les visites d’universités et d’agences gouvernementales ont permis d’échanger au plus haut niveau, par exemple au sujet de la valorisation de la recherche appliquée. Recteur de l’UNIL, Dominique Arlettaz relève également qu’il était intéressant « de présen-ter le système de formation supérieure du canton comme un ensemble cohérent et pertinent, dans l’environnement compétitif de Singapour. » (RÉD.)

© M

unsh

i Ahm

ed /

Sw

issn

ex S

inga

pore

Dans trois ans, le futur AGORA - Centre du Cancer accueillera 400 chercheurs et cli-niciens dans un bâ-timent icône, qui

sera construit non loin du CHUV. Ce dernier constitue-ra le noyau central du nouveau Centre suisse du cancer Lausanne dont la gouvernance sera assumée de manière conjointe par le CHUV, l’UNIL, l’EPFL et la Fondation ISREC. Imaginé par le Bureau Behnisch de Stuttgart, AGORA possède une surface utile de 11 500 m2. Pourvu de laboratoires et d’un auditorium, mais aussi de lieux d’échanges, le bâtiment permettra un maximum de com-munication entre les scientifiques et les médecins, dans le but de développer de nouveaux traitements pour les patients. La Fondation ISREC et la Fondation Leenaards soutiennent financièrement le projet. (RÉD.)

UN NOUVEAU BÂTIMENT POUR 2016

© in

cito

com

mun

icat

ion

Page 16: Allez savoir ! 54

En juin, Superman revient sur le grand écran dans « Man of Steel ». Un film de Zack Snyder, scénarisé par les pères de la trilogie cinématographique de Batman, David S. Goyer et Christopher Nolan, qui s’annonce plus sombre que les précédentes aventures du grand brun musclé en collants rouge et bleu. Genèse du personnage BD qui a créé un genre et marqué le début d’un commerce super-lucratif. TEXTE VIRGINIE JOBÉ

Le torse bombé, la cape rutilante, le slip rouge serré sur des collants bleus moulants et les bottes étince-lantes, Superman s’impose comme le sauveur des Etats-Unis, voire même de l’Humanité, depuis sa création en 1938. Né dans un comic book américain

– périodique de bandes dessinées de quelques dizaines de pages publié sur du papier de mauvaise qualité – l’homme d’acier est considéré comme le premier super-héros. Très vite plagié, il n’a pourtant jamais disparu, et continue à enrichir les éditeurs de comics. Qui est vraiment cet ex-traterrestre adulé ? Pourquoi fascine-t-il encore les foules ? Décryptage avec des chercheurs de l’UNIL.

Naissance du super-pactoleS’il vient de la planète Krypton, Superman ne tombe pas de nulle part dans le paysage économique américain. De-puis 1933, les comic books sont publiés de manière au-

tonome, alors que les BD paraissaient jusque-là dans la presse quotidienne et hebdomadaire (comic strips). « On assiste à une émulation sur le marché de la bande dessi-née, dans un climat de surenchère entre éditeurs, signale Michaël Meyer, premier assistant en sociologie de l’image à l’UNIL, spécialiste de la culture médiatique. Superman ne se construit pas dans un vide symbolique. Il se calque sur les aventures de détective – d’ailleurs, c’est l’éditeur Detective Comics (qui deviendra DC Comics) qui le pro-duit – mais aussi fantastiques, de magiciens. Le but des éditeurs reste cependant d’innover, d’apporter un élé-ment en plus qui permettra d’attirer, et de fidéliser, les lecteurs. » Un lectorat visé jeune, enfants et adolescents, qui n’avaient que quelques cases à lire dans le journal de papa avant que le comic book n’éclose.

Les deux auteurs de Superman, Jerry Siegel et Joe Shus-ter, ont déjà publié une histoire d’espion en 1937 qui

1938SUPERMAN APPARAÎT POUR LA PREMIÈRE FOIS DANS ACTION COMICS.

LE RETOUR DU PREMIERSUPERMAN

16 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

SUPERMAN

Page 17: Allez savoir ! 54

© C

ourt

esy

of W

arne

r Bro

s. P

ictu

res

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 17

Page 18: Allez savoir ! 54

18 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

reprend l’ensemble des codes qui seront utilisés chez le super-héros, note Michaël Meyer : un environnement urbain, une femme en rouge (future Lois Lane, son grand amour), un espion avec le même visage que Superman. « Les des-sins sont conservés sous forme de caches, de planches que l’on va réutiliser par la suite. Il s’agit d’une industrie qui doit produire vite et pour peu cher. D’ailleurs, quand Superman apparaît, le récit n’a rien d’original : une chasse aux gangs-ters et aux politiciens corrompus comme on en trouve dans les récits de détective depuis longtemps. Mais ce qui est mis en place, c’est l’idée d’un cycle super-héroïque. »

On assiste aux débuts de « l’âge d’or des comics », qui per-durera jusqu’au milieu des années 50. Parmi les déclinai-sons de Superman, on citera Wonder Man, édité par Fox et dessiné par le fameux Will Eisner (père du détective The Spirit), qui sera rapidement poursuivi pour plagiat par DC Comics. Celui-ci aura gain de cause après deux ans de pro-cédure. « Mais entre-temps, des dizaines d’autres super-hé-ros sont nés, sourit Michaël Meyer. Captain Marvel (Fawcett Publications), le principal concurrent de Superman depuis 1940, a aussi été longtemps en procès. » Le marché se par-tage entre de nombreux éditeurs. Ce modèle économique doit être inventé et testé. Et il fonctionne. On estime à envi-ron 700 le nombre de super-héros sortis durant la période 1939-45. Et Superman était distribué aux soldats améri-cains sur le front.

Un héros super-doubleAgnieszka Soltysik Monnet, professeure de littérature amé-ricaine à l’UNIL, souligne que Jerry Siegel et Joe Shuster sont des émigrés juifs qui ont conçu un nouveau héros dans un contexte difficile. Ils utilisent déjà le mot « super-man » en 1933, mais pour qualifier un méchant. « Un scientifique modelé sur la philosophie de l’Übermensch de Nietzsche qui veut dominer le monde. Il fait une expérience sur un SDF qui devient très puissant et finit par le tuer. Cepen-dant, les pouvoirs du SDF sont temporaires et il retourne à la rue. On observe donc un lien avec la philosophie de do-mination raciale. »

Peu de temps après, Superman deviendra ce qu’il est, une icône de l’Amérique, « paradoxalement extraterrestre et créée par deux hommes qui se sentaient différents – dans un contexte antisémite – à l’image des immigrés. » Et alors que Superman sauve le monde en costume, Clark Kent, son alibi terrestre, est lui super-maladroit. « Cette maladresse est une sorte de déguisement, une performance de soi telle que même s’il ne porte pas de masque en costume de Su-perman, personne ne le reconnaît. » La professeure de litté-rature américaine de l’UNIL le compare à un Schlemihl, qui dans la culture juive est un homme qui n’a pas de chance, mais s’y habitue sans sourciller.

« Clark Kent est un clown malhabile, moins capable qu’un Américain normal. Superman doit jouer ce rôle, sachant que, sur une autre planète, il est comme tout le monde et que, sur Terre, il est meilleur que son entourage. Cela fait par-tie d’une espèce de fantasme d’assimilation, mais aussi de supériorité. Son drame : il doit se dédoubler, il ne peut pas vivre sous sa vraie identité. » Ce côté double existence, dont l’une doit impérativement rester secrète, demeurera la base de tous les scénarios de comics de super-héros des débuts.

Agnieszka Soltysik Monnet ajoute que Superman, comme Batman et bien d’autres, est inspiré de l’univers des BD de détective, ce qui fait qu’il est entouré de personnages is-sus de la Grande Dépression et de la prohibition de l’alcool, qui ont vu naître des gangsters qui n’existaient pas aupa-ravant. Avec l’augmentation de la criminalité, la police était dépassée. D’où l’idée de créer plus fort qu’eux, le super-hé-ros, inébranlable Monsieur Muscles qui leur rapporte par le col les politiciens corrompus, les truands et autres bra-queurs de banque. On attend de lui qu’il soit parfait. « En tant que représentant fictionnel du New Deal de Roosevelt, le Superman de la fin des années 30 présente une morali-té à toute épreuve, comme son corps, remarque Michaël Meyer. Il est bulletproof (blindé ndlr) du point de vue phy-sique et du point de vue moral, en toute situation. Ce super-héros est un modèle de rectitude et intervient pour le bien commun. Il est rapidement qualifié de “champion des oppri-més”. » D’ailleurs, dès 1954, un organe de censure, le Comics Code Authority (CCA) sera chargé de réguler les contenus des BD, et formalisera la nature vertueuse des super-héros par une série de règles à respecter. Parmi celles-ci, l’inter-

MICHAËL MEYERPremier assistant à l’Institut des sciences sociales. Nicole Chuard © UNIL

SUPERMAN

Page 19: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 19

crifie sa vie à cette cause, dans la fidélité de la mémoire à ses parents. Alors que Superman, notamment dans certains films, rejoint le sacrifice du Christ, avec les pouvoirs d’un Dieu de l’Ancien Testament. Il voit tout, entend tout. C’est une réécriture de l’histoire de Dieu, de façon séculaire et populaire. Batman n’a pas cette grandeur. »

Superman garde aussi une image de gentil garçon, qua-siment imperturbable, joyeux, pour qui il n’existe pas de pe-tites causes, qui vole au secours du chat d’une petite fille coincé dans un arbre. « Simple, mais pas bête, puissant, gent-leman, très lié à une idée fantasmatique des Etats-Unis, si-gnale Agnieszka Soltysik Monnet. De plus, il ne peut pas mentir, un trait caractéristique de George Washington, l’un des premiers héros américain. Batman, lui, n’est pas particu-lièrement vertueux. Il s’engage pour la justice, mais hésite souvent entre le bien et le mal. » L’homme d’acier extrater-restre sait tout de manière innée et cela ne le perturbe pas. Contrairement au chevalier noir, à l’intuition et aux pouvoirs de détective entraînés, qui est entouré de zones d’ombre et ne comprend pas forcément le monde qui l’entoure.

Super lié à l’actualitéDès le début des années 40, parce que le récit du super-héros qui gagne toujours contre les bad guys s’essouffle, on invente la figure du super-méchant, supervillain en an-glais, explique Michaël Meyer. « Il s’agit d’une solution

diction de présenter le crime ou la violence de manière po-sitive, l’interdiction de la nudité et la nécessité de toujours punir les criminels.

L’inquiétude a été attisée par des associations de parents outrés par la violence des héros de comic books. Elle a été évaluée par une commission parlementaire et soutenue par certains éditeurs, qui anticipaient qu’apposer le logo CCA sur leurs albums les démarquerait de la concurrence et les légitimerait. « DC Comics fait partie de ces éditeurs, précise Michaël Meyer. Superman, le personnage qui leur rapporte le plus, étant très lisse et assez moralisateur, ils ne risquaient rien. Superman a en outre été le modèle qui a fixé les codes de représentation pour les justiciers super-héroïques de toute la production approuvée par le Comics Code. »

Le chevalier noir face à l’homme d’acierDC Comics publie néanmoins aussi Batman, dès 1939. Un personnage qui va s’assombrir peu à peu, et figurer le « double gothique de Superman » selon Agnieszka Soltysik Monnet. « On peut dire que c’est le même genre de person-nage. Un super-héros urbain qui lutte pour la justice. Sauf que Batman est plus complexe au niveau psychologique et éthique. Il devient très rapidement un chevalier noir tan-dis que Superman est appelé l’homme d’acier. » Tous deux ont perdu leurs parents biologiques très jeunes. Chez Bat-man, cette situation nourrit un désir de vengeance. « Il sa-

SURENCHÈRELe culturiste Eugen Sandow, représenté sur cette affiche de 1894, a façonné la forme sculpturale des super-héros. A droite, la couverture d’Action Comics de juin 1938, où apparaît pour la première fois Superman. © Library of Congress Prints and

Photographs - AP Metropolis

Collectibles / Keystone

Page 20: Allez savoir ! 54

SUPERMAN

L’un vole au soleil, l’autre broie du noir. Apparus presque en même temps dans les comic books, ces deux super-héros sont pourtant bien différents.

COSTUMESuperman est un être diurne qui se nourrit du soleil. Son costume rouge et bleu lui permet de ressortir au milieu des gangsters en complet des années 30. Sa cape, qui hérite au-tant des magiciens que des catcheurs de l’époque, « renvoie à l’idée de spectacle merveilleux, note Michaël Meyer. Elle sert aussi à exprimer la chute, la vitesse. En effet, le comic book de ces années-là met en place des codes visuels pour signifier le mouvement et des gestes qui par définition dé-passent l’observable ». Le corps moulé accentue le « muscle spectacle », que l’on retrouve dans les exhibitions d’hommes forts, divertissement alors populaire.

AMOURSTout comme Batman, il a flirté avec différentes super-héroïnes, type Wonder Woman. Mais son grand amour reste Lois Lane, sa collègue. « Son drame : il doit lui ca-cher sa véritable identité, remarque Agnieszka Soltysik Monnet. Parce qu’il a peur d’être rejeté en tant qu’alien et parce qu’il ne veut pas devenir un danger pour elle. » Romance non consommée dans la plupart des BD, elle deviendra bien réelle au cinéma puisque Superman aura un fils (Superman Returns).

SUPER-ENNEMISL’ennemi qui a vraiment marqué les esprits reste le sa-vant fou Lex Luthor. « Il représente en quelque sorte le double négatif du père de Superman sur la planète Kryp-

ton, déclare Agnieszka Soltysik Monnet. Ce drôle de per-sonnage lutte contre les pouvoirs magiques de Superman en utilisant la technologie et la science. » La kryptonite, une pierre qui vient de sa planète, affaiblit ses pouvoirs.

ORIGINESArrivé sur Terre dans une capsule, à la suite de l’explosion de sa planète, il est recueilli dans un orphelinat. « Les res-ponsables sont tout de suite épatés par ses pouvoirs, signale Michaël Meyer. On le représente bébé en train de soulever un fauteuil. » On apprendra plus tard qu’il se nomme Kal-El et vient de Krypton. Adopté par la famille Kent à Smallville, Clark Kent s’engage en tant que reporter au Daily Planet à Metropolis pour avoir un accès direct à tout ce qui se passe dans la ville et ainsi sauver des vies.

SUPERMAN VS BATMAN©

Bre

ndan

Hun

ter P

hoto

grap

hy /

iSto

ckph

oto

20 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

Page 21: Allez savoir ! 54

L’un vole au soleil, l’autre broie du noir. Apparus presque en même temps dans les comic books, ces deux super-héros sont pourtant bien différents.

COSTUMEDès sa première apparition dans un comic book, en 1939, Batman cherche un costume capable d’effrayer les crimi-nels, qui sont des « peureux superstitieux » selon lui. Une chauve-souris passe devant sa fenêtre : cet animal devien-dra son icône. Super-héros nocturne, il met au point ses gadgets dans une grotte.

AMOURS« Batman est inspiré de deux personnages : The Bat Whisper, un criminel déguisé en chauve-souris dans un film des an-nées 30, et Zorro, un play-boy le jour qui lutte masqué pour la justice durant la nuit, explique Agnieszka Soltysik Mon-net. En journée, Bruce Wayne apparaît comme un homme à femmes superficiel. Ainsi, on ne le soupçonne pas d’être un activiste social. » Il fricote avec des super-héroïnes telles Catwoman et Wonder Woman. Mais aussi avec des femmes « normales ». Dans les années 50, un psy-chologue, Fredric Wertham, le soupçonne d’avoir une relation homosexuelle avec son ami Robin.

SUPER-ENNEMISLes ennemis de Batman se comptent par dizaines : politiciens corrompus, le Joker, Double-Face, le Pin-gouin, etc. « Il est entouré d’ennemis fous qui le ren-voient à sa propre folie, indique Agnieszka Soltysik Monnet. Son masque fait le lien avec ses antagonistes, également masqués ou déformés. Il combat des êtres ef-frayants, mais il les comprend, car ils sont le reflet de ce qu’il aurait pu devenir. »

ORIGINESRichissime héritier, Bruce Wayne a été traumatisé par la mort de ses parents, abattus devant ses yeux lorsqu’il avait 7 ou 8 ans. S’il devient un combattant du crime à Gotham City, c’est par esprit de vengeance. « Il se prépare à ce rôle dès son enfance, déclare Agnieszka Soltysik Monnet. Il étudie les sciences forensiques, fait de la musculation. Au début, le personnage est un dur à cuire, très violent. Il va jusqu’à tuer des criminels dans de l’acide. » Les pro-testations des lecteurs, surtout des parents du jeune pu-blic, ont poussé les éditeurs à interdire aux auteurs de le laisser assassiner ses ennemis.

SUPERMAN VS BATMAN

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 21

Page 22: Allez savoir ! 54

22 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

narrative pour ne pas lasser le public avec toujours le même type de malfaiteurs. Il fallait qu’à un moment don-né, le super-héros soit en difficulté. Cela démontre une fois de plus la capacité du comic book à se réinventer. C’est un média éponge, ouvert aux expérimentations, qui sait pui-ser dans l’air du temps. »

De la sorte, Superman, avant que les Etats-Unis n’entrent dans la Seconde Guerre mondiale, flirtait déjà avec des villains, et d’une certaine envergure. Un comic strip est en effet réalisé avec le super-héros pour la grande presse d’information, Look Magazine, en 1940 – « cette présence, non plus comme divertissement secondaire, mais comme sujet des médias d’actualité, montre que le personnage a acquis un certain statut, après tout juste deux ans d’existence », tient à préciser le chercheur en so-ciologie de l’UNIL – qui se demande comment le person-nage réglerait les problèmes du Vieux-Continent. « On le voit qui vole jusqu’en Europe, attrape Hitler par le cou, idem pour Staline, et les emmène à Genève devant la So-ciété des Nations afin qu’ils soient jugés. Plus largement, la guerre sera un arrière-plan très exploité par les comic books de cette période. S’ancrer dans l’actualité reste une manière d’assurer une accroche à ce qui est vendeur. »

Du super-bond au super-volSuperman est incroyablement fort. Il adore soulever des poids insensés. Une façon de conquérir un public féru du « muscle spectacle ». Eugen Sandow, un Allemand d’ori-gine reconnu internationalement et considéré comme le premier culturiste, est l’un des modèles qui a façonné les formes sculpturales du super-héros. « Superman, et les premiers super-héros, compilent visuellement les divertis-sements forains et les spectacles d’hommes forts du XIXe siècle, toujours populaires au début du XXe, indique Mi-chaël Meyer. Un mélange de trapézistes, de boxeurs, de

gymnastes à la musculature surdéveloppée. On touche aussi au monde des magiciens quant à l’aspect du costume et des pouvoirs extraordinaires. »

S’il court plus vite qu’un train dès le premier comic book, Superman ne sait que bondir à ses débuts. Certes au-dessus des immeubles, mais il ne vole pas. « Les conven-tions de mise en image du geste athlétique, du vol ou de la projection dans les airs ne sont pas encore complètement en place, souligne Michaël Meyer. L’idée du vol horizontal est introduite par une série de passages et d’adaptations entre différents médias. » Ainsi, c’est à la radio, en février 1940, que Superman vole pour la toute première fois. On crée pour l’occasion la formule : « Up in the sky ! Look ! It’s a bird ? It’s a plane ? It’s Superman. » « On passe de la mé-taphore du criquet qui bondit dans la première BD à celle de l’oiseau qui correspond mieux au langage imagé de la radio. Le dessin animé, produit en 1941 par les frères Flei-scher, confirme cette représentation dès le générique avec Superman qui voltige comme une fusée dans les airs », in-dique le chercheur. Il fera l’objet d’un serial au cinéma en 1948. Mais il faudra attendre 1978 pour que le super-héros se dévoile au cinéma dans un long-métrage. Encore une fois, il lancera une mode.

Au super-cinéma« Il y a une grande différence entre Superman à la télévi-sion qui garde le ton du feuilleton des BD, qui conserve une certaine distance, un côté humoristique, et le format qui sort au cinéma dans les années 70, affirme Alain Boil-lat, professeur ordinaire à la Section d’histoire et esthé-tique du cinéma à l’UNIL, et spécialiste de la BD. Un for-mat mis en place par George Lucas et ses Star Wars : le New Hollywood. C’est-à-dire des longs métrages specta-culaires qui, sur un plan narratif, fonctionnent de manière très classique. » Warner Bros investit 55 millions de dol-

« L’IRONIE N’EXCLUT PAS LA TRANSMISSION DES VALEURS AMÉRICAINES. »ALAIN BOILLAT, PROFESSEUR

SUPERMAN

1978SUPERMAN

1980SUPERMAN II

1952 – 1957THE ADVENTURES

Ce film a connu un immense succès et rapporté un milliards de dollars, soit vingt fois son coût. Marlon Brando et Gene Hackman figurent au casting. Christopher

Reeve incarne le super-héros. Histoire d’amour et effets spéciaux : le mélange fonctionne.

