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Amaryl Pécès Amaryl Pécès Des elfes et des hommes Tome I : Pretexte Des elfes et des hommes Tome I : Pretexte Encyclopédie historique des Nations de Nostra Nueva Terra Encyclopédie historique des Nations de Nostra Nueva Terra

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----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Grand format (170x240)] NB Pages : 374 pages

- Tranche : (nb pages x 0,07 mm) +2 = 28.18 ----------------------------------------------------------------------------DES ELFES ET DES HOMMES - Tome I : Pretexte

Encyclopédie historique des Nations de Nostra Nueva Terra

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Des elfeset

des hommesTome I : Pretexte

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Encyclopédie historique des Nationsde Nostra Nueva Terra

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Du même auteur, à paraître :

Tome II : Couleurs

Tome III : Eaux et Feux

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À mes enfants, Terriblement juste, lis, lisez jusqu’à la dernière goutte d’encre écrite à l’aune des larmes et du sang

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Nous sommes en l’an 4 997 de l’ère du Phénix,

au mois de decer.

L’histoire de nos continents méritait d’être contée.

Decer est le premier des mois en Terres Bleues et chez les Hommes Libres,

mais il est le dernier en Terre d’Empire, dans les Royaumes nordiques et elfiques.

Nous essaierons de n’en point trahir l’esprit,

À défaut de ne pas toujours en approuver tous les travers.

D’autres s’y sont par le passé déjà commis.

Nous ne ferons que poursuivre leur œuvre,

à la lumière de nos connaissances actuelles.

Ainsi auront vécu les Nations de Nostra Nueva Terra

Mais ne nous leurrons pas,

Tout ceci n’est que prétexte à délires et évasions !

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Nostra Nueva Terra

Remerciements P. Reymer, explorateur, Anno 4867 edp [ère du Phénix]

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Note de la rédaction : Tout anachronisme serait bien évidemment fortuit et nous vous serions reconnaissants de bien vouloir le signaler à l’auteur, afin qu’il puisse enrichir ses connaissances et combler ses innombrables lacunes, sur sa boîte mail : [email protected]. D’avance merci pour lui (et pour nous)…

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Prélude

Par un beau matin de décembre, il m’est revenu des souvenirs d’autrefois, un autre matin ou plutôt un soir d’un autre décembre. Il y a bien longtemps. Le cliquetis, le martellement des roues du train qui nous emmenait tous les soirs vers la grande cité qui accueillait nos facultés. L’aube de nos dix-huit ans, qui nous conduisait à refaire le monde.

Des wagons surchargés d’étudiants et surchauffés, rien de bien étonnant à vouloir laisser errer sa pensée, hormones, chaleur du bar du wagon-restaurant de tous ces véhicules bondés, pas de contraintes, pas d’échéances, pas de conditions, pas d’implications. Une discussion de soirée, qui s’allongeait en raison du trajet interminable, lié au retard, occasionné par la neige et le verglas, qui gelait les rails.

Un étudiant d’une autre faculté s’était joint à nos conciliabules. La discussion d’alors portait sur le bien et le mal, tout un programme ! La bonté des uns, la méchanceté des autres. Jusqu’à sa conclusion, qui m’avait alors convenu et que j’avais mémorisée de par son laconisme efficace : « Les hommes ne sont ni blancs, ni noirs, ils sont gris, avec une infinité de nuances ! » Les hommes ne sont ni blancs, ni noirs, ils sont gris avec une infinité de nuances. La vie avait fini par m’apprendre qu’il n’avait pas forcément toujours tort, alors que je redécouvrais la puissance des mots.

Je me suis toujours demandé ce que nous pourrions faire, si nous avions cinq mille ans de vie devant nous. Pire, mieux, la même chose ?

