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Analyser les modèles de prestation des soins de santé Module 7

Analyser les modèles de prestation des soins de santé Module 7 · de santé, ainsi que l’effi cience, l’effi cacité et la qualité des soins dispensés constituent les éléments

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Analyser les modèles de prestation des soins de santé

Module 7

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Résumé

Le présent module s’intéresse aux principaux aspects qu’un pays en situation de crise doit prendre en considération en matière de prestation de soins de santé. Le taux de couverture par les services de santé les plus importants, le volume de soins fourni par les établissements de santé, ainsi que l’effi cience, l’effi cacité et la qualité des soins dispensés constituent les éléments de base à étudier. Ce module passe en revue les différents modèles de prestation des soins de santé pour mieux comprendre comment fonctionnent les secteurs de la santé et pour contribuer au débat sur le relèvement et la réforme de ces secteurs. L’intérêt des différents programmes de prestations de base est ensuite évalué. Dans une seconde partie, le module aborde des aspects particuliers de la prestation de soins comme les modèles de prescription, les programmes verticaux, les soins de santé en milieu urbain, les services sanitaires mobiles et les soins dispensés dans le cadre d’opérations de secours humanitaires.

L’annexe 7 traite des motivations, des modalités, des avantages et des limites de la contractualisation des services de santé, une option déjà adoptée par le secteur de la santé de certains pays sortant d’un confl it et à l’étude dans de nombreux autres.

Modules connexes :

Module 2. Donner un sens (approximatif) à des données (bancales)

Module 5. Comprendre les processus d’élaboration de la politique sanitaire

Module 9. Examiner le réseau de santé

Module 11. Analyser le sous-secteur pharmaceutique

Couverture sanitaire

Les réinstallations liées à des événements violents conduisent les populations concernées à se regrouper à l’écart des zones les plus dangereuses. La répartition disparate de ces populations diminue l’utilité des mesures de couverture géographique. L’accès effectif des populations aux soins serait un indicateur bien plus signifi catif, mais il est diffi cile à mesurer, notamment dans les zones instables. C’est pourquoi l’utilisation des soins sert souvent d’indicateur de substitution de l’accès aux soins. L’accès des utilisateurs potentiels aux soins peut être permanent dans les zones non touchées par les troubles ou intermittent du fait d’interruptions de la prestation résultant de problèmes de sécurité ou de logistique ou encore du fait de mouvements de populations. Si la nature même de certains services (vaccination, par exemple) autorise un mode de fourniture intermittent, d’autres, au contraire, sont fortement pénalisés en cas d’interruption et d’imprévisibilité.

En obligeant des communautés auparavant dispersées ou nomades à se concentrer à proximité des services de santé, les épisodes de violences peuvent améliorer l’accès physique aux soins. Les violences intracommunautaires peuvent modifi er en profondeur la répartition géographique des individus et, donc, également modifi er la carte de l’accès aux services de soins. Même si, avant la crise, les structures de soins étaient utilisées par différents groupes ethniques ou religieux, le réseau de soins peut ensuite se recomposer en portions mutuellement inaccessibles, contrôlées par telle ou telle partie en confl it et utilisées par les populations leur étant affi liées. La couverture sanitaire s’interprète dès lors différemment. Compartimentés, les services de santé deviennent partie intégrante du confl it politique en cours, puis de sa résolution.

On ne dispose de taux de couverture détaillés pour quasiment aucun secteur de la santé en situation de crise. La couverture sanitaire est calculée à l’aide d’unités quantitatives (accouchements assistés, vaccination antirougeoleuse, etc.) mais les estimations démographiques ne sont pas fi ables. Des enquêtes types comme les enquêtes démographiques et sanitaires ou les enquêtes en grappes à indicateurs multiples (MICS) ont été réalisées dans de nombreuses situations d’urgence complexe mais leurs résultats peuvent avoir été biaisés par des diffi cultés d’échantillonnage liées à des problèmes de sécurité ou d’accessibilité. Les estimations auxquelles ces enquêtes ont abouti doivent être interprétées en tenant compte des groupes étudiés. Les populations échantillonnées peuvent être essentiellement urbaines ou n’inclure que certaines régions privilégiées ou encore exclure un pourcentage important

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d’individus concernés mais vivant dans des zones contrôlées par des groupes rebelles. Les enquêtes sur les taux de couverture, qui sont réalisées par des programmes spéciaux tels que le Programme élargi de vaccination (PEV), viennent très utilement compléter les évaluations générales. Comme c’est systématiquement le cas avec les programmes spéciaux, leurs résultats ne sont pas représentatifs des performances des services de santé en général.

Les estimations de l’utilisation des services de soins telles que le nombre annuel de soins ambulatoires par habitant sont extrêmement intéressantes. Étant donné la fragmentation de l’offre de services, les chiffres de la consommation dont on dispose sont souvent incomplets, ne refl étant qu’une faible partie des performances totales. Avant de les utiliser, il faut généralement opérer quelques ajustements pour tenir compte des données manquantes. Il est fréquent que les prestations des organismes d’aide humanitaire soient comptabilisées séparément des prestations équivalentes fournies par le système de santé traditionnel. La consommation de services curatifs est la plupart du temps sous-estimée, surtout en ville, où sont concentrés les prestataires de soins privés à but lucratif.

Les données relatives à la couverture et à l’utilisation doivent toujours être croisées avec les données sur l’offre de services. Les résultats concernant les services de santé ne pouvant être fournis qu’au moyen de matériels, d’équipements ou de personnels particuliers doivent être globalement proportionnels à ces intrants. Par exemple, l’examen des frottis de crachats permettant de dépister la tuberculose nécessite de disposer de microscopes et de personnel de laboratoire. Les décalages importants entre le nombre de nouveaux cas signalés et les équipements et personnels requis amènent à s’interroger sur la fi abilité des données ou l’utilisation des intrants notifi és.

La méthode de collecte des informations relatives aux soins de santé infl ue sur la méthode choisie pour étudier la consommation de services. Dans les secteurs où sont utilisés des outils standard de collecte de données, les tentatives d’agrégation des chiffres déclarés par des prestataires de services épars ont quelques chances de réussir. Elles peuvent permettre de dresser un tableau détaillé, encore qu’imprécis. Avec des systèmes de collecte fragmentaires, où les différentes catégories de prestataires n’ont pas défi ni de méthodes communes, il n’est pas possible d’agréger des données hétérogènes. Les chiffres disponibles, sélectionnés pour leur fi abilité et compilés sous la forme de séries de données couvrant différentes régions et différents contextes, doivent demeurer séparés. De cette manière, les séries présentées peuvent refl éter les caractéristiques d’un service donné et révéler des lacunes au niveau de la prestation de services.

Avec l’aggravation de la crise, l’offre devient très inégale. Les ressources sont concentrées dans les zones accessibles, sûres, qui peuvent tirer un avantage disproportionné de cette situation et affi cher des niveaux d’offre de services qu’elles n’avaient jamais atteints (y compris en temps de paix). Tant pour des motifs de sécurité que des raisons opérationnelles, les organismes d’aide humanitaire privilégient les régions frontalières. Dans les pays en proie à des troubles, de très vastes portions de territoires, parfois vidées de leur population originelle, peuvent être privées de services de santé, y compris des plus élémentaires.

La couverture sanitaire de base est un concept auquel il est fréquemment fait référence mais dont la défi nition reste vague. Quand un paquet de services essentiels a été offi ciellement formulé, il constitue un point de départ pour le travail d’analyse. Comme l’adoption universelle d’un paquet de base offi ciel est rare dans les secteurs de la santé ravagés par la guerre, on retrouve souvent toute une série de services considérés comme « essentiels » par différents prestataires dans différents contextes. Dans la plupart des cas, malgré la fragmentation, certains services essentiels sont fréquemment proposés. Il est plus parlant d’exprimer le taux de couverture par les services essentiels sous la forme d’un intervalle entre le service ayant le meilleur taux de couverture (PEV, en général) et le service ayant le plus bas (il s’agit, presque toujours, des accouchements assistés par du personnel qualifi é). Dans certains pays, l’indicateur des accouchements assistés inclut les accouchements assistés par des accoucheuses traditionnelles, ce qui peut expliquer certains chiffres étonnamment élevés (voir le tableau ci-dessous, par exemple).

Pour évaluer l’accès aux services essentiels de la population cible, les indicateurs suivants se révèlent utiles, pour peu qu’ils aient été calculés de manière fi able. L’utilisation de certains

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services est mieux exprimée sous la forme d’un taux de couverture allant de 0 à 100 %, tandis que, dans d’autres cas, la mesure la plus appropriée semble être la consommation de services, c’est-à-dire le nombre de services utilisés par personne et par an. Les taux de couverture nationale masquent généralement de formidables disparités à l’intérieur du territoire. Ils devraient donc être complétés par les taux de couverture enregistrés dans les zones privilégiées et dans les zones mal desservies. Lorsque les estimations de population ne sont manifestement pas fi ables, mieux vaudrait ne calculer aucun taux de couverture. La production de services exprimée en valeur absolue est alors préférable.

• Couverture par le vaccin DTC3. Cette donnée peut servir d’indicateur de substitution de la proportion d’enfants entièrement vaccinés (couverts par le PEV), dans le cas, fréquent, où le statut « ayant reçu tous les vaccins » n’est pas enregistré dans le système d’information. Sachant que ce vaccin nécessite trois contacts répartis sur au moins deux mois pour qu’ils soient atteints, les taux élevés de couverture par le DTC3 donnent à penser que l’accès aux services de vaccination est relativement prolongé. Les couvertures vaccinales calculées à partir d’enquêtes en grappes sont plus fi ables que celles obtenues à partir des injections déclarées et des populations théoriques. Malheureusement, les enquêtes en grappes se rapportent souvent aux populations vivant dans des zones sûres.

• Couverture antirougeoleuse (indicateur pertinent en raison de l’importance de cette maladie parmi celles que cible le PEV). N’exigeant qu’une seule injection pouvant être effectuée en dehors des établissements de soins, c’est celle qui affi che généralement les taux les plus élevés. Les campagnes de vaccination peuvent entraîner de fortes variations de cet indicateur. Les chiffres concernant la couverture vaccinale aident à vérifi er la fi abilité des estimations démographiques : le fait que l’on constate souvent des taux de couverture largement supérieurs à 100 % conduit logiquement à s’interroger sur l’exactitude de ces estimations.

• Nombre moyen de consultations ambulatoires par habitant et par an. Certains systèmes d’information sanitaire traitent différemment les premières consultations et les visites de suivi. La décomposition de cet indicateur par type de praticien fournit des indices supplémentaires sur le niveau des soins fournis. Les résultats sont fortement infl uencés par la disponibilité des médicaments.

• Proportion d’accouchements assistés par du personnel médicalement qualifi é ou, en fonction du système d’information en place, proportion d’accouchements ayant lieu dans un établissement de santé. Si un pourcentage important d’accouchements ayant lieu « dans un établissement de santé » est assisté par du personnel non qualifi é, l’interprétation de l’indicateur est différente. Généralement, cet indicateur correspond au taux de couverture le plus faible parmi les services de base.

• Proportion des nouveaux cas de tuberculose attendus détectés et proportion de ces malades ayant suivi tout le protocole thérapeutique. Il est fréquent que le nombre de nouveaux cas attendus soit estimé à partir d’hypothèses réellement audacieuses. Avant d’interpréter cet indicateur ou de procéder à des comparaisons avec des contextes différents, il est préférable d’évaluer la manière dont le taux d’incidence a été estimé.

• Proportion des nouveaux cas attendus d’autres maladies transmissibles importantes détectés puis traités. Le taux de couverture est à interpréter différemment selon que les services de lutte contre la maladie sont intégrés dans les services médicaux généraux ou fournis par le biais de programmes spéciaux distincts.

• Des indicateurs se rapportant aux soins hospitaliers seraient extrêmement intéressants mais il est rare que l’on puisse en disposer à l’échelle nationale. Pour estimer le nombre de dossiers, mieux vaut se fonder sur les journées d’hospitalisation que sur les admissions ou les sorties. Compte tenu des fortes variations qu’ils enregistrent, il est préférable de mesurer ces indicateurs sur des périodes prolongées.

• Les taux de couverture par d’autres services de base, tels que la surveillance de la croissance et les consultations prénatales, sont généralement moins révélateurs des

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performances des services en général ; en effet, leurs niveaux souvent excessivement élevés s’expliquent la plupart du temps par des normes techniques refl étant un niveau d’exigence trop bas pour être acceptable.

Au sujet des indicateurs, voir le Module 2 et l’Annexe 2.

Le tableau ci-dessous présente un échantillon d’indicateurs relatifs à la consommation de services de santé. Ils ont été mesurés pour de nombreux secteurs de la santé en situation de crise. L’objectif est de montrer la fourchette des valeurs les plus souvent constatées dans les zones pauvres et désorganisées. Les années choisies se rapportent autant que possible à la période de crise ou la période juste après. Les nombreuses cases vides correspondent aux cas où aucune estimation fi able n’était disponible.

Consommation de services et taux de couverture dans le secteur de la santé de certains pays

Pays

Accès aux services de santé de base

Consultations ambulatoires par habitant

et par an

Enfants couverts

par le PEV

Accouchements assistés par du

personnel qualifi éAnnée

Afghanistan 35% 19% 2006

Angola 24 % 0,3 17 % 1998

Bande de Gaza et Cisjordanie 94 % >95 % 2008

Cambodge 33 % 39 % 34 % 1998

Congo (République démocratique)

0,2 31 % 74 % 2007

Kosovo 72 % 1999

Libéria 39 % 46 % 2007

Mozambique 30 % 0,4 45 % 26 % 1993

Ouganda 57 % 0,7 84 % 20 % 2003

Soudan 40-60 % 0,8 27 % 2001

Note 1 : pour l’Afghanistan, le Mozambique et l’Ouganda, la couverture par le vaccin DTC3 est utilisé comme indicateur indirect de la proportion d’enfants entièrement vaccinés.

Note 2 : s’agissant de la République démocratique du Congo, les chiffres indiqués pour les accouche-ments assistés par du personnel qualifi é proviennent de l’enquête démographique et sanitaire 2007. Bien que cette source soit globalement sûre, les chiffres semblent trop élevés pour être fi ables.

Utilisation des services proposés dans les établissements de soins

L’utilisation des services de santé disponibles est inégale. Les hôpitaux tertiaires dans des zones sûres densément peuplées et n’ayant pas des capacités suffi santes de fi ltrage des premiers contacts dans leurs environs tendent à être sursollicités par des patients atteints de pathologies communes et se présentant spontanément, sans prescription médicale. À l’inverse, nombre d’établissements de soins primaires situés en périphérie sont sous-utilisés en raison de la médiocrité des services proposés, des diffi cultés d’accès et de la concurrence exercée par d’autres prestataires de soins (parfois soutenus par des ONG ou des organismes caritatifs). La participation fi nancière des patients a été identifi ée comme l’une des principales causes de la faible utilisation des services de santé. La facturation informelle des soins par des agents de santé a également un effet dissuasif sur la consommation de services.