Tourné en même temps que le précédent pour une grand part, ce film a connu une production chaotique et n’a pas rencontré le même succès que le premier opus au box-office, loin de là. Christopher Reeve arbore toujours la cape.

FILM

OG

RA

PHIE

Cette série télévisée est trèscélèbre aux Etats-Unis. Sponsoriséepar Kellogg’s, elle met en scène George Reeves dans le rôle prin-cipal. Les trucages, plein de charme, valent le coup d’œil.

Page 23: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 23

lars dans Superman et réussit à gagner près d’un milliard de dollars de recettes. « Dans les années 40 à 60, c’était un genre pour séries B. Alors que dès 1978, on assiste à sa re-valorisation. Les spectateurs sont attirés par les effets spé-ciaux d’un film catastrophe qui allie romance et science-fiction. C’est une période liée aux drive-in, au baby-boom, à une nouvelle génération, tout un contexte sociologique qui permet que cela fonctionne. »

Un super-coup pour les producteurs, qui s’émoussera cependant très vite. L’acteur Christopher Reeve a certes marqué les esprits, sans pour autant réussir à convaincre sur quatre films. « On a encore parlé de Superman II, mais les III et IV n’ont vraiment marché qu’auprès des fans du genre, note Alain Boillat. Son problème au niveau scéna-ristique, c’est qu’il reste complètement invincible. » Le ci-néaste Bryan Singer, dans Superman Returns en 2006, donne un nouvel élan au personnage, en le modernisant, en le rendant un peu plus sombre, avec un costume plus foncé. Le réalisateur transforme le slogan « Truth, Justice and the American Way » des comic books des années 40 en « Truth, Justice and all that Stuff ». Une touche satirique typique post-11 Septembre 2001. « Toutefois l’ironie n’ex-clut pas la transmission des valeurs américaines, tem-père Alain Boillat. Néanmoins, quand on dit que les su-per-héros correspondent à des “lieux communs”, on peut aussi comprendre le terme dans un sens positif : un en-droit où l’on se rassemble, une figure dans laquelle on se reconnaît. »

Aujourd’hui, le spectateur continue à s’enflammer pour les effets spéciaux, pour des images de synthèse toujours plus proches de la réalité. « Grâce à la capture du mou-vement, on “dessine” des postures sur un écran bleu ou vert qui peut être rapproché de la page blanche d’un co-mic book », analyse Alain Boillat. On modernise aussi l’as-pect du personnage, « on ne peut plus voir un combattant

AGNIESZKA SOLTYSIK MONNET ET ALAIN BOILLATProfesseure à la Section d’anglais et professeur à la Section d’histoire et esthétique du cinéma. Nicole Chuard © UNIL

1983SUPERMAN III

1987SUPERMAN IV

2006SUPERMAN RETURNS

Mettant en scène l’acteur comique Richard Pryor, ce film a reçu un accueil mitigé de la part des critiques et des fans. Une innovation au milieu d’une avalanche de gags : le côté « Mr Hyde » de Superman apparaît grâce à la kryptonite.

Dernier film de la série dans lequel Christo-pher Reeve tient le rôle titre, cet opus à petit budget peut être oublié sans dommages. Echec commercial, fusillé par la critique, il inaugure une longue période de difficultés pour la série.

Bryan Singer derrière la caméra, Kevin Spacey en méchant Lex Luthor, Brandon Routh pour Superman : ce cinquième opus au budget colossal de 200 millions de dollars marque un renouveau, avec un accueil positif du côté de la critique et du public.

propre comme s’il sortait d’une pub pour une lessive ». En 2013, le Man of Steel de Zack Snyder ne porte plus de slip moulant sur son costume, qui s’est d’ailleurs bien assom-bri. Le réalisateur a décidé de rendre le super-héros plus réaliste et a même éliminé la kryptonite du scénario.

Selon l’acteur Henry Cavill, qui s’est exprimé dans la presse américaine, les points faibles du super-héros se-ront d’ordre sentimental. « Bien qu’il ne soit pas physique-ment vulnérable, il sera vulnérable aux faiblesses émo-tionnelles. Le film montrera que, même sur Krypton, le jeune Kal-El est un enfant spécial et que sa naissance in-quiète sa planète d’origine. Et une fois sur Terre, ses pa-rents adoptifs l’ont exhorté à ne pas utiliser sa force im-mense – même dans les cas d’extrême urgence. Du coup, Man of Steel présente un Superman frustré, en colère, per-du. » Incarné par Henry Cavill, le premier super-héros vo-lera cette fois-ci vers son côté obscur.

© M

otio

n Pi

ctur

e TV

, inc

/ C

anno

n /

War

ner B

ros

/ D

C C

omic

s /

The

Koba

l Col

lect

ion

Page 24: Allez savoir ! 54

ÉCONOMIE

LA SUISSE CRÉE BIEN PLUS

QU’ELLE N’EN SUPPRIMED’EMPLOIS

En 2012, les entreprises helvétiques ont biffé 16 000 postes, mais en ont créé 60 000 autres. Ce qui profite notamment aux travailleurs qui ont dû faire face à la fermeture d’une entreprise, et qui sont plus nombreux qu’on l’imagine à retrouver du travail. TEXTE SONIA ARNAL

125 entreprises qui ferment ou licen-cient, entraînant la destruction de plus de 16 000 emplois – 16 368 exactement. De prime abord, l’an-née 2012 s’est très mal passée pour

l’économie suisse. Pour son secteur bancaire notamment, puisque un quart environ des emplois perdus (4 130) l’ont été dans cette branche. UBS étant à elle seule responsable de la suppression de près de 18 % des postes (2 900). Mais d’autres banques sont également concernées : Credit Suisse

(800 suppressions), Julius Bär (150), UBP (130), HSBC (100) et Deutsche Bank Suisse (50).

Autre secteur phare de l’économie suisse, la pharma a également réduit la voilure. On se souvient bien sûr des li-cenciements de Merck Serono (1 200), comme ceux de Lon-za (400) ou de Givaudan (120).

Des pertes en Suisse romandeLa Suisse romande est loin d’avoir été épargnée, puisque nombre de ses sociétés les plus prestigieuses ont sup-

1.5 %LA CROISSANCE PRÉVUE DU PIB VAUDOIS EN 2013, SELON LE CRÉA.

La Faculté des hautes études commercialeswww.hec.unil.ch

24 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

Page 25: Allez savoir ! 54

HORLOGERIEEmployés de Longines, à Saint-Imier. Cette marque appartient au Swatch Group, qui a créé 900 emplois en 2012. © Valentin Flauraud / Reuters

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 25

Page 26: Allez savoir ! 54

26 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

créés ». Parmi les annonces les plus spectaculaires de l’an-née 2012, il y a les 700 emplois apportés par Nestlé, et les 900 du Swatch Group.Les postes créés en Suisse l’ont été pour une grande part dans les services, certes, avec 49 000 nouvelles places de travail, mais l’industrie ne s’en tire pas mal non plus avec 11 000 emplois. Les ouvriers, même peu qualifiés, ne sont d’ailleurs pas condamnés au chômage ou à la réorientation, contrairement à ce que l’on suppose : une étude de l’Univer-sité de Lausanne le montre (lire l’article en p.28).

Comment la Suisse fait mieux que ses voisinsL’économie suisse se porte donc bien, étonnamment bien pour un pays exportateur dont les voisins sont en crise de-puis plusieurs années maintenant. Comment expliquer ce dynamisme ? Stéphane Garelli, professeur associé à la Fa-culté des HEC de l’UNIL, relève plusieurs facteurs impor-tants. La variété d’abord : « Quand on vous dit “économie suisse”, vous pensez immédiatement aux banques. Ensuite, vous réfléchissez et vous vous souvenez que nous sommes aussi parmi les leaders dans l’horlogerie, la pharma, et puis l’agroalimentaire avec Nestlé, etc. » Une grande diversité d’activités économiques, toujours associées à l’excellence. « C’est la garantie, quand un secteur val mal, comme la fi-nance ces dernières années, de pouvoir s’appuyer sur les autres pour assurer l’emploi et la croissance », commente l’économiste de l’UNIL.

Autre atout, le réseau de PME du pays, lui aussi très varié. Alors que dans de nombreuses économies, une ou deux industries fortes, l’automobile par exemple, tirent la nation, la Suisse peut compter sur d’innombrables petites et moyennes entreprises en parallèle aux grandes multi-nationales qui sont aussi garantes de créations de postes. « Elles sont en outre très compétitives, poursuit Stéphane Garelli. On retrouve d’ailleurs dans les pays européens qui vont bien, l’Allemagne par exemple, ce même faisceau de PME de grande qualité. »

L’innovation et le développement à l’étrangerCette compétitivité s’explique d’abord par la présence de secteurs « Recherche et Développement », qui existent même dans de petites structures, contrairement à ce qui se fait dans la plupart des pays qui nous entourent. La Suisse est ainsi toujours très bien classée dans les rankings interna-tionaux qui portent sur l’innovation.

« L’autre point très positif, c’est que ces PME ont très vite compris qu’il y avait des opportunités à saisir en dehors de l’Europe, poursuit le professeur. Loin de se cantonner aux pays voisins, elles ont été parmi les premières à chercher de nouveaux débouchés en Asie, que ce soit en Chine, en Inde ou ailleurs, et en Amérique du Sud, comme au Bré-sil par exemple. » Evidemment, aujourd’hui, tout le monde a remarqué qu’il y avait dans ces contrées plus lointaines une émergence de la classe moyenne qui les rend très

primé des postes, de Bobst (420) à Tornos (225), Swiss-metal (228 avec Reconvilier et Dornach), et Kudelski (50) en passant par Logitech (45).

Plus de 16 000 emplois donc ont été perdus dans des so-ciétés parmi les plus réputées du pays. Serions-nous au bord de la catastrophe économique ? Interrogé par divers médias sur ces chiffres, le SECO (Secrétariat à l’Economie) les re-met dans leur juste perspective : « Nous ne pouvons parler d’une baisse de l’emploi en Suisse », puisque « entre le 3e se-mestre 2011 et le 3e semestre 2012, 60 000 postes ont été

ÉCONOMIE

ISABEL BAUMANNAssistante diplômée de l’Institut des sciences sociales de l’UNIL et chercheuse au Pôle de recherche national LIVES. Nicole Chuard © UNIL

STÉPHANE GARELLI Professeur associé à la Faculté des HEC. © Nicole Chuard (archives)

Page 27: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 27

attractives ; la concurrence est féroce. Mais les marchés sont d’une telle taille – la population cumulée de la Chine et l’Inde dépasse les 2,5 milliards d’habitants, certes pas tous des consommateurs potentiels de produits suisses, mais tout de même… – qu’il suffit à une petite entreprise helvétique d’une infime part de marché pour s’en tirer très honorablement.

Le risque de l’autosatisfactionEt demain ? Les deux seuls écueils que Stéphane Garel-li voit poindre à l’horizon du succès économique suisse sont l’engorgement et… la psychologie. « Comme toutes les régions qui font preuve d’un grand dynamisme écono-mique, l’arc lémanique par exemple souffre de problèmes d’infrastructures, qu’il s’agisse des transports, de loge-ment, d’éducation. La Silicon Valley connaît à cause de son très rapide développement des difficultés de cette na-ture, mais on les voit partout dans le monde : elles naissent d’une tendance forte au niveau mondial, la concentration de l’activité économique en un seul endroit. Nous devons veiller à ce qu’il n’y ait pas engorgement, sans quoi la croissance pourrait s’en ressentir. » L’esprit « y’en a point comme nous » est le second élément qui aux yeux de l’éco-nomiste pourrait nuire à l’économie nationale : « Il ne faut pas forcément qu’on les croie quand les autres nous disent que nous sommes les meilleurs ; ça mène à s’endormir sur ses acquis. Il faut toujours se remettre en question et cher-cher à faire mieux. Or il y a dans l’état d’esprit helvétique, en tout cas chez certains, une petite tendance à sombrer dans l’autosatisfaction. »

Et la Suisse romande dans ce riant tableau ?Depuis de nombreuses années, les cantons latins se sont évertués à démontrer qu’ils ne sont pas le boulet de l’éco-nomie nationale, que les Alémaniques tireraient derrière eux comme un handicap. Des études sur le dynamisme de l’arc lémanique ont démontré qu’il n’avait rien à envier à la région zurichoise. Le rapport sur le PIB romand, réalisé depuis 2008 par l’institut CRÉA de la Faculté des HEC sur mandat des six banques cantonales romandes et publié en collaboration avec le Forum des 100 de L’Hebdo, a établi la preuve que la Suisse romande est plus dynamique que la moyenne nationale. Pour 2011, 2012 et 2013, il constate ou mise sur une croissance plus élevée en Suisse romande que pour l’ensemble de la Suisse. Pour ces deux dernières années, cette supériorité devrait se monter à 0,6-0,7 %.

Cette belle santé n’est pas le fait de quelques branches en particulier, même si on peut relever les performances particulièrement élevées de la chimie, de la recherche et développement, des instruments de précision et de l’im-mobilier. En Suisse romande, ce sont en effet de nombreux secteurs, du commerce de détail aux communications ou transports en passant par les banques et assurances, qui ont une croissance supérieure à la moyenne nationale.

L’administration, c’est 30 % des emploisLe canton de Vaud pour sa part a été plus particulière-ment étudié par Délia Nilles, directrice adjointe de l’institut CREA, sur mandat de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI), de la Chambre vaudoise immobilière (CVI) et de la Fédération patronale vaudoise (FPV). Les trois mandants arrivent, comme Stéphane Garelli à l’échelle du pays, à la conclusion que le canton doit notamment amélio-rer ses infrastructures et soutenir formation et innovation pour « continuer à accompagner activement la création d’en-treprises et d’emplois », qui tend à se tasser. Petit bémol, le rôle joué dans l’économie du canton par le secteur de l’ad-ministration publique, qui y représente une part très im-portante avec 30 % des emplois et un poids de 22,6 % dans la valeur ajoutée cantonale, contre 15,7 % à Zurich ou 21,5 % à Genève, précise l’étude.

Mais l’analyse des dix-quinze dernières années livre, pour l’essentiel, des informations réjouissantes pour le dy-namisme économique du canton. Depuis 2004, et en total contraste avec sa situation à la moitié et fin des années 90, Vaud fait en effet partie des cantons dont la croissance est supérieure à la moyenne nationale. Et « la part de l’écono-mie vaudoise dans l’économie helvétique » a également aug-menté, note Délia Nilles.

Le PIB vaudois devrait croître de 2 % en 2014« La région s’est renforcée dans les branches à haute va-leur ajoutée, particulièrement dans les assurances et dans les sociétés high-tech », se réjouissent également les trois mandants. Par ailleurs, l’économie vaudoise a pu démon-trer à l’occasion de la crise sa faculté à résister aux difficul-tés. Si en 2009, « la longue période de croissance continue depuis 2004 fut interrompue », note Délia Nilles, le PIB n’a néanmoins pas chuté « au-delà de son niveau d’équilibre », qui s’établit sur la base de son évolution à long terme. Une belle résilience donc. Les projections du CRÉA viennent d’être rendues publiques. Elles montrent que, après une hausse estimée à 0,6 % pour 2012, le PIB vaudois devrait croître de 1,5 % en 2013 et 2 % en 2014. L’emploi devrait, lui aussi, être en croissance.

Bref, comme en 2012, des entreprises vont certainement licencier dans le pays, en Suisse romande et dans le canton. Mais les spécialistes sont optimistes et le rapport entre em-plois perdus et emplois créés devrait rester ces prochaines années comparable à celui de l’an passé.

« Les raisons de la dynamique économique romande, Rapport sur le produit intérieur brut romand », 24 mai 2012. Réalisé par le CRÉA de la Faculté des HEC sur mandat des banques cantonales romandes (BCF, BCGE, BCJ, BCN, BCVs et BCV) et publié en collaboration avec le Forum des 100 de L’Hebdo.

« Le dynamisme vaudois sous la loupe », février 2012. Etude réalisée par le CRÉA de la Faculté des HEC sur mandat de la Chambre vau-doise du commerce et de l’industrie, de la Chambre vaudoise immo-bilière et de la Fédération patronale vaudoise.

Pour la neuvième fois, L’Hebdo organise son Forum des 100. L’audi-toire Erna Hamburger de l’UNIL accueille les participants à cette manifestation, le 23 mai 2013. Si l’événe-ment affiche com-plet très tôt, il est pos-sible en revanche de suivre les interven-tions sur le site www.forumdes100.com.Cette édition est pla-cée sous le signe de la complexité, « Qui pose des questions inédites : la globalisa-tion est-elle en train de régresser ? Les sys-tèmes démocratiques peuvent-ils fonction-ner si la confiance dans les institutions s’affaiblit ? Les Etats peuvent-ils encore agir ? » Cette édition d’Allez savoir ! propose deux articles pour ali-menter la réflexion. Ainsi, comment se fait-il que, malgré les annonces de licencie-ments récurrentes, la Suisse crée davantage d’emploi qu’elle n’en perd (lire ci-contre) ? Autre question : faut-il exploiter le gaz de schiste qui se trouve dans les sous-sols de la Suisse ro-mande (lire en p. 42) ? L’une des sessions du Forum est consa-crée au monde, l’autre s’intéressera au cer-veau. Le Human Brain Project, piloté par l’EPFL en partena-riat avec de nom-breuses institutions dont le CHUV et l’UNIL, sera l’occa-sion de parler de neu-rosciences et de poli-tique de la science.

UN FORUM POUR ABORDER LA COMPLEXITÉ

Page 28: Allez savoir ! 54

28 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

ÉCONOMIE

S ans formation pointue, il n’y au-rait point de salut. Et surtout, il vaudrait mieux travailler dans

les services. Voilà deux des préju-gés les plus tenaces sur le marché de l’emploi, particulièrement dans une économie comme celle de la Suisse, où le tertiaire est très important. « Il existe d’ailleurs tout un pan de lit-térature scientifique qui va dans ce sens », confirme Isabel Baumann, as-sistante diplômée de l’Institut des sciences sociales et chercheuse au Pôle de recherche national LIVES.

Avec Daniel Oesch, professeur dans la même entité, elle s’est pen-chée dans une étude qui a reçu le soutien du SECO sur le devenir des employés licenciés lors de la fer-meture de l’usine pour laquelle ils travaillaient. Cinq entreprises in-dustrielles, établies dans la région genevoise et l’Espace Mittelland et cumulant 1200 employés, ont été re-tenues. Les cinq ont dû fermer leurs portes après la crise en 2009 et 2010.

Les ouvriers ne sont pas plus mal lotis que les cols blancs« Nous nous attendions à voir se confirmer que, pour les ouvriers, surtout les moins qualifiés, retrou-ver du travail serait bien plus diffi-cile que pour les employés attachés par exemple aux services adminis-tratifs, bref ceux que nous appelons les cols blancs », explique Isabel Bau-

mann. Or, surprise, les différences entre cols blancs et cols bleus sont minimes.

Deux ans après leur licenciement, « les ouvriers étaient nombreux à avoir retrouvé un emploi, s’étonne Isabel Baumann. Nous pensions que ce serait particulièrement problé-matique pour ceux qui n’ont pas de CFC et qui ont simplement terminé l’école obligatoire. Mais la probabili-té d’avoir retrouvé un travail environ deux ans après le licenciement est de 80 % pour eux. »

Et cela même si, souvent, ces ou-vriers ont passé une grande partie de leur carrière au sein de l’entre-prise qui s’en était séparé et n’étaient a priori pas préparés à exercer d’autres activités que celles apprises sur le tas, dès la sortie de l’école.

« Les ouvriers qualifiés sont en-core plus nombreux à avoir retrou-vé un poste », souligne la chercheuse. La probabilité de réinsertion dans le marché du travail dans ce groupe était en effet de 89 %. Enfin, pour les personnes avec une formation ter-tiaire, il était de 92 %. « Même s’il reste vrai qu’une bonne formation est un atout, on remarque que les dif-férences ne sont pas énormes entre les diplômés et les autres, et surtout qu’il existe en Suisse une demande pour les ouvriers les moins qualifiés, qui peuvent exercer de vrais métiers à valeur ajoutée dans l’industrie, et

pas seulement des petits boulots marginaux », relève la scientifique.

