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UNIVERSITÉ TOULOUSE III – PAUL SABATIER Laboratoire DiDiST : Didactique des Disciplines Scientifiques et Technologiques–CREFI–T (Equipe d’accueil pluri-établissement n°799) Ecole Doctorale CLESCO THÈSE en vue de l’obtention du DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ DE TOULOUSE Délivré par l’Université Toulouse III – Paul Sabatier en Didactique des Disciplines Scientifiques et Technologiques Spécialité : DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES présentée et soutenue par Andrea-María ARAYA-CHACÓN le 31 Janvier 2008 La gestion de la mémoire didactique par le professeur dans l’enseignement secondaire des mathématiques : Etude du micro-cadre institutionnel en France et au Costa Rica Directeur de Thèse : André ANTIBI ; Codirecteur de Thèse : Yves MATHERON Membres du jury : M. Alain MERCIER, Professeur, Institut National de Recherche Pédagogique, Président M me Chantal AMADE-ESCOT, Professeur, Université Paul Sabatier M. André ANTIBI, Professeur, Université Paul Sabatier M me Marianna BOSCH, Maître de Conférences, Universitat Ramon Llull M. Yves CHEVALLARD, Professeur, IUFM de l’Université de Provence M. Yves MATHERON, Maître de Conférences, IUFM de Midi-Pyrénées

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

UNIVERSITÉ TOULOUSE III – PAUL SABATIER Laboratoire DiDiST : Didactique des Disciplines Scientifiques et Technologiques–CREFI–T

(Equipe d’accueil pluri-établissement n°799) Ecole Doctorale CLESCO

THÈSE

en vue de l’obtention du

DDOOCCTTOORRAATT DDEE LL’’UUNNIIVVEERRSSIITTÉÉ DDEE TTOOUULLOOUUSSEE Délivré par l’Université Toulouse III – Paul Sabatier

en Didactique des Disciplines Scientifiques et Technologiques

Spécialité : DDIIDDAACCTTIIQQUUEE DDEESS MMAATTHHEEMMAATTIIQQUUEESS

présentée et soutenue

par

AAnnddrreeaa--MMaarrííaa AARRAAYYAA--CCHHAACCÓÓNN le 31 Janvier 2008

La gestion de la mémoire didactique par le professeur dans

l’enseignement secondaire des mathématiques : Etude du micro-cadre institutionnel en France et au Costa Rica

Directeur de Thèse : André ANTIBI ; Codirecteur de Thèse : Yves MATHERON

Membres du jury :

M. Alain MERCIER, Professeur, Institut National de Recherche Pédagogique, Président Mme Chantal AMADE-ESCOT, Professeur, Université Paul Sabatier M. André ANTIBI, Professeur, Université Paul Sabatier Mme Marianna BOSCH, Maître de Conférences, Universitat Ramon Llull M. Yves CHEVALLARD, Professeur, IUFM de l’Université de Provence M. Yves MATHERON, Maître de Conférences, IUFM de Midi-Pyrénées

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Thèse : Araya-Chacón 2

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

Estar en Francia me aleja de un mundo paralelo que me espera. Un mundo en que tú ya no estás, en el que me harás tanta falta que solo imaginarlo me desconsuela. Aquí puedo pensar que las cosas no han cambiado :  llegaré por  las noches y me dirás “como  le  fue Andreita”, cantaré en  las reuniones y me verás con ojos de admiración,  te hablaré de mi  trabajo y el orgullo que sientes por mí me motivará, iremos  a  fiestas  donde  bailaremos  juntos,  jalaré  los  sacos  de mezcla, me  dirás  dónde  vacearlos  y llamarás a las vacas, “jop jop jop”, para que vengan a comer, me harás segunda en todas mis locuras y me darás consejos que sólo habrás aprendido de la voluntad y la fortaleza para superar adversidades.  Estar en Francia me ayuda a pensar que sigues vivo y que me esperarás en el aeropuerto a mi regreso ; ¡feliz porque he vuelto a casa! ...    

El tiempo me toma por sorpresa Y me encuentra concluyendo otra etapa Busco entre la gente tu presencia… 

Me ha sido difícil  encontrarte, pero te veo Me sonríes y levantas tu mano orgulloso de mí… 

 ... te he extrañado padre. 

À la mémoire de mon père…                                                                                                                                        Août 1938 – Avril 2007 

            

 

Los  trechos  del  Camino  son  en  ocasiones  muy  turbios,  pero  tu  presencia  ayuda  hacerlos  leves pormenores. Gracias madre por la vida, por una existencia llena de recuerdos maravillosos, a los que fácilmente regreso y resalta tu presencia como pilar de nuestra familia. Gracias por ser mi sostén, mi incondicional  apoyo,  el  consejo  sabio  y  desinteresado. Gracias  por  tu  ejemplo  de  perseverancia,  de confianza, de honestidad, de trabajo, de Amor… Una  vida  diferente  hemos  asumido  este  año,  sin  un  ser  querido  que  siempre  extrañaremos  y recordaremos. Confiada  estoy  en nuestras  fuerzas, y  en  el apoyo de  los amigos que nos acompañan, para poder imaginar otros momentos que se adjuntarán a nuestra historia.   

... sé que me esperas en el aeropuerto a mi regreso : ¡feliz porque he vuelto a casa!   

À ma mère... 

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

Mes remerciements vont à l’Université de Costa Rica et en particulier à l’Ecole de Mathématiques pour la confiance qu’ils m’ont fait en soutenant mon projet de formation à l’étranger. C’est un plaisir de travailler avec un établissement si compétent et responsable vis à vis de ses professeurs.

Je remercie le professeur M. André Antibi pour m’avoir accueilli dans son équipe de recherche au laboratoire DiDiST, ainsi que pour sa confiance lors de ces années en France.

Mes remerciements vont à mon co-directeur de thèse Yves Matheron, à qui je dois beaucoup plus que ce travail. C’est à travers des discussions que nous avons eues qu’il a su m’inculquer le plaisir de la recherche en me faisant part de son savoir. Merci pour cette « lentille » toujours analytique et scientifique, cette patience, cette disposition et pour m’avoir fait rencontrer des didacticiens de mathématiques dont les apports à la discipline sont précieux. De même, je serais toujours reconnaissante à Marceline et Faustine, pour leur accueil si fraternel ; merci pour m’avoir offert la chaleur d’une famille !

Je remercie Mme Marianna Bosch et M. Alain Mercier pour m’avoir fait l’honneur d’être les rapporteurs de cette thèse. Mercie aux professeurs Yves Chevallard et Chantal Amade-Escot d’avoir accepté d’être membres du jury.

Mes remerciements vont vers les professeurs français du collège Anatole France qui ont participé à cette étude : Mme Berthomieux et Mme Fromer, à qui je sais gré de leur disponibilité et le temps de discussion qu’elles m’ont consacré.

Je remercie le lycée San Luis Gonzaga (SLG) au Costa Rica qui m’a ouvert ses portes, en particulier les professeurs, Prof. Blanco et Prof. Brenes, qui ont contribué avec leur disponibilité et leur engagement à cette étude ; ainsi que les élèves de leurs classes avec qui nous avons travaillé régulièrement.

Un grand merci aux professeurs du laboratoire, Chantal Amade-Escot et Patrice Venturini, pour leur disponibilité et pour leurs efforts constants pour développer un centre de recherche des pratiques enseignantes. Merci à Muriel pour être toujours présente et à Raquel Bezerrril qui est devenue ma grande amie !

Merci à ma famille au Costa Rica, pour ses marques d’affection et de confiance qui m’ont toujours encouragée. Tous mes remerciments à mon frère Gonzalo pour son soutien affectueux, et à Fabio presque un second frère pour moi.

Mes amies et amis qui sont toujours là pour moi et dont l’amitié m’est si précieuse : Reichel, Lucas, Carolina, Esteban, Floria, Fonse, Ileana, Giova, Marco, Jorge, Marielos, Hernán, Leana, Edward, Alejandro, Aurora, don Fide, doña Luisi, Sariuski, Mi Jose, Josefina, Randall José, Isabelle, Ingrid, Noemí y Carlos. En particulier, un grand merci à Susana pour sa confiance et son soutien!

Je remercie notamment la Vie pour m’avoir donné l’opportunité et les forces pour progresser…

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

Agradezco profundamente a la Universidad de Costa Rica y en particular a la Escuela de Matemáticas por la confianza manifestada al apoyar este proyecto de formación doctoral que llega a su fin. Es un placer trabajar con una institución competente y responsable con sus profesores.

Al profesor André Antibi quiero agradecer haberme recibido en su equipo de investigación en el laboratorio DiDiST. Gracias por su confianza durante estos años en Francia.

Al profesor Yves MATHERON agradezco profundamente haber co-dirigido esta investigación. Gracias a las discusiones que entablamos, supo fomentar siempre el placer y la necesidad de la investigación científica en nuestra área. Gracias por ese “lente” analítico y crítico, por su paciencia, su disponibilidad y por presentarme didáctas de las matemáticas cuyos aportes a la disciplina han sido altamente significativos. De igual forma, agradezco profundamente a Marceline y Faustine por haberme hecho sentir como en casa: ¡gracias por ese calor de hogar!

Agradezco a la profesora Marianna Bosch y al profesor Alain Mercier por haberme hecho el honor de aceptar ser los evaluadores de este trabajo. Gracias también a los profesores Yves Chevallard y Chantal Amade-Escot por aceptar ser miembros del jurado.

Mis agradecimientos son también para las profesoras del colegio Anatole France, Profa. Berthomieux y Profa. Former, por las horas de discusión que dedicaron en el marco de este trabajo.

Agradezco al colegio San Luis Gonzaga (SLG) en Costa Rica que me permitió el libre acceso a su institutición. Especialmente a los profesores colaboradores del estudio, Prof. Blanco y Profa. Brenes por su disponibilidad y compromiso. Al igual que a los estudiantes de sus clases, en particular aquellos con los que trabajamos regularmente.

Gracias a los profesores del laboratorio, Chantal Amade-Escot y Patrice Venturini por su disponibilidad y por sus constantes esfuerzos para desarrollar un centro de investigación de prácticas docentes. Gracias a Muriel por su ayuda incondicional y a Raquel Bezerril quien se convirtió en mi ¡gran amiga!

A mi familia en Costa Rica, muchas gracias por sus muestras de cariño y confianza que siempre han sido alentadoras. En particular, agradezco a mi hermano Gonzalo por su apoyo y su cariño, y a Fabio por ser como un segundo hermano para mí.

Un gran abrazo a mis amigas y amigos para agradecer haber estado siempre ahí, su amistad es un tesoro para mí: Reichel, Lucía (Lucas), Carolina, Esteban, Floria, Fonse, Ileana, Giova, Marco, Jorge, Marielos, Hernán, Leana, Edward, Alejandro, Aurora, don Fide, doña Luisi, Sariuski, Mi Jose, Josefina, Randall José, Isabelle, Ingrid, Noemí y Carlos. En particular, las gracias a Susana por su confianza y su apoyo.

Un último y grato agradecimiento a la Vida por darme la oportunidad y las fuerzas de progresar...

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

Abréviations et symboles utilisés 

TD Transposition Didactique TSD Théorie des Situations Didactiques TCC Théorie des Champs Conceptuels TAD Théorie Anthropologique du Didactique T Type de tâches

τ technique θ technologie Θ théorie I Institution RI Rapport(s) Institutionnel(s) O ∨ o Objet [T/τ] bloc pratico-technique (« savoir faire ») [θ/Θ] bloc technologico-théorique (« savoir ») SD Système Didactique OD Organisation Didactique OM Organisation Mathématique UCR Universidad de Costa Rica UNED Universidad Nacional Estatal a Distancia ITCR Instituto Tecnológico de Costa Rica Th Geste mémoriel TecHnologique Tc Geste mémoriel TeChnique Re Geste mémoriel de REplacement Ch Geste mémoriel CHronologique Ds Geste mémoriel DéStabilisateur Fx Geste mémoriel de FiXation Od Geste mémoriel Ostensif Déclencheur Pr Geste mémoriel PReneur d’indices

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Thèse : ARAYA-CHACÓN 9

Table des Matières 

INTRODUCTION GENERALE 15

PRELIMINAIRES 19

PREMIERE PARTIE : CADRE DE LA RECHERCHE 23

CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX 27 1.1 LIMITES DE L’ETUDE DE LA MEMOIRE DANS CERTAINES DISCIPLINES 28

1.2 LA MEMOIRE D’UN POINT DE VUE DIDACTIQUE EN MATHEMATIQUES 30 1.2.1 LA MEMOIRE DIDACTIQUE DE L’ENSEIGNANT 30

1.2.2 AIRE DE SURFACES PLANES ET NOMBRES DECIMAUX 32

1.2.3 LE TEMPS DIDACTIQUE ET LA DUREE DE L’ELEVE 34

1.2.4 LE ROLE D’UNE MEMOIRE DIDACTIQUE DES ELEVES 36

1.2.5 UNE ETUDE DIDACTIQUE DE LA MEMOIRE DANS L’ENSEIGNEMENT DES MATHEMATIQUES 36

1.3 VERS UNE PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE : UNE VOIE DIDACTIQUE POUR L’ETUDE DE LA MEMOIRE ET DE SA GESTION 42

1.4 RESUME 45

CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE 49 2.1 LA THEORIE ANTHROPOLOGIQUE DU DIDACTIQUE 50

2.1.1 NOTIONS FONDAMENTALES 54

2.1.2 PRAXEOLOGIES : MODELE DES ACTIVITES HUMAINES 57

2.1.3 OSTENSIFS ET NON-OSTENSIFS 61

2.1.4 ORGANISATIONS DIDACTIQUES 63

2.1.5 ORGANISATIONS DIDACTIQUES INSTITUTIONNELLES 66

2.1.6 NIVEAUX DE CO-DETERMINATION DIDACTIQUE 73

2.2 SUR LA NOTION DE CONTRAT DIDACTIQUE 75

2.3 SUR LA NOTION DE MILIEU 80

2.4 RESUME 84

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Thèse : ARAYA-CHACÓN 10

CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE 87 3.1 IMPORTANCE DE L’OBJET D’ETUDE 89

3.2 ETUDE EXPLORATOIRE EN FRANCE 90 3.2.1 METHODOLOGIE POUR L’ETUDE EXPLORATOIRE 91

3.2.2 RESULTATS DE L’ETUDE EXPLORATOIRE 94

3.2.2.1 SUR LES GESTES MEMORIELS : UNE PREMIERE CLASSIFICATION 94

3.2.2.2 Compléments de réponses : les entretiens 108

3.2.3 CONCLUSIONS TIREES DE CETTE ETUDE 112

3.3 RESUME 116

CHAPITRE 4 : PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE 119 4.1 PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE 120

4.2 DEFINITION DE L’OBJET D’ETUDE 130 4.2.1 SUR LA NOTION DE « MEMOIRE » 130

4.2.2 SUR LA NOTION DE « GESTION » 131

4.3 QUESTIONS DE RECHERCHE 133

4.4 RESUME 136

CHAPITRE 5 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE 139 5.1 CONTEXTE EDUCATIF AU COSTA RICA 140

5.2 CHOIX DU SAVOIR MATHEMATIQUE EN JEU DANS L’ETUDE 143

5.3 DEMARCHE METHODOLOGIQUE 144

5.3.1 INSTALLATION DES CONDITIONS DE L’ETUDE 144

5.3.2 OBSERVATION CLINIQUE INSPIREE DE L’APPROCHE ETHNOGRAPHIQUE 149

5.3.3 COMPLEMENTS SUR LE FONCTIONNEMENT DES CLASSES 153

5.4 A PROPOS DES PARTICIPANTS A LA RECHERCHE 157 5.4.1 LES PROFESSEURS 157

5.4.1 LES ELEVES 159

5.5 RESUME 163

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Thèse : ARAYA-CHACÓN 11

DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION ET DISCUSSION DES RESULTATS 165

CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DIDACTIQUE DU SAVOIR EN JEU 169 6.1 LE SAVOIR A ENSEIGNER : LES INSTRUCTIONNES OFFICIELLES 170

6.2 LE SAVOIR A ENSEIGNER A LA LECTURE DE TROIS MANUELS 178 6.2.1 PRESENTATION DES MANUELS 178

6.2.2 SUR LES ORGANISATIONS MATHEMATIQUES 180

6.2.3 CARACTERISTIQUES DES MANUELS 184

6.3 UN SAVOIR DE REFERENCE : LE SAVOIR SAVANT 188

6.4 CONCLUSION DU CHAPITRE 192

CHAPITRE 7 : EXEMPLES DES ANALYSES 197 7.1 CRITERES DE SELECTION DES PASSAGES 198

7.2 ANALYSE DES SEANCES SUR LA FACTORISATION DES POLYNOMES AU COSTA RICA 208 7.2.1 EXEMPLE D’ANALYSES MENEES : CLASSE 10G (RON) 209

7.2.2 EXEMPLE D’ANALYSES MENEES : CLASSE 10M (SAM) 227

7.3 CONCLUSION DU CHAPITRE 237

CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE DIDACTIQUE 241 8.1 GESTES MEMORIELS 243 8.1.1 GESTE « TECHNOLOGIQUE » (TH) 243

8.1.2 GESTE « TECHNIQUE » (TC) 244

8.1.3 GESTES DE « REPLACEMENT » (RE) 245

8.1.4 GESTE CHRONOLOGIQUE (CH) 252

8.1.5 GESTES « DESTABILISATEUR » (DS) 253

8.1.6 PRENEUR D’INDICES (PR) 256

8.1.7 GESTE DE « FIXATION » (FX) 258

8.1.8 GESTE « OSTENSIF DECLENCHEUR » (OD) 259

8.2 MICRO-CADRE INSTITUTIONNEL DE LA MEMOIRE DIDACTIQUE 263

8.3 NOUVELLES ANALYSES DES TRANSCRIPTIONS DES SEANCES EN FRANCE 271 8.3.1 BLOCAGE PENDANT LA REVISION D’EXERCICES 272

8.3.2 DEMONSTRATION A PARTIR D’UNE ACTIVITE PROPOSEE DANS UN MANUEL 275

8.3.3 FICHE POUR APPUYER LA GESTION DE LA MEMOIRE 277

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Thèse : ARAYA-CHACÓN 12

8.4 CONCLUSION DU CHAPITRE 281

CHAPITRE 9 : EFFETS SUR LA GESTION MEMORIELLE 285 9.1 ORGANISATION DE L’ETUDE 287 9.1.1 LE CAS DE SAM 287

9.1.2 LE CAS DE RON 290

9.2 CONTRATS DIDACTIQUES 293 9.2.1 LE CAS DE SAM 293

9.2.2 LE CAS DE RON 299

9.3 ORGANISATIONS DIDACTIQUES INSTITUTIONNELLES 306 9.3.1 LE CAS DE SAM 307

9.3.2 LE CAS DE RON 310

9.4 EFFETS DISTINCTIFS DE LA VIE INSTITUTIONNELLE DANS LA GESTION DE LA MEMOIRE 315 9.4.1 SUR « L’INSPECTION » : QUEL BILAN ? 317

9.4.2 SUR « LE FACTEUR COMMUN ET LE REGROUPEMENT » : QUEL BILAN ? 319

9.4.3 SUR « LES IDENTITES REMARQUABLES » : QUEL BILAN ? 322

9.4.4 SUR « LA DIVISION SYNTHETIQUE » : QUEL BILAN ? 326

9.5 CONCLUSION DU CHAPITRE 328

CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES 333

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 347

TABLE DES FIGURES 353 TABLE DES TABLEAUX 356

TABLE DES ANNEXES 357  

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

 

Introduction générale 

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

Introduction générale 

 

Lorsqu’on s’interroge sur les ‘processus de mémoire’, il existe un consensus pour leur

attribuer une fonction indispensable à l’accomplissement de toute activité cognitive. En

particulier, ce rôle est aussi essentiel pour les activités d’étude qui visent la reconstruction

d’un savoir : les activités didactiques.

Nous avons remarqué qu’en Didactique des Mathématiques les études relatives à la mémoire

sont peu nombreuses, seulement deux travaux ont pour objet de recherche la mémoire. Le

premier travail porte sur la mémoire des maîtres qui les conduit à modifier leurs décisions en

fonction du passé commun entre élèves et professeur. Le second propose un modèle de la

mémoire à partir d’une étude didactique dans l’enseignement des mathématiques au collège et

au lycée. Même si certains des résultats de ces travaux ont des implications sur l’étude de la

gestion de la mémoire, aucun d’entre eux n’a abordé le sujet de la gestion dans

l’enseignement ordinaire des mathématiques.

Dans nos sociétés l’intention d’enseigner est essentiellement dévolue à une institution

particulière : l’Ecole. On est donc amené à étudier la formation et l’évolution des systèmes

didactiques propres à cette institution. Pour que ces systèmes fonctionnent, il faut que soit

établie une ‘référence commune’ sur les connaissances anciennes (souvenirs de

connaissances) nécessaires pour la reconstruction d’un savoir. Cette référence inclut le milieu

avec lequel les élèves interagissent et qui sert de base aux nouvelles connaissances : c’est-à-

dire l’ensemble des objets et des rapports à ces objets connus des élèves et non

problématiques pour les acteurs du système. Le professeur doit donc gérer la réactivation de la

mémoire de la classe relative aux objets et les rapports aux objets nécessaires pour

l’enseignement ; ainsi que d’autres éléments mémoriels qui émergeront au fur et à mesure que

le système évolue. Comment l’enseignant gère-t-il cette mémoire ?

Dans notre travail, afin de répondre à cette question, deux hypothèses ont été posées :

− la première énonce qu’en gérant la mémoire, le professeur s’appuie sur des éléments du

« micro-cadre institutionnel de la mémoire de la classe », considéré comme un système

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INTRODUCTION

Thèse : ARAYA-CHACÓN 16

institutionnel qui réfère au passé didactique commun (fictif ou vécu) des élèves et du

professeur

− la seconde hypothèse énonce que le fonctionnement de chaque institution-classe provoque

des effets sur la gestion mémorielle menée en classe.

Cette recherche de thèse tente ainsi de construire un modèle du système de repérage du passé

didactique des élèves et du professeur, sollicité de manière ostensive dans la classe, à partir de

l’étude de la gestion mémorielle par l’enseignant. Elle tente aussi de mettre en évidence les

influences des assujettissements aux institutions fréquentées par les acteurs des systèmes

didactiques sur cette gestion dans la classe. L’enquête a pour terrain principal l’enseignement

des mathématiques au secondaire en France et au Costa Rica.

Ce travail s’inscrit dans le programme de recherche du cognitif en didactique. En particulier,

comme les phénomènes mnésiques qui nous occupent sont relatifs à un savoir, et que leur

expression relève des pratiques qui concernent ce savoir, nous plaçons notre étude au sein

d’une anthropologie des savoirs : la théorie anthropologique du didactique.

Ce mémoire de thèse est structuré en deux parties. La première partie, Le cadre de la

Recherche, expose les travaux antérieurs sur le thème qui nous occupe : la gestion mémorielle

par le professeur dans la classe ; ainsi que les outils théoriques et méthodologiques utilisés

pour établir la problématique et la démarche d’enquête mise en place. La deuxième partie,

Présentation et discussion des résultats, expose la construction des éléments de réponse aux

questions de recherche.

La première partie se découpe en cinq chapitres. Le premier chapitre, L’état des lieux,

propose une revue des recherches existantes en didactique des mathématiques qui portent sur

la mémoire. A partir de l’état de la question nous situons notre travail parmi les avancées de la

discipline Didactique et nous montrons sa nouveauté dans ce champ de recherche. Le

deuxième chapitre, Le cadre théorique, expose les outils théoriques de l’Anthropologie des

savoirs à partir desquels nous modélisons une partie de la réalité didactique de la classe et à

partir desquels nous analyserons nos résultats. Le troisième chapitre, Une étude exploratoire,

fournit une première approche de l’objet d’étude de notre recherche, ainsi que les premiers

résultats d’une enquête exploratoire menée en France, sur les gestes accomplis par

l’enseignant relatifs à la mobilisation du passé didactique des élèves. Le quatrième chapitre,

La problématique de recherche, expose l’intérêt de mener une étude sur la gestion

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INTRODUCTION

Thèse : ARAYA-CHACÓN 17

mémorielle dans les classes de mathématiques, en précisant l’objet de recherche et les

questions qui nous occupent. Enfin, le dernier chapitre de cette partie, La méthodologie de

recherche, présente les orientations méthodologiques qui ont guidé la démarche de recueil de

données et d’analyse mise en place.

La seconde partie est composée de quatre chapitres. En suivant l’indexation de la partie

précédente, dans le chapitre six, Transposition du savoir en jeu, nous exposons l’étude de la

transposition didactique de la factorisation des polynômes de la variable réelle au Costa Rica

à partir des analyses de trois manuels de la dixième et des instructions officielles du système

éducatif costaricien. Dans le chapitre sept, Analyses de la gestion de la mémoire, nous

précisons les passages des transcriptions considérées comme relevant de la gestion de la

mémoire et nous montrons deux exemples d’analyses menées afin de déterminer les gestes

mémoriels. Dans le chapitre huit, Gestes mémoriels et micro-cadre institutionnel de la

mémoire didactique, nous présentons et exemplifions la typologie de gestes élaborée, à partir

de laquelle nous avons construit le modèle du système de repérage du passé de la classe : le

micro-cadre de la mémoire. Enfin, dans le chapitre neuf, Sur le fonctionnement des

institutions, nous exposons les caractéristiques de la vie institutionnelle des classes observées

qui pourraient avoir des effets sur la gestion de la mémoire.

La conclusion de cette recherche est l’occasion d’une synthèse des principales contributions

de cette étude pour l’analyse des pratiques enseignantes, notamment la tâche didactique du

professeur relevant de la gestion mémorielle de la classe. Elle propose certaines pistes de

réflexion qui au-delà des limites de ce travail laine entrevoir d’autres questionnements.

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

Préliminaires 

Au cours des dernières décennies, les rôles attribués par la société et l’école aux enseignants

dans l’éducation secondaire ont varié (Araya et al, 2007 ; Arias, 2005). Au sein des anciens

paradigmes, le professeur avait pour unique responsabilité d’être un « transmetteur de

connaissances ». En outre, cette « transmission » était considérée comme « un art », une

habileté de certaines personnes, et dont la mise en œuvre était difficilement contrôlée ou

analysable. Ainsi, Chevallard, Bosch et Gascón (1997) indiquent :

Antiguamente se consideraba que la enseñanza de las matemáticas era un arte y, como tal, difícilmente susceptible de ser analizada, controlada y sometida a reglas. Se suponía que el aprendizaje de los alumnos dependía sólo del grado en que el profesor dominase dicho arte y, en cierto sentido, de la voluntad y la capacidad de los propios alumnos para dejarse moldear por el artista (p. 71).

Des observateurs de l’évolution sociale ont relevé d’importants changements dans les

objectifs sociaux et pédagogiques attribués par la société à l’action éducative (González et al.,

2003 cité par Arias, 2005), et notamment aux pratiques professorales. Dans ce sens, Santaló

(1994) postule que :

Este nuevo movimiento que aboga por un cambio en la educación matemática tiene rasgos diferentes de los cambios pretendidos y realizados en el pasado. Los rasgos en la sociedad en que estamos inmersos, hace que en determinados ámbitos de la educación matemática se empiece a pensar que la formación matemática de los estudiantes no debería ser una acumulación de hechos y procedimientos; sino que debería centrarse más en ayudar a los estudiantes a construir recursos y “herramientas intelectuales” que les permitan dotar de significado a las situaciones problemáticas, así como resolverlas (p. 192).

En conséquence, le professeur devra désormais se poser une série de questions, et mettre en

œuvre de stratégies visant les nouveaux changements relevés par Santaló. Par exemple, parmi

d’autres : En quoi consiste la résolution d’un problème en mathématiques ? Quelle est

l’organisation du savoir la plus appropriée à l’enseignement et l’apprentissage d’une notion

mathématique visée ? Quelles sont les connaissances préalables que les élèves doivent

posséder ? Quels types de tâches favorisent l’utilisation de certains « outils intellectuels » plus

que d’autres ? Comment doit-on adapter l’évaluation de ces nouvelles exigences ? Et

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PRELIMINAIRES

Thèse : ARAYA-CHACÓN 20

notamment celles concernant la réactivation et le stockage des connaissances ; en d’autres

termes, ce qui relève de la mémoire.

Les processus de mémoire sont fondamentaux dans les pratiques quotidiennes, puisqu’ils nous

permettent de stocker, de nous rappeler certaines expériences de notre vie en fonction de notre

réalité actuelle, et d’oublier ce qui n’est pas nécessaire à l’action ou à l’appréhension de

l’instant présent. De tels processus relatifs au rappel et à l’oubli, déjà indispensables dans la

vie quotidienne, deviennent remarquablement plus importants quand il s’agit de pratiques

d’enseignement et d’apprentissage, puisque la mémoire est nécessairement présente dans

toute activité cognitive (Kintsch, 1982 ; Foster, 1999 ; Tileston, 2004).

Présentons trois aspects sur la problématique de la mémoire tirés des travaux d’Antibi (2003,

2007). Le premier point concerne la tâche didactique attribuée au professeur : évaluer la

conformité entre les rapports personnels des élèves aux objets de savoir et les rapports

institutionnels attendus. Antibi (2007) indique que nous pourrions considérer deux situations

(au sens large) différentes lors du processus d’enseignement : celles qui réfèrent à une

évaluation et celles hors évaluation. Pour le deuxième type, l’auteur signale qu’il est possible

de proposer aux élèves des « nouvelles » activités qui incluent notamment, les applications

des nouvelles connaissances. En ce qui concerne le premier type, l’auteur postule qu’en

« temps limité, personne ne peut résoudre un problème vraiment nouveau ». Si nous assumons

cette proposition vrai, il est particulièrement nécessaire de s’interroger sur les connaissances

préalables que les élèves devraient mobiliser lors de la résolution des problèmes durant

l’évaluation : comment devraient-elles être articulées pour résoudre le problème ? Ont-elles

été étudiées lors de la même année scolaire ? L’énoncé du problème aide-t-il à l’élève à

reconnaître les connaissances préalables nécessaires à utiliser ? Comment associer la situation

du problème avec d’autres étudiées antérieurement ?

Un deuxième aspect relève du rôle des démonstrations (Antibi, 1998) lors des processus

privés de remémoration chez les élèves. Ainsi, une question s’impose : Apprendre une

démonstration aide-t-il aux élèves à mieux se souvenir ? D’après les travaux de l’auteur, il est

possible de mettre en évidence qu’en certaines occasions la démonstration peut être

considérée comme une mnémotechnique. Il s’agit des situations qui évoquent des résultats

associés aux démonstrations qui peuvent « facilement » être reconstruites. Par exemple, une

des propriétés fondamentales de la fonction exponentielle, ex+y = exey, pourrait être un « appui

mémoriel » pour le rappel de 1xxe

e− = . Dans ce cas, d’après Antibi, il s’agit d’une « mémoire

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PRELIMINAIRES

Thèse : ARAYA-CHACÓN 21

démonstrative ». Or, quand la démonstration est plutôt « longue ou compliquée », il est

davantage difficile, voire impossible, de considérer son emploi comme une mnémotechnique.

Ceci, car les connaissances préalables que sa reconstruction demande font de la démonstration

un « outil intellectuel » coûteux.

Le troisième aspect est relevé d’une étude macro-didactique − des entretiens menés avec

environ dix-mille professeurs − et aborde la question suivante : mieux comprendre aide-t-il à

mieux mémoriser ? Antibi propose des éléments de réponse à cette question en termes de la

notion courante de « sens ». Ainsi, il précise que les élèves − et en général les personnes − ont

tendance à mieux se souvenir de ce qui a un certain « sens » pour eux. Or, l’auteur remarque

qu’un tel « sens » a un caractère subjectif : le « sens » donné par les élèves aux notions

étudiées, ne coïncide forcément pas avec celui du professeur. Quand la distance entre ces

deux « valeurs » est significative, des « problèmes de décalage » peuvent surgir dans la classe.

Remarquons que ce dernier aspect peut être aussi interprété à l’aide de l’articulation des

temps institutionnels étudiés par Chevallard et Mercier (1987) : le temps de l’apprentissage

n’est pas le temps de l’enseignement.

Les trois aspects que nous venons d’exposer relèvent d’une problématique de la mémoire lors

de l’enseignement des mathématiques. Il nous semble que certaines des questions

mentionnées ci-dessus, ainsi que d’autres qui n’ont pas été énoncées (Comment le professeur

aide-t-il à ses élèves à mémoriser ? Quelles mnémotechniques met-il à disposition dans la

classe ?), pourraient être abordées depuis plusieurs approches théoriques. En particulier, nous

avons placé ce qui concerne de la gestion mémorielle par les professeurs dans la classe de

mathématiques, au sein d’une approche qui prend en compte des « manières de faire » et de

« penser » imposées par le groupe où elles sont mises en place.

Comme nous l’avons indiqué dans l’introduction, dans la première partie de la thèse nous

exposons, à partir d’un état de la question, l’inscription théorique d’une étude sur la mémoire

didactique et l’intérêt d’une problématique sur la gestion mémorielle, ainsi que la démarche

méthodologique retenue pour la traiter.

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

PREMIERE PARTIE Cadre de la Recherche 

 

CChhaappiittrree   11  ::   EEttaatt   ddeess   lliieeuuxx..   VVeerrss   uunnee   pprroobblléémmaattiiqquuee   ddee  rreecchheerrcchhee  

    CChhaappiittrree  22  ::  CCaaddrree  tthhééoorriiqquuee  ::  aanntthhrrooppoollooggiiee  ddeess  ssaavvooiirrss..  OOuuttiillss  

tthhééoorriiqquueess   eett   mméétthhooddoollooggiiqquueess   eenn   ddiiddaaccttiiqquuee   ddeess  MMaatthhéémmaattiiqquueess  

    CChhaappiittrree   33  ::  VVeerrss   uunnee   pprroobblléémmaattiiqquuee   ddee   rreecchheerrcchhee..  UUnnee   ééttuuddee  

eexxpplloorraattooiirree  eenn  FFrraannccee      CChhaappiittrree  44  ::  PPrroobblléémmaattiiqquuee  ddee  rreecchheerrcchhee      CChhaappiittrree  55  ::  MMéétthhooddoollooggiiee  ddee  rreecchheerrcchhee    

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

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Thèse : ARAYA-CHACÓN 25

Chapitre 1 : Etat des lieux 

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

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CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX

Thèse : ARAYA-CHACÓN 27

CHAPITRE 1

ETAT DES LIEUX

VERS UNE PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

1.1 Limites de l’étude de la mémoire dans d’autres disciplines

1.2 La mémoire d’un point de vue didactique en mathématiques 1.3 Une voie didactique pour l’étude de la mémoire et de sa gestion

Dans ce chapitre, nous présentons dans un premier temps les limites que certains travaux au

sein d’autres disciplines ont rencontrés pour l’étude de la mémoire relative à la dynamique

didactique. Dans un deuxième temps, à partir d’une enquête bibliographique sur les

recherches existantes en didactique des mathématiques, nous présentons un état des lieux sur

le thème de la mémoire. Dans un troisième et dernier temps, nous justifions la nécessité de

situer notre étude sur la gestion de la mémoire dans une approche didactique, et

particulièrement anthropologique du didactique.

L’objectif de ce chapitre est de situer notre travail sur la gestion de la mémoire parmi les

avancées de la discipline Didactique et de montrer sa nouveauté dans ce champ de recherche.

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CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX

Thèse : ARAYA-CHACÓN 28

1.1 LIMITES DE L’ETUDE DE LA MEMOIRE DANS D’AUTRES DISCIPLINES

A la fin du XIXe siècle, les études menées par Hermann Ebbinghaus ont inauguré la recherche

moderne sur la mémoire humaine en psychologie (Foster & Jelicic, 1999). Sa démarche

expérimentale pour étudier l’apprentissage et le souvenir d’un matériel a représenté une

rupture par rapport aux travaux précédents. Auparavant, la mémoire avait été étudiée à partir

de l’apprentissage de textes, ce qui donnait une place privilégiée à la syntaxe. Ebbinghaus va

donc remplacer ces textes par des listes de mots. Ensuite, « il va supprimer le contenu

significatif pour arriver à de simples syllabes sans signification ». De cette manière, il instaure

« 2300 syllabes du type consonne/voyelle/consonne (CVC) comme TUT, POL, BAT, TIC,

etc. »1, qu’il utilise lors de ses expérimentations.

L’approche psychologique de la mémoire, qui à l’origine l’appréhendait comme antagoniste

de la notion d’intelligence (Tiberghien, 1994), limite le champ d’analyse des phénomènes de

mémoire en la considérant seulement comme inhérente à l’individu. C’est-à-dire, comme une

capacité à restituer l’information, sans prendre en compte l’évolution adaptative des

différentes connaissances dans un groupe de situations, ni les diverses institutions à l’intérieur

desquelles le sujet se donne à l’étude (Matheron, 2001) ; même si des tentatives sont parfois

faites depuis la psychologie pour jeter des ponts entre le social et l’individuel. En même

temps, les études de laboratoire propres aux approches expérimentalistes, relatives à la

reconnaissance d’objets qui ne sont pas objets de savoir (comme celles menées par

Ebbinghaus), ne peuvent rendre compte des apprentissages scolaires car l’une des causes de

ces apprentissages est la situation didactique elle-même qui, par nature, échappe à

l’observation en laboratoire. C’est ce qu’explique Mercier (1996) :

[Les élèves peuvent apprendre] d’autant plus rapidement qu’ils font confiance à la situation parce qu’ils savent, d’expérience, le bénéfice que leur procureront les savoirs nouveaux : le succès des situations didactiques tient pour une part essentielle au contrat didactique, qui permet aux élèves d’interpréter l’intentionnalité dont les situations sont porteuses pour identifier les mathématiques qui leur sont enseignées (cité par Matheron 2000)

Pour d’autres approches, en sociologie notamment, la mémoire est surtout appréhendée

comme un caractère extérieur à l’individu et est à étudier dans et à partir des collectivités

humaines. Néanmoins ces perspectives sociologiques ont, si l’on suit les limites signalées par

Matheron (2000), tendance à se restreindre à l’étude de la fonction sociale de l’institution

1 Voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Hermann_Ebbinghaus

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CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX

Thèse : ARAYA-CHACÓN 29

scolaire, dans son rapport avec les autres structures sociales et leur stratification, et en

circonscrivant son champ à l’extérieur des portes des classes ; or ce qui s’y joue à l’intérieur

est pour nous un de nos terrains d’étude privilégiés.

Un troisième champ, est celui de l’anthropologie ; entendue d’après Kroeber (1948 cité par

Passeron, 1991) comme la « science des groupements humains, de leur culture et de leur

histoire, indépendamment du degré de développement de ces groupes ». Du point de vue de

l’anthropologie, les deux approches précédentes peuvent être articulées en nous plaçant dans

la posture décrite par Candau (1998) :

Alors que le psychologue et le sociologue s’attachent l’un à élucider la nature et le comportement des individus, l’autre ceux des groupes et sociétés, l’anthropologue travaille essentiellement à l’articulation de ces deux approches. Guetteur embusqué au point de passage entre l’individu et le groupe, il s’efforce de comprendre à partir de données empiriques comment des individus parviennent à partager des pratiques, des représentations, des croyances, des souvenirs, en un mot du sens, produisant ainsi, dans la société considérée, ce que l’on appelle de la culture (p. 3)

D’après Matheron (2000), on peut distinguer divers types de groupes sociaux en lesquels il est

possible d’apprendre différents types de savoir : les groupes qui, peut-être non explicitement,

portent une intentionnalité d’enseignement, et ceux qui sont reconnus et constitués dans

l’intention d’enseigner. Nous pourrions désigner les groupes sociaux par le terme

d’institutions, au sens qui lui est donné par Douglas (1999) :

[…] l’on entendra institution au sens de groupement social légitimé. L’institution en question peut être une famille, un jeu ou une cérémonie ; l’autorité légitimante venir d’une personne, par exemple un père, un docteur, un juge, un arbitre ou un maître d’hôtel, ou bien de façon plus diffuse, se baser sur un consensus ou sur un principe fondateur général. Ce qu’on exclut ici sous le nom d’institution, ce sont des arrangements pratiques purement utilitaires ou provisoires et reconnus comme tels (p. 66)

Nous nous plaçons dans une approche sociale, portée par la sociologie et l’anthropologie car

les classes, l’établissement dont elles font partie et le système éducatif − pour citer quelques

exemples − sont des groupements sociaux légitimés. En particulier, l’autorité légitimante de la

classe est le professeur − ou un manuel, par exemple −, et il existe aussi un « principe

fondateur » : l’enseignement.

Nous reprendrons cette perspective anthropologique lors de la présentation de la

problématique de recherche au chapitre 4.

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CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX

Thèse : ARAYA-CHACÓN 30

1.2 LA MEMOIRE D’UN POINT DE VUE DIDACTIQUE EN MATHEMATIQUES

En didactique des mathématiques, les études relatives à la mémoire ont été peu nombreuses.

A la fin de sa thèse posthume, Centeno (1995) indique que jusqu’à la fin des années quatre-

vingts, il n’y avait aucun travail en didactique qui portait sur le sujet proprement dit.

Evidemment, certains thèmes qui pourraient être associés à la mémoire avaient été étudiés.

Parmi ces travaux, d’après Centeno on trouvait les thèmes suivants : l’ancien et le nouveau de

Douady (1986), le temps didactique de Chevallard et Mercier (1987), la décomposition d’une

notion mathématique de Coquin (1982) et la classification d’objectifs de Gras (1979).

Dans ce paragraphe nous allons présenter cinq travaux qui font référence pour la question de

la mémoire en didactique. Dans la figure suivante, nous les indiquons de manière

chronologique :

Remarquons que, parmi ces études, celle réalisée par Centeno (1991) et celle menée par

Matheron (2000) ont pris la mémoire pour principal objet de recherche.

1.2.1 LA MEMOIRE DIDACTIQUE DE L’ENSEIGNANT

Le premier travail qui a contribué de manière significative à s’attaquer au thème de la

mémoire dans l’enseignement des mathématiques, a été mené par Julia Centeno et dirigé par

Guy Brousseau (Centeno, 1991, 1995 ; Centeno et Brousseau, 1991). Il s’agissait d’étudier en

quoi l’enseignant est dépositaire de la mémoire du système. On y retrouve formellement deux

1992 1994

1991 2000

2002

Figure 1 : Cinq travaux relatifs à la mémoire didactique

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CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX

Thèse : ARAYA-CHACÓN 31

nouvelles notions : celle de « mémoire de l’enseignant », caractérisée comme mémoire qui le

conduit à modifier ses décisions en fonction de son passé scolaire commun avec ses élèves,

sans pour autant changer son système de décision ; et la notion de « mémoire du système ».

D’après Brousseau, cette mémoire est un sous-système régulateur comparable à un automate

à pile de mémoire ; et d’après Centeno, c’est celle dont le système se sert pour organiser la

mémoire officielle2 de l’élève.

Centeno (1991) affirme l’existence de divers types de mémoires identifiables a priori dans le

cadre d’une relation didactique. Ces mémoires vont se différencier selon le sujet qui les

possède – le maître, l’élève, le savoir ou le système didactique –, et par leurs fonctions :

emmagasinement et récupération de l’information, transformation des souvenirs, organisation

des connaissances et des savoirs. Dans son étude, la mémoire du maître est fortement

privilégiée comme objet de recherche.

L’auteur décrit deux types de maîtres selon qu’ils utilisent ou non un passé commun avec les

élèves. D’une part, on rencontre la figure du « maître à mémoire » : celui qui met l’accent sur

le rapport entre les leçons, revient souvent sur ce qu’il fait dans la classe et se sert de ce qui a

été accompli par des élèves particuliers, par exemple, en utilisant le souvenir d’un épisode

engageant personnellement un élève pour aider à débloquer une situation. D’autre part, la

figure du « maître sans mémoire », qui suit un programme en lui confiant le soin de la

progression de l’enseignement, sans revenir sur l’organisation des contenus, dont les rappels

n’ont rien à voir avec les élèves qui sont là : c’est-à-dire qu’il dirait la même chose avec

d’autres élèves.

Une des conclusions de Centeno énonce que la conversion des expériences de l’élève en

régularités nécessite des prises de décision de l’élève, qui s’appuient sur une mémoire plus

large que celle seulement relative aux objets de savoir éléments de l’étude. En conséquence,

la mémoire qu’a le maître des activités des élèves (les « maîtres à mémoire ») joue un rôle

important dans la manière dont il effectue son enseignement. Cependant, l’auteur remarque

que le fait d’utiliser le passé des élèves n’assure pas toujours une amélioration de

l’apprentissage. Ainsi, certaines des interventions pertinentes qui s’appuient sur le passé

deviennent positives tandis que d’autres sont plutôt négatives. Par exemple, lorsque le maître

répond à une erreur répétée d’élèves en changeant l’explication qu’il donne parce qu’il a le

souvenir des erreurs et des explications précédentes, l’intervention peut être considérée

2 D’après Centeno (1991), en ce qui concerne l’élève, une mémoire officielle est « celle qui va lui permettre de se servir des connaissances et des savoirs exigés dans la classe […] Ce serait une mémoire de ce qui est institutionnalisé ».

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CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX

Thèse : ARAYA-CHACÓN 32

comme positive. Mais, dans son travail de thèse, Centeno envisage le cas d’un maître à

mémoire qui, lors d’une ingénierie didactique3, afin de faire fonctionner les connaissances

anciennes, place les élèves dans une situation connue de proportionnalité pour qu’ils

cherchent les images des mesures du puzzle agrandi. Ce replacement, causé par une

intervention du maître qui rappelle une situation vécue dans le passé, réactive en même temps

chez les élèves « l’idée que la reproduction devait être proportionnelle, alors que la situation

était conçue pour qu’ils découvrent ce fait dans l’action de reproduction du puzzle »4.

A partir des observations faites dans son étude, Centeno et Brousseau (1991) remarquent que,

dans des conditions identiques, il y a de grandes différences entre les maîtres. Ceci leur

permet d’avancer que l’utilisation de la mémoire par les maîtres dépend au moins de trois

facteurs : la méthode utilisée, l’épistémologie spontanée des enseignants et leur personnalité.

Parmi les questions ouvertes qui restent à étudier dans cette thèse inachevée, on retrouve le

problème de la définition du terme de « mémoire du système » qui est encore à préciser, ainsi

que la prise en compte de la conversion de la mémoire professionnelle du maître vers sa

pratique en classe, selon ses assujettissements externes. Nous remarquons en outre, que

Centeno a donné la priorité, lors de son étude, à la mémoire du maître par rapport aux

enchaînements des leçons, à ce qu’il fait dans la classe. Néanmoins, il nous semble que même

les professeurs « sans mémoire »5 gèrent la mémoire de leurs élèves. C’est justement à cette

gestion dans les classes ordinaires que nous sommes intéressés.

1.2.2 AIRE DE SURFACES PLANES ET NOMBRES DECIMAUX

Dans l’analyse des « situations de rappel » exposée dans la thèse de Perrin-Glorian, on

retrouve la dimension mnésique relative à ce qui est mobilisé par les élèves pour articuler les

gestes de mise en place d’une technique que ces situations réactivent. Les « situations de

rappel » définies par Perrin-Glorian, ne sont pas, comme elle l’expose, des situations de

révision ni de rappel par le maître de ce qui a été fait ; par contre,

[…] il s’agit plutôt pour les élèves de se rappeler une ou plusieurs situations déjà traitées dans des séances précédentes sur un thème, avec un peu de recul donc, de faire un retour sur ces séances, une anamnèse en quelque sorte, pour reprendre le terme que Y. Chevallard (1988)

3 Il s’agit de l’agrandissement du puzzle, pour l’étude de la proportionnalité. Voir, Brousseau 1998, pp. 237- 240. 4 Pour approfondir dans les analyses, voir le cas de la proportionnalité pour la leçon μA analysée par Centeno (1995, pp. 81-83 ou Centeno et Brousseau, 1991, pp. 175-177) 5 Les professeurs qui ne se servent pas souvent de ce qu’ils font dans la classe ou de ce qui a été accompli par des élèves particuliers.

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CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX

Thèse : ARAYA-CHACÓN 33

utilise pour les enseignants […] Les élèves qui ne se sont pas construit de représentation mentale au cours de l’action trouvent là une nouvelle occasion et une raison de le faire puisqu’ils vont devoir parler de ce qui s’est passé et le décrire sans pouvoir agir à nouveau (p. 395)

Dans ces situations, la dynamique du système didactique permet un travail de reconstruction

dans lequel certains souvenirs sont volontairement rappelés ou oubliés. Ce processus conduit

à une délimitation du milieu pour les élèves, et même à une création de milieu pour certains

autres, à travers la re-présentation des situations d’action qu’ils ont précédemment

rencontrées.

Les situations de rappel caractérisent aussi des moments de dévolution et

d’institutionnalisation, car la reconstruction du passé est faite en collaboration avec les élèves,

et l’enseignant fait une sélection de ce qu’il veut faire advenir en mémoire. A la lecture des

explications de Perrin-Glorian, il semble aussi que dans ces situations soit joué par les élèves

et le maître une sorte de jeu du rôle :

Le dispositif exige en effet, pour chacun dans la classe, « de se replacer au point de vue du groupe – classe » tel qu’il a pu exister à un instant de la situation rappelée ; ce qui implique qu’un individu n’occupe plus nécessairement le rôle qui était alors le sien dans la situation […], puisque l’avancée du temps a modifié l’institution (Matheron, 2000, pp. 134 – 135)

Cette remarque de Matheron nous introduit dans une perspective qui attribue un rôle central

aux institutions et aux places qu’y occupent les personnes. Comme nous verrons plus loin (au

paragraphe 4.1), ces places et le « point de vue » de leurs occupants à un certain moment de

l’institution, sont indispensables pour se souvenir.

Les analyses des situations de rappel sont une contribution à la question de la mémoire en

didactique. Cependant, ces épisodes de rappel paraissent fugaces car ils sont relatifs à un

contexte social contingent, donc difficilement reproductible6 (Matheron, 2001). Par ailleurs,

même si l’analyse et la définition de ces situations de rappel se placent à l’intérieur d’un cadre

théorique déjà existant en didactique, la Théorie des Situations Didactiques, il semble

nécessaire de les ré-envisager au sein d’une problématique plus spécifique de la mémoire

didactique, et plus particulièrement de les référer, dans ce cadre, aux gestes de l’enseignant.

6 Il s’agit d’un dispositif qui concerne les élèves en difficulté.

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CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX

Thèse : ARAYA-CHACÓN 34

1.2.3 LE TEMPS DIDACTIQUE ET LA DUREE DE L’ELEVE

Sensevy (1994, 1996) a mis en place une ingénierie prototypique, le Journal des Fractions,

afin d’étudier les conditions temporelles qui peuvent amener les élèves à construire une

activité réflexive. Dans ses résultats, il introduit les notions de « geste d’indication » et

« d’emblématisation » étudiés durant la mise en œuvre du Journal des Fractions7. Les

« gestes d’indication » sont les gestes,

par lesquels l’enseignant évoque les situations, en général adidactiques, où les connaissances des élèves se sont construites, et par lesquels il leur permet, à travers cette évocation, la réactivation de ces connaissances (1996, p. 12)

Cette notion est relative au rôle de l’enseignant dans les « situations de rappel ». Cependant,

le dispositif du Journal laisse au maître et aux élèves une marge de manœuvre plus large pour

travailler conjointement leurs mémoires et celle de la classe, à travers la sélection puis la

publication de leurs travaux.

Pour ce qui concerne « l’emblématisation », l’auteur précise qu’« emblématiser une

production » d’un élève consiste à « institutionnaliser (à rendre visible par et pour

l’institution) cette production comme emblème, c’est-à-dire à la constituer comme élément de

la mémoire didactique de l’institution-classe » (Ibid, p.12). Voyons un des gestes d’indication

et un des emblèmes dans l’étude. L’exemple correspond à la réponse donnée par Cécile à la

question « Décrire ce qui vous a semblé le plus intéressant dernièrement dans les fractions » :

Aussi, il y a la méthode de Patrick quand Brigitte a donné des longueurs, il fallait trouver l’ordre de grandeur et je ne le trouvais pas. Maintenant, quand il y a un ordre de grandeur à trouver, je pense à l’idée de Patrick, donc je trouve (Sensevy, 1994, p. 228)

Un des intérêts de cette recherche tient dans l’émergence de certains gestes d’indication par

les élèves, durant le débat de groupe organisé par le maître, modifiant ainsi le rôle de l’élève

car la responsabilité de construire une mémoire didactique devient partagée. En d’autres

termes, la gestion mémorielle dans la classe est aussi à la charge des élèves.

7 Sensevy (1994) explique que le Journal est fondé sur « la nécessité de faire reconnaître par l’institution-classe un espace-temps où l’élève travaille dans sa durée la formation de rapports à des objets complexes (objets de savoir en interrelation avec objets épistémiques), où les rapports ainsi élaborés soient débattus par la communauté des élèves, où les rapports ainsi réélaborés soient désignés par dialogue maître-classe comme rapports institutionnels produisant du temps didactique » (p. 206).

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CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX

Thèse : ARAYA-CHACÓN 35

Au titre de compléments théoriques pour son travail de thèse, Sensevy interprète certains de

ses résultats dans le paradigme vygotskien. Il rappelle que, d’après le psychologue soviétique,

ce n’est pas « la modification structurelle d’une fonction psychique » qui caractérise de

manière spécifique le développement, mais plutôt les changements du type d’interrelation

existant entre celle-ci et les autres fonctions. Dans le cas de la mémoire, « ce qui change, ce

sont les relations interfonctionnelles qui relient la mémoire aux autres fonctions » (Vygotsky,

1978 cité par Sensevy, 1994, p. 204). L’auteur transpose cette affirmation au milieu

didactique en expliquant que,

Cette conception de la liaison mémoire-cognition permet d’interpréter, au moins en partie, le cas des élèves qui échouent, lors de problèmes, parce qu’ils appliquent les "mauvaises règles", en fait celles dont ils se souviennent, celles qu’ils ont actuellement en mémoire, comme le décrit Perrin-Glorian (1993) : "la difficulté à changer de point de vue se manifeste par exemple lors d’un changement d’activité : des élèves restent sur une consigne précédente ou continuent à utiliser les procédures qui convenaient pour l’activité précédente" (Ibid, p. 204)

Les changements des relations entre la mémoire et les autres fonctions psychiques deviennent

ainsi, d’après Sensevy, une priorité dans l’apprentissage. Dans ce sens, les « gestes

d’indication » et les faits emblématiques, pourront figurer comme des « nœuds des relations

logiques qui constitueront ses actes mnésiques ».

Un peu plus loin, l’auteur clôt son interprétation en formulant l’hypothèse que les élèves qui

ont déjà commencé d’établir l’inversion entre mémoire et cognition décrite par Vygotsky,

« réussiront mieux parce qu’ils intérioriseront plus facilement la mémoire du système, parce

qu’ils constitueront en emblèmes des instruments sémiotiques qui leur permettront de

penser » (Ibid, p. 205). Cette dernière formulation est, de notre point de vue, à rapprocher de

la valence sémiotique des instruments du travail mathématique : les objets ostensifs que nous

présenterons au paragraphe 2.1.3.

Les contributions de Sensevy sont à prendre en compte pour la question de la mémoire en

didactique, même si celle-ci n’a pas été son principal objet d’étude. Il reste à observer et

analyser le fonctionnement de dispositifs comme celui du Journal des Fractions dans des

classes ordinaires ; ainsi qu’à repérer d’autres gestes accomplis par les professeurs ou les

élèves lors d’un enseignement ordinaire.

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CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX

Thèse : ARAYA-CHACÓN 36

1.2.4 LE ROLE D’UNE MEMOIRE DIDACTIQUE DES ELEVES

Fluckiger et Mercier (2002), interrogent la TSD8 et la TCC9 depuis une approche

comparatiste, pour analyser les caractéristiques de la gestion professorale d’un enseignement

suivant une ingénierie didactique sur la division euclidienne. Cette ingénierie visait à favoriser

l’existence « d’une mémoire collective du système didactique à laquelle les élèves font appel

de leur propre initiative » (Ibid, p. 27).

Les auteurs signalent la pluralité de fonctions que peut remplir un geste d’enseignement de

rappel. Par exemple, « servir à produire une contradiction interne au corps des connaissances

de certains élèves » (Ibid, p. 29), ce qui conduit les élèves à faire appel à leur mémoire. Ce

geste de rappel peut aussi servir à produire « un objet à propos duquel les élèves auront à

engager des pratiques apparemment semblables à celles dont ils se souviennent » (Ibid, p.30).

Les analyses de Fluckiger et Mercier sont centrées sur la notion de schème, notamment sur les

invariants opératoires et les théorèmes en acte, à partir d’une entrée sur l’étude du sous-

système élève. Certes, les études qui mettent l’accent sur un des pôles de la relation didactique

à partir d’une approche psychologique-didactique, peuvent nous apporter des éléments

explicatifs sur le fonctionnement du système. Cependant, pour ce qui concerne la mémoire,

certaines contraintes qui portent sur des assujettissements propres à des types différents

d’institutions, et qui ne constituent pas un « focus » pour l’approche TCC, pourraient avoir un

rôle central pour expliquer le choix de certains gestes mémoriels ou, en général, pour aborder

l’étude de la gestion de la mémoire dans la classe. Par exemple, les assujettissements relevant

d’un modèle épistémologique dominant spécifique à la manière de concevoir l’activité

mathématique dans l’institution.

1.2.5 UNE ETUDE DIDACTIQUE DE LA MEMOIRE DANS L’ENSEIGNEMENT DES

MATHEMATIQUES

Réempruntant la voie ouverte par Julia Centeno (1991), Matheron (2000, 2001 ; Matheron et

Salin 2002) a proposé une modélisation pour la mémoire didactique. Dans cette modélisation

on retrouve la trace des trois dimensions du rapport à un objet (voir paragraphe 2.1.1) à partir

desquelles, depuis la théorie anthropologique du didactique, on appréhende la notion de

connaissance de cet objet.

8 Théorie de Situations Didactiques (Brousseau, 1998) 9 Théorie des Champs Conceptuels (Vergnaud, 1990)

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CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX

Thèse : ARAYA-CHACÓN 37

Suivant Matheron, une pratique en général, et en particulier mathématique, suppose un

dispositif formé de moyens matériels et de techniques mis à disposition par une institution

pour y accomplir une tâche. Ce dispositif doit être activé par des gestes appropriés, activation

qui demande des moyens personnels. Par exemple, pour réaliser la tâche : simplifier

–14 – (–5) + (–2) – (+8), un collégien dispose de plusieurs dispositifs, et des gestes, qui vont

être conditionnés par l’institution dont l’élève fait partie (ou celles dans lesquelles il a été en

contact pour la réalisation de cette tâche). Ainsi avons-nous à disposition, parmi d’autres et à

titre d’exemples, les dispositifs suivants :

Dispositif 1 : avec la calculatrice, taper des nombres, des signes et des symboles –14 – (–5) + (–2) – (+8) =

= –19

Dispositif 2 : avec une feuille, un stylo, la règle pour soustraire des nombres relatifs, des

règles pour additionner des nombres relatifs

[2.1] –14 – (–5) + (–2) – (+8) = [2.2] –14 – (–5) + (–2) – (+8) = –14 + (+5) + (–2) + (–8) = –14 + (+5) + (–2) + (–8) = –24 + (+5) = –19 –9 + (–2) + (–8) = –11 + (–8) = –19

Dispositif 3 : avec les lois de signes (ou conventions), des règles pour soustraire et additionner

des nombres relatifs

[3.1] –14 – (–5) + (–2) – (+8) = [3.2] –14 – (–5) + (–2) – (+8) = –14 + 5 – 2 – 8 = –19 –14 + 5 –2 –8 = –24 + 5 = –19

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CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX

Thèse : ARAYA-CHACÓN 38

Selon les cas, des moyens différents seront mobilisés : matériaux (calculatrice, feuille, stylo),

des règles pour réécrire l’expression (règle pour soustraire des nombres relatifs, loi de signes,

conventions) et finalement des gestes qui vont articuler (de manière personnelle) les

techniques pour travailler avec des nombres relatifs (Araya, 2005). Indépendamment des

dispositifs mis en œuvre, la personne productrice des gestes doit donc posséder une mémoire

pour ces gestes. Cette mémoire, qui lui permet de reproduire, au moment approprié une

pratique précédemment apprise, se nomme la mémoire pratique de la personne (ou

simplement mémoire pratique). Elle résulte, comme l’indique Leroi-Gourhan (1964, cité par

Matheron et Salin, 2002), de l’incorporation de chaînes opératoires10 portées par une

« communauté mathématique » ou une institution où la personne est entrée en rapport avec

ces gestes.

L’autre dimension du modèle est décrite à partir du savoir mathématique. Ce savoir est le

résultat de choix antérieurs discutés et autour desquels s’est formé un consensus dans la

« communauté mathématique ». Il conserve la trace des rapports institutionnels (voir

paragraphe 2.1.1) qui ont marqué l’histoire de son cheminement jusqu’à l’institution en

laquelle il est mobilisé. En ce sens, on peut parler d’une mémoire du savoir. Voyons un des

exemples que donne l’auteur :

L’accomplissement d’un geste mathématique (par exemple, en dérivant un monôme de degré n, placer le n comme coefficient du monôme de degré n–1 obtenu) actualise alors le souvenir du choix du type d’action11 (dériver), donc de l’acte (identifier la dérivée au coefficient du terme du premier ordre dans le développement en série de Taylor de la fonction) volontaire et soumis à des (bonnes) raisons (d’ordre mathématique) dont le savoir est porteur (Ibid, p. 84)

L’institution où la personne a appris les dispositifs et les gestes − par exemple celui de dériver

un monôme de degré n, qu’elle a pu apprendre en classe ou de manière privée à la maison −,

joue le rôle de mémoire externe, dépositaire du savoir de la pratique, et médiateur pour son 10 « La constitution des chaînes opératoires [syntaxe organisée d'actions, associant gestes, outils, connaissances] tient dans le jeu proportionnel entre l’expérience, qui fait naître dans l’individu un conditionnement par « essai et erreur » identique à celui de l’animal, et l’éducation dans laquelle le langage prend une part variable mais toujours déterminante » (Leroi-Gourhan, 1964, p. 26). 11 Le « type d’action » et le type « d’acte » dont Matheron parle dans cette citation, évoquent la terminologie proposée par l’anthropologue André Leroi-Gourhan (1964). Ainsi, lors de la production du savoir mathématique, puis de sa transposition, « « les chaînes d’actes » productrices d’ostensifs et de pratiques, et qui constituent les décisions fondatrices assumées par leurs auteurs, commandent aux chaînes d’actions que l’usage de ces ostensifs engage, puisque les premières correspondent aux choix faits pour les seconds » (Araya et Matheron, 2005, p. 4)

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CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX

Thèse : ARAYA-CHACÓN 39

apprentissage. Quand il s’agit d’une discipline scolaire, cette mémoire externe est la mémoire

d’un savoir, et c’est sa nature externe à la personne, qui la rend accessible. Par exemple, elle

est déposée dans des œuvres mathématiques : manuels, livres, logiciels, vidéos, etc. La

mémoire du savoir est donc, une mémoire trans-institutionnelle reconnue par la

« communauté mathématique ».

Pour les pratiques d’enseignement scolaire, l’auteur signale l’existence d’une mémoire

officielle. Il la caractérise comme étant celle qui est relative au savoir et à ses pratiques dans

l’institution au sein de laquelle il a été enseigné après transposition. Elle peut rester provisoire

ou être institutionnalisée, selon les intentions didactiques du professeur. Voyons un exemple.

Dans l’une des classes observées au Costa Rica, l’enseignant pose la question suivante :

comment déterminer si n’importe quelle équation du second degré a des solutions réelles ?

Les élèves énoncent d’eux-mêmes une forme quasi-générale des équations : x² + bx + c = 0.

Ils appliquent la technique de « completar cuadradros12 » à l’aide du professeur qui l’écrit au

tableau ; on arrive à la forme des solutions : 2 4

2 2b b cx − −

= − . Le lendemain, l’enseignant

propose aux élèves le cas où a≠1, pour lequel le traitement au tableau est similaire. A la fin de

ce travail, le professeur fait remarquer que le deuxième cas est le plus général, et ajoute, bien

évidemment, que « c’est celui ce qu’il faut retenir ». Ainsi, l’étude de l’équation

x² + bx + c = 0, fait-elle partie d’une mémoire officielle de la classe, mais n’est pas retenue

comme mémoire du savoir ou mémoire institutionnelle13.

En ce point, nous pouvons résumer la description du modèle de la mémoire sous la forme

suivante : une mémoire officielle, relative aux savoirs et à ses pratiques dont des éléments ont

été enseignés dans une institution et font partie d’une mémoire externe à l’élève. Et une

mémoire pratique à partir de laquelle sont reconstruits, lorsque nécessaires à la pratique, les

gestes d’une personne. Ceux-ci sont vus comme résultant de l’incorporation de la mémoire

12 Compléter deux carrés : ...0

220

2222 ⇔=+⎟

⎠⎞

⎜⎝⎛−⎟

⎠⎞

⎜⎝⎛++⇔=+− cbbbxxcbxx

13 Chez Centeno (1991) la mémoire nommée « institutionnelle » par Matheron, est désignée comme « mémoire officielle ». Comme nous l’avons dit, elle est celle qui va lui permettre de se servir des connaissances et des savoirs exigés dans la classe. Cette mémoire peut être contenue dans un registre, le même pour toute la classe : cahier, fichier, tableau, films, livre de texte, etc. ou peut être laissée à la responsabilité de l’élève. Ce serait une mémoire de ce qui est institutionnalisé » (p. 2). Celle nommé « mémoire officielle » chez Matheron, inclut celle que Centeno a établit par « mémoire provisoire » : « spécifique de la classe et commune au maître et aux élèves. Elle se définit par rapport à la relation didactique. C’est une mémoire organisée selon les normes de la demande de l’institution scolaire, une mémoire des connaissances en train de se faire, et donc, contextualisées. Cette mémoire enregistre des faits qui vont servir à l’aménagement didactique mais qui ne sont pas identifiables à la mémoire officielle » (p. 2), donc qui ne seront pas forcément institutionnalisés.

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CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX

Thèse : ARAYA-CHACÓN 40

officielle du savoir, ce qui lui permet d’articuler les moyens matériels mis, ou qu’elle met, à

sa disposition et les techniques pour reproduire la pratique.

Matheron signale aussi que la mémoire pratique doit quant à elle, pour son objectivation14,

« être donnée à voir » par l’intermédiaire d’une « production » de la personne qui soit

perceptible. Ainsi, appelle-t-on

mémoire ostensive, cette mémoire qui est délibérément donnée à voir, de manière revendiquée, par des moyens appropriés, à ses propres sujets ou à d’autres personnes par une institution ou un individu, quelle que soit sa position dans l’institution. Bien qu’elle obéisse, suivant la position occupée par la personne, à certaines règles institutionnelles […], cette ostension peut être réalisée […] dans le cadre de divers registres perceptifs : gestuels, discursif-langagier, graphique, scriptural […] Elle s’appuie sur des événements relatifs au savoir enseigné qui ont été publiquement, et intentionnellement pour une grande partie d’entre eux, donnés à voir (ou à entendre, etc.), ainsi que sur certains événements que l’on ne montre plus (Matheron, 2001, p. 236 − 237)

C’est souvent dans le but d’homogénéiser les connaissances pour standardiser les pratiques,

qu’est relancée la reconstruction du passé à travers les pratiques qu’il contient. Donc, c’est

l’évocation publique, le « donné à voir » des éléments de la mémoire pratique, qui définit la

mémoire ostensive.

La description présentée ci-dessus du modèle de la mémoire, peut être représentée par le

schéma suivant :

14 Il s’agit de montrer les éléments de la mémoire pratique comme étant partagés ou reconnus par les membres − du moins une partie − d’une institution.

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CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX

Thèse : ARAYA-CHACÓN 41

Du modèle proposé par Matheron nous retirons deux points importants pour notre

travail. Tout d’abord, un cadre théorique qui intègre des perspectives anthropologiques et

sociologiques et qui, d’après nous, prend en compte des variables primordiales propres aux

pratiques institutionnelles : la reconnaissance d’ostensifs qui outillent les pratiques et qui sont

imposés par les institutions (Bosch & Chevallard, 1999), les assujettissements aux institutions

qui influent sur « la mémoire de leurs membres », en utilisant les mots de Douglas, et la place

centrale que cette dynamique institutionnelle donne aux rôles que ses sujets y jouent. Un

second point à retenir est précisément la modélisation de la mémoire ainsi fournie. Dans cette

modélisation, nous soulignons l’existence d’une mémoire à partir de laquelle sont construits

les gestes qui activent les outils pour accomplir une technique : la mémoire pratique. Cette

mémoire, d’après nous, sera largement convoquée lors de la gestion mémorielle de la classe, à

partir d’une évocation publique afin d’établir une ‘référence commune’ entre les élèves et le

professeur par exemple pour mener à bien l’enseignement (nous reviendrons sur ceci en 4.1).

Cependant, remarquons que, dans ce travail, les observations relatives aux séances dans des

classes ordinaires portaient le plus souvent sur le moment d’étude du travail de la technique.

Cette caractéristique méthodologique a pu conditionner l’identification de certaines traces au

détriment de celles qui auraient pu être relatives à un autre type de mémoire : par exemple

celle des non-ostensifs associés aux outils, et qui sont mobilisés en même temps que les gestes

Incorporée dans

Evocationpublique

Savoirenseignédans uneinstitution

Figure 2 : Schéma du modèle de la mémoire proposé par Matheron

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CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX

Thèse : ARAYA-CHACÓN 42

techniques. Aussi, reste-t-il encore à étudier, parmi d’autres, l’une des tâches didactiques

assignées au professeur et concernant la mémoire : celle de la gestion des objets

antérieurement appris pour, par exemple, parvenir à la construction et la dévolution d’un

milieu.

Dans cette partie, nous avons présenté un parcours sur les principaux travaux relatifs à « la

mémoire » en didactique des mathématiques. Ce faisant, nous cherchons à placer notre travail

par rapport aux autres études sur le sujet et, en particulier, exposer celui qui encadre notre

recherche dans une voie de l’anthropologie des savoirs.

Dans le paragraphe qui suit, nous justifions la prise d’une voie didactique comme l’approche

la plus convenable pour l’étude des phénomènes mémoriels, lors des situations scolaires

d’enseignement des mathématiques.

1.3 VERS UNE PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE : UNE VOIE DIDACTIQUE POUR

L’ETUDE DE LA MEMOIRE ET DE SA GESTION

Comme nous l’avons noté dans les préliminaires, les processus de mémoire sont

fondamentaux dans toute activité cognitive. En particulier, ces processus ont une place

privilégiée dans des institutions scolaires où l’enseignant prend en charge la responsabilité

d’articuler, au fil de plusieurs mois (voire plusieurs années), des organisations mathématiques

désignées par la noosphère à être enseignées.

Ainsi, étant donné les instructions officielles, une classe s’engage donc dans l’étude des

questions mathématiques. Cet investissement suppose l’élaboration d’un projet, c’est-à-dire la

recherche d’une maîtrise effective des organisations reconstruites par élèves et enseignant.

Une telle reconstruction implique pour chacun des acteurs, la mobilisation, d’une manière

privée et/ou publique, d’éléments de leur passé (Fluckiger et Mercier, 2002). Dans ce sens, et

comme une toute première justification de l’importance du sujet de cette recherche, la gestion

d’une mémoire, considérée comme une tâche didactique à la charge de l’enseignant, est donc

incontournable.

Comme nous l’avons mentionné, certaines approches (la psychologie et la sociologie)

traditionnellement portées à l’étude de la mémoire, n’envisagent pas des phénomènes

didactiques propres aux pratiques enseignantes. C’est ainsi, par exemple, de la non

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CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX

Thèse : ARAYA-CHACÓN 43

considération de l’existence d’un contrat régulateur des attentes de chaque acteur du système

didactique par rapport au savoir en jeu, le contrat didactique.

Ces approches ne considèrent pas non plus, pour l’étude de la mémoire, la nature du savoir

étudié dans la classe ; et dans certains cas, les conditions et contraintes propres aux

institutions didactiques scolaires sont aussi ignorées. Par exemple, des contraintes

temporaires : quelques semaines pour étudier un thème, lors de séances de 55 minutes en

France et 40 minutes au Costa Rica.

Si nous regardons dans le champ de la didactique des mathématiques, nous rencontrons une

double préoccupation fondatrice de cette science. Il s’agit de l’observation et de l’analyse du

réel didactique tel qu’il existe dans les classes ordinaires du système éducatif afin d’évaluer

puis de concevoir des dispositifs facilitant l’étude (Matheron, 2002).

Nous considérons qu’une étude de la gestion de la mémoire (voir paragraphe 4.2.2) dans

l’enseignement secondaire des mathématiques, relève au même titre de cette double

préoccupation. D’une part, et en contre-pied des limitations signalées pour les autres

approches, c’est de façon incontournable à partir de l’observation et l’analyse des interactions

entre élèves et professeur à propos des pratiques mathématiques, qu’il est possible d’identifier

des conditions et des contraintes imposées dans ce réel didactique, et relatives à l’évocation de

connaissances préalables. D’autre part, ces analyses concernant la gestion de la mémoire,

cherchent à concevoir des améliorations dans l’une des dimensions de la mise en oeuvre de

dispositifs facilitant l’étude, celle qui relève de la remémoration des élèves. Ainsi, notre

travail se place dans l’étude du cognitif au sein du champ didactique, et plus précisément,

d’une perspective anthropologique du didactique. Ceci car les phénomènes mnésiques qui

nous occupent sont avant tout relatifs à des savoirs et leur expression est réalisée à travers des

pratiques.

Cette perspective anthropologique assure, au moins au niveau théorique et comme point de

départ, une délimitation de la recherche qui place, au premier plan, trois aspects

fondamentaux pour entreprendre une étude de la mémoire en didactique :

• Tout d’abord, la reconnaissance d’une dialectique entre objets ostensifs et non-

ostensifs (Bosch, 1994a) imposés par les institutions didactiques qui outillent les

pratiques qu’on y accomplit.

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CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX

Thèse : ARAYA-CHACÓN 44

• Puis, les assujettissements aux institutions auxquelles nous appartenons et qui, comme

l’avait noté Douglas (1999), « organisent la mémoire de leurs membres ».

• Enfin, la place centrale que la dynamique institutionnelle donne aux rôles que ses

sujets y jouent et aux positions qu’ils occupent. Nous formulons l’hypothèse que ces

positions influent, en grande partie, sur les « points de vue » des groupes au sein d’une

institution, qui d’après Halbwachs (1925 & 1994), sont significativement importants

pour la remémoration des sujets15.

15 Comme nous le verrons en 4.1, une des thèses d’Halbwachs consiste à énoncer que nous ne pouvons guère nous souvenir qu’en nous replaçant « au point de vue d’un ou plusieurs groupes » auxquels nous avons appartenu, ainsi que « dans un ou plusieurs courants de pensée ».

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CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX

Thèse : ARAYA-CHACÓN 45

1.4 RESUME

Dans ce chapitre nous avons remarqué qu’en Didactique des Mathématiques les études

relatives à la mémoire avaient été peu nombreuses. Nous avons relevé principalement cinq

travaux abordant le sujet. Parmi ceux-ci, l’étude de « la mémoire didactique de l’enseignant »

(Centeno, 1991) et l’« étude didactique de la mémoire dans l’enseignement des

mathématiques » (Matheron, 2000) ont comme objet de recherche la mémoire. Le premier

travail l’aborde depuis une perspective systémique, tandis que le deuxième prend une voie

anthropologique. Remarquons que, même si ces deux recherches peuvent fournir des

références sur la manière dont le professeur gère la mémoire didactique des classes dans

l’enseignement secondaire, aucune d’elles ne prend comme objet de recherche la gestion

mémorielle.

Comme les phénomènes mnésiques qui nous occupent sont relatifs à un savoir, et leur

expression relève des « pratiques » concernant ce savoir, nous plaçons notre travail sur la

gestion mémorielle au sein d’une anthropologie des savoirs. Nous tentons ainsi d’apporter une

nouvelle ouverture à l’étude du cognitif dans la TAD.

Dans le chapitre suivant, nous détaillons le cadre théorique de cette recherche qui prend place

au sein de la Théorie Anthropologique du Didactique. Nous présentons les outils dont nous

aurons besoin pour la suite de notre travail : la problématique de recherche, la démarche

méthodologique, les analyses et la discussion des résultats.

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

Chapitre 2 : Cadre théorique 

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 49

CHAPITRE 2

CADRE THEORIQUE

L’ANTHROPOLOGIE DES SAVOIRS

OUTILS THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES EN DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES

2.1 La théorie anthropologique du didactique

2.2 Sur la notion de contrat didactique 2.3 Sur la notion de milieu

Dans ce chapitre, après avoir indiqué l’intérêt d’une approche didactique pour aborder l’étude

de la gestion de la mémoire, nous détaillons le cadre de l’inscription théorique de notre

recherche : la Théorie Anthropologique du Didactique. Dans une première partie, nous

abordons les principaux outils de la théorie : la transposition didactique des savoirs, les

notions fondamentales à la base de la modélisation du cognitif, le modèle général de l’activité

humaine que la TAD met à disposition, l’organisation de l’étude proposée pour la

reconstruction des organisations mathématiques dans la classe, le modèle de l’espace des

organisations didactiques possibles, et le système de contraintes et conditions qui influencent

le « processus d’enseignement ». Dans l’exposé nous signalons l’intérêt particulier des outils

apportés par la TAD pour une étude de la gestion mémorielle. Dans une seconde partie, nous

décrivons deux notions fondamentales dans la didactique française dès ses origines : celle de

« contrat didactique » et celle de « milieu », qui seront elles-aussi nécessaires pour

l’établissement de la problématique et les analyses des résultats.

L’objectif de ce chapitre est de détailler la modélisation d’une partie de la réalité didactique

au sein de laquelle nous inscrivons notre travail, et selon laquelle nous analyserons nos

résultats, ainsi que la présentation des outils théoriques de description et analyse.

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 50

2.1 LA THEORIE ANTHROPOLOGIQUE DU DIDACTIQUE

Comme nous l’avons indiqué dans le chapitre précedent, nous nous plaçons dans une

approche sociale, portée par la sociologie et par l’anthropologie. En effet, nous cherchons à

comprendre à partir de données empiriques, comment les individus parviennent à partager, du

moins de manière collective, des pratiques relatives à leur remémoration. Nous étudions donc

une dimension du cognitif en mathématiques, du point de vue « anthropologique du

didactique ».

D’après Bosch (2000) la modélisation anthropologique du didactique initiée principalement

par Chevallard (1992, 1999, 2002 ; Chevallard, Bosch et Gascón, 1997) s’inscrit dans un

programme de recherche qu’on a pu nommer « programme épistémologique » de recherche en

Didactique des Mathématiques et dont la principale caractéristique tient en ce qu’il se donne

l’activité mathématique comme premier objet de recherche. La notion de transposition

didactique (TD) semble aujourd’hui le premier germe de cette théorie.

Au début des années 80, cette notion fait son entrée dans la communauté didactique. Avec

celle-ci, Chevallard a proposé de montrer que le savoir à enseigner ne peut pas se laisser

décrire comme une réduction d’autres savoirs plus complexes, issus d’une communauté

« savante » (Joshua et Dupin, 1993). Un mathématicien ne communique pas ses résultats sous

la forme où il les a trouvés. Il les décontextualise et les dépersonnalise, afin de leur donner,

pour être communicables, une forme aussi générale que possible. En revanche, l’enseignant

fait le travail inverse : il fait une re-contextualisation, en cherchant des situations qui vont

donner du sens aux connaissances à enseigner (Briand et Chevalier, 1995). Comme

Chevallard (1991) le décrit,

Tout projet social d’enseignement et d’apprentissage se constitue dialectiquement avec l’identification et la désignation de contenus de savoirs comme contenus à enseigner. […] Un contenu de savoir ayant été désigné comme savoir à enseigner subit dès lors un ensemble de transformations adaptatives qui vont le rendre apte à prendre place parmi les objets d’enseignement. Le « travail » qui d’un objet de savoir à enseigner fait un objet d’enseignement est appelé transposition didactique (p. 39)

D’après Bosch et Gascón (2006), une des principales contributions de la théorie de la

transposition didactique dans les progrès de la didactique des mathématiques comme champ

de recherche, a été l’élargissement de l’unité empirique d’analyse. Dans ce sens, cette théorie

a mis en évidence que,

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 51

it is not possible to interpret school mathematics properly without taking into account the phenomena related to the school reconstruction of mathematics, whose origin has to be found in the institutions that produce mathematical knowledge (p. 55)

Différents types de savoirs peuvent être donc distingués : le savoir savant, terme utilisé, d’une

manière qu’on peut voir ironique, pour caractériser le savoir qui « garantit et légitime le

processus d’enseignement »16, le savoir à enseigner qui est désigné par les instructions

officielles issues des décisions prises par la noosphère, le savoir enseigné, tel qu’il est

enseigné par les professeurs dans les classes et le savoir appris, tel qu’il est appris par les

élèves. Le processus de transposition didactique souligne donc la relativité institutionnelle des

savoirs. Dans la figure suivante on représente ce processus :

Les assujettissements institutionnels issus de la transposition des savoirs nous semblent

pouvoir expliquer certaines caractéristiques de la classe qui sont susceptibles d’influencer

l’organisation et la gestion du processus d’étude, dont la gestion de la mémoire fait partie. Ces

assujettissements sont, par exemple, établis par l’utilisation regulière d’un manuel pour

l’enseignement d’une organisation mathématique (OM).