Il est souvent diffi cile de disposer de données fi ables et complètes sur le volume de soins fournis. Les chiffres nationaux peuvent induire en erreur car le phénomène de sous-déclaration est important. Pour y remédier, un échantillon d’établissements dont les déclarations sont réputées fi ables peut être utilisé pour calculer le rapport moyen personnel/patient. Dans de nombreux cas, les ONG fournissent les données se rapportant aux établissements qu’elles soutiennent. Si l’on se sert de ces chiffres, il faut les interpréter avec prudence. Au sujet des problèmes de données les plus courants et des moyens d’y remédier, voir le Module 2.

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Les chiffres concernant la charge des services varient de manière spectaculaire et aléatoire selon les périodes, en fonction de l’évolution de la sécurité, des approvisionnements et des effectifs. Les évaluations trop ponctuelles peuvent être trompeuses. Quand elles existent, les séries chronologiques fournissent des indications importantes sur la direction prise par les services. Toutefois, en raison de la non-déclaration d’un grand nombre de données, un travail considérable de nettoyage et de correction des données est nécessaire pour construire des séries chronologiques. Les modifi cations des fl ux d’informations et les erreurs de données sont trop souvent prises à tort pour des variations du volume d’activité des services.

Les charges de travail moyennes pour les principales catégories d’établissements ou les grandes catégories de services (hospitalisations, soins ambulatoires, interventions chirurgicales majeures, etc.) sont des données utiles pour évaluer la consommation des services disponibles. Comme chaque catégorie d’établissements englobe à la fois des unités de soins trop et trop peu utilisées, les chiffres moyens seraient à compléter avec les chiffres les plus élevés et les plus bas.

Le taux d’utilisation des services peut atteindre des niveaux très élevés parmi les personnes déplacées, généralement en mauvaise santé. L’accès aux centres de soins, souvent facilité ou instauré par des organismes de secours humanitaires, encourage la consommation. Pour les populations déplacées, le chiffre de quatre consultations ambulatoires par habitant et par an est considéré comme un chiffre standard (Projet Sphère, 2004), alors que la moyenne nationale est souvent inférieure à un. Ces derniers chiffres incluent rarement les services proposés aux réfugiés et aux personnes déplacées dans leur propre pays.

Les secteurs de la santé hypertrophiés tendent plus que les autres à dilapider leurs ressources limitées dans des établissements sous-utilisés où la qualité des soins ne satisfait pas à des normes acceptables, ce qui crée une spirale descendante en termes d’effi cience et d’effi cacité. Quand le pouvoir politique est contesté, les autorités peuvent attacher une importance particulière à ces établissements en décrépitude, davantage destinés à signaler la présence gouvernementale qu’à dispenser des soins.

Il n’est pas rare de constater des charges de travail excessives dans certains établissements privilégiés en termes de localisation, d’actifs ou de moyens. Les surcharges peuvent être transitoires, liées à la présence de personnes déplacées ou de praticiens renommés. En outre, en temps de guerre, l’offre de services particulièrement appréciés par les patients, quels que soient leur valeur objective et la praticité dans un établissement donné, peut ponctuellement doper la consommation. Ainsi, les hôpitaux soutenus par des associations caritatives peuvent voir augmenter le chiffre des hospitalisations pour la tuberculose quand ils proposent des repas gratuits.

En raison de la diminution du réseau de soins périphérique, de problèmes de sécurité ou de leur mobilité limitée, certains patients peuvent effectuer des séjours prolongés dans un établissement de santé ou à sa proximité. Les hospitalisations ont de plus en plus la préférence, davantage pour des raisons de commodité que des raisons techniques. Le fait même que des lits soient disponibles induit des admissions, dont certaines ne sont pas strictement nécessaires. Dans les hôpitaux de mission, le nombre des hospitalisations tend à être plus élevé qu’ailleurs.

Les épidémies qui, souvent, frappent les populations exposées à des violences tendent à absorber l’essentiel des capacités hospitalières. Les victimes de famines sont souvent hospitalisées lorsque les autres modes de prise en charge ne sont pas ou plus disponibles. Les services en charge des maladies chroniques, qui, en principe, peuvent être gérées en ambulatoire, sont de plus en plus utilisés et doivent souvent être agrandis. Les populations en mouvement qui trouvent des hôpitaux sur leur route peuvent temporairement venir les surcharger.

Si ces facteurs sont insuffi samment pris en compte, l’augmentation de la charge de travail en milieu hospitalier peut inciter à réinvestir dans des infrastructures lourdes, au risque d’entraîner ensuite des surcapacités. Le fait de disposer de fi nancements extérieurs grâce à la crise exacerbe cette tendance. Avant d’investir, il faut soigneusement étudier la population d’usagers et les pathologies qui seront prises en charge par les établissements.

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Si ces informations sont rarement disponibles à l’échelon central, où sont prises la majorité des décisions d’investissement relatives au secteur hospitalier, elles le sont généralement au niveau des établissements.

Évaluer l’effi cacité et l’effi cience des prestations de services de santé

De nombreux indicateurs fournissent des éléments permettant d’évaluer l’effi cacité et l’effi cience des prestations. À propos de certains des indicateurs les plus utiles et de leurs limites, voir l’Annexe 2. Pour les défi nitions associées au terme « effi cience », voir le glossaire du Module 14. Ressources.

Les niveaux globaux d’effi cacité et d’effi cience doivent être évalués en passant en revue le plus grand nombre possible d’indicateurs pertinents. Quand la situation est instable, il est rare de pouvoir mesurer directement l’effi cacité et l’effi cience ; il faut alors rassembler divers éléments d’information, parfois de nature qualitative. Certains des éléments examinés constituent des indices indirects de l’effi cacité et de l’effi cience. La majorité d’entre eux ont trait à la fois à l’effi cacité et à l’effi cience.

L’étude des niveaux d’effi cacité et d’effi cience peut donner des résultats très contrastés. L’effi cience est susceptible d’être globalement médiocre quoiqu’inégale. Les coûts de prestation augmentent car l’impératif de réaction à la crise et la générosité des fi nancements offerts, de même que la modestie des exigences comptables, rendent les gestionnaires moins sensibles à la question de l’effi cience. Les normes opérationnelles sont fi xées à des niveaux qui ne sont tenables que sur de courtes périodes et avec le soutien d’organismes extérieurs puissants. L’initiative autochtone est étouffée par la mise à disposition de ressources très majoritairement étrangères. Le confl it en cours contribue à justifi er des décisions ineffi cientes qui, en temps normal, paraîtraient inacceptables.

Dans cet environnement critique, certains organismes, établissements ou programmes sont capables de fournir des services de manière effi cace. Leurs bons résultats peuvent être reconnus et jugés transposables à une plus grande échelle ou dans un domaine connexe. Il est rare que ces modèles performants survivent à leur expansion ou puissent être reproduits dans un autre cadre alors que les conditions initiales ayant permis leur succès ne sont pas réunies. En raison des restrictions de ressources, il n’est pas possible d’augmenter indéfi niment à la fois l’effi cacité et les taux de couverture : au-delà d’un certain seuil, les progrès ne sont possibles que sur un seul plan, au détriment de l’autre.

Les coûts très élevés qu’il faut engager pour obtenir de bons résultats dans des environnements diffi ciles peuvent demeurer partiellement ignorés car ils ne fi gurent pas en totalité dans les budgets ou sont engagés loin du lieu de prestation des services. Les contributions volontaires ou les dons sont rarement enregistrés car ils sont faits « à titre gracieux ». Ils peuvent induire des coûts d’opportunité considérables qui, une fois correctement calculés, jettent un éclairage différent sur des résultats jugés satisfaisants. Lorsque l’on compare des performances, le risque d’omettre des coûts cachés existe toujours.

Aspects signalant une prestation ineffi cace des services :

• Absence de direction politique accompagnée d’une prolifération des priorités, des programmes et des initiatives ;

• Déséquilibres entre les différents niveaux de soins et entre les services ;

• Qualité médiocre des soins prodigués ;

• Non-observance par les prescripteurs des protocoles thérapeutiques les plus indiqués ;

• Mauvaise observance par les patients de leurs régimes thérapeutiques ;

• Multiplication des crises et des urgences donnant à penser que le système est insuffi samment équipé pour faire face aux événements (ordinaires pour la plupart mais pour certains imprévisibles) ;

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• Apparition de fl ambées de maladies malgré les mesures de lutte contre la maladie prises en amont et censées être effi caces ;

• Marchandisation des soins de santé, les décisions diagnostiques et thérapeutiques se fondant essentiellement sur le critère de l’intérêt commercial ;

• Recours à des techniques inappropriées ou erronées, parfois parce que les matériels et les médicaments ont été offerts ou, pour être plus précis, ont été bradés à très bas prix, dans des situations d’urgence.

Aspects signalant une prestation ineffi ciente des services :

• Problèmes de redondances et de chevauchements des services et des fonctions ; répétition d’initiatives identiques ;

• Répartition déséquilibrée : concentration des ressources à certains niveaux de soins ou dans des services particuliers, au détriment d’autres pourtant aussi importants. Investir dans des dispositifs de soins communautaires en négligeant les services d’appui est un exemple classique de déséquilibre. Pour une autre illustration de ce problème, se reporter à l’Étude de cas no 14 ;

• Caractère ambigu des fonctions et des responsabilités, dispersées entre plusieurs organismes et organisations ;

• Disproportion entre les tâches à accomplir et les ressources allouées ;

• Erreurs d’attribution des responsabilités, les gestionnaires centraux se voyant confi er des tâches périphériques ;

• Faible utilisation des services de santé proposés. Parfois, le système se dessert lui-même, comme, par exemple, quand un mécanisme de partage des coûts est instauré dans le cadre de services d’urgence très coûteux proposés à des populations pauvres ;

• Faibles charges de travail ;

• Sous-utilisation des intrants disponibles (agents de santé inoccupés, par exemple);

• Longues durées d’hospitalisation ;

• Taux d’abandon élevés parmi les patients inscrits à un programme de soins ;

• Multiplication des protocoles et des barèmes ;

• Généralisation du gaspillage et du chapardage. Le gaspillage des intrants provenant de dons est généralement considérable, souvent parce que les intrants en question sont inappropriés, qu’ils ne correspondent pas aux besoins du moment, que les modes de prestation sont improvisés et qu’une valeur moindre est attribuée aux biens obtenus gratuitement et qui, souvent, n’avaient pas été demandés par les destinataires ;

• Profusion de matériels hors service, qui n’ont pas été réparés faute d’argent, de pièces de rechange ou de connaissances techniques suffi santes ;

• Mauvaise affectation ou utilisation des connaissances techniques, des matériels et des médicaments.

Qualité des soins

Comme les systèmes de prestation de soins sont perturbés par la crise, les niveaux de qualité baissent fortement en raison de divers facteurs qui interagissent. Il n’est pas rare de constater des taux de fréquentation très élevés dans des services au contenu technique discutable.Si les normes de qualité sont globalement médiocres, il existe des îlots d’excellence, où le niveau technique dépasse souvent les niveaux atteints en période de paix. On devine souvent les capacités et les ressources d’organismes d’aide ou d’associations caritatives derrière ces bonnes performances techniques.

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La plupart des acteurs les plus performants, par exemple des hôpitaux ou des programmes spéciaux, ont une taille ou une portée limitée, et donc une infl uence elle aussi limitée sur la situation sanitaire globale. Leur visibilité et leur prestige peuvent être tout à fait exceptionnels. Le coût fi nancier de leurs bons résultats est rarement connu, ce qui empêche d’évaluer les possibilités d’affecter différemment les ressources absorbées par ces institutions. Une fois établis, ces prestataires de soins de haute qualité sont capables de préserver leurs sources de fi nancement privilégiées et ainsi de poursuivre leurs activités, surtout s’ils sont soutenus par des organisations caritatives. Les évolutions apparues à cause du confl it se pérennisent alors.

Évaluer la qualité des soins exige d’identifi er certains critères et certaines normes pour que la qualité au sens large devienne ensuite mesurable et interprétable. Pour une étude approfondie de cet aspect complexe, voir Donabedian (2003).

L’examen de la qualité des soins requiert de prendre en compte différents éléments:

• Les aspects structurels concernent les intrants absorbés par la production des services de santé. Il s’agit notamment des conditions de travail, des qualifi cations du personnel, ainsi que des matériels et des médicaments disponibles. Les aspects structurels de la prestation des soins sont les plus faciles à étudier. Même dans les situations les plus troublées, on parvient à identifi er certains indicateurs structurels à partir des données de routine ou des rapports d’évaluation et de contrôle. Les listes de vérifi cation destinées à collecter des indicateurs de ce type abondent.

La valeur de ces indicateurs est principalement négative, c’est-à-dire que l’absence d’intrants de base suggère une qualité insuffi sante, tandis que leur existence ne garantit pas une qualité suffi sante. Dans de nombreux cas, plutôt qu’utiliser des moyennes, mieux vaut exprimer la disponibilité des intrants de base sous la forme de la proportion des lieux de prestation de soins en étant dotés. Par exemple, indiquer que 60 % des structures de soins de santé primaires (SSP) ne sont pas équipées de tensiomètres en état de marche est plus parlant que d’indiquer que la structure de SSP moyenne est équipée de 0,8 tensiomètre.

• Les aspects liés au processus concernent la façon dont les intrants disponibles sont transformés en activités de soin. Ils dépendent de toute une série de facteurs tels que les compétences des agents de santé, l’organisation du travail, les incitations ou encore l’information du public. Identifi cation correcte d’une pathologie, prescription du traitement adapté, observance des consignes par le patient, stockage approprié des médicaments et des vaccins, tous ces paramètres concourent au processus de transformation, de même que le ressenti des patients. La majorité des indicateurs de transformation sont collectés grâce à l’observation directe ou lors d’entretiens. Les systèmes d’information de routine produisent des indicateurs de transformation tels que les taux de létalité ou le taux de réussite d’un protocole thérapeutique. Compte tenu du manque de solidité des données de routine, il faut être extrêmement prudent avant de considérer comme fi able un indicateur de transformation dérivé de ces données.

• Les effets des soins de santé sont, à l’évidence, l’ultime critère de la qualité. Malheureusement, leur étude se heurte à des diffi cultés techniques importantes et revient généralement cher. De plus, leur interprétation est excessivement délicate. Les effets à long terme, en particulier, sont diffi ciles à évaluer dans les contextes instables, quand les variables ne peuvent pas ou quasiment pas être contrôlées. Dans les secteurs de la santé traversant une crise, on dispose donc de très peu de mesures relatives aux effets des soins fournis.