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BLANC

Blanc mathématique Blanc véritable

Blanc inaltérable

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La Porte de Glace

La Tour de Glace et au-delà, toute la Côte des Hommes Libres et plus loin encore celle des Naufrageurs semblaient ravagées par un incendie céleste. Des flammèches pourpres ou bleutées dépassaient par intermittence la Tour, que d’aucuns appellent encore la Porte de Glace. Tels des rideaux géants, striés de lumières qui se balançaient dans les airs, les formes féeriques étaient apparues au mois d’adren1, à la fin de l’automne. Revenues de leur surprise, voire de leurs terreurs, les populations de la côte jusqu’à Faltheret s’étaient habituées au spectacle. Les voyageurs avaient rapporté que ce mirage était fréquent plus au nord près des glaces des pôles, où ne vivaient que quelques rares tribus isolées chassant le phoque et l’ours blanc, Hubolsqs, Vascers, Amenawaskis et autres Lipanors. L’éblouissement chatoyant et quelquefois sonore de ces lumières ne durait que quelques dizaines de minutes. Après leur disparition, la vie nocturne reprenait son cours. Il se renouvelait toutes les

1 Nous indiquons les équivalences que nous pouvons appréhender entre les calendriers terrestres de Vestera Terra et de Nostra Nueva Terra. Je remercie mon ami, P. Reymer de m’avoir établi la concordance suivante, entre les calendriers des deux terres, sachant toutefois que l’année de Nostra Nueva Terra est plus courte de cinq jours que celle de Vestera Terra. Le calendrier, pour des raisons de complexité évidente a donc été divisé en douze mois de trente jours, chaque jour durant vingt-quatre heures, ce qui nous donne une année de 360 jours. P. Reymer, sous réserve, nous livre donc la concordance suivante :

Janvier : acer. Février : faber. Mars : aresh. Avril : arber. Mai : pars. Juin : cocakhs. Juillet : saler. Août : hippo. Septembre : adren. Octobre : ocer. Novembre : nouer. Décembre : decer.

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nuits depuis quarante-deux jours, tant le ciel était clair et immobile en dehors de ces activités qui chargeaient l’air de particules magnétiques. Mais sous ces latitudes plus méridionales, le phénomène était inédit.

Decer est le premier des mois dans les Terres libres du Nord-Ouest, avec son cortège neigeux et de frimas mélangés. Ce soir, le crépuscule finissant était auréolé du feu d’artifice des « rideaux de la nuit », dont les pauvres hères s’étaient emparés du nom et imaginaient l’origine divine. Les premières fois, ils s’étaient attendus à voir fondre sur eux toutes les divinités funestes du ciel étoilé. Ne voyant rien venir, les soirs suivants, ils s’étaient accoutumés à la répétition du phénomène et pensaient qu’il s’agissait peut-être d’une bénédiction. Cette nuit, les rideaux laissèrent la place à une nouvelle facétie de la nature, un arc, qui cernait la ville surplombée par la Tour. L’arc se réverbérait dans le fleuve à ses pieds, créant une symétrie dramatique et attendrissante. L’eau du fleuve crépusculaire paraissait comme chargée du pétrole qui avait été découvert récemment à la Passe d’Urrturth. Celui-ci affleurait le sol depuis peu et était hautement inflammable. Il avait ainsi surpris plus d’un des villageois du sud du Parpar, mais plus en amont. Curieusement la texture et la couleur, dont se revêtait le fleuve vespéral lui ressemblaient étrangement.

La ville elle-même, Iskandar, dominée par son antique forteresse, était bâtie à proximité de la rive sud de la Côte des Hommes Libres, à soixante stades2 de l’embouchure du Parpar. Elle fut fondée il y a quatre cent cinquante ans au nord du fleuve, le long de la route côtière qui relie Faltheret à Troïan dans la République d’Illyamnie. Cette route, dans sa portion méridionale, traverse des paysages charmants, agrémentés par les villas de bord de mer de l’intelligentsia illyamnaise, avant de circuler parmi les dunes, au sud d’Iskandar et de se transformer en chemin de chèvre à proximité de Faltheret. Cette dernière portion fut construite en dix longues années et au prix du sacrifice de dix mille captifs orsks et de deux milles esclaves bleus. Chaque coudée fut gagnée sur le vide des falaises méridionales de Faltheret, chacune au prix de vies innombrables et fauchées, tant par les éléments déchaînés que par les mauvais traitements des Maîtres Esclaves. Les mulets de la Côte des Esclaves, telle que fut nommée la Côte des Hommes Libres dans cette zone, dévalaient chaque

