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Analyse expkrimentale de l'isolement reproductif entre deux espkes jumelles et sympatriques d'araignkes : le Lycosa thorelli (Keyserling) et le Lycosa carbonelli Costa et Capocasale FERNANDO G. COSTA ET GABRIEL FRANCESCOLI Seccidn Etologia, Facultad de Humanidades y Ciencias, 7: Narvaja 1674, 11200 Montevideo, Uruguay R e p le 13 juin 1990 COSTA, F. G., et FRANCESCOLI, G. 1991. Analyse expkrimentale de l'isolement reproductif entre deux espkces jumelles et sympatriques d'araignkes : le Lycosa thorelli (Keyserling) et le Lycosa carbonelli Costa et Capocasale. Can. J. Zool. 69 : 1768- 1776. Quatre groupes expkrimentaux ont CtC utilisks : (A) miles Lycosa thorelli X femelles L. thorelli; (B) miles Lycosa carbonelli X femelles L. carbonelli; (C) miles L. thorelli X femelles L. carbonelli; (D) miles L. carbonelli X femelles L. thorelli. Les miles ont CtC mis en prCsence de la phCromone sexuelle homospCcifique et confrontks h des femelles vierges anesthCsiCes. Le mile L. thorelli montra une grande tCnacitC dans le maintien de la position copulatoire comparativement au mile L. carbonelli. Le modkle copulatoire typique (expkriences intraspkcifiques)est devenu atypique dans les expkriences interspkcifiques. Une seule copulation typique interspkcifique a CtC observCe dans le groupe C. Le mile L. carbonelli semble capable d'une bonne discrimination spCcifique au moment de la monte, alors que le mile L. thorelli n'a qu'une faible discrimination. Le maintien de la position copulatoire semble dCterminC par un nombre modal d'Cjaculations chez le mile L. carbonelli et par une durCe modale dans le cas du mPle L. thorelli. Une copulation atypique indiquerait I'incompatibilitC mCcanique des genitalia des deux espkces. Les copulations typiques ont produit une descendance, indiquant l'absence de mCcanismes d'isolement postcopulatoires. COSTA, F. G., and FRANCESCOLI, G. 1991. Analyse expkrimentale de l'isolement reproductif entre deux espkces jumelles et sympatriques d'araignkes : le Lycosa thorelli (Keyserling) et le Lycosa carbonelli Costa et Capocasale. Can. J. Zool. 69: 1768-1 776. Four experimental groups were used: (A) males Lycosa thorelli X female L. thorelli; (B) male Lycosa carbonelli X female L. carbonelli; (C) Male L. thorelli X female L. carbonelli; (D) male L. carbonelli X female L. thorelli. Males were placed in a field with conspecific sexual pheromone and confronted to anesthetized virgin females. Male L. thorelli showed a greater tenacity than male L. carbonelli in the maintenance of the copulatory position. The typical copulation pattern (intraspecific groups) became atypical in interspecific groups. Only one typical interspecific copulation was observed in group C. Male L. carbonelli showed a good specific discriminationwhen mounting the female, while male L. thorelli showed a low discrimination level. The maintenance of the copulatory position could be determined by a modal number of ejaculations in the case of male L. carbonelli and by a modal duration in the case of male L. thorelli. Atypical copulations might indicate a mechanical incompatibility between the genitalia of the two species. Typical copulations produced offspring, indicating the absence of postcopulatory isolation mechanisms. Introduction Les mCcanismes Cthologiques d'isolement reproductif sont les plus frkquents et les plus efficaces pour sCparer des especes animales sexuCes (Mayr 1974). Ces ClCments comportementaux, plus particulierement la parade, peuvent &re tres remarquables et ils ont CtC signal& depuis longtemps par plusieurs naturalistes; aujourd'hui on leur attribue une importance fondamentale comme mCcanisme d'isolement interspkcifique. L'isolement Cthologique est particulierement important chez des especes jumelles, sympatriques et synchroniques. Chez les araignCes (Araneae), les Cchecs dans l'isolement reproductif sont rares et la prCsence d'hybrides naturels est exceptionnelle (Mayr 1974). Beaucoup d'araignkes prksentent des parades nuptiales tres ClaborCes, hautement spkcifiques, qui comportent des signaux vibratoires, acoustiques, visuels et tactochimiques (Bristowe 1941; Robinson 1982; Stratton 1984). Beaucoup d'especes de Lycosidae et de Salticidae, familles B vision relativement bonne, Cmettent des signaux ostensibles avec leurs pattes et leurs pCdipalpes, pouvant dCvier l'attention de l'observateur qui, de ce fait, nCglige d'autres signaux (acoustiques et chimiques) en gCnCral complCmentaires. Chez les Lycosidae, des Cthoespeces (voir discussion du terme chez Vlijm 1986) ont CtC dCcrites pour le Pardosa proxima (Paradosa vlijmi : den Hollander et Dijkstra 1974), le Schizocosa ocreata (Schizocosa rovneri : Uetz et Dondale 1979; Uetz et Denterlein 1979), le Pardosa laura (formes I, 11,111, IV, Iki et Nansei : Suwa 1980 et 1984) et le Lycosa thorelli (Lycosa carboneNi : costa et Capocasale 1984). Dans les trois demiers cas, des expkriences de croisement ont CtC faites pour confirmer leur statut spkcifique. Le L. thorelli et le L. carbonelli sont des Cthoespeces sympatriques et synchroniques dans certaines zones du sud de 1'Uruguay. Costa et Capocasale (1984) ont soulignC plusieurs caractCristiques de leur comportement sexuel. Les femelles du L. carbonelli et du L. thorelli Cmettent des phCromones spkcifiques de contact, associCes aux fils de soie. MalgrC ceci, des << erreurs >> transitoires des males ont CtC observkes. Les males des deux especes ont des parades similaires lorsque confrontCs aux phkromones homospCcifiques (phase premiere). Apres le contact visuel ou tactile avec la femelle homospCcifique (phase seconde), le male L. thorelli fait brusquement des signaux ostensibles avec ses pattes et pkdipalpes, sCparCs de longues pauses. Inversement, le male L. carbonelli insiste avec des signaux continus et peu ostensibles, similaires B ceux de la phase premiere. Costa et Capocasale (1984) ont remarquk cette diffkrence comportementale interspkcifique, ainsi que la prCsence de longs poils jaunes sur les tarses des pattes antCrieures des males L. thorelli. Les deux especes sont similaires in copula, adoptant la position I1 de Gerhardt (1924)' typique des Lycosidae. Le male monte la femelle frontalement et appuie la face ventrale du prosome sur la face dorsale du prosome de la femelle orientCe dans le sens opposC. Le male se Printed in Canada / Imprim6 au Canada Can. J. Zool. 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Analyse expérimentale de l'isolement reproductif entre deux espèces jumelles et sympatriques d'araignées : le Lycosa thorelli (Keyserling) et le Lycosa carbonelli Costa et Capocasale

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Page 1: Analyse expérimentale de l'isolement reproductif entre deux espèces jumelles et sympatriques d'araignées : le Lycosa thorelli (Keyserling) et le Lycosa carbonelli Costa et Capocasale

Analyse expkrimentale de l'isolement reproductif entre deux espkes jumelles et sympatriques d'araignkes : le Lycosa thorelli (Keyserling) et le

Lycosa carbonelli Costa et Capocasale

FERNANDO G. COSTA ET GABRIEL FRANCESCOLI Seccidn Etologia, Facultad de Humanidades y Ciencias, 7: Narvaja 1674, 11200 Montevideo, Uruguay

R e p le 13 juin 1990

COSTA, F. G., et FRANCESCOLI, G. 1991. Analyse expkrimentale de l'isolement reproductif entre deux espkces jumelles et sympatriques d'araignkes : le Lycosa thorelli (Keyserling) et le Lycosa carbonelli Costa et Capocasale. Can. J. Zool. 69 : 1768- 1776.