Il est fréquent de s’appuyer sur la seule évaluation des aspects structurels et du processus de transformation en considérant que, si tous les intrants nécessaires sont disponibles et si les méthodes de travail sont saines, les effets des soins ont des chances d’être satisfaisants. Dans un secteur de la santé perturbé, il est préférable d’opérer de multiples vérifi cations avant de souscrire sans réserve à un tel postulat. La prudence est de mise avec les programmes de lutte ciblant une seule maladie et qui, par défi nition, laissent

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de côté toute une série de facteurs de risque liés à l’environnement et aux violences. Les progrès sanitaires qui sont escomptés en réduisant la charge de morbidité et de mortalité générée par la maladie ciblée peuvent être contrebalancés par des pertes concomitantes dans d’autres domaines, pertes induites ou amplifi ées par la crise.

Modèles de prestation des soins de santé

ll faut déterminer si les modèles dominants de prestation des soins de santé sont adéquats compte tenu de la situation et des besoins sanitaires présents et futurs. Le climat politique d’un pays et les choix de développement opérés par (et quelquefois pour) ses gouvernants infl uent considérablement sur les choix qui sont faits dans le secteur de la santé.

Lorsque des changements politiques majeurs se produisent, comme la naissance d’un nouvel État ou l’effondrement d’un régime honni, les responsables de l’élaboration des politiques peuvent se sentir obligés d’instituer un modèle de prestation de soins radicalement différent du précédent. Le nouveau modèle peut être choisi sans évaluation préalable rigoureuse des problèmes du secteur et des politiques envisageables. Les mérites du modèle antérieur peuvent être minimisés, tandis que les avantages d’un changement radical peuvent être exagérés. On accorde rarement voire jamais assez d’attention aux conséquences et aux coûts qu’induit la modifi cation du modèle de fourniture des soins. Dans l’ancien bloc de l’Est, le démantèlement précipité des systèmes de soins hérités du modèle soviétique illustre ce phénomène de façon très frappante.

Le débat sur le modèle de prestations à adopter peut prendre le pas sur le travail d’identifi cation des contraintes structurelles fondamentales. Les attentes exceptionnelles suscitées par le nouveau modèle de prestation peuvent retarder la suppression des distorsions profondes qui affectent le système, une tâche pourtant essentielle pour que le modèle de prestation soit à la hauteur de ce qu’il promet. Croyant à l’existence une solution miracle, les responsables des politiques peuvent espérer que tous les problèmes seront résolus par l’adoption d’une seule mesure. En Afghanistan, en 2002, le débat politique s’est polarisé sur l’instauration de clauses de sous-traitance (voir l’Annexe 7), une approche séduisante dans un secteur de la santé dominé par les ONG. Les distorsions structurelles du secteur (réseau de soins délabré comprenant une composante hospitalière importante, structure déséquilibrée des effectifs, poids et absence de réglementation du sous-secteur privé à but lucratif, etc.) ont été minorées, les décideurs escomptant implicitement qu’elles disparaîtraient d’elles-mêmes ou que le nouveau modèle de prestation les corrigerait de manière indirecte.

Le tableau ci-dessous récapitule la plupart des modèles qu’un décideur peut envisager. Dans la réalité, les possibilités qui s’offrent vraiment sont moins nombreuses. Le fait est que les options litigieuses sont rarement retenues par les responsables politiques dont la situation est précaire. Les programmes d’action internationaux tendent à éclipser les solutions locales aux yeux des donateurs. Des groupes d’intérêt puissants peuvent empêcher l’introduction des approches nouvelles et les modèles de prestation peu familiers peuvent ne pas attirer l’attention des décideurs. Par conséquent, les changements peuvent n’avoir lieu qu’à la marge.

Le modèle de prestation en vigueur est fréquemment le produit de déterminants politiques, militaires et logistiques qui, de fait, éliminent toute autre option. Au Sud-Soudan, le blocage prolongé de la situation politique et militaire a coupé les établissements de soins tertiaires des villes de garnison (administrées par le pouvoir central) du réseau de soins rural, situé dans des zones contrôlées par les rebelles. Dans ces zones, les services de santé étaient assurés par des établissements de petite taille, mal équipés sur le plan technique, gérés par des ONG et des organisations caritatives et fi nancés par l’aide internationale. De nombreux prestataires ont eu recours à la facturation des soins aux patients pour compléter l’aide extérieure. Le problème des coûts élevés de la sécurité et de la logistique était accentué par la dispersion des activités entre de très nombreux acteurs, ce qui bloquait l’évolution et l’essor des services de santé. L’issue politique incertaine du confl it a découragé tout investissement d’envergure. Durant ce long confl it, les services de santé en milieu rural sont

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restés rudimentaires sur le plan technique et ne couvraient qu’une partie de la population, avec une capacité d’orientation des malades dérisoire. Ce modèle a été retenu par défaut, en l’absence d’autres solutions réalistes.

Dans bien des situations, certains des éléments décrits ci-dessus coexistent et se combinent de diverses manières, avec à chaque fois un poids et une infl uence différents sur le secteur de la santé concerné. Les situations hybrides, ambiguës, de transition sont monnaie courante. Il est fréquent que les décideurs sous pression ne sachent guère quelle voie choisir. Les accords politiques aboutissant à des gouvernements de cohabitation peu solides tendent à empêcher l’instauration de nouveaux modèles de prestation des soins.

Différents modèles de prestation de soins méritant d’être étudiés

Dimension Options possibles Commentaires

Financement

Public : impôt et recettes douanières

Il s’agit du modèle dominant (au moins pour ce qui est des aspirations) dans la plupart des ex-colonies. Son objectif de couverture universelle gratuite ne s’est matérialisé que dans un petit nombre de secteurs de la santé relativement riches et bien gérés.

Public : aide internationale

Modèle dominant choisi dans de nombreux pays en transition. Des considérations politiques et la couverture médiatique peuvent provoquer des apports de fonds soudains et abondants, ce qui entraîne des gaspillages, comme au Kosovo et au Timor-Leste. Les instruments de gestion de l’aide mis en place pour acheminer les fi nancements étrangers infl uent sur leur effi cacité.

Public/privé : cotisations obligatoires au régime d’assurance maladie

Private contributions are often complemented by public subsidies or employer payments. Demanding fairly sophisticated management systems, this is mainly adopted in middle-income countries.

Privé : concours volontaires en provenance de pays riches ou de la diaspora, motivations caritatives ou religieuses ou volonté de solidarité

Les fi nancements sont acheminés via des ONG, des missions et des groupes de soutien internationaux. En raison de la dispersion des sources de fi nancement, il est diffi cile de suivre les fl ux, qui sont généralement sous-estimés.

Privé : cotisations d’assurance volontaires ou paiements directs des patients

Formule appliquée par défaut dans de nombreux pays parce que le secteur public, en déclin, ne parvient plus à jouer son rôle. Type de fi nancement reconnu généralement avec réticence et sous-estimé dans les statistiques offi cielles. La qualité des soins de santé marchandisés est parfois catastrophique.

Privé : fonds provenant des régimes communautaires par prépaiement

Formule donnant souvent de bons résultats quand elle est appliquée à petite échelle et soutenue par des subventions (explicites ou non). Transposer des pilotes prometteurs à plus grande échelle pour couvrir des populations plus nombreuses est généralement diffi cile.

Prestation

Système public, via un service national de santé, généralement intégré à la fonction publique

Très fortement critiqué dans les années 1990 pour son ineffi cience et son ineffi cacité. Il résiste mieux qu'on ne s'y attendait après plus d’une décennie de réforme du secteur de la santé. Le modèle conserve son attractivité grâce à sa simplicité, sa prévisibilité et son équité. Aux yeux de nombreux cadres de santé de pays en développement, il demeure le modèle de prestation de référence, à réintroduire aussi vite que possible à l’issue d’une crise.

Prestataires publics autonomes, appartenant souvent à l’administration mais parfois séparés de la fonction publique

Lié aux réformes de décentralisation. Pour fonctionner, ce système exige un cadre solide sur le plan tant politique, qu’administratif et réglementaire. Dans les États déliquescents, des initiatives locales peuvent empêcher l’effondrement du système de prestation de soins de base. Peut être soutenu par des programmes de dons généreux.

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Prestataires privés sans but lucratif, fi nancés par des organismes donateurs via des aides non remboursables.

Le dispositif standard depuis des décennies, à la base du fonctionnement du secteur de l’aide internationale. Modèle de prestation dominant dans les États faillis.

Programmes (publics) verticaux conçus pour lutter contre des maladies spécifi ques ou ciblant des groupes particuliers

Principalement fi nancés par l’aide et cogérés par des responsables internationaux et nationaux. Les services bénéfi ciant de cette aide sont fournis par des prestataires publics et privés, et font éventuellement l’objet d’une contractualisation en règle. Quand les crises se prolongent, ces programmes se développent naturellement grâce aux ressources mises à disposition et à la marge de manœuvre opérationnelle dont ils bénéfi cient.

Prestataires privés sous contrat avec des organismes de fi nancement publics (généralement des organismes donateurs), sous la surveillance de l’État bénéfi ciaire

Dans les pays pauvres, ce sont essentiellement des œuvres caritatives et des ONG. Une émanation des réformes inspirées du concept de « nouvelle gestion publique ». Malgré l’attrait conceptuel évident de cette approche, les résultats qu’elle a produits sont mitigés. Des expériences pilotes menées au Cambodge ont donné des résultats prometteurs. Elle a été introduite à grande échelle en Afghanistan. Pour un bref examen de l’approche contractuelle et une liste de références essentielles s’y rapportant, voir l’Annexe 7.

Prestataires privés payés par les employeurs ou les clients

Système généralement peu réglementé, concentré surtout dans les grandes villes. Les principaux contributeurs peuvent être des entreprises privées ou parapubliques.

Niveau et localisation

des prestations

Hôpitaux mettant essentiellement en œuvre des techniques de pointe, des traitements nécessitant une hospitalisation et parfois des services d’orientation des patients

C’est souvent le modèle dominant même quand son introduction n'a pas été planifi ée ; généralement renforcé quand la crise se prolonge. En zone urbaine, il s’agit essentiellement d’hôpitaux publics ou de structures à but lucratif s’appuyant largement sur la participation fi nancière des usagers. En zone rurale, de grands établissements sans but lucratif mais disposant de techniques relativement avancées sont parfois gérés par des organismes caritatifs, des missions et des ONG.

Prestataires de SSP offrant essentiellement des soins ambulatoires, ne disposant pas de techniques de pointe mais dont les services sont théoriquement très effi caces

Un modèle intéressant mais dont l’implantation et l’essor sont plus compliqués que prévu.

Les cadres de santé axés sur les SSP ont été formés dans certaines disciplines médicales. Pour le reste, les SSP sont dispensés principalement par des médecins et des infi rmiers hospitaliers.

Quartier / domicile, soins de proximité fournis par des professionnels (axés sur les SSP ou non)

Les soins à domicile sont souvent fournis dans un cadre privé et informel par des professionnels de santé privés appartenant offi ciellement au secteur public.

Quartier/domicile, soins de proximité fournis par des agents de santé communautaires ou des membres de la communauté

Extrêmement populaire dans les années 1980 mais progressivement tombé en disgrâce, quand sont apparues les limites inhérentes au modèle. Favorisée par les ONG sur la base de projets pilotes, la réapparition de protocoles de soins à domicile pour certaines maladies (paludisme, diarrhées et infections respiratoires aiguës – IRA) semble encourageante mais il n’existe encore aucun élément probant d’une transposition réussie à une plus grande échelle.

Mobile (la plupart du temps, fourniture de certains services seulement)

Généralement très coûteux, notamment en effectifs et en équipements. Pour les groupes de population peu denses ou nomades, cela peut être l'unique option envisageable.

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Entendue des soins

Modèle englobant la plupart des pathologies (dans la limite des solutions techniques possibles)

Comprend généralement des programmes spéciaux, souvent sans lien avec les services généraux. Il s’agit fréquemment d’un modèle théorique, qui n’est que rarement mis en œuvre.

Programme sélectif d’interventions prioritaires (lutte contre une maladie, programmes ciblant des groupes en particulier, etc.)

Généralement fi nancé par des donateurs. Malgré l’engouement que ce modèle suscite chez des institutions internationales infl uentes, il n'est que rarement, voire jamais, appliqué in extenso. La fi xation des priorités répond plus souvent à des motivations politiques que techniques. Ce modèle de prestation peut être effi cace, mais il est rarement rentable ou équitable. Dans les secteurs de la santé faisant face à une pénurie de ressources, il peut être l’unique option envisageable.

Services d’urgence ; modèle ciblant les populations en très grande diffi culté

Dans le cadre de ce modèle fi nancé par des donateurs et des organismes caritatifs internationaux et des dons privés, les soins sont principalement dispensés par des ONG, dont certaines sont extrêmement spécialisées. Le modèle a progressivement évolué, établissant ses propres méthodes et normes techniques.

Soins essentiellement curatifs ; absence de planifi cation, évolution en fonction de la demande

Ce modèle tend à se traduire par des services utilisant des techniques de pointe en milieu hospitalier. Principaux utilisateurs : les populations urbaines aisées. Cette formule débouche généralement sur une fl ambée des coûts et des résultats médiocres et inéquitables en termes de santé publique.

Réglementa-tion

Dans la plupart des cas, domaine réservé du secteur public

Dans la pratique, c’est une piste négligée par de nombreux ministères de la Santé. Le fait que le secteur public soit en concurrence avec des prestataires privés pour le partage des ressources et des clients est source de confl its d’intérêt.

Un organe autonome reconnu par toutes les parties prenantes réglemente le secteur de la santé.

Plus souvent, la réglementation s’applique à certaines composantes du secteur en particulier (professions de santé, marché du médicament, etc.)

Indirecte, via des dispositions réglementaires en vigueur à l’étranger.

Par exemple, certifi cation des professionnels de santé ou contrôles de qualité que les médicaments doivent subir pour être vendus par des entreprises opérant dans des juridictions bien réglementées (UE, etc.).

Note : les différentes options ne s’excluent pas mutuellement et sont souvent adoptées simultanément.

Paquets de soins de santé essentiels

Des paquets de services de soins essentiels (ou de base) ont été mis au point dans plusieurs secteurs de la santé et ce pour diverses raisons, pas nécessairement explicites. Le programme de services inspiré du concept de SSP et défendu à la conférence d’Alma-Ata mettait l’accent sur la justice sociale et la responsabilisation. Simultanément, des paquets privilégiant l’effi cience, peu coûteux et peu ambitieux ont été préconisés par des organismes d’aide extrêmement infl uents. Le concept de paquets de services est séduisant car il promet une fi xation des priorités explicite, factuelle et rationnelle. La démarche objective qui sous-tend le processus d’élaboration des programmes par leurs partisans laisse espérer que l’on obtiendra des résultats indiscutables. Néanmoins, comme l’a démontré Tarimo de manière convaincante (1997), le concept de paquets de services tend à entraîner des erreurs d’interprétation et des abus.