2 Le stade de Nostra Nueva Terra est une unité de mesure qui est utilisée par les Royaumes humains nordiques, par les Villes libres, la République d’Illyamnie et le Royaume du Vexayn. L’Empire utilise la phlètre, qui vaut deux stades. Les hommes bleus utilisent les deux mesures sans prédilection notable et se calquent sur leurs interlocuteurs dans leurs négociations commerciales. La lieue, égale à un stade et demi, est la mesure usuelle des Royaumes elfiques. Elle correspond à deux kilomètres sur Vestera Terra.

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jour les précipices. De mont en mont, la route progressait, malgré ou en raison des pertes. De mont en mont, les esclaves payaient le prix du sang, sous les coups de fouet de la Guilde des Bâtisseurs3, dont les ramifications et les profits s’étendaient déjà à l’époque à tout le Continent Ancien. Le résultat seul comptait, et ce fut le cas. Les ponts de pierre ou de lianes balayaient les obstacles. La nature elle-même reculait devant l’adversité et la détermination humaines.

De nombreuses années durant, les étendues situées entre Faltheret au nord, l’Illyamnie au sud, la Côte des Hommes Libres à l’ouest et les Terres de l’Ouest furent dénommées les Terres à prendre. Les voyageurs évitaient autant que possible de traverser ces terres sauvages et arides. Nos légendes abondent en récits décrivant les tristes destins qui frappèrent les infortunés, pris en chasse par des armées d’orsks ou de gibelins, voire pire encore, si possible, à la lumière de nos sens humains… Depuis quelque temps, de nouvelles menaces semblent peser sur les caravanes des marchands. Certaines disparaissent. D’autres s’enfuient vers le nord. Comme partout, sur Nostra Nueva Terra l’heure semble grave, sans pour autant que nous ne sachions vraiment pourquoi.

Toutefois, depuis peu, la ville d’Iskandar a retrouvé sa splendeur d’autrefois. On s’affaire aux abords des portes. Au nord, la Porte de Glace se dresse, superbe et inquiétante. Elle a été confiée à la garde du Comte Ehromam-Tranchant, l’un des quatre comtes qui dirigent la ville. Celui-ci commande à la Compagnie militaire de la Porte de Glace, aux couleurs blanches et noires éclatées.

La Porte de Glace est l’une des quatre portes fondées par les elfes à leur arrivée sur Nostra Nueva Terra, il y a près de cinq mille ans, raconte la Vérité des Anciens4. Aussi impressionnante que ses trois sœurs, ou ce qu’il en reste, à l’exception de celle du Sud Étincelant, qui n’a pas été retrouvée, elle est construite sur neuf étages, chacun d’entre eux mesurant vingt et une coudées. Les étages sont réunis par un escalier extérieur qui en fait le tour, afin d’en permettre l’ascension et surtout la défense. Tel un donjon titanesque, la légende voulant d’ailleurs que chacun des neufs étages ait été construit par une titanide, ils sont le symbole de la présence de la civilisation au nord des Royaumes, dès les temps anciens. Du sommet, les gardes du Comte Ehromam-Tranchant, dit-on, peuvent voir au loin la Grande Mer de Glace au nord, par-delà Faltheret, les terres d’Aztica à 3 Ou tout simplement la Guilde, encore. 4 Recueil de livres de différents auteurs, quelquefois de simples fragments apocryphes pour certains. Ce livre est en faveur à l’ouest des Cinq Royaumes, ainsi que dans certaines régions des Terres bleues.