Quatre groupes expkrimentaux ont CtC utilisks : (A) miles Lycosa thorelli X femelles L. thorelli; (B) miles Lycosa carbonelli X femelles L. carbonelli; (C) miles L. thorelli X femelles L. carbonelli; (D) miles L. carbonelli X femelles L. thorelli. Les miles ont CtC mis en prCsence de la phCromone sexuelle homospCcifique et confrontks h des femelles vierges anesthCsiCes. Le mile L. thorelli montra une grande tCnacitC dans le maintien de la position copulatoire comparativement au mile L. carbonelli. Le modkle copulatoire typique (expkriences intraspkcifiques) est devenu atypique dans les expkriences interspkcifiques. Une seule copulation typique interspkcifique a CtC observCe dans le groupe C. Le mile L. carbonelli semble capable d'une bonne discrimination spCcifique au moment de la monte, alors que le mile L. thorelli n'a qu'une faible discrimination. Le maintien de la position copulatoire semble dCterminC par un nombre modal d'Cjaculations chez le mile L. carbonelli et par une durCe modale dans le cas du mPle L. thorelli. Une copulation atypique indiquerait I'incompatibilitC mCcanique des genitalia des deux espkces. Les copulations typiques ont produit une descendance, indiquant l'absence de mCcanismes d'isolement postcopulatoires.

COSTA, F. G., and FRANCESCOLI, G. 1991. Analyse expkrimentale de l'isolement reproductif entre deux espkces jumelles et sympatriques d'araignkes : le Lycosa thorelli (Keyserling) et le Lycosa carbonelli Costa et Capocasale. Can. J. Zool. 69: 1768-1 776.

Four experimental groups were used: (A) males Lycosa thorelli X female L. thorelli; (B) male Lycosa carbonelli X female L. carbonelli; (C) Male L. thorelli X female L. carbonelli; (D) male L. carbonelli X female L. thorelli. Males were placed in a field with conspecific sexual pheromone and confronted to anesthetized virgin females. Male L. thorelli showed a greater tenacity than male L. carbonelli in the maintenance of the copulatory position. The typical copulation pattern (intraspecific groups) became atypical in interspecific groups. Only one typical interspecific copulation was observed in group C. Male L. carbonelli showed a good specific discrimination when mounting the female, while male L. thorelli showed a low discrimination level. The maintenance of the copulatory position could be determined by a modal number of ejaculations in the case of male L. carbonelli and by a modal duration in the case of male L. thorelli. Atypical copulations might indicate a mechanical incompatibility between the genitalia of the two species. Typical copulations produced offspring, indicating the absence of postcopulatory isolation mechanisms.

Introduction Les mCcanismes Cthologiques d'isolement reproductif sont les

plus frkquents et les plus efficaces pour sCparer des especes animales sexuCes (Mayr 1974). Ces ClCments comportementaux, plus particulierement la parade, peuvent &re tres remarquables et ils ont CtC signal& depuis longtemps par plusieurs naturalistes; aujourd'hui on leur attribue une importance fondamentale comme mCcanisme d'isolement interspkcifique. L'isolement Cthologique est particulierement important chez des especes jumelles, sympatriques et synchroniques. Chez les araignCes (Araneae), les Cchecs dans l'isolement reproductif sont rares et la prCsence d'hybrides naturels est exceptionnelle (Mayr 1974). Beaucoup d'araignkes prksentent des parades nuptiales tres ClaborCes, hautement spkcifiques, qui comportent des signaux vibratoires, acoustiques, visuels et tactochimiques (Bristowe 1941; Robinson 1982; Stratton 1984). Beaucoup d'especes de Lycosidae et de Salticidae, familles B vision relativement bonne, Cmettent des signaux ostensibles avec leurs pattes et leurs pCdipalpes, pouvant dCvier l'attention de l'observateur qui, de ce fait, nCglige d'autres signaux (acoustiques et chimiques) en gCnCral complCmentaires.

Chez les Lycosidae, des Cthoespeces (voir discussion du terme chez Vlijm 1986) ont CtC dCcrites pour le Pardosa proxima (Paradosa vlijmi : den Hollander et Dijkstra 1974), le Schizocosa ocreata (Schizocosa rovneri : Uetz et Dondale 1979; Uetz et Denterlein 1979), le Pardosa laura (formes I, 11,111, IV,

Iki et Nansei : Suwa 1980 et 1984) et le Lycosa thorelli (Lycosa carboneNi : costa et Capocasale 1984). Dans les trois demiers cas, des expkriences de croisement ont CtC faites pour confirmer leur statut spkcifique.

Le L. thorelli et le L. carbonelli sont des Cthoespeces sympatriques et synchroniques dans certaines zones du sud de 1'Uruguay. Costa et Capocasale (1984) ont soulignC plusieurs caractCristiques de leur comportement sexuel. Les femelles du L. carbonelli et du L. thorelli Cmettent des phCromones spkcifiques de contact, associCes aux fils de soie. MalgrC ceci, des << erreurs >> transitoires des males ont CtC observkes. Les males des deux especes ont des parades similaires lorsque confrontCs aux phkromones homospCcifiques (phase premiere). Apres le contact visuel ou tactile avec la femelle homospCcifique (phase seconde), le male L. thorelli fait brusquement des signaux ostensibles avec ses pattes et pkdipalpes, sCparCs de longues pauses. Inversement, le male L. carbonelli insiste avec des signaux continus et peu ostensibles, similaires B ceux de la phase premiere. Costa et Capocasale (1984) ont remarquk cette diffkrence comportementale interspkcifique, ainsi que la prCsence de longs poils jaunes sur les tarses des pattes antCrieures des males L. thorelli. Les deux especes sont similaires in copula, adoptant la position I1 de Gerhardt (1924)' typique des Lycosidae. Le male monte la femelle frontalement et appuie la face ventrale du prosome sur la face dorsale du prosome de la femelle orientCe dans le sens opposC. Le male se

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COSTA ET FRANCESCOLI 1769

penche alors sur un cGtC et dCtennine la rotation de l'abdomen de la femelle. Un pkdipalpe est allongC et insCrC dans l'kpigyne, realisant de nombreuses Cjaculations successives, accompagnCes de 1'Crection des Cpines. Une fois ce pCdipalpe extrait, le m2le change de cGtC et insere l'autre pCdipalpe rkalisant une deuxieme serie d'Cjaculations. Ce modele se rkpete plusieurs fois. I1 existe des diffkrences interspkcifiques seulement dans la durCe de la copulation (L. thorelli > L. carbonelli) et dans la mobilitC de la femelle (L. carbonelli > L. thorelli).

Chez des especes nord-amkricaines du genre Schizocosa, Stratton et Uetz (198 1, 1983 et 1986) ont obtenu des hybrides viables et mCme des individus de gCnCration F, ainsi que des retrocroisements a l'aide de techniques de copulation forcCe, par anesthksie de la femelle. Une mCthode similaire avait CtC essayCe par Bonnet (1933) chez les Pisauridae, sans obtenir de descendance. L'absence de diffkrences remarquables des pedipalpes et des Cpigynes entre le L. thorelli et le L. carbonelli (Costa et Capocasale 1984) suggCra l'inexistence d'incompati- bilitC mkcanique entre les deux especes. MalgrC ceci, 1' isolement semble Ctre, dans ce cas, hautement efficace : on n'a pas trouvC d'hybrides naturels sur 500 individus capturCs depuis 1979. On peut donc se poser la question suivante : cette efficacitC repose- t-elle exclusivement sur l'isolement Cthologique ou existet-il des mkcanismes d'isolement reproductif apres la parade?

