70
Oxfam International au Sénégal Unis nous avons plus d’impact. Rapport Provisoire Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal

Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

Oxfam International au Sénégal Unis nous avons plus d’impact.

Rapport Provisoire

Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal

Page 2: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

2

Juillet 2009

SOMMAIRE

RESUME 3

INTRODUCTION 7

I- EVOLUTION ECONOMIQUE, SOCIALE ET VULNERABILITES 10

II- PAUVRETE ET POLITIQUES SOCIALES 20

III- LES MESURES, PROFILS ET AMPLEUR DE LA PAUVRETE 24

IV- LES ACTEURS CLES, INSTRUMENTS ET STRATEGIES REPONSES 42

V/ LES DYNAMIQUES DE CHANGEMENT 56

VI/ LE SENEGAL ET SES VOISINS 62

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS 64

Page 3: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

3

RESUME

Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du

Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une stratégie de lutte contre la

pauvreté pour Oxfam International au Sénégal. Il est structuré autour de six

points : l’analyse de l’évolution socioéconomique et des vulnérabilités au

Sénégal, l’analyse des mesures et des profils de la pauvreté, l’identification

des acteurs de le lutte contre la pauvreté ainsi que les stratégies de lutte,

l’analyse des dynamiques de changements, l’approche comparative entre

le Sénégal et ses voisins. Une dernière partie est consacrée aux

recommandations.

La première partie met en évidence le passage d’une longue phase

d’ajustement structurel qui a duré presque deux décennies (1980-2000), à

une phase de lutte contre la pauvreté. Cette préoccupation montre bien sûr

l’ampleur du phénomène et mobilise une pluralité d’acteurs, d’instruments et

mécanismes. Les principales conséquences de la dégradation de la situation

au niveau économique et social demeurent l’élargissement et

l’approfondissement de la pauvreté (52.2% des ménages situés en dessous du

seuil de pauvreté), mais également la forte baisse du secteur primaire et la

tertiarisation de l’économie.

Il est vrai qu’en dépit d’une croissance soutenue au cours des dernières

années, le niveau de vie des Sénégalais reste très bas. Une production

agricole insuffisante, la faible capacité de l'économie à créer des emplois

durables et l'insuffisance des ressources affectées aux services sociaux

contribuent à aggraver la pauvreté qui touche déjà près de 54% de la

population. Avec un revenu national brut (RNB) de 540 dollars par habitant,

une espérance de vie d'à peine 56 ans et un taux d'alphabétisation qui ne

dépasse pas 40% de la population adulte dont 20% pour les femmes, Le

Sénégal se situe donc au 159ième rang en 2008 et perd trois places par

rapport à l’année 2006/2007 selon l’IDH du PNUD.

La deuxième partie s’articule autour des politiques sociales mises en œuvre. Il

montre notamment les échecs des politiques d’ajustement structurel (PAS)

dans le cadre du développement. De ce fait, l’avènement du DSRP annonce

un nouvel tournant dans la perspective de développement du Sénégal, et

de la lutte contre la pauvreté en l’occurrence. Ainsi dans plusieurs domaines

Page 4: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

4

et secteurs, des progrès ont été notés : le taux brut de scolarisation

élémentaire est passé de 71,6% à plus de 86% entre 2002 et 2007 ; Le taux de

couverture vaccinale est passé de 56% en 2001à 80% en 2005 et la proportion

d’accouchements assistés de 40% à 62% sur la même période ; En milieu

urbain, le taux d'accès à l'eau potable est passé de 78% en 2000 à 85% en

2005 et de 56% en 2000 à 61% en 2005 en milieu rural.

La troisième section offre une vision synthétique des mesures et des profils de

la pauvreté au Sénégal. Il en ressort principalement que la majorité des

pauvres, vit en milieu rural. Ils représentent 65% des individus et 57,5% des

ménages de cette population. Ainsi, le milieu rural contribue à hauteur de

65% à la pauvreté. En revanche, Dakar qui compte près d’un quart de la

population y contribue pour moins de 18% de la population.

Les données observées sur plusieurs années montrent que la pauvreté est loin

d’être uniforme d’une région à une autre. Avec moins d’un ménage pauvre

sur trois en 2005/06, globalement, les régions de l’intérieur peuvent être

regroupées en trois grandes catégories homogènes selon l’incidence de la

pauvreté observée en 2005/06 :

• très forte (plus de 60%) à Tambacounda, Ziguinchor, Fatick, Louga et

Kolda

• forte (entre 40 et 60%) à Kaolack, Diourbel, Matam, et Thiès

• moyennement forte (entre 33 et 40%) à Dakar et Saint Louis.

La quatrième partie de l’étude met en exergue les principaux programmes

mis en œuvre par l’Etat du Sénégal et ses différents partenaires, notamment

dans le cadre du DSRP dont les quatre piliers fondamentaux demeurent (i) la

création de richesses, (ii) le renforcement des capacités et promotion des

services de base, (iii) l’amélioration des conditions de vie des groupes

vulnérables et (iv) le suivi de la mise en œuvre et évaluation. Il convient

toutefois de mentionner à ce niveau que les enjeux de pouvoir et les

interactions entre les acteurs constituent des sources d’instabilité du cadre de

lutte contre la pauvreté du fait notamment des logiques de concurrence ou

de contrôle des espaces de pouvoir entre les acteurs impliqués.

Page 5: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

5

Plusieurs dynamiques de changements sont ainsi analysées dans le

cinquième point du rapport. Il s’agit en l’occurrence de stratégies

d’ajustement adoptées par les acteurs à travers la migration (2 à 2,5 millions

de sénégalais sont en situation migratoire), le recours à la médiation, les auto-

ajustements des ménages (taudification de l’habitat, occupation des terrains

non aédificandi ; recul de l’âge au premier mariage ; effritement des liens

verticaux au profit des solidarités horizontales ; apparition des aliments pour

pauvres tels que le « ndambe », « aloo-aloo », pain rassis ; les gargottes

supplantent les restaurants cèdent la place aux gargottes ; disparition des

repas du soir et du petit déjeuner ne sont plus sur l’agenda des ménages ;

privatisation des services domestiques tels que le linge et la coiffure), le

développement de l’entreprenariat populaire ou encore le changement du

modèle de réussite sociale.

Le sixième point du rapport rend compte de la place du Sénégal dans la

région et des relations avec les états voisins. Le Sénégal apparaît en effet

comme ayant de bonnes performances par rapport à bon nombre d’états

de l’Afrique ; ce fait est corroboré par l’amélioration de son IDH qui est passé

de 0,342 en 1975 à 0,499 en 2005, soit une progression relative de 46% sur la

même période. Cependant, la progression annuelle, en termes de

développement humain, reste encore faible (0,5% par an).

Il est vrai qu’il faut reconnaître la volonté de structurer les interventions

sectorielles et de leur donner une cohérence d’ensemble. Cependant, le

bilan de juillet 2009 comme celui de 2008 révèle des décalages importants

des politiques sectorielles notamment pour le renseignement des indicateurs.

Les résultats mitigés de la stratégie de lutte contre la pauvreté montrent que

des efforts considérables restent à faire pour briser les inégalités fortes entre

les différentes régions du pays et entre les différents groupes de population.

SIGLES ET ABREVIATIONS

Page 6: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

6

ANSD Agence nationale de la statistique et de la démographie BAD Banque africaine de développement CFAA Country financial Accountability assessment CPAR Country program Assessment review CREA Centre de Recherche en Economie Appliquée CSS Caisse de sécurité sociale DSRP Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté ESAM Enquête sénégalaise auprès des ménages ESPS Enquête de suivi de la pauvreté au Sénégal FMI Fond monétaire international FNR Fond national de retraite GOANA Grande offensive nationale pour l’agriculture et l’abondance IPM institut de prévoyance maladie MP Millenium project NEPAD Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique OMD Objectifs du Millénaire pour le Développement PADELU Programme d’appui aux Initiatives de Développement Local Urbain PAMLT Programme d’ajustement à moyen et long terme PAREP Programme d’Appui à la Réduction de la Pauvreté PAOS Plan d’affectation et d’occupation des sols PDEF Plan Décennal de l’Education et de la Formation Professionnelle PELCP Programme Elargi de Lutte Contre la Pauvreté PEPAM Programme eau potable et assainissement pour le millénaire PFDS Projet du Fonds de Développement Social PLCP Programme de Lutte Contre la Pauvreté PLCP Programme de Lutte Contre la Pauvreté PLP Plan de Lutte contre la Pauvreté PNDL Le Programme National de Développement Local PNDS Programme National de Développement Sanitaire et Social PNIR Programme National d’Infrastructures Rurales PPTE Pays Pauvres Très Endettés PREF Programme de redressement économique et financier

PROGEDE Projet de Gestion Durable et Participative des Energies Traditionnelles et de Substitution

PSAOP Le Programme des Services Agricoles et des Organisations des Producteurs PSIDEL Programme de Soutien aux Initiatives de Développement Local RGP Recensement général de la population RGPH Recensement général de la population et de l'habitat SCA Stratégie de croissance accélérée SMIG Salaire minimum interprofessionnel garanti UEMOA Union économique et monétaire ouest-africaine

Page 7: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

7

Introduction

Le Sénégal a une population estimée à environ 12 millions d'habitants en 2008

et une économie marquée par la prépondérance de trois secteurs

stratégiques, incluant l'arachide, la pêche et les services. En outre sa grande

ouverture sur l’océan Atlantique (700 km de côtes) lui confère une position

stratégique, notamment dans le cadre du transport maritime et des

échanges économiques entre l’Afrique et les autres continents.

Au cours des dernières décennies, bénéficiant d'un climat politique

favorable, le pays est resté à l'abri de l'instabilité régionale qui caractérise

l’Afrique de l’Ouest. Cette stabilité est renforcée par l’organisation des

processus électoraux en 2000, 2007 et 2009.

Malgré ces atouts, le Sénégal connaît de nombreuses difficultés notamment

sur le plan socio-économique et une grande frange de la population

sénégalaise souffre de la pauvreté. Cela s’est manifesté par une baisse

drastique du poids du secteur agricole au fil du temps passant de près de

15% du PIB en 1960 à 7% en 2004 et des déséquilibres notoires entre zones

éco-géographiques puisque la moitié de la population est concentrée dans 3

régions (Dakar, Thiès et Diourbel) non sans conséquence sur la production et

la distribution des ressources.

Il faut rappeler que les politiques d’ajustement structurel (PAS) depuis les

années 80, ainsi que les sécheresses et la baisse de la pluviométrie ont

contribué à la paupérisation et à la précarisation de nombreuses couches

sociales dont les populations rurales qui représentent selon l’Enquête de Suivi

de la Pauvreté au Sénégal 2005-2006 (ESPS)1 ,58% de la population

(République du Sénégal 2007).

Au total, il apparaît dans le suivant une incidence de pauvreté assez forte au sénégal. Tableau 1 Principales statistiques nationales Population (totale) a Urbaine b Rurale b

10,6 millions 42% 58%

Taux de pauvreté (total) a

Population en situation d’extrême pauvreté

50,6% 15,9%

RNB par habitant c US$820 (US$1,640 PPA)

1 Hereafter referred to as the 2005–2006 ESPS

Page 8: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

8

Indice de Développement Humain (IDH) d

156/177 (0,499)

Indice de Développement de Genre (IDG) d

134

Sources: a République du Sénégal, 2006b; ESPS 2005-2006 b, c de la Banque Mondiale, World Development Indicators, 2007; d 2005 IDH du PNUD).

Les performances enregistrées au cours des dernières décennies (avant

2000) ont été insuffisantes en raison de certains facteurs exogènes, mais aussi

endogènes. Les facteurs exogènes sont liés aux aléas climatiques qui ont

fortement marqué un secteur productif dépendant de l’agriculture, et, aux

chocs exogènes avec principalement la détérioration des termes de

l’échange. On peut aussi noter dans les facteurs internes la stratégie de l’Etat

caractérisée par un fort interventionnisme dans l’activité économique.

Les principales politiques économiques mises en œuvre au Sénégal depuis

1980 l’ont été dans le cadre de programmes élaborés avec les partenaires

au développement notamment le FMI et la Banque mondiale.

Les programmes de stabilisation et d’ajustement mis en œuvre depuis les

années 1970 jusqu’en 2000 avaient d’abord pour principal objectif de

stabiliser le tendance à la détérioration des principaux agrégats macro-

économiques, de redresser la situation macro-économique et financière

(PREF : Programme de redressement économique et financier) et d’introduire

des réformes structurelles d’envergure pour adapter le système productif aux

contraintes de développement (PAMLT : Programme d’ajustement à moyen

et long termes) et ensuite de consolider les gains tirés de l’ajustement

extérieur intervenus en 1994.

Ces différentes politiques ont certes permis une évolution relativement

positive du taux de croissance. Cependant, celle-ci n’a pas été assez forte

pour permettre un rétablissement rapide des déséquilibres. De plus l’Etat a

mis en place des politiques de diminution des charges publiques avec des

compressions massives sur les emplois publics matérialisées par la fermeture

de plusieurs sociétés nationales et des mesures d’incitation au départ de la

fonction publique et du parapublic contribuant du coup au relèvement du

taux de chômage. Cette augmentation du taux de chômage s’est

accompagnée d’une baisse sensible sur les dépenses de types sociaux dans

le domaine de la santé, mais surtout de l’éducation.

Page 9: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

9

Les politiques nationales mises en place dans la même période (nouvelle

politique agricole, nouvelle politique industrielle, libéralisation du commerce

intérieur et extérieur…) n’ont pas donné les résultats escomptés du fait d’un

retrait trop hâtif de l’Etat dans l’accompagnement du secteur agricole, mais

aussi de la forte dépendance de ce dernier des sociétés nationales pour la

commercialisation de ses produits. Le secteur industriel n’a pas échappé au

traumatisme né du démantèlement du circuit de production et de

commercialisation des produits.

La dévaluation du franc CFA intervenue en janvier 1994, accompagnée

d’une tenue assez rigoureuse des finances publiques a permis de rétablir

progressivement les déficits macro-économiques de l’économie et

d’envisager un retour au soutien aux secteurs sociaux à partir de 1996.

C’est dans ce contexte international et national que le Sénégal a élaboré et

engagé la mise en œuvre d’un Plan de Lutte contre la Pauvreté (PLP) en

1997. Les premiers programmes spécifiques de lutte contre la pauvreté sont

conçus, avec notamment le Programme Elargi de Lutte Contre la Pauvreté

(PELCP SEN 97/03), grâce au concours financier du PNUD (Programme des

Nations Unis pour le Développement), suivi d’autres actions en partenariat

avec différents acteurs multilatéraux et bilatéraux.

Bénéficiant de l’initiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés), le Sénégal a

élaboré, de manière participative, un Document de Stratégie de Réduction

de la Pauvreté (DSRP), adopté en 2001, créant ainsi, un cadre référentiel

unique de toutes les interventions de développement de l’ensemble des

acteurs, d’une part et pour l’élaboration de politiques sectorielles, d’autre

part. Il a favorisé le recentrage des projets et programmes sur les objectifs et

axes prioritaires retenus, pour une meilleure harmonie des interventions et une

répartition plus juste et plus efficiente des ressources mobilisées.

Le présent rapport se structure autour 6 grandes parties qui traitent des

aspects suivants : l’évolution économique, sociale et des vulnérabilités, les

politiques sociales et la pauvreté, les mesures de la pauvreté et

l’identification des pauvres, les acteurs et les stratégies réponses dans le

cadre de la lutte contre la pauvreté, les dynamiques de changements

actuels et les transformations sociales induites et enfin la place du Sénégal

dans l’espace UEMOA et à l’échelle internationale.

Page 10: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

10

I- Evolution économique, sociale et vulnérabilités

L'économie du Sénégal a connu une croissance relativement stable depuis

plus de 10 ans de l’ordre 4 % avec un fléchissement en 2006. Ces résultats ont

été facilités par la bonne performance des services fiscaux et une hausse

limitée des dépenses publiques. En effet, le renforcement du système fiscal a

contribué à une augmentation des recettes fiscales de plus de 9% en

moyenne annuelle sur la période 2000-05, portant le taux de pression fiscale à

plus de 18,5% en 2005, contre 16% en 2000. Dans le même temps, la hausse

des dépenses publiques a été maîtrisée et a visé principalement les dépenses

en capital qui ont cru de plus de 4% du PIB entre 2000 et 2005. Les dépenses

d’éducation et de santé ont aussi augmenté au cours de la période (de 1,7

et 0,7% du PIB respectivement), suivi d’une diminution en 2006.

Un contexte de récession très marqué

Cette croissance soutenue accompagnée d’un degré élevé de stabilité

macroéconomique sur la période 2000-05 n’a pas profité à la grande

majorité de la population dont les revenus proviennent de secteurs peu

productifs ou avec des performances (FMI, 2008).

Néanmoins, la performance macroéconomique s’est détériorée au cours des

deux dernières années. Le scénario de croissance faible du DSRPII 2006-2011

prévoyait un taux de croissance à moyen terme de 5%, qui n’est pas en

passe de se réaliser car la croissance économique a été en deçà des

attentes au cours des deux dernières années (2,3% en 2006 et 4,8% en 2007).

Il est admis que même si la croissance est toujours restée positive, elle reste

encore très en deçà des 7% nécessaires pour réduire la pauvreté (DSRPII) et

atteindre les OMD malgré l’engagement ferme du gouvernement du

Sénégal à préserver la stabilité macroéconomique, avec au moins 5% de

croissance annuelle, à contrôler les niveaux d'inflation et maintenir à un

niveau raisonnable le déficit budgétaire et la dette publique, afin de créer

une base solide pour la réduction de la pauvreté (République du Sénégal,

2008). La revue annuelle du DSRP (2009) est très explicite sur les résultats

mitigés obtenus en rapport avec les actions prioritaires, les ressources allouées

et les faibles niveaux d’exécution.

Page 11: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

11

Ce sont donc des chocs exogènes d’après la revue du DSRP 2009, qui sont à

l’origine du renchérissement des prix intérieurs et de la dégradation de la

balance de paiements courants compte tenu des efforts de subvention du

gouvernement des prix du pétrole et de certaines denrées.

Les perturbations dans les opérations des Industries Chimiques du Sénégal

(ICS), de la Société Nationale d’Électricité (SENELEC) et de la Société

Africaine de Raffinage (SAR) ont exacerbé ces développements et ont

conduit à des vulnérabilités accrues dans le système bancaire.

La politique budgétaire est également devenue plus expansive, puisque le

déficit budgétaire s’est situé à environ 6% du PIB en 2006, en dépit d’une

poursuite de la hausse des recettes budgétaires. Cette évolution s’explique

notamment par une hausse des subventions énergétiques et un

accroissement de la masse salariale. En conséquence, des problèmes de

trésorerie ont conduit à l’accumulation d’arriérés et autres retards de

paiements envers des fournisseurs. A cela s’ajoute les dépassements

budgétaires devenus récurrents en dépit de la surveillance du FMI.