En raison de la fragmentation que l’on observe dans les secteurs de la santé en crise, de nombreux acteurs peuvent être tentés par l’idée de paquets standard. En 2003, de nombreuses parties prenantes et observateurs du secteur de la santé afghan l’ont saluée comme une évolution décisive. C’est pourquoi la formulation d’un programme de services est une des propositions les plus fréquemment avancées au début d’un processus de relèvement. Avant de s’engager dans cette voie, les décideurs auraient avantage à s’appuyer sur l’expérience acquise en la matière.

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• Comme dans les autres domaines de la planifi cation de la santé, défi nir un paquet de services essentiels est un exercice subjectif, même lorsqu’il affi che une objectivité apparente. En l’occurrence, la négociation joue un rôle crucial. Les parties prenantes qui participent à l’exercice exercent une infl uence décisive sur son issue.

• Les paquets qui sont fi nalement retenus au terme d’un travail de formulation mobilisant beaucoup de temps et d’énergie sont souvent des versions peu innovantes du paquet standard de services de SSP. Même les composantes dont l’effi cacité est discutable, comme les soins prénatals, la surveillance de la croissance, les accoucheuses traditionnelles et les agents communautaires de santé, tendent à être conservées (au moins sur le papier) au lieu d’être supprimées.

• La formulation de paquets de base peut induire des coûts d’opportunité importants, en particulier dans les périodes de transition (après-guerre), lorsque des priorités urgentes se disputent l’attention des responsables politiques et que les capacités techniques existantes sont sursollicitées.

• La décision d’engager un exercice de formulation de paquets peut relever d’une tactique de temporisation plutôt que d’une volonté de fi xer les priorités. En outre, elle peut contribuer à masquer (plutôt qu’à mettre en lumière) la paralysie du système due à l’insuffi sance des ressources.

• Les paquets peuvent inclure tous les services de base considérés comme souhaitables par les professionnels de santé mais sans qu’il soit tenu suffi samment compte de ce qui est abordable par rapport aux moyens existants et prévisibles. Les paquets qui n’ont pas de coût défi ni n’ont aucune signifi cation, mais ceux dont les coûts sont sous-estimés de manière optimiste sont trompeurs. L’une des règles empiriques à retenir est que, dans la pratique, la fourniture des prestations du paquet tend à coûter plus que ce qui était prévu. Les raisons de cette sous-estimation chronique des coûts réels sont moins souvent liées à des erreurs techniques qu’à des considérations politiques.

• Il est, au mieux, exceptionnel que les paquets de soins de base soient intégralement mis en pratique. Les pressions exercées par les patients contraignent les professionnels de santé à traiter des pathologies normalement non intégrées au paquet. Les professionnels eux-mêmes ont tendance à privilégier les pathologies complexes et les traitements sophistiqués, sans se soucier de la réelle importance quantitative des premières et de l’effi cacité des seconds. En outre, la prise en compte insuffi sante des problèmes de capacités au moment de l’élaboration des paquets compromet leur mise en pratique.

• Il est fréquent que l’exercice de formulation d’un paquet de services ne tienne pas compte de la diversité des contextes observables sur le territoire d’un même pays, en particulier quand il est vaste. Le paquet qui est fi nalement retenu peut n’être adapté qu’à un sous-ensemble de situations. Au sein d’un même pays, la typologie des maladies peut varier à tel point d’une région à l’autre qu’il peut sembler nécessaire de défi nir plusieurs paquets. En principe, dans des zones comme le Sud-Soudan, trois programmes de services de soins seraient nécessaires : un paquet pour les bassins fortement peuplés, un autre pour les zones à faible densité de population et un dernier pour les populations nomades. À ces trois paquets peut éventuellement s’ajouter un quatrième, spécifi quement destiné aux rapatriés. Selon le type de situation, les mêmes services de base ont un coût qui peut sensiblement varier. Autrement dit, à fi nancement égal, il faut s’attendre à des paquets de contenu très différent.

• L’exercice de formulation d’un paquet n’a que rarement, voire jamais, le poids politique requis pour remettre en question des programmes verticaux bien établis. Les services fournis dans le cadre de ces programmes verticaux sont donc intégrés au programme de soins de base, quel que soit leur intérêt objectif, tandis que les dispositions relatives à la gestion des programmes verticaux demeurent la plupart du temps distinctes de celles des services standard. Le paquet de soins essentiels censément intégré peut être en réalité un assemblage disparate de fi lières de production de soins, aucun acteur n’étant véritablement responsable de l’ensemble des prestations.

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• La principale diffi culté à laquelle se heurtent les gestionnaires du secteur de la santé n’est pas de sélectionner les services à fournir mais plutôt de trouver les moyens d’assurer la prestation effective d’un ensemble prédéfi ni de services dans la limite étroite des capacités et des ressources disponibles. La capacité à résoudre les problèmes a des chances de se révéler plus utile que l’établissement de plans détaillés de prestations des services de santé aux différents niveaux de soins. C’est plus crucial encore dans les contextes instables, où les gestionnaires de santé ne maîtrisent pas parfaitement les informations, les événements et les ressources.

• La plupart des paquets de services existants n’intègrent pas la totalité des nombreux paramètres fi nanciers et techniques qu’implique la prise en charge, sur de multiples sites, de populations, de plus en plus nombreuses, malades du sida. Sans même parler d’inclure les thérapies antirétrovirales hautement actives (TAHA), le simple fait d’améliorer les services de base pour leur permettre de faire face au nombre croissant de pathologies liées au sida nécessite d’investir massivement dans des structures, des personnels, des équipements, des stocks de médicaments et des systèmes de gestion, ce qui va de pair avec une montée en fl èche des dépenses récurrents. À l’heure actuelle, il est hors de question de fournir à moindres frais des SSP dans un pays ravagé par le VIH/sida. Au lieu d’identifi er les conséquences de l’épidémie sur les services de base standard et de les reformuler en conséquence, la réponse la plus fréquente consiste à introduire des programmes spéciaux, mis en œuvre par des agences et des ONG spécialisées. Les résultats prévisibles de cette façon de procéder sont des coûts de prestation élevés et une nouvelle détérioration des services de base standard déjà confrontés à des ressources et des capacités très insuffi sants.

Compte tenu des problèmes susmentionnés, les efforts déployés pour concevoir des paquets ayant véritablement des chances de réussir devraient essentiellement viser à créer des conditions favorables à la prestation de services essentiels équitables, normalisés et d’un niveau de qualité acceptable. Parmi les conditions structurelles favorables fi gurent la formation technique et managériale appropriée des candidats à la prestation des services essentiels, la mise à disposition de ressources suffi santes, des décisions cohérentes d’affectation des ressources, des outils professionnels fi ables pour les différents services (information, protocoles pertinents, objectifs réalistes, mécanismes de surveillance opérationnels) et des incitations effi caces.

Quand la majorité des conditions favorables ne sont pas réunies (ce qui est généralement le cas), les bénéfi ces associés à la formulation de paquets de services peuvent ne pas être proportionnels aux investissements très importants nécessités par le travail qu’elle nécessite. Souvent, l’une des solutions de repli raisonnables consiste à défi nir rapidement et à moindres frais des programmes provisoires, en s’appuyant sur l’avis d’experts et sur ce qui se fait déjà sur le terrain.

Modèles de prescription

Les modèles de prescription ont été étudiés dans divers environnements. L’expérience acquise au fi l du temps a débouché sur une méthodologie d’évaluation standard, reconnue et appliquée partout dans le monde (Organisation mondiale de la Santé, 1993). Le tableau ci-dessous présente quelques-uns des indicateurs collectés dans les secteurs de la santé en situation critique.

Quelques aspects de la qualité des prescriptions dans une sélection de pays en crise

Pays AnnéeNombre moyen de médicaments par ordonnance

% d’ordonnances prescrivant des antibiotiques

Cisjordanie et Bande de Gaza 1997 1,8-3,1 35-54 %

Érythrée 1999 1,8 44 %

Mozambique 1993 2,4 52 %

Ouganda 1993 1,9 56 %

Somalie 2001 2,3 66 %

Soudan 1993 1,4 63 %

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Les types de prescriptions dépendent des qualifi cations professionnelles des prescripteurs, de la qualité de leur formation, des activités de formation en cours d’emploi et de contrôle, des traditions établies, des incitations du marché, des préférences des patients, de la réglementation, des diffi cultés d’approvisionnement en médicaments et de l’existence éventuelle de protocoles thérapeutiques.

Quand une crise se prolonge, ces paramètres évoluent, mais pas tous dans le même sens ni de manière uniforme. On observe couramment un ensemble disparate de phénomènes. La diminution du nombre de points de vente en dehors des grandes villes peut conduire à une moindre disponibilité des médicaments non nécessaires. Leur remplacement par des kits standard induit un certain rationnement. Il s’ensuit une baisse du mésusage des antibiotiques et des médicaments injectables qui, bien que perçue de manière négative par les prescripteurs et les patients, représente un progrès tangible. Dans le même temps, la marchandisation des soins de santé encourage la prescription de médicaments inutiles, voire dangereux. Dans un contexte d’assouplissement des normes, les services de santé fi nancés ou directement fournis par des ONG compétentes peuvent être améliorés grâce à la formation en cours d’emploi et à des mesures concernant l’approvisionnement et la supervision, ce qui se traduit par de meilleures pratiques de prescription. Cependant, si elles ne sont liées qu’à des ressources externes, à des questions de capacité et à des pressions exercées, ces améliorations risquent de n’être que de courte durée.

Des protocoles thérapeutiques standard peuvent avoir été formulés et s’être inscrits dans la pratique quotidienne avant la crise. Quand c’est le cas, certaines ONG arrivées sur le terrain peuvent les adopter. Attachés à leurs propres normes internationales, d’autres prestataires de services de santé préfèrent ignorer ces protocoles nationaux.

Rares sont les secteurs de la santé en situation diffi cile qui, en pleine crise, ont investi dans la formulation de protocoles thérapeutiques standard ou dans l’actualisation de protocoles existants. De précieuses occasions de diffuser les bonnes pratiques professionnelles sont ainsi perdues. C’est donc aux programmes de lutte contre la maladie et aux organismes internationaux qu’il incombe de pallier ce manque. Comme ces acteurs sont peu susceptibles de parvenir à un certain degré de consensus, les protocoles se multiplient.

Les divergences sont fréquentes entre, d’une part, les responsables gouvernementaux qui vantent les mérites des protocoles existants alors qu’ils ne sont pas opérationnels et, d’autre part, les dirigeants d’ONG qui en minimisent l’intérêt sans même les avoir examinés. Les cadres de santé de plus haut niveau ont tendance à négliger des protocoles perçus comme des obstacles à leur pratique professionnelle. Dans ces discussions futiles, les véritables utilisateurs des protocoles thérapeutiques, à savoir les prestataires de soins situés en première ligne, courent le risque de n’être pas entendus.

Programmes verticaux

Favorisés par les approches centrées sur les résultats qui ont dominé le secteur de l’aide et celui de la santé publique dans les années 1980 et 1990, les programmes verticaux sont devenus des réseaux mondiaux, avec des buts, des modèles de prestation, des habitudes de travail et des perspectives de carrière identiques. Les milieux politiques, les organismes bailleurs de fonds, les lobbyistes, les journalistes, les professionnels et les agents de terrain participent à ces initiatives d’envergure mondiale. Les programmes verticaux possèdent de nombreuses caractéristiques contribuant à leur permettre de s’adapter à des crises prolongées.

Le fait d’avoir un accès privilégié à des ressources et des capacités internationales protège les programmes verticaux de certains des facteurs de tension observés dans les services généraux. Leur contenu technique et leur « neutralité », ainsi que leurs liens relativement ténus avec des États contestés les aident à opérer de part et d’autre des lignes de front et à passer des accords avec des parties adverses. Lorsqu’une crise éclate, ils sont capables de mobiliser et de déployer rapidement des ressources et des compétences. Se conformant à des règles standard et assurant des programmes de services comparables, ils sont souvent en mesure de surmonter les obstacles liés aux capacités locales.

Ces atouts expliquent leur tendance à prospérer dans des environnements désorganisés et, dans certains cas, à assumer un travail colossal. Par contraste, quand les systèmes standard

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sont en pleine déroute, les programmes verticaux exercent sur les organismes bailleurs de fonds un attrait accru. Ces programmes voient alors leur nombre augmenter et leur champ d’application s’étendre à tel point qu’ils deviennent parfois le modèle standard de prestation.

Il est diffi cile d’étudier les programmes verticaux comme s’il s’agissait d’un ensemble coordonné de prestataires de services de santé. On trouve de très nombreuses évaluations portant sur tel ou tel programme mais les analyses comparées de leurs mérites sont rares. Plus rares encore sont les études consacrées aux interactions de ces programmes avec les services de santé standard. Une culture du repli sur soi, les problèmes liés à la levée de fonds, l’obligation de rendre des comptes aux bailleurs (souvent éloignés), un désintérêt pour les événements n’étant pas directement liés aux objectifs du programme et l’absence effective de liens avec les systèmes de management généraux font partie des facteurs qui contribuent au cloisonnement entre programmes verticaux et services de santé ordinaires. Le fait que les modèles de programmation et de compte rendu diffèrent également entre eux est un obstacle de plus à une étude exhaustive de ces instruments de fourniture de soins.

Comme leurs coûts fi nanciers et d’opportunité sont rarement connus, en tout cas à une échelle nationale, il n’est pas question de comparer leurs mérites respectifs. Les programmes verticaux peuvent adapter leurs méthodes opérationnelles aux contextes violents et instables, mais leurs buts, leurs pratiques de programmation et leurs méthodes de gestion ressemblent de façon saisissante à ceux de leurs homologues intervenant dans des contextes plus faciles.

Tous les programmes verticaux ont des points communs, que ce soit au niveau de leur conception (lignes de commandement et méthodes de programmation), de leurs systèmes d’approvisionnement et de distribution, de la formation sur le terrain et parfois en amont, de la gestion du personnel ou encore des incitations et des outils de surveillance. Certaines de leurs composantes, comme les systèmes ou procédures d’approvisionnement, peuvent être placées sous la responsabilité d’organisations internationales.

Les programmes verticaux ne constituent pas une catégorie homogène. Tout en ayant bien des approches conceptuelles et des modèles d’organisation en commun, leurs structures respectives sont très diverses. À côté des organisations phares possédant des ramifi cations dans le monde entier et capables de s’imposer sur les terrains les plus diffi ciles, on trouve généralement de nombreuses coquilles vides. Créées par des organismes internationaux ou des ministères de la Santé dans l’espoir de drainer des fonds supplémentaires mais n’y parvenant pas, elles peuvent être incapables de fournir un travail utile, si l’on excepte l’organisation ponctuelle d’un atelier ou la publication d’un communiqué de presse.