Chevallard (1991) prend comme référence Michel Verret (1975) pour énoncer les conditions

nécessaires des savoirs enseignables : « la désyncrétisation du savoir, la dépersonnalisation du

savoir, la programmabilité de l’acquisition du savoir, la publicité du savoir, le contrôle social

des apprentissages » (Chevallard, op. cit. p. 58). Dans la transposition didactique ces

conditions sont satisfaites à travers le processus nommé mise en texte d’un savoir. La mise en

texte autorise donc la « programmabilité de l’acquisition du savoir », car le texte est vu

comme une norme de progression dans la connaissance.

16 Bosch et Gascón citent Kang et Kilpatrick (1992) pour illustrer la notion de savoir savant : « A scholarly body of knowledge is nothing other than knowledge used both to produce new knowledge and to organize the knowledge newly produced into a coherent theoretical assemblage » (p. 56)

Savoir savant Savoir à enseigner Savoir enseigné Savoir apprisCommunauté

d’étudeLa classeSystème d’éducation,

“noosphere”Institution de productionet d’utilisation du savoir

Figure 3 : Processus de transposition didactique

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 52

Selon Chevallard et Mercier (1987), cette progression est marquée par « l’introduction

successive de différents objets d’enseignement dont les programmes officiels fournissent la

liste » (p. 3). Chaque objet introduit évite l’obsolescence interne d’un savoir. C’est justement

le « nouveau » objet de savoir, qui rend possible la rénovation de cet obsolescence en

instituant la structure du temps de l’enseignement, en d’autres termes la structure du temps

didactique. Le professeur est celui qui reprogramme chaque renouvellement et évite

l’obsolescence en donnant à chaque fois naissance à un nouveau temps : ce qu’on appelle

chronogénèse du savoir.

Comme les auteurs l’indiquent, l’organisation temporelle n’est pas unique. Le temps ne peut

pas être considéré comme régulier, continu, homogène, bref universel.

Tout temps, y compris le temps des horloges, n’est jamais que le temps d’une espèce particulière de phénomènes, dont il naît ou dont on le fait naître […] Tout système, en effet, engendre une temporalité spécifique, qui donne sens aux événements constitutifs de son histoire (Chevallard et Mercier, 1987, pp. 7 − 8)

Dans ce sens, et pour l’analyse du fonctionnement didactique, nous repérons aussi le temps

scolaire, celui de l’institution : le temps marqueur des événements pédagogiques ou sociaux

dans l’établissement scolaire ; et le temps de l’élève ou le temps de l’apprentissage, celui

associé à l’organisation personnelle des savoirs chez l’élève. Une telle structuration des temps

propres aux institutions scolaires pourrait aussi jouer un rôle central lors du repérage temporel

des événements du passé.

La transposition didactique souligne aussi la différence des places entre l’enseignant et

l’enseigné par rapport au savoir en construction, ce que Chevallard nomme, la topogenèse du

savoir. Cette distinction se reconnaît au moins à travers deux formes : d’abord, non seulement

pour que le maître, par nature, possède un surplus de savoir en attente d’enseignement, mais

aussi par rapport au temps comme temps du savoir. L’enseignant, à la différence de

l’enseigné, est capable d’anticipation ; l’élève pourrait maîtriser le passé, mais seul le maître

peut maîtriser le futur, lui seul peut savoir ce que l’enseigné peut apprendre. Ainsi, en

revenant aux pluralités des temps, on distingue le temps de l’enseignement, où l’anticipation

est essentielle et le temps de l’apprentissage, ou temps des élèves, où un certain type de

rétroactions est en travail. En même temps, la TD tend à produire deux registres distincts

d’actes épistémologiques : deux ‘’manières’’ de savoir. Ainsi,

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 53

lorsque la transposition didactique opère sur les objets à enseigner selon la différenciation empiriste du « donné » et de la « théorie », l’élève va se retrouver du côté de l’empirique, de la « constatation », de la « vérification », de l’ « application », etc. Au maître sera réservé la théorie. Il y a donc ce que le maître doit enseigner et la manière dont il doit l’enseigner, et il y a ce que l’élève doit savoir, et comment il doit le savoir (Chevallard, 1991, p. 75)

La dichotomie des places, et son accomplissement didactique, impliquent aussi une

dichotomisation de l’objet de savoir : une place pour l’enseignant et l’autre pour l’enseigné.

Cette réalité produit des situations « transactionnelles » entre la version officiellement

enseignée et la version dont la connaissance est exigée de l’enseigné.

Dans la théorisation de 1999 sur L’analyse des pratiques enseignantes en théorie

anthropologique du didactique, une fois introduite la notion de « praxéologie » et en

particulier celle de tâche − nous préciserons toutes les deux plus loin − Chevallard précise

cette distinction des places occupées par l’enseignant et l’enseigné − nous dirions aussi des

places offertes par l’institution classe. Comme il l’explique, dans un certain nombre de

contextes, les tâches didactiques sont coopératives : « elle doivent être accomplies de concert

par plusieurs personnes x1, …, xn, les acteurs de la tâche » (Chevallard, 1999, p. 247). Chacun

de ces acteurs effectue donc certains gestes, dont l’« ensemble constitue alors son rôle dans

l’accomplissement de la tâche coopérative ». Ces gestes étant donc différenciés selon les

acteurs et coordonnés entre eux par la manière de réaliser la tâche (disons τ) prévue par

l’enseignant. L’ensemble de ces gestes qui déterminent le rôle des xi lorsque la tâche est

accomplie selon τ, l’auteur le nomme le topos de xi dans la tâche. Plus précisément, il ajoute :

Le grec topos signifie « lieu » : le topos de xi, c’est le « lieu de xi », sa « place », l’endroit où, psychologiquement, xi éprouve la sensation de jouer, dans l’accomplissement de t [la tâche], « un rôle bien à lui ». Dans le cas d’une classe, on parlera ainsi du topos de l’élève et du topos du professeur. Ainsi, lorsqu’une classe de mathématiques « fait un exercice », ce qui est une tâche éminemment coopérative, la sous-tâche consistant à fournir l’énoncé de l’exercice revient, généralement, au professeur : elle appartient à son topos. La tâche consistant à produire − par exemple par écrit − une solution de l’exercice relève, elle, du topos de l’élève, tandis que la tâche consistant, ensuite, à fournir un corrigé ressortit, à nouveau, au topos du professeur. Si, au cours de la résolution de l’exercice, un élève pose une question au professeur, il effectue ainsi ce qui est vu ordinairement comme un simple geste, appelant un geste homologue de la part du professeur − geste qui peut consister, quelquefois, à… refuser de répondre. » (Chevallard, 1999, p. 247)

L’analyse des types de positions offertes par l’institution et de leurs rôles vis-à-vis de

l’évocation des connaissances anciennes nécessaires pour l’étude d’un nouveau savoir, nous

semble constituer des paramètres à considérer lors d’une étude sur la gestion de la mémoire.

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 54

Ceci car, comme nous l’avons vu, les rôles attendus des acteurs conditionnent jusqu’à un

certain degré, les gestes que l’acteur doit accomplir. Notamment, il s’agit aussi des gestes

concernant la réactivation d’objets et de rapports à ces objets (voir 2.1.1).

Dans le paragraphe suivant, nous présentons les notions fondamentales relatives à

l’anthropologie cognitive, dans le cadre de la TAD.

2.1.1 NOTIONS FONDAMENTALES

En Théorie Anthropologique du Didactique, à la base de la modélisation du cognitif, se

trouvent quatre notions fondamentales : celles d’objet, de rapport, de personne et

d’institution. Dans ce qui suit, nous reprenons certains éléments de la présentation de ces

notions qui ont été exposées par Chevallard dans son article approche anthropologique du

rapport au savoir et didactique des mathématiques (2003). Ces notions constituent les outils

de base pour présenter la problématique de recherche (voir chapitre 4) qui nous occupe.

Toute entité quelconque (matérielle ou immatérielle) qui existe pour au moins un individu est

considérée comme étant un objet. Par suite, tout est objet : une voiture, un graphique, le

concept d’intégrale, un souvenir, le symbole Σ, la sensation de peur, etc.

La notion de rapport personnel d’un individu à un objet o, est le système noté R(x, o), de

toutes les interactions que cet individu peut avoir avec l’objet : le penser, le toucher, le

calculer, en parler, en manger, etc. Dans ce sens, la notion de rapport n’est pas considérée

dans son acception intellectualiste, remarque Chevallard : on a un rapport à la brosse à dents,

au métro, au Président, à la notion de dérivée, etc.

La personne X est le couple formé par un individu et l’ensemble de rapports personnels aux

objets qu’il a formés à un moment donné de l’histoire de cet individu. Dans ce sens, on dit

que ce qui peut changer, ce sont les rapports que les individus entretiennent aux objets, donc

les personnes ; l’invariant est donc l’individu.

En articulant les trois notions que nous avons introduites, Chevallard définit connaître un

objet o, comme avoir un rapport à o. Ainsi, la personne X connaît o s’il existe R(X, o).

L’univers cognitif de X, est représenté par l’ensemble U(x) = { (o, R(X, o)) / R(X, o) ≠ ∅}.

Cette modélisation du cognitif en termes d’« objets » et de « rapports » à ces objets a un

caractère large. Ce caractère favorise l’appréciation de ce qui est en jeu lors de la

remémoration par des personnes et qui, comme nous l’avons vu en 1.1, dépasse les limitations

de certaines approches : les rapports aux contextes, aux situations, aux assujettissements, etc.

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 55

Suivant la modélisation du cognitif, Chevallard (2003) présente la notion d’institution de la

manière suivante :

Une institution I est un dispositif social « total », qui peut certes n’avoir qu’une extension très réduite dans l’espace social (il existe des « micro-institutions »), mais qui permet – et impose – à ses sujets, c’est-à-dire aux personnes x qui viennent y occuper les différentes positions p offertes dans I, la mise en jeu de manières de faire et de penser propres (p. 82)

Comme il l’indique, le sens de la notion n’est pas celui bureaucratique dans lequel on l’entend

souvent (l’armée, l’Eglise, l’Etat, etc.), mais est plutôt proche de celui que lui a donné

Douglas (1999), et que nous avons cité au paragraphe 1.1. Ainsi, nous dirons que notre monde

est composé de plusieurs institutions dont chacune admet un environnement qui est un univers

culturel, et en même temps, « toute institution peut fonctionner comme univers culturel pour

d’autres institutions » (Chevallard, 1986, p. 97). De tels univers sont formés par plusieurs

éléments référant à des pratiques, sans se limiter à ceux partagés par une société en particulier.

Ainsi, on pourrait penser à l’institution du « basket », dont l’univers peut être intégré par les

joueurs (amateurs ou professionnels), les espaces destinés à jouer, les règles du jeu, les

chansons des supporteurs, les grandes ligues comme le NBA, leurs joueurs les plus

connus, etc.

Pour toute institution I, il existe ce que Chevallard (1992) appelle un temps institutionnel t1,

notion qui est une extension de la notion de temps didactique déjà présenté dans la TD.

L’ensemble des objets institutionnels17 dépend donc de ce temps institutionnel, de la manière

dont il enregistre certains changements au sein de I :

A chaque « instant » t, de nouveaux objets institutionnels apparaissent, tandis que d’autres disparaissent (pour n’être plus, par exemple, qu’institutionnellement visibles depuis I). Il en va de même des rapports institutionnels, RI(O,t). D’une manière générale, toutes les notions relatives à I dépendent de tI (p. 89)

Cette dynamique des « objets » et « rapports », qui apparaissent et disparaissent, dirigée par

les assujettissements institutionnels, prend un caractère important lorsqu’il s’agit de la

dimension mnésique des sujets de l’institution. Notamment, pour ce qui concerne les

17 « A chaque institution I est associé un ensemble d’objets, OI, dit ensemble des objets institutionnels (pour I), qui est l’ensemble des objets O que connaît I, c’est-à-dire pour lesquels existe un rapport institutionnel RI(O). Un objet O est institutionnel pour I, autrement dit existe pour I, si I a défini un rapport (institutionnel) à O » (Chevallard, 1992, p. 88).

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 56

« objets » et les « rapports aux objets » à oublier au fur et à mesure que le temps didactique

avance, ainsi que les changements dans l’institution qui les font oublier.

Suivant l’exposition de Chevallard (1992) une personne devient un « sujet d’une institution

I » quand elle devient « assujettie » à I. Au sein de toute institution, il existe plusieurs

positions p légitimées. Ainsi, pour chacune de ces positions il existe le « rapport à l’objet o

qui devrait être, idéalement, celui des sujets de I en position p », ce rapport est nommé

rapport institutionnel et noté par RI(p, o). Autrement dit, il s’agit de « ce qui se fait dans »

l’institution I, avec l’objet de savoir o, lorsque la personne occupe la position p (Chevallard,

1989). Un « bon sujet » de I en position p par rapport un objet o, est la personne placée dans

cette position dont le rapport à o est conforme au rapport institutionnel établi dans I. En

d’autres termes, si R(X, o) ≅ RI(p, o)18. Il y a ainsi une dialectique des rapports institutionnels

et des rapports personnels : les premiers fournissent les conditions et les contraintes sous

lesquelles se créent et évoluent les seconds, et en retour les seconds, lorsqu’ils sont idoines

aux premiers, viennent les soutenir (Chevallard, 1989). En tout cas, l’auteur remarque que

RI(p, o) n’est le rapport personnel d’aucune personne. Autrement dit : conformité n’est pas

identité. Remarquons donc, que la « mémoire institutionnelle » (voir paragraphe 1.2.5)

présentée par Matheron est constituée par les souvenirs des RI établis en I.

La théorisation, telle qu’elle est exposée en 1989, mentionne un troisième terme dont

l’existence apparaît déjà dans L’esquisse d’une théorie formelle du didactique donnée en

1986 : le rapport officiel. Il s’agit du rapport que l’institution donne à voir de l’objet o depuis

la position p, lorsque l’objet est enjeu didactique. A terme, la nécessité de sortir de la relation

didactique pousse le rapport officiel à évoluer vers le rapport institutionnel.

L’intention didactique − consubstantielle des sociétés humaines19 et associée à tout ce qui est

relatif à l’étude ou à l’aide à l’étude d’un savoir − est cristallisée, dans les univers culturels

contemporains, en des institutions auxquelles on a attribué une mission d’enseignement. De

telles institutions scolaires assument la prise en charge de la responsabilité de faire apprendre

par les élèves certaines œuvres, ou éléments de ces œuvres, jugées indispensables par la

société et la noosphère. En conséquence, un tel mandat est porteur d’intentions sociales, d’un

univers culturel, qui se transmet aux acteurs des institutions (Chevallard, 1988) et qu’on

18 Dans une institution donnée, le rapport personnel a deux composantes : une publique et une autre privée. Le verdict de conformité de R(X, o) à RI(p, o) est fondé sur la composante publique, celle qui se donne à voir dans I, c’est-à-dire la composante ostensive. 19 « L’idée du didactique, l’idée d’étude, c’est-à-dire, fondamentalement, l’idée de faire quelque chose afin d’apprendre quelque chose (« savoir ») ou d’apprendre à faire quelque chose (« savoir-faire »), paraît en fait consubstantielle aux sociétés humaines » (Chevallard, 1999, p. 240)

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 57

interprète aussi en termes d’assujettissements. Ainsi, dans ces institutions, afin de respecter le

contrat qui leur est assigné, sont réalisées diverses pratiques : aller en classe, respecter une

certaine politesse, assister aux fêtes religieuses pour certaines écoles, participer à la vie du

foyer des élèves, etc. Dans ce travail, nous nous intéressons essentiellement à celles pour

lesquelles les objets et rapports aux objets du savoir, déjà connus des élèves, sont réactivés.

Dans le paragraphe suivant, nous présentons le modèle mis à disposition par la TAD pour

analyser les activités humaines, en particulier les activités enseignantes relatives à l’étude des

mathématiques. Pratiques que nous observons pour avoir accès à des phénomènes mnésiques

(voir paragraphe 4.2.1) Remarquons d’avance qu’un tel modèle pourrait être appliqué aussi

pour décrire l’accomplissement des tâches didactiques, notamment parmi elles la gestion de la

mémoire.

2.1.2 PRAXEOLOGIES : MODELE DES ACTIVITES HUMAINES

Le modèle général d’une activité humaine, en particulier mathématique et de l’étude en

mathématiques, repose sur trois postulats fondamentaux concernant les pratiques

régulièrement accomplies. Le premier postulat, énoncé par Bosch et Chevallard (1999),

affirme que,

1. Toute pratique institutionnelle se laisse analyser, de différents points de vue et de différentes façons, en un système de tâches relativement bien circonscrites, qui se découpent dans le flux de la pratique (p. 84)

Une tâche (t) réfère à une action qui s’applique à un objet relativement précis (Chevallard,

1999). Par exemple, résoudre l’équation x2 + 10x – 39 = 0 dans R+, dessiner un triangle

rectangle, estimer l’aire du jardin du quartier, chanter l’hymne national, etc. L’action est

habituellement exprimée par un verbe qui définit, à lui seul, ce que l’on nomme un genre de

tâches − résoudre, dessiner, estimer, chanter, etc. Quand les tâches précisent l’objet sur lequel

s’effectuera l’action mais ne le particularisent pas, elles sont considérées comme des types de

tâches (T). Ainsi, un type de tâches constitue donc un ensemble de tâches « de la même

famille ». Par exemple, résoudre une équation du second degré, dessiner un polygone, estimer

l’aire d’un terrain, chanter une chanson, etc. Remarquons que le découpage des tâches pour

analyser une pratique est relatif à l’institution où se déroule la pratique, ou aux institutions

d’où on l’observe.

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 58

2. L’accomplissement de toute tâche résulte de la mise en œuvre d’une technique (Ibid, p. 84)

Les techniques (τ) réfèrent, quant à elles, aux manières d’accomplir une tâche. Par exemple,

pour résoudre l’équation x² + 10x – 39 = 0 dans R+, on pourrait utiliser l’une des trois

techniques suivantes :

Le couple ou bloc pratico-technique [T/τ], est identifié à ce que l’on nomme couramment un

savoir-faire, à référer à la pratique ou à la praxis de l’activité. En général, dans la vie

institutionnelle, n’est considérée comme valide qu’une seule manière d’accomplir un type de

tâches, ou du moins, seulement un petit nombre de techniques sont reconnues valides.

Dans ce sens, il s’agit d’une gestion mémorielle, car les techniques non reconnues devraient

forcément être oubliées. Ainsi, la plupart du temps et selon l’enjeu didactique, les techniques

dites supérieures seront davantage reconnues et demandées dans I, car son champ

d’effectivité est plus vaste.

Reprenons l’exposition de Bosch et Chevallard (1999) pour énoncer le troisième postulat. Il

concerne les conditions et les contraintes qui permettent la production et l’utilisation des

techniques et les types de tâches auxquelles elles sont relatives :

3. Pour pouvoir exister dans une institution, une technique doit apparaître comme un tant soit peu compréhensible, lisible et justifiée (p. 86)

Ainsi, il existe toujours une technologie (θ) relative à la technique − ou du moins un embryon

de technologie −, qui correspond à un discours rationnel assurant que la technique permet bien

de réaliser un type de tâches T. Le style de rationalité du discours technologique est relatif à

Pour résoudre cette équation, il faut : Diviser 10 par 4 : 2,5 Élever 2,5 au carré et multiplier par 4 : 2,52 × 4 = 25 Ajouter 39 : 25 + 39 = 64 Prendre la racine carrée de 64 : 64 = 8 Retrancher 2 fois 2,5 : 8 – 2 × 2,5 = 3 Vérifier : 32 + 10 × 3 = 9 + 30 = 39 Donner la solution : c’est 3.

Technique 1

x² + 10x – 39 = 0 1 10 -39 3

3 39

1 13 0 Donc, x² + 10x − 39 = (x−3)(x+13)Solution, x = 3

Technique 2

Δ = 10² − 4(−39) = 100 + 156 = 256

10 256 10 162 2

x − ± − ±= =

⇒ x = 3

Technique 3

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 59

l’institution dans laquelle il est produit. Comme Chevallard le note « en nombre de cas,

même, certains éléments technologiques sont intégrés dans la technique » :

Ainsi en va-t-il traditionnellement en arithmétique élémentaire, où le même petit discours a une double fonction, technique et technologique, en ce qu’il permet tout à la fois de trouver le résultat demandé (fonction technique) et de justifier que c’est bien là le résultat attendu (fonction technologique), comme lorsqu’on dit : « Si 8 sucettes coûtent 10F, 24 sucettes, soit 3 fois 8 sucettes, coûteront 3 fois plus, soit 3 fois 10F » (Chevallard, 1999, p. 226)

Voyons un exemple d’un discours technologique tenu pour la première technique présentée

pour la tâche20 : résoudre l’équation x² + 10x – 39 = 0 dans R+ :

On construit un carré de côté x, et on lui adjoint un rectangle de côtés x et 10. On obtient ainsi une figure géométrique d’aire 39 : c’est ce que traduit l’équation proposée. On va alors la manipuler par des découpages et recompositions. Ainsi, dans la figure 2, on découpe le rectangle de côtés x et 10 en « 4 bandes » : ceci justifie le passage dans lequel intervient la division de 10 par 4. On recompose la figure de façon à obtenir la figure 3 dans laquelle les bandes de côtés x et 2,5 sont accolées aux côtés du carré de côté x. On complète alors la figure 3 de façon à obtenir un nouveau carré (figure 4 ci-contre). Ce dernier carré s’obtient en ajoutant « 4 petits carrés ». Chacun d’entre eux ayant une aire de (2,5)2. Lorsqu’on multiplie ensuite par 4 et que l’on ajoute 39, on obtient alors l’aire du grand carré, soit 64. On peut, en en prenant la racine carrée, obtenir la mesure de son côté : 8. Il ne reste plus alors qu’à retrancher 2 fois 2,5 pour obtenir x.

En outre, il existe des techniques qui deviennent « autotechnologiques », car elles sont les

seules reconnues par l’institution. Par conséquent, le discours rationnel construit relève de la

logique suivante : cette manière d’accomplir la tâche n’exige pas de justification parce qu’elle

est la bonne manière de faire dans I.

20 L’exemple du développement technique et technologique relatif à cette tâche a été reproduit de Matheron (1999-2000). Voir cette référence pour compléter l’explication de la praxéologie ponctuelle.

Fig. 3 : l’aire est toujours de 39Fig. 1 : l’aire totale est de 39 Fig. 2 : le rectangle de côté x et 10 est

partagé en 4 bandes de côté x et =2,510

4

Fig. 4 : on complète en un carré

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 60

Deux autres fonctions du discours technologique sont commentées par l’auteur : une fonction

explicative et une autre, productrice. La première expose pourquoi la technique « donne bien

ce qui est attendu » ; tandis que la seconde réfère aux discours rationnels justificateurs et

explicatifs, qui n’ont pas été exploités comme tels ; ce que Chevallard souligne comme

relevant d’un phénomène de sous-exploitation.

La constitution d’une technologie implique donc un travail de mémoire car les justifications

qui seront établies mobilisent des connaissances passées qui s’articulent pour valider une

technique.

Le troisième postulat mentionné ci-dessus implique aussi, d’après Bosch et Chevallard,

l’existence d’un discours justificateur, explicatif et producteur des technologies, c’est-à-dire,

une technologie de la technologie. Ce nouveau discours est connu sous le nom de théorie (Θ).

Pour le dernier exemple présenté ci-dessus, on présuppose des propriétés de certaines figures

et de leurs aires ou la possibilité de déterminer des longueurs à partir d’aires, comme des

éléments d’une théorie (Matheron, 1999-2000).

Ces deux éléments, technologie et théorie, forment conjointement un bloc qualifié de

technologico-théorique [θ, Θ]. Il définit le logos pour la praxis ; praxis et logos constituent le

« savoir ». L’articulation de la praxis et du logos donne forme à ce que Chevallard nomme

une organisation praxéologique, ou seulement une praxéologie ou une organisation,

[T, τ, θ, Θ]. Quand l’organisation est relative à un type de tâches mathématiques, on la

nomme une organisation mathématique (OM).

Complexes de praxéologies

Les praxéologies peuvent se regrouper selon l’élément autour duquel d’autres composantes de

l’organisation varient. Autour d’un seul type de tâches, on trouve les organisations dites

ponctuelles, qui sont notées [T, τ, θ, Θ]. Comme l’explique Chevallard (1999), on ne

rencontre que rarement des praxéologies ponctuelles,

Généralement, en une institution I donnée, une théorie Θ répond de plusieurs technologies θj, dont chacune à son tour justifie et rend intelligibles plusieurs techniques τij correspondant à autant de types de tâches Tij (p. 229)

Les organisations ponctuelles qui se regroupement autour d’une technologique déterminée

sont nommées praxéologies locales, [Ti, τi, θ, Θ]. Les praxéologies locales relatives à une

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 61

même théorie, [Tij, τij, θj, Θ], sont connues comme des praxéologies régionales. Finalement,

on nomme organisations globales, notées [Tijk, τijk, θjk, Θk], « le complexe praxéologique

obtenu dans une institution donnée, par l’agrégation de plusieurs organisations régionales

correspondant à plusieurs théories Θk ».

Pour illustrer ces complexes d’organisations, nous renvoyons à l’article (Matheron 1999-

2000) qui exemplifie, à partir du théorème de Thalès chacun des types d’organisation

mentionnés.

La modélisation présentée ci-dessus permet de décrire le degré de « complétude » d’une

organisation mathématique (Fonseca, 2004), par rapport aux types de tâches étudiés et à la

portée des éléments technologiques en jeu. Une telle description est à la base de possibles

analyses qui examinent jusqu’à quel degré, la variable « complétude d’une OM » peut-elle

influencer les éléments du passé à mobiliser lors de l’évocation de connaissances en classe.

2.1.3 OSTENSIFS ET NON-OSTENSIFS

« De quoi sont faits les ingrédients qui composent une technique, une technologie, une

théorie ? » Bosch et Chevallard (1999) ont répondu à cette question en s’interrogant sur la

« nature » des objets mathématiques et leur « fonction » dans l’activité mathématique. On

pourrait dire que les OM sont faites d’objets ostensifs et d’objets non ostensifs.

Nous parlerons d’objet ostensif − du latin ostendere, « montrer, présenter avec insistance » − pour nous référer à tout objet ayant une nature sensible, une certaine matérialité, et qui, de ce fait, acquiert pour le sujet humain une réalité perceptible Les objets non ostensifs sont alors tous ces « objets » qui, comme les idées, les intuitions ou les concepts, existent institutionnellement − au sens où on leur attribue une existence − sans pourtant pouvoir être vus, dits, entendus, perçus ou montrés par eux-mêmes : ils ne peuvent qu’être évoqués ou invoqués par la manipulation adéquate de certains objets ostensifs associés (p. 90)

Ainsi, d’après cette modélisation que nous adoptons, tant la mémoire que sa gestion sont

relatives à une manipulation et à une construction de ces deux types d’objets.

Les objets ostensifs peuvent être perçus à travers plusieurs registres : celui de l’oralité, de la

trace, de la gestualité, etc. Et à l’opposé, les objets non ostensifs sont associés aux notions,

idées, pensées, croyances, etc.

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 62

Ces objets coexistent dans les institutions − ils sont des objets institutionnels qui rarement

dépendent de l’activité d’une seule personne − dans une relation dialectique. Ainsi, les auteurs

expliquent que d’une part, les non ostensifs émergent de la manipulation d’ostensifs car c’est

à partir de ces derniers qu’on peut évoquer ou invoquer les premiers et, d’autre part, une telle

manipulation est toujours guidée et contrôlée par les non ostensifs associés aux ostensifs

présents. Remarquons que la gestion de la mémoire didactique est au cœur de cette dialectique

ostensif et non-ostensif : comment fait le professeur pour gérer la mémoire de la classe si ce

n’est à travers l’utilisation d’ostensifs et de non ostensifs ? Ce qui reste à analyser serait donc

la manière dont il se sert de ces objets et en quoi sont-ils spécifiques des conditions et

contraintes venant de l’institution, et qui influent sur la mémoire des élèves et la gestion qu’en

fait le professeur.

Or, comme nous l’avons remarqué, une telle dialectique prend place au sein d’une ou

plusieurs institutions, et en conséquence, elle sera attachée aux conditions existantes.

Les conditions d’existence et d’évolution d’une activité mathématique concrète […] sont fortement déterminées par le système d’instruments sémiotiques dont on dispose et par les lois qui règlent l’usage de ces instruments dans une institution donnée (Bosch, 1994b, p. 305)

Voyons que, outre la dimension institutionnelle des objets ostensifs, l’auteur met en évidence

leur caractère « instrumental ». C’est justement ce positionnement qui constitue une des

ruptures marquant la spécificité de l’approche anthropologique en ce qui concerne les

« objets » sémiotiques. En d’autres termes, au sein de la TAD, les objets ostensifs sont non

seulement des « signes » qui évoquent une certaine notion, mais aussi, des instruments qui

permettent l’accomplissement d’une tâche. Ces deux dimensions des ostensifs peuvent être

décrites en termes de valence instrumentale et valence sémiotique qui leur sont propres.

D’après Bosch et Chevallard (1999), la nature ostensive de ces objets leur donne une

instrumentalité potentielle. C’est « son engagement dans un ensemble de techniques »

déterminées pour et dans une institution, qui le spécifie comme un instrument

particulièrement défini. Empruntons un exemple aux auteurs pour illustrer cette fonction.

[D]ans l’usage algébrique ordinaire, la notation d’une part, et la notation à l’aide de

l’exposant fractionnaire 21 d’autre part, ont un rendement voisin lorsqu’on les utilise pour

effectuer le travail suivant : 3232 ×=× ; (2 × 3)1/2 = 21/2 × 31/2. En revanche, pour

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 63

calculer la dérivée de la fonction la seconde notation se révèle instrumentalement supérieure en ce qu’elle permet d’effectuer un travail qu’on ne peut formellement reproduire à l’aide de la première : ( x )' = (x1/2)' =

21 x1/2 − 1 =

21 x-1/2 =

x21 (p. 107)

La valence sémiotique fait allusion au potentiel d’un ostensif pour évoquer un certain non

ostensif. C’est-à-dire, l’ostensif fonctionne comme signe ou signifiant21 d’autres objets.

Suivant l’exemple précédent, la notation pourrait évoquer « un nombre irrationnel », « une

opération » ou « une fonction ». Plus généralement, les auteurs remarquent qu’au sein de

pratiques institutionnelles, les ostensifs « ont le pouvoir d’évoquer des complexes d’objets

ostensifs et non ostensifs avec lesquels ils entrent en interrelation ». En d’autres termes, ils

peuvent mobiliser des ensembles de praxéologies institutionnelles.

C’est à partir de cette double dimension instrumentale et sémiotique des ostensifs que nous

expliquerons le fonctionnement de certains gestes mémoriels des enseignants visant la

délimitation d’un milieu pour l’enseignement.

2.1.4 ORGANISATIONS DIDACTIQUES

A partir de ce qui a été présenté sur la notion de praxéologie, nous pouvons reformuler la

tâche que la société et l’Ecole assignent aux professeurs des mathématiques : enseigner − ou

faire reconstruire − à ses élèves un système d’organisations mathématiques plus ou moins

articulées entre elles et qui constituent un programme. Les formes possibles pour accomplir

cette tâche, c’est-à-dire, pour organiser le processus de l’étude22 dans une institution donnée,

sont désignées sous le terme d’organisations didactiques (OD). Dans notre travail, la

« gestion de la mémoire » est donc vue comme une « tâche didactique » nécessaire lors de

l’organisation de l’étude.

Moments de l’étude

21 La notion de « signe » renvoie à l’idée d’un concept, c’est-à-dire à l’idée d’« une unité conventionnelle du sens », et celle de « signifiant » peut être interprétée comme la partie matérielle ou physique du signe. Voir, http://www.pomme.ualberta.ca/ling/semio.htm 22 D’après la TAD, la notion d’« étude » est considérée « en un sentido muy amplio e integrador la cual se aplica a un ámbito más amplio que el del aula e, incluso, más general que el de las propias instituciones didácticas, abarcando desde la actividad matemática de los investigadores, la del economista, hasta la que realizan los alumnos. El proceso de estudio se refiere tanto al proceso de creación − o recreación − de una organización matemática como al producto de dicho proceso » (Espinoza et Azcárate, 2000, p. 357)

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 64

D’après Chevallard (1999), quel que soit le cheminement de l’étude, on rencontre

nécessairement certains types de situations. Ces types de situations, l’auteur les nomme

moments de l’étude ou moments didactiques. Ici, le mot « moment » n’est pas pris au sens

temporaire ou chronologique, mais plutôt au sens de la présence d’un aspect du processus

d’étude. Ainsi, les moments de l’étude ne sont pas vécus en « une seule fois », mais peuvent

se présenter en différentes instances du cheminement et même parfois, simultanément. Dans

la suite de ce paragraphe, nous ébaucherons la description des six moments proposés par

Chevallard.

♦Premier moment : La première rencontre. La première rencontre peut trouver place dans

deux types de situations : l’une appelée problématique culturelle-mimétique et une autre

plutôt identifiée par un système de situations fondamentales23.

Dans le meilleur des cas, pour les situations d’ordre culturel-mimétique, cette rencontre

conduit à chercher et à expliciter les raisons d’être des objets trouvés lors des situations

rencontrées par les élèves, en signalant pour quelle raison l’objet a été élaboré, ou au moins

pourquoi il continue de vivre dans la culture. En revanche, les situations du deuxième type

font naître l’objet devant l’élève comme étant ce qui permet de construire une réponse aux

questions posées. Mais il y a aussi des situations de rencontre qui sont des mixtes de

références culturelles partielles et de situations s’apparentant à des situations fondamentales.

♦ Deuxième moment : L’exploration du type de tâches Ti et l’élaboration d’une technique τi.

On peut trouver deux positions dialectiques conjointes pour définir l’élève lors du moment

d’élaboration d’une technique. Ainsi d’une part, c’est l’idée de l’élève héros triomphant sans

coup férir de toute difficulté possible (fonction centrale qui est dévolue aux problèmes), mais

aussi d’autre part, c’est l’idée d’une réalité indispensable « de l’élève-artisan laborieux » qui

avec ses collègues, et sous la direction de l’enseignant, construit les techniques. Donc, l’étude

d’un problème en particulier ne sera pas une fin en soi, mais un moyen pour constituer une

technique de résolution.

23 « La situation fondamentale est une situation adidactique caractéristique d’un savoir ou d’une connaissance » (Perrin-Glorian, 1999, p. 286). Une situation est adidactique quand disparaît d’elle l’intention d’enseigner, mais qu’elle reste toujours spécifique du savoir (Brousseau, 1998).

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 65

♦ Troisième moment : Constitution de l’environnement technologico-théorique [θ, Θ] relatif à

Ti. Ce troisième moment est en interaction étroite avec chacun des autres moments. En fait,

dès la première rencontre avec le type de tâches Ti, il y a un rapport avec un environnement

technologico-théorique antérieurement élaboré ou avec des germes d’un environnement à

créer.

♦ Quatrième moment : Travail de la technique. C’est le moment de travailler de manière

qualitative et quantitative le type de tâches pour lequel on perfectionne la maîtrise des

techniques qui lui sont associées. Ce faisant, l’élève se perfectionne en améliorant et en

rendant plus efficaces et plus fiables son rapport aux techniques, en explorant leur portée. Ce

travail demande généralement de retoucher la technologie élaborée jusque-là.

♦ Cinquième moment : L’institutionnalisation. C’est le moment de définir l’organisation

mathématique élaborée, d’éclairer l’élève sur ce qu’il doit savoir de l’organisation

mathématique construite. L’institutionnalisation sépare, « par un mouvement qui engage

l’avenir, le « mathématiquement nécessaire », qui sera conservé et le « mathématiquement

contingent », qui bientôt sera oublié ». De cette façon, une praxéologie mathématique fait son

entrée dans la culture de l’institution qui en a hébergé la genèse. C’est aussi ce moment qui

relance l’étude en mettant en évidence certains types de problèmes qui n’ont pas été travaillés

avant (ou pas assez en profondeur).

♦ Sixième moment : L’évaluation. Ce moment s’articule au moment de l’institutionnalisation

et il est supporté par la nécessité d’évaluer l’adéquation du rapport personnel élaboré avec le

rapport institutionnel défini dans l’étape précédente. Derrière l’évaluation classique des

rapports personnels se profile aussi l’évaluation de la norme elle-même ; on juge de sa

puissance, sa maniabilité, sa maîtrise et sa portée.

Ces six dimensions du processus d’étude facilitent le repérage des activités privilégiées par

l’enseignant en classe, et par conséquent, l’application de cet outil peut nous renseigner sur

les rôles destinés aux sujets des institutions. Par exemple, si le moment de la constitution d’un

bloc technologico-théorique est presque absent, les responsabilités de justifier l’entrée dans

l’institution du savoir en jeu seront difficilement à la charge de l’élève − voire de

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 66

l’enseignant ! Dans ce cas, nous doutons de la mise en œuvre d’une gestion mémorielle

« intentionnelle ».

Bosch et Gascón (2002) désignent la modélisation d’une organisation didactique en termes de

moments de l’étude comme une première méthode d’analyse qui rend possible la description

de presque tous les types d’organisations didactiques. Cependant, ils remarquent que la

structuration en termes de moments ne suffit pas à une telle description,

car l’explicitation des différents moments de l’étude va partir, avant tout, de ce donné qu’est l’OM à mettre en place, qu’il va falloir être capable d’analyser en éléments ni « trop gros » ni « trop fins » pour ne pas tuer sa « structure vitale », tout en montrant comment se réalise ou pourrait se réaliser sa « recomposition ». En d’autres termes, la description que nous pourrons fournir des OD relatives à une OM donnée va être fortement déterminée par la manière dont nous allons décrire cette OM. Inversement […] la description des OD nous apportera des lumières sur cette OM (p. 32)

En partant de cette dialectique entre OM et OD, les auteurs ont étudié l’incidence des modèles

épistémologiques des mathématiques sur les pratiques enseignantes, en élaborant un modèle

de l’espace des organisations didactiques institutionnelles. Dans le paragraphe suivant nous

présentons certains éléments de cette modélisation.

2.1.5 ORGANISATIONS DIDACTIQUES INSTITUTIONNELLES

Comme toute pratique régulièrement accomplie, l’organisation du processus d’enseignement-

apprentissage peut être décrite, selon Bosch et Gascón (2002), par une modélisation en termes

de système de tâches professorales et de techniques que l’enseignant a à sa disposition ou

qu’il adapte ou élabore, ainsi que de système d’argumentations justificatives et interprétatives

des techniques. De la même manière que nous l’avons souligné pour les organisations

mathématiques, les organisations didactiques sont dépendantes des institutions en lesquelles a

lieu l’enseignement, institutions qui à la fois sont contraintes et conditionnées par d’autres

institutions scolaires, scientifiques et culturelles.

Bosch et Gascón indiquent que de telles organisations possèdent trois caractéristiques

importantes : elles sont empiriques, spontanées et relatives au professeur. Ainsi, expliquent-

ils :

[…] empirique, c’est-à-dire existant dans une institution concrète et en un moment historique déterminé, avec des caractéristiques et des limitations particulières. Ce caractère contingent de la praxéologie explique qu’elle contienne des éléments accidentels (historiques) et qu’elle

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 67

puisse présenter des lacunes et des redondances, au point où certaines de ses composantes pourront sembler incohérentes, voire contradictoires, pour l’observateur extérieur. […] spontanée − d’une « ethnopraxéologie » −, en ce sens que les techniques qui l’engendrent ne sont pas nécessairement organisées à l’avance à partir d’un discours technologico-théorique établi et systématisé qui réponde à des exigences de justifications et de validations empiriques. De plus, il se peut que certains éléments de ces pratiques s’improvisent au fur et à mesure des événements, que beaucoup d’autres restent implicites − notamment au niveau technologico-théorique − et s’activent de manière fortement naturalisée. Il s’agit enfin de la praxéologie du professeur, parce qu’elle recouvre l’ensemble de tâches dont le professeur est le principal protagoniste, bien que cela ne signifie pas qu’il agisse en tout de manière autonome. Cette « personnalisation » de la praxéologie fait que les éléments accidentels, les manques et les contradictions apparentes que contient toute praxéologie empirique sont davantage susceptibles d’être regardés comme des idiosyncrasies (personnalité, charisme, etc.) de son acteur principal : la praxéologie didactique spontanée du professeur déterminé dépend de ses assujettissements aux diverses institutions qu’il aura parcourues, ce qui lui confère sans doute une individualité ou une unité particulière (Bosch et Gascón, 2002, p. 24)

Ces trois caractéristiques déterminent alors ce qu’on nomme, une praxéologie didactique

spontanée du professeur. Comme l’expliquent les auteurs, les différentes composantes de

cette organisation didactique dans une institution donnée vont être en grande partie

déterminées par les moyens que l’institution propose. De ce point de vue, il devient légitime

de se poser la question : « Comment décrire ce didactique institutionnel qui nous éclairera sur

ce que fait un professeur, sur ce qu’il peut faire ou pourrait faire pour réaliser l’ensemble des

tâches professorales ? » (Ibid, p. 25). Le premier élément de réponse que les auteurs énoncent,

tient dans l’élargissement de l’objet empirique de recherche : ce ne sera plus la praxéologie

propre à un professeur, mais plutôt, ce seront les organisations didactiques dominantes dans

l’institution considérée. En d’autres termes, les organisations didactiques institutionnelles

sont déterminées par :

[…] les systèmes de types de tâches, de techniques, de technologies et de théories qui existent dans l’institution considérée et qui permettent aux sujets de l’institution de mettre en place, en les activant, des organisations mathématiques déterminées sous des conditions particulières données (Ibid., p. 26)

Dans ce sens, Bosch et Gascón ajoutent que :

Nous continuerons alors à avoir affaire à des praxéologies « empiriques » et « spontanées » (au sens précédemment décrit), mais ce ne seront plus les praxéologies d’une personne, mais celles « disponibles » dans l’institution (Ibid., p. 26)

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 68

D’après Gascón (2003, Bosch et Gascón, 2002), le modèle de l’espace des organisations

didactiques possibles est un « système de référence » qui permet de repérer chacune des OD

possibles par rapport à certaines propriétés de l’activité mathématique. Ainsi, en considérant

l’ensemble des OM possibles à étudier dans une institution donnée I, Bosch et Gascón (2002 ;

Gascón, 2003) montrent comment les différentes façons de concevoir dans I « ce que sont les

mathématiques » peuvent être en correspondance avec certains « types » d’OD.

Il s’agit d’un espace à trois dimensions où chaque point de l’espace modélise une organisation

didactique idéale possible. Les axes représentent trois des moments de l’étude mentionnés

plus haut : le moment technologico-théorique (θ/Θ), le moment du travail de la technique

(T/τ) et le moment exploratoire (Ex). Sur chacun de ces axes les auteurs placent une

organisation didactique nommée unidimensionnelle ou de premier niveau. Leur nom est dû au

fait qu’elles privilégient un seul moment didactique, celui qu’elle-même désigne, en accordant

un rôle assez secondaire aux autres dimensions de l’étude. De cette manière, nous avons les

OD idéales théoricistes (liées à θ/Θ), technicistes (T/τ) et modernistes (Ex) (voir figure ci-

dessous).

Les OD théoricistes mettent l’accent sur les

connaissances achevées et cristallisées en « théories »

(Gascón, 2003). Comme Gascón le relève, le

théoriciste identifie « enseigner et apprendre les

mathématiques » avec « enseigner et apprendre des

théories ». En conséquence, le processus d’étude

commence − et l’auteur indique qu’on pourrait dire

que le processus même finit −, au moment où

l’enseignant montre ces théories. L’auteur signale que

pour les institutions où ces OD dominent, les élèves

ont des difficultés à utiliser adéquatement un théorème, appliquer une technique

mathématique ou vérifier si un objet mathématique satisfait ou non une des clauses d’une

définition. Enfin, est désigné comme caractéristique principale de ces OD le fait qu’elles

ignorent le processus de l’activité mathématique, en mettant de côté « la genèse et le

développement des connaissances mathématiques ».

Ex

T/τ θ/Θ

ThéoricistesTechnicistes

Moder nistes

Figure 4 : Organisations didactiques de premier niveau

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 69

Les OD technicistes émergent comme réaction aux OD précédentes. Le techniciste met

l’accent sur le plus rudimentaire du moment du travail de la technique. Ces organisations

relèguent à un rôle assez secondaire les problèmes pour lesquels on doit élaborer la séquence

de techniques adéquates, construire une stratégie, afin de les résoudre. En d’autres termes, les

techniques qui ne sont pas algorithmiques sont quasiment exclues.

Pour Gascón, ces deux OD unidimensionnelles, théoriciste et techniciste, peuvent être une

conséquence de la domination implicite dans la classe du programme épistémologique24

connu sous le nom de : l’euclidianisme. D’après Gascón (2001), le Programme Euclidien

propose que

todo conocimiento matemático puede deducirse de un conjunto finito de proposiciones trivialmente verdaderas (axiomas) que constan de términos perfectamente conocidos (términos primitivos). La verdad de los axiomas fluye entonces desde los axiomas hasta los teoremas por los canales deductivos de transmisión de verdad (pruebas) (pp. 131 − 132)

La principale caractéristique de ce Programme est donc la « banalisation » des connaissances

mathématiques. Quand une telle « banalisation », continue l’auteur, pénètre dans les systèmes

didactiques scolaires, elle provoque aussi la « banalisation » du processus d’enseignement. En

d’autres termes, ce processus est considéré comme étant mécanique et complètement

contrôlable par l’enseignant. Les deux OD idéales décrites plus haut partagent cet effet : l’une

par réduction des mathématiques à l’étude des théories, et l’autre par le fait que l’on se limite

à la mise en œuvre des techniques rudimentaires.

Les OD modernistes associent l’activité mathématique à l’exploration de problèmes « non

banals ». Ces organisations identifient « apprendre les mathématiques » avec « apprendre

l’activité exploratoire de problèmes ». Ainsi, le processus d’apprentissage est pour elles un

processus de découverte inductive et autonome. Pour ces organisations, la notion de problème

« non banal » est proche de celle de « problème type olympiade ». Comme remarque Gascón

(2003), c’est pour cela que l’isolement et la décontextualisation des problèmes y sont

accentués. Enfin, les OD modernistes simulent la non-existence de manières de faire

systématiques qui puissent être enseignées dans l’institution scolaire.

Selon Gascón (2001), les modèles enseignants modernistes reposent sur le programme

épistémologique nommé « quasi-empirique », selon lequel

24 D’après les auteurs, un modèle épistémologique général des mathématiques correspond à « une manière particulière et relativement précise d’interpréter et de décrire ce qu’est l’activité mathématique − et donc ce en quoi consiste le fait de « construire des mathématiques » » (Bosch et Gascón, 2002, p. 33).

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 70

tanto el origen como el método de la matemática, e incluso su propia justificación, ha de provenir, como en el caso de las otras ciencias, de la « experiencia » […] sin tomar esta noción en el sentido empirista más elemental, sino en un sentido más sofisticado de « experiencia matemática » (Gascón, 2001, p. 137)

En d’autres termes, ce qui justifie une théorie mathématique n’est ni le caractère non

questionnable des axiomes, ni leur cohérence, mais seulement qu’on puisse, à partir d’eux,

déduire certains résultats essentiels. Ainsi, le patron du développement des mathématiques est

au sein de ce programme décrit par Lakatos en termes de conjecture, preuves et réfutations.

Une fois établies les OD de premier niveau ou unidimensionnelles, Bosch et Gascón (2002 ;

Gascón, 2003) présentent dans un deuxième niveau, les OD dites « idéales » qui intègrent

deux des moments représentés sur les axes du repère. On obtient ainsi les OD classiques

(articulant les θ/Θ et T/τ), les OD empiristes (intégrant les T/τ et Ex) et les OD

constructivistes (combinant les θ/Θ et Ex).

Les OD classiques se caractérisent par une

certaine trivialisation de l’activité de

résolution de problèmes. En conséquence,

dans les institutions où prédominent ces OD,

les enseignants rencontrent des difficultés

pour « motiver » et « justifier » l’introduction

de nouveaux concepts. Ces organisations

s’appuient aussi au niveau du « programme

épistémologique » sur ce qu’ils nomment

l’« euclidianisme ». Comme nous l’avons

indiqué, au sein des institutions où ce

programme prédomine, prévaut le principe

que « l’activité mathématique se construit à partir de la donnée des définitions, axiomes et

principaux théorèmes, le reste découlant « facilement » de ceux-ci » (Bosch et Gascón, 2002,

p. 33).

Les auteurs caractérisent les OD empiristes par le rôle prépondérant que ces organisations

attribuent à l’activité de résolution de problèmes comme moteur de l’étude. Elles se

distinguent aussi par le fait qu’elles considèrent l’apprentissage des mathématiques comme un

Ex

T/τ θ/Θ

ThéoricistesTechnicistes

Moder nistes

Empiristes

Classiques

Constructivistes

Figure 5 : Organisations didactiques de deuxième niveau

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 71

processus inductif fondé sur l’imitation et la pratique. Ces organisations sont bâties sur les

modèles épistémologiques « quasi-empiriques ».

Un cas particulier d’organisations empiristes est présenté sous le nom de

« procedimentalisme ». L’auteur nomme « procéduralistes » les OD dont les formes

d’organisation de l’étude ont pour principal objectif la maîtrise de systèmes structurés de

techniques heuristiques, au sens de non-algorithmiques. Gascón précise que ces organisations

peuvent venir en appui à la dé-trivialisation de la connaissance mathématique, c’est-à-dire du

technicisme, car elles permettent un développement du travail de la technique au-delà des

techniques les plus simples.

Enfin, nous avons les OD constructivistes comme celles qui intègrent les moments de

constitution d’un bloc technologico-théorique (θ/Θ) et celui de l’exploration du type de

tâches. Elles sont caractérisées par le fait de considérer que « l’apprentissage est un processus

actif de construction [des connaissances] à partir d’acquis antérieurs et sous des contraintes

déterminées » (Bosch et Gascón, 2002, p. 33). Par conséquent, l’activité de résolution de

problèmes est privilégiée et placée dans une activité plus large de construction de

connaissances. Ces OD sont fondées sur des modèles épistémologiques « constructivistes ».

Gascón (2001) propose de caractériser l’épistémologie constructiviste de la manière suivante :

Para abordar el problema epistemológico es imprescindible utilizar como base empírica, al lado de los hechos que proporciona la historia de la ciencia, los que proporciona el estudio del desarrollo psicogenético (p. 144)

D’après l’auteur, cet argument repose sur le postulat selon lequel les instruments et

mécanismes qui courent d’une période de l’histoire de la science à une autre sont analogues à

ceux qui « déterminent la transition d’un passage psychogénétique à un autre ». L’incidence

de ce modèle dans les modèles enseignants détermine deux OD institutionnelles : les OD

constructivistes psychologiques et les OD constructivistes mathématiques ou

modélisationnistes.

Les OD constructivistes psychologiques s’identifient avec les OD constructivistes qui ne font

aucune référence explicite à la nature mathématique de l’activité de construction des

connaissances, ni au contexte dans lequel cette construction s’effectue. Il s’agit ainsi, d’un

processus psychologique, et non pas d’une activité d’ordre mathématique en elle même.

L’auteur décrit à l’aide des caractéristiques de ce qu’Arsac (1988) nomme une « situation-

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 72

problème », le rôle que joue l’activité de résolution des problèmes dans le constructivisme

psychologique :

- El alumno ha de poder introducirse en la resolución del problema y ha de poder discernir lo que es una solución posible. - Los conocimientos del alumno deben ser, en principio, insuficientes para resolver el problema. - La « situación problema » debe permitir al alumno decidir si una solución determinada es correcta o no. - El conocimiento que se desea que el alumno adquiera (« construya ») debe ser la herramienta más adecuada para resolver el problema (p. 9)25

L’« apprentissage des mathématiques » au sein des OD modélisationnistes, est interprété

comme « un processus de construction de connaissances mathématiques (relatifs à un système

mathématique ou extra-mathématique) qui s’accomplit en utilisant un modèle mathématique

d’un tel système » (Gascón, 2003, p. 9). Par conséquent, l’activité de résolution de problèmes

est considérée à l’intérieur d’une activité plus large de modélisation mathématique. L’objectif

de la résolution de problèmes s’identifie alors avec l’obtention de connaissances sur le

système modélisé.

Remarquons que chacun des axes qui définissent les organisations de premier niveau décrites

ci-dessus (modernistes, théoricistes et technicistes) peut être considéré comme un cas

extrême26 d’OD empiristes, classiques ou constructivistes.

Enfin, comme les auteurs l’indiquent, chaque modèle enseignant ou organisation didactique

institutionnelle conditionne, jusqu’à un certain degré, « la manière d’organiser et gérer le

processus d’enseignement des mathématiques ». En particulier, nous dirons donc que les OD

idéales dominantes dans la classe ont aussi une incidence sur la gestion par les professeurs de

la mémoire didactique de la classe. Dans ce sens, le modèle de l’espace des OD possibles est

25 Dans cette description, nous reconnaissons certaines des caractéristiques de ce que Brousseau (1986) a nommé une situation a-didactique. Néanmoins, comme cela est pointé par Schneider & Mercier (2005) les caractéristiques possibles d’une situation-problème « ne constituent pas un cadre théorique consistant en raison même du fait que leur choix autorise des exemples fort diversifiés dont certains peut-être pourraient s’apparenter aux jeux adidactiques de Brousseau mais d’autres leur sont totalement étrangers ». Les auteurs continuent en exemplifiant cette posture par le cas des situations-problèmes proposées par Arsac : « C’est par de tels biais qu’on voit donner le statut de situation-problème à ce que Arsac et al. (1988) appellent le problème ouvert, centré sur la démarche de recherche sans chercher une quelconque construction conceptuelle » (p. 9). 26 Comme le remarque Gascón (2003), « los tipos de OD que hemos esquematizado muy brevemente son tipos ideales que no han existido ni existirán nunca en estado puro en ninguna institución escolar. Las OD efectivamente existentes en las instituciones escolares participan, en mayor o menor medida, de varios tipos de OD ideales, por lo que siempre tienen un carácter mixto y mucho más complejo » (p. 4).

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 73

un outil pour caractériser une partie du fonctionnement des classes. Ceci en visant l’étude des

assujettissements qui pourraient affecter la gestion mémorielle.

Dans le paragraphe suivant, nous abordons l’exposé d’autres types de conditions et

contraintes du processus d’enseignement : les niveaux de co-détermination didactique.

2.1.6 NIVEAUX DE CO-DETERMINATION DIDACTIQUE

Au moment de l’étude d’un savoir à enseigner, ce qui peut advenir est déterminé par des

conditions et des contraintes qui ne se réduisent pas à celles identifiables de manière

immédiate dans la classe : les connaissances des enseignants et des élèves, les matériaux

utilisés, la distribution du temps, etc. (Bosch et Gascón, 2006). Les développements récents

de la théorie anthropologique (Chevallard, 2002, 2004, 2005) fournissent, sous la

dénomination de niveaux de co-détermination didactique, une modélisation englobant ces

conditions et des contraintes selon lesquelles se déterminent conjointement les organisations

mathématiques et didactiques.

Neuf niveaux en interaction mutuelle, allant des niveaux les

plus génériques (niveaux indexés par Chevallard comme -3, -2,

-1, 0) vers les plus spécifiques (niveaux 1, 2, 3, 4 5), peuvent

être identifiés : ceux de la civilisation, de la société, de l’école,

de la pédagogie, de la discipline, du domaine, du secteur, du

thème et du sujet (voir la figure ci-contre).

Les niveaux postérieurs au niveau disciplinaire sont, en ce qui

les concerne, organisés selon l’agrégation d’organisations

praxéologiques de complexité croissante. De cette manière, les

OM ponctuelles qui ne se rencontrent qu’exceptionnellement dans les cours d’études réels,

sont associées à un sujet d’étude. Un tel sujet est en mathématiques l’organisation

mathématique autour d’un seul type de tâches : « Comment résoudre une équation de second

degré ? », « Comment démontrer la continuité d’une fonction donnée dans un intervalle

donné ? », etc. Les organisations mathématiques autour

d’une technologie, c’est-à-dire les organisations locales,

sont un amalgame des OM ponctuelles, et ont le statut de

thème d’étude. Dans le système scolaire costaricien, un

thème peut être repéré par l’étiquette « Teorema de la

− Civilisation − Société − Ecole Niveau Pédagogie Discipline Domaine Secteur Thème Sujet

Domaine.......OM Globale Secteur.........OM Régionale Thème..........OM Locale Sujet.............OM Ponctuelle

Figure 6 : Echelle des niveaux de co-

détermination didactique

Figure 7 : Correspondance entre OM et niveaux de C-DD

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 74

paralela media de un triángulo »27. Le niveau 3, celui du secteur, correspond à une

organisation plus vaste issue de l’amalgamation d’organisations locales autour d’une même

théorie, l’organisation régionale. Reprenant le dernier exemple, le théorème de la « paralela

media » se place au sein du secteur identifié par « Théorème de Thalès ». Enfin, une OM

globale est donc identifiable à un domaine d’étude : « géométrie », « algèbre », « statistique »,

etc.

Voyons un exemple relatif au secteur de la statistique inférentielle afin d’illustrer

l’articulation des contraintes et des conditions données par l’échelle de co-détermination

(Araya et Matheron, 2005). Les niveaux de la civilisation, de la société, et de son école sont

conjointement capables de concevoir, produire et mettre à disposition des élèves des

calculatrices munies de la touche « random ». Ils interagissent, dans l’enseignement

secondaire français de la classe de 2de, à divers niveaux de contraintes, notamment lors de

séances de durée limitée à 55 min (niveau de l’école) où « les élèves doivent être actifs »

(niveau de la pédagogie), tout en créant les conditions pour un enseignement du thème de la

fluctuation d’échantillonnage. Inversement, la nécessité de disposer rapidement de nombres

aléatoires pour l’enseignement du domaine de la statistique interagit, sans doute, avec la

conception et la diffusion sociale de calculatrices capables de les générer.

En ce qui concerne l’usage de l’échelle des niveaux de co-détermination par les enseignants,

Chevallard (2002) remarque que,

dans l’opération de détermination des organisations mathématiques qu’ils tenteront de mettre en place dans les classes, les professeurs tendent à ne se repérer que sur les niveaux de plus grande spécificité, sujets et thèmes (p. 43)

Une telle atomisation de la matière à étudier, continue l’auteur, contraste avec l’objectif

originel que poursuit l’étude au collège et au lycée : enseigner « les mathématiques », « la

géométrie », « l’algèbre », etc. En outre, l’absence de motivation des types de tâches T étudiés

pourrait être associée à que ces types de tâches motivantes se trouvent, d’après l’auteur, dans

les niveaux supérieurs de co-détermination des organisations mathématiques − secteurs et

domaines.

27 Soit GFH un triangle quelconque et [IJ] un segment parallèle à [GH] tel que I est le milieu de [FG] et J le milieu de [FH], la longueur du segment [IJ] et la moitié que la longueur du segment [GH].

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 75

Outre un système de conditions et contraintes qui déterminent la mise en œuvre d’OM et

d’OD, l’échelle présentée peut être vue comme une structuration des « lieux » où les élèves

ont rencontré ces OM. Dans ce sens, elle devient un outil nécessaire pour expliquer le

fonctionnement des gestes mémoriels pour l’évocation de connaissances anciennes ; ainsi que

pour structurer le passé didactique de la classe.

Dans ce paragraphe 2.1 nous avons présenté une esquisse rapide de la TAD, en nous centrant

sur les outils de modélisation et d’analyse des pratiques d’étude que nous emploierons, en

particulier, lors de la description et l’analyse de nos résultats. Dans ce qui suit, nous exposons

deux notions fondamentales pour l’étude didactique des pratiques enseignantes : la notion de

contrat didactique et celle de milieu.

2.2 SUR LA NOTION DE CONTRAT DIDACTIQUE

Le paradigme de la « didactique des mathématiques » initié par Guy Brousseau et dont on

repère le germe à la fin des années soixante, suppose deux ruptures par rapport au paradigme

« classique28 » :

[…] une première rupture en posant le mathématique comme l’essence des phénomènes didactiques. La volonté d’élaborer une science de ces phénomènes constitue alors la seconde rupture, qui conduit à expliciter les modèles utilisés pour les soumettre à l’épreuve des faits, c’est-à-dire aux lois d’une véritable « épistémologie expérimentale » (Bosch et Chevallard, 1999, p. 80)

Dans l’approche systémique (Théorie de Situations Didactiques, TSD) proposée par

Brousseau (1986 & 1998) et appuyée sur la théorie de jeux29, chaque connaissance

mathématique devrait pouvoir être caractérisée par une situation30 où l’intention d’enseigner

disparaît. Etant donné que l’élève ne peut pas résoudre tout seul n’importe quelle situation,

28 Le paradigme qu’on appelle classique peut être décrit selon Bosch et Chevallard (1999) de la manière suivante : « [il] étudiait les problèmes de transmission et d’acquisition de notions mathématiques supposées données, c’est-à-dire transparentes, non thématisées par le chercheur. En outre, même les travaux qui, d’une manière ou d’une autre, problématisaient les notions mathématiques à étudier, ne soumettaient pas les modèles adoptés à la mise à l’épreuve caractéristique de travail scientifique. Ou bien la question du savoir mathématique était tenue pour non problématique, ou bien la réponse apportée était prise comme inquestionnable » (p. 80) 29 Voir le chapitre V : « Moyens et méthodes de la modélisation des situations didactiques » de Brousseau, 1986 (pp. 74 − 85), pour les détails du « jeu » comme instrument de modélisation d’une situation d’enseignement. Voir aussi dans « Le contrat didactique : le milieu » (RDM 9.3) pp. 313 − 314, 1988. 30 D’après Brousseau (1988), « une situation est une relation entre une interaction et une connaissance engagée dans le jeu J » (p. 314).

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 76

l’enseignant est donc obligé de l’aider. Il facilite − ou non − des informations, des questions,

des méthodes, etc. Ainsi, « l’enseignant est donc impliqué dans un jeu avec le système des

interactions de l’élève avec les problèmes qu’il lui pose. Ce jeu ou cette situation plus vaste

est la situation didactique » (Brousseau, 1986, p. 50).

Suivant toujours Brousseau, « dans toutes les situations didactiques, le professeur tente de

faire savoir à l’élève ce qu’il veut qu’il fasse ». Or, le seul moyen de « faire » des

mathématiques c’est de résoudre des problèmes spécifiques en se posant de nouvelles

questions. Une telle proposition implique que le maître ne doit donc pas communiquer une

connaissance, mais plutôt favoriser « la dévolution31 d’un bon problème ». Ainsi, explique

Brousseau, au sein de ces interactions

se noue une relation qui détermine − explicitement pour une petite part, mais surtout implicitement − ce que chaque partenaire, l’enseignant et l’enseigné, a la responsabilité de gérer et dont il sera d’une manière ou d’une autre, responsable devant l’autre. Ce qui nous intéresse ici est le contrat didactique32, c’est-à-dire la part de ce contrat qui est spécifique du « contenu » : la connaissance mathématique visée (1998, p. 61, c’est nous qui soulignons)

Une telle définition implique que le contrat didactique est spécifique des connaissances en jeu

et par conséquent, qu’il est nécessairement périssable. Relevons deux points par rapport au

rôle du contrat didactique dans la gestion de la mémoire. Premièrement, la « mémoire

didactique » considérée comme l’indexation d’objets et de rapports à ces objets dans le temps

(voior paragraphe 4.2.1), est nécessairement un construit institutionnel. Un tel construit est

préservé à travers un « contrat » qui évolue lentement − c’est justement cet avancement

modéré qui lui permet d’être préservé. Deuxièmement, c’est à cause de la nature périssable du

contrat didactique que nous allons rencontrer certains phénomènes d’oublis et de rappels

institutionnels dans la classe. Pour préciser le type d’assujettissements qui peuvent être

31 Brousseau donne la définition suivante : « la dévolution est l’acte par lequel l’enseignant fait accepter à l’élève la responsabilité d’un situation d’apprentissage (a-didactique) ou d’un problème et accepte lui-même les conséquences de ce transfert » (Matheron, 2000, p. 110). Dans un travail sur l’action didactique du professeur (Sensevy et al, 2000), il est proposé une généralisation à toute situation d’enseignement de la notion de dévolution : « Dévoluer : de manière quasi simultanée à la définition et la régulation, le professeur doit faire en sorte que les élèves prennent la responsabilité de « jouer le jeu », de s’engager dans l’activité proposée […] La dévolution n’est pas simplement − ni dans tous les cas − une condition d’entrée dans la tâche […] elle constitue en fait un processus qui accompagne, avec plus ou moins d’intensité, l’ensemble du travail didactique » (pp. 270 − 271) 32 Référons à une autre description du contrat didactique proposé aussi par Brousseau (1988) : « nécessité d’une résolution temporelle, et afin de permettre l’avancement de la relation [didactique], nécessité d’un blocage temporaire de certaines conditions de la situation par des conventions provisoires, implicites ou explicites. Ces conditions deviennent l’objet et l’enjeu de la relation didactique. La forme générale de ces conventions est le contrat didactique » (p. 322)

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 77

attendus par rapport aux connaissances mobilisées dans la classe, nous spécifions dans le

paragraphe qui suit la classification que présente l’auteur des responsabilités sur lesquelles

portent les contrats.

Types de contrats

Lors de la VIIIème Ecole d’été en 1995, Brousseau a présenté dans son cours 2 : Les stratégies

de l’enseignant et les phénomènes typiques de l’activité didactique, une typologie des contrats

possibles présents dans la classe. Avant de commencer, il fixe certains points de départ.

L’enseignant se caractérise par les assujettissements qu’il accepte et par ceux qu’il impose.

Ces assujettissements se déterminent d’une part, par la répartition des responsabilités entre

l’enseignant et un milieu antagoniste qui comprend l’enseigné, et d’autre part par les moyens

de régulation réciproques qui conditionneront l’évolution du système. Ces considérations,

d’après Brousseau, permettent de caractériser les régulations didactiques selon « la répartition

des responsabilités entre le système qui diffuse une connaissance et celui qui la reçoit et

l’apprend ». Ainsi, ces responsabilités, dont la première indique « le droit » que reçoit

l’enseignant « de modifier intentionnellement le système de décision de son interlocuteur »,

concerneront d’abord l’émission des connaissances − leur communication, leur validité, leur nouveauté, leur valeur, leur intérêt ou leur statut culturel − et les conditions dans lesquelles elles pourront se manifester, être reçues, apprises, reproduites, etc. (Brousseau, 1996, p. 17)

De telles répartitions de responsabilités sont appelées des « contrats ». La typologie exposée

par Brousseau examine tous les assujettissements qui, pour l’auteur, sont liés à la

communication ; même ceux qui sont non didactiques. Nous citons dans la suite, quelques

extraits de Brousseau (1996) qui permettent de détailler des contrats qui portent un certain

degré d’intention didactique.

C. Contrats fortement didactiques portant sur un savoir ‘nouveau’ […] Nous allons examiner différentes stratégies définies par le renvoi de la responsabilité principale à tel ou tel des éléments de la situation didactique, et par les hypothèses épistémologiques qui sont associées à ces contrats. -Le contrat de reproduction formelle (C1) Le professeur s’engage à faire effectuer, par l’élève, et par un moyen quelconque, une tâche qui est reconnue par la culture comme la marque de l’acquisition d’un savoir […] La traduction des ordres du professeur en actes n’exige pas le passage par la connaissance visée […] L’élève s’engage à effectuer la tâche définie à la condition qu’elle soit complètement réductible au répertoire qu’il possède […]

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 78

-Le contrat de conditionnement (C2) La production d’une tâche n’est pas souvent un garantie que l’élève peut la reproduire en toute circonstance, l’enseignant est conduit à chercher des conditions qui fonctionneront comme des causes d’apprentissage, indépendamment des savoirs du sujet et de ceux qu’on veut lui enseigner […] Le professeur prend à sa charge l’organisation d’une répartition ‘raisonnée’ d’exercices ‘raisonnablement’ répétitifs, et légèrement informatifs et gère le débit en fonction du rendement de son procédé qui est globalement assez faible […] Le rôle de l’élève est de se prêter à la répétition […] -La maïeutique socratique (C3) Le professeur choisit des questions telles que l’élève puisse en trouver les réponses avec ses propres ressources et il les organise de façon à modifier ses connaissances ou ses convictions. Le professeur modifie ses questions en fonction des réponses de l’élève [… les questions] pourraient emprunter n’importe quelle voie rhétorique et obtenir la ‘bonne’ réponse par des analogies, des métaphores, etc. Pourrait être considéré comme un cas particulier du contrat de reproduction en ce sens que le professeur fait dire à l’élève le savoir qu’il vise à lui transmettre en s’abstenant de le lui dire lui-même […] (pp. 18 − 26)

Un des types de contrats que présente Brousseau et qui est d’un intérêt particulier pour notre

propos, car il relève explicitement de la mobilisation du passé didactique des élèves, est celui

des Contrats basés sur la transformation des savoirs ‘anciens’. A la différence des contrats

présentés plus haut dans lesquels, en termes piagétiens, le système didactique acceptait la

réalité des apprentissages par assimilation, dans ces contrats selon l’auteur, il accepte cette

réalité par accommodation. C’est-à-dire, que le système reconnaît « l’existence d’obstacles et

la nécessité de connaissances provisoires, ‘transposées’ et révisables dans le processus

d’enseignement » (Brousseau, 1996, p. 27). Comme Brousseau le remarque, la reprise d’un

savoir ancien sollicite une nouvelle répartition des responsabilités entre le professeur et

l’élève. Citons quelques extraits du cours concernant ces contrats :

-Les contrats de reprise des savoirs anciens. ♦La révélation : le savoir ancien n’est évoqué […] que pour servir de décor […] au savoir nouveau et finalement être ‘péjoré’ ou rejeté. ♦Le rappel : […] le savoir rappelé est supposé être ‘identique’ au savoir convoqué. Les faits principaux et les actions passées sont évoquées, formulées, reconstruites, rationalisées et justifiés après coup dans une situation didactique particulière qui est un des instruments principaux de l’institutionnalisation […] ces situations permettent à l’élève de formuler ses observations et ses souvenirs de façon incomplète et allusive puisque leur passé commun met le professeur en mesure de les comprendre […] ♦ La reprise : la forme ancienne est dans ce cas ouvertement mise en cause, dans sa forme, elle fait l’objet d’une formulation, ou d’une traduction, ou dans sa constitution même, elle est alors l’objet au moins d’un commentaire, souvent d’une explication, d’une remise en cause, d’une critique ou même d’un rejet (pp. 27 − 28)

Les contrats que décrit Brousseau peuvent être vus comme des stratégies didactiques

auxquelles les enseignants font appel pour réguler la relation didactique, de manière

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 79

consciente ou non. A la fin de son cours, une ultime stratégie est exposée : le contrat

d’ostension.

Le professeur ‘‘montre’’ un objet, ou une propriété, l’élève accepte de le ‘‘voir’’ comme le représentant d’une classe dont il devra reconnaître les éléments dans d’autres circonstances (p. 46)

Sur l’ostension, Salin (1999, 2002) précise que le terme « d’introduction ostensive » a été

utilisé par Ratsimba-Rajohn en 1977, afin de caractériser les pratiques relatives à la

communication de connaissances en mathématiques, dans lesquelles le professeur fournit

« tous les éléments et relations constitutifs de la notion visée » (p. 71). Cette définition,

continue l’auteur, est très large et englobante par rapport aux types de « présentation » qu’on

pourrait y inclure. Le contrat d’enseignement, lors des pratiques ostensives, pourrait être

précisé selon les responsabilités de l’enseignant et les élèves :

- sont à la charge du professeur, dans les limites que lui laissent les contraintes institutionnelles et écologiques, le découpage du savoir enseigné, son « façonnage » en vue de sa présentation aux élèves, puis l’élaboration d’une suite d’exercices et de problèmes dans lesquels ceux-ci auront à reconnaître et à utiliser les savoirs enseignés. - sont à la charge des élèves : l’écoute « active » du professeur et l’engagement dans la résolution et la correction des exercices (Salin, 2002, p. 71)

D’après Salin, l’ostension peut aussi se présenter dans sa variante « déguisée ». Une telle

présentation a été mise en évidence lors de l’observation de classes qui portent sur les

« activités préparatoires » dans les manuels. Ces activités pré-supposent un caractère

adidactique, qui n’est pas forcément présente dans la quasi-totalité des cas. Ainsi, la forme

moderne du contrat d’ostension est énoncée par l’auteur de la manière suivante :

Au lieu de montrer à l’élève ce qui est à voir, le maître le dissimule derrière une fiction : celle que c’est l’élève lui-même qui le découvre sur les objets spatiaux soumis à son observation ou à son action. Comme le savoir à découvrir est un savoir très élaboré, le maître est obligé de ‘‘manipuler’’ le milieu matériel pour rendre la lecture de ses propriétés la plus simple possible ; malgré cela, ses interventions sont indispensables, il est obligé d’effecteur un tri parmi les réponses pour valoriser celles qui conduisent assez vite au savoir visé (Ibid, p. 74)

De cette manière, à l’intérieur de ce contrat, le professeur cherche à s'appuyer sur

l'observation dite « active » de ce qui se passe en manipulant le milieu, pour amener les élèves

à y découvrir le savoir visé.

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 80

Dans les études menées par Brousseau, la notion de contrat didactique est en étroite relation

avec celle de milieu. Néanmoins, à la fin des années quatre-vingts, l’auteur remarque

l’absence dans les textes de présentation de la relation didactique du système « milieu »

− contrairement à la vaste utilisation de la notion du contrat didactique ». D’après l’auteur,

une telle constatation pouvait être expliquée par plusieurs raisons ; parmi elles par exemple,

l’absence de reprises des modélisations en termes de jeux. Néanmoins, et c’est justement

l’objectif de son article, il met en évidence que « le milieu qu’il soit physique, social, culturel

ou autre joue un rôle dans l’emploi et l’apprentissage des connaissances par l’enseignant et

par l’élève, qu’on le sollicite ou non dans la relation didactique. Dans le paragraphe suivant,

nous abordons quelques éléments autour de cette notion.

2.3 SUR LA NOTION DE MILIEU

Une autre notion fondamentale dans la Didactique des Mathématiques en France est celle de

milieu. Contrairement au milieu présenté dans la théorie piagétienne, auquel l’enfant s’adapte

pour apprendre, le milieu pour Brousseau (1986) doit être chargé d’intentions didactiques

pour être capable d’« induire chez l’élève toutes les connaissances culturelles que l’on

souhaite qu’il acquière ». Ainsi, dans sa modélisation systémique des connaissances et

savoirs, Brousseau (1988) affirme,

Pour représenter convenablement le fonctionnement non didactique des connaissances, nous devons adopter le plus souvent des situations dans lesquelles les états du jeu sont déterminés alternativement par le joueur et par un SYSTEME antagoniste qui modifie les états du jeu de façon non contrôlée par le joueur. Ce système, nous l’avons déjà signalé, est pour l’observateur une modélisation de l’environnement et de ses réponses pertinentes pour l’apprentissage en cours […] C’est ce système antagoniste que nous avons proposé d’appeler milieu (pp. 320 – 321)

Illustrons son propos par le cas d’une séquence d’enseignement des applications linéaires

proposée aux élèves à l’école Michelet33. Un puzzle (voir figure ci-dessous) est présenté à la

classe, l’objectif est de fabriquer des puzzles semblables, plus grands que le modèle, en

respectant la règle suivante : « le segment qui mesure quatre centimètres sur le modèle devra

mesurer sept centimètres » sur la reproduction. La plupart des élèves peuvent penser qu’il faut

33 En 1972 se crée l’« école pour l’observation des enfants qui apprennent les mathématiques. Cette école,, « Jules Michelet » de Talence, deviendra progressivement une Ecole pour l’Observation de l’Enseignement des Mathématiques, COREM (Centre d’Observation et de Recherches sur l’Enseignement des Mathématiques) » (Brousseau, 1998, p. 21)

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 81

ajouter 3 centimètres à toutes les dimensions. Ce faisant, le résultat c’est que les morceaux ne

se raccordent pas. C’est donc cet état du système

antagoniste (les rétroactions du puzzle) qui devrait

amener des changements des états du jeu des élèves. Par

exemple, les élèves s’adonnent à la recherche de l’image

de 8 : « 4 → 7 alors 8 → 14 » et « il faudrait l’image de

1 ». Ces réponses montrent la modification d’état du jeu

des joueurs, en passant d’une réponse intuitive ou donnée

au hasard − « ajouter 3 » − à une possible anticipation de

la solution. De cette manière,

Le système antagoniste apparaît ainsi comme dénué d’intentions, non finalisé mais, par les rétroactions renvoyées au sujet actif qui opère sur lui, il est cependant capable de provoquer des modifications des actions immédiates ou à venir du sujet, et ce faisant, de lui permettre d’apprendre une connaissance nouvelle (Matheron, 2000, p. 107)

Une telle connaissance nouvelle peut être identifiée dans notre exemple à une forme

particulière des applications linéaires (la nécessité d’avoir des segments tels que

f(a) + f(b) = f(c) dès lors que a + b = c). En conclusion, et suivant Perrin-Glorian (1999), « le

milieu [chez Brousseau] est la cause des adaptations du sujet et les rapports de l’élève à la

situation adidactique sont réglés par le contrat didactique » (p. 285).

Au sein de l’anthropologie cognitive (Chevallard, 1992), la notion du milieu est reprise en

termes de rapports institutionnels et de contrats institutionnels, en définissant donc un milieu

de nature institutionnelle :

On désigne par CI(T), et on nomme contrat institutionnel relatif à I au temps t, l’ensemble des couples (O, RI(O, t)), où O est un élément34 de OI(t). On nomme alors milieu institutionnel relatif à I au temps t, et on note MI(t), le sous-ensemble de CI(t) formé des couples (O, RI(O, t)) « stables » au temps t (p. 89)

La notion de « stabilité » est notamment prise au sens institutionnel aussi. En d’autres termes,

pour les sujets de l’institution I les couples (O, RI(O, t)) qui intègrent le milieu seront stables

34 D’après Chevallard (1992), comme nous l’avons vu plus haut, « à chaque institution I est associé un ensemble d’objets, OI, dit ensemble des objets institutionnels (pour I), qui est l’ensemble des objets O que connaît I, c’est-à-dire pour lesquels existe un rapport institutionnel RI(O) […] L’ensemble OI dépend de t = tI, et il serait donc plus exact de le noter OI(t) » (p. 88)

6

5

2

7

9

6

4

2

5

7

5

2

Figure 8 : « Puzzle » d’une ingénierie didactique

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 82

s’ils apparaissent comme « allant de soi, transparents, non problématiques ». Or, comme

l’indique l’auteur, le fonctionnement du système didactique implique des changements dans le

milieu, et par conséquent, des « déstabilisations » provisoires seront nécessaires. Ainsi,

Certains des éléments du milieu vont être déstabilisés et cesseront momentanément d’appartenir au milieu, avant de s’y restabiliser ensuite, dans une organisation économiquement et écologiquement différente (Ibid, p. 95)

Une telle dynamique de « stabilisation – déstabilisation » des objets, donne au milieu une

double dimension. D’une part, le milieu apparaît subjectivement comme un donné, ses

éléments semblent doués « d’une objectivité échappant au contrôle et à l’intentionnalité de

l’institution », ils sont « stables ». D’autre part, il est continuellement construit, c’est le

processus de « mésogénèse », car justement le fonctionnement de la relation didactique

l’oblige à évoluer35. C’est dans ce renouvellement continu des milieux, régulé par le contrat

didactique, que la gestion de la mémoire retrouve son importance majeure : l’enseignant est

obligé d’aménager un milieu qui est à la base du fonctionnement de tout système didactique,

mais il est contraint de ne pas dire directement les choses aux élèves, car justement d’après le

contrat, l’interaction didactique suppose que ceux-ci fassent leur ce qu’ils ont à étudier. La

tâche didactique de gérer la mémoire est donc une nécessité que l’on va retrouver en filigrane

dans ce renouvellement continu des milieux.

Récemment, Assude, Mercier et Sensevy (2007) ont étudié l’action didactique du professeur

dans la dynamique des milieux, dans les classes de CP. Chez ces auteurs, le milieu est

considéré comme le « système de contraintes et de ressources, aussi bien matérielles que

symboliques, dans lequel évoluent l’élève et le professeur » (p. 226). C’est-à-dire qu’il n’est

pas nécessairement « milieu d’une situation adidactique ».

Nous pourrions interpréter d’une autre manière la notion de milieu donnée par Assude,

Mercier et Sensevy (2007) en utilisant la définition du milieu, donnée par Chevallard, en

termes d’ensemble de couples (O, RI(O, t)) « stables » au temps t. D’une part, nous dirions

qu’un système de contraintes et de ressources dans lequel évoluent l’élève et le professeur,

délimite ou rend possible la stabilisation de certains objets (ostensifs et non-ostensifs) et de

certains rapports à ces objets. D’autre part, la reconnaissance d’objets dans une institution en

tant qu’« objets stables » rend possible l’installation de contraintes et conditions (ou des 35 Nous renvoyons aux analyses de Perrin-Glorian (1999) pour approfondir sur l’articulation du concept du milieu dans différents cadres théoriques.