L'objectif de ce travail est de dktenniner en utilisant la technique des copulations forcCes, s'il y a des mkcanismes d'isolement reproductif apres la parade nuptiale, en particulier pendant la monte et la copulation, entre le L. thorelli et le L. carbonelli. Les rCsultats obtenus pourraient apporter de nouveaux ClCments dans la comprChension des mkcanismes de l'isolement reproductif entre ces especes jumelles et de leurs processus d'evolution. Quelques resultats preliminaires ont CtC communiques recemment (Costa et Francescoli 1987).

Nous avons utilisC 22 rnlles et 16 femelles de L. thorelli et 23 rnlles et 53 femelles de L. carbonelli. Les animaux ont CtC capturks h la main dans diverses zones de la ville de Montevideo, oii les deux espkces coexistent. Les araignCes ont CtC sCparCes en deux groupes : jeunes et maes adultes. Les femelles capturCes adultes ont CtC rejetkes. Au laboratoire, les rnlles adultes ont CtC maintenus en isolement visuel entre eux. Les jeunes ont CtC ClevCs jusqu'h l'lge adulte pour obtenir des animaux vierges. La noumture (larves de Tenebrio sp. (Coleoptera)) et l'eau ont CtC fournis ad libitum. La tempdrature du laboratoire pendant la pCriode d'Ctude, enregistrke avec un thermomktre de temperature maximale-minimale, a van6 entre 19 et 30,5"C (moyenne des maxima journaliers : 25,6"C; moyenne des minima journaliers : 23,2"C).

Une fois obtenus, les adultes ont CtC sCparCs par espkces en confrontant des paires mlles-femelles dans une cage de plastique (fig. 1). La femelle Ctait introduite dans la partie A (14 cm de diambre et 3 cm de hauteur) pendant 24 h, de f a~on h obtenir une bonne imprkgnation du milieu avec la phCromone sexuelle. Elle Ctait ensuite transportke dans la partie B. (2,5 X 3,O cm, et 2,2 cm de hauteur maximale), sCparCe de la partie A par une grille. Un mlle Ctait alors introduit dans la partie A. Le comportement du mlle en prCsence de la phCromone et aprks le contact avec la femelle h travers la grille Ctait not6 de m2me que le comportement de la femelle. L'esp8ce de chaque individu Ctait ensuite dCterminCe selon son comportement caractkristique.

Le protocole expkrimental gCnCral fut le suivant : (i) Une femelle vierge Ctait mise dans une cage cylindrique de verre (15 cm de diamktre et 5 cm de hauteur), avec fond couvert de sable et contenant une petite cage centrale avec de l'eau. Cette femelle (<< donatrice >> de phkromone) Ctait maintenue dans la cage pendant au moins 24 h. (ii ) La femelle

FIG. 1. Cage de plastique transparent utilisCe pour la classification Cthologique des espkces. La femelle Ctait introduite dans le com- partiment A en soulevant la partie mobile du couvercle. Apr8s 24 h, la femelle Ctait placCe dans le compartiment B, dont I'extrCmitC Ctait fermCe par un bouchon en likge. Une grille d'Cpingles empechait les araignkes de passer d'un compartiment h l'autre. Un mlle Ctait ensuite introduit dans le compartiment A. L'esp8ce de chaque individu Ctait dCterrninCe d'aprks son comportement caractkristique en prCsence de la phCromone sexuelle (en A) et h la suite du contact avec la femelle h travers le grillage.

Ctait retirCe et un m2le de la meme esp8ce Ctait mis h sa place. (iii) Une fois que le mlle rCalisait des unitCs de parade, une autre femelle, anesthCsiCe au CO,, Ctait +endue dans la cage devant le mlle et le comportement des deux individus Ctait enregistrk.

Quatre groupes expCrimentaux ont CtC formCs : groupe A: mlle L. thorelli X femelle L. thorelli; groupe B : mlle L. carbonelli X femelle L. carbonelli; groupe C : mlle L. thorelli X femelle L. carbonelli; groupe D : mlle L. carbonelli X femelle L. thorelli.

Les groupes intraspkficiques A et B ont CtC utilisks comme tCmoin des groupes interspkcifiques C et D. Pour chacun des quatre groupes expCrimentaux, nous avons fix6 un minimum de 40 confrontations et six copulations. La femelle anesthCsiCe et le mlle furent sClectionnCs alkatoirement. Pour un total de 276 confrontations de rnlles avec phCromone sexuelle homospCcifique, 40 correspondirent au groupe A, 64 au groupe B, 70 au groupe C et 102 au groupe D.

L'intensitC relative du comportement sexuel des rnlles en prCsence de phCromone a CtC classCe subjectivement en nulle, faible, moyenne et haute.

Le nombre de confrontations journalikres mlle - femelle anesthCsiCe Ctait fonction de I'intensitC du comportement sexuel : jusqu'h 3, 4 ou 5 fois, respectivement, si I'intensitC Ctait faible, moyenne ou haute. Les mlles ayant prCsentC une intensit6 nulle furent CcartCs pendant 24 h. Les rnlles n'ayant pas copulC ont pu 2tre utilisCs le jour suivant; les rnlles ayant copulC n'ont pas CtC rCutilisCs avant 7 jours aprks la copulation. Les femelles ayant copulC ont CtC CcartCes et ClevCes individuellement. La frCquence d'utilisation des rnlles se rkpartissait comme suit : L. thorelli, 1-5 et 1-14 fois, groupes A et C, respectivement; L. carbonelli, 1-7 et 1-14 fois, groupes B et D, respectivement. Les femelles ont CtC utilisCes comme << donatrices >> de phCromone selon les frCquences suivantes : L. thorelli, 1-15 et 1-19 fois, groupes A et C, respectivement; L. carbonelli, 2-15 et 1-60 fois, groupes B et D, respectivement. Les femelles anesthCsiCes ont CtC utilisCes selon les proportions suivantes : L. thorelli, 1-12 et 1-34 fois, groupes A et D, respectivement; L. carbonelli, 1-19 et 1-17 fois, groupes B et C, respectivement.

La durCe des comportements a CtC mesurCe avec un chronombre digital (prCcision 0,01 s). Les femelles qui se rkveillaient avant la monte Ctaient rCanesthCsiCes. Lorsque le mlle mordait ou manifestait

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1770 CAN. J. ZOOL. VOL. 69, 1991

l'intention de mordre la femelle, il Ctait CcartC et I'expCrience Ctait interrompue. En cas de mort de la femelle due a l'anesthdsie, les rCsultats Ctaient analysCs sCparCment, sauf pour les valeurs corres- pondant a I'intensitC initiale du comportement sexuel des miles.

Les comportements ont CtC nommCs et dCcrits comme des catCgories alternatives (tableaux 2 et 3), en relation avec les caractkristiques de la fin de I'expCrience. L'Cloignement des membres du couple (ou l'intervention de l'observateur en cas d'attaque) a CtC interprCtC comme la << fin de I'expCrience >>. Chaque expkrience individuelle correspond a une seule catkgorie.

