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ASPECTS ORIGINAUX DE LA FONCTION PUBLIQUE MALGACHE par M. Jean·Claude MAESTRE chargé de cours à la Faculté de Droit et des Sciences économiques de rUniversité de Madagascar. Concevoir et aménager une fonction publique ont été des tâches prioritaires et ardues pour les Etats ayant récemment accédé à l'indé- pendance (1). Certes, le terrain sur lequel il fallait bâtir, n'était pas entièrement vierge puisque la puissance coloniale avait implanté une administration qui aV'ait, au moins, le mérite d'exister. Mais cet héritage ne pouvait être accepté - ici encore - que sous bénéfice d'inventaire. L't fonction publique coloniale présentait en effet des caractéristiques qui imposaient aux nouveaux gouvernants une refonte totale. En eHet, la plupart des cadres venaient de la métropole et rares étaient les autochtones qui avaient pu accéder à des fonctions d'autorité. Les Etats nouveaux étaient placés devant un délicat dilemme : ou par un légitime eHort de récupération de tous les emplois, substituer aux fonctionnaires étrangers des nationaux avec le risque de désorganiser les services, ou bien conserver les anciens agents, ce qui psychologique- ment n'était pas S8OElS inconvénient '(2). En outre, le rôle de la fonction publique coloniale était bien délimité. Elle était un outil précieux non seulement pour faire fonctionner les services publics mais égale- ment pour encadrer la population et même favoriser le peuplement f"uropéen (notamment par les avantages finauciers consentis à ceux qui acceptaient de s'expatrier). De plus, le champ d'action de l'adminis- (1) Sur ces difficultés, v. F. GAZIER, Les problèmes de radministration publique dans les pays en voie de développement, Civilisations, 1961.143 - A. GLOBERSON, Quelques réflexions sur les diflicultés de radministration publique dans les pays en voie de développement, Revue Adm. 1965. 101; M. PÉPY, Les Etats Africains et leurs problèmes, Cours à 1964-1965, Fasc. 3, p. 341 et s. ; publique dans les pays en voie de développement, doc\llll1ents ronéotypés de la Fondation Nationale des sciences politiques. Les problèmes urgents des gouveme:nents africains, Commission écona.'l1ique pour l'Aïrique, VE/CN 14/80, 18 décembre 1962; P. BOUTEILLE, La Fonction Publique et le développement économique, O.C.D.E. 711-9-1964; F. (2) En pratiqure, la majeure partie des Etats adoptera une position médiane.

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  • ASPECTS ORIGINAUX DE LA FONCTION PUBLIQUE MALGACHE

    par M. JeanClaude MAESTRE

    charg de cours la Facult de Droit et des Sciences conomiques de rUniversit de Madagascar.

    Concevoir et amnager une fonction publique ont t des tches prioritaires et ardues pour les Etats ayant rcemment accd l'ind-pendance (1). Certes, le terrain sur lequel il fallait btir, n'tait pas entirement vierge puisque la puissance coloniale avait implant une administration qui aV'ait, au moins, le mrite d'exister. Mais cet hritage ne pouvait tre accept - ici encore - que sous bnfice d'inventaire. L't fonction publique coloniale prsentait en effet des caractristiques qui imposaient aux nouveaux gouvernants une refonte totale. En eHet, la plupart des cadres venaient de la mtropole et rares taient les autochtones qui avaient pu accder des fonctions d'autorit. Les Etats nouveaux taient placs devant un dlicat dilemme : ou par un lgitime eHort de rcupration de tous les emplois, substituer aux fonctionnaires trangers des nationaux avec le risque de dsorganiser les services, ou bien conserver les anciens agents, ce qui psychologique-ment n'tait pas S8lS inconvnient '(2). En outre, le rle de la fonction publique coloniale tait bien dlimit. Elle tait un outil prcieux non seulement pour faire fonctionner les services publics mais gale-ment pour encadrer la population et mme favoriser le peuplement f"uropen (notamment par les avantages finauciers consentis ceux qui acceptaient de s'expatrier). De plus, le champ d'action de l'adminis-

    (1) Sur ces difficults, v. F. GAZIER, Les problmes de radministration publique dans les pays en voie de dveloppement, Civilisations, 1961.143 - A. GLOBERSON, Quelques rflexions sur les diflicults de radministration publique dans les pays en voie de dveloppement, Revue Adm. 1965. 101; M. PPY, Les Etats Africains et leurs problmes, Cours l'I~KP., 1964-1965, Fasc. 3, p. 341 et s. ; L'admin~tration publique dans les pays en voie de dveloppement, doc\llll1ents ronotyps de la Fondation Nationale des sciences politiques. Les problmes admin~tratifs urgents des gouveme:nents africains, Commission cona.'l1ique pour l'Arique, VE/CN 14/80, 18 dcembre 1962; P. BOUTEILLE, La Fonction Publique et le dveloppement conomique, O.C.D.E. 711-9-1964; F.

    (2) En pratiqure, la majeure partie des Etats adoptera une position mdiane.

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    tration tait relativement restreint. Le souci essentiel tait de crer les conditions favorables des changes commerciaux fructueux entre la mtropole et les colonies et de faire rgner l'ordre.

    Avec l'accession l'indpendance, il a fallu innover, crer des ser-vices entirement nouveaux (dans les domaines politique, conomique, diplomatique ... ) ; et, alors, il s'agit moins de transformer une admi-nistraltion que de l'improviser (3). Et surtout l'optique est dsormais fondamentalement diffrente : les agents publics, au sens large, forment un corps qui doit participer la bataille contre le sous-dveloppement. Le progrs sous toutes ses formes est l'impratif numro un ; il est impensable que les fonctionnaires restent l'cart de ce grand dessein national. Le Prsident Tsiranana l'a rappel ses agents : adminis-trer ne consiste pas faire fonctionner l'administration, mais parti-ciper au dveloppement, la production (4).

    Le jeune Etat malgache a t confront avec ces problmes et avec bien d'autres qui lui sont spcifiques. Plus de huit ans et demi se sont couls depuis la proclamation de la Rpublique, prs de sept ans depuis l'Indpendance. Le recul est dj suffisant pour dresser un premier bilan en ce qui concerne la fonction publique. Les origi-nalits sont relles ; et la fonction publique malgache constitue un modle :. de ce que peut faire un pays en voie de dveloppement qui dsire btir un ensemble digne d'un Etal moderne mais qui doit faire face d'implacables sujtions.

    La spcificit de la fonction publique malgache apparatra mieux une fois prcise la situation lors de l'indpendance et prsente globalement cette fonction publique telle qu'elle apparat au-jourd'hui.

    A. - ET AT DE LA FONCTION PUBLIQUE MALGACHE AU MOMENT DE L'INDEPENDANCE

    La fonction publique malgache tait naturellement l'hritire de celle de la priode coloniale avec toutefois les rformes apportes durant les phases de la loi-cadre puis de la Communaut (5).

    (3) Y. CHAPEL, Le sous.dveloppement administratif, Revue Inter. d'e Sc. adm., 1966, n 3. p. 214.

    (4) Discours au Parlament Malgache, 5 octobre 1965, Imp. Nationale, p. 30. (5) Nous avons largement exploit les travaux de la Mission d'Inspection mobile

    charge par le gouvernement d'e la Rpublique malgache en mai 1960 de procder . un recensement gnral des agents et 61llPloys pemnanents de l'administration.

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    a) Quelle tait la physionomie d'ensemble ? Numriquement, Madagascar disposait, fin dcembre 1960 de 50.344 agents publics, lato sensu. Ainsi, il y avait 88 agents pour 10.000 hahitants ; cette densit administrative tait quatre fois infrieure celle de la France (345 agents pour 10.000 habitants) (6). Entre les diffrentes personnes morales de droit public, les effectifs se rpartissaient ainsi : 45,7 % pour l'Etat ; 17,6 % pour les provinces ; Il,3 % pour les communes ; 22,4 % pour divers services publics personnaliss (Rgie des chemiw de fer, Office des P.T.T.) ; 3 % pour divers services franais. L'implantation gographique des agents par provinces est galement intressante relever. Celle de Tananarive vient largement en tte avec 41,7 %! Suivent ensuite les provinces de Tamatave (17.9 %), de Fianarantsoa (14,4 %), de Tular (9,3 %), de Majunga (9,2 %), de Digo-Suarez (7,5 %). Ainsi prs de 60 % des agents publics sont concentrs dans les provinces de Tananarive et de Tama-tave ! La densit administrative est particulirement hasse dans la province de Fianarantsoa (48 hahitants pour 10.000 hahitants) et Tular (43 habitants pour 10.000 habitants). Il y avait donc un indniahle pro-hlme de sous-quipement en personnel administratif; il n'a d'ailleurs t qu'en partie rsolu car la province de Tananarive est toujours sur-administre par rapport aux autres provinces (6 his). Enfin der-nire constatation notahle : les fonctionnaires ne reprsentent que 32 % de l'effectif total du personnel de la fonction puhlique (alors qu'en France la proportion est douhle). La diversification de ce per-sonnel tait d'ailleurs dj une caractristique qui a laiss d'impor-tantes squelles aujourd'hui.

    b) Le personnel se rpartissait dans diffrentes catgories juri-diques qu'il importe de p,arcourir car, d'une part, certaines sont juridi-quement fort intressantes, d'autre part, cette diversit a pos de srieux prohlmes aux nouveaux dirigeants.

    L'effectif se dcomposait ainsi : - Fonctionnaires .............................. 32 % - Personnel non encadr et non auxiliaire (NENA) 29 % - Dcisionnaires .............. ................ 23,5 %

    (6) On ne doit pas pour autant prsumer que le paysan est sous-administr .-ou plus exactement que l'effectif total des agents de la fonction publique est insuffisant pour en assurer une administration normale - car la diffrence exis-tant entre les revenus nationaux des deux Etats - lesquels traduisent le niveau de dveloppement conomique et social atteint par chacun d'eux - est bien suprieur. A titre indicatif on rappellera que le revenu annuel moyen du Malgache est environ dix fois infrieur celui du Franais - Rapport ~e dta n J, Mission d'Inspection mobile, p. 20.

    (6 bis) V. infra.

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    Auxiliaires Contractuels

    12,5 % 3 %

    1. Les fonctionnaires taient au nombre de 13.090 (7). Ils avaient t titulariss dans un emploi des cadres malgaches. Le statut des fonctionnaires promulgu, avant l'indpendance, par la loi 60-003 du 15 fvrier 1960 (l.O.R.M. p. 365) est le point d'aboutissement d'une volution qw remonte l'annexion coloniale. Trois grandes phases doivent tre, semble-t-il, distingues. Jusqu'en 1925, les fonc-tiOIDnaires franais et les fonctionnaires malgaches taient regroups dans des cadres distincts. Les premiers provenaient de cadres mtro-politains rls par dcret ou taient recruts sur place pour former des cadres locaux organiss par des arrts gubernatoriaux. Des mal-gaches furent galement employs et ces agents constituaient des cadres indignes rgis par arrts du gouverneur gnral. Une deuxime phase s'ouvre avec l'Arrt du 31 dcembre 1924 (J.O.M., 1925, p. 75) qui tablit le premier statut gnral pour les fonction-naires malgaches. La notion de titularisation est consacre ; les dif-frentes tapes de la carrire sont rglementes ; une pension de retraite est prvue. Ce texte fondamental restera en vigueur jusqu'en 1%2 (8). Mais c'est en 1949 que dbute la troisime phase avec l'Arrt du 25 juillet 1949 (J.O.M. p. 1.759) qui supprime les cadres locaux (franais) et les cadres spciaux (

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    d'invitables rpercuasions sur la fonction publique malgache. Deux dcrets du 3 dcembre 1956 distingueront les cadres de l'Etat (les fonctionnaires d'autorit rgis par des dispositions franaises) et les cadres territoriaux (ouverts aux ex-cadres suprieurs et locaux) dont le statut tait labor par l'Assemble territoriale (11). En outre, un dcret du 4 avril 1957 avait prvu pour acclrer l'accession des malgaches aux hauts emplois, que 66 % des postes des cadres d'Etat leur seraient rservs. Cette proportion n'tait pas atteinte lorsque la: Rpublique fut proclame.