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l’ouest, le Sud aride et étincelant, et l’Est brumeux. Le froid est si intense que les relèves se font toutes les trois heures. En permanence, un immense brasier, et c’est la particularité de la Porte de Glace, illumine la nuit et le jour. Tout un système d’approvisionnement en bois a été mis en place par les Comtes successifs, afin d’assurer la sécurité des terres et des mers du Nord.

Le Conseil des Quatre est composé également d’Omers Longue-Épée, tête pensante du Conseil, et en occupation de la sécurité, de Colèrenr, en charge de la diplomatie, et de Lillianen Beth, première femme à exercer cette fonction, chargée du commerce. Dès son entrée en charge, elle autorisa le négoce six jours sur sept. Les voyageurs et les commerçants eurent le droit de pénétrer dans la Ville Basse jusqu’à minuit. Ils y étaient assurés d’y trouver gîte et couvert auprès de leur Consul, représentant chacune de leurs nations.

Deux voyageurs se mêlaient à la foule des marchands qui se pressait vers le Pont des Dames. Ce dernier fut ainsi dénommé à la suite du combat victorieux sur le fleuve des quatre comtesses de l’époque, qui tinrent tête à un parti d’orsks, qui s’apprêtaient à passer le Parpar, en l’absence de leurs époux, afin d’y faire bonne chasse et rapines de tous ordres. Six tours s’élèvent maintenant à l’emplacement de la bataille, il y a deux cent trente-quatre ans. Deux sont situées sur des piles de granit rose au milieu du fleuve, et quatre autres sont situées sur les berges nord et sud, deux à deux jumelles. Elles sont reliées par des chaînes d’acier, qui à tout moment peuvent relever le pont-levis de part et d’autre des piles centrales et ainsi isoler la ville de la rive sud du fleuve, qui à cet endroit est particulièrement rapide. Il charrie des scories aurifères en dévalant des monts enneigés des Montagnes des Orsks. Celles-ci lui donnent une teinte jaunâtre et de nombreux bougres s’éreintent à en retirer quelques paillettes, qu’ils iront vendre en ville, tant qu’ils survivront. L’ouvrage y est d’ailleurs dangereux, les berges du Parpar étant particulièrement abruptes et fragiles en raison de la présence de sable et d’argile, qui s’effritent régulièrement et tombent en avalanches occasionnelles et impromptues dans le fleuve.

De ces deux voyageurs, l’un est manifestement un elfe. Il s’intéresse à tout, ne s’inquiète de rien, rit et vit. Son compagnon a le teint pâle et les cheveux clairs, des yeux verts, un demi-elfe, donc alliant des origines elfiques et humaines. Éduqué parmi les humains, il avait voulu s’informer de la philosophie elfique. Ce fut à cette occasion qu’il rencontra son ami.

La ville libre d’Iskandar serait la plus ouverte des cités de toutes les nations des deux continents, à ce que disent les voyageurs. À l’exception des orsks, bien sûr, toutes les nations humaines et elfiques étaient

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autorisées à commercer et palabrer dans les ruelles de la Ville Basse. Le mois de decer, à l’approche du solstice d’hiver, était celui du Festival d’Hacherai. Les mines de fer d’Hacherai avaient apporté à la ville prospérité et afflux d’ouvriers en quête de pitance. Les commandes des Royaumes humains et elfiques s’étaient multipliées, en prévision des conflits à venir. Son fer était de moins bonne qualité que le fermont, tombé du ciel et qui affleurait la terre par places dans les Montagnes des Orsks et les Collines des Nains, mais au moins il était disponible en abondance et les commerçants de la région n’étaient point trop regardants quant à l’utilisation du précieux minerai, indispensable à la confection d’armes efficaces. La Guilde du Fer avait réussi à réunir toutes les Corporations de la Côte, mais elle s’était révélée incapable de solidifier officiellement le réseau d’alliances et de connaissances de l’industrie du fer à tout le continent, comme avait su le faire la Guilde des Bâtisseurs dans son domaine. Les confréries du Sud, surtout dans les Terres des Hommes Bleus, lasses d’être exploitées par celles du Nord s’étaient organisées de manière parallèle. Le Royaume du Vexayn et le Nouvel Empire du Kharkhart, perpétuellement en guerre depuis la fondation du Royaume du Vexayn, n’auraient voulu pour rien au monde accepter une quelconque allégeance à une puissance extérieure. Respectivement, les mines de Doura, au nord-ouest de la Mer Intérieure et de Sabhã, à l’est de la même mer, demeuraient indépendantes des corporations de la côte, qui avaient toutefois intégré dans leur orbite les mines de fer de Zénin en Illyamnie et celles du Darknécéon au Mohhawe. Ces mines étaient l’objet de toutes les convoitises des nations de la région, même si les Hommes Bleus ne les utilisaient guère que depuis peu de temps, une vingtaine d’années pour être précis, en raison de leur philosophie de la guerre et de l’économie, qui semblait leur être assez personnelle. Le contrôle politique plus accentué sur cette ressource stratégique ne permit que des contacts scientifiques entre les confréries du Nord et du Sud. Ces contacts, au demeurant, ne furent pas inutiles, ni inexistants malgré les contraintes politiques différentes, sans compter les intérêts économiques qui surpassent les nations au niveau des guildes.