Les copulations ont kt6 considCrCes comme typiques quand elles prksentaient des Cjaculations multiples et successives pendant une unique insertion (gCnCralement plus de 100 Cjaculations, selon Costa et Capocasale 1984). Les copulations ayant prCsentC un petit nombre d'Cjaculations successives (en gCnCral entre 1 et 4) par insertion du pkdipalpe ont CtC considCrCes comme atypiques. Les copulations d'une durCe de moins de 20 min et (ou) finies avant d'accomplir 100 Cjaculations avec chaque pCdipalpe ont CtC considCrCes comme incompletes. Les autres copulations ont CtC considCrCes completes ou

TABLEAU 1. FrCquences des diffkrentes intensitks de la parade des miles Lycosa thorelli (groupes A et C) et L. carbonelli (groupes B et

D) en prksence de la phkromone sexuelle homospCcifique

Groupe

A B C D Intensit6 (N = 40) (N = 64) (N = 70) (N = 102)

Nulle 7 (17'5) 14 (21,9) 6 (8,6) 11 (10,8) Faible 3 ( 73 ) 12 (18,6) 7 (10,O) 18 (17,6) Moyenne 6 (15,O) 11 (17,2) 18 (25'7) 25 (24,5) Haute 24 (60'0) 27 (42,2) 39 (55,7) 48 (47,l)

Phase seconde 4 (10,O) - 7 (10,o) -

NOTA: Les donnCes sont prksentees sous forme de valeurs absolues et les pourcentages sont donnCs entre parenthkses. N, nombre de confrontations. Les valeurs de phase seconde (voir texte) ont CtC dCja considCrees dans la categorie haute intensite.

pleines. La tempkrature pendant les confrontations a CtC de 24,4 + 1,4"C

(N = 276); pendant les copulations, elle Ctait de 24,O _' 1,3"C (N = 42). Analyse des fre'quences des comportements observe's Nous avons utilisC les tests statistiques suivants : test de probabilitk NOUS avons c o m p ~ k les frkquences d'apparition des

exacte de Fisher, text de X 2 pour deux Cchantillons et le test t de Student diffkrents comportements dans les quatre groupes expkrimentaux (Siege1 1956; Lehner 1979). La limite de signification choisie fut de (test de x2), sur la base des donnCes du tableau 2. P = 0,05. Pour Cviter la superposition de deux variables, seulement les En ce qui concerne les comportements F, I, E et TE, il n'y a grouPes A et B, A et C, B et D ainsi Clue C et D ant 616 com~arks pas eu de diffkrences statistiquement significatives entre les statistiquement entre eux. groupes. Cependant, les males L. thorelli ont CbauchC, face 9

s

Comportement precopulatoire Re'sultats

L'intensitC du comportement sexuel des males en prksence de phCromone est indiquCe au tableau 1. L'absence de rCponse (intensit6 nulle) a CtC similaire chez les males des deux espkces : 1 1,8% chez le L. thorelli (groupe A plus C) et 15,1% chez le t. carbonelli (groupe B plus D). Quelques miles L. thorelli appartenant 9 la catCgorie haute intensit6 sont allCs jusqu'9 la << phase seconde >> prCcopulatoire, mais en l'absence de contact visuel ou tactile, en rCponse 9 la phCromone sexuelle.

Description des comportements observks Nous avons obtenu 235 confrontations de miles avec des.

femelles anesthCsiCes. Les comportements suivants ont CtC identifiks :

(i) fuite (F) : lorsque la femelle est mise en prCsence du male, celui-ci s'kloigne rapidement, parfois en sautant;

(ii) indiffkrence (I) : le mile marche par dessus la femelle sans changer son comportement;

(iii) Cvitement (E) : face 9 la femelle anesthCsiCe, le male Cvite le contact et s'kloigne rapidement;

(iv) toucher et Cvitement (TE) : le male touche la femelle anesthCsiCe et s'kloigne rapidement;

(v) parade et retraite (PR) : le male parade (phase seconde) devant la femelle et se retire ensuite, sans comportement de parade;

(vi) parade et retraite avec parade (PRP) : le male parade (phase seconde) devant la femelle et se retire ensuite, avec comportement de parade.

(vii) attaque (A) : le mile mord la femelle ou essaye de lui mordre les pattes;

(viii) comportements du mile devant la femelle rCveillCe (CMFR) : parade, fuite ou tout autre comportement prCsentC par le male face 9 la femelle rCveillCe;

(ix) tentative de monte et rejet (TMR) : le mile essaye de monter sur la femelle, mais il est rejetC.

la femelle hCtCrospCcifique, un comportement TE diffkrent de celui prCsentC face 9 leur partenaire homospCcifique. Le com- portement PR, observC presque exclusivement dans le groupe D, a prCsentC des diffkrences significatives seulement par rapport au groupe B h2 = 4,49; P < 0,05). La frequence de PRP a CtC similaire 9 celle de PR, mais des diffkrences significatives ont CtC trouvkes seulement entre les expCriences interspCcifiques C et D (x2 = 6,OO; P < 0,02). Les attaques du male 9 la femelle ont CtC Deu nombreuses et observCes exclusivement chez les males L. carbonelli (groupes B et D). Finalement, les frkquences de TMR chez les femelles L. carbonelli (groupes B et C) suggkrent un niveau de rejet plus haut que chez les femelles L. thorelli.

Les compo~ements E, TE, PR et PRP ont CtC analysks ensemble et considCrCs comme des tactiques alternatives d'Cvasion du mile confront6 9 la femelle anesthCsiCe. Les frkquences observCes pour cet ensemble ont CtC les suivantes : 9,l , 22,0,20,6 et 43,8% dans les groupes A-D, respectivement. Ces comportements d'Cvasion ont CtC plus importants dans le groupe D par rapport aux groupes B et C (x2 = 5,7 1, P < 0.02; X2 = 7,81, P < 0,01, respectivement). Les miles des deux espkces ont doublC les frkquences de comportements d'Cvasion dans les confrontations interspkcifiques par rapport aux confrontations intraspkcifiques; ces comportements ont CtC plus frCquents chez le L. carbonelli. Comme il a CtC dit auparavant, les comportements PR et PRP se sont distribuCs avec des frkquences semblables dans les quatre groupes expCrimentaux. En analysant statistiquement ce sous-ensemble (PR et PRP), les frkquences correspondantes ont CtC de 0,4,3,2 et 25,8% dans les groupes A-D, respectivement. Le groupe D a prCsentC des frkquences bien diffkrentes par rapport aux groupes B et C (x2 = 8,93, P < 0,Ol; X2 = 12, 19, P < 0,001, respectivement). Une analyse similaire du sous-ensemble restant (E et TE) a montrC les frkquences suivantes : 9,1, 18, 17,5 et 18%, respectivement, dans les groupes A-D. I1 n'y avait pas de differences significatives selon le test de x2, quoique les rksultats suggkrent que le male L. thorelli se comporte diffkremment dans

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COSTA ET FRANCESCOLI

TABLEAU 2. FrCquences des diffkrents comportements des males devant les femelles

Groupe

A B C D Comportement observC ( N = 33) ( N = 50) ( N = 63) ( N = 89)

Fuite I~diffCrence Evitement Toucher et Cvitement Parade et retraite Parade et retraite avec parade Attaque Comportements du mile devant

la femelle reveillie Tentative de monte et rejet Monte*

NOTA: Constitution des groupes exp5rirnentaux : (A) miles et fernelles L. thorelli; (B) rnlles et fernelles L. carbonelli; (C) rnlles L. thorelli et fernelles L. carbonelli; (D) rnlles L. carbonelli et fernelles L. thorelli. Les pourcentages sont indiques entre parenthkses. N, nornbre de confrontations. *Le pourcentage (nornbre de montes / nornbre de confrontations) indique le succks de monte.

les confrontations hCtCrospCcifiques par rapport aux homo- specifiques, contrairement au mile L. carbonelli. En considerant les frkquences de monte par rapport au total des confrontations, les miles L. thorelli ont prCsentC leS frkquences les plus ClevCes, aussi bien interspCcifiquement qu'intraspCcifiquement (ta- bleau 2). Les frCquences de monte des groupes C et D sont statistiquement diffkrentes (x2 = 6,08, P < 0,05).