En matière de réformes structurelles, des avancées ont été réalisées dans

divers secteurs. Des mesures importantes sont prises, visant l’amélioration du

recouvrement des recettes fiscales, le développement du secteur privé et du

secteur financier. Des tentatives de relance du secteur agricole sont aussi

effectuées, malgré l’absence d’une politique affirmée et cohérente.

Ces performances économiques n’ont pas eu un impact significatif sur les

tendances du marché du travail, la croissance étant portée par des secteurs

d’activité peu intensifs en main d’œuvre comme l’huilerie, les phosphates,

l’agro alimentaire, etc., face à une faiblesse de l’investissement et à une

atonie de l’agriculture et de l’industrie. Le nombre d’emplois dans le secteur

industriel moderne aurait chuté de 30% entre 1994 et 1999 (Banque mondiale,

2003), contrairement au segment des services qui compterait 727 000 actifs

occupés et qui est marqué par un développement significatif des emplois,

particulièrement dans les villes, avec une prépondérance du secteur informel

Page 12: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

12

dans lequel on trouve plus de 80% de cet effectif, avec un faible soutien à

l’amélioration des qualifications.

Cela s’explique par le fait que la croissance du PIB a été très peu créatrice

d’emplois, en laissant entière la problématique de l’absorption d’une

population active en forte expansion et accentue l’enjeu de la stabilité

politique et sociale dans un pays marqué par un niveau de pauvreté élevé.

L’économie informelle contribue fortement à la formation du PIB. Selon

l’étude sur l’emploi (BM, 2007), 97 % des nouveaux emplois nets entre 1995 à

2004 dans le secteur informel. De même, selon diverses sources

concordantes, l’économie informelle apporte 20% des investissements mais

selon la même étude, la productivité dans le secteur informel est de 3 à 10

fois inférieures au secteur formel. Quant au secteur rural qui occupe 60% de

la population active et qui offre le plus important potentiel de création

d’emplois indispensable à une résorption du chômage, il reste caractérisé par

une faible productivité du travail et un sous-emploi élevé.

Il convient de rappeler que l’importance des transferts d’argent des

sénégalais vivant à l’étranger qui peuvent représenter selon certains entre

30% à 70% du revenu dans les ménages ruraux (Van Vlaenderen et al 2004),

ont été estimés à environ US $ 633 millions en 2006 (soit 7,6% du PIB selon la

Banque Mondiale 2008)2. La crise financière internationale n’épargne pas les

flux financiers des migrants en direction de leur pays d’origine car la BM

annonce une baisse considérable de ces envois durant le premier trimestre

de 2009 de l’ordre de 100 milliards de F CFA pour le Sénégal.

L’économie sénégalaise continue de faire face à des défis importants. Cette

situation est d’autant plus préoccupante que le processus de mondialisation

se consolide avec ses exigences de compétitivité. Or, au cours de la période

récente, l’insertion dans les circuits d’échanges mondiaux est restée très

faible car les exportations du Sénégal ont progressé à un rythme très modeste

contribuant faiblement à la croissance du PIB et n’assurant pas les besoins en

importations, renforçant ainsi le déficit structurel de la balance commerciale.

L’ampleur de la correction apportée au taux de change en 1994 a

certainement amélioré la compétitivité-prix des exportations sénégalaises,

2 Ce montant représente les sommes officiellement enregistrées. Le volume réel de ces transferts, y compris les montants non enregistres qui utilisent les canaux formels et informels, est probablement plus important.

Page 13: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

13

mais n’a pas suffi pour autant à assurer de bonnes performances du

commerce extérieur, avec des exportations demeurant encore largement

composées de produits en déclin sur le marché mondial. La faiblesse des

exportations résulte également de contraintes pesant sur l’accès aux

marchés des pays développés.

Pourtant, de plus en plus, le lien entre croissance économique et réduction

de la pauvreté est remis en cause par plusieurs auteurs dont Ndione (2008),

qui souligne que la croissance économique au Sénégal non seulement n’est

pas en faveur des pauvres, mais au contraire est un facteur d’aggravation

des inégalités. Ce qui risque même d'entraver la croissance économique

durable, d’affecter la stabilité sociale à moyen terme, et d’accroître la

vulnérabilité des groupes marginalisés.

Selon cet auteur, ce sont les changements climatiques et la concentration

des secteurs productifs dans le tertiaire, sont à l’origine de ce décalage entre

la croissance et pauvreté. En 2008, le taux de croissance a connu une forte

chute car il a été de 2.5% en dépit d’une production agricole relativement

améliorée. Ce déclin économique se poursuit selon la division des prévisions

économiques du Ministère de l’Economie et des Finances qui prévoit pour

2009 un taux de croissance en dessous de la barre de 2%. Cette situation est

le reflet d’une forte vulnérabilité de l’économie sénégalaise face aux

dérégulations internationales (crise financière, crise agricole, renchérissement

des prix du pétrole, etc.). Elle montre également des errements en matière de

gouvernance.

La dette intérieure restée élevée a grugé les capacités productives des

entreprises privées à la fois les grandes entreprises mais aussi les PME obligés

de mettre les travailleurs au chômage technique. Les instabilités

institutionnelles chroniques depuis toute la durée de l’alternance de 2000 à

2009 ont rendu la gouvernabilité faible. C’est ainsi que la confiance dans le

milieu des affaires s’est érodée. Les réseaux informels d’influence ont

supplanté les institutions et les solutions improvisées et les politiques ad hoc

ont contribué à marginaliser les cadres habituels de prise de décisions

publiques.

Par ailleurs, la médiocrité de l’organisation des filières retenues renseigne sur

leur niveau de compétitivité. En 2007, l’étude de la Banque Mondiale révèle

que le taux de productivité des entreprises sénégalaises du secteur formel est

2.5 fois moins qu’au Chili, et 2 fois moins qu’en Chine. La SCA s’est vue

Page 14: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

14

plombée par les instabilités des performances des produits d’exportation. Elle

n’a pas misé sur l’élargissement du marché intérieur notamment la

transformation des produits agricoles locaux, une meilleure valorisation du

potentiel de production (60% des besoins céréaliers sont importés selon le

CNCR 2008), une amélioration de la qualité des services, une meilleure

qualification de la formation pour réduire le sous emploi et le chômage dans

un environnement marquée par une forte précarisation des emplois car plus

de la moitié des travailleurs gagne moins que le Smig (salaire minimum légal

(120 $ us/mois) (BM, 2007).

Le taux de croissance atteint sur la période, reste en deçà de l’objectif d’au

moins 7% nécessaire pour créer suffisamment d’emplois sur le marché du

travail, d’améliorer significativement les conditions de vie des ménages et de

réduire la pauvreté de moitié en 2015.

A l’heure actuelle, les perspectives macro-économiques sont fondées sur le

DSRPII, en tant que stratégie de réduction de la pauvreté pour relever le

stock de capital humain, social et naturel. La Stratégie de croissance

accélérée (SCA) compte sur des filières porteuses pour booster l’exportation

et rééquilibrer la balance commerciale. La crise financière internationale

montre les limites de cette vision car les exportations sont faiblement

rémunérées.

Des opportunités économiques faiblement exploitées La position géographique du Sénégal, ainsi que la relative stabilité politique, l’ouverture du pays sur le monde sont autant d’attraits qui représentent des opportunités économiques de taille. Les ressources hydrauliques très importantes mais très faiblement valorisées

Le réseau hydrographique est représenté essentiellement par le fleuve Sénégal (1 700 km), la Gambie (850 km), le Sine-Saloum (bras de mer de 130 km) et la Casamance, vaste estuaire marin avec de nombreux affluents.

Le fleuve Sénégal constitue la principale ressource hydraulique du pays et alimente les nappes phréatiques ainsi que le lac de Guiers. Ce dernier est la plus importante réserve d'eau douce permanente du pays. D'importantes ressources souterraines sont disponibles pour la mise en œuvre d'un vaste programme hydraulique.

Page 15: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

15

Le lac de Guiers est la plus importante réserve d'eau douce permanente. Alimenté par le fleuve Sénégal à partir de la Taouey et situé dans la zone sylvo-pastorale, il constitue un écosystème particulièrement vital et la principale source d’approvisionnement en eau potable de Dakar. La mise en eau du barrage de Diama a permis de porter son volume moyen à 680 millions de m3.

Les ressources en terre sagricoles inondables demeurent fortes : vallée du fleuve, Casamance, Louga (lac de Guiers), Tambacounda, Kédougou,

L’agriculture et l’élevage qui présentent un réel potentiel si elle s’accompagne d’une petite et moyenne industrie pour la transformation des produits agricoles. Les tentatives de modernisation des modes de production avec le croisement de races et les nouvelles méthodes d’insémination démontrent le fort potentiel du secteur de l’élevage. La faiblesse majeure réside ici sur l’absence de jonction la petite industrie et l’agriculture et l’élevage.

L’existence d’un marché intérieur structuré par l’existence de marchés hebdomadaires sur toute l’étendue du territoire national favorise l’utilisation des sous-produits agricoles.

Les ressources halieutiques Elles oscillent entre 400.000 tonnes à 450.000 tonnes. Cependant, la majeure partie des sources avance le chiffre de 450.000 tonnes. Par contre, ce potentiel place le Sénégal loin devant ses autres voisins (Gambie, Cap-Vert, les deux Guinées) et d'autres pays très portés sur la pêche (Ghana). Le tableau donne les potentiels halieutiques de ces différents pays. Cependant, en plus de ce potentiel, le Sénégal dispose d'un potentiel halieutique au niveau de ses eaux continentales constituées essentiellement par les fleuves Sénégal, Gambie, Casamance, Sine et Saloum. Ce potentiel est estimé à environ 50.000 tonnes.

- Les ressources forestières On estime environ à 65 % la superficie de l'espace forestier du pays. L'ensemble "forêts denses/claires et savanes boisées/arborées" couvre 38 %, le reste étant classé dans la catégorie des "autres terres boisées", avec un faible potentiel ligneux par ha. Le volume de bois sur pied atteignait 331,3 millions de m3 dont 50 % sont situés dans la région de Tambacounda et 40 % dans celles de Kolda et de Ziguinchor (PAFS, 1993). La productivité serait de l'ordre de 8,6 millions de m3/an. Le Sénégal se caractérise par une relative diversité de ses écosystèmes naturels. Ces derniers

Page 16: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

16

jouent un rôle d'habitat à une faune assez diversifiée puisque comptant 169 espèces de mammifères et près de 540 espèces ornithologiques. Les oiseaux migrateurs paléarctiques sont attirés périodiquement par les plans d'eau au niveau du delta du fleuve Sénégal et au niveau des estuaires du Saloum et de la Casamance. Il y’a également des parcs et des d'aires protégées qui sont de trois types à savoir :les parcs nationaux qui sont au nombre de 6, les réserves de faunes au nombre de 8, les zones d'intérêt cynégétique, qui couvrent 2337000 ha.

- Les ressources minières

Le nouveau code minier dote le Sénégal d’une législation moderne et conforme à l’orientation générale du droit minier de l’UEMOA. Il a prévu des innovations majeures aptes à drainer vers le Sénégal les flux d’investissement nécessaires au développement des activités d’exploration et d’exploitation des importantes ressources minières que recèlent son sol et son sous-sol. 800 millions de tonnes de minerais de fer de bonne qualité situés dans les 3 principaux massifs de Koudékourou, de Kouroudiako et de Karakaène, - 50 tonnes d’or au niveau des sites de Sabodala et de Kérékounda. Quant au marbre plus 348545 tonnes sont prouvées et 1067148 tonnes estimées à IBel Ndébu et Bandafassi. L’exploitation artisanale de l’or alluvionnaire constitue une activité traditionnelle et permet des productions annuelles d’environs 500kg et occupe plus de 6.000 personnes principalement les femmes. Différents dioura 3sont dispersées un peu partout dans le département : Tenkoto, Kérékonko…Le secteur minier connaît aujourd’hui une expansion remarquable par la mobilisation importante de flux de capitaux dans la recherche et l'exploitation semi industrielle et industrielle dans la région. Ces efforts sont marqués par la présence d'un certain nombre de multinationales et de compagnies et/ou sociétés juniors sénégalaises. Malgré le dynamisme de ce secteur, on note encore une faible prise en charge de la demande sociale dans les zones d’exploitation bien qu’on ait pu noter des interventions encore estimées faibles de l’Etat et de ses partenaires.

- L’artisanat local

Très dynamique avec plus de 450 000 artisans, plus de 78 000 entreprises artisanales, plus de 160 000 apprentis, 129 Corps de Métiers et 8 Villages artisanaux, mériterait d’être soutenu et structuré afin de pouvoir garantir une offre de produits de qualité et au bénéficie de toutes les catégories sociales. La faiblesse du design, des produits qui ne peuvent supporter la concurrence avec ceux de la sous-région de meilleure qualité celle des produits made in

3 Site d’orpaillage en malinké

Page 17: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

17

Sénégal dans le domaine de la teinture). La faiblesse de la qualité et des capacités d’innovation pose aussi problème.

- le tourisme écologique et culturel

Le Sénégal présente ici un potentiel incontestable, mais le tourisme de découverte n'est pas encore un produit à part entière. Les professionnels l'utilisent d'avantage comme un complément pour rendre plus attractive la destination. Aujourd'hui, le Sénégal cherche à développer cette forme de tourisme. Saint Louis (dont l'île a été classée en novembre 2000 au patrimoine mondial de l'UNESCO), l'île de Gorée (également classée) et le Lac Rose sont quelques exemples de sites fréquentés.

- Les services Avec des percées importantes dans des secteurs à forte valeur ajoutée. Le secteur des télécommunications offre un environnement propice au partenariat et présente de réelles opportunités d’investissements dans divers services : l’implantation de Centre d’Appels, la télé-saisie, l’externalisation de Processus d’Affaires (Business Process Outsourcing), la gestion de bases de données, l’e-commerce, la développement de logiciels, la fabrication et montage d’ordinateurs, l’Internet sans fil, etc. Le Sénégal a su très tôt qu’il fallait s’appesantir sur le secteur des télé- services comme objectif première. En effet le gouvernement du Sénégal est en train de développer une stratégie nationale pour le développement durable de la population à travers les télé- services. - L’ingéniosité des acteurs qui marque un intérêt marqué pour les nouvelles technologies en tant qu’opportunité d’accès aux fruits de la modernité.

Page 18: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

18

Des vulnérabilités fortes dans un contexte de délitement institutionnel

Si l’on considère les vulnérabilités comme étant risques particuliers

d’exposition des populations à subir une perte significative de bien être suite

à un changement de situation, il faut relever cinq types de vulnérabilités.

D’abord, (i) les risques naturels au chapitre desquels les effets des

changements climatiques, les invasions acridiennes (2004 avec perte de 7

milliards filière arachide4) mais également les inondations qui ont touché

fortement la vallée du fleuve Sénégal en 1999 et de façon récurrente les

grandes villes : Dakar et sa banlieue (Pikine et Guédiawaye), Rufisque, Saint-

Louis, Thiès, Kaolack, Diourbel, Ziguinchor, etc.

Ensuite, (ii), les risques sur le cycle de vie : la mortalité maternelle (de 434 pour

mille en 2007/ 127 décès pcm naissances vivantes en 2015)5 et infantile (le

taux de mortalité infantile est de 61 pour mille en 2007/objectif OMD en 2015 :

45 pour mille) connaissent de faibles avancées qui compromettent l’atteinte

des OMD. Il faut y ajouter les risques d’éclatement de la famille avec le taux

de prévalence national du VIH/SIDA de 0,76.

Le troisième type de vulnérabilité (iii) est constitué des risques sociaux et

économiques comme en témoigne la précarisation des couches moyennes

avec un taux de chômage : 13 %, le sous-emploi de 30 % au niveau national

pendant que 1/5 travaille à plein temps et le revenu moyen secteur informel :

68 dollars/mois7. En 2007 : 51,2 % des ménages sont en situation d’insécurité

alimentaire sévère tandis que 41,3 % en insécurité alimentaire modérée8. Le

risque d’accaparement des terres les plus importantes par des lobbies et des

investisseurs au détriment des petits producteurs, est favorisé par des

politiques ad hoc notamment par la GOANA qui demandent explicitement

aux collectivités locales d’attribuer les terres aux gros investisseurs. Ceci en

dépit de plans d’affectation et d’occupation des sols (PAOS) qui définissent

des seuils modérés d’utilisation pour préserver les intérêts des générations

actuelles et futures.

4 République du Sénégal, Evaluation sur la sécurité alimentaire au Sénégal, 2008, 57 p ; 5 2008, PNUD Sénégal. 6 Idem. 7 Banque Mondiale : Sénégal. A la recherche de l’emploi. Le Chemin vers la prospérité, septembre 2007, 122 p. 8 République du Sénégal, Evaluation sur la sécurité alimentaire au Sénégal, 2008, 57 p.

Page 19: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

19

Le quatrième type de vulnérabilité demeure les risques politiques. En effet, la

décentralisation reste stagnante : de l’Etat central aux Collectivités Locales,

tous fonds de dotation confondus (FDD et EFCL), seulement 1,3 % du budget

de l’Etat leurs sont destinés. Pareillement, moins de 1 % du budget national

pour l’ensemble des programmes concernant l’emploi9. Le conflit

casamançais persiste et le bilan continue à s’alourdir : 60 000 déplacées, 500

blessés mines10. Par ailleurs, la dernière législature est marquée par un faible

pluralisme dans les chambres parlementaires. L’opposition était quasiment

hors des circuits institutionnels même si les élections locales de mars 2009

marque un meilleur équilibre de la représentation des forces politiques et

sociales dans la gouvernance des collectivités locales.

Enfin, le cinquième type de vulnérabilité reste les risques sur le capital

humain notamment avec la crise scolaire cyclique. La qualité de

l’enseignement se dégrade de plus en plus. Les écoles publiques ne sont plus

attrayantes en dépit de l’amélioration de leur nombre et donc de

l’accessibilité. Le niveau de formation reste en deçà des standards de

productivité convenable : 5 % de la population active ont fait des études

après le Bac ; 50 % des travailleurs de l’informel n’ont pas été à l’école11. Le

dispositif de formation professionnelle est faible. Les handicapés sont

également faiblement pris en compte.

Conclusion partielle : Massification de la pauvreté au moment où les

institutions publiques sont fragilisées.

Les conséquences touchent à des aspects structurels. C’est l’élargissement et

l’approfondissement de la pauvreté : 52.2 % des ménages sont situés en

dessous du seuil de pauvreté12. La précarisation qui en résulte oblige les

classes moyennes à basculer dans la pauvreté tandis que les classes

populaires sont prises à l’étau de la pauvreté chronique à cause des facteurs

structurels d’inégalités persistantes. De même, la paupérisation massive

entraîne une pression forte sur les ressources naturelles en raison des impératifs

9 Sénégal, Rapport sur la performance de la gestion des finances publiques, juillet 2007. 10 Programme de Relance des Activités Economiques et Sociales en Casamance, MEF, Direction de la Coopération Economique et Financière, 2001. 11 Banque Mondiale : Sénégal. A la recherche de l’emploi. Le Chemin vers la prospérité, septembre 2007, 122 p. 12 ESPS (2007)

Page 20: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

20

à courts termes, de l’accès libre aux ressources naturelles en l’absence d’une

régulation négociée et appliquée.