Certains des atouts de ces programmes sont aussi leurs carences. La capacité à surmonter les obstacles locaux les conduit à accorder très peu d’attention au contexte local et à mal s’y adapter. La poursuite d’objectifs de portée mondiale devient une quête du Graal, qui doit continuer en tout lieu, même là où elle est manifestement déplacée. On observe fréquemment une absence d’intérêt pour tous les modes de prestation des services autres que ceux du modèle du programme. Les crédits liés dissuadent toute programmation conjointe et excluent la redistribution des ressources disponibles dans le système de santé. Le contrôle exercé sur les agents du programme (même ceux qui fi gurent nommément sur la liste des agents publics) nuit à la productivité.

Multipliés par le nombre de programmes, les systèmes d’aide ciblés contribuent à la fragmentation et au gaspillage, ainsi qu’à l’éparpillement de ressources limitées entre un trop grand nombre d’activités « prioritaires ». L’impression très répandue que les ressources mobilisées par ces programmes viennent s’ajouter aux ressources générales décourage toute mesure corrective, voire toute critique ouverte.

Les programmes verticaux ont été critiqués pour leur ineffi cience intrinsèque, de même que pour les distorsions à long terme qu’ils introduisent dans les systèmes de santé. L’intérêt qu’ils suscitent résiste néanmoins à l’épreuve de la critique, comme en témoigne le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, qui a redonné un nouveau souffl e aux approches verticales (Segall, 2003).

Les programmes verticaux se développent en temps de guerre avant de traverser une période de transition pendant laquelle ils doivent réduire leurs opérations et renoncer à certains de

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leurs privilèges. Les donateurs commencent à envisager de fi nancer le Trésor et le ministère de la Santé et d’acheminer leurs fonds via des instruments intégrés. De leur côté, les gouvernements des pays sortant d’une crise n’ont de cesse de restreindre les ressources et la liberté d’action des programmes verticaux. Intégrer les activités de ces programmes dans le système traditionnel sans perturber la fourniture des services qu’ils assurent s’est révélé être une tâche ardue, de longue haleine et sujette à controverses.

Les programmes verticaux ne s’intègrent que diffi cilement aux débats sur la politique sectorielle, même si l’on observe depuis peu la conclusion de partenariats public-privé destinés à fi nancer des programmes sanitaires complets à l’échelle d’un pays. Clairement, la fi xation de priorités globales n’a aucune importance aux yeux des gestionnaires de programmes. À l’inverse, les autorités sanitaires sont souvent satisfaites des résultats obtenus par ces programmes et ont donc tendance à leur laisser toute latitude, estimant peut-être qu’ils sont de toute façon trop puissants pour être contrôlés. Les processus de formulation d’une stratégie de relèvement peuvent évoluer sans être enrichis d’aucun apport des prestataires les plus importants, qui vaquent tranquillement à leurs activités habituelles.

La transition de l’après-guerre peut néanmoins être l’occasion de rationaliser ce tableau très fragmentaire. Il faut identifi er des moyens réalistes d’intégrer les programmes verticaux, ce qui nécessite une analyse approfondie de leur fonctionnement interne, de manière à isoler les composantes se prêtant à une fusion précoce. Les activités d’approvisionnement et les activités fi nancières font partie des premières composantes susceptibles d’être intégrées dans les systèmes traditionnels, une fois que ces derniers ont atteint un niveau d’effi cacité acceptable.

Une autre étape importante pour combler le fossé entre les programmes verticaux et les services généraux consiste à les inclure dans un budget-programme sectoriel. Pour ce faire, il faut disposer d’informations fi nancières fi ables et les autorités doivent être capables d’exiger leur publication ; il faut aussi les compétences techniques requises pour donner du sens aux données collectées. Ces conditions ne sont généralement pas réunies au début d’un processus de relèvement mais peuvent l’être progressivement, grâce à un travail technique patient et une pression politique constante. Un profi l budgétaire détaillé peut utilement éclairer les décideurs sur le coût des programmes verticaux, permettre de comparer les coûts respectifs et évaluer les écarts éventuels avec ceux des services généraux.

La nature de certains programmes verticaux tels que les programmes pour une maternité sans risques encourage à les intégrer dans les services de santé généraux, avec à la clé d’éventuels avantages réciproques. D’autres programmes comme les programmes de pulvérisation pour la démoustication se fondent sur des approches et des techniques qui les tiennent naturellement à l’écart des autres services de santé. Aucun avantage systémique substantiel n’est à attendre de leur absorption. Toute stratégie d’intégration devrait tenir compte de cette évidence.

Fourniture de soins de santé en ville

Après des épisodes de violence prolongés, de vastes pans de la population peuvent se retrouver concentrés dans les villes épargnées par les hostilités ou à leur périphérie. Les personnes déplacées s’installent dans des camps permanents ou rejoignent les autres habitants dans des quartiers insalubres. D’immenses nouveaux quartiers voient le jour. La fourniture de soins de santé à des populations qui se déplacent pour fuir l’insécurité ou qui viennent volontairement s’installer en ville se heurte à des diffi cultés particulières mais offre aussi des possibilités intéressantes, dont il est rarement fait état.

Les services de santé urbains sont profondément affectés par ces évolutions. Le gouvernement peut concentrer l’essentiel des ressources et des capacités de l’État dans les villes qu’il contrôle. Attirées par des conditions plus favorables en termes de sécurité et sur le plan opérationnel, les organismes internationaux et les ONG peuvent y programmer des interventions complémentaires. Les projets se multiplient et les programmes verticaux concentrent leurs activités dans les zones urbaines. Les associations caritatives peuvent investir dans de nouvelles structures de soins. Les apports de fonds de la diaspora encouragent l’ouverture de lieux supplémentaires. Mais dans bien des cas, l’avantage comparatif que détiennent les

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services de santé urbains en termes de ressources ne se traduit pas par une meilleure qualité des soins en raison de l’ineffi cacité de l’allocation des ressources et des opérations.

Les incertitudes concernant l’avenir des établissements urbains dont la population croît en temps de guerre n’incitent guère à planifi er des réseaux de santé rationnels. Souvent dépassées par l’ampleur et la gravité des problèmes, les autorités sanitaires ont de plus en plus de mal à apporter des réponses effi caces. Les mesures prises au coup par coup (souvent en fonction des apports d’aide extérieure), voire une absolue négligence, deviennent la règle. Le problème est d’autant plus compliqué qu’il n’existe pas de modèle standard accepté pour la fourniture de services de santé aux populations démunies concentrées dans les zones urbaines et périurbaines. Au fi nal, les services de santé urbains évoluent de façon anarchique, sans cohérence ni direction d’ensemble. En même temps, de nombreux gouvernements conservent la mainmise sur les principales villes du pays, et la plupart des infrastructures de santé urbaines résistent, ce qui signifi e que, à l’issue de la crise, les responsables de la planifi cation doivent faire avec l’environnement dont ils héritent. Or une reconfi guration radicale des réseaux de soins urbains est généralement exclue.

Les prestataires privés à but lucratif sont habituellement prompts à saisir les possibilités commerciales qu’offrent des populations urbaines en mauvaise santé et sans accès à des services publics adéquats. Les prestations privées connaissent un essor important, dans un environnement le plus souvent très peu réglementé. Les agents du service public sont généralement parties prenantes dans la majorité des transactions privées formelles ou informelles. En dehors de quelques prestataires offrant des soins de qualité, on assiste à une prolifération de services exécrables et souvent chers. Comme les données relatives aux prestataires privés sont le plus souvent incomplètes, ce sous-secteur important n’est généralement pas pris en compte dans les politiques et les statistiques. Les responsables de l’élaboration des politiques peuvent formuler quantité de stratégies, de directives et de normes se rapportant aux prestataires de soins publics et ignorer le secteur en plein essor que représentent leurs homologues du secteur privé.

Il faut impérativement concevoir un modèle réaliste et approprié pour la prestation des services de santé urbains. Il est probable qu’il faille radicalement s’écarter des approches standard qui, le plus souvent, ne prennent pas en compte l’ensemble des spécifi cités des soins de santé en ville. Ceux qui conçoivent ou évaluent les stratégies relatives à la fourniture de soins dans les villes de pays ravagés par la guerre doivent peut-être garder à l’esprit les quelques considérations ci-dessous :

• L’augmentation spectaculaire de la population urbaine en temps de guerre n’est que partiellement inversée quand les violences cessent. Les immenses bidonvilles qui apparaissent à la périphérie des villes à la faveur d’un confl it tendent à y rester ensuite. C’est précisément pendant le confl it qu’il faudrait prévoir, par précaution, l’installation de services de santé permanents dans ces zones susceptibles de s’étendre. En outre, ces réseaux de soins devraient être conçus comme des composantes à part entière des services de santé généraux. La situation effroyable des populations vivant dans ces quartiers exige des services dotés de ressources substantielles et capables de traiter un très grand nombre de patients. Des investissements massifs dans l’infrastructure sont donc généralement indiqués ;

• Alors que les États en grande diffi culté peuvent être prêts à investir dans des soins de santé en milieu urbain mais ne disposent pas des ressources nécessaires, les donateurs hésitent à fi nancer les dépenses très importantes qu’il faudrait engager. Les dirigeants et les donateurs devraient débattre de manière transparente des politiques de répartition, en reconnaissant que, dans certains quartiers de taudis, la situation sanitaire est aussi préoccupante qu’en zone rurale. Il faudrait faire comprendre aux décideurs qu’investir dans la fourniture de soins en milieu urbain ne signifi e pas nécessairement construire de grands hôpitaux ;

• Réinjecter des fonds dans des services urbains fragmentés, déséquilibrés et organisés de manière non rationnelle risque d’induire encore plus de gaspillage. De nombreux arguments plaident en faveur de programmes de développement globaux, s’inscrivant dans le long terme et s’appuyant sur une évaluation rigoureuse de la situation et sur

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des fi nancements suffi sants. Sachant qu’il faut des dizaines d’années d’efforts soutenus et cohérents pour qu’un programme de soins de santé en milieu urbain ait des effets démontrables, il faut le concevoir, le fi nancer et l’évaluer en conséquence ;

• Les quartiers de taudis offrent un terrain propice à la propagation des maladies transmissibles, y compris le VIH/sida, en particulier en temps de guerre, quand de nouveaux venus s’installent dans des conditions d’hygiène déplorables. La décrépitude des établissements de santé fait partie des nombreux risques sanitaires auxquels sont exposés les habitants de ces quartiers. Améliorer leurs performances est judicieux, y compris pour des raisons de santé publique. Du fait du nombre important de bénéfi ciaires concernés et des catastrophes sanitaires qu’ils permettent d’éviter ou, au moins, de limiter, les programmes de santé publique peuvent s’y révéler extrêmement rentables. Ils doivent être considérés comme des composantes cohérentes et permanentes des services de santé généraux, au lieu de n’être de que des mesures ponctuelles prises dans l’urgence, comme c’est souvent le cas ;

• Les prestataires de soins échappant à la réglementation jouent un rôle trop important pour être ignorés par les décideurs politiques et les responsables de la planifi cation en matière de santé. Il faut trouver des moyens réalistes et originaux de réglementer leurs activités et d’exploiter leur potentiel. Bien comprendre leur contribution est la première étape avant de prendre des dispositions pour faire évoluer leur pratique dans un sens favorable ;

• Les services de santé urbains doivent s’écarter des modèles de SSP classiques qui ont été conçus pour des populations rurales et s’adapter aux conditions de prestation existantes. Par exemple, quand la main-d’œuvre est abondante (situation fréquente dans les grandes villes), il est possible de recycler une grande partie des effectifs et de les redéployer à l’extérieur des établissements de santé, où ils peuvent, par exemple, devenir des prestataires privés sans but lucratif. La pratique informelle de nombreux travailleurs du secteur public de la santé pourrait être réglementée de manière réaliste, sous la forme de soins à domicile classiques, reconnus comme faisant partie d’un ensemble de services étendu ;

• La capacité à régler ses dépenses de santé varie selon le niveau économique. Entre les plus démunis et l’élite aisée, il existe une couche intermédiaire de petits commerçants, artisans et fonctionnaires disposant de revenus modestes mais non négligeables. Les stratégies de fi nancement des dépenses de santé doivent prendre en compte cette diversité et proposer aux habitants des villes des produits adaptés à leurs catégories socioéconomiques et faisant l’objet de subventions différentes ;

• La population urbaine peut choisir entre un certain nombre de prestataires concurrents. Il faut mettre en place des stratégies pour améliorer l’information offerte aux usagers et les aider à choisir parmi les prestataires. Il convient de trouver des manières innovantes d’employer l’argent public pour encourager les usagers à s’adresser aux prestataires appropriés et compétents ;

• La fourniture des soins de santé en milieu urbain est fortement parasitée par des considérations d’ordre politique, pas nécessairement rationnelles. Des dirigeants pressés de toutes parts, des institutions infl uentes, des groupes religieux, des associations professionnelles, des représentants des milieux d’affaires, des ambassades et des services de coopération, la liste n’est pas exhaustive de ceux qui contribuent à guider les choix, déjà diffi ciles à opérer sur le seul plan technique. Les rumeurs et les informations biaisées circulent rapidement et librement. Apaiser l’électorat urbain fi gure habituellement parmi les priorités des acteurs de la vie politique. Toute proposition visant à améliorer la situation exige des négociations patientes au sein de ce réseau de pouvoir et d’infl uence.

Fourniture de soins de santé mobiles

On dispose généralement de très peu d’informations sur les services de santé fournis par des unités mobiles. La plupart des systèmes d’information sanitaires ne font pas la différence entre les services fournis à l’intérieur des établissements de santé et les autres. Par conséquent, les données concernant les services fournis ailleurs que dans les établissements de santé permanents peuvent être mélangées aux autres ou n’être enregistrées nulle part.

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Les services de santé mobiles sont rarement évalués, les informations sont insuffi santes et il n’existe donc pas de corpus de bonnes pratiques auxquelles se référer. Les services mobiles sont généralement organisés au coup par coup, en fonction des décisions prises sur le terrain et en l’absence de directives standard ou bien conformément aux instructions de programmes spéciaux, élaborés indépendamment les uns des autres. Ces services sont souvent considérés comme un modèle défi cient, non durable, mais la question n’est abordée qu’en surface et aucune autre approche réaliste n’est proposée. Une étude sur les unités de soins mobiles a conclu que « la stratégie de recours aux unités de soins mobiles devait rester exceptionnelle et n’être qu’une solution de dernier ressort pour fournir des services de santé à des groupes de populations n’ayant accès à aucun système de soins. Les unités de soins mobiles peuvent être envisagées sur une courte période de transition, en attendant la réouverture de structures fi xes ou la possibilité d’y avoir de nouveau accès » (Du Mortier et Coninx, 2007).