L’afflux de populations de toutes origines donnait un aspect diversifié et tumultueux par moments à la Rue du Commerce qui traversait du nord au sud, toute la ville basse. Elle avait pour origine le Pont des Dames, courait en ligne droite vers la Citadelle, qu’elle rejoignait à la Porte des Comtes. La Citadelle comptait parmi ses monuments principaux le palais des Comtes, auquel était adossée la Salle du Conseil, dont elle était séparée par un fossé, cette nuit, de glace, en raison de la baisse des températures.

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La Ville Basse est occupée sur le quart de sa superficie par la Grande Demeure des Dix Merveilles ciselées, dédiée au dieu Bond. Les deux autres temples principaux sont sis dans la citadelle, et appartiennent aux clergés de Tanythe et d’Apsou. Il s’agit respectivement du Domaine de la Dame de la Nuit Noire, dont le culte était financé par Lillianen Beth en personne, et du Royaume du Prince des Eaux, quant à lui sous le haut patronage d’Omers Longue-Épée. Il faut toutefois reconnaître que la placidité et l’œcuménisme de la ville d’Iskandar avaient favorisé l’implantation de presque tous les dieux anciens et nouveaux de toutes les nations de Nostra Nueva Terra, dont la plupart étaient implantés dans la ville basse. Des prêtres de l’Antique lignée étaient même venus s’implanter dans le plus grand secret dans la Rue des Potiers, il y a plus de trois ans. Leurs réunions étaient secrètes, et cette tendance qui se répandait commençait à faire jaser. Les autorités, dans l’immédiat, laissaient faire.

Pour l’heure, nos deux amis s’approchaient du Pont des Dames. Le passage était contrôlé par des gardes d’Omers Longue-Épée, dans leur livrée verte, aux armes du comte, un écu d’argent sur fond blanc et noir éclatés. Ils lorgnaient de manière peu équivoque sur l’épée de l’elfe. Le pommeau rouge attirait tous les regards, indice du fermont dont il était vraisemblable qu’elle était imprégnée. L’elfe n’en avait cure, certes, et par jeu, bien au contraire, l’arborait de manière ostentatoire et juvénile. Les gardes croisèrent leurs hallebardes devant eux, avant de leur intimer de décliner leurs noms et qualités, ainsi que l’objet de leur visite.

– Valerian, de nulle part, dit le demi-elfe.