Le secteur primaire est en forte baisse, l’agriculture ne participe au PIB qu’à

hauteur de 10%. L’économie s’est tertiarisée dans un environnement où les

services ne se sont pas automatisés en l’absence d’une petite industrie

créatrice de technologie adaptée. La crise s’approfondie au moment où les

amortisseurs sont insuffisants comme en témoigne la protection sociale qui ne

couvre que 15%13 de la population.

Les institutions sont fragilisées par la prévalence des pratiques corruptives et

les stratégies informelles. Les pratiques illicites s’accroissent en se durcissant :

blanchiment d’argent, réseaux de stupéfiants, circulation des armes légères,

milices au grand jour entretenus par des marginaux mais aussi des leaders

d’opinion, des marabouts véreux, etc.

II- Pauvreté et politiques sociales

A partir des années 90, on assiste une multiplication des études sur les

conditions de vie des sénégalais qui faisait suite aux au recensement général

de 1988 et de l’enquête sur migration et urbanisation (EMUS) de 1993. Ces

données ont amélioré la connaissance des populations sénégalaises et des

comportements. Parallèlement, afin de mieux prendre en compte les

dimensions sociales des PAS, la Banque Mondiale a mis en place un système

d’informations pour le suivi de l’impact de ces politiques sur les populations.

Ces informations ont servi à la réalisation de l’enquête sur les priorités au

Sénégal, et l’enquête sénégalaise auprès des ménages (ESAM).

Des PAS à la centralité des DSRP dans la lutte contre la pauvreté

Dans cette même dynamique, une série d’études commanditées par le

Ministère des Finances, ont conduit à l’élaboration d’un programme de lutte

contre la pauvreté en 1997. Depuis cette date, jusqu’à ce jour, avec les DSRP

en 2006 et l’adhésion à l’initiative 20/20, la déclaration du millénaire pour le

13 Document Ministère de la Famille et de l’Entreprenariat Féminin, Rapport sur la protection 2008.

Page 21: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

21

développement, les programmes se succèdent avec comme axe

stratégique d’intervention la réduction de la pauvreté.

Il s’agit pour la première fois, pour les institutions financières internationales, de

reconnaître que les politiques d’ajustement se sont soldées par un échec en

termes de développement durable et équitable. Néanmoins, cette

approche, qui tend à promouvoir la participation des populations dans

l’élaboration des politiques publiques, dans le but d’améliorer l’appropriation

des dispositifs de l’aide, suffira t-elle à résoudre les problèmes de pauvreté ?

L’accès aux nécessités de base et tendances à l’horizon 2015

Certes, les indicateurs de suivi des objectifs de lutte contre la pauvreté ont

connu d’importants progrès depuis 2000. Ainsi, comme en témoigne la liste

restreinte des indicateurs de suivi du DSRP, le secteur de l’éducation a

enregistré des performances notables.

Par exemple, même si des efforts restent à faire pour amener le Sénégal

parmi les pays à niveau d’éducation scolaire élevé, le taux brut de

scolarisation élémentaire est passé de 71,6% à plus de 86% entre 2002 et 2007.

Ce qui atteste d’un bon rythme d’évolution vers les objectifs de la

scolarisation universelle d’ici à 2015. Quant au taux d’achèvement de l’école

primaire, il se situe à 53,2% en 2005 contre 48,4% en 2004. Ce taux reste tout

de même toujours comme une performance en dessus de la moyenne (de

66%) des pays accédant au guichet de l’IDA. Comme le montre les résultats

de l’ESPS, l’offre d’infrastructures est en progression entre 2002 et 2005. Le taux

d’accès à une école primaire au niveau national est passé de 62,6% en 2002

à 68,2% en 2005. Le secteur de l’éducation a bénéficié au cours de la

période 2002-2005 de la part des dépenses publiques la plus importante, qui

est d’ailleurs supérieure à la moyenne de l’Afrique au sud du Sahara.

En ce qui concerne le secteur de la santé, il a constitué l’une des

thématiques clés au cours de la mise en œuvre du DSRP. Le domaine de la

santé a enregistré durant la période de mise en œuvre des performances

considérables. En effet, la part des dépenses budgétaires allouée au secteur

de la santé n’a cessé de progresser depuis 2003. Le taux de consultation

primaire curative a évolué positivement, mais lentement, passant de 33% en

2002, à 52% en 2005. Une plus grande performance a été réalisée dans la

Page 22: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

22

couverture vaccinale des enfants et l’assistance à l’accouchement. Le taux

de couverture vaccinale est passé de 56% en 2001à 80% en 2005 et la

proportion d’accouchements assistés, de 40% à 62% sur la même période.

Par ailleurs, le Sénégal enregistre l’un des taux de prévalence du VIH le plus

faible en Afrique subsaharienne estimé à 0,7% de la population, avec 0,9%

chez les femmes et 0,4% chez les hommes, selon la dernière enquête EDS14,

reflétant ainsi l’efficacité des politiques mises en œuvre pour lutter contre la

pandémie mais aussi la féminisation de l’épidémie. Malgré ces résultats, le

nombre de personnes infectées par le VIH/SIDA demeure important, se

situant autour de 75 000 adultes et de 5000 enfants infectés (CNLS 2004),

constituant ainsi une menace sérieuse.

L’accès aux services de santé reste difficile au Sénégal, surtout en cas

d’urgence, même si les résultats de l’ESPS montrent que les taux d’accès sont

en nette progression. Le taux d’accès à moins de 15 minutes à un service de

santé qui était de 40% en 2002 est passé à 43% en 2005. Ce qui correspond à

une progression de 3 points en pourcentage. En milieu rural, ce taux a connu

une progression de plus de 5 points (passant de 27,4% en 2002 à 33,5% en

2005).

Les prévalences de la malnutrition sont encore élevées, à l’échelle nationale.

Une récente enquête nutritionnelle SMART (2008) dans les régions de Matam,

Gossas, Sédhiou, Rufisque, Louga, Kébemer et Bakel, montre une situation

préoccupante due à la flambée des prix des denrées alimentaires : la

malnutrition aigue a dépassé le seuil de crise nutritionnelle de 10 % dans les 10

districts sur les 13.

Les deux dernières saisons agricoles se sont avérées déficitaires et les stocks

céréaliers sont actuellement au plus bas niveau (de 140.000 tonnes en 2007 à

80.000 tonnes en 2008). L’accessibilité des denrées en termes de prix devient

de plus en plus difficile pour les ménages pauvres au cours des 3 dernières

années, d’ailleurs cette dynamique se poursuit dans la mesure où, 62 à 77 %

de l’augmentation de tous les prix depuis 5 ans s’est produite uniquement

pendant la dernière année.

Dans le domaine de la santé, les résultats outrepassent les objectifs visés dans

le cadre de la Stratégie de réduction de la pauvreté. Il importe cependant

14 EDS-IV, Enquête démographique et de santé, quatrième du genre réalisée en 2005.

Page 23: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

23

de noter qu’en dépit des performances réalisées, les interventions en matière

de lutte contre la mortalité infantile et d’amélioration de l’accès des

populations rurales aux services de santé ne sont pas encore satisfaisantes.

Concernant l’accès à l’eau potable, les résultats comparatifs des deux

enquêtes (ESAM-2 et ESPS) montrent que le taux d’accès à l’eau potable

s’est amélioré entre 2002 et 2005. Ainsi, il ressort qu’en milieu urbain, le taux

d'accès à l'eau potable a connu des progrès sensibles, passant de 78% en

2000 à 85% en 2005. Cette progression est notamment due à l'exécution de

programmes ambitieux de branchements sociaux par la SONES. Malgré ces

importants acquis, il subsiste encore de sérieuses disparités d'accès selon les

usagers et les régions. En milieu rural, le taux d'accès raisonnable à l'eau

potable a connu une progression de 56% en 2000 à 61% en 2005.

En matière d’assainissement, le taux d'accès en milieu urbain a connu une

progression limitée sur la période 2000-2005, passant de 56 % à 59%. En 2004,

le taux d'accès était à Dakar, où 64% des ménages disposaient d'un système

adéquat d'assainissement. Par contre, l'accès était faible dans les autres

centres urbains, où seulement 39% des ménages disposaient d'un système

d'assainissement. En milieu rural, et selon les dernières évaluations en 2004,

28% des ménages ne disposent d'aucun système d'évacuation des excréta,

alors que la plupart des ménages sont équipés de latrines traditionnelles qui

ne répondent pas aux normes internationales15. Par ailleurs, beaucoup de

ménages restent encore sans système d’évacuation adéquate. Les

branchements à l’égout touchent 12,6% de ménages en 2005 contre 9,7% en

2002. Ce taux est passé de 18,5% à 24,3% et de 0,2% à 3% respectivement en

milieu urbain et en milieu rural sur la période 2002-2005.

Le système de protection sociale est trop restreint au Sénégal, comme dans

tous les pays africains au sud du Sahara. Le diagnostic fait sur la protection

sociale au Sénégal a montré l’existence de dispositifs formels de protection

sociale basés sur la couverture des fonctionnaires et autres salariés contre les

risques (CSS, IPM, IPRES, FNR), les assurances privées, les mutuelles

professionnelles complémentaires. Ces systèmes connaissent de sérieux

problèmes de performance et des limites dans leurs capacités de réponses

aux divers besoins de protection sociale et de gestion des risques.

15 UNICEF/OMS

Page 24: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

24

Bien que la croissance économique ait, dans les dernières années, réduit la

pauvreté au Sénégal, ces gains ont été moindres pour les populations rurales

représentant 6 millions sur une population totale de 10 millions d'habitants.

L'économie rurale demeure essentiellement agraire et soixante cinq pour

cent de la population rurale est au dessous du seuil de pauvreté. En dépit de

la plus grande pauvreté dans les zones rurales, certains ménages ont trouvé

des stratégies efficaces de croissance économique dans cet environnement.

La plupart des indicateurs montre, que le Sénégal a enregistré d’importantes

performances au cours de la période de mise en œuvre des OMD.

Cependant des efforts restent à faire quant à l’amélioration de l’accès des

populations pauvres aux services sociaux de base.

III- Les mesures, profils et ampleur de la pauvreté

Le Sénégal est en effet passé d’une longue phase de politiques d’ajustement

structurel (PAS) avant 2000 à une phase de politiques de réduction de la

pauvreté à partir des années 2000. Les performances enregistrées au cours

des dernières décennies (avant 2000) ont été insuffisantes en raison de

certains facteurs exogènes, mais aussi endogènes. Les facteurs exogènes sont

liés aux aléas climatiques qui ont fortement marqué un secteur productif

dépendant de l’agriculture, et, aux chocs exogènes avec principalement la

détérioration des termes de l’échange. On peut aussi noter dans les facteurs

internes la stratégie de l’Etat caractérisée par un fort interventionnisme dans

l’activité économique.

Les principales politiques économiques mises en œuvre au Sénégal depuis

1980 l’ont été dans le cadre de programmes élaborés avec les partenaires

au développement notamment le FMI et la Banque mondiale.

Les programmes de stabilisation et d’ajustement mis en œuvre depuis les

années 1970 jusqu’en 2000 avaient d’abord pour principal objectif de

stabiliser la tendance à la détérioration des principaux agrégats macro-

économiques, de redresser la situation macro-économique et financière

(PREF : Programme de redressement économique et financier) et d’introduire

des réformes structurelles d’envergure pour adapter le système productif aux

contraintes de développement (PAMLT : Programme d’ajustement à moyen

Page 25: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

25

et long termes) et ensuite de consolider les gains tirés de l’ajustement

extérieur intervenus en 1994.

Ces différentes politiques ont certes permis une évolution relativement

positive du taux de croissance. Cependant, celle-ci n’a pas été assez forte

pour permettre un rétablissement rapide des déséquilibres. De plus l’Etat a

été contraint de mettre en place des politiques de diminution des charges

publiques avec des compressions massives sur les emplois publics

matérialisées par la fermeture de plusieurs sociétés nationales et des mesures

d’incitation au départ de la fonction publique et du parapublic contribuant

du coup au relèvement du taux de chômage. Cette augmentation du taux

de chômage s’est accompagnée d’une baisse sensible sur les dépenses de

types sociaux dans le domaine de la santé, mais surtout de l’éducation.

Les politiques nationales mises en place dans la même période (Nouvelle

politique agricole, nouvelle politique industrielle, libéralisation du commerce

intérieur et extérieur…) n’ont pas donné les résultats escomptés du fait d’un

retrait trop hâtif de l’Etat dans l’accompagnement du secteur agricole, mais

aussi de la forte dépendance de ce dernier des sociétés nationales pour la

commercialisation de ses produits. Le secteur industriel n’a pas échappé au

traumatisme né du démantèlement du circuit de production et de

commercialisation des produits.

La dévaluation du franc CFA intervenue en janvier 1994, accompagnée

d’une tenue assez rigoureuse des finances publiques a permis de rétablir

progressivement les déficits macro-économiques de l’économie et

d’envisager un retour au soutien aux secteurs sociaux à partir de 1996.

C’est dans ce contexte international et national que le Sénégal a élaboré et

engagé la mise en œuvre d’un Plan de Lutte contre la Pauvreté (PLP) en

1997. Les premiers programmes spécifiques de lutte contre la pauvreté sont

conçus, avec notamment le Programme Elargi de Lutte Contre la Pauvreté

(PELCP SEN 97/03), grâce au concours financier du PNUD (Programme des

Nations Unis pour le Développement), suivi d’autres actions en partenariat

avec différents acteurs multilatéraux et bilatéraux.

Bénéficiant de l’initiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés), le Sénégal a

élaboré, de manière participative, un Document de Stratégie de Réduction

Page 26: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

26

de la Pauvreté (DSRP), adopté en 2001, créant ainsi, un cadre référentiel

unique de toutes les interventions de développement de l’ensemble des

acteurs, d’une part et pour l’élaboration de politiques sectorielles, d’autre

part. Il a favorisé le recentrage des projets et programmes sur les objectifs et

axes prioritaires retenus, pour une meilleure harmonisation des interventions et

une répartition plus juste et plus efficiente des ressources mobilisées.

La deuxième génération de document de stratégie de réduction de la

pauvreté (DSRP II) a permis la mise en œuvre d’une Stratégie nationale de

protection sociale (SNPS), pour lutter de manière plus efficace contre la

vulnérabilité des populations sénégalaises.

L’objectif de ces initiatives est de réduire de façon significative la pauvreté

qui affecte une bonne partie de la population sénégalaise. Elle est soutenue

par la Banque Mondiale, BAD, Fonds Nordique de Développement, PNUD,

FENU, FAD, Union Européenne, etc., et vise principalement les objectifs

suivants :

• Doubler le revenu par tête d’ici 2015 dans le cadre d’une croissance

forte, équilibrée et mieux répartie

• Généraliser l’accès aux services sociaux essentiels pour réaliser les OMD

• Mettre en place des infrastructures de base pour renforcer le capital

humain avant 2010.

Pour ce qui est de l’évolution récente de la situation économique et

financière du Sénégal, celle-ci a été marquée par une croissance soutenue

et un degré élevé de stabilité macroéconomique sur la période 2000-05. En

effet, la croissance réelle du PIB s’est située en moyenne à environ 4,5 %. Sur

la période, l’inflation, mesurée par l’évolution de l’Indice Harmonisé des Prix à

la Consommation (IHPC), a été en moyenne de 1,5 % et le déficit du compte

courant de 6 % du PIB. La soutenabilité de la dette a été consolidée grâce à

des allègements de dette substantiels dans le cadre des initiatives PPTE.

La politique budgétaire est restée prudente sur cette période, avec une

hausse maîtrisée du déficit budgétaire, qui a atteint 1,5% du PIB en moyenne

sur la période 2000-05. Ces résultats ont été facilités par la bonne

performance des services fiscaux et une hausse limitée des dépenses

publiques. En effet, le renforcement du système fiscal a contribué à une

augmentation des recettes fiscales de plus de 9% en moyenne annuelle sur la

Page 27: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

27

période 2000-05, portant le taux de pression fiscale à plus de 18,5% en 2005,

contre 16% en 2000. Dans le même temps, la hausse des dépenses publiques

a été maîtrisée et a visé principalement les dépenses en capital qui ont cru

de plus de 4% du PIB entre 2000 et 2005. Les dépenses d’éducation et de

santé ont aussi augmenté au cours de la période (de 1,7 et 0,7% du PIB

respectivement), suivie d’une diminution en 2006.

Néanmoins, la performance macroéconomique s’est détériorée au cours des

deux dernières années. La hausse des prix internationaux du pétrole et la

baisse de la production agricole ont contribué à un ralentissement de la

croissance à environ 2% et un creusement du déficit des comptes courants

aux alentours de 10 pour cent du PIB en 2006.

Les perturbations dans les opérations des Industries Chimiques du Sénégal

(ICS), de la Société Nationale d’Électricité (SENELEC) et de la Société

Africaine de Raffinage (SAR) ont exacerbé ces développements et ont

conduit à des vulnérabilités accrues dans le système bancaire. Si le problème

de la SAR a été en partie résorbé, il demeure que pour les ICS et la SENELEC,

les problèmes persistent même si des solutions de sortie de crise sont

proposées.

La politique budgétaire est également devenue plus expansive, puisque le

déficit budgétaire s’est situé à environ 6% du PIB en 2006, en dépit d’une

poursuite de la hausse des recettes budgétaires. Cette évolution s’explique

notamment par une hausse des subventions énergétiques et un

accroissement de la masse salariale. En conséquence, des problèmes de

trésorerie ont conduit à l’accumulation d’arriérés et autres retards de

paiements envers des fournisseurs. A cela s’ajoute le dépassement

budgétaire évoqué récemment par les partenaires financiers du Sénégal et

principalement par le FMI.

En matière de réformes structurelles, des avancées ont été réalisées dans

divers secteurs. Des mesures importantes sont prises, visant l’amélioration du

recouvrement des recettes fiscales, le développement du secteur privé et du

secteur financier. Des tentatives de relance du secteur agricole sont aussi

lancée, malgré l’absence d’une politique affirmée et cohérente.

Page 28: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

28

Malgré les avancées réalisées dans ces domaines, l’économie sénégalaise

continue de faire face à des défis importants.

Ces performances économiques n’ont pas eu un impact significatif sur les

tendances du marché du travail, la croissance étant portée par des secteurs

d’activité peu intensifs en main d’œuvre comme l’huilerie, les phosphates,

l’agro alimentaire, etc., face à une faiblesse de l’investissement et à une

atonie de l’agriculture et de l’industrie.

Le nombre d’emplois dans le secteur industriel moderne aurait chuté de 30%

entre 1994 et 1999 (Banque mondiale, 2003), contrairement au segment des

services qui compterait 727 000 actifs occupés et qui est marqué par un

développement significatif des emplois, particulièrement dans les villes, avec

une prépondérance du secteur informel dans lequel on trouve plus de 80%

de cet effectif, avec un faible soutien à l’amélioration des qualifications.