    Au moment de l'indpendance, les fonctionnaires malgaches cons-tituent un corps jeune. La pyramide;, des ges l'tablit nettement: plus de 50 % des agents ont moins de 35 ans et donc vingt annes de carrire encore (12).

    2. Quant au personnel non fonctionnaire, il comprenait, outre les auxiliaires et les contractuels, deux catgories originales d'agents : les dcisionnaires et surtout les NENA (personnel non encadr non auxiliaire) .

    Les auxiliaires au nombre de 5.864 constituaient 12,5 % de l'effectif total. Da jouissaient d'un vritable statut (Arrt du 21 novembre 1955 l.O.lI. p. 3.015), caractris, comme en France, par la prcarit de~ fonctiOD&. En fait, celle-ci tait trs relative puisqu' l'poque du recensement 56,8 % d'entre eux avaient dj accompli plus de dix ans de service. Leur solde moyenne tait de l'ordre de 15.000 FMG.

    Les contractuels reprsentaient la catgorie la moins importante (3 %). Leur petit nombre s'explique essentiellement par la faveur qu'avaient les deux autres catgories d'agents : les NENA et les dcisionnaires.

    Les dcisionnaires formaient un corps important : prs du quart des effectifa (23,5 %). Ce personnel, recrut, comme le nom l'indique, par voie de dcision administrative, tait rgi jusqu'en 1950 par des textes sommaires qui se bornaient fixer la rmunration. Ils n'avaient pas d'avantages particuliers par rapport aux salaris du secteur priv.

    (11) Deux textes furent labors : Dlibration 57124 du 8 juillet 1957 rendue ex cutoire par l'Arrt du 31 Juillet 1957 (J.O.M. p. 1370) puis dlibration 57145 du 221157 rendue excutoire par Arrt du 31121957 (J.O.M. 1958, p. 281. Ce dernier texte restera en vigueur jusqu' la loi du 152-60 portant statut gnral des fonctionnaires.

    (12) plus de 60 ans : 0,1 % ; 60 56 ans : 2,3 % HP %; 45 41 ans: 10,7 % ; 40 36 ans 30 26 ans : 19,4 % ; 25 21 aIlS : 14,1 %

    55 51 ans : 11 % ,; 50 46 : 13,3% ; 35 31 ans : 16,1 % ; moins de 21 ans : 0,7 %.

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    Mais un arrt du 15 juillet 1950 (J.O.M. p. 1.163) amnage au profit du personnel subalterne autochtone non encadr et non auxiliaire un embryon de carrire (13). Ils ont droit aux prestations familiales avec indemnits de dplacement. Leur salaire mensuel tait 8uprieur ,ux salaires du secteur priv. Ce vritable statut tendait diffrencier le petit personnel de la fonction publique des travailleurs du secteur priv (14).

    Mais avec le Code du Travail de 1952 applicable Outre-Mer, les employs du secteur priv et les agents non encadrs des services publics furent replacs sous le mme rgime. Nanmoins les autorits locales dcidaient de distinguer parmi les agents non encadrs ceux qui prsentaient une utilit temporaire et ceux qui, au contraire, rpondaient des besoins permanents. Les premiers resteraient rgis par le Code du Travail ; les seconds seraient soumis un statut plus avantageux qui fut l'objet de l'Arrt du 3 juin 1954 (J.O.M. p. 1.265), texte important, car il a cr la catgorie des fameux NENA (14).

    3. Le personnel rwn encadr non auxiliaire tait presque aussi important quantitativement que les fonctionnaires (15). Cette cat-gorie d'agents, inconnue dans les autres Etats de la Communaut, tait propre Madagascar et d'une relle originalit (16).

    En principe ce personnel tait soumis aux dispositions du Code du Travail, lequel fixait notamment les congs, les modalits de licen-ciement, la rmunration des heures supplmentaires. Mais le souci de l'Administration de singulariser et de privilgier ces agents s'est traduit par l'insertion de principes de droit public faisant du NENA UDe sorte de fonctionnaire de seconde catgorie . Une vritable carrire tait amnage leur profit : ils pouvaient l'intrieur d'une catgorie franchir des chelons, changer de catgorie ; par leur affiliation obligatoire une mutuelle, ils taient garantis contre certains risques et pouvaient bnficier d'une retra!te lorsqu'ils quit-taient radministration. La rmunration surtout les diffrenciait des travailleurs du secteur priv. Au salaire de base s'ajoutaient des pres-tations familiales, des indemnits de dplacement. En outre, aprs une anciennet de deux ans dans le salaire antrieur, une augmentation

    (l3) Des augmentations de 10 % des salaires de base, aprs une anciennet de deux ans pouvaient tre accordes sans toutefois dpasser de 50 % le salaire.

    (14) Ce texte avait, selon les promoteurs, deux objectils :8Illlliorer le sort des employs permanents de l'administration, mais aussi viter l'intgration dans la fonction publique de tout ce petit personnel.

    (15) 29 % contre 32 %. (16) Le rapport de dtail nO 5 de la mission d'Imlpection mobile a t consacr au

    personnel NENA. Il a beaucoup inspir les dveloppements qui suivent ..

  • ASPECTS ORIGINAUX DE LA FONCTION PUBLIQUE MALGACHE 171

    de 10 % de ce salaire pouvait tre accorde sans que le total des augmentations ne. puisse excder 50 % du salaire de base. Bien que leur statut ft hybride, ces agents taient nanmoins plus proches des agents publics que des employs du secteur priv. La Chambre administrative a d'ailleurs sembl les considrer comme des agents publics (21 dcembre 1963, Groupements syndicaux des fonctionnaires et agents malgaches des services publics de Madagascar, Bull. 1963 2.63) (17).

    L'utilisation du personnel NENA prsentait deux caractristique essentiellement : d'une part, la moiti du personnel tait concentre dans la province de Tananarive, d'autre part, la presque totalit occu-paient des emplois d' ouvriers (35 %), de manuvres (33 %) et de bureau accessoirement (14 %) (18).

    En raison des facilits qu'il offrait, l'Administration usa large-ment de l'Arrt du 3 juin 1954. Et les eHectifs de NENA se gonflrent rapidement : de 1954 1960, 7.000 agents furents recruts doublant le nombre initial (19). Ce recrutement massif s'accompagna de divers abus. La slection fut loin d'tre rigoureuse. En outre, divers textes rajustrent les salaires des catgories les plus dfavorises (indice infrieur 150). L'intention tait bonne mais souvent le NENA obte-nait une situation matrielle meilleure que le fonctionnaire occupant un emploi analogue. Aussi divers candidats la fonction publique prfraient solliciter le statut de NENA que d'affronter un concours Administratif. Les abus furent tels que le gouvernement en novembre 1960 interdit tout recrutement de NENA pour les emplois dont la qualification correspond celle d'un cadre de fonctionnaires (20). C'tait le premier pas vers la condamnation radicale. En eHet, ce pt'rsonnel n'avait pas dmontr son utilit. Il n'a pas t employ

    (17) Morphologiquement, ce personnel prsentait plusieurs particularits. Il s'agissait d'un corps jeune : 80 % des NENA avaient moins de 45 ans. Mais l'anciennet et l'exprience administratives taient faibles : prs de 73 % avaient moins de dix ans de service. Enfin les NENA taient en forte majorit (65 %) originaires des Hauts-Plateaux.

    (18) Par ailleurs, 5 % occupaient des emplois d'encadrement, 4,6 des emplois d'enseigne-ment, 6,8 % des emplois de scurit (essentiellement dans les prisons)', 2,5 % des emplois sanitaires.

    (19) Cet afflux tient diverses causes. d'abord l'wugmentation constante de la daman de (les candidats tant attirs par la quasi-permanence de l'emploi et par les avan-tages financiers). En outre, beaucoup de dcisionnaires demandrent et obtinrent le statut de NENA. Enfin, le recrutement fut favoris par l'interdiction de l'engage-ment de nouveaux auxiliaires partir de janvier 1958, l'autonomie des provinces (accrue par la loi-cadre), la multiplication des communes.

    (20) Dcret du 23 novembre 1960 qui, en outre intgre parmi les auxiliaires tous les employs de bureau engags au titre de l'Arrt du 3 Juin 1954 depuis le 8 janvier 1958.

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    pour remplacer moindre cot des fonctionnaires ou des auxiliaires il a t affect des emplois subalternes non spcialiss qui auraient pu tre tenus par des dcisionnaires qui eux cotaient moins cher que les NENA (21). Et c'est trs logiquement que les dcrets du 27 mai 1964, qui introduisirent une classification et une clarification attendues, suprimrent les NE NA (22).

    Ce ne fut pas la seule rforme. Depuis 1960, les pouvoirs publics ont adopt divers textes, pris de multiples mesures qui confrent la fonction publique malgache toute sa spcificit.

    B. - PRESENTATION GLOBALE DE LA FONCTION PUBLIQUE MALGACHE ACTUELLE

    La fonction publique malgache prsente certaines caractristiques g{nrales qui l'apparentent d'ailleurs aux fonctions publiques de bien des pays en voie de dveloppement.

    a) Le poids de la fonction publique dans la socit malgache est considrable. Politiquement, il se traduit par la prsence de nom-breux fonctionnaires (en position de dtachement) tant au gouver-nement que dans les assembles (23). Quantitativement, il est difficile de chiffrer actuellement le nombre des agents rmunrs par les diverses personnes morales de Droit public (24). Mais on peut valuer 57.000 environ leur nombre dont 70,2 % sont employs par l'Etat, ]5,8 % par les provinces, 14 % par les communes La densit .dmi-

    (2I) V. Rapport de dta nO 5 prcit p. 33 et s. (22) Par une circulaire du 6 dcQlIlbre 1961, le Gouvernement suspendra le recrutement

    de tous les personnels non encadrs (contractuels, auxiliaires, NENA, dcisionnaires) sauf drogations accordes par le secrtaire d'Etat la fonction publique et le Ministre des Finances.

    (23) Le Prsident de la Rpublique et plusieurs de ses ministres sont des fonctionnaires en service dtach :. ou la retraite. UAsse.mble nationale compte actuelle ment 34 fonctionnaires sur 107 dputs. Au Snat, sur un effectif de 54, 21 sna teurs ont la qualit de fonctionnaires (7 d'entre eux tant la retraite).

    (24) Aucun chiffre officiel ne peut tre fourni actuellemenl1. Un recensement est en cours de dpouiIlQlIlent, mais les rsultats n'ont 'pas encore t publis. C'est donc sous toutes rserves que nous avanons un chiffre. Il a t tabli d'aprs les renseign61TJ;mts obtenus au Secrtariat d'Etat la fonction publique, au Service des statistiques et au Ministre de l'Intrieur (pour les agents employs par les communes). Tous les chiffres - sauf ceux emprunts au budget de l'Etat - sont donc approximatifs.

    En outre, n'ont pas t dco.mpts les agents rellement temporaires, telles, par exemple, les personnes recrutes !par le Ministre des Travaux Publics pour un chantier.

  • ASPECTS ORIGINAUX DE LA FONCTION PUBLIQUE MALGACHE 173

    nistrative :. est ainsi de : 90 agents pour 10.000 habitants (contre 88 en 1960) (25). Le nombre de fonctionnaires proprement dits est de l'ordre de 25.000 soit 44,2 % de l'effectif total. Enfin, malgr une relle amlioration, les agents de l'Administration restent dans une proportion apprciable (le tiers environ) concentrs dans la province de Tananarive (25 bis).

    En tout tat de cause, l'volution des effectifs suit une courbe ascendante :

    1938 15.312 1958 32.476 (25 ter) 1960 50.344 1967 57.000 environ.