De fait, les services de santé mobiles sont une option très attrayante dans de nombreux secteurs de la santé en crise, quand les problèmes de sécurité sont extrêmement importants, les communications diffi ciles et les déplacements de population continuels. Lorsque le maillage du réseau de santé périphérique est défaillant et que les systèmes d’appui manquent de fi abilité, les soins mobiles peuvent, dans certaines circonstances bien spécifi ques, représenter l’unique formule envisageable. En outre, la fourniture de services tournés vers l’extérieur peut être l’occasion de tirer parti des sureffectifs souvent constatés dans les structures de soins ayant résisté à la crise.

Des capacités mobiles importantes offrent certaines possibilités pendant les périodes de combat ou dans les zones récemment accessibles aux opérations de secours. Lors de confl its où les services de santé sont la cible d’éléments hostiles, l’existence d’unités mobiles diminue la vulnérabilité du système. Après une guerre, pendant la période de transition qui se caractérise par d’importants mouvements de population et des profi ls de réinstallation manquant de clarté, les soins mobiles offrent de véritables avantages. Pour répondre aux besoins créés par les situations de ce type, il peut être plus judicieux d’investir dans des unités de soins mobiles et temporaires que dans des infrastructures permanentes.

Sur le terrain, diverses approches sont mises en œuvre et certains inconvénients sont fréquemment cités.

• La gamme de services proposés est souvent très restreinte. Nombre d’opérations sont peu rentables, de sorte que le coût unitaire des services mobiles peut être formidablement élevé.

• La fragmentation verticale est courante : les équipes chargées de la lutte contre une maladie en particulier travaillent sans aucun lien avec les équipes mobiles responsables d’autres programmes sanitaires. Les occasions manquées sont légion.

• Les avantages inhérents à certains services mobiles fournis de façon tout à fait ponctuelle, sans le soutien d’un établissement de premier recours (soins prénatals, par exemple), paraissent discutables.

• Les réseaux de soins mobiles sont diffi ciles à maintenir en fonction sur la durée. Des problèmes de sécurité, des lignes de front qui se déplacent, des véhicules en fi n de course, des personnels fatigués et sous tension, des routes en mauvais état, des obstacles saisonniers, l’incertitude concernant les déplacements de population et le caractère aléatoire des fi nancements sont autant de facteurs qui affectent les performances des services mobiles.

• Les équipes mobiles peuvent induire des coûts d’opportunité importants car leurs membres sont des professionnels qui abandonnent provisoirement leur poste de travail habituel. Les services de soins fournis en brousse peuvent dès lors ne plus être disponibles dans les établissements qui emploient normalement ces professionnels. De même, certains services mobiles comme la vaccination peuvent se développer au détriment d’autres services de base, comme l’obstétrique, si ce sont les mêmes agents qui en sont chargés.

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• Les incitations fi nancières dont les organismes d’aide assortissent généralement leur stratégie avancée entraînent la multiplication de ce type d’activités, quels qu’en soient l’effi cacité et le coût. À l’inverse, la suppression des incitations entraîne l’arrêt des missions, alors même qu’elles seraient nécessaires et techniquement faisables.

Tous les inconvénients précités sont loin d’être négligeables. Certains semblent liés à la façon même dont le travail des équipes mobiles est fi nancé et promu, et il est donc diffi cile d’y remédier. Rarement à la portée des services de soins essentiels confrontés à une pénurie de ressources, la fourniture de soins mobiles dépend en grande partie de programmes verticaux ou du soutien d’ONG. Ce mode de prestation doit toujours être envisagé sous réserve que ses avantages priment ses coûts, généralement élevés.

Aide humanitaire

L’aide humanitaire constitue un cas particulier de rationalisation des ressources sanitaires. Le but suprême de l’aide humanitaire est de réduire la charge de mortalité et de morbidité évitables par des opérations de secours plutôt que de remédier aux causes profondes des problèmes de santé. Une situation d’urgence se traduit généralement par une surmorbidité et une surmortalité par rapport aux niveaux « habituels ». Le surcroît de morbidité, d’invalidité et de mortalité s’explique non seulement par l’absence d’actions essentielles de santé publique et de prise en charge médicale mais également par la pénurie de biens essentiels à la survie (eau, nourriture, abris, assainissement, sécurité, etc.) et par l’incapacité à atténuer les effets des facteurs déterminants (biologiques, sociaux, politiques ou économiques).

Les populations contraintes de se déplacer sont exposées à de nouveaux risques sanitaires : insécurité alimentaire, mauvaise qualité de l’eau et de l’assainissement, surpopulation dans les lieux d’installation temporaires, exposition à des agents infectieux et à des vecteurs contre lesquels elles ne sont pas immunisées, etc. Les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et les réfugiés sont également plus vulnérables que les autres car ils ont perdu leur emploi, leurs biens et leurs réseaux sociaux et sont parfois devenus entièrement dépendants de l’aide. À la fi n d’une crise prolongée, de nombreuses personnes déplacées ou réfugiées se réinstallent et peuvent facilement submerger les services de santé locaux. Si les réfugiés ont en principe droit à une protection et une assistance, les personnes déplacées ne jouissent en revanche d’aucun statut particulier ; aucun organisme n’est chargé de s’en occuper. Parmi tous les migrants forcés, les personnes déplacées dans leur propre pays sont les plus vulnérables.

Les déplacés internes et les réfugiés ne sont pas toujours concentrés dans des camps où ils ont accès à des services de santé. Dans bien des cas, ils se mêlent à la population locale et dès lors ne sont plus aussi facilement identifi ables et susceptibles de bénéfi cier de l’aide humanitaire. Une évaluation des programmes sanitaires en faveur des réfugiés afghans installés au Pakistan a été réalisée en 2005. Au fi nal, il s’est avéré que plus d’un million d’Afghans, qui n’étaient pas offi ciellement enregistrés comme réfugiés et, ne bénéfi ciant d’aucune aide, vivaient dans habitats urbains précaires. Globalement, seulement la moitié des Afghans réfugiés au Pakistan vivaient dans des camps et bénéfi ciaient du statut de réfugié ainsi que de la protection et de l’assistance auxquelles ce statut donne droit (Michael, Corbett et Mola, 2005).

Étant donné que les personnes déplacées sont globalement très vulnérables, que l’urgence est d’aider des populations nombreuses et que l’objectif est d’éviter toute surmortalité, les opérations sanitaires sont rarement rentables. En outre, elles sont rarement intégrées dans les services qui sont fournis aux populations non déplacées vivant dans la même zone (et qui bénéfi cient souvent de services de moins bonne qualité). Il s’ensuit fréquemment des tensions entre les déplacés et les résidents qui se disputent des ressources limitées. Dans le même temps, les services de santé fournis par des organismes étrangers, dont les coûts et les normes sont plus élevés, peuvent affaiblir des services locaux déjà fragiles.

Qui plus est, l’approche humanitaire peut être appliquée par des organismes et des personnels qui en ont l’habitude, même en l’absence de toute urgence objective. L’urgence de la situation peut être exagérée par les médias, les responsables politiques, les bailleurs de fonds et par les

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organismes d’aide humanitaire pressés d’utiliser des fonds. Le personnel humanitaire qui est dépêché sur place par des organismes disposant de fi nancements substantiels est susceptible de mal apprécier la situation et de tout ignorer des dispositifs déjà en place. Compte tenu de l’absence d’informations fi ables qui caractérise les zones ravagées par la guerre, les divergences d’appréciation sont la norme. Dans d’autres cas, c’est un comportement moutonnier que l’on observe, comme en 2003 après l’invasion de l’Iraq par les alliés, où les organismes de secours humanitaires ont mis en œuvre des méthodes classiques dont l’adéquation à cet environnement nouveau et très particulier était discutable.

Le secteur de l’aide humanitaire a travaillé d’arrache-pied pour défi nir des normes opérationnelles (Le Projet Sphère, 2004). Toutefois, appliquer ces normes sans aucune discrimination peut créer de graves problèmes. Lorsqu’un déplacement de population devient défi nitif, continuer de respecter des normes de soins qui sont beaucoup plus ambitieuses que les normes en vigueur avant l’arrivée de l’aide est clairement impossible et tout à fait inéquitable. De surcroît, lorsque les fi nancements se font rares, les organismes d’aide humanitaire peuvent décider de réduire le nombre de bénéfi ciaires des soins pour pouvoir continuer à respecter leurs normes. L’écart entre les quelques bénéfi ciaires du secours humanitaire et le reste de la population se creuse alors.

Les organisations humanitaires doivent réagir rapidement et massivement en cas de catastrophe. Leurs opérations tendent donc à consommer énormément de ressources dans des délais plutôt brefs. Quand les décisions sont prises, les considérations de coût ont essentiellement trait au niveau de fonds disponibles. Les coûts d’opportunité sont rarement pris en compte. Une telle approche paraît peu adaptée aux situations d’urgence complexes et prolongées, lorsque les interventions sanitaires des organismes étrangers peuvent durer plusieurs dizaines d’années. Bien que connu depuis longtemps, cet inconvénient majeur semble avoir résisté à toute mesure corrective. Le principal obstacle paraît donc presque consubstantiel à la manière dont l’aide humanitaire est fi nancée et gérée.

Il n’est pas facile de recenser en détail les interventions humanitaires actuellement en cours. Certaines organisations importantes ont coutume de travailler seules de leur côté ou de se coordonner uniquement avec leur organisation mère. Le secteur de l’aide humanitaire est fi nancé par des circuits spécifi ques, sans lien avec le reste de l’aide. Les forums et les mécanismes de coordination défi nis par les organismes de secours sanitaires tendent à fonctionner séparément de ceux concernés liés aux services de santé généraux.

Les délais de fi nancement et de programmation des opérations humanitaires sont courts, ce qui rend encore plus diffi cile l’étude des interventions futures. Les donateurs peuvent subordonner leurs décisions à des événements politiques ou militaires très aléatoires, comme l’éclatement d’un confl it ou la signature d’un accord de paix. De nouvelles ONG ayant réussi à collecter des fonds peuvent arriver sur place, tandis que d’autres sont contraintes de se retirer malgré le travail effi cace qu’elles peuvent avoir entamé.

Au fi nal, les informations concernant les organismes d’aide tendent à ne pas être intégrées dans les rapports sur les services de santé généraux. Les erreurs grossières d’appréciation des réalités du terrain sont la norme et même une documentation relativement précise devient vite obsolète. Le fait d’omettre ou d’inclure certaines activités sanitaires d’urgence peut considérablement modifi er le tableau. Les services chirurgicaux dirigés par le CICR dans le Sud-Soudan sont réputés avoir absorbé une part considérable des ressources affectées aux soins de santé mais aucun élément quantitatif n’est venu étayer cette allégation importante.

Services de soins des armées

Les armées et les groupes rebelles gèrent des services de santé où la composante chirurgicale occupe une place prépondérante. Les armées organisées disposant de ressources substantielles, comme l’armée angolaise, investissent beaucoup dans leurs services médicaux. Les meilleurs professionnels de santé peuvent être recrutés par l’armée. Il arrive que certains services de santé militaires soient accessibles à la population, mais dans ce cas, cette utilisation par les civils ne représente qu’une faible partie de l’activité totale. À l’inverse, il arrive que

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des formations de combattants désorganisées s’adressent aux services de santé civils pour obtenir des médicaments ou des soins, qu’ils extorquent souvent sous la contrainte.

Parfois, les hôpitaux militaires se servent de leurs capacités et moyens techniques excédentaires pour jouer le rôle de prestataires privés à but lucratif, proposant des soins payants aux civils. Une fois le confl it terminé, les services de santé militaires gérés par l’armée gouvernementale et les rebelles peuvent rendre à la vie civile de très nombreux agents de santé, modifi ant ainsi profondément la composition des effectifs de soignants civils et le marché du travail dans le secteur sanitaire.

Les armées étrangères et les forces de maintien de la paix ont également leurs services de santé, qui peuvent dispenser des soins à l’ensemble de la population, quelquefois pour améliorer leur image de marque.

Services de santé des forces rebelles

Dans les pays contrôlés simultanément par le gouvernement et les forces rebelles, deux ou plusieurs systèmes de santé distincts, présentant des caractéristiques différentes, peuvent coexister. La compartimentation peut être étanche. C’était le cas au Soudan, où, jusqu’en 2005, il n’y a eu aucune communication entre les autorités sanitaires centrales et leurs homologues opérant dans le sud du pays. Les deux camps n’avaient pas d’informations sur le pan du secteur de la santé qui échappait à leur contrôle et ils en ignoraient donc l’existence dans leurs rapports, leurs évaluations et leurs plans.

Les partitions alimentent les suspicions au sujet des privilèges réputés accordés à l’autre camp et entraînent un gaspillage considérable. Les organismes d’aide et les ONG ne contrarient généralement pas ce modèle et répartissent leurs activités entre les bureaux collaborant avec l’un ou l’autre camp. Ils se retrouvent souvent dans l’incapacité de rapprocher les méthodes, les informations et les activités. Au fi l du temps, l’isolement se renforce de part et d’autre.

Les investissements des groupes rebelles dans la prestation de services de santé dépendent de la nature politique de la rébellion. Quelquefois, l’accent est mis sur les soins de santé, considérés comme un engagement politique à offrir ultérieurement des services de soins. Les groupes rebelles peuvent vanter les mérites de leurs stratégies avancées, leurs déclarations étant parfois corroborées par les organismes d’aide qui collaborent avec eux. À y regarder de plus près, la qualité effective de ces services de santé ne correspond généralement à celle annoncée. Dans les zones contrôlées par les rebelles, la situation sanitaire est souvent déplorable. En l’absence d’informations fi ables, la position la plus raisonnable semble être de s’attendre au pire. Là où les ONG jouent un rôle majeur, comme en Afghanistan et au Sud-Soudan, les informations relatives aux services de soins sont plus fi ables que dans les zones partiellement interdites aux éléments extérieurs.

Bien souvent, les services de santé des forces rebelles procèdent d’une entreprise de propagande. En réalité, ce sont les organismes d’aide et les ONG qui sont en charge des soins même s’ils acquiescent quand les autorités du camp rebelle s’en adjugent le mérite. S’appuyant sur des négociations et des compromis permanents, les relations entre les détenteurs du pouvoir local et les acteurs extérieurs sont souvent tendues. Dans les pays déchirés par la guerre, il est extrêmement rare de trouver des gouvernants et des groupes rebelles sincèrement préoccupés de la santé des populations qu’ils contrôlent.

Conseils de lecture

Braveman P. Monitoring equity in health: a policy-oriented approach in low- and middle-income countries. (Equity Initiative Paper n° 3) Genève, OMS, 1998. WHO/CHS/HSS/98.1.