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 83

changements de celles qui étaient établies) qui intègrent un système dans lequel évoluent

l’élève et le professeur.

Dans le travail d’Assude et collaborateurs, les milieux sont présentés aussi comme des

moyens de régulation de la relation didactique. Ils décrivent au moins trois dynamiques des

milieux à l’intérieur desquelles l’action du professeur est étudiée :

Une première dynamique tient à la dévolution d’un rapport adéquat au milieu puisque certaines potentialités du milieu sont investies par les élèves, sous le contrôle du contrat didactique […] La dévolution apparaît alors comme un processus complexe qui ne se réduit pas à l’engagement d’un sujet dans une tâche prescrite [… elle suppose] un engagement du professeur dans le travail du savoir, notamment dans une analyse préalable qui lui permet de préciser les enjeux de la situation et, en particulier, un certain vocabulaire et/ou un système stable de notations Une deuxième dynamique tient au fait que le milieu est objet de régulation, notamment par certains processus d’expansion ou de réduction de ce même milieu […] l’expansion du milieu est double : soit que le professeur apporte des informations ou des énoncés contradictoire […] soit que le professeur apporte des éléments problématiques qui pourraient orienter le travail de l’élève vers une dialectique de formulation et validation […] Par opposition, certains milieux sont tellement « extensifs » que le professeur va procéder à des réductions qui lui permettent de préciser l’enjeu de savoir par élimination des propositions ou des interprétations apportées par les élèves Une troisième dynamique tient aux différentes manières dont le partage topogénétique et les différentes postures du professeur et des élèves peuvent influencer le jeu ou être influencés par le jeu avec le milieu […] le maître peut à certains moments faire partie intégrante du milieu (en jouant avec et contre l’élève) et à d’autres moments le maître peut être à l’extérieur du milieu en créant une distance qui lui permettra de mieux réguler la suite du travail de l’élève (Assude, Mercier et Sensevy, 2007, pp. 249-250, c’est nous qui soulignons)

Les actions des professeurs au sein des dynamiques mentionnées qui concernent les

phénomènes de dévolution, de délimitation des milieux et de partage topogénétique, peuvent

être interprétées en termes de gestes accomplis par les enseignants pour gérer la mémoire

didactique des élèves. Nous reviendrons sur ce point lors du chapitre 4 sur la problématique

de recherche et principalement dans les analyses des résultats.

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 84

2.4 RESUME

Dans ce chapitre nous avons présenté la modélisation d’une partie de la réalité didactique au

sein de laquelle nous inscrivons notre travail : la Théorie Anthropologique du Didactique.

Nous avons ainsi abordé les notions fondamentales à la base de la modélisation du cognitif :

objet, rapport, personne et institution, le modèle de l’activité de l’étude en mathématiques en

termes de praxéologies mathématiques et didactiques, et le système des conditions et des

contraintes selon lesquelles se déterminent les praxéologies reconstruites en classe. Deux

autres notions nécessaires à l’analyse des pratiques enseignantes, et en particulier pour ce qui

relève de la gestion de la mémoire, ont été exposées : celle de contrat didactique et celle de

milieu.

L’exposition succincte de la TAD que nous avons présentée, ainsi que de quelques autres

références conceptuelles, sont les outils théoriques à partir desquels nous modélisons une

partie de la réalité dans la classe. En particulier, nous utilisons fortement le modèle du cognitif

exposé pour nous référer aux phénomènes mnésiques qui nous occupent : ceux relatifs à l’aide

que le professeur apporte aux élèves pour se remémorer.

Une fois décrit notre référent conceptuel et les notions théoriques de description et d’analyse

qui outillent notre recherche, nous abordons, dans le chapitre suivant, nos premières

délimitations concernant notre objet d’étude. Puis, nous exposons l’étude exploratoire que

nous avons menée en France, afin de construire des bases de départ pour observer comment le

professeur prend en compte, la plupart du temps de manière implicite, la dimension

mémorielle de la classe.

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

Chapitre 3 : Etude exploratoire 

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 87

CHAPITRE 3

VERS UNE PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

UNE ETUDE EXPLORATOIRE

3.1 Importance de l’objet d’étude 3.2 Etude exploratoire en France

Une fois défini notre cadre théorique de référence pour aborder le thème de la gestion de la

mémoire dans l’enseignement des mathématiques, nous présentons dans ce chapitre une

première approche de notre problématique de recherche. Dans un premier temps, nous nous

référons à l’intérêt d’étudier la gestion de la mémoire pour ce qui concerne l’analyse des

pratiques professorales relatives à l’enseignement des mathématiques. Dans un second temps,

nous exposons une étude exploratoire menée en France, sur la gestion mémorielle didactique

de la classe dans l’enseignement ordinaire au secondaire et à l’école primaire.

L’objectif de ce chapitre est de préciser une première délimitation de l’objet d’étude de notre

recherche : gestion par le professeur, et en interaction avec les élèves, de la mémoire

didactique, ainsi que de pointer les premiers résultats sur les gestes accomplis par les

enseignants relatifs à la mobilisation du passé didactique des élèves.

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 88

Comme nous l’avons présenté dans le chapitre 2, concernant l’état des lieux du thème de la

mémoire en didactique, nous y trouvons peu de travaux relatifs à ce sujet. Les trois études

(Centeno, 1991 ; Matheron, 2000 ; Fluckiger et Mercier, 2002) qui ont porté prioritairement

sur la mémoire ont emprunté des approches théoriques et méthodologiques différentes, ainsi

que des sujets relatifs à la mémoire distincts :

- Dans la perspective fournie par la TSD, l’étude de Centeno porte sur la mémoire didactique

des maîtres et en quoi, celle-ci est dépositaire de la mémoire du système. Sa méthodologie est

basée sur des observations prioritairement issues des classes non ordinaires36, et sur des

dispositifs qui exigent des conditions particulières.

- Toujours dans la perspective de la TSD, et en complément avec des apports de la TCC37, le

travail mené par Fluckiger et Mercier, est issu d’une recherche38 dont l’objet premier d’étude

n’était pas « la mémoire », mais plutôt une genèse expérimentale de la notion de division à

l’école. Les données analysées dans l’article (Fluckiger et Mercier, 2002) sont aussi produites

par la mise en œuvre d’une ingénierie didactique.

- Dans la perspective fournie par la TAD, Matheron élabore un modèle didactique de la

mémoire dans l’enseignement ordinaire secondaire. Une partie de ses corpus relèvent des

observations faites dans des classes ordinaires39.

Nous remarquons que, même si les résultats de ces travaux ont certainement des implications

sur la gestion de la mémoire dans la classe, aucun d’entre eux n’a considéré comme objet

d’étude proprement dit « la gestion de la mémoire didactique » dans l’enseignement ordinaire

des mathématiques au secondaire. Dans ce sens, nous situons le thème de notre recherche

dans un champ relativement nouveau au sein de la didactique.

36 Le caractère « non-ordinaire » est relatif à la mise en œuvre d’une ingénierie didactique. Dans le cas de Centeno, ces ingénieries correspondent aux dispositifs mis en place par Brousseau dans l’Ecole Michelet à Bordeaux. 37 Théorie des Champs Conceptuels 38 Fluckiger (2000). Genèse expérimentale d’une notion mathématique : la notion de division comme modèle des connaissances numériques. Thèse doctorat : Université de Genève. 39 Le caractère « ordinaire » de l’enseignement dans une classe est opposé à celui d’une ingénierie didactique.

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 89

3.1 IMPORTANCE DE L’OBJET D’ETUDE

La TAD modélise l’organisation de l’étude des mathématiques à travers la notion

d’organisation didactique. Nous postulons que la gestion de la mémoire didactique dans une

institution didactique scolaire (par exemple une classe de seconde), fait partie du travail

mathématique de la construction des connaissances. Par conséquent, elle fait partie des tâches

didactiques nécessaires à accomplir au cours de l’enseignement, et donc, qui font partie du

réel didactique que la Didactique, en tant que science, cherche à étudier.

L’importance pour l’enseignement des mathématiques d’étudier la gestion de la mémoire,

comme l’avait signalé Centeno (1991), peut être justifiée par au moins trois raisons. La

gestion de la mémoire permet :

• l’économie de certaines évaluations : selon les gestes accomplis par le professeur et

ceux demandés aux élèves il peut être possible d’évaluer plus fréquemment la

conformité des rapports personnels des élèves aux rapports institutionnels que

l’enseignant attend, ce qui amène à l’économie de certaines évaluations. Par exemple,

la verbalisation de la mise en place d’une technique pour réaliser un certain type de

tâches, sans pour autant appliquer effectivement la technique.

• des interventions plus rapides et plus pertinentes de la part de l’enseignant : en ayant

des éléments institutionnellement reconnus comme partie intégrante d’un système de

repérage des événements du passé − en général des objets du passé −, la référence aux

éléments de ce système peut impliquer des interventions plus rapides et plus

conformes aux situations de la classe. Rappelons par exemple, le geste

« d’emblématisation » des productions des élèves exposées en 1.2.3.

• une action plus forte sur les modifications de sens : la réactivation de différents

rapports à un objet existant en diverses institutions, et leur confrontation, peut

stabiliser plus « fortement » les modifications « de sens » que l’enseignant attend à un

certain instant t de la classe. Par exemple, lorsqu’il s’agit de la technique de

« simplification d’une expression algébrique », d’autres rapports à l’objet

« simplifier » peuvent être réactivés : simplification d’une fraction, simplification de

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 90

l’application d’une technique, ou au sens courant de simplifier : faire plus facile, plus

court plus « simple ».

Nous reviendrons sur la notion de gestion de la mémoire ainsi que sur ses fonctions dans le

chapitre suivant consacré à la problématique de recherche, afin de mieux préciser l’objet

d’étude de notre travail.

En partant de ces premières postures sur notre sujet de recherche, nous avons réalisé un

premier travail afin d’étudier ce que fait l’enseignant qui relève du passé didactique-

mathématique de la classe. Donc, nous nous sommes intéressés principalement aux gestes

accomplis par les professeurs à fin de gérer la mémoire didactique. Nous décrivons ce travail

dans le paragraphe suivant.

3.2 ETUDE EXPLORATOIRE EN FRANCE

Durant l’année 2005, nous avons mené une étude exploratoire en France qui visait une

première approche de la tâche professorale : gérer la mémoire didactique d’une classe dans

l’enseignement ordinaire. L’objectif général de ce travail, était de :

Déterminer des aspects associés à l’évocation, réalisée par l’enseignant, d’éléments du passé

(fictif ou réel)40 des élèves.

En considérant que ces « éléments du passé » que l’enseignant cherche a mobiliser sont des

rapports institutionnels et/ou personnels établis antérieurement à un objet de savoir, nous nous

sommes posés, pour atteindre notre objectif, les questions suivantes :

qq11• Quand le professeur sollicite-t-il la mémoire didactique dans la classe ?

qq22• Quels gestes l’enseignant accomplit-il pour favoriser la réactivation des éléments du

passé qu’il attend à un certain moment dans la classe ?

40 Réel, car les éléments peuvent faire allusion à un passé commun entre élèves et enseignant (type d’évocations étudiées par Centeno, par exemple), fictif car ils peuvent se référer à des « choses » connues par les élèves d’après les instructions officielles ou d’après l’enseignant, mais qu’il n’a pas vécues avec les élèves, et qu’il pourrait évoquer comme si cela l’avait été.

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 91

Nous décrivons dans ce qui suit notre démarche méthodologique pour recueillir des données

afin de répondre à ces questions.

3.2.1 METHODOLOGIE POUR L’ETUDE EXPLORATOIRE

Pour cette étude nous avons principalement eu recours à deux sources de données : d’une part,

deux classes de 4e d’un collège toulousain et d’autre part, des transcriptions de séances de

classes de CP de mathématiques dans une école à Marseille.

Pour ce qui concerne les classes de 4e, nous avons pris contact avec une professeur de l’IREM

de Toulouse, qui nous a ouvert ses classes et autorisé l’observation de ses cours. A l’occasion

de la première visite dans l’établissement, nous avons contacté une autre professeur qui a

accepté de participer aussi à l’étude. Ces deux enseignantes avaient au moins dix années

d’expérience et pour chacun d’elles, ce n’était pas la première fois qu’elles enseignaient au

niveau observé.

Les observations « non participantes41 », d’après Goetz et LeCompte (1988), « consistent à

contempler et enregistrer des faits sur le terrain » (p. 153). Pour pouvoir repérer les gestes qui

visaient la réactivation accomplie par les enseignants des rapports personnels ou

institutionnels anciens, nous avons considéré pertinent de réaliser des observations dans des

classes, une classe pour chaque professeur. On a choisi des séances qui portaient sur des

contenus de nature différente. Par exemple, certaines séances relatives à des thèmes sur

l’algèbre et certaines autres sur la géométrie. Ceci, afin de ne pas se limiter à un seul domaine

mathématique pour l’observation, mais à pouvoir éventuellement relever des gestes

d’évocation spécifiques de domaines différents.

Les observations ont débuté la dernière semaine de mars 2005 avec la 4e E, et début mai avec

la 4e A. Avant d’observer l’activité des élèves pendant l’étude des contenus choisis, nous

avons assisté aux deux séances précédentes pour être présentée aux élèves et aider à

développer une atmosphère de confiance entre la classe et la chercheuse. Dans chaque classe,

nous avons observé au moins quatre séances, qui ont été audio-enregistrées.

Dans le tableau suivant, nous présentons les thèmes que chaque classe a étudiés pendant les

séances observées.

41 Par rapport à l’observation « non participant”, « como categoría pura [...] sólo existe cuando la interacción se observa mediante cámaras y grabadoras ocultas o a través de falsos espejos. En todos los demás casos, es imposible evitar la interacción. Por consiguiente, la distinción entre observación participante y no participante no es tajante en la investigación real » (Goetz et LeCompte, 1988, p. 153).

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 92

4e A (Prof. CB) 4e E (Prof. NF) Thème Date Thème Date

Résolution d’équations

23 mai 0524 mai 05

Proportionnalité

01 avr 05 04 avr 05 06 avr 05

Orthocentre 01 jun 05 Inégalités et arrondis 19 mai 05 Centre de gravité 02 jun 05 Cosinus 20 mai 05

Tableau 1 : Thèmes étudiés par les élèves de 4e observés en France 2005

Une fois terminé le cycle d’observations, nous avons fait passer un entretien structuré aux

deux enseignantes de manière individuelle, afin de repérer les reconstructions qu’elles opèrent

pour la description donnée de leurs intentions didactiques spécifiques de certains épisodes de

classe que nous avons identifiés comme relevant « du rappel » de quelque chose. Pour aider

les professeurs à élaborer un contexte pour les questions posées, nous avons utilisé des

extraits des transcriptions que nous montrions aux enseignants au cours de l’entretien selon la

question. L’entretien avec l’enseignante NF de la 4e E a eu lieu le 30 mai et a duré environ

une heure et quart. Celui avec l’enseignante CB pour la 4e A, s’est déroulé le 6 et le 7 juin,

durant 45 minutes. On trouvera ci-dessous des exemples de questions posées dans l’entretien

avec CB, concernant les épisodes considérés comme étant associés à la gestion de la

mémoire42 :

« Parfois, tu demandes aux élèves de se rappeler de quelque chose qu’un autre élève avait déjà dit. Dans ces cas-là, tu ajoutes à la question, « c’est Chloé qui l’a dit ». Qu’est-ce qui change de poser non seulement la question, mais aussi de dire qui l’avait dit ? Quelle est la fonction de ce rappel ? »

« En certaines occasions, tu fais des commentaires qui évoquent des passages du passé des élèves, par exemple : « on a vu ça dans la leçon sur les translations » ou « ces équations-là, c’est le programme de cinquième » ou « on n’a jamais fait la réciproque du théorème de Thalès en classe de quatrième ». Quel était ton objectif en faisant ces évocations ? » Pourquoi les élèves font-ils leurs exercices dans des cahiers différents de ceux où ils notent le cours ? Et pourquoi utilise-t-on différentes couleurs pour y écrire ? Par exemple le titre en rouge, les parties en bleu, …

42 Voir l’annexe III pour les questions qui ont guidé les entretiens et les transcriptions de celles-ci.

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 93

Les entretiens ont suivi un mode relativement directif car ils visaient à confirmer que des

épisodes et des gestes produits au cours de ces épisodes, et relevés comme étant d’ordre

mnésique, l’étaient aussi pour les enseignants.

L’autre source de données que nous avons utilisée, est constituée des transcriptions de

séances dans une école primaire à Marseille. Les transcriptions ont été facilitées par Gérard

Sensevy, et ont été tirées d’une recherche effectuée dans le cadre d’un appel à projet lancé par

le PIREF43. Ces transcriptions correspondent donc à une partie du matériel empirique (2003-

2004) de cette recherche concernant la caractérisation des pratiques des enseignants de CP44

en mathématiques et en lecture ; ainsi que l’établissement des relations entre « les

caractéristiques des pratiques et les apprentissages des élèves en essayant d’en dégager des

conditions d’efficacité différentielle » (Assude et al, 2007, p. 224). De ces transcriptions, nous

avons analysé la partie propre à l’étude des mathématiques que nous indiquons pour chacune

des séances transcrites dans le tableau suivant :

Référence Thème B.C. 1311 Les nombres entiers (dictée) et le quadrillage

P. 1312 Les nombres entiers (identification et dictée), les relations d’ordre, l’addition d’entiers

L.D. 1312 Calculs numériques : additions et soustractions

Tableau 2 : Thèmes étudiés par les élèves de CP en France 2003/2004

En suivant l’une des thèses de Douglas (1999), « les institutions dirigent de façon

systématique la mémoire individuelle et canalisent nos perceptions vers des formes

compatibles avec le type de relations qu’elles autorisent » (p.84), et en partant du fait que les

classes, vues comme des institutions, dans l’enseignement secondaire et primaire, ont

forcement des caractéristiques distinctives (par exemple, dues au développement cognitif des

élèves) nous avons voulu observer de possibles traces de ces deux types d’institutions, afin de

favoriser la perception de cette « façon systématique » de diriger la mémoire de leurs

membres. Dans le paragraphe suivant, nous discutons les résultats tirés de cette étude

exploratoire.

43 Programme Incitatif de Recherche en Education et Formation 44 Première année de l’école primaire, élèves de 6 ans

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 94

3.2.2 RESULTATS DE L’ETUDE EXPLORATOIRE

Pour exposer les résultats, dans un premier temps, nous présentons les gestes mémoriels

repérés à partir de l’analyse des transcriptions des séances de CP45 et du collège46, de manière

à structurer des éléments de réponse à la question

qq22• Quels gestes l’enseignant accomplit-il pour favoriser la réactivation des éléments

du passé qu’il attend à un certain moment dans la classe ?

Dans la présentation de chaque geste, nous nous référons à la fonction qu’il nous semble avoir

dans l’organisation de l’étude, en tant qu’élément de réponse à la question

qq11• Quand le professeur sollicite-t-il la mémoire didactique dans la classe ?

Cette première classification des gestes a été exposée dans Araya et Matheron (2005). Dans

un second temps, nous montrons les résultats tirés des entretiens avec les enseignantes et qui

complètent les éléments de réponses à la question q2 de cette étude.

3.2.2.1 SUR LES GESTES MEMORIELS : UNE PREMIERE CLASSIFICATION

RRaappppeellss rreellaattiiffss aauu ppaasssséé ssccoollaaiirree

L’enseignant est généralement amené à évoquer des rapports qu’il considère établis en

conformité aux rapports institutionnels lors de divers moments du temps didactique passé. Il

s’agit des rappels personnels, officiels et des rappels de savoirs préalables ; termes que nous

exemplifions ci-dessous.

Les rappels personnels initiés par l’enseignant, et consistant à poser des questions sur le passé

personnel, mais probablement partagé avec la classe, cherchent à faire se replacer l’élève dans

le rôle qui était le sien dans une activité passée (vécue en tant qu’acteur ou qu’observateur).

Ce replacement pourrait avoir pour fonction, l’évaluation à l’aide des traces mémorielles du

rapport personnel établi à l’objet d’étude, comme dans l’exemple ci-dessous.

45 Voir Annexe I 46 Voir Annexe II

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 95

Quelques lignes avant cet extrait dans la séance observée, « Maximilien » n’avait pas su

répondre à une question que NF avait posée. L’enseignante a demandé alors à un autre élève

de répondre (lignes 28 – 48). Une fois trouvé le prix d’un bonbon, NF estime surmonté le

blocage que Maximilien avait et l’interroge à nouveau pour évaluer son rapport personnel à la

tâche en jeu : « trouver le prix de six bonbons en sachant le prix d’un »47 :

48 PROF=NF : […] Maximilien / on a trouvé le prix d’un bonbon / pour trouver le prix de six

49 M : Il faut multiplier 50 PROF=NF : Alors / qu’est-ce que tu fais comme calcul 51 M : Ahh … zéro virgule trois cent soixante quinze / fois six 52 PROF=NF : Oui / alors / tu as compris comment on va trouver le prix de quatorze / bonbons 53 M : Pareil / pareil 54 PROF=NF : C’est-à-dire 55 M : Zéro virgule trois cent soixante quinze fois quatorze

Ref : NF-040420054E

La question de l’enseignante (ligne48 48) vers M est l’indice d’une évaluation que fait NF. Les

autres questions (lignes 50 et 54) servent à la fois à vérifier le rapport de Maximilien d’une

manière implicite, et à montrer à la classe ce que l’enseignant attend qu’on lui donne, le

rapport institutionnel.

Une autre fonction de ce geste, c’est qu’il pourrait accélérer le temps pris pour accomplir une

tâche en activant des rapports personnels des élèves à cette tâche. Voyons par exemple le

passage suivant :

Nous sommes dans la première partie d’une séance où la

classe révisait au tableau un exercice que les élèves ont

avancé la veille. Le professeur reprend dès le début la

tâche (« trouver le périmètre du triangle donné », voir

figure ci-contre) et pose des questions à certains élèves sur

leurs interventions pendant la séance précédente ou le

déroulement de celle-ci. Par exemple, voyons les deux

47 Dans les extraits que nous présentons pour illustrer les résultats, la première colonne indique le numéro de tour de parole, la deuxième colonne précise « l’acteur » qui intervient et la troisième partie correspond aux échanges verbaux et scripturaux (ils sont indiqués dans le texte entre parenthèses ou encadrés lorsqu’il s’agit de figures). En bas à droite est notée la référence pour repérer la transcription de la séance dans les annexes. Dans les extraits les symboles « / » et « + » indiquent des pauses – silences – lors du discours oral. Le symbole « < … ?> » indique qu’il y a eu une intervention inaudible. 48 Nous employons le terme « ligne » pour indiquer dans l’extrait le tour de parole.

Figure 9 : Problème pour la 4e E

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 96

extraits qui se suivent :

19 PROF=NF : Alors pour trouver l’équation on avait dit que le périmètre du rectangle / était égal au périmètre du triangle / ça c’est l’énoncé si vous voulez // le périmètre du rectangle en fonction de x / comment il s’exprime / Julien on avait dit quoi /

20 E : Deux x 21 PROF=NF : Deux x ou deux fois la largeur plus // deux fois sept / deux fois la longueur // et le

périmètre du triangle / tu avais dit / trois x / x plus x plus x / que l’on écrit trois x [...]

Ref : NF-010420054E

Quelques lignes plus loin :

83 PROF=NF : […] Le périmètre vaut quoi François / que vaut le périmètre quand x vaut quatorze

84 F: Ben… // 85 PROF=NF : Allez allez allez // 86 F : Ben quatorze multiplié par trois // 87 PROF=NF : Mais tu l’as fait tout à l’heure 88 F : Quarante deux 89 PROF=NF : Quarante deux [...]

Ref : NF-010420054E

Le topos des élèves interrogés joue un rôle essentiel dans la reconstruction de l’histoire de la

classe. Nous pouvons supposer aussi que la reconstruction de la séance précédente (avec les

résultat qu’ils ont trouvés), peut être plus évidente, d’après l’enseignant, si on « fait parler »

les mêmes acteurs, c’est-à-dire si l’on interroge les mêmes élèves pour donner certaines

informations.

L’utilisation de rappels officiels cherche à situer l’élève comme membre d’une communauté

d’étude qui a suivi un même parcours, éventuellement spécifique pour divers sujets de cette

communauté, en fonction des conditions et des contraintes qui ont présidé à la mise en place

d’une organisation mathématique. C’est-à-dire que, dans ce type de rappels, on trouvera non

seulement les connaissances institutionnalisées, mais aussi les objets propres à l’histoire de la

classe et qui ont été utilisés pour parvenir jusqu’à cette institutionnalisation ; ils peuvent être

de nature non-mathématique. Les rapports réactivés à partir de ce geste correspondent aux

rapports officiels établis à l’objet au cours du processus didactique.

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 97

Dans l’exemple suivant, l’utilisation du rappel récent (ligne 72 : « on l’a jamais vu là ») a

pour fonction d’indiquer aux élèves une des clauses du contrat qui « régit » l’institution dont

ils font partie : on a le droit d’utiliser des expressions validées par l’enseignant ou « vues en

classe ». En même temps, le rappel induit l’officialisation de l’expression qu’il faut utiliser :

« on transpose » :

170 PROF=CB : Non // le deux x est bien où il est 171 A : Donc … j’ai passé trente six 172 PROF=CB : J’ai passé / c’est pas un bon vocabulaire / on l’a jamais vu là / 173 Cl : On transpose 174 PROF=CB : On transpose /// on fait moins / moins trente six oui voilà

Ref : CB-240520054A

Voyons aussi l’exemple suivant où l’on retrouve un personnage d’un manuel de CP (Dédé)

qui utilise une technique particulière pour soustraire des entiers :

171 M= L.D : [… ] est-ce que vous vous souvenez de Dédé ? 172 M=Elèves : Oui 173 M= L.D : Y devait faire la même chose avec ses deux copains + distribuer ++ les points +

les petites billes qu’il avait + est-ce qu’il faisait les noisettes comme l’écureuil lui ?

174 M=Elèves : Non 175 M= L.D : Comment y faisait Dédé ? + faites le comme Dédé ça + Bou + comme Dédé +

comment y fait Dédé + faites le ++ la même chose + il a + 8 points + ou 8 billes + il en donne 2 + à un copain + combien il en reste pour son autre copain ? + mais faites des dés comme Dédé + faites les billes comme Dédé

Ref : LD-1321CP

La technique que « faisait Dédé » est donc ce que le maître veut réactiver à partir du « rappel

officiel » (ligne 171 : « est-ce que vous vous souvenez de Dédé ? », ligne 175 : « comment y

faisait Dédé ? »). La manière de faire de Dédé sera donc (re)officialisée dans la classe comme

un élément du milieu à l’aide duquel les élèves ont à étudier.

On retrouve aussi, dans cet exemple ce que l’on pourrait appeler un ostensif déclencheur49 :

« Dédé ». On pourrait le considérer comme un objet qui doit amener les élèves à penser tout

de suite à la technique particulière utilisée par le personnage (nous reviendrons sur cette

notion plus loin).

49 Nous appelons aussi « ostensifs détonateurs » aux « ostensif déclencheur ».

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 98

Enfin, les rappels de savoirs préalables correspondent aux évocations de savoirs déjà

institutionnalisés aux niveaux du cursus précédant le niveau actuel. Pour une classe de

quatrième, par exemple, il faut savoir calculer le périmètre d’un triangle. Ainsi, la question

suivante relève-t-elle de l’activation d’un savoir préalable, étudié en CM2 ou en 6e.

29 PROF=NF : […] François / si x vaut quatorze que vaut le périmètre du triangle équilatéral 30 F : Quatorze fois trois

Ref : 010420054E

RRee--ffoorrmmuullaattiioonnss

On entend par re-formulation la reprise que fait l’enseignant, soit des réponses que donnent

les élèves, soit des questions qu’il pose lui-même ou encore la conclusion d’une série

d’interventions. La fonction de ce type de gestes est plutôt mésogénétique, car il permet de

délimiter le milieu institutionnel que l’élève peut construire, ou bien institutionnaliser

provisoirement quelque chose qui servira de point d’appui pour continuer l’étude. Ainsi, on

parlera de : répétitions, reformulations et récapitulations.

Les gestes de répétition que fait l’enseignant concernent la reprise immédiate d’une

manifestation de la mémoire pratique des élèves, pour mettre en exergue l’un des éléments de

ces traces mémorielles, dans l’intention de le faire retenir par l’élève ; ceci afin d’avancer

dans la progression d’une activité, ou de l’injecter dans le milieu personnel pour l’étude. Pour

l’illustrer, voici l’extrait d’une des transcriptions de CP :

109 M= P : […] Bou pourquoi tu l’as barré 110 M=Bou : Parce que j’ai reconnu que y’en à six + alors <… ?> donc ça fait zéro <... ?> 111 M= P : Donc ça fait zéro et tu as barré + mais en fait tu dois écrire le zéro + c’est pas

impossible Ref : LD-1321CP

Voyons aussi dans le passage suivant, d’une séance sur le cosinus d’un

angle aigu de la 4e E, le rôle de la répétition comme validation des

réponses des élèves. Dans la classe, la figure ci-contre, était désigné au

tableau :

60°

Hypoténuse

Côté opposé

à B

Côté adjacente

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 99

51 PROF=NF : […] est-ce que vous pouvez me donner le nom de l’hypoténuse de ce triangle BEF ? (des élèves répondent en même temps) on lève le doigt. Myriam

52 E=My : EB 53 PROF=NF : EB, qui est en rouge aussi. Quel est le côté adjacent à cet angle B dans ce

triangle ? 54 E : FB 55 PROF=NF : FB, qui est en vert. Quel est le côté opposé à l’angle B dans ce triangle ? John 56 E=J : EF 57 PROF=NF : EF. Je trace en bleu pour le côté opposé / alors on a dit / effectivement cette figure

nous fait penser / 58 E : A un triangle 59 PROF=NF : Adrian 60 A : Au théorème de Thalès 61 PROF=NF : Au théorème de Thalès / alors on va l’appliquer ////

Ref : NF-200520054E

Les reformulations de questions que l’enseignant pose ont pour fonction de reprendre des

éléments du milieu que l’enseignant considère officiel ou « préalable », pour limiter les

éléments que les élèves doivent prendre en compte car nécessaires à activer, et qui lui

permettent de donner la réponse attendue par le professeur. Reprenons un passage de la

séance de quatrième sur la résolution du problème sur le périmètre d’un triangle :

11 PROF=N : comment se présente x par rapport au problème / Michael

12 E : … (l’élève répond mais on n’entend pas) 13 PROF=N :

Comment présenter x pour le problème? (Un autre élève essaie de répondre, mais P le fait taire) Chut / Michael /// C’était quoi x pour le problème ? /// On l’avait écrit

14 M : Le périmètre 15 PROF=N : Pas périmètre / regarde la figure / la longueur du rectangle // c’est quoi aussi

pour le triangle /// c’est quoi x pour le triangle 16 M : La longueur du côté

Ref : NF-010420054E

Remarquons que certaines informations données par l’enseignant sont si précises, qu’au lieu

de faire en sorte que l’élève délimite de manière plus précise le milieu avec lequel interagir en

l’identifiant plus facilement, il finit par lui donner la réponse. C’est-à-dire, que les gestes

engendrent un effet Topaze.

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 100

Ce type de gestes se réfère aussi aux re-formulations des réponses des élèves que fait

l’enseignant, afin d’institutionnaliser, provisoirement, la forme correcte qu’il attend, et qu’il

attendra lors d’une future évocation.

19 PROF=NF : Qu’est-ce qu’il se passe au niveau des trois angles d’un triangle //// Charlotte / 20 Ch : Bein ... si c’est un triangle rectangle / il y en a un qui fait forcement quatre-vingt

dix degrés / et le tout fait cent quatre-vingt degrés / 21 PROF=NF : Et la somme des trois angles vaudra cent quatre-vingts degrés

Ref : NF-200520054E

Dans l’extrait ci-dessus, c’est dans la ligne 21 « la somme des trois angles vaudra cent quatre-

vingts degrés » que l’enseignant reformule la réponse de Ch en l’énonçant « de manière

correcte ».

Finalement, les récapitulations sont des reprises de faits, ou des enchaînements

d’interventions, qui se sont produits au cours d’une certaine période. Elles ont pour fonction,

non l’évocation de rapports personnels pour leur utilisation immédiate, comme c’était le cas

des re-formulations, mais plutôt l’établissement d’une institutionnalisation, provisoire ou

officielle, de ce qu’il faut retenir d’une partie de l’activité, de la séance ou d’une séquence de

séances. Voyons l’exemple d’une séance sur la démonstration du fait que les trois médianes

d’un triangle sont concourantes.

214 PROF=CB […] on a démontré que cette droite en pointillé-

là passait par le milieu I de B C, donc je peux pas faire la même … le même symbole (P efface et utilise un autre symbole). Par hypothèse, tu peux te taire s’il te plaît pour que je fasse la conclusion […] Donc, on avait K milieu de A B (36’19), on avait J milieu de … A C. Donc B J et C K étaient déjà deux médianes. Je viens de démontrer que A G est bien la troisième médiane, parce qu’elle passait par I milieu de B C, donc on vient de démontrer que les trois médianes d’un triangle sont concourantes

Ref : CB-020620054A

On pourrait appeler ce type de gestes, dont la fonction est d’institutionnaliser des rapports qui

seront demandés plus tard, comme étant des gestes qui construisent une mémoire de l’avenir ;

soit provisoirement, soit pour une période plus longue.

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 101

RReeppllaacceemmeenntt ddaannss uunn nniivveeaauu ddee ccoo--ddéétteerrmmiinnaattiioonn ddiiddaaccttiiqquuee Les gestes de cette catégorie cherchent à replacer les élèves dans un certain niveau de co-

détermination didactique, pour convertir les pratiques ou éléments de ces pratiques de ce

niveau-là, vers un niveau plus spécifique, selon les conditions de ce dernier. Aussi, certains

des positionnements dans les niveaux visés ont pour finalité d’encadrer une activité ou une

séance, pour donner des indices généraux ou globaux du type d’étude à faire dans la classe.

En ce sens, on parlera de pratiques extérieures au niveau considéré et d’encadrement d’une

séance ou d’une activité.

L’évocation d’une pratique extérieure se produit quand l’enseignant évoque une pratique, qui

est propre à un autre niveau que le niveau actuel de l’étude, en la convertissant ou

l’assujettissant au niveau de co-détermination où se trouve la communauté didactique afin d’y

construire un milieu. Ce type de rappel pourrait avoir la fonction de fournir un élément

technologique, en évoquant une situation sociale pour justifier une technique. C’est-à-dire

qu’il pourrait favoriser la remise en ordre des souvenirs confus d’un élève, ou encore les

rapports personnels non stabilisés, lorsque l’enseignant les reconnaît dans la situation :

83 M= L.D : [… MT= l’enseignant regarde un élève] alors tu m’as écrit 9 plus 2 égal 9 + déjà j’ai demandé 9 + moins 2

84 M=Elèves : Moins 2 85 M= L.D : Donc déjà le signe est pas le même + comment tu veux avoir 9 moins 2 qui est

encore égal à 9 ? tu as 9 bonbons + tu en enlèves 2 et tu crois qu’il y a toujours 9 à l’arrivée ?

Ref : LD-1321CP

Dans l’extrait ci-dessus, nous repérons au niveau du sujet, la tâche : réaliser la soustraction

9 − 2, pour laquelle un élève semble avoir obtenu un résultat non juste. La maîtresse se sert

donc d’une « pratique extérieure » que nous plaçons au niveau de la société50, comme élément

technologique pour expliquer (plus encore, mettre en évidence auprès de l’élève) pourquoi le

résultat ne peut pas être « encore 9 ».

50 Remarquons que c’est nous qui imaginons extérieure la pratique avec les bonbons. Cependant, comme nous n’avons pas de traces de la séquence entière dont cet extrait fait partie, nous n’excluons pas la possibilité que des pratiques avec « des bonbons » puissent être vues comme faisant partie d’un niveau de co-détermination interne, au sein du niveau de la pédagogie. Donc, elle ne serait plus « extérieure ».

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 102

Une autre fonction de ce geste, pourrait être celle de permettre la reformulation d’une

technique ou des éléments d’une technique, pour que les élèves l’appliquent pour accomplir

une tâche. Voyons un exemple.

La séance de CP dont l’extrait suivant fait partie, est relative à l’étude du quadrillage et la

conservation des places, en rapport avec les éléments de la grille, même si on opère une

rotation sur le modèle. Pour la grille à droite dans la figure ci-dessous où il apparaît seulement

un cercle − qui représente un animal dans la grille travaillée dans la classe − un élève dit :

« Y’a pas de modèle ! » (ligne 461). Pour lui répondre, la maîtresse renvoie les élèves à une

notion intuitive qu’on repère davantage au niveau de la société : l’action de « tourner » et plus

précisément de « tourner une feuille ».

465 M=B.C. : oui + là c’est le même que celui-là + mais attention on a tourné la feuille hein <… ?>+ alors + Jer me dit +maîtresse [MT= l’enseignante se déplace vers le tableau et prend la feuille de l’élève qui est au premier rang pour la montrer à la classe]+ mais pour en bas là + on a pas le modèle + et il a raison + on a pas de modèle + mais en fait c’est ce modèle là + comme si on tournait la feuille

466 M= Elève : <… ?> 467 M=B.C. : Comme si on tournait la feuille [MT= l’enseignante tourne la feuille qu’elle

présente à la classe]+ d’accord Ref : BC-1311CP

Ce type de gestes a aussi une fonction d’outil mnémotechnique, outil qui fera partie d’une

mémoire de l’avenir, c’est-à-dire qui est relative au rapport que le professeur veut installer

présentement car il sait qu’il devra le convoquer dans un temps didactique à venir.

Simultanément, si l’outil parvient à remplir sa fonction, il permet de redéfinir le rapport

personnel de l’élève et la manière d’accomplir la tâche.

L’encadrement d’une séance ou d’une activité correspond à l’évocation d’éléments des

pratiques associées à un niveau de co-détermination didactique donné − à l’intérieur de la

discipline (domaine, secteur ou thème) ou à la discipline elle-même −, pour que les élèves

puissent se replacer dans le cadre des activités génériques propres à ce niveau. Ce geste

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 103

permet la constitution initiale d’une partie d’un milieu pour travailler. Ces rappels ont donc

une fonction mésogénétique, comme c’est le cas dans l’exemple suivant :

1 PROF=NF : […] Alors on va revenir sur un chapitre de géométrie / qui va s’intituler / on va voir le cosinus d’un angle / ce chapitre fait partie d’une branche des mathématiques qui s’appelle / la trigonométrie ////

2 Es : Oh ... la ... 3 PROF=NF : Alors la trigonométrie / ça vient de deux mots / trigo qui ça veut dire triangle /

et « métrie » / mesure // qu’est-ce qu’on peut mesurer dans ce triangle / Ref : NF-200520054E

Nous repérons dans l’extrait différentes délimitations issues de l’évocation des niveaux de co-

détermination différents mentionnés par l’enseignant : la discipline, notamment les

mathématiques ; le domaine, la géométrie ; le secteur, la trigonométrie et le thème, cosinus

d’un angle.

OOsstteennssiiff ddéécclleenncchheeuurr

En utilisant des questions ou des expressions relatives à un ostensif (illustration, objet concret,

expression langagière ou scripturale), le professeur cherche à évoquer des situations vécues

par les élèves, et à partir desquelles ils peuvent reconstruire les relations entre l’ostensif et la

réponse attendue par l’enseignant, qui devra faire allusion au non-ostensif associé. Voyons

plusieurs exemples au niveau du CP et dans la classe de quatrième E. Dans l’extrait suivant, la

classe est en train d’étudier le quadrillage. La maîtresse cherche à faire identifier par les

élèves certains segments de droite en utilisant les mots « ligne » ou « colonne ».

342 M= B.C : Quand quand on est + quand on regarde le + le sol + c’est quoi + le sol + regardez bien le sol + ça vous fait penser à quoi ?

343 M= Elèves : Brouhaha 344 M= Elève : Du carrelage 345 M= B.C : Ouais c’est aussi un quadrillage + et puis ça alors + je marche sur quoi là ? [MT

= marche sur le carrelage de la classe] 346 M= Elève : Sur des traits ! 347 M= B.C : Ouais des traits + ou quel est l’autre mot ? (...) 351 M= B.C : Ouais tout droit + alors ça s’appelle/ 352 M= Elève : <.. ?> 353 M= B.C : Ça s’appelle comment ? ça s’appelle UNE 354 M= Elève : Ligne

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 104

355 M= B.C : Une LIGNE + et oui tout à fait […] Ref : BC-1311CP

Les différentes réponses, qui sont éloignées de celle attendue par le maître, montrent que le

rapport personnel des élèves à l’ostensif « sol » n’est pas rapproché au rapport officiel qui est

celui du maître à cet instant : à la différence des élèves, pour le maître, le « sol » est un objet

qui lui fait penser « immédiatement » au non-ostensif « ligne », en tant qu’ostensif

déclencheur pour lui. Cependant, pour les élèves, nous pourrions dire que l’extrait illustre

l’utilisation d’une analogie qui n’est pas convenablement décryptée à travers un contrat un

peu flou.

Dans l’exemple qui suit, l’ostensif graphique qui est le dessin d’un triangle et d’une parallèle

à l’un de ses côtés, semble être un ostensif à très forte valence sémiotique : il évoque

immanquablement le Théorème de Thalès :

45 PROF=NF : Non, clairement les côtés n’ont pas la même mesure 46 Ch : Mais, en fait, dans la relation qu’on a vu … hein … ah non

c’était pour le … non, la rela/ dans le théorème de Thalès, il y a une relation de …

47 PROF=NF : Alors, vous devez voir effectivement quelque chose là. Ça vous fait penser à quelque chose, cette figure, deux triangles emboîtés

48 Es : Ah oui ah oui (plusieurs élèves au même temps : c’est vrai, théorème de Thalès) Théorème de Thalès là

Ref : NF-200520054E

On remarque dans cet exemple que la valence sémiotique de la figure semble être si forte pour

l’élève Ch, qu’elle lui permet même d’anticiper la suite de l’étude : se servir du Théorème de

Thalès pour définir le cosinus d’un angle aigu. De cette manière après la classe, le professeur

NF explique à propos de l’intervention de Ch durant l’entretien :

203 C : La question que je voulais te poser c’est, qu’est-ce que les élèves doivent reconnaître dans la figure

204 NF : La situation du théorème de Thalès. Bon c’est ce que j’attendais en fait. Que les deux triangles de la situation… ben … on pourrait utiliser le théorème de Thalès, dans ce triangle là. Mais c’est vrai que, je comptais poser cette question, mais Charlotte, quelque part elle a parlé du théorème de Thalès, et justement j’ai posé la question. Donc j’ai pensé qu’elle allait formuler, effectivement correctement mais… elle ne m’a pas laissé le temps de poser la question. Elle l’a vu avant de poser la question, ce qui est très bien quoi

60°

Hypoténuse

Côté opposé

à B

Côté adjacente

à B

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 105

205 C : Oui. Et pour quoi tu crois qu’elle a pu anticiper, un peu, la question ? Qu’est-ce qu’elle a vu là ?

206 NF : Les droites… oui les deux triangles emboîtés, comme je les avais appelés Ref : ET-30052005NF4E

Plus loin dans l’entretien avec NF, concernant la question sur « comment fais-tu pour que les

élèves se rappellent de quelque chose ? », elle remarque le rôle de la figure pour « anticiper »

une connaissance attendue dans la classe :

316 NF : Pour rappeler des propriétés ? […] à partir de la figure aussi, souvent c’est ça qui se passe là. En géométrie, il y a une phrase de propriété, et après il faut absolument, ce que j’essaie de leur dire, c’est la figure qui va avec la propriété. Essayer dès qu’on voit la figure, la propriété soit associée derrière […] Là Charlotte là, elle a tout de suite vu qu’effectivement, dans la démonstration du cosinus, c’était le théorème de Thalès ce qu’il fallait utiliser. Ça c’est l’idéal quoi, que la figure, elle fasse « tilt » et c’est le théorème de Thalès qui arrive derrière […]

Ref : ET-30052005NF4E

En général, les ostensifs déclencheurs permettent une forte expression du souvenir car ils ont

préalablement réalisé un encodage très stable de l’ostensif et du non-ostensif associé, aussi

bien pour l’enseignant que pour les élèves. Nous pourrions associer cette notion

d’ « encodage très stable » à celle présentée par Cordier et Cordier (1991) de « typicalité ».

Cette notion, utilisée plutôt dans une approche psychologique, est définie de la manière

suivante :

[La typicalité] est une propriété des éléments d’une catégorie qui correspond à l’idée que certains éléments (sous-catégories, exemplaires) constituent de meilleurs exemples que d’autres de leur catégorie d’appartenance : ils sont très typiques pour cette catégorie (p. 47)

Ces « bons » ou « meilleurs » exemples, selon les mots des auteurs, se montrent d’une grande

stabilité sur des échantillons importants de sujets. Ainsi, nous pourrions dire que la figure

présentée dans l’exemple précédent semble être une « représentation » à haut degré de

typicalité dans la classe observée. Cependant, nous n’adoptons pas directement cette notion

pour notre travail, car plusieurs distinctions issues du cadre théorique de notre recherche

peuvent être faites. Tout d’abord, en se démarquant d’autres approches, comme le pointent

Bosch et Chevallard (1999), dans la TAD un objet ostensif est considéré aussi bien comme un

instrument de l’activité humaine, que comme un « signifiant » d’autres objets. Dans ce sens,

la notion de « typicalité » pourrait être rapprochée de ce que les auteurs nomment sémioticité

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 106

des objets ostensifs. Cependant, nulle part Cordier et Cordier ne semblent s’intéresser, ou du

moins indiquer, l’existence de l’instrumentalité des objets. Notamment, ils ne parlent pas non

plus en termes généraux d’« objets », mais plutôt en termes d’ « éléments de catégories » ;

nous dirions aussi de « caractéristiques » typiques de ces éléments. En outre, la dimension

institutionnelle qui détermine l’instrumentalité ou la sémioticité, n’est pas non plus présente

dans l’usage qu’ils font de la typicalité.

Dans l’exemple suivant, on peut retrouver cet encodage du côté de l’enseignant avec, de

nouveau, le théorème de Thalès et les ostensifs « triangle » et « égalité de quotients » :

41 PROF=CB : […] Alors J est le milieu de A C et K celui de A B. J celui de A C. Qu’est ce qu’on pourrait en déduire tout de suite là Neil ? en regardant cette figure (figure ci-contre)

42 E=N : K milieu de B A et J milieu de … A … C 43 PROF=CB : Oui. Qu’est-ce qu’on pourrait en déduire

d’après un théorème qu’on a vu depuis longtemps ?

44 E : Ah oui 45 PROF=CB : Chut 46 PROF=CB : K est le milieu de A B, J est le milieu de A C 47 E2 : Bein que ... A K égal hein … A K sur A B est égal à A J sur A C 48 PROF=CB : Ah bon ! Tu as des parallèles pour l’instant, toi ! 49 E2 : Non mais … 50 PROF=CB : Ah oui … oui, je comprends qu’est-ce que tu veux dire oui, un demie. Et à part

ça ? 51 E3 : K J parallèle à B C 52 PROF=CB : Oui […]

Ref : CB-020620054A

Pour l’enseignant, l’ostensif déclencheur est l’égalité des quotients, qui lui fait penser tout de

suite au théorème de Thalès. C’est ce qu’elle explique après la séance durant l’entretien :

262 CB : […] j’avais compris, qu’elle avait déduit que AK sur AB égal AJ sur AG, parce que c’était parallèle, et elle ne l’avait pas démontré […] il fallait, il aurait fallu qu’elle démontre que KJ était parallèle à BC d’abord

263 C : Oui 264 CB : Et c’était pas, je pense que… alors qu’on peut … j’ai cru qu’elle avait passé pour KJ

parallèle à BC, donc AK sur AB égal AJ sur AC 265 C : Et pourquoi tu as cru qu’elle avait passé par là ? 266 CB : C’est moi… c’est une erreur que j’avais faite dans ma tête. Sûrement elle est passé par

le milieu … je pense hein… là j’aurais dû un peu fouiller ce qu’elle voulait dire. J’ai pas

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 107

… j’était trop … trop directive là ! […] 267 C : Mais en fait, le moment quand elle a dit le rapport, même si tu ne savais pas qu’est-ce

qu’elle avait fait, tu as cru que c’était la parallèle, qu’est-ce que tu as reconnu dans la réponse pour dire le commentaire du parallélisme ?

268 CB : Parce qu’en fait j’ai reconnu Thalès. Pour elle c’est Thalès qui marchait. Pour moi c’était Thalès qui marchait, alors peut être pour elle c’est pas tout à fait ça […]

Ref : ET-06062005CB4A

Il nous semble que l’utilisation, implicite ou explicite par l’enseignant, d’un ostensif

déclencheur comme activateur d’une reconstruction du passé, pourrait installer un tel ostensif

comme un outil mnémotechnique pour les élèves. Pourtant, nous remarquons que, si la

réponse n’est pas donnée par les élèves, ce sera donc le professeur qui, finalement, prendra en

charge cette responsabilité ; ce qui ne favorise pas la reconstruction de la réponse dans

d’autres circonstances par l’élève.

Ce type de gestes nous amène à considérer que la maîtrise des relations entre non- ostensif et

ostensif à haute valence sémiotique, imposée par l’enseignant, pourrait expliquer les

différences entre les élèves pour réussir ou non dans la réalisation d’une tâche.

L’ostensif déclencheur est donc à un certain moment dans une institution donnée, l’ostensif

instauré reconnu comme celui avec la plus haute valence sémiotique pour les membres de

l’institution. Son évocation devrait mobiliser sans ambiguïté un non-ostensif particulier

associé à l’ostensif, et attendu pour l’étude en cours. Les niveaux de co-détermination

didactique jouent aussi pour ce geste un rôle important, parce que la mobilisation du non-

ostensif engage une partie « d’un milieu où il appartient » ; en d’autres termes, en réactivant

implicitement d’autres éléments liés au non-ostensif activé.

Dans la figure suivante, nous résumons les gestes mémoriels repérés lors de cette étude

exploratoire :

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 108

3.2.2.2 COMPLEMENTS DE REPONSES : LES ENTRETIENS

Dans ce paragraphe, nous revenons sur les gestes mémoriels, et en particulier sur les fonctions

que, d’après nous, les enseignantes pourraient associer à ces gestes. Nous n’avons pas repéré

des éléments dans les entretiens qui fassent allusion au geste de pratiques extérieures. Dans la

présentation de ces résultats, nous indiquons entre parenthèses le numéro de tour de parole

dans la transcription de l’entretien que nous prenons comme référence. Le numéro est suivi

des lettres qui identifient chaque enseignante : CB professeur à charge de la 4e A et NF pour

la 4e E (voir annexe III).

En ce qui concerne les deux fonctions que nous avons relevées pour les rappels personnels :

évaluer le rapport personnel d’un élève et accélérer le temps pris pour accomplir une tâche, et

celle des rappels officiels : légitimité de l’incorporation de quelque chose dans le milieu qui

se construit pour la classe, nous retrouvons dans le corpus des commentaires qui vérifient

notre interprétation.

D’après l’enseignante NF, le geste de demander aux élèves des explications sur la technique

utilisée pour accomplir une tâche concernant le thème de la proportionnalité, est favorable à

ce que :

237 NF : […] ils [les élèves] voient bien le calcul qu’il y a à faire, à partir de la valeur qu’ils ont pour arriver au résultat. Qu’ils voient bien les opérations qu’il y a à faire derrière.

Gestes mémoriels

-Rappels relatifs au passé scolaire

Rappels personnels

Rappels officiels

Rappels de savoirs préalables

-Re-formulationsRépétitionsReformulationsRécapitulations

-Replacements dans un niveau de co-détermination didactique

-Ostensifs détonateurs

Pratiques extérieuresEncadrement d’une activité

Figure 10 : Schéma des gestes mémoriels repérés dans l’étude exploratoire

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 109

238 C : Et … c’est pour toi, pour que tu puisses voir ça ? 239 NF : Non. Non c’est plus pour les autres, quand il n’y a que du numérique, pour voir que

cette valeur ne tombe pas du ciel […] pour qu’ils comprennent bien […] Pour voir aussi, s’ils ont bien compris l’énoncé […]

Ref : ET-30052005NF4E

La fonction « évaluative » du rappel personnel est signalée par NF à la ligne 239 : « pour voir

aussi s’ils ont bien compris ». De la même manière, la professeure CB identifie cette fonction,

en disant, « pour voir si sa méthode est correcte » (ligne 166 CB, voir annexe III). Il semble

que ce même geste s’emploie aussi pour « légitimer » les techniques attendues par les

enseignantes. Voyons par exemple, à la ligne 237 dans l’extrait, l’intervention de NF en

indiquant que c’est grâce au geste que les élèves « voient bien les opérations qu’il y a à

faire ». Au même titre, CB souligne : « c’est pour faire voir, à ceux qui ne l’ont pas trouvé,

comment elle [une méthode] se trouve, c’est tout hein ! Comment votre, leur camarades l’ont

trouvé, et comment il faut faire pour le trouver » (ligne 164 CB). D’après nous, ce geste est

aussi régulé par le contrat didactique, selon lequel le professeur doit faire « participer » les

élèves au travail de construction de connaissances, et en particulier à celui d’évaluation.

En ce qui concerne le geste de dire le prénom de l’élève qui a répondu juste à une question, ou

celui qui a fait un « bon commentaire », geste classé dans les rappels personnels, NF

explique :

« Je pense qu’ils retiennent plus ce qu’a dit un camarade, que ce qu’a dit le professeur, parce que le professeur il parle beaucoup et c’est difficile de retenir tout ce qu’il dit […] donc le fait de leur dire qui c’est l’élève qui l’a dit, ça c’est peut être un… qu’ils mémorisent ce qu’il a dit. De se souvenir de ce qu’il a dit davantage que… c’est juste pour se rappeler… de l’aider à se rappeler de ce qui a été dit » (ligne 221 NF)

En d’autres termes, NF identifie le geste comme un appui pour faire se souvenir les élèves,

car d’après elle, les élèves « retiennent plus ce qu’a dit un camarade, que ce qu’a dit le

professeur ». Cependant, pour CB le même geste n’est pas forcement d’ordre mnésique. Elle

l’indique plutôt comme un jeu de rôle : « pour faire voir que tout le monde participe un peu

[…] c’est un peu pour re-motiver les élèves. Pour leur faire voir que j’ai bien retenu moi-

même qu’ils ont bien participé » (ligne 160 CB).

Plus précisément, sur ce que nous avons nommé rappels officiels, tels que poser des questions

du type : « qu’est-ce qu’on a fait hier », « est-ce que quelqu’un peut me rappeler… », les

enseignantes précisent :

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 110

« C’est pour d’abord, remettre en mémoire à tout le monde, on est arrivé à l’étape précédente […] c’est surtout, effectivement, pour repartir sur une chose d’acquis, sur une notion que… pour voir qu’est-ce qu’ils ont retenu de la leçon précédente » (ligne 6 CB). « En fait, je le fais parce qu’ils viennent d’un autre cours, ils viennent de la recréation, alors il faut bien montrer que bien maintenant, on est on maths. Pour rappeler ce qu’on a vu […] C’est juste pour réactiver ce qui a été vu avant » (ligne 4 NF)

Notamment, la fonction mnésique du geste est relevée dans ces commentaires, de même

qu’une fonction pédagogique d’encadrement d’une séance. Plus loin, dans l’entretien avec CB

et par rapport au geste : « au début de l’année on avait vu les médiatrices » (CB-010620054A,

ligne 1), l’enseignante commente ses propos : « D’abord pour leur [les élèves] faire voir

qu’on le ferait pas, parce qu’on l’avait fait au début de l’année, d’aller voir dans leurs

cahiers… et aussi parce que j’en aurai besoin après » (ligne 196 CB). Le geste a donc une

fonctionne d’officialisation d’une connaissance : on indique que la classe l’a déjà étudié et en

conséquence, il est possible de le convoquer.

Un des commentaires de CB, professeur de quatrième, relève des rappels de savoirs

préalables : évocations de savoirs déjà institutionnalisés aux niveaux du cursus précédent :

Pour leur montrer, pour leur dire, pour leur assurer que c’était déjà fait, alors ils l’ont déjà, ils peuvent l’utiliser quelque part […] des équations qui peuvent résoudre, déjà même sans passer par une technique lourde, 3x = 2 […] c’est fait en classe de 5e et ils peuvent l’utiliser tout de suite, voilà. C’est dans le but de leur faire réutiliser des choses qu’ils ont déjà vues (ligne 174 CB)

Nous retrouvons l’intention d’officialisation de l’entrée d’une connaissance dans le milieu de

la classe, en notant son « droit d’incorporation » car elle a été étudiée l’année d’avant, et

notamment le fait qu’elle sera désormais attendue.

Les deux enseignantes se réfèrent aussi à ce qui concerne les gestes de re-formulations :

récapitulations, répétitions et reformulations. Pour les récapitulations identifiées dans les

séances relatives à une démonstration, NF remarque une fonction d’institutionnalisation, « ce

qu’il faut retenir ». Elle explique :

Nécessairement il faut, à la fin, faire le tri de tout ce qui a été vu et j’ai pensé en faire un bilan (ligne 72 NF) […] Ils savent pas du tout, en général quand on arrive à la fin […] qu’est-ce qu’il y a à retenir de tout ça. On est quand même obligé à dire, voilà où on est arrivé. Voilà qu’est-ce qu’il y a à retenir, le reste c’était la démonstration […] Parce que si non ils demanderaient est-ce qu’il faut refaire tout ça à chaque fois (ligne 74 NF)

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 111

Aucune des deux professeurs ne voit explicitement les gestes nommés répétitions, comme un

geste propre au travail d’« officionnalisation » de connaissances − ou d’incorporation

d’éléments au milieu de la classe. Elles les voient plutôt comme étant propres à elles-mêmes,

comme un « réflexe » ou un « tic ». Les répétitions sont considérées aussi comme un geste

pédagogique :

Si quelqu’un dit, ça fait 4,5, je dis 4,5 pour que tout le monde entende et puis corriger. Et je me rends compte que c’est presque un réflèxe » (ligne 92 NF) Ça c’est simplement un tic. Bon après de moi… c’est possible, je ne me suis pas aperçue » (ligne 75 CB) […] C’est une habitude parce que bon en général les élèves ils parlent pour (CB se signale avec ses deux mains) » (ligne 81 CB)

Enfin, en ce qui concerne les reformulations des réponses des élèves, NF identifie la fonction

de ce geste comme une manière de fournir de « façon différente » des propriétés pour que les

élèves en « sachent davantage » (ligne 106 NF). Donc, c’est une manière de retravailler le

rapport personnel des élèves concernant les propriétés étudiées. Sur l’autre type de

reformulations que nous avons indiqué, les reformulations de questions, les deux enseignantes

signalent la fonction « indicatrice » du geste :

Montrer qu’on peut dire les choses de façon différente. Et puis en attendant la réponse aussi, comme il tardait à venir oui, peut-être en reformulant d’une autre façon qu’il verra mieux de quoi il s’agit » (ligne 138 NF) Essayer de les [les élèves] aider. De les aider, de leur faire, quand ils n’arrivent pas, de leur faire quand même essayer de les mettre sur le rail, sur les voies de découverte (ligne 121 CB)

Ainsi, il nous semble que les professeurs soulignent la délimitation du milieu, en tant que

« lieu cognitif », à prendre en compte pour les élèves, pour y « rechercher » des éléments

d’appui afin de répondre à la question posée. Cependant, comme nous l’avons noté, selon la

délimitation réalisée, le geste pourrait provoquer un effet du contrat : effet Topaze.

Sur l’utilisation de certains ostensifs particuliers, comme l’emploi des couleurs dans des

figures et des formules, NF explique que la fonction est de

faire le lien entre la figure et les relations, pour que ce soit peut-être un peu plus clair. Je sais pas, c’est plus facile à mémoriser, que ce qui était en vert au départ, c’était le côté adjacent, par exemple. Et que donc dans la formule, c’était aussi le côté adjacent » (ligne 190 NF)

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 112

L’usage des couleurs est donc pour NF une mnémotechnique, « c’est plus facile à

mémoriser ». L’enseignant CB nous semble justifier l’emploi des couleurs par son aide à

« faire voir » des parties d’une technique étudiée. Cependant, elle remarque que c’est une

manière de faire assez lourde, au niveau du temps, pour l’accomplir souvent dans la classe :

Si, en géométrie j’utilise quelques couleurs. Une année j’ai utilisé un code de couleurs pour hypothèses, conclusion et propriétés. On mettait les hypothèses en vert, la conclusion en rouge, … ça m’est arrivé. Je le fais plus parce que c’est trop long (ligne 40 CB)

NF fait allusion a un autre ostensif : la croix dans le « produit en croix ». Elle justifie son

incorporation dans le travail de la classe par trois raisons :

On appelle ça produit en croix, déjà on l’a fait apparaître cette croix-là. C’est pas une croix qui veut rien dire. C’est une croix parce qu’on l’a fait… pour aussi s’ils les voient en physique […] ça leur rappellera peut être […] Et ensuite pour expliquer, pour essayer d’expliquer un peu plus clairement, quelles sont les valeurs qu’on multiplie entre elles » (ligne 294 NF)

Premièrement, une justification relative à la forme de l’ostensif associé à son nom

− notamment, justification qui ne relève pas du savoir. Après, une justification liée au

caractère emblématique de la « croix » : « s’ils les voient en physique, ça leur rappellera ». Et

enfin, une justification concernant la technique, qui semble donner à l’ostensif un caractère de

mnémotechnique, en lui attachant une valeur relative à sa valence sémiotique.

En conclusion, la plupart des gestes et les fonctions que nous avions repérées, nous semblent

être vérifiés grâce aux interventions des enseignantes. Cependant, nous pourrions signaler

plusieurs points relatifs aux limitations propres à cette première étude, que nous considérons

comme des points de départ pour continuer à construire notre problématique de recherche et

une méthodologie appropriée. Dans le paragraphe suivant, nous nous référons à ces

délimitations en termes de conclusions de notre étude exploratoire.

3.2.3 CONCLUSIONS TIREES DE CETTE ETUDE

L’objectif de notre étude consistait à déterminer des aspects associés à l’évocation, réalisée

par l’enseignant, d’éléments du passé (fictif ou réel) des élèves. De manière intentionnelle,

nous avons choisi de formuler cet objectif au sens large, afin de favoriser le repérage de gestes

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 113

concernant la mobilisation des connaissances anciennes (au sens large aussi). Nous avons

repéré quatre types de gestes : les rappels relatifs au passé scolaire, les re-formulations, les

replacements dans un niveau de co-détermination didactique et les ostensifs déclencheurs.

Chacun de ces gestes peut remplir plusieurs fonctions, que nous avons décrites dans les deux

paragraphes précédents. Dans la suite, nous présentons des conclusions relatives aux points à

prendre en considération afin de poursuivre la construction de la problématique première de

notre recherche : la gestion mémorielle dans la classe.

• Etant donné que, pour cette analyse, nous n’avions pas caractérisé les passages à considérer

comme d’ « ordre mémoriel », et notamment, nous n’avions pas défini de « critères de

sélection » de ces passages, certains des gestes repérés sont confondus ou ambigus. En plus,

en considérant un « souvenir » comme une reconstruction du passé, grosso modo, tout devient

« d’ordre mnésique » − de là l’affirmation de Centeno (1995) : « on pourrait traiter toute la

didactique sous ce terme de mémoire »51. Il semble donc impératif, de délimiter de manière

assez précise les interactions que nous considérons relatives à la mémoire didactique ou au

moins, celles relevant de notre recherche. Ce qui nous amène aussi à préciser notre objet

d’étude : la gestion de la mémoire didactique.

• La description faite pour le premier type de gestes identifiés, rappels relatifs au passé, ne

semble pas être un outil convenable pour la modélisation du travail de gestion de la mémoire

dans la classe (nous pourrions faire aussi le commentaire pour d’autres types). Ceci, car même

si certaines fonctions y sont présentes, ce que l’enseignant cherche à mobiliser à travers ces

gestes n’est pas, finalement, précisé. Ainsi, la définition de ce type de gestes en termes de

« rapports antérieurement établis » est assez large et englobante, pour servir de point de repère

pour une analyse du travail de l’enseignant dans une « perspective mémorielle ».

• Pour ce qui concerne les gestes de re-formulation, et avec l’intention d’initier la délimitation

de certaines passages, il nous semble évident qu’ils font allusion à des éléments du passé (une

répétition de ce qui vient d’être dit, une reformulation déclenchée par quelque chose de dit, ou

des synthèses d’interventions produites). Cependant, cette gestion mémorielle nous semble

51 Un autre évidence de cette omniprésence de ce que nous pourrions nommer « phénomènes mnésiques », tient dans le fait que nous avons besoin de nous rappeler du sens des mots dans un groupe, même si ce rappel n’est pas la plupart du temps conscient, pour pouvoir communiquer avec les membres de ce groupe.

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 114

faire partie d’un travail propre aux pratiques enseignantes dont l’intention première n’est pas

forcement la mobilisation d’un passé. Nous retrouvons cette affirmation dans le travail de

Mercer (1997), qui expose dans La construcción guida del conocimiento, des types de

« conversations » que l’enseignant peut établir avec ses élèves. En ce qui relève les

« conversations » pour « répondre à ce que disent les élèves », il inclut les confirmations, les

répétitions, les reformulations et les élaborations. Les quatre types nous semblent assez

proches de ce que nous avons indiqué comme des gestes de re-formulation : répétitions,

récapitulations, reformulations. D’après l’auteur, ces types de conversations sont des

techniques communes que les professeurs utilisent pour guider l’activité d’apprentissage de

leurs élèves. En d’autres termes, ils sont vus comme des gestes dont la fonction principale ne

concerne pas la mobilisation intentionnelle de connaissances anciennes, mais plutôt

l’incorporation dans « le discours de ce que disent les élèves afin de réunir les contributions

des élèves pour construire des significations plus générales » (p. 36). De cette manière, et

revenant à la nécessité de construire des « critères de sélection des passages à analyser », le

fait de considérer un geste comme « mobilisateur du passé », ne devrait pas lui donner

forcement le statut de « geste mémoriel ». Il est donc indispensable de reprendre cette notion

de « geste mémoriel », afin d’indiquer ceux qui pour nous relèveront « du savoir », et en

conséquence, seront propres à la didactique des mathématiques.

• Comme conséquence du point précédent, il nous semble qu’il est plus pertinent pour

modéliser la gestion de la mémoire, de classifier « ce que fait » l’enseignant à ce propos. En

d’autres termes, il faudra centrer davantage nos lunettes d’observation sur « sur quoi »

s’appuie le professeur pour « faire voir » ou « faire se souvenir » les élèves de quelque chose,

que sur la forme de l’intervention. Il nous semble aussi pertinent de considérer les fonctions

de ces gestes pour guider la structuration des types de gestes mémoriels.

• Il semble nécessaire de trouver d’autres outils, théoriques et méthodologiques, pour arriver à

mieux caractériser le fonctionnement de l’institution. En effet, les observations naturalistes

sont utiles et indispensables, mais elles ne sont pas suffisantes pour établir une description

détaillée de la classe. D’autres types de données sont donc primordiales pour croiser les

caractérisations. Dans ce sens,

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 115

• il est nécessaire de réaliser une étude pendant une durée de temps plus longue et continue.

Ceci afin de tenir compte de l’évolution de l’institution qui peut être décrite en termes de

contrats didactiques instaurés dans les classes. A ce sujet, comme Matheron (2000) l’a

signalé, « l’adhésion au contrat didactique produit, à un double titre, des phénomènes de

rappel et d’oubli » (p. 129). De tels phénomènes nous semblent pouvoir être davantage

repérables lors d’une durée d’observation continue et relativement étendue.

• Au delà des observations de classe, et en particulier de la pratique enseignante du

professeur, il est nécessaire de prendre en compte l’observation de l’étude menée par les

élèves. Ceci parce qu’ils constituent l’une des composantes fondamentales de l’institution

didactique sans laquelle, par exemple, la description du fonctionnement de l’institution est

incomplète.

• Il est utile de procéder à des enregistrements vidéo de certaines séances, notamment de

celles où des notions de géométrie seront étudiées. Ceci car l’utilisation de « la figure » dans

la gestion de mémoire, comme nous l’avons vu, semble être un élément presque

indispensable. En plus, généralement les sujets de l’institution didactique accompagnent leur

travail à l’aide de divers gestes des mains, du corps, du visage, etc., qui nous semblent

pouvoir être d’ordre mémoriel, et qui sont difficilement repérables à l’aide d’enregistrements

audio ou en se limitant aux observations directes.

• Il est préférable que le savoir mathématique, qui est l’objet d’étude des classes à observer,

ne soit pas uniquement de nature géométrique. En effet, comme nous l’avons vu, la fonction

mnémotechnique des figures géométriques est très dominante et risque de masquer l’accès à

d’autres points d’appui que pourrait utiliser l’enseignant dans l’intention de rappeler certaines

connaissances. Ainsi, par exemple, dans l’enseignement de la géométrie, des phrases comme

« regardez la figure », « qu’est-ce que vous voyez dans la figure », « en voyant la figure… »,

sont habituelles, mais la verbalisation des intentions de la reconnaissance de certains

éléments « cachés » dans ces figures pour évoquer des connaissances (c’est-à-dire, « que doit

reconnaître l’élève dans la figure pour se rappeler de quoi ? ») est donc moins fréquente pour

les enseignants (et encore moins pour les élèves !)

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CHAPITRE 3 : ETUDE EXPLORATOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 116

3.3 RESUME

Dans ce chapitre, nous avons précisé l’importance de l’étude de la gestion de la mémoire en

classe de mathématiques. Ceci afin de fixer des points de départ pour structurer notre étude

exploratoire. Les résultats de ce travail initial nous ont permis de réaliser une première

classification des gestes qu’accomplit l’enseignant et relatifs à la mémoire didactique : les

rappels relatifs au passé scolaire, les re-formulations, les replacements dans un niveau de co-

détermination didactique et l’usage d’ostensifs déclencheurs.

Nous avons aussi relevé des aspects qui restent à préciser : la caractérisation des points

d’appui que l’enseignant mobilise à partir des gestes mémoriels, une classification plus

détaillée et caractérisée de ces gestes, la définition des passages considérés comme relatifs à

la gestion de la mémoire didactique à travers l’élaboration de critères de sélection de ces

passages, une meilleure caractérisation des classes à observer qui puisse favoriser le repérage

des éléments institutionnels qui influent dans « l’organisation de la mémoire des sujets », la

prise en compte de la structuration personnelle que les élèves font de leur mémoire

personnelle, parmi d’autres.

Dans le chapitre suivant, nous intégrons certains des résultats de cette étude exploratoire à

notre problématique de recherche en considérant une autre perspective, celle fournie par le

sociologue Maurice Halbwachs dans Les cadres sociaux de la mémoire. Il nous semble

possible de transposer plusieurs thèses de Halbwachs à une étude didactique de la gestion de

la mémoire dans des classes de mathématiques, car la nature des « groupes » qu’il a étudiées

(« un groupe est essentiellement un intérêt, un ordre d’idées et de préoccupations […] un

courant d’idées ») est proche à celle des « groupes » que nous étudions (un dispositif qui

permet « la mise en jeu de manières de faire et de penser propres ») : les classes de

mathématiques dans l’enseignement scolaire. Ainsi, les gestes accomplis par le professeur,

afin de gérer la mémoire didactique, fournissent-ils des éléments qui pourraient intégrer un

« cadre mémoriel ». Notamment, nous étudierons plutôt les spécificités des « groupes » et des

« institutions » scolaires afin de déterminer des cadres institutionnels de la mémoire

didactique de la classe, car ce sont eux qui structurent les points de référence utilisés dans les

gestes mémoriels.

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

Chapitre 4 : Problématique de recherche

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

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CHAPITRE 4 : PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 119

CHAPITRE 4

PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

4.1 Problématique de recherche 4.2 Définition de l’objet d’étude

4.3 Questions de recherche

Nous débutons ce chapitre en exposant la problématique de recherche de notre étude sur la

gestion de la mémoire didactique dans l’enseignement des mathématiques. La deuxième

partie est consacrée à la définition de l’objet d’étude qui nous occupe : la gestion de la

mémoire didactique. Enfin, nous exposons les questions de recherche de notre travail.

L’objectif de ce chapitre est de délimiter et expliciter la problématique qui nous intéresse

ainsi que de poser les questions auxquelles nous cherchons à répondre.

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CHAPITRE 4 : PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 120

4.1 PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Nous partons d’un constat élémentaire sur la réalité professorale : il s’agit d’enseigner un

certain « contenu » dicté par les instructions officielles, et de faire atteindre par les élèves des

objectifs qui sont proposés et relatifs à ce qu’ils doivent pouvoir faire avec ce contenu. Pour

accomplir cette tâche « d’enseignement », le professeur a besoin que ses élèves − du moins,

une partie d’entre eux − possèdent un certain répertoire, disons « conceptuel », sur les notions

et les manières de faire préalables au contenu à enseigner. Modélisons ce constat à partir des

outils théoriques dont on dispose en Didactique.

Comment peut-on penser, c’est-à-dire modéliser, la réalisation de l’intention didactique ?

Depuis le début de la didactique, cette réalisation a été modélisée à travers l’étude de la

formation et du fonctionnement des systèmes didactiques :

Un grupo de estudiantes que busca en una obra matemática respuestas a ciertas cuestiones puede pedir ayuda a un director de estudio: se constituye de esta forma un sistema didáctico, formado en primera instancia por las cuestiones matemáticas (o la obra matemática que da respuesta a dichas cuestiones), los estudiantes y el director de estudios (Chevallard, Bosch et Gascón, 1997, p. 197)

Pour que ces systèmes fonctionnent, Chevallard (1992) souligne qu’« il faut qu’à chaque

instant […] il existe un ensemble d’objets institutionnels qui, pour les sujets du système

didactique, aillent de soi » (p. 94). En d’autres termes, il est nécessaire qu’un milieu existe.

Dans ce qui suit, ce que nous appelons « milieu » se rapporte à une notion plus large que celle

donnée par Brousseau qui le réfère à un milieu antagoniste dénué d’intentions et capable de

rétroagir. Un de ces milieux au sens large est désigné sous le terme de mmiilliieeuu ppoouurr

ll’’eennsseeiiggnneemmeenntt : « […] le professeur doit pouvoir porter à la connaissance de la classe les

savoirs et savoir-faire anciens qu’elle aura à mobiliser, les « garder présents à l’esprit » »

(Matheron et Salin, 2002, p. 63). Ces « savoirs et savoir-faire » auxquels les auteurs font

référence, sont donc un « ensemble de souvenirs de notions jugées communes à un nombre

suffisant d’élèves ». En d’autres termes, ils définissent une « référence commune » et

officielle pour les positions occupées par les sujets de la classe : les élèves et le professeur.

Remarquons que l’établissement de cette référence est une nécessité pour la pérennisation de

la relation didactique. Ceci car le fait de montrer que « tous » les sujets partagent un même

« répertoire conceptuel » implique que l’étude peut s’engager d’une manière collective :

« l’intention d’enseigner rencontre l’intention d’apprendre » (Mercier, 1992).

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CHAPITRE 4 : PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 121

Une des spécificités des éléments de la « référence commune » est donc la stabilité sous

laquelle ils apparaissent pour les sujets de la classe. Ainsi, Chevallard (1992) définit-il de la

manière suivante, un milieu institutionnel (voir paragraphe 2.3) dont notamment, le milieu

pour l’enseignement fait partie :

On nomme mmiilliieeuu iinnssttiittuuttiioonnnneell relatif à I au temps t, et on note MI(t), l’ensemble des couples (O, RI(O, t)) « stables » au temps t. Les éléments (O, RI(O, t)) qui constituent le milieu − les éléments « stables » − sont ceux qui subjectivement, c’est-à-dire pour les sujets de l’institution I, apparaissent comme allant de soi, transparents, non problématiques.

En d’autres termes, le milieu institutionnel est composé par des objets du passé didactique des

élèves. Sa constitution exige un travail de mémoire des sujets de l’institution.

Nous pouvons expliciter les fonctions du milieu à partir de l’analyse que Matheron (2000) a

menée sur la discussion du terme « d’arrière-fond » établi par Taylor (1995). D’après le

premier auteur, la notion de milieu en didactique, rejoint celle d’«arrière-fond », ce terme

renvoyant à trois fonctions : permettre de formuler des raisons et des explications si l’on nous

met au défi de les donner, permettre de trouver du sens aux choses et aux actions et servir de

base à une formulation nouvelle.

Ces fonctions qu’on reconnaît aussi à la charge du milieu, Matheron les identifie dans les

pratiques relatives à l’étude des mathématiques. Il explique :

Cette « base à une formulation nouvelle » est bien la dimension indispensable à la compréhension d’une nouvelle pratique mathématique, que l’institution veut faire étudier, et qui va incorporer des objets de savoirs nouveaux, à côté d’anciens qui constituent « l’arrière-fond » [le milieu]. En retour, cet « arrière-fond » [ce milieu] va fabriquer « le sens » de ces nouveaux objets, en servant de base à laquelle se référer pour évaluer ce qu’ils apportent de nouveau dans des nouvelles pratiques (Matheron, 2000, p. 109)

Ainsi, une des raisons pour laquelle le professeur doit gérer la mémoire de la classe, réside

dans la nécessité d’aménager l’« arrière-fond » qui constituera la référence commune : savoirs

anciens qui fabriquent « le sens » des nouveaux objets.

Comment nous l’avon dit, d’après Chevallard (1992), le fonctionnement des systèmes

didactiques a besoin d’un ensemble d’objets et de rapports aux objets qui soient stables pour

les sujets de I à un certain moment. Or, cet ensemble n’est pas statique : il change au fur et à

mesure que les systèmes didactiques évoluent. Selon l’instant t où la classe se trouve et pour

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CHAPITRE 4 : PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 122

pouvoir mener à bien son projet d’enseignement, le professeur se doit de gérer la réactivation

de certains souvenirs ; mais il doit également « masquer » l’existence d’autres. Cela afin

d’articuler − voire de confronter − les objets de savoir déjà connus à ceux pour l’étude

actuelle :

Certains des éléments du milieu vont être déstabilisés et cesseront momentanément d’appartenir au milieu, avant de s’y restabiliser ensuite, dans une organisation économiquement et écologiquement différente (Chevallard, 1992, p. 95)

Il s’agit donc d’une dynamique des milieux qui sont en constant mouvement : un processus de

« mésogenèse » évolutive. Mais, à certains moments, comme nous l’avons dit, cette

dynamique présente pour les sujets de la classe des éléments qui deviennent à leurs yeux

temporairement statiques. En d’autres termes, certains des éléments de l’univers cognitif52 de

la classe se stabilisent pour contribuer à définir une référence commune à partir de laquelle les

nouveaux savoirs pourront être construits.

La gestion mémorielle apparaît alors comme une des tâches didactiques que doit accomplir le

professeur pour parvenir à l’élaboration partagée de connaissances mathématiques. Il s’agit,

tout au long du processus de l’étude, de réactiver les objets nécessaires de l’univers cognitif

de la classe pour la constitution des milieux. Mais il s’agit aussi de gérer la réactivation de

certains objets et rapports aux objets de l’univers cognitif de la classe, qui ne seront pas

forcément stabilisés lors de l’étude. Ils peuvent être simplement convoqués pour appuyer le

projet d’enseignement du professeur, et non exigés d’être « gardés présents à l’esprit » plus

longtemps, par exemple, que la durée d’une séance. Nous nous référons aux objets qui font

partie d’une mémoire officielle de la classe, mais qui n’intégreront pas la mémoire

institutionnelle (voir paragraphe 1.2.5). La réactivation de ces types d’objets et de rapports

aux objets concerne aussi la gestion mémorielle que le professeur doit mener. Nous formulons

donc une première question à laquelle nous essaierons de répondre par la suite :

QQuuee ffaaiitt llee pprrooffeesssseeuurr ppoouurr rrééaaccttiivveerr lleess oobbjjeettss eett lleess rraappppoorrttss aauuxx oobbjjeettss ddee ll’’uunniivveerrss

ccooggnniittiiff ddee llaa ccllaassssee ?? EEnn dd’’aauuttrreess tteerrmmeess,, ccoommmmeenntt ll’’eennsseeiiggnnaanntt ggèèrree--tt--iill llaa mméémmooiirree

ddiiddaaccttiiqquuee ddee llaa ccllaassssee ??

52 On appelle univers cognitif de x l’ensemble U(x) = { (o, R(X, o)) / R(X, o) ≠ ∅} (voir paragraphe 2.1.1).

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CHAPITRE 4 : PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 123

Comme nous l’avons indiqué auparavant, la constitution d’un milieu est un pré-requis pour le

fonctionnement des systèmes didactiques. Or, une telle constitution de milieux a lieu au sein

d’institutions caractérisées en TAD de la manière suivante :

Une iinnssttiittuuttiioonn I est un dispositif social « total », qui peut certes n’avoir qu’une extension très réduite dans l’espace social (il existe des « micro-institutions »), mais qui permet – et impose – à ses sujets […], la mise en jeu de manières de faire et de penser propres.