    Ainsi depuis l'indpendance, les effectifs de la fonction publique ont augment de 7.000 units. Sans iuvoquer la loi de Parkinson (selon laquelle, on le sait, dans tous les Etats, les effectifs administratifs aug-men1en~ inluctablement car l'activit des agents publics consiste se donner mutuellement du travail), les facteurs de cet accroissement sont multiples. D'abord, le transfert l'Etat malgache de tous les attributs de la souverainet a entran la cration de nombreux services et j" recrutement du personnel correspondant. En outre, Madagascar comme dans tous les Etats en voie de dveloppement, la fonction publique exerce un extraordinaire ,attrait. Le Prsident Tsiranana l'a dplor publiquement : Le malheur est que ds qu'un enfant entre l'cole, il pense dj tre fonctionnaire et ses parents pensent comme lui:. (26). Etre dans l'administration, c'est en effet tre assur de la scurit et de revenus qui ne peuvent que crotre avec le temps. Quelle situation envible par rapport celle des paysans qui, exposs aux caprices .le la nature, ne sont jamais srs du lendemain. Et puis, tre fonctionnaire c'est un rel moyen de promotion : c'est un titre qui fixf' assez haut dans la hirarchie sociale celui qui peut s'en prvaloir. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que, dans les Etats sous-developps,

    (25) L'augmentation des agents des administrations est compense par l'accroissement de la population. Au 1er janvier 1965, la population malgache s'levait 6235000 habitants.

    (25-bis) Ce !phnomne n'est pas propre Madagascar. M. GAZt.ER (op. cite p. 151) relve dans les pays en voie de dveloppement l'hypertrophie des services de la capitale, en face du vide administratif de l'arrire-pays . Le Prsident de la Rpublique a annonc le 5 octobre 1965 : J'ai donn des ordres pour que chaque Ministre renvoie dans les provinces le quart de ses effectifs; dans les grandes viIles et surtout . la capitale, ceux-ci sont plthoriques (lmp. Nat. p. 30).

    (25-ter) Les chiffres pour les annes 1938 et 1958 sont fournis par M. GENDARME dans l'Economie de Madagascar, 1960, p. 185.

    (26)Discours au Parlement du 1er octobre 1963, Imprimerie Nationale, p. 27.

  • JEAN-CLAUDE MAE5TRE

    les rmunratiolUl publiques constituent une technique de redistribu tion des revenus. Mme si le nombre des agents strictement ncessaire est dplUlll, l'Etat fournit un certain nombre de familles des ressour-ces montaires qui seront d'ailleU1'8 consacres des dpenses de ccnsommation. L'inflation en personnel est donc invitable; mais il ne faut pas qu'elle soit galopante :.. Ce n'est pas le cas Madagascar. Toutefois le nombre des agents employs par l'Administration doit normalement crotre encore car les effectifs rglementaires ne sont pas atteints.

    L'importance de la fonction publique malgache a naturellement une rpercussion financire. Il est certain que le cot est lev ainsi que l'atteste le tableau ci dessous qui met en parallle les dpenses dt. l'er&onnel de r Etat et les dpenses en capital (pourcentages par rapport aux dpenses totales).

    Annes Dpenses en Dpenses en Personnel Capital

    1960 48,1 % 0 1961 51,3 % 0 1962 51,3 % 8,9 % 1963 52 % 9,8 % 1964 51,9 % 9,6 % 1965 48 % 11 % 1966 46,5 % 12,2 % 1967 46 % 12,8 %

    (prvisions)

    Ainsi presque la moiti des dpenses de l'Etat sert payer ses agents. Depuis 1964 toutefois les dpenses tendent dcrotre (tandis que les dpenses en capital augmentent). Le plan quinquennal (1964 1968) limite d'ailleurs 5 % le taux annuel d'accro8sement des dpenses de fonctionnement (26 bis). Toutefois les dpenses en person-nel ont augment en moyenne par an depuis 1960 de plus de 783

    (26-bis) Le gouvernement a interprt ainsi cette obligation. Seuls les moyens supplmen-taires nouveaux reprsents par des autorisations nouvelles doivent tre pris en cOIlEidration. En revanche, n'entrent pas en ligne de compte la rvaluation des moyens existants qui consistent actualiser le cot des dpenses publiques en raison des multiples facteurs d'ordre trs divers (promotion, avancements, intgration des moyens supplmentaires accords par la loi rectificative .. .) :. (Expos des motifs du projet de loi de finances pour 1967).

  • ASPECTS ORIGINAUX DE LA FONCTION PUBLIQUE MALGACHE 178

    millions de F .M.G. Et en 1967, les dpenses de personnel absorberont un. peu plus de 50 % des ressources de l'Etat. En d'autres termes, chaque fois que l'Etat percevra l 000 FMG de recettes, il reversera 500 FMG pour ses agents. Ces chiffres sont relativement impression-nants, mais les dpenses en personnel sont appeles inexorablement augmenter non seulement parce que les effectifs budgtaires ne sont pas atteints mais aussi parce que les lgitimes promotions et avance-ments au sein de la fonction publique entranent uu surcrot de dpenses.

    Ces remarques conduiseut une deuxime observation :

    b) Le corps des agents de r Administration forme au sein de la Nation une catgorie privilgie.

    A Madagascar, le revenu annuel par tte d'habitant est valu 10000 FMG. Or les fonctionnaires et agents de l'Administration peroivent des soldes mensuelles de base s'talant entre 10400 et 150 000 FMG, et mme 200000 FMG pour les plus hauts emplois (27). Les agents de l'administration sont vraiment des nantis au sein de la socit. Le plus modeste d'entre eux gagne autant eri. un mois que le paysan de la brousse en une anne de dur labeur (28). Le Prsident TSIRANANA au lendemain de l'indpendance l'a bien souli-gn : Le gouvernement a consenti un effort particulirement impor-tant dans la conjoncture actuelle en faveur du personnel de l'Adminis-tration, afin de se constituer une fonction publique de qualit, digne et accessible tous. La majorit des fonctionnaires ... constituent une catgorie privilgie dans le pays ~ (29). La situation enviable des agents de l'administration (du moins par rapport l'immense majorit dp,s autres citoyens) explique le relatif effacement des syndicat~ d'agents publics. Rclamer des avantages financiers supplmentaires

    Ainsi en 1967, les dpenses globales de fonctionnement augmentent de 1 915 millions. Mais l'actualisation du cot des dpenses publiques se chif,'re 670 mil-lions. Les dpenses nouvelles de fonctionnement s'lvent donc 1245 millions, !!Oit 4,58 % des services vots de 1966_

    (27) Les agent. sont repartis dans quatre catgories, dont les indices sont respectivement: D : 125 390 ; C : 250 SOO ; B : 380 800 ; A ; 525 1 800 (et 2 400 excep-tionnellement). Le point d'indice est gal . 1 000 FMG.

    TI est notable que l'ventail des indices est plus ouvert Madagascar qu'en :France (125 1800 contre 100 BOO).

    (28) II connent toutefois de rendre hommage au patriotisme de nQlllbreux fonction-naires malgachee qui faisaient partie avant l'indpendance des cadree franais rgis par Dcret. Ils avaient le choix entre le lIl1Ilintien du statut franais et l'intgration dans les cadres malgaches. Beaucoup ont choi.i cette dernire solu-tion bien qu'ils aient perdu en moyenne la moiti de leur traitement.

    (29) Discours au Parlement du 4 octobre 1960, lmprimeru Nationale, p. 16.

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    aurait quelque chose d'indcent (30). Cette situation a conduit par ailleurs le gouvernement imposer des sacrifices ses agents entre 1960 et 1965. Des prlvements exceptionnels fixs initialement 10 % et 20 % pour les emplois hors chelle (Dcret du '1 novembre 1960), puis ramens 7 et 14 % (Dcret du 28 dcembre 1961) enfin 4

  • ASPECTS ORIGINAUX DE LA FONCTION PUBLIQUE MALGACHE 17'1

    services, o les fonctionnaires malgaches qualifis font encore dfaut, pour des satisfactioW! d'amour propre. En deuxime lieu, le gouverne-ment a song aux tudi~ts qui poursuivent leurs tudes et qui sont en droit de compter sur des emplois correspondant leur formation. Il faut prvenir des conflits de gnrations invitables si toutes led l'laces, notamment les meilleures, sont dj prises (35). Enfin, M. Roger PASCAL (qui a longtemps servi Madagascar avant et aprs l'indpen-dance) ajoute un facteur spcifiquement local : la malgachisation totale revenait une merinisation de la fonction publique daW! la mesure o l'immense majorit des agents publics provenaient des Hauts-Plateaux en 1960 : Les ctiers qui disposent de la majorit lectorale et de la majorit parlementaire ne le voulaient pas (36). Les raisons politiques n'ont pas seulement dict la conduite du gouver-nement. Des considrations tenant l'quilibre ethnique dans la fonc-tion publique et surtout la justice l'ont galement guid. Les ctiers ont en eHet longtemps t dfavoriss sur le plan de l'enseignement. Un certain retard a t pris. N'est-il pas quitable d'assurer l'avenir des lites ctires qui, avec les nouvelles possibilits de formation, peuvent lgitimement prtendre des emplois ? (37).

    La malgachisation suit nanmoins son cours. Le nombre d'assid-tants techniques a baiss : en 1958, au moment de la proclamation de

    (34) Discours au Parlement du 6 octobre 1964, Imprimerie Nationale, p. 6. (35) Le Gouvernement estime toutefois que les titulaires des diplmes doivent faire leurs

    preuves et ne pas exiger immdiatement les plus hauts postes. J'ai vu, dira le Prsident TSIRANANA, le 2 octobre 1962, des capacitaires en droit solliciter un emploi de Procureur de la Rpublique. On veut devenir cheI de service et on indique fire ment le service de son choix ... Nous so.lII/Illes prts placer ces diplms mais nous repoussons les ambitions. .. Tout le m'Onde ne peut pas tre gnral dans ce pays (Imprimerie Nationale, p. 28). Le thme sera repris dans le discours du 6 octobre 1964 (p. 6).

    (36) R. PASCAL, La Rpublique Malgache, 1965, p. 86. (37) La. question ethnique a d'ailleurs d'autres incidences sur la fonction publique

    malgache. D'abord, le statut de la fonction publique luimme l'voque dans l'article 15 propos du dossier du fonctionnaire. Il ne doit contenir aucune mention faisant tat de l'~partenance syndicale de l'intress, de ses opinions politiques, philoso-phiques ou religieuses, ou de son groupement ethnique . En outre, les places mises aux concours administratiJ8 font l'objet de contingentements provinciaux. Par ailleurs, selon M. Roger PASCAL (op. cit., p. 86), la prolifration des NENA et des dcisionnaires (d'origine otire) rpond la marne proccupation. Et puis, le gouvernement a envoyi, toujours selon cet auteur, l'Institut des Hautes Etudes d'Outre-Mer de forts contingents de fonctionnaires ctiers qui sont revenus avec le titre d'Administrateur. Certaines frictions se seraient produites entre ces hauts fonctionnaires et les Administrateurs issus de l'E.N.A.M., ces derniers faisant valoir qu'ils ont pass un concours. Enfin l'affectation des fonctionnaires merina dans des rgions autres que les Hauts-Plateaux se heurte de srieuses rsistances de la part des intresss. Le gouvernement Ji d, diverses reprises, rappeler ses agents que les affectations taient une prrogative de la hirarchie agissant

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    la Rpublique, il y avait 2 700 fonctionnaires franais. En 1960, le nombre d'assistants techniques s'levait 1965; au 31 dcembre 1966, il Y en avait 1 750, dont prs de la moiti sont utiliss des tches d'enseignement. En 1964, le chiffre tait mme tomb 1 566 mais il a fallu recruter des assistants techniques pour certains services spcia-liss : agriculture, finances, enseignement et sant (38) .