Le secteur informel contribue fortement à la formation du PIB, pour environ

90% des nouvelles créations d’emplois et 20% des investissements. Quant au

secteur rural qui occupe 60% de la population active et qui offre le plus

important potentiel de création d’emplois indispensable à une résorption du

chômage, il reste caractérisé par une faible productivité du travail et un sous-

emploi élevé.

Ces caractéristiques de l’économie sénégalaise expliquent le fait que la

croissance du PIB a été très peu créatrice d’emplois. Cela laisse entière la

problématique de l’absorption d’une population active en forte expansion et

accentue l’enjeu de la stabilité politique et sociale dans un pays marqué par

un niveau de pauvreté élevé.

D’où la stratégie de réduction de la pauvreté vise une réduction

substantielle de la pauvreté et constitue le cadre de référence et de

coordination de toutes les interventions en matière économique et sociale au

Sénégal.

Qui est pauvre au Sénégal ?

Page 29: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

29

Face à la pauvreté, et avant toute intervention visant à la réduire, on se

pose généralement deux grandes questions. La première, de source

conceptuelle, consiste à déterminer ce qu’est la pauvreté, ce qui, en termes

opérationnels, peut se traduire par : à partir de quand peut-on considérer

que l’on est pauvre ?

Les populations s’auto désignent pauvres ou non pauvres selon des critères

qui leur sont propres. À cet égard, un proverbe recueilli lors du processus

participatif qui a abouti à l’élaboration du DSRP définit la pauvreté comme «

l’absence d’avoir, de savoir et de pouvoir». L’absence d’avoir peut

s’interpréter comme une insuffisance de revenus et de patrimoines physiques,

tandis que l’absence de savoir et de pouvoir peut s’interpréter

respectivement comme une insuffisance de capital humain et de capital

social. Cette définition qui fixe les déterminants de la pauvreté est finalement

plus large que celle des économistes. C’est elle qui fonde la stratégie du

Sénégal. Elle découle de la culture qui renvoie à la nature des formes

d’organisation sociale et politique des communautés locales et aux stratégies

sous-jacentes. Aussi, importe-t-il d’investir dans la culture qui détermine la

manière de vivre des populations et qui subséquemment influence la

méthode à utiliser pour combattre la pauvreté.

Selon les populations interrogées dans ce cadre, les principaux signes de la

pauvreté sont, dans l’ordre : la difficulté à se nourrir, le manque de travail, le

manque de soins, le manque de logement décent. Aussi, considèrent – elles

que les priorités de l’État devraient être dans l’ordre : (i) l’emploi des jeunes

(20,1%); (ii) la réduction des prix des denrées de première nécessité (18,9 %);

(iii) l’accès aux soins de santé de base (17,7%); (iv) l’éducation des enfants

(11,3%).

L’analyse de la perception de la pauvreté au Sénégal peut se lire également

à travers les langues nationales et s’articuler autour de quelques indicateurs

dont les plus saillants se retrouvent dans la définition suivante : « Est pauvre

celui qui n’a rien, qui ne peut régler ses besoins sociaux primaires, qui vit sans

pouvoir accéder à des opportunités. Ce type extrême de pauvreté est

généralement appelé « ndool, miskiin, walaakaana (wolof), Baasdo (pulaar)

karaxan (Malinké), Xonditoone (Djallonké), Ajobo (Bassari), Tampinté

(Soninké), Seetan (bambara), Konkoo (mandingue) coitadessa (créole) »,

Page 30: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

30

traduit dans l’expression populaire en ces termes : « nit kuy taxaw rek te

yorewul dara » (quelqu’un qui vit mais qui est dépourvu de tout).

Pour expliquer la pauvreté, les populations évoquent les responsabilités

individuelles exprimées à travers le proverbe «le paresseux est responsable de

son état d’indigence» mais aussi par le manque de relations sociales. Le

travail devient ainsi la première valeur à promouvoir pour s’affranchir de la

pauvreté « Nax jerinu ». Le tissu relationnel est ici une référence centrale. Plus

on élargit l’horizon de ses relations familiales, confrériques, ethniques, etc, plus

on développe des capacités de s’échapper de la pauvreté, du dénuement

et de la vulnérabilité. En d’autres termes, les liens sociaux représentent le

fondement de la sécurisation de l’acteur du fait des solidarités (Enquête de

perception de la pauvreté au Sénégal et Focus group pour le DSRP I, 2001).

Toutefois, certaines valeurs culturelles : le kersa (pudeur), le jom (courage), le

muñ (patience et persévérance) n’incitent pas les gens à exposer leur état

de pauvreté, et les encouragent dans la persévérance dans l’effort et

l’humilité qui doivent guider les actions de tous les jours.

La notion de pauvre est donc très usuelle et très présente dans les discours

populaires, scientifiques ou étatiques, paradoxalement les représentations

sociales qui la sous-tendent sont loin d’être simples, car en fait la figure du

pauvre n’est qu’une réalité parmi d’autres et peut apparaît différente en

fonction des contextes dans lesquels on parle de lui. La notion de figure du

pauvre, fait référence aux formes de déclinaisons structurantes ou des

modalités de vécu stables vécues de la pauvreté (Fall, 2007).

Plusieurs visions de la pauvreté existent dans les travaux plus ou moins récents.

La vision dominante est sans doute celle de la statistique officielle où la

pauvreté apparaît comme le bas de l’échelle des revenus, cette dimension

monétaire est sans aucun doute, importante mais insuffisante pour illustrer les

différentes figures du pauvre dans une société comme la nôtre.

Le pauvre stigmatisé plus ou moins contraint de vivre leur situation dans

l’isolement. Ils cherchent à dissimuler l’infériorité de leur statut dans leur

entourage et entretiennent des relations distantes avec ceux qui sont

proches de leur condition. L’humiliation les empêche de développer tout

sentiment d’appartenance à une classe sociale. Il se distingue donc une

Page 31: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

31

identité sociale virtuelle et une identité sociale réelle, le stigmate étant au

centre de cet écart (Fall, 2007).

L’assisté avec un statut social dévalorisé mais qui reste malgré tout

pleinement membres de la société dont il constitue pour ainsi dire la dernière

strate. Ou encore, le désaffilié, qui établit un lien explicite entre la perte de

liens et la pauvreté. Le pauvre vit dans un dénuement total, économique et

social ; il est sans soutien et ne compte que sur l’aide que lui apporte son

entourage pour survivre. Il est souvent qualifié de déclassé social et plongé

dans un état de misère quasi–permanent. Son trait dominant est qu’il s’auto

exclue lui-même du tissu social, préférant ainsi évoluer dans l’anonymat le

plus total. Quant aux ménages pauvres (new ji doole, baadoolo, faxiir, (wolof)

Ma teugniam, Wu bone (diola) Tampube (pulaar), Semeexo (Djallonké)

Fangantan (Malinké), Fasonteñaani (Soninké) Fantan (en Bambara), ils

disposent de sources de revenus assez précaires qui ne permettent pas de

couvrir entièrement les besoins en alimentation.

Le relégué, vit dans les zones périphériques urbaines confrontées à leur

relégation sociale. Le processus d’urbanisation est marqué par la relégation

sociale des populations de la périphérie des grandes villes notamment à

Pikine, Guédiawaye à Dakar où l’habitat en taudis est dominant. L’absence

d’investissements structurants fait de la précarité du cadre de vie un facteur

majeur de ghettoïsation et de négation des droits. Ceci traduit ce que les

historiens ont fort justement nommé la « décharge de l’État » en particulier

l’autonomisation des Communes d’Arrondissement sans possibilité de

recouvrement des moyens fiscaux (délégation sans les moyens) et sa

conséquence de générer une citoyenneté étriquée.

Le précarisé, marqué à la suite de chocs et d’événements qui plongent dans

une sorte d’incertitude stabilisée. La précarité en tant que qu’antichambre

de la pauvreté, et réside dans ces situations aléatoires sans continuité, les

menaces permanentes et l’exposition aux risques renouvelés (Fall, 2007).

Le misérable qui correspond ici au stade ultime de la pauvreté, il reste et

demeure en marge de tous les cadres qui organisent la vie en société.

L’ensemble de ces figures témoigne de la diversité des situations de

pauvreté, issus de toutes catégories sociales confondues, à faire l’expérience

Page 32: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

32

de la précarité et du chômage qui les refoulent, peu à peu, dans la sphère

de l’inactivité et de la dépendance où ils sont assimilés à d’autres pauvres

ayant connu des trajectoires différentes.

L’ampleur de ce phénomène affecte l’ensemble de la société et la relation

d’interdépendance entre les « pauvres » et le reste de la société qui génère

une angoisse collective, car de plus en plus de personnes sont considérées

comme appartenant à la catégorie des « pauvres » et beaucoup, craignent

de le devenir dans un contexte de transformations sociales et économiques

aussi marquées.

Les travaux sur la pauvreté au Sénégal sont assez nombreux et sont

caractérisés par la divergence des résultats selon les méthodes, profils et

approches appliquées. Cependant, la démarche privilégiée a été la mesure

monétaire (BM, 1995 ; MEF, 1997 et 2001b ; Ndiaye, 1999 ; Cissé, 1997, 2003a et

2003b ; Badji et Daffé, 2003 ; MEF et BM, 2004 ; Azam et Dia, 2004).

Même si quelques convergences sont à noter sur la forte prégnance de la

pauvreté de façon générale et les grands déséquilibres géographiques, il

faut noter la variabilité des classements par région et le ciblage des groupes

les plus pauvres. La contradiction de certains résultats semble être liée,

hormis la qualité des données, à la diversité des méthodes utilisées pour

mesurer la pauvreté, qui souffrent chacune d’insuffisances avec des

incidences sur les résultats.

Si l’on prend l’exemple du seuil de pauvreté, plusieurs approches sont

possibles partant de l’énergie nutritive et celle du coût des besoins de base

(Ravallion, 1996). La première fixe comme seuil de pauvreté le niveau de

revenu ou de dépense permettant d’accéder à un apport calorifique

minimal. Cette méthode expérimentée au Sénégal donne des résultats très

variables même à l’intérieur de groupes homogènes. De même pour la

méthode du coût du panier de biens de consommation qui permet de

distinguer les ménages riches des ménages pauvres qui évacue toute

stratégie d’adaptation et de substitution du consommateur.

Les indicateurs composites qui sont supposés mieux refléter la

multidimensionnalité de la pauvreté n’échappent pas à la sévérité des

critères qui ont pour effet de produire des informations d’ordre générale sur

Page 33: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

33

les pauvres mais ne facilitent pas des interventions spécifiques sur des groupes

précis. Le choix de la ligne de partage entre pauvres et riches (Coudouel et

al., 2002). L’étude MEF (2000) fournit un indice multidimensionnel et, ainsi,

occulte totalement les disparités individuelles dans le vécu de la pauvreté.

Les approches subjectives qui ont révélé des taux de pauvreté plus

importants ne sont pas exemptes de critiques sur le bien-fondé de l’auto-

évaluation des pauvres. Les tendances au misérabilisme ou au contraire à la

minimisation de la situation de pauvreté dans le recueil du discours sont

souvent évoquées.

Toujours est-il qu’au-delà de ces divergences théoriques et méthodologiques,

les déterminants des inégalités se situent à plusieurs niveaux : ils peuvent être

d’ordre économique, social, sanitaire, démographique, politique, et

géographique. D’ailleurs, l’une des hypothèses fortes des études sur la

pauvreté chronique, montre que le basculement et le maintien dans la

pauvreté résulte d’un processus cumulatif dans lequel les facteurs de se

renforcent mutuellement.

Or, l’évolution macroéconomique du Sénégal s’est détériorée depuis un an

et, la croissance économique ne s’est élevée qu’à 2,5% du PIB en 2008 (FMI,

2009). En outre, malgré des progrès réalisés en termes de réduction de la

pauvreté au cours des dernières années établis dans le DSRP II, une grande

partie de la population sénégalaise reste encore pauvre. La forte croissance

de la décennie passée ne s’est pas accompagnée d’une réduction de la

pauvreté aussi élevée qu’on aurait pu l’espérer. Une enquête réalisée en

2006 montrait d’ailleurs que 44% des chefs de ménage pensaient que la

pauvreté s’était aggravée au cours des cinq années précédentes

(MEF/ANSD, 2007). La situation a été aggravée par les chocs induits par les

crises alimentaires et énergétiques en 2008 et par la crise financière mondiale

de 2009. Cette situation compromet les chances du pays d’atteindre les

Objectifs du Millénaire.

Le début des années 80 a coïncidé avec une récession économique

occasionnant pour la première fois la mise en situation du Sénégal sous

redressement économique et financier suivi plus tard de l’ajustement

structurel avec tout le corollaire qu’on lui connaît en terme de pertes

d’emplois, de réduction drastique des dépenses publiques même pour les

équipements essentiels, mais surtout, des transferts de l’état vers le monde

Page 34: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

34

rural. Toutes les mesures d’accompagnement, ainsi les politiques et

programmes de l’Etat dans cette période (nouvelle politique agricole,

nouvelle politique industrielle, les programmes aidés d’insertion des diplômés

de l’enseignement supérieur…) ont connu des échecs.

Devant l’incapacité des politiques mises en œuvre à redresser la situation, il

est apparu nécessaire de procéder à une dévaluation du franc CFA en 1994,

laquelle a semblé donner de meilleurs résultats que ceux de l’ajustement

structurel. La situation actuelle de persistance de la pauvreté doit être perçue

dans le sillage des politiques mises en œuvre dans les années 70 et 80. En

effet, le retrait trop hâtif des soutiens de l’Etat du secteur agricole a entraîné

du coup un pan entier de la population rurale dans une situation de

paupérisation. A cela s’ajoute, le recul net de la fertilité des terres, et la

réduction des capacités de production des sociétés publiques et

parapubliques qui achetaient la production des ruraux. De même, une

bonne partie de la population a trouvé refuge dans le secteur informel pour

trouver minimum de survie.

Un fait établi au niveau mondial et qui est apparu dans les opinions des

personnes enquêtées au niveau Sénégal est que la meilleure manière de

lutter contre la pauvreté est de disposer d’un emploi décent. La pauvreté

actuelle est souvent mise en lien avec la faiblesse et la qualité encore

insuffisante de la croissance économique au Sénégal

Une étude récente de la Banque mondiale (Septembre 2007) fait apparaître

que depuis la dévaluation du franc CFA en 1994, l’économie du Sénégal a

réalisé des performances. Le taux de croissance réelle tourne autour de 5%.

Seulement, il convient de noter que cette croissance est très fragile, voire

volatile, du fait qu’elle n’est portée que par quelques secteurs (commerce,

les postes et télécommunications, l’agriculture, la construction et les activités

immobilières). Ces secteurs sont intensifs en main d’œuvre (sauf les

télécommunications), mais peu portés vers l’exportation. La politique

budgétaire appliquée juste après la dévaluation, permet certes d’augmenter

la demande globale de l’Etat, mais aussi crée un phénomène d’éviction qui

se manifeste par une tension au niveau des prix de certains produits

(Matériaux de construction, essence, le gaz, électricité...). Les grands travaux

qu’elle occasionne permettent de booster le secteur des BTP et les secteurs

Page 35: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

35

connexes, mais l’impact global dans l’économie est limité tant en création

d’emplois qu’en redistribution des revenus.

Si tout le monde s’accorde sur la nécessité de la croissance économique

dans un pays donné comme résultante de la création de richesses globale

au niveau de la nation, il apparaît de plus en plus clair qu’elle ne permet pas

une redistribution adéquate des revenus. Pour être efficace, la croissance

doit être dirigée ou massive pour permettre à une bonne frange de la

population de bénéficier de ces retombées. Le DSRP qui est le document de

référence en matière de lutte contre la pauvreté au Sénégal s’est fixé

comme objectif de doubler le revenu par tête d’habitant à l’horizon 2015

avec un instrument appelée stratégie de croissance accélérée qui

ambitionne de porter la croissance de 7 à 8 chiffres, mais aussi en utilisant des

secteurs qui emploient beaucoup de pauvres (agriculture), à haute valeur

ajoutée (télécommunication) ou fort potentiel de main d’œuvre (textile). De

plus, l’option d’une croissance pro pauvre reste encore hypothétique au

Sénégal, le ciblage des pauvres n’étant pas systématique et le niveau de

transfert vers les populations pauvres reste faible.

En résumé, la croissance économique du Sénégal est une contrainte par : son

niveau encore faible, sa fragilité, sa forte dépendance de la politique

budgétaire et de l’aide, sa forte concentration sur un réduit de secteurs, la

faible orientation vers l’exportation des secteurs porteurs de la croissance, la

faiblesse de l’investissement privé. La faiblesse du capital humain est aussi

souvent évoquée dans les causes profondes des inégalités et pauvreté. Pour

renforcer le stock de capital humain et apporter des solutions viables à la

demande sociale des investissements conséquents devront être faits dans les

services sociaux (éducation, santé, hydraulique, transports,…).

Le Gouvernement affiche depuis 2000 une volonté manifeste de prendre en

charge le secteur social par une revue régulière du budget qui lui est alloué.

La majorité des travailleurs sénégalais sont mal payés parce que faiblement

productifs (Banque mondiale, op.cit) d’où vient l’incapacité des entreprises

sénégalaises à gagner des parts de marché sur le plan international. En dépit

des efforts faits par les autorités, le temps passé par un élève sénégalais en

moyenne à l’école est largement inférieur au standard des pays émergents.

Page 36: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

36

L’on peut aussi faire référence à la capacité insuffisante de création

d’emplois et de productivité du secteur moderne la non représentativité des

grandes entreprises dans le tissu industriel avec moins de 5% mais créent plus

de la moitié des emplois.

Les PME représentent l’essentiel du tissu industriel du Sénégal avec près de

90% des entreprises. Mais elles sont caractérisées par :

- Leur faiblesse en création d’emplois (42% de l’emploi). Plus de la moitié

de l’emploi, est ainsi offerte par les grandes entreprises qui

représentent, moins de 5% de l’ensemble des entreprises

- Leur concentration dans le secteur du commerce, des BTP et des

services

- Leur chiffre d’affaire décroît progressivement allant de 41,4% en 1998 à

31,7% en 2003 dans celui du secteur moderne

- Leur faible part dans la création de richesse (28% et 29%

respectivement en 2002 et 2003)

- Leur faible productivité du travail sauf pour les services

- Leur faible taux de rentabilité économique (taux de rentabilité

légèrement supérieure à zéro) et leur rentabilité reste nettement

inférieure à celle de l’ensemble des entreprises. La rentabilité

économique la plus importante a été observée en 1999 (3,11% pour les

PME et 7,02% pour l’ensemble).

Une opportunité de taille pourrait être trouvée dans le fort potentiel de

création d’emplois du secteur. En effet, pendant les 10 dernières années

l’absorption de l’offre de travail par l’économie sénégalaise s’est effectuée

par le biais du secteur informel qui a réalisé 97% de la croissance de l’emploi.