Un inventaire intelligent des principaux concepts, des outils disponibles, des sources d’information et des indicateurs utiles pour les études sur l’équité. Ce document examine les atouts et les limites des méthodes d’étude existantes. Le lecteur y trouve des conseils pratiques sur le traitement des données. Les écueils potentiels sont mis en lumière. Grâce à son exhaustivité, l’analyse va au-delà des seules questions d’équité et englobe de nombreux

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aspects intéressants comme les facteurs socioéconomiques déterminant la situation sanitaire d’un pays, les moyens de mesurer cette situation et l’étude de l’offre de soins. Un précieux travail de synthèse et un ouvrage de référence pour tous les apprentis analystes.

Chabot J. et Waddington C. Primary health care is not cheap: a case study from Guinea Bissau. International Journal of Health Services, 17,387-409, 1987.

L’évaluation brillante d’un programme de SSP brillant, qui rejetait carrément le modèle d’intervention en vigueur et lui préférait l’exploration, l’expérimentation et l’apprentissage. Cet article a remis allègrement en cause l’opinion dominante de l’époque selon laquelle il était possible de dispenser des SSP à bas coût. Quiconque ayant une véritable expérience concrète de la mise en place de SSP dans des contextes similaires à ceux examinés dans cette étude reconnaît les problèmes décrits par les auteurs et leurs conséquences considérables. En outre, ce document proposait une introduction claire à la manière dont devait être établi le bilan économique d’une intervention mal structurée (et diffi cile à étudier) dans le domaine des SSP.

Avec une vingtaine d’années de recul, c’est un article qui mérite d’être relu par tous ceux que tenteraient les approches à la mode, normalisées et d’un bon « rapport coût-effi cacité » élaborées loin du terrain et, une fois encore, encensées par le secteur de l’aide. Les auteurs proposent une autre approche : démarrer à petite échelle et lentement, chercher en premier lieu à comprendre, modifi er l’approche en fonction des connaissances acquises et si cela semble justifi é, et ne pas chercher à occulter les résultats éventuellement imprévus, voire déplaisants, d’une expérience. Le fait est que le message n’est pas populaire.

Jenkinson C., ed. Assessment and evaluation of health and medical care: a methods text. Buckingham, Open University Press, 1997.

Une introduction très complète aux approches et aux méthodes possibles de mesure et d’évaluation des soins de santé. L’ouvrage vise à substituer aux prises de décision subjectives (c’est-à-dire fondées sur des avis) des processus plus formels d’évaluation des politiques et actions sanitaires. Il couvre les études épidémiologiques traditionnelles, les méthodes de recherche qualitatives, les approches économiques de l’évaluation, la mesure de l’état de santé et de la qualité de vie, les méta-analyses, etc. Même si les évaluations formelles sont un luxe en situation d’urgence, le manuel aide à interpréter les conclusions de recherches et d’études entreprises dans d’autres contextes et à déterminer dans quelle mesure ces résultats sont transposables aux situations chaotiques qui caractérisent les urgences sanitaires.

Tarimo E. Essential health service packages: uses, abuse and future directions. Current concerns. (ARA Paper number 15) Genève, OMS, 1997. WHO/ARA/CC/97.7. Disponible en ligne à l’adresse suivante : www.who.int, consulté le 10 janvier 2011.

Cet examen sans détour et pénétrant d’un concept galvaudé s’appuie sur des exemples très divers, tirés de l’expérience de pays riches et aussi d’autres. Tarimo fait valoir que « … les paquets sont souvent perçus comme un substitut à une autorité défaillante. On voit diffi cilement comment un simple processus ou la défi nition d’un paquet de services de santé pourrait régler les problèmes en l’absence de toute vision, stratégie ou direction. Les politiciens et les décideurs tentent souvent d’éviter des choix diffi ciles en demandant davantage de données ou de décentralisation. Par conséquent, l’appel à défi nir des paquets ou à investir peut même faire croire que tout fonctionne normalement alors qu’il n’existe aucune volonté politique ou aucune autorité suffi samment forte pour prendre des décisions diffi ciles mais essentielles. De ce point de vue, les programmes peuvent être considérés comme une forme de « SSP indolores ». Le document se termine sur une série de recommandations qui devraient paraître avisées aux praticiens familiarisés avec la réalité des services de santé. Lecture recommandée à tous ceux qui envisagent de se lancer dans la formulation des programmes de services de soins.

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Mo

du

le 7

Van Damme W., Van Lerberghe W. et Boelaert M. Primary health care vs. emergency medical assistance: a conceptual framework. Health Policy and Planning, 17:49-60, 2002.

Une présentation claire des caractéristiques respectives que les soins de santé primaires et l’aide médicale d’urgence devraient présenter dans l’idéal. Un travail utile pour les décideurs et les professionnels du terrain, qui ne connaissent pas forcément les fondements conceptuels et les conséquences pratiques des deux approches. Dans la plupart des situations de transition, les soins de santé primaires et l’aide médicale d’urgence coexistent dans des proportions variables, selon l’évolution des demandes et des pressions, les préférences en termes d’organisation et les fi nancements disponibles ou pour de simples questions de commodité. La clarté conceptuelle préconisée par les auteurs, sous réserve d’être parfaitement assimilée par les différents acteurs en présence, devraient décourager l’adoption de beaucoup de mesures mal conçues ainsi que les débats stériles sur la durabilité, la responsabilité et le caractère participatif qui s’ensuivent et parasitent si souvent le travail engagé après un confl it.

Références bibliographiquesDoherty J. et Govender R. The cost-effectiveness of primary care services in developing countries: a review of the international literature. Disease Control Priorities Project (Working Paper n° 37), 2004. Disponible en ligne à l’adresse suivante : www.dcp2.org, consulté le 10 janvier 2011.

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Annexe 7 Contractualisation des services de santé 223

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nexe 7

Contractualisation des services de santé

Généralités

« Produire ou acheter » 1 ou encore « fournir ou acquérir » les soins de santé à fi nancement public est devenu l’une des alternatives majeures du débat sur la prestation de services de santé dans les pays sortant d’une longue crise. Née dans les pays développés, cette politique est de plus en plus souvent adoptée dans les secteurs de la santé aux ressources limitées, qui y voient un moyen de développer la prestation de services. Dans les pays sortant d’un confl it et où les autorités ont été considérablement affaiblies par une crise prolongée, cette approche a été saluée comme un moyen de formaliser et de réglementer le rôle déjà important des ONG, d’orienter les prestataires de services sur les zones mal desservies, d’étoffer l’offre de services et de contribuer ainsi à consolider une situation politique précaire.

La présente annexe examine les principales caractéristiques de la contractualisation, analyse ses avantages et inconvénients théoriques et pratiques, passe en revue les éléments attestant de l’expérience des pays en crise et identifi e les questions que les responsables et les décideurs politiques doivent se poser avant de retenir cette formule.

La sous-traitance externe est défi nie comme « la méthode par laquelle le secteur public ou des entreprises privées emploient et fi nancent un agent extérieur pour exécuter à leur place des tâches déterminées » (Kinnon, Velasquez et Flori, 1995). L’internalisation signifi e qu’une subdivision de l’organisation mère (un hôpital, un groupe de médecins, etc.) est chargée de la fourniture de certains biens ou services. Quand la contractualisation s’effectue en interne, les contrats sont passés entre différents niveaux de décision, créant ainsi une concurrence sur un marché interne ou « quasi-marché ». Différents services peuvent être achetés : les soins cliniques, les interventions en santé publique, les services non cliniques et les fonctions de gestion.

L’externalisation, c’est-à-dire la conclusion de « contrats de services » implique un processus concurrentiel au cours duquel le secteur public se procure des services auprès de prestataires privés. En vertu des modalités de ces contrats fondés sur les résultats, la rémunération des prestataires dépend d’indicateurs de résultats, l’objectif étant d’améliorer l’effi cience et l’équité des services de santé, ainsi que la coordination et la transparence. Des incitations fi nancières peuvent aussi être instaurées pour stimuler la demande (transferts monétaires conditionnels au Nicaragua et au Mexique, par exemple).

Il existe différentes approches en matière de contractualisation des prestations de services (Perrot, 2006 ; Loevinsohn et Harding, 2005). Depuis les années 1980, l’introduction de mécanismes de marché dans le secteur des soins de santé s’inscrit dans une tendance politique mondiale à réduire le rôle de l’État et à développer celui du secteur privé, considéré comme relativement plus effi cient, souple et à l’écoute des consommateurs. La faillite de l’État a été attribuée au fait que le secteur public n’était pas incité à répartir ses ressources de manière effi ciente ou à l’autocentrisme d’administrations ou de groupes de pression infl uents. Cette prise de conscience progressive des lacunes du secteur public et du coût des soins de santé dans un contexte général de crises économiques et budgétaires a contraint les responsables des politiques à recourir à différents modes de prestation des services et à trouver de nouvelles sources de revenus et de nouveaux moyens d’accroître l’effi cience.

Annexe 7

1 Williamson, cité dans Palmer et Mills (2006).

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Néanmoins, « assez peu d’études se sont attachées à vérifi er la validité de ces déclarations d’ordre général » (Green, 2007). Le débat sur la contractualisation est ouvert, comme l’illustre la présente annexe : une revue (Green, 2007) de l’expérience de contractualisation des services de santé dans une dizaine de pays en développement révèle les progrès accomplis sur le plan de l’effi cacité, tout en soulignant que de nouvelles études seraient nécessaires pour en évaluer les effets sur l’équité. L’«enthousiasme » que suscite actuellement cette approche (Eldridge et Palmer, 2009) requiert une évaluation rigoureuse des risques potentiels qu’elle implique dans les environnements spécifi ques où elle doit être mise en œuvre. Il faut notamment être extrêmement vigilant quant au risque de « triche », c’est-à-dire au fait que les rapports sur les performances des services peuvent être manipulés de sorte à atteindre les objectifs souhaités.

Comme il a été indiqué plus haut, des solutions relevant du secteur privé et inspirées de la « nouvelle gestion publique » ont été préconisées pour contourner les obstacles inhérents au secteur public. Ainsi, des réformes sectorielles ont été engagées pour réduire les administrations publiques, en dissociant les fonctions d’élaboration des politiques, de réglementation et de surveillance (demeurant du ressort du ministère de la Santé) de la prestation des services de santé, destinés à être sous-traités à différents prestataires publics et privés (à but lucratif ou sans but lucratif). Cette séparation, déjà adoptée dans le cadre de différents modèles mis en œuvre dans la majorité des pays développés, a été introduite plus tard dans certains pays en développement et elle est envisagée dans la plupart des autres. Le fait de savoir dans quelle mesure la nouvelle gestion publique a tenu ses promesses est matière à controverses ; il faudrait disposer de davantage d’éléments probants pour établir un bilan valable (Global Health Watch 2005-2006, 2005-2006).

L’occasion qu’offrent les secteurs de la santé désorganisés de transférer des réformes politiques sans rencontrer de trop fortes résistances, de même que le pari que, dans de telles conditions, il sera possible de repartir de zéro sur le plan institutionnel 2 , ont incité les partisans de la nouvelle gestion publique à insister pour que la contractualisation soit adoptée sans préparation, même sur les terrains les plus diffi ciles comme en Afghanistan et au Sud-Soudan. Dans ces pays pourtant, bien que les ONG puissent assurer des services de santé effi caces, la capacité actuelle des nouveaux pouvoirs publics à jouer correctement leur rôle d’acheteur de services (préparation des contrats de service, gestion et surveillance des prestataires) est extrêmement limitée (voir plus loin).

Avantages et inconvénients de la contractualisation

Selon la théorie économique classique :

• la contractualisation stimule la concurrence. Les prestataires sont donc contraints d’adopter des techniques innovantes et d’ajuster leurs prix pour s’adapter à la demande et aux besoins des acheteurs ;

• l’instauration de relations contractuelles devrait accroître la sensibilisation aux coûts et rendre les négociations plus transparentes, deux facteurs d’amélioration de l’effi cience

• la contractualisation irait dans le sens d’une décentralisation des responsabilités de gestion, ce qui permettrait une effi cience supérieure à celle des structures administratives extrêmement centralisées de l’ancien système ;

• la contractualisation peut attirer l’attention des gestionnaires sur les résultats mesurables.

2 Les détracteurs de cette thèse font valoir que, même dans les pays où l’État est presque complètement déliquescent, certaines institutions, structures traditionnelles et capacités administratives résiduelles sont préservées.

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Annexe 7 Contractualisation des services de santé 225

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• après un confl it (le développement des soins de santé est alors généralement une priorité), la contractualisation est considérée comme une formule garantissant une meilleure coordination des prestataires et un recentrage plus rationnel des services autour d’un programme commun, ce qui devrait ensuite se traduire par un essor rapide des services de santé.

Les opposants à la contractualisation des services de santé avancent plusieurs arguments.

• Premièrement, elle peut, dans un premier temps, induire des coûts de transaction élevés liés à la rédaction et la négociation des accords, ainsi qu’au suivi des contrats et au règlement des litiges ; une fois le système en place, les coûts tendent à baisser 3. L’asymétrie de l’information entre les prestataires et les acheteurs de soins explique pourquoi ces derniers, à savoir les États, manquent souvent d’informations sur le coût et la qualité des prestataires publics et privés, et ont rarement les compétences juridiques et techniques requises pour rédiger des contrats détaillés et veiller effi cacement à l’exécution des dispositions contractuelles. L’asymétrie d’information s’explique notamment par la grande complexité technique des soins de santé et les incertitudes concernant la charge de travail ; ces deux facteurs font qu’il est diffi cile de défi nir précisément le produit objet du contrat (en l’occurrence les services à fournir) qui, contrairement aux autres produits marchands, ne peut pas être marchandisé, mais aussi de défi nir les conditions fi nancières.

• Deuxièmement, la concurrence entre prestataires est souvent limitée, en particulier dans les zones reculées et diffi ciles d’accès où prévalent généralement des arrangements de gré à gré, c’est-à-dire non contractuels et non concurrentiels mais simplement fondés sur la confi ance. Les contrats de longue durée (qui ont parfois la préférence car ils entraînent des coûts de transaction moins importants) « verrouillent » les fonds publics pour un usage spécifi que, ce qui limite les possibilités de réaffecter les ressources de manière à régler les problèmes d’effi cience ou d’équité. Par exemple, pour une ONG présente depuis longtemps dans une région dotée de ressources pléthoriques, il serait diffi cile et onéreux de transférer ses activités dans une zone non desservie. L’un des risques réside dans l’opportunisme de prestataires qui pourraient, par exemple, pratiquer une antisélection de leurs patients ou se sentir moins tenus par l’objectif d’effi cience : pour réduire ces risques, il faut des mécanismes de surveillance idoines et des incitations directement liées aux résultats. Le caractère limité de la concurrence est un phénomène fl agrant dans les pays en développement et plus encore dans ceux où la situation est chaotique et où les principaux fi nanceurs et la plupart des prestataires sont respectivement des organismes d’aide et des ONG, c’est-à-dire deux types d’agents économiques particuliers. Avant le recours à la contractualisation, les organismes d’aide fi nançaient les activités des ONG via des subventions, dont l’attribution n’impliquait pas de concurrence ouverte. Avec cette formule, en outre, le rôle décisionnel des autorités sanitaires concernées est nettement plus important.