Les faibles intensitCs de parade en presence de pheromone sexuelle seraient en rapport avec les comportements A et MA (tableaux 2 et 3) du mile L. carbonelli contre les femelles des deux espe'ces (quatre des six attaques; les deux autres correspondait h des miles avec une intensite moyenne de parade). Les faibles intensitCs de parade seraient aussi en rapport avec le comportement I du mile (5 cas sur 10). Les hautes intensitCs de parade s'associeraient avec PR et PRP (1 8 cas sur 27). Ces deux derniers comportements n'ont pas CtC observCs pour de faibles intensites de parade en prCsence de phCromone.

Discussion Le plus grande intensite du comportement sexuel chez les

miles L. thorelli par rapport aux L. carbonelli, en prCsence de la pheromone homospCcifique, ne sera pas discutCe ici car elle ne pourrait reflCter que des caractkristiques spkcifiques diffkrentes (le comportement du L. thorelli Ctant plus evident). I1 importe de remarquer l'apparition de la phase seconde chez quelques miles L. thorelli sur phCromone homospCcifique, alors que, selon la definition de Costa et Capocasale (1984), cette phase se produirait aprks contact ou vision de la femelle. Ce fait est trks interessant h la lumikre des interprktations Cthologiques classiques en ce qui concerne la spontanCitC des coordinations hkrkditaires, notamment chez cette espkce qui posskde la particularit6 d'accomplir deux phases sexuelles successives et trks diffkrentes entre elles.

Les miles des deux espkces n'ont pas CtC capables de discriminer visuellement les femelles anesthCsiCes (F et E). De la meme fa~on , ils n'ont pas rCussi une bonne discrimination tactile (I) (tableau 2). Le comportement F peut reflCter aussi des diffkrences dans I'habiletC de I'opCrateur h @nCtrer la femelle. Les frkquences observCes dans le TE, au contraire, suggkrent

une discrimination tactile de la part des miles L. thorelli. La faible capacitC de reconnaissance dCmontrCe au dCbut peut etre attribuCe h I'immobilitC de la femelle (surtout dans le cas du L. carbonelli) et peut-etre h la basse tempCrature de celle-ci due h I'anesthCsie.

La haute frCquence de PR et de PRP dans le groupe D montre une claire discrimination des miles L. carbonelli par rapport au groupe B. Les miles L. carbonelli tripotent d'une f a ~ o n persistante les femelles immobiles avec leur premikre paire de pattes, comportement qui permettrait d'obtenir un niveau important d'information tactile, et peut-etre chimique. La prCsence des mouvements de parade dans le comportement PRP pourrait reflCter un niveau plus ClevC de motivation chez ces miles. Mais les deux comportements avec parade PR et PRP peuvent etre considCrCs comme deux variantes d'une meme tactique.

L'ensemble des comportements d'kvasion (E, TE, PR et PRP) suggkre l'existence de deux tactiques diffkrentes des miles des deux espkces : le L. thorelli compterait surtout sur l'information acquise lors des premiers contacts avec la femelle, tandis que la parade persistante du L. carbonelli lui permettrait d'acqukrir une information complCmentaire qui enrichirait l'information initiale et lui permettrait de se dCcider aprks un contact prolongC. La parade du mile L. thorelli ne permettrait pas un apport significatif d'information lors du comportement TE, et la dCcision serait prise pendant le dCroulement de ce com- portement.

Les miles L. thorelli ont montC facilement les femelles des deux espkces; les kchecs de monte lors des confrontations peuvent &re attribuks h des causes fortuites (fuite ou rCveil de la femelle), sauf en ce qui concerne le TE. Par contre, les miles L. carbonelli ont prCsentC une plus grande difficult6 que les miles L. thorelli pour la monte homospCcifique, et plus parti- culikrement hCtCrospCcifique, vraisemblablement h cause de la tactique de parade prolongCe suggCrCe ci-dessus. I1 est fort probable que, chez cette espkce, la passivitC de la femelle anesthCsiCe soit un facteur nkgatif puisgue celles-ci sont habituellement actives dans la parade. A la suite de ces observations, nous avons nommC << tactique monteuse >> celle

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des miles L. thorelli, lesquels montent facilement la femelle et avec une faible discrimination, et << tactique prudente >> celle des miles L. carbonelli, de parade persistante, monte retardCe et discrimination certaine. En consCquence, le niveau d'in- formation plus ClevC exigC chez les males L. carbonelli peut $tre mis en relation avec les attaques envers les femelles observCes seulement chez cette espkce.

Nous n'avons pas fait d'Ctude comparative des CMFR : Ctant mis en oeuvre devant la femelle rCveillCe, ces comportements dCbordent des cadres de ce travail.

Finalement, un aspect mCthodologique doit $tre considCrC. L'utilisation rCpCtCe des animaux pouvait introduire des phCnomknes d'apprentissage (habituation, etc.) et fausser ainsi les rCsultats. Mais ce phCnomkne n'est pas habitue1 et, dans le cas prksent, il ne fut pas dCcelC par les observateurs. Quoi qu'il en soit, la rCpCtition de la mCthode dans les quatre groupes peut estomper ces effets possibles.

Comportement copulatoire Rksultats

Description des comportements obsewks Nous avons obtenu 88 montes dans lesquelles les

comportements suivants ont CtC identifiCs : (x) monte et descente (MD) : le mile monte la femelle, prend

la position de copulation, change d'orientation et, h la fin, descend et s'Cloigne;

(xi) monte et attaque (MA) : le mile monte la femelle et mord ou essaye de mordre;

(xii) rejet initial (RI) : le mile monte la femelle et prend la position copulatoire, mais la femelle le rejette avant que 5 min ne se soient CcoulCes;

(xiii) rejet tardif (RT) : le mile monte la femelle et prend la position copulatoire, mais la femelle le rejette aprks que 5 min se soient CcoulCes et avant aue celui-ci ~u i s s e insCrer les pkdipalpes;

(xiv) copulation (C) : le mile monte la femelle et prend la position Gerhardt 11.

Analyse des frkquences des comportements obsewks Les comportements observCs aprks la monte (tableau 3) ont

prCsentC les particularitCs suivantes. Les comportements MD et MA, peu frkquents, ont CtC observCs seulement dans les groupes interspkcifiques. Pour les comportements RI et ET, il n'y a pas eu de differences significatives entre les groupes, bien que des frCquences plus ClevCes de RT aient CtC observCes pour les groupes A et C (miles L. thorelli). Finalement, les frkquences de comportement C ont CtC significativement plus ClevCes dans le groupe B par rapport au groupe D (miles L. carbonelli) (x2 = 539; P < 0,05).

Nous avons considCrC comme un ensemble les attaques du mile contre la femelle (comportements A prCcopulatoire et MA) (tableaux 2 et 3). Les frkquences ont CtC de 0,2,O et 5,6% dans les groupes A-D, respectivement. A remarquer la prksence de ces comportements exclusivement chez les miles L. carbonelli, et de prCfCrence devant la femelle hCtCrospCcifique mais h un niveau statistiquement non significatif. Nous avons considCrC aussi comme un ensemble les comportements RI et RT; les frkquences relatives au nombre de montes ont CtC de 55,6,3 1,6, 48,3 et 50% dans les groupes A-D, respectivement. 11 n'y a pas eu de diffkrences significatives au test de x2.