Il s’agit donc d’un dispositif pour lequel les « manières de faire et de penser » sont imposées

aux sujets et aux constructions institutionnelles. En d’autres termes, la constitution du milieu

et de la mémoire de la classe est régulée par l’institution. Or, comment l’institution organise-t-

elle « la mémoire » de ses sujets ? Nous trouvons des éléments de réponse à cette question

dans l’étude anthropologique de Douglas (1999) sur « Comment pensent les institutions ? ».

L’auteur présente et discute deux principes dont les institutions se servent pour réguler la

mémoire de leurs membres : le principe d’identification et le principe de cohérence

institutionnelle. Le premier est souligné par Corcuff (1995 ; cité par Matheron 2000) exposant

le travail de Douglas53 (1986) :

Si les individus construisent collectivement les institutions et les classifications qui leur sont associées, celles-ci leur donnent donc en retour des principes d’identification qui vont leur permettre de se penser et de penser le monde (p.55)

Le début de la citation évoque la définition d’une institution que nous avions donnée plus

haut : un dispositif social « total », en d’autres termes un groupement social légitimé. De cette

manière, à travers la reconnaissance de cette légitimité par les membres de l’institution, celle-

ci leur fournit en retour des « principes d’identification » : des points de référence qui

permettent aux sujets de classer ou d’identifier certains objets.

Voyons un exemple pour l’enseignement des mathématiques qui est l’objet de ce travail. Dans

deux des classes observées au Costa Rica, le professeur donnait de longues listes d’exercices

d’application pour travailler la technique relative à un type de tâches. Ces listes sont

considérées par les élèves − et dans certains cas nous dirons aussi par l’enseignant − comme

la principale référence pour effectuer des révisions pour les contrôles. La désignation de la

53 Il s’agit de la première édition traduite en français : Ainsi pensent les institutions, de Douglas, 1986, utilisée par Matheron 2000. Nous avons eu comme référence première l’édition de 1999.

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CHAPITRE 4 : PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 124

nécessité de « vérifier que l’on a tout compris » devient un « principe d’identification »,

donné par l’institution au sein de laquelle certains élèves bien assujettis se placent, pour « se

penser et penser le monde » des contrôles, à travers l’objet « liste d’exercices ». C’est donc

grâce à la « réalisation des listes » que les sujets s’identifient comme « étant au point pour

passer le contrôle ».

Or, les principes d’identification fournis par l’institution sont déterminés dialectiquement par

les « manières de faire et de penser » qu’elle impose. Dans ce sens, Douglas (1999) précise les

effets mémoriels du principe de cohérence institutionnelle :

Les institutions dirigent de façon systématique la mémoire individuelle et canalisent nos perceptions vers des formes compatibles avec le type de relations qu’elles autorisent (p. 84)

L’auteur explique ainsi, que les institutions créent des « zones d’ombre » qui ne sont ni

observées ni questionnées par leurs sujets. Mais en même temps, il existe des « zones de

lumière », dirons-nous, qui exposent des détails faciles à distinguer, et donc reconnus par

leurs sujets comme étant compatibles avec les « manières de faire et de penser » à un moment

donné. Ce faisant, le principe de cohérence institutionnelle établit que « les pratiques non

conformes à la raison d’être d’une institution sont rejetées par cette dernière » ; et donc aussi

les souvenirs qui sont associés ou permettent la réalisation de ces pratiques non conformes.

Voyons un exemple de rejet de pratiques non conformes à la raison d’être d’un système

didactique à un certain moment du temps de la

classe. Il s’agit de l’étude de la « formule

générale », dans certaines des classes observées

au Costa Rica. Les élèves étudient la technique

de « completar cuadrados » (voir la figure ci-

contre) pour résoudre une équation du second

degré. Au bout de quelques séances, cette

technique devra être oubliée une fois apprise la

formule générale, en raison du « principe de

cohérence institutionnelle ». C’est-à-dire qu’à

partir d’un certain moment du défilement du

temps didactique, le professeur attendra de ses

élèves la mise en œuvre de la technique la plus

économique − au niveau des calculs et des pas à accomplir ; voir la figure ci-dessous.

2x² +3x − 5 = 0

x² + 32

x − 52

= 0

x² + 324

⋅ x + 9 9 51 6 1 6 2

− − = 0

23 4 94 1 6

x⎛ ⎞+ −⎜ ⎟⎝ ⎠

= 0

3 7 3 74 4 4 4

x x⎛ ⎞ ⎛ ⎞+ − + +⎜ ⎟ ⎜ ⎟⎝ ⎠ ⎝ ⎠

= 0

x1 =1 , x2 = 52

Figure 11 : Application de la technique de « completar cuadrados »

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CHAPITRE 4 : PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 125

Les points exposés ci-dessus peuvent être résumés, en suivant Douglas (1999), de la manière

suivante :

Toute institution se met […] à organiser la mémoire de ses membres ; elle les force à oublier des expériences incompatibles avec l’image vertueuse qu’elle donne d’elle-même, et elle leur rappelle des événements qui soutiennent une vision du monde complémentaire de la sienne (p. 128)

Ainsi, comme nous l’avons vu dans l’exemple précédent, et lorsqu’il s’agit d’institutions

didactiques scolaires, la mémoire des membres de l’institution est organisée à partir des

assujettissements que l’institution-classe impose à ses sujets. De tels assujettissements

peuvent être de nature extérieure ou intérieure à la classe. Par exemple, l’étude du processus

de transposition didactique d’un savoir peut rendre compte des assujettissements extérieurs

auxquels est soumise une institution pour l’enseignement de ce savoir, et provenant des

instructions officielles, du savoir savant, des manuels utilisés pour guider une partie de

l’étude, etc. Ou bien, elle peut rendre compte d’assujettissements intérieurs comme le ‘niveau’

des élèves ou le temps scolaire.

Nous postulons que certains des assujettissements imposés dans l’institution peuvent être

analysés à partir de plusieurs outils didactiques : l’organisation de l’étude dans la classe (voir

paragraphe 2.1.4), les modèles épistémologiques dominants pour l’activité mathématique

(voir paragraphe 2.1.5) et, notamment, par les contrats didactiques instaurés lors de la relation

didactique (voir paragraphe 2.2).

Or, ces assujettissements influent sur les rapports que les membres de l’institution établissent

aux objets des milieux. Ils influent aussi sur la gestion que l’enseignant fait de cette mémoire,

c’est-à-dire sur la réactivation54 de certains objets et de certains rapports aux objets de

l’univers cognitif de la classe. Dans ce sens, une deuxième question se pose :

54 Remarquons que le mot « réactivation » dans ce travail, n’est pas employé au sens d’une « récupération ou restauration d’information ». Mais plutôt dans le sens d’une « reconstruction » du passé à partir d’une activité rationnelle influencée par les conditions actuelles, c’est-à-dire par le présent.

2x² +3x − 5 = 0 Δ = 9− 4⋅2⋅−5 = 49 ; 7Δ =

3 74

x − ±= ⇒ x1 =1 , x2 = 5

2−

Figure 12 : Application de la technique de « formule générale »

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CHAPITRE 4 : PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 126

QQuueelllleess ccaarraaccttéérriissttiiqquueess ddee llaa vviiee iinnssttiittuuttiioonnnneellllee dd’’uunnee ccllaassssee oonntt ddeess eeffffeettss ssuurr llaa ggeessttiioonn

ppaarr llee pprrooffeesssseeuurr ddee llaa mméémmooiirree ddee llaa ccllaassssee ??

En ce point de notre exposé, nous pouvons trouver des éléments de réponses aux deux

questions posées à partir du concept de cadres sociaux de la mémoire étudiés par M.

Halbwachs (1925 & 1994). Partons d’un exemple pour aborder certaines des thèses de ce

sociologue :

On demande à deux personnes de se souvenir de quelque chose qui s’est passé pour elles il y a

six ans, dix ans ou vingt ans. Voici la transcription de l’enregistrement de la réponse de ces

deux personnes (F qui a 22 ans et M qui a 52 ans) alors qu’elles cherchent à accomplir cette

tâche :

- F : Il y a six ans …, il y a six ans j’avais… j’avais 16 ans, donc j’étais en première. Donc là forcement je me suis rappelée par rapport à l’école, je vais raconter un souvenir de classe. J’sais pas… je me rappelle de la salle de classe où j’étais au cours de Français avec ma copine Camille. Voilà, sinon… des souvenirs de première… ben j’en ai plein (des rires) je faisais beaucoup de bêtises avec des copines… donc je sais pas… (des rires) on faisait des tours de brouette […] - M : Six ans… bon par exemple… quand j’ai commencé à créer le travail que je fais aujourd’hui. Bon c’était il y a dix ans. C’était, j’étais au chômage… je cherchais à faire quelque chose de nouveau. Bon c’était pas vraiment que j’étais au chômage, je travaillais au Ministère de l’Agriculture, j’essayais d’avoir un emploi différent […] - M : Il y a vingt ans… ! Ben… par exemple… quand j’allais à la Fac. Et ben… quand j’allais à la Fac… je me vois comme… la manière dont j’étais habillé. J’avais des chemises blanches que j’achetais aux puces, avec plein des dentelles. J’avais des chaussures qu’on appelait des « clarks » […]

Avant d’arriver à la description plus détaillée du souvenir (« de tour de brouette […] » pour F,

l’emploi cherché par M ou ses habits), les récits de F et M montrent l’usage de différents

points de référence qui sont, eux aussi, des souvenirs : le temps (« j’avais 16 ans », « j’étais en

première », « bon c’était il y a dix ans »), l’espace (« la salle de classe », « la Fac », au « aux

puces »), le groupe dont elles faisaient partie (« cours de Français », « avec des copines »,

« travaillais au Ministère de l’Agriculture »). C’est précisément la recherche des éléments qui,

dans plusieurs contextes sociaux permettent la construction de la mémoire, qui a amené

Halbwachs à l’élaboration des Cadres sociaux de la mémoire.

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CHAPITRE 4 : PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 127

Du point de vue de l’auteur, la mémoire est un fait et un processus collectifs, aussi bien au

niveau du stockage des faits − d’expériences, de connaissances, etc. − qu’au niveau de

l’évocation des événements du passé. Ainsi, existe-t-il des points de référence, les cadres, qui

sont de nature sociale, qui forment un système global de repérage du passé, en permettant la

remémoration individuelle et collective (Huici, 2000). C’est-à-dire :

« les cadres sociaux sont des systèmes de logique, de sens, de chronologie, de topographie qui anticipent le souvenir, créent pour lui « un système général du passé » appelant le rôle et la place du souvenir particulier » (Halbwachs, 1994, p. 325) Ils sont, eux-mêmes, faits de souvenirs « stables et dominants », ainsi que des chaînes d’idées et de jugements qui organisent le sens d’un souvenir lié à un groupe social.

Remarquons que les éléments présentés par Halbwachs pour définir les cadres de la mémoire

sont assez englobants, de telle sorte que cela donne à la notion de « cadre », un certain degré

d’ambiguïté ou, au moins, un sens assez large : presque tout peut être un élément des cadres

sociaux de la mémoire. Cependant, leur fonction nous semble davantage précise : ils servent

de repérage du passé en anticipant les souvenirs. Voici quelques exemples donnés par l’auteur

pour illustrer le fonctionnement des cadres.

Les cadres peuvent être de nature différente : ceux de nature générale, qui sont le langage, le

temps et l’espace, et d’autres de nature spécifique, comme la famille, la religion, les classes

sociales, les musiciens, les géomètres, etc.

Le premier cadre de la mémoire auquel Halbwachs fait allusion est celui du langage. Il le

présente à partir de ses analyses de récits de rêves :

Sans doute, il doit y avoir un grand nombre de notions communes au rêve et à la veille. S’il n’existait aucune communication entre ces deux mondes, si l’esprit ne disposait pas des mêmes instruments pour comprendre ce qu’il aperçoit dans l’un et dans l’autre […] il ne donnerait pas aux objets, aux personnes et aux situations à peu près les mêmes noms, il ne leur prêterait pas le même sens que lorsqu’il les rencontre pendant la veille, et il ne serait pas en mesure de raconter ses songes (Halbwachs, 1994, p. 40)

D’après Halbwachs, les mots ou plutôt le langage, supposent non pas un homme, mais un

groupe d’hommes associés. Derrière la suite des mots articulés, explique-t-il, une suite d’actes

de compréhension s’est construite. C’est avant tout, grâce au sens commun des mots (nous

dirons, en général, des gestes langagiers) que nous arrivons à nous faire comprendre.

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CHAPITRE 4 : PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 128

Les cadres temporaires, deuxième type de cadre général que l’auteur expose, sont composés

des faits socialement significatifs considérés comme associés au temps. C’est le cas des fêtes

nationales, des anniversaires, des décès, des dates de changement de saison, etc., qui

fonctionnent comme des points de référence auxquels on peut s’adresser pour reconstruire les

souvenirs. Dans les extraits que nous avons donnés plus haut, « quand j’avais 16 ans »,

« j’étais en première », sont des exemples d’éléments du cadre temporel qui appuient le

souvenir de F.

Le troisième type de cadres correspond aux cadres spatiaux de la mémoire collective55. Ils

sont formés à partir des lieux, des constructions et des objets avec lesquels on a vécu, et en

lesquels on a déposé la mémoire des groupes dont on a fait partie. Par exemple, imaginons un

père qui joue au football avec ses enfants ; il pourrait sans doute facilement reconstruire le

souvenir de certains matchs qu’il a joué avec ses anciens amis, et probablement ces souvenirs

(ou d’autres associés à la pratique actuelle) « reviendront » de manière non intentionnelle.

Référons-nous maintenant à la nature spécifique des cadres. Les premières études

d’Halbwachs ont porté sur des groupes sociaux dont la plupart des hommes font partie : la

famille, la religion et les classes sociales. Dans chacun d’eux, il a identifié des événements,

des personnages, des objets, des relations, etc. qui servent de points de référence pour les

membres de ces groupes afin qu’ils se souviennent. Ainsi, pour le cas de la famille, la vie

familiale est remplie de certains de ces « points » : les parents, la naissance de quelqu’un, le

mariage, les relations entre les acteurs (parents, enfants, grands-parents, …).

Un autre exemple peut être tiré de la suite du récit de M − présenté auparavant − placée dans

la situation de devoir se souvenir de quelque chose de son passé d’il y a quelques années. Elle

nous dit que :

Quand j’étais jeune il y a trente ans, quand j’étais jeune il y a vingt ans, c’est pour moi un peu la même chose, c’était vraiment la jeunesse. Entre vingt et trente, pour moi c’est la même chose […]. C’est vraiment des grandes catégories temporelles. C’est quand j’étais jeune, et ça veut dire que quand j’étais jeune : quand je n’étais pas mariée, quand je n’avais pas d’enfant. C’est pas liée aux dates, mais c’est lié à des états de femme. Tu vois, vingt ans en arrière, c’est… c’est quand j’étais étudiante, quand j’avais pas de maison, quand j’avais à peine un mari, quand j’avais pas d’enfant […]. C’est plutôt se donner de grandes catégories de sa vie quoi.

55 Le concept de mémoire collective permet de définir le processus social de reconstruction du passé vécu et expérimenté par un groupe, une communauté ou une société déterminés (Aguilar, 2002).

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CHAPITRE 4 : PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 129

Dans ce récit, nous pouvons dire que c’est une institution, « être femme », celle dont elle

parle, qui définit le cadre de mémoire dont elle dit se servir pour se souvenir de quelque

chose56. Ce sont ses « états de femme » qui lui permettent de définir des « grandes

catégories » qui fonctionnent comme un repère d’événements.

Reprenant Halbwachs, l’une de ses thèses principales consiste à énoncer que nous ne pouvons

nous souvenir qu’en nous replaçant « au point de vue d’un ou plusieurs » groupes auxquels

nous avons appartenus, ainsi que « dans un ou plusieurs courants de pensée ». C’est bien ce

que met en évidence le premier exemple des récits de F et M. Ainsi, c’est en se replaçant au

« point de vue d’un groupe » que les cadres mémoriels construits par ce groupe offrent des

points de référence qui anticipent les souvenirs.

Transposer les thèses d’Halbwachs à l’étude de la gestion de la mémoire en classe de

mathématiques amène quelques remarques.

Premièrement, pour l’auteur, un « groupe » n’est pas seulement, même fondamentalement,

une réunion d’individus. Ce qui constitue le groupe est essentiellement « un intérêt, un ordre

d’idées et des préoccupations […] un courant de pensée » (Huici, 2002, p. 22). En ce qui nous

concerne, les classes observées au Secondaire sont régies, comme nous l’avons indiqué, par

des règles principalement implicites de nature interne ou externe, qui permettent ou imposent

à leurs membres des formes de « penser » et de « faire ». En d’autres termes, les institutions

se constituent, elles aussi, un ordre d’idées, d’intérêts et de préoccupations.

Deuxièmement, les « points de référence » des cadres sont forcément des construits

institutionnels : ils doivent être reconnus comme des objets de l’institution par leurs membres.

A partir du travail d‘Halbwachs, il nous semble pertinent de nous interroger sur les cadres de

la mémoire qui rendent possible la remémoration des élèves de manière ostensive dans la

classe. Ainsi, nous nous posons une troisième question :

Quelles sont la nature et la structure des « cadres institutionnels de la mémoire

didactique » liés aux pratiques d’étude des mathématiques dans l’enseignement

secondaire, et qui permettent la remémoration des élèves ?

56 Certes, nous mettons en valeur le commentaire de M, car la question que nous lui avons posée : « raconte-nous quelque chose passée il y a 20 ans et dont tu te souviens » est assez ouverte pour lui permettre de choisir par « elle-même » ses points de référence.

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CHAPITRE 4 : PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 130

Nous allons reprendre les deux premières questions (énoncées ci-dessus, au paragraphe 4.3).

D’ores et déjà, remarquons que lors de notre exposé, nous avons fait référence en plusieurs

occasions à la notion de « mémoire » : « mémoire de la classe », « mémoire de l’institution »,

« mémoire des élèves », que nous n’avons pas encore définie ! Il en est de même pour ce qui

concerne les notions de « gestion », « gérer » et « gestes », centrales pour notre étude. Dans le

paragraphe suivant, nous précisons ces notions ainsi que notre objet d’étude.

4.2 DEFINITION DE L’OBJET D’ETUDE 4.2.1 SUR LA NOTION DE « MEMOIRE »

Lorsqu’on considère que la mémoire est référée à des reconstructions du passé, alors grosso

modo, tout peut devenir mémoire ! Aussi est-il donc nécessaire d’exposer l’approche à partir

de laquelle nous aborderons le sujet.

Dans l’esquisse phénoménologique de la mémoire qu’entreprend Ricœur (2000), celui-ci note

que la mémoire, en tant que capacité, apparaît « comme une province de l’imagination », de

« l’image » dont le lieu se trouverait « dans la conscience ». Contre cette vision « d’image-

souvenir », d’imbrication entre mémoire et imagination, Ricœur note qu’au même titre que la

conscience est conscience de quelque chose, « on se souvient de quelque chose »

(Araya et Matheron, 2005). C’est donc, en s’appuyant sur la détermination de ce « quelque

chose » que nous pouvons établir, pour notre étude, un rapport à la notion de « mémoire ».

Nous considérons donc l’identification de l’objet « mémoire » à travers certains des

phénomènes qui lui sont relatifs. La mémoire relève ainsi de phénomènes indexés sur le

temps, perçus par des individus ou par des institutions, et qui sont relatifs à des pratiques. Les

phénomènes sont considérés comme des expériences57 qui ont mis en présence un individu ou

une institution avec des faits et qu’on essaie de théoriser. Il s’agit donc, pour nous, de nous

engager dans une analyse raisonnée de faits d’expérience relatifs au passé, relevés par

l’observation, et menée à partir d’outils théoriques. Pour ce qui nous occupe, les phénomènes

considérés sont relatifs au passé de la classe. En particulier, au passé qui relève des pratiques

du savoir et de l’étude de ce savoir ; c’est-à-dire, des pratiques mathématiques et didactiques.

Ils sont confrontés aux éléments venus de la théorie et dont nous nous servons pour cette

étude. De cette manière, comme l’indique Ricœur, en suivant « les choses » du passé, il est

alors possible d’envisager une « phénoménologie éclatée » du souvenir en distinguant, « au

57 Précisons que l’on entend ici par « expériences » la confrontation de la réalité avec ce qui permet d’en avoir la sensation et la perception.

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CHAPITRE 4 : PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 131

cœur de l’acte de mémoire la question du « quoi ? » de celle du « comment ? » et de celle du

« qui ? ». Autrement dit, les questions du souvenir de quel objet ou événement de nature

mathématique ou didactique, souvenir obtenu de quelle manière et pour quels sujets ?

Comme nous venons de le signaler, ce sont les éléments du passé des pratiques accomplies

dans les classes et qui sont porteuses d’une forte intention d’enseigner qui nous intéressent.

Pour cela, nous désignons la mémoire qui nous occupe comme étant didactique et se

rapportant à la classe, ou encore à l’institution-classe.

Dans le cadre d’une théorie anthropologique des savoirs et de leur didactique, la question de

la dimension cognitive de l’activité mathématique est abordée grâce au concept de rapport aux

objets (voir paragraphe 2.1.1). Nous précisons donc que, pour notre travail :

Cette mémoire est nécessairement un construit institutionnel : les objets et les rapports

auxquels elle fait référence existent au sein des institutions. Elle est préservée à travers des

éléments pérennes d’un « contrat », qui évoluent lentement. L’avancement modéré de ces

éléments permet à la mémoire d’être préservée, car il autorise des régulations portant sur

l’intervention du passé dans les pratiques présentes de l’institution.

4.2.2 SUR LA NOTION DE « GESTION »

Chevallard précise le sens à donner au mot « geste », à partir de la modélisation

anthropologique du professeur qu’il donne lors de la VIIIe Ecole d’été en 1995.

Dans l’« esquisse d’un modèle didactique » sur « la fonction professorale », l’auteur pointe

l’existence de diverses institutions qui intègrent un système de formation scolaire nommé

génériquement l’Ecole. Chacune de ces institutions détermine un ensemble P(I) de positions

institutionnelles existant dans I : les positions « élèves » et les positions « professeurs », par

exemple.

Comme nous l’avons indiqué en 2.1.1, étant donnée une institution I, un objet o y existant et

une position p dans I, on dit que x est un « bon sujet » de I en p si R(x, o) ≅ RI(p, o). Or, pour

la mméémmooiirree ddiiddaaccttiiqquuee d’une personne ou d’une institution se rapporte à la

manifestation de phénomènes indexés sur le temps et relatifs aux rapports d’une personne

ou d’une institution à des objets de savoir et aux pratiques dans lesquelles ils sont pris, ou

ont été pris, au sein du développement temporel de l’institution.

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CHAPITRE 4 : PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 132

pouvoir porter un jugement sur la conformité entre « rapport personnel » et « rapport

institutionnel », de tels rapports doivent devenir « ostensifs »58. Pour décrire la manière dont

les rapports « se donnent à voir » on considère que « la position p est caractérisée par un

répertoire de gestes », que le sujet x en p, « doit accomplir dans le cadre d’un certain nombre

de dispositifs ».

Comme l’explique l’auteur dans son esquisse, le mot geste est pris au sens large,

Le latin gestus signifie, au figuré, « prendre sur soi, se charger volontairement de », et donc « exécuter, faire ». C’est en ce sens large, et non dans le sens restreint plus courant (« mouvement du corps »), que le mot est pris ici : on doit le rapprocher du verbe gérer et du substantif gestion, de même origine (Chevallard, 1996, p. 84, c’est nous qui soulignons).

Il y a donc une variété de gestes du professeur : attribuer une note au devoir d’un élève,

participer à une réunion avec les parents d’élèves, sélectionner un exercice à donner dans le

devoir à la maison, demander à un élève qu’il vienne factoriser une expression, demander à la

classe le résultat d’un calcul, etc. Dans ce sens, le verbe gérer fait référence à l’action

d’accomplir ces gestes et le substantif gestion est à interpréter dans le sens de la mise en

œuvre des gestes par un sujet x d’une institution.

Chevallard ajoute au « dyptique gestes-dispositifs » un troisième élément, afin de préciser le

système de repérage d’une position institutionnelle qu’il propose. Il s’agit des savoirs

pertinents, ou comme il le précise des systèmes de connaissances et des savoirs pertinents

« qui permettent de structurer les dispositifs et d’informer les gestes ».

Pour notre travail, nous considérons « gestion » au sens large du terme, en nous appuyant

fortement sur l’esquisse de Chevallard :

Autrement dit, et en accentuant le sens large du terme, la gestion réfère au fait de faire

quelque chose pour atteindre quelque chose. Cette dernière, certes, est associée à ce qu’on

58 Nous prenons « ostensifs » au sens que nous avons donné pour la mémoire ostensive et pour les objets ostensifs, c’est-à-dire qu’il s’agit de rapports « qui se donnent à voir ».

La ggeessttiioonn est l’accomplissement, dans le cadre d’un certain nombre de dispositifs, des

gestes qui dépendent d’un système de connaissances et des savoirs pertinents dans une

institution.

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CHAPITRE 4 : PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 133

gère : une situation, un processus didactique, un orchestre, un environnement informatique,

une séance, la mémoire didactique, etc. Nous reviendrons sur ce point au chapitre sept, à

travers un prisme méthodologique, afin de délimiter ce que nous observons, qui est relatif aux

phénomènes mémoriels dans la classe.

Avant d’articuler les définitions présentées ci-dessus pour définir notre objet d’étude,

revenons brièvement sur la notion de mémoire ostensive (voir paragraphe 1.2.5).

La mémoire didactique que nous étudions est considérée comme un phénomène car elle est

« perceptible ». Il s’agit donc, d’une mémoire « délibérément donnée à voir, de manière

revendiquée, et par des moyens appropriés, à ses propres sujets ou à d’autres personnes par

une institution ou un individu, quelle que soit sa position dans l’institution » (Matheron, 2001,

p. 236). Ainsi, et pour être plus précise, la « mémoire » qui nous occupe est donc la

« mémoire didactique ostensive ». Définissons donc notre objet d’étude :

Etant donné que ces gestes sont relatifs à une mémoire, nous les appelons gestes mémoriels et

les termes génériques pour les décrire peuvent être, par exemple : écrire, parler, ne pas parler,

signaler, désigner, indiquer, demander, etc. quelque chose.

4.3 QUESTIONS DE RECHERCHE

A ce stade de notre exposé, il semble important de faire une mise au point. Nous partons de la

nécessité de références communes aux membres de la classe : élèves − au moins une partie −

et professeur. Cette référence commune qui est composée par des éléments de l’univers

cognitif de la classe, inclut le milieu institutionnel nécessaire pour le fonctionnement de tout

système didactique. Ainsi, il s’agit de gérer la constitution de cette référence et de ce milieu.

Mais il s’agit aussi de gérer des objets de l’univers cognitif qui seront réactivés de manière

occasionnelle − intentionnellement ou pas − et non dans le but de les « garder présents à

La ggeessttiioonn ddee llaa mméémmooiirree ddiiddaaccttiiqquuee ddee llaa ccllaassssee est l’accomplissement de gestes par

l’enseignant − ce que fait le professeur, au sens large, sans aucune délimitation a priori −

pour provoquer ou contrôler des phénomènes qui se rapportent à une indexation sur le

temps des objets institutionnels de savoir et des rapports institutionnels des élèves à

ces objets.

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CHAPITRE 4 : PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 134

l’esprit » ; ils ne seront donc pas stabilisés. A travers ces deux fonctions, nous retrouvons

donc les phénomènes de mémoire que le professeur gère.

Remarquons aussi que, comme l’institution organise la mémoire de ses membres, il est donc

nécessaire d’étudier, non seulement les gestes qu’accomplit le professeur pour provoquer et

contrôler les phénomènes mémoriels, mais aussi, l’institution en elle-même. En d’autres

termes, il est nécessaire de caractériser son fonctionnement, sa « vie institutionnelle ».

Pour gérer la mémoire didactique de la classe, l’enseignant mobilise des éléments des cadres

institutionnels de cette mémoire, qui servent de points de référence pour provoquer la

remémoration des élèves. Dans ce sens, les gestes accomplis par le professeur sont porteurs de

ces éléments, qui bornent une « zone » de l’univers cognitif − ou lieu cognitif qui peut devenir

ou être le milieu institutionnel − de la classe, afin que les élèves interagissent avec les objets

et rapports aux objets mis en évidence pour des élèves « bien assujettis » à l’institution.

Voyons le schéma suivant qui illustre en ce point notre exposé :

A partir de l’exposé présenté dans ce chapitre, il nous semble pertinent de trouver des

éléments de réponses aux trois questions suivantes :

O1

R O( )3

R O( )7

Cadres insti

tutionnels

de la m

émoire

GESTELieu cognitif

Figure 13 : Geste mémoriel à partir de la mobilisation des cadres institutionnels

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CHAPITRE 4 : PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 135

Q1. QQuuee ffaaiitt llee pprrooffeesssseeuurr ppoouurr rrééaaccttiivveerr lleess oobbjjeettss eett lleess rraappppoorrttss aauuxx oobbjjeettss ddee ll’’uunniivveerrss

ccooggnniittiiff ddee llaa ccllaassssee ?? EEnn dd’’aauuttrreess tteerrmmeess,, ccoommmmeenntt ll’’eennsseeiiggnnaanntt ggèèrree--tt--iill llaa mméémmooiirree

ddiiddaaccttiiqquuee ddee llaa ccllaassssee ??

Q2. QQuueelllleess ssoonntt llaa nnaattuurree eett llaa ssttrruuccttuurree ddeess «« ccaaddrreess iinnssttiittuuttiioonnnneellss ddee llaa mméémmooiirree

ddiiddaaccttiiqquuee »» lliiééss aauuxx pprraattiiqquueess dd’’ééttuuddee ddeess mmaatthhéémmaattiiqquueess ddaannss ll’’eennsseeiiggnneemmeenntt sseeccoonnddaaiirree,, eett

qquuii ppeerrmmeetttteenntt llaa rreemméémmoorraattiioonn ddeess ééllèèvveess ??

Q3. QQuueelllleess ssoonntt lleess ccaarraaccttéérriissttiiqquueess ddee llaa vviiee iinnssttiittuuttiioonnnneellllee dd’’uunnee ccllaassssee qquuii oonntt ddeess eeffffeettss

ddaannss llaa ggeessttiioonn ppaarr llee pprrooffeesssseeuurr ddee llaa mméémmooiirree ddiiddaaccttiiqquuee ddee llaa ccllaassssee ??

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CHAPITRE 4 : PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 136

4.4 RESUME

Dans ce chapitre nous avons présenté la problématique de recherche de cette thèse : la gestion

publique de la mémoire didactique de la classe lors de l’enseignement des mathématiques au

secondaire. Nous avons modélisé les fonctions de cette gestion dans le fonctionnement des

systèmes didactiques, en signalant aussi d’autres références à des approches anthropologiques

et sociologiques qui servent de sources à l’étude.

Nous avons défini l’objet d’étude comme étant l’accomplissement de gestes par le professeur

pour provoquer ou contrôler la réactivation d’objets ou de rapports aux objets de l’univers

cognitif de la classe. Enfin, nous énonçons les questions de recherche auxquelles ce travail

veut répondre.

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

Chapitre 5 : Méthodologie 

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 139

CHAPITRE 5

Méthodologie de recherche

5.1 Contexte educatif au Costa Rica

5.2 Choix du savoir mathématique en jeu dans l’étude 5.3 Demarche méthodologique

5.4 A propos des participants à la recherche

Dans ce chapitre nous allons présenter la démarche méthodologique que nous avons suivie

pour répondre aux questions de notre problématique. Dans une première partie, nous

exposerons le contexte institutionnel de notre travail et le choix de réaliser l’étude de terrain

au Costa Rica. Ensuite, nous justifions le choix du savoir mathématique en jeu dans l’étude.

Enfin, la dernière partie est dédiée à préciser les trois étapes qui structurent la démarche

méthodologique de notre travail : installation des conditions de l’étude, observation clinique

inspirée de l’approche ethnographique, compléments sur le fonctionnement des institutions.

L’objectif de ce chapitre est de préciser les orientations méthodologiques considérées dans

l’étude et les outils de recueil des données et d’analyse qui ont été utilisées.

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 140

5.1 CONTEXTE EDUCATIF AU COSTA RICA

Nous avons fait le choix de mener l’étude de terrain au Costa Rica pour deux raisons : la

première réfère aux difficultés d’expression langagière de la chercheuse, rencontrées durant

l’étude exploratoire, et qui auraient pu rendre difficile le recueil de données à ce moment-là.

La seconde raison renvoie au travail de la chercheuse en tant qu’enseignante au Costa Rica.

En cohérence avec notre inscription théorique, au sein de la Théorie Anthropologique du

Didactique, nous présentons dans ce paragraphe le contexte éducatif général qui détermine en

partie l’enseignement secondaire au Costa Rica. Une telle description nous semble utile et

nécessaire pour indiquer ou inférer les contraintes et les conditions qui pourraient être

imposées depuis les premiers niveaux de co-détermination didactique (paragraphe 2.1.6) : la

société, la pédagogie et l’école. En d’autres termes, nous pourrions y retrouver des éléments

explicatifs et justificatifs des pratiques institutionnelles qui caractérisent les classes observées.

L’éducation au Costa Rica est divisée en quatre cycles : les trois premiers, d’après la

Constitution Politique du pays, sont obligatoires et gratuits. Le cycle préscolaire est composé

de deux niveaux que fréquentent les enfants de 5 et 6 ans. La « Primaire », l’étape suivante,

inclut les niveaux du primero (la première) à sexto (la sixième), correspondant aux élèves de 7

à 12 ans. Le troisième cycle est formé par les niveaux du sétimo (la septième) au noveno (la

neuvième) ; les élèves ont entre 13 et 15 ans. A partir de ce cycle, l’enseignant est

monovalent. Enfin, le quatrième cycle est celui de l’« Education Diversifiée », composée de

deux niveaux : décimo (la dixième) et undécimo (la onzième), de 16 à 17 ans. Les lycées

techniques ou professionnels incluent une année de plus, jusqu’à duodécimo (la douzième). A

l’époque où cette recherche a été menée, trois évaluations nationales ponctuaient le cursus

complet : une au niveau de la sixième, une autre à la fin de la neuvième et le baccalauréat à la

fin de l’onzième.

Dans la justification du Programme d’Etudes des Mathématiques au niveau de l’enseignement

secondaire, les autorités éducatives du Costa Rica exposent des postulats concernant

l’Education Mathématique du pays :

La Educación Matemática no sólo debe lograr la obtención de contenidos teóricos o culturales, sino –y esto es esencial– fomentar las destrezas, habilidades y recursos mentales indispensables que debe tener el ciudadano del nuevo orden histórico en las nuevas condiciones. No de manera exclusiva, pero deben ponerse en relieve las calidades de la formación matemática como mecanismo indispensable para el desarrollo de las capacidades analíticas, lógicas, de síntesis y criticidad cognoscitivas, del razonamiento inductivo y la

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 141

abstracción. La formación matemática debe verse como un gran instrumento para dotar a nuestros ciudadanos de los medios para permitir la construcción y reconstrucción teórica de la realidad física y social; un medio para fortalecer en las nuevas generaciones el pensamiento abstracto y riguroso (MEP, p. 10).

En général, sur les formalismes et l’apprentissage des démonstrations, méthodes de validation

distinctives des mathématiques, on nous indique qu’il faut :

reducir los formalismos, las estructuras algebraicas vacías al margen de una estrategia epistemológica, disminuir las demostraciones innecesarias y el excesivo vocabulario complicado y abstracto que ha confundido tanto la enseñanza de las matemáticas […] Debe enfatizarse en su lugar el hacer, el usar, el operar (Ibid, p.11)

Ces deux références laissent entrevoir que l’Education Mathématique au Costa Rica stimule,

avant tout, les savoir-faire appliqués aux « situations quotidiennes ». Ces savoir-faire sont,

dans le cadre de la TAD, les techniques qui permettent d’accomplir des types de tâches

mathématiques.

Dans la partie relative aux orientations méthodologiques du programme, on retrouve la

présentation de dix-huit « habiletés intellectuelles » – parmi d’autres, citons : identification,

différentiation, représentation mentale, transformation mentale, comparaison, classification,

codage, décodage, analyse, synthèse, inférence logique, raisonnement transitif, raisonnement

hypothétique – que les enseignants doivent favoriser chez les élèves durant le cours de

mathématiques et selon le contenu étudié. L’élaboration des activités pour l’acquisition par les

élèves de ces « habiletés intellectuelles » est à la charge du professeur.

Les Programmes d’Etude sont présentés pour chaque thème à étudier dans des tableaux de

cinq colonnes : objectifs, contenus, procédures, valeurs et attitudes, et critères d’évaluation.

En général, l’enseignant décide par lui-même des stratégies méthodologiques employées et du

niveau de difficulté demandé ; en satisfaisant toutefois les demandes officielles. Mais il doit

respecter l’ordre d’exposition du savoir établi par les autorités éducatives. Les modalités de

l’évaluation (pourcentage entre examens, devoirs, travail en classe, etc.) sont fixées par le

ministère, mais peuvent être changées par l’établissement, bien que ceci se fasse rarement.

Les élèves sont notés sur 100 points chaque trimestre59, habituellement répartis de la manière

suivante : 70 % pour les trois examens (20, 25, 25), 10 % pour le travail en classe, 10 % pour

le travail à la maison, 5 % pour la présence au cours, 5 % à l’appréciation du professeur. 59 Au Costa Rica l’année scolaire commence au début de février et finit mi-décembre. Il y a quinze jours de vacances en juillet. En total, il y a 200 jours scolaires.

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 142

Un professeur nommé à plein temps dans les collèges et lycées publics du Costa Rica donne

dans l’établissement entre 42 et 45 leçons par semaine. Chaque leçon dure 40 minutes, c’est-

à-dire que l’horaire hebdomadaire d’un professeur se situe entre 28 et 30 heures

d’enseignement par semaine. Son salaire mensuel est calculé en multipliant le coût qui lui est

dû pour une leçon60 par 48 ; le salaire varie entre 170 000 et 600 000 colones, selon la

catégorie61, soit environ entre 240 € et 840 €. Les effectifs par classe sont compris entre 25 et

35 élèves. Les enseignants disposent des matériaux de base pour l’enseignement : un tableau,

des crayons et un bureau. Il n’y a pas des rétro projecteurs ou de vidéo projecteurs dans

chaque salle de classe, bien qu’il y en ait au sein des établissements. Dans les établissements

publics fréquentés essentiellement par une population de niveau de vie moyen ou pauvre (la

population plus aisée fréquentant les établissements privés payants), toutes les fournitures

(cahiers, manuels, photocopies, etc.) sont payées par les élèves. En conséquence, les

enseignants n’utilisent pas beaucoup de matériel, et il arrive fréquemment que certains

professeurs payent eux-mêmes le matériel dont ils ont besoin comme des photocopies, des

bristols, des transparents, par exemple.

Les activités de l’établissement, qu’elles soient d’ordre religieux, civique ou institutionnel,

comme les réunions de professeurs ou parfois des rencontres avec les parents, sont

programmées pendant l’horaire des cours, ainsi que les examens de toutes les disciplines. En

conséquence, il est naturel que des heures d’enseignement des mathématiques ou d’autres

disciplines soient perdues afin d’assister à ces activités. Les examens sont programmés sur

sept jours consécutifs − d’habitude lors des premières heures de la journée − pour qu’à la fin

de cette période, les élèves aient tous fini leurs évaluations. En ce qui concerne les examens

de fin de trimestre, les élèves sont exemptés de cours et se consacrent seulement aux examens.

On peut donc facilement concevoir que le temps dédié à l’enseignement proprement dit est

réduit en conséquence.

Dans ce qui précède nous avons voulu donner un aperçu des conditions et contraintes

quotidiennes sous lesquelles un professeur de l’éducation secondaire publique au Costa Rica,

exerce son métier : ressources à disposition de l’enseignant limitées, classes chargées, et

horaires perturbés par les activités de l’institution. Venons-en au choix du savoir

mathématique en jeu.

60 Il s’agit de 48 leçons car les professeurs sont payés 4 leçons de plus pour leurs préparations. 61 Le salaire payé tient compte d’autres éléments : le grade, les années de travail, la participation aux séminaires, congrès, etc.

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 143

5.2 CHOIX DU SAVOIR MATHEMATIQUE EN JEU DANS L’ETUDE

L’organisation temporelle de l’enseignement au Costa Rica nous a contraint à observer

l’enseignement de certains savoirs, au détriment d’autres. Ainsi, la période au cours de

laquelle nous avons pu observer des classes et recueillir ainsi notre matériel empirique était

limitée au premier semestre de l’année 2006.

Nous avions le projet de réaliser des observations et de demander aux élèves de travailler hors

temps scolaire avec la chercheuse. Etant donné que les classes de onzième et neuvième

passaient une évaluation nationale, nous avons supposé que le travail extra-classe pourrait

contraindre les élèves et les enseignants à participer à l’étude. Par conséquent, les seuls

niveaux où nous pouvions observer étaient ceux de septième, huitième et dixième. Ayant déjà

recueilli des observations d’élèves de l’Ecole primaire et du Collège, en France, nous avons

choisi la seule classe de Lycée disponible pour l’observation au Costa Rica ; c’est-à-dire la

dixième (élèves de 15 à 16 ans).

De plus, ce niveau débute l’année scolaire avec l’étude de contenus dont la nature n’est pas

géométrique, ce que nous avons jugé favorablement en nous basant sur la dernière conclusion

de l’étude exploratoire : la fonction mnémotechnique des figures géométriques est très

dominante et risque de masquer l’accès à d’autres points d’appui que pourrait utiliser

l’enseignant dans le but de rappeler certaines connaissances62 (voir paragraphe 3.2.3). Nous

avons donc réalisé notre étude de terrain sur des séances qui portaient sur la factorisation des

polynômes de la variable réelle.

Comme nous l’avons signalé, les enseignants devraient suivre l’ordre indiqué dans les

instructions officielles pour garantir, d’après les « autorités éducatives », la continuité de

l’enseignement des élèves qui changent d’établissement dans l’année scolaire. Néanmoins,

nous avons remarqué, à partir de l’expérience personnelle de la chercheuse et d’autres

professeurs, des variations plus régulières au sein de la communauté d’enseignants. De telles

variations, portent sur le thème de la factorisation des polynômes comme étant le premier à

étudier − certes précédé des révisions sur les opérations avec les polynômes. Tandis que les

consignes le présentent après l’étude des fonctions, à la fin du quatrième thème. Le détail du

savoir mathématique en jeu, est présenté dans le chapitre qui suit. Dans le paragraphe suivant,

nous décrivons la démarche méthodologique menée au Costa Rica pour cette deuxième étude.

62 Nous ne minimisons en aucun cas l’importance d’une étude relative au rôle de la figure pendant « la gestion de la mémoire dans la classe » ; mais nous avons fait le choix de focaliser notre travail vers d’autres savoirs. Certes, le sujet de la figure à propos de phénomènes mnésiques est fort important aussi.

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 144

5.3 DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Il s’agit d’une étude utilisant à la fois une approche de type ethnographique et de type clinique

pour l’observation des phénomènes relevant de la mémoire didactique. La démarche

méthodologique s’est développée en trois étapes. La première étape a porté sur l’installation

des conditions d’une observation ethnographique : observation longue sur plus de deux mois,

naturaliste63 et participante dans quatre classes de dixième. La deuxième étape porte sur des

observations de classes relatives à l’étude du chapitre sur la factorisation des polynômes : elle

correspond à une approche clinique de l’ordinaire du didactique dans les quatre classes. En

outre, lors de cette étape, nous avons fait passer des entretiens par les élèves dont l’analyse

visait à préciser les informations relevées des observations. Dans un dernier temps, des

compléments sur le fonctionnement des classes ont constitué davantage notre centre d’intérêt.

Nous y avons employé, principalement, l’entretien et le questionnaire comme outil de recueil

de données.

5.3.1 INSTALLATION DES CONDITIONS DE L’ETUDE

En cohérence avec l’approche anthropologique pour cette enquête, cette première étape vise à

l’installation des conditions d’un processus ethnographique de recueil de données. Les

informateurs ou sources potentielles de données ont été les enseignants, les élèves et leurs

interactions à propos du savoir.

Une étude inspirée d’une approche ethnographique

L’ethnographie peut être considérée comme un produit ou comme un processus. Le premier,

renvoie à la « description ou reconstruction analytique des scènes et des groupes culturels

intacts » (Goetz et LeCompte, 1988, p. 28) ; le second fait allusion à « l'étude descriptive et

analytique […] des mœurs, des coutumes de populations déterminées »64, qui nécessite

certaines stratégies de recherche particulières, comme l’immersion à long terme sur le terrain

où se produisent les phénomènes à étudier.

63 Nous faisons allusion au fait « d’entrer dans le terrain » sans le perturber. Remarquons que, nous conservons l’adjectif « naturaliste », même si nous assumons que l’intrusion de la recherche dans les institutions scolaires induit des retombées sur le système que l’on étudie. 64 Le Trésor de la Langue Française informatisé. In, http://www.cnrtl.fr/lexicographie/ethnographie?

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 145

Dans la recherche éducative, ce processus est considéré au sens large : reconstruire les

caractéristiques d’un phénomène étudié (Goetz et LeCompte, op. cit). Etant donné qu’une des

nos questions de recherche concerne la détermination des cadres institutionnels de la

mémoire, à partir du repérage de phénomènes mnésiques et en modélisant la réalité didactique

observée par des outils que la théorique anthropologique du didactique met à disposition, une

approche ethnographique est donc convenable pour encadrer une partie de notre travail de

terrain.

L’ethnographie étant une « manière d’étudier », qui « prétend construire des descriptions de

phénomènes globaux dans leurs divers contextes et déterminer, à partir de ceux-ci, les réseaux

complexes de causes et conséquences qui affectent le comportement et les croyances en

rapport à ces phénomènes » (Ibid, p. 29). En rapport avec la problématique qui nous concerne,

nous recherchons une description des phénomènes en termes de contrats que l’institution fixe

à ses sujets, des manières de faire et de penser « permises », de rapport à l’institution classe de

mathématiques que les élèves ont, etc.

Description de la démarche

A la fin de l’année 2005, nous avons contacté deux enseignants d’un même lycée, que la

chercheuse connaissait. Nous leur avons demandé leur accord pour la mise en place des

dispositifs essentiels à la recherche : faire des observations pendant plusieurs mois dans deux

classes de dixième dont chacun d’eux aurait la charge l’année suivante, enregistrer sur support

audio, et éventuellement vidéo, les séances et travailler hors temps des cours avec certains

élèves. Les deux enseignants, désormais désignés par Ron (R) et Sam (S), ont accepté de

participer à la recherche.

Le premier rendez-vous a eu lieu directement au Lycée SLG, le jour de la première réunion du

Département de Mathématiques, environ six semaines après le premier contact. En présence

des deux enseignants, nous avons traité les points suivants : présenter la recherche dans le

cadre d’une thèse en Didactique des Mathématiques dont l’objectif est d’étudier le travail des

élèves pour apprendre la factorisation des polynômes65, confirmer leur accord pour accomplir

les activités de base de l’étude pendant environ quatre mois, discuter des points principaux qui

ont été débattus lors de la réunion du Département qui a précédé l’entretien et qui affectaient

leurs pratiques enseignantes, fournir l’emploi du temps de chaque enseignant et définir la

65 Ce que nous avons annoncé du sujet de la recherche a été modifié pour ne pas influer sur le travail des enseignants relatif aux moments d’évocation de connaissances – savoirs anciens.

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 146

démarche à suivre au niveau administratif dans le lycée pour réaliser les activités signalées.

Aucune question n’a été posée sur les objectifs de la recherche tels qu’ils ont été présentés.

Les seuls commentaires étaient relatifs au bas niveau des élèves qui passaient de neuvième en

dixième, d’après leurs collègues, et sur le caractère ordinaire66 de l’enseignement dans ces

classes.

Etant donné que les enseignants ne connaissaient pas encore les élèves et que c’était le tout

début de l’année scolaire, les deux critères employés pour choisir les classes à observer ont

été les suivants : non juxtaposition d’horaires des deux professeurs67 et la possibilité

d’observer au moins deux classes par jour, ce dernier critère prenant en compte la durée du

déplacement au lycée de la chercheuse. On a choisi les classes G et H à charge de Ron et les

classes L et M pour Sam. Cela a donné l’emploi du temps suivant68 :

Heure \ Jour Lun Mar Mer Jeu Ven 07:00-07:40 H (R) G (R) 07:40-08:20 H (R) G (R) G (R)

5 Min Pause 08:25-09:05 H (R) 09:05-09:45 H (R)

10 Min Pause 09:55-10:35 G (R) L (S) M (S) M (S) 10:35-11:15 G (R) L (S) M (S) M (S)

30 Min Pause 11:45-12:25 L (S) 12:25-13:05 L (S) H (R)

5 Min Pause 13:10-13:50 13:50-14:30 M (S) L (S)

Tableau 3 : Emploi du temps pour les observations effectuées

66 Le « caractère ordinaire » est opposé au caractère non ordinaire des ingénieries didactiques ou des études cliniques expérimentales. 67 Dans notre travail, on emploie les mots « enseignant » et « professeur » comme des synonymes. 68 Entre parenthèse apparaît l’initiale de l’enseignant en charge de chaque classe

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 147

Les observations ont démarré la deuxième semaine de février, pendant laquelle les classes

révisaient les opérations élémentaires sur les polynômes. Le but de ces premières observations

était la rencontre avec le professeur, les élèves et la dynamique de chaque classe en général.

Le premier entretien individuel (enregistrement audio) avec chaque enseignant a eu lieu

cette même semaine. Son objectif était d’obtenir des informations sur leurs parcours

professionnels, leurs pratiques enseignantes dans le Lycée SLG et leurs propres rencontres

avec les thèmes associés à la factorisation des polynômes. Ces données sont importantes pour

notre étude, car dans ces classes les élèves ne disposaient pas de manuels ; il était donc

impossible pour le professeur de faire cours en suivant les activités du manuel comme nous

l’avons observé dans les classes en France. De cette manière, cet entretien préalable nous a

permis de connaître une partie de la manière utilisée par les professeurs pour bâtir leurs

cours : utiliser des données provenant de divers manuels de ce niveau ou concevoir eux-

mêmes des activités, exercices, etc. Ainsi, connaître son expérience et parcours professionnel

pouvait nous fournir des explications complémentaires sur la dynamique de l’enseignement.

Etant donné que les enseignants découvraient le niveau de leurs élèves presque en même

temps que la chercheuse, nous avons dû attendre quelques semaines pour choisir les élèves

observés. Nous avons utilisé deux critères de sélection : montrer un niveau académique

moyen ou haut (selon le type de réponses données dans la classe et le type de questions

posées, en l’absence d’évaluation) et participer fréquemment en classe (poser des questions,

se porter volontaire pour aller au tableau, répondre aux questions de l’enseignant).

L’enseignant et la chercheuse ont participé à la sélection de quatre élèves par classe.

Pendant la troisième semaine de mars, les quatre élèves choisis ont été convoqués

simultanément par la chercheuse, pendant l’une des séances de mathématiques ; il était en

effet difficile de les retenir en classe une fois le cours terminé. Durant cet entretien nous avons

présenté le sujet de la recherche : « comment améliorer l’enseignement des mathématiques en

dixième »69, son insertion dans un programme de doctorat en France, et nous les avons

sollicités pour participer aux activités que la chercheuse allait leur proposer pendant le

premier semestre de l’année. Les seize élèves – quatre par classe – ont accepté. Nous leur

avons demandé de remplir un questionnaire70 sur leur parcours scolaire (l’école où ils sont

allés, s’ils étaient redoublants et pourquoi, leur perception d’eux-mêmes dans la classe de

mathématiques) ; cela, afin de recueillir des données qui aideront à interpréter certaines de

69 Ce qu’on leur a dit du sujet de la recherche a été modifié pour ne pas influer sur le travail des élèves concernant l’évocation de connaissances – savoirs anciens. 70 Voir questionnaire dans l’annexe IV.

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 148

leurs interventions au cours des entretiens et en classe. Nous leur avons aussi demandé de

tenir un journal individuel71 pour l’étude mathématique en cours ; journal lu par la

chercheuse une fois par semaine. Ce journal avait comme objectif de suivre au plus près

l’avancement des élèves dans l’étude de chaque thème et d’essayer de repérer des indices sur

les objets que pourraient mobiliser les élèves lors de son étude personnelle : le temps qu’ils y

investissent, les questions qu’ils se posent le plus souvent en classe et à la maison, « la

manière de penser » qui leur est propre pour réaliser certains exercices du cours qu’eux-

mêmes choisissaient. Finalement, nous avons réussi à trouver une heure dans leur emploi du

temps pour travailler avec la chercheuse.

Résumons les outils de recueil de données convenus ou appliqués aux enseignants et aux

élèves issus de cette première phase :

71 Pour permettre à l’élève de comprendre et d’organiser la réalisation de la tâche qui lui était demandée, des indications précises furent notées par la chercheuse en début du Journal et discutées lors les heures de cours. Voir Annexe V pour le détail des indications.

Deux professeurs: Ron (R) et Sam (S)

Premier entretien Présentation de la rechercheEmploi du tempsDémarche administrativeRéunion de Département de Mathématiques

(Deux enseignants)

Quatre classes à observerL et M (Sam)G et H (Ron)

Observations initiales: rencontre avec la dynamique des classes (Sur révisions des opérations avec polynômes)

Entretien professeurs: parcours professionnel, pratiques enseignantes(Individuel)

Quatre élèves par classe: pour amener des entretiens collectifs

Questionnaire: parcours scolaire

Journal d’étude: à tenir chaque fois qu’ils étudiaient des maths (au lycée ou à la maison)

Figure 14 : Aspects principaux de la 1er étape de la méthodologie : installation de conditions

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 149

5.3.2 OBSERVATION CLINIQUE INSPIREE DE L’APPROCHE ETHNOGRAPHIQUE

Cette deuxième phase correspond principalement au travail d’observation dans les quatre

classes pendant environ deux mois, durée de l’étude de la factorisation des polynômes. Nous

avons mené à la fois des entretiens individuels avec les enseignants et des entretiens collectifs

avec les élèves, et ces derniers ont tenu leur journal individuel.

Sur l’observation clinique

En Didactique des Mathématiques, à partir du travail de F. Leutenegger72 (2000), nous

disposons d’une référence supplémentaire pour la « clinique » en didactique73. Une des

références que l’auteur présente pour cette approche indique

Par analogie avec la clinique médicale en ses débuts, une clinique pour la didactique se doit de construire ses phénomènes à partir de signes pour l’observateur, eux-mêmes renvoyant à des « symptômes scolaires », si l’on peut dire, qui ne peuvent parler d’eux-mêmes (p. 227, souligné en gras par nous)

Nous donnons aux observations conduites un caractère clinique dans ce sens-là : c’est à partir

du repérage de signes pour l’observateur, signes que lui-même doit classifier et mettre en

rapport avec ses références, qu’il se donne les moyens pour la construction de phénomènes.

Dans notre cas, nous possédions déjà, au moment de débuter les observations, des « signes »

sur la gestion mémorielle : les résultats de l’étude exploratoire. Cependant, comme nous

l’avons indiqué dans les conclusions du chapitre 3, certains d’entre eux, jusqu’à un certain

point, sont ambigus ou imprécis. En conséquence, même s’ils font partie de nos points de

départ, il nous a fallu recourir à l’observation clinique pour les préciser, ou établir d’autres

« signes », afin de construire les phénomènes relatifs à la gestion de la mémoire.

Dans le paragraphe 5.3.1, nous avons justifié en quoi notre étude peut être considérée comme

d’inspiration ethnographique. En effet, les recherches utilisant cette orientation « ont recours à

l’observation participante et non participante pour obtenir des données empiriques de

première main des phénomènes tel qu’ils ‘se présentent’ dans les scénarios » (op. cit, Goetz et

LeCompte, p. 29). L’étude exige ainsi des observations de terrain qui nécessitent l’immersion

à long terme et de manière continue de la chercheuse dans la classe, afin de partager « le 72 Issu de sa thèse : Contribution à la théorisation d’une clinique pour le didactique, trois études de cas en didactique des mathématiques, Genève, 1998. 73 Nous renvoyons aussi à la discussion que Matheron (2000) fait de l’« observation » clinique dans sa thèse, pp. 179-188.

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 150

mode de vie » de l’institution. Elles sont donc empiriques, naturalistes et peuvent fournir

« des données phénoménologiques (voir paragraphe 4.2.1) qui représentent la conception du

monde des participants ».

Les observations réalisées peuvent, jusqu’à un certain point, être qualifiées de participantes,

par le fait que la chercheuse répondait aux questions des élèves durant le moment destiné à la

recherche d’exercices d’application. Aussi, durant ces moments, elle posait des questions aux

élèves ou donnait des exercices supplémentaires à certains d’entre eux.

Description de la démarche

La dernière semaine de février, les classes ont commencé l’étude du chapitre sur la

factorisation des polynômes qui a duré jusqu’au mois d’avril. Nous avons ainsi débuté les

observations sur ce thème. Les séquences observées se développaient autour des techniques

de factorisation. Il y a eu des différences entre classes, selon le professeur, au niveau de

l’organisation des praxéologies mathématiques − certes sur les OD aussi − que les professeurs

faisaient rencontrer aux élèves. Les deux professeurs ont étudié avec ces élèves les techniques

de : facteur commun, regroupement, identités remarquables, inspection et division

synthétique. Pour la classe G, pendant la période observée, Ron a étudié aussi la technique de

compléter des carrés et la formule générale des racines (et facteurs) d’un polynôme de second

degré. Nous reviendrons sur les séquences d’enseignement mises en œuvre par les enseignants

dans le chapitre 7.

Ces observations ont été audio enregistrées. Le temps destiné à l’étude de chaque thème dans

ce chapitre est résumé dans le tableau suivant :

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 151

Période Classes Mois Semaine L

(Sam) M

(Sam) G

(Ron) H

(Ron) 20-24 Facteur commun

Regroupement Facteur commun Regroupement

Facteur commun Facteur commun

Février 27-03 Regroupement Identités

remarquables

Regroupement Identités

remarquables

Facteur commun Regroupement

Identités remarquables

Facteur commun Regroupement

Identités remarquables06-10 Identités

remarquables Identités

remarquables Techniques combinées

Trinômes parfaits Identités remarquablesTechniques combinées

Trinômes parfaits 13-17 Techniques

combinées Inspection Techniques combinées

Racines de trinômes Racines de trinômes

20-24 Inspection Inspection Techniques combinées

Division synthétique

Inspection Compléter carrés Formule générale

Inspection Division synthétique

Mars

27-31 Techniques combinées

Division synthétique

Division SynthétiqueTechniques combinées

Techniques combinées Division Synthétique Techniques combinées

03-07 Division synthétique Techniques combinées

Techniques combinées

Techniques combinées Division synthétique

Techniques combinées-

17-21 Techniques combinées

-

Techniques combinées

-

Division Synthétique -

Avril

24-28 - - Techniques combinées -

Tableau 4 : Temps par semaine destiné à chaque thème sur la factorisation

Pendant cette période, nous avons fait passer un entretien individuel aux enseignants. Celui-

ci a eu lieu à la fin du mois de mars. Il portait sur les appréciations des professeurs relatives

au travail des élèves, sur des considérations concernant les séances à venir et sur certaines

questions de la chercheuse provenant des observations faites. Cela, afin de noter les intentions

déclarées et les interprétations des enseignants à propos de certains phénomènes de classe

passés ou à venir.

Nous avons décidé de faire passer les entretiens avec les élèves de manière collective, afin de

créer une ambiance de discussion entre eux qui nous amènerait à recueillir davantage

d’informations sur leurs souvenirs et, en conséquence, leurs assujettissements à l’institution.

Le nombre d’élèves, quatre (deux filles et deux garçons), nous a semblé adéquat car les

entretiens duraient environ une heure ; soit une durée d’entretien estimée à environ 15 min

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 152

d’intervention par personne. De plus, l’emploi du temps des élèves ne permettait pas

d’organiser des activités pour un nombre plus grand d’élèves. Nous avons fait passer deux

entretiens collectifs à chaque groupe d’élèves participants par classe.

Les entretiens débutaient toujours avec les mêmes questions : « qu’est-ce que vous avez

étudié dans la classe ces jours passés ? Que croyez-vous qui est le plus important à retenir ? »

Selon les réponses données, nous posions d’autres questions afin de détailler les observations

particulières faites par les élèves. Pour les participants avec lesquels nous avons pu travailler

avec de moindres contraintes de temps, la chercheuse a présenté d’autres tâches à accomplir :

Tâche 1. Mettre en facteurs l’expression x2 – y2 + 10x + 25 ; mais sans l’emploi des « ostensifs mathématiques ». C’est-à-dire que les traces demandées ne pouvaient pas inclure, par exemple x2 – y2 = (x − y)(x − y). Nous avons expliqué que cette contrainte avait pour but de « ne pas travailler en automatique », mais de réfléchir aux indices qu’on doit reconnaître dans l’expression donnée pour décider d’appliquer la bonne technique. Tâche 2. Indiquer parmi les exercices du contrôle fait dans la classe, les deux plus « faciles » et les deux plus « difficiles ». Expliquer pourquoi. Choisir un des deux plus « difficiles » et le refaire. Pendant son accomplissement, répondre à la question suivante : « de quoi j’ai dû me souvenir, au fur et à mesure de la réalisation de l’exercice, pour être capable de le résoudre ? »

En raison de l’absence de certains élèves au premier entretien, ou encore à cause de la non

tenue par certains d’entre eux de leur journal pendant les premières semaines, nous avons été

forcée de demander à d’autres élèves de participer à la recherche, pour les classes G et H.

Finalement, on a travaillé avec trois élèves pour chacune des classes à la charge de Ron.

Nous résumons dans le schéma suivant les outils utilisés pour enseignants et élèves lors de

cette deuxième phase de l’étude.

Entretien professeurs: travail des élèves, séances à venir et autres questions issues des observations(Individuel)

Observations: 4 classes, 5 leçons par semaine(Audio enregistrées)

Entretien élèves(Collectifs)

Journal individuelRecueil de traces sur l’avancement des élèves sur l’étude

Figure 15 : Aspects principaux de la 2e étape de la méthodologie : observations

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 153

Les corpus des observations ainsi recueillis dans les quatre classes et des entretiens avec

élèves et professeurs, ont été retranscrits dans leur intégralité afin de les analyser (voir

annexes).

5.3.3 COMPLEMENTS SUR LE FONCTIONNEMENT DES CLASSES

Afin d’adapter la méthodologie aux conditions et besoins de notre étude, nous avons élaboré

cette esquisse méthodologique au fur et à mesure que celle-ci progressait. C’est-à-dire, nous

nous sommes basée sur l’avancement de l’étude pour déterminer s’il fallait recueillir

davantage de données, lesquelles et de quelle manière. Ainsi, vers la fin de la deuxième phase,

nous avons repéré le besoin de compléter les informations sur le fonctionnement des classes

observées : compléter les inférences que nous avons pu formuler à partir des observations et

des entretiens collectifs, sur « les manières de faire et de penser propres » aux classes. Nous

cherchons ainsi des traces référant aux assujettissements des membres des institutions, dans

les différentes positions offertes (professeur, élèves : diverses positions pour les élèves, par

exemple). A cette fin, nous avons élaboré un entretien structuré individuel avec les élèves et

un questionnaire à remplir à la maison par les professeurs.

L’entretien avec les élèves a été structuré en trois groupes de questions qui cherchaient à

renseigner sur trois thèmes : (1) les grandes lignes des organisations didactiques mise en

œuvre par l’enseignant, (2) les obligations par rapport au travail d’étude mathématique que les

élèves considèrent devoir et (3) les « méthodes habituelles d’enseignement » dans les classes

de mathématiques du secondaire dont ils ont fait partie lors des années précédentes. Voyons

en détail les questions posées lors des entretiens. Entre parenthèses nous notons le numéro du

thème auquel fait allusion la question.

• Premier groupe - ¿Qué se hace en mi clase de matemáticas? ¿Qué está permitido hacer y qué no está

permitido hacer o decir en una clase de matemáticas? (1) - ¿Cómo se comportan las personas del décimo en el que estoy durante las clases de

matemáticas? (1) - ¿Qué es participar durante mis clases de matemáticas? (2) - ¿Qué tipo de conversaciones se permite en mi clase de matemáticas? (1) - ¿Por qué crees que tus clases son como las has descrito? (1)

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 154

• Deuxième groupe - ¿Cuáles son los roles de un estudiante de secundaria durante una clase de

matemáticas? (2) - ¿Cuál es tu rol como estudiante en la clase de matemáticas donde estás este año? (2) - ¿Qué sería para mi profesor(a) de matemáticas un estudiante ideal? (2) - ¿Qué significa ser “bueno en matemáticas”? (2-3) • Troisième groupe - ¿En qué se diferencia tu clase de matemáticas actual con aquellas en las que estuviste

los otros años? (3) - ¿La educación matemática que has recibido ha sido “mecánica” o “reflexiva”? Por

qué? (3) - ¿Qué le faltaría a tus clases de matemáticas para que fueran “perfectas” para vos? (1)

A la fin de l’entretien, nous avons demandé aux élèves de faire une synthèse, notamment par

écrit, de leurs réponses dans le Journal d’Etude.

Le deuxième outil que nous avons utilisé pour le recueil des traces sur le fonctionnement de la

classe était le questionnaire donné aux enseignants. Il a été proposé pour y répondre à la

maison, dans un laps de temps d’une semaine. Nous avons pris comme référence principale

pour élaborer le questionnaire qui était entièrement conçu avec des questions ouvertes74, la

description des OD idéales présentées par Bosch et Gascón (voir paragraphe 2.1.5). Ceci, en

formulant l’hypothèse proposée par Gascón (2001) sur l’« incidencia del modelo

epistémologico de las matemáticas sobre las prácticas docentes »75. Nous avons donc cherché

à proposer des questions dont les réponses mettent en évidence des traces indicatives de

certaines de ces OD idéales. Ce type de données intègre dans notre travail la partie « sur le

fonctionnement de la classe », car nous pourrions en retirer des éléments explicatifs des OD

mises en œuvre. Voyons trois exemples des questions formulées :

3- Si uno de sus estudiantes de secundaria se acercara a usted y le preguntara: “Profe, ¿cómo aprendió usted matemática?”, ¿cuál sería su respuesta?

74 C’est-à-dire, nous ne proposions pas des réponses possibles à sélectionner. 75 « Incidence du modèle épistémologique des mathématiques sur les pratiques enseignantes ». Gascón propose dans son travail, l’étude de la portée que le modèle « épistémologique des mathématiques, implicite mais dominant dans une institution scolaire, a sur les caractéristiques du modèle enseignant. Ceci porte sur la manière systématique et partagée d’organiser et gérer le processus d’enseignement des mathématiques dans une telle institution ». Il postule que, la « pratique professionnelle du professeur de mathématiques ne peut être modifiée qu’en modifiant corrélativement et d’une manière persistante, le modèle épistémologique naïf » (p. 129)

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 155

5- Si le solicitaran describir a un profesor de matemáticas que usted recuerde de manera significativa por ser “un buen profe de mate”, ¿cuáles características incluiría en la descripción? 7- Suponga que usted se encuentra reunido con personas ajenas al campo de la enseñanza de las matemáticas y le formulan las siguientes preguntas: “profesor, según usted, ¿cuál es el rol (papel, función, ...) de un profesor de matemáticas?, ¿y el de sus estudiantes?”. ¿Qué contestaría usted?

Nous résumons dans le schéma suivant les outils utilisés pour enseignants et élèves lors de

cette dernière phase de l’étude de terrain.

Les outils méthodologiques exposés dans le paragraphe précédent ont été utilisés afin de

trouver des données à partir desquelles construire des éléments de réponses aux trois

questions qui nous occupent :

Q1. Que fait le professeur pour réactiver les objets et les rapports aux objets de l’univers

cognitif de la classe ? En d’autres termes, comment l’enseignant gère-t-il la mémoire

didactique de la classe ?

Q2. Quelles sont la nature et la structure des « cadres institutionnels de la mémoire

didactique » liés aux pratiques d’étude des mathématiques dans l’enseignement secondaire, et

qui permettent la remémoration des élèves ?

Q3. Quelles sont les caractéristiques de la vie institutionnelle d’une classe qui ont des effets

dans la gestion par le professeur de la mémoire didactique de la classe ?

Entretien structuré avec les élèves:(Individuel)

Questionnaire pour les professeurs:(À la maison)

Fonctionnement de la classeTraces sur les OD actuellesleurs obligations dans la classeles OD des classes passés

Traces sur les OD institutionnelles

Figure 16 : Aspects principaux de la 3e étape de la méthodologie : compléments

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 156

Dans le tableau suivant, nous mettons en rapport les données en attente d’être recueillies à

partir de l’utilisation de chaque outil, avec la ou les questions auxquelles les analyses de ces

données pourraient aider à répondre.

Outil méthodologique Question Type de traces attendues

Entretien initial avec les professeurs Q3 Contraintes et conditions de l’établissement sur le travail du professeur

Observations : opérations avec les polynômes Q1-Q3 Dynamique de la classe

Entretien avec le professeur Q3 Assujettissements externes des professeurs

Questionnaire aux élèves Q3 Parcours des élèves au collège et lycée

Journal d’étude Q2-Q3 Avancement de l’étude perçu par les élèves Mémoire didactique des élèves

Observations : factorisation des polynômes Q1-Q2-Q3 Manières de faire de P pour réactiver des objets de U(x), contrat didac.., OD-OM

Entretien avec le professeur Q1-Q3 Fonctions des gestes, organisation de l’étude

Entretiens collectifs avec les élèves Q2 Avancement de l’étude perçu par les élèves Mémoire didactique des élèves

Questionnaire aux professeurs Q1-Q3 Eléments des théories épistémologiques de l’activité mathématique des classes

Entretiens individuels aux élèves Q1-Q3 Rôles des élèves, organisations de l’étude actuelles et des années d’avant

Tableau 5 : Outils méthodologiques et questions de recherche

Les données recueillies ont été analysées par la confrontation avec les éléments théoriques qui

orientent notre étude et d’autres, difficilement explicitables car subjectifs, relevant d’un

processus intellectuel propre à la personne qui se livre aux analyses. Cette confrontation

implique des processus de perception, de comparaison, d’organisation, donc de détermination

de liens, de spéculation et de synthèse. Notamment, il s’agit d’accomplir un processus de

théorisation, au sens de découverte ou manipulation de catégories abstraites et de leurs mises

en relation (Goetz et LeCompte, 1988).

Remarquons que même si les outils ont été construits afin de recueillir des données

concernant des questions particulières, lors des analyses, nous avons trouvé des éléments qui

contribuaient à répondre à d’autres questions.

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 157

5.4 A PROPOS DES PARTICIPANTS A LA RECHERCHE

5.4.1 LES PROFESSEURS

Comme nous l’avons indiqué, nous avons choisi de travailler avec deux professeurs « Ron »

et « Sam » avec lesquels nous avions déjà eu des contacts. Nous exposons dans ce paragraphe

certains aspects de leurs parcours professionnels qui pourraient être interprétés comme

influant sur leurs assujettissements aux institutions didactiques extérieures à la classe.

Remarquons qu’au Costa Rica, pour être professeur dans l’enseignement secondaire, il faut

suivre une formation universitaire qui commence par le diplôme du « Profesorado » (Bac+3),

suivi du « Bachillerato » (Bac+4), la « Licence » (Bac+5) et le « Master » (Bac+7) en

« Enseignement des Mathématiques ». Les études en « Enseignement des Mathématiques »

sont distinctes des études en « Mathématiques », où les étudiants ne font que des

Mathématiques. Dans les premières, la formation est partagée, chaque année, en matières

relatives aux mathématiques et en d’autres associées aux théories de l’éducation, au

curriculum scolaire, à l’évaluation, la pédagogie, la psychologie, etc. Les quatre universités

publiques du pays et plusieurs universités privées offrent une formation en « Enseignement

des Mathématiques ».

Ron est un professeur de 29 ans, qui travaille dans l’enseignement des mathématiques depuis

11 ans76 : au Costa Rica on peut commencer, dans certaines régions éloignées de la capitale et

qui ont besoin de professeurs, à enseigner dès le Baccalauréat. Il a eu son diplôme de

Bachillerato en enseignement des mathématiques en 1998 à l’Université Nationale d’Etat à

Distance77 (UNED). Dans cette même université, il a obtenu son diplôme de « Licence en

Pédagogie » qui n’est pas spécifique aux mathématiques. Durant l’année 2003, il a commencé

un master en « Education Mathématique » à l’UCR.

Il a débuté dans l’enseignement durant l’année 1995, dans un « lycée nocturne » (cours du

soir). Depuis il a été embauché au Lycée SLG, où il y a travaillé durant 5 ans. Puis, il a

changé d’établissement scolaire, en travaillant durant 2 ans dans un lycée privé (jusqu’en

2002), avant de reprendre l’enseignement au lycée SLG (en 2003 et 2004) où nous avons

mené les observations. Remarquons qu’au Costa Rica, il est possible de travailler en même

temps dans l’enseignement secondaire et universitaire. Ainsi, depuis 2000 et parallèlement à 76 Ron a eu son Baccalauréat à 15 ans, car il est entré à l’école primaire en avance. 77 Pourtant, il s’était engagé pour deux ans dans le cursus du Baccalauréat en « Enseignement des Mathématiques » dans une autre université (UCR, l’université la plus ancienne du pays, ainsi que la première à mettre en place la filière « Enseignement des Mathématiques » ) ; mais qu’il a dû abandonner pour des raisons de travail. Lors de ces deux années, les cours de mathématiques suivis étaient les mêmes que la filière de « Mathématiques ».

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 158

son travail au lycée, Ron donne des cours de mathématiques à l’université : à l’UNED et/ou à

l’UCR. Ces cours ont portés sur les mathématiques pour les carrières d’ingénieur, de gestion

ou de certaines autres concernant le domaine de la santé. Il s’agissait la plupart des temps de

cours de calcul différentiel et intégral. A l’UNED, il a aussi donné certains des premiers cours

de mathématiques pour des futurs professeurs de cette discipline ou de SVT.

Signalons aussi que depuis deux années, Ron travaille dans un projet à l’UCR qui offre aux

élèves des dernières années la possibilité de passer des examens de certains cours de

mathématiques inclus dans le cursus de certaines carrières. Pour lui, il s’agit d’élaborer le

matériel à donner aux professeurs qui préparent ces élèves, d’élaborer les examens qu’ils

doivent passer et, à partir de l’année 2006, d’animer des réunions avec certains professeurs du

lycée pour discuter des difficultés rencontrées lors de l’enseignement des contenus

habituellement étudiés uniquement à l’université mais enseignés dans des filières spéciales, de

type scientifique, au Lycée.

Enfin, remarquons que durant l’année où nous avons fait les observations, Ron a pris en

charge la préparation des élèves du Lycée SLG qui participent aux Olympiades nationales de

Mathématiques. Cette même année, il enseignait à quatre classes de dixième (25 leçons) et

assurait des cours de calcul différentiel et intégral à l’université.

Sam est un professeur qui a 35 ans. Il a commencé ses études en « Enseignement de

Mathématiques » à l’UNED à l’année 1992. Puis, il a changé d’établissement universitaire est

a repris sa formation à l’UCR. Il a eu son diplôme de Bachillerato en 1998 et sa licence en

« Enseignement des Mathématiques » dans ce même établissement en 2005.

Il travaille depuis 1994 au lycée SLG, où il a obtenu son poste fixe en 1999. Il y est embauché

à temps complet. A l’exception de ses premières années de travail, il prend généralement en

charge des classes des derniers niveaux : seconde et première. Ces classes ont 5 leçons par

semaine de mathématiques, ce qui implique que, pour compléter son service, il assure

l’enseignement dans 9 classes. Pour l’année 2006, quand nous avons fait l’étude de terrain, il

avait 3 classes de seconde et 6 classes de première. Remarquons qu’au Costa Rica, en classe

de première, les élèves doivent passer le Bac. Notons aussi, comme Sam l’indique, qu’il y a

des différences à propos du temps investi pour planifier les cours pour chaque niveau, quand

le professeur a 6 classes de première et 3 de seconde, que quand il en a 6 de seconde et 3 de

première. En mars de cette année, Sam a assuré aussi un cours de mathématiques à l’UCR,

essentiellement de révision des savoirs et savoir-faire appris au Secondaire. Enfin, signalons

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 159

que durant l’année 1998, il avait assuré le premier cours de mathématiques destiné aux

étudiants de gestion à l’ITCR.

Depuis qu’ils sont enseignants, Ron et Sam ont enseigné dans les classes des cinq niveaux du

Secondaire au Costa Rica ; mais ils ont eu principalement des classes des derniers niveaux.

5.4.1 LES ELEVES

Comme nous l’avons indiqué en 5.3.1, nous avons travaillé avec quatre élèves de chacune des

classes de Sam observées et trois élèves pour chacune des classes de Ron. Nous présentons

quelques données relevant de chacun d’eux, et qui concernent : l’âge, s’ils sont redoublants

(et dans ce cas les cours qu’ils ont échoués), s’ils suivent des cours particuliers de

mathématiques, ainsi que des appréciations générales sur leur travail dans la classe. A la fin

de chaque présentation, nous donnons aussi leurs réponses à deux des questions du

questionnaire : « Pour vous, qu’est-ce que les mathématiques ? Et pourquoi croyez-vous que

leur étude est obligatoire au Secondaire ? »

Elèves participants de la 10e G, classe de Ron

• « GJ » est un élève redoublant qui a 17 ans. Il n’a pas réussi la seconde car, d’après lui, « il

n’a pas beaucoup étudié et il y avait un grand nombre de révisions à faire ». Nous dirons qu’il

s’agit d’un « bon » élève : d’habitude il répond correctement aux questions, anticipe des

résultats, finit les travaux à temps, fait les devoirs et obtient des notes entre 85 et 100 sur 100

aux examens. Il ne prend pas de cours particuliers. R/78 Les maths sont un outil important ; on

en a besoin dans la plupart des carrières.

• « GM » a 16 ans. C’est une élève légèrement en difficulté : d’habitude elle obtient des notes

autour de la moyenne. Elle prend des cours particuliers et répond rarement aux questions de

l’enseignant. Pourtant, elle demande souvent à Ron de re-expliquer ce qu’elle « n’a pas très

bien compris ». R/ Les maths est une étude utile pour tout type de travail.

• « GB » est une élève de 15 ans en difficultés qui a besoin de beaucoup d’heures de travail

pour avoir, d’habitude, des notes au-dessous de la moyenne. Elle participe rarement en classe,

mais réalise tous les devoirs donnés par Ron, même ceux qui ne sont pas obligatoires. Elle

78 Les réponses des élèves à : « pour vous, qu’est-ce que les mathématiques ? » et « pourquoi croyez-vous que leur étude est obligatoire au Secondaire ? » sont précédées par le symbôle « R/ ».

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 160

prend aussi des cours particuliers. R/ Les maths sont une matière qu’il faut pratiquer

continuellement ; on l’utilise dans la plupart des carrières.

Elèves participants de la 10e H, classe de Ron

• « HM » est un élève de 16 ans en difficultés qui ne prend pas des cours particuliers.

D’habitude il utilise des manuels pour étudier d’avance ce qui sera enseigné dans la classe.

Même si, lors du travail collectif, il ne pose pas régulièrement des questions, il répond parfois

aux demandes de Ron ou le sollicite pour lever les doutes qu’il rencontre lors de la réalisation

des exercices. R/ Système qui permet d’interpréter des quantités ; elles sont utiles dans la vie

quotidienne.

• « HR » a 17 ans et est un élève redoublant. Lors de la seconde, il n’a réussi ni les maths, ni

la chimie, ni la physique, ni l’espagnol car, d’après lui, « il n’étudiait pas ». Pour nous c’est

un élève qui n’a pas des difficultés pour suivre les cours de Ron. D’habitude il répond aux

questions, mais il en pose rarement. « HR » suit des cours particuliers. R/ Les maths sont un

instrument qui va nous aider dans l’avenir ; elles sont utiles pour ne pas nous faire tromper

lors des paiements ou des prises de mesures.

• « HA » est une élève régulière qui a 15 ans. D’habitude elle pose des questions lors du

travail collectif de la classe et répond aux questions de Ron. Elle ne prend pas des cours

particuliers. R/ Les maths sont importantes ; elles nous « font travailler l’esprit ».

Elèves participants de la 10e L, classe de Sam

• « LS » est une « bonne » élève qui a 15 ans. D’habitude elle obtient des notes au-dessus de

85 (sur 100), réalise les devoirs donnés par Sam et finit les travaux dans le temps imparti.

Lors du travail collectif, elle pose rarement des questions ou de temps en temps répond aux

questions du professeur. R/ Les maths sont une étude qui nous aide à mieux développer

l’intelligence, la connaissance, etc. ; il faut l’appliquer dans la vie quotidienne et dans les

professions.

• « LY » est une élève redoublante qui a 16 ans. Lors du travail collectif de la classe, elle pose

des questions, répond aux demandes de Sam, anticipe des résultats. Lors de la réalisation

d’exercices, elle pose régulièrement des questions au professeur. Elle ne prend pas de cours

particuliers. R/ Pour moi les maths sont un loisir, une nécessité et un apprentissage de tous les

jours ; on les utilise dans la vie de tous les jours.