Les demi-elfes, mélange des deux races, doivent affronter l’incompréhension, voire l’inimitié de leur origine double. S’ils s’essaient à une éducation elfique, ils grandissent plus lentement que leurs homologues humains. Par contre, s’ils tentent de s’intégrer à un village elfique, ils sont décontenancés par la frivolité des elfes. Ils sont mûrs plus tôt et restent à l’écart des activités ludiques, qui font le lit de la vie elfique. Rejetés de part et d’autre, les demi-elfes ont tendance à partir en quête de désirs jamais assouvis. C’est à l’occasion de telles pérégrinations, que Valerian s’était lié d’amitié avec son compagnon elfe, à la suite d’une bagarre émérite contre des brigands à Faltheret il y avait deux ans, déjà. L’origine commune avait scellé une amitié durable, plus facile que s’ils avaient été tous deux pleinement semblables. Cette amitié s’était forgée à l’occasion d’aventures multiples, qu’il ne nous est pas possible malheureusement de narrer à ce stade du récit.

– Arnegh, de Bourg_au_dauphin, compléta l’elfe.

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Ce village elfique de deux cent douze âmes, était situé aux confins des terres du Royaume du Mohhawe et des Collines de Claymore. Il avait été fondé il y a trois cent quarante-sept ans par l’arrière-grand-père d’Arnegh. Celui-ci s’était compromis avec des elfes aquatiques des Grandes Mers du Sud5. Attiré par l’Océan Central, il s’était embarqué pour Aztica, où il tomba follement amoureux d’une Azticanne, aux longs cils et à la peau aussi brune que la sienne était blanche. De cette union, à son retour, l’indigène l’ayant suivi, naquit un demi-elfe, aux longs cils et à la peau brune. Ce dernier fut mal intégré à la société elfique, comme de bien entendu, et ses parents décidèrent de s’isoler dans un village, qu’il conviendrait de considérer comme idéal, puisqu’ils le fondèrent dans le but bien affirmé d’accueillir les familles de la même infortune. La croissance des demi-elfes, intermédiaire entre les humains et les elfes, était ainsi prise en compte. Il fut plus difficile de tenir compte des aspirations des parents et surtout du vieillissement des parents, humains. La durée de vie moyenne d’un humain est de soixante-dix ans, alors que celle d’un elfe est de deux cents ans. La double composante originelle des demi-elfes engendre en eux un régime chaotique, qui leur permet de bénéficier mais également de subir tous les bénéfices et tous les avatars de la génétique.

De bouche à oreille, la rumeur emplit les Royaumes humains et elfiques. Bourg_au_dauphin devint ainsi le refuge de tous les proscrits intellectuels et sentimentaux des Cinq Royaumes et du Premier Cercle Elfique. Non seulement les demi-elfes et leurs parents étaient du nombre, mais également des druides blancs, des ménestrels et des bardes, des Hommes Bleus de la lyre, des Hommes des Sables même. Tous les déracinés et les laissés-pour-compte se donnèrent rendez-vous dans cette cité de plus en plus hétéroclite à force d’être œcuménique. Mais le succès fut cause d’un premier désastre. Le vieillissement des parents humains s’était ralenti. Bien nourris, protégés, leur durée de vie augmenta. Mais cela ne suffisait pas pour combler le handicap naturel. Il fut source de ruptures et de conflits. La jalousie donna naissance au premier meurtre, puis au second, au premier départ, puis au second. Les Jeunes, nommés par la communauté pour la diriger, et ce, de manière démocratique, ne trouvèrent pas de solution à temps. Les habitants commencèrent à se disperser, mais un noyau subsista malgré tout. La situation s’améliora alors, les survivants de bonne volonté s’organisant de manière plus traditionnelle. Le village y perdit un peu de son âme, mais y gagna en 5 Quelques villages lacustres subsistent encore aujourd’hui de cette race si particulière des elfes. Ils sont toutefois en voie d’extinction, de par leurs particularités, dont le pacifisme n’est pas le moindre défaut. Leurs derniers territoires connus sont situés sur les franges du Royaume du Vexayn et sur les bords de l’Océan Central.

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stabilité. Arnegh était né après les épisodes de conflits et d’après ce que ses amis et parents lui rapportèrent, il regrettait l’époque primordiale. C’est pourquoi par goût et curiosité, il s’était mis en quête d’autre chose.