Après 55 ans, c’est plus difficileL’autre surprise de cette recherche : le facteur le plus discriminant sur le marché de l’emploi est l’âge. Les per-sonnes qui perdent leur travail après 55 ans ont beaucoup plus de peine à en retrouver un que les autres. Dans la cohorte des 1200 personnes sui-vies, la probabilité de retrouver un travail était dans le groupe des 55 à 59 ans seulement de 52 %, contre 84 à 90 % pour les 25 à 54 ans. « Bien plus que le niveau de formation, l’âge est de loin le critère déterminant », conclut la chercheuse. SA

LES OUVRIERS PEU QUALIFIÉS RETROUVENT AUSSI DU TRAVAILQue deviennent les employés licenciés quand une usine ferme ? Les ouvriers sont-ils davantage pénalisés que les cols blancs au moment de retrouver du travail ? Une enquête menée à l’UNIL arrive à des résultats surprenants.

Le Pôle de recherche national LIVESwww.lives-nccr.ch

PRÉJUGÉLes ouvriers n’ont pas beaucoup plus de difficultés à retrouver un emploi que les cols blancs. © Stefan Wermuth / Reuters

Page 29: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 29

Installé dans un fauteuil confor-table, Benoît Reymond (aka Sa-tyavan) savoure un Sazerac. Sa voix douce couvre à peine le bruit de fond qui règne dans le

bar du grand hôtel Art nouveau, en cette fin d’après-midi de février. Le géologue diplômé de l’UNIL vient de débarquer d’un avion : il travaille pour l’un des grands groupes pétro-liers mondiaux. Un milieu aussi dis-cret que compétitif.

Ce natif de Château-d’Œx s’oc-cupe d’exploration, c’est-à-dire de découvrir les secteurs prometteurs sur le plan des hydrocarbures, de négocier avec les gouvernements et de placer les premiers puits. Ce tra-vail implique la gestion de grandes équipes et se situe aux antipodes de son activité précédente : une start-up, également engagée dans l’explo-ration. Il passait alors davantage de temps en plein air, « à dormir sous tente, dans le désert ».

Né en 1965, le chercheur a développé un goût pour l’innovation et les nouvelles technologies. « Je suis en-tré à l’Université de Lausanne le 25 octobre 1984, et j’ai soutenu ma thèse dix ans plus tard, jour pour jour. » Un cursus entamé à la Cité dans une ambiance « familiale », car les étudiants en géologie étaient peu nombreux, et caractérisés par un sens de l’humour à toute épreuve. Avec quelques amis, Satyavan a fondé alors une société qui signait des contrats de confiance avec les proprié-taires d’immeubles vides et promis à la démolition. Ce squatteur officiel a ainsi passé la majeure partie de ses études en ne payant que les charges, tout en habitant un duplex à côté de l’ancienne Ecole de chimie.

Le quadragénaire évoque quelques-uns de ses profes-seurs : « Arthur Escher, qui dessinait les Alpes en coupe

avec une craie dans chaque main », Gérard Stampfli ou encore Stephen Ayrton, « un homme de valeurs, qui m’a soutenu dans mon opposition au service militaire, que je refusais par pacifisme ». Leur point commun ? « Ils respiraient la passion et l’enthou-siasme. » Depuis ses études, Satya-van a conservé sa boussole, sa loupe et son marteau. « La force des géolo-gues formés à l’Université de Lau-sanne, et ce qui leur permet de faire du business au plus haut niveau, c’est aussi la reconnaissance de leur ap-titude sur le terrain : nous cassons une pierre et elle nous raconte son histoire. »

Adolescent, il a sillonné la Grèce. Etudiant, il a traversé le Sahara à dos de chameau avec un ami. Son doc-torat de « géologie sur ordinateur », une première à Lausanne, lui a valu le Prix de la Faculté des sciences et l’a mené au Costa Rica et dans l’Hi-malaya. Loin du tourisme superfi-

ciel, ses voyages sont toujours des quêtes de sens. Ce que son affection pour les paradoxes lui fait formuler : « Le principal, c’est l’essentiel... ou le contraire ! » Ce no-made né a passé beaucoup de temps en Inde, où il a reçu son deuxième prénom.

S’il se déclare « sans domicile fixe », Satyavan a néan-moins créé et dessiné avec sa femme une maison et un jardin à leur image, pour leur famille, en Australie. Le bâtiment aux fonctionnalités écologiques abrite un dojo d’aïkido, que le géologue pratique et qu’il a enseigné.

Son motto : Be the best at what you do. Ou plus exacte-ment, être le meilleur par rapport à soi-même, dans ce que l’on a choisi de faire. « Le monde est vaste : étudiez ce que vous voulez, soyez les meilleurs et il n’y aura pas de problème ! » DAVID SPRING

SATYAVAN BENOÎT REYMONDDiplôme de géologue en 1990, puis doctorat ès Sciences en géologie en 1994.© Francesco Giusti - Strates

La communauté des alumnide l’UNIL en ligne : www.unil.ch/alumnil

IL Y A UNE VIE APRÈS L’UNIL

LE PRINCIPAL, C’EST L’ESSENTIEL… OU LE CONTRAIRE !

Page 30: Allez savoir ! 54

CES STARS DES

QUI NOUS ENVAHISSENTJARDINS

BIOLOGIE

Arbre à papillons, robinier ou laurier-cerise. On trouve plusieurs espèces de plantes invasives dans les garden centers, au désespoir des observateurs de la nature. Pourquoi sont-elles en vente libre ? En quoi sont-elles nui-sibles ? Comment empêcher leur prolifération ? TEXTE MURIEL RAMONI

BUDDLEIA DE DAVIDInvasif, l’arbre à papillons est placé sur liste noire.© joker17 / iStockphoto.com

30 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

Page 31: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 31

Page 32: Allez savoir ! 54

32 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

Berce du Caucase et ambroisie. Ces deux espèces sont systématiquement citées lorsqu’on parle de plantes envahissantes. Puissantes allergènes, en-nemies jurées de la biodiversité, elles sont non seu-lement sur liste noire, mais selon l’Ordonnance sur

la dissémination des espèces (ODE), elles font aussi partie des plantes interdites en Suisse. Ce ne sont pas les seules. L’élodée de Nuttall, l’impatiente glanduleuse, la renouée de l’Himalaya et sa cousine du Japon, le sumac, le séneçon du Cap, les solidages géants et du Canada le sont tout au-tant. Mais la loi ne prévoit pas d’obligation générale de lutte contre les espèces invasives, interdites ou non ; on préfère décider des mesures à prendre de cas en cas.

Si personne n’a envie de cultiver de l’ambroisie dans son jardin, plusieurs plantes d’ornement, recensées sur cette fameuse liste noire, sont par contre en vente libre dans les jardineries : le ravissant arbre à papillons, par exemple. Ex-assistante à l’ancien Institut de botanique sys-tématique et géobotanique de l’UNIL, aujourd’hui direc-trice adjointe d’Info Flora Bern, Sibyl Rometsch explique pourquoi. Avec les experts de l’UNIL, elle revient sur la nécessité de combattre ces redoutables concurrents qui menacent les espèces indigènes, mais aussi les cultures, les infrastructures et même notre santé.

La liste noire n’empêche pas la venteDepuis une douzaine d’années, les botanistes recensent les plantes exotiques envahissantes dont la prolifération cause – ou pourrait causer – des dommages au niveau de la biodiversité, de la santé ou de l’économie. En 2008, leur liste noire comptabilisait vingt-deux néophytes invasives et leur watch-list vingt espèces supplémentaires à surveil-ler. « Ces listes seront actualisées cette année, précise Si-byl Rometsch. On va y ajouter des espèces non encore éta-blies en Suisse, mais qui créent des problèmes dans les pays voisins. C’est par exemple le cas du Sicyos angula-tus ou concombre anguleux, une mauvaise herbe redou-tée et repérée très localement chez nous. Nous espérons pouvoir agir rapidement contre elle si elle vient à s’établir dans nos régions. »

Conçues comme des outils de travail, ces listes servent avant tout à informer et sensibiliser les politiques et les pro-fessionnels de la branche verte, car rien n’empêche la com-mercialisation des plantes d’ornement envahissantes qui embellissent nos jardins. Seule une dizaine de plantes, les plus dangereuses, sont interdites par l’ODE depuis 2008. « Cela signifie qu’on ne peut ni les acheter, ni les cultiver, ni les offrir, précise Sibyl Rometsch, et qu’on pourrait vous tenir responsable des dégâts de votre renouée du Japon (dé-sormais interdite) dans le jardin de votre voisin. Par contre, une obligation générale de lutte paraît irréaliste, en raison des coûts élevés d’éradication ; il faut décider de cas en cas des zones où l’on ne veut pas d’exotiques envahissantes. »

Une politique des petits pasCertains puristes voudraient interdire toutes les néophytes des listes précitées. L’arbre à papillons (ou buddleia) et le laurier-cerise, notamment, sont régulièrement montrés du doigt. La coupe et le dessouchage du premier sur deux kilomètres de la zone alluviale de l’Allondon (Genève) ont déjà coûté 40 000 francs. Mais, très appréciées des jardi-niers amateurs, ces deux plantes sont toujours vendues dans les garden centers. Les interdire rendrait difficile la collaboration des organismes de protection de la nature avec les professionnels de la branche verte.

« On ne peut pas tout interdire tout de suite, souligne la botaniste d’Info Flora. On préfère opter pour la préven-tion, la sensibilisation et l’information. Cette année par exemple, les espèces de la watch-list et de la liste noire, vendues dans les jardineries, devront être étiquetées en tant que plantes potentiellement envahissantes incluant

SIBYL ROMETSCHDirectrice adjointe d’Info Flora Bern.© Nicole Chuard (archives)

BIOLOGIE

22LE NOMBRE DE PLANTES EXOTIQUES ENVAHISSANTES PLACÉES SUR LISTE NOIRE EN SUISSE.

Le Département d’écologie et évolutionwww.unil.ch/dee

Page 33: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 33

LES INVASIVES MENACENT LES RIVES DE LA VENOGE !des conseils d’utilisation. » Cette mesure découragera peut-être les acheteurs informés de l’entretien exigeant néces-saire pour éviter leur propagation.

« Une haie de laurier-cerise régulièrement taillée em-pêche la dissémination des fruits par les oiseaux. En cou-pant les inflorescences de l’arbre à papillons après florai-son et avant la formation des fruits, on évite que les graines se répandent. Surtout, ces plantes ne doivent jamais être jetées sur un compost de jardin, à partir duquel elles ar-rivent à s’échapper. » La spécialiste insiste sur le devoir d’in-former vendeurs et acheteurs de plantes d’ornement enva-hissantes. « L’ODE prévoit l’autocontrôle, l’information de l’acquéreur et le devoir de diligence, relève Sibyl Rometsch qui se réjouit en outre que Migros et Coop aient déjà re-noncé à vendre une grande partie des espèces des listes. »

Autre star chez les invasives, la verge d’or ou solidage. Cette espèce à fleurs jaunes, qui sert de garniture dans de nombreux bouquets, est une envahissante très répan-due le long des voies de chemin de fer et talus de routes, mais également dans des réserves naturelles. Au gré de savantes sélections, on en a produit et cultivé des hybrides soi-disant stériles. Leur utilisation a été autorisée jusqu’à la fin de 2012, mais une étude commanditée par l’ODE ré-vèle aujourd’hui que les hybrides ne sont pas ou que par-tiellement stériles. Les solidages ont donc été définitive-ment interdites.

Une menace réelleLes mesures actuelles mises en œuvre pour lutter contre les plantes envahissantes sont-elles suffisantes pour évi-ter leur prolifération au détriment des espèces indigènes et des cultures ? Il est permis d’en douter. « Même dans un environnement très jardiné, très propre et donc où l’on in-tervient rapidement, on peut avoir des problèmes », indique Sibyl Rometsch. Au chapitre des arbres d’ornement, le ro-binier, ou faux-acacia, risque d’envahir les prairies sèches et de menacer un cortège floristique diversifié contenant des espèces rares et menacées.

Mais il ne s’agit pas seulement de protéger de jolies fleurs. Selon les experts, il est primordial de préserver le maximum de biodiversité, en particulier dans un contexte de changement climatique. Le réchauffement menace en effet la végétation de moyenne altitude en ouvrant aux plantes envahissantes des territoires jusque-là préservés. « On trouve déjà dans le monde des indices d’invasion en haute altitude, indique le professeur Antoine Guisan, dont l’équipe de recherche, au Département d’écologie et évo-lution de l’UNIL, étudie le lien entre le climat et le poten-tiel d’invasion des plantes dans le cadre d’un projet soute-nu par le Pôle de recherche nationale (NCCR) Survie des plantes, publié dans la prestigieuse revue Science. En s’éta-blissant toujours plus haut, les plantes envahissantes me-nacent les pâturages : typiquement, la berce du Caucase empêche le bétail de paître. On est obligé de l’éradiquer

Entre Cossonay et le Léman, l’impatiente glanduleuse et la renouée du Japon prolifèrent à grande vitesse sur les rives de la Venoge. Les chercheurs de l’UNIL les avaient déjà recensées en 2001. Aujourd’hui, ces espèces sont jusqu’à 11 fois plus abondantes. Pour l’impatiente, le nombre d’individus a augmenté de 1 130 % et de 540 % pour la renouée ! C’est ce que montre le mémoire d’un étu-diant en master, Patrice Descombes, cosupervisé par le Dr Pascal Vittoz et Blaise Petitpierre, assistant du professeur Antoine Guisan au Département d’écologie et évolution.

La présence de plantes envahissantes dans les zones alluviales est particu-lièrement préoccupante. Ces espaces, protégés par l’Office fédéral de l’environ-nement, doivent leur richesse et leur extrême biodiversité à l’alternance de sé-cheresse, d’inondation, d’érosion, d’alluvionnement. Plusieurs zones alluviales de Suisse sont déjà menacées par les voies de communication, l’extension des zones d’habitat ou l’endiguement des rives. Au bord de la Venoge, la menace est désormais aussi biologique !

Si la biodiversité est en péril, la gestion des rives pourrait tout autant devenir problématique. « La renouée du Japon pousse très bien : c’était d’ailleurs un argu-ment de vente dans les garden centers, regrette Blaise Petitpierre. » Considérée comme l’une des 100 espèces les plus dangereuses au monde, cette plante (qui est désormais interdite) a tendance, comme la berce du Caucase, à créer une mo-noculture sur son passage. Plus encore, elle déstabilise les sols à cause de ses rhizomes, des tiges souterraines de plusieurs mètres qui croissent chaque année et passent l’hiver en dormance. Cette particularité la rend d’autant plus difficile à éradiquer. Les coupes régulières sont fastidieuses ; quant aux mesures chimiques, elles sont peu souhaitables et même interdites le long des cours d’eau. L’impa-tiente glanduleuse empêche quant à elle le rajeunissement des forêts et expose les talus, dénudés en hiver, à l’érosion.

Les modèles de distribution des espèces de l’équipe du professeur Guisan « ré-vèlent que beaucoup d’habitats encore épargnés par ces envahisseurs sont favo-rables à leur développement. Si rien n’est entrepris, leur prolifération va se pour-suivre le long de la Venoge », conclut Blaise Petitpierre.

© M

athi

as V

ust

Le Département d’écologie et évolutionwww.unil.ch/dee

Page 34: Allez savoir ! 54

34 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

et cela engendre des frais importants. » Autre espèce nui-sible pour le bétail : le séneçon du Cap, qui contient des al-caloïdes très toxiques. Particulièrement abondant en bor-dure d’autoroute où il ne rencontre que peu de concurrents, le séneçon menace de migrer vers des zones en friche et de contaminer prairies et pâturages. « On le rencontre déjà en dehors des voies de communication dans certaines régions, par exemple au Tessin et à Genève, note Sibyl Rometsch. Heureusement dans une proportion raisonnable ! Mais son impact sur l’économie et la santé du bétail pourrait devenir problématique. Il s’agit maintenant d’agir. »

Comment prévenir des problèmes ?Eradiquer systématiquement les envahissantes est le seul moyen de limiter leur dissémination. Pour définir les zones prioritaires, le professeur Antoine Guisan et son équipe ont développé une approche statistique prédictive pour antici-per, et donc permettre de contenir, leur prolifération. « Nous avons étudié la niche climatique de cinquante espèces en-vahissantes et observé que la plupart d’entre elles colo-nisent des régions qui leur offrent les mêmes conditions environnementales que dans leur aire native, explique Oli-vier Broennimann, premier assistant du professeur Guisan. En répertoriant sur le territoire suisse la présence d’une es-pèce invasive et en associant cette carte de répartition à un ensemble de conditions environnementales (ensoleille-ment, pluviométrie, température, etc.), nous pouvons défi-nir les régions probables d’invasion. » Ces modèles de pré-diction permettent aussi d’établir des scénarios en fonction des changements climatiques. Les chercheurs de l’UNIL, qui prévoient dans les six prochains mois de mettre à dis-

position sur Internet leurs cartes de prédiction pour toutes les espèces de la liste noire, offrent ainsi un outil permet-tant non seulement de définir des priorités, mais aussi d’es-timer l’augmentation des coûts d’arrachage, si on n’agit pas rapidement.

L’ambroisie qui fait pleurer de nombreux Romands al-lergiques a presque été éradiquée dans certaines régions grâce à une obligation de lutte décidée contre elle. Peut-on espérer gagner le combat contre les plantes invasives ? Pour l’équipe Guisan, qui voit dans les invasions biologiques une expérience en cours à l’échelle mondiale, passionnante et terrifiante à la fois, c’est un peu le mythe de Sisyphe. « Mais on peut encore contenir les espèces envahissantes, antici-per et éviter leur prolifération, conclut le professeur Antoine Guisan. Ce n’est pas mon rôle de me prononcer sur la né-cessité de préserver la biodiversité, mais si on ne le fait pas, on risque à terme de banaliser les flores et les paysages du monde entier. Chaque espèce a un rôle important à ne pas négliger. » A méditer en taillant son arbre à papillons…

BIOLOGIE

ANTOINE GUISAN, BLAISE PETITPIERRE ET OLIVIER BROENNIMANNProfesseur associé, assistant et premier assistant au Département d’écologie et évolution. Nicole Chuard © UNIL

Berce du Caucase © Mathias Vust

À LIRE PLANTES INVASIVES DE SUISSE. Par Ewald Weber. Rossolis (2013), 224 p.

Les photos de plantes des p. 33 et 34 proviennent de cet ouvrage.

LA LUTTE S’ORGANISE

Du 23 au 27 septembre 2013, la Maison de la Rivière de Tolochenaz met sur pied une semaine de lutte contre les plantes envahissantes pour les entreprises de la région. Le dimanche 29 septembre, une sortie ouverte à tous permettra d’en connaître davantage sur ce sujet préoccupant. L’action aura lieu dans la zone alluviale de l’Aubonne près d’Etoy. Informations www.maisondelariviere.ch et 021 802 20 75

Page 35: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 35

L es allergies aux plantes enva-hissantes, François Spertini les connaît bien et de près. Méde-

cin-chef et professeur associé du Ser-vice d’immunologie et d’allergie au CHUV, il a lui-même fait la doulou-reuse expérience de la phototoxicité de la berce du Caucase. Pour rappel, cette plante est célèbre pour les brû-lures qu’elle provoque. Mais le plus souvent, c’est au pollen des plantes que nous sommes allergiques. Un Romand sur cinq, voire sur quatre, souffre de rhume des foins.

Les plantes invasives sont-elles plus allergènes que les autres ?On peut être allergique à tout. Dans un système immunitaire qui a les caractéristiques géné-tiques pour faire une réaction, toute protéine peut engendrer l’apparition d’anticorps IgE, responsables d’une réponse inflammatoire. Mais l’efficaci-té avec laquelle la protéine d’un pollen est reconnue comme al-lergène dépend de conditions qui peuvent

être plus compliquées. Certains pollens sont peu allergi-sants, parce que peu volatils. Au contraire, d’autres comme les bou-

leaux se répandent sur des kilo-mètres ; leur potentiel de créer une condition clinique est donc plus éle-vé. Parmi les plantes envahissantes, le pollen d’ambroisie est très agres-sif. En Amérique du Nord, c’est le problème numéro un.