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 161

• « LJ » a 17 ans. C’est un « bon » élève qui obtient d’habitude des notes autour du 90. Il

avoue avoir redoublé sa seconde par manque de travail. LJ ne participe pas beaucoup au

travail collectif, mais parfois il répond aux questions de Sam. Il ne prend pas des cours

particuliers. R/ Les maths sont l’apprentissage de processus qui amènent à une série de

résultats.

• « LE » est un élève qui a redoublé la septième car, d’après lui, il n’étudiait pas. Il a 16 ans et

est un élève qui participe beaucoup en classe. Il est considéré par l’enseignant comme un

« bon » élève : réalise les devoirs demandés, suit les explications, répond aux questions, pose

des questions, aide ses camarades. R/ Les maths sont une étude des nombres ; même si dans la

vie quotidienne on ne les utilise pas sensiblement, elles s’utilisent quand même.

Elèves participants de la 10e M, classe de Sam

• « MS » est une « bonne » élève qui a 15 ans. Lors du travail collectif de la classe, même si

d’habitude elle ne pose pas de questions, elle répond assez souvent aux interrogations de Sam.

Ses notes sont au-dessus 90. Elle ne prend pas de cours particuliers. R/ Les maths sont une

matière fondamentale car « tout porte sur des nombres » ; elles sont importantes pour

beaucoup des activités accomplies quotidiennement.

• « MF » a 15 ans. D’après Sam, il est un élève « excellent » : il répond aux questions,

demande des explications, anticipe des résultats, aide ses camarades ; etc. Il ne prend pas de

cours particuliers. R/ Les maths sont un outil nécessaire pour mener plein de travaux (faire de

la cuisine ou dans les chantiers) ; elles sont obligatoires au Secondaire parce qu’il faut bien

qu’on les apprenne quelque part.

• « ML » a 15 ans. C’est un élève qui, lors du travail collectif, répond aux questions de Sam,

mais ne pose pas de questions pour lever ses doutes au cours des recherches d’exercices.

D’habitude ses notes se trouvent entre 80 et 90. Il ne prend pas de cours particuliers. R/ Les

maths sont l’étude de quantités et les diverses opérations qui les font augmenter ou

diminuer ; elles sont importantes car la plupart des filières les utilisent.

• « MK » a 16 ans. C’est une élève en difficulté qui parfois répond aux questions de Sam,

mais qui, timidement, lui demande d’expliquer davantage certains thèmes qu’elle « n’a pas

compris » lors du travail collectif de la classe. D’habitude elle pose ses questions à ses

camarades ou au professeur de manière privée. MK prend des cours particuliers. R/ Les maths

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 162

sont des nombres et des nombres ; elles sont obligatoires parce qu’on les utilisera dans la vie

quotidienne.

Remarquons que nous avons travaillé avec deux élèves redoublants des classes de chaque

professeur. A l’exception de « MK », les élèves de Sam réussissent d’habitude leurs contrôles.

Deux élèves de Ron sont considérés en difficulté et obtiennent difficilement une bonne note à

un examen, même s’ils accomplissent régulièrement les tâches demandées.

Voici quelques traits des rapports aux mathématiques qu’ils semblent avoir établis. Tous les

élèves reconnaissent « la valeur » des mathématiques dans la société ; mais cette valeur se

rapporte soit au rôle des mathématiques élémentaires apprises à l’école primaire (opérations

de base, calculs de pourcentages, mesures), soit à un emploi qu’ils ignorent mais qu’ils croient

trouver à l’Université ou dans la réalisation de pratiques professionnelles. Enfin, notons que la

plupart des réponses données par les élèves sur les mathématiques et leur caractère obligatoire

sont très imprécises, et éloignées de certaines caractéristiques que leur attribuent des théories

épistémologiques sur l’activité mathématique.

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CHAPITRE 5 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 163

5.5 RESUME

Dans ce chapitre, nous avons précisé la démarche méthodologique mise en oeuvre afin de

recueillir les données à partir desquelles nous avons construit des éléments de réponses à nos

questions de recherche. Il s’agit d’une étude utilisant à la fois une approche ethnographique et

de type clinique pour l’observation des phénomènes de mémoire.

Trois phases ont été mises en place. La première concerne l’installation des conditions de

l’étude : la détermination des professeurs, des classes et des élèves participant à la recherche,

ainsi que certaines spécifications sur ce que nous attendions de leur participation. La

deuxième phase correspond principalement à l’observation clinique menée dans les quatre

classes de dixième et aux entretiens avec les professeurs et les enseignants. Enfin, la troisième

phase est relative à la mise en place des outils pour recueillir des éléments complémentaires

sur le fonctionnement des classes.

Enfin, nous avons décrit certaines caractéristiques des participants à l’étude : les professeurs

Ron et Sam, et les 14 élèves des classes observées.

Dans les cinq chapitres que nous venons de présenter, lors de la première partie de ce travail,

nous avons décrit les principaux aspects qui définissent le « cadre de la recherche » : l’état des

lieux où nous indiquons les études antérieures sur le thème en Didactique des Mathématiques,

le cadre théorique adopté pour modéliser une partie de la réalité didactique, ainsi que les

outils théoriques de description et d’analyse de données, la problématique qui nous occupe

portant sur la gestion mémorielle par le professeur dans la classe et enfin, la démarche

méthodologique conçue pour tenter de donner des éléments de réponses à nos questions.

Lors de la prochaine partie, Deuxième partie : présentation et discussion des résultats, nous

exposons et discutons les données et les éléments de réponse construits, à partir desquels nous

avons élaboré une typologie des gestes mémoriels accomplis par les professeurs, ainsi que le

modèle du micro-cadre institutionnel de la mémoire dont les éléments sont sollicités lors de

l’accomplissement des gestes. Nous abordons aussi les effets sur la gestion de la mémoire

didactique qui relèvent de la vie institutionnelle dans chacune des quatre classes observées.

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

 DEUXIEME PARTIE 

Présentation et Discussion des Résultats     

  CChhaappiittrree  66  ::  TTrraannssppoossiittiioonn  dduu  ssaavvooiirr  eenn   jjeeuu..  LLaa  ffaaccttoorriissaattiioonn  ddeess  

ppoollyynnôômmeess  ddee  llaa  vvaarriiaabbllee  rrééeellllee      CChhaappiittrree   77  ::  CCrriittèèrreess  ddee   sséélleeccttiioonn  ddeess  ppaassssaaggeess..  AAnnaallyysseess  ddee   llaa  

ggeessttiioonn  ddee  llaa  mméémmooiirree  ::  eexxeemmpplleess      CChhaappiittrree   88  ::  GGeesstteess  mméémmoorriieellss   eett  mmiiccrroo‐‐ccaaddrree   iinnssttiittuuttiioonnnneell  ddee  

llaa  mméémmooiirree  ddiiddaaccttiiqquuee      CChhaappiittrree  99  ::  SSuurr   llee   ffoonnccttiioonnnneemmeenntt  ddeess   iinnssttiittuuttiioonnss..  EEffffeettss  ddaannss  

llaa  ggeessttiioonn  ddee  llaa  mméémmooiirree..  

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

    

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

Chapitre 6 : Transposition du savoir 

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 169

CHAPITRE 6

TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

LA FACTORISATION DES POLYNOMES DE LA VARIABLE REELLE

6.1 Le savoir à enseigner : les instructions officielles 6.2 Le savoir à enseigner à la lecture de trois manuels

6.3 Un savoir de référence : le savoir savant

Nous présentons dans ce chapitre l’étude de la transposition didactique du savoir en jeu − la

factorisation des polynômes de la variable réelle − dans le contexte costaricien. Sans suivre

l’ordre traditionnel des « types de savoirs » considérés dans le processus de transposition,

nous partons de l’analyse du savoir à enseigner à partir des consignes données dans les

instructions officielles et dans trois manuels de dixième. Ce paragraphe est suivi de la

présentation de certains éléments sur le savoir savant que nous considérons pertinents, car ils

ont un caractère explicatif des techniques relatives au thème qui nous occupe et étudié dans

les classes costariciennes.

L’objectif de ce chapitre est de préciser la nature du savoir qui est enseigné dans les classes

observées, ceci à travers des transformations subies pour y être reconstruit. Nous donnons

ainsi des éléments de réponses concernant la question :

Q3. Quelles sont les caractéristiques de la vie institutionnelle d’une classe qui ont des effets

sur la gestion par le professeur de la mémoire didactique de la classe ?

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 170

La notion de transposition didactique (voir paragraphe 2.1) s’applique aux transformations

que les savoirs désignés à enseigner doivent subir, dès leur origine, pour pouvoir devenir

aptes à prendre place parmi les objets d’enseignement. Depuis une approche didactique,

l’étude de ce processus de transposition est indispensable. Comme l’indiquent Chevallard,

Bosch et Gascón (1997),

Ningún fenómeno didáctico relativo a una obra matemática concreta puede ser analizado si se ignoran las transformaciones que ha sufrido dicha obra desde su nacimiento hasta el momento en el que se le considera como “estudiable” en la escuela (p. 136)

Ainsi, l’étude de la transposition d’une œuvre mathématique fournit des éléments explicatifs

concernant les choix faits dans les institutions (noosphère) qui produisent ou désignent le

savoir comme un savoir à enseigner. Ces éléments sont importants pour notre travail, car ils

contribuent à décrire les assujettissements externes à la classe et qui influent sur la dynamique

institutionnelle. Nous conjecturons que cette dynamique provoque des effets sur la gestion de

la mémoire de la classe.

6.1 LE SAVOIR A ENSEIGNER : LES INSTRUCTIONNES OFFICIELLES

Comme nous l’avons indiqué au paragraphe 5.2, une des consignes données par les

instructions officielles est celle de suivre l’ordre des thèmes et des contenus indiqués comme

étant à enseigner. Ceci afin de garantir la continuité de l’enseignement des élèves qui

changent d’établissement au cours de l’année scolaire.

Pour la dixième, les secteurs dans lesquels se regroupent les savoirs à enseigner se présentent

dans l’ordre suivant :

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 171

1. Fonctions : concepts généraux

2. Fonction linéaire

3. Droites dans le plan

4. Expressions quadratiques : la fonction, l’équation et le polynôme

5. Polynômes et expressions rationnelles

6. Fonction réciproque

7. Fonction exponentielle et équations exponentielles

8. Fonction logarithmique et équations logarithmiques

Dans la colonne « contenus » du Programme d’Etude correspondant au quatrième secteur

« Expressions quadratiques », la factorisation des polynômes devrait être étudiée à partir du

thème : « solution de l’équation quadratique ». Y est indiquée l’utilisation des techniques de :

formule générale des solutions d’une équation de second degré, « inspection », « facteur

commun » pour les expressions du type ax2 + bx = 0, ainsi que la résolution d’équations à

l’aide de la calculatrice.

Expliquons brièvement les trois premières techniques à partir de leur mise en œuvre dans une

tâche, en essayant de montrer les traces écrites qu’un professeur pourrait laisser au tableau.

Nous reprendrons cette partie durant l’analyse des manuels dans le paragraphe suivant.

Fórmula General (Formule générale)

Tâche : Trouver les solutions de l’équation 2x2 − 3x − 1 = 0

a = 2 Δ = b2 − 4ac x = a

b2

Δ±−

b = −3 = (−3)2 − 4(2)( −1) x = 4

173 ±

c = −1 = 17

Certes, en appliquant cette technique, les élèves n’ont pas besoin d’avoir recours à la

factorisation du polynôme.

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 172

Inspección (Inspection)

Tâche : Trouver les solutions de l’équation 2x2 + 5x − 3 = 0

2x2 + 5x − 3 = (2x − 1)(x + 3) = 0

2x −1 2x − 1 = 0 ∨ x + 3 = 0

x 3 6x − x = 5x x = 21 x = − 3

Probablement, une fois obtenu l’accord de la classe sur la possibilité de trouver les

solutions de l’équation en appliquant la « méthode d’inspection », l’enseignant

accompagnera ce qui est écrit au tableau en disant : « nous avons le polynôme

2x2 + 5x − 3. Que pourraient être les deux expressions qui en les multipliant donne 2x2

et les deux autres qui donnent − 3 ? De manière à ce qu’en les additionnant on

obtienne 5x ? » Une fois trouvées les expressions et vérifié au tableau qu’elles

satisfont les conditions, le professeur peut continuer : « comment factorise-t-on ce

polynôme, alors ? » Les élèves vont répondre et l’enseignant pourra rappeler :

« souvenez-vous qu’on multiplie en croix, mais qu’on écrit les facteurs en regardant

horizontalement les expressions »

Factor común (Facteur commun)

Tâche : Trouver les solutions de l’équation 9x2 − 15x = 0

3x(3x − 5) = 0

3x = 0 ∨ 3x − 5 = 0

x = 0 ∨ x = 35

Avec une telle structuration : équation → factorisation, pour les polynômes du second degré,

cette dernière technique pourrait être rencontrée comme un outil pour accomplir une tâche

relative aux équations, en donnant à la factorisation une raison d’être au sein des

mathématiques. L’enseignant pourrait aussi démarrer l’étude en proposant un problème qui

demanderait une mise en équation. Ce faisant, la factorisation pourrait aussi « exister » dans

l’institution, à partir du besoin éprouvé de résoudre les types des tâches associés au problème.

Remarquons que, d’après la programmation des savoirs dans les instructions officielles, les

élèves devraient rencontrer pour la première fois des types de tâches relatifs à la factorisation

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 173

des polynômes en neuvième, l’année d’avant. Elle apparaît comme le dernier thème à étudier.

Ainsi, est-il indiqué dans le domaine de l’algèbre :

Objetivo Contenido Procedimiento 3. Efectuar la

factorización de polinomios en

forma completa

Factorización completa de polinomios mediante:

•Factor común (con una o

dos variables).

•Diferencia de cuadrados (en una variable).

•Trinomio cuadrado

perfecto (en una variable).

•Combinación de factor

común y productos notables.

Discriminación entre factorización y factorización completa de un polinomio.

Reconocimiento del factor común en polinomios.

Descripción del proceso para factorizar un polinomio por factor común.

Reconocimiento del uso de las fórmulas notables

para factorizar la diferencia de cuadrados, o el trinomio cuadrado perfecto.

Identificación del método adecuado para factorizar un polinomio.

Factorización completa de polinomios utilizando

el factor común o los productos notables.

Tableau 6 : Extrait des instructions officielles pour la 9e sur la factorisation des polynômes

Ainsi, trois techniques de factorisation sont étudiées : facteur commun, différence de deux

carrés et le « trinôme carré parfait ». Les deux dernières, dans leur emploi pour « développer »

une expression algébrique, avaient été déjà rencontrées l’année précédente, en huitième.

Même si la factorisation est indiquée comme étant à enseigner en neuvième, il se peut

pourtant que certains élèves, en arrivant en dixième, n’aient pas étudié la factorisation

− comme l’ont signalé certains élèves dans les classes de Sam durant le premier entretien

collectif. Ceci peut se produire parce que, comme ce thème est le dernier à être enseigné, en

raison de contraintes de temps, quelques enseignants font le choix de privilégier d’autres

thèmes qui seront évalués dans l’évaluation nationale de ce niveau.

Revenant sur le programme d’étude de la dixième, et comme nous l’avons indiqué dans le

chapitre précédent, même si la consigne donnée dans les instructions officielles est de

respecter la programmation des savoirs, à partir de l’expérience personnelle de la chercheuse

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 174

et d’autres professeurs, nous savons que des variations existent au sein de la communauté

d’enseignants. Ces variations établissent une nouvelle programmation de la manière suivante :

0. Révision des opérations sur les polynômes,

1. FFaaccttoorriissaattiioonn ddeess ppoollyynnôômmeess

2. Expressions rationnelles

3. Equations polynomiales

4. Fonctions : concepts généraux, fonction linéaire, droites dans le plan

5. Fonction quadratique

6. Fonction réciproque

7. Fonctions et équations exponentielles et logarithmiques

Selon les enseignants participant à notre étude, cet ordre a une fonction « didactique » : on

démarre avec les opérations sur les polynômes pour rappeler les connaissances préalables

dont les élèves auront besoin et en même temps, cela permet de réaliser un diagnostic sur leur

niveau. Ensuite, il faut aborder la factorisation des polynômes, car « on en aura besoin pour

étudier les équations et les expressions rationnelles, et plus loin dans les fonctions ». En

d’autres termes, cette chronologie présente la factorisation comme un contenu de transition.

Certes, elle ne favorise pas la possibilité de faire vivre la raison d’être : « pourquoi étudie-t-on

la factorisation ? » Le savoir est donc présenté comme « autosuffisant » : on l’étudie parce

qu’il est important.

Dans le « plan de estudios », nous retrouvons des spécifications concernant les techniques à

étudier :

Factorización del trinomio de segundo grado con una variable : Fórmula general, inspección, fórmula notable, teorema del factor, usando calculadora

Par rapport aux techniques que nous avons illustrées plus haut, cette partie du « plan » en

indique deux autres : identités remarquables et « théorème du facteur ». Nous n’avons trouvé

aucune référence sur les identités remarquables à étudier. Nous inférons donc que c’est à

chaque professeur de décider lesquelles enseigner. Par exemple, comme nous l’avons observé

dans les classes des participants, Ron en a étudié huit et Sam sept.

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 175

La technique designée par « théorème du facteur » : (x − a) est un facteur du polynôme

P(x) ⇔ P(a) = 0 », fait allusion à la division des polynômes. Elle consiste à trouver les zéros

du polynôme P(x) = ax2 + bx + c, en appliquant le théorème sur les « possibles zéros

rationnels d’un polynôme ». Selon ce dernier, tous les nombres de la formenm , dont le

numérateur est un diviseur de « c » et dont le dénominateur est un diviseur de « a », sont des

possibles zéros du polynôme P(x). Ainsi, en sachant que « le reste de P(x)÷(x – a) est P(a) », il

s’agit de trouver les divisions du type P(x)÷(x – mn

) qui ont un reste nul79. On peut

s’interroger sur la raison d’être de cette technique pour l’accomplissement de tâches relatives

aux polynômes de second degré, étant donnée que la « formule générale » est enseignée !

Nous reviendrons sur cette technique du « théorème du facteur » plus loin, dans l’analyse de

manuels.

Remarquons que la « formule générale », selon cette partie du programme d’étude, doit être

étudiée afin de factoriser des trinômes quadratiques. Néanmoins, comme pour le cas

précédent, nous nous demandons quels arguments justifient cette étude si, finalement, elle

n’est utilisée, que pour la résolution d’équations ! C’est-à-dire :

Tâche : Trouver les solutions de l’équation 2x2 − 3x − 1 = 0 Δ = b2 − 4ac = (−3)2 − 4(2)( −1) = 17

Alors, x = a

b2

Δ±− = 4

173 ±

La suite du « plan de estudios » mentionne d’autres polynômes à enseigner et les techniques à

mettre en œuvre pour accomplir les types de tâches qui leur sont associées :

Factorización completa de polinomios de tres y cuatro términos con una o dos variables. • Factor común y fórmula notable. • Grupos80 y factor común. • Grupos y diferencia de cuadrados.

79 Vue la « grande » quantité de divisions à effectuer, « la division synthétique » est enseignée en utilisant seulement les coefficients numériques du polynôme P(x). 80 La technique de « grupos », que nous avons traduit comme « regroupement » réfère à une double application de la technique du « facteur commun ». Par exemple, lors de la factorisation du polynôme : xn + xm + yn + ym.

( )( ) 017341734 =+−−− xx

01734 =−−x ∨ 01734 =+−x

4

173 +=x ∨

4173 −

=x

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 176

Le détail des exigences demandées par le Ministère d’Education Publique concernant le

thème de la factorisation des polynômes en dixième est présenté dans le tableau qui suit. Il est

structuré en cinq colonnes : les objectifs, les contenus, les procédures, les valeurs et les

attitudes et les critères d’évaluation, termes qu’utilise ce document.

Objetivo Contenido Procedimiento Valores y actitudes

Criterios de evaluación

Factorizar completamen

te un trinomio de

segundo grado con

una variable, para aplicarlo

en la simplificació

n de expresiones racionales y

en la solución de ejercicios y problemas del entorno.

Trinomio de segundo grado.

Factorización del trinomio de

segundo grado con una variable:

Fórmula general. Inspección.

Fórmula notable. Teorema del

factor. Usando la

calculadora.

Formulación y comprobación de conjeturas, para

establecer características, semejanzas y

diferencias entre la función cuadrática, la ecuación cuadrática y

el polinomio de segundo grado con

una variable.

Elaboración y utilización de estrategias que

permitan factorizar un trinomio de segundo

grado con una variable.

MANIFIESTA:

Flexibilidad y tolerancia al

considerar las estrategias, propuestas,

ideas y razones que brindan los compañeros y compañeras.

Curiosidad por indagar y

explorar sobre diferentes

procedimientos para factorizar

polinomios.

Selecciona entre varias expresiones cuadráticas,

cuáles son funciones, cuáles son ecuaciones y cuáles son polinomios.

Relaciona los tres conceptos: función

cuadrática, ecuación cuadrática y polinomio de segundo grado con

una variable, en la solución de situaciones

del entorno.

Factoriza completamente un

trinomio de segundo grado con una variable.

(EL MÉTODO O PROCEDIMIENTO

NO SE DEBE SOLICITAR, POR LO TANTO EL QUE SE UTILICE QUEDA A

CRITERIO DEL ESTUDIANTE)

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 177

Tableau 7 : Extrait des instructions officielles pour la 10e sur la factorisation des polynômes

On s’aperçoit, à partir des références aux instructions officielles que nous avons présentées,

que les « programmes d’enseignement » réfèrent aux questions de séquence, temporalisation

et, dans un moindre degré, aux « méthodologies d’enseignement ». Les points relatifs à la

« reconstruction des œuvres mathématiques » sont rares, et Chevallard, Bosch et Gascón

signalent :

Desde el punto de vista de la enseñanza [...] se tiende a considerar el “problema del currículo” únicamente como una cuestión de secuenciación y temporalización de los mismos, que desemboca en el problema de la metodología de la enseñanza. [...] El problema que habría que plantearse es el de la reconstrucción de las obras matemáticas seleccionadas en el currículo en cuanto obras que deben ser estudiadas y no sólo enseñadas. Esta reconstrucción debe partir de

Objetivo Contenido Procedimiento Valores y actitudes

Criterios de evaluación

Factorizar polinomios usando una

combinación de métodos,

para aplicarla en la

simplificación de

expresiones racionales y

en la solución de ejercicios.

Factorización de polinomios de tres y cuatro

términos con una o dos variables.

•Factor común y fórmula notable.

•Grupos y factor

común.

•Grupos y diferencia de cuadrados.

Desarrollo y aplicación de

estrategias que permitan factorizar trinomios con dos

variables, en los que se requiere extraer factor común para

aplicar luego fórmula notable.

Desarrollo y aplicación de

estrategias que permitan factorizar

polinomios de cuatro términos con una o dos variables, en los

que se requiere definir dos grupos para

aplicar luego

•Factor común. •La factorización de un trinomio cuadrado

perfecto y posteriormente factorizar una diferencia de cuadrados.

MANIFIESTA: Iniciativa en la

invención y reconstrucción de estrategias

que le permitan factorizar un polinomio.

Interés y participación activa en la

realización de los trabajos propuestos.

Pericia para enfrentarse a situaciones

cambiantes y problemáticas

que se presentan en su

aprendizaje.

Factoriza completamente

polinomios de tres o cuatro términos con una

o dos variables utilizando una

combinación de métodos. (Según la

restricción del contenido)

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 178

un cuestionamiento previo sobre las obras designadas, sus elementos y las posibles maneras en que éstos se pueden estructurar (Chevallard, Bosch et Gascón, 1997, p.122).

Certes, nous n’avons pas abordé la question de savoir comment reconstruire « les œuvres

mathématiques sélectionnées dans le curriculum en tant qu’œuvres qui doivent être étudiées »,

question qui réclame une recherche complémentaire à celle-ci. Dans le paragraphe suivant

nous présentons et analysons quelques « éléments et manières possibles qui peuvent

structurer » cet enseignement dans trois manuels de dixième.

6.2 LE SAVOIR A ENSEIGNER A LA LECTURE DE TROIS MANUELS

Dans ce paragraphe nous décrivons les principales organisations mathématiques relatives à la

factorisation des polynômes présentées dans trois manuels de dixième. Comme nous l’avons

dit, le choix de ces trois manuels a été fait en prenant en compte leur diffusion dans la Vallée

Centrale au Costa Rica. Nous remarquons aussi que, même s’il n’y avait pas un manuel en

usage officiel pour les classes de mathématiques du Lycée où nous avons mené les

observations, les manuels sont employés comme référence tant pour les enseignants que pour

certains élèves.

6.2.1 PRESENTATION DES MANUELS

Les trois manuels choisis sont : (M1) Matemáticas 10°, Publicaciones Porras y Gamboa :

2006 ; (M2) Jaque Mate 10, Santillana : 2006 ; et (M3) Matemática, enseñanza-aprendizaje

10 (Roxanna Meneses) ;

Norma : 200581.

Une première approche assez

générale du contenu des trois

manuels pourrait être fournie

par la table de matières de

chacun d’eux.

Dans le chapitre 1 du manuel

M1 (voir figure ci-contre),

chapitre intitulé « Algèbre », la

81 Le programme d’étude de l’année 2005 n’a pas changé pour la dixième par rapport à celui de l’année 2006

Figure 17 : Extrait de la table de matières du M1

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 179

factorisation des polynômes est présentée au tout début. Suivent des définitions relatives au

thème82, six techniques (facteur commun, différence de deux carrés, somme et différence de

deux cubes, formule générale et inspection, « trinôme carré parfait » et regroupement) sont

décrites et illustrées par un ou deux exemples, suivis d’une liste d’exercices exclusivement

relatifs aux polynômes, à factoriser par la technique montrée dans le paragraphe indiqué dans

la consigne. Jusqu’au point 13, « Factorisation par plusieurs techniques », la consigne pour

l’exercice donnée est ouverte, en laissant à la charge de l’élève le choix de la technique à

appliquer.

Le manuel M2 débute avec l’unité 1 qui est

consacrée à l’algèbre (voir figure ci-contre). A la

différence du manuel précédent, c’est le thème des

équations du second degré qui est d’abord présenté.

Au sein de ce thème, la formule générale pour

trouver les racines d’un polynôme de ce degré est

montrée. Les thèmes 5, 6, 7, 8 sont consacrés à la

factorisation des polynômes. L’exposé est structuré

selon la technique à étudier : facteur commun

(thème 5), groupements et facteur commun

(thème 5), identités remarquables (thème 6), formule

générale (thème 7), « factorisation avec la

calculatrice » (thème 7), théorème du facteur

(thème 7) et inspection (thème 7). Comme pour le

manuel précédent, les consignes indiquent la technique qu’il faut utiliser pour factoriser les

polynômes proposés. Les élèves sont sollicités pour résoudre quatre problèmes, dits de « la

vie courante », au long de ces thèmes. En outre, nous repérons aussi des exercices de

reconnaissance (indiquer si une expression donnée est un facteur commun ou le plus grand

facteur commun d’un certain polynôme). Dans le thème 8, la factorisation des polynômes par

la combinaison des techniques précédentes est étudiée.

82 Dans ce paragraphe nous utilisons le terme « thème » au sens large et non nécessairement en rapport avec les niveaux de co-détermination didactique.

Figure 18 : Extrait de la table de matières du M2

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 180

Comme pour les manuels précédents, M3

débute avec l’unité 1 « Algèbre » (voir

figure ci-contre). Le premier thème est

dédié à l’étude d’éléments associés à la

division des polynômes. Celle-ci est

présentée comme une technique pour

trouver les zéros réels d’un polynôme. Les

exercices de la fin du paragraphe 1

mobilisent (la consigne n’indique pas son

utilisation) les deux théorèmes décrits. Le

thème deux est consacré à l’étude du

discriminant. Certains polynômes sont

factorisés à l’aide de cette étude et des

théorèmes du paragraphe antérieur. Tout de

suite les techniques d’« inspection » et de

formule générale sont décrites et

exemplifiées. Les exemples donnés, relatifs

à ces deux techniques, sont toujours

présentés en rapport avec l’étude du

discriminant du polynôme. Une liste

d’exercices est donnée à la fin du

paragraphe. Dans le thème trois, la technique de « factorisation par groupes » est présentée et

illustrée. Parmi ces exemples, la différence de deux carrés est vue comme une technique de

factorisation. A la fin de la section, 48 polynômes sont donnés à factoriser. Les consignes

données n’indiquent pas la (les) technique(s) à utiliser.

6.2.2 SUR LES ORGANISATIONS MATHEMATIQUES

Dans ce paragraphe, nous décrivons les organisations mathématiques construites dans les trois

manuels analysés, et principalement les types de tâches autour desquelles celles-ci se

bâtissent. Avant de préciser ces types de tâches, considérons des définitions qui sont données

dans les manuels par rapport au thème en jeu : qu’est-ce que factoriser ? Qu’est-ce qu’un

polynôme irréductible ? Qu’est-ce que factoriser complètement un polynôme ? Qu’est-ce

qu’un facteur commun d’un polynôme ?

Figure 19 : Extrait de la table de matières du M3

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 181

Manuels Question

M1 M2 M3

Qu’est-ce que

factoriser un polynôme ?

Factorizar un polinomio es expresarlo como el producto de dos o más polinomios de igual o

menor grado que él (p. 6)

Factorizar un polinomio de grado mayor o igual que 0 es

expresarlo como la multiplicación de 2 o de más polinomios diferentes de 1 y de -1, llamados factores (p.

30)

(emploi mais pas défini)

Qu’est-ce qu’un

polynôme irréductible?

Un polinomio es irreductible o canónico si no es posible factorizarlo

(p. 6)

Los polinomios de grado mayor que 0 que no se pueden

factorizar se denominan polinomios irreductibles. Los

polinomios de grado cero son irreductibles (p. 30)

Qu’est-ce que

factoriser complètement

un polynôme ?

Si los polinomios factores son irreducibles,

entonces el polinomio está factorizado

completamente (p. 6)

Factorizar completamente un polinomio consiste en

expresarlo como la multiplicación de 2 o de más

polinomios irreductibles, diferentes de 1 y de -1 (p. 30)

(emploi mais pas défini)

Qu’est-ce qu’un facteur commun d’un

polynôme?

− (emploi mais pas défini)

Un factor común de un polinomio es un polinomio

que es factor de cada término de ese polinomio (p. 30)

Tableau 8 : Certaines définitions dans les trois manuels analysés

Notons dans chaque définition donnée, et nous pouvons l’observer dans la plupart des

propositions des manuels, que l’ensemble de définition des expressions polynômiales

auxquelles fait allusion le chapitre n’est pas explicité ; ce qui serait nécessaire pour des

expressions irrationnelles par exemple. Notamment, le seul moment où la délimitation du

domaine est évidente a lieu pendant l’étude du discriminant d’un trinôme du second degré, où

pour chacun des cas, dans les manuels, l’ensemble auquel appartiennent les zéros du

polynôme est mentionné :

« Si el discriminante es igual a cero, el trinomio […] si es factorable en IR » (M3, p.21), « si Δ > 0, entonces la ecuación tiene 2 soluciones reales diferentes » (M2, p. 13) « Cuando el discriminante es negativo (Δ < 0) el polinomio no tiene factorización porque la

raíz cuadrada de un número negativo no existe en el conjunto de los números reales » (M1, p. 13)

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 182

Remarquons aussi que pour M3 les objets : factoriser un polynôme et factoriser complètement

un polynôme sont des objets paramathématiques83, ainsi que l’objet « facteur commun » dans

M1. Ils ne sont alors pas définis.

Organisations mathématiques

Tout au long du chapitre du manuel M1 concernant la factorisation, nous ne repérons qu’un

seul type de tâches T1 : factoriser un polynôme réel donné. Dans chacun des trois manuels, les

manières d’accomplir T1 sont, avec quelques particularités, les mêmes :

τ11 : Facteur commun (regroupement). τ12 : Identités remarquables (différence de deux carrés, trinôme carré parfait (ax ± by)2,

somme et différence de deux cubes). τ13 : Formule générale pour trouver les zéros d’un polynôme du second degré. τ14 : Inspection.

Pour le manuel M1 l’organisation mathématique relative à T1 est une organisation ponctuelle.

Il n’y a aucun autre type de tâches présenté dans la partie de la factorisation des polynômes

qui mobilise des techniques pour factoriser. En outre, comme nous l’avons remarqué plus

haut, c’est une organisation dont la plupart des techniques deviennent « autotechnologiques »,

car elles sont les seules reconnues dans l’institution. Cependant, nous retrouvons dans la

présentation du cas général de la « méthode d’inspection » pour factoriser des polynômes de

la forme ax2 + bx + c, dont la racine carrée du discriminant est un entier (p. 17), des éléments

qui justifient et expliquent cette technique « d’inspection » :

83 « A côté des « notions mathématiques » […] se rangent des notions qu’on peut dire « paramathématiques » : par exemple, la notion de paramètre, la notion d’équation, la notion de démonstration […]. Les notions paramathématiques sont des notions-outils de l’activité mathématique ; elles ne sont pas « normalement » des objets d’étude pour le mathématicien […] sont en général préconstruites (par monstration) ». (Chevallard, 1991, p. 49 − 50)

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 183

En ce qui concerne le manuel M2, en dehors de T1, nous repérons autres types de tâches qui

mobilisent des techniques de factorisation étudiées dans le chapitre. Par exemple,

T2 : Reconnaître si une expression est un facteur commun « d’un polynôme » T3 : Ecrire le polynôme P(x) en sachant que P(a)=0 et P(b)=0 T4 : Déterminer la valeur du discriminant d’un trinôme quadratique T5 : Déterminer si un polynôme du second degré est factorisable en IR T6 : Identifier si un polynôme est complètement factorisé T7 : Reconnaître la « méthode » utilisée pour factoriser un polynôme T8 : Résoudre des problèmes qui mobilisent des techniques de factorisation

Cette diversité de tâches autour d’une même technologie (nous pourrions signaler comme

élément technologique θi1 : « tout polynôme entier de degré n de la variable réelle peut être

décomposé en un produit de n facteurs du premier degré de sa variable ») détermine donc une

organisation mathématique locale.

Pour le manuel M3, et toujours en outre T1 qui est notamment privilégié en tant que type de

tâches principal, nous repérons d’autres types de tâches. Par exemple :

T4 : Déterminer la valeur du discriminant d’un trinôme quadratique T5 : Déterminer si un polynôme du second degré est factorisable sur IR T9: Trouver le trinôme de second degré étant donné ses deux facteurs

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 184

De la même manière que pour le manuel précédent, dans M3 nous n’avons pas d’OM qui se

bâtisse autour d’une même technologie ou des éléments technologiques (θ(4∧5)2 : si x ∈ IR

alors x ≥ 0). En d’autres termes, des organisations mathématiques locales sont données à

étudier dans ce manuel.

6.2.3 CARACTERISTIQUES DES MANUELS

Dans ce paragraphe nous relevons pour les trois manuels, certains des points relatifs à la

factorisation des polynômes. Cette présentation simultanée nous semble favoriser la mise en

valeur des aspects les plus représentatifs de l’organisation de l’étude au Costa Rica, selon les

manuels choisis.

Rapprochement partiel avec les instructions officielles

La structure de la présentation des contenus dans chacun des trois manuels ne correspond pas

à celle indiquée dans les instructions officielles (fonctions→équations→factorisation).

Comme nous l’avons vu, chaque manuel est structuré d’une manière différente. Cependant, en

ce qui concerne la factorisation, les techniques qu’il faut officiellement étudier en dixième

sont décrites dans les trois manuels.

Comme nous l’avons indiqué plus haut, dans les instructions officielles les « identités

remarquables » sont considérées comme technique de factorisation ; mais il n’y a aucune

spécification sur quelles devraient être ces identités à étudier. Ainsi, les manuels M2 et M3 ne

montrent que trois identités, tandis que M1 en présente cinq.

En ce qui concerne la technique relevant de la division de polynômes − le théorème du facteur

et le théorème du reste − pour factoriser des polynômes, seul le M3 en fait mention.

Néanmoins, elle est implicitement présentée comme une technique de factorisation ; car elle

est plutôt considérée comme une « méthode pour trouver les zéros réels » d’un polynôme.

Pour illustrer cette observation, voyons l’exemple 7 de M2 (p. 17) :

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 185

Nous renvoyons au paragraphe 6.3 de ce même chapitre pour le détail de la technologie qui

justifie cette technique.

Absence de la nécessité de vérifier des propositions

Comme nous l’avons relevé dans le paragraphe 5.1, au niveau du Secondaire au Costa Rica

les démonstrations ne font pas partie de l’organisation de l’étude des mathématiques. Les

manuels sont assez représentatifs de cette absence. Cette situation, nous semble-t-il, favorise

davantage la mise en œuvre d’organisations didactiques dites « technicistes » : mettant

l’accent sur le plus rudimentaire du moment du travail de la technique, en présupposant que le

processus d’enseignement des mathématiques est mécanique et complètement contrôlable par

le professeur (voir paragraphe 2.1.3).

Dans les manuels, il apparaît parfois des propositions étiquetées comme « définitions » ou

« théorèmes ». Mais, en aucun cas elles ne sont utilisées pour contrôler l’élaboration ou

l’application d’une technique, ou encore, elles ne s’emploient pas non plus pour la

construction d’un bloc technologico-théorique. Ces étiquettes sembleraient plutôt représenter

un décor pour rester fidèles à des « emblèmes » de la discipline. Ainsi, même des théorèmes

dont la démonstration est à la portée des élèves de dixième (même de niveau le plus bas) sont

« montrés » ou « exemplifiés » au lieu d’être démontrés. Voyons par exemple la manière dont

est présenté le « théorème du reste » dans le manuel M3 (p. 14) :

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 186

De manière similaire, la formule pour trouver les zéros d’un polynôme du second degré est

exposée sans aucune justification dans chacun des trois manuels. Pour l’illustrer, voyons un

extrait de M1 (p. 13) :

Remarquons le fait que dans la présentation de la formule, on ne sait pas comment arriver à la

factorisation d’un polynôme du second degré, car ce qui est indiqué est la forme générale des

zéros du polynôme. En d’autres termes, le « théorème du facteur » n’est pas mentionné.

Dans ce que nous venons de présenter, nous retrouvons à un certain niveau, l’une des

conjectures proposées par Fonseca (2004), qui met en évidence des dysfonctionnements

surgissant au début des études universitaires dans des établissement en Espagne84 par rapport

84 Dans son travail de thèse, Fonseca fait allusion à « l’activité mathématique qu’il est possible de mettre en œuvre dans l’enseignement actuel des mathématiques en Espagne » (Bosch, Fonseca, Gascón ; 2004, p. 206).

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 187

à l’organisation de l’étude au secondaire. Nous faisons allusion à la conjecture C7 : « De

l’argumentation ‘ostensive’ à la démonstration ‘déductive’ ». L’auteur explique :

Mientras que en S [secondaire] las demonstraciones hacen un papel meramente “decorativo”, ya que las propiedades y los resultados se muestran, en U [universitaire] se descalifica la argumentación “ostensiva”: la figura, el esquema o el ejemplo particular que “muestran” una propiedad, dejan de tener valor “demostrativo” (p. 49, nous mettons le gras)

Dans les manuels analysés, comme nous l’avons remarqué plus haut, les propriétés,

théorèmes, formules, sont montrés à l’aide d’exemples, sans laisser voir la nécessité des

justifications. Remarquons cependant que nous ne pouvons affirmer que les exemples ont

pour fonction une valeur démonstrative.

Enfin, notons que parfois une technique de factorisation n’est même pas décrite pour le cas

général. C’est le cas, par exemple dans le manuel M2 (p. 45), de la présentation de la

technique « d’inspection » pour factoriser des polynômes :

Isolement mathématique et extra mathématique

Premièrement, soulignons dans ce paragraphe l’absence de références à d’autres savoirs

mathématiques qui pourraient être associés à la factorisation des polynômes. Ceci contribue,

comme le remarque aussi Fonseca, à la construction d’organisations mathématiques rigides,

peu flexibles. Pour illustrer cette affirmation notons que, dans les trois manuels, la

Cependant, d’après notre appréciation personnelle en tant que professeur au Secondaire et à l’université, nous pourrions conjecturer que la rigidité de cette activité n’est probablement pas moindre que celle repérée dans l’activité mathématique dans l’enseignement secondaire au Costa Rica.

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 188

factorisation de polynômes est vue comme un thème indépendant des autres thèmes, comme

les fonctions ou les équations, au sein desquels la factorisation pourrait devenir un outil pour

accomplir une certaine tâche : trouver les zéros d’un polynôme, étant donné des images

trouver les antécédents pour une certaine fonction quadratique, etc. Ce faisant, comme nous

l’avons mentionné dans le paragraphe précédent, le savoir à enseigner pourrait alors trouver

une raison d’être au sein de plusieurs types de tâches.

Nous voulons faire observer, aussi, la presque absence de problèmes qui demanderaient la

factorisation de polynômes. Des applications à des « situations » sont rarement présentes dans

les manuels analysés, et ceci tant pour « motiver » l’introduction du thème ou la rencontre

avec des types de tâches, que pour travailler les techniques de factorisation. En d’autres

termes, nous pourrions dire que les raisons d’être du savoir à étudier ne sont ni internes ni

externes aux mathématiques : elles sont donc absentes85.

L’ordre dans lequel sont présentées les techniques pourrait favoriser, dans certains cas,

l’absence de « raisons d’être » que nous avons remarquée plus haut. Par exemple, dans deux

des trois manuels analysés (M1 et M2), la formule générale pour trouver les zéros d’un

polynôme du second degré est donnée avant la technique d’inspection. Etant donné que la

portée de la technique qui recourt à la formule est plus grande que celle de la technique

d’inspection, l’introduction de cette dernière devient plus difficile à justifier face à des élèves

− quand ils posent la question ! Nous pouvons nous poser la même question si, par exemple,

on considère la technique « en utilisant la calculatrice » (p. 44, M2) et sa portée par rapport à

la technique d’inspection, ou celle à l’aide de la division des polynômes (de second degré

selon les instructions officielles) face à la « formule générale ».

6.3 UN SAVOIR DE REFERENCE : LE SAVOIR SAVANT

Dans ce paragraphe nous présentons des extraits de l’ouvrage86, Cours de mathématiques

spéciales I de H. Commissaire et G. Cagnac, afin de montrer quelques éléments

technologiques qui expliquent et justifient certaines techniques sur la factorisation des

polynômes étudiée en classe de dixième dans le système éducatif au Costa Rica.

Remarquons que nous limitons notre exposé aux aspects qui nous semblent avoir

« quasiment disparus » des programmes français du supérieur sur les polynômes, notamment

85 Pourtant, soyons indulgent dans notre appréciation : la raison peut être la réussite des études ! 86 Commissaire, H. et Cagnac, G. (1936). Cours de mathématiques spéciales I. Eléments d’algèbre et de géométrie analytique. Paris : Masson et Cie.

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 189

le théorème sur la racine rationnelle concernant ce qui est nommé au Costa Rica la

factorisation par « division synthétique » ; technique qui ne semble pas être nommée dans

l’ouvrage étudié.

Sur le reste d’une division

THEOREME 1. Le reste de la division suivant les puissances décroissantes de x d’un polynôme

de la variable x par bx – a est le résultat de la substitution de ab à x dans ce polynôme.

Soit f(x) le polynôme considéré. Si g(x) est le quotient de la division du polynôme f(x) par

bx – a et R le reste, on peut écrire l’identité

f(x) = (bx – a)g(x) + R

Le degré de R est inférieur à celui du diviseur et, comme ce dernier degré est 1, R est un

nombre indépendant de x.

Les deux membres de l’identité précédente prennent la même valeur quelle que soit la valeur

attribuée à x. Si l’on donne à x la valeur ab le premier membre devient

afb

⎛ ⎞⎜ ⎟⎝ ⎠

, le deuxième se

réduit à R, d’où l’égalité R = afb

⎛ ⎞⎜ ⎟⎝ ⎠

.

Recherche des racines rationnelles d’une équation algébrique à coefficients rationnels

Etant donnée une équation algébrique à coefficients rationnels, si l’on réduit tous les

coefficients au même dénominateur et si on les multiplie par le dénominateur commun on

forme une équation à coefficients entiers équivalente à la proposée. Cette observation nous

permet de supposer dans ce qui suit que tous les coefficients sont des entiers.

THEOREME 2. Si une fraction irréductible est racine d’un polynôme à coefficients entiers, son

numérateur divise le terme constant du polynôme et son dénominateur divise le coefficient de

la plus haute puissance de la variable.

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 190

Si la fraction ab est racine du polynôme

Axn + A1xn - 1 + … + An - 1x + An

C’est que

Aan + A1an – 1b + … + An – 1abn - 1 + Anbn = 0 (1)

Les coefficients A, A1, …, An − 1, An étant des entiers ainsi que b, le nombre

P = Aan − 1 + … + An – 2abn − 2 + An − 1 bn − 1 est entier et l’égalité (1) qui peut s’écrire

Pa + Anbn = 0

montre que l’entier a divise le produit Anbn. Or, si la fraction ab est irréductible a et b n’ont

aucun diviseur premier commun, et il en est de même des nombres a et bn. Le nombre a est

premier avec bn ; divisant le produit Anbn il divise An.

De la même manière, le nombre S = A1an – 1 + … + An – 1abn − 2 + Anbn − 1 est entier et l’égalité

(1) qui peut s’écrire

Aan + Sb = 0

Montre que l’entier b divise le produit Aan et par suite que b divise A.

Remarque. – On conclut de là en particulier que si A = ± 1 le polynôme ne peut admettre

comme racines rationnelles que des entiers.

THEOREME 3. Si une fraction irréductible ab est racine d’un polynôme f(x) à coefficients

entiers, tous les coefficients du quotient de f(x) par bx – a sont des nombres entiers.

Supposons pour fixer les idées que l’on calcule le quotient en effectuant la division suivant les

puissances décroissantes de x et soit Bxn − 1 le premier terme du quotient ; d’après le théorème

précédent B est entier. Le deuxième terme du quotient est le premier terme du quotient par

bx − a du premier dividende partiel

f1(x) = f(x) − B xn − 1(bx − a).

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 191

D’après cette identité, les coefficients de f1(x) sont des entiers et ab racine de f(x) et de bx − a

est aussi racine de f1(x). Il résulte du théorème précédent que le coefficient de la plus haute

puissance de x dans f1(x) est divisible par b et par suite que dans le quotient de f1(x) par bx − a

le premier coefficient est entier.

On reconnaît ainsi de proche en proche que tous les coefficients de la division de f(x) par

bx − a sont entiers.

Ces propositions conduisent à la règle suivante :

REGLE. – Pour trouver les racines rationnelles d’une équation algébrique et entière à

coefficients entiers

Axn + A1xn - 1 + … + An - 1x + An = 0

on forme toutes les fractions irréductibles dont le numérateur est un diviseur de An et dont le

dénominateur est un diviseur de A sans omettre le diviseur 1. On affecte du signe « + » et du

signe « − » chacune de ces fractions.

Pour essayer une de ces fractions, ab , on effectue la division de f(x) par bx − a suivant les

puissances décroissantes de x ou celle de f(x) par a − bx suivant les puissances croissantes de

x. Si l’on trouve au quotient un coefficient non entier le nombre essayé n’est pas racine. Si

tous les coefficients du quotient sont entiers et si le reste est nul, le nombre essayé est racine.

Après avoir trouvé une racine on poursuit les essais sur le quotient en commençant par

l’essai de la racine qui vient d’être trouvée, celle-ci pouvant être racine multiple de

l’équation proposée.

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 192

6.4 CONCLUSION DU CHAPITRE

Dans ce chapitre nous avons analysé une partie de la transposition didactique (TD) de

l’objet « factorisation des polynômes de la variable réelle ». Cette analyse a été menée à partir

de deux sources : les instructions officielles et trois manuels de la 10e. L’étude de la TD

concerne la gestion de la mémoire par le professeur dans la classe, car nous pouvons en tirer

des éléments relatifs aux assujettissements relevant des institutions scolaires : instructions

officielles et manuels scolaires, assujettissements qui ont une incidence sur la gestion du

processus d’enseignement dans la classe, et en particulier la gestion de la mémoire.

Pour répondre à la question, « quels assujettissements extérieurs à la classe, relatifs au savoir

et participant à la détermination de la vie institutionnelle, ont des effets dans la gestion de la

mémoire ? », nous avons donc constaté les points suivants :

- « La factorisation » est vue d’entrée comme un thème « isolé », « autosuffisant », éloignée

de son utilisation pour la résolution de problèmes, le sens de l’étude n’apparaît pas, ce qui

entraîne l’absence des justifications de son étude. Ceci semble être en partie dû à l’ordre

d’apparition des techniques : pourquoi étudier une technique dont la portée est plus restreinte

que celle étudiée au début de la séquence d’enseignement ? Une des conséquences de cette

pratique dans les classes pourrait être de favoriser le recours à l’ostension, où il est probable

que la réactivation commandée par le professeur des rapports aux objets soit issue d’effets de

contrat didactique, et non d’une re-organisation du milieu privé de chaque élève.

- Des contraintes sont issues d’anciennes instructions officielles qui « s’imposent » encore à

certains manuels : l’étude de certaines identités remarquables ou celle de la division des

polynômes, en particulier de la « division synthétique ». Pourtant, nous pourrions penser aussi

qu’il s’agit du choix des auteurs qui considèrent pertinente l’étude de ces thèmes. Sur la

division synthétique, son incursion dans la classe comme étant un savoir à enseigner implique

l’étude d’autres savoirs ; par exemple ceux qui justifient la division synthétique, éléments

technologiques que ne semblent87 pas connaître certains professeurs. Ce qui peut entraîner des

conséquences sur la gestion de la mémoire puisque la technique existe sans point d’appui la

justifiant, la rendant compréhensible.

- Les blocs technologico-théorique des techniques pour les types de tâches ne sont pas

désignés comme étant à étudier par les instructions officielles. Au contraire, elles indiquent

87 Nous utilisons le pluriel car nous prenons aussi en compte les observations et commentaires d’autres professeurs fréquentés, mais qui n’ont pas été observés dans cette étude.

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CHAPITRE 6 : TRANSPOSITION DU SAVOIR EN JEU

Thèse : ARAYA-CHACÓN 193

qu’il faut promouvoir la résolution de problèmes plutôt que les démonstrations. Dans les

manuels, les justifications sont peu fréquentes, et l’exposition de la technique dans le cas

général tend à passer pour un élément technologique. Or, d’après Bosch et al. (2004) les

technologies « faiblement » construites favorisent des organisations mathématiques plus

rigides dans leurs articulations avec d’autres OM, ou des OM plus complexes. Pour ce qui

concerne la gestion de la mémoire, nous relevons aussi les conséquences indiquées dans le

point précédent : la non-mobilisation de connaissances qui pourraient aider à rendre le rapport

personnel des élèves conforme au rapport institutionnel attendu. Soulignons, sous forme de

conjecture, qu’une telle pauvreté des technologies pourrait affecter, à l’avenir, le rappel de

connaissances relatives à une praxéologie dont les éléments technologiques sont « faibles ».

C’est-à-dire qu’il y aura moins de points d’appui, propres au savoir mathématique, pour

mobiliser la praxéologie ou certains de ses éléments. De plus, les appuis technologiques qu’il

pourrait y avoir seront sans doute peu articulés entre eux.

- En général, l’organisation de l’étude d’après les manuels semble être en rapport avec un

« modèle enseignant » techniciste, qui privilégie le moment du travail de la technique au

détriment d’autres moments, notamment celui de la première rencontre et de la constitution

d’un bloc technologique. Comme nous l’avons signalé dans les points précédents, cette

centralisation sur les techniques – parfois strictement rudimentaires – réduit les connaissances

à mobiliser lors de l’accomplissement des tâches (s’il n’y a « rien » à justifier, il ne s’agit que

de l’ostension de la technique), ce qui ne favorise pas la stabilisation des rapports : le travail

de conformité des rapports personnels aux institutionnels est principalement pris en charge

par les élèves. Donc, les appuis institutionnels dont on pourrait se servir pour de futures

gestions mémorielles sont plus limités.

Nous allons reprendre plus loin certains des points signalés dans les paragraphes précédents,

notamment au chapitre 9, lors de l’analyse des effets de la « vie institutionnelle » sur la

gestion de la mémoire par les professeurs dans les classes observées. Dans ce chapitre, nous

mettrons davantage en évidence, les différents assujettissements auxquels semblent être

soumis les sujets des institutions.

Dans ce qui suit, nous précisons les passages relatifs à la gestion de la mémoire dans notre

corpus. Nous exemplifions aussi les analyses menées des séances observées, à partir de deux

transcriptions de classe relatives au même thème, une pour chaque professeur.

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

Chapitre 7 : Exemples des analyses 

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 197

CHAPITRE 7

CRITERES DE SELECTION DES PASSAGES

ANALYSES DE LA GESTION DE LA MEMOIRE : EXEMPLES

7.1 Critères de séléction des passages

7.2 Analyse des séances sur la factorisation des polynômes au Costa Rica

Dans ce chapitre, nous décrivons tout d’abord les passages considérés comme secondaires lors

de l’étude de la gestion de la mémoire didactique dans les classes de mathématiques. Dans un

deuxième temps, nous montrons deux exemples (un pour chaque professeur) du type

d’analyses menées pour repérer les gestes mémoriels accomplis par les enseignants.

L’objectif de ce chapitre est de montrer le type d’analyses menées pour étudier la gestion de

la mémoire dans la classe, ainsi que de tirer des éléments de réponses de trois de nos

questions de recherche :

Q1. Que fait le professeur pour réactiver les objets et les rapports aux objets de l’univers

cognitif de la classe ? Comment l’enseignant gère-t-il la mémoire didactique de la classe ?

Q2 Quelles sont la nature et la structure des « cadres institutionnels de la mémoire

didactique » liés aux pratiques d’étude des mathématiques dans l’enseignement secondaire, et

qui permettent la remémoration des élèves ?

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 198

Une des conclusions de l’étude exploratoire (voir paragraphe 3.2.3) a pointé la nécessité

d’élaborer des critères de sélection des passages des transcriptions des séances observées.

Ceci, à partir d’une délimitation de ce que nous considérons comme d’ordre mnésique, et

relevant de notre problématique. Dans le paragraphe suivant nous présentons de tels critères,

ainsi que des exemples pour illustrer les extraits « secondaires » de notre corpus.

7.1 CRITERES DE SELECTION DES PASSAGES

Comme nous l’avons signalé dans la problématique, si l’on considère un souvenir comme une

reconstruction du passé, grosso modo, tout devient phénomène mnésique. La première

évidence de l’omniprésence de ces phénomènes tient dans le fait que nous avons besoin de

nous rappeler de manière souvent automatisée, voire inconsciente, le sens des mots dans un

groupe, pour pouvoir communiquer avec les membres de ce groupe. Quand il s’agit de

phénomènes didactiques scolaires, une telle « confusion » entre ce qui relève du passé et ce

« construit in situ » est encore plus accentuée, car la dialectique ancien/nouveau des objets de

savoir la rend légitime. Ainsi, pour qu’un objet de savoir puisse prendre place parmi les objets

d’enseignement, il est nécessaire qu’il devienne un objet à deux faces :

D’une part […] il doit apparaître comme nouveau, opérant une ouverture dans les frontières de l’univers de connaissances déjà exploré ; sa nouveauté permet que se noue, à son sujet, entre enseignant et enseignés, le contrat didactique […]. Mais d’autre part, en un second moment de la dialectique d’enseignement, il doit apparaître comme ancien, c’est-à-dire autorisant une identification (par les enseignés) qui l’inscrive dans la perspective de l’univers de connaissances ancien (Chevallard, 1991, p. 66 − 67)

Nous ne cherchons pas à distinguer, entre les interventions des acteurs, celles qui

« concernent le passé » et celles qui seraient, de préférence, des « constructions sur place ».

Ce faisant, nous entreprendrions une bataille perdue d’avance ! L’objectif est plutôt de

ponctuer les passages où les interventions de l’enseignant cherchent davantage à « aider » les

élèves à mobiliser par « eux-mêmes » des objets ou des rapports à ces objets. De telles

mobilisations peuvent être attendues pour atteindre des fins diverses : la correction d’une

erreur, la constitution d’une technologie, la mise en évidence d’une proposition fausse,

l’élaboration d’une technique, etc. En d’autres termes, nous dirions qu’il s’agit des gestes qui

contribuent à la « stabilisation » de rapports aux objets : gestes pour l’aménagement d’un

milieu pour la correction, pour la constitution d’une technologie, etc.

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 199

Nous avons décidé d’indiquer des types de passages que nous « excluons » de notre corpus

pour l’analyse, au lieu de préciser ceux que nous gardons. Ce choix répond à une démarche

méthodologique : une fois le corpus établi il faut s’y plonger pour analyser les gestes que

l’enseignant accomplit, et déterminer ceux qui correspondent à la gestion de la mémoire.

Nous décrivons donc les neufs passages que nous avons exclus du corpus en tant qu’épisodes

où l’enseignant, nous semble-t-il, ne gère pas de manière intentionnelle la mémoire didactique

de ses élèves.

1. Interrogations de la mémoire pratique sur des résultats de calculs

Il s’agit des passages où les enseignants demandent aux élèves le résultat d’un calcul, d’une

simplification, ou en général, l’application d’une partie d’une technique. Nous excluons ces

passages parce que même s’ils relèvent de mobilisations du passé, les gestes accomplis par

l’enseignant ne nous semblent pas poursuivre l’intention d’élaborer un milieu pour faire se

remémorer les élèves. En outre, normalement il s’agit des calculs, simplifications ou

techniques tellement transparentes et non problématisées par les élèves que leur application

pourrait être vue comme d’ordre automatique. Voyons deux exemples88 :

47 PROF=RB : [...] Entonces probemos con menos 2 tercios (8s). Cuánto es 3 por menos 2 tercios ?

48 E=M : Menos 8 49 PROF=RB : Menos 2, más 4 ? 50 E=V : 2 51 PROF=RB : 2. 2 por menos 2 tercios ? 52 E=V : Menos 4 tercios 53 PROF=RB : Menos 4 tercios, más 3 ? Menos 3 (5s). Menos 13 tercios, por menos 2

tercios ? (10s) 54 E=V : 26 … 55 PROF=RB : 26 novenos más 2 ? Va a dar cero ?

Ref: RB-2703200610H

51 PROF=SB : [...] Entonces vamos a ver, una x por 3, cuánto me va a dar? 52 Es : 3 x 53 PROF=SB : 3 x. Más, una x por menos 2 ?

88 Les extraits sont présentés en trois colonnes : le numéro du tour de parole, l’acteur qui intervient et l’intervention transcrite. Entre parenthèses et en italique sont notés des commentaires sur l’activité dans la classe, relevés par l’observateur. Le symbole « Es » indique que plusieurs élèves interviennent en même temps. Comme nous l’avons noté au chapitre 3, les références des transcriptions dans les annexes sont écrites en bas et à droite de chaque extrait.

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 200

54 Es : Menos 2 x. 55 PROF=SB : Menos 2 x. Cuánto me está sumando esto ? 56 Es : x 57 PROF=SB : Una x verdad. 3 x más menos 2 x, eso me va a dar, una x.

Ref: SB-2103200610L

2. Identifications lors de l’application d’une technique

Il s’agit des demandes d’identification que fait l’enseignant en donnant aux élèves le nom de

la « catégorie » qu’il veut qu’ils reconnaissent dans une expression. Nous ne retenons pas ces

passages car, même si les élèves ont besoin de « mobiliser » un certain rapport à la

« catégorie » pour pouvoir retrouver l’élément attendu, l’enseignant ne cherche pas à « aider »

l’élève à dire ou à faire quelque chose. C’est une question directe à laquelle l’élève répond

normalement sans difficulté. Voyons deux exemples :

170 PROF=RB : [...] En este trinomio, cuánto daría a ? (P se refiere a: 2x²-x-7) [...] 175 E : 2 176 PROF=RB : 2. b? 177 E : Menos 1 178 PROF=RB : Menos 1. c ? 179 E : Menos 7

Ref: RB-2203200610G

56 PROF=RB: A ver aquí cuál es el coeficiente principal? (19’54, P se refiere a: y4-15y3+86y²-176y+105).

57 Es: Uno 58 PROF=RB: Uno. Y el término constante? 59 Es: 105

Ref: RB-2104200610G

3. Récapitulations

Il s’agit des synthèses, que fait l’enseignant, du travail réalisé par la classe pendant une

certaine période de temps. Comme nous l’avons signalé en 3.2.3 dans les conclusions de

l’étude exploratoire, ces gestes font partie du travail propre aux pratiques enseignantes et sont

liés à la structuration de l’enseignement. En outre, même si la gestion de la mémoire est

présente lors de l’énonciation des points principaux « qui viennent d’être aperçus », il s’agit

plutôt de pointer des éléments d’une mémoire de l’avenir (voir paragraphe 3.2.2.1) et non des

actions pour « se remémorer » quelque chose. Voyons des exemples :

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 201

Le premier extrait est tiré de la première séance d’« inspection » de la 10eH. Une fois que Ron

a fini de montrer la technique, il intervient en disant :

23 PROF=RB : Entonces la idea es descomponer el/ bueno ordenarlo, ascendente o descendentemente, poner los dos términos de aquí y verificar que al multiplicar y sumar, lo que corresponde me va a dar el término del centro [...].

Ref :RB-2003200610H

Le deuxième extrait est tiré de la troisième séance sur la « division synthétique » de la 10eL.

Un exemple vient d’être donné au tableau :

59 PROF=SB : [...] Este es proceso que usted hace digamos para factorizar esto por, el método de división sintética. Si? Saca los divisores, luego vea a ver cuál es el que le va a dar cero, busca el cociente y busca el divisor [...]

Ref : SB-1804200610L

4. Institutionnalisations

Il s’agit des passages où l’enseignant indique ce qu’il faut retenir de ce que la classe est en

train de faire. Cela peut concerner des indications provisoires, lors de l’élaboration d’une

technique par exemple − indications que nous pourrions nommer des éléments d’une mémoire

officielle de la classe, en utilisant la classification de Matheron − ou des indications à

considérer pour une durée plus longue − en devenant des éléments d’une mémoire

institutionnelle. Nous ne retenons pas ces passages pour des raisons similaires à celles

exposées dans les récapitulations : ce sont plutôt des éléments d’une mémoire de l’avenir.

Voyons deux exemples :

36 PROF=RB : [...] Y en este caso, es una suma de cuadrados, verdad. Cuando nos pase eso, no vamos a poder seguir, no vamos a poder factorizar, entonces decimos que este polinomio... no se puede factorizar en R. O cuando no se puede factorizar en R, decimos que es un polinomio irreducible

Ref : RB-2203200610G

x²+4x+20 =(x²+2⋅x⋅2+4)-4+20 =(x+1)²+16 x²+4x+20 no se puede factorizar en Rx²+4x+20 es irreducible

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 202

50 PROF=SB : [...] Nada más necesito que se recuerden de esa, de esa respuesta que estamos escribiendo aquí. El dividendo es igual a, cociente por, divisor más, residuo. Si el residuo me da cero, yo ya tengo el dividendo escrito en factores [...]

Ref : SB-2803200610M5. Répétitions

Ces interventions de l’enseignant ont déjà été exposées dans les conclusions de l’étude

exploratoire. Il s’agit des répétitions que fait le professeur d’une réponse ou d’un

commentaire des élèves. Suivant Mercer (1997), la fonction de ces gestes ne porte pas sur la

mobilisation intentionnelle de connaissances anciennes, mais plutôt sur l’incorporation dans

« le discours de ce que disent les élèves afin de rassembler leur contributions pour construire

des significations plus générales » (p. 36). Ainsi, comme l’avait remarqué, lors de l’entretien,

une des enseignantes participant à l’étude exploratoire, les professeurs répètent pour que toute

la classe entende. Nous remarquons aussi que les répétitions servent aussi de geste de

validation des réponses données par les élèves. Voyons des exemples :

7 PROF=RB : [...] El 30, hay varias posibilidades para factorizarlo con enteros, verdad. Como cuáles ?

8 E : 6 por 5 9 PROF=RB : 6 por 5, cuál otra ? 10 E=M : 3 por 10 11 PROF=RB : 3 por 10. Qué más ? 12 E : 15 por 2 13 PROF=RB : 15 por 2. Qué más ? 14 E=R : 30 por 1 15 PROF=RB : 30 por 1 [...]

Ref : SB-2803200610L

169 PROF=SB : Menos dos. Muy bien. Entre menos 2, muy bien. Siguiente paso trazo esta barrita... y?

170 E : Bajo el primer término 171 PROF=SB : Bajo el primer término. Cuál es el primer término aquí para nosotros? 172 E : 3 173 PROF=SB : Lo bajamos y lo ponemos después de la barra. Multiplico, 3 por menos 2? 174 E : Menos 6 175 PROF=SB : Menos 6. Ahora qué hago? Sumo verdad? Menos uno y menos seis me quedan? 176 Es : Menos 7 177 PROF=SB : Menos 7. Por menos 2? 14 Ahora qué hago? 178 E : Sumo 179 PROF=SB : Sumo […]

Ref : SB-2803200610L

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 203

6. Applications de quelque chose qui vient d’être montré

Il s’agit des passages où l’enseignant vient de montrer « quelque chose » au tableau (une

manière d’accomplir une tâche). Ensuite, lors les exemples suivants, il attend que les élèves

indiquent les résultats qu’on obtient au fur et à mesure que la même technique est appliquée à

d’autres expressions. En d’autres termes, une des clauses du contrat d’ostension est mise en

évidence : les élèves doivent reconnaître dans d’autres circonstances ce que le professeur a

montré. Nous excluons ces passages car, même si les gestes qu’accomplit l’enseignant pour

guider l’application de la technique aident les élèves à se remémorer « la manière de faire »,

on peut considérer que le rapport à l’objet nouveau « est en train de se stabiliser », voire de

s’établir. Donc, il ne s’agit pas forcément d’une mobilisation du passé. Voyons des exemples :

61 PROF=RB : [...] ¿Aquí? (P se refiere al polinomio: x2 + 4ax + 4a2) 62 E=G : x por x 63 PROF=RB : x por x. ¿Y aquí? (P se refiere al tercer término del polinomio) 64 E=G : 2 por 2. 65 E : 2 a por/ 66 PROF=RB : 2a. ¿Cuánto da el producto de estos ? 67 E=M : 2 a x 68 Es : (otras intervenciones de estudiantes inaudibles) 69 PROF=RB : Y 2 a x, verdad. La suma da 4 x. ¿Mjú? ¿Entonces cuáles son los factores? 70 E=M : 2 a más/ 71 Es : (otras intervenciones de estudiantes inaudibles) 72 PROF=RB : x más 2 a 73 Es : x más 2 a

Ref : RB-2003200610G

64 PROF=SB : [...] ¿Qué me dicen, cuáles serán las expresiones ahí? (P se refiere al polinomio: x² - x - 12).

65 E=Fe : x por x, y 4 por 3 66 PROF=SB : ¿Cuáles son los factores de… de ese 12? 67 E=A : ¿De quién? 68 PROF=SB : De ese menos 12. Porque bueno x a la 2 ya Fernando me está diciendo

efectivamente x por x; pero en el menos 12, ¿qué podemos poner? 69 Es : (inaudible comentario de estudiantes) 70 PROF=SB : 6 por 2. Ajá muy bien [...]

Ref : SB-1703200610M

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 204

7. Répétitions orales d’une technique

Il s’agit de la reprise que fait le professeur d’une « manière de faire » − technique − écrite au

tableau ou peut-être « pensée » par un élève. Dans le premier cas, nous dirons que

l’enseignant fait une lecture de ce qui est montré. Dans le second cas, il reconstruit ce qui

aurait pu être le « cheminement » de la résolution suivie par l’élève. Nous ne prenons pas en

compte ces passages, parce que les gestes qu’on y repère ne nous semblent pas être accomplis

afin d’« aider » les élèves à réactiver un rapport attendu par le professeur − même si lors des

répétitions ils ont pu mobiliser des rapports de manière privée. Ces gestes son plutôt réalisés

au titre de la validation d’une résolution et/ou afin de rendre ostensive une telle résolution.

Voyons des exemples :

70 PROF=SB : [...] bueno él agrupó estos dos y éste y éste. Aquí él sacó un p y aquí dejó el m a la 2 menos 1. Este es el factor común no? m a la 2 más 1. Aquí le va quedar p más? Y de este lado qué le va a quedar? 1 verdad, más 1. Ahora si, esto que está aquí es la diferencia de cuadrado, m menos 1 por m más 1. Y el p más 1 queda a la par de los dos factores.

Ref : SB-2703200610L

95 PROF=SB : [...] m a la 2 menos 5, ¿cómo sería esa? 96 E=JD : Sería m más raíz de cinco, por m menos raíz de 5. 97 PROF=SB : Muy bien. Si yo obtengo lo mismo que me acaban de decir aquí, voy a decir, bueno

voy a sacar la raíz de éste y voy a sacar la raíz de éste. De aquí, me va a quedar raíz, de m al cuadrado ¿sería? m verdad. Menos, raíz de 5 no es exacta ¿verdad? Entonces igual me va a quedar raíz de 5, entonces ese es nuestro a y nuestro b de la fórmula notable, que nos quedaría tal y como nos dijo el compañero: m menos raíz de cinco, por…

Ref : SB-0303200610M

8. Réponses directes de l’enseignant

Il s’agit des passages où l’enseignant intervient en répondant directement à une question

posée par un élève. C’est-à-dire que le professeur ne cherche pas à ce que l’élève « trouve par

lui-même » la réponse : c’est lui qui la donne. Outre les réponses de l’enseignant, nous

incluons dans cette catégorie des commentaires généraux qui portent l’intention de « dire » ou

« montrer » directement quelque chose aux élèves. Voyons des exemples.

(m2p – p) + (m2 – 1) p(m2 – 1) + (m2 – 1) (m2 – 1)(p + 1) (m – 1)(m + 1) (p + 1)

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 205

20 PROF=RB : [...] La tercera? (P se refiere a la expresión: ) 21 E : 7 x, 4 x a la 2, más 5 x 22 PROF=RB : No. 7 x a la 2 es el factor común... 4 x más 5. Si no le queda de nuevo el otro con

factor común [...] Ref : RB-2103200610H

267 E=E : Profe ahí cómo sería la respuesta? 268 PROF=SB : No en este caso así, si yo lo dejo dividido entre menos 2, sería P de x es igual a

qué? El cociente que me está dando, x a la 2 menos 2 x (55’00) más 2, más el residuo que sería, en este caso 4 porque tenía menos 2 [...]

Ref : SB-2803200610L

9. Questions monologue

Il s’agit des questions que l’enseignant se pose à lui-même au milieu d’une intervention, pour

faire participer les élèves, ou pour disposer de traces qui montreraient que les élèves suivent

son discours. Nous excluons ces passages de notre corpus, car il nous semble que, dans la

plupart des cas, les réponses données sont issues d’un effet du contrat : l’effet Topaze. C’est-

à-dire que la validation, ou non validation, émise par l’élève en affirmant ou en niant ce que le

professeur demande, pourrait être tirée de ce que le professeur vient de dire dans son

intervention, sans pour cela que l’élève reconnaisse effectivement l’attente de l’enseignant.

Voyons des exemples.

82 PROF=SB : Ok perfecto, entonces el primer paso para hacer la división sintética va a ser la misma historia. Vamos a ordenar en forma decreciente o descendente el dividendo. ¿El dividendo es este verdad?

83 Es : Si 84 PROF=SB : Y éste es el divisor! Lo que vamos a ir a buscar es el cociente y el residuo. Entonces

ordenemos en forma decreciente (ordenan el polinomio, los chicos le dicen). Eso sería ordenado en forma decreciente. ¿Si verdad?

85 E : Si Ref : SB-2803200610L

159 PROF=SB : [..] ¿Cuáles son los factores de 5 que nos podrían servir ahí? 160 E=S : 5 x por x 161 PROF=SB : Muy bien 162 E=S,F : 5 x por x 163 PROF=SB : O sea 5 por 1 o 1 por 5, sería en ese caso, ¿verdad? 164 E=F : Si 165 PROF=SB : O puedo poner ahí un ¿3 por 2?

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 206

166 E=F : No 167 PROF=SB : No porque necesito que me dé 5.

Ref : SB-1703200610M

Les neuf types de passages que nous avons décris ci-dessus et que nous considérons comme

des « critères de sélection »,

1. Interrogations de la mémoire pratique des résultats de calculs

2. Identifications lors de l’application d’une technique

3. Récapitulations

4. Institutionnalisations

5. Répétitions

6. Applications de quelque chose qui vient d’être montré

7. Répétitions orales d’une technique

8. Réponses directes de l’enseignant

9. Questions monologue

indiquent les types d’intervention que nous ne « regardons » pas dans notre corpus. Par

conséquent, ce dernier appelé corpus principal (CP), est désormais formé de cet ensemble de

passages « exclus » de l’intégralité des 44 séances observées. Rappelons que nous avons mené

des observations cliniques inspirées d’une approche ethnographique dans 4 classes de dixième

au Costa Rica : 14 séances dans la 10e G, 10 séances dans la 10e H, toutes les deux à la charge

de Ron, 10 séances dans la 10e L et 8 séances pour la 10e M, ces dernières à la charge de Sam.

Dans les paragraphes qui suivent, nous précisons « ce que nous regardons » dans notre

corpus CP.

Que considère-t-on dans les parties des corpus choisis ?

Selon la TAD, les organisations mathématiques et didactiques se construisent dialectiquement

dans une institution. Elles sont bâties à partir d’objets ostensifs et d’objets non-ostensifs qui

sont eux aussi déterminés de manière dialectique : « Los objetos non-ostensivos emergen de

la manipulación de objetos ostensivos pero, al mismo tiempo, dicha manipulación está

siempre guiada y controlada por objetos no-ostensivos » (Bosch, 2000, p. 5). Par conséquent,

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 207

il est nécessaire de tenter de considérer tous les types d’ostensifs (langagiers, scripturaux,

gestuels, graphismes, etc.) qui outillent les organisations mathématiques et didactiques dans

les classes. Or, comme l’affirment Sensevy et Quilo (2002) « dès que l’on étudie l’action du

professeur, on est confronté à des technique, au moyen desquelles le professeur initie et

maintient la relation didactique. Si l’on tente de décrire ces techniques, on constate le fait

suivant : ce sont pour l’essentiel des techniques langagières » (p. 47). Pour cela, nous mettons

principalement l’accent sur le discours de l’enseignant : ce qu’il dit, ce qu’il ne dit pas, ce

qu’il écrit, ce qu’il n’écrit pas.

Qu’observe-t-on dans « ce que fait » l’enseignant ?

Reprenant Sensevy et Quilo, nous dirons qu’étudier les tâches didactiques du professeur, c’est

« tenter de comprendre de quelle manière et à quelles fins il produit [entre autres choses] son

discours » (2002, p. 47). Dans ce sens, nous regardons, dans les interventions de l’enseignant,

ce qu’il fait (au sens large : ce qu’il dit, ce qu’il écrit, etc.) pour activer ou faire

remémorer, un élément y ∈ U(X), de l’univers cognitif des élèves. Parallèlement, nous

cherchons à interpréter le rôle et la place de ce y dans la construction ou la délimitation d’un

milieu pour l’enseignement que le professeur réorganise continuellement.

Fonctions de la mémoire : reformulations au sein de la TAD

Selon Julia Centeno (1991), les mémoires qui entrent en jeu dans la relation que maître et

élèves entretiennent dans le cadre d’un contrat didactique vont se différencier selon le sujet

auquel elles sont relatives (maître, élève, savoir, système didactique), et selon leurs fonctions.

Elle mentionne trois fonctions possibles : l’emmagasinement et la récupération de

l’information, la transformation des souvenirs et l’organisation des connaissances et des

savoirs. Au sein de notre cadre théorique, la TAD, il nous semble que nous pourrions redéfinir

ces trois rôles en utilisant la notion d’« univers cognitif » pour préciser de quoi il s’agit à

propos de ces « informations ». Rappelons que dans la modélisation du cognitif que

l’anthropologie des savoirs propose :

lorsqu’un objet o existe pour une personne x, on dit encore que x connaît o, le rapport R(x, o) précisant la manière dont x connaît o. On appelle alors univers cognitif de x l’ensemble U(x) = { (o, R(x, o)) / R(x, o) ≠ ∅ } (Chevallard, 2003, p. 82)

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 208

Nous proposons donc de nous centrer sur deux fonctions primordiales de la mémoire (nous

gardons la spécificité d’une telle mémoire : maître, élève, savoir, institution), que nous

décrivons de la manière suivante :

Fonction 1 : réactivation - L’activation d’un élément de l’univers cognitif − d’un sujet

x relatif aux objets du savoir mathématique − soumis aux contraintes et aux conditions

imposées par l’institution dont x est un membre, et où cette activation prend place.

Fonction 2 : changement - Le changement (transformations, organisations, re-

organisations) de l’univers cognitif de x relatif aux savoirs mathématiques89.

A partir de cette reformulation, nous dirons que les gestes qui nous occupent ont une fonction

du premier type. Comme nous l’avons signalé dans la problématique, il s’agit donc d’analyser

la tâche didactique d’« aider » les élèves à se remémorer par « eux-mêmes » ; tâche qui est

notamment commandée par une des clauses du contrat scolaire : le professeur ne peut pas dire

directement les choses à l’élève parce que l’interaction didactique suppose que l’élève fasse

sien ce qu’il apprend. Lors de l’accomplissement de cette tâche nous cherchons à identifier en

quoi l’enseignant appuie ses demandes pour faire se remémorer les élèves. Les éléments de

réponse à cette question nous semblent nous rapprocher de ce que l’on a pu nommer les

cadres institutionnels de la mémoire didactique.

7.2 ANALYSE DES SEANCES SUR LA FACTORISATION DES POLYNOMES AU COSTA

RICA

Comme nous l’avons indiqué dans la méthodologie, nous avons observé quatre classes de

dixième, la 10e G et 10e H à la charge de Ron, et la 10e L et 10e M pour Sam90. Dans ce

paragraphe, nous exemplifions à partir de deux exemples (la première séance sur la

factorisation de polynômes de la 10e H et de la 10e M) l’analyse menée pour repérer les gestes

mémoriels et pour dégager des éléments constitutifs des cadres de la mémoire didactique.

89 Nous ne rejetons pas l’hypothèse, sûrement vraie, que F1 et F2 sont dialectiquement présentes ; c’est-à-dire que l’activation d’un élément de l’univers cognitif peut impliquer une confirmation, transformation ou re-organisation de cet univers, et inversement que les changements dans l’univers sont dûs à l’activation de ces éléments. 90 Au chapitre 9, nous précisons les caractéristiques des classes de chaque professeur en terme d’organisation de l’étude, des contrats didactiques instaurés et les organisations didactiques institutionnelles dominantes.

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 209

Avant de présenter les exemples, rappelons les questions qui guident l’analyse des corpus

choisis :

Comme nous l’avons signalé, nous supposons que les deux fonctions de la gestion mémorielle

(activation et changement) sont dialectiquement accomplies, même si l’on privilégie celle de

l’« activation » pour les analyses.

7.2.1 EXEMPLE D’ANALYSES MENEES : CLASSE 10G (RON)

Nous présentons l’analyse de la première séance de factorisation dans la 10e G, classe de Ron.

En nous appuyant sur les extraits de transcriptions qu’on présente au fur et à mesure nous

avançons notre exposé. Dans ces extraits, nous surlignons en gris les interventions du

professeur qui, d’après nous, concernent la question : « que cherche à réactiver

l’enseignant ? »

Séance 1 : RB-2402200610G – Introduction et facteur commun

1 PROF=RB (P escribe « Factorización » en la pizarra. 01’16) Qué es factorizar ? 2 E=K Reducir 3 E=J Sacar factores 4 PROF=RB Pero diay quedamos en las mismas, qué significa sacar factores ? Pero espérese ya

voy, qué significa reducir ? 5 E=K Di hacerlo más pequeño. 6 PROF=RB Y cómo hago más pequeño ? 7 E=(C)arla Simplificando. 8 PROF=RB Mm? 9 E=C Simplificando. 10 PROF=RB Y cómo? (risas de algunos estudiantes). Por ejemplo si yo digo que factorice 80.

Dans les séances que nous analysons, il s’agit de révisions sur la factorisation des polynômes ;

les élèves devaient avoir déjà rencontré, dans la classe de neuvième, certains types de tâches

relatives à ce thème, et qui nécessitaient l’usage des techniques telles que la mise en facteur

- Que cherche à réactiver l’enseignant ? F1 : (Ré)Activation de y ∈ U(X)

- Sur quoi s’appuie-t-il pour une telle réactivation ?

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 210

commun, le regroupement et les identités remarquables. Ainsi, le but initial de l’enseignant, et

qui va guider ses interventions, nous semble être la remémoration par les élèves des

connaissances relatives à la factorisation. Aussi, pour indiquer le sujet à étudier pour cette

séance, et mettre en évidence son objet, il écrit au tableau « Factorisation », suivi de la

question : « qu’est-ce que factoriser ? » En ce qui concerne l’ostensif scriptural

« factorisation », le professeur s’appuie sur le sens commun du mot dans l’institution

« classe de maths », tandis que pour la première question posée, il s’appuie sur la définition

d’une technique91. Les deux interventions de la ligne 4 relèvent de la construction d’un milieu

où le professeur tente d’éclairer le sens de « factoriser » − qui semble imprécis, d’après les

réponses données par les élèves. Le professeur attend que le sens de « factoriser » puisse être

spécifié par les élèves à travers la définition de deux pratiques − ou, si l’on préfère, la

réactivation de leurs rapports à ces deux pratiques − à partir des deux questions : « que

signifie factoriser par une expression ? » et « que signifie réduire ? » La question posée à la

ligne 6, « comment fait-on pour faire plus petit ? », révèle l’intention de spécifier le sens de

factoriser que nous venons de remarquer. Cependant les définitions et descriptions demandées

sont relatives à des objets paramathématiques92 (Chevallard, 1991) et donc difficilement

verbalisables par les élèves − et nous dirons, même pas par l’enseignant, dans certains cas.