A coté de ce potentiel de créations d’emploi, il a été constaté que les gains

globaux de productivité ont été modestes au cours de la dernière décennie.

La productivité du secteur comparativement à celui du secteur formel peut

se résumer ainsi selon le document de la Banque mondiale citée ci dessus:

Le secteur formel a enregistré une augmentation de sa productivité à un

rythme annuel de 2,2% entre 1980 et 2004, alors que celle du secteur informel

a quasiment stagné autour de 0,2% par an. Dans le secteur informel, presque

toutes les activités ont reporté des gains annuels de productivité inférieurs à

3% pendant la période 1995-2004. En termes de valeurs absolues, un

travailleur du secteur formel est environ 10 fois plus productif que celui dans le

Page 37: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

37

secteur informel avec des écarts variant toutefois suivant les secteurs

d’activités puisque un nombre restreint de secteurs informels sont apparus

presque aussi productifs que ceux du secteur formel, notamment la pêche, la

fabrication de mobilier, la santé, et surtout la transformation des produits de

la pêche.

Les disparités entre les groupes sociaux ont également été interrogées dans

l’analyse de la persistance de la pauvreté. Généralement, les questions de

genre se fondent sur une forme de discrimination sociale qui se traduit, d’une

certaine manière par une marginalisation de la femme qui ne peut jouir des

mêmes opportunités que les hommes (accès à l’éducation, à la formation et

à l’emploi hors du foyer) parce que confinée aux tâches domestiques et

absente du processus de prise de décision, entre autres. Le manque de

moyens et d’accès aux ressources qui naît de cette situation compromet

l’épanouissement des femmes en tant qu’agents économiques pouvant se

prendre en charge, ce qui les rend plus vulnérables à la pauvreté. La mesure

de la pauvreté quantitative au Sénégal ne permet pas encore de déterminer

de manière individuelle les femmes pauvres et les hommes pauvres. En effet,

la mesure de pauvreté est encore globale à l’échelle du ménage. Autrement

dit, dans la classification, si un ménage est pauvre, tous ses membres sont

considérés comme pauvres. C’est ainsi qu’on notera que le niveau de

pauvreté global est de 50,6% pour les femmes comme pour les hommes

(ESPS, 2005/2006).

Environ 17% de la population vit dans un ménage dirigé par une femme

(ESPS, 2005/2006). Malgré leur poids relativement important, les ménages

dirigés par une femme contribuent pour 12,2% seulement à la pauvreté

totale. Comme cela avait déjà été observé en 2001/02, les résultats montrent

aussi que la pauvreté est moins répandue dans les foyers dirigés par des

femmes que dans les ménages dirigés par des hommes : alors que 37,3%

seulement de la population vivant dans un ménage dirigé par une femme est

pauvre, un peu plus de la moitié de la population vivant dans un ménage

dirigé par un homme vit en dessous du seuil de pauvreté. La dépense par

tête au niveau national est de 320 216 FCFA, elle est de 298 151 FCFA pour les

femmes dirigés par un homme et 410 058 FCFA pour les ménages dirigés par

une femme (ESPS, 2005/2006). Il semble donc que dans une certaine mesure,

les ménages dirigés par des femmes soient mieux lotis que ceux dirigés par un

homme. Ce constat est validé par les analystes de la Banque mondiale, dans

Page 38: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

38

la mesure où l’incidence de la pauvreté selon l’activité habituelle, la

profession et le statut dans la profession semble être plus favorable aux

ménages dirigés par une femme que ceux dirigés par un homme.

À Dakar où le statut de la femme semble plus favorable (autonomie,

participation, capital humain et social), la différence de niveau de pauvreté

entre les ménages dirigés par des femmes et ceux dirigés par des hommes est

très négligeable (33,7% contre 32,1%). Cet avantage apparent peut être dû à

une différence dans la composition des ménages des deux catégories, à la

taille et à l’importance des transferts plus favorables aux ménages dirigés par

des femmes. Par ailleurs, les femmes chefs de ménages ont tendance à

mobiliser les ressources disponibles du ménage pour le bien être de tous, ce

qui n’est pas souvent le cas des hommes.

Comment la pauvreté a été étudiée au Sénégal ?

Les approches de la pauvreté sont diverses du fait notamment du caractère

à la fois multidimensionnel, multiforme, complexe et diffus du phénomène.

Outre les critères de revenu, de conditions de vie, de potentialités des

individus et des groupes, interviennent également dans les approches de la

pauvreté les perceptions et les représentations. Pour ce qui est du Sénégal,

l’approche monétaire de la pauvreté a longtemps prévalu.

Ce n’est qu’à partir de 2000 dans l’élan de l’élaboration du DSRP que le

couplage des enquêtes quantitatives et qualitatives a été expérimenté

(Cling J.P et al 2002). L’enquête sur la Perception de la Pauvreté au Sénégal

(EPPS) réalisée en 2001 a porté sur le même échantillon que celui de l’ESAM II

et a permis de collecter des données sur les perceptions subjectives des

ménages par rapport à la pauvreté, sur la qualité (ou plutôt le degré de

satisfaction) des services publics, et sur les priorités des ménages pour réduire

la pauvreté.

Les résultats ont montré une pauvreté plus accentuée et plus dynamique

deux-tiers des ménages ont estimé qu'ils étaient pauvres, et la pauvreté a

augmenté dans leur communauté durant les cinq dernières années.

Page 39: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

39

Figure 1 Perception de la pauvreté dans les ménages et les communautés (%)

Source: ESPS 2005–2006

La combinaison de ces méthodes a eu des effets considérables dans la

compréhension du phénomène. En effet, la pauvreté n’est plus donc

considérée comme un état mais comme le reflet des dynamiques, mutations

et trajectoires qui induisent des gradations, elles-mêmes régulées par les

perceptions des acteurs de leur propre condition et des perceptions des

contemporains (FALL, A.S , 2007).

Les profils de la pauvreté au Sénégal

Partant des données publiées par les différentes institutions publiques et

privées, plusieurs profils de pauvres peuvent ainsi être dégagés au Sénégal.

Le tableau suivant permet de dresser le tableau global de l’incidence de la

pauvreté au Sénégal.

Tableau 4 : Taux de pauvreté et intensité de pauvreté au Sénégal

Taux de pauvreté (recensement) Ecart de pauvreté (comme % du seuil de pauvreté)

En dessous du seuil de pauvreté alimentaire

En dessous du seuil des besoins élémentaires

En dessous du Seuil de pauvreté de US$1/jour

En dessous du Seuil de pauvreté alimentaire

En dessous du Seuil des besoins élémentaires

En dessous du Seuil de pauvreté de US$1/jour

Ensemble de la population

19.7 65.0 34.4 4.5 22.5 9.6

Enfants (de 0 à 14 ans)

20.9 66.7 38.5 4.7 23.1 10.9

Adultes en âge de

18.4 63.3 30.7 4.2 21.9 8.5

42.5

51.4

64.7

56.1

39.943.4

61.6

52.1

0

10

20

30

40

50

60

70

Dakar Other cities Rural Average

Poor community Poor household

Page 40: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

40

travailler (de 15 à 59 ans) Personnes du 3ème Age (+ de 60 ans)

20.8 66.5 35.2 4.6 23.1 9.4

Hommes 20.1 65.4 35.0 4.6 22.8 9.8 Femmes 19.4 64.7 33.9 4.4 22.3 9.5

Source: Gassmann and Behrendt (2006).

• La pauvreté touche plus les ruraux que les urbains ;

Cette situation s’explique en partie par le fait que les ruraux ont un moindre

accès aux infrastructures de production, équipements, services sociaux de

base et aux structures de financement. En général, les ruraux ont un accès au

capital physique assez limité, ce qui fait qu’ils ne bénéficient par des effets

directs ou indirects de leurs externalités (accès aux infrastructures scolaires, de

santé, de transport…).Les résultats des enquêtes confirment que les taux de

pauvreté sont significativement plus élevés en zones rurales qu’en zones

urbaines. De plus, étant donné la baisse plus rapide de la pauvreté en milieu

urbain, la contribution des zones rurales à la pauvreté va en s’accroissant.

Alors que 68% des pauvres vivaient en zones rurales en 2001/02, cette

proportion atteint 71% en 2005/06 (ESAM II, 2002 et ESPS, 2005).

Outre le milieu d’appartenance (urbain ou rural), les données observées

montrent que la pauvreté est loin d’être uniforme d’une région à une autre.

Avec moins d’un ménage pauvre sur trois en 2005/06, la région de Dakar jouit

d’une situation nettement plus favorable que les autres régions du pays,

même si elle contribue de facon importante à la pauvreté du fait qu’elle

concentre un quart de la population (Dakar représente 15,4% de l’ensemble

des ménages pauvres en 2005/06). A l’opposé, c’est dans les régions de

Tambacounda, Ziguinchor, Fatick, Louga et Kolda que la pauvreté est la plus

répandue (deux personnes sur trois sont pauvres, voir plus). Le niveau de

pauvreté a même augmenté entre 2002 et 2005 dans les régions de

Tambacounda, Fatick et louga. Globalement, les régions peuvent être

Page 41: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

41

regroupées en trois grandes catégories homogènes selon l’incidence de la

pauvreté observée en 2005/06 :

• très forte (plus de 60%) à Tambacounda, Ziguinchor, Fatick, Louga et

Kolda

• forte (entre 40 et 60%) à , Kaolack, Diourbel, Matam, et Thiès

• moyennement forte (entre 33 et 40%) à Dakar et Saint Louis.

Certaines régions très pauvres (par exemple Ziguinchor et Kolda) sont à la

périphérie du pays et d’accès relativement difficile. L’immensité des

ressources pour ces deux régions tranche d’avec leur niveau de pauvreté. La

raison de leur pauvreté pourrait être trouvée dans le fait que leurs populations

respectives sont essentiellement rurales (59,1% et 89,2%), donc rejoignent les

autres régions en terme de faiblesse de leur productivité et de leurs capacités

de création de richesse. La capacité de transformation des produits agricoles

de ces régions est très faible et le tissu industriel secondaire y est quasi-

inexistant. Le cas de Ziguinchor est assez particulier en raison de la guerre qui

a ralenti considérablement le décollage de la région.

Dakar, la région la moins pauvre, jouit des avantages d’un développement

longtemps inégal aux dépens des autres régions, privilège que lui confère son

statut de capitale de la nation. La région de Louga qui connait un

investissement par tête parmi les plus faibles du pays, est aujourd’hui le lieu

d’importants flux migratoires vers l’étranger, mais il faut noter des estimations

divergentes de la pauvreté à Louga selon les deux dernières enquêtes, peut-

être dues à des différences d’échantillonage statistique. Si les transferts

d’argent effectués par les ressortissants de la région sont à prendre en

compte comme un apport substantiel dans le relèvement significatif du

niveau de vie de ses populations, il apparaît que ces transferts ne sont pas

suffisants.

• La pauvreté touche davantage les moins instruits ;

• Les ménages de grande taille sont les plus pauvres ;

Page 42: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

42

• La pauvreté touche plus les travailleurs du secteur informel plus que

ceux du secteur formel (privé ou public) ;

• La pauvreté est plus répandue parmi les ménages dont le chef est un

travailleur pour son compte propre (56,8%), que pour ceux dans le

secteur privé formel (33,5%) ou dans l’administration (22,1%). Ces

résultats ne surprennent guère si on sait que les entreprises individuelles

constituent l’essentiel du secteur informel qui se caractérise par une

faiblesse des moyens, des conditions de travail précaires, d’où une

certaine vulnérabilité et une instabilité liées à la faiblesse et à

l’irrégularité des revenus ;

• Les ménages avec des chefs âgés (60 ans et plus) sont plus pauvres.

IV- Les acteurs clés, instruments et stratégies réponses

Face à la dégradation de la situation sociale depuis les années 80, la réponse

dominante du gouvernement et de ses partenaires est « lutter contre la

pauvreté » au détriment de la notion de développement économique et

sociale absente du discours des décideurs. Elle s’appuie principalement sur le

DSRP qui est le document central à partir duquel toutes les actions doivent

s’élaborer et se mettre en œuvre.

Le Gouvernement a réalisé la plupart des mesures d’accompagnement du

pilier « création de richesses » et inscrit l’économie nationale dans une

dynamique d’accélération de la croissance par des politiques

macroéconomiques rationnelles, l’amélioration du climat de l’investissement

et des avancées dans les réformes structurelles notamment dans les secteurs

de l’arachide et de l’électricité. Les investissements dans les services sociaux

de base ont permis d’améliorer sensiblement les indicateurs sociaux tendant

ainsi vers l’atteinte des OMD même si des efforts importants sont encore à

faire. Des investissements dans le capital humain de manière générale ont fait

l’objet d’une attention particulière avec l’allocation de 50% du budget de

fonctionnement aux secteurs sociaux (éducation, santé).

Une analyse approfondie des approches, profils et mesures de la pauvreté

montre que l’extrême pauvreté n’est pas seulement une absence de

Page 43: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

43

ressources monétaires, mais qu’elle est avant tout un manque de capacités

et d’opportunités de se mettre en valeur. Ces résultats apportent ainsi de

riches enseignements pour la politique nationale de lutte contre la pauvreté.

D’ailleurs, la mise en place d’une liste d’indicateurs pour le suivi des

grandeurs macro-économiques, permet aujourd’hui de faire l’état des lieux

des performances réalisées et éventuellement du gap par rapport à la cible

fixée par le Gouvernement. Au niveau budgétaire, les réformes issues des

plans CFAA-CPAR ont conduit à la réalisation du CDMT (2006-2008) et à la

mise en place des CDSMT des ministères dépensiers (éducation, santé,

environnement et justice). Au niveau de la politique éducative, le défi du

taux d’achèvement et de la qualité de l’enseignement, surtout pour les filles

est relevé à travers les programmes ciblés pour les groupes vulnérables et le

milieu rural (Cantines scolaires, bourses, etc.). Entre 2007 et 2008, le budget

d’investissement du secteur est passé de 250 milliards à 288 milliards de francs

CFA, accusant une hausse relative de plus de 15%.

Dans le domaine de la Santé, le Gouvernement poursuit la politique de

prévention des risques sanitaires et de renforcement des programmes de lutte

contre les maladies transmissibles. Il s’agira ainsi de disposer d’un système de

soins de santé répondant aux besoins. En 2008, le montant du budget total

alloué au secteur est de 80,6 milliards de FCFA contre 75,2 en 2007.

Pour le secteur de l’eau potable et de l’assainissement, le gouvernement

continue la mise en œuvre du PEPAM avec plus d’attention, en vue

d’accroître le taux d’accès à l’eau potable et promouvoir une gestion

durable des ouvrages. D’ici à 2010, il s’agira de réaliser, en milieu rural, 200

nouvelles adductions d’eau, 70 constructions de châteaux d'eau, 200 puits

modernes, et la consolidation des infrastructures existantes d’une part, et,

d’autre part, d’augmenter l’extension des réseaux et les branchements

sociaux en milieu urbain et péri-urbain. Ces investissements ont

significativement impacté l’évolution du budget en 2008 et des efforts

considérables ont été faits pour augmenter le budget de fonctionnement du

secteur d’environ 12% entre 2007 et 2008, pour davantage renforcer les

Page 44: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

44

entretiens des ouvrages. Ces efforts se traduisent par une augmentation de 7

à 16 milliards, entre 2005 et 2008.

En matière d’assainissement, il est poursuivi la réalisation de systèmes

individuels ou publics d’évacuation en milieu rural. Pour le milieu urbain, il a

été retenu la réalisation de branchements sociaux sur réseau collectif ou

réseau semi-collectif et l’installation de systèmes autonomes. Pour la collecte

et le traitement des eaux usées, il est prévu de porter les capacités STEP à plus

de 34000 m3/jour à Dakar. L’État prendra les mesures d’accompagnement

pour le renforcement des capacités des acteurs des services de l’État, des

consommateurs, des collectivités locales et du secteur privé, l’intermédiation

sociale et le suivi évaluation (impacts, suivi environnemental, gestion des

ressources).

Dans le domaine de l’environnement, le Sénégal a pris diverses initiatives

dont l’élaboration d’une stratégie de développement durable et une lettre

de politique sectorielle de l’environnement (LPSE), en vue du renversement

des tendances et de l’atteinte des OMD. Entre 2005 et 2008, le budget a

considérablement évolué en passant de 6 à 15 milliards.

En matière d’Urbanisme et d’Habitat, le Sénégal poursuit les objectifs

d’amélioration des conditions d’accès aux parcelles viabilisées et à des

logements adéquats en produisant des logements décents. Les leçons tirées

du premier DSRP ont amené le gouvernement à inscrire un axe consacré à la

protection sociale et la prévention et la gestion des risques et catastrophes.

Les programmes prioritaires de la Stratégie Nationale de Protection Sociale et

prévention des risques majeurs seront mis en œuvre.

Dans le cadre de l’amélioration de la décentralisation et de la gouvernance

locale, le Gouvernement poursuit les actions et réformes en cours, pour (i)

améliorer le cadre institutionnel et renforcer les capacités des collectivités

locales, (ii) accroître les ressources et poursuivre les réformes budgétaires et

Page 45: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

45

financières relatives aux collectivités locales en vue d’assurer le financement

des infrastructures et des équipements.

Les grands Projets/programmes de lutte contre la pauvreté au Sénégal

• Le Programme National d’Infrastructures Rurales (PNIR) : Les interventions du PNIR ont couvert les 11 Régions administratives du Sénégal ; elles ont touché 110/320 Communautés Rurales, 4659 villages, pour une population estimée à 2 200 000 personnes.

• Le Programme des Services Agricoles et des Organisations des Producteurs (PSAOP) : Ce programme a permis d’activer plusieurs leviers pour encourager les activités agricoles : réformes institutionnelle, recherche agricoles, conseil agricole et rural, organisation des producteurs. De façon plus précise, le PSAOP a pris en charge l’établissement des bases institutionnelles (entre autre l’élaboration et l’adoption d’une LOASP) pour une intervention plus efficace dans le secteur agricole et a établi un réseau d’organisations de producteurs et de services de conseil agricole et rural dans 144 des 320 communautés rurales du Sénégal. Le PSAOP1 a piloté des expériences remarquables sur la production d’arachides de qualité et l’amélioration du niveau et de la qualité des stocks de semences au niveau communautaire. Ces activités, qui ont permis d’améliorer la productivité et d’augmenter les prix de vente pour les producteurs.

• Le Projet du Fond de Développement Social (PFDS) : Le programme de l’Agence du Fonds de Développement Social (AFDS) est financé par la Banque Mondiale. Le PFDS couvre pour sa première phase les régions suivantes : Dakar, Fatick et Louga ; depuis juillet 2004 le programme couvre également les régions de Kaolack et Ziguinchor. Au-delà du niveau régional, les cibles prioritaires sont le Département de Kolda, les communes de Dakar (Yeumbeul Nord et Yeumbeul Sud), Foundioungne, Koungheul, Linguère et Vélingara. De façon plus spécifique, les bénéficiaires sont recensés dans les poches de pauvreté des régions Diourbel et Matam.