En Suisse, c’en est aussi un, non ?Une cartographie montre en effet que l’ambroisie a envahi notre pays, notamment du côté de Genève. Mais

je dois dire que dans ma pratique, le nombre de patients sensibles

à l’ambroisie n’est pas très élevé ; la plupart d’entre eux

sont des migrants qui y étaient déjà allergiques. Il m’arrive de constater sur des tests cutanés que des patients sont sensibles à cette plante, mais pour l’instant je ne suis pas im-

pressionné – heureusement d’ailleurs ! – par l’expression

clinique de ces allergies. Mes collègues genevois ne font pas

le même constat, mais je suspecte que beaucoup de leurs patients

viennent de pays où ils ont été sensibilisés. L’allergie à l’am-

broisie n’est pas très fré-quente chez nous. Pour le moment, nous n’avons pas une charge de pollen

suffisante pour qu’elle soit manifeste. On s’est quand

« SI L’AMBROISIE PROLIFÈRE, LES CAS D’ALLERGIE SE MULTIPLIERONT »Médecin, François Spertini explique que les allergies aux pollens des plantes exotiques ne constituent pas une préoccupation en termes de santé publique, dans le canton de Vaud. Mais le réchauffement climatique pourrait, à terme, changer la donne.

même beaucoup occupé à arracher cette plante !

Ça pourrait changer…Bien sûr. Il n’y a pas de raison que l’on soit moins allergique que les Ca-nadiens ou les Américains. Si l’am-broisie prolifère, les cas d’allergie se multiplieront aussi. Mais il y a aus-si d’autres plantes exotiques dans nos jardins dont les pollens se sura-joutent. Par exemple, on commence à planter des oliviers qui « cross-ré-agissent » avec le frêne parce que leurs pollens sont pratiquement iden-tiques. Tous ces pollens additionnels n’ont pas de propriété plus drama-tique que ceux de nos braves arbres, mais on les rencontrera certainement plus souvent si un réchauffement cli-matique significatif s’installait. Il me semble qu’on n’en est pas encore là, mais c’est vrai que je ne suis pas du genre à voir la vie en noir.

Le poids de ces nouveaux allergènes sur la santé publique ?Pour l’instant, aucun. En tout cas, dans ma pratique, je n’ai pas le senti-ment que cela ait augmenté le nombre de patients ou la gravité des mala-dies. Le haut du pavé, ce sont toujours les arbres régionaux, les graminées, et quelques mauvaises herbes, in-cluant l’armoise, les solidages, mais aussi les chénopodes, une espèce in-digène qui pollinise abondamment en septembre et octobre. MRep

anth

a /

iSto

ckph

oto.

com

Page 36: Allez savoir ! 54

36 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

RÉGULATION

EXTENSION DU

NORMEDOMAINE DE LA

Les normes internationales de type ISO ré- gissent de nombreux aspects de notre vie quotidienne. Leur élaboration n’implique pourtant que rarement les consommateurs ou la société civile en général. Mené à l’UNIL, le projet Internorm tente de répondre à cette lacune. TEXTE DAVID SPRING

Page 37: Allez savoir ! 54

© ts

aplia

-Fot

olia

.com

Page 38: Allez savoir ! 54

38 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

Si le magazine que vous tenez entre les mains me-sure 21 par 29,7 centimètres, c’est parce qu’il ré-pond à ISO 216, qui définit les formats des feuilles de papier. L’article que vous lisez a été rédigé à l’origine dans un fichier dont le nom se termine

en .docx. Derrière ces 4 signes se niche ISO/IEC 29 500, à l’histoire étonnante (lire en p. 40). Supposons ensuite que vous souhaitiez envoyer Allez savoir ! par la poste. Le glisser dans une enveloppe B4 (ISO 269) est la meilleure option.

Le domaine de la norme s’étend partout, du filetage des boulons (ISO 261 et 262) aux dimensions des cartes de crédit et des cartes SIM (ISO/IEC 7 810). Mais égale-ment hors des questions techniques : le management de la qualité (ISO 9 000) ou la responsabilité sociétale des orga-nisations et des entreprises (ISO 26 000) sont concernés. Sans oublier la sécurité de la chaîne alimentaire, des vê-tements pour enfants, des automobiles, ainsi que sur les chantiers de construction, etc.

Basé à Genève, le secrétariat central de l’International Organization for Standardization ne compte guère plus de 150 employés. Mais les normes elles-mêmes, fruits de consensus, sont élaborées sur une base volontaire et se-lon un système de milice par des dizaines de milliers d’ex-perts issus de l’industrie, de l’économie, des administra-tions et – très peu – de la société civile. Ces armées de

l’ombre se réunissent dans des comités techniques ad hoc aux quatre coins du monde.

« Les normes internationales sont typiques des nou-velles formes de régulation, situées à cheval entre les sec-teurs public et privé, explique Jean-Christophe Graz, pro-fesseur à la Faculté des sciences sociales et politiques et responsable du projet Internorm. Méconnues, elles pos-sèdent néanmoins une importance croissante dans la mon-dialisation. » Une économie aussi interconnectée que la nôtre ne saurait en effet fonctionner comme elle le fait sans la « grammaire » commune que constituent ces docu-ments de référence. Lors d’une journée consacrée à ce su-jet le 18 mars dernier à l’UNIL, Christophe Perritaz, chef du secteur mesures non tarifaires au SECO, rappelait que « l’article 2.4 de l’OMC sur les entraves techniques au com-merce oblige les Etats signataires à prendre en compte les normes internationales lorsqu’ils éditent des normes tech-niques nationales ».

Mobiliser les consommateursEt nous, là-dedans ? « Le domaine de la normalisation est as-sez hermétique à la participation de la société civile, sous le prétexte du manque d’expertise technique de celle-ci », explique Christophe Hauert, doctorant en Sciences sociales et politiques et membre du comité de pilotage d’Internorm. Ce dernier, créé dans le cadre de « Vivre ensemble dans l’incertain » (VEI), un programme de l’UNIL qui relie la recherche académique avec les préoccupations de la popu-lation, vise justement à combler un déficit démocratique en mobilisant les syndicats, les PME et les associations. Le but consiste à les faire accéder aux « arènes de la nor-malisation ». Le sol de ces dernières n’est toutefois pas re-couvert de sable mais de moquette, car il s’agit plus pro-saïquement des salles de réunion où les discussions se déroulent et où les décisions se prennent.

Déjà active dans ce secteur, la Fédération romande des consommateurs (FRC) s’est logiquement jointe aux parte-naires du projet (dont la liste se trouve sous www.unil.ch/vei/page85918.html). « Les normes internationales sont éla-borées pour les clients, mais sans eux, remarque Mathieu Fleury, secrétaire général. Dans ce domaine, le grand pu-blic ne joue pas un rôle équivalent à son poids économique. En Suisse, par exemple, la consommation privée repré-

DANIELLE BÜTSCHI HÄBERLIN, ALAIN KAUFMANN ET MARC AUDÉTATMembres du comité de pilotage d’Internorm. Nicole Chuard © UNIL

Le projet Internormwww.unil.ch/vei/page85912.html

RÉGULATION

19 573LE NOMBRE DE NORMES ISO EXISTANTES, AU 31 DÉCEMBRE 2012.

Page 39: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 39

sente ainsi 60 % du PIB. De plus, pour que le marché fonc-tionne, il faut que les consommateurs aient confiance. La normalisation y contribue. » Cette dernière constitue un énorme marché, puisque les spécifications techniques sont vendues. Sans oublier le business de la certification, qui consiste à d’abord conseiller sur les moyens de les mettre en œuvre, puis vérifier leur application réelle.

Comment entrer dans la danse ? Il faut commencer par collaborer aux travaux à l’échelle de notre pays. Internorm est ainsi membre de l’Association suisse de normalisation (SNV) et participe à deux comités techniques, l’un consa-cré au tourisme et l’autre aux nanotechnologies. Chacun d’eux possède un équivalent au niveau international, qui répondent respectivement aux doux noms de TC228 et TC229. A la fin de 2012, l’ISO recensait ainsi 224 comités techniques actifs à travers le monde, sans parler d’une my-riade de sous-groupes, qui travaillaient sur un peu plus de 4 000 documents dans tous les domaines de la Création…

S’équiper pour l’arèneOfficiellement, la société civile est la bienvenue dans les « arènes ». L’ISO fait des efforts en ce sens. « Nous avons da-vantage affaire à un déficit de participation qu’à un déficit démocratique, selon Urs Fischer, membre de la direction de la SNV. Car nous avons mis en place les procédures qui permettent un accès large. Mais cela exige du temps : pour se préparer et pour assister aux réunions. »

Comment Internorm équipe-t-il ses gladiateurs mo-dernes ? D’abord avec de l’information et de l’analyse. Un solide travail de décodage, réalisé à l’UNIL, a été néces-saire. En effet, avec ses groupes et sous-groupes, plus son vocabulaire très particulier, la planète ISO requiert l’ap-prentissage de son fonctionnement. Ce milieu génère une montagne de textes techniques, dans lesquels il faut re-pérer les éléments importants, sur lesquels la société ci-vile a des chances d’obtenir un résultat. Pour cela, « nous avons fourni une veille et des compétences d’experts pour les deux domaines choisis pour le projet », explique Jean-Christophe Graz.

Dans son bureau situé au 4e étage du bâtiment Géopo-lis, où est installée la Faculté des sciences sociales et poli-tiques, Christophe Hauert fait défiler à l’écran les 26 pages du document ISO 21 101 (Tourisme d’aventure – Systèmes de management de la sécurité – Exigences), encore en dévelop-pement. « Nos partenaires de la FRC nous ont fait remar-quer que ce genre d’activité ne concernait pas seulement les loisirs, mais également les ressources humaines, à l’oc-casion par exemple d’exercices de team-building. Il faut le prévoir dans le texte pour anticiper les cas d’accidents. » Cet exemple a priori évident montre l’importance de faire émerger les questions du terrain lors les discussions par-fois stratosphériques des comités techniques.

Pour être traités, les commentaires et les amendements issus des délégations nationales doivent être préparés se-

CHRISTOPHE HAUERT ET JEAN-CHRISTOPHE GRAZChargé de projet au comité d’Internorm. Responsable du projet. Nicole Chuard © UNIL

Le projet Internormwww.unil.ch/vei/page85912.html

lon une procédure précise. Ces points sont ensuite discu-tés lors de sessions plénières internationales. En moyenne, 18 séances de travail autour de l’élaboration de nouvelles normes ISO se sont tenues chaque jour ouvrable de 2012, quelque part dans le monde.« Il est indispensable d’être présent et bien préparé lors des réunions, afin de défendre son point de vue. Même si les re-présentants de l’industrie dominent largement en nombre en ces occasions, nous pouvons obtenir des résultats », sou-tient Christophe Hauert. Les discussions se poursuivent dans les couloirs, avec une bonne dose de lobbying : litté-ralement, une visite des coulisses de la mondialisation. Qui donne parfois le vertige : « Vous pouvez vous retrou-ver à Séoul, en compagnie d’une dizaine de personnes, à élaborer des normes qui vont toucher beaucoup de monde dans le domaine du tourisme. Même avec des moyens li-mités, il est donc possible d’exercer une influence », note Jean-Christophe Graz. Qui nuance aussitôt : « Pour autant que l’on ne touche pas à quelques tabous, comme la ques-tion des étoiles dans l’hôtellerie par exemple ! » Depuis son lancement au printemps 2011, Internorm a ainsi participé à 29 jours de séance.

L’aspect financier compte également : il faut s’acquitter de cotisations à quatre chiffres pour accéder aux « arènes », qu’elles soient nationales ou internationales. Sans par-

Page 40: Allez savoir ! 54

40 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

ler des frais de déplacement et d’hébergement quand les rencontres ont lieu au bout du monde. Au début de mars 2013, c’est à Mexico que s’est réuni le TC 229. Marc Audé-tat, membre du comité de pilotage Internorm et propulsé chef de la délégation suisse en l’absence d’autres repré-sentants, était accompagné par Huma Khamis Madden, spécialiste des nanotechnologies et responsable des tests comparatifs au sein de la FRC. Ces derniers sont justement régis par… des normes ISO.

Signaler les nanomatériauxL’une des sessions portait sur l’élaboration de ISO/PRF TS 13 830, soit l’étiquetage volontaire des produits par les in-dustriels. « Le consommateur aimerait bien savoir si ce qu’il achète contient des nanomatériaux », soutient Huma Kha-mis Madden. La scientifique souhaite que la description de la nanoparticule, ainsi que sa plus-value, soient clairement indiquées. « Notre souci porte sur les objets dont l’étique-tage n’est pas obligatoire, ou vague, comme les vêtements. » Prenons l’exemple d’un T-shirt traité avec des nanoparti-cules d’argent, à l’action bactéricide. Celles-ci entrent di-rectement en contact avec la peau. Et au fil des lavages, une partie d’entre elles partent dans les eaux usées, ce qui pose des questions environnementales.

Au Mexique, l’équipe d’Internorm a trouvé des alliés au sein de la délégation des Etats-Unis. Ainsi que du côté de l’industrie cosmétique allemande, très en pointe, qui souhaite obtenir des standards élevés pour maintenir son avance. Mais « c’est un travail de longue haleine, qui de-mande de la patience », ajoute Huma Khamis Madden. Un marathon parfois difficile à défendre pour une association aux moyens limités. « Nous devons des comptes à nos ad-hérents, pour qui ces questions semblent lointaines », re-marque Mathieu Fleury.

RÉGULATION

MON ROYAUME POUR UNE NORME

Paru en mars 2013 et dirigé par Jean-Christophe Graz et Nafi Niang, l’ouvrage Services sans frontières s’intéresse à la normalisation dans le secteur tertiaire. Plusieurs études de cas, dont celui du XML, sont présentées. Ce langage infor-matique, développé dans les années 90, permet de décrire n’importe quel en-semble de données et facilite l’échange de ces dernières. Evolutif, le XML est hau-tement interopérable.

A l’époque, la suite Office de Microsoft dominait la bureautique. Ses formats de fichiers propriétaires, comme le célèbre « .doc », étaient des standards mondiaux par défaut. De leur côté, Sun Microsystems et IBM soutenaient l’ouverture, dans le droit fil de la philosophie open source.

Racontée en détails dans l’ouvrage, une lutte entre ces géants de l’in-formatique s’engagea sur le terrain de plusieurs arènes de normali-sation. La première manche fut remportée par IBM et ses alliés, avec l’adoption du format de fichier bureautique ouvert ODF par l’ISO, en 2006 (norme 26300). Mais à la fin de 2006, une autre agence de nor-malisation, l’Ecma, admit le format concurrent réalisé par Microsoft : l’OfficeOpenXML. Après un intense lobbying, une importante polé-mique et plusieurs procédures judiciaires, la firme de Redmond réussit ensuite à faire reconnaître son format en tant que norme ISO (29500) au printemps 2008. Deux standards coexistent ainsi. Les auteurs de l’ouvrage relèvent que « c’est le modèle d’affaires de la bureautique d’entreprise pour les prochaines années qui s’est joué ».

Prévu pour durer trois ans, Internorm arrive à son terme l’an prochain. Sa pérennisation est toutefois sou-haitée par les associations partenaires, pour qui il repré-sente « de l’or en barres », comme l’image Huma Khamis Madden. Grâce à l’expertise accumulée, la plateforme a déjà démontré que la société civile pouvait accéder aux arènes de la normalisation, pour y débattre de questions qui touchent tout le monde. Il reste maintenant la seconde manche. Afin de capitaliser sur les acquis de ce projet et de ne pas briser sa dynamique participative, l’équipe est en train de passer le relais au monde politique pour la mise en place d’une structure pérenne de représentation des associations de la société civile dans les arènes de norma-lisation en Suisse.

SERVICES SANS FRONTIÈRES.Sous la direction de Jean-Christophe Graz et Nafi Niang. Presses de Sciences Po (2013), 396 p.

MONDIALISATIONLe port de Beyrouth. Les dimensions des différents containers destinés au transport des marchandises sont précisés dans deux normes ISO.© Mohamed Azakir / Reuters

Page 41: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 41

RÉFLEXION

LA FORMATION EST L’INVESTIS-SEMENT LE PLUS DURABLE QUE NOTRE PAYS PEUT FAIRE POUR L’AVENIR.

L’équilibre entre la formation professionnelle et la forma-tion académique sera au centre des débats du Parle-ment fédéral dans les cinq

prochaines années. La question n’est pas nouvelle, mais le conseil-ler fédéral Johann Schneider-Am-mann l’a placée au sommet de la liste des priorités l’automne der-nier, en estimant que moins nous aurions de titulaires d’une matu-rité fédérale, moins nous aurions de chômage. Cette déclaration pré-sente de nombreux défauts. Elle ne repose sur aucune donnée sta-tistique, elle occulte la pénurie de main-d’œuvre hautement qualifiée dont nous souffrons et elle atro-phie l’un des deux piliers incon-testables de la réussite du modèle économique suisse. Mais cette dé-claration a un grand mérite : elle nous oblige à trouver enfin l’équi-libre entre formation profession-nelle et formation académique.

L’opinion publique suisse a ten-dance à valoriser la formation pro-fessionnelle et à se méfier de la for-mation académique. On pourrait en déduire que la politique fédé-rale doit mieux soutenir la voie aca-démique. Pourtant, au niveau du degré tertiaire, les messages plu-riannuels de la Confédération valo-risent déjà bien mieux la formation académique. Un exemple ? Les étu-diants suisses continuent de bé-néficier de taxes d’études raison-

S’ENGAGER POUR LA FORMATION SANS SE QUERELLER

nables – et c’est très réjouissant – tandis que les jeunes qui s’en-gagent dans une formation pro-fessionnelle supérieure paient des montants importants pour se qua-lifier en cours d’emploi et alors même qu’ils viennent de fonder une famille.

Double langageAlors que la rue dévalorise la for-mation académique, la politique fé-dérale dévalorise la formation pro-fessionnelle. Ce double langage nous empêche trop souvent d’y voir clair et de comprendre que notre modèle est enviable grâce aux deux filières réunies – et grâce aux passerelles que nous je-tons entre elles chaque jour. Face à ce constat, on ne peut tirer qu’une conclusion politique. Il faut mieux soutenir la formation profession-nelle supérieure dans le prochain message sur l’encouragement de la formation et continuer à ré-pondre aux besoins de la formation académique en formant toujours autant de gymnasiens puis d’uni-versitaires, voire un peu plus.

C’est dans ce sens que j’ai sou-tenu durant la session de prin-temps 2013 une motion de mon collègue Matthias Aebischer (PS, Berne). Nous demandons à la Confédération d’augmenter sa par-ticipation à la préparation des exa-mens fédéraux et des examens fé-déraux supérieurs – dont le coût

moyen pour les étudiants oscille entre 10 000 et 15 000 francs pour un brevet ou une maîtrise fédé-rale. Cette revendication est plei-nement justifiée, même si la forma-tion professionnelle doit améliorer sa transparence avant d’être plus largement subventionnée. Mais l’ouverture de cette bataille en im-plique pour moi une autre, tout aussi importante : il faut empê-cher que la valorisation politique de la formation professionnelle se fasse au détriment de la formation académique.

La formation comme un toutNous, politiciens de la formation supérieure, devons la défendre comme un tout. Nous devons valo-riser la formation professionnelle, mais rappeler aussi la grande va-leur de nos hautes écoles univer-sitaires et l’importance que revêt, pour un petit pays comme le nôtre, la capacité à former des élites scientifiques, économiques, poli-tiques, sociales, culturelles et di-plomatiques. Avec la recherche et l’encouragement de l’innovation, la formation est l’investissement le plus durable que notre pays peut faire pour l’avenir. Il nous revient de la défendre avec ardeur face aux autres responsabilités de la Confé-dération. Et d’opposer aux que-relles de clochers entre formation professionnelle et formation acadé-mique une fin de non-recevoir.

CHRISTINE BULLIARD-MARBACHConseillère nationale (PDC / Fribourg)Commission de la Science, de l’Education et de la Culture (CSEC)

Page 42: Allez savoir ! 54

42 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

ÉNERGIE

ANGLETERRECes installations d’extraction du gaz de schiste appartiennent à la société Cuadrilla. © Matthew Lloyd/Intermittent/getty images

42 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

La Faculté des géosciences et de l’environnementwww.unil.ch/gse

Page 43: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 43

Promesse inespérée d’une énergie bon marché, pour ses partisans. Grave menace écologique, selon ses dé-tracteurs. Exploité à large échelle aux Etats-Unis, le gaz de schiste suscite de vives polémiques en Europe. Son extraction aura-t-elle un gros impact sur l’environnement ? Pour les scientifiques, il est encore difficile de le dire. TEXTE ÉLISABETH GORDON

GAZ DE SCHISTEELDORADODÉSASTRE ENVIRONNEMENTAL ?ÉNERGÉTIQUE OU

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 43

Page 44: Allez savoir ! 54

44 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

ÉNERGIE

Va-t-on vers un âge d’or du gaz de schiste ? L’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit que, d’ici à 2035, cet hydrocarbure dit « non conventionnel » représentera près de 30 % de la production mon-diale de gaz.