Toujours dans le but de définir factoriser, les deux gestes qui suivent s’appuient sur la

réalisation d’une pratique (« et comment », ligne 10) sans que pour autant la tâche soit

effectivement réalisée ; cela vise à replacer les élèves dans ce qu’ils faisaient pour accomplir

une telle tâche. Enfin, l’enseignant décide de renvoyer à un exemple concret (« par exemple

si je vous dis, factorise 80 »), mais dans un autre domaine − l’arithmétique −, différent de

celui où l’étude va se centrer : l’algèbre. Remarquons que la tâche proposée n’est pas encore

indiquée comme étant « à faire » en classe. Elle joue plutôt le rôle d’indicateur plus précis,

pour inciter les élèves à se remémorer « ce qu’ils faisaient » lors d’une factorisation.

Poursuivons dans l’analyse du corpus.

11 E=C Sacándole el mínimo común múltiplo. 12 PROF=RB Ah ? 13 E=C Sacándole el mínimo común múltiplo. 14 PROF=RB Qué significa la palabra común ? Cuando uno dice común …

91 Remarquons la difficulté de répondre à cette question pour des élèves qui devraient être habitués à « faire » des factorisations et pas forcément à décrire verbalement ce qu’ils font. 92 « Nociones que podemos llamar « paramatemáticas »: por ejemplo, la noción de parámetro, la noción de ecuación, la noción de demostración […] son nociones-herramienta de la actividad matemática: « normalmente » no soy objetos de estudio para el matemático » (Chevallard, 1991, p. 58).

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 211

15 E=C Que dos términos tengan los mismos divisores. 16 PROF=RB Entonces si hay dos números, ahí hay dos números ? 17 E=C No. 18 PROF=RB Entonces no puede haber nada común. Cuando uno habla de común, tiene que

ser común entre varios verdad, no nada más de uno. Entonces no es con eso. Qué es factorizar el 80 ? (P escribe “factorice 80“ en la pizarra, 17s). Uh ? Ah no es conmigo. Qué era sacar los factores? Sacar los factores y factorizar no es lo mismo. Es parecido pero no es lo mismo. Qué es factorizar ? Acuérdense de la niña en quinto o en sexto, qué les dijo que era factorizar (risas de algunos estudiantes). Ya hace mucho. Qué es factorizar Diego. Si a usted le dicen, factorice 80 porque si no se muere, qué hace? (5s) ¿Mm?

19 E=D Di no sé. 20 PROF=RB Se muere.

Dans ce passage, nous rencontrons les deux types de fonctions indiquées plus haut :

réactivation (F1) et changement (F2). Dans la ligne 14, la question « que signifie le mot

commun ? » cherche à réactiver un rapport à partir de la verbalisation d’une définition. Dans

la ligne 18, nous relevons l’« apparition » des deux fonctions. En gras, le professeur justifie

− « fixe » −, à partir d’une argumentation relative au sens du mot « commun », pourquoi la

réponse de l’élève (« avec le plus petit commun multiple », ligne 13) n’est pas même

concevable. Les trois interventions suivantes (« qu’est-ce que factoriser 80 ?, écrire au tableau

« factorise 80 » et « qu’est-ce que c’était factoriser par une expression ?) sont d’une nature

déjà rencontrée dans les passages précédents : ostensif scriptural et définitions de pratiques.

La phrase « calculer les facteurs et factoriser n’est pas la même chose ; c’est pareil mais ce

n’est pas la même chose » remplit d’après nous les deux fonctions mémorielles : fixer pour

l’avenir que les expressions « calculer les facteurs » et « factoriser » font allusion à des non-

ostensifs différents, et indiquer aux élèves qu’ils doivent le prendre en compte pour donner

une réponse, car confondre les deux genres de tâches n’est pas convenable.

Dans cette même partie, on rencontre un nouvel élément de référence du rappel dans le geste

de l’enseignant, c’est celui du temps naturel scolaire qui, pour un élève − comme nous

l’avons indiqué au paragraphe 4.1 − peut s’appuyer sur les années scolaires. Nous y

rencontrons aussi l’évocation d’un personnage de ce temps, « la maîtresse », qui devient un

élément du milieu, au sens large, de l’élève à l’école primaire. A la fin de la ligne 18, nous

interprétons la question que l’enseignant pose à Diego (« Qu’est-ce que c’est factoriser

Diego ? ») comme un appui sur le rapport personnel d’un élève pour aider les autres élèves à

réactiver eux aussi leurs rapports. Pourtant, nous ne pouvons pas dire si le choix de l’élève

était fait au hasard, ou si Ron cherchait un « bon élève » qui aurait pu donner la réponse pour

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 212

faire avancer le temps didactique. En tout cas, l’intervention ne réussit pas car l’élève ne

répond pas.

21 E=Jo Profe no es hacerlo pequeñito ? 22 PROF=RB Qué es hacer 80 pequeñito, lo borro y lo escribo más pequeñito ? 23 E=Jo No, lo divido hasta que ya no se pueda. 24 PROF=RB Lo divido hasta que ya no se pueda. 25 E=Jo Bueno yo me acuerdo de la escuela que nos ponían hacer eso (risas de la mayoría

de los estudiantes). 26 PROF=RB Hacer qué ? 27 E=Jo Que nos ponían a dividir el número y se simplificaba. 28 PROF=RB Venga haga eso que está pensando. 29 E=Jo Si, si … (Jo va a la pizarra). Sólo lo divido y lo divido ? 30 PROF=RB Diay no sé, haga a ver (03’44, figura adjunta).

Les deux gestes (« rendre 80 plus petit » et « quoi faire ») que nous identifions dans les lignes

22 et 26, concernent toujours l’appui mémoriel à travers la description de pratiques. Mais,

comme les élèves n’arrivent toujours pas à les verbaliser, le professeur envoie Jo au tableau

pour le faire se replacer dans des moments où il accomplissait cette tâche ; pensant que

« faire de nouveau » l’aidera, et à travers lui la classe entière, à réactiver les raisons qui

justifient la réalisation de cette technique (la décomposition en facteurs premiers d’un

nombre).

31 E=Jo Y diay, este 5 (Jo lo contorna con un rectángulo) era eso (risas de los estudiantes).

32 PROF=RB Y por qué ? 33 E=Jo Porque hasta aquí es donde se podía reducir. Diay es lo que me acuerdo. 34 PROF=RB Y el 80 qué se hizo ? 35 E=Jo Diay se hizo así (Jo señala lo que acaba de hacer en la pizarra, risas de los

estudiantes). Ya ya, no, es en serio. Di si profe, porque si yo lo reducí. 36 PROF=RB Y esto ? (P indica la columna a la derecha de la raya, en el desarrollo del

estudiante). 37 E=Jo Si y esto también tiene que ver algo. Pero… 38 E=C No, eso se multiplica (en voz más baja que la de Jo). 39 PROF=RB Pero qué ? 40 E=Jo No sé profe. No sé, es que yo me acuerdo que eso había que hacerlo. 41 PROF=RB Pero para qué ? 42 E=Jo Para hacerlo chiquitico (risas de los estudiantes).

Factorice 80 2 40 2 20 2 10 2 5 5 1

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 213

L’intervention de Jo permet d’intégrer dans les échanges entre professeur et élèves, les

ostensifs issus des traces de la technique écrite au tableau. Les élèves y voient des nombres

premiers que l’enseignant cherche à faire reconnaître comme indispensables pour obtenir une

factorisation complète. C’est, d’après nous, la réponse qu’il attend aux questions des lignes

32, 34 et 41 : « et pourquoi ? », « et que se passe-t-il pour le 80 ? », « mais pourquoi ? ». Ces

trois questions, ainsi que celle de la ligne 36, s’appuient sur les ostensifs écrits au tableau et

sur la pratique accomplie pour demander des justifications de la technique utilisée. En

particulier, étant donné que Jo ne progressait pas vers la réponse attendue par le professeur, ce

dernier indique avec le doigt la colonne des nombres à droite de la ligne, afin de désigner ce

que Jo doit remarquer pour y parvenir. Enfin, relevons l’évolution des questions que pose

l’enseignant : il passe de « qu’est-ce que c’est ? », qui est une question appelant pour réponse

un élément technologico-théorique θ/Θ, à « comment fait-on ? », qui appelle une réponse en

termes de savoir-faire T/τ. Finalement, il demande « pourquoi fait-on ainsi ? » qui appelle à

nouveau une réponse en termes technologico-théoriques θ/Θ.

43 E=J Diay son factores los de la derecha, es lo mismo multiplicar todo eso y da 80 igual.

44 PROF=RB Todo lo de la derecha multiplicado da 80, y eso es factorizarlo ? 45 E=J Diay son factores, no ? 46 E=C Di sí, quedaría 2 a la 4 por 5, no ? 47 PROF=RB Ah ? 48 E=C Si porque quedaría 2 a la 4 por 5, sería una factorización de 80 (mientras, P

escribe en la pizarra: 24⋅5). 49 E=J Si porque 16 por 5... 50 PROF=RB Y por qué eso es una factorización de 80 ? 51 E=K Ay Dios mío, porqué… 52 PROF=RB Eso da 80. 53 E=C Ajá. 54 PROF=RB Y esto es una factorización de 80 ? (05’07). 55 E=K Ay Dios mío porqué... 56 PROF=RB Eso da 80 ? 57 Es Si, ajá. 58 PROF=RB Y esto es una factorización de 80 ? 59 E=K Diay si ! 60 PROF=RB Por qué ?! Bueno si es cierto, es una factorización de 80, pero por qué ? 61 E=(Ka)rla Porque da igual a 80, no ?

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 214

A la ligne 44, notons une intervention du professeur qui semble destinée à « déstabiliser »

l’élève J en reprenant sa réponse sous forme interrogative : « c’est la même chose si l’on

multiplie tout, on aura 80 comme résultat ? ». Ainsi espère-t-il sans doute, dans le meilleur

des cas, parvenir à réactiver auprès de cet élève ou de la classe des éléments permettant de

justifier l’affirmation précédente donnée par J. Plusieurs expressions sont prononcées par K

(« Ô mon Dieu, pourquoi ! », « ben oui ! ») comme indices montrant qu’elle ne comprend pas

ce que l’enseignant attend comme réponse. A la ligne 60, il semblerait que le professeur

essaie de réduire l’incertitude dans laquelle se trouve la classe, en accomplissant un geste de

fonction F2 (changement), grâce auquel il « fixe » une prémisse pour continuer la recherche

des justifications attendues (« bon d’accord, celle-ci est bien une factorisation de 80 »).

62 PROF=RB Esto es una factorización de 80 ? (P escribe en la pizarra: 50+30=80) 63 Es No 64 E=J No porque, multiplicados no dan 80. 65 E=G Porque hay suma. 66 PROF=RB Y qué ? 67 E=G Y no es multiplicación, no ? 68 PROF=RB No sé, yo estoy preguntando, ** pregunta. Esta no. Estas ? (P escribe 20⋅4=80,

16⋅5=80). Esta es factorización de 80 ? (P escribe 40⋅2=80) Uh ? (6s) 69 E=Jo Profe pero la única factorización no sería esa, la primera. O se pueden otras ? 70 PROF=RB Diay le estoy preguntando (risas de algunos estudiantes). Usted qué cree ? 71 E=Jo Diay yo pienso eso. 72 PROF=RB Qué piensa. 73 E=Jo Que la única factorización que se podría es esa.

L’usage du contre-exemple (« 50+30=80 ») dans la ligne 62 essaie de « faire voir et faire

dire » aux élèves, qu’il est nécessaire, mais pas suffisant, que le résultat de l’opération soit 80.

L’intervention va dans le sens du but que s’est fixé l’enseignant, car les élèves J et G

remarquent qu’il s’agit bien d’une somme (ligne 65), et non d’une multiplication (ligne 64).

L’emploi des exemples de la ligne 68 (« 20⋅4=80, 16⋅5=80, 40⋅2=80 ») qui, d’après nous,

cherchent à mettre en évidence auprès des élèves qu’il peut exister des factorisations non

nécessairement complètes, réussit au moment où Jo remet en question son rapport à

l’expression précédemment écrite : 80=24⋅5. Ce qu’indique sa question : « mais prof, la seule

factorisation (valable) est la première, n’est-ce pas ? » (ligne 69).

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 215

74 PROF=RB Por qué, qué es factorizar, entonces ? 75 E=Jo Di no sé profe, es como, como… 76 PROF=RB Sí estamos deacuerdo que cuando uno habla de factores, está hablando de… 77 Es Multiplicación. 78 PROF=RB Nada más, verdad. 79 Es Mmjú 80 PROF=RB Entonces esto (P indica 50+30=80), jamás puede ser una factorización. Y por qué

la primera si y la otra no ? Si las dos son multiplicaciones que dan 80 (14s). O ésta (07’00, P indica 16⋅5=80). O ésta (P indica 40⋅2=80). Esas tres de abajo son o no son factorizaciones de 80 ?

81 E=K Si. 82 PROF=RB Por qué ? 83 E=K Di porque son factores y al final va a terminar dando 80 igual que el de arriba.

Nada más que 2 a la 4 es, tiene … si, es exponente y ya. 84 PROF=RB Nada más? (P escribe arriba de 24⋅5=80, 4²⋅5=80) 85 E=K Di si, es la única diferencia. Porque si usted resuelve ese 2 a la 4, da 16 por 5 y

abajo está también. 86 PROF=RB Ajá. 87 E=K Entonces... es igual.

Les lignes que nous mettons en italique nous semblent ne pas relever de phénomènes

mémoriels tels que nous les appréhendons à partir de nos catégories F1 (réactivation) et F2

(changement). Par exemple, l’intervention « Pourquoi, qu’est-ce c’est alors factoriser ? »

(ligne 74) peut être interprétée dans le sens suivant, excluant le rappel en mémoire de rapports

personnels anciens. Les élèves ont déjà essayé de répondre aux questions de l’enseignant,

mais comme ils n’ont pas réussi, la demande du professeur devient un appel à produire une

réponse à partir des commentaires et « réponses incomplètes ou fausses » qu’ils ont données,

plutôt qu’en essayant de réactiver des rapports anciens, car ils ont pour la plupart failli. Dans

la ligne 76 (« on est bien d’accord que quand on parle de facteurs on parle de

multiplication »), nous rencontrons une intervention pour « fixer » ou « baliser » le chemin

vers la réponse attendue. L’intervention est placée à un moment où les élèves ont besoin de

points d’appui − car les réponses données étaient fausses − pour répondre aux questions du

professeur. Nous retrouvons dans ce passage à nouveau la demande d’explications

(« Pourquoi ? », ligne 82) et l’usage de contre-exemples (24⋅5=80, 42⋅5=80, ligne 84), ainsi

qu’une autre intervention de l’enseignant qui « fixe » le fait que, quand on parle de

« facteurs », on parle de « multiplication ». Il délimite ainsi le milieu − en tant que lieu

cognitif − avec lequel les élèves doivent interagir pour justifier ce qu’est factoriser.

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 216

88 PROF=RB Y para qué hacían esto, entonces ? (P señala lo que hizo Jo al inicio). 89 E=G Para ver los factores es? 90 E=K Para sacar los exponentes (llaman a la puerta, 08’01). 91 E=Jo Para sacar ese 2 a la 4 por 5. 92 PROF=RB Pero para qué queríamos el 2 y el 5 ? 93 E=Jo (varios estudiantes responden) Para hacerlo más chiquitico (08’09, la persona que

llamaba a la puerta conversa con P). Uno para qué en las raíces hacía eso ? 94 E=J Mm? 95 PROF=RB Para qué hace eso uno en la raíz ? 96 E=J Di para/ 97 E=Jo Di para sacarlo de raíz, no? 98 E=J No, no, porque esos son factores (inaudible el resto de la conversación. Otros

estudiantes hablan al mismo tiempo. 08’47) 99 PROF=RB Factorizar es expresar un número, cómo… una multiplicación. 100 E=K De factores 101 PROF=RB Bueno si es un número, pero ya ustedes saben que también se vale factorizar

polinomios, verdad ? Entonces factorizar va a ser expresar como multiplicaciones. Entonces, esas cinco que están ahí, son factorizaciones de 80. Qué tiene de especial esa, 2 a la 4 por 5 ?.

102 Es Los exponentes. 103 E=G Los exponentes, es una potencia, no ? 104 PROF=RB Bueno, de hecho todas si las pensamos con exponente 1. 105 E=G Tienen potencias no ?

Remarquons l’usage dans les lignes 88, 92 et 101 d’ostensifs considérés par le professeur

comme assez significatifs (ostensifs détonateurs) pour que les élèves puissent réactiver leur

rapport à l’objet « factorisation complète » : un nombre est complètement factorisé s’il n’y a

que des nombres premiers dans sa décomposition. A la ligne 93 nous interprétons la référence

aux « racines » comme un essai, de la part de l’enseignant, pour faire changer de point de

vue les élèves, pour qu’ils puissent se rappeler qu’on devait trouver d’abord la factorisation

complète du nombre pour pouvoir calculer sa racine n–ième. Nous interprétons cela comme

l’expression de la volonté du professeur de replacer les élèves dans un autre niveau de co-

détermination didactique : passer de la factorisation de nombres entiers aux calculs de racines

non entières − donc, de les placer au niveau de co-détermination plus large des nombres réels.

L’intervention en gras de la ligne 101 peut être vue comme permettant la fixation d’un point

de repère pour les élèves : « ces cinq qui sont là sont des factorisations de 80 », pour indiquer

qu’on ne met plus en question le fait qu’elles soient ou pas des factorisations. Désormais,

comme l’indique le professeur, l’intention est de particulariser « ce qu’il y a de spécial » :

l’expression 24⋅5. Enfin, remarquons l’usage d’un contre-exemple, qui peut être

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 217

« sensiblement capable » d’influencer (confirmation, réorganisation) le rapport aux

puissances.

106 PROF=RB Mm ? … la primera también (9s). Qué tiene de especial ? 107 E=J Porque es la factorización completa, no ? 108 PROF=RB Y por qué se llama factorización completa ? 109 E=J Di porque está reducido a… a los exponentes. 110 PROF=RB Mm ? 111 E=Ka Al máximo 112 E=J O al máximo. 113 PROF=RB Qué es reducir al máximo o factorizarlo al máximo, diay porque es lo mismo. 114 E=Ka Di porque sacó el máximo común divisor. 115 PROF=RB No le oí nada. 116 E=Ka Di sacó el máximo común divisor, no ? 117 PROF=RB No, de nuevo, no puede haber máximo común divisor porque, común a

quién ? No, ahí se factorizó completamente el 80, porqué sé que esa es la factorización completa de 80?

118 E=G Porque el 80 se hizo 1. 119 E=J Si porque quedó hasta 1. 120 PROF=RB Diay si le saco, si lo divido entre 20 y después entre 4 también queda 1 (13s).

Mm ? Qué tiene de especial esa, por qué se llama factorización completa ?. Debe haber una razón para que se llame así. Cuando uno factoriza, la idea es multiplicar dos números de qué tipo ? Porque el 80 también lo puedo obtener multiplicando, 40 raíz de 2 por raíz de 2. O lo puedo obtener multiplicando 160 por un medio; pero eso no nos interesa, verdad ? Cuando a uno le piden que factorice números, sólo lo va a factorizar con el producto de números … de qué tipo ?

121 E=J Enteros. 122 PROF=RB Enteros. Y positivos verdad, bueno. Sólo nos interesa con el producto de números

enteros ? Pero ahí, el 2 y el 5, qué característica tienen ? Que no tiene el 16, ni el 20, ni el 4, ni el 40.

Dans ce passage nous retrouvons à nouveau la demande adressée aux élèves d’évoquer des

éléments technologiques : « pourquoi s’appelle-t-elle factorisation complète ? » (ligne 108),

« qu’est-ce que c’est réduire au maximum ? » (ligne 113). La ligne 117 porte sur une

intervention du type F2 (changement) qui s’appuie sur l’histoire de la classe, car au début de

celle-ci l’enseignant fait référence à ce qui avait déjà été traité : « non, à nouveau, il ne peut

pas y avoir un PGCD parce qu’il sera commun à quoi ? » Notons aussi, l’usage de contre-

exemples (« si je le divise par 20 et après par 4, il reste aussi 1 » ou « multipliant 40 fois

racine de 2, fois racine de 2 », « 160 fois un demi ») pour définir plus précisément le « lieu

cognitif » en lequel les élèves doivent rechercher la réponse attendue par l’enseignant. Celle-

ci est en effet finalement donnée par Jo, ligne 123 :

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 218

123 E=Jo Son primos 124 PROF=RB Que son primos 125 Es Y !! Uh !! 126 E=Jo Uh ! Qué bicho ! Me valió enfermarme (risas, 12’06). 127 PROF=RB La factorización completa es cuando estamos expresando el número como un

producto de números primos, nada más; porque diay ya los números primos no se pueden factorizar más, verdad. Por eso se llama completa. En cambio la anterior, por ejemplo el 4 se puede factorizar, el 20 también, el 16 también, el 40 también. Entonces esas otras son factorizaciones, pero no son factorizaciones completas. Entonces cuando uno habla de factorizar un número, puede ser que existan muchas formas de factorizarlo, pero sólo hay una que es la factorización completa. Si fuera 13 lo que vamos a factorizar…

128 E=G Di 13 por 3. 129 E=J 13 por 1 130 E=Jo No. Es 13, no ? 131 PROF=RB Ah? 132 E=Jo No es igual, a 13. 133 E=J No, 13 por 1, no ? 134 E=K No 13, porque 13 es primo. 135 PROF=RB Como 13 es primo, no podemos factorizarlo más, verdad ? La única

posibilidad de ponerlo como un producto entero, sería 13 por 1. Y no tiene mucha gracia, verdad. La idea es ponerlo como producto de números primos. Entonces, si es un número compuesto, siempre se va a poder factorizar como el producto de números, primos. Y a eso le llamamos una factorización completa. Y si es un número primo, entonces decimos que ya está factorizado él solo, verdad ?

Dans ce passage, les interventions en gras peuvent être considérées comme relevant de la

fonction F2 (changement) ; l’intention de l’enseignant est de « fixer » des points de repère,

c’est-à-dire, d’institutionnaliser −ou (ré)institutionnaliser − les éléments de la praxéologie

considérés connus.

Dans le passage ci-dessous et qui suit, l’enseignant entreprend un travail similaire à celui qu’il

a fait pour les nombres entiers, mais cette fois-ci pour les polynômes. Ce travail débute par la

question : « qu’est-ce qu’il se passe avec les polynômes ? », accompagnée d’un exemple :

6ab²-9a²bc.

135 PROF=RB Entonces, qué pasa con los polinomios (13’36. P escribe en la pizarra: Factorice 6ab²-9a²bc. 13’50). Si quiero factorizar ese polinomio, cuál puede ser una factorización para ese polinomio. Si me piden una factorización de un polinomio, lo que debo de buscar es un producto que me dé eso como resultado, verdad ? Si ? Entonces cuál puede ser una multiplicación, que me dé ese polinomio como resultado ? (13s)

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 219

Dans cette ligne, l’enseignant utilise une analogie avec ce qui vient d’être traité dans la classe

(« chercher un produit qui donne ceci [le polynôme] comme résultat »), de manière à ce que

cette analogie guide vers la question qu’il posera tout de suite après : « quelle peut être une

factorisation (du polynôme donné) » ?

Comme nous l’avons noté plus haut, on retrouve encore, des lignes 136 à 158, des épisodes

qui relèvent de la mémoire pour la réalisation d’une tâche, mais qui sont secondaires parce

que relatifs à la mise en œuvre d’une technique quasi-automatique, alors que notre objet

d’étude actuel est la gestion de la mémoire pour la construction d’un milieu pour

l’enseignement. Cependant, notons l’exemple utilisé par l’enseignant (6ab²-9a²bc), car il est

relatif à la construction d’un milieu, et l’enseignant pourra éventuellement le convoquer par la

suite.

136 E=Jo 3 a la 2 137 PROF=RB Mm ? 138 E=Jo 3 a la 2, no ? 139 PROF=RB 3 a la 2 da esto ? 140 E=J No suave. Di 3 a por 141 PROF=RB 3 a por... 142 E=J b al cuadrado, bueno entre paréntesis verdad. b cuadrado menos 3, a b c. 143 PROF=RB Así ? (P escribe 3a(b²-3abc)). 144 E=J (J asiente con la cabeza) 145 PROF=RB Falta algo. 146 E=K 3 a b, no ? (P agrega 2 multiplicando al b², quedando 3a(2b²-3abc)). 147 PROF=RB Esa es una factorización, habrán otras ? 148 E=J Si. 3 a b. 149 PROF=RB 3 a b. 150 E=J Por, 2 b, menos 3 a... a c. 151 PROF=RB Una más. 152 E=K 3 b 153 PROF=RB 3 b, por ? 154 E=K Por 2 a, menos/ 155 PROF=RB 2 a. 2 a b. 156 E=K Menos 3 a a la 2, c. 157 PROF=RB Podríamos decir como aquí (P señala en la pizarra los ejemplos numéricos), que

ahí hay alguna que es completa y las otras dos no ? (16s)

Nous retrouvons, à la ligne 157, l’utilisation de l’histoire de la classe comme point de repère

pour replacer les élèves dans un moment particulier, et plus encore, rappeler les conclusions

obtenues lors de ce moment.

Factorice 6ab²-9a²bc = 3a(2b²-3abc) = 3ab(2b-3ac) = 3b(2ab-3a²c)

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 220

158 E=J La segunda, no ? 159 PROF=RB Por qué ? 160 E=J Di ya no se puede reducir. 161 PROF=RB Mm ? 162 E=J No se puede reducir más de ahí. 163 PROF=RB Qué es reducir ? Aquí, al inicio dijeron que factorizar era hacerlo más pequeño.

No es hacerlo más pequeño, verdad. 164 E=J O sea, ya no se le pueden sacar más factores, no? 165 PROF=RB Por qué no? 166 E=J Porque digamos en la primera se le puede sacar una b y en la tercera una a. 167 PROF=RB Por qué en la primera podría sacar una b ? 168 E=J Porque los dos tienen b. O sea, tanto el 2 b a la 2, como el 3 a b c. 169 PROF=RB Ahí podemos decir que b es un factor de los dos términos, verdad ? 170 E=J Mjú.

A nouveau, le but poursuivi par l’enseignant semble être de faire en sorte que les élèves

donnent une définition de ce que signifie « factoriser complètement » ; mais cette fois-ci,

l’expression réfère à un polynôme. Pour cela, il utilise comme point de référence la demande

de production par les élèves d’un discours justificatif (« pourquoi [l’expression 3a(2b2-3abc)]

est-elle la factorisation complète du polynôme ? », « qu’est-ce que réduire ? »), comme si en

réfléchissant à la production de ce discours que le professeur suppose connu des élèves, ceux-

ci pouvaient être capables de réactiver leurs rapports et répondre ainsi aux questions.

L’enseignant complémente sa question par une intervention du type F2 (changement), qui lui

permet d’écarter la réponse : « le faire plus petit ». Nous considérons l’intervention de la ligne

165 comme trop ambiguë pour pouvoir la classifier selon sa fonction. La réponse de l’élève à

la question de « pourquoi pas [ce n’est pas possible d’obtenir d’autres facteurs] » semble

s’appuyer sur des informations données dans l’instant, mais ne relevant pas d’une

reconstruction d’un passé fictif. C’est encore le cas de l’intervention de la ligne 167.

171 PROF=RB Un divisor de los dos términos. Ahí cabe la palabra común, verdad. b es un factor común a esos dos términos. Y en el tercero, en la tercer factorización, el factor común a los dos términos que están dentro del paréntesis es cuál ?

172 Es a 173 PROF=RB a. En cambio en el del centro, el 2 y el 3 son números primos, verdad, no tienen

divisores comunes. Y en un término está b y en el otro está c, a c. Entonces no hay factores comunes a esos dos términos, verdad ? Entonces la del centro sería una, factorización completa. Estas dos son factorizaciones pero no son completas. Cuando, dijeron de simplificar el 80, cuando uno simplifica, está simplificando dos números, verdad. Estaban pensando, me imagino en una

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 221

fracción, comenzar a simplicar una fracción. El 80 ahí no lo simplificamos, porque sigue siendo 80. Está expresado, ni siquiera está escrito de una forma más simple, porque es más fácil escribir 80 que escribir, 2 a la 4 por 5. No es que está escrito de una forma más simple, como para decir que estamos simplificando el 80, verdad ? Factorizarlo va entonces ser escribirlo como, multiplicación. Cuando son números, di esa es la forma de factorizarlo. Ahí podíamos sacar, en lugar de mitad, podíamos sacar, décima o cuarta u octava, verdad ? Pero la idea de sacar mitad y no octava, es precisamente tener una factorización completa, verdad. Alla, estamos usando cuál método de factorización ?

174 E=J Factor común. 175 PROF=RB Se acuerdan ? 176 Es Si.

Remarquons à nouveau l’usage d’éléments de l’histoire commune au professeur et aux

élèves (« ici, au début vous avez dit », « quand vous avez dit simplifier 80 »). Dans les deux

cas, il nous semble que l’enseignant utilise ces éléments afin de replacer les élèves au sein du

moment où ceux-ci n’ont pas pu répondre aux questions relatives à la factorisation de 80, de

manière à ce que ce replacement serve à introduire une intervention d’institutionnalisation,

relevant de la fonction F2 (changement).

177 PROF=RB Qué era el factor común ? 178 E=J Buscar el factor común que tengan la cantidad de términos que hayan. 179 PROF=RB Pero no se vale que para definirme el factor común me diga que es el factor

común. 180 E=K Buscar el término semejante en el polinomio 181 PROF=RB Cómo ? 182 E=K Buscar el término semejante entre los polinomios. 183 PROF=RB Qué significa que sean semejantes en los polinomios ? 184 E=K Que son el mismo. 185 PROF=RB Términos semejantes significaba otra cosa. Términos semejantes era lo que uno

podía sumar. Qué es el factor común en un polinomio ? 186 E=J Di un número por el que va a dividir todos los términos, o simplificar. 187 PROF=RB Cuando son números / 188 E=J O variables entonces. 189 PROF=RB Cómo le dirían a alguien que nunca ha sacado un factor común, qué es ? Todos

ya saben factorizar por factor común. Qué es un factor común ? (9s) 190 E=J Un término por el que se pueden dividir todos los componentes. 191 PROF=RB Más o menos. Bueno si, ok éste, es un factor común de éste y éste. Este también

y este también. Pero igual, como siempre vamos a buscar una factorización completa, verdad ? Porque ahí como factor común pudimos haber dejado sólo el 3. Verdad? O sólo la a, o sólo la b, pero el 3 a b es el más grande factor común que una puede sacar, verdad ? Entonces cómo lo podemos definir el factor común, para que siempre que hablemos de factor común sea el más grande de todos los que podemos sacar. Por ejemplo, cuando uno tiene, 48 y 36 (21’36).

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 222

Cuáles son divisores o factores comunes ? A esos dos números. 192 E=J 6 (P inicia una lista que copiará en la pizarra, precedida por “Factores

comunes: 6”. Y así copiará cada divisor que vayan a decir). 193 PROF=RB Cuál otro ? 194 E=J 2... 12 195 PROF=RB Y ? Falta uno. 196 E=J 1 197 PROF=RB Bueno si el 1, y ? 198 E=G 9 199 PROF=RB No, 9 por qué da 48 ? 200 E Falta uno. 201 E=D 4 202 PROF=RB 4. Esos son los divisores comunes, verdad. Y al más grande cómo se le llama ? 203 E=J Máximo común divisor, o común múltiplo.

Dans ce passage, nous retrouvons l’usage de gestes qui demandent des définitions (« qu’est-

ce que factoriser par un facteur commun ? ») ou des étiquettes (« et le plus grand, comment

l’appelle-t-on ? »). A la ligne 191 notons l’emploi de l’exemple (« 48 et 36 ») car il fait partie

du milieu d’enseignement que le professeur fournit ; mais en soi, la tâche de trouver les

diviseurs communs à chacun d’eux est un exemple des interventions que nous avons exclues

des délimitations de l’étude définies (voir paragraphe 7.1).

Dans le passage suivant, nous rencontrons à nouveau la présentation d’un exemple et

plusieurs interventions qui visent à l’institutionnalisation des connaissances.

204 PROF=RB El mayor de los divisores comunes, es el máximo común divisor, verdad ? Entonces si tenemos (P escribe en la pizarra: 6a²c3, 21a5c², 18a²b4a7). Esos tres términos, independientes, cuáles son factores comunes ?

205 Es 3 206 PROF=RB Cuál otro ? 207 Es a a la 2. 208 PROF=RB a a la 2. 209 E=K c a la 2. 210 PROF=RB c a la 2. 211 E=K 3 a a la 2, c a la 2. 212 PROF=RB 3 a a la 2, c a la 2. Hay más verdad, puedo combinar ahí. Por ejemplo el 3 a, o

solo el a c. Hay más... Si? 213 Es Mjú. 214 PROF=RB Pero cuál es el máximo común divisor ahí ? 215 Es 3 a a la 2, c a la 2. 216 PROF=RB Entonces, a ese es al que le vamos a llamar el, factor común. Si ? Al máximo

común divisor (P escribe en la pizarra: « Máximo común divisor de TODOS los términos del polinomio). Si? Apesar de que insisto, solo 3 es un divisor común o

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 223

un factor común, cuando hablemos de factor común como método de factorización, vamos a pensar en el máximo de todos los divisores comunes. Porque esta es la única forma de obtener la factorización completa, verdad ? Si en lugar de factorizar el máximo común divisor, factorizo cualquier otro divisor común, la factorización que obtengo no es, completa. Está bien. Bueno, hagamos algunos ejemplitos (24’57. P escribe en la pizarra: 6m3n5r-12m5n4+9m3n3. 25’50). En ese polinomio, cuántos términos hay ?

217 Es 3 218 PROF=RB 3. Cuál sería el factor común ? 219 Es 3 m a la 3, n a la 3. 220 PROF=RB Siempre en las letras las que voy a escoger son las, que cumplen con cuáles

condiciones ? 221 E=K Que sea la que tiene el menor exponente 222 PROF=RB La letra que tiene el menor exponente ? 223 PROF=RB Yo sé lo que quiere decir pero dígamelo bien porque así, no está completo

verdad ? De los números, sacamos el máximo común divisor como hicimos antes, verdad. Recuerden que si uno quería sacar el máximo común divisor aquí, lo que hacíamos era factorizarlos simultáneamente, verdad ? Y el producto de esos divisores comunes, me da el máximo común divisor (P escribe el desarrollo para encontrar el MCD). Y de las letras cómo hacía, cuáles escogía para máximo común divisor.

224 E=J Di la de menor grado 225 PROF=RB Mm ? 226 E=J La de menor grado. 227 PROF=RB Pero de cuáles ? Por ejemplo si aquí tengo/ 228 E=J De las semejantes 229 PROF=RB Ah ? 230 E=J De las semejantes. 231 PROF=RB Qué significa semejantes ? 232 E=J Di que está presente en todos los términos.

A la ligne 220 (« toujours dans les lettres, celles qu’on va choisir seront les lettres qui

satisfont quelles conditions ? »), l’enseignant s’appuie sur l’application d’une technique

connue par les élèves, pour qu’ils indiquent les « conditions » que doit remplir un « facteur

commun » littéral. Après la réponse de l’élève, « les lettres de moindre degré », l’enseignant

cherche à faire préciser (ligne 227) en demandant : « mais lesquelles [il parle des lettres] ? »

Enfin, la ligne 231 fait allusion à la réactivation d’éléments d’un discours explicatif : « que

signifie être semblables ? ».

233 PROF=RB Las comunes a todos los términos. Tiene que estar en todos los términos para que sea factor común, verdad ? Y si está, por ejemplo, ahí las comunes serían m y n, cuál tomo de las m ?

234 Es La de menor exponente, m a la 3. 235 PROF=RB La de menor exponenete verdad, porque tiene que ser divisor de las otras.

E ál í l f ú í ?

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 224

Entonces, cuál sería el factor común aquí ? 236 Es 3 m a la 3, por n a la 3 237 PROF=RB Y cómo obtengo el otro factor ? 238 E=Jo Dividiendo cada término por eso. 239 E=K Lo divido por cada uno. 240 PROF=RB Lo divido entre el factor común, entonces cuál quedaría aquí? 241 E 2 n a la 2 242 E 2 n a la 2 r (P va escribiendo en la pizarra : 2n²r -) 243 E 4 m a la 2 n más 3 p (P va escribiendo en la pizarra : 2n²r –4m²n+3p)

(Luego escribe un segundo ejemplo: 36735581

415²2

3 zyxyxyx +−= . 28’50).

Dans la ligne 223 nous retrouvons la re-formulation de la réponse donnée par J, et que

l’enseignant semble avoir l’intention de « fixer », ou plutôt de confirmer, comme étant l’un

des éléments du « rapport au facteur commun » qui sera exigé dans la classe. L’intervention

de la ligne 237, « et comment obtient-on l’autre facteur ? » vise à demander aux élèves de

s’interroger sur leurs mémoires pratiques, par rapport à la mise en œuvre d’une technique.

Ce faisant, ils verbalisent la partie de la technique demandée.

L’analyse présentée ci-dessus cherche à interpréter le « projet d’enseignement » du professeur

pour cette première séance, afin de « mieux comprendre » le rôle des gestes mémoriels qui

résultent de l’intention didactique de l’enseignant. Rappelons que les gestes que nous

regardons visent la constitution d’un milieu pour l’enseignement, c’est-à-dire la réactivation

des rapports à des connaissances que Ron considère pertinentes de « garder présentes à

l’esprit » pour étudier le thème (« étudier » doit être compris au sens large, en incluant des

moments de travail de la technique ou d’évaluation, par exemple). Les points relevés dans

l’analyse et relatifs à « que cherche à réactiver l’enseignant ? » et « sur quoi s’appuie-t-il pour

une telle réactivation », sont résumés dans le tableau suivant :

Factorice 6m3n5r-12m5n4+9m3n3

=3m3n3(2n²r-4m²n+3p)

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 225

Que cherche à réactiver l’enseignant ? Sur quoi s’appuie-t-il pour une telle réactivation ?-Faire se remémorer les élèves des connaissances relatives à la factorisation -Définir « factoriser 80 » -Définir « facteur commun » (des entiers) -Définir « factoriser » -Particulariser la factorisation 24×5 -Définir la factorisation complète -Trouver des factorisations pour un polynôme donné -Définir « facteur commun » -Factoriser un polynôme

-Ostensifs scripturaux au tableau -« Signification » des mots -Description de techniques -Replacement à un moment du passé relatif à l’accomplissement d’une technique -Application d’une technique -Exemples -Temps naturel – temps didactique -Personnages des milieux du passé -Rapports personnels d’un élève -Traces de techniques -Discours justificatifs et explicatifs -Déstabilisations de réponses d’élèves -Contre-exemples -Changements de points de vue -Histoire de la classe -Analogies

Tableau 9 : Réponses sur ce que réactive Ron et ce sur quoi il s’appuie pour la réaction

Les buts indiqués dans la première colonne décrivent, en quelque sorte, le projet

d’enseignement pour cette première séance. Il nous semble important de repérer les intentions

du professeur − du moins, celles qu’on reconnaît comme en étant − car elles servent de

« contexte » pour comprendre la fonction de certains gestes que l’enseignant accomplit. Dans

ce sens, elles nous aident à repérer les gestes d’ordre mémoriel et leurs appuis qui visent la

remémoration d’une connaissance. Le schéma suivant (voir figure 20), montre que

l’accomplissement d’un geste implique des « appuis » qui quant à eux, pourraient permettre

d’anticiper la réactivation d’une connaissance.

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 226

La reconnaissance des « appuis » auxquels font référence les gestes, ne nous semble pas être

toujours facilement repérable pour l’observateur. Notamment, nous ne savons pas finalement

comment, de manière privée, chez les élèves (ou encore chez le professeur) la connaissance

est réactivée − notre étude n’essaie pas d’en rendre compte. C’est-à-dire que ne nous pouvons

rendre compte que de ce qui, institutionnellement et de manière ostensive, est montré.

Voyons le schéma précédent appliqué à un passage de la séance que nous venons d’analyser :

le professeur essaie de réactiver chez les élèves la condition nécessaire pour affirmer que la

mise en facteurs d’un nombre entier est « complète » : « il n’y a que de nombres premiers »

Nous pouvons nous interroger sur les influences des assujettissements relevant des institutions

pour la gestion de la mémoire dans la classe. Quelle pourrait être l’incidence des contrats

Connaissance

Appuis(mémoriels)

“Objets / rapports”

“Actions” “Objets / rapports”

Vise à réactiver

Connaissance

Appuis mémoriels

“2” et “5”

80 240 220 210 2 5 5 1

Figure 20 : Réactivation « ostensive » des connaissances

Figure 21 : Réactivation « ostensive » de ce qu’est une factorisation complète

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 227

didactiques sur la gestion mémorielle ? Et celle de l’organisation du savoir ? Ou des

assujettissements « extérieurs » à la classe que nous avons signalés dans le chapitre

précédent ? Nous reprendrons certaines de ces questions dans le chapitre 9, et nous

détaillerons les gestes repérés dans les classes observées dans le chapitre qui suit.

Voyons pour l’instant et dans le paragraphe suivant, l’analyse de la première séance sur la

factorisation des polynômes dans la 10e M.

7.2.2 EXEMPLE D’ANALYSES MENEES : CLASSE 10M (SAM)

Nous conservons le style d’exposition utilisé pour la séance précédente : nous discutons les

extraits de la séance et surlignons en gris les interventions du professeur qui, d’après nous,

concernent la question : « que cherche à réactiver l’enseignant ? », et qui indiquent aussi les

gestes accomplis par le professeur.

Séance 1 : SB-2202200610M – Introduction, facteur commun et regroupement

1 PROF=SB Bueno muy bien chicos, entonces ahora hacemos, empezamos con la factorización (P escribe « Factorización » en la pizarra, 8s). Alguien sabe qué significa factorizar ?

2 Es (varios estudiantes al mismo tiempo) Sacar semejantes, reducir, hacer más pequeño.3 PROF=SB Hacer más pequeño, reducir. Qué más me están diciendo, mucho. 4 E=F Sacar un producto, sacar como un algo. 5 PROF=SB Factorizar en lo mismo que reducir entonces. Si ? 6 E=S Sacar un término. 7 PROF=SB Sacar un término. 8 E Hacer más pequeño. 9 PROF=SB Hacer más pequeño. Qué más ? Qué es factorizar ? Reducir ? 10 Es Si. 11 PROF=SB O sea factorizar y simplificar es lo mismo ? 12 Es No. 13 PROF=SB Ustedes están diciendo que factorizar es simplificar y, simplificar es reducir en lo

que nosotros estábamos haciendo. Ahí decía, simplifique al máximo el resultado. No estábamos factorizando o si ?

14 Es No. 15 E=F Factorizar es sacar factor común. 16 PROF=SB Factorizar es como sacar un fac/ (una estudiante habla) Como qué ? 17 E=S Sacar el factor común de una expresión. 18 PROF=SB Sacar el factor común de una expresión, algebraica. Eso será factorizar ? 19 Es Si.

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 228

Comme pour la séance analysée de Ron, Sam cherche dans ce premier passage à réactiver

chez les élèves le rapport à l’objet « factoriser ». Les interventions du professeur (ligne 3,

« qu’est-ce qu’il y a en plus » ; ligne 9, « quoi d’autre ? ») permettent que les élèves disent

plusieurs choses sans qu’il canalise leurs réponses vers le but assigné à ce passage

d’introduction. Au tout début de la séance et comme pour la classe précédente, le professeur

écrit le titre au tableau ; ce qui est le premier point d’appui pour le rappel. Ensuite,

l’intervention « que signifie factoriser ? », qui est une question appelant pour réponse un

élément technologico-théorique θ/Θ, réactivera les rapports personnels des élèves à cette

pratique. Les commentaires des lignes 5 (« alors factoriser c’est la même chose que

réduire, oui ?»), 11 (« c’est-à-dire, factoriser et simplifier c’est donc la même chose ? ») et 18

(« déterminer le facteur commun d’une expression algébrique ; ceci sera factoriser donc ? »),

nous semblent porter la même intention que celle qu’on avait signalée, pour la 10e G, comme

« déstabilisatrices ». Elles mettent en doute les réponses des élèves afin qu’ils re-évaluent

leurs rapports à leur réponse et vérifient si c’est bien la réponse attendue. Cependant, comme

plusieurs élèves parlent en même temps, cette vérification est difficile à rendre publique − en

supposant, bien évidemment, qu’elle ait eu lieu. Enfin, nous remarquons que l’histoire de la

classe (ligne 13, « dans ce que nous étions en train de faire »93) est utilisée comme point de

référence, mentionné par le professeur, pour replacer les élèves dans le rôle qui était le leur au

cours d’une pratique ancienne : la simplification d’expressions algébriques.

20 PROF=SB Ok esa factorización, a qué le suena ese término que aparece aquí ? (P hace una llave horizontal subrayando las seis primeras letras de la palabra « Factorización » escrita en la pizarra). Esa parte de esta palabra.

21 E=F A factor. 22 PROF=SB A factor verdad. Factor, los factores quiénes eran, los términos de cual operación ? 23 Es Multiplicación. 24 PROF=SB De la multiplicación, de la multiplicación (suena el tiembre, fin de la primera

lección). Entonces, cuando yo voy a factorizar, lo que yo voy hacer es. Digamos que expresar, una suma, una resta, ahí una operación en términos de multiplicación o en forma de multiplicación. Si o no ?

25 E=S Si.

L’intervention de Sam à la ligne 20 semble être pensée pour désigner l’objet (le mot

« factorisation ») que les élèves doivent prendre comme point de référence pour se remémorer

la définition de la « factorisation ». Cependant, nous interprétons plutôt l’action du professeur 93 Les élèves avaient fait des révisions sur la simplification des expressions algébriques avant de commencer l’étude de la factorisation des polynômes.

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 229

comme un effet Topaze, car les six premières lettres du mot « factorisation » en espagnol (à

la fin de la ligne 20) non seulement évoquent le mot « facteur » mais en fait, constituent le

mot « facteur ». Une fois dit « facteur », l’enseignant établit un lien entre ce mot et l’opération

multiplication, à partir de la relation « est formé par », pour pousser les élèves à dire quelle

est l’opération qui porte sur les « facteurs » : (ligne 22) « qui étaient les facteurs, les termes de

quelle opération ? » A la ligne 24, nous rencontrons la première « fixation » mise en place par

le professeur : « factoriser, c’est exprimer une opération en termes de multiplication » dit P.

Remarquons que cette « fixation » relève plutôt d’une institutionnalisation, et non d’un point

de référence pour « continuer à chercher » une connaissance à mobiliser, comme pour

certaines des fixations indiquées chez Ron.

Remarquons que Sam exige dans sa classe un travail de remémoration moins élaboré que

Ron. Ainsi c’est seulement au bout de 24 tours de parole (d’élèves ou de P), que la notion de

factorisation est réactivée officiellement auprès des élèves dans la classe de Sam. En

revanche, Ron a (ré)institutionnalisé la signification de cette notion au tour de parole 76, alors

que nous avons vu que chacun des professeurs entreprend ce travail de mémoire dès le

premier tour de parole. Ceci ne signifie pas que Ron travaille d’une manière plus convenable

la gestion de la mémoire, mais plutôt qu’il la travaille beaucoup plus, en donnant de la place

aux élèves pour qu’ils retravaillent aussi leurs rapports. On pourrait voir dans cette différence

des éléments qui conduisent à penser que l’enseignement dans la classe de Sam est plutôt basé

sur l’ostension assumée, tandis que celui de la classe de Ron pourrait tirer davantage vers

l’ostension déguisée.

26 PROF=SB Si? Como por ejemplo digamos, yo tengo aca, digamos que el número 12 (P escribe en la pizarra 12). Cómo puedo escribir a 12, solo que en forma de multiplicación ?

27 Es 3 por 4, 2 por 4 doce. 28 PROF=SB Ok puede ser 3 por 4. 29 Es 2 por 6 30 PROF=SB Puede ser 2 por 6. 31 E (inaudible) 32 PROF=SB Qué ? 33 Es 2 por 2 por 3 34 PROF=SB Bueno, puede ser también que altere el orden de los factores verdad, no

importa. 3 por 4 o 4 por 3. Estoy hablando del orden de los factores. Qué más me dijeron perdón?

35 E 2 por 2 por 3. 36 PROF=SB 2 por 2 por ?

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 230

37 Es 3 38 PROF=SB 3, muy bien. Cualquiera de estas multiplicaciones nos están dando justamente… 39 Es 12 40 PROF=SB 12. O sea, hablar de 2 por 6 es lo mismo que hablar de 12, o no ? Le hago algún

cambio nada más. Es exactamente lo mismo, lo que pasa es que es representada en una forma diferente. Si ? Entonces tengo aquí 12 y voy a tener 2 por 6, tengo 3 por 4, o 2 por 2 por 3. Cuál será la diferencia entre esas factorizaciones ? (4s) Cualquiera es factorización, verdad ? (5s) Lo que pasa es que la última, la llamamos factorización, completa (P escribe en la pizarra « factorizac Completa » al lado de 2⋅2⋅3, 07’38). Por qué será que esa última se llama factorización completa y las otras dos no, si igual están factorizadas, o sea igual se están multiplicando…

41 E=F Ya no puedo factorizar otro término. 42 PROF=SB Porque ya no puedo factorizar ningún otro término, o sea ya no puede

representar como un producto cualquier otro término? O si? 43 Es No, no.

Notons, dans les deux classes, l’usage d’un exemple numérique. Néanmoins, il semble que

les intentions qui président à leur utilisation ne soient pas les mêmes dans les deux cas. Pour

la 10e G de Ron, l’exemple avait un rôle de point de référence pour (ré)activer des rapports

afin de prononcer une affirmation non encore dite dans la classe. En revanche, dans la 10e M

de Sam, l’exemple « mettre en facteurs 12 » (ligne 26), ne cherche pas à placer les élèves dans

un moment particulier qui puisse servir comme point de repère, mais celui-ci devient plutôt

une illustration de ce qui vient d’être ré-officialisé dans l’institution. A la ligne 34, nous

identifions une intervention relevant de la fonction F2 (fixation des connaissances) : deux

multiplications, dont les facteurs sont écrits dans un ordre différent, sont équivalentes. Plus

loin, à la ligne 40, on peut relever l’intention de faire distinguer par les élèves, parmi plusieurs

factorisations, quelle est la factorisation complète de 12 (« quelle est donc la différence

parmi ces factorisations ? ») Cependant, au bout de dix secondes, le professeur intervient et

donne la réponse attendue. Notons qu’il existe une autre différence avec la gestion mémorielle

de la classe de Ron, où l’ostension publique de l’objet « factorisation complète » a été faite

par un élève, J, au tour de parole 107. Enfin, voyons que la définition de la factorisation

complète reconnue dans l’institution 10e M (ligne 42, « parce qu’on ne peut plus factoriser un

autre terme ») arrive assez tôt en classe, en comparaison avec la 10e G.

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 231

44 PROF=SB Bueno yo puedo escribir, por ejemplo este 2, lo puedo escribir como 2 por 1. O no?

45 Es Si. 46 PROF=SB Y lo estoy representando como un producto. Entonces lo que usted tal vez me

quiera decir es que ya no puedo factorizar de otra forma que no sea por, 1. O sea él mismo por uno. Por qué ? Por ejemplo digamos aca, en el 2 por 6, el 6 lo podemos volver a factorizar o no?

47 E=F Si. 48 PROF=SB O sea que podemos volver a escribir el 6 como otro producto de factores, que

sería ? 49 Es 2 por 3 50 PROF=SB 2 por 3 ó 3 por 2 verdad (P escribe 2⋅3 debajo del 6). 51 E=F O sea que se forma un nuevo producto.

A la ligne 46, l’enseignant complète le rapport qu’il voulait réactiver à l’objet « factorisation

complète » : « la seule manière de le (le nombre 2) factoriser c’est de le multiplier par 1 ».

Ensuite, il demande des explications sur l’affirmation qu’il vient de formuler (à la fin de la

ligne 46 : « pourquoi »). Ces « explications » sont fournies par l’enseignant à travers un

exemple (« 12 = 2×6 = 2×2×3 »). Nous retenons de cet épisode le fait que la question

« pourquoi » n’est pas utilisée afin de pousser les élèves à rechercher ou questionner leurs

rapports à un bloc technologico-théorique − comme cela a été le cas la plupart du temps pour

les interventions de ce même type faites par Ron ; c’est-à-dire, qu’elle ne porte par sur un

appui mémoriel. Mais, au contraire, son usage introduit une partie du discours du professeur :

« Pourquoi ? Par exemple ici, 2 fois 6, on peut factoriser encore le 6 ». Nous avons remarqué

cette utilisation du « pourquoi » dans la plupart des transcriptions analysées de Sam.

52 PROF=SB Exactamente. Estamos ahora si con el concepto ? Bueno muy bien, entonces ahora en las expresiones algebraicas, nos va a pasar algo parecido. Yo voy a tener aca una expresión algebraica (P encierra entre paréntesis al 12, dejando más espacio a la izquierda del número al abrir el paréntesis), que derepente puede ser 12, puede ser una suma de monomios, puede ser una suma o una resta, aunque recuerden que la resta es lo mismo que sumar verdad, sumo opuestos. Esa suma o esa resta yo la quiero expresar en forma de multiplicación. Por supuesto que va haber, alguna expresión en la que yo ya no la pueda expresar en forma de factorización, no se puede. Eso es lo que decimos no se puede factorizar, o ya no es factorizable, más que ella misma por... 1. Entonces digamos, por ejemplo (P

IZACIONFACTOR

( 12)=3⋅4 =

3262⋅

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 232

escribe en la pizarra 2x²-4x+8x3). Digamos que me dan, 2 x a la 2, menos 4 x, más 8 x a la 3. Eso es una suma, de expresiones/ o sea eso es un trinomio, digámosle, si ? Yo quiero expresar esa suma, en forma de multiplicación. O sea, algo por algo que me dé, 2 x a la 2, menos 4 x, más 8 x a la 3 (5s). Entonces yo tengo que hacer, algunas diferencias en algunos de los métodos para poder llegar a hacer eso, verdad ? No es así no más. No es llegar y decir, bueno yo pongo aquí, dejo este así como está y aquí escribo 2 por 2 y aquí escribo, qué 2 por 4 y ya, lo puse en forma de multiplicación. Es cierto, eso lo puedo hacer así?

53 Es No. 54 PROF=SB No verdad. O alguien me puede decir, di pero aquí 2 y x a la 2 se están

multiplicando, 4 por x están multiplicándose, o no ? Di pero ya hay producto ! Si ya hay producto, pero toda la expresión será un producto ? Yo quiero que toda la expresión, todas estas suma y resta, o sumas, dejémoslo como sumas, se escriba en forma de multiplicación, o sea, algo por algo. (10’30) Entonces necesitamos conocer métodos para que lo tengamos. En ese caso puedo factorizar, tal vez lo puedo hacer, puedo usar tal herramienta para poder hacer la factorización. Si ?

Comme nous l’avons remarqué, l’enseignement dans cette séance − et en général chez Sam −

est plutôt basé sur l’ostension. Dans ce passage, nous ne rencontrons pas fréquemment des

questions ou des commentaires relatifs à la gestion de la mémoire pour la construction d’un

milieu, exprimant l’intention de susciter la remémoration des élèves. L’enseignant montre

oralement ou au tableau ce qu’il considère comme étant un préalable à l’étude des types de

tâches sur la factorisation des polynômes et, en particulier, à l’application de la technique de

factorisation par la mise en « facteur commun » : « alors maintenant, dans les expressions

algébriques, on aura la même chose », « souvenez-vous que la soustraction c’est la même

chose qu’additionner », et « si l’on ne peut pas l’exprimer (une expression) sous forme

factorisée, on dit qu’elle ne peut pas être factorisée ou qu’elle n’est pas factorisable »

54 PROF=SB Cuáles son los métodos de factorización que ustedes conocen ? 55 E=J Agrupación 56 E Factor común 57 PROF=SB Agrupación y ? 58 E=J Factor común. 59 PROF=SB Factor común. Nada más ? Fórmulas notables? 60 E Fórmulas notables (al mismo tiempo que P). 61 PROF=SB Si? Se acuerdan que hacían unas factorizacioncitas con la diferencia de cuadrados,

o sea con la fórmula tres… sinceramente no me acuerdo. Con esas carillas que me están haciendo. Lo más así es, factor común y agrupación. Que es como lo más, más.

A la ligne 54, l’enseignant pose une question directe − le point d’appui du rappel est dans la

question en elle-même − pour réactiver le rapport aux techniques de factorisation apprises

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 233

dans la classe de huitième. A la ligne 59, Sam fait allusion aux identités remarquables car les

élèves ne les ont pas mentionnées. L’intervention, « souvenez-vous, vous faisiez des

factorisations avec la différence de deux carrés, c’est-à-dire avec la troisième identité… »

(ligne 61), qui fait référence au rôle des élèves dans un passé fictif, renforce cet appel aux

identités, qui fait partie de la gestion de la mémoire dans la classe, mais qui est tout à la

charge de l’enseignant. Il ne cherche pas à ce que ses élèves réactivent leurs rapports en

s’appuyant sur des points de référence, car c’est lui-même qui le dit.

61 PROF=SB Ok, en este caso (P hace alusión a 2x²-4x+8x3), cuál será el método que pueda utilizar ahí?

62 Es Factor común 63 PROF=SB Factor común. Y qué será el método de factor común. 64 Es Sacar ..., sacar el máximo (varios estudiantes hablan al mismo tiempo). 65 PROF=SB Sacar el máximo común será eso ? 66 Es El mínimo... El máximo (algunos estudiantes hablan al mismo tiempo). 67 PROF=SB Si, si no es gallo es gallina. 68 E=F El máximo. 69 PROF=SB Pero el máximo qué ?, el máximo común... 70 Es Divisor 71 PROF=SB Divisor. O sea el numerito o la expresión que divida a las tres. Verdad, que las

pueda dividir a las tres. Entonces, entre 2, menos 4 y 8? 72 Es 2 73 PROF=SB 2. Ok. Y entre x a la 2, x, y x a las 3? 74 Es x 75 PROF=SB x. Entonces, qué hago yo con ese 2 x ? 76 Es Dividir, lo saca, lo saca afuera (varios estudiantes hablan al mismo tiempo). 77 PROF=SB Los saco ? Qué ? Lo saco… 78 Es No, lo saca afuera, divide cada término, abre paréntesis (varios estudiantes hablan

al mismo tiempo). 79 E=F Ese 2 x está dividiendo por cada término. 80 PROF=SB Muy bien. Entonces, 2 x sería como mi primer factor, como decir el 3, verdad?

(hace alusión al ejemplo numérico dado al inicio. P ha escrito en la pizarra: 2x) Y yo ahora abro un paréntesis para poder encontrar el otro factor. Eso es lo que me quieren decir ? Se supone que yo ahora multiplico 2 x por algo que voy a poner yo aquí y me tiene que dar otra vez, el mismo trinomio, verdad ? No lo puedo alterar. Como decir aca, que a mí se me ocurre poner aquí, bueno yo ya puse 3 por 4, ahora pongamos 2 por 8, igual me va a dar 12. No verdad. Tengo que poner lo mismo de tal forma que la expresión se mantenga. Entonces ahora, cómo hago para encontrar, 2 x multiplicado por algo que me dé 2 x a la 2.

81 Es Lo divide. 82 PROF=SB Qué divido ? 83 Es 2 x a la 2 entre 2 x. 84 PROF=SB Ok, divido este primer término entre este factor que acabo de sacar, que acabo de

encontrar de... ** me va a dar esto. Ok, ahora hago lo mismo con el segundo

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 234

término, qué sería ? 85 Es 2, menos 2. 86 PROF=SB Menos 2. Más ? 87 Es 4 x a la 2. 88 PROF=SB 8 x a la 3 dividido entre 2 x. Tengo que dividir 8 entre 2, obviamente

me va a dar 4. x a la 3 dividido entre x ? 89 Es x a la 2. 90 PROF=SB Entonces si ahora se me ocurre multiplicar éste, por cada uno de los términos,

efectivamente lo que voy a obtener es el trinomio. Si o no ? 91 Es Si. 92 PROF=SB Si no lo obtengo, es porque algo hice mal. Puso mal el factor, hizo mal la división

o puso un signito diferente. Ok, entonces ahora tengo, esta suma representada en forma de multiplicación. Cuáles son los factores ? Cuáles son los factores ?

93 Es 2 x 94 PROF=SB 2 x, y ? 95 Es, P x menos 2 (los estudiantes van diciendo x-2+4x², al mismo tiempo que P) más 4 x

a la 2. 96 PROF=SB Ok, entonces esa factorización que hicimos aca, lo hicimos con el método de

factorización por ? 97 Es Factor común. 98 PROF=SB Factor común (P escribe « FACTOR COMUN » al lado del primer ejemplo). Muy

bien, muy bien. Entonces en qué consiste el método ? Como el mismo nombre lo dice, tiene que haber algo común entre todos. Si ? No puede ser que si uno tiene x y otro tiene y, y otro tiene, no importa, ponemos todas las letras, para que todos lo tengan. No. Tienen que tenerlo todos para poder decir, si mirá es común a todos los términos. Si... si tenemos un coeficiente numérico, entonces vamos a sacar el máximo común divisor, o sea el número que divide a todos los numeritos que aparezcan aca. Estamos ?

99 Es Ujú. 100 PROF=SB Si ? Se acuerdan de eso ? Hagamos un segundo ejemplo (14’58, P copia en la

pizarra 2x(x-1)+3(x-1), 15’12).

Nous relevons dans cet extrait l’usage d’exemples (ligne 61, « 2x²-4x+8x3 » ; ligne 100,

« 2x(x-1)+3(x-1) ») comme points d’appui pour réactiver l’utilisation des techniques de

factorisation puisque c’est à partir de cela que l’enseignant demande « qu’est-ce que c’était la

technique du facteur commun ? » (ligne 63). A la ligne 65, nous retrouvons une intervention

(« alors [a technique du facteur commun] sera donc de calculer le plus grand commun

[diviseur] ? ») qui nous semble pouvoir être classifiée comme « déstabilisatrice », dont

l’intention est de faire en sorte que l’élève interroge son rapport à un objet ; ici la technique

du facteur commun. Notons aussi que les ostensifs produits au cours de l’application de la

technique, par exemple 2x qui est le facteur commun, deviennent des points de référence que

l’enseignant utilise pour poursuivre le rappel de la technique (« qu’est-ce que je fais avec ce

Ejm. 2x²-4x+8x3 2x(x-2+4x²)

Ejm. FACTOR 2x²-4x+8x3 COMÚN 2x(x-2+4x²)

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 235

2x ? », ligne 75 ; « qu’est-ce que je dois diviser ? », ligne 82). Enfin, deux affirmations sont

« fixées » par Sam comme officiellement valides, et donc susceptibles d’être demandées à

l’avenir : « [le facteur commun] est le nombre ou l’expression qui divise les trois [termes du

polynôme] », ligne 71 ; et à la ligne 80 : « le deuxième facteur [d’une factorisation réalisée

par la technique de mise en facteur commun] est l’expression par laquelle on doit multiplier le

facteur commun pour obtenir le polynôme donné ». Remarquons que l’institutionnalisation de

ces affirmations n’est pas faite par écrit, comme cela a été le cas chez Ron.

Résumons dans le tableau qui suit les points relatifs aux questions qui nous occupent : « que

cherche à réactiver l’enseignant ? » et « sur quoi s’appuie-t-il pour une telle réactivation ? ».

Que cherche à réactiver l’enseignant ? Sur quoi s’appuie-t-il pour une telle réactivation ?-Remémoration par les élèves des connaissances relatives à la factorisation -Définir « factoriser » -Définir « facteur commun » -Lister des techniques de factorisation -Décrire la technique de la mise en facteur commun -Factoriser un polynôme

-Ostensifs scripturaux au tableau -Signification des mots -Déstabilisations de réponses d’élèves -Histoire de la classe -Exemples -Replacement à un moment du passé relatif à l’accomplissement d’une technique -Traces de techniques -Description de techniques

Tableau 10 : Réponses sur que réactive Sam et en quoi s’appuie-t-il

Notons que les appuis mémoriels chez Sam coïncident avec certains de ceux utilisés par Ron

lors d’une première séance de factorisation. Une fois fait un travail d’analyse des

interventions des professeurs, et de ce qu’ils mobilisent pour « appuyer » la remémoration des

élèves, il est nécessaire de faire un travail de synthèse de ce que nous avons trouvé ; afin de

construire une classification des gestes à partir des objets (au sens large donné dans la TAD)

dont ils se servent. Remarquons donc des caractéristiques communes à ses « appuis », relatifs

à la réactivation de souvenirs (i.e. objets et rapports aux objets)

Certains des objets relevés semblent se référer à des « parties » d’organisations

mathématiques officiellement connus des élèves. Nous parlons ici des ostensifs scripturaux

notés au tableau, des exemples et contre-exemples, et des traces techniques. D’autres appuis

concernent plutôt des « grandes catégories » moins spécifiques que les ostensifs relatifs à une

OM. Il s’agit du « temps naturel – temps didactique ». Remarquons que les « personnages des

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 236

milieux » ont été évoqués (« la maîtresse ») toujours en rapport avec les marqueurs du temps.

Deux des objets indiqués comme étant des appuis mémoriels, le replacement à un moment du

passé et les changements de points de vue, nous semblent être aussi en rapport entre eux :

pour changer de point de vue, les élèves devraient se placer dans un autre moment du passé,

dans une autre « manière de penser »

Dans le chapitre suivant, nous précisons les « points d’appuis » pour la réactivation d’objets et

de rapports aux objets lors de la présentation des « gestes mémoriels ». Remarquons au

préalable que les gestes repérés ne sont pas forcément de même nature : comme nous l’avons

indiqué plus haut il peut s’agir d’un marqueur du temps (« lors du premier trimestre »…) ou

d’un ostensif mathématique (« que fait-on avec les « racines » ?…), par exemple.

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 237

7.3 CONCLUSION DU CHAPITRE

Dans ce chapitre, notre objectif était la délimitation d’un corpus relatif à la gestion de la

mémoire dans les classes de mathématiques du Secondaire. A cette fin, nous avons indiqué

l’ensemble des passages exclus du corpus et les raisons de cette démarche. Ainsi, nous ne

nous « intéressons pas » aux passages qui concernent les aspects suivants :

Interrogations de la mémoire pratique sur des résultats des calculs Identifications lors de l’application d’une technique Récapitulations – Répétitions – Institutionnalisations Applications de « quelque chose » qui vient d’être montré Répétitions orales d’une technique Réponses directes de l’enseignant Questions « monologues »

Même si ces passages, jusqu’à un certain degré, concernent la reconstitution du passé relatif

aux savoirs mathématiques, donc à la mémoire didactique, ils peuvent ne pas être pris en

compte pour plusieurs raisons :

- l’intention des interventions du professeur n’est pas l’aménagement d’un milieu pour

l’enseignement, mais seulement de montrer qu’il s’agit d’un travail coopératif ou de

porter les résultats à la connaissance de « toute » la classe, etc.

- l’intention des interventions de l’enseignant n’est pas d’« appuyer » la remémoration

de l’élève, mais de lui dire « directement » les connaissances attendues à réactiver

- le rôle des connaissances mobilisées est dirigé davantage vers la constitution d’une

mémoire pour l’avenir, ou la reconnaissance d’expressions de la mémoire pratique, qui

relève de techniques dites « automatisées »

Au sein de la TAD, nous énonçons deux fonctions de la « gestion mémorielle » (publique ou

privée) : une première fonction dite d’« activation », et une seconde fonction nommée de

« changement » (transformations, organisations, re-organisations, etc.) Les analyses que nous

avons réalisées concernaient, principalement, les gestes accomplis relevant de la première

fonction.

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CHAPITRE 7 : ANALYSES DE LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 238

Dans les passages sélectionnés, à partir de l’exclusion des autres, nous avons privilégié

l’observation du « discours » du professeur : ce qu’il dit, ce qu’il ne dit pas, ce qu’il écrit, ce

qu’il n’écrit pas. En dirigeant notre lentille d’analyse sur ce discours, nous nous interrogeons

sur ce que l’enseignant fait pour activer ou faire remémorer un objet de l’univers cognitif de

la classe. Dans « ce qu’il fait », nous étudions les « objets » sur lesquels il s’appuie pour

indiquer aux élèves un « chemin » vers la connaissance attendue.

Nous avons repéré des objets, et des rapports aux objets, à partir desquels le professeur

soutient le rappel des élèves. Ils semblent être de « nature » différente : objets ostensifs

propres aux OM mobilisées, objets non-ostensifs associés aussi à ces OM, marqueurs du

temps (ou personnages « dans » ce temps), accomplissement de techniques, parmi d’autres.

Cette pluralité d’appuis demande un travail de synthèse que nous allons exposer dans le

chapitre suivant.

Les gestes mémoriels que nous allons présenter dans ce qui suit, sont issus des analyses de

l’ensemble des séances observées (12 séances pour la 10e L ; 8 séances pour la 10e M ; 14

séances pour la 10e G ; 10 séances pour la 10e H). Nous avons élaboré la classification des

gestes en prenant, comme « critère de regroupement », la « nature » des objets qu’ils

sollicitent pour soutenir la remémoration des élèves. Compte tenu de la taille importante de ce

corpus, nous ne présenterons que certains extraits des transcriptions en appui des gestes

mémoriels que nous identifions. Nous renvoyons aux transcriptions annexées à ce travail pour

des précisions sur l’analyse mémorielle des séances observées.

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

Chapitre 8 : Gestes mémoriels et 

Micro‐cadre de la mémoire didactique 

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 241

CHAPITRE 8

GESTES MEMORIELS ET

MICRO-CADRE INSTITUTIONNEL DE LA MEMOIRE DIDACTIQUE

8.1 Gestes mémoriels

8.2 Micro-cadre institutionnel de la mémoire didactique 8.3 Nouvelles analyses des transcriptions des séances en France

Dans ce chapitre, nous présentons et exemplifions tout d’abord les gestes que les enseignants

observés accomplissent, relevant de l’ordre mémoriel qui nous intéresse (voir chapitre

précédent). Dans un deuxième temps, nous détaillons le modèle du micro-cadre institutionnel

de la mémoire didactique que nous avons élaboré, et nous illustrons sa pertinence à travers

quelques exemples. Enfin, dans un troisième temps, nous revenons sur des transcriptions de

séances observées en France pour effectuer une nouvelle analyse en recourant aux gestes que

nous aurons définis pour étudier la manière dont le professeur dirige les phénomènes

mémoriels.

L’objectif de ce chapitre est de tirer des éléments de réponses aux questions de recherche

suivantes :

Q1. Que fait le professeur pour réactiver les objets et les rapports aux objets de l’univers

cognitif de la classe ? Comment l’enseignant gère-t-il la mémoire didactique de la classe ?

Q2 Quelles sont la nature et la structure des « cadres institutionnels de la mémoire

didactique » liés aux pratiques d’étude des mathématiques dans l’enseignement secondaire, et

qui permettent la remémoration des élèves ?

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 242

Comme nous l’avons indiqué au paragraphe 3.1.1, la notion de gestion est prise au sens de la

mise en œuvre des gestes qui caractérisent une certaine position, occupée par un sujet d’une

institution. Pour ce qui nous concerne, nous regardons les gestes de l’enseignant pour borner

le « lieu cognitif » en lequel les élèves doivent se positionner pour y repérer des éléments

d’appui, afin de répondre à une demande.

Une des spécificités des instruments ostensifs proposés au sein de la TAD est leur non

différenciation entre les registres, d’un point de vue de la « valeur » et de la « fonction »

(Bosch, 2000) dans la réalisation d’une pratique au sein d’une institution. Ainsi, si nous

considérons la gestion mémorielle comme une activité régulièrement accomplie, nous ne

privilégions au premier abord aucun registre que pourrait utiliser l’enseignant pour accomplir

une telle gestion. En d’autres termes, les manières de gérer la mémoire pourraient mobiliser

des ostensifs scripturaux, langagiers, graphiques, gestuels, etc. Ces « manières de gérer »,

nous les identifions comme des gestes mémoriels.

Au paragraphe 2.1.2, nous avons indiqué le caractère institutionnel des objets qui intègrent les

techniques, les technologies et les théories du modèle qui décrit une activité94. Au même titre,

les gestes que nous avons repérés sont des construits institutionnels pour lesquels nous devons

signaler deux caractéristiques. D’une part, ils sont contraints par la dynamique

institutionnelle : les thèmes à étudier, le temps à investir, le niveau des élèves, les évaluations

nationales, etc. D’autre part, ils sont issus des observations et analyses de ces observations,

guidées par une théorie, porteuses des « rapports » − ou manières de « voir » − à la réalité

enseignante, et dans laquelle nous nous plaçons. Or, comme nous le verrons à la fin du

chapitre en revenant sur les séances observées en France, les gestes semblent être propres, à

un plus ou moins grand degré, aux institutions d’étude scolaire, quel que soit le pays.

Remarquons que les ensembles des types de gestes repérés ne semblent pas former une

partition : il peut y avoir des intersections non vides entre plusieurs types de gestes. C’est-à-

dire que certaines « actions » d’ordre mémoriel des enseignants pourraient s’interpréter à

l’aide de plusieurs types des gestes.

94 « [T]oute activité humaine régulièrement accomplie peut être subsumée sous un modèle unique, que résume ici le mot de praxéologie » (Chevallard, 1999, p. 223).

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 243

8.1 GESTES MEMORIELS

Dans ce qui suit, nous définissons les huit gestes mémoriels que nous avons repérés : geste

technologique, technique, de replacement, chronologique, déstabilisateur, de fixation et celui

de production d’ostensifs détonateurs, et nous les exemplifions à partir d’extraits commentés

des séances observées.

Rappelons que cette classification des gestes a pour but un travail de synthèse des réponses à

la question : « sur quoi s’appuie le professeur pour guider la réactivation d’objets et des

rapports aux objets ? », exposée au chapitre précédent. Nous avons relevé les points communs

de ces « appuis » afin de donner une typologie des gestes qu’accomplit l’enseignant. Enfin,

soulignons que nous n’avons pas choisi de classifier les gestes selon leur fonction, car la

plupart d’entre eux pourraient remplir différentes fonctions dans le projet d’enseignement du

professeur.

8.1.1 GESTE « TECHNOLOGIQUE » (TH)

Il s’agit de ffaaiirree ddeess ccoommmmeennttaaiirreess oouu ppoosseerr ddeess qquueessttiioonnss qquuii éévvooqquueenntt uunn éélléémmeenntt

tteecchhnnoollooggiiccoo--tthhééoorriiqquuee dd’’uunnee oorrggaanniissaattiioonn mmaatthhéémmaattiiqquuee ccoonnnnuuee ddeess ééllèèvveess.. LLaa

rrééaaccttiivvaattiioonn ddee cceett éélléémmeenntt eesstt vvuuee ccoommmmee llaa rrééaaccttiivvaattiioonn dd’’uunn ppooiinntt ddee rrééfféérreennccee qquuee

ll’’ééllèèvvee ppeeuutt uuttiilliisseerr −− dduu ppooiinntt ddee vvuuee ddee llaa ppeerrssoonnnnee qquuii eeffffeeccttuuee llee ggeessttee −− ppoouurr

aannttiicciippeerr llee ssoouuvveenniirr qquuee llee pprrooffeesssseeuurr eessttiimmee mmoobbiilliisseerr aavveecc.

Remarquons qu’un « élément technologique » d’une OM pourrait être un objet dont la nature

est variée, car son rôle explicatif, justificatif, et productif, est pris au sein des pratiques

accomplies dans l’institution. En d’autres termes, c’est un construit institutionnel.

Voyons un exemple. Il s’agit d’un extrait où les élèves ont trouvé, à l’aide du professeur qui

écrit au tableau, que « -2 » est un zéro du polynôme P(x) = 6x3 + 7x2 − 9x + 2 ; donc P(-2) = 0.

Ensuite, ils doivent indiquer à l’enseignant le facteur qui, d’après le « théorème du facteur »

« P(a) = 0 ⇔ (x − a) est un facteur de P(x) », fait partie de la décomposition de ce polynôme.

Nous identifions le geste technologique après la réponse fausse donnée par l’élève B. Ainsi, le

professeur évoque-t-il le « théorème du facteur » pour que l’élève réinterroge la conclusion du

théorème, et puisse donner la réponse attendue : x − (−2) = x + 2.

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 244

17 PROF=RB : [... la classe vient de trouver un zéro d’un polynôme en utilisant la technique de la division synthétique] Entonces, − 2 es un cero del polinomio (6x3 + 7x2 − 9x + 2). Si − 2 es un cero, ¿cuál era un factor del polinomio? ¿Mm?

18 E=B : x − 2, ¿profe? 19 PROF=RB : No. DDeevvuuééllvvaannssee aall tteeoorreemmaa ddeell ffaaccttoorr, ¿qué decía?

Ref: RB-2104200610G

8.1.2 GESTE « TECHNIQUE » (TC)

Il s’agit d’’aapppplliiqquueerr uunnee tteecchhnniiqquuee −− oouu ddee ffaaiirree aapppplliiqquueerr uunnee tteecchhnniiqquuee −− ddee tteellllee

mmaanniièèrree qquu’’aauu ffuurr eett àà mmeessuurree ddee ll’’aapppplliiccaattiioonn,, lleess ééllèèvveess ppuuiisssseenntt ssee rraappppeelleerr,, àà

ttrraavveerrss lleess qquueessttiioonnss ppoossééeess ppaarr llee pprrooffeesssseeuurr −− oouu ddaannss cceerrttaaiinnss ccaass ppaarr lleess ééllèèvveess ddee

mmaanniièèrree ppuubblliiqquuee oouu pprriivvééee −− ddeess éélléémmeennttss dd’’uunn ssaavvooiirr--ffaaiirree ccoonnnnuu dd’’eeuuxx,, eett qquuee

ll’’eennsseeiiggnnaanntt cchheerrcchhee àà rrééaaccttiivveerr ddaannss llaa ccllaassssee..

Les gestes techniques sont assez habituels et ils font appel à ce que Matheron (2000) a nommé

la mémoire pratique, c’est-à-dire, une mémoire qui nous permet de reproduire, au moment

approprié, une pratique donnée. L’extrait que nous présentons ci-dessous, et qui illustre ce

type de gestes, fait partie de la première séance relative à la division synthétique de la 10e M.

L’enseignant a écrit au tableau les noms des parties de la division en fonction de leurs

positions selon une technique étudiée à l’école, et qui permet de diviser des nombres entiers.

Ces traces devraient évoquer aussi la division des polynômes étudiée en huitième. Au début

de la séance, le professeur avait écrit au tableau le titre « Division synthétique » accompagné

de l’opération (2x2 − 3x + x4 + 2) ÷ (x + 2). Dans le passage suivant, il va commencer à

« rappeler » des éléments du savoir-faire à partir de l’accomplissement d’une tâche du type :

diviser un polynôme.

122 PROF=SB : [...] Ok, entonces. SSeeggúúnn nnuueessttrraa ddiivviissiióónn,, aassíí

ccoommoo eessttáá (P se refiere a la operación ((22xx22--33xx++xx44++22))÷÷((xx++22))), tteennggoo ddooss ppoolliinnoommiiooss,, ¿¿ccuuááll ddee eellllooss eess eell ddiivviissoorr?

123 Es : x + 2 124 PROF=SB : x + 2. Ese es el divisor. El dividendo, sería el que nos dice Karen que es el…

grandote. Entonces vamos a ordenar en forma decreciente, tanto al dividendo como al divisor. ¿¿QQuuéé eerraa eenn ffoorrmmaa ddeeccrreecciieennttee ?

125 E=J : De mayor a menor (otros estudiantes también lo dicen)

Mettre en facteurs 6x3+7x2-9x+2 6 7 -9 2 -12 10 -2 -2

6 -5 1 0

DDiivviiddeennddoo ddiivviissoorr ccoocciieennttee rreessiidduuoo

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 245

126 PROF=SB : De mayor a menor. Entonces, ssii mmee hhaacceenn ffaallttaa aallgguunnooss ggrraaddooss…… ¿¿qquuéé hhaacceemmooss ?