• Le Programme de Lutte Contre la Pauvreté (PLCP) : Il est financé par la Banque Africaine de Développement, le Fonds Nordique de Développement et l’Etat du Sénégal pour un montant de 18 millions unités de compte, soit 15 milliards F CFA pour une durée de 5 ans. Il intervient dans cinq régions du Sénégal : Dakar, Diourbel, Kolda, Tambacounda et Thiès.

• Le Programme d’Appui à la Réduction de la Pauvreté (PAREP) devenu PRP : Il s’inscrit dans le prolongement de l’ancien Programme Elargi de Lutte Contre la Pauvreté (PELCP). Il est le fruit de la coopération entre le gouvernement du Sénégal et le PNUD qui ont financé à hauteur de 4,5

Page 46: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

46

millions de dollars US, soit 2,5 milliards F CFA, pour une durée de 33 mois. Il a été remplacé par le Programme de Réduction de la Pauvreté (PNUD/Lux Développement) 2008-2012.

• Programme de Soutien aux Initiatives de Développement Local (PSIDEL) : Mis en œuvre dans le cadre du 8ème FED, le PSIDEL a permis le renforcement du capital infrastructurel de nombreuses communautés rurales dans cinq régions et six départements. Ses interventions dans le cadre de l’axe création des richesses a porté pour l’essentiel sur l’agriculture, l’élevage et le commerce (marchand).

• Le Plan Décennal de l’Education et de la Formation Professionnelle (PDEF) : Le PDEF aura permis la réalisation des objectifs recherchés dans le cadre du DSRP, en ce qui concerne l’accès à l’éducation et à l’amélioration de la qualité des services d’enseignement. Du point de vue de l’appréciation de l’impact des réalisations du PDEF, on peut noter les aspects suivants : (1) Le rythme croissant des effectifs de tous les niveaux d’enseignement est observé depuis 2000 ; (2) L’écart entre les filles et garçons a diminué en 2004 par rapport à 2003 Le TBS des garçons est de 82,4%, celui des filles de 77,30%, soit une différence de 5,1 points. Celle-ci était de 7 points en 2003; (3) L’objectif de 75% d’élèves inscrits dans des écoles à cycle complet a été presque atteint avec un taux de 74,26% ; (4) Les taux bruts d’admission ont dans l’ensemble progressé dans les régions les plus scolarisées; (5) Alphabétisation des adultes : Les actions de formation ont touché plus de 500 000 personnes pour une prévision de 120 000 adultes (personnes âgées de 15 à 49 ans) ; (6) Le Taux Brut de Scolarisation (TBS) est passé de 75,8% en 2003 à 79,9% en 2004, soit une augmentation de 4 points..

• Le Programme National de Développement Sanitaire et Social (PNDS) : Le mécanisme de financement du PNDS est le PDIS. Le PNDS formulé avant le DSRP a fait l’objet de révision et de réadaptation. Globalement les réalisations du PNDS, contribuant à la mise en œuvre du DSRP se présentent comme suit : (i) Composante Infrastructures d’accès aux services de santé, (ii) composante Accès à l’eau potable et assainissement et, (iii) composante « Accès aux soins.

• Le Projet du Fond de développement Social (PFDS) : Les réalisations du PFDS par domaine, sur l’amélioration de l’accès aux services sociaux de base, sont de deux natures. D’une part, on note des infrastructures de premier plan, il s’agit respectivement de la création de : (i) salles de classe, dans le domaine de l’éducation ; (ii) de cases et postes de santé ainsi que de maternités dans le domaine de la santé ; (iii) de puits, forages et adductions d’eau accompagnée de bornes-fontaines dans le domaine de l’accès à l’eau potable ; (iv) et de halls de marché, différentes formes de boutiques et magasins dans le domaine du commerce. D’autre part, le PFDS a réalisé des infrastructures dites de second plan mais améliorant sensiblement la qualité des différents services.

• Le Programme de Lutte Contre la Pauvreté (PLCP) : Du point de vue de l’amélioration de l’accès des populations aux services sociaux de base, le

Page 47: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

47

PLCP a touché les domaines suivants : Santé, Education, Hydraulique (accès à l’eau potable) et assainissement (construction de latrines), mais également l’allègement des travaux des femmes (installation de moulins à mil), également la construction et l’équipement de cases foyers ou centres polyvalents pour le bénéfice des femmes.

• Le Programme d’appui aux Initiatives de Développement Local Urbain (PADELU) : Mis en œuvre dans le cadre du 8ème FED, le PADELU a contribué à renforcer les infrastructures au niveau de dix sept communes. Il n’a pas fait l’objet d’évaluation et ne dispose pas de documents récapitulant, à l’étape actuelle, l’ensemble de ses réalisations. Toutefois, une note de synthèse permet de relever les réalisations du Programme sur la période 2003-2005.

• Projet « village du millénaire » de Potou dans la communauté rurale de Léona/PNUD, C’est un projet régional qui couvre 10 pays africains dont le Sénégal en site pilote de l’initiative. Les autorités du Sénégal ont voulu ainsi marquer le démarrage d’un important programme de développement local dans la région de Louga. En effet, il s’agit d’une stratégie de réduction de la pauvreté fondée sur les Omd qui ciblent particulièrement des domaines comme l’éducation primaire pour tous, la réduction de la mortalité infantile, la réduction de l’extrême pauvreté et de la faim, la lutte contre le sida, le paludisme .Le choix de cette communauté rurale, est lié au fait que c’est une zone qui présente la combinaison de deux système de production, pêche et agriculture, avec plusieurs contraintes dont l’avancée des dunes de sable, la pollution de la nappe phréatique, la salinisation des sols, entre autres.

• Le Programme National de Développement Local (PNDL) prendra en compte les différents acquis des programmes suivants: (i) Programme National d’Infrastructures Rurales (PNIR); (ii) Agence du Fonds de Développement Social (AFDS); et (iii) le Projet de Gestion Durable et Participative des Energies Traditionnelles et de Substitution (PROGEDE) en les regroupant en un seul programme. Le PNDL qui entend donner aux populations les moyens d’une participation effective au processus de développement, se définit donc comme étant un des cadres opérationnels de la stratégie du développement rural. Ce programme sera chargé d’impulser et de soutenir des actions fortes, concertées, diversifiées et inscrites dans la durée. Le Gouvernement a ainsi opté pour une responsabilisation des Collectivités locales (CL) décentralisées dans le cadre du processus progressif de décentralisation, consacré par la loi No 96-06 du 22 mars 1996 portant Code des Collectivités locales. Pour une participation effective des populations, les CL élaborent leur plan de développement local, les plans annuels d’investissement et élaborent leur budget en fonction de leurs recettes.

Page 48: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

48

Dans ce contexte de foisonnement de projets/programmes étatiques, le

DSRP reste l’outil de référence pour la coordination pour impulser le

partenariat entre les différents acteurs, notamment en tant qu’un instrument

de mobilisation des ressources et de recentrage des actions de lutte contre la

pauvreté. Il faut rappeler ici les principes de base qui ont sous-tendu

l’élaboration des DSRP dans la plupart des pays éligibles à l’initiative PPTE :

� la participation de la société civile et du secteur privé dans toutes les

étapes opérationnelles et orientées et la recherche de partenariats

avec les acteurs de l’aide au développement (aide bilatérale,

multilatérale et ONG), selon un objectif de coordination de leurs

interventions ;

� l’atteinte de résultats englobants qui sont susceptibles de bénéficier

aux pauvres dans le sens où la nature multi-dimensionnelle de la

pauvreté est prise en compte et selon une perspective de long terme

pour la réduction de la pauvreté.

A coté des principes fondateurs, la réalité fut tout autre puisque le processus

n’a véritablement démarré qu’au début de l’année 2001. Cependant les

perspectives d’allègement de la dette étaient suffisamment alléchantes pour

bousculer le processus d’élaboration. La représentativité des acteurs divers

(élus locaux, des ONG, des syndicats, associations de producteurs ruraux,

organisations confessionnelles, groupements féminins, jeunes…) n’a pas

empêché les acteurs non étatiques de souligner le déficit de participation.

D’ailleurs d’un point de vue purement idéologique, l’arrimage de la stratégie

de lutte contre la pauvreté à la réduction de la dette ne milite pas en faveur

d’une participation et appropriation spontanée. De plus, la définition

d’actions prioritaires réparties entre plusieurs ministères sans une recherche

explicite de complémentarité entame de façon significative, les exigences

de cohérence et d’articulation nécessaires à l’émergence de politiques

publiques efficaces. La revue annuelle du DRSP 2009, admet que les

difficultés rencontrées relèvent de l’insuffisance des discussions sectorielles en

raison de la nouveauté de la démarche, les difficultés de renseignement des

indicateurs multiples.

Les enjeux de pouvoirs et interactions entre les différents acteurs

Page 49: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

49

Dans ce contexte de recherche d’arbitrages, de consensus et de répartition

des pouvoirs entre acteurs, il est évident que les intérêts divergents inscrivent

les différentes parties prenantes dans des logiques de concurrence ou de

contrôle des espaces de pouvoirs qui ne sont pas de nature à garantir la

stabilité du cadre de la lutte contre la pauvreté. Au Sénégal, tous les acteurs

ont été placés sur un pied d’égalité, qu’il s’agisse des directions de l’État, du

secteur privé ou des organisations de la société civile.

Les acteurs étatiques

L’objectif était de faire travailler ensemble des groupes avec des approches

et intérêts divergents. Par contre, la faible capacité institutionnelle de certains

acteurs sont des obstacles non prévus qui freinent leur participation au profit

d’acteurs plus préparés à interagir avec les décideurs étatiques et bailleurs

de fonds, que sont les grandes ONGs et les experts. Pour l’Etat l’on pourrait

conclure rapidement à une sorte de réhabilitation du fait du rôle central joué

dans la conduite des politiques de lutte contre la pauvreté. Toutefois, il est

nécessaire de rappeler les épisodes de l’ajustement structurel qui ont

largement contribué à affaiblir voire décrédibiliser l’Etat. Il pourrait s’avérer

difficile quelques décennies plus tard de conférer à l’Etat, la responsabilité de

mener à bien un processus consultatif à large échelle. Les faiblesses des

compétences organisationnelles, et les coûts élevés apparaissent dès les

premiers stades de consultation et d’élaboration des politiques (Dahou et

Ndiaye 2004).

Une autre contrainte de taille est que même au sein de l’appareil étatique, le

Ministère de l’Economie et des Finances qui joue une place centrale dans la

coordination de la stratégie de lutte contre la pauvreté, n’a pas une culture

de développement suffisante pour impulser une dynamique synergique.

Les bailleurs de fonds

Du côté des bailleurs de fonds, la stratégie de lutte contre la pauvreté semble

induire des relations de type nouveau avec le gouvernement. Cependant,

dans la pratique, l’approche prescriptive est toujours de mise, la seule

différence étant que les conditionnalités sont « internalisées » dans le DSRP, en

tant que condition imposée par la Banque mondiale et le Fonds monétaire

international pour l’obtention d’une aide financière (Dahou et Ndiaye 2004).

Page 50: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

50

Le pouvoir d’entériner la stratégie reste entre les mains des bailleurs de fonds.

Quant à l’exigence de participation de la société civile, elle reste

conditionnée par des critères de légitimité, de représentativité et de

capacité. L’exigence de cohérence pour capter les ressources n’est pas

forcément à même de faciliter les processus de participation des acteurs

généralement marginalisés lors de la définition des politiques publiques.

Les acteurs non étatiques

Quant aux ONGs, les sécheresses des années 72 et 73, constitue un repère

important pur situer l’intervention des ONGs au Sénégal. En effet, des ONGs

internationales dans le domaine de l’humanitaire ont non seulement assisté

les populations prise par l’étau de la sécheresse mais en plus elles ont tenté

de susciter l’intérêt chez des organisations locales et nationales a organiser

une réponse consciente en effet que on venait d’entrer dans un cycle au

long court. Le bilan de ces interventions d’urgence considéré comme positif

a tout de même révélé les limites de l’action d’urgence qui apporte des

solutions ponctuelles mais ne traite pas des problèmes structurels liés au

développement des populations concernées. C’est ainsi donc que plusieurs

initiatives associatives ont émergé sous le sceau de l’engagement pour le

développement communautaire dans un contexte qui s’y prêtait fort bien.

En effet, le gouvernement Mamadou Dia, au début des indépendances

avait mis en place un ensemble de dispositifs qui visait à asseoir les bases

d’un socialisme auto gestionnaire dont les coopératives agricoles, l’animation

rurale, la gestion communautaire des ressources naturelles, les sociétés

régionales d’encadrement du milieu rural mais aussi l’école des cadres ruraux

de Bambey ainsi que l’ENEA, constituait les socles les plus importants. Ce

choix communautaires a fortement influencé les ONG nationales qui ont

émergé à la fin des années 70 et au début des années 80 -90.

Les ONG nationales et internationales ont orienté leur action dans le monde

rural pour tester des innovations dans le domaine de l’hydraulique, des

activités agricoles autres que les cultures de rente comme le coton et

l’arachide ainsi que l’accompagnement à l’organisation des producteurs et

des associations de jeunes agriculteurs et des femmes. C’est seulement avec

les PAS des années 80 à 90 que l’on, observe un intérêt pour l’économie

populaire urbaine, domaine dans lequel ENDA a servi de fer de lance en

Page 51: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

51

développant une approche ciblant les acteurs jeunes marginaux et les

populations déshéritées comme les domestiques, les enfants de la rue, les

populations dans les bidons villes et les taudis et les populations flottantes.

Mais il faut noter que dés les années 80 des ONGs comme l’OFADEC, ont

initié une concentration de l’intervention dans des zones à grand potentiel

hydro agricole en articulant t une organisation communautaire des

périmètres agricoles mais aussi une parcellisation qui permettait de stimuler la

production.

En introduisant une production de masse en banane et une activité de

contre-saison maraîchère dans la zone de Tambacounda caractérisée par

une pauvreté extrême, cette ONG avait donné le signal d’un renouvellement

du modèle coopératif et d’une intégration des volets sociaux

alphabétisation, santé communautaire dans l’activité&é de production

agricole. Dans la même période d’autres ONG, ont initié des actions comme

les banques céréalières, les activités de contre-saison maraîchères, la petite

hydraulique villageoise, l’introduction de moulins a mil, l’accompagnement

en nutrition communautaire qui ont contribué à soulager les populations

rurales.

On peut multiplier les exemples de succès mais force est de reconnaître que

les ONGs sont restées dans le test des innovations mais n’ont pas toujours

réussi le passage à l’échelle large. Il est vrai qu’elles ont renouvelé leur offre

d’assistance à la fois en milieu rural qu’en urbain avec notamment un intérêt

pour l’énergie muais aussi les technologies de l’information et de la

communication en milieu urbain.

Les années 90 à 2000 marque une volonté des ONG de passer de leurs

expériences pilotes à l’influence des politiques publiques dans le domaine de

la lutte contre la pauvreté. Leur relation conflictuelle avec l’Etat a contribué à

infléchir les institutions étatiques à s’intéresser davantage à la pauvreté car

l’Etat était aussi confronté à la raréfaction des ressources et à manifester de

l’intérêt à engranger d’autres types de ressources ciblant la lutte contre la

pauvreté. Les ONG ont eu une diversité de champ d’intérêt comme le

montre l’intérêt pour les droits humains avec l’existence de différentes ONG s

dans le domaine et plus tard sur les questions de gouvernance et lutte contre

la corruption. L’existence de la mise en place dès le milieu des années 80

d’un consortium des ONG, le CONGAD a facilité l’affirmation des ONGs

Page 52: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

52

comme acteurs à part entière du développement. Ce dispositif a permis le

dialogue avec l’Etat et les bailleurs de fonds. Un cadre institutionnel négocié

avec l’Etat a été mis au place et la participation ou la consultation des

acteurs des ONGs s’est réalisée via ce réseau qui est maintenant connecté à

un ensemble de plate forme d’ONGS dans la sous-région et avec d’autres

continents dont le Brésil et l’Europe, etc.

Le consortium continue à organiser le cadre d’intervention et les plans

quinquennaux d’investissement des ONGs au sein d’une commission

interministérielle qui valident ces plans et organisent l’agrément des ONGs.

Mais il faut reconnaître que les ONGs ont révélé beaucoup de difficultés dans

la coproduction des politiques publiques avec l’Etat et leur participation.

Dans la mouvance, une ébullition du mouvement associatif et la diversité des

besoins à la base avait consacré la mise ne place dés les années 70-80 des

foyers des jeunes ruraux qui se sont intéressés à l’accès de cette catégories à

la terre et aux investissement pour l’activité agricole, ces foyers avait réussi à

installer des périmètres communautaires et ce type de d’organisations a

essaimé dans d’autres secteurs comme la pêche, l’artisanat, et les services.

Ces foyers de jeunes se sont essoufflés d’abord du fait des masses financières

importantes gérées et du fait de la faible gouvernance de ces entités

émergentes qui ‘n’ont pas réussi à prendre le relais des coopératives

insufflées par l’Etat des le lendemain des indépendances. En milieu urbain les

OCB se sont multipliées, tandis que partout les GIE ont tenté de prendre en

main l’entreprenariat. Mais à la fois les OCB et les GIE ont apporté des

réponses efficaces assez localisé touchant seulement quelques groupes

socioprofessionnels. Leur échelle d’intervention limitée ne leur a pas permis de

s’intéresser aux enjeux stratégiques de la lutte contre la pauvreté mais plutôt

à des réponses ponctuelles a des situations de petits groupes.

Ces OCB renouvellent leur offre de services et c’est ainsi que dans les

périphéries urbaines, elles ont réussi à organiser une nouvelle citoyenneté

active et dans le cas de Pikine et Guédiawaye, elles ont pris en main l’auto-

organisation des populations pour faire face aux inondations et aux liées au

cadre de vie. En s’intégrant à la plate forme des acteurs non étatiques, les

OCB ont franchi un pas important pour adresser les questions stratégiques qui

passent par un dialogue avec les autres catégories d’acteurs. De même les

Page 53: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

53

GIE, ont mis à profit les services de micro finance pour organiser le secteur

privé local et tenté de créer des richesses à la marge.

Les mouvements sociaux, notamment les syndicats, les organisations de

femmes, de jeunes pour la préservation de l’environnement, ont aussi été

des lieux de l’auto organisation des populations et de prise en charge des

revendications sectorielles dans un environnement marqué par une

précarisation des conditions de vie des classes moyennes. Dans un

environnement de compétition sur des ressources rares, les syndicats n’ont

pas manqué de privilégié des approches corporatistes qui ont permis

d’engranger des victoires importantes mais en limitant leur intérêt pour des

initiatives d’économie sociale et solidaire. En effet, les coopératives d’habitat,

les mutuelles, les incubateurs d’entreprises n’ont pas été très marquants dans

l’action syndicale.

La presse, qui détient un pouvoir important, se retrouve dans une situation de

gouvernance étriquée, à exercer un rôle de contre pouvoir. Cela se traduit

par certains dossiers d’investigation qui ont abouti à des révélations et qui

obligent le pouvoir à se surveiller un peu plus.