La ruée vers cette nouvelle ressource énergétique a com-mencé il y a plusieurs décennies aux Etats-Unis, mais de-puis l’an 2000, son exploitation a explosé. Du Dakota du nord au Texas, de la Californie à la Pennsylvanie, le paysage se couvre de forages. On compte aujourd’hui « des dizaines de milliers de puits », constate Michel Jaboyedoff, géologue et professeur à la Faculté des géosciences et de l’environ-nement de l’UNIL.

Grâce à la richesse de son sous-sol, les Etats-Unis se-ront en 2015 le premier producteur de gaz au monde, se-lon l’AIE. En outre, avec leur huile de schiste, ils devien-dront même, entre 2017 et 2020, le premier producteur de pétrole, devançant l’Arabie saoudite. Autant dire que les Etats-Unis sont en bonne voie d’accéder au Graal de l’indé-pendance énergétique.

Avis divergents en EuropeEn Europe, la production n’a pas encore démarré et les avis divergent sur la nécessité de lancer l’exploitation de ce nou-vel or noir. La Pologne, pays le plus pro-gaz de schiste, a déjà effectué une trentaine de forages sur trois sites. Dopé par les estimations de l’AIE qui prévoit la présence d’énormes

gisements dans son sous-sol, le pays « se voit déjà comme l’Arabie saoudite de l’Europe en la matière », précise en sou-riant Suren Erkman, professeur d’écologie industrielle à la Faculté de géosciences et de l’environnement de l’UNIL.

L’Allemagne semble prête à s’engager dans cette voie, puisqu’en février dernier le gouvernement d’Angela Mer-kel a annoncé le dépôt d’un projet de loi pour autoriser l’ex-ploitation de cette ressource. La Grande-Bretagne s’est déjà lancée dans l’exploitation. En revanche, la France, qui dis-poserait des plus importantes réserves du continent, a voté en juillet 2011 une loi interdisant la principale technique d’extraction, la fracturation hydraulique.

Des dizaines de milliards de mètres cubes en SuisseQu’en est-il en Suisse ? La géologie laisse entrevoir la pré-sence de gaz de schiste « dans le bassin molassique qui se trouve sous le plateau », précise Michel Jaboyedoff. Faute de forages exploratoires, on ne connaît pas exactement l’éten-due des ressources. Toutefois, à en croire le directeur de Gaz- nat, René Bautz, cité par Le Temps, « le potentiel se chiffre en dizaines de milliards de mètres cubes, alors que la consom-mation annuelle de gaz en Suisse représente 3 milliards de mètres cubes ».

Le Conseil fédéral ne s’est pas prononcé. Il est vrai que « la décision est du ressort des cantons », rappelle le géologue de l’UNIL. C’est ainsi que, en septembre 2011, le canton de Vaud a voté un moratoire sur l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste. « La situation est un peu moins claire dans le canton de Fribourg. » Celui-ci avait en effet décidé, en avril 2011, de geler les permis de recherche, mais actuelle-ment « il semble que les discussions à ce sujet aient repris ».

Un problème économique et politiqueLa problématique des gaz de schiste est « éminemment économique et politique », souligne Michel Jaboyedoff. « Il ne fait pas de doute, renchérit son collègue Suren Erkman, qu’il y a actuellement dans le monde une énorme soif d’hy-drocarbures fossiles. On n’en a jamais autant consommé qu’aujourd’hui et la tendance se poursuit avec l’extension du système industriel à l’échelle planétaire. » Comme on a épuisé les ressources, de gaz comme de pétrole, les plus fa-ciles d’accès, il est normal que l’on s’intéresse de plus en plus aux ressources non conventionnelles. « C’est structu-rellement inscrit dans la logique de la dynamique actuelle. »

Sans compter les enjeux géopolitiques. Grâce à ces nou-velles ressources fossiles, certains pays pourront acquérir leur indépendance énergétique. Ce sera bientôt le cas des Etats-Unis, « qui ont déjà un gaz beaucoup moins cher que les Européens, constate Suren Erkman. Grâce au bas coût de leur énergie, qui est un élément-clé en la matière, le pays pourrait rapatrier des unités de productions sur son sol et redevenir une grande puissance industrielle. »

Ces considérations n’empêchent pas le spécialiste d’éco-logie industrielle de plaider pour le développement des

SUREN ERKMAN Professeur associé à la Faculté de géosciences et de l’environnement. Nicole Chuard © UNIL

Page 45: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 45

énergies renouvelables. « Ce sera le gaz de schiste, plus les renouvelables, auxquels il faut ajouter les économies d’énergie », dit-il.

Gaz bloqué dans la roche-mèreDu point de vue économique, résume Suren Erkman, « la logique de l’exploitation du gaz de schiste est implacable ». Il n’en va pas de même sur le plan de l’environnement, car la technique utilisée pour extraire ces hydrocarbures non conventionnels soulève de nombreuses interrogations et suscite beaucoup de craintes.

Chimiquement parlant, le gaz de schiste et le gaz na-turel traditionnel sont identiques : ils sont principalement constitués de méthane. En outre, tous deux résultent de la décomposition de la matière organique qui s’est faite au cours des millénaires, sous l’effet de la chaleur et de l’ac-cumulation de sédiments.

La grande différence vient de la « réserve dans laquelle ces différents gaz se trouvent », explique Michel Jaboyedoff. Celui que nous consommons actuellement « s’est formé dans

une roche-mère perméable. Il a ensuite migré jusqu’à ce qu’il atteigne un piège – un pli dans le terrain ou une faille – dans lequel il est stocké. C’est là que se situe le gisement. »

En revanche, le gaz de schiste a pris naissance « dans une roche-mère qui est trop étanche pour qu’il puisse en partir et il est resté bloqué dans ses micropores ». Pour l’ex-traire, il est donc nécessaire de casser la roche.

La fracturation hydrauliqueLa seule technique disponible actuellement pour le faire est la fracturation hydraulique. Elle consiste à forer un puits vertical à l’extrémité duquel part un faisceau de puits hori-zontaux. On y injecte de l’eau sous pression dans laquelle on met du sable dont les grains s’introduisent dans les fis-sures et « les empêchent de se refermer », précise le géo-logue. On ajoute au mélange des adjuvants chimiques pour éviter que l’eau, le sable et le gaz ne forment de la mousse.Une fois la roche cassée, le gaz peut alors s’échapper et, après pompage de l’eau, il remonte en surface où il est récupéré.

1

2

3

4

Les réserves mondiales de gaz de schiste représenteraient plus de quatre fois les ressources de gaz conventionnel

Source : IFP Énergies nouvelles

Réservoirs faciles d’accès par le biais d’un forage vertical

Forage de gaz non conventionnel

1 à 2 kilomètresSchiste

Nappe phréatique

Schiste

Injection d’un mélange d’eau, de sable et d’additifs chimiques à haute pression pour fracturer la roche

Fracturation hydraulique

Le sable maintient les fissures ouvertes:le gaz est libéré et remonte naturellement à la surface

Pompage de l’eau

Stockage du gaz et acheminement vers un pipeline

Eau usée, traitée avant réutilisation

Forage de gaz conventionnel

30 à 80% du liquide

restent dans la roche

Eau

Gaz

Poche de gaz

Schiste

Sable

Gaz naturel

Fissure

Mélange

Tubage cimenté pour éviter la contamination des nappes phréatiques

Les gaz sont piégés dans des couches accessibles uniquement par forage horizontal

10 à 100 m

1 500

à 3 000 m

L’EXPLOITATION DU GAZ DE SCHISTE

TECHNIQUELA FRACTURATION HYDRAULIQUE NÉCESSITE D’ÉNORMES QUANTITÉS D’EAU.

Page 46: Allez savoir ! 54

46 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

C’est cette méthode qui focalise toutes les critiques. Elle nécessite en effet « d’énormes quantités d’eau – des millions de litres par forage – qui doivent être ensuite évacuées et retraitées », explique Michel Jaboyedoff. En outre, les pro-duits chimiques utilisés peuvent se disséminer dans les nappes phréatiques et les polluer.

Une autre préoccupation concerne les fuites de méthane, un gaz à effet de serre qui contribue, de manière encore plus intense que le CO2, au réchauffement climatique. Des chercheurs américains de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) et de l’Université du Colora-do ont d’ailleurs mesuré les rejets de ce gaz dans l’atmos-phère aux abords d’un champ gazier dans l’Utah. Ils ont ainsi constaté que les forages laissent fuir 9 % du méthane récupéré pendant leur durée d’exploitation.

Risque de séismeLa fracturation, par sa brutalité, pourrait aussi provoquer des séismes. Cela s’est déjà passé, à en croire un article récent publié par des chercheurs américains dans Geology. Ils es-timent que l’injection, répétée pendant plusieurs années, de fluides usés de fracturation dans le sous-sol est à l’origine du tremblement de terre d’une magnitude de 5,7 qui a ébranlé la petite ville de Prague dans l’Oklahoma, en novembre 2011. Tous ces arguments expliquent les inquiétudes, largement répandues en Europe et notamment en Suisse, à propos de la fracture hydraulique et, au-delà, de l’exploitation des gaz

et huiles de schiste. D’autant que le documentaire améri-cain Gasland, diffusé l’année dernière et qui a présenté une vision apocalyptique des impacts environnementaux des forages aux Etats-Unis, a mis le feu à l’huile de schiste.

Une diabolisation ?Toutefois, à en croire les deux professeurs de l’UNIL, la si-tuation n’est pas forcément aussi catastrophique qu’il y pa-raît à la vision de ce film. Les problèmes largement évoqués dans Gasland sont « essentiellement dus à des dysfonction-nements des exploitations et à des malfaçons », selon Mi-chel Jaboyedoff. Certes, aux Etats-Unis, il y a eu des fuites de méthane, mais le géologue estime qu’elles « ont été mal-gré tout peu nombreuses compte tenu du grand nombre de puits forés dans le pays. Ceux-ci ne diffèrent d’ailleurs pas fondamentalement des puits conventionnels qui, eux aus-si, peuvent fuir. »

Suren Erkman ajoute que les forages pétroliers tradi-tionnels « consomment, eux aussi, de gigantesques quanti-tés d’eau et qu’ils utilisent des additifs chimiques, surtout lorsque leur exploitation arrive en fin de vie ». Selon lui, on a « diabolisé le gaz et l’huile de schiste par rapport aux hy-drocarbures conventionnels ».

Une activité opaque qui déclenche des peursIl est vrai que le sujet est devenu très émotionnel. « Idéo-logique », préfère dire Suren Erkman. En tant que scienti-

ÉNERGIE

ÉTATS-UNISTravailleurs sur le site de Towanda, en Pennsylvanie.© Mark Thiessen / National

Geographic Stock

Page 47: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 47

fique, il estime ne pas pouvoir affirmer que « l’exploitation du gaz de schiste est globalement plus polluante que celle des hydrocarbures conventionnels ».

L’un des nœuds du problème réside en effet dans l’opa-cité qui entoure cette activité aux Etats-Unis, le seul pays où elle se pratique déjà à grande échelle. « Les procédés mis en œuvre sont considérés par les entreprises comme des secrets industriels et l’on ne sait pas ce que celles-ci em-ploient comme produits chimiques. Le Congrès américain en a bien obtenu une liste, mais il n’y est pas précisé quel composé est utilisé dans quel cas et dans quelle propor-tion. La moindre des choses serait d’obtenir des informa-tions précises et factuelles. »

Manque de données scientifiquesLe manque de transparence du secteur explique aussi un autre paradoxe : il est pour l’instant difficile de se pronon-cer sur les conséquences écologiques de l’exploitation des gaz de schiste. « Ce qui me frappe dans ce dossier, dit Suren Erkman, c’est que l’on a peu d’informations à ce sujet. Nous avons étudié la littérature scientifique et, honnêtement, la conclusion qui s’impose est que nous n’avons pas de données sérieuses et fiables qui nous permettraient d’évaluer scien-tifiquement l’ensemble des impacts sur l’environnement. »

C’est notamment le cas des rejets de gaz à effet de serre (notamment du CO2) dans l’atmosphère. « Certains prétendent que l’exploitation des gaz de schiste diminue les émissions de ces gaz, alors que d’autres affirment au contraire qu’elles sont catastrophiques. » Suren Erkman et ses collègues, en collaboration avec le Laboratoire d’énergé-tique industrielle de l’EPFL et d’un chercheur polonais, ont donc étudié la question en Pologne. Les résultats ne leur ont pas permis de trancher. « Il y a tellement d’incertitudes sur les différentes phases du processus d’extraction et tant de données approximatives que, pour le moment, on n’arrive pas à conclure de manière claire. Notre étude semble mon-trer que les émissions de gaz à effet de serre sont plus éle-vées dans le cas des gaz et huile de schiste, mais ce n’est en-core qu’une hypothèse en attente de confirmation. »

La nécessité d’un monitoringSi l’Europe voulait avancer dans ce domaine, la première chose à faire, selon Suren Erkman, serait donc « de rendre obligatoire un monitoring systématique des impacts envi-ronnementaux du gaz de schiste, c’est-à-dire de mesurer tous les flux de matière et d’énergie qui sont associés à l’en-semble de son cycle de vie ».Michel Jaboyedoff insiste aussi sur la nécessité de s’assu-rer « qu’au-dessus de la roche-mère, il y ait bien une couche étanche qui servirait de protection naturelle et éviterait au gaz de s’échapper vers la surface. Sinon, l’exploitation est à bannir, les risques étant trop grands pour les années et/ou les milliers d’années à venir. » Il préconise donc l’établisse-ment d’une « régulation » en la matière.

Comment améliorer les techniques d’extractionLes deux spécialistes plaident aussi en faveur du déve-loppement de la recherche, notamment l’étude de tech-niques alternatives à la fracturation hydraulique. Plu-sieurs pistes sont étudiées actuellement dans différents laboratoires. Une possibilité serait de remplacer l’eau par des hydrocarbures comme le propane, ou même par du CO2 ; une autre serait de désagréger la roche-mère par les ondes de choc engendrées par des arcs électriques.

« Si l’on se donnait les moyens d’améliorer les tech-niques d’extraction, je suis sûr que l’on pourrait obte-nir de bons résultats, car jusqu’ici, constate Suren Erk-man, les exploitants américains ont agi de manière très brutale. »

A condition qu’il y ait une volonté politique de col-lecter les données et d’agir dans la transparence, le professeur de l’UNIL n’a « aucun a priori de principe » concernant le gaz de schiste. « L’un des intérêts de cette problématique, c’est qu’elle nous confronte à nos respon-sabilités. Dans la mesure où nous n’avons pas envie de changer profondément notre style de vie, souligne-t-il, nous devons en assumer les conséquences. » C’est aus-si l’avis de Michel Jaboyedoff qui estime « inéluctable » que les pays d’Europe se lancent dans l’exploration et l’exploitation de leurs ressources en hydrocarbures non conventionnels. Le gaz de schiste n’a donc pas fini d’en-flammer les esprits.

MICHEL JABOYEDOFF Professeur à la Faculté des géosciences et de l’environnement.Nicole Chuard © UNIL

Page 48: Allez savoir ! 54
Page 49: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 49

MOT COMPTE TRIPLE

TT2

T2

V4

T 4

TT 2T 2

T 2

T

T2

T4

B3

A1T 1

N1

O

T2

TR

1

I1

Z10

T1

G2

S 1

G2

B3

S1

Les matching funds ont récem-ment fait un passage média-tique remarqué, dans la fou-lée du « Human brain project ». Piloté par l’EPFL, ce projet de

recherche géant sur le cerveau – il rassemblera plus de 80 pays et ins-tituts de recherche, dont l’équipe du professeur Richard Frackowiak à l’UNIL – a décroché un financement d’un demi-milliard d’euros de la part de l’Union européenne.

Les pays qui participent au Hu-man brain project débourseront le même montant de leur poche, d’où l’appellation matching funds. Côté suisse, la Confédération versera 75 millions de francs pour la période 2013-2017. Le canton de Vaud parti-cipera en nature, via la construction du bâtiment Neuropolis sur le cam-pus de l’UNIL, pour un montant de 35 millions.

Ce mode de financement consti-tue une rareté dans le monde des projets académiques internatio-naux. « C’est un cas tout à fait excep-tionnel. Il existe certes des accords entre l’Europe et les gouvernements, où ces derniers paient pour parti-ciper à un projet qu’aucun Etat ne peut réaliser seul. Dans ces cas de figure, dont le CERN est embléma-tique, l’UE détermine et gère les contributions des gouvernements, selon une clé de répartition spéci-fique. Mais on ne peut pas parler de matching funds, à moins de vou-loir en faire un outil de communi-cation », explique Renzo Restori, ad-

joint à l’unité Recherche et relations internationales de l’UNIL.

Il en va tout autrement sur le plan national. En Suisse, les mat-ching funds sont monnaie courante dans le paysage académique. Le principe est consacré au niveau ju-ridique. La Loi fédérale sur l’aide aux universités, la LAU, précise que la Conférence universitaire suisse (CUS) est habilitée à soutenir des projets, monnayant une contribu-tion au moins égale de la part des institutions bénéficiaires. « Il s’agit véritablement d’une spécificité suisse. Je ne connais pas d’autre pays qui pratique ce mode de fi-nancement en tant qu’obligation lé-gale », affirme Renzo Restori.

gie des systèmes, reçoit à lui seul 50 millions de francs sur 4 ans. Des montants identiques sont at-tribués à Nano-Tera.ch, grande re-cherche sur les nanotechnologies. Autre exemple, les pôles de re-cherche nationaux du FNS, dans lesquels s’inscrit le programme sur les parcours de vie LIVES, pi-loté à l’UNIL par le professeur Da-rio Spini.

Cette allocation de fonds aux grands projets risque-t-elle de se faire au détriment d’autres pans de la recherche, moins visibles ? Renzo Restori en doute. « La CUS a certes un budget limité, mais on sait d’avance comment sont répar-ties les tranches entre les investis-

Non, ce n’est pas le nom d’un nouveau produit financier. Les « matching funds » désignent un mode de finance-ment particulier de projets académiques : lorsqu’une institution alloue des fonds à un projet de recherche, le bénéficiaire s’engage à octroyer une contribution propre. Un modèle typiquement suisse.

2

1

Les universités peuvent verser leur contrepartie soit en argent frais, soit in kind, en nature. Sont concer-nés les projets financés par le Se-crétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation, via la Conférence universitaire suisse ou à travers les projets spéciaux du Fonds national suisse de la re-cherche scientifique (FNS).

Plusieurs grands programmes sont financés selon ce modèle. Sys-temsX.ch, projet national en biolo-

sements de base et les projets spé-ciaux. Même situation au FNS où la répartition entre les différents ou-tils d’incitation à la recherche res-pecte un certain équilibre. »

Autre argument : les matching funds financent aussi des projets plus petits. En témoigne la réforme de la Faculté de théologie des Uni-versités de Lausanne, Neuchâtel et Genève ou le transfert du départe-ment de géologie de l’UNINE vers l’UNIL. RENATA VUJICA

Page 50: Allez savoir ! 54

«UN SUSPECT A LE DROIT DE

Commandant de police et chargé de cours à l’UNIL, Olivier Guéniat a livré récemment ses bons planspour mener des interrogatoires de police. L’ouvrage scientifique est devenu un best-seller inattendu.Retour sur un phénomène et plongée dans les coulisses des commissariats.PROPOS RECUEILLIS PAR JOCELYN ROCHAT – PHOTO NICOLE CHUARD

CRIMINALITÉ

ET IL NE S’EN PRIVE PAS»MENTIR

50 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

L’Ecole des sciencescriminelles de l’UNILwww.unil.ch/esc

Page 51: Allez savoir ! 54

ET IL NE S’EN PRIVE PAS»

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 51

Page 52: Allez savoir ! 54

52 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

L’un est chef de police, l’autre est commissaire et né-gociateur en situation de crise. Tous les deux sont des policiers aguerris qui ont de longues heures d’interrogatoires derrière eux. Olivier Guéniat et son collègue Fabio Benoit ont récemment publié en-

semble un ouvrage intitulé Les secrets des interrogatoires et des auditions de police. On y découvre un savant mé-lange de criminologie, de polar, de situations vécues et de conseils pour réussir ses interrogatoires.