    Sur le plan juridique galement, l'volution de la fonction publi-que a t remarquable; elle lui confre un notable et intressant particularisme. En 1960, le lgislateur malgache s'tait beaucoup inspir des solutions franaises. Le statut de la fonction publique reprenait pour l'essentiel les dispositions en vigueur en France (39). Depuis, de multiples textes de nature parlementaire ou gouvernemen-tale (Ordonnances et Dcrets) ont vu le jour. Cette effervescence

    au mieux de l'intrt gnral et mme prendre des sanctions allant jusqu' la rvocation (v. par exemple, Ch. Adm. 21 mars 1964 RAZAFINDRAKOTO Eloi, Rec. 1964, 1., p. 70; 15 mai 1965, RAZAFIMAHARAVO Paul, Rec. 1965, 1., p. Ill). Le Prsident TSIRANANA a rcemment abord directement ce problme : les affec tations provoquent trop souvent des murmures; un fonctionnaire est au service du peuple ... si on le mute, c'est ... pour le profit des administrs; c'est aussi pour le prot't de l'agent car il complte son exprience ... . Et s'adressant plus spciale. ment aux fonctionnaires des Hauts-Plateaux : Vous tes les plus nombreux; si on vous affecte tous dans la province de Tananarive, la cte manquera de fonction-naires ... (Discours du 25 octobre 1966, Imp. Nat. p. 7).

    Au demeurant ces didicults ne sont pas nouvelles. A l'poque coloniale, il faUait dj. instituer des tours de brousse et accorder aux fonctionnaires .merina des supplmeuts dits ctiers .

    (38) On s'explique ainsi que le chef de l'Etat ait, dans son discours du 6 octobre 1964 attir l'attention des jeunes sur les possibilits qu'offrent les carrires de la sant, de l'enseignement et de l'agriculture dans lesquels ces cadres sont encore insuffisants en n~mbre; il en rsulte que notre recours l'assistance technique reste pour ceuxci encore trs important et que la malgachisation ne connat pas le rythme que l'on constate dans les autres secteurs (Irmp. Nat., p.4).

    (39) Les seules diflrences notables concernent d'une part, l'interdiction dj releve de mentionner dans le dossier du fonctionnaire son groupement ethnique , d'autre part, l'absence de Comits techniques paritaires. En revanche existent les Commissions administratives paritaires et le Conseil Suprieur de la fonction publique, dont les reprsentants des fonctionnaires sont dsigns par les organisa-tions syndicales les plus reprsentatives qui sont par ordre dcroissant d'importan-ce : syndicat de la Fdration Nationale de la fonction publique (F.M.M.), Union gnrale des fonctionnaires F.O., Syndicat chrtien de la fonction publique et Fdration nationale de la fonction publique.

    Notons galement : - la notion de corps (identique la notion franaise) qui coexiste depuis 1964 avec la notion de cadre dfini comme l'ensemble des emplois d'une mnne administration ou service et ncessitant une qualification Jlrofessionnelle de mme nature . Le Ministre de la Fonction publique a donn aux dputs un exemple : rI y a le corps des administrateurs, des adjoints d'administration, des assistants d'administration, des employs d'administration. L'ensemble de tous ces corps forme le cadre du peIBOnnel de l'administration gnrale . (A. NIe. 22 mai 1964, PY. nO 175, p. 49).

  • ASPECTS ORIGINAUX DE LA FONCTION PUBLIQUE MALGACHE 1'19

    lgislative et rglementaire a une signification bien prcise: nationa-liser statutairement la fonction publique, l'adapter aux structures sociologiques de Madagascar. Les dispositions franaises n'taient pas toujours opportunes ou, au contraire, elles taient trop librales pour un Etat en voie de dveloppement.

    Comment se concrtise le particularisme de la fonction publique malgache? Par: 1) Une interprtation restrictive de la notion d'agent public; 2) La recherche d'une fonction publique efficace; 3) La volont de moraliser la fonction publique; 4) Des mesures de rpa ration en faveur de certains agents.

    1. - CONCEPTION RESTRICTIVE DE LA NOTION D'AGENT PUBLIC

    La fonction publique malgache avait hrit de l'poque coloniale un certain dsordre en matire de personnel. La diversification tclit trs grande. Et l'existence des NENA agents mi-privs mi-publics ne simpliIiait pas les choses. Une rforme s'imposait. L'option prise est tranche : seuls les fonctionnaires et les auxiliaires sont dots d'un statut de droit public. Etait donc exclue la catgorie bien connue "n droit franais des contractuels de droit public soit en raison des clauses exorbitantes contenues dans les contrats d'engagement, soit en raison de la participation directe des intresss la gestion des services publics (40). La Chambre Administrative de la Cour Suprme a, dans un arrt rcent trs important du }"' avril 1967, avalis cette conception restrictive de la notion d'agent public; elle s'est abstenue d'y apporter le m'oindre temprament.

    A. - LES OPTIONS LEGISLATIVES ET REGLEMENTAIRES

    Le lgislateur et le gouvernement ont rech~rch avant tout la simplification. Dsormais, il n'y a plus d'agents relevant la fois du droit public et du droit priv. Le choix est radical : l'agent qui n'est ni fonctionnaire ni auxiliaire, est soumis en principe la lgislation

    - La classe qui est com1Jle le grade un titre, - L'existence COIIl1lle mode de sortie de la carrire. de la radiation d'office

    des contrles :. qui frappe le fonctionnaire qui, mis en disponibilit sur sa demande, n'a pas repris son service et qui s'abstient de rpondre aux mises en demeure de l'administration.

    (40) Arrts du C.E. : 4 juin 1954 Vingtain et Alfortit, R. 342, confirms maintes fois.

  • 180 JEANCLAUDE MAESTRE

    du droit du travail. A cet gard, trois textes sont fondamentaux : le& dcrets 64 212 - 64 123 - 64214 du 27 mai 1964 (J.O.R.M. p. 1083;. Les gouvernants ont donc jug opportun de replacer le petit person-nel de la fonction publique sous l'empire du droit priv. On revient ainsi la situation conscutive la promulgation du Code du Travail de 1952.

    a) Les agents publics.

    Outre les fonctionnaires et les auxiliaires, il faut, nous sembletil, ranger dans la catgorie des agents publics les agents permanents du Rseau National des chemins de fer malgaches. Tout ce personnel se trouve dans une situation lgale et rglementaire de droit public. Et le contentieux doit tre soumis au juge administratif.

    1) Les fonctionnaires sont les persoIIIDes qui, nommes dans un emploi permanent ont t titularises dans un grade de la hirarchie des cadres de l'Etat relevant de l'autorit du Prsident de la Rpu blique (41). La dfinition est identique celle du droit franais. Les fonctionnaires sont soumis au statut gnral dfini par la loi 60003 du 15 fvrier 1960 {modifie diverses reprises) (42). Ainsi Mada-gascar a opt pour l'Administration de carrire , pour reprendre une terminologie de M. Franois GAZIER : le fonctionnaire, une fois titularis est assur d'une carrire, plus ou moins brillante certes, mais qui lui assure stabilit et scurit (43).

    Le statut ne s'applique ni aux magistrats (44) ni aux agents non encadrs non auxiliaires ni la garde de Madagascar (qui sera trans forme en Arme nationale) ni aux personnels dcs administrations, services et tablissements publics ayant un caractre industriel et

    (41) Article 1er du statut gnral des fonctionnaires. On retrouve les trois lments classiques : occupation d'un emploi, permanence de l'emploi, titularisation dans un grade de la hirarchie.

    (42) Loi 60003 du 15 ivrier modifie par l'Ordo du 20 septembre 1962 (J.O.RM., p. 2003) ; l'ordo du 1er octobre 1962 (J.O.R.M., p. 2434) ; la loi du 28 Imai 1964 (J.O.R.M., p. 1110).

    (43) L'Administration de carrire est oppose l'Administration de spcialistes que connaissent notamment les EtatsUnis d'Amrique. Tout le problme est de savoir si dans un pays neuf, o beaucoup reste faire, la carrire ne risque pas d'ter ou d'attnuer le dynamisme des fonctionnaires - V. F. GAZIER, op. citee.

    (44) Le statut de la magistrature a t tabli par l'Ordo 60 001 du 4 fvrier 196Q, modifie par l'Ord. 60 051 du 27 juin 1960 (J.O.R.M. p. 1113), l'Ordo 60112 du 29 septembre 1960 (J.O.R.M., p. 1997)" la loi 62 010 du 20 juin 1962 (J.O.R.M., p. 1165) ,la loi 60004 du 25 mai 1964 (I.O.R.M., p. 1014), la loi 66015 du 5 juillet 1966 (J.O.R.M., p. 1527).

  • ASPECTS ORIGINAUX DE LA FONCTION PUBLIQUE MALGACHE 181

    commercial l'exception toutefois des cadres des postes et tlcom-munications.

    Cette catgorie de personnel n'appelle pas de commentaire spcial. Trois remarques seront simplement iaites. En premier lieu, la situation juridique des militaires malgaches, notamment des officiers et des sous-officiers, reste dtermine par les textes franais. Le principe a t pos par le Dcret 61042 du 6 janvier 1961 (45). Toutefois des statuts sont en cours d'laboration. En deuxime lieu, il n'y a pas Madagascar de fonctionnaires communaux ou provinciaux. L'ordon-nance 60150 du 3 octobre 1960 (J.O.R.M. p. 2221) qui porte statut gnral des personnels communaux prcise que les employs commu naux sont tenus par des NENA, des auxiliaires, des contractuels et des fonctionnaires de r Etat dtachs. La mme ordonnance a port disso-Jution des cadres communaux de la ville de Tananarive; les fonction-naires communaux ont t intgrs sur leur demande dans les cadre8 de l'Etat (46). En troisime lieu, enfin, les fonctionnaires stagiaires sont soumis, en attendant la titularisation (ou le licenciement) un statut de Droit public (Dcret 60047 du 5 mars 1960) (47).

    2) Les Auxiliaires : Au 31 dcembre 1966, ils taient au nombre de 3500 (contre 5864 en 1960). Les auxiliaires sont rgis par un &tatut fix par le Dcret 64 214 du 27 mai 1964 (J.O.R.M. p. 1083). Ils occupent des emplois normalement dvolus des fonctionnaires en raison de l'insuffisance de ces derniers. Une vritable carrire est amnage leur profit mais l'avancement a lieu exclusivement au choix. Deux caractristiques mritent d'tre relevs. En premier lieu, la fonction est minemment prcaire. Ainsi le licenciement est obliga-toire si un fonctionnaire est affect l'emploi occup ou si celui-ci est supprim. L'exclusion doit tre prononce aussi en cas de non franchissement d'chelon aprs six aD!lles de service effectif dans un chelon (autre que l'chelon suprieur de l'chelle laquelle appar-tient l'intress). Il y a un critre objectif d'insuffisance profession-nelle. De mme, la rvocation est obligatoire dans certains cas prvus

    (45) Ce dcret, qui porte constitution et organisation de l'anne de terre, de mer et de l'air, prcise que jusqu', parution des textes qui lui seront propres l'arme appliquera les textes applicables l'arme franaise Madagascar; en particulier le statut de ses personnels sera celui des personnels de l'arme franaise -(J.D.RM. p. 207).

    (46) Le dcret 61013 du 18 janvier 1961 (J.O.R.M. p. 95) a fix les modalits de cette intgration. V. Ch. Adm. 17 dc. 1962, RAZAFIMANANTSOA Jrme, Bull. 1%1-1962, p.69.

    (47) Dcret modifi par le dcret 63 176 du 18 dcembre 1963 (J.O.R.M. p. 2812).