127 E=F : (Di se agrega x) 128 E=K : Se agregan ceros 129 E=S : Di se deja el espacio 130 PROF=SB : Se deja el espacio, ¿o se rellena con ? 131 Es : Ceros (P escribe: x4+0⋅x3+2⋅x2-3x+2)

Ref: SB-2403200610M

Notons les trois interventions que nous interprétons en tant qu’indices pour classifier « les

actions » de Sam comme des gestes techniques, et qui contribuent à l’aménagement du milieu

d’enseignement au début d’une séance. A la ligne 122, « dans notre division, là comme elle

est ((2x2 − 3x + x4 + 2) ÷ (x + 2)), nous avons deux polynômes, lequel parmi ceux-ci est le

diviseur ? », Sam cherche à réactiver la reconnaissance des termes d’une division quand elle

est représentée sous la forme P(x) ÷ Q(x). A la ligne 124, à partir de « qu’est-ce que ça veut

dire ‘sous une forme décroissante’ ? », le but est de réactiver une partie de la technique :

l’ordre appris comme nécessaire pour récrire le polynôme à diviser. Enfin, à la ligne 126,

« s’il me manque des degrés… que fait-on ? », vise la réactivation de la deuxième condition

que doit remplir le dividende : être « complet ».

8.1.3 GESTES DE « REPLACEMENT » (RE)

Il s’agit de pprroodduuiirree oouu dd’’iinnddiiqquueerr ddeess ttrraacceess ssccrriippttuurraalleess,, ddee ffaaiirree ddeess ccoommmmeennttaaiirreess

eett//oouu ddee ppoosseerr ddeess qquueessttiioonnss ppoorrtteeuusseess dd’’éélléémmeennttss,, qquuii sseerrvveenntt ddee «« cchheemmiinn »» ppoouurr ssee

rreeppllaacceerr aauuxx ppooiinnttss ddee vvuuee −− mmaanniièèrree ddee ffaaiirree oouu ddee ppeennsseerr −− ddee ddiifffféérreenntteess ppoossiittiioonnss

qquuii eexxiissttaaiieenntt ddaannss uunnee iinnssttiittuuttiioonn ddoonntt oonn ffaaiissaaiitt −− oouu oonn ffaaiitt −− ppaarrttiiee..

Ces gestes supposent qu’on puisse observer des institutions auxquelles on n’appartient plus en

personne – ce qui suppose soit un support réel (enregistrements par exemple), soit un support

mémoriel –, il est alors possible, en tant qu’observateur, de prendre de la distance par rapport

à ses assujettissements antérieurs. Pour mener à bien cette observation, on peut alors se servir

de la nature plus ou moins prononcée de ses assujettissements antérieurs à cette institution

pour soit rejouer, ou reconstruire, les assujettissements dont on pense qu’ils étaient les siens

depuis la position qu’on occupait, soit jouer ou reconstruire ceux des personnes qui

occupaient d’autres places que celles que l’on avait.

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 246

Les gestes de « replacement » peuvent être aussi décrits à partir des niveaux de co-

détermination didactique définis par Chevallard (2002, 2004, 2005). Dans ce sens, les

éléments des commentaires, des questions ou les traces scripturales, peuvent être vus comme

balisant « le chemin » vers un ou plusieurs niveaux de co-détermination, afin d’« être

reconduit » vers les pratiques associées à ce (ou ces) niveau(x)-là et antérieurement

accomplies dans des institutions. L’intention de replacer les élèves dans un niveau de co-

détermination particulier s’appuie sur la volonté de permettre une délimitation

− probablement temporaire − par les élèves d’un milieu, délimitation suggérée implicitement

par l’enseignant dans la classe. Ceci est rendu possible par le fait qu’à toute institution est

associé un contrat qui peut être interprété par ses sujets dans le sens de la recherche de cette

délimitation. Le schéma est donc le suivant : à travers les gestes de replacement, le professeur

évoque ou indique un niveau de co-détermination didactique à l’intérieur duquel des pratiques

mathématiques ont été antérieurement accomplies. Ce faisant, par contrat, les élèves doivent

comprendre que ce niveau − ou les éléments qui s’y trouvent − leur permet d’articuler les

termes d’une dialectique entre les pratiques anciennes propres à ce niveau et celles qu’ils

doivent réaliser maintenant, et pour cela de délimiter un milieu pour effectuer ces dernières à

partir de certaines de celles antérieurement propres à ce niveau.

A l’intérieur de cette catégorie de gestes, nous nous attachons à certains d’entre eux qui nous

semblent régulièrement accomplis et qui ont été en quelque sorte déjà relevés lors des

analyses présentées dans le chapitre 7. De tels gestes peuvent s’identifier à partir du type

d’objets qu’ils utilisent pour réactiver des rapports au savoir : l’histoire de la classe, le sens

des mots, les analogies, les ostensifs « de guidage » et la verbalisation technique. Précisons

chacun de ces traits par un exemple.

Histoire de la classe (ReH)

Il s’agit d’utiliser des événements, qui se sont passés dans la classe, comme points de

référence pour se repositionner à un point de vue qui fut ou est encore celui de certains sujets

dans l’institution. Ces événements peuvent être de nature diverse : le mobile d’un élève a

sonné, un oiseau est entré dans la salle, etc. Mais ils se réfèrent aussi à des éléments qui font

partie de l’organisation de l’étude : l’activité à l’aide de l’ordinateur, le troisième exemple

montré, le travail en binôme sur les expressions algébriques, etc.

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 247

L’extrait que nous présentons correspond au début de la deuxième séance sur la factorisation

des polynômes pour la 10e M. Sam est entré dans la salle et a écrit au tableau :

3ax + ay + 3bx + by.

1 PROF=SB : (01’00. P escribió en la pizarra, a manera de segundo ejemplo: 3ax + ay + 3bx + by) Tenemos ahí la factorización por agrupación, verdad. YYaa hheemmooss hheecchhoo eejjeemmppllooss.. EEssttee eess eell sseegguunnddoo, ¿verdad? (“Es” buscan los ejemplos). TTiieenneenn uunnoo qquuee ddiiccee aa mm,, mmááss bb pp,, mmááss aa pp,, mmááss bb mm (P se refiere al ejemplo de la clase anterior: am + bp + ap + bm). Ahora el segundo ejemplo es, traten de hacer los grupos para ver cómo les queda ésta. Háganlo, ustedes [...].

Ref: SB-2402200610M

De ce passage nous extrayons des éléments de l’histoire de la classe qui permettent de baliser

« le chemin » conduisant les élèves à se replacer au sein des pratiques qui étaient les leurs

− ce qu’ils y faisaient − lors de la séance précédente. Ces éléments sont donnés par le

professeur : « on a déjà fait des exemples » et « vous avez un [exemple dans vos cahiers] qui

dit a m, plus b p, plus a p, plus b m ». Notons que l’enseignant n’évoque pas la technique

directement, mais qu’il le fait à partir de deux éléments « historiques ». La fin de l’extrait

nous semble permettre de vérifier notre hypothèse du « balisage du chemin » car une fois que

les élèves se sont remémorés la factorisation par « regroupement », ils doivent ensuite

accomplir la tâche portée par le deuxième exemple donné au début de la séance : factoriser

3ax + ay + 3bx + by.

Sens des mots (ReS)

Les gestes qui sollicitent l’explicitation du sens d’un mot − dans des institutions fréquentées

par les élèves et le professeur − sont classifiés comme relevant du type « replacement », car il

semble qu’ils réactivent soit le rôle qui était celui du sujet dans une institution passée au

moment de réaliser une pratique, soit un rapport institutionnel à un objet qu’intégrait la

« manière de penser » du groupe. Dans le cas de l’élève à qui on demande d’expliciter un

certain genre de tâches (factoriser, simplifier, faire plus petit, etc.), il se replace dans la

position de « réalisateur de tâches », pour décrire ce que signifie pour lui le mot demandé.

L’exemple suivant est un extrait de la première séance de factorisation de la 10e H à la charge

de Ron.

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 248

16 PROF=RB : [...]¿¿QQuuéé eess ffaaccttoorriizzaarr?? 17 E=S : Reducir [...] 20 PROF=RB : ¿¿RReedduucciirr ccóómmoo?? 21 E=S : Diay no sé 22 E=Se : Expresar más pequeño 23 PROF=RB : ¿¿MMmm?? [...] Si les dicen que factorice 80, ¿qué hacen? ¿Mm? 24 E=Se : Dividirlo. 25 E=V : Descomponerlo, ¿no? [...] 34 PROF=RB : YY,, ¿¿qquuéé eess ddeessccoommppoonneerrlloo?? 35 E=V : Los términos que dan el resultado. O sea buscar los términos que dan 80. 36 PROF=RB : ¿¿CCóómmoo llooss ttéérrmmiinnooss qquuee ddaann 8800?? 37 E=V : Los números que multiplicados o sumados den 80.

Ref: RB-2402200610H

Remarquons que, même si le professeur interroge les élèves par rapport à des tâches et des

techniques antérieurement rencontrées (« qu’est-ce que factoriser ? », ligne 16 ; « réduire,

mais comment ? », ligne 20 ; « qu’est-ce que décomposer ? », ligne 34 ; « comment ça, les

termes de 80 ? », ligne 36), il n’y a pas d’appui pour le rappel comme c’est le cas lors de

gestes techniques où l’« application » d’une technique constitue l’appui (voir

paragraphe 8.1.2). C’est uniquement à partir du replacement provoqué par le non-ostensif

qu’évoque le mot (factoriser, réduire, décomposer, etc.), que les élèves devraient se

remémorer des moments de réalisation des tâches passés afin de répondre aux questions

actuelles de l’enseignant.

Analogies (ReA)

Pour ce qui relève de la gestion de la mémoire, l’utilisation d’une analogie de la part de

l’enseignant demande aux élèves d’effectuer un double replacement. D’une part, il faut qu’ils

se replacent à l’instant où ils sont entrés en contact avec la première partie de l’analogie

qu’utilise le professeur, afin de reconnaître ce que l’enseignant a l’intention de souligner.

D’autre part, les élèves doivent transposer ce que l’enseignant a souligné − ou suivre la

transposition faite par l’enseignant − vers la pratique contenue dans la situation face à laquelle

se trouve actuellement la classe.

L’extrait que nous montrons pour illustrer ce geste est tiré de la deuxième séance sur la

division synthétique dans la 10e H. Ron vient d’énoncer le « théorème du facteur » :

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 249

« P(a) = 0 ⇔ (x − a) est un facteur de P(x) ». Ensuite, il tient un discours qui se conclut par la

démonstration de ce théorème au tableau.

57 PROF=RB : [...] No importa quién sea este polinomio (P se refiere al dividendo), cuando lo divida entre x − a, me va a dar como resultado otro polinomio y aquí (P indica el residuo) me va a dar un número, nada más. ¿Si? CCuuaannddoo uunnoo ddiivviiddee, ppoorr eejjeemmpplloo (P escribe en la pizarra la primera figura adjunta). AAqquuíí, está bien verdad. DDeecciimmooss qquuee 1177 eess 33 ppoorr 55,, mmááss 22,, vveerrddaadd. ¿Si? EEnnttoonncceess aaqquuíí ppooddeemmooss ddeecciirr qquuee,, ¿¿PP ddee xx eess?? SSeerrííaa QQ ddee xx,, ¿¿ppoorr?? xx mmeennooss aa,, ¿¿mmááss??

58 Es : rr (P escribe la segunda figura adjunta) Ref: RB-2403200610H

Notons que dans les autres cas de type de gestes de « replacement », présentés auparavant et

ne convoquant pas les analogies, l’élève devait aussi, après replacement temporaire dans le

passé provoqué par « l’histoire de la classe » ou la demande du « sens des mots », retrouver

son point de vue actuel dans l’institution. Cependant, pour les analogies, il ne s’agit pas

seulement d’identifier ou de retourner à une position ancienne afin de réactiver un souvenir,

mais de rapprocher les relations à la situation actuelle avec celles réactivées dans la situation

ancienne.

Remarquons que le but du « geste d’analogie95 », dans l’exemple présenté, ne nous semble

pas remplir la fonction de délimitation d’un milieu pour aider à la remémoration des élèves,

mais plutôt celle de « meilleure compréhension » ou de meilleure « monstration » d’une

affirmation énoncée. Néanmoins, comme nous l’avons indiqué, il nous semble important de

noter la technique de l’enseignant car elle relève de la volonté de stabilisation d’éléments du

milieu.

Ostensifs « de guidage » (ReO)

Il s’agit d’utiliser un ostensif pour guider le replacement des élèves vers les(s) niveau(x) de

co-détermination didactique dans lesquels prend temporairement place l’objet de l’étude.

Certains « ostensifs de guidage », à condition qu’ils soient reconnus des élèves, permettent de

95 Dans l’un des premiers articles de Recherches en Didactique des Mathématiques, Brousseau (1986) signalait déjà l’usage de l’analogie dans l’enseignement des mathématiques. Plus précisément, il dénonçait son usage abusif qui pouvait aboutir à un effet Topaze (voir pp. 44 − 45).

17 ⏐ 3 2 5 17=3⋅5+2

P(x) ⏐x-a P(x)=Q(x)⋅(x-a)+r r ⏐ Q(x) ⇒ P(a)=Q(a)⋅(a-a)+r

⇒ P(a)=Q(a)⋅0+r ⇒ P(a)= r

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 250

réaliser une première délimitation du milieu ou en général de l’univers cognitif de la classe.

Les ReO les plus courants, sont ceux qui font allusion à la structuration de l’étude qui

commence : les titres écrits au tableau ou les thèmes à étudier qui sont énoncés oralement.

Voyons un exemple tiré du début de la première séance de factorisation de la 10e L :

1 PROF=SB :

LLoo qquuee vvaammooss aa eemmppeezzaarr aa ttrraabbaajjaarr aahhoorraa eess eell tteemmaa ddee llaa ffaaccttoorriizzaacciióónn. Recuerdan que ustedes trabajaron factorización ? (PP eessccrriibbee «« FFaaccttoorriizzaacciióónn »» eenn llaa ppiizzaarrrraa).

Ref: SB-2102200610L

Ainsi, l’« expression » orale du début indique sur quoi portera la séance, et l’ostensif écrit au

tableau, « factorisation », devrait évoquer des complexes d’objets ostensifs et non ostensifs

avec lesquels il entre en interrelation : c’est-à-dire, des praxéologies institutionnelles

antérieurement étudiées. Ce rôle des « ostensifs de guidage » privilégie donc la dimension

sémiotique des ostensifs. Regardons les commentaires que deux élèves de Ron font lors d’un

des entretiens collectifs visant à connaître dans quel état d’esprit ils se trouvaient durant la

première séance de factorisation :

58 MF : Si... di que yyoo nnoo mmee aaccoorrddaabbaa ddee nnaaddaa. O sea lo podía volver a ver pero no me iba acordar del año pasado.

59 V : Yo si me acordé (V ríe) 60 I : ¿De qué te acordaste? 61 V : Diay de todo. 62 I : ¿Y qué es ese todo? 63 V : Diay de todo, de cómo se sacaba el factor común. DDeessddee qquuee ééll ppuussoo eell ttííttuulloo yyoo mmee

aaccoorrddaabbaa. Ref: ET-06042006C10G

A la ligne 58, l’élève MF, qui est une élève en difficulté, avoue qu’elle « ne se rappelait de

rien ». A la ligne suivante V, qui est une « bonne » élève, dit que contrairement à sa

camarade, elle s’était rappelée de tout (ligne 61). A la ligne 63, V indique que dès que Ron a

écrit « le titre », elle s’était souvenue.

Les gestes de replacement qui portent sur les ostensifs de guidage sont aussi accomplis afin

d’appuyer le souvenir d’un objet ou d’un rapport plus spécifique, associé à l’enjeu dans la

classe à un instant t. Par exemple, les gestes mentionnés à la fin du paragraphe 7.2.1 relatifs à

la réactivation d’un rapport sur la « factorisation complète d’un entier » : ils s’appuient sur les

ostensifs : « le 2 et le 5 », « racines » et les traces d’une technique écrite au tableau. Voyons

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 251

aussi un autre exemple. Il s’agit de la première séance sur « l’inspection » que Sam débute en

écrivant le trinôme x2 + 5x + 6 au tableau, suivi de la question : « comment peut-on factoriser

cela ? » Une élève dit : « par facteur commun » ; mais Sam met en évidence que ce n’est pas

possible à l’aide de cette technique. Un autre élève propose de factoriser l’expression grâce à

la première identité remarquable :

24 PROF=SB : Con la primera verdad, tiene fórmula, pareciera. Pero me dicen que no es fórmula, ¿por qué no?

25 E=Fe : Porque 6 no es cubo, cuadrado perfecto. 26 PROF=SB : Bueno porque no cumple con las condiciones de la fórmula. En primer lugar 6,

digamos que no es cuadrado perfecto, está bien. Y aaddeemmááss 55 xx, ¿qué tenía que ser ese?

27 E : El doble. Ref : SB-1703200610M

A la ligne 26, Sam valide l’intervention de l’élève Fe qui explique pourquoi on ne peut pas

appliquer l’identité remarquable à l’expression x2 + 5x + 6 : « car 6 n’est pas un carré parfait »

Mais, le professeur attend encore une deuxième raison : « le terme du milieu doit être le

double des deux expressions ». A cette fin, Sam signale le terme « 5x » pour guider les élèves

vers les pratiques dans lesquelles ils ont étudié la factorisation à l’aide de la première identité

remarquable, afin de faire dire aux élèves la condition attendue.

Verbalisations techniques Re(V)

Il s’agit de demander aux élèves d’énoncer des gestes qu’on accomplit lors de la mise en

œuvre d’une technique, sans pour autant l’appliquer dans l’instant. Nous incluons aussi dans

ce type de gestes les demandes des noms donnés aux objets mathématiques ou à des parties de

la description d’une technique. Voyons un exemple tiré d’une séance relative à la division

synthétique chez Sam.

58 PROF=SB […] recordemos los términos de la división, ¿¿ccóómmoo ssee llllaammaann llooss ttéérrmmiinnooss ddee llaa ddiivviissiióónn?? Porque ahora vamos hablar de la división y se va a quedar así como... ¿Cuáles?

59 E Divisor 60 E Dividendo 61 PROF=SB Divisor, dividendo 62 E Cociente 63 PROF=SB Cociente, ¿¿yy??

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 252

64 E Residuo 65 PROF=SB Residuo. Ok entonces ¿¿eenn qquuéé oorrddeenn vvaann aappaarreecceerr eessooss eelleemmeennttooss oo eessooss ttéérrmmiinnooss??

[…] Ref : SB-2803200610L

Les gestes associés aux demandes de verbalisation sont repérables aux lignes 58 (« comment

s’appellent les termes de la division ? »), 63 (« et aussi ») et 65 (« dans quel ordre vont

apparaître ces éléments ou ces termes ? »). Nous les avons classés dans la catégorie des gestes

de replacement parce qu’ils sollicitent justement le replacement au sein des groupes qui

accomplissaient certaines pratiques, pour se remémorer et pouvoir répondre aux questions du

professeur. Certes, parfois, le replacement est de nature plutôt automatisée ; ce qui masque,

jusqu’à un certain point, le besoin de replacement.

Enfin, soulignons que ces gestes se distinguent des gestes techniques car l’appui à la mise en

œuvre effective, soit par un élève ou soit par l’enseignant, n’est pas présente.

8.1.4 GESTE CHRONOLOGIQUE (CH)

Il s’agit d’uuttiilliisseerr ddeess mmaarrqquueeuurrss dduu tteemmppss nnaattuurreell ssccoollaaiirree vvuuss ppaarr llaa ppeerrssoonnnnee qquuii

aaccccoommpplliitt llee ggeessttee ss’’yy rraappppoorrttaanntt,, eenn ttaanntt qquuee ppoossssiibbllee aannttiicciippaattiioonn dd’’uunn ssoouuvveenniirr.. CCaarr

iillss ddééssiiggnneenntt llee mmoommeenntt aauu ccoouurrss dduuqquueell lleess ééllèèvveess oonntt rreennccoonnttrréé ccee qquuee llee pprrooffeesssseeuurr

vveeuutt rrééaaccttiivveerr.. AAiinnssii,, àà ppaarrttiirr ddee ll’’éévvooccaattiioonn ddee ccee mmoommeenntt,, lleess ééllèèvveess ddooiivveenntt ss’’yy

rreeppllaacceerr ppoouurr yy cchheerrcchheerr llee ssoouuvveenniirr ddeess ccoonnnnaaiissssaanncceess qquuii sseerroonntt eennssuuiittee ddeemmaannddééeess..

LLeess mmaarrqquueeuurrss ssoonntt rreellaattiiffss ppaarr eexxeemmppllee,, aauuxx aannnnééeess ssccoollaaiirreess oouu àà llaa ppaarrttiittiioonn dd’’uunnee

aannnnééee ssccoollaaiirree.

En général, ces gestes mettent en évidence l’évocation d’un passé fictif par le professeur,

parfois aussi par les élèves. C’est-à-dire que l’enseignant replace les élèves au moment d’une

étude qu’ils n’ont pas effectuée avec lui ; comme si professeur et élèves avaient étudié le

thème ensemble.

De même que les ostensifs « de guidage », les gestes chronologiques sont assez habituels. Ils

contribuent aussi à la structuration du savoir. Voyons un exemple extrait de la première

séance sur la factorisation de la 10e H. L’enseignant débute la séance par un geste

chronologique, en disant « vous avez vu ça l’année dernière [« Factorisation » est écrit au

tableau], n’est-ce pas ! Vous souvenez-vous ? » (Ligne 1) ; évoquant la factorisation des

polynômes étudiée en neuvième. Ensuite, il demande aux élèves quelles techniques de

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 253

factorisation ils connaissent et les questionne sur « qu’est-ce que factoriser ? » Comme les

élèves ne donnent que des mauvaises réponses le professeur intervient en disant :

23 PROF=RB : ¿Mm? ¿Reducir qué? Ustedes eenn llaa eessccuueellaa vviieerroonn ffaaccttoorriizzaarr nnúúmmeerrooss yy eenn ssééttiimmoo ...... ¿Si? (P escribe en la pizarra: « Factorice 80 »). Entonces, ¿qué es factorizar 80?, por ejemplo [...]

Ref: RB-2402200610H

Dans ce passage, « l’école » et l’année scolaire de « septième » sont donc les marqueurs

utilisés pour désigner le lieu où il faut se replacer pour accomplir la tâche que l’enseignant

donne ensuite : « qu’est-ce que factoriser 80 ? »

Remarquons que, même si nous ne l’avons pas repéré dans les classes observées, les gestes

chronologiques peuvent faire aussi référence à des marqueurs d’un autre temps institutionnel :

le temps didactique (voir paragraphe 8.2).

8.1.5 GESTES « DESTABILISATEUR » (DS)

Il s’agit de mmeettttrree eenn ddoouuttee ll’’aaffffiirrmmaattiioonn dd’’uunn ééllèèvvee aaffiinn qquu’’iill iinntteerrrrooggee sseess rraappppoorrttss

ppeerrssoonnnneellss àà ll’’oobbjjeett aannttéérriieeuurreemmeenntt ccoonnssttrruuiitt.. CCee ggeessttee ppeeuutt ssee ccaarraaccttéérriisseerr aauussssii àà

ppaarrttiirr ddeess iinntteerrvveennttiioonnss dduu pprrooffeesssseeuurr qquuii ddeemmaannddeenntt ddeess eexxpplliiccaattiioonnss àà uunnee rrééppoonnssee

dd’’uunn ééllèèvvee :: «« ppoouurrqquuooii ?? »»,, oouu qquuii mmeetttteenntt eenn éévviiddeennccee llaa ffaauusssseettéé dd’’uunnee ddee lleeuurrss

pprrooppoossiittiioonnss..

Les gestes « déstabilisateurs » favorisent donc la possibilité d’un moment pour retravailler

(confirmer, transformer, organiser, re-organiser) l’univers cognitif de l’élève relatif à certains

savoirs mathématiques. Ils relèvent de la gestion de la mémoire pour la construction d’un

milieu car, même s’ils n’offrent pas directement des points d’appui pour guider la

remémoration, ils exigent un aménagement du « lieu cognitif » auquel fait allusion l’élève à

travers son intervention. Cette exigence oblige l’élève à retravailler de manière personnelle

son passé.

Nous identifions trois gestes qu’on peut qualifier de « déstabilisateurs » : les « demandes

explicatives » qu’adresse l’enseignant, les interventions concernant les « reprises dubitatives »

et l’utilisation de « contre-exemples ». Précisons chaque cas par un exemple.

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 254

« Demandes explicatives » et « Reprises dubitatives » (DsD) et (DsR)

Nous parlons de gestes de « demandes explicatives » quand l’enseignant adresse une question

directe à un élève, en demandant l’explicitation des justifications de son affirmation. Comme

le remarque Chevallard (1999) pour le discours technologique sur une technique, le style de

rationalité de ce discours est relatif à l’institution dans laquelle il est produit. Nous avons noté

que, quand il s’agit de « gestes déstabilisateurs », les éléments du discours explicatif et

justificatif mobilisés « librement » par les élèves des classes observées sont assez souvent

intégrés dans la technique : elle permet de retrouver le résultat demandé et de justifier que

c’est bien là le résultat attendu (voir paragraphe 2.1.2).

Les gestes de « reprises dubitatives » correspondent à la répétition sous forme interrogative

d’une intervention d’un élève, de manière à ce que l’élève interprète sa réponse comme non

validée − au moins de manière immédiate − par l’enseignant : elle est mise en doute.

Dans les deux cas, pour que l’élève réagisse face au doute manifesté par le professeur, il

semble nécessaire qu’il re-interroge son univers cognitif. Remarquons cependant que, si

l’élève interprète sa réponse comme fausse ou incomplète, c’est grâce à un effet du contrat

didactique établi dans chaque institution : l’enseignant met en doute une réponse seulement

quand elle est fausse ou incomplète. Mais nous pourrions penser au professeur qui reprend

« aléatoirement », de manière dubitative, des interventions des élèves. Dans ce cas, la clause

du contrat devrait être modifiée : l’enseignant met en doute une réponse pour voir si l’élève

est sûr de ce qu’il propose. Dans les deux cas, il y a demande d’interrogation de l’univers

cognitif de l’élève.

Dans l’extrait suivant, tiré de la première séance de « factorisation des expressions à deux

termes » de la 10e G, l’enseignant propose aux élèves la tâche suivante : « factoriser a2 − 5 ».

145 PROF=RB : La que sigue (P se refiere a la expresión a2 − 5). 146 E=Jo : No se le puede hacer nada, no sé. O si, o no. 147 PROF=RB : ¿Usted qué cree? 148 E=Jo : Que no. 149 PROF=RB : ¿¿PPoorr qquuéé?? 150 E=Jo : Diay no sé. No hay factor común y... 151 PROF=RB : No hay factor común. 152 E=Jo : Y no hay ningún número elevado a la 2 que dé 5. 153 PROF=RB : ¿¿YY nnoo hhaayy nniinnggúúnn nnúúmmeerroo eelleevvaaddoo aa llaa 22 qquuee ddéé 55?? ¿¿SSeegguurrííssiimmoo?? 154 E=Jo : Si. 155 PROF=RB : ¿¿HHaayy aallggúúnn nnúúmmeerroo qquuee eelleevvaaddoo aall ccuuaaddrraaddoo ddéé 55?? (hacia el resto de la clase)

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 255

156 Es : No. 157 PROF=RB : ¿¿NNoo?? 158 E=Jo : Si, si. Si profe. 159 PROF=RB : ¿Cuál? 160 E=Jo : Di no sé cuál es (risas), pero debe de haber... ¡Por raíz de 5! 161 PROF=RB : Ah, sí sabe cuál es, entonces.

Ref: RB-0103200610G

A la ligne 149, remarquons le premier geste déstabilisateur et de « demande explicative », qui

provoque chez Jo la réactivation des éléments de son discours justificatif, éléments relevant

d’une dimension technique : « il n’y a pas de facteur commun » (ligne 151) et « il n’y a aucun

nombre qui au carré donne comme résultat 5 » (ligne 152). Ensuite, un geste de « reprise

dubitative » est réalisé par l’enseignant à la ligne 153 : « et il n’y a aucun nombre dont le

carré soit 5 ? T’es sûr ? ». Le re-travail de l’univers cognitif que demandent les gestes

déstabilisateurs permet de faire donner par l’élève la réponse attendue à la fin du passage :

« racine de 5 ! » (ligne 160). Notons aussi la reconnaissance appropriée, que nous avons

indiquée plus haut, au début de la ligne 160, des termes du contrat où Jo admet l’existence du

nombre cherché, même si à ce moment il ne « le connaît pas ».

Contre-exemples (DsC)

L’utilisation des contre-exemples comme geste mémoriel porte sur la mise en évidence, face à

la classe, de la fausseté ou de l’incomplétude d’une affirmation émise par les élèves. Ce geste

relève de la gestion de la mémoire car, au-delà de son utilisation comme réfutation d’une

affirmation, il sert de point de référence aux élèves pour retrouver ce que l’enseignant cherche

à faire se remémorer. C’est donc au sein du contre-exemple que se trouvent les indices pour

répondre convenablement à la question du professeur : il faut exclure le cas dont le contre-

exemple fait partie.

Illustrons le geste par un extrait de la séance de la classe 10e G de Ron analysée dans le

chapitre précédent :

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 256

60 PROF=RB : ¿Por qué? Bueno si es cierto, (24⋅5) es una factorización de 80, pero ¿por qué ? 61 E=Ka : Porque da igual a 80, ¿no? 62 PROF=RB : ¿¿EEssttoo eess uunnaa ffaaccttoorriizzaacciióónn ddee 8800?? ((PP eessccrriibbee eenn llaa ppiizzaarrrraa:: 5500 ++ 3300 == 8800)) 63 Es : No 64 E=J : No porque, multiplicados no dan 80. 65 E=G : Porque hay suma.

Ref: RB-2402200610G

Face à la réponse de l’élève « Ka » : 24⋅5 est une factorisation de 80 « parce qu’elle donne

comme résultat 80 » (ligne 61), l’enseignant écrit au tableau l’expression « 50 + 30 = 80 »

qui, de manière sous-entendue, met en évidence l’incomplétude de l’affirmation de « Ka ».

Une telle remarque provoque alors l’interrogation des élèves sur les caractéristiques données à

voir dans le contre-exemple, ce qui a pour conséquence − dans le meilleur des cas − la

réactivation d’une autre condition : dans une expression factorisée, il n’y a que des

multiplications.

8.1.6 PRENEUR D’INDICES (PR)

Il s’agit ppoouurr llee pprrooffeesssseeuurr dd’’aaccccoommpplliirr uunn rrôôllee qquuee lluuii aassssiiggnnee llaa rreeccoonnnnaaiissssaannccee

dd’’iinnddiicceess qquuii gguuiiddeenntt ll’’aapppplliiccaattiioonn −− oouu ssoonn aavvaanncceemmeenntt −− dd’’uunnee tteecchhnniiqquuee lloorrss ddee llaa

rrééaalliissaattiioonn dd’’uunn eexxeerrcciiccee oouu llaa rrééssoolluuttiioonn dd’’uunn pprroobbllèèmmee.

Lors de l’accomplissement de ce geste, c’est l’enseignant qui anticipe ce qu’on doit

reconnaître dans l’énoncé de l’exercice, ou dans les traces obtenues au fur et à mesure de la

mise en œuvre d’une technique, en avançant dans la technique à mettre en place.

Remarquons que, quand il s’agit des premiers exemples sur la réalisation d’une tâche, certains

contrats didactiques (voir paragraphe 2.2) exigent de la part du professeur l’accomplissement

de gestes preneurs d’indices, car c’est le professeur qui « montre » et l’élève qui accepte de

« voir ». Néanmoins, nous considérons qu’après l’ostension au tableau de « la manière de

faire » à partir de certains exemples, il est possible de modifier le rôle de l’élève − même lors

de pratiques ostensives −, en lui demandant la verbalisation d’indices qui guident l’application

d’une technique.

Voyons un exemple. Dans l’extrait que nous présentons, tiré d’une séance de la 10e L sur la

factorisation des polynômes en utilisant les identités remarquables, l’enseignant avait déjà

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 257

montré neuf exemples au tableau en faisant participer les élèves96. Le polynôme 3x² − 27

correspond au dixième exemple.

9 PROF=SB : ¿Cómo lo puedo factorizar? ¿¿SSeerráá ddiiffeerreenncciiaa ddee ccuuaaddrraaddooss?? ¿¿SSeerráá mmááss bbiieenn ddiiffeerreenncciiaa ddee ccuubbooss?? ¿¿TTeennddrráánn aallggoo eenn ccoommúúnn?? ¿¿TTiieenneenn aallggoo eenn ccoommúúnn eessooss??

10 E=C : El 3 11 PROF=SB : El 3. Muy bien, eennttoonncceess,, aanntteess ddee ffaaccttoorriizzaarr vvooyy aa ssaaccaarr eell ffaaccttoorr ccoommúúnn, que

efectivamente es 3. 33 ppoorr,, eennttoonncceess mmee qquueeddaa,, xx aa llaa 22 mmeennooss…… ¿¿2277 eennttrree 33?? 12 E=C : 9 13 PROF=SB : 9. Muy bien. Ahora si, x a la 2 menos 9, ¿cómo lo puedo factorizar? ¿Qué es esto?

DDeessppuuééss ddee qquuee ssaaqquuéé ffaaccttoorr ccoommúúnn,, vvooyy hhaacceerr llaa ffaaccttoorriizzaacciióónn ppoorr ddiiffeerreenncciiaa ddee……

14 E=C : Cuadrados Ref: SB-0603200610L

Notons, à la ligne 9, la première anticipation faite par l’enseignant (« ils (les termes 3x2 et 27)

ont quelque chose en commun ? ») qui évite aux élèves − au moins publiquement − le rappel

du fait qu’il fallait tout d’abord factoriser par le facteur commun. A la ligne 11, l’enseignant

poursuit avec l’anticipation de la mise en œuvre de la technique pour trouver l’autre facteur,

en annonçant : « alors il me reste x2 moins… 27 divisé par 3 ? » en prenant en charge la

« manière de construire » le second facteur dans l’expression factorisée. A la ligne 13, notons

la troisième anticipation, où le professeur indique qu’il faut factoriser en appliquant « une

différence de deux… (carrés) ». En ce sens, le professeur explicite rarement les indices à

chercher pendant l’accomplissement d’une tâche, et l’élève verbalise rarement ou fait

rarement ostension de ces indices.

Le geste « preneur d’indices » n’est pas un geste qui est directement associé à la construction

d’un milieu. Il est en effet un geste topogénétique, car il restreint le rôle de l’élève relatif à la

gestion de la mémoire pour la réalisation d’un exercice. Ceci parce que la place donnée à la

verbalisation publique des manières de réaliser une tâche est assumée par le professeur, et non

par l’élève. Nous formulons l’hypothèse que rendre la responsabilité aux élèves de verbaliser

l’application des techniques, aménage un milieu à partir duquel le professeur peut,

probablement, mieux contrôler les rapports personnels des élèves aux objets de l’étude.

96 Les neuf exemples correspondaient aux factorisations de: x²+4x+4, x²-6x+9, x²-16, x3+8y3, 1-27a3, (x+1)-y², 4-(x+1)², (a+3)3-8 et 125+(x+1)3.

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 258

8.1.7 GESTE DE « FIXATION » (FX)

Il s’agit d’aaffffiirrmmeerr −− ffiixxeerr −− qquueellqquuee cchhoossee qquuii sseerrtt ddee ppooiinntt ddee rrééfféérreennccee aauuxx ééllèèvveess

((oouu qquuii eesstt ééttiiqquueettéé ccoommmmee ddee «« ppooiinntt ddee nnoonn rrééfféérreennccee »»)) qquuii cchheerrcchheenntt àà ssee

rreemméémmoorreerr uunnee ccoonnnnaaiissssaannccee aanncciieennnnee aaffiinn ddee rrééppoonnddrree aauuxx qquueessttiioonnss ppoossééeess ppaarr

ll’’eennsseeiiggnnaanntt.

Les gestes de « fixation » relèvent de la gestion de la mémoire associée à la construction d’un

milieu car, par leur usage, le professeur tente, en fixant des rapports aux objets de l’étude qui

ne seront plus remis en question lors de l’enseignement, de baliser l’univers cognitif des

élèves. Par conséquent, les gestes de fixation servent de points de référence qui soulagent les

élèves dans l’établissement du rapport qu’ils ont à construire et maintenir avec certains objets.

Voyons des exemples tirés de la première séance de factorisation de la 10e G. Au tout début

de la séance, Ron a demandé « qu’est-ce que factoriser ? » Les élèves donnent trois mauvaises

réponses dont la troisième fait référence au PPCM. Le professeur explique pourquoi ce n’est

même pas viable de considérer le PPCM comme réponse. Il conclut son interprétation par un

geste de « fixation » :

18 PROF=RB : Entonces no puede haber nada común. CCuuaannddoo uunnoo hhaabbllaa ddee ccoommúúnn,, ttiieennee qquuee sseerr ccoommúúnn eennttrree vvaarriiooss vveerrddaadd,, nnoo nnaaddaa mmááss ddee uunnoo. EEnnttoonncceess nnoo eess ccoonn eessoo.

Ref: RB-2402200610G

Le geste de l’enseignant « fixe » comme « non validée » la réponse PPCM, aussi les élèves

peuvent-ils oublier momentanément, dans leurs univers cognitif, un « chemin » possible

associé au PPCM, pour pouvoir donner la réponse attendue.

Plus loin dans la même séance, le professeur demande pourquoi les expressions écrites au

tableau sont des factorisations de 80 :

48 E=C : Si porque quedaría 2 a la 4 por 5, sería una factorización de 80 (mientras, P escribe en la pizarra: 24⋅5).

49 E=J : Si porque 16 por 5. 50 PROF=RB : ¿Y por qué eso [24×5] es una factorización de 80? 51 E=K : ¡Ay Dios mío!, ¡por qué…! 52 PROF=RB : Eso da 80 53 E=C : Ajá. 54 PROF=RB : Y, ¿esto es una factorización de 80? (P se refiere a “20×4”)

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 259

55 E=K : ¡Ay Dios mío por qué! 56 PROF=RB : ¿Eso da 80? 57 Es : Si, ajá. 58 PROF=RB : Y, ¿esto es una factorización de 80? (P se refiere a “16×5”) 59 E=K : ¡Diay si! 60 PROF=RB : ¿Por qué? BBuueennoo ssii eess cciieerrttoo,, eess uunnaa ffaaccttoorriizzaacciióónn ddee 8800, pero ¿por qué?

Ref: RB-2402200610G

L’intervention de l’enseignant à la ligne 60 est un geste de « fixation ». Après l’incertitude

chez les élèves provoquée par Ron, car il ne valide complètement aucune réponse, il « fixe »

au moins le fait qu’on ne se demandera plus si ce sont ou non des factorisations : « Bon, c’est

vraie, c’est une factorisation de 80 ». Désormais, il faut plutôt se centrer sur la réponse à la

question « pourquoi est-ce une factorisation ? ». Ainsi, en quelque sorte, s’opère la

désignation officielle des expressions 24 × 5, 20 × 4 et 16 × 5 (et plus loin dans le passage,

aussi 40 × 2) comme étant des factorisations de 80.

8.1.8 GESTE « OSTENSIF DECLENCHEUR » (OD)

Nous reprenons du paragraphe 3.2.2.1, le geste « ostensif déclencheur97 » qu’on avait identifié

au cours de l’étude du théorème de Thalès dans une classe de quatrième, ainsi que lors des

révisions sur la soustraction dans une classe de CP en France. Comme nous l’avions indiqué,

il s’agit de ddééssiiggnneerr uunn oosstteennssiiff ccoommmmee cceelluuii qquuii aa llaa pplluuss hhaauuttee vvaalleennccee sséémmiioottiiqquuee

(voir paragraphe 2.1.3). LL’’oosstteennssiiff ddééssiiggnnéé ppeeuutt,, cchheezz uunn ggrroouuppee ddee ssuujjeettss qquuii iinnttèèggrreenntt

ll’’iinnssttiittuuttiioonn,, rrééaaccttiivveerr,, aavveecc uunn cceerrttaaiinn ddeeggrréé dd’’«« aauuttoommaattiicciittéé »»,, uunn nnoonn--oosstteennssiiff.

Dans les corpus analysés, les ostensifs déclencheurs les plus facilement reconnus

correspondent aux identités remarquables. Voyons, par exemple, la première séance sur ce

thème de la 10e M à la charge de Sam.

1 PROF=SB : [...] Bueno muy bien, entonces vamos a iniciar la factorización por fórmulas notables. Fórmulas notables, ya usted las sabe desarrollar [...]. Ok ahora, qué vamos a hacer ahora. Vamos a tener la fórmula ya desarrollada y usted la tiene que reconocer. Usted tiene que saber que ese trinomio, es tal fórmula, que esa suma es tal fórmula, que esta diferencia es tal fórmula, ok. Vamos a trabajar estas

97 Comme nous l’avons dit, nous appelons aussi « ostensif détonateur » à l’« ostensif déclencheur ».

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 260

formulitas. Por ejemplo, si aparece esta (P escribe: aa²²++22aabb++bb²²), ¿quién es? 2 Es : Primera fórmula 3 PROF=SB : Ok entonces, ese trinomio yo lo puedo escribir como un factor. ¿Si o no? 4 Es : a más b, a la 2 5 PROF=SB : a al cuadrado, ok. Muy bien. Igual puedo escribir a más b, por a más b. Es lo

mismo, ¿o no? 6 Es : Si. 7 PROF=SB : Ok. Ahora, si vemos esta (P escribe: aa²²--22aabb++bb²²). 8 Es : a menos b, a la 2 9 PROF=SB : Entonces todo ese trinomio, esa suma, como quieran verla, lo puedo convertir en

un factor, ¿cuál será? 10 Es : a menos b 11 PROF=SB : a menos… 12 Es : b a la 2 13 PROF=SB : Muy bien. Ahora si tenemos una diferencia de esta forma (P escribe: aa²²--bb²²). 14 E : a menos b, por a más b.

Ref: SB-0303200610M

Le premier geste accompli par l’enseignant à la ligne 1 est un geste de « replacement »

− ostensif de guidage − : « Bon très bien, maintenant on va commencer la factorisation en

utilisant des identités remarquables ». Ce geste place les élèves dans un niveau de co-

détermination didactique particulier (« Factorisation des polynômes ») ; replacement qui va

fournir aux ostensifs un habitat pour devenir « détonateurs ». A la fin de la première ligne, le

premier ostensif détonateur est montré par l’enseignant : a ² + 2ab + b². L’expression

« détonne » chez les élèves et réactive les rapports : « première identité remarquable »

(ligne 2) et « (a + b)2 » (ligne 4). Il en sera de même pour les deux autres identités

remarquables que montrera le professeur aux lignes 7 (« a ² − 2ab + b² » ) et 13 (« a² − b² »),

et pour lesquelles les élèves réactivent leurs rapports en répondant : « (a − b)2 » et

« (a − b)(a + b) ».

Dans les paragraphes précédents, nous avons exposé les types de gestes mémoriels qu’on a

repérés à partir des observations en classe de dixième, au cours de l’étude de la factorisation

des polynômes. Nous avons exposé chacun d’eux à l’aide d’extraits des transcriptions de ces

séances. Dans le tableau suivant nous résumons ces gestes :

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 261

Rappelons que les gestes technologiques, chronologiques, de replacement, techniques et ceux

qui utilisent des ostensifs détonateurs, ont été repérés en analysant le fonctionnement des

gestes : l’action qu’accomplit le professeur sollicite des « points d’appui » pour soutenir la

réactivation d’un rapport. Les caractéristiques communes de ces « éléments d’appui » ont

commandé l’établissement de certains types de gestes. Les gestes de fixation, preneurs

d’indices, et déstabilisateurs, font partie de la typologie car leur rôle dans la gestion de la

mémoire est important, mais leur fonctionnement ne nous semble pas être celui des autres

gestes (technologiques, chronologiques, etc.).

Les « points d’appui » sollicités par les gestes sont vus comme des objets et rapports aux

objets intégrant un « système de référence » du passé didactique des élèves. Dans ce sens,

nous avons analysé la nature de ces « points de référence », afin d’élaborer un modèle pour

articuler leur organisation et leur mobilisation lors de la remémoration. Avant d’exposer ce

modèle, revenons sur certains gestes mémoriels repérés lors de l’étude exploratoire menée en

France. Ceci, afin de les interpréter à l’aide de cette dernière typologie élaborée, et que nous

considérons plus précise et détaillée.

Gestes mémoriels de l’étude exploratoire

Dans le paragraphe 3.2.2.1 nous avons élaboré une première classification des gestes que nous

avons supposés, pour cette première étude, d’ordre mémoriel (rappels relatifs au passé

scolaire, re-formulations, replacements dans un niveau de co-détermination didactique et

activation d’ostensif détonateur). Dans les conclusions de ce chapitre, paragraphe 3.2.3, nous

Gestes mémoriels

Sont accomplis afind’aménager un milieupour l’enseignement

(Th)(Tc)

(Re)(Ch)

(Fx)(Od)

(Pr)(Ds)

G. TechnologiqueG. Technique

G. de ReplacementG. Chronologique

G. de Fixation G. Ostensif détonateur

G. Preneur d’indicesG. Déstabilisateur

le discours la mise en oeuvre d’uneles groupes dont on faisait partieles marqueurs du tempsfixent des points de référenceévoquent quasi-automatiquement des rapportsnon-verbalisent des indices d’une techniqueré-interrogent les rapports personnels

θ/Θ τ

Verbalisation de techniques

Histoire de la classe Sens des motsAnalogies

(ReV)

(ReH)Ostensifs de guidage (ReO)

(ReS)(ReA)

Demandes explicatives Reprises dubitativesContre-exemples

(DsD)(DsR)

(DsC)

Figure 22 : Gestes mémoriels accomplis par les professeurs

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 262

avons justifié pourquoi certains de ces gestes ne semblaient pas importants pour l’étude de

l’aménagement d’un milieu conduit par l’enseignant. Or, certains des gestes98 identifiés

peuvent être interprétés en utilisant la nouvelle classification que nous avons proposée dans le

paragraphe précédent.

Pour ce qui concerne les gestes de rappels relatifs au passé scolaire, ils sont associés aux

« gestes de replacement » et particulièrement à ceux qui font référence à l’histoire de la

classe. Les rappels personnels, officiels et récents, nous semblent donc viser à faire se replacer

l’élève « aux points de vue des différentes positions qui existaient dans une institution dont il

faisait », ou fait encore, partie. Certains gestes que nous avons associés aux rappels officiels

− par exemple « l’action du professeur » dans le premier extrait que nous avons présenté lors

de l’illustration de ces gestes dans le chapitre 3 − sont maintenant confondus avec les gestes

de fixation. En effet, dans certains cas, leur fonction était de retenir un objet ou un rapport à

cet objet comme point de référence pour orienter la remémoration des élèves.

Les gestes de replacement dans un niveau de co-détermination didactique et en particulier

ceux d’encadrement d’une séance ou d’une activité, sont inclus dans la nouvelle classification

au sein des gestes « ostensifs de guidage » : à l’aide d’un tel ostensif, l’enseignant fait

évoquer des éléments de pratiques associées à un certain niveau de co-détermination. Certains

gestes relatifs aux pratiques extérieures au niveau considéré peuvent être compris comme

gestes de replacement par « analogies » − par exemple celui indiqué lors du second extrait

montré pour illustrer le type pratiques extérieures dans le troisième chapitre. D’autres gestes

de ce type peuvent s’interpréter comme relevant de l’activation d’« ostensifs de guidage »,

mais en référant leur rôle à la pratique extérieure au sein de laquelle ils sont considérés.

Enfin, nous avons gardé le nom d’« ostensif détonateur », ainsi que le sens que nous avons

donné aux gestes ainsi nommés lors de l’étude exploratoire : pour les sujets d’une institution,

les ostensifs détonateurs « ont préalablement réalisé un encodage très stable de l’ostensif et du

non-ostensif associé ».

Dans le paragraphe suivant, nous présentons le modèle du micro-cadre institutionnel de la

mémoire didactique que nous avons construit à partir de l’analyse du fonctionnement des

gestes. La modélisation proposée est un repère à trois dimensions qui intègre les éléments

98 Nous ne nous référerons pas aux gestes de re-formulation : répétitions, reformulations et récapitulations, car même s’ils sont associés en quelque sorte à une « mobilisation ou fixation » du passé, leur accomplissement ne nous semble pas la plupart du temps, porter une intention d’aménager un milieu. Cependant, pour ce qui concerne les gestes de « reformulation » signalés dans le chapitre 3, certains peuvent être interprétés à l’aide de plusieurs des gestes que nous venons de présenter.

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 263

mobilisés lors de l’accomplissement d’un geste. Ces éléments sont les points institutionnels

sur lesquels s’appuie le travail de remémoration des élèves.

8.2 MICRO-CADRE INSTITUTIONNEL DE LA MEMOIRE DIDACTIQUE

Rappelons qu’Halbwachs (1994) considère un cadre social de la mémoire comme un système

de « référence du passé ». Pour ce qui concerne notre objet d’étude, nous définissons le

micro-cadre de la mémoire didactique99 comme uunn ssyyssttèèmmee iinnssttiittuuttiioonnnneell ddee rreeppéérraaggee dduu

ppaasssséé ; il s’agit alors du passé didactique des élèves relatif aux mathématiques et à leur étude,

passé supposé commun et connu des élèves et du professeur. Il est composé des souvenirs

d’objets et de rapports aux objets qui intègrent ddeess ssyyssttèèmmeess cchhrroonnoollooggiiqquueess eett

ttooppooggrraapphhiiqquueess ddee llooggiiqquuee eett ddee sseennss ppeerrmmeettttaanntt llaa rreemméémmoorraattiioonn ;; cceeuuxx--ccii ééttaanntt ccoonnfféérrééss ppaarr

ddeess pprraattiiqquueess ssee ddéérroouullaanntt aauu sseeiinn dd’’oorrggaanniissaattiioonnss ddiiddaaccttiiqquueess ((rreennccoonnttrree eett ttrraavvaaiill ssoouuss

ccoonnttrraatt aavveecc ddeess pprraaxxééoollooggiieess,, àà ll’’aaiiddee dd’’oosstteennssiiffss eett ddee nnoonn oosstteennssiiffss)). L’existence de micro-

cadres est une nécessité pour l’évocation du souvenir. Aussi le professeur doit-il au préalable

re-mobiliser auprès des élèves un certain micro-cadre, par l’évocation d’éléments appropriés

qui lui correspondent, pour pouvoir ensuite faire se rappeler par la classe la connaissance

souhaitée.

Les points d’appui identifiés à partir des analyses de gestes mémoriels nous ont conduit à

l’élaboration d’un modèle à trois dimensions qui, comme nous l’avons dit, organise en

système des objets de référence du passé didactique de la classe.

La première dimension est relative au temps scolaire et au temps didactique ; on y indexe les

objets et rapports aux objets connus de la classe. Le temps scolaire réfère au temps de

l’institution (Chevallard et Mercier, 1987) ; c’est un temps marqueur des événements

pédagogiques et sociaux de l’établissement scolaire et qui est, d’une manière ou d’une autre,

associé à l’activité didactique des élèves. En tant que micro-cadre mémoriel, il intègre des

marqueurs tels que les années scolaires, les trimestres, l’Ecole primaire, etc., et aussi des

expressions du type « le jour de telle activité para-scolaire », « avant les vacances », etc. Nous

incluons aussi dans cette dimension, les personnages du temps scolaire qui ont eu des rapports

avec l’activité d’étude. Par exemple, « la maîtresse », le professeur du cours de soutien, etc.

Le temps didactique est relatif à la mise en texte du savoir qui engendre un temps de

l’enseignement (Chevallard, 1991) ; c’est-à-dire un temps qui permet la venue de nouveaux

99 Rappelons que nous considérons “la mémoire didactique” comme l’indexation sur le temps des rapports institutionnels portés par l’institution scolaire.

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 264

savoirs dans la classe. Dans ce sens, il est structuré par les événements qui assurent son

arrivée. En tant que dimension du cadre mémoriel, il intègre des moments au cours desquels

le milieu a été modifié ; ce qui implique des changements de contrat. Par exemple, passer de

l’étude de la technique de « compléter les carrés » à celle de « la formule générale du trinôme

du second degré ».

Ainsi, parmi les appuis mémoriels, ceux mobilisés par les gestes chronologiques sont-ils les

plus visibles parmi ceux relatifs à cette dimension. Pourtant, remarquons qu’en général, le

replacement à un certain point de vue d’un groupe auquel on a appartenu est structuré dans le

temps. De même que les objets et les rapports que les gestes cherchent à mobiliser.

La deuxième dimension du modèle du micro-cadre de la mémoire didactique, sur laquelle se

trouvent les points d’appui pour la remémoration, est déterminée par les positions offertes à

leurs sujets par les institutions passées, et à partir desquelles se sont constitués les rapports

aux objets. Cette deuxième dimension est donc relative au ttooppooss.

Quand il s’agit d’une institution à laquelle nous ne faisons plus partie, l’éloignement par

rapport aux assujettissements imposés par l’institution et qui ont été vécus par ses sujets, rend

possible le replacement dans des positions qui n’étaient pas celles occupées auparavant. La

volonté d’occuper une certaine place implique un certain replacement au point de vue du

groupe depuis une certaine position ; condition qu’Halbwachs considère indispensable pour se

souvenir.

... Passé

Avenir ...

Figure 23 : Première dimension du modèle du micro-cadre de la mémoire didactique

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 265

Remarquons que ce replacement dans d’autres positions, disponibles ou non dans l’institution

actuelle, est régulé par le groupe dont on fait partie à l’instant présent. Suivant Halbwachs, il

existe une activité rationnelle « qui prend son point de départ dans les conditions où se trouve

actuellement la société c’est-à-dire dans le présent. [La mémoire] ne fonctionnerait que sous

le contrôle de cette raison » (1994, p. 290). Les rôles et la place que nous occupons dans les

institutions actuelles, au sein desquelles nous prenons contact avec une organisation

mathématique, sont alors considérés comme porteurs des « conditions où on se trouve

actuellement » ; dans notre cas, l’institution didactique. Ainsi, nous ne pouvons nous référer

au passé que sous le contrôle de cette raison, qui est celle actuellement présente dans le

groupe. Notons que nous rencontrons à nouveau la thèse de Douglas dans laquelle elle postule

que c’est l’« institution » (pour nous le dispositif social qui permet la mise en jeu de manières

de faire et de penser propres) qui organise la mémoire de ses membres.

Jusqu’à un certain point, tous les gestes étudiés dans cette thèse référent à un replacement au

point de vue ou dans le « courant de pensée » d’un groupe. En particulier, les différents types

de gestes de replacement, qu’ils soient chronologiques, techniques ou technologiques mettent

davantage en évidence cette nécessité d’adopter une position passée.

La troisième dimension du micro-cadre de la mémoire est déterminée par le complexe

d’objets et de rapports aux objets qui, institutionnellement, sont supposés connus ou établis

par les sujets de la classe. En d’autres termes, c’est un sous-ensemble de l’univers cognitif de

l’institution. De tels objets et rapports aux objets peuvent être structurés en plusieurs niveaux

de co-détermination didactique, qui servent à délimiter le milieu avec lequel les élèves doivent

interagir pour reconstruire un souvenir. De cette manière, ces niveaux qui modélisent des

conditions et des contraintes à partir desquelles se déterminent conjointement les OM et OD,

... Passé

Places

Contrats

Rôles

Avenir ...

Figure 24 : Les deux premières dimensions du modèle du micro-cadre de la mémoire

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 266

sont aussi vus comme relevant d’une structuration du passé didactique de la classe. Cette

troisième dimension est donc relative aux nniivveeaauuxx ddee ccoo--ddéétteerrmmiinnaattiioonn ddiiddaaccttiiqquuee.

On sait que ces niveaux sont disposés sur une échelle composée de neuf degrés : le sujet

(associé à une OM ponctuelle), le thème (associé à une OM locale), le secteur (lié à une OM

régionale), le domaine (lié à une OM Globale), la discipline, la pédagogie, l’école, la société

et la civilisation. Même si dans les observations que nous avons faites, le professeur faisait

très rarement allusion à des éléments placés aux niveaux que nous indiquons comme

supérieurs (la civilisation, la société, l’école, la pédagogie), nous conservons ces neuf

échelons car nous savons que des niveaux supérieurs non explicitement évoqués

conditionnent les autres ; par exemple celui de la pédagogie, de l’organisation de l’école ou

des classes, du rôle que la société assigne au professeur et aux élèves, etc.

Civilisation

Pédagogie

Société

Discipline

Domaine

Ecole

Secteur

Thème

Sujet Ostensi

fs Non-o

stensifs

Ostensifs

Non-ostensifs

Ostensifs

Non-ostensifs

Ostensifs

Non-ostensifs

Ostensi

fs Non-oste

nsifs

Ostensifs

Non-ostensifs

Ostensifs

Non-ostensifs

Ostensifs

Non-ostensifs

Ostensifs

Non-ostensifs

... Passé

Places

Contrats

Rôles

Avenir ...

Figure 25 : Modèle du micro-cadre de la mémoire didactique

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 267

Voyons un exemple pour illustrer cette dimension du modèle : si un professeur demande

« comment factorise-t-on a2 − 5 ? », et que les élèves répondent « ce n’est pas possible, parce

qu’il n’existe aucun nombre qui au carré soit 5 ! », le « lieu » en lequel les élèves se replacent

semble être « le point de vue » du groupe qui étudiait l’ensemble des entiers naturels. Si le

professeur intervient en indiquant un changement de secteur : « ne pensez pas qu’aux

entiers ! », cela va probablement pousser les élèves à se replacer dans un autre niveau de co-

détermination, un autre « lieu cognitif », celui du secteur de l’ensemble des nombres

irrationnels, lieu qui favorisera le rappel de l’existence de la racine carrée de 5 comme le

nombre qui au carré donne 5.

Enfin, les objets ostensifs (qui se manipulent) et les non-ostensifs (qui s’évoquent) outillent

les organisations mathématiques « cristallisées » dans chacun des niveaux de l’échelle. C’est

donc à travers la dialectique existant entre ostensifs et non-ostensifs que les sujets d’une

institution construisent ou ont accès aux organisations mathématiques qui s’y trouvent ou ont

été étudiées. Dans ce sens, ostensifs et non-ostensifs sont les premiers points de référence

pour le rappel des connaissances. En particulier les types de gestes qui activent des ostensifs

de « guidage », des ostensifs détonateurs, les gestes chronologiques qui mobilisent des

marqueurs du temps, des gestes technologiques et notamment les gestes de replacement,

mettent davantage en évidence cette dimension du micro-cadre mémoriel.

Nous avons présenté ci-dessus le modèle du système de référence du passé didactique des

élèves que les professeurs sollicitent lors de l’accomplissement d’une des tâches à leur

charge : aider la remémoration des élèves à partir de certains appuis. Nous avons aussi repéré

des gestes qui sont interprétés comme des techniques didactiques pour la réalisation de cette

tâche.

Dans le paragraphe suivant, pour illustrer la mise en œuvre du micro-cadre de la mémoire que

nous avons exposé ci-dessus, nous reprenons deux exemples rencontrés au paragraphe 8.1.

L’objectif principal de cette partie est de montrer la simultanéité de l’activation des trois

dimensions : « topos »-« chrono »-« meso » ; même si l’une d’entre elles est davantage

privilégiée que d’autres, selon le type de geste accompli.

Gestes mémoriels et modèle du micro-cadre de la mémoire didactique

Considérons le geste de replacement porteur de l’ostensif scriptural « de guidage »

« factorización », écrit au tableau, et/ou de l’ostensif oral « de guidage » que constitue

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 268

l’énonciation orale du thème à étudier, geste que nous avons repéré dans les quatre classes

observées. En particulier rappelons le geste de Ron dans la 10e G :

1 PROF=RB (P est entré dans la salle, il n’a pas encore parlé. Il vient d’écrire « Factorización » au tableau).

Ref: RB-2402200610G

Les sujets de la classe dans la position d’élève se trouvent dans un tteemmppss ta (temps actuel) et

ont pour rôle d’« aider le professeur à reconstruire un milieu pour l’enseignement » ; milieu

avec lequel ils doivent interagir pour apprendre ce que l’enseignant a été chargé d’enseigner.

Une des clauses du contrat exige des élèves de répondre aux questions de l’enseignant, ainsi

que d’être attentif à ses explications (voir paragraphe 9.2 du chapitre suivant). Donc, la

dimension ttooppooss établit les conditions pour que certains élèves se plient au contrat au moment

ta, et par conséquent réactivent les rapports aux connaissances anciennes qu’ils savent avoir

été étudiées auparavant − ce qui renvoie à l’activité rationnelle conditionnée par « le

présent », à laquelle faisait référence Halbwachs.

Notons tp + k le moment où les élèves ont étudié la factorisation des polynômes et tp l’instant

de l’étude consacré à la factorisation des nombres entiers. L’ostensif « factorización », écrit

au tableau, est utilisé comme « chemin » pour la réactivation de deux « niveaux » − deux

repères − possibles dans l’échelle des nniivveeaauuxx ddee ccoo--ddéétteerrmmiinnaattiioonn ddiiddaaccttiiqquuee : le thème de la

mise en facteur d’un nombre entier et le thème de la factorisation des polynômes, et

probablement de manière implicite, les secteurs des polynômes à coefficients entiers et des

nombres entiers. Les domaines de l’algèbre et l’arithmétique peuvent aussi être activés, selon

les questions ou les commentaires que l’enseignant fera. Dans le schéma suivant, nous

représentons les dimensions du micro-cadre qui pourraient être activées au cours de

l’accomplissement du geste ostensif « de guidage » mentionné.

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 269

Comme nous l’avons vu, à la ligne 10 de la transcription de cette séance, l’enseignant « fixe »

un des ensembles constitués de divers niveaux – ceux relatifs à la « factorisation d’entiers » –,

pour que les élèves s’y replacent afin de répondre à la question, « qu’est-ce que factoriser ? »

Dans le cas de cet exemple, le professeur l’indique en énonçant une tâche : « et si je vous dis,

factorise 80 ? »

Remarquons que, même si la fonction « idéale » de la plupart des gestes mémoriels accomplis

par l’enseignant est, d’après nous, d’aider à la remémoration des élèves, cette remémoration

n’a des chances de s’opérer que si ceux-ci sont suffisamment assujettis à l’institution : c’est-à-

dire si leurs rapports personnels aux savoirs sont assez proches des rapports institutionnels.

Reprenons un autre geste mémoriel, celui que nous avions montré pour illustrer le type de

gestes technologiques (voir paragraphe 8.1.1) qui, lors de son accomplissement, fournit pour

appui le « théorème du facteur » :

17 PROF=RB [... la classe vient de trouver un zéro d’un polynôme en utilisant la technique de la division synthétique] Entonces, menos 2 es un cero del polinomio (6x3 + 7x2 − 9x + 2). Si menos 2 es un cero, ¿cuál era un factor del polinomio? ¿Mm?

6 7 -9 2 -2 -12 10 -2 6 -5 1 0

“Factorización”

ta tp+k

Contrat de rappel

tp

Pa

Pp

Pp+k

Figure 26 : Geste ostensif « de guidage » et dimensions du micro-cadre de la mémoire

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 270

18 E=B x menos 2, ¿profe? 19 PROF=RB No. DDeevvuuééllvvaannssee aall tteeoorreemmaa ddeell ffaaccttoorr, ¿qué decía?

Ref: RB-2104200610G Rappelons que l’extrait fait partie du développement d’un exemple au tableau, relatif à la

technique de la division synthétique pour factoriser des polynômes ; le professeur y écrit ce

que les élèves indiquent. Donc, au cours de cet épisode, le contrat dans la classe assure aux

élèves que l’enseignant va les aider à réussir l’accomplissement de la tâche : mettre en

facteurs 6x3 + 7x2 − 9x + 2. De plus, les élèves savent que la technique et la technologie pour

cette tâche doivent être relatives au thème qu’ils sont en train d’étudier, ou au moins aux

thèmes connus d’eux (contrat de conditionnement, voir paragraphe 9.1.2.3). Aussi, le rôle de

l’élève consiste à réaliser l’exercice sachant que, s’il « se bloque », le professeur lui indiquera

comment s’en sortir.

Notons encore une fois ta le temps actuel. A la ligne 19 où le professeur effectue le geste

technologique : « retourner au théorème du facteur », il renvoie les élèves, d’une manière

implicite, à un temps tp récent, qui correspond au moment où a été énoncé le théorème dans la

classe ; ceci pour que les élèves s’y replacent afin de reconstruire ce qu’ils ont fait grâce au

théorème. Le contrat didactique assure que l’intervention de l’enseignant pourrait être un

point de repère pour que les élèves répondent à la question : « quel est donc l’autre facteur ? »

Le schéma ci-contre représente, en termes de micro-cadre de la mémoire, la réactivation que

pourrait permettre ce geste technologique.

ta

tp

Contrat de

Pa

Pp Conditionnement

Figure 27 : Geste technologique et système de référence

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 271

A partir du travail de modélisation que nous avons fait, nous nous sommes interrogée sur son

application à l’analyse de certaines transcriptions des séances de quatrième observées en

France. Dans le paragraphe suivant, nous exposons quelques résultats de ces « nouvelles

analyses ».

8.3 NOUVELLES ANALYSES DES TRANSCRIPTIONS DES SEANCES EN FRANCE

Dans cette partie, nous reprenons six transcriptions des séances observées en France (trois

pour chacune des professeurs), afin de les analyser de nouveau, mais cette fois-ci à l’aide des

critères d’analyse que nous avons élaborés depuis : les gestes mémoriels et le modèle à trois

dimensions du micro-cadre de la mémoire didactique. Ce faisant, nous cherchons à vérifier

dans d’autres classes qui appartiennent à une autre société, et par conséquent sont régies par

des contraintes et des conditions peut-être différentes, que certains des gestes repérés au Costa

Rica (à partir d’une recherche qui, certes, s’appuyait sur une étude exploratoire réalisée en

France), sont de manière plus générale propres aux activités humaines relatives à

l’enseignement scolaire.

Comme dans les transcriptions du Costa Rica, nous repérons des interventions de l’enseignant

qui réfèrent à des passages que nous avons circonscrits dans notre travail. Nous justifions

cette délimitation par le caractère « routinier » des gestes. C’est-à-dire que ce sont des

interventions, par exemple des récapitulations pour une mise à jour de ce qui se passe durant

l’étude, ou des répétitions ou reformulations pour que « toute la classe écoute », ou

« apprenne la manière correcte de dire quelque chose ». Comme nous l’avons dit en 7.1, ces

gestes peuvent influencer les rapports personnels − ou institutionnels − des élèves, et en

conséquent la mémoire didactique des élèves − ou de la classe −, mais il nous semble qu’ils

ne sont pas accomplis dans l’intention de « faire se remémorer » de quelque chose.

Afin de ne pas répéter des résultats déjà présentés, nous avons choisi de montrer dans ce

paragraphe, de manière plus détaillée, certaines situations (au sens large) que nous n’avons

pas repérées au Costa Rica − ceci peut-être en raison du savoir à enseigner choisi. Ces

situations font allusion à des blocages100 pendant la révision d’exercices, à une démonstration

à partir d’une activité proposée dans un manuel et à des rappels de connaissances à partir

d’une fiche.

100 Il s’agit des moments où les élèves, face un problème, manifestent une attitude qui laisse supposer qu’ils ne savent pas comment s’y prendre pour le résoudre.

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 272

8.3.1 BLOCAGE PENDANT LA REVISION D’EXERCICES

Les situations présentées ici font partie de la séance CB-230520054E. Cette séance est

consacrée à des exercices sur la réalisation d’équations du premier degré, presque tous écrits

au tableau. L’enseignante CB écrit au tableau ce que l’élève qu’elle sollicite lui dit. Il y a les

traces au tableau des trois premières équations résolues. Nous repérons la première situation

de blocage dans le passage qui correspond aux lignes 53 – 67. Il s’agit pour l’élève S de

résoudre l’équation 26x

= − . L’élève S dicte l’énoncé que CB écrit au tableau :

51 S : Ben… hein… x sur six égale moins deux 52 PROF=CB : Oui 53 S : Donc (22s se sont passées) … 54 PROF=CB : Qu’est-ce qu’il faut faire ? qu’est-ce qu’il faut ? quel est l’intérêt ? qu’est-ce

qu’elle aa ddiitt ttoouutt àà ll’’hheeuurree, hein, RRoossaannaa ? qu’est-ce qu’il faut trouver ? qu’est-ce qu’on cherche ? qu’est-ce que c’est moins un tiers … ?

55 S x soit égaux des deux côtés 56 PROF=CB : Le nombre x tel que si je remplace x ici je trouverai moins deux, hein. 57 S : Hum, hum (un son que nous interprétons comme affirmatif) 58 PROF=CB : Donc, on peut se débarrasser du six, qu’est-ce qu’il faut faire, x divisé par six

pour ne plus avoir le six ? On peut le faire directement… ou, comment … qu’est-ce qui va te faire disparaître la division par six. Je divise par six. Pour neutraliser une division par six, qu’est-ce que tu peux faire ? … diviser par six qu’est-ce qu’on peut faire pour revenir ? quand tu divises par six, qu’est-ce qu’il faut faire pour revenir en arrière […]

60 S : Une multiplication Ref : CB-230520054A

Nous identifions quatre types de gestes mémoriels : preneur d’indices, de remplacement, de

« fixation » et d’activation d’ostensif détonateur (pour l’enseignant au moins). Pour ce

dernier (à la fin de la ligne 54) « qu’est-ce que c’est moins un tiers… ? », soulignons que

l’ostensif 13

x = − , écrit à ce moment au tableau car c’était la réponse trouvée pour une des

équations produites (6x = −2), semble être, du moins pour CB, détonateur de la réponse

attendue : « un nombre tel que les deux côtés soient égaux ». Cependant, pour l’élève il n’a

pas l’effet « détonateur » escompté, soit parce qu’elle ignore le geste, soit parce que l’ostensif

« 13

x = − » n’est pas évocateur pour elle, soit parce qu’elle en reste à la première question

posée par l’enseignant « qu’est-ce qu’elle a dit tout à l’heure hein Rosana ? »

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 273

A la différence des gestes repérés à partir des analyses faites pour les séances observées au

Costa Rica, dans les transcriptions de cours au Collège en France − et plus en particulier chez

CB − nous remarquons que ce dernier geste s’accomplit de manière plus fréquente (« qu’est-

ce qu’elle a dit tout à l’heure hein Rosana ? ») On peut considérer qu’il relève de l’évocation

d’un événement passé dans la classe, à partir de l’énonciation du nom de l’acteur qui l’a

exprimé. Nous le catégorisons comme étant du type topogénétique parce qu’il met en relief le

rôle que l’élève mentionné a joué dans l’étude de l’organisation mathématique en jeu. En

d’autres termes, le geste implique un replacement au sein d’un moment − récent et non fictif −

de l’histoire de la classe, afin de faire verbaliser le rapport personnel d’un élève à ce moment

et de le transformer en ostensif. Ainsi, certes nous reconnaissons la fonction de

« replacement » (deuxième dimension du micro-cadre), mais il nous semble que c’est plutôt

l’acteur, ou tout au moins le rôle qu’a joué cet acteur, qui pourrait aider à anticiper le

souvenir.

Au début de la ligne 58, un geste preneur d’indices est accompli : « Donc, on peut se

débarrasser du six »). Cependant, dans une situation de blocage, il semble que l’avancée du

temps puisse justifier l’accomplissement de ce geste. Certes, l’enseignant prend la place de

« réalisateur d’exercices », mais ce n’est plus un moment de travail de la technique dans

lequel cette place est « destinée » aux élèves ; il s’agit d’un moment de correction d’un

exercice où l’enseignant choisit de montrer ce qu’il faut faire pour accélérer l’avancée du

temps101.

Plusieurs gestes de replacement sont accomplis dans ce passage. A la ligne 58, remarquons

un geste de verbalisation technique : « qu’est-ce qu’il faut faire […] pour ne plus avoir le

six ? » La deuxième dimension du micro-cadre mémoriel est fortement sollicitée car l’élève

doit se replacer au point de vue d’une certaine position − peut-être pas de l’élève interrogé −

d’« accomplisseur d’une pratique ». C’est en se replaçant à ce point de vue que l’élève

pourrait « avoir accès » à des éléments qui l’aideront à réaliser la tâche.

A la ligne 58 nous identifions deux autres gestes de replacement du type ostensif de

« guidage » : « Pour neutraliser une division par six, qu’est-ce que tu peux faire ? » et

« qu’est-ce qu’il faut faire pour revenir en arrière ? » Nous interprétons les ostensifs

« neutraliser une division » et « revenir en arrière », comme ceux qui pourraient orienter

l’élève vers des moments précis d’une pratique connue car où ils sont habituellement utilisés. 101 En outre, comme nous ne savons des élèves que ce qu’on déduit de leurs interventions dans la classe, il se peut que l’enseignant sache que l’élève interrogé aura besoin d’un temps d’apprentissage beaucoup plus long que celui qu’elle peut lui « accorder » à ce moment-là.

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 274

Pour nous, leur emploi vise à délimiter le milieu, en tant que lieu cognitif de cet élève, pour

lui indiquer ou lui « souffler des pistes » pour avancer dans la mise en œuvre de la technique.

Enfin, un geste de fixation est accompli à la ligne 56 : « Le nombre x tel que si je remplace x

ici, je trouverai moins deux ». Cependant, ce geste semble plutôt vouloir montrer à l’élève une

explication « complète » de ce qu’on cherche lors la résolution de l’équation écrite au tableau.

Cette analyse est justifiée par le fait que ce que l’enseignant « fixe » dans son intervention

répond à la dernière question qu’elle-même avait posée, en reformulant ce que l’élève vient de

dire de manière partielle. Il s’agit donc d’une reformulation pour « faire entendre » la « bonne

manière » de le dire.

Dans cette même séance, voyons un exemple d’un passage102 où il n’y a pas de gestes de

preneur d’indices, en d’autres termes où la verbalisation de la mise en œuvre d’une technique

est exclusivement à la charge d’une élève. C’est le cas pour l’élève R, considérée comme une

« bonne » élève par l’enseignante CB. Voyons l’extrait (remarquons que c’est la deuxième

fois dans cette séance, que CB demande à R de résoudre une équation) :

67 PROF=CB [...] Rosana ... 68 R Alors donc hein … petit a c’est / trois x plus quatre égal cinq ///// hein / bein / il

faut faire moins quatre pour chaque côté / 69 PROF=CB Il faut pas faire (P dit « faire » plus fort) moins quatre / il faut ajouter moins

quatre / (P l’écrit au tableau) //// 70 R Egal à cinq moins quatre (P l’écrit au tableau) /// ça fait trois x égal un / et après

hein … hein … on divise trois x par trois /////// (P l’écrit au tableau) ///// et un sur trois ////

71 PROF=CB Donc 72 R Hein … x égal / un sur trois /// (P l’écrit au tableau)

Ref : CB-230520054A

L’intervention de l’enseignante à la ligne 69 est une remarque sur la « bonne manière de

dire », et donc elle n’est pas liée à l’application de la technique. Le professeur intervient ainsi,

en ne prenant en charge aucun des pas de la technique pour la réalisation de la tâche.

102 Nous avons aussi repéré ce type de passage lors des analyses des transcriptions des séances au Costa Rica.

3x + 4 = 5 3x + 4 – 4 = 5 – 4 3x = 1 3x = 1 3 3 La solution … est

31

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 275

8.3.2 DEMONSTRATION A PARTIR D’UNE ACTIVITE PROPOSEE DANS UN MANUEL103

Dans ce paragraphe nous faisons référence à des gestes qui nous ont semblé remarquables

dans les deux séances relatives à des démonstrations, que nous avons analysées à nouveau : la

séance CB-010620054A sur la démonstration du fait que les trois hauteurs d’un triangle sont

concourantes, et CB-020620054A sur la démonstration du théorème « les trois médianes d’un

triangle sont concourantes ». Pour le premier cas, l’enseignante a laissé quelques minutes aux

élèves pour travailler seuls sur l’activité proposée dans le manuel. Le début de la deuxième

démonstration a été abordé au tableau avec le professeur. Les activités du manuel étaient les

suivantes104 :

En général, il nous semble qu’une grande partie des interventions des professeurs dans ces

passages correspondent aux types de commentaires exclus de notre corpus principal : des

récapitulations, des reformulations (qui relèvent de la « bonne manière » de parler), des

explications, etc. Nous avons repéré davantage de gestes du type déstabilisateur, ostensifs

détonateurs et de fixation. Certains gestes topogénétiques d’« activation de rapports

personnels » ont été effectués :

103 Nous rappelons qu’au Costa Rica, nous n’avons observé aucune situation de démonstration, et en fait, celles-ci ne font pas partie des instructions officielles. D’après notre fréquentation du milieu de l’éducation mathématique, nous nous sommes aperçue que les enseignants qui font pourtant une organisation de l’étude proche de celle de la Discipline, sont ceux qui travaillent aussi dans le milieu universitaire. 104 Le manuel utilisé était Cinq sur cinq (1998), éditions Hachette et les activités 3 et 4 sont celles de la page 227.

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 276

94 El : G est le milieu de A D / car … 95 PROF=CB : Ça / c’est Amed qui l’a dit tout à l’heure […]

Ref : CB-020620054A

Etant donné que l’enseignante guidait l’avancement de la démonstration, le rôle de l’élève par

rapport au travail « démonstratif » consistait davantage en l’énonciation des propriétés, des

définitions, des théorèmes que le professeur sollicitait ; rôle que, pendant d’autres séances,

nous n’avons pas observé. Les interventions des enseignants font régulièrement recours à des

« rappels directs » relatifs à la mémoire didactique de la classe. Par exemple les interventions

suivantes du professeur CB :

Référence Intervention L13 Reprenant les hauteurs rappelle-moi ce que c’est une hauteur, Rosana L28 Quelle est la propriété Seifilïn qui permet d’affirmer que FACB est un

parallélogramme ?

CB-010620054A

L90 Qu’est-ce qu’on sait des médiatrices d’un triangle ? L26 Mathilde […] tu nous rappelles qu’est-ce que c’est une médiane ? CB-020620054A L111 Neil, le théorème qui me permet de dire que KG et BD sont parallèles ?

Tableau 11 : Interventions de CB relevant des « rappels directs »

Pour nous, ce sont des gestes de replacement qui n’appuient le rappel que sur les ostensifs

utilisés pour les énoncer105. Cela rend plus visible deux des trois dimensions du micro-cadre

mémoriel : d’une part, les appuis sur les ostensifs qui intègrent les énoncés et d’autre part,

plus implicitement, les appuis sur les replacements dans des positions anciennes. Ainsi,

soulignons le fait que le micro-cadre est avant tout une construction institutionnelle qui est

préservée à travers un contrat. C’est-à-dire que certains ostensifs scripturaux n’évoquent pas

forcément le même non-ostensif (ou ostensif) si les sujets changent d’institutions.

Remarquons que le contrat didactique établi dans la classe pendant des « séances de

démonstration » nous semble favoriser l’accomplissement de ce type de gestes. Car toute

affirmation doit être justifiée.

105 Nous dirions qu’il s’agit des gestes du type « verbalisation technique » mais relevant de la verbalisation d’éléments plutôt technologiques ; proche de la description que nous avons faite des gestes relatifs au « sens des mots » (voir paragraphe 8.1.3).

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 277

8.3.3 FICHE POUR APPUYER LA GESTION DE LA MEMOIRE

La séance, NF-010420054E sur la proportionnalité débute avec la correction d’un exercice sur

la résolution d’équations. Les élèves travaillent sur une fiche (voir annexe II) fournie par

l’enseignant. Au moment de passer « au chapitre suivant », l’enseignant NF introduit le travail

à faire en disant :

94 PROF=NF (un élève avait demandé : c’est quoi le chapitre suivant) C’est la proportionnalité / on va revenir sur quelque chose ** pour commencer à faire l’exercice / et on va aller un petit peu plus loin // alors pendant que vous terminez d’écrire la correction / je vous distribue la petite fiche sur laquelle on va commencer à travailler / et vous commencez à faire l’exercice un / et l’exercice deux / vous avez des tableaux / à vous de reconnaître si ce sont bien de tableaux de proportionnalité ou pas (P distribue les feuilles) pas des valeurs compliquées / cc’’eesstt jjuussttee ppoouurr ssee rraappppeelleerr uunn ppeeuu

Ref : NF-010420054E

Comme l’enseignant l’affirme à la fin de son intervention, le travail à mener par les élèves

consiste à se remémorer à partir de ce qui est proposé dans la fiche ; c’est-à-dire que la

gestion de la mémoire pour la construction d’un milieu est prise en charge, dès le début, par la

fiche. L’emploi de la fiche est donc un geste mémoriel technique : « appliquer une technique

de manière telle qu’au fur et à mesure de l’application, les élèves puissent se rappeler des

éléments d’un savoir-faire connu d’eux, et que l’enseignant cherche à réactiver ». Pour

illustrer la fonction mémorielle de la fiche, voyons un extrait des échanges d’un binôme (les

élèves A et B) qui travaillait sur la première partie106. A la fin du passage, le professeur

s’approche du binôme pour évaluer la conformité des traces de la mémoire pratique des

élèves :

« Exercice 1 : reconnaissance. Préciser si les tableaux suivants sont des tableaux de proportionnalité. Lorsque c’est le cas, préciser le coefficient de proportionnalité »

95 A Alors c’est quoi ? 96 A et B Proportionnalité (les deux en même temps) 97 ** 98 B Alors / comment on va faire / hein 99 A Il faut multiplier par le même chiffre qui …

106 Le symbole « ** » sur la transcription correspond à des parties inaudibles dans l’enregistrement de la discussion ; symbole aussi utilisé dans l’exemple que nous venons de montrer.