Le livre, destiné avant tout à la formation des collègues, nous ouvre les portes des commissariats suisses. Comment les policiers font-ils parler les criminels ? Quelles sont leurs méthodes ? Ont-ils des points communs avec Columbo ? Oli-vier Guéniat et Fabio Benoit racontent. Tant et si bien que l’ouvrage est rapidement devenu un best-seller en Suisse, mais aussi en France, et il a dû être réédité.

Plongée dans cet univers fascinant avec Olivier Gué-niat pour guide.

Un interrogatoire, c’est d’abord une affaire d’am-biance. A vous lire, on découvre que le décor doit être très froid…Oui. Il faut que l’attention du suspect soit entièrement tour-née vers le lien que nous essayons d’établir avec lui. On doit donc éviter de lui offrir une échappatoire, par exemple une fenêtre tournée vers l’extérieur. Et on supprime tous les élé-ments perturbateurs : les téléphones sont éteints, personne n’entre dans la salle d audition. Le décor doit être glacial, parce que cette froideur favorise la chaleur dans la rela-tion que les enquêteurs cherchent à établir avec le prévenu.

Le décor est clinique, mais l’interrogatoire doit com-mencer chaleureusement. Vous recommandez la poi-gnée de main, le sourire, et vous conseillez même de prendre des nouvelles de la famille…

Parce que nous voulons favoriser l’empathie avec le sus-pect. Et après ces débuts, on entre dans une phase plus tactique, où nous allons alterner les stratégies, tout en es-sayant de rester dans cette relation respectueuse. Parce que, quand l’atmosphère devient extrêmement tendue, l’enquêteur s’épuise et le prévenu n’a pas envie de se confier et de raconter des choses intimes. On cherche donc à l’éviter.

Vous conseillez d’installer le suspect sur une chaise qui n’est pas attachée, pour qu’il puisse bouger. Vous n’avez pas peur qu’il utilise ce meuble comme une arme ?Nous prenons le risque, parce que ça nous permet de mieux observer ses réactions, et parce que la violence survient très rarement quand on pratique le respect. Dans la partie d’échecs qui se joue entre le suspect et nous, l’em-pathie est la première des armes, même si c’est une arme douce. Si on arrive à établir un lien de confiance avec la personne interrogée, il y a peu de risque qu’elle réponde avec de la violence. Ça n’arrive pratiquement jamais.

On découvre dans votre livre que vous n’utilisez pas certaines méthodes que l’on voit beaucoup dans les films ou à la télévision. Vous ne donnez pas de coups sur la tête avec un bottin de téléphone, comme dans « Les Ripoux ». Vous ne braquez pas de lumière crue dans les yeux en criant : « Nous avons les moyens de vous faire parler ! »…C’est exact. La violence est inadmissible, et nous essayons de l’éradiquer de l’interrogatoire. Nous nous interdisons aussi certaines méthodes utilisées aux Etats-Unis, qui consistent à toucher la personne, à tourner autour, à la pres-ser physiquement en entrant dans sa sphère intime. Nous ne nous approchons pas du suspect en le postillonnant.

CRIMINALITÉ

© T

wen

tieth

Cen

tury

-Fox

Film

Cor

pora

tion

/ T

he K

obal

Col

lect

ion

C’EST DU CINÉMA

En Suisse, on ne

braque pas une lampe

dans les yeux d’un

suspect (extrait de

"Train to Alcatraz").

Les détecteurs de

mensonge ne sont pas

fiables (extrait de

"Le Jour où la Terre

s’arrêta").

© R

epub

lic /

The

Kob

al C

olle

ctio

n

Page 53: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 53

Nous ne lui hurlons pas dans l’oreille… D’abord parce que c’est interdit en Suisse, mais aussi parce que cela peut pro-voquer de faux aveux, car il y a des gens qui ne supportent absolument pas ces traitements. Ils sont en revanche ad-mis et pratiqués aux Etats-Unis pour mettre une pression gigantesque sur le suspect, le stresser et rompre sa non-collaboration. En Suisse, nous enseignons des méthodes plus respectueuses, et nous arrivons aux mêmes résultats.

Contrairement à ce qu’on voit souvent à la télévision, vous ne négociez pas des arrangements avec les sus-pects en échange de bons tuyaux…La police suisse ne peut pas le faire. Nous ne mentons pas aux suspects, et nous ne leur racontons pas d’histoire. Nous ne pouvons donc pas faire de promesses à propos de la suite du processus judiciaire que nous ne maîtrisons pas. C’est dommage, parce que cette possibilité de négo-cier serait un outil intéressant dans certaines affaires, no-tamment de stupéfiants, mais c’est une méthode qui nous est interdite. Les Américains le font, pas nous. Enfin, pas la police. A noter tout de même que le procureur peut, dans certains cas, négocier la peine avec le prévenu.

Il n’y a pas non plus de détecteur de mensonge dans vos tiroirs. Même pour un suspect qui demanderait à subir un test afin de prouver sa bonne foi…Non, parce que cette technologie n’est pas fiable. Certains suspects, comme les psychopathes, l’esquivent à mer-veille. Ils maîtrisent totalement leurs émotions, ils ne sont pas stressés, ne transpirent pas ou n’ont pas de battements de cœur mesurables. En revanche, nous voyons apparaître l’imagerie à résonance magnétique fonctionnelle (IRM). On lit de plus en plus d’articles scientifiques à ce sujet dans les revues spécialisées. Il semblerait que, quand un individu ment ou qu’il dit la vérité, les zones en activité

de son cerveau ne sont pas les mêmes. De tels systèmes, qui permettraient de prouver scientifiquement qu’un sus-pect ment, sont commercialisés aux Etats-Unis. Ils sont encore controversés, mais je suis absolument persuadé que, dans une vingtaine d’années, l’IRM sera un des re-cours de la police.

On l’a vu à la télé et vous le faites dans la vraie vie : il vous arrive de jouer les naïfs comme Columbo…Ça dépend de la personnalité qui se trouve en face de nous. Lui laisser croire qu’elle est la plus forte est une tactique utile quand on veut la faire mentir. Protocoler des men-songes, c’est déjà un excellent résultat. On comprend que le suspect ment et on pourra adopter une autre stratégie dans la suite de l’enquête. Avec certains prévenus, cette technique donne des résultats merveilleux. Mais une mo-nostratégie, comme celle de Columbo, ne peut pas réussir à tous les coups, sauf si, comme lui, on a toujours affaire à des personnalités plutôt fortes, qu’on peut faire douter petit à petit.

Comme on peut le voir au cinéma, vous jouez au gen-til et au méchant flic…Oui. Celui qui joue le gentil doit capter l’attention du sus-pect afin qu’il se tourne systématiquement vers lui. Le mé-chant l’agresse, et le gentil semble lui tendre des perches. Ce jeu de rôle permet de pousser le prévenu dans ses re-tranchements. Parfois, ça marche. Il arrive qu’un suspect qui était fermé comme une huître s’ouvre au gentil.

Et comme dans les vieux films français, vous répétez inlassablement les mêmes questions…Oui, c’est un rapport de force. Avec cette pratique, on si-gnifie au suspect que nous n’acceptons pas sa réponse et nous reposons la question très souvent. Le suspect a le

© R

ue d

es A

rchi

ves/

RD

A

© U

nive

rsal

TV

/ T

he K

obal

Col

lect

ion

«DANS LA PARTIE D’ÉCHECS QUI SE JOUE ENTRE LE SUSPECT ET NOUS, L’EMPATHIE EST LA PREMIÈRE DES ARMES.»OLIVIER GUÉNIAT

BRUTES"Les Ripoux" mènent les interrogatoires à coups de bottin sur la tête. Une violence interdite en Suisse.

STRATÉGIE

Jouer les naïfs,

comme Columbo, peut

produire des bons

résultats.

Page 54: Allez savoir ! 54

54 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

droit de mentir, et il ne s’en prive pas. Mais mentir sur le long terme, c’est harassant. Un enquêteur sait pertinem-ment qu’un mensonge se construit, et que le suspect ne peut pas avoir tout prévu. Poser plusieurs fois les mêmes questions, de manière différente et en connaissant déjà les réponses, c’est encore une tactique quasiment infaillible pour confondre un suspect.

On découvre dans votre livre que vous avez regardé la série « Lie to me »…En fait, celui qui m’intéresse, ce n’est pas le Dr Lightman, le héros de la série, mais Paul Ekman, le scientifique bien réel qui a inspiré le personnage de fiction. C’est un véri-table psychologue qui a voué sa vie à la détection du men-songe, et qui est devenu un excellent connaisseur. La sé-rie Lie to me fait souvent référence aux théories de Paul Ekman même si, dans la vraie vie, ça ne marche pas aus-si bien qu’à la télévision. L’important, pour nous, c’est que l’enquêteur soit en alerte et capable de détecter les signes du mensonge chez le prévenu. Des microdémangeaisons, des comportements plus grossiers comme avaler difficile-ment sa salive, rougir, etc. On doit être attentif à tout signe de stress qui indique que la personne risque de mentir.

Ces nouvelles techniques sont-elles beaucoup prati-quées dans les commissariats de Suisse ?Non, c’est vraiment nouveau. Elles témoignent du rap-prochement de la recherche scientifique et de la police. Avant, les deux mondes s’ignoraient, et maintenant, ils se fréquentent. Et j’ai ce rôle d’universitaire d’amener la re-cherche le plus près possible du métier, et de mélanger les deux autant que faire se peut. Je prends beaucoup d’étu-diants dans la police, et ça crée des liens. Et l’université or-ganise des cours métier pour augmenter les connaissances et favoriser l’utilisation des produits de la recherche.

En quoi la réalité des interviews que vous pratiquez est-elle différente de ceux qu’on voit à la télé ?La différence la plus importante, c’est le temps. A la télé-vision, l’aveu est obtenu en quatre minutes. Moi, je n’ai ja-mais vécu cela. Un interrogatoire nécessite en règle gé-nérale des dizaines d’heures. Des fois plus. J’ai fait des interrogatoires de plus de dix heures, en plusieurs fois, avec la même personne. Reconstituer une heure de crime nécessite des dizaines d’heures d’interrogatoire. Et c’est encore plus compliqué quand on a affaire à quatre per-sonnes qui ont vécu la même scène.

C’est la seule différence ?Non, l’autre grande différence avec le cinéma ou la té-lévision, c’est que nous ne recherchons pas des aveux. D’abord parce qu’il y en a de faux. Une étude américaine a montré que 20 à 25 % des personnes condamnées à tort et disculpées après coup grâce à une analyse génétique avaient fait de faux aveux. Donc, plus que d’une déclara-tion, nous avons besoin des détails, ne serait-ce que pour éviter que le suspect ne revienne sur ses aveux par la suite. L’interrogatoire doit nous permettre de répondre aux questions qui ? quand ? quoi ? où ? comment ? C’est compliqué, et, à la fin, on n’obtient pas la vérité, mais juste la meilleure approximation possible de la vérité. La vérité n’existe pas, ou alors quand on a le film vidéo de la scène. Et encore.

Quels sont vos vrais atouts pour faire parler les suspects ?Nos stratégies. Il y en a de nombreuses et on les alterne. Souvent, le premier interrogatoire n’est pas intéressant. En règle générale, c’est un échange préliminaire qui per-mettra, peut-être au quatrième ou au cinquième entre-tien, d’obtenir des résultats pertinents. Voilà pourquoi

CRIMINALITÉ

«UN INTERROGA-TOIRE NÉCESSITE EN RÈGLE GÉNÉRALE DES DIZAINES D’HEURES. DES FOIS PLUS.» OLIVIER GUÉNIAT

MODÈLE

Le psychologue P

aul

Ekman (à gauche)

a inspiré le

personnage du Dr

.

Lightman dans la

série "Lie to me

".

© C

harle

y G

alla

y /

Get

ty Im

ages

Nor

th A

mer

ica

/ A

FP

© F

ox T

V /

The

Kob

al C

olle

ctio

n /

Ros

e, A

dam

Page 55: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 55

nous voulons que le prévenu ait envie de nous revoir. Après, tout va dépendre de la personne qu’on a en face de soi et de la manière dont elle interagit. Si le lien ne s’établit pas, on change d’enquêteur. Il faut saisir sa psychologie, et, pour cela, nous lui parlons volontiers d’autre chose que de l’affaire. On commence souvent par une biographie. Il faut tester sa mémoire, parce qu’elle peut devenir subite-ment très sélective. On cherche à savoir si le suspect a une bonne notion du temps, des détails, on évalue ses facultés intellectuelles, et, quand on aborde les faits incriminés, il va souvent nous répondre : « Je ne sais plus ».

Comment continuer l’interrogatoire ?L’idée, c’est d’entraîner le suspect dans ses propres contradictions. De le confronter à des éléments qu’il ne peut pas avoir oubliés. Et – c’est là qu’il y a toute la sub-tilité – de l’amener à reconnaître lui-même qu’il a men-ti. On ne lui met pas un ticket de bus sous le nez avant de lui crier dans les oreilles : « Menteur, à cette heure, tu n’étais pas dans le cinéma ! » Nous préférons cultiver son propre doute, pour que la personne interrogée se de-mande : « Qu’est-ce qu’ils ont ? Qu’est-ce que je peux af-firmer sans être contredit ? ». C’est souvent aussi simple que ça. Le suspect va tout faire pour éviter de se faire prendre en faute. Il gère ce risque. Donc, cultiver le doute dans son esprit est l’une de nos meilleures stratégies. Si le suspect ne sait plus ce qu’il peut dire ou pas, il y a des chances qu’il se rapproche de la vérité.

Des preuves scientifiques facilitent le travail…Bien sûr, parce que là, on sait de manière matérielle ce qui s’est passé. Si le prévenu nous dit « Je ne suis jamais allé dans cette maison », alors que nous avons retrou-

vé ses empreintes digitales sur un verre, ou qu’il y a des traces de pas, nous n’allons pas le contredire. On le laisse raconter, et on cultivera le doute par la suite. C’est là qu’il va lâcher le plus de détails, parce que, à un mo-ment donné, il comprend que c’est fini. Qu’il vaut mieux jouer franc-jeu. Le suspect sait que son avenir est dans la balance. Si la qualité du lien de confiance entre nous est bonne, il va se demander : je l’ai dupé, que va-t-il pen-ser de moi ? Plus on a réussi à établir un lien de confiance avec lui, plus cette notion devient importante.

Vous n’avez pas eu peur de donner des armes aux criminels en expliquant vos méthodes d’interroga-toires dans un livre ?Non, pas du tout. Je pense que c’est impossible de les ré-utiliser, de les retenir toutes et de se dire, tiens, l’inspec-teur utilise cette stratégie, ou alors celle-là. Les délin-quants n’ont rien à gagner à la lecture de notre livre, si ce n’est de savoir qu’ils seront traités de manière respec-tueuse et qu’on ne cherchera pas à les duper. Et puis, le document original qui a servi de base à ce livre fait 600 pages, et nous n’en avons publié que 200. Nous n’avons pas tout dévoilé, nous ne sommes pas non plus entrés dans les détails. Pour que ce soit utile à un criminel, il faudrait reprendre les auditions filmées et les exer-cices que nous pratiquons dans la formation. Et puis il faudrait s’entraîner pour esquiver de très nombreuses stratégies… Quand j’ai commencé à étudier cette problématique en 2002, j’ai commencé à compter les techniques que nous utilisions et j’ai réalisé que nous mettions jusqu’à huit stratégies en œuvre durant un seul interrogatoire. Pour le suspect, c’est dur de faire face.

«CULTIVER LE DOUTE DANS L’ESPRIT DU SUSPECT EST L’UNE DE NOS MEILLEURES STRATÉGIES.»OLIVIER GUÉNIAT

UN CAS VÉCU : L’ENQUÊTE NE S’ARRÊTE PAS À UN AVEU

Arrêté en flagrant délit de vol par ef-fraction sur une automobile, M. B. a été emprisonné en compagnie de ses com-plices. Les interrogatoires de tous les protagonistes ont mis en évidence une série de vols commis en bande et par métier. A chacun de ses interrogatoires, M. B. jurait sur tout ce qu’il avait de plus cher qu’il avait absolument tout avoué. Pourtant, ses complices l’impliquaient régulièrement pour d’autres cas, et les

résultats des différentes analyses et recherches démontraient qu’il avait commis bien plus d’actes répréhensibles qu’il le préten-dait. Malgré cela, M. B. n’avouait qu’au coup par coup, n’étant à même de reconnaître que trois ou quatre délits par interrogatoire. A chaque fois, il affirmait de manière très persuasive qu’il n’avait

aucune raison de cacher quelques vols supplémentaires au vu de la liste des infractions déjà reconnues.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer l’attitude de M. B. qui n’était tout simplement pas prêt à admettre l’entier de son activi-té délictueuse. Néanmoins, les enquêteurs ont continuellement dû lui faire comprendre qu’ils ne pouvaient pas le croire au vu des élé-ments en leur possession. Cette stratégie de longue haleine et leur patience furent payantes, et ils ont obtenu plusieurs confessions. Additionnés les uns aux autres, ces aveux ont finalement permis de mettre en évidence plus de 150 vols, plusieurs escroqueries, ainsi qu’un incendie intentionnel.

LES SECRETS DES IN TERROGATOIRES ET DES AUDITIONS DE POLICE, TRAITÉ DE TACTIQUES, TECHNIQUES ET STRATÉGIES.Par Olivier Guéniat et Fabio Benoit. Presses polytechniques et universitaires romandes (2012), 248 p.

Page 56: Allez savoir ! 54

Restez en contact avec l’UNIL

Pour suivre au quotidien l’actualité de l’université, voir les dernières vidéos ou consulter l’agenda des évènements. SmartCampus permet également de se géolocaliser sur le site de Dorigny. Avec « Share My Mood », partagez votre humeur du moment et découvrez celle de l’UNIL. Pratique, ludique et gratuite. www.unil.ch/smartcampus

L’application SmartCampus

pubSmartCampus_OK.indd 2 17.08.12 10:29

Page 57: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 57

1998« Ensuite, le Titanic, ce n’est pas n’im-porte quel rafiot. On parle du “plus grand objet mobile jamais réalisé par l’homme”. Mieux, il incarnait le luxe et la modernité, il était le som-met de la réalisation technique, la fierté d’une époque arrogante, eni-vrée de son propre progrès. Imagi-nez une embarcation de 270 mètres de long et de 31 mètres de haut, forte de quatre cheminées (dont une pos-tiche, installée uniquement pour l’esthétique et l’effet de grandeur) [...]. »

« Cette véritable ville flottante qui pouvait contenir jusqu’à 2 500 pas-sagers était considérée comme in-submersible. Le fait qu’elle ait som-bré a vraiment frappé les esprits : “C’est comme si la modernité elle-même coulait. Aujourd’hui, on est ha-bitué à douter de la technique, grâce en partie au discours écologique. Mais à la Belle Epoque, tout ce qui était moderne était bien. Le naufrage du Titanic a vraiment marqué la fin d’une époque”, souligne Jean-Pierre Keller. On y a vu une parabole, une leçon d’humilité, un châtiment à l’or-gueil des hommes. Qui, dans leur course prométhéenne, avaient oublié une fois de plus que la nature était la plus forte. Qu’elle était indomp-table et qu’elle pouvait être cruelle. »

« Et puis, le Titanic était bondé de passagers aux destins passionnants : tout le gratin britannique était là, de l’armateur du bateau au président

de la compagnie White Star Line. Sans parler de quelques richis-simes personnalités américaines : le couple Straus, propriétaire du ma-gasin Macy’s à New York, ou Ben-jamin Guggenheim, fils du nabab Meyer Guggenheim. Sur le bateau se trouvait aussi une large frange d’immigrants, pour la plupart par-tis d’Orient avec tous leurs bagages, prêts à recommencer leur vie sur le nouveau continent. Mais, d’après le sociologue, c’est la présence de quelques richissimes personnalités qui constitue l’élément marquant du scénario : “La richesse nous fascine. On n’y peut rien. Même les gens qui votent à gauche sont davantage inté-ressés par la mort des riches.... On l’a vu avec Lady Di”. »

Dans sa conclusion, Patricia Brambilla rappelait que le nom même du navire était « une allusion directe à la mythologie grecque. Les Titans ne sont-ils pas les enfants d’Ouranos, qui s’étaient révoltés contre Zeus, le dieu de l’Olympe, puis avaient été vaincus et jetés dans l’abîme du Tar-tare ? Le Titanic était entré dans la mythologie de son vivant, son nau-frage l’y a définitivement assigné. Puisqu’il continuera sans doute en-core longtemps à nous parler des choses difficiles, de la mort, de la disparition, de notre propre mort et de celle de la civilisation. »

*Ed. Zoé (1994), 176 p.