Même si l’édifice a été par moment quelque peu ébranlé, la presse reste peu

autonome et vulnérable, faute de moyens propres de sa propre politique. En

effet, plusieurs lobbies exercent un contrôle avéré sur les lignes éditoriales des

supports de presse écrite et audiovisuelle pour servir leurs intérêts.

La faiblesse des moyens humains est aussi à signaler, car la plupart des

pigistes sont dotés d’une formation professionnelle faible et sont vulnérables à

toute sorte de tentations et manipulations.

Cependant, ces lacunes sont quelque peu résorbées par la pluralité et la

diversité des intérêts et supports médiatiques ainsi que l’ouverture sur sous-

régionale et sur le monde, qui participent d’une vision critique et d’une mise

à jour au quotidien.

Les marabouts sont d’autres acteurs de la société civile non moins importants

au regard de l’intérêt et des sollicitations dont il font l’objet. Ils jouent le rôle

de véritables recours sociaux, de médiateurs à coté des fonctions spirituelles

et d’éducation. Dans un contexte de ressources rares, ils servent d’échelle

pour accéder à des positions ou des services, cela d’autant plus qu’ils sont

habiles dans le clientélisme et craints par le pouvoir. Ce rôle se trouve

renforcé par certaines catégories de marabouts, actifs dans les lobbies et qui

Page 54: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

54

détiennent des milices avec un niveau d’organisation élevé et un maillage

territorial national. Cette influence se poursuit dans la sphère économique,

car ces marabouts sont dotés de fortes capacités entreprenariales ainsi que

de « talibés » présents dans tous les secteurs de l’économie.

Par contre, on assiste aujourd’hui à l’affirmation de certains marabouts

progressistes qui se démarquent de ces pratiques et veulent jouer leur rôle

spirituel et éthique tout en s’engageant dans les luttes sociales (imams de

Guédiawaye, Présence chrétienne). Ces groupes en tant force de progrès

ont fortement participé au processus des assises nationales.

A coté de ces marabouts progressistes, il faut noter la segmentation des

confréries et le règne des petits fils qui renvoie à un minimum d’effets des

pouvoirs centraux confrériques.

Cette segmentation va se poursuivre et les conditions de renouvellement et

les modèles de renégociation de dévolution du pouvoir seront de plus en plus

ouverts.

Les associations de femmes n’ont pas réussi non plus à se déconnecter de

l’influence de la détermination de l’agenda international et cette situation à

contribuer à limiter leurs capacités à prendre en charge les besoins

spécifiques des femmes même si leur capacité de mobilisation n’a pas fait

défaut par exemple sur le champ politique leur propre bilan de se soutirer de

toute instrumentalisation et inversement de servir de fer de lance pour une

meilleure prise en compte des inégalités de genre qui continuent à

caractériser le Sénégal.

Il existe une pluralité de cadres fédérateurs (fédérations d’artisans,

confédérations des artisans, plate forme de acteurs non étatiques, CNCR,

consortium des ONG, plusieurs centrale syndicales qui peut favoriser le

dialogue entre ces différents acteurs pour faire face au risque d’émiettement

et au fractionnisme qui a été un frein aux luttes syndicales.

Une implication trop superficielle due à l’impréparation des associations et

organisations non gouvernementales (ONG), accentuée par la rapidité de

l’élaboration des documents, a contribué à limiter leur participation à de

Page 55: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

55

simples mécanismes de consultation. Cela a pour effet de restreindre la

participation effective d’une bonne partie de cette catégorie d’acteurs au

profit des organisations non gouvernementales souvent plus visibles sur le

terrain. On peut dés lors se poser la question sur le véritable rôle de la société

civile soit en tant qu’acteur de la mise en œuvre ou en tant que évaluateur

des politiques.

Les rapports de pouvoir sont susceptibles d’évoluer si cette diversité d’acteurs

réussi à développer des capacités d’autodétermination et d’alliances avec

les collectivités locales, le secteur privé pour à la fois peser sur les orientations

de développement et sur le nécessaire renouvellement des modèles de

développement et des actions durables de lutte contre la pauvreté, et

particulier la création de richesse pour le grand nombre. Dans cette

perspective, les expériences des collectivités locales dans l’apprentissage de

la maîtrise d’ouvrage et la coopération décentralisée suscitent de nombreux

espoirs.

Les populations

C’est à travers la dernière catégorie d’acteurs communément appelés les

« bénéficiaires ou les pauvres » que le décalage entre les principes fondateurs

du DSRP et les pratiques est vraiment explicite. Il s’agit de mettre l’accent sur

les groupes dits vulnérables souvent cités tels que :

- Les femmes

Malgré les progrès en terme de scolarisation des filles (taux d’admission des

filles au CI 119% et le TBS à 92,4% en 2008), le maintien des filles à l’école pose

toujours problème. Le confinement dans des filières peu valorisées pousse

également les filles vers des métiers utilitaires et précaires : elles constituent

toujours une réserve de main d’œuvre peu qualifiée destinée à pouvoir les

emplois précaires et les filières professionnelles peu créatrices de richesses et

de valeur ajouté.

Cependant, plusieurs efforts allant dans le sens de la promotion et de la

reconnaissance des droits de la femme, elles restent marginalisées même si

quelques percées méritent d’être signalées.

Page 56: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

56

Parmi elles, l’on peut citer la garantie fondamentale de « l’égalité de tous les

citoyens devant la loi » ainsi, la femme a la pleine capacité juridique et peut

aller en justice au même titre que l’homme, l’accès à la terre sans l’assistance

de l’homme, y compris au niveau des communautés rurales avec les PAOS

qui éliminent toute forme de discrimination entre hommes et femmes.

L’adoption de la loi sur le traitement fiscal en 2008 en terme d’allégement de

la pression fiscale sur femmes salariées (mariées ou célibataires) et la

possibilité de prendre en charge médicale ses enfants et du conjoint, sont

autant de mesures qui participent à une réduction des fortes inégalités de

genre. Pourtant, les rôles socioéconomiques des femmes dans l'assurance

des moyens de subsistance des ménages sont entrain de changer avec la

crise actuelle. Les femmes issues des milieux défavorisés sont devenues les

principaux gagne-pain pour leurs ménages grâce au petit commerce. Du fait

de leur place de plus en plus importante dans la génération des revenus du

ménage, et en tant que gestionnaire au quotidien de la crise les femmes ont

tendance à réclamer une place plus importante dans le mécanisme de

décision au sein des foyers.

- Les jeunes

En dépit d’un intérêt accru pour l’entreprenariat et le niveau d’auto

organisation et les jeunes sont souvent des situations plus défavorables que

leurs aînés. D’ailleurs, sur la population potentiellement active de 15 à 24 ans,

près de quatre sur dix (38,5%) travaillent ou sont à la recherche d’un emploi :

32,8% occupent un emploi et 5,7% en cherchent (ESPS, 2005-2006). Au niveau

national, le taux de chômage des jeunes au sens strict du BIT est estimé à

14,8%. Ce qui signifie que sur 100 personnes actives de 15 à 24 ans. Toutefois,

une nouvelle de forme de citoyenneté est en pleine gestation notamment

dans les quartiers périphériques et en zone rurale, quand les jeunes prennent

en charge les problèmes d’inondations ou encore organisent la distribution

du foncier et gèrent des champs collectifs. Le forte dynamique associative et

l’engouement pour les TIC sont autant d’atouts qui favorisent l’accès à la

culture universelle, aux fruits de la modernité ainsi qu’une forte connectivité et

des relations horizontales au sein de la même génération.

Ces synergies positives sont toutefois plombées par les crises scolaires

successives qui entament significativement l’accumulation du capital humain

surtout dans les couches défavorisées et réduisent fortement la mobilité

Page 57: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

57

sociale. L’ouverture trop marquée vers l’extérieur, le changement de

modèles et références et les logiques de gains immédiats ne sont pas à

exclure dans l’analyse de la recrudescence des pratiques déviantes. A cela,

l’on peut rajouter la passivité face à l’information que les jeunes s’approprient

certes mais sans aucune analyse critique et cela encore plus dans les

catégories sociales les mois élevées.

Conclusion partielle

Les rapports de pouvoirs entre ces différents acteurs sont organisés autour de

deux types de légitimité : l’une technocratique et l’autre sociale qui entrave

la pleine participation pour des politiques plus structurantes de lutte contre la

pauvreté.

La prise ne compte du jeu des acteurs devient pour mieux comprendre

l’origine de la pauvreté ainsi que la façon dont les groupes sociaux

s’organisent pour y faire face. La comparaison entre les objectifs prioritaires

de la phase du DSRP (2003-2006) et le résultat de l’enquête sur le suivi de la

pauvreté au Sénégal (2005-2006) témoigne nettement d’un certain

décalage entre les aspirations et stratégies des acteurs et les politiques

publiques.

V/ Les dynamiques de changements

Face à la crise, les acteurs dans leur diversité s’ajustent en mettant en œuvre

des stratégies.

La migration

La migration est l’une de ces réponses qui a mobilisé un nombre

considérable d’actifs à la fois dans les zones rurales et au sein des populations

socialisées dans les villes. Les migrations internationales se sont généralisées

tous profils confondus. Les estimations de 2006 mentionnent entre 2 à 2.5

millions sénégalais. La migration a cessé d’être relativement sélective car les

profils se sont diversifiés. Ce ne sont plus seulement les réseaux migratoires qui

entretiennent la migration, mais en plus les familles et les groupes sociaux de

Page 58: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

58

toutes sortes s’impliquent pour organiser le départ et mettre les candidats au

départ dans des conditions psychologiques, relationnelles et matérielles. La

nouveauté réside effectivement dans la manière dont les risques liés au

départ en migration ont été socialisés. Les analystes ont évoqué les suicides

collectifs : 800 morts sur 3000 tentatives de rallier l’Espagne à partir des côtes

sénégalaises16.

En dépit des conditions de travail et de vie insécures dans les pays d’accueil,

les migrants comptent énormément pour les ménages sénégalais. En milieu

rural, sur de nombreuses décennies de crise agricole, ce sont les revenus non

agricoles constitués principalement des flux financiers des migrants qui ont

arbitré la survie des petits agriculteurs. Des villes comme Ourossogui, Louga,

Touba entre entres doivent leur rang de cités au taux d’urbanisation les plus

élevés du Sénégal aux envois de fonds des migrants et à leurs investissements.

Les flux financiers des migrants sont tellement importants qu’ils sont considérés

comme les premiers bailleurs de fonds de leur pays. Il faudra multiplier par

trois l’aide public au développement pour avoir le montant de ces flux en

2008. Par le truchement des technologies de l’information et de la

communication dont on sait combien elles ont un cachet populaire, les

migrants communiquent avec leurs siens au Sénégal et sont assez souvent

sollicités pour toutes sortes de besoins. Ils interviennent de cette façon

quasiment quotidiennement pour donner leur avis, vivre à distance les

événements familiaux, arbitrer les conflits, réguler leurs ménages.

La médiation comme recours

Chaque acteur cherche son ou ses protecteurs car l’anonymat est un facteur

d’exposition aux inégalités et à l’injustice. Les confréries se segmentent : des

entrepreneurs socio-religieux offrent leur intercession, les associations

religieuses initient des modes de protection sociale ; les chefs des branches

confrériques instrumentalisent leurs talibés et l’Etat, ces derniers

instrumentalisent également les religieux. Des entrepreneurs politiques surfent

sur le populisme : le personnel politique se renouvelle en brouillant les repères

élitistes.

16 Les migrations internationales sénégalaises : potentiel financier et changement social, IFRPDSR/FNUAP, 2007.

Page 59: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

59

Auto-ajustement des ménages

Les stratégies résidentielles changent. On observe la taudification de

l’habitat, occupation des terrains non aédificandi, recul de l’âge au premier

mariage et au premier emploi : retard de 7 ans 17; taux de divorce : 1/3 des

mariages à Dakar18 ; changement de rôle des femmes de gestionnaires de

l’économie domestique vers pourvoyeuses de ressources du ménage ;

effritement des liens verticaux au profit des solidarités horizontales ; des

aliments pour pauvres émergent : ndambe, aloo-aloo, pain rassis, aliments

bourratifs et déficit nutritionnel, les gargottes supplantent les restaurants, les

repas du soir et le petit déjeuner ne sont plus sur l’agenda des ménages,

chacun se débrouille, les services domestiques sont privatisés : linge, coiffure,

pédicure.

Entreprenariat populaire

La crise libère de l’espace à l’entreprenariat : les acteurs innovent et bricolent

pour survivre ; l’accès au financement et le soutien sous forme d’incubateurs

d’entreprises font défaut aux acteurs populaires. La crise économique érode

les solidarités verticales et les facteurs de vulnérabilité qui font basculer les

couches moyennes dans la précarité et enlève à celles-ci tout potentiel de

soutien aux jeunes. Le capital social étant essentiel dans l’insertion

professionnelle, il ne reste plus aux jeunes que la revitalisation des solidarités

horizontales. C’est sous ce rapport que les stratégies de création de richesses

par les jeunes des secteurs populaires réhabilitent les dynamiques

communautaires et réactivent les liens sociaux.

L’insertion professionnelle des jeunes à partir des stratégies économiques et

culturelles de sortie de crise à des incidences dans la reconnaissance sociale.

Elle se traduit par : 17 2002, Crise, passage à l’âge adulte et devenir de la famille dans les classes moyennes et pauvres à Dakar sous la direction de Phillipe Antoine et Abdou Salam Fall. (IFAN/IRD. 18 Fatou Binetou Dial, Mariage et divorce à Dakar ; Itinéraires féminins, Editions Karthala et Crepos, 2008.

Page 60: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

60

– la prise de rôle dans le vécu communautaire qui fait du jeune un

acteur économique qui compte,

– la prise de position des jeunes qui s’inscrit dans un élan de

cristallisation des aspirations sociales des populations avec les

stratégies culturelles,

– la « démarginalisation » par le transfert du pouvoir de la critique

sociale aux jeunes rappeurs.

L’insertion professionnelle des jeunes, qui se réalise via des occupations

utilitaires à gains immédiats même si c’est peu, est en cause. Le rêve des

enfants ne va pas au-delà de la reproduction des mêmes conditions que

leurs ascendants précarisés. La mobilité sociale devient critique. Les jeunes

veillent sur leurs pairs. Malgré l’érosion des solidarités verticales du fait de la

crise économique et les facteurs de vulnérabilités qui limitent l’horizon du

possible, les jeunes s’engouffrent dans les brèches à coup d’innovations pour

l’affirmation d’une identité propre. Cette identité est faite de flexibilité dans

les arrangements sociaux, de recomposition de certaines valeurs qui fondent

les rapports sociaux et de revendication d’appartenance à une entité propre

faite d’adaptations et de « débrouille ». La forte dynamique interne contre la

faible mobilité vers l’extérieur de la banlieue du fait du jeu des alliances se

traduit par l’attachement au milieu : les gens changent de maison ou de

quartier mais quittent rarement la banlieue. Mais l’entreprenariat populaire

n’est pas sans risque.

Les abus sexuels s’installent au cœur des familles. Cette problématique des

abus sexuels est sous tendue par l’existence de réseaux et de situations socio

économiques qui la favorisent. Les abus sexuels ne sont pas effectifs que

dans les milieux touristiques mais, bien plus souvent, au sein de la population

locale. Le système de coveillance de l’enfant est réalisé par son seul groupe

de pairs. Mais il est parallèlement relayé par un réseau de soutien plus étoffé

notamment par les adolescents et les talibés (liens mixtes forts). Ces liens sont

en revanche plus fréquents avec des acteurs avec lesquels les enfants sont

dans une situation d’évitement, s’ils ne se sentent pas menacés. Autrement

dit, les risques sont élevés dans leurs relations avec les maîtres coraniques,

antiquaires, touristes. La densité relationnelle est observable dans l’espace de

vie de l’enfant dans les quartiers. Les enfants ne sont pas non plus en sécurité

avec les voisins (populations locales), les tuteurs et les parents. Autrement dit,

Page 61: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

61

les quartiers sont tout aussi dangereux sinon plus menaçants que les milieux

touristiques.

On observe donc des adultes qui dressent des enfants et abusent de leur rôle.

En effet, la crise identitaire s’accompagne de la stigmatisation qui frappe les

enfants et jeunes des cités urbaines. C’est aussi une situation propice à

l’émergence d’une forme d’exploitation des enfants par le jeu de la

manipulation du pouvoir spirituel. Ce sont des adultes marabouts qui finissent

par transformer leur savoir en une activité économique, conformant leur

pratique spirituelle aux règles du marché. Leur ruse consiste à dresser des

enfants en talibés qui passent leur temps à mendier dans les rues de la ville.

Ainsi la misère devient une position de rente pour une « élite » locale. Le talibé

(disciple-mendiant de l’école coranique) est placé dans un environnement

plein de risques pouvant aller des abus sexuels (risque de plus en plus élevé

d’être infecté par le virus du Sida), aux accidents de la route en passant par

les risques de déviance surtout lorsque celui-ci atteint l’étape de

l’adolescence. Par ailleurs, l’éclatement et la reconfiguration de la famille

combinés aux autres facteurs aggravants de la précarité rendent obsolètes

les barrières érigées à travers les valeurs morales et sociétales proposées par

les objecteurs de conscience. Dés lors que ces valeurs peinent à être

opératoires, la porte reste ouverte aux violences et abus en particulier les

abus sexuels.

Changement du modèle de réussite sociale

Les jeunes renoncent à l’apprentissage normé et aux carrières organisées sur

la durée, la société valorise les exploits et les gains immédiats sans se soucier

des conditions de mobilisation des ressources. Les valeurs de réussite sociale

demeurent inversées car à la place l’apprentissage dans la durée, se

dressent les faiseurs de miracles. En effet, l’école n’est plus vécue comme le

lieu d’affirmation de la créativité des jeunes où la finalité offrirait une vie

meilleure. Cette décrédibilisation du système d’enseignement classique le

rend obsolète. L’accompagnement des enfants pose de nouveaux défis à

travers l’émergence de nouvelles valeurs et figures de réussite sociale. Les

jeunes renoncent au modèle de réussite par les longues études, les carrières

construites dans la durée ou la maîtrise d’un métier par un apprentissage

normé. Ils sont portés aux miracles que sont les jeux de hasard, l’émigration, le

commerce et les rentes de situation ou les réussites spectaculaires par les

sports d’élites (football, basket-ball, lutte) ou par la musique (le showbiz).

Page 62: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

62

Alternativement, d’autres résistent et élaborent des stratégies différentielles.

Les contextes d’espace confiné peuvent s’accompagner de quête continue

d’affirmation et de reconnaissance. C’est :

– l’émission d’une parole publique non censurée à travers les

« rappeurs » (chanteurs de rap) en tant que porte voix des

populations,

– le droit à l’expérimentation et à l’innovation des jeunes avec la

création d’espaces de créativité et d’expression culturelle,

– la demande de soutien aux dynamiques associatives et le

développement d’institutions sociales fortes

– le développement de politiques sociales locales,

– le contrôle citoyen effectif sur les affaires de la cité.