Le succks copulatoire, dCfini comme Ctant le rapport entre le nombre de copulations et le nombre de confrontations dans

TABLEAU 3. FrCquences des diffdrents comportements des miles sur les femelles

- -

Groupe

Comportement A B C D observC (N = 18) (N = 19) (N = 29) (N = 22)

Monte et descente 0 (0,O) 0 (0,O) 3 (10,3) 2 (9,l) Monte et attaque 0 (0,O) 0 (0,O) 0 (0,O) 3 (13,6) Rejet initial 3 (16,7) 3 (15,8) 3 (10,3) 5 (22,7) Rejet tardif 7 (38,9) 3 (15,8) 11 (37,9) 6 (27,3) Copulation* 8 (44,5) 13 (68,4) 12 (41,4) 6 (27,3)

Succ&s copulatoire? 8 (24,2) 13 (26,O) 12 (19,O) 6 (6,7)

NOTA: Pour la constitution des groupes exgrimentaux, voir le tableau 2. Les pourcentages sont indiquCs entre parenthtses. N, nombre de montes.

*Le pourcentage (nombre de copulations / nombre de montes) determine le succes copulatoire relatif A la monte.

tDCfini cornme le nombre de copulations sur le nombre de confrontations tel qu'indiquC au tableau 2.

chaque groupe (tableau 3), prksenta des differences entre certains groupes. Les groupes A et B ont eu un succks copulatoire sensiblement Cgal. Cependant, le groupe A montra un succks de monte (tableau 2) et un succks copulatoire relatif h la monte (tableau 3) similaires entre eux. Le groupe B, quant h lui, prCsenta des problkmes plus grands h la monte et un succks copulatoire relatif h la monte ClevC. Ces pourcentages Ctaient similaires entre eux chez le groupe C. Finalement, le groupe D montra des differences significatives de succks copulatoire par rapport aux groupes B et C (x2 = 8,50, P < 0,Ol; X2 = 4,24, P < 0,05, respectivement).

Les dCtails des 39 copulations obtenues sont indiquCs au tableau 4. Trois autres copulations ont CtC accomplies sur des femelles mortes suite h I'anesthCsie et elles seront discutCes plus tard.

La lutte des femelles in copula (mouvements brusques, dkplacements, essais d'expulsion du mile) a CtC Cvidente surtout chez les femelres L. carbonelli, avec des frkquences similaires dans les groupes B et C. Les femelles L. thoreNi, n'ont luttC qu'une fois (groupe A) et avec une faible intensitC. A remarquer l'extrsme passivite, in copula, des femelles L. thorelli du groupe hCtCrospCcifique D.

Les Cjaculations ont CtC significativement plus nombreuses dans le groupe A par rapport au groupe B (test de Student : t = 2,79, P < 0,05). Dans les groupes interspkcifiques C et D, le nombre d'Cjaculations diminua (plus particulikrement dans le groupe C), par rapport aux groupes intraspkcifiques, mais sans signification statistique. La variabilitk du nombre d'Cjaculations dans les groupes A et D (femelles L. thorelli) a CtC infkrieure h celle des groupes B et C (femelles L. carbonelli); dans les deux premiers groupes, le coefficient de variabilitk a CtC proche de 40%, tandis qu'il a CtC de 60 et 70% dans les groupes B et C, respectivement. Le nombre d'Cjaculations avec le pCdipalpe gauche a CtC similaire h celui du pCdipalpe droit dans tous les groupes.

Les changements de c6tC du mile ont CtC plus frCquents dans le groupe D par rapport aux autres groupes (test de Student : t = 4,49 entre C et D; t = 5,13 entre B et D; tous deux, P < 0,Ol). Les miles L. carbonelli ont augment6 sensiblement le nombre de changements de c6tC dans les copulations interspkcifiques; les miles L. thorelli, au contraire, n'ont pas semblC modifier le nombre d' a1 ternances.

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COSTA ET FRANCESCOLI

TABLEAU 4. Comportements in copula des males et des femelles pour les quatre groupes expkrimentaux

Groupe

A B C D Comportement observk (N = 8) (N = 13) (N = 12) (N = 6)

Lutte de la femelle Intense Peu intense Ne lutte pas

Nombre d'kjaculations Pkdipalpe droit Pkdipalpe gauche Total

Nombre de changements de c6tk Durke de la copulation (min) TempQature in copula ("C) Mode

Typique Atypique

Intkgralitk de l'acte Complet Incomplet

Mouvements pseudolocomoteurs Mouvements finaux de la femelle Catalepsie de la femelle

NOTA: Les valeurs absolues sont indiquees en cas de pksence du caractere. Les moyennes + ecarts types indiquent un ensemble de valeurs numkriques. Pour la constitution des groupes exp6rimentaux voir le tableau 2. N, nombre de copulations.

*L'origine mlle ou femelle de certains mouvements finaux (nombres entre parentheses) n'a pas pu Ctre preciske.

La duree de la copulation intraspecifique s'est avCrCe plus grande chez le L. thorelli par rapport au L; carbonelli (test de Student : t = 3,80, P < 0,Ol). Le mile L. thorelli a maintenu, dans le groupe C, une durCe de copulation similaire a celle observC dans le groupe A, tandis que le mile L. carbonelli a augment6 significativement la duke dans le groupe D par rapport au groupe B (test de Student : t = 4,33, P < 0,Ol). Les tempkratures respectives in copula ont CtC similaires dans les quatre groupes. 11 est donc intCressant de remarquer la plus grande durCe des copulations en D (tableau 4).

Les copulations typiques ont prCdominC dans les groupes A et B, et les copulations atypiques dans les groupes C et D (tableau 4). Lors de d'analyse des frkquences respectives, le test de Fisher a mis en Cvidence des probabilitks trks faibles de diffkrences dues au hasard : P = 0,00076 entre les groupes A et C, et P = 0,00309 entre les groupes B et D. En ce qui concerne les copulations atypiques, il faut souligner les caractCristiques particulikres de certaines d'entre elles dans les groupes intraspkcifiques A et B. Dans le groupe A, la seule copulation atypique montra de frkquentes dksorientations du mile, ce qui empCchait l'insertion du pCdipalpe. Dans le groupe B, trois copulations atypiques ont kt6 observCes : la premikre prksentait plusieurs sCries d'Cjaculations nombreuses et successives (94, 50, 77, etc.), mais sans dCpasser la limite (fixCe arbitrairement) au-dela de laquelle on ne peut plus considkrer la copulation comme typique; la seconde prCsentait une sCrie unique de 68 Cjaculations successives; la troisikme Ctait constituCe d'une sCrie unique de 18 Cjaculations successives. La premikre de ces copulations a CtC considCrCe comme complkte et les deux autres incomplktes, puisqu'interrompues par la femelle. Les deux premikres ont abouti, aprks 1'Clevage de la femelle, a une descendance viable.

I1 est noter qu'une seule copulation typique interspecifique s'est produite dans le groupe C et qu'elle a produit une descendance.

Les groupes A et D ont present6 de faibles frCquences de copulations incomplktes. Chez les groupes B et C, par contre, ces frCquences Ctaient plus ClevCes, surtout dans le groupe intraspkcifique B. Cependant, nous n'avons pas trouvC des diffkrences significatives au test de Fisher entre l'ensemble A-D et l'ensemble B-C; il en est de mCme pour les frCquences individuelles des groupes.