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    par le Dcret (48). La prcarit est donc affirme. Mais, comme l'a not M. Marcel W ALINE : prcaire n'est pas synonyme de tempo-raire : il y a des auxiliaires titre prcaire rvocable :1> qui, en fait, passent toute leur vie active au service public :1> (49). En second lieu, des textes ont facilit l'intgration des auxiliaires dans les cadres de l'Etat. Ainsi le Dcret 60-371 du 28 septembre 1960 (50) a fix les modalits d'intgration. Certaines conditions doivent tre runies : avoir accompli deux annes de service dans un emploi normalement dvolu un fonctionnaire et figurer sur une liste d'aptitude dresse par arrt conjoint du ministre dont relve le cadre d'intgration et du ministre charg de la fonction publique (51) - Ce mme dcret permet aux auxiliaires qui justifient de plus de cinq annes de s~rvice dans des emplois normalement dvolus des fonctionnaires, d'tre candidats aux concours professionnels pour l'accs aux emplois du cadre o ils exerceront leurs fonctions_ Beaucoup d'auxiliaires ont bnfici de ces dispositions. Ainsi entre le 30 juin 1963 et le 30 juin 1964, ont t intgrs 909 auxiliaires (52). Ainsi s'explique, semble-t-il que le nombre d'auxiliaire ait diminu de plus de 2 360 units depuis 1960, alors que de nouveaux auxiliaires ont t recruts (53). Nan-moins les dparts l'ont emport jusqu' prsent sur les admissions.

    3) Les agents permanents du rseau national des chemins de fer. Ces agents ne sont certainement pas des fonctionnaires mais ils

    ont, semble-t-il, la qualit d'agents publics actuellement. Il n'en a pa .. toujours t ainsi. Pour mesurer la complexit et l'intrt du problme, il convient de faire un rapide retour en arrire. Jusqu'en 1951, les Chemins de fer taient Madagascar directement exploit par l'administration coloniale. Ce personnel avait donc la qualit d'agents publics, et les titulaires, celle de fonctionnaires. C'est d'ailleurs ce que vient de confirmer la Cour Suprme de Madagascar - sigeant

    (48) L'artiole 27 prvoit nota.mment la rvocation obligatoire pour refus cfobtemprer une affectation ou une mutation, pour abandon de poste, pour malversation (par application de la Loi du 9 octobre 1961-, v, in/ra).

    (49) Note la R.D.P. 1966,571 sous DUe WATTIN, T.C. 22 nov. 1965. (50 Dcret 60-371 du 28 sept. 1960 (J.O.R..M., p. 1244) modifi par le dcret 62-188

    du 18 avril 1962 (J.O.RM. p. 688), le dcret 63674 du lB dc. 1963 (J,O.R.M. p. 2811), le dcret 66104 du 2 mars 1966 (J.O.R..M. p. 5551).

    (51) L'aptitude est apprcie d'aprs les dossiers. Les intgrations sont faites dans l'ordre tabli par la liste d'aptitude dans la limite des crdits spciaux vots cet effet chaque anne par le Parlement.

    (52) Rapport sur l'activit du gouvernement (1-71963 - 30-6-1964), p. 222. (53) Ainsi du 1er juillet 1965 au 30 juin 1966, il a t procd au recrutement de 521

    auxiliaires nouveaux (Rapport d'activit du gouvernement, p. 17).

  • ASPECTS ORIGINAUX DE LA FONCTION PUBUQUE MALGACHE 183

    pour la premire fois en formation des conflits - dans l'arrt Radori-dina cl Rgie des chemins de fer du 19 avril 1967 (54). Mais l'arrt Ministriel du 26 dcembre 1950 (promulgu Madagascar le 10 janvier 1951 - J.O.M. p. 51) a constitu la Rgie des chemins de fer de Madagascar, tablissement public industriel et commercial. Il est vident que le terme Rgie :. tait impropre. Le personnel qui tait dj en fonction a nanmoins conserv la qualit de fonctionnaire. C'est ce qu' admis dans l'arrt prcit la Cour Suprme, qui a d'ailleurs fait application des principes dgags par la jurisprudence franaise (55). La Rpublique malgache n'a pas modifi, dans le!! premires annes, ce rgime juridique d'exploitation. Le dcret du 31 dcembre 1959 (J.O.R.M. 1960 p. 472) continue de voir dans la Rgie malgache des chemins de fer un organisme caractre indus-triel et commercial, dot de la personnalit civile et de l'autonomie financire . L'expression tablissement public n'tait pas employe, mais son existence ne faisait pas de doute. La Rgie :. tait d'ailleurs gre par un Conseil d'Administration.

    Deux ans et demi plus tard, le gouvernement dote le personnel permanent des chemins de fer d'un statut toujours en vigueur (dcret du 18 mai 1962, J.O.R.M. p. 945). Il est tabli, prcise le texte, par rfrence aux dispositions de la loi 60003 du 15 fvrier 1960... Les dispositions de ladite loi et les textes subsquents sont applicables de plein droit aux questions non explicitement prvues par le statut . Donc, en cas de lacune du statut des cheminots, c'est le statut gnral des fonctionnaires qui s'applique. D'ailleurs le statut du personnel de~ chemins de fer est calqu sur celui des fonctionnaires (56). Les agents permanents des chemins de fer sont incontestablement dans une situa tion statutaire. Mais de droit public ou de droit priv ? Le doute est permis. Certes le principe est que le personnel d'un tablissement public industriel et commercial est dans une situation de droit priv (sous rserve des droits acmtil'l) : ~ellJ le oermnnel de direction, plus prcisment Jp directe11r g;;nral et le comptable. s'il a la ml111it de comotable public, ont la qualit d'ap:ents publics (conformment

    (54) A l'poque de sa dmission, en juillet 1943 ... Radoridina avait la qualit de fonctionnaire :.. (Arrt non encore publi).

    (55) Dans l'arrt Lherbier (20 janv. 1965, D.1965.826, note DEBBASCH) le Conseil d'Etat a notamment dcid que la transformation par Dcret d'un Etablissement public administratif en Etablissement public industriel et ('I()mmercial n'a pas port atteinte la qualit de fonctionnaire public du personnel en question.

    (56) Tout au plus la place des Col1lllIlssions administratives paritaires et du Conseil Suprieur de la fonction publique existent des commi~sions ferroviaires et un Conseil Suprieur ferroviaire. En outre, les cheminots bnficient d'un certain nombre d'avantages particuliers : permis de transport, primes diverses, logements pour certains.

  • 184 JEAN-CLAUDE MAESTRE

    la jurisprudence J alenques de Labeau) - (57). Mais l'intention du gouvernement tait manifestement de les considrer comme des agents publics. Etait trs significatif cet gard le Dcret du 30 juillet 1963 qui confiait expressment la chambre administrative le soin de rgler les litiges du personnel permanent des chemins de fer avec la Rgie '1>.

    L'quivoque est leve totalement depuis que le gouvernement a abandonn la formule de l'tablissement public. Le Dcret 65001 du 6 janvier 1965 (J.O. p. 124) a constitu le Rseau national des chemins de fer en exploitation d'Etat caractre industriel t'.t commercial . Les chemins de fer sont grs directement par un Directeur gnral nomm par dcret. n existe au Ministre de l'Equipe-ment et des communications, depuis le Dcret du 22 septembre 1965, une Direction Gnrale du Rseau National des chemins de fer au mme titre que la Direction de l'aronautique ou des postes et tlcom-munications. Certes le Rseau dispose d'un budget annexe; mais il s'agit d'isoler les oprations comptables afin d'apprcier la rentabilit du service. Mais les chemins de fer n'ont plus de personnalit juridique distincte de celle de l'Etat_ Le terme de rgie a donc t abandonn alors que prcisment il tait cette fois justifi. En effet, il semble que le Rseau soit juridiquement une rgie industrielle , catgorie connue en droit franais (58) ; le personnel y est considr par la jurisprudence comme soumis au Droit public (59). A Madagascar, la similitude des dispositions du statut des cheminots et du statut des fonctionnaires, la comptence contentieuse de la chambre adminis-trative confirment la qualit d'agent public du personnel permanent des chemins de fer qui s'levait au 31 dcembre 1966 2 717 agent~ (sur un total de 5230 cheminots) (60).

    Les ~yndicats de cheminots rclament d'ailleurs l'octroi du statut de fonctionnaires comme les autres (61). Le gouvernement n'est pas hostile la fonctionnarisation condition que les cheminot;; laissent au vestiaire tous les avantages acquis dira le Ministre de tutelle le 10 fvrier 1967 (62).

    Celui-ci prcisa que seuls 420 cheminots rempliraient les conditions

    (57) C.E. 8 .mars 1957 ; S. 1957.276, conclusion MOSSET; D. 1957.378, note de LAURA-DRE; AJ.D.A. 1957.2.184, Ch. FOURNIER et BRAmANT; lC.P. 1951.2.9981, note DUFAu.

    (58) V. de LAURADRE, Trait lmentaire de Dt. Adm., lU, nO 920; A.G. DELION, les services industriels en rgie de l'Etat, D. soc. 1963; 1. LAMARQUE, Recherches sur l'application du Droit priv aux services administratifs, 1960, n OI 276 et s.

    (59) V. de LAURADRE, op cit., nO 226 ; LAMARQUE, op. cite, nO 281. (60) Les supplants sont rgis par le Dcret 63487 du 30 juillet 1963 (J.O.R.M.,

    p. 2044). Le juge co.mptent en matire contentieuse est celui du travail. (61) Voir Courrier de Madagascar, 30 dcembre 1966. (62) Interview au Courrier de Madagascar. Le Ministre a cette occasion, contest la

  • ASPECTS ORICINAUX DE LA FONCTION PUBLIQUE MALCACHE 185

    imposes par le statut gnral des fonctionnaires ; tous les autres seraient alors soumis la lgislation du travail.

    b) Agents soumis au Droit du Travail. C'est le Dcret 64.213 du 27 mai 1964 (63) qui a port rglemen-

    tation des conditions d'emploi par des collectivits et organismes publics des personnels soumis la lgislation du travail. Il vise tous les personnels qui n'ont pas la qualit de fonctionnaires ni d'auxi-liaires.

    TOU les agents, qu'ils soient recruts par voie de dcision ou de contrat, ne sont lis l'administration que par un lien de nature contractuelle, essentiellement prcaire, rvocable dans les con-ditions rsultant de la rglementation gnrale du travail, et, ventuel-lement des prescriptions du prsent Dcret . Ainsi tout ce personnel est dans une situation contractuelle de droit priv, sous rserve toute-fois des dispositions du Dcret drogatoires au Droit du travail.

    Le Dcret distingue cinq catgories d'agents. Deux sont plus spcia-lement originales : les agents occupant d'une part des emplois norma-lement dvolus des fonctionnaires, d'autre part des emplois dits de longue dure.

    1. - Les agents occupant des emplois normalement dvolus des fonctionnaires. (E.F.A.).

    L'hypothse vise est la suivante : si, la suite de dtachements ou de mises la disposition, des emplois dans un corps ne peuvent tre pourvus ni par des fonctionnaires, ni par des a-uxiliaires, des agents peuvent tre recruts par contrat, y compris pour les emplois de la catgorie A. Ces contrats doivent tre examins pralablement par la commission centrale des contrats (64). Celle-ci vrifie l'impossibilit de recourir des fonctionnaires ou des auxiliaires ; elle apprcie les diplmes, titres, rfrences fournis. En outre, ces contrats sont dure dtermine : deux annes au plus ; et toute tacite reconduction

    la reprsentativit des syndicats cheminots : ce sont quelques bureauCTates de la direction gnrale qui dirigent ces syndicats. Ils rdigent ~s ptitions signes par une demi douzaine d'entre eux et disent que c'est l l'opinion des 5000 ch6!llinots.

    (63) Dcret 64213 du 27 mai 1964 (J.O.R.M. p. 1091), modifi par le Dcret 66356 du 23 aot 1966 (J.O.R.M. p. 1856) et par le Dcret 66-266 du 31 aot 1966 (J.O.R.M. p. 2121).

    (64) Cette commission a t institue par l'Arrt du 11 novembre 1964 (l.O.R.M. 1965, p. 143). Elle est prside par le reprsentant du Ministre de la Fonction publique, et comprend divers fonctionnaires.

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    est exclue. Quant au systme de rmunration, il varie selon les cat-gories d'emploi (65).