«Mais qu’est-ce qui nous attire à ce point dans ce désastre ? Qu’est-ce qui nous capt ive dans ce

drame maritime au point que, huitante-six ans plus tard, “il continue de hanter notre imagi-naire” ? », écrivait Patricia Bram-billa dans l’édition de janvier 1998 d’Allez savoir !

La journaliste avait interrogé Jean-Pierre Keller, alors professeur à la Faculté des sciences sociales et politiques et auteur de Sur le pont du Titanic*. Aujourd’hui professeur ho-noraire, l’enseignant indiquait que la trajectoire du paquebot « [...] contient tous les éléments du mythe et est emblématique à plusieurs points de vue ». A commencer par le fait qu’il s’agit de l’histoire d’un bateau. Et non d’un avion ou d’un train. Détail insignifiant ? Pas pour le sociologue qui fait remarquer que l’homme en-tretient une relation différente avec un navire qu’avec tout autre moyen de locomotion : « On personnifie les bateaux en leur donnant un nom. On dit le Queen Elisabeth, le France... Et puis en anglais, les bateaux ne sont pas neutres, ils sont féminins. On dit “she”. Une habitude qui doit sans doute remonter très loin, à l’époque des marins qui prenaient la mer. Au-tant de signes qui donnent au ba-teau une place à part dans notre imaginaire. »

LE TITANIC VOGUE ENCORE… DANS NOTRE IMAGINATIONL’édition 2013 des Mystères de l’UNIL a pris le célèbre paquebot comme métaphore d’une société utopique naviguant sur des eaux dangereuses. Un mythe qui perdure : Allez savoir ! avait traité de notre fascination pour le « Titanic » il y a quinze ans.

CETTE VÉRITABLE VILLE FLOTTANTE QUI POUVAIT CONTENIR JUSQU’À 2 500 PASSAGERS ÉTAIT CONSIDÉRÉE COMME INSUBMERSIBLE.

Texte paru dans Allez savoir ! N° 10, janvier 1998. Archives du magazine : www.unil.ch/allezsavoir

C’ÉTAIT DANS ALLEZ SAVOIR !

Restez en contact avec l’UNIL

Pour suivre au quotidien l’actualité de l’université, voir les dernières vidéos ou consulter l’agenda des évènements. SmartCampus permet également de se géolocaliser sur le site de Dorigny. Avec « Share My Mood », partagez votre humeur du moment et découvrez celle de l’UNIL. Pratique, ludique et gratuite. www.unil.ch/smartcampus

L’application SmartCampus

pubSmartCampus_OK.indd 2 17.08.12 10:29

Page 58: Allez savoir ! 54

58 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

RENDEZ-VOUS Toute l’actualité des événements, conférences, colloques, soutenances de thèses ou congrès organisés à l’Université de Lausanne se trouve sur www.unil.ch, rubrique mémento.

Samedi 1er et dimanche 2 juin 

MYSTÈRES DE L’UNILConsacrées au « pire meilleur des mondes », les portes ouvertes de l’UNIL proposent d’embarquer en compagnie de 300 chercheurs, enseignants et étudiants pour une croisière surprenante. Des visites de laboratoires et une vingtaine d’ateliers sont au programme. UNIL-Sorge. www.unil.ch/mysteres

Lundi 3 et mardi 4 juin 

FORUM DE L’INNOVATION FRANCE SUISSE Deux journées permettront de faire le point sur les aspects technolo-giques et sociétaux de la transition énergétique, en présence de nom-breux experts des mondes politique, économique et industriel. UNIL-Sorge. Amphimax. Inscriptions www.unil.ch/fifs2013

Vendredi 7 juin 

SVANTE PÄÄBOLe généticien suédois donne une conférence publique, en anglais, sous le titre « Archaïc Genomics ». Le directeur du laboratoire de génétique évolutive de l’Institut Max-Planck a montré que certains d’entre nous portent, dans leurs gènes, un peu de Neandertal. UNIL-Sorge. Génopode, 17 h. www.unil.ch/cigsymposium/page60108.html 021 692 39 00

Jeudi 6 juin

Acte académique solennel conjoint entre la Fondation Jean Monnet pour l’Europe et l’Académie royale des Sciences économiques et financières d’Espagne : « L’Union européenne au-delà de la crise ». UNIL-Dorigny. Internef, auditoire 263. De 9 h 30 à 17 h 15. www.jean-monnet.ch 021 692 20 90

L’EUROPE À DORIGNYMardi 4 juin

LOUIS RIVIER L’artiste vaudois est surtout connu pour ses peintures murales et ses vitraux. L’exposition propose de découvrir son style unique, imprégné de références à la Renaissance ita-lienne et à la peinture flamande. Visite conduite par l’une des commissaires. Lausanne. Musée historique. Mardi 4 juin et jeudi 13 juin à 14 h 15. www.connaissance3.ch 021 311 46 87

Mercredi 12 juin 

SUR LA LIBERTÉDans le cadre de son cycle de confé-rence co-organisé avec les Facultés de droit et des SSP, le Centre Walras-Pareto recevra Anselm Jappe. Sa com-munication : « Liberté et émancipation sociale chez Karl Marx : peut-on s’émanciper du fétichisme de la mar-chandise ? » UNIL-Dorigny. Anthropole, salle 2055. De 17 h 15 à 19 h www.unil.ch/cwp 021 692 28 40

Jusqu’en décembre 

LES RÉCIFS CORALLIENS DE L’ANTHROPOCÈNEL’exposition fait comprendre pourquoi les récifs coralliens sont des environnements fragiles, actuellement menacés par les changements globaux anthropogéniques. Elle montre l’importance des environnements récifaux pour la biosphère et la protection des côtes (populations côtières) et illustre le dépérissement des récifs sous l’influence de l’anthroposphère. L’exposition comprend une dizaine de panneaux avec de nombreuses photos, des infographies, ainsi que des animations vidéo et de superbes échantillons de coraux. UNIL-Mouline. Géopolis, hall du niveau 2. www.unil.ch/dixansfgse

58 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

Jusqu’au samedi 24 août 

GOOGLE IMAGES IS A NEW RELIGIONDiplômé de l’ECAL, le jeune artiste suisse Yannick Lambelet s’approprie des éléments d’images trouvées sur Internet pour recréer des univers et des espaces oniriques et irréels. UNIL-Dorigny. Anthropole, le Cabanon (en face de l’auditoire 1129). Lu-ve 8h-19h, sa 10h-17h www.lecabanon-unil.ch

© P

eter

Bau

mga

rtne

r

© D

R

© D

R

Page 59: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 59

Jusqu’au dimanche 16 juin 

ANNE M. BOURGEOISLes livres constituent depuis des années tout un pan de la production artistique d’Anne M. Bourgeois. Peints, cousus, agrémentés de dessins et de textes, de collages et de broderies, ses livres, tous uniques, constituent un univers en soi. Lau-sanne. Palais de Rumine, Bibliothèque cantonale et universitaire. www.unil.ch/bcu 021 316 78 63

En permanence

L’ÉPROUVETTEAnniversaires pour les enfants, ateliers sur la génétique, la police scientifique, le goût ou le cerveau parmi tant d’autres : le laboratoire public de l’UNIL organise des activités ludiques, accessibles à tous. L’animation est assurée par des jeunes chercheurs.www.unil.ch/inter-face/page18617.html 021 692 20 79 (tous les matins, sauf le vendredi)

FRÉQUENCE BANANELa radio du campus, animée par des étudiants, s’est offerte un nouveau logo au début de l’an-née. Elle diffuse ses émissions 24h/24 et 7 jours sur 7 sur le câble (94.55 MHz) et sur le Net. Au programme : infos, chro-niques, débats et musique. Pour ne rien rater de la vie sur les cam-pus de l’UNIL et de l’EPFL.www.frequencebanane.ch

Mercredi 3 juillet

TANDEMCe programme permet à deux personnes de langue maternelle diffé-rente de se rencontrer pour améliorer leurs compétences linguistiques de manière autonome, efficace et déten-due. Ouvert à tous. Autres dates de formation des tandems : 24 juillet et 14 août. (Voir également en p. 8)UNIL-Dorigny. Anthropole, 18 h. www.unil.ch/tandem 021 692 30 94

Samedi 28 septembre

LE SENTIER DE LA TRUITEVenez nous aider à entretenir notre sentier didactique : arrachage des plantes envahissantes, ramassage des déchets et entretien des panneaux. Gratuit, repas offert. Tolochenaz. Maison de la Rivière. De 9 h à 16 h. www.maisondelari-viere.ch 021 802 20 75. S’inscrire à l’avance au 078 802 01 62 ou [email protected]

Samedi 24 août

SURPRISES À POILA l’occasion de la Journée des centres-nature de Suisse, venez découvrir le monde des micromam-mifères, en collaboration avec les gardes-faune de la région.Tolochenaz. Maison de la Rivière. www.maisondelariviere.ch 021 802 20 75. S’inscrire à l’avance au 078 802 01 62 ou [email protected]

Dimanche 29 septembre

PLANTES ENVAHISSANTESA l’occasion de notre semaine de lutte contre les plantes envahissantes, venez apprendre comment La Maison de la Rivière tente de lutter contre leur expansion. (Lire également en p. 30). Tolochenaz. Maison de la Rivière. De 10 h à 12 h www.maisondelari-viere.ch 021 802 20 75. S’inscrire à l’avance au 078 802 01 62 ou [email protected]

Mardi 17 septembre

RENTRÉEDébut des cours pour le semestre d’automne 2013-2014. Une semaine d’accueil pour les nouveaux étudiants est organisée du 9 au 13 septembre. Les cours prennent fin le 20 décembre.Calendrier académique : www.unil.ch/central/page4804_fr.html021 692 21 00

Jusqu’au mardi 14 janvier 2014 

SELLe Musée de la main consacre une grande exposition au thème du sel. Destiné aux petits comme aux grands, un parcours interactif présentera ce produit familier et pourtant méconnu, sous ses aspects à la fois biologique, historique ou encore artistique. Lausanne. Fondation Claude Verdan – Musée de la main. www.verdan.ch 021 314 49 55

Dimanche 23 juin 

HISTOIRES D’ARBRESUn peu de botanique, un peu d’his-toire et quelques légendes. Venez vous ressourcer lors d’une balade enivrante aux alentours de La Maison de la Rivière. Tolochenaz. Maison de la Rivière. De 10 h à 12 h. www.maisondelariviere.ch 021 802 20 75. S’inscrire à l’avance au 078 802 01 62 ou [email protected]

© JM

P de

Nie

uwbu

rgh

- Fot

olia

.com

Cyn

thia

Gig

on©

UN

IL

Vendredi 14 juin

GUSTAVE ROUDLa conférence d’Antonio Rodriguez, professeur associé en section de français, permettra de comprendre le traitement de la ruralité dans la littérature et la photographie de Gus-tave Roud, ainsi que les liens et les différences avec l’œuvre du peintre vaudois Eugène Burnand. Moudon. Musée Eugène Burnand, 20 h. www.moudon.ch 021 905 88 66

Vendredi 21 juin 

FAMILLE ET POLITIQUELe Pôle de recherche national LIVES organise une table ronde avec des décideurs sur le thème de l’élaboration des politiques sociales et familiales. Ou comment rendre la recherche véritablement utile à la société ?Genève. Uni-Mail, salle MR290, 17 h 15-18 h 30. www.lives-nccr.ch

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 59

© B

CU

Lau

sann

e

© D

R

© D

S

© C

RLR

Page 60: Allez savoir ! 54

60 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

FORMATION CONTINUE

La mobilité sans cesse croissante des individus et des en-treprises liée à la mondialisation bouscule le droit fis-cal, territorial par nature. Depuis les années 2000, ce dernier connaît ainsi « une évolution sans précédent », remarque Robert Danon, professeur de droit fiscal aux

Facultés de droit et des HEC et directeur de l’Executive Mas-ter of Advanced Studies in International Taxation (MASIT). De plus, la lutte menée par l’OCDE contre la planification fiscale agressive et les pressions exercées par l’Union eu-ropéenne sur la Suisse au sujet de l’imposition des multi-nationales apparaissent régulièrement dans les médias.

Le MASIT, dont la première édition débute en septembre 2013 à l’UNIL, se propose justement de consolider les nou-velles connaissances et tendances dans le domaine et d’en livrer une synthèse aux participants. Qui sont-ils ? « Par exemple, des personnes qui travaillent dans l’administra-tion, des conseillers fiscaux qui exercent en entreprise ou auprès d’individus, que ce soit dans des études d’avocats, des fiduciaires ou des banques », indique Robert Danon. Ac-cessible sur dossier, et après un entretien, le programme est ouvert aux diplômés en Droit ou en Sciences économiques, qui en retireront le meilleur s’ils possèdent déjà quelques années de pratique professionnelle. La formation débute par un tronc commun solide, où sont traités – par exemple

– les conventions de double imposition, le droit fiscal euro-péen ou la TVA. Elle se poursuit avec des spécialisations et se conclut par un travail de mémoire. Avant de se lancer, les participants doivent se décider : curriculum suisse ou cur-riculum international ? Le premier se destine aux profes-sionnels qui souhaitent pratiquer le droit fiscal suisse de-puis notre pays. Il comprend une spécialisation approfondie sur les questions de fiscalité suisse, tout en établissant des parallèles avec des aspects internationaux. Le curriculum international, quant à lui, propose deux spécialisations au choix : la planification fiscale internationale des entreprises (notamment les multinationales) ou des individus. Enfin, le sujet du travail de mémoire est laissé aux étudiants, qui de-vront le soutenir devant un jury pour décrocher leur diplôme.

Donné entièrement en anglais, le MASIT peut être suivi à temps complet (un an) ou à temps partiel (un an et demi). La formule choisie est celle des cours-blocs (six jours par mois en moyenne).

Les intervenants, qui proviennent du monde entier, sont des spécialistes de leur domaine. Ils exercent dans des uni-versités, des entreprises et des administrations de différents pays. Naturellement, des hauts fonctionnaires de l’Union européenne ainsi que d’organismes internationaux comme l’OCDE en font partie. Comme le nombre d’étudiants est li-

« A MOYEN TERME, JE SOUHAITE LA CONSTITUTION D’UN CENTRE DE COMPÉTENCES EN DROIT FISCAL INTERNATIONAL ET EUROPÉEN, DONT NOUS AVONS BESOIN. »ROBERT DANON

Détails et inscriptions :www.formation-continue-unil-epfl.ch021 693 71 20

Proposé à Lausanne, un « Executive Master of Advanced Studies » ouvre les portes du droit fiscal, suisse et international. Une formation en phase avec l’actualité.

L’HORLOGERIE FINE DE LA FISCALITÉ

Page 61: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 61

mité, les échanges avec les enseignants sont favorisés. Pas de cours ex cathedra au programme, même si les volets théo-riques restent indispensables. Les études de cas, les travaux de groupe, les workshops et les exercices jalonnent un cur-sus exigeant, ponctué de deux séances d’examens. Il faut s’attendre à deux ou trois jours de préparation par mois, ain-si qu’à des lectures obligatoires et conseillées. « Les partici-pants se constituent ainsi une bibliothèque de références », note Robert Danon. Ce contenu volumineux est disponible en ligne : chacun reçoit un iPad personnel, qui lui donne ac-cès à l’ensemble de la documentation nécessaire. Enfin, des modules en leadership et en stratégie sont proposés vers la fin du parcours. De quoi prendre de la hauteur, après une année d’immersion au cœur de la technique fiscale.

Donné dans le cadre de l’Université de Lausanne, le MASIT relève un défi : « Appliquer des connaissances aca-démiques, fouillées et structurées, à des problèmes très concrets et actuels », note Robert Danon. Ce programme ca-talyse de plus une série de projets de recherche et de thèses auxquels tient beaucoup son responsable. « A moyen terme, je souhaite la constitution d’un centre de compétences en droit fiscal international et européen, dont nous avons be-soin. » Le MASIT crée des contacts et favorise les échanges et une meilleure compréhension entre praticiens suisses et européens, à l’heure où de nouvelles règles se mettent en place au niveau du continent. « Celles-ci ne visent pas à sup-primer la concurrence fiscale entre les Etats, mais à l’en-cadrer et à la rendre plus saine. Notre pays se doit de maî-triser ce nouvel environnement, afin d’y trouver sa place », conclut Robert Danon.DS

Renseignements : www.hec.unil.ch/masit

ET ENCORE...

SCIENCES COGNITIVES ET CONSCIENCEAutrefois l’affaire exclusive des spécialistes, les neuros-ciences ont quitté leurs laboratoires pour entrer dans la vie quotidienne. La manière dont notre esprit fonctionne, l’ac-tion des émotions sur la prise de décisions, les coulisses de l’apprentissage, de la mémoire, de l’intelligence ou de la perception intéressent largement le public, les institutions et les entreprises. Privat-docent en Faculté des sciences so-ciales et politiques, philosophe, Olivier Jorand propose deux jours de formation (et de mise à niveau) sur le thème de la conscience. Le cursus, nourri par la recherche la plus ré-cente et illustré de nombreux exemples, intéresse notam-ment les psychologues, les psychiatres, les linguistes, les thérapeutes ou les enseignants. Accessible sans connais-sances préalables, le cours ne propose en aucun cas des re-cettes toutes faites. Il se veut interdisciplinaire, afin d’ouvrir le dialogue entre professionnels actifs dans des disciplines proches. La construction d’un référentiel partagé fait ainsi partie des objectifs. « Nous vivons dans une période fantastique pour les neuros-ciences cognitives, explique Olivier Jorand. Nous sommes en mesure aujourd’hui de développer des discours qui, construits sur des données de pointe, peuvent se couler dans un schème général de compréhension et de vulgari-sation qui repose sur des modèles simples (et non pas sim-plistes !) et élégants. »

www.formation-continue-unil-epfl.ch/sciences-cognitives-conscience

ET DANS VOTRE DOMAINE D’INTÉRÊTS ?La Formation Continue UNIL-EPFL offre un large éventail de formations. Actuellement, plus de 80 programmes sont proposés aux professionnels des secteurs publics et privés, dans des domaines aussi variés que la Gestion, l’Economie, le Droit, la Santé, le Social, les Sciences humaines ou en-core les Sciences & Techniques. « Notre catalogue de cours ne cesse de s’étoffer et nous avons constaté qu’il était dif-ficile pour les professionnels, souvent pris par le temps, de se tenir informés sur l’offre de formations qui touchent spé-cifiquement leurs domaines d’intérêts », explique Marlène Henry Lendi, responsable Communication de la Formation Continue UNIL-EPFL.Ainsi, est née l’idée de développer la plateforme Restez informé(e). Cette dernière permet aux personnes qui s’y inscrivent d’être automatiquement alertées par courriel des nouveautés et autres actualités concernant les formations continues UNIL et EPFL, relatives à leurs champs de prédi-lection. De la finance à l’éducation en passant par la chimie ou la pédiatrie – il y a plus de 30 domaines d’intérêts à choix. « Offrir autant d’options, c’est pour nous l’assurance de ré-pondre au plus près aux besoins de chacun, de ne pas noyer les gens avec des informations qui ne les intéressent pas », ajoute Marlène Henry Lendi. Alors, pour celles et ceux qui souhaitent rester informés en toute simplicité, rendez-vous sur www.formation-continue-unil-epfl.ch/restez-informes

COMPÉTENCESL’Internef, où sont installées la Faculté de droit et la Faculté des HEC. Robert Danon, professeur de droit fiscal. Photos Nicole Chuard ©

UNIL et © Jean-Sébastien Monzani.