• Troisièmement, la capacité d’un opérateur à se faire une place sur le marché de la santé et à en sortir est limitée. Le coût des actifs (hôpitaux, équipements) dont il faut disposer pour fournir les services de santé (la plupart des actifs étant irrécouvrables donc perdus), le niveau de qualifi cation très élevé qui doit être celui des professionnels de santé, le temps nécessaire à bâtir une réputation et les règles de délivrance des agréments sont autant de barrières à l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché des soins de santé et à leur sortie ensuite.

3 D’après une source, les coûts de gestion du ministère afghan de la Santé publique sontminimes par rapport aux aides non remboursables (Fritsche, information obtenue à titre privé).

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• Quatrièmement, d’aucuns ont souligné que mettre trop fortement l’accent sur l’effi cience pouvait conduire à négliger d’autres aspects tout aussi importants, tels que l’équité ou la qualité des soins. C’est la raison pour laquelle certaines expériences de contractualisation des services de santé, comme celle conduite au Rwanda, incluaient la qualité des soins dans le suivi des résultats obtenus par les prestataires 4 .

• Cinquièmement, la plupart des pays en situation d’urgence sont très dépendants de l’aide extérieure : ce sont les donateurs et non le ministère de la Santé qui achètent les services de santé et, en raison des conditions dont l’aide est assortie, ils préfèrent souvent des contractants internationaux (ONG, par exemple) à des prestataires locaux.

• Enfi n, déléguer la tâche d’achat des soins peut entraîner des surcoûts. Ainsi, du fait des sommes tout à fait considérables qui sont en jeu, les centrales d’achat de médicaments négocient souvent des prix plus intéressants que des acheteurs isolés comme les ONG.

Ces diffi cultés sont accentuées en période de crise, quand les capacités institutionnelles (fonctionnaires compétents en matière de rédaction de contrats, de gestion, d’administration et de surveillance) sont réduites et que les marchés de la santé sont généralement sous-développés. Le risque d’aggraver la fragmentation du système de santé en multipliant le nombre de prestataires ne peut pas être négligé. Toutes ces raisons expliquent que, par le passé, les contrats de services liés aux soins de santé se limitaient aux services annexes (restauration, nettoyage, etc.), pour lesquels le cahier des charges est plus simple et les services eux-mêmes sont bien moins complexes ; la contractualisation n’a concerné les services cliniques qu’à partir des années 1990.

Expériences nationales

Plusieurs facteurs expliquent que l’on dispose d’encore assez peu d’éléments probants sur l’effi cacité de la sous-traitance des services de santé dans les pays en crise et que ces divers éléments manquent de cohérence : adoption fragmentée de cette approche, portée de la contractualisation (de simples programmes spéciaux à des services complets de SSP), objectifs différents poursuivis selon les contextes, diffi culté à évaluer les coûts et les avantages, importance du contexte (le modèle qui fonctionne le mieux dans un cadre donné n’est pas forcément transposable ailleurs), caractère « déviant » des incitations de marché dans un contexte où les sources de fi nancement et les prestataires se combinent de manière complexe (secteur public, donateurs, secteur privé à but lucratif, secteur privé à but non lucratif), essor progressif du secteur privé dans de nombreux secteurs de la santé. Néanmoins, au terme d’une décennie très riche en expérimentations, un certain nombre d’enseignements empiriques commencent à se dégager. Globalement, des effets bénéfi ques ont été constatés sur le plan de l’accès aux services de santé et de l’équité en matière de soins ; en revanche, les éléments indiquant une amélioration de la qualité et de l’effi cience des services sont peu nombreux. Des observateurs ont suggéré que les améliorations observées pour certains aspects pouvaient se produire au détriment d’autres aspects (voir Liu, Hotchkiss et Bose, 2007).

Deux modèles pilotes de contractualisation (externe et interne) ont été expérimentés au Cambodge à la fi n des années 1990 et évalués par rapport à des districts de référence. Les enquêtes réalisées avant et après les interventions ont montré que la couverture par les SSP avait davantage progressé dans les districts où les services avaient été contractualisés que dans les districts de référence sous l’effet, principalement, d’une utilisation accrue par les ménages les plus pauvres (Bhushan, Keller et Schwartz, 2002). Toutefois, les différences entre les fl ux de ressources convergeant vers les districts étudiés pourraient expliquer cette variation. La quasi-absence de prestations publiques offertes au Cambodge doit être prise en compte lorsqu’on évalue ces résultats positifs (Palmer et Mills, 2006). Sur ce point, des avis divergents se sont exprimés (Loevinsohn et Harding, 2005).

4 Fritsche, information obtenue à titre privé.

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Annexe 7 Contractualisation des services de santé 227

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Une étude concernant plusieurs pays de la Région OMS de la Méditerranée orientale (Siddiqi, Masud et Sabri, 2006) montre que la contractualisation, sous réserve que les conditions préalables soient réunies et que les capacités existent, peut contribuer à améliorer les résultats du système de santé. Cependant, la liste des conditions préalables est si longue qu’il est préférable de s’interroger sur la faisabilité de la formule avant de l’appliquer dans des zones diffi ciles émergeant d’un confl it.

L’exemple du Rwanda (Soeters, Habineza et Peerenboom, 2006) atteste de l’amélioration sensible de plusieurs indicateurs après l’instauration d’une contractualisation fondée sur les résultats. Malgré son succès, la mise en place du système au niveau institutionnel a été complexe et les auteurs évoquent plusieurs questions qui devront être réglées avant toute extension du programme, en particulier l’intégration de la contractualisation dans le système réformé de fi nancement de la santé qui a été adopté par le pays. En outre, les coûts de transaction ont été estimés à 25 % du coût total de la contractualisation, ce qui n’est pas négligeable.

L’étude de Loevinsohn et Harding (2005) déjà mentionnée, qui s’appuie sur l’expérience de contractualisation tentée dans 10 pays, montre que les résultats ont été positifs, avec des effets impressionnants obtenus au Cambodge (Haïti étant le seul pays de l’échantillon aux prises avec une crise prolongée). Les auteurs soulignent que des questions clés, qui se posent tout particulièrement dans les situations d’urgence, doivent encore être réglées ; il s’agit des conséquences de la contractualisation sur l’équité et de son rapport coût-effi cacité par rapport aux aides non remboursables aux ONG (un mode de fi nancement des services auquel il est fréquent de recourir dans ce type de contexte).

Le cas de l’Afghanistan

Parmi les pays connaissant une situation de crise prolongée et où la contractualisation des services de santé est effective, l’Afghanistan fait fi gure d’exception à de nombreux égards. Au terme de plus de vingt années de confl it, le système de santé afghan était exsangue. Le secteur privé à but non lucratif jouait un rôle prépondérant, 80 % des établissements de soins « publics » étant gérés par des ONG. Les prestataires privés à but lucratif détenaient probablement la part la plus importante du marché des soins de santé. L’insécurité qui régnait dans le pays constituait un obstacle majeur : le fait que de vastes zones étaient inaccessibles ne faisait qu’aggraver le problème des capacités déjà limitées des autorités sanitaires.

Dans le chaos qui a suivi la chute du régime taliban, les donateurs, sous la houlette de la Banque mondiale, ont été les fers de lance d’une évolution de la politique de santé visant à faire des ONG les principaux prestataires d’un programme de services de base. Le changement s’est amorcé très rapidement, malgré une certaine réticence des ONG à devenir des sous-traitants et en dépit des craintes initialement exprimées par le ministère de la Santé publique. Aucun projet pilote comparable à l’expérience cambodgienne n’a été tenté. Trois mécanismes et contenus contractuels différents ont été fi nancés respectivement par la Banque mondiale, USAID et la Commission européenne, en collaboration avec le ministère.

L’organisation internationale Management Sciences for Health a estimé que les dépenses récurrentes à engager pour fournir un paquet de services de soins essentiels s’élevaient à US $4,55 par habitant et par an. Ce chiffre, qui est devenu la référence pour la tarifi cation des contrats utilisés par les trois bailleurs de fonds, est contesté par plusieurs observateurs, qui le jugent trop bas et fondé sur une étude peu fi able (Strong, Wali et Sondorp, 2005). Une conférence organisée en 2007 sur ce thème a conclu que « la fourniture d’un paquet minimum, sans même parler d’un paquet plus complet, pour un coût compris entre US $5 et 10 se révélera sans doute être une utopie » (Carlson, 2007).

Le but était de couvrir tout le territoire afghan rapidement, au moyen d’arrangements contractuels progressivement étendus aux 34 provinces du pays. Si l’on se base sur la population d’un district ou d’une province comptant un organisme sous contrat, le taux de couverture par le programme de base était estimé à 82 % en 2006, ce qui apparaît comme un progrès très signifi catif sur une courte période. Toutefois, une enquête de portée nationale conduite auprès des ménages ruraux fait ressortir des niveaux de couverture nettement

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moins importants : seulement 19 % des accouchements étaient assistés par des soignants qualifi és et la couverture du DTC3 était de 35 % (ministère de la Santé publique, 2007). Les tendances sont encourageantes, même si les améliorations sont lentes et toujours fragiles en raison de l’insécurité ambiante. Les autorités sanitaires ont donc fait en sorte de mieux gérer et de mieux surveiller le respect des contrats et les résultats des ONG. Par ailleurs, les experts internationaux ont participé de manière signifi cative à la mise en œuvre de la contractualisation.

Un temps relativement court s’est écoulé depuis l’introduction de ce dispositif et les principales questions soulevées par les autres expériences nationales restent ouvertes, notamment celles concernant la durabilité, l’équité et le suivi de la qualité des services. En outre, les évaluations des effets de la contractualisation négligent souvent un aspect crucial : le facteur décisif de la période postérieure à la chute des Talibans a été l’augmentation spectaculaire des niveaux de fi nancement, qui a permis le développement des services de santé. L’aide en faveur de ces services est passée de US $2-3 par habitant et par an en 2002 à un montant moyen de US $22 au cours de la période 2004-2006 (OCDE, base de données en ligne du CAD). Les utilisateurs afghans des services de santé ont complété les apports de fonds des donateurs à hauteur d’environ US $14 par habitant et par an (ministère afghan de la Santé publique, 2007). Il est possible que la contractualisation ait accentué cette remarquable progression des niveaux de ressources et elle a très certainement permis une régulation de la croissance des services après le confl it. Toutefois, sans augmentation substantielle des moyens affectés à l’offre de soins, il ne fallait guère s’attendre à des progrès signifi catifs dans ce domaine.

Conclusions

Globalement, les éléments accumulés sont encourageants et donnent à penser que la contractualisation des services de santé pourrait contribuer à améliorer les prestations. Néanmoins, il faut être prudent avant de généraliser les résultats actuellement disponibles : aucune des différentes expériences nationales n’a débouché sur des succès incontestables. Les décideurs et les responsables des politiques qui tentent de remettre sur pied un système de santé délabré doivent donc garder à l’esprit les obstacles qui devront être surmontés.

Les secteurs de la santé défaillants semblent se prêter tout particulièrement mal aux réformes inspirées du concept de nouvelle gestion publique. « Un État incapable de fournir des services sociaux de qualité en raison de capacités administratives largement insuffi santes a peu de chances d’être en mesure de sous-traiter effi cacement ses services cliniques ou autres » (Bennett et Mills, 1998). Il ne faut donc pas voir dans la contractualisation une panacée ou un moyen commode de pallier l’ineffi cience de l’État ou l’absence de capacités administratives et de gestion. C’est pour cette raison que l’externalisation des services de santé devrait être envisagée avec beaucoup de prudence dans les zones où la désorganisation qui règne amplifi e la majorité des problèmes évoqués ci-dessus.

Dans les secteurs de santé ébranlés par la guerre, il est souvent impossible d’évaluer si les prestataires de soins respectent leur contrat ; en outre, les raisons pour lesquelles la contractualisation peut échouer sont légion (progression de l’insécurité, par exemple) et l’évolution du contexte peut rapidement avoir pour effet de rendre obsolètes les objectifs initialement fi xés. Dans plusieurs secteurs publics très affaiblis, les relations entre le ministère de la Santé et les prestataires privés qui sont censées être le pivot de tout dispositif de contractualisation, peuvent être tout à fait superfi cielles. Les organismes donateurs demeurent aux manettes et imposent différentes conditions aux prestataires de soins, comme en Afghanistan. L’établissement de relations contractuelles durables est une question qui s’applique aux zones non exposées à une crise. D’après Palmer et Mills (2006), « on ne sait pas encore exactement ce qui se produirait dans l’hypothèse où ce soutien serait retiré aux États, si les gouvernements concernés pourraient continuer à contractualiser les services et si cela se révélerait d’un bon rapport coût-effi cacité pour eux ». Dans les pays en proie à une crise prolongée et souvent très dépendants de l’aide étrangère, la question de la durabilité des relations peut ne plus être pertinente.

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Annexe 7 Contractualisation des services de santé 229

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Dans le même temps, la privatisation non planifi ée et non encadrée de l’offre de services de santé que l’on observe dans de nombreux secteurs de la santé désorganisés peut, dans une certaine mesure, être irréversible. Quand le secteur a été profondément ébranlé par la guerre et que la prestation des services de santé est dominée par les ONG, il peut être très tentant de recourir à la contractualisation dans un but tactique, pour réglementer des relations mal défi nies et opaques et redonner du pouvoir aux autorités sanitaires. La contractualisation devrait être considérée comme l’une des formules pouvant permettre de restructurer des secteurs de la santé perturbés par un confl it. Toutefois, son adoption implique une reconfi guration de l’offre de services de santé, un aspect essentiel pourtant souvent négligé. Les carences fondamentales du secteur de la santé n’ont guère de chances d’être palliées par le seul recours à la contractualisation, laquelle devrait plutôt être perçue comme l’une des composantes d’un programme de réformes cohérentes embrassant tout le secteur.

Les décideurs envisageant de contractualiser les services de santé devraient être conscients des diffi cultés brièvement évoquées plus haut ou, pour reprendre la formulation élégante de Hsiao (1994) : « La magie de la marchandisation incite souvent les gouvernements à franchir le pas sans procéder à une analyse critique préalable des conditions à remplir pour que les marchés soient effi cients et sans chercher à se référer à des expériences probantes. Le marché de la santé présente des carences importantes, qui peuvent produire des résultats contraires à ceux escomptés. Mais les corriger peut se révéler impossible ou coûteux. »

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Annexe 7

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