    2. - Les agents occupant des emplois de longue dure (E.L.D.). Ils constituent ce que le Secrtariat d'Etat la fonction publique

    appelle le petit personnel (66). Au 31 dcembre 1966, ils taient au nombre de 3.650. La situation juridique de cette catgorie d'agents a fait l'objet d'un Dcret spcial, le Dcret 64.-214 du 27 mai 1964, modifi le 24 fvrier 1967 dans le sens de l'amlioration de la condition matrielle des intresss.

    Cette catgorie rappelle celle des NENA; beaucoup d'entre eux ont d'ailleurs t reclasss comme E.L.D. On y trouve le mme souci d'assurer un certain nombre d'avantages attachs la carrire de fonctionnaire. Mais ils sont soumis en principe au Droit du travail; leurs liens avec l'administration sont donc plus fragiles. Le gouverne-ment dispose leur gard de moyens de pression plus efficaces qu' l'gard des fonctionnaires auxquels la titularisation apporte une particulire scurit. Vis--vis des E.L.D. les pouvoirs publics ont voulu se rserver une large libert d'action tout en faisant bnficier les intresss d'une certaine stabilit.

    La situation des E.L.D. est, au demeurant, moins prcaire que celle des auxiliaires ; leurs emplois sont en effet considrs comme ncessaires au fonctionnement courant des services et figurent ce titre aux organigrammes desdits services . Ils ne sont pas destins pallier des insuffisances momentanes de fonctionnaires (ou d'auxi-liaires). Si on ajoute que l'E.L.D. une fois engag peut faire une vritable carrire eu tant que tel, il est permis de qualifier ces agents de fonctionnaires de seconde zne .

    Depuis le Dcret du 24 fvrier 1967, les E.L.D. sont recruts par voie de dcision administrative et pour une dure indtermine (67). Jusque l le recrutement tait fait soit par contrat dure dtermine soit par dcision administrative dure dtermine ou indtermine. L'exprience a montr que cette procdure tait lourde et complexe; notamment pour le renouvellement des contrats, il fallait recommencer

    (65) Pour les emplois de la catgorie A, la rmunration est celle des fonctionnaires appels les tenir. Pour les emplois des catgories B, Cl, D, la rmunration est en principe celle des auxiliaires qui ont vocation les occuper. Mais, si le recrutement s'avre difficile, il peut tre allou une indemnit plus leve aprs avis conforme de la CQlllmission centrale des contrats.

    (66) Interview du secrtaire d'Etat la Fonction publique, Courrier de Madagascar, 15 mars 1967.

    (67) Les E.L.D. sont recruts soit sur titres soit pour les emplois plus importants sur attestation de qualification dlivre la suite d'un examen professionnel.

  • ASPECTS ORIGINAUX DE LA FONCTION PUBUQUE MALGACHE 187

    toutes les oprations d'engagement. Dsormais les choses seront simpli-fies : les E.L.D. sont toujours engags par dcision administrative; ils restent nanmoins lis l'administration par un lien de nature contractuelle, de caractre prcaire et rvocable dans les conditions rsultant de la rglementation gnrale du travail . Apparemment, il semble choquant qu'une personne recrute par voie de dcision administrative, acte unilatral, soit dans une situation contractuelle et que cette dcision puisse tre rsilie par l'agent aussi bien que par l'administration. En fait, un contrat de travail est conclu. En effet le Dcret exige avant toute prise de service l'margement de l'intress qui reconnat avoir pris connaissance de la rglementation du 27 mai 1964 et du terme de son engagement. L'accord de volont , caractristique essentielle du contrat, est donc ralis; on peut y voir une catgorie de contrats d'adhsion. D'ailleurs, mme sans l'marge-ment, la situation contractuelle serait nanmoins tablie. Le Con-seil d'Etat franais a fait prvaloir le principe gnral selon lequel la forme du contrat ne suffit pas qualifier sa nature (67-bis). Ainsi des agents nomms par arrt ministriel ont t consi-drs comme des salaris de droit priv lis l'administration par un simple contrat de travail (C.E. 2 fvrier 1945, Lacte, R. p. 28); sont galement lis l'administration par un contrat de droit commun des agents nonobsta-nt le fait qu'ils sont nomms et licencis par dcision des pouvoirs publics (30 juillet 1949, Volloeys, R. p. 406).

    Les E.L.D. peroivent un salaire mensuel calcul en fonction de leur indice (68). S'y ajoutent les mmes prestations et avantages familiaux que les fonctionnaires (69). Et diverses indemnits peuvent leur tre alloues exceptionnellement (heures supplmentaires, dpla-cement, terrain pour les agents itinrants). Mais ce qui est surtout remarquable c'est que les E.LD. ont la perspective d'avancer grce une augmentation rgulire de salaire. En effet des augmenta-tions de 10 % du salaire de base de chaque emploi peuvent tre accor-des, aprs une anciennet de deux ans (70). Cette virtualit de car-

    (67his) A. de LAUBADRE, Trait thorique et pratique des contrats administratifs, nO 98.

    168.1 Les E.L.D. sont classs en trois catgories : A (aucune aptitude dfinie n'esl ncessaire; les indices de rmunration sont inFrieurs ou gaux 200) ; B (une formation professionnelle est exige; les indices vont de 200 4(0) ; C (une qualification particulire est requise; les indices sont suprieurs 4(0).

    (69) Sous rserve du cas prvu par le Dcret 66-366 du 31-8-1966 (JORM, p_ 2121) : lorsqu'un emploi KC.D. (voir infra) est transform en emploi E.L.D., l'agent qui oocupait cet 6Illploi peut tre engag en tant qu'E.L.D. mais il percevra les prestations familiales au taux du Code du Travail.

    (70) Cette disposition n'est pas toutefois neuve. Rappelons que l'Arrt du 15-7-60

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    rire n'est que justice. Il eut t inquitable, en effet, d'employer un personnel en permanence sans lui donner l'espoir de promotion. Mais il convient de souligner qu'il n'y a pas d'avancement l'anciennet, d'une part, que les diverses augmentations ne doivent pas dpasser 80% du salaire de base de l'emploi. Jusqu'au 24 fvrier 1967, le plafond tait d'ailleurs fix 50% mais le gouvernement a dcid de l'lever dans une optique socialiste (71).

    3. - Les personnels occupant des emplois autres que les emplois normalement dvolus des fo.nctionnaires ou que les E.L.D.

    Trois catgories sont prvues :

    - En premier lieu, le personnel appel occuper des emplois spciaux (E.S.). Sont qualifis d'emplois spciaux, ceux qui, en raison de leur caractre particulier peuvent tre confis indiffremment soit des fonctionnaires ou auxiliaires soit des agents recruts spcia-lement par voie de contrat en raison de leur haute qualification professionnelle . L'opportunit du contrat (qui doit tre dure dter-mine) et son contenu sont examins par la commission centrale des contrats. Pour chaque ministre, la liste des emplois spciaux (avec leurs indices de rmunration) est tablie par Dcret (72). En pratique, ces contrats ont permis de rgulariser la situation juridique de nom-breuses personnes non-fonctionnaires nommes par Dcret de hauts emplois de l'Etat (72 bis).

    - En deuxime lieu, les agents occupant des emplois reputs de courte dure ou occasionnels (Re.D.). TI s'agit d'emplois qui ne sont pas considrs comme indispensables au fonctionnement courant des services publics et qui ne figurent pas aux organigrammes dtisdits services; mais ils rpondent des ncessits momentanes. L'agent est recrut par voie de dcision administrative ou de contrat pour une

    avait dj prvu de telles augmentations de salaire pour le personnel subalterne autochtone non encadr et rput non auxiliaire. Les NENA ensuite avaient bnfici des mmes possibilits.

    (71) v. interview prcit, Courrier de Madagascar, 15 lIlllll'9 1967. (72) Y. par exemple, Dcret 65522 du 14 juillet 1965 qui a fix la liste d'es KS.

    du cOilDllssariat gnral l'animation rurale et au service civique. (72-bis) CllImme en France, un certain nombre des hauts emplois sont pourvus discr

    tionnairement par Dcret du Prsident de la Rpublique pris en Conseil de; Ministres (Ordonnance 60-093 du 7 septe.mbre 1960, I.O.RoM., p. 1858; Dcret 64191 du 13 mai 1964, 1.o.RoM. p. 944, modifi par Dcret 66325 du 26 juillet 1966, J.O.R.M., p. 1728).

    Des personnes non fonctionnaires ont parfois t recrutes par Dcret. Depuis mai 1964, leur situation juridique est progressivement rgularise par la conclusion de contrats.

  • ASPECTS ORIGINAUX DE LA FONCTION PUBLIQUE MALGACHE 189

    dure de huit vingt-quatre mois au plus. - En troisime lieu, enfin les agents constituant la main-d'uvre

    non spcialise (E,M.O.). Sont considrs comme tels les manuvres qualifis de manuvres ordinaires par la rglementation gnrale du travail. Ce sont les agents les plus proches des travailleurs du secteur priv.

    Tous ces agents participent directement l'excution de services publics, notamment les trois premires catgories d'agents (E,F.A., E.L.D., E,S.). Ne pouvaient-ils tre considrs comme des agents publics ainsi que l'admettrait la jurisprudence administrative fran-aise ? La Chambre Administrative ne l'a pas pens.

    B. - L'INTERPRETATION LITTERALE DES TEXTES PAR LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

    La notion franaise d'agent public, telle qu'elle dcoule de la jurisprudence prcite Affortit et Vingtain, semblait avoir t rcep-tionne par la Haute Juridiction administrative malgache le 18 juin 1965 dans l'arrt Jules Razafimino (73). La qualit d'agent public avait t expressment reconnue au requrant car il remplissait une mis-sion de service public . Mais l'intress avait t recrut au moment de l'Indpendance. Depuis, la rglementation du 27 mai 1964 a t dicte. Ainsi s'explique le revirement intervenu avec l'arrt Razafin-drakoto Andr du 1er avril 1967.

    a) L'affaire Razafindrakoto Andr. Elle est trs simple. Le requ-rant avait t recrut par dcision administrative le 25 septembre 1964 comme chauffeur par le Ministre de la Justice dans les conditions prvues par le Dcret 64-213 du 27 mai 1964. Il occupait un emploi E.L.D. qui figure d'ailleurs au tableau de classement du Ministre de la Justice (Arrt 1851 du 9 juillet 1964). Le 27 mars 1966, l'intress est licenci sans pravis de son emploi pour faute grave dans l'exercice de ses fonctions.

    La Chambre Administrative, saisie par une requte du sieur Razafindrakoto, se dclare incomptente. Elle relve que d'aprs le Dcret du 27 mai 1964 la rglementation gnrale du Travail lui est applicable de pIano ... ; par suite le litige ne mettant en jeu que des

    (73) V. Recueil, Arrts, 1965, 1., p. 132 avec notre note.

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    rgles du droit priv, le pourvoi du sieur Razafindrakoto Andr doit tre rejet comme port devant une juridiction incomptente pour en connatre .

    h) Apprciation de l'arrt. Pour porter un jugement sur cette dcision, il convient de prciser ce que la chambre administrative n'a pas fait, ce qu'elle a fait et ce qu'elle aurait pu faire.

    1. La Chambre administrative n'a pas appliqu la jurisprudence Affortit et Vingtain. D'aprs les critres actuels, le requrant aurait t considr par la jurisprudence franaise comme un agent public. Il participait au fonctionnement d'un service public. M. Rousseau, Commissaire la loi, ne l'a pas cach: de tels agents ont la qualit d'agents publics - Le caractre subalterne des fonctions exerces ne s'y opposait pas. La qualit d'agent public n' a-t-elle pas t reconnue la concierge d'un groupe d'immeubles d'un office public H.L.M. ? (74). D'ailleurs, dans une affaire voisine de la ntre, le Tribunal des Conflits a admis qu'tait un agent public le chauffeur dune ambulance (26 juin 1965, Prfet de la Somme). Mais, l'invitation de son commissaire la loi, la Chamhreadministrative n'a pas voulu s'engager dans cette

    voie. Dans le Droit malgache, dira M. Rousseau, une telle jurispru-dence ne pourra pas se dvelopper .