Chez les miles, le nettoyage apparent des pCdipalpes avec les chClickres a CtC observC 1, 0, 3 et 2 fois dans les groupes A-D, respectivement. Des mouvements pseudolocomoteurs des miles ont CtC observCs dans tous les groupes (tableau 4), avec des frkquences 1Cgkrement supCrieures dans les groupes A et D.

Nous avons observC des mouvements intenses des femelles a la fin de la copulation. Ces mouvements se sont produits surtout chez la femelle L. carbonelli et, dans un seul cas, chez la femelle L. thorelli (groupe A). Dans trois cas (tableau 4) nous avons eu des doutes sur l'origine (femelle ou mile) des mouvements. La catalepsie de la femelle a CtC frCquente seulement dans le groupe A et prdsentait des diffkrences par rapport aux groupes B (P = 0,00052), C (P = 0,00433) et D (P = 0,0489) au test de Fisher.

Trois femelles, montCes a la premikre tentative, sont mortes par la suite (la mort n'a CtC constatCe qu'aprks la fin de I'expCrience). De ces copulations, une correspondait au groupe C (C,) et les deux autres au groupe D (Dl et D,, tableau 5). Le nombre d'Cjaculations a CtC faible dans C, par rapport a celui des copulations prkalables, contrairement a Dl et D, ou le nombre d'kjaculations a kt6 similaire a celui des copulations antkrieures. Par rapport aux copulations antkrieures, le nombre des changements de c8tC a CtC supkrieur dans C,, similaire dans Dl

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1774 CAN. J. ZOOL. VOL. 69, 1991

TABLEAU 5. Comportements in copula des miles sur des femelles copulation intraspkficiques similaires. MalgrC ceci, et comme il mortes a CtC discutC ci-dessus, les deux espkces suivent des voies

diffkrentes : le male L. thorelli est plus monteur, mais subit Groupe D beaucoup de rejets; le male L. carbonelli est plus prudent, mais

il est rarement rejetC de la position copulatoire. La prudence Comportement observC Group C1 Dl D2 discriminatoire conjointement h la faible tCnacitC des males

L. carbonelli devant les mouvements de la femelle seraient les Nombre d'Cjaculations

PCdipalpe droit 79 68 responsables du faible succks dans la monte, dans le maintien

PCdipalpe gauche 56 112 118 93 copulatoire et dans la copulation en gtnkral, observt chez le Total 135 180 21 1 groupe D par rapport au groupe B. Par contre, chez les males

Nombre de changements de c6tC 23 26 17 L. thorelli, la faible discrimination est Cvidente dans les groupes - DurCe de la copulation (rnin) 100 158,2 76,l A et C. Ces faits contrastent avec l'absence de diffkrences entre Temp6rature in copula ("C) 23 ,O 26,5 23,O le S. ocreata et le S. rovneri dans des expkriences similaires Mode A t ~ ~ i q u e A t ~ ~ i q u e A t ~ ~ i q u e (Stratton et Uetz 198 1, 1983, 1986). IntCgralitC de l'acte Incomplet Complet Complet La lutte plus intense des femelles L. carbonelli par rapport Mouvements aux L. thorelli coi'ncide avec la plus grande mobilitC de la

pseudolocomoteurs Oui Non Oui femelle L. carbonelli lors des copulations non forckes (77,8% de Nor* : Pour la constitution des groupes expC~mentaux, voir le tableau 2 et le texte. CeS femelle~ marchent en portant les et

1984). Les femelles L. thorelli des groupes A et D sont restCes

et infkrieur dans D,. Toujours par rapport aux copulations prkalables, la duke de la copulation a CtC plus grande en C1 et D,, et similaire en D,. Les trois copulations ont CtC atypiques. I1 n'y a pas eu de diffkrences importantes ni dans I'intCgralitC de l'acte ni dans les mouvements pseudolocomoteurs, par rapport aux copulations antkrieures. Le nettoyage des pCdipalpes a CtC observk lors des trois copulations, ce qui suggkre des frkquences plus grandes que celles observCes pour les copulations antkrieures des groupes hCtCrospCcifiques.

Un male (C,) a mordu sa partenaire h la minute 100, l'a mangCe et s'est retirC spontankment avec des mouvements pseudolocomoteurs 34,5 min aprks. Un autre male (D,) a rCalisC des mouvements pseudolocomoteurs et s'est retirk lentement, dCveloppant une parade en phase premikre prkcopulatoire.

Discussion Les males L. thorelli ont maintenu la position copulatoire

avec une grande tCnacitC sur les femelles des deux espkces. Par contre, les miles L. carbonelli ont maintenu aisCment la position copulatoire dans le groupe B, mais rarement dans le groupe D.. Stratton et Uetz (1983) ont soulignC la capacitC des males du S. ocreata et du S. rovneri h maintenir 1'Ctat copulatoire interspkcifique, une fois que les femelles avaient rCcupCrC de I'anesthCsie. Cette capacitC existe aussi chez le L. thorelli et le L. carbonelli, mais plus particulikrement chez les premiers. Les males L. thorelli ont abandonnC la position copulatoire lors des mouvements trks violents des femelles, et les males L. carbonelli l'ont fait lors de mouvements moins violents.

Ces faits suggkrent une certaine capacitC des femelles B dCtecter des diffkrences dans la stimulation inhibitrice du male. Les males L. thorelli neutraliseraient la discrimination des femelles L. carbonelli grace h leur grande tCnacitC. Ce n'est pas le cas chez les males L. carbonelli sur des femelles L. thorelli. Ces rCsultats suggkrent une diffkrence dans la capacitC de tCnacitC des males des deux espkces, tandis que la capacitC discriminatoire des femelles aurait une importance secondaire. Cette interprktation est renforcCe par la distribution observCe dans les comportements RI et RT. Chez le male L. carbonelli, les rejets sont apparus dans des proportions Cgales avant et aprks les 5 min initiales, surtout dans les montes interspkcifiques. Les males L. thorelli, au contraire, ont CtC rejetCs tardivement et indistinctement lors des copulations intra- et inter-spkcifiques.

Une comparison du succks copulatoire global rCvkle que les males L. thorelli et L. carbonelli ont eu des frkquences de

immobiles, provoquant la fin de la copulation dans un seul cas. Dans le groupe D, les males L. carbonelli ont maintenu la position copulatoire grace h une stimulation inhibitrice efficace et h la tendance des femelles L. thorelli h I'immobilitC. MalgrC tout, seulement les. males L. thorelli ont provoquk davantage de catalepsies postcopulatoires chez ces femelles, montrant une capacitk d'inhibition plus efficace. Paradoxalement, chez les femelles L. carbonelli l'inhibition par les males L. thorelli a CtC plus efficace que celle provoquCe par les males de leur propre espkce (mouvements finaux de la femelle et catalepsie).

Le plus grand nombre d'Cjaculations dans le groupe A par rapport au groupe B est considCrC ici comme une caractkristique distinctive entre les deux espkces; cette caractkristique n'avait pas CtC rapportCe jusqu'ici. Si l'on considkre l'ensemble form6 par le nombre d'Cjaculations, les changements de cGtC, I'intCgralitC et la durCe de la copulation, il apparait que les males des deux espkces achkvent la copulation selon des paramktres diffkrents. Les males L. thorelli mettent fin h la copulation aprks un temps constant pasd sur les femelles et une fois obtenu un nombre de changements de cGtC Cgalement constant. Dans les copulations interspkcifiques, par contre, le nombre d'kjacu- lations diminua probablement h cause des difficultks mCcani- ques. Les males L. carbonelli ont produit un nombre constant d'Cjaculations sur les femelles des deux espkces, tandis qu'ils ont augment6 significativement le nombre de changements de cGtC et la durCe des copulations interspkcifiques. Cette augmentation de la durCe de la copulation doit 2tre attribuCe aux difficult& mCcaniques observkes. Ainsi, le maintien de 1'Ctat copulatoire semble 2tre dCterminC par l'accomplissement d'un nombre fixe d'Cjaculations chez le male L. carbonelli, et par un temps fixe de copulation chez le male L. thorelli.