Valerian, en tant qu’aîné, s’adressa aux gardes du pont, en langage elfique commun, afin qu’ils puissent le comprendre. Le but de leur déplacement ? : « Apprendre à connaître l’avenir, afin de comprendre son passé ! » Malgré la facilité de l’élocution, les gardes se regardèrent interloqués. Décidément, ils ne comprendraient jamais rien aux demi-elfes et encore moins aux elfes. Arnegh sourit négligemment, comme si tout ceci ne le concernait pas. Les gardes se concertèrent rapidement. Ces deux-là ne semblaient pas dangereux. Sans nul doute, avaient-ils quelque affaire religieuse à conclure pour le bénéfice de tel ou tel responsable des Cinq Royaumes, voire du Premier Cercle Elfique. La discrétion était de mise et Iskandar était le lieu adapté à ce type de négociation ou de quête. Les hallebardes se relevèrent et permirent l’accès de la ville basse à nos deux compères.

Le début de soirée était toujours très animé. La rue centrale, la Rue du Commerce, était encombrée de marchands ambulants en tout genre, qui se chauffaient, ainsi que les chalands, au feu des braseros, qui permettaient par ailleurs d’éclairer les façades des édifices. Ils projetaient des ombres crépusculaires fantomatiques sur les maisons, aux frontons souvent décorés de faïences multicolores, aux motifs stylisés d’un art complexe et hermétique pour les non-initiés. La Ville Haute était désormais dans l’ombre, surplombée par la Porte de Glace. L’aurore boréale avait terminé le spectacle du jour et tout un chacun reprenait ses activités habituelles. Ils commençaient d’ailleurs à s’y habituer et de plus, nombreux étaient les habitants qui n’y prêtaient même plus attention. Ce n’était pas le cas de Valerian, qui se montrait intarissable à tout propos, de toute manière, il faut bien l’avouer et au grand dam d’Arnegh.

Des cracheurs de feu se mirent à l’œuvre, organisant un concours improvisé. Ils jouaient avec leur élément, ses formes et ses couleurs, grâce à un produit spécial, dont ils avaient le secret et qui leur avait été transmis par les nains. Les flammes s’élevaient haut dans la nuit et faisaient briller puis retomber dans l’obscurité les gargouilles, qui protégeaient les palais des riches marchands. Elles révélaient à la lumière de la rue les magnifiques vitraux de leurs fenêtres, sertis de plomb, aux couleurs multiples et qui représentaient leurs périples et les dangers auxquels ils avaient pu échapper. Chaque guilde, chaque confrérie était ainsi fière d’afficher son histoire, ses légendes, ses espoirs et surtout sa puissance. Les larges fenêtres des demeures s’ouvraient ainsi sur les domaines privés

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et abaissaient pour un temps les barrières, si ténues, de l’espace établi entre les négociants fortunés et le menu peuple. Les passants pouvaient deviner les banquets hebdomadaires, les libations et les beuveries et autres passe-temps moins avouables. Les filles, voluptueuses et légèrement vêtues, allaient de table en table et de lit en lit. C’était presque une gloire, non, c’était une gloire, pour la toute-puissante Guilde des Bâtisseurs et de ses représentants ici à Iskandar et ailleurs, d’organiser les plus fastueux et les plus dénaturés des offices, dans un cérémonial de plus en plus luxueux et décadent.

Les cracheurs de feu s’exposaient parmi les jongleurs et les diseuses de bonne aventure. Les plus hardis s’étaient volontairement bandés les yeux, afin de démontrer encore plus leur adresse. Pickpockets et mendiants, par ailleurs, foisonnaient de droite et de gauche. De jolies filles et de moins belles faisaient commerce de leurs atours. L’une d’elles, plus effrontée, saisit le bras de Valerian. Ce dernier se serait volontiers laissé entraîner, si l’ombrageux Arnegh ne lui avait rappelé que l’objet de leur voyage était tout, sauf galéjades. Valerian soupira. Il en avait acquis l’habitude.