    2. Pour dnier sa comptence, la juridiction administrative a alors appliqu un principe bien connu selon lequel la comptence suit

    le fond , principe approuv par la plus grande partie de la Doctrine 1.75). La rglementation demai1964.prise elle-mme en application de l'ordonnance portant Code du Travail, a expresS2ment plac les agents rgis par ces textes sous l'empire de la lgislajon du travail; seule donc la juridiction judiciaire pourra connatre des diffrends --_._--

    (74) C.E., 10 mars 1959, Lauthier, D. 1960.280, note LAUBADRE; R.D.P. 1959, 770 conc!., M. BERNARD; A.J. 1959, l, 68 Chron., COMBARNOUS et GALABERT.

    (75) V. AUBY-DRAGo, Trait de contentieux administratif, nO 330; BouLOUls, Encycl. Dt. A dm., comptence Adm. n 93; EISENMANN, Sur le degr d'originalit du rgim-e de la responsabit extra-contractuelle des personnes publiques, lC.P. 1949.1.72; o dent, conc!. sous C.E., 14 juin 1946, Soc. financire de l'Est, S. 1947.3.32; MALEVILLE, lC.A. fase. 604; A.G. PLANTEY, note au lC.P. 1952.2.7063; RIvERO, notes au S. 1946.3.131 et au S. 1948.3.33; VEDEL, note au J.c.P. 1954.2.8334 et lC.P. 1955.2.8813. Toutelois M. CHAPUS a contest srieusement le bien-fond de ce principe gnral (Responsabilit publique et responsabilit prive, nO 13 et s., note au D.1955.3.851). Cette opinion a elle mme t vivement critique par M. EISENMANN (le rapport entre la comp-tence juridictionnelle et le droit applicable en Droit Administratif franais, Ml. Maury, 1960.2379). Voir la .mise au point de M. WALINE : A propos du rapport entre la rgle de droit applicable au jugement d'un procs et l'ordre de juridiction comptente, R.D.P. 1961.8.

  • ASPECTS ORIGINAUX DE LA FONCTION PUBLIQUE MALGACHE 191

    pouvant s'lever entre les intresss et leur patron, qui est une person-ne morale de droit public. Comme l'a soulign le Doyen Vedel: le critre de rpartition des comptences entre le juge administratif et le juge judiciaire est constitu par la nature des rgles - de droit public ou de droit priv - que chaque litige met en uvre (76). D'ailleurs, le Tribunal des conflits a fait une application rcente de ces principes dans une affaire qui mrite d'tre souligne (30 juin 1966, Cie Elec-tricit de Dibouti cjSeignabon). En effet, il s'agissait d'un comptable d'un service public industriel et commercial qui tait soumis aux dis-positions du Code du Travail des territoires d'Outre-Mer de 1952. Le Tribunal a dcid que, malgr sa qualit de comptable public, la juridiction judiciaire tait seule comptente car l'intress avait un statut de droit priv. Or rappelons que le Code du Travail de 1952 a beaucoup inspir l'Ordonnance du 27 septembre 1960 qui a port Code du Travail Madagascar.

    3. Pourtant cette dcision de la chambre administrative provoque une certaine insatisfaction. La rfrence explicite aux dispositions du Droit du Travail par les Dcrets de 1964 tait-elle suffisante pour carter la comptence de la juridiction administrative ? C'est discuta-ble, d'autant plus que le critre retenu par la Chambre Administrative est d'application gnrale. Ds lors, toutes les personnes, recrutes en vertu des Dcrets de 1964, sont-elles des agents de droit priv quel que soit l'emploi occup effectivement? N'est-ce pas excessif ?

    Tout d'abord, les contrats ne contiennent-ils pas de clauses exor-bitantes du droit commun? Car, comme l'a remarqu M. de LAUBADRE : n ne suffit pas de prendre en considration ce que les parties ont pu vouloir faire, mais ce qu'elles ont fait rellement . Et l'auteur ajoute : La rfrence faite par les parties un type de contrat n'est efficace que si celles-ci ont rellement, dans les dispositio1lJJ du contrat adoptes par eux, ralis le type de contrat en question ; '.. la rfrence ne doit pas tre contredite par le contenu rel du contrat (77). Ds lors un contrat pass dans les conditions du droit commun, notamment un contrat de louage de services, pourra 8e trans-former en contrat administratif si des clauses exorbitantes sont rele-ves (78). En l'espce, la dcision d'engagement se borne renvoyer aux dispositions du Dcret de 1964. Celles-ci sont-elles toujours relle-ment habituelles dans les contrats de louage de service ? Certes la possibilit de rsiliation du contrat par chaque partie est considre par

    (76) Note pre. au I.CP. 1954.2.8334. (77) De LAUBADRE, Trait thorique et pratique des contrats, nO. 59-ter et 65. (78) De LAUBADRE, op. cite, nO 98.

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    la jurisprudence comme un indice rvlateur de leur volont de se pla-cer en dehors des rgles de la fonction publique (79). Mais la jurispru-dence attache galement de l'importance au mode de rmunration (80). Or, l'agent E.L.D. peroit un salaire mensuel (et non pas journalier) auquel s'ajoutent des indemnits et primes que reoivent galement les fonctionnaires. D'une manire gnrale, la rmunration n'est pas fixe d'aprs les salaires applicables dans le secteur priv. Et si l'on p8l8se des E.L.D. aux E.F.A- ou aux E.S., on peut imaginer aisment que des clauses exorbitantes peuvent tre insres dans les contrats. Toutefois, il faut convenir qu'avec le rapprochement du monde du travail avec la fonction publique, les conditions d'emploi des agents du secteur priv et du secteur public tendent s'unifier; et le critre tir de la prsence des clauses exorbitantes a indniablement perdu de son importance.

    En revanche, un autre critre tir de la nature de l'emploi occup mrite de retenir srieusement l'attention. A diffrentes reprises la Jurisprudence franaise s'est rfre ce critre soit pour reconnatre au contrat de louage de service le caractre administratif (81), soit pour le refuser (82). Des arrts se dgage nettement l'ide que seuls les emplois trs subalternes peuvent tre pourvus par des procds de droit priv (83). Les emplois hirarchiquement importants ne peuvent pas par nature tre confis des agents non publics. C'est ainsi que le Directeur de l'aronautique civile Madagascar, recrut par conflrat, a t autrefois qualifi d'agent public (C.E., 1er fvrier 1950, Lecur, R.p. 697). L'arrt de Postis (T.C., 17 janvier 1955, A.J .D.A. 1955, p. 262) est galement significatif. TI s'agissait d'un ingnieur qui avait dirig par intrim un tablissement industriel et commercial : de telles fonctions, prcise le Tribunal, ... imposaient au lien juridique qui unissait l'intress l'administration le caractre d'une situation de droit public .

    (79) V. par ex. T.C. 24 oct. 1942, BALLIASSE-RICHAUD : Il rsulte des clauses du contrat notamment de la facult laisse l'intress de quitter son emploi apr. simple pravis qu'il n'avait pas la qualit d'agent en vertu dun contrat de Droit public, mais qu'il avait t embauch dans les conditions du Droit priv .

    (80) Une rmunration la vacation pour un mdecin et mrtout un salair., horaire ou journalier constituent des indices presque infaillibles du contrat de louage de service de droit cnmun (LAMARQUE, op. cite, nO 270).

    (81) C.E. 8 dc. 1948, DUe PASTEAU~ R.D.P. 1949. 75 note WALINE : la requrante

  • ASPECTS ORIGINAUX DE LA FONCTION PUBLIQUE MALGACHE 193

    Certes, dans l'affaire Razafindrakoto un tel problme ne se posait pas. Les fonctions de chauffeur ne sont pas de celles qui par nature ne peuvent tre exerces que par des agents publics. Mais le problme risque d'tre soulev car de hauts emplois ont t confis Madagascar des personnes recrutes par contrat. Nul n'ignore par exemple -le Commissaire la Loi y a fait allusion dans ses conclusions - qu'un auditeur la Cour suprme a t engag par contrat (en tant qu'E.F.A.). Rendre la justice au sein de la juridiction suprme du pays, au nom du peuple, n'est pas chose banale et peut difficilement tre remis il un agent priv.

    D'une manire gnrale, la participation directe de la plupart de ces agents au fonctionnement direct de services publics ne confre-t-elle pas l'occupation de l'emploi une lULture spciale ? Dans ses conclu-sions sous l'arrt LEVRAT (C.E., 3 janvier 1958, S. 1958, 113), M. Dutheillet de LAMOTHE affirmait : Pour dterminer si un agent d'une collectivit a ou non le caractre d'un agent public, un seul critre doit tre retenu : celui de la nature des fonctions exerces. Si celles-ci comportent une participation relle la gestion et la direction du service public, l'agent qui en est investi est un agent public . Le lgislateur et le gouvernement en ont d'ailleurs t cons-cients dans la mesure o les grands textes de la fonction publique malgache concernent non seulement les fonctionnaires et les auxiliaires mais tous les agents employs par les services publics. Il en est ainsi des textes relatifs au droit de grve, la rpression des malversations, l'autorisation avant toute poursuite pnale (v. infra).

    Mais la Chambre administrative ne risque-t-elle pas d'tre lie par le principe gnral qu'elle a retenu dans l'arrt Razafindrakoto ? Le Commissaire la loi n'a pas cach pour sa part: Quelle que soit la nature de leurs fonctions, l'importance de leur insertion dans l'admi-nistration, les textes qui sont applicables ces agents mettent en jeu des liens de droit priv et la juridiction pour en connatre est judi-ciaire (84).

    4) Porter un jugement sur cet arrt et ses implications n'est pas chose facile.

    Une constatation s'impose : il est choquant que des agents qui occupent des fonctions d'autorit soient assimils des agents de droit

    (84) M. RO~SEAU ajoutait : il peut paratre excessif certains gards que dans le droit franais des agents subalternes - non fonctionnaires et non auxi Iiaires - aient le statut de Droit public; il faut en sens inverse, dtplorer dans le droit malgaohe que des agents qui participent un niveau lev au fonction nement du service public aient un statut de Droit priv :..

  • JEANCLAUDE MAESTRE

    priv. Cela peut mener des situations curieuses. Dans le mme service, le Directeur recrut par contrat sera un salari relevant de la juridic1lion du travail alors que l'auxiliaire, qui est sous ses ordres, sera considr comme un agent public. Il eut t possible de se pr-munir contre une telle bizarrerie en rservant dans l'arrt le cas des agents qui exercent des fonctions de direction. L'arrt Dame de FRESQUET (C.E. 23 janvier 1955, R. p. 605) tait cet gard exploitable: un contlrat qui se rfre aux rgles du Droit priv n'est pas forcment un contrat de Droit commun ; il faut encore que la nature des fonctions ne s'y oppose pas.

    Mais la Chambre administrative a fait elle-mme, semble-t-il, une option en faveur de la simplification. Un bloc de comptence a t cr : tous les litiges entre le personnel recrut en vertu des Dcrets de mai 1964 et l'administration relvent du juge judiciaire. Le justiciable s'y retrouvera plus aisment. Or, aprs tout, la justice est faite pour les plaideurs et non pas pour procurer des satisfactions intellectuelles aux juristes. La solution brutale, sans nuances de la Chambre administrative vitera aux agents malgaches de connatre le sort ambig de la Dame Veuve Mazerand qui, par un curieux ddou-blement fonctionnel, tait tantt agent de droit priv, tantt agent de droit public selon qu'elle entretena:t des locaux scolaires ou qu'elle s'occupait d'une garderie d'enfants (85).