La diffkrence fondamentale entre les copulations intra- et inter-spkcifiques a CtC le mode typique des premikres et atypique des secondes; mais il y a eu des exceptions (voir tableau 4). Le mode typique est interprCtC comme rCsultant d'un accrochement correct de l'apophyse du tegulum dans l'kpygine, suivi par l'ingurgitation de l'haematodocha, l'emboitement du conducteur et l'introduction du style dans l'orifice gCnital. Selon Sadana (1972), cette Ctape est suivie par l'ingurgitation totale de l'haematodocha et le transfert spermatique. Le mode atypique est interprCtC comme rksultant de l'existence de difficultks dans l'emboitement initial et dans l'emplacement du conducteur et du style. Deux copulations atypiques dans le groupe B, caractC- risCes par plusieurs Cjaculations successives, ont produit une

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descendance : ceci confirme l'importance fondamentale du maintien de l'emboitement des genitalia et des Cjaculations successives. Bien que Costa et Capocasale (1984) n'aient pas trouvC de diffkrences morphologiques ni entre les Cpygines ni entre les bulbes du L. thorelli et du L. carbonelli, PCrez-Miles (1985) trouva des diffkrences significatives dans la taille de ces espkces, le L. carbonelli Ctant plus grand. I1 est donc probable que des diffkrences dans les structures gCnitales, en rapport avec la taille des animaux, soient responsables des difficultks observCes dans la mCcanique copulatoire. Le fait suivant vient i l'appui de cette hypothkse. F. PCrez-Miles et E. Gudynas (manuscrit en prkparation) ont fait une Ctude morphologique de tous les individus utilisCs ici, h l'aide d'analyses en composantes principales et de discriminants multiples. Seuls les deux individus (et tout particulikrement la femelle) responsables de l'unique copulation interspkcifique typique se sont CcartCs de fa~on maximale des critkres d'appartenance h leur espkce. Le fait que cette copulation ait produit une descendance viable indique qu'il n'existe pas de mCcanismes postcopulatoires d'isolement reproductif entre ces deux espkces, h moins d'une stCrilitC de l'hybride rksultant, cas qui n'a pas encore CtC CtudiC. L'incompatibilitC mkcanique observCe suggkre un certain dCveloppement dans 1'Cvolution diffkrentielle de ces espkces, ainsi que I'impossibilitC d'hybridation dans la nature. Dans ce dernier cas, h I'incompatibilitC mkcanique gCnitale s'ajoute- raient, dans l'ordre, une certaine discrimination de la phCromone sexuelle, une parade clairement *diffCrente et une certaine reconnaissance tactochimique de la femelle immobile. Ceci va i l'encontre, encore une fois, des rksultats de la sCrie de travaux sur le S. ocreata et le S. rovneri (Uetz et Denterlein 1979; Stratton et Uetz 1981, 1983, 1986), chez lesquels il n'existerait que l'isolement prkcopulatoire (surtout acoustique). Dans le mCme sens, aucun hybride de L. thorelli et de L. carbonelli n'a CtC dCtectC dans la nature, tandis que Stratton et Uetz (1986) ont signal6 l'existence de quelques hybrides naturels chez les espkces du genre Schizocosa.

Les mouvements pseudolocomoteurs observCs chez les miles des deux espkces et dans les quatre groupes expkrimentaux, n'avaient pas CtC signal& jusqu'h prksent. Costa (1979) dCcrivit des mouvements similaires chez le Lycosa malitiosa et les interprkta comme des mouvements du mile visant h habituer la femelle et h Cviter sa rCaction lorsque celui-ci descend aprks la copulation. La prksence de ces mouvements sur des femelles mortes et leur grande frkauence sur les femelles touiours " J

passives du L. thorelli suggkrent un r6le dans le maintien de 1'immobilitC de la femelle. Devant des femelles mobiles, les miles utiliseraient d'autres mkcanismes inhibiteurs.

La copulation sur des femelles mortes a CtC essentiellement similaire aux autres copulations, dCmontrant la participation minimale de la femelle et la capacitC du mile de tourner par lui- mCme l'abdomen de sa partenaire. La copulation sur des femelles mortes se retrouve exclusivement dans les groupes interspkcifiques, mais cec.i est attribuable au hasard. L'aug- mentation apparente du nettoyage des pkdipalpes semble in- diquer un effort plus grand des miles pour arriver h l'insertion.

L'analyse globale du comportement copulatoire des deux espkces fait ressortir un phCnomkne paradoxal. Etant donnC que les femelles L. thorelli sont passives et que les femelles L. carbonelli sont mobiles, on s'attendrait h avoir des miles trks tenaces dans le maintien de la position copulatoire chez le L. carbonelli et peu tenaces chez le L. thorelli. Mais nous avons observC le comportement inverse. Comment peut-on expliquer ce phknomkne? Comment expliquer, par exemple, que les miles

L. thorelli aient persist6 sur les femelles L. carbonelli, dans des copulations atypiques, plus frequemment que les miles L. carbonelli eux-mCmes? Notre hypothkse est que les deux espkces ont besoin d'efforts de fkcondation diffkrents in copula. Les femelles L. carbonelli demanderaient un faible effort de la part du mile, ce qui se traduirait par un petit nombre d'Cjaculations et une courte dude de copulation. Une copulation atypique et incomplkte dans le groupe B, avec seulement 68 Cjaculations successives (total : 82 Cjaculations), a produit une descendance viable (Francescoli et Costa 1989). Les femelles L. thorelli, par contre, demanderaient un plus grand effort de fkcondation, ce qui se traduirait par un plus grand nombre d'Cjaculations et une durCe de copulation plus longue. Une unique copulation intraspkcifique atypique et incomplkte (78 Cjaculations au total et seulement 5 Cjaculations successives) n'a pas produit de descendance.

Pour conclure, nous suggCrons que ces diffkrentes tactiques sexuelles auraient une valeur adaptative en ce qui concerne le microhabitat propre h chaque espkce (F. G. Costa et G. Francescoli donnCes non publiCes) et (ou) sa distribution temporelle ou d'autres caractkristiques, dkterminant un risque plus grand dans la copulation du L. carbonelli par rapport h celle du L. thorelli (p. ex., dCprCdation, parasitisme). La brikvetC de la copulation, la mobilitk de la femelle et la faible tCnacitC du mile favoriseraient une dispersion rapide des individus L. carbonelli en cas de danger.

Remerciements Nous tenons h remercier ici Carlos A. Altuna, Fernando

PCrez-Miles, Carmen Viera et deux rapporteurs anonymes pour la lecture critique du manuscrit. Nous exprimons Cgalement notre gratitude h Leonardo Postiglioni pour son dessin de la figure 1, ainsi qu'h Alberto Cirio pour la rCvision de la version fran~aise de ce manuscrit. Une partie de ce travail a CtC Ccrite dans la Division Zoologia Experimental (directeur : Roberto M. Capocasale) de 1'Instituto Clemente Estable.

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