Page 62: Allez savoir ! 54

NOM / PRÉNOM

ADRESSE

CODE POSTAL / LOCALITÉ

TÉLÉPHONE

E-MAIL

DATE ET SIGNATURE

JE M'ABONNE À « ALLEZ SAVOIR ! » Pour s’abonner gratuitement à la version imprimée, il suffit de remplir le coupon ci-dessous et de l’envoyer par courrier à : Université de Lausanne, UNICOM, Amphimax, 1015 Lausanne. Par fax au 021 692 22 05. Ou par courrier électronique à [email protected]

Page 63: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 63

Un petit village à l’ombre d’un flanc de montagne où la jeunesse se heurte aux traditions ancestrales. Des drames, des rires, des bê-

tises d’adolescents, des secrets et des anecdotes qui parlent à tout un chacun et en deviennent des my-thologies sociales révélatrices de la vie. Jérôme Meizoz, maître d’ensei-gnement et de recherche en Litté-rature française, est également un écrivain reconnu. Son dernier ou-vrage, Séismes, offre un tableau im-pressionniste de son Valais natal.

Du décès de la mère du narrateur, encore petit garçon, au tir à balles réelles au service militaire qui fait du conteur un homme, vingt-quatre courts chapitres racontent ce trau-matisme à la saveur aigre-douce qu’est l’adolescence. Ce séisme qui fait basculer l’enfant dans le monde des adultes, Jérôme Meizoz sait le raconter au travers de sa vision sen-sible, mais non dépourvue d’ironie. Ceux qui ont grandi dans les années 70 à la campagne reconnaîtront au premier coup d’œil les salles de classe aux bancs de bois, la messe du dimanche matin, les souvenirs de guerre des plus vieux racontés en patois, le camp scout, l’argent à économiser pour se payer une télé-vision qui trône fièrement dans le salon ou l’exploration de la grande ville et de ses libertés. Pour les autres, ces histoires dévoilent cette période de vie où tout est possible, ce sentiment d’invincibilité, la dé-

couverte de la sexualité, ce regard à la fois naïf et tellement juste sur un monde que les adultes ne semblent déjà plus partager. « Enfant, les choses sont ordonnées, car l’Uni-vers est donné comme cohérent par les adultes. Mais à l’adolescence tout s’effrite et les réponses des grands se révèlent insuffisantes. Il faut dé-couvrir la réalité dans la douleur. »

Le Valaisan de 46 ans tente ses premiers récits durant la rédaction de sa thèse, dans les années 90. Il ressent l’envie d’écrire de manière plus personnelle et d’explorer sa mémoire familiale. En naît le texte Morts ou vif (Zoé, 1999) qui est dé-signé « Livre de l’année de la Fonda-tion Schiller » en 2000. « Ça m’a don-né le goût de continuer et d’explorer plus à fond certaines questions. » Inspiré par des auteurs comme An-nie Ernaux ou Pierre Bergounioux, Jérôme Meizoz s’inscrit dans leur lignée de questionnement sociolo-gique sur la famille, les liens et le monde moderne. « Si je me suis mis à publier, c’est que je pense que la lit-térature a quelque chose à dire sur l’arrivée de cette modernité indivi-dualiste et sur le changement cultu-rel des années 70-80. » Au contraire de ses premiers textes clairement autobiographiques, Séismes est une innovation puisque c’est une fic-tion. Un récit qui s’inspire tout de même de souvenirs et de situations vécues mais remodelées, recollées ou déformées. « La fiction permet des libertés avec ses propres sou-

venirs. Dans la vie, il y a certaines choses qui sont devenues des mal-heurs parce qu’on n’a pas su en par-ler. L’écriture, c’est aussi trouver les mots pour le dire. »

Si Jérôme Meizoz partage au tra-vers de ses livres, il le fait également en face-à-face avec ses étudiants de français, grâce notamment à un atelier pratique d’écriture littéraire qu’il anime depuis deux ans. L’au-teur les invite à ne pas se laisser inti-mider par la langue. « La littérature est un acte créatif, il faut oser s’en emparer pour exprimer des émo-tions. Il s’agit de bousculer la langue, de faire entendre le bruissement de la rue et pas seulement l’ordre im-peccable de la grammaire. » Par-tant de ses carnets de notes pour al-ler vers de petits textes qui forment peu à peu une vaste fresque, l’en-seignant griffonne en permanence. Mais il ne rédige vraiment que par périodes. « J’écris quand ça presse. Je prends des notes, j’ai des images en tête et tout à coup ça s’agrège. » Si les sphères académique et litté-raire ont des liens pour Jérôme Mei-zoz, elles restent toutefois séparées. L’écriture académique est forma-tée par des règles précises tandis que l’écriture de fiction ne doit pas respecter un cadre ni une mission. « Ecrivain, ce n’est pas un métier pour moi. A l’adolescence, personne ne m’avait ja-mais dit qu’il était pos-sible de devenir écrivain. » SOPHIE BADOUX

««

JÉRÔME MEIZOZ Enseignant de Littérature française et directeur-adjoint de la Formation doctorale interdiscipli-naire de la Faculté des Lettres, Jérôme Meizoz consacre son temps libre à l’écriture. Il a publié une dizaine d’ouvrages litté-raires, dont Séismes (Zoé, 2013, 94 p.), pour lequel il a obtenu une bourse littéraire de Pro Helvetia. Un de ses livres épuisés, Destinations païennes paraît également en poche (Minizoé, 2013).Félix Imhof © UNIL

BOUSCULER LA LANGUEJérôme Meizoz poursuit l’exploration littéraire et sociale qui l’anime au travers de Séismes, sa première œuvre de fiction qui vient de paraître.

LIVRES

Pour les lecteurs d’Allez sa-voir !, Jérôme Meizoz lit un ex-trait de Séismes. A écouter sur www.unil.ch/allezsavoir, ainsi que sur la version iPad.

Page 64: Allez savoir ! 54

64 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

LIVRES

Musée aussi intelligent que punk, la Maison d’Ailleurs a inauguré ce printemps un nouvel espace d’exposition, baptisé « Souvenirs du fu-

tur ». C’est également le titre d’un ou-vrage jubilatoire, qui met en valeur une partie nanométrique des 100 000 do-cuments conservés à Yverdon. Le lec-teur regrette presque que l’ouvrage – pourtant bien illustré – n’exploite pas davantage cette mine d’or – ou plutôt de kryptonite. Des gravures du XVIIe siècle à une couverture modèle 1976 de Métal hurlant tournant la fusée lu-naire de Tintin en dérision, l’iconogra-phie constitue à elle seule une excur-sion dans l’imaginaire.

Si l’on en juge par les couvertures des pulps, ces magazines américains des années 20 à 50, le futur avait l’air

plutôt excitant vu du passé : les jour-nées des Terriens consistaient à explo-rer des planètes lointaines et merveil-leuses, dézinguer des extraterrestres baveux à grands coups de laser, déjouer des complots cosmiques ou flirter avec des Vénusiennes en tenue moulante (dans n’importe quel ordre).

De tout cela, il n’est hélas plus ques-tion aujourd’hui. Place au cauchemar : les représentations de la fin du monde (admirez les horrifiques splendeurs ti-rées des ouvrages de Camille Flam-marion) parlent davantage aux es-prits contemporains. Il en est ainsi de la science-fiction, qui a souvent traité d’ici et maintenant tout en mettant en scène l’ailleurs et le demain.

Neuf textes jalonnent l’ouvrage. Parmi les contributeurs figurent plu-sieurs chercheurs de l’UNIL, qui ap-

portent l’éclairage de leurs domaines : principalement la littérature et le ci-néma. Même si les essais décollent de l’Utopie de Thomas More (1516) et tra-versent le temps et l’espace jusqu’aux blockbusters récents comme Avatar, l’ouvrage ne constitue pas une histoire de la science-fiction. Mais plutôt une sé-rie d’instantanés sur des aspects parti-culiers : le merveilleux scientifique, la naissance du genre ou la bande dessi-née franco-belge, par exemple.

Ces textes savants, mais accessibles, sont complétés par des « zooms », soit des coups de projecteur jetés sur des points précis. Au choix, on y trouve H. G. Wells, les illustrateurs de couverture de pulps ou, plus fou encore dans un livre à forte teneur en minerai académique, le jeu de rôle. La Maison d’Ailleurs pos-sède visiblement une belle collection de ces objets ludiques qui permettent, sans pixels ni manettes, de vivre en science-fiction, ainsi que l’écrivent les auteurs.

Même après avoir été lu et relu, l’ouvrage possède encore une fonction cachée. Son format et son poids per-mettent d’estourbir le cuistre qui ose encore affirmer que la science-fiction, « c’est pour les débiles ». DS

SOUVENIRS DU FUTUR Sous la dir. de Marc Atallah, Frédéric Jaccaud, Francis Valéry. Presses polytechniques et universitaires romandes (2013), 223 p.

Un ouvrage richement illustré met en valeur les collections de la Maison d’Ailleurs, le musée de la science-fiction, des utopies et des voyages imaginaires. Plusieurs chercheurs de l’UNIL y ont participé.

LA SF PREND DU GALON

64 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

© C

oll.

Mai

son

d’A

illeu

rs /

Age

nce

Mar

tienn

e

Page 65: Allez savoir ! 54

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 65

LES EAUX SOMBRESDU LÉMAN

C’est à d’étonnantes balades que nous invitent les auteurs de ce guide pas comme les autres. A l’occasion d’un séminaire de mas-ter, une vingtaine d’étudiants de l’UNIL se sont intéressés aux écoles lausannoises. Dirigé par Dave Lüthi, professeur assistant en section d’Histoire de l’art, cet ouvrage en petit format met en lien l’architecture et les théories pédagogiques des XIXe et XXe

siècles. Bien illustré, pourvu de cartes et agréable à lire, ce livre présente les nombreux bâtiments scolaires de la capitale vaudoise sous un regard tout à fait original. DS

LAUSANNE – LES ÉCOLES. Par Dave Lüthi (dir.). Société d’histoire de l’art en Suisse, coll. Architecture de poche (2012), 255 p.

En 21 chapitres brefs, Manon Jendly, maître d’enseignement et de recherche à l’Institut de criminologie et de droit pénal, livre un tour d’horizon de la prévention de la criminalité. L’auteur soutient fortement l’idée que cette dernière est bien plus pro-metteuse, à terme, que la répression. La recherche montre que la perspective de la sanction, même celle de la peine de mort, n’a que peu d’influence sur les comportements. Pire : l’effet de « brutalisation » qu’elle génère peut favoriser un climat de violence dans la société. DS

PRÉVENIR LA CRIMINALITÉ : OUI… MAIS COMMENT ?  Par Manon Jendly. Les Editions de l’Hèbe (2013), 90 p.

Sous-titré « Les insectes sur la scène du crime », cet ouvrage de référence traite de la manière dont les nécrophages peuvent être utilisés pour élaborer la datation de la mort, dans le but d’aider la justice pénale. Cette deuxième édition, revue et augmentée, est le fruit de la collaboration entre l’inspecteur de la Sûreté Claude Wyss et l’entomologiste Daniel Cherix, Prix de l’Université 2013. Si le texte s’adresse plutôt aux professionnels du domaine, il peut également intéresser les curieux et les amateurs de séries télévisées. DS

TRAITÉ D’ENTOMOLOGIE FORENSIQUE. Par Claude Wyss et Daniel Cherix. Presses polytechniques et universitaires romandes (2013), 317 p.

Rédigé par Taline Garibian et Vincent Barras (respectivement chargée de recherche et directeur de l’Institut universitaire d’histoire de la médecine et de la santé publique), cet ouvrage permet de prendre du recul, en pleine polémique sur le nombre de médecins étrangers exerçant en Suisse. L’impact de la migration sur le système de santé, que l’on parle du personnel soignant ou des patients, agite les esprits depuis un siècle au moins, avec des moments de grande crispation avant et pendant la Deuxième Guerre mondiale. DS

MIGRATION ET SYSTÈME DE SANTÉ VAUDOIS, DU19e SIÈCLE À NOS JOURS. Par Taline Garibian et Vincent Barras. Editions BHMS (2012), 72 p.

Maître assistant à l’Institut de sciences sociales des religions contemporaines, Claude-Alexandre Fournier s’est intéressé à sa grand-mère, Odette Fournier. Sage-femme à Haute-Nendaz entre 1936 et 1973, cette figure importante de la communauté était présente aux deux extrêmes de la vie, la naissance et la mort. Elle a également contribué au passage vers la modernité, en adoptant rapidement le téléphone et l’automobile. Un ouvrage passionnant, enrichi de nombreux témoignages. DS

ODETTE FOURNIER, SAGE-FEMME. ATTITUDES RELIGIEUSES FACE À LA NAISSANCE EN VALAIS ENTRE 1930 ET 1970. Par Claude-Alexandre Fournier. Editions Labor et Fides (2013), 234 p.

Collectées par Marius Daniel Popescu, éditées par Giu-seppe Merrone (BSN Press) sous le titre Léman Noir, ces nouvelles nous entraînent dans le monde du crime, pas-

sionnel ou professionnel, situé entre Villeneuve et Genève, sur les rives d’un lac réputé touristique, considéré dans ses abords immédiats, les rochers, les bains, les quais, ou ob-servé depuis les hauteurs lausannoises. Le charme d’un tel recueil réside dans sa façon de nous inviter tour à tour dans

un univers qui se donne avec hu-mour et clarté, ou qui se laisse ap-procher un peu plus mystérieuse-ment, voire difficilement, dans un style sombre sans rémission.Au lecteur de jouer, de se laisser glisser sur ces rivages travaillés par des auteurs universitaires ou pas, en provenance du milieu comme Jean Chauma (reconverti

depuis longtemps dans la littérature), de l’UNIL comme Jé-rôme Meizoz, Raphaël Baroni et Myriam Moraz, ou d’ailleurs.

Avec pas moins de vingt écrivains romands réunis, la variété est au rendez-vous, genre, génération, langage. Par-fois l’on tombe sur une phrase comme celle-ci : « Il y a neuf ans, j’ai quitté ma femme pour une sirène, et aujourd’hui je désommeille brutalement à côté d’une baleine » et l’on songe trop rapidement à un auteur masculin, confondu avec son narrateur obsessionnel, et puis non : ce texte intitulé La cas-quette rouge de Federer est signé Virginie Oberholzer, dont la biographie en fin d’ouvrage nous apprend qu’elle « vit actuel-lement à Lausanne, où elle partage activement sa vie entre le frigo, son lit et la TV »… Ce charmant recueil ne manque pas de surprendre ; d’un récit à l’autre nous basculons dans l’horreur ou demeurons suspendus à un fil tranché d’une manière insolite, énigmatique. Les corps évoqués sont dé-membrés, éventrés, emballés, déterrés, déplacés, engloutis, endoloris, emprisonnés, alcoolisés, surpris par les éléments, rattrapés par la fatalité ou simplement fatigués. Même les per-sonnages convaincus d’avancer se trompent, se perdent, s’en sortent parfois, mais de peu et uniquement parce que le ha-sard, alors, fermait les yeux. Comme le rappelle Marius Da-niel Popescu, citant dans son introduction le romancier cana-dien Christopher G. Moore : « J’aime considérer le noir comme le produit de contradictions et de désillusions qui condamne des êtres à vivre sans aucun espoir de les atténuer jamais. Peu importe alors qu’ils luttent, car ils ne s’en sortiront pas ». Sombre, on vous dit. NR

LÉMAN NOIR Nouvelles inédites réunies par Marius Daniel Popescu.Giuseppe Merrone Editeur (2012), 221 p.

Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne 65

Page 66: Allez savoir ! 54

66 Allez savoir ! N° 54 Mai 2013 UNIL | Université de Lausanne

Deux heures devant soi pour décrocher et discuter, c’est le luxe. « L’aptitude à la re-cherche de pointe est à son maximum entre 30 et 45

ans ; vers 50 ans on élargit la vision, on est enclin à la synthèse, on de-vrait déposer des corequêtes avec un junior, et prendre du temps pour écrire des livres destinés aux étu-diants. Mais le système est devenu fou. Tout le monde présente des pro-jets de tous les côtés pour un mon-tant limité, il faut assurer la critique de toutes ces publications, c’est le règne de la quantité. Le prof est un passionné, il appartient à la science, à ses étudiants, il se donne sans compter et ça tient, mais la bulle va exploser », prévient Eric Verrecchia, attablé à la jolie Brasserie du Grand-Chêne, à Lausanne.

Il plaide pour un retour à la séré-nité et une meilleure répartition des fonds de la Confédération, à travers le FNS notamment, qu’il faudrait « mettre au service des universités ». En ce moment, il a déposé deux pro-jets, l’un européen sur la transfor-mation du gaz carbonique en carbo-nate de calcium via certains arbres et l’amélioration, grâce à ce calcaire, des sols tropicaux acides en Bolivie, au Cameroun ou encore à Madagas-car ; et l’autre, sur le plan suisse, pour étudier le temps de résidence du carbone dans les sols en remon-tant jusqu’au début de l’Holocène, cette période post-glaciaire des der-niers 10 000 ans. « On refait le film, autrement dit l’histoire du stoc-kage naturel du CO2, car il y a beau-coup à apprendre de la nature elle-même », explique ce passionné de la zone critique. « Il s’agit d’une zone

définie entre le sommet des nappes phréatiques et la cime des arbres », explique-t-il.

L’histoire des profondeurs et celle de la surface sont liées par la tectonique des plaques ; des miné-raux se transforment et se forment à l’air libre, des éléments comme le fer, le carbone, le phosphore connaissent différentes phases et le vivant joue un rôle clé dans ces mé-tamorphoses qui se jouent en sur-face. Conclusion : « La biogéochi-mie permet la plus belle recherche du monde. » Précision aussi : « Le vi-vant a besoin du minéral, le calcium par exemple ; la vie attaque les mi-néraux mais en crée aussi de nou-veaux. Entre le vivant et le minéral, c’est une histoire passionnelle. »

Avant d’arriver à l’UNIL, en 2008, avec son équipe de l’Univer-

UN GOÛT DE L’ENFANCELa pizza de ma grand-mère faite à la main avec une sauce tomate mijotée.

UN REPAS DE FIN DU MONDECoquilles Saint-Jacques, puis filets de perche et purée de pommes de terre et patates douces sous un gratin de fromage avec une fondue de poireaux, une part de fromage de Citeaux (j’ai mon fournisseur à Dijon) et une part de cheese-cake que fait mon épouse en dessert, sans oublier deux vins d’exception.

Vice-doyen de la Faculté des géosciences et de l’environnement, Eric Verrecchia milite pour une meilleure qualité de vie. Dans tous les domaines…

sité de Neuchâtel et le Master en bio-géosciences, qui reste délivré par les deux institutions, le professeur Verrecchia a exploré la dynamique du carbonate de calcium dans le désert israélien du Néguev pour son doctorat en géologie, passé en France l’agrégation en géographie et effectué un parcours exemplaire comme chercheur au CNRS, puis à l’Université de Gand. Ce Français qui se plaît en Suisse revendique son engagement à gauche, dans la tradition syndicaliste de sa fa-mille établie à Paris pour fuir le fas-cisme en Italie. Il lui arrive encore de s’étonner de l’angélisme helvé-tique. Et là, il se réjouit de rencon-trer Susan Brantley, la « papesse de la zone critique », docteure honoris causa de l’UNIL le 31 mai prochain. NADINE RICHON

REPENSER LE MÉTIER DE PROF

CAFÉ GOURMAND

ERIC VERRECCHIAUn chercheur passionné.© Nicole Chuard

Page 67: Allez savoir ! 54

LA BOU-TIQUE

DE L’UNIL

WWW.UNIL.CH/LABOUTIQUER É C E P T I O N A M P H I M A X , 2e É T A G E

WWW.UNIL.CH/LABOUTIQUE

Annonce_La_Boutique_A4.indd 1 22.04.13 16:24

Page 68: Allez savoir ! 54

4 Allez savoir ! N° 51 Mai 2012 UNIL | Université de Lausanne4 Allez savoir ! N° 51 Mai 2012 UNIL | Université de Lausanne

Vous êtes diplômé·ede l’UNIL?

Rejoignez-nous!

Le réseau des diplômé·e·sde l’UNIL

ALUMNIL

ALUMNIL : le réseau des diplômé·e·sUNIL | Université de Lausanne – Bureau des [email protected] – tél. : +41 21 692 20 88

Participez à nos prochains ateliers29 mai 2013 : Atelier «La Suisse en cépage 1» à l’Ecole d’ingénieurs de Changins1er juin 2013 : Les Mystères de l’UNIL 2013 – revenez en famille sur le campus13 juin 2013 : Atelier «La Suisse en cépage 2» à l’Ecole d’ingénieurs de Changins

Informations et inscriptions sur :www.unil.ch/alumnil

Nouveau service «Offres d’emploi»Consultez les annonces et activez le service d’alerte par e-mail dans votre profi l sur le portail ALUMNIL !

Ad_A4_Alumnil_AS54.indd 1 06.05.13 09:11