Ils poursuivirent donc leur chemin et atteignirent le portique oriental de la Grande Demeure des Dix Merveilles, qui était bordé d’une colonnade peinte en bleu ciel. Vingt colonnes élancées agrémentaient l’entrée. L’endroit était moins agité et quelques ivrognes y cuvaient déjà le trop-plein du début de la nuit. Une rue perpendiculaire à la voie principale s’ouvrait sur l’est. Elle était parfaitement dallée et bordée de trottoirs soigneusement accordés. Nos deux compères s’y engagèrent. Manifestement, ils ne connaissaient pas l’endroit et le firent avec la plus grande circonspection.

Des sorciers, habillés de blanc, et des prêtres aux habits de couleurs diverses en fonction de leur religion entraient et sortaient des différents bâtiments, qui étaient en fait des temples et des monastères. Les moines étaient vêtus de couleurs moins voyantes. Les entrées étaient décorées de diverses manières, mais les murs d’enceinte restaient neutres, recouverts d’un mortier grossier, qui contrastait avec la splendeur du portail. Manifestement les occupants divins, humains, elfes ou autres ne souhaitaient pas de publicité tapageuse et l’endroit respirait la quiétude. Toutes les trois cents coudées environ, si nous parlons en coudées royales6, les passants pouvaient se reposer et deviser à l’ombre de platanes pluri-centenaires. Ceux-ci et les fontaines qui occupaient le centre de leur cercle

6 La coudée royale compte une main de plus, soit cinq, que la coudée normale, qui en compte quatre.

Page 20: Amaryl Pécès Des elfes des hommes - fnac-static.coml’ouest, le Sud aride et étincelant, et l’Est brumeux. Le froid est si intense que les relèves se font toutes les trois heures

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végétal devaient apporter fraîcheur en été et protection en hiver, ce qui était le cas ce soir.

Arnegh et Valerian reconnurent tous les acteurs divins des Cinq Royaumes et des Royaumes Elfiques, plus encore. La rue, qui semblait s’étendre à l’infini, réunissait tout le syncrétisme des dieux anciens et nouveaux, Tauth, dieu des ténèbres, Bond, plein de bonté, qui y possédait un temple secondaire, tant il était vénéré, Hermès des elfes noirs, le Dieu Inconnu, dans la Rue droite, Sol, dieu solaire du Parthicéõn, le Dieu-Dragon des Hommes des Sables. La lune était pleine et commençait à s’élever dans le ciel bleu noir. Elle était entourée et partiellement masquée par un halo brumeux. Découpée de golfes et de cratères, il était possible toutefois d’en discerner tous les repères astronomiques habituels. Des mélopées barbares, à son apparition, se firent entendre à main gauche. Les chants, d’après le rituel des prêtres de Tanythe, ne devaient pas s’interrompre de toute la nuit, dans l’attente de la disparition de la lune pleine sous le niveau de l’horizon. Cette nuit, la lune, ronde parfaitement à ce moment précis, ce qu’elle n’avait jamais fait, de mémoire d’humain et d’elfe et même de géant ou de dragon, devint rouge. On eût dit la couleur du sang, mais aucun des druides ou des mages, et même des sorciers, n’eut émis la moindre connotation négative, tant le temps de la conciliation et de la compréhension lascive étaient de mise.

Aux deux tiers du parcours, se discernèrent bientôt les contours d’une entrée très sobre, découpée dans une roche brune et rouge, dont la texture était inconnue de nos amis. Elle tranchait avec les autres par sa singularité et sa simplicité. Les rochers n’étaient ni polis, ni organisés manifestement. Le travail cyclopéen semblait l’œuvre des géants et à bien regarder, cela fut probablement le cas. Une porte, on eût dit plutôt deux planches récupérées du naufrage de la coque d’une galéasse, était la seule entrée possible. Parfaitement congruentes, elles s’ornaient d’une tête de sphynx en pierre, en guise de heurtoir. Valerian s’en approcha alors. Même Arnegh retint son souffle. Manifestement, ils touchaient au but. Il saisit le heurtoir et le laissa retomber. Le temps suspendu, la porte s’ouvrit.