    Ce souci de simplification concidait au demeurant avec un respect littral des textes. TI est certain que le lgislateur et le gouvernement ont voulu soumettre tous les agents, ni fonctionnaires, ni auxiliaires un rgime de droit priv. La Chambre administrative en a pris acte en quelque sorte sans apporter la moindre correction.

    En dfinitive, la notion malgache d'agent public est plus restreinte qu'en droit franais. Ainsi apparat, dans un nouveau domaine, la spcificit du droit malgache, d'autant plus remarquable, qu'en matire de fonction publique, la Chambre administrative s'inspirait jusqu' prsent fortement de la jurisprudence franaise. Le Droit malgache affirme donc ici son indniable originalit et c'est fort naturel car le Droit doit toujours tre conu en fonction des structures sociologiques de la collectivit qu'il entend rgir.

    L'originalit de la fonction publique apparat encore plus nette-ment avec le souci qu'a eu le lgislateur de faire du corps des agents de l'Administration un outil d'une particulire efficacit. Certes, dans

    (85) T.C. 25 nov. 1963, ))me Veuve MAZERAND, R., p. 792; I.C.P. 1964.2.13.466, note R.L.

  • ASPECTS ORIGINAUX DE LA FONCTION PUBLIQUE MALGACHE 195

    tous les pays, une administration efficace est un objectif recherch. Mais daD8 les pays en voie de dveloppement, c'est une ncessit pres-sante car l'Administration doit participer la lutte contre le sous-dveloppement.

    II. - RECHERCHE D'UNE FONICTION PUBLIQUE E.FFICACE

    La premire condition pour qu'une fonction publique soit efficace, c'est que les agents qu'elle comprend soient comptents, et donc bien prpars leurs tches. Les dirigeants malgaches l'ont bien compris qui mettent la disposition des candidats la fonction publique un certain nombre d'iustituts et d'coles, dont l'Ecole Nationale d'Admi-nistration Malgache (86). Le pedectionnement, d'autant plus indis-pensable dans les Etats nouveaux que certaines promotions ont t ncessairement htives, n'a pas t non plus nglig (87). Un dparte-ment spcial de l'Ecole Nationale de Promotion Sociale en est charg. Toutefois, il peut bien convenir que ces problmes de formation et de perfectionnement ne sont pas ici traits de faon spcialement originale, sauf en ce qui concerne les mthodes pdagogiques employes par l'Ecole Nationale de Promotion Sociale (88). Mais le particularisme de la fonction publique malgache s'affirme par ailleurs nettement. Tout d'abord, les pouvoirs publics ont voulu singulariser et privilgier les agents. des services publics afin d'accrotre leur rendement ; ceux-ci bnficient en effet de certaines faveurs spciales. Mais, en contre-partie, leurs obligations sont trs renforces. Faveurs exceptionnelles,

    (86) Sur l'E.N.A.M., v. Prosper RAJAOBELINA, Prsentation de l'E.N.A.M., R.I.S.A. 1966, nO 3, p. 233. A un chelon infrieur, le Centre de fonnation administra-tive prpare des lves venus du secondaire aux emplois des catgories B et C.

    D'autres coles dispensent un enseignement spcialis :' l'Ecole nationale des travaux publics, l'Ecole nationale suprieure agronomique, l'Ecole nationale de police, l'Institut national des tlcommunications et postes, l'Ecole du gnie civil. l'Acadmie militaire.

    (87) En effet, pouvait dire le Prsident TSIRANANA le 2 octobre 1962 : Nos fonc-tionnaires, qu'ils soient issus de concours directs ou professionnels ne sont pas toujours la hauteur des tches qui leur sont confies en dpit de leur bonne volont. Les pTemiers ne trouvent pas dans leur instruction parfois de haut degr tous les moyens ncessaires remplir d'emble leur emploi. Les derniers, malgr leur pratique administrative ou technique sont parfois dpasss par les impratifs de leurs fonctions :. (lmp. Nat., p. 22).

    (88) V. G .. SALA et J. COMTE, Essai tftude prospective sur la formation en cours tfemploi dans les administrations publiques Madagascar, R.I.S.A. 1966, n 3, p. 183. - Sur le problme gnral : A. PLANTEY, La formation et le perfection-ne;nent des fonctionnaires nationaux et internationaux, Bruxelles, Institut Inter-national des Sciences adminisratives, 1954; KRIESBERG., Public administration teaching in developping countries, RJ.S.A. 1963, p. 249.

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    d'une part, obligations renforces d'autre part, tels sont les deux volets d'une politique destine faire de la fonction publique un instrument sensible aux moindres impulsions du pouvoir central et donc plus efficace-

    A. - DES FAVEURS EXCEPTIONNELLES

    Les agents de l'Administration malgache bnficient tout d'abord des mmes garanties que leurs collgues franais. Sur le plan civil, ils ne rpondent que de leurs fautes personnelles (89). Sur le plan pnal, ils font l'objet de protections spciales contre les injures, diffa-mations, menaces et violences dont ils peuvent tre victimes.

    Mais, par ailleurs, deux institutions originales ont t labores d'une part un rgime d'autorisation pralable toute poursuite pnale, d'autre part, un systme de rcompenses exceptionnelles en faveur des fonctionnaires zls.

    a) L'autorisation pralable toute poursuite pnale.

    Le Droit malgache connat actuellement un systme qui fait pemer naturellement celui qui a t en vigueur en France de la Constitution de l'an VIII 1870. Rappelons qu'avant toute poursuite, l'autorisation pralable du Conseil d'Etat tait alors ncessaire (90). A Madagascar, la protection est limite aux poursuites rpressives. Une intressante volution s'est d'ailleurs produite ici, et un texte tout rcent a modifi sensiblement le rgime initial.

    1. L'volution du rgime trautori'stion pralable.

    L'ordonnance 62-046 du 20 septembre 1962 (J.O.R.M. p. 2.003) est le premier texte qui ait institu cette protection exceptionnelle. L'expos des motifs montre bien que, dans l'esprit du gouvernement, il s'agit d'viter que les fonctionnaires ne manifestent une certaine

    (89) V. Trib. premire Instance, Tular, 15 janvier 19640, LAw KIM LoNG cl Trsorier Payeur GoBBE, Bulletin d'information du. Ministre de la Justice 1966, n 9, ,. 313. Le Tribunal dclare qu'il y a lieu de se rfrer la jurispmdence et la doctrine franaise, notamment au critre adopt par Edouard LAFFERRIRE >.

    (90) V. P. COT., La responsabilit civile des fonctionnaires publics, 1922; J. Cl. MAESTRE, La responsabilit pcuniaire des agents publics en droit jranais, 1962, p. 27 et s.

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    tideur dans l'accomplissement de leur tche par crainte de poursuites pnales: Il est craindre qu'au moment o le gouvernement de-mande ses fonctionnaires d'orienter leur activit et de porter tous leurs efforts en vue d'aboutir un dveloppement du pays, certaines initiatives prises par eux dans le cadre des instructions gouvernemen-tales risquent d'entraner des plaintes injustifies ... Il est donc apparu ncessaire de prendre des dispositions pour viter que ceux' ci ne soient paralyses dans leur action ... De ce texte il ressortait que pour les crimes et dlits commis dans ou l'occasion de l'exercice des fonctions, l'autorisation de deux ministres (Fonction publique et Justice) tait requise avant une action pnale contre les fonctionnaires. Toutefois, la protection ne jouait pas en cas de flagrant dlit ou de dtourne-ments de deniers publics.

    - Or, une dizaine de jours plus tard, le gouvernement a pris une nouvelle ordonnance qui a renforc la protection. Peut-tre, la brve exprience de l'ordonnance 62-046 a-t-elle convaincu le Pouvoir que la rforme n'tait pas suffisamment protectrice des intrts de la fonction publique. Pour limiter donc les dnonciations ou plaintes formules dans une intention maligne susceptibles ... d'entraver l'action du gouvernement en vue du dveloppement (91), le nouveau texte, -l'Ordonnance 62-109 du rr octobre 1962 (J.O.R.M., p. 2494) - rend plus difficiles les poursuites pnales. En effet, en premier lieu, l'ex-ception dcoulant du cas de flagrant dlit est supprime; mme dans cette hypothse, l'autorisation est ncessaire. En deuxime lieu, une triple autorisation eSI dsormais ncessaire; aux deux autorisations prcdentes s'ajoute celle du ministre qui utilise les services de l'agent. En troisime lieu, les fonctionnaires ne sont plus les seuls bnficiaires de cette protection; elle est tendue tous les agents non encadr!! et aux magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire. Et sont viss les agents de toutes les collectivits publiques.

    - Deux autres textes enfin viseront plus spcialement le person' nel des forces armes. Le Code de procdure pnale du Service Natio-nal ~Ordonnance 62-106 du rr octobre 1962, J .O.R.M., p. 2402) dispose que : Hors le cas de flagrant lit, tout militaire ou tout individu justiciable des tribunaux militaires, en activit de service, ne peut tre arrt qu'en vertu de l'ordre de ses suprieurs (Art. 34).

    Puis, une loi 64020 du Il dcembre 1964 (J.O.R.M., p. 2803) a tendu aux gendarmes la mme faveur. En effet, le Code du service national avait dispos que les gendarmes n'taient pas justiciables du

    (91) Expos des motifs de l'Ordonnance 62-046.

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    tribunal militaire pour les crimes ou dlits commis dans l'exercice de leurs fonctions relatives la police judiciaire et administrative- Le Gouvernement a donc labor un projet de loi, afin, prcise l'expos ries motifs, de protger ces militaires contre des dnonciations ou plaintes formules dans une intention maligne et susceptibles d'entra-ver l'action du gouvernement dans le maintien de l'ordre, la scurit publique et l'excution des lois et rglements :.. L'examen de ce texte a d'ailleurs provoqu des discussions trs animes aux Assembles. Plusieurs parlementaires ont dnonc des abus d'autorit dont se se-raient rendus coupables certains gendarmes qui bnficieraient nan-moins d'une protection injustifie. Mais le gouvernement a fait remar-quer que les mauvais gendarmes taient une minorit et que toute exaction prouve tait svrement rprime (92). Le texte vot prescrit avant toute poursuite pnale contre un gendarme l'autorisation prala-ble du Ministre dont relvent les forces armes et du Garde des Sceaux (93). Mais la protection ne jouera pas en cas de Hagrant dlit; c'est la diffrence importante avec le rgime des agents civils (94).

    2) L'application de l'Ordonnance 62-109 du rr octobre 1962 (95) Un chiffre tout d'abord mrite d'tre not : du l or octobre 1962 au

    31 aot 1964, 75 % des autorisations demandes ont t accordes. Mais l'application de cette ordonnance a donn lieu des difficults diverses. Certains agents ont mal interprt la garantie dont ils bnfi-ciaient et abus de cette protection spciale. Aussi le gouvernement a du rappeler aux agents de l'administration la signification de l'ordon-nance. Tel fut l'objet de la circulaire prsidentielle du 27 fvrier 1964 : Ce texte vise protger non pas les fonctionnaires mais l'ac-

    (92) V- l'intervention du Garde des Sceaux, A. NIe. Dbats nO 176, p. 46. (93) Toutefois l'arrestation d'un gendarme ne peut tre faite que sur l'ordre du

    commandant de la Gendarmerie Nationale, dans un but de sauvegarde du prestige de la Gendarmerie Nationale, commise la protection des lois et de l'ordre public:. (Expos des motifs).

    (94) Pour tre complet, il faut signaler que certains hauts dignitaires ou fonction naires sont galement protgs en vertu de dispositions du Code de proc.lure pnale (Ord. 62-052 du 20 septembre 1962, p. 2050). Ainsi les membres dtu Conseil Suprieur des institutions, le Grand Chancelier de rOrdre National, le chef d'Etat-Major Gnral, les magistrats de la Cour SuprnJe ou de la Cour d'Appel, les prsidents des tribunaux de premire instance et les procureurs de la Rpublique ne peuvent tre poursuivis pour crimes ou dlits commis dans ou l'occasion de l'exercic