Les transformations sociales observées font état d’écarts notoires dans les

rôles sociaux qui indiquent un besoin de médiation autre que celles

habituelles. Pourtant, Il faut noter qu’une dynamique initiative forte portée

par une pluralité d’acteurs, est en pleine gestation (ex : des marabouts

(imams de Guédiawaye) et clergé catholique qui adoptent des positions

avant-gardistes. L’on peut citer également, le processus des assisses

nationales en tant que

dynamique de concertation large autour d’une charte de gouvernance

démocratique ou encore les élections locales comme dynamiques de

changements.

En résumé, un processus de démocratisation avec un intérêt pour des

instruments de régulation et des chartes (ex : charte de l’eau en zone rurale,

plan d’affectation et d’occupation des sols et charte de l’eau ou plan

d’occupation des espaces pastoraux dans d’autres zones.

VI/ le Sénégal et ses voisins

Tenant compte de l’évolution de la situation actuelle et de l’impact de la

politique d’intégration africaine, le Sénégal devrait renforcer son leadership,

cela d’autant plus qu’il a été au premier plan dans la création et l’évolution

des différentes structures sous-régionales (CEDEAO, UEMOA, NEPAD). Les

caractéristiques de la sous-région (en terme d’insécurité, d’instabilité

Page 63: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

63

politique, d’interdépendance forte entre Etats avec des ressources

transfrontalières communes et d’incertitudes sur la gouvernance) ne font que

renforcer le rôle prééminent que le Sénégal peut jouer dans la stabilité des

institutions pour le développement sous-régional et régional.

Cependant, de par sa position géographique, les incertitudes dans les

relations avec les voisins restent assez préoccupantes :

- Le risque d’instabilité liée la Casamance reste assez important, appelle

des solutions concertées avec les Etats voisins de la Gambie et de la

Guinée

- De même, des stratégies idoines doivent voir le jour afin d’éviter le

basculement de la Guinée Bissau en un état narco-trafiquant

- La gestion des ressources halieutiques avec la Mauritanie commande

une renégociation des accords plus en faveur des pêcheurs pour éviter

les situations de 1989 et éviter des arrangements et autres actes de

corruption entre pêcheurs et gardes cotes.

- Quant aux relations avec la Cote d’ivoire, les enjeux relèvent de la

stabilité monétaire régionale, de circulation et de sécurité des biens.

Au niveau des pays membres de l’UEMOA, le Sénégal est l’un des pays les

mieux classés selon cette approche, avec le Togo. Dans une vision ouest

africaine, le Sénégal reste derrière les pays à indice moyen comme le Ghana,

la Mauritanie ou encore la Gambie. Cependant, la progression du Sénégal

est restée constante au cours du temps. En effet, situé à 0,342 en 1975, l’IDH

du Sénégal a atteint 0,499 en 2005, soit une progression relative de 46% sur la

même période. Cependant, la progression annuelle, en termes de

développement humain, reste faible (0,5% par an).

C’est un pays qui est fortement aidé dans le cadre de la coopération

multilatérale comme bilatérale. Il sert souvent de « pays test » pour les

programmes de la banque mondiale et du FMI et de quelques bailleurs

bilatéraux. On peut citer l’initiative Gleaneagles à laquelle le Sénégal est

éligible est une opportunité de taille qui permettra d’engranger des

ressources pour faire face aux changements climatiques et mettre en place

une politique de protection sociale. Plus anciennement, en 2005, le Sénégal

s’est qualifié pour un allégement supplémentaire de la dette au titre de

l'IADM lorsque le Fonds monétaire international (FMI), l'Association

Internationale de Développement (IDA) et le Fonds Africain de

Page 64: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

64

Développement (FAD) ont annulé leurs créances, pour un montant d’une

valeur d'environ US $ 1,4 milliard en termes nominaux.

À la suite de ces deux initiatives, la valeur actuelle nette (VAN) de la dette

extérieure publique et publiquement garantie (PPG) a été substantiellement

réduite, passant de 33,1% du PIB à la fin 2005 à environ 18,3% du PIB à la fin

de l’année 2007 (FMI, 2008). Le Sénégal continue de recevoir d'importants

flux d'aide, avec une aide représentant 8,5% du RNB en 2005 (la moyenne

pour l'Afrique sub-saharienne est de 5,5% 19.

Il est évident que les engagements du Sénégal dans le DSRP s’inscrivent dans

les fondements des options partagées sur le plan international de démocratie

et de justice sociale traduites dans les OMD, du plan stratégique de l’Union

africaine, du NEPAD, de la CEDEAO et de l’UEMOA. Pour les autres

organisations spécialisées telles que l’OMVS, l’OMVG et le CILSS qui ont en

charge la réalisation de politiques sectorielles dans les aménagements hydro-

agricoles, les infrastructures et le transport, il est fortement attendu du Sénégal

de travailler à leur intégration dans des cadres plus élargis. Le Sénégal essaie

d’élargir et de diversifier ses partenaires, marquant ainsi une plus grande

autonomie des Etats dans le choix de leur politique de coopération et de

leurs partenaires dans les domaines économiques, sociaux et culturels. C’est

ainsi que le Sénégal a beaucoup soutenu au cours des dix dernières une

coopération plus poussée avec des pays du Sud relativement avancés

(Chine, l’Inde, le Pakistan, l’Indonésie….) et celui de pays riches qui n’étaient

pas très visibles sur le plan de l’aide (Japon, et Canada).

L’importance de ces apports extérieurs et la volonté politique du Sénégal à

eux seuls ne suffisent pas à briser les inégalités fortes entre les différentes

régions du pays et entre les différents groupes de population ? La

connaissance du phénomène dans son ampleur, sa dynamique et ses

manifestations devrait permettre de mieux comprendre la persistance d’un

tel fléau.

Conclusions et recommandations

En somme, depuis la mise œuvre du DSRP, des reformes considérables ont été

réalisées. Ainsi, sur le plan du suivi, la mise en place d’une liste d’indicateurs

19 World Bank 2007 World Development Indicators: Aid Dependency http://siteresources.worldbank.org/DATASTA TISTICS/Resources/table6_11.pdf.

Page 65: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

65

pour le suivi des grandeurs macro-économico-sociales permet aujourd’hui de

faire l’état des lieux des performances réalisées et éventuellement du gap

par rapport à l’objectif fixé par le Gouvernement. Au niveau budgétaire, les

réformes issues des plans CFAA-CPAR ont conduit à la réalisation du CDMT

(2006-2008) et à la mise en place des CDSMT des ministères dépensiers

(éducation, santé, environnement et justice). La liste des reformes pour le

renforcement du dispositif de mise en œuvre du DSRP n’est pas exhaustive,

mais l’on pourrait y ajouter la mise en place d’un canal d’harmonisation et

d’alignement des partenaires techniques et financiers du Sénégal sur le DSRP

et les autres composantes du processus de développement.

Il est vrai qu’il faut reconnaître la volonté de structurer les interventions

sectorielles et de leur donner une cohérence d’ensemble. Cependant, le

bilan de juillet 2009 comme celui de 2008 révèle des décalages importants

des politiques sectorielles notamment pour le renseignement des indicateurs.

Aussi, dans un contexte où la planification n’est pas le point fort du système

et que la présidence qui concentre le pouvoir ne donne pas des signes

d’adhésion au DRSP, cet instrument reste un levier de mobilisation de

ressources du désendettement dans le cadre de l’initiative PPTE.

Notons aussi qu’en dépit d’une large concertation avec la diversité des

acteurs et des axes stratégiques assez pertinents pour la lutte contre la

pauvreté, la contrainte majeure reste la volonté de faire du DSRP des

stratégies de politiques économiques à part entière. Le cycle

programmatique échappe au contrôle des agendas nationaux, ce sont les

Institutions de Brettons Woods qui décident d’arrêter ou de poursuivre les

politiques. Il apparaît nettement que des difficultés de passer aux réponses

aux actes concrets. Cela se traduit pas une multitude d’actions éparses qui

n’utilisent pas toujours le potentiel des ressources. L’existence d’un cadre

fédérateur ne suffit pas à initier une mutualisation des ressources, la preuve en

est que certains secteurs manquent des ressources alors que d’autres sont

excédentaires.

La rigidité du système pour la lutte contre la pauvreté et la forte dimension

stratégique du document de réduction de la pauvreté, ne favorisent pas

l’absorption, ni l’utilisation optimale des ressources pour les actions sur le

terrain.

Page 66: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

66

Toutes ces insuffisances posent la question du ciblage et d’une meilleure

concentration des interventions dans les sens de l’atteinte des objectifs. Pour

cela, le déficit en termes de données sur la dynamique de la pauvreté au

Sénégal, devrait être comblé.

Pour l’heure, au regard du taux actuel de croissance, il faudra attendre 30 ans pour que la pauvreté soit réduite de moitié (Daffé, Diagne 2008).

Cinq ans après la mise en œuvre, une évaluation approfondie des effets sur la pauvreté n’a pu être réalisée. Les résultats de l’enquête de suivi de la pauvreté 2007 ne suffisent pas à établir le lien entre l’évolution des indicateurs de suivi et la croissance ni aux politiques macroéconomiques et sectorielles. Le Sénégal semble se diriger à nouveau vers de nouveaux programmes d’ajustement structurel (Diop, 2009) dont les conditions ne seront que plus dures, l’amélioration de la gestion des ressources nationales attendu en 2000, ne s’étant pas produite.

Dans un contexte aussi marqué par la crise et la rareté des ressources, les

recommandations s’inscrivent dans le sens de :

- Mettre l’accent sur la gouvernance par la refondation des institutions

pour des formes de gouvernance plus inclusives. Dans cette

perspective, il faut noter que la force d’un mouvement social qui

émerge avec une volonté de construire la démocratie par le bas

(associations des jeunes, femmes, etc…). L’expression du pluralisme

politique issu des élections locales en influant directement sur l’agenda

local, montre que le renforcement de ce mouvement social est

porteur.

- Adresser les inégalités structurelles pour éviter des phénomènes

d’accaparement des ressources par les gros investisseurs au détriment

des petits producteurs (accaparement des terres avec la GOANA). Le

ciblage est essentiel afin de distinguer les pauvres chroniques (qui

cumulent plusieurs formes de vulnérabilités, l’insécurité alimentaire, les

positions de marginalité, et la relégation sociale) et la grande masse

des précaires des couches moyennes où on recrute de plus en plus les

nouveaux pauvres.

Page 67: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

67

- Développer plus de prévisibilité par la mise sur pied d’observatoires

permet une visibilité au quotidien et des prévisions stratégiques.

- Accroître la participation des autres acteurs devant la prépondérance

des acteurs institutionnels dans la lutte contre la pauvreté. Ainsi, en

dépit de la place qui lui est accordée par l’Etat, le secteur privé dont

le rôle est primordial pour l’amélioration de la productivité, n’a été que

faiblement représenté. il conviendrait de penser un appui direct aux

organisations de la société civile et au secteur privé, impliqués dans la

mise en œuvre du DSRP. Cela permettrait que à tous les acteurs de

participer autour de la mobilisation des ressources affectées à la lutte

contre la pauvreté. Cela aura pour effet d’améliorer le cadre

institutionnel des ONG, et de lever les contraintes de compétition

autour de ressources par l’opportunité des plateformes des acteurs

non étatiques à l échelle locale et nationale.

- Développer des alliances stratégiques entre acteurs non étatiques qui

permettent de passer de l’échelle, de projet pilote, à des actions

intensives et durables de grande envergure, mais également de mettre

en place un dispositif de suivi pour influencer les stratégies et politiques

de lutte contre la pauvreté.

Bibliographie

• Adeanauer Isabell (2008), Faire face à la hausse des prix des produits

alimentaires et de l’énergie au Sénégal, FMI.

• Azam, J-P. et M. Dia (2004). Pro-Poor Growth in Senegal, IDEI Working

Paper, n. 325.

• Badji, S. et G. Daffé (2003). Le profil de la pauvreté féminine au

Sénégal, Rapport de Recherche MIMAP, CRDI, Dakar.

• Banque Mondiale (1995). Sénégal : Evaluation des conditions de vie.

Département du Sahel, Banque mondiale, Washington DC. 21.

• Banque mondiale (2001). Combattre la pauvreté, Rapport sur le

développement dans le monde : 2000/01, Editions ESKA, 381 p.

• Banque Mondiale : Sénégal. A la recherche de l’emploi. Le Chemin

vers la prospérité, septembre 2007, 122 p.

• Banque Mondiale : Sénégal. A la recherche de l’emploi. Le Chemin

vers la prospérité, septembre 2007, 122 p.

Page 68: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

68

• Banque Mondiale, (1990), La pauvreté : Rapport sur le développement

du monde, Washington, 286 p.

• Banque mondiale, 2007, À la recherche de l’emploi. Le chemin vers la

prospérité, septembre, 122 p. (PREM 4 Région Afrique). • Banque mondiale, 2007, A la recherche de l’Emploi-Le chemin vers la

Prospérité, Washington DC.

• Cissé, F. (1997). La pauvreté rurale au Sénégal : profil et déterminants,

mémoire de DEA, Faseg – UCAD, Dakar.

• Cissé, F. (2003a). Le profil de Pauvreté au Sénégal : une approche

monétaire, Rapport de Recherche MIMAP.

• Cissé, F. (2003b). Le profil de Pauvreté au Sénégal : une analyse de la

robustesse des comparaisons de pauvreté.

• CLING J-P., RAZAFINDRAKOTO M. et F. ROUBAUD (eds), 2002, Les

nouvelles stratégies internationales de lutte contre la pauvreté,

Economica, Paris.

• Daffé G. (2009), la lutte contre la pauvreté est-elle au cœur des

politiques publiques ? in Le Sénégal face aux défis de la pauvreté, les

oubliés de la croissance, éditions Karthala, Cres et CREPOS.

• Dahou K., Ndiaye A. (2004), Observatoires de la pauvreté et CLSP au

Sénégal, CREPOS/ENDA-graf.

• DAHOU, T (2003), Les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté

en Afrique de l’Ouest, De la pauvreté au politique, ENDA, Dakar. • Deaton A., (1997), The Analysis of Household Surveys. A Micro-

econometric Approach to Development Policy, Johns Hopkins

University Press, The World Bank, Washington, 479 p.

• DIOP, M.C (2009), Du socialisme africain à la lutte contre la pauvreté in

Le Sénégal face aux défis de la pauvreté, les oubliés de la croissance,

éditions Karthala, Cres et CREPOS.

• Document Ministère de la Famille et de l’Entreprenariat Féminin,

Rapport sur la protection 2008.

• EDS-IV, Enquête démographique et de santé, quatrième du genre

réalisée en 2005.

• ESPS (2007) • Fall A.S. (2005), Bricoler pour survivre. Perceptions de la pauvreté dans

l’agglomération urbaine de Dakar, Editions Karthala, Paris, 289 p.

• Idem.

• Ministère de l’Économie et des Finances (2001b). Document de

Stratégie de Réduction de la Pauvreté. République du Sénégal, Dakar.

Page 69: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

69

• Ministère de l’Économie et des Finances (2004). Situation Économique

et Sociale du Sénégal, Édition 2002-2003. République du Sénégal,

Dakar, décembre. • Ministère de l’Economie et des Finances du Sénégal, 2003, Document

de stratégie de réduction de la pauvreté I.

• Ministère de l’Economie et des Finances du Sénégal, 2005, La Pauvreté

Au Sénégal, de la dévaluation de 1994 à 2001-2002, 2004, Le secteur

informel dans l’agglomération de Dakar : Performances, insertions et

perspectives.

• Ministère de l’Economie et des Finances du Sénégal, 2006, Rapport de

suivi des OMD, 2006. • Ministère de l’Economie et des Finances du Sénégal, 2007, Document

de stratégie de réduction de la pauvreté II.

• Ministère de l’Economie et des Finances du Sénégal, 2007, Enquête de

suivi de la pauvreté au Sénégal, Rapport national.

• Ministère de l’Economie et des Finances du Sénégal, 2007, Etat

d’avancement de la mise en œuvre du DSRP-2 en 2007.

• Ministère de l’Economie et des Finances du Sénégal, 2007, Note

d’analyse des comptes nationaux 2004-2006, Octobre 2007.

• Ministère de l’Economie et des Finances du Sénégal, 2007, Rapport

national de la pauvreté au Sénégal, 2007.

• Ministère de l’Economie et des Finances du Sénégal, (2001) Rapport de

l’enquête de perception de la pauvreté au Sénégal, version

préliminaire.

• Ministère de l’Economie et des Finances du Sénégal, (2004) Rapport de

l’enquête sénégalaise auprès des ménages II.

• Ministère de l’Economie et des Finances du Sénégal, (1997) Rapport de

l’enquête sénégalaise auprès des ménages.

• Ministère de l’Économie et des Finances et Banque Mondiale (2004). La

pauvreté au Sénégal : de la dévaluation de 1994 à 2001-2002, Rapport

Préliminaire, Dakar, janvier.

• Ministère de l’Économie et des Finances République du Sénégal

(2001a). La perception de la pauvreté au Sénégal : volet statistique.

Dakar.

Page 70: Analyse du contexte de la pauvreté au Sénégal · Le présent rapport analyse le contexte sociopolitique et économique du Sénégal. Il sert de préalable à l’élaboration d’une

70

• Ministère de l’Économie et des Finances, République du Sénégal

(1997), Rapport de Synthèse de l’Enquête Sénégalaise Auprès des

Ménages, Dakar, juin.

• Ministère de l’Économie et des Finances, République du Sénégal,

(2000), Ciblages des communautés rurales selon le niveau d’accès aux

services sociaux de base, Dakar, juin.

• Ministère de la Santé et de la prévention médicale, Direction de

l’Alimentation, de la nutrition et de la survie de l’enfant (2008),

Evaluation de la situation nutritionnelle du Sénega

• Paul E. ; Faye, O. (Avril 2009), La Coopération au Développement

répond à l’impact de la crise financière et économique sur les pays

africains à bas revenu. Etude de cas du Sénégal.

• Programme de Relance des Activités Economiques et Sociales en

Casamance, MEF, Direction de la Coopération Economique et

Financière, 2001.

• Rawls, J. (1971). A Theory of Justice, Cambridge, MA: Harvard University

Press.

• République du Sénégal (2009), Revue annuelle du DSRP, rapport de

synthèse, version finale

• République du Sénégal, (2008), Evaluation sur la sécurité alimentaire au

Sénégal, 57 p ;

• République du Sénégal, (2008), Evaluation sur la sécurité alimentaire au

Sénégal, 57 p.

• Rowntree, S. B. (1901) Poverty: A Study of Town Life. London: Macmillan.

• Sen A. K. (1985), Commodities and Capabilities, North Holland.

• Sénégal, (2007) Rapport sur la performance de la gestion des finances

publiques, juillet.

• World Bank, (2007), World Development Indicators: Aid Dependency

http://siteresources.worldbank.org/DATASTA,

TISTICS/Resources/table6_11.pdf.