8 12 20 2 3 5

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 278

100 B Non / mais ça regarde / alors ça va 101 A Mais si regarde / deux fois quatre huit / trois fois quatre douze / et cinq fois quatre

vingt 102 B Mais si je te (A lui coupe) 103 A N’oublie pas la (P dit le prénom d’A pour qu’il basse la voix) n’oublie pas ** le

premier tableau ** 104 B Non 105 A On peut / c’est quand on multiplie un chiffre par 106 B ** Ah c’est bon j’ai compris / ça y est (les deux parlent quelques secondes en

même temps, **) 107 A Hein … le chiffre … le coefficient de proportionnalité c’est quatre // 108 B Ouais ! / Et ben / alors là c’est quatre / on va l’écrire là / regarde / oui on va / (**

des feuilles qui sont passées) alors // exercice un / ben proportionnalité / c’est le premier tableau c’est quatre / le premier / est bon la proportion / ** la proportion c’est quand / quand par exemple / quatre fois

109 PROF=NF Qu’est-ce que vous multipliez par quatre ? 110 A Ben le chiffre qui est / ben … (le coupe et commence à parler) 111 B Les chiffres qui sont là / deux / trois (A le coupe et il commence à parler) 112 A On peut multiplier / tous les chiffres sont en bas / ça donne… 113 PROF=NF Par quoi on le multiplie ? 114 A Et ben (au même temps B répond « par quatre ») 115 B Par le chiffre qu’on trouve 116 A Par quatre 117 B Ben ... Si l’on multiplie ça par quatre ça fait ça 118 PROF=NF Donc si l’on multiplie le nombre / 119 A En bas (P ne s’entend plus) 120 B En bas / si en haut

Ref : NF-010420054E Dans l’extrait ci-dessus, on peut relever des éléments de la mémoire pratique (des rapports

personnels) des élèves qui deviennent ostensifs. En lisant les échanges, nous repérons en effet

des indices que les élèves remarquent sur la fiche, ou à partir du commentaire que

l’enseignant vient de faire, et que nous mettons en rapport avec les gestes mémoriels. Par

exemple, ils font allusion à des ostensifs de « guidage » : proportionnalité (ligne 96) ou

l’arrangement des nombres dans le tableau (ligne 100), et au geste technique de se replacer au

moment de l’accomplissement d’une « manière de faire » (« comment on va faire ? hein… »

Ligne 98). Le rôle mémoriel de la fiche est donc accompli car les élèves se font rappeler des

connaissances que l’enseignant reprendra plus loin : « c’est quand on multiplie un chiffre

par » (ligne 105), « le chiffre … le coefficient de proportionnalité c’est quatre » (ligne 107).

En d’autres termes, il s’agit de « pouvoir porter à connaissance de la classe les savoirs et

savoirs-faire anciens qu’elle aura à mobiliser, ‘garder présents à l’esprit’ » (Matheron & Salin,

2002) lors de l’étude du thème qui débute : la proportionnalité.

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 279

Après une première phase de gestion de la mémoire appuyée sur la fiche, et notamment par

les questions que le professeur pose aux binômes qui travaillent, l’enseignante guide

l’ostension des connaissances qu’elle considèrera importantes : « on va regarder ensemble la

proportionnalité pour se rappeler un peu de quoi il s’agit » (ligne 121). Pour ce qui concerne

cette première partie de la fiche, NF fait démarrer le travail collectif à l’aide d’un geste

technique : « alors est-ce que quelqu’un peut m’expliquer comment on reconnaît qu’un

tableau est un tableau de proportionnalité ? » (ligne 121). Ce qui revient à faire ostension des

indices propres au travail avec des tableaux de proportionnalité, et que les élèves ont dû

mobiliser lors du travail en binômes : « on multiplie par le même nombre » (ligne 122), « je

pars du nombre de la deuxième ligne ici » (ligne 125).

D’après les commentaires du professeur « NF » lors de l’entretien individuel, il semble que

l’emploi des « fiches », ou plutôt de ce que « NF » nomme « activités », est un geste assez

courant. Son accomplissement est peut-être contraint à se plier au style didactique en vigueur

qui l’oblige à proposer « des activités sur des fiches ». Voyons dans l’extrait qui suit, les

objectifs visés par le professeur pour l’activité avec la fiche, et relevant de la gestion

mémorielle :

En général, de toutes façons, le cours commence par des activités. Donc, je ne leur dis pas non plus de quoi je vais parler, là je les laisse découvrir dans l’activité » […] « C’est pas le rappel par l’oral, en général ce sont des rappels qui sont faits à partir d’exercices » […] « j’attendais de savoir, de quoi ils se souvenaient […] quel était le vocabulaire qui tournait autour des situations de proportionnalité, quelles étaient les représentations qu’ils avaient d’une situation de proportionnalité » (ET-30052005NF4E, ligne 10 et 18)

Pour le reste de la séance, nous remarquons qu’il y a davantage d’interventions de

l’enseignant qui relèvent de celles que nous avons exclues pour notre travail (voir

paragraphe 7. 1.) Cependant, certains gestes de fixation et d’autres gestes techniques peuvent

être repérés.

Dans les passages présentés ci-dessus, nous avons montré l’accomplissement de certains des

gestes exposés en 8.1. La thèse d’Halbwachs, que nous avons faite nôtre, sur la nécessité de

nous placer au point de vue d’un groupe pour pouvoir nous souvenir, est aussi vérifiée dans

les analyses menées : les professeurs accomplissent régulièrement de gestes de replacement et

d’ostensifs « de guidage », par exemple.

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 280

Nous avons repéré un autre type de gestes, moins visible dans les séances de dixième. Il s’agit

banalement d’utiliser le prénom de l’élève qui a dit ou fait quelque chose que l’enseignant

veut rappeler à l’instant. Cette connaissance − qui n’est que la réactivation d’un rapport

personnel à un objet − pourrait donc être rappelée à travers le prénom de celui qui l’avait

énoncée. Nous appelons ce type de gestes : « geste topogénétique du type activation de

rapports personnels ».

En revenant sur la typologie élaborée, le rôle de ce geste et la nature des appuis qu’il fournit

peuvent être rapprochés de ceux des gestes chronologiques relatifs aux « personnages » du

temps scolaire : « la maîtresse », « le professeur du cours de soutien », etc. Il nous semble

donc plus convenable de restructurer la classification déjà faite en rajoutant un nouveau type

de geste : les gestes topogenétiques.

IIll ss’’aaggiitt dd’’uuttiilliisseerr ddeess «« mmaarrqquueeuurrss »» ddeess aacctteeuurrss −− lleeuurr nnoomm,, ppaarr eexxeemmppllee −− dduu ssyyssttèèmmee

ddiiddaaccttiiqquuee ddaannss uunnee iinnssttiittuuttiioonn,, ddoonntt lleess rrôôlleess oouu ddeess ggeesstteess ppaarrttiiccuulliieerrss ssoonntt rreellaattiiffss àà

ll’’oobbjjeett oouu aauu rraappppoorrtt qquuee llee pprrooffeesssseeuurr cchheerrcchhee àà rrééaaccttiivveerr..

Ce type de gestes met donc l’accent sur la troisième dimension du micro-cadre (certes, en

sollicitant les autres deux) : les positions offertes dans les institutions fréquentées.

En ce qui concerne le geste preneur d’indices107, même si, comme nous l’avons remarqué, il

n’est pas de la même « nature » que les gestes technologiques, techniques, de replacement,

chronologiques, ostensifs détonateurs et nous dirions aussi topogénétiques ; il pourrait être

inclus dans ce dernier type. En effet, il réfère à un rôle accompli par un des sujets de

l’institution, le professeur.

107 Il s’agit pour le professeur d’accomplir un rôle qui lui assigne la reconnaissance d’indices qui guident l’application − ou son avancement − d’une technique lors de la réalisation d’un exercice ou la résolution d’un problème.

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 281

8.4 CONCLUSION DU CHAPITRE

Après avoir montré au chapitre 7 des exemples d’analyses des transcriptions menées et les

résultats relatifs aux objets sur lesquels l’enseignant appuie la réactivation de connaissances,

dans ce chapitre et dans un premier temps, nous avons exposé un travail de synthèse de ces

résultats. Il s’agit donc de définir et d’exemplifier chacun des gestes mémoriels accomplis par

les professeurs observés. Retenons certains points à ce sujet :

- Les gestes technologiques, chronologiques, de replacement, techniques et qui activent

des ostensifs détonateurs sont repérés à partir des « appuis » mémoriels qu’ils

sollicitent pour mobiliser des rapports aux objets de savoir.

- Les gestes de fixation, preneurs d’indices et destabilisateurs sont inclus dans notre

typologie car ils sont importants lors de la gestion mémorielle de la classe ; mais leur

fonctionnement n’est pas celui des gestes précédents.

- La typologie de gestes élaborée ne détermine pas une partition : certaines interventions

des professeurs relatives à la gestion mémorielle pourraient être interprétées à l’aide

de plusieurs gestes.

- La fonction première des gestes mémoriels est de soutenir la remémoration des élèves.

Mais, leurs fonctions spécifiques sont déterminées dans l’avancée du projet

d’enseignement de chaque professeur : énoncer un résultat, mettre en œuvre une

technique, préciser le nom d’un objet, etc.

Les « points d’appui » identifiés lors de l’accomplissement des gestes sont principalement

relatifs aux éléments technologiques d’OM connues des élèves, aux marqueurs de temps, aux

positions occupées par les élèves dans les institutions dont ils faisaient (ou font) partie et aux

« encodages » institutionnels d’ostensifs qui outillent les pratiques mathématiques. Ainsi, à

partir de l’analyse des gestes, nous avons élaboré un modèle du micro-cadre de la mémoire

didactique de la classe : il s’agit d’un système de référence au passé vu, au sein de l’institution

(thèse que nous transposons d’Halbwachs), comme nécessaire à mobiliser lors de la

remémoration.

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CHAPITRE 8 : GESTES MEMORIELS ET MICRO-CADRE DE LA MEMOIRE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 282

Le modèle est structuré en trois dimensions, qui englobent les différents points d’appui dont la

classe dispose pour la réactivation de connaissances : les marqueurs du temps, les positions et

les rôles des sujets dans les institutions fréquentées et les sous-ensembles de l’univers cognitif

de la classe structuré en plusieurs niveaux. Nous reconnaissons dans ces trois dimensions,

celles du chrono, topos et meso, des systèmes didactiques.

Nous formulons l’hypothèse que certains des gestes repérés sont propres aux activités

humaines relatives à l’enseignement scolaire, donc relatives à l’homme en situation

d’enseignement scolaire : par exemple, les gestes de replacement, chronologiques, ostensifs

détonateurs et preneurs d’indices. L’accomplissement des gestes techniques, technologiques,

de fixation, déstabilisateurs et topogénétiques, pourrait être plus sensible aux contraintes et

conditions des institutions scolaires. En tout cas, vue la taille réduite des sources

d’information de cette étude (quatre classes au Costa Rica et deux en France, trois

transcriptions de séances au CP), nos appréciations à ce sujet restent de l’ordre du conjectural,

et il faudra mener des études complémentaires pour vérifier ces hypothèses.

Un des objectifs de notre étude est de déterminer les caractéristiques de la vie institutionnelle

de la classe qui ont des effets sur la gestion de la mémoire. Objectif qui est en rapport avec

une des hypothèses formulées précédemment. A cette fin, nous avons étudié le

« fonctionnement » de l’institution à partir de l’analyse de différentes sources d’information :

les transcriptions des observations et d’entretiens, le Journal d’Etude tenu par les élèves, et

des résultats de la passation du questionnaire par les enseignants. Nous présentons les

résultats de cette analyse dans le chapitre suivant, en exposant les effets que les contraintes et

conditions institutionnelles ont sur la gestion mémorielle dans la classe.

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

Chapitre 9 : Effets dans la gestion mémorielle

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

CHAPITRE 9

SUR LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS

EFFETS DANS LA GESTION DE LA MEMOIRE

9.1 Organisation de l’étude

9.2 Contrats didactiques 9.3 Organisations didactiques institutionnelles

9.4 Effets distinctifs de la vie institutionnelle dans la gestion de la mémoire

Dans ce chapitre, il s’agit d’identifier des caractéristiques de la vie institutionnelle des classes

observées qui pourraient avoir des effets dans la gestion de la mémoire. Dans un premier

temps, nous exposons les résultats issus de l’entretien individuel avec les élèves et des traces

écrites sur le Journal d’Etude, ainsi que leur interprétation en termes de dimensions de

l’organisation de l’étude (voir paragraphe 2.1.4) et de contrats didactiques instaurés dans

chaque classe (voir paragraphe 2.2). Dans un deuxième temps, nous exposons les résultats de

la passation du questionnaire par les enseignants et leur interprétation en termes d’éléments

des organisations didactiques « idéales » de chaque enseignant (voir paragraphe 2.1.5). Enfin,

nous discutons les possibles effets que les caractéristiques des institutions et les « modèles

enseignants » pourraient avoir sur la gestion de la mémoire.

L’objectif de ce chapitre est de tirer des éléments de réponse à la question de recherche

suivante :

Q3. Quelles sont les caractéristiques de la vie institutionnelle d’une classe qui ont des effets

dans la gestion par le professeur de la mémoire didactique de la classe ?

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 286

Le fonctionnement des institutions est à rapporter aux manières de « penser » et de « faire »

concernant l’activité mathématique de la classe. Pour décrire un tel « fonctionnement de

l’institution », nous avons recouru à trois outils : l’organisation de l’étude « effective »

appuyée sur les dimensions pointées par les moments didactiques, voir paragraphe 2.1.4, la

catégorisation des types de contrats didactiques, voir paragraphe 2.2 et le modèle de l’espace

des organisations didactiques possibles ou institutionnelles, voir paragraphe 2.1.5.

Dans les paragraphes qui suivent, nous exposons les résultats des analyses qui visent ces trois

aspects. Les sources qui ont permis de constituer le corpus ont été diverses :

- Les transcriptions des entretiens individuels avec les élèves (voir annexe IX)

- Les traces produites par les élèves dans leur Journal d’Etude

- Le questionnaire adressé aux professeurs (voir annexe X)

- Les transcriptions des entretiens avec les élèves et avec les professeurs lors de l’étude

de la factorisation (voir annexes VII et VIII)

- Les transcriptions des classes observées (voir annexe VI)

L’analyse du fonctionnement des classes est nécessaire pour repérer les assujettissements

institutionnels qui influent sur la gestion de la mémoire. Au paragraphe 9. 4. nous analysons

certains effets de la vie institutionnelle sur l’étude de chaque thème abordé dans les classes de

dixième observées.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 287

9.1 ORGANISATION DE L’ETUDE

9.1.1 LE CAS DE SAM

En général l’organisation de l’étude dans les classes à la charge de Sam suit « trois périodes

d’étude ». Dans une première période, disons d’« introduction », les moments d’étude de la

première − ou deuxième − rencontre avec le type de tâches (T), l’exploration de T et

l’élaboration d’une technique, la constitution de l’environnement technologico-théorique

et l’institutionnalisation sont confondus.

Nous reconnaissons dans cette période d’introduction, ce que Chevallard (1999) a nommé une

« problématique culturelle-mimétique » : les élèves « reproduisent » par mimétisme ce que

l’enseignant fait. Comme les élèves le décrivent eux-mêmes dans les entretiens individuels

(voir annexe X), « une fois que Sam est arrivé à la salle, il commence à nous expliquer avec

un exemple ». A ce moment, suivant l’élève ML « le prof le fait [l’exemple], alors j’observe

comment l’a-t-il fait et puis je le fais » (ML33).

Cette première rencontre passe donc par l’ostension au tableau de la manière dont Sam

« explore », si l’on peut dire, un type de tâches, en mettant en œuvre une certaine façon de le

réaliser. C’est ce qu’en dit l’élève MF :

En gros, ce qu’on va faire dans la classe, c’est que le prof nous montre comment faire les exercices108 (MF1)

Une telle « exploration » est mentionnée par les élèves de la manière suivante : « il [Sam] dit

comment on doit faire chaque pas », il avance au fur et à mesure et les exemples « deviennent

plus complexe » : « petit à petit, le niveau augmente ». Durant cette exposition, les élèves sont

interrogés sur les « savoir-faire et savoirs préalables », ainsi que sur les résultats des calculs

qu’ils obtiennent sur place.

Il n’y a aucune référence directe au discours explicatif ou justificatif de la technique, et

aucune intention « évidente » de la part de Sam de constituer un environnement technologico-

théorique de nature mathématique. Par exemple, voyons ce qu’explicite MF lors de

l’entretien :

108 “Prácticamente lo que nosotros vamos hacer ahí es que la profe nos muestre hacer los ejercicios”.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 288

Il y a beaucoup de choses qu’on sait faire, mais nous ne savons pas d’où vient tout cela […] on vous demande de le faire, et vous le faites109 (MF62).

Dans la classe, l’embryon technologique réfère donc à des techniques qui sont les seules

reconnues par l’institution : elles sont « autotechnologiques ». Le discours rationnel construit

relève ainsi de la logique suivante : « cette manière d’accomplir la tâche n’exige pas de

justification parce qu’elle est la bonne manière de faire dans I ».

Lors de la « monstration » des exemples au tableau, Sam éclaire les élèves sur ce qu’il doivent

savoir de l’organisation mathématique étudiée, évidemment grandement incomplète. De telles

indications viennent compléter les interventions que l’enseignant fera publiquement durant la

révision d’exercices.

Enfin, notons que cette « première période », qui inclut le moment de la première rencontre,

ne conduit évidemment pas à « chercher et expliciter les raisons d’être des objets enseignés ».

Nous rencontrons alors le phénomène du « monumentalisme110 » présenté par Chevallard

(2004), qui dans ce cas, s’applique à des « petits monuments » dont la dimension

« technique » est privilégiée.

Lors de cette période, et ayant remarqué la presque absence d’une technologie mathématique

− ce qui limite les éléments à mobiliser −, la gestion de la mémoire est chargée de gestes

« destabilisateurs » afin de vérifier que les élèves « suivent » les exemples.

La deuxième période identifiée correspond au moment de l’étude qui concerne le travail de

la technique : « une fois qu’il a expliqué, il donne la pratique ». La maîtrise des techniques

devrai être atteinte par la recherche des listes d’exercices relatifs aux polynômes, pour

lesquels la même consigne est continuellement répétée : factorisez complètement. C’est-à-dire

qu’il n’y a pas des « problèmes » qui demandent à être résolus par la mise en œuvre d’une

technique de factorisation étudiée.

Lors de ces épisodes, nous avons difficilement observé une gestion « ostensive », dirigée vers

toute la classe, de la mémoire, car les questions des élèves sont reçues et traitées, la plupart du

temps, de manière privée dans la relation de l’élève qui les pose et du professeur. 109 “Hay muchas cosas que uno sabe hacerlas, pero no sabe de dónde viene [...] porque a usted nada más le dicen, usted hace esto y ya”. 110 « Les mathématiques ont appartenu à une aristocratie scolaire. Elles avaient depuis longtemps quitté l’âge des supériorités pour entrer dans l’âge des privilèges, où une discipline scolaire, sans perdre de son lustre peut-être, perd certainement de son utilité pour l’Ecole et pour l’intelligence du monde : elle est là, mais on ne sait plus guère pourquoi. Elle est là, en vérité, par un privilège conservé, contre lequel d’aucuns murmurent. Dans cet âge des privilèges, une discipline scolaire tend alors à prendre la forme d’une visite guidée de savoirs que l’on parcourt à la hâte, à l’instar de vestiges monumentaux autrefois vivants mais dont les raisons d’être, les fonctions vitales ont cessé d’être comprises » (Chevallard, 2004, p. 6).

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 289

Une fois que le temps imparti pour les exercices est terminé ou proche de finir, la troisième

période, celle de l’évaluation, débute. Pour corriger les exercices, Sam demande des

« volontaires » pour aller au tableau et écrire les réponses. Parfois, il désigne directement un

élève pour y aller. En général, plusieurs élèves sont en même temps au tableau. Dès qu’un

d’entre eux a fini d’écrire, Sam reprend oralement la technique mise en œuvre par cet élève.

En d’autres termes, il verbalise ce que l’élève a fait. Voyons par exemple dans la séance SB-

2802200610L, une intervention de Sam sur ce qu’une élève avait écrit au tableau :

Vean que lo que ella hace al inicio, resuelve lo que está dentro del paréntesis cuadrado, entonces le queda −10x + 5, está bien. Luego saca factor común que es 2x − 1, le queda el otro factor y lo simplifica, y aquí le queda −9x (ligne 41).

Certes, il peut y avoir des occasions au cours desquelles Sam indique seulement si le résultat

est juste ou non. Pour les traces qui montrent des réponses incomplètes ou incorrectes, il

indique d’habitude l’erreur et la corrige tout de suite au tableau. Néanmoins, si l’élève y est

encore, il se peut qu’il la lui signale et que ce soit l’élève qui la corrige ; ou encore, il lui

indique où se elle trouve, sans lui préciser comment la corriger.

Les reprises orales des traces au tableau des réponses des élèves relèvent de la gestion de la

mémoire. Il s’agit d’une officialisation d’éléments de la mémoire pratique des élèves.

Néanmoins, comme nous l’avons indiqué, cette officialisation ne semble pas porteuse de

l’intention de faire se remémorer les élèves, mais de la volonté de valider une « bonne »

manière de faire.

Enfin, remarquons que plusieurs élèves ont indiqué que chaque année cette « structure des

cours de mathématiques » est « la même » : expliquer les exemples et ensuite donner les listes

d’exercices111 (MS23). Ce qui change, d’après certains, c’est la manière dont chaque

professeur l’ « adapte ».

Dans le schéma suivant, nous résumons les trois périodes de l’organisation habituelle des

cours de Sam.

111 Le symbole « MS23 » indique la référence de la transcription : il s’agit de l’élève « S » de la classe « M » et d’une intervention à la ligne 23.

[−(7x − 5) − 3x](2x − 1) − (2x − 1)(5 − x)[−10x + 5](2x − 1) − (2x − 1)(5 − x) (2x − 1)( −10x + 5 − (5 − x)) (2x − 1) (−9x)

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 290

9.1.2 LE CAS DE RON

Pour la plupart des séances observées chez Ron, nous avons repéré quatre périodes. Lors

d’une première période, que nous avons nommée « de préparation », Ron essaie de « faire

remonter en mémoire » des définitions, des techniques, des raisonnements, etc., qu’il juge

nécessaires pour « bien comprendre » le thème. De tels objets mobilisés doivent être conçus

par les sujets de la classe comme éléments du discours rationnel qui justifie et explique

l’organisation mathématique enjeu de savoir. Il nous semble aussi que c’est au rôle des

« périodes de préparation » auquel les élèves réfèrent, quand ils soulignent dans les entretiens

individuels : « avant d’introduire le thème il nous pose des questions » et « il reprend la

matière passée pour qu’on puisse mieux comprendre ».

Cette période relève de moments de constitution de l’environnement technologico-

théorique et dans certains cas, de moments de construction d’une technique ; même si le

type de tâches auquel sera relative la technique est, certaines fois, présenté après.

Pendant cette période Ron établit une dynamique de questionnements adressés aux élèves :

« il pose beaucoup de questions », pour réactiver les rapports attendus. En d’autres termes,

nous sommes au cœur de notre problématique : l’enseignant borne le « lieu cognitif », le

milieu, dans lequel les élèves doivent se positionner pour y repérer des éléments d’appui afin

de répondre à une demande. Dans ce cas, le milieu à aménager est un « milieu

d’enseignement ».

Première rencontre

Elaboration d’une τConstitution d’un bloc θ/Θ

InstitutionnalisationExploration d’un type de tâches

Travail de la τEvaluation

Re-institutionnalisation

EvaluationRe-institutionnalisation

Figure 28 : Périodes d’études dans les séances de Sam

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 291

Après la « phase de préparation », les élèves rencontrent le nouveau type de tâches ; ce qui

correspond à la deuxième période de l’étude chez Ron. Lors de cette période, plusieurs

moments didactiques peuvent être confondus : la première rencontre, l’exploration du type

de tâches et l’élaboration d’une technique, l’institutionnalisation. Il s’agit de ce que les

élèves désignent par « le professeur explique le thème au tableau avec des exemples ». Ron

essaie donc d’opérer une transition entre ce qui a été instauré lors de la « préparation » et les

nouvelles tâches à accomplir. C’est-à-dire que le caractère problématique que pourrait avoir le

nouveau type de tâches, et grâce auquel on pourrait retrouver ses « raisons d’être », est

considérablement minimisé (pour ne pas dire inexistant).

Comme pour Sam lors de cette période, et pour la plupart des séances observées, Ron montre

comment il faut réaliser une tâche donnée, cependant − et cela constitue une des principales

différences par rapport à l’autre enseignant − il montre aussi pourquoi il faut la réaliser de

cette manière : « il explique « le pourquoi » de chaque pas ». On peut donc considérer que les

OM reconstruites dans ses classes sont jusqu’à un certain point plus complètes que celles

mises en place par Sam. Nous reprenons cet aspect dans le paragraphe 9.2.2.

Remarquons aussi qu’il se peut que Ron change l’organisation didactique que nous avons

présentée, en proposant des tâches aux élèves à partir desquelles ils pourraient construire le

savoir en jeu. C’est le cas par exemple, de la séance concernant le « théorème du reste » et le

« théorème du facteur ».

Lors de cette période, Ron présente des expressions à factoriser plus « complexes » que celles

données par Sam. Dans ce sens, il est parfois obligé de gérer d’autres rapports aux objets de la

mémoire didactique que Sam qui, quant à lui, ne les réactive pas chez ses élèves.

La troisième période est associée au moment du travail de la technique. Comme nous

l’avons signalé pour Sam, la maîtrise des techniques devrai être atteinte par la réalisation de

listes d’exercices dont la principale consigne est : « factorisez complètement l’expression

donnée ». Cependant, les expressions à factoriser dans ces listes − ainsi que les exemples

donnés en classe − sont plus complexes112 que ceux proposés aux élèves de Sam. Notons ainsi

que d’autres tâches sont abordées pendant de ce moment. Par exemple,

112 Nous faisons référence au fait que les élèves doivent mobiliser d’autres objets que ceux étudiés en classe. Par exemple, les calculs avec des racines ou des fractions.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 292

t1 : Simplifier l’expression 3 322322 332 yxyyxxyxyx ++++++

t2 : Déterminer le plus grand facteur commun aux polynômes w5 − 3w3 − 4w et w3 − 4w

t3 : Déterminer la longueur du côté d’un carré si son aire est 33 25544 +−

Lors de ces périodes, comme nous l’avons relevé dans les classes de Sam, la gestion

mémorielle publique est limitée. Donc, nous ne disposons pas d’éléments pour nous y référer.

La quatrième période de l’étude coïncide principalement avec le moment de l’évaluation.

Nous pourrions interpréter la dynamique de ce moment en termes ‘de rituel’ ; c’est-à-dire que

ce moment est le seul qui soit organisé de manière précise par des types de tâches didactiques

obligatoires et prédictibles pour les sujets de l’institution. Une fois que Ron considère que les

élèves ont terminé − ou presque − « la pratique », il révise son « cahier de classe » où il a noté

le dernier élève qui est passé au tableau. En respectant l’ordre des places113, il demande à

l’élève suivant de réaliser l’exercice. Un à un, tous les élèves passent, même s’ils n’ont pas

fini ou n’ont pas fait l’exercice. Une fois les réponses écrites au tableau, Ron les relit et

indique si elles sont justes. S’ils ne le sont pas, il signale à l’élève où il doit « regarder » pour

trouver l’erreur. Si l’élève ne la trouve pas, l’enseignant l’aide de manière privée, et donc

rarement à haute voix. Quand le résultat est juste, Ron indique aux élèves de « bien vérifier »,

en comparant avec ce que chacun d’eux a fait dans son cahier. Une telle dynamique est très

coûteuse en temps à investir. Signalons pourtant que, lors de certaines séances, quelques

exercices, peu nombreux, ont été révisés oralement ou expliqués pour toute la classe.

Notons que, contrairement à Sam, les reprises orales sont beaucoup plus rares chez Ron ; ce

qui réduit la gestion mémorielle publique par le professeur.

Enfin, remarquons que d’après les réponses récoltées lors des entretiens individuels (sur les

méthodes d’enseignement), les élèves de Ron identifient, de même que ceux de Sam, une

certaine structure des classes de mathématiques : expliquer la matière et donner des exercices.

Cependant, certains d’entre eux soulignent des changements par rapport aux classes de

mathématiques dont ils font partie :

113 Dans les classes de Ron, les élèves doivent respecter le « miroir de classe ». C’est-à-dire que Ron leur a assigné une place fixe où ils doivent se trouver lors de son cours. Chaque trimestre, Ron varie le placement des élèves.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 293

Lui [Ron], il explique le pourquoi de tout. Les autres [enseignants], ils venaient seulement,

nous expliquer la matière et nous donner des exercices. Au contraire, lui il explique pourquoi

il faut faire chaque pas114 (GJ9).

Dans le schéma suivant, nous résumons les quatre périodes que nous pouvons dégager de

l’organisation de l’étude que Ron met en œuvre.

9.2 CONTRATS DIDACTIQUES

9.2.1 LE CAS DE SAM

« Une fois fixé le projet didactique – apprendre −, l’institution doit compléter le contrat

qu’elle propose par des clauses indiquant ce que l’enseignant doit faire, et sur quoi l’enseigné

peut compter. Elle doit répondre à une double question : comment enseigner ? Comment

apprendre ? » (Chevallard, 1988, p. 13)

Comme nous l’avons signalé dans le paragraphe 2.2, les contrats didactiques déterminent ce

que chaque sujet de l’institution a la responsabilité de gérer, par rapport à la connaissance

mathématique visée, et dont il sera d’une manière ou d’une autre, responsable devant l’autre.

114 “El explica el porqué de todo, entonces los otros nada más venían y explicaban la materia y nos ponían ejercicios. En cambio él explica el porqué hacer cada paso”.

Première rencontre

Elaboration d’une τConstitution d’un bloc θ/Θ

InstitutionnalisationExploration d’un type de tâches

Elaboration d’une τInstitutionnalisation

Première rencontre

EvaluationTravail de la τEvaluationRe-institutionnalisation

EvaluationRe-institutionnalisation

Figure 29 : Périodes d’étude dans les séances de Ron

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 294

Ils sont donc, forcément, spécifiques des connaissances en jeu lors de l’étude d’un type de

tâches, et par conséquent, leur nature est nécessairement périssable.

Les séances observées avec Sam ont porté principalement sur cinq objets : le facteur commun,

le regroupement, les identités remarquables, l’inspection et la division synthétique.

Notamment, lors de l’étude de chacun de ces objets, plusieurs autres objets et rapport à ces

objets, nouveaux et anciens, ont été (ré)activés. Nous allons analyser les aspects des contrats

didactiques qui nous semblent communs aux séances concernant les cinq thèmes. Nous

structurons la présentation en suivant les périodes d’étude pointées dans le paragraphe 9.1.1.

Dans une première approche relative au partage des responsabilités des sujets de l’institution

vis-à-vis la connaissance en jeu, le contrat d’ostension s’instaure dès le début lors la période

de l’introduction. Rappelons la définition qu’en fournit Brousseau (1996)

Le contrat d’ostension. Le professeur « montre » un objet, ou une propriété, l’élève accepte de

le « voir » comme le représentant d’une classe dont il devra reconnaître les éléments dans

d’autres circonstances (p. 46).

En d’autres termes, la responsabilité du savoir est toujours à la charge du professeur. Tandis

que les élèves s’engagent à reproduire dans les nouvelles « situations » ce qu’ils ont observé

de ce que l’enseignant faisait. Les clauses de ce contrat semblent ainsi explicités par ML à la

demande d’une des questions lors de l’entretien : que fais-tu quand Sam explique ? Voyons la

réponse :

J’ai observé la procédure ou comment il [l’exemple] a été réalisé, et au moment où je suis dans la situation actuelle, je l’identifie […] Quand je l’observe [l’exemple et son explication], c’est comme si on comprenait ce qui s’est passé. Alors, une fois compris, quand on nous montre une situation pareille, on dit : c’est vrai ! Et on le fait115 (ML39)

Remarquons deux points que souligne Brousseau dans son cours. Tout d’abord, ce type de

contrat est basé davantage sur le fait que « le système didactique accepte la réalité des

apprentissages par assimilation ». C’est-à-dire que l’existence d’obstacles ou la nécessité de

connaissances provisoires n’est pas prise en compte ; ou encore que, même si elles ne sont pas

115 “Observé el procedimiento o cómo se realizó y en el momento que yo hago la situación que tenga presente, lo identifico [...] Yo al observalo, uno como que entiende lo que pasó, entonces al entenderlo cuando se le pone una situación igual, uno dice: sí es cierto! Y lo hace”.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 295

niées, l’organisation de l’étude ne semble pas permettre un travail personnel de la part des

élèves dans la classe, car leur rôle se limite à n’être que des « reconnaisseurs » de ce qui est

montré. Ainsi, et c’est un deuxième point remarquable, un tel contrat d’ostension permet à

l’enseignant de prétendre communiquer une connaissance en contournant les situations

d’action et de formulation.

Dans ce sens, les contrats d’ostension rendent légitimes une gestion mémorielle

« minimale » : à l’extrême, si les élèves doivent « accepter de voir » ce qu’on leur montre, il

n’y a pas de raisons pour réactiver − du moins « pas beaucoup » − des rapports anciens aux

objets. Dans les classes observées, nous n’avons pas relevé ces conséquences extrêmes du

contrat d’ostension ; mais il nous semble que dans certains cas, effectivement, la gestion

mémorielle est minimisée.

Pour les objets qui ne sont pas nouveaux, comme nous l’avons indiqué plus loin, un tel contrat

s’instaure aussi. Cependant, ce que l’enseignant montre évoquera notamment des rapports

déjà établis à ces objets, car connus des élèves. Les assujettissements à l’institution actuelle

serviront donc de filtre pour faire oublier, ou adapter, ceux qui ne sont pas reconnus lors de

l’étude dans laquelle la classe s’engage.

Comme nous l’avons indiqué, une des tâches didactiques principales de l’enseignant,

contrainte par une des clauses du contrat selon laquelle le professeur ne peut pas « dire

directement les choses », consiste à choisir des questions (faire des commentaires, écrire,

signaler, etc.) telles que l’élève puisse en trouver les réponses avec ses propres ressources ou

celles de la situation. Une telle clause est en grande partie ignorée dans le contrat que nous

relevons en certaines occasions chez Sam, contrat de maïeutique socratique.

Le professeur modifie ses questions en fonction des réponses de l’élève. Mais le choix des questions n’est soumis à aucun contrat didactique, elles peuvent être très ouvertes ou très fermées comme dans le dialogue du Menon, elles pourraient emprunter n’importe quelle voie rhétorique et obtenir la ‘bonne’ réponse par des analogies, des métaphores, etc. (Brousseau, 1996, p. 25)

Voyons un extrait de la première séance observée de la 10e M pour illustrer nos

interprétations :

20 PROF=SB Ok esa “factorización”, ¿a qué le suena ese término que aparece aquí ? (P hace una llave horizontal como subrayando las seis primeras letras de la palabra « Factorización » escrita en la pizarra). Esa parte de esta palabra.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 296

21 E=F A factor. 22 PROF=SB A factor verdad. Factor, los factores ¿quiénes eran?, ¿los términos de cual operación? 23 Es Multiplicación. 24 PROF=SB De la multiplicación. Entonces, cuando yo voy a factorizar, lo que yo voy hacer es...

Digamos que expresar, una suma, una resta, ahí una operación en términos de multiplicación o en forma de multiplicación. ¿Si o no?

25 E=S Si. Ref : SB-2202200610M

Dans ce passage, nous ne sommes pas loin du dialogue du Menon. L’extrait provient du tout

début de la séance et il s’agit de répondre « qu’est-ce que factoriser ? » Sam veut réactiver

chez les élèves le fait que, quand on parle de factorisation il s’agit de facteurs. Même s’ils ne

l’ont pas mentionné après la question, à la ligne 20, l’enseignant dessine une « accolade » en

regroupant les lettres « f a c t o r » dans le mot « factorización ». En d’autres termes, un tel

ostensif scriptural indique davantage la réponse attendue, qu’un indice pour placer les élèves

dans un certain lieu cognitif pour s’y repérer. Ainsi, comme l’affirme Brousseau (1996), un

des principaux inconvénients de ce type de contrat, c’est qu’il tend à exclure les interactions

du sujet avec un milieu effectif.

Remarquons aussi, à la fin de la ligne 24, un des types de communication assez fréquents lors

des séances de Sam et qui relèvent aussi de ce contrat. Il s’agit d’attribuer aux élèves le rôle

d’« affirmateurs » ou « dénégateurs » à la fin d’une intervention du professeur. Ainsi, Sam

formule des conclusions, des conjectures, des résultats qui se clôturent en demandant : « oui

ou non ? », « c’est vrai ou pas ? », « c’est vrai, n’est-ce pas ? ». En d’autres termes, face à

l’enseignant, les élèves sont actifs, car ils répondent, mais en réalité c’est un effet de contrat

qui leur indique que la question n’en est pas vraiment une : c’est le professeur qui l’a

expliqué, c’est forcément vrai !

Dans la maïeutique socratique, la clause qui favorisait une gestion mémorielle dans la classe

est presque disparue. Cela implique que c’est à partir du discours du professeur que les élèves

doivent mobiliser, de manière privée, les rapports aux objets concernant l’enjeu de la classe.

En d’autres termes, les interventions de l’enseignant n’ont pas pour but la délimitation d’un

milieu avec lequel on interagit pour mobiliser une connaissance, car la connaissance est

directement dite.

Cette première période de l’étude s’enchaîne avec la deuxième période, celle associée au

travail de la technique, en instaurant dans la classe un contrat de conditionnement. D’après

ce contrat, l’élève s’engage à accomplir les tâches définies à la condition qu’elles soient

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 297

réductibles au répertoire qu’il possède. Or, la reproduction d’une tâche ne garantit pas que

celui qui la reproduit, dans notre cas l’élève, puisse le faire en toute circonstance.

Le professeur prend à sa charge l’organisation d’une répartition ‘raisonnée’ d’exercices ‘raisonnablement’ répétitifs, et légèrement informatifs et gère le débit en fonction du rendement de son procédé […] Le rôle de l’élève est de se prêter à la répétition (Brousseau, p. 24 − 25).

Revenons sur l’entretien individuel avec MF116 pour vérifier la reconnaissance de ce partage

de responsabilités. A la question « qu’est-ce qu’il manquerait à ton cours de mathématiques

pour qu’il soit « parfait » ? » l’élève signale comme premier point :

Qu’il n’ait pas trop d’exercices, ça ne me plaît pas. C’est-à-dire, j’aime bien réaliser quinze exercices et après je sais que je suis bien [prêt]. C’est-à-dire, ce n’est pas qu’il va me donner quinze exercices hyper faciles et non plus quelque chose que je ne puisse pas faire. Mais quelque chose qui vraiment me montre, à moi, que je suis au point sur le sujet. Mais, il ne s’agit pas qu’il me donne quarante ou vingt exercices ! Ça ne me plaît pas ! Et ça me fatigue et c’est en plus ennuyeux117 (MF64).

Ce faisant, MF indique ce qu’on a décrit dans le contrat précédent : « exercices

raisonnablement répétitifs » et « légèrement informatifs ». Cependant, d’après cet élève la

« répartition ‘raisonnée’ d’exercices » était un peu démesurée. La plainte de MF à la fin de

son intervention évoque particulièrement l’une des listes d’exercices où les élèves devaient

factoriser quarante polynômes pour la séance d’après.

Nous pourrions ajouter une autre clause au contrat de conditionnement, et relative à la gestion

mémorielle : avant de fournir des exercices, l’enseignant a porté à la connaissance des élèves,

les savoirs et les savoir-faire qu’ils doivent mobiliser pour les accomplir. En d’autres termes,

un contrat de conditionnement présuppose la mise en place d’une gestion mémorielle : soit

publique (dirigée par le professeur), soit privée (à la charge de chaque élève, par exemple au

sein de certains contrats d’ostension).

A ce sujet, notons que lors de la deuxième séance de factorisation, quand les élèves de la 10e

L ont débuté « le travail de la technique », Sam leur a demandé de ne pas factoriser les

116 Remarquons que MF est considéré comme un « bon élève », bien assujetti à l’institution dont il fait partie. 117 “Que no me pongan tanto ejercicios, no me gusta. Osea me gusta realizar quince ejercicios y yo ya sé que estoy bien. Osea no es que me van a poner quince ejercicios facilísimos verdad, pero algo que, tampoco es que... algo que no vaya a poder hacer, verdad. Pero algo que verdaderamente me demuestre a mí que yo, estoy capacitado en ese tema. Pero tampoco es que me van a poner cuarenta ejercicios, veinte, un montón de un solo toque, que a mí no me gusta, me cansa, me aburre”.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 298

expressions seize (x2n+3 + 5x2n+1 − 4x2n−1) et vingt-cinq

⎟⎠⎞

⎜⎝⎛ +−− + 22 1022

35

311 uuu nn , car elles étaient hors de portée pour les élèves. Une

telle décision relève aussi d’une « répartition raisonnée d’exercices ».

Nous reconnaissons à partir de ces exemples sur le rôle des exercices dans la classe, un

principe d’identification118 que la classe, en tant qu’institution, donne à ces sujets. Comme

nous l’avons signalé dans le paragraphe 4.1, les listes d’exercices sont considérées par les

élèves comme la principale référence pour faire les révisions des contrôles. La désignation de

la nécessité de « voir qu’on a tout compris » devient un principe d’identification donné par

l’institution au sein de laquelle certains élèves bien assujettis se placent, pour « se penser et

penser le monde » des contrôles, à travers l’objet « liste d’exercices ».

Enfin, lors de la troisième période, la révision des exercices, il nous semble que la classe

revient en quelque sorte à la maïeutique socratique. C’est ce que nous indiquent certaines

questions posées par Sam et auxquelles il n’attend pas forcément de réponse. Les élèves

savent que le professeur y répondra tout de suite, sans leur laisser le temps d’essayer par eux-

mêmes, car elles ne leur sont pas adressées ! Voyons un exemple lors de la révision de la

factorisation de 2x(3x − 2y) + 5y(−2y + 3x) − 4z(3x − 2y).

26 PROF=SB Bueno ok, revisamos la... 7. Qué le falta a la x? Una x en el factor común? 27 E=E No, una x en el... 28 PROF=SB Ah 2 x! Ok, el factor común es (3x − 2y), muy bien. ¿Habrá que hacer algún

cambio de signos ahí en el segundo término? Como hice (−2 + 3x), ¿habrá que cambiarle el signo? Dice (−2y + 3x) en el segundo término. ¿Es lo mismo verdad? (3x − 2y), (3x − 2y). Ok.

Ref : SB-2802200610L

De cette manière, lorsque Sam pose une question, implicitement les élèves savent qu’il n’est

pas nécessaire de ‘trop essayer’ s’ils ne connaissent pas la réponse, car finalement, et après un

court moment − normalement pas plus de cinq secondes − Sam tentera de les guider avec une

autre question, ou tout simplement, il donnera la réponse attendue.

118 « Si les individus construisent collectivement les institutions et les classifications qui leur sont associées, celles-ci leur donnent donc en retour des principes d’identification qui vont leur permettre de se penser et de penser le monde (Douglas, 1999).

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 299

En d’autres termes, le temps de gestion mémorielle est si court qu’on pourrait penser qu’il

s’agit d’une illusion et, pour cette raison, les élèves ne doivent pas s’engager en répondant aux

questions.

Dans le schéma suivant, nous résumons les principales caractéristiques des contrats

didactiques repérés dans les institutions dirigées par Sam et que nous mettrons dans le

chapitre 9.4. en rapport avec sa gestion mémorielle.

9.2.2 LE CAS DE RON

La transformation des savoirs anciens, le rappel selon Brousseau, caractérise le contrat

didactique lors de la première période de l’étude dans les classes de Ron.

Les faits principaux et les actions passées sont évoquées, formulées, reconstruites, rationalisées et justifiées après coup dans une situation didactique particulière […] L’explicitation des faits connus de tous est théoriquement placée sous le contrôle de la mémoire personnelle de l’élève, mais il est clair qu’il ne peut formuler et rendre public que ce que le répertoire didactique lui autorise (Ibid, p. 28)

Ainsi, l’une des responsabilités de l’enseignant lors de cette période, est-elle de baliser le lieu

cognitif (les objets et les rapports à ces objets) supposés connus des élèves à partir des

questions et des commentaires − certains d’entre eux étant des gestes mémoriels. Ceci, afin de

stabiliser des objets et des rapports à ces objets que Ron juge nécessaires pour ‘bien

comprendre’ le nouveau thème. Revenons sur l’entretien avec l’élève HM pour vérifier la

Contrat d’“ostension”Contrat “maïeutique socratique”

Contrat de conditionnement

Contrat “maïeutique socratique”

Figure 30 : Contrats didactiques selon la période de l’étude chez Sam

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 300

reconnaissance d’une telle clause à partir du début de la réponse sur la méthodologie

d’enseignement de Ron :

Bon, avant d’introduire un thème, il nous pose des questions sur ce qu’on a vu auparavant [Il fait ceci car] c’est sa méthode à lui. Pour nous orienter vers le thème qui vient119 (HM7, 11)

En certaines occasions, il est possible qu’un tel travail de préparation de l’enseignement

augmente chez des élèves leur incertitude sur ce que le professeur attend qu’ils connaissent.

Ainsi, HM qui est un élève en difficulté indique :

Mais je n’aime pas trop cela, car dans mon cas à moi, je me détourne, je me déconcentre du thème quand il commence à poser des questions. Je m’en vais vers quelque chose et d’après moi c’est la bonne direction ; mais après un autre camarade vient [et il dit], mais ce n’est pas comme ça… Alors tout cela s’en va et je reviens au même point. Après il y a un autre camarade et il dit une autre chose et avec ça je m’en vais… je vais comme de branche en branche et au final je me perds120 (HM11)

Le récit de HM met en évidence la dynamique lors des périodes de préparation : Ron pose des

questions, les élèves répondent, il valide ou non la proposition. Si ce n’est pas juste, les élèves

continuent en essayant de bien répondre : « mais après un autre camarade vient » … « après il

y a un autre camarade et il dit une autre chose ». En d’autres termes, à la différence du contrat

instauré lors de la première période chez les classes de Sam, les élèves de Ron savent qu’ils

doivent répondre aux questions qu’il leur pose, parce que le professeur « ne répondra pas pour

eux ». Notons par exemple que Ron pose, rarement, des questions auxquelles tout de suite il

répond ; en général, il laisse plus du temps que Sam aux élèves pour essayer de donner une

réponse − parfois, 40 secondes ! …

Pour résumer, il s’avère que chez Sam, les élèves essaient de répondre mais s’ils n’arrivent

pas à dire ce qui était attendu, ils attendent que Sam indique la réponse qu’il voulait. Chez

Ron, les élèves essaient aussi de répondre mais s’ils n’y arrivent pas, ils doivent encore

119 “Bueno, antes de introducirnos a un tema, nos hace preguntas de lo que hemos visto antes [...] Pienso yo que, diay es la metodología de él para orientarnos hacia el tema que viene”. 120 “No me gusta tanto porque, a uno… bueno en mi caso, este, me desvío, me desconcentro del tema cuando empieza a preguntar. Me voy en una cosa, me voy en una cosa y según yo voy, supuestamente en la dirección correcta, pero ya sale otro compañero, que así no es, no sé qué... Entonces ya se me fue todo y vuelvo al mismo punto. Y voy con otro compañero y sale otro compañero con otra cosa entonces ahí me voy, me voy como de rama en rama y al final pierdo”.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 301

essayer en suivant le ‘chemin’ que Ron indiquera. C’est-à-dire que c’est à eux de donner les

réponses et à Ron de les valider.

Lors de ce travail de préparation dans les classes de Ron, c’est toujours lui qui articule les

apports des élèves et qui ajoute au milieu des éléments qu’il considère pertinents ; néanmoins

il nous semble que les élèves acquièrent d’autres responsabilités : ils doivent devenir

« porteurs du savoir » en retravaillant des éléments technologiques des techniques à étudier. A

cette fin, deux clauses sont ajoutées au contrat : l’une est la verbalisation des techniques

employées pour accomplir un type de tâches − ou une tâche − et l’autre est l’explicitation des

justifications des réponses données, ce qui modifie le topos des élèves en leur attribuant un

rôle les engageant en personne, lors des phases de gestion mémorielle dirigées par le

professeur. Voyons des exemples pour les deux cas :

•Cómo hacían para calcular el máximo común divisor entre tres números? (RB-2702200610H18) •Cómo podemos decir entonces que son los pasos para hacer eso? (RB-2203200610G88) •Cómo se formaba el otro [factor]? Se acuerda que estuvimos viendo cuándo era y cuándo no era fórmula? (RB-2802200610H123)

•Para qué hizo la diferencia de cuadrados? No está malo pero, para qué la hizo? (RB-1703200610G15) •Por qué nos interesa el máximo común divisor y no los otros? (RB-2702200610H62) •Y por qué eso es una factorización de 80? (RB-2402200610G50)

A ce sujet, revenons à la réponse que l’élève GB nous donne lors de l’entretien à la question :

« quel type de questions pose Ron ? »

Bon, sur… disons, il explique quelque chose et il y va en posant des questions. Disons sur pourquoi fait-on ceci, d’où vient cela, qu’est-ce que c’est ce qu’on utilise et pourquoi ceci se fait121 (GB7)

Certes, selon le thème à étudier, les rôles des élèves envers la responsabilité du savoir varie.

Parfois, les éléments technologiques sont montrés par l’enseignant qui attend qu’ils soient

aperçus des élèves. En d’autres termes, ce n’est plus aux élèves de les évoquer − à partir des

questions de l’enseignant − afin que le professeur les articule. Les élèves deviennent plutôt

des spectateurs, car c’est Ron qui montre à la classe en quoi ils justifient ou expliquent les

121 “Diay sobre … digamos explica algo y ahí va sacando las preguntas. Digamos de por qué se hace eso, de dónde salió eso, qué es lo que se utiliza y por qué se hace eso”.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 302

techniques étudiées ou à étudier. Voyons par exemple le début de la séance sur l’utilisation de

la division pour factoriser un polynôme.

1 PROF=RB : Se acuerdan lo que estuvimos viendo el viernes ? Vimos un teorema que decía que si lográbamos encontrar ceros de un polinomio, cada uno de esos ceros, me iba a generar un factor del polinomio, verdad. Ese polinomio que está ahí, tiene cuatro términos, y no lo podemos factorizar agrupando. Si nosotros lográramos encontrar ceros de ese polinomio, entonces encontraríamos factores también, verdad; porque recuerdan que si 5 era un cero, cuál era el factor ? … Ah ? Si 5 es un cero del polinomio, cuál era el factor ? Ah ?

2 E=A : x − 5 3 PROF=RB : x − 5. Si −2 fuera un cero del polinomio, cuál sería el factor ? [...] 4 E=F : x + 2 5 PROF=RB: Mjú. Si 5 es un cero… el factor sería ? 6 Es : x − 5 7 PROF=RB : x − 5. Entonces vamos a buscar ceros del polinomio. Tenemos que tener alguna

forma de encontrar los ceros de ese polinomio para empezar a obtener factores. Ese teorema (P ha escrito un teorema en la pizarra), me da un método de encontrar ceros, solo que los únicos ceros que me va permitir encontrar son racionales. Es decir si hubiera una raíz de 2, por ejemplo un cero, no lo puedo encontrar de esa forma. Y vamos a trabajar con coeficientes, polinomios con coeficientes enteros. Mjú. Para poder usar este teorema. Como éste verdad (P se refiere a 3x²-3x+2).

Ref: RB-2703200610H

Dans cet extrait, Ron indique les éléments technologiques qui justifient la technique que la

classe étudiera lors de cette séance. Premièrement le « théorème du facteur » vu la séance

précédente, puis le théorème des zéros rationnels d’un polynôme (voir paragraphe 6.3) qu’il

vient d’énoncer et à partir duquel il explique qu’ils ne vont travailler qu’avec des polynômes

de coefficients entiers (« pour pouvoir utiliser ce théorème »). Plus loin, il énoncera le

théorème sur la plus grande quantité de zéros d’un polynôme.

Pour la deuxième période, celle consacrée aux exemples, on peut dire que c’est une espèce

de contrat d’ostension « altéré » qui régit les responsabilités des sujets de l’institution. Ron

écrit une expression algébrique au tableau, et montre la technique mise en œuvre pour la

factoriser. D’une part, comme le contrat d’ostension l’indique, les élèves accepteront de

« voir » un tel exemple comme le représentant d’une classe dont ils devront reconnaître les

Teorema (ceros racionales de un polinomio) Si ba es un cero racional

de un polinomio entonces a es un divisor del término constante y b esun divisor del coeficiente principal del polinomio (si P(x) tienecoeficientes enteros).

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 303

éléments dans d’autres circonstances. Et d’autre part, et ce qui fait l’« altération », ils doivent

aussi reconnaître, lors de l’accomplissement de la tâche, les objets qui ont été mobilisés

durant la période précédente, et qui seront employés dans le discours ou les traces écrites du

professeur − même si Ron ne les demandera pas. Pour illustrer cela, voyons le deuxième

exemple que Ron montre à la classe lors de la séance que nous avons mentionnée

précédemment. Il s’agit de factoriser le polynôme 3x3 + 2x2 − 12x − 8. Les élèves viennent

d’indiquer quel est le coefficient principal du polynôme (le nombre 3) et le terme constant (le

nombre −8), ainsi que leurs diviseurs. Ron les a notés au tableau et indique :

91 PROF=RB [...] EEnnttoonncceess, ¿cuáles son los posibles ceros racionales? (...) Son divisores del término constante sobre divisores del término principal. Entonces, si voy haciendo cada uno de estos, sobre uno, me vuelven a dar ellos mismos verdad. ¿Si? Y cada uno de estos sobre 3, me daría 1 tercio, 2 tercios, 4 tercios y 8 tercios, ¿si? Esos son los posibles, oosseeaa que hay 16 posibles ceros racionales, de los cuales ¿podrían servir máximo de?

92 E 3 93 PROF=RB 3. No vamos a estar escribiendo todos verdad. Prueban uno si no les da lo

borran y prueban otro porque si no se les acaba el cuaderno verdad probando de uno en uno. Entonces, cómo probamos aquí? Sería 3, 2, −12 y menos 8 verdad (il s’agit de l’expression 3x3 + 2x2 − 12x − 8).

Ref: RB-2703200610H

Ron montre la technique à mettre en œuvre pour obtenir les possibles zéros du polynôme. Les

élèves, en restant silencieux après les « oui » interrogatifs de Ron (¿si?), acceptent d’« y avoir

vu » l’application des théorèmes. En outre, les mots « alors » et « c’est-à-dire », peuvent être

considérés dans ce cas comme des indicateurs que les élèves doivent reconnaître pour

l’utilisation des théorèmes contrôlant l’accomplissement de la tâche. Remarquons aussi à la

ligne 93, des interventions relatives aux moments d’institutionnalisation, où Ron indique la

manière dont il espère que les élèves travaillent : on n’écrira pas tout !

Dans ce sens, comme nous l’avons dit en 7.1, les institutionnalisations relèvent notamment de

la gestion mémorielle, mais elles portent sur des éléments de la mémoire relative à l’avenir,

éléments à fixer pour le futur ; plutôt que sur des délimitations d’un milieu pour que les élèves

y rencontrent des éléments qui favorisent la réactivation de rapports.

Remarquons que d’habitude, comme nous l’avons indiqué, Ron expose davantage d’exemples

que Sam. Par ailleurs, certaines des expressions que Ron emploie pour exemplifier les

techniques ne sont pas toujours des polynômes : elles incluent des fractions rationnelles et des

expressions irrationnelles ; ce que nous rencontrons rarement dans les exemples utilisés par

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 304

Sam. Certes, une telle différence a des répercutions sur les responsabilités des élèves vis-à-vis

du savoir. En d’autres termes, une fois que le type de tâches et son accomplissement sont

« montrés » par l’enseignant, et que les élèves acceptent de les « voir », ceux-ci savent qu’ils

pourront être interrogés sur eux. La reconnaissance de ces objets technologiques « dans

d’autres circonstances » est donc à la charge de chaque élève.

Enfin, soulignons que, dans certaines occasions, ces deux périodes peuvent être confondues.

Ceci, principalement quand le nouveau type de tâches est présenté dès le début de la séance.

Lors de la troisième période de l’étude, celle où le moment du travail de la technique est

privilégié, et d’une manière similaire à ce qui est demandé aux élèves de Sam, un contrat de

conditionnement est établi. Ron organise une répartition ‘raisonnée’ d’exercices

‘raisonnablement’ répétitifs et légèrement informatifs pour garantir aux élèves qu’ils pourront

réaliser une tâche reconnue par l’institution comme « la marque de l’acquisition d’un savoir ».

De leur côté, les élèves s’engagent à réaliser les exercices et, comme Brousseau l’indique à

l’égard de ce contrat, ils − et leur professeur aussi − peuvent « croire que le temps se chargera

de leur enseigner (de les familiariser avec) ce que ni l’un ni les autres n’affrontent sur le

moment ». Ce que nous pourrions interpréter comme une gestion personnelle et privée de la

mémoire, relevant de la fonction 2 : changement (voir paragraphe 7.1).

Comme nous l’avons signalé dans le paragraphe sur les contrats dans les séances de Sam, les

listes d’exercices élaborées par Ron sont plus « complexes » et diversifiées que celles données

par Sam. Or, comme l’indique l’une des clauses du contrat : « l’élève s’engage à effectuer la

tâche définie à la condition qu’elle soit complètement réductible au répertoire qu’il possède »,

les exercices proposés correspondent aux exemples variés et « complexes » que l’enseignant a

présentés lors de la période précédente. Une telle correspondance est soulignée par une des

élèves lors de l’entretien :

Tout d’abord l’explication, et après on doit être attentif pour les exemples ; et basée sur ces exemples, après vient la pratique122 (HA14)

Remarquons que lors de la résolution d’exercices, Ron ne demande pas aux élèves d’évoquer

les éléments technologiques qu’il a pu mobiliser lors des périodes précédentes.

122 “Primero la explicación y después ponerle atención a los ejemplos y en base a esos ejemplos luego viene la práctica”.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 305

Pour ce qui concerne la quatrième période de l’étude, celle qui privilégie le moment de

l’évaluation, le contrat instauré dans les classes de Ron établit que tous les exercices doivent

être corrigés en classe, ce qui n’était pas toujours le cas dans les classes de Sam. De plus,

comme nous l’avons indiqué en 9.1.2, les élèves savent qu’ils sont obligés de passer au

tableau pour corriger l’exercice que Ron donnera. Une telle obligation n’est pas seulement

implicite, le pourcentage dans la note finale de chaque élève correspondant à la rubrique

« participation en classe » est basé sur le nombre de fois où les élèves sont passés au tableau.

Ils savent qu’ils doivent passer, mais leurs réponses ne doivent pas être forcément justes pour

obtenir des points. Revenons sur l’une des réponses données par HM lors de l’entretien :

Après les pratiques, on va au tableau pour réviser. Chacun fait un [exercice]. EEtt oonn rreeggaarrddee llàà…… Si l’on a une réponse incorrecte, il [Ron] vient et il dit à la personne de le refaire ; ou si l’on n’a pas fait la pratique qu’on devait faire, il [Ron] nous envoie aussi au tableau. Et ça… c’est bien, parce que nous sommes forcés de réfléchir au tableau et on apprend comme ça123 (HM13)

Ainsi, l’élève HM résume la dynamique des périodes de révision, en ponctuant les obligations

des élèves : faire un exercice au tableau, refaire l’exercice s’il est incorrect et venir au tableau

même si l’on n’a pas fait l’exercice. Remarquons dans le récit de l’élève une autre tâche que

Ron attend des élèves : une fois la résolution écrite au tableau validée par l’enseignant, les

élèves doivent réviser ce qu’ils ont fait et corriger les erreurs. Une telle attente est implicite

dans les classes de Sam. Ron rappelle presque chaque fois le but assigné à la révision des

exercices au tableau : repérer les erreurs et les corriger, en comprenant pourquoi ce qui a été

fait était incorrect.

Remarquons donc que, lors des périodes de correction chez Ron, le travail individuel et privé

des élèves est favorisé. Ce qui limite l’observation de la gestion mémorielle.

Dans le schéma suivant, nous résumons les principales caractéristiques des contrats

didactiques repérés dans les institutions dirigées par Ron.

123 “Luego de las prácticas pasamos a la pizarra a revisar. Cada uno hace una y uno va viendo ahí. Si uno tiene una mala, él vuelve y le dice que la vuelva a hacer o si uno no ha hecho la práctica que era, diay lo manda a la pizarra de todos modos a hacerlo. Entonces este... eso por un lado está bien porque lo forza a uno a pensar en la pizarra y así uno aprende”.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 306

Dans le paragraphe suivant, nous présentons les résultats du questionnaire passé par les

professeurs. Rappelons qu’avec cet outil, nous cherchions à identifier des traces concernant

les « modèles enseignants » (Gascón, 2001) dominants dans les classes, afin de croiser les

données recueillies avec celles tirées des observations et des entretiens avec les professeurs.

9.3 ORGANISATIONS DIDACTIQUES INSTITUTIONNELLES

Le modèle de l’espace des organisations didactiques possibles − présenté dans Gascón (2001)

comme des « modèles enseignants » − est un système de référence qui permet de repérer

chacune des OD possibles par rapport à certaines propriétés de l’activité mathématique (voir

paragraphe 2.1.5). En d’autres termes, en considérant l’ensemble des OM possibles à étudier

dans une institution donnée I, Bosch et Gascón (2002) et Gascón ( 2003) montrent comment

les différentes façons de concevoir dans I « ce que sont les mathématiques » peuvent être en

correspondance avec certains types d’OD. De telles façons de considérer les mathématiques

sont ainsi interprétées en termes de théories épistémologiques générales (Gascón, 2001).

Comme nous l’avons indiqué, nous supposons que certains éléments des OD

institutionnellement dominantes dans la classe pourraient avoir des effets sur la gestion de la

mémoire réalisée par l’enseignant.

Pour chaque professeur, nous exposons dans les paragraphes qui suivent les résultats du

questionnaire passé par les enseignants et nous discutons leur interprétation, en nous appuyant

Contrat de “rappel”- Verbalisation de techniques- Explicitation de justifications

Contrat d’“ostension”- Reconnaissance de ce qui est montré lors de la période précédente

Contrat de “conditionnement”

Contrat de - Passer obligatoirement au tableau- L’enseignant indique la présence d’une erreur- L’élève corrige les erreurs

correction

Figure 31 : Contrats didactiques selon la période de l’étude chez Ron

Page 307: Andrea-María ARAYA-CHACÓN La gestion de la mémoire …thesesups.ups-tlse.fr/187/1/Araya-Chacon_Andrea-Maria.pdf · 2011. 3. 2. · thèse : araya-chacÓn 9 table des matières

CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 307

aussi sur les observations réalisées, en termes d’OD institutionnelles, dans les classes qu’ils

dirigent.

9.3.1 LE CAS DE SAM

Rappelons que le questionnaire passé par les enseignants était composé de sept questions

ouvertes : nous n’avons pas proposé des réponses possibles à sélectionner. Le tableau qui suit

résume les réponses de Sam.

Questions Réponses

1. Que sont les mathématiques ? Un sistema de pensamiento en el que se expresan soluciones a situaciones “problemáticas” mediante símbolos que se rigen bajo normas prestablecidas.

2. De quoi a-t-on besoin pour

apprendre les maths ?

(Au lycée-collège et à l’université) Se requiere de disposición, disciplina, práctica y habilidad innata; además de muchas horas de estudio.

3. Comment vous avez appris les

maths ?

Tratando de entender los mensajes de los profesores [...] me esforcé por realizar prácticas relacionadas con el tema y dediqué muchas horas de estudio.

4. Qu’est-ce qui caractérise un

« bon » prof ?

Amable, respetuoso, reponsable, dinámicro, conocedor de otras áreas, claro en sus mensajes, ordenado, humilde

5.1. Quels rôles pour le prof ?

5.2. Quels rôles pour les élèves ?

(Pas seulement en maths) Guía, provedor de herramientas para el buen desempeño de una tarea, facilitador del proceso enseñanza-aprendizaje/ Ser partícipes activos del trabajo que se desarrolla en el aula.

6. Comment étudier les maths ?

(Si l’objectif est de réussir) Debería de cumplir con cada tarea asignada por el profesor, realizar las prácticas de manera correcta y completa. (Si l’objectif est d’apprendre les maths) Tratar de relacionar cada tema en diferentes campos de aplicación. Muchas horas de estudio y de complementar el trabajo con otras fuentes bibliográficas.

7. Comment se construisent les

maths ?

Es un sistema que trae consigo la “capacidad o habilidad” predispuesta. Con estimulación el niño desarrolla sus primeras bases para luego contar con las herramientas que le permitan actuar según le indique el razonamiento de cada situación.

Tableau 12 : Réponses de Sam au questionnaire des enseignants

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 308

En croisant les réponses du questionnaire, les observations de classe et les interventions de

Sam lors des entretiens, nous repérons la trace d’une organisation didactique institutionnelle

dominante : le technicisme.

Rappelons que les OD technicistes mettent l’accent sur le plus rudimentaire du moment du

travail de la technique, en proposant davantage d’exercices pour s’entraîner à maîtriser la

« manière de faire », et en oubliant les problèmes où il faut élaborer un ensemble adéquat de

techniques afin de les résoudre. Nous rapprochons deux réponses de Sam de ces

organisations :

- Les mathématiques sont « un système de pensée dans lequel s’expriment des solutions

à des situations ‘problématiques’ » (pour la question 1)

- Le rôle du professeur est celui d’être un « fournisseur d’outils pour le bon

accomplissement d’une tâche » (pour la question 5)

Voyons que, d’après la première réponse, ce qui relève des mathématiques est la possibilité de

trouver des solutions à des situations dites « problématiques ». En d’autres termes, la

modélisation des situations n’est donc pas soulignée par l’enseignant ainsi que la résolution de

problèmes « authentiques ». Dans les classes de Sam nous identifions ces affirmations par

l’absence de « problèmes » − « authentiques » ou non −, l’accomplissement de tâches

rudimentaires et les listes d’exercices d’entraînement, du même type.

Gascón (2001) remarque que la défense de la maîtrise des techniques faite par le technicisme

est naïve et peu justifiée, ce qui pourrait entraîner à considérer les techniques comme

l’objectif premier du processus didactique. En ce sens, voici des interventions de Sam lors de

la première séance relative à la division synthétique :

[…] Alors, nous allons diviser des polynômes en utilisant la division synthétique pour que vous appreniez124 (SB-2803200610L, ligne 72) […] Nous allons faire un exemple de division pour que vous ayez une idée et pour que vous connaissiez les procédures qu’il faut faire125 […] (SB-2803200610L, ligne 73)

124 « […] Entonces vamos a dividir polinomios utilizando la división sintética para que ustedes aprendan ». 125 « […] Vamos a hacer un ejemplo de división para que usted se dé una idea y conozca los procedimientos que hay que hacer […] ».

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 309

Dans ce cas, un tel réductionnisme du processus d’enseignement peut être identifié comme

une conséquence de la « maladie didactique ». D’après Chevallard, Bosch et Gascón (1997), il

s’agit de :

[R]educirlo todo al aprender y el enseñar, olvidando que los conocimientos también siven para actuar […] lleva a considerar que las matemáticas están hechas para ser enseñadas y aprendidas […] y que la única razón por la que se aprenden matemáticas es porque se enseñan en la escuela (Chevallard, Bosch et Gascón, 1997, pp. 26, 47)

Pour la sixième question, Sam spécifie sa réponse selon l’objectif qu’on cherche à atteindre

lors de l’étude des mathématiques. Ainsi, il indique, « si l’on veut, plutôt, « apprendre » les

mathématiques, il est préférable d’essayer de mettre en relation chaque thème dans différents

champs d’application ». On peut penser que la réalisation effective de cette affirmation

empêcherait l’émergence de la maladie didactique. En outre, cette réalisation pourrait

rapprocher les OD dominantes vers d’autres pour lesquelles les techniques heuristiques et

l’activité de résolution de problèmes ont un rôle central. Néanmoins, cela ne semble pas être

le cas dans les classes de Sam. En fait, dans sa réponse, il accorde la responsabilité d’une telle

« mise en relation » entre thèmes et champs d’application à la personne qui voudrait

apprendre (c’est-à-dire, dans le meilleur des cas… à l’élève !) sans que le professeur organise

au préalable les conditions de cette mise en relation.

La figure suivante illustre, dans l’espace des OD possibles, celle qui correspond à certains

éléments de l’OD institutionnelle dominante mise en place par Sam.

Ex

T/τ θ/Θ

ThéoricistesTechnicistes

Moder nistes

Figure 32 : Espace de certains éléments des OD institutionnelles chez Sam

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 310

Enfin, pointons le rapprochement entre certaines réponses de Sam, par rapport à ses

appréciations de son expérience personnelle, et quelques aspects remarqués en 9.2.1

concernant le contrat d’ostension :

- [Il a appris les mathématiques, parmi d’autres] en essayant de comprendre les

messages des professeurs (pour la question 3)

- [Caractéristiques d’un « bon professeur »] Il doit être clair dans ses messages (pour la

question 4)

Dans le paragraphe suivant, nous présentons les organisations didactiques institutionnelles

que nous repérons dominantes dans les classes de Ron.

9.3.2 LE CAS DE RON

Pour les analyses concernant Ron, nous suivons la même structure que celle utilisée dans le

paragraphe précédent. Ainsi, dans le tableau qui suit, nous résumons les réponses du

professeur au questionnaire de l’enseignant.

Questions Réponses

1. Que sont les mathématiques ?

Es una ciencia básica cuyo objeto de estudio es mucho más abstracto que otras ciencias [...] El método de trabajo de esta ciencia [...] busca la construcción de una teoría a partir de la aceptación de una serie de postulados o axiomas.

2. De quoi a-t-on besoin pour

apprendre les maths ?

(Au lycée-collège et à l’université) Disposición adecuada, dedicar mucho tiempo al análisis de la teoría y a la solución de ejercicios [...] actitud analítica de constante cuestionamiento de búsqueda de justificaciones.

3. Comment vous avez appris les

maths ?

Prestando mucha atención a las exposiciones de los profesores [...] haciendo mucho ejercicio, tratando de entender la razón de cada uno de los pasos.

4. Qu’est-ce qui caractérise un

« bon » prof ?

Ordenado, planeaba sus clases, dominaba el tema que estaba exponiendo y cuestionaba constantemente a sus alumnos.

5.1. Quels rôles pour le prof ?

5.2. Quels rôles pour les élèves ?

Plantear las situaciones de aprendizaje adecuadas [... para] adquirir los conocimentos matemáticos [...] dar seguimiento a los estudiantes, evaluándolos [...] para tomar las medidas correctivas necesarias/ Involucrarse en el trabajo [...]: atender a las exposiciones, resolver prácticas, plantear dudas, cuestionar, etc.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 311

6. Comment étudier les maths ? Participar activamente en las clases siguiendo la exposición del profesor y haciendo las intervenciones que sean necesarias para garantizarse que puede justificar cada una de las afirmaciones que hizo el docente [...] resolver los ejercicios asignados y garantizarse que sus soluciones son correctas, [...] cuestionarse sobre los errores cometidos y buscar la forma de corregirlos.

7. Comment se construisent les maths ?

A partir del planteamiento de problemas a los cuales se establecen conjeturas en la búsqueda de soluciones. Al tratar de probar estas conjeturas se va construyendo el concepto matemático nuevo.

Tableau 13 : Réponses de Ron au questionnaire des enseignants

En croisant les réponses de Ron, les entretiens et les résultats issus des observations de classe,

nous repérons de légères traces des deux « modèles épistémologiques généraux » :

l’euclidianisme et le quasi-empirisme.

Rappelons que pour l’«euclidianisme », toute connaissance mathématique peut être déduite à

partir d’un ensemble fini de propositions considérées comme « banalement » vraies (les

axiomes). Ce caractère est « transmis » aux théorèmes par « des « canaux » déductifs de

transmission du vrai (preuves) » (voir paragraphe 2.1.5). Nous rapprochons certaines réponses

de Ron de cette position épistémologique :

- « Les mathématiques sont une science qui cherche la construction d’une théorie à

partir de l’acceptation d’une série de postulats ou axiomes » (pour la question 1).

- Pour apprendre les mathématiques, il faut « dédier beaucoup de temps à l’analyse de la

théorie » (pour la question 2)

- Pour apprendre les mathématiques, il faut avoir une « attitude analytique de

questionnement constant pour la recherche de justifications » (pour la question 2)

D’après le modèle de l’espace des organisations didactiques possibles, ce programme

épistémologique peut correspondre principalement à deux types d’OD idéales : le théoricisme

et le technicisme. Par rapport au premier type, il s’agit de considérer les mathématiques

comme des connaissances achevées et cristallisées en « théories ». Lors des séances de Ron,

ainsi que dans ses réponses au questionnaire, nous ne trouvons pas de traces permettant

d’affirmer que la « théorie » joue un tel rôle central dans les OD mises en place. Donc, il ne

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 312

semble pas y avoir réduction de l’activité mathématique aux théories. Cependant, il y a une

des dimensions de ce modèle, conséquence du programme épistémologique qui le soutient,

qui est fréquemment repérable : la justification des théories mathématiques126. La

transposition de cette proposition dans les séances chez Ron peut être comprise comme la

justification de ce qu’il enseigne. Nous interprétons une même réponse mentionnée à

plusieurs reprises lors du questionnaire comme une trace du germe de cet aspect du

programme épistémologique dominant :

- On étudie les mathématiques « en faisant les interventions nécessaires pour pouvoir

garantir qu’on peut justifier chacune des affirmations que l’enseignant a faites » (pour

la question 6)

- Un bon prof « questionnait de manière constante ses élèves » (pour la question 4)

- Ron dit avoir appris les maths, « en essayant de comprendre la raison de chacun des

pas », parmi d’autres (pour la question 3)

- Pour apprendre les mathématiques, il faut avoir une « attitude analytique de

questionnement constant pour la recherche de justifications » (pour la question 2)

Les analyses des transcriptions des séances de Ron confirment les efforts qu’il fait pour

« montrer » les justifications mathématiques de ce qu’il enseigne127. Ainsi en est-il de

l’appréciation du travail du « professeur » ébauchée lors du premier entretien :

[Etant profs, on a principalement deux travaux à faire], l’un est dans le domaine de la formation et l’autre dans le domaine des mathématiques. Dans ce dernier, il s’agit d’éduquer les gens aussi bien pour qu’ils apprennent des concepts mathématiques, que pour qu’ils acquièrent une structure ; je ne sais pas comment vous dire, comme une manière de penser correspondant à la manière mathématique […] il s’agit de mettre en question les choses, d’essayer d’exiger une justification de tout ce qui est possible […] que l’élève perçoive le besoin de justifier les choses qu’on lui donne et seulement après, les utiliser. Qu’on ne fasse que les utiliser, comme cela se fait normalement128 (ET-13022006RB, 100).

126 Même si, parfois, l’insistance de Ron à demander des justifications trouve sa raison dans la volonté de faire énoncer par l’élève son propos de la « bonne manière ». 127 Rappelons, lors de l’analyse des contrats didactiques chez Ron, l’appréciation de certains élèves indiquant cet effort justificatif : « explica el por qué de cada paso » (voir paragraphe 9.2.2). 128 “[L]a misión de uno es, [creo que como educador hay dos trabajos básicos.] Uno que que es el área de formación y uno que es el área de matemática en si. Y en la parte matemática, di es como... cómo le digo, como un educar a la gente tanto en que vayan aprendiendo conceptos matemáticos, como que además vayan adquiriendo una estructura. No sé cómo decirle, como una forma de pensar que sea afin a la forma de ser matemática [...] que sea un poco de cuestionar cosas, de tratar de exigir justificación de todo lo que se pueda [...]

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 313

En d’autres termes, nous dirons que pour Ron le savoir devrait être présenté comme un

système cohérent, même si le but de l’enseignement n’est pas que les élèves puissent

reproduire de tels systèmes, ou la cohérence de ces systèmes : s’exprimer en appuyant ses

affirmations sur axiomes, théorèmes, définitions ou l’accomplissement d’un raisonnement

institutionnel d’épreuve :

Ce n’est ce pas que je leur démontre, j’essaie certaines choses en géométrie par exemple. En réalité la formule générale [des racines d’un polynôme du second degré] je ne l’ai jamais justifiée […] mais ça me plaît, dans la mesure où c’est possible de justifier beaucoup de choses, que ce ne soit pas comme toujours, des recettes129 (ET-13022006, 113)

Nous ne pouvons pas distinguer une des OD institutionnelles proposées par Gascón et Bosch

comme dominante chez Ron. Cependant, d’après les données analysées, nous dirions qu’on

peut potentiellement rapprocher celles qu’il organise du modèle théoriciste. Or, comme

Bosch et Gascón (2002) l’indiquent, les différentes composantes d’une « OD dans une

institution donnée vont être en grande partie déterminées par les moyens que l’institution

propose ». Dans les institutions observées, diverses conditions et contraintes (moyens) nous

semblent minimiser la présence de traces du théoricisme : selon les instructions officielles, les

démonstrations ne sont pas traitées dans la classe, les manuels − pour les élèves ou le

professeur − ne traitent pas des raisonnements justificatifs des techniques, la quantité de

thèmes à enseigner dans des périodes de temps parfois assez réduites en raison des activités de

l’établissement, les évaluations nationales, ont tendance à favoriser l’application de

techniques plutôt que la résolution de problèmes, en précisant les éléments théoriques

employés, par exemple130.

Comme l’indiquent bien les auteurs du modèle utilisé, aucune des OD idéales qu’ils détaillent

ne se présente au sein des pratiques enseignantes effectives de manière « pure ». Notamment,

le « modèle enseignant » de chaque professeur est assez complexe et échappe à toute

classification. Nous vérifions cette affirmation dans le cas de Ron, pour lequel on reconnaît

des traces, aussi dans une nuance légère, relevant d’une autre OD institutionnelle : le que el estudiante sienta la necesidad de justificar las cosas que se le están dando, y después usarlas. Que no sea solo usarlas, que es lo que se hace normalmente”. 129 “Bueno tampoco es que yo hago, tampoco es que yo les demuestro y… trato en algunas cosas en geometría, por ejemplo. En realidad la fórmula general nunca la he justificado [...] pero si e gusta hasta donde pueda, algunas cosas si como justificárselas mucho, que no sea como más receta”. 130 Remarquons que nous ne voulons forcément pas dire que la « dissipation » de ces contraintes impliquerait l’émergence de la réduction de l’activité mathématique à l’exposition de théories.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 314

procedimentalisme. Il s’agit des pratiques dont l’objectif est la maîtrise de systèmes

structurés de techniques heuristiques. Même si, dans les classes de Ron, il est difficile de

reconnaître le travail des types de problèmes qui demandent une solution non-algorithmique

nous repérons des types de tâches qui privilégient d’autres applications des techniques, outre

les rudimentaires. Par exemple,

T1 : Simplifier l’expression 2 2ax bxy c dx ex f+ + + + + si x > 0

T2 : Trouver une équation quadratique dont le produit de ses solutions soit m et leur somme

soit n ; m et n réels.

Le fait de structurer l’étude des identités remarquables en deux parties, factorisation

d’expressions de deux termes et factorisation de « trinômes carrés parfaits », nous semble

aussi rapprocher certaines caractéristiques des OD institutionnelles chez Ron du

procedimentalisme. Ceci, car une telle organisation pourrait favoriser la délimitation des

champs de problèmes − ou d’exercices131.

Même si, comme nous l’avons remarqué, nous trouvons des traces du modèle

procedimentaliste, dans le traitement que Ron fait de certains types de tâches, la tendance à

oublier les problèmes « authentiques », et leur contextualisation, pourrait être vue comme un

germe de modèles technicistes.

En résumé, certaines traces du modèle enseignant de Ron peuvent être faiblement associées à

deux types d’organisations didactiques institutionnelles : le théoricisme et le

procedimentalisme. Pour de telles organisations l’intention de montrer le savoir enseigné

comme un système cohérent est structuré à partir de propositions « banalement » vraies, en

indiquant les justifications de « chaque affirmation de l’enseignant » et le fait de considérer

des types de tâches légèrement non rudimentaires en délimitant le champ d’application de

certaines techniques. La figure suivante illustre, dans l’espace des OD possibles, celle que

nous faisons correspondre à certains éléments des OD institutionnelles chez Ron.

131 Remarquons que, comme Ron l’a expliqué dans un des entretiens, un des points d’origine de la mise en place de cette organisation de l’étude par le professeur relève des difficultés qu’il observe auprès de ses élèves à l’Université. Ce qui pourrait être un indice de l’influence des assujettissements extérieurs à la classe auxquels les enseignants sont aussi soumis.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 315

Dans le paragraphe suivant, nous analysons des effets distinctifs au niveau de la gestion de la

mémoire dans les classes observées, par rapport aux éléments que nous avons présentés plus

haut : organisations didactiques, contrats didactiques et organisations didactiques

institutionnelles.

9.4 EFFETS DISTINCTIFS DE LA VIE INSTITUTIONNELLE DANS LA GESTION DE LA

MEMOIRE

Résumons, dans le tableau suivant les principaux aspects de « la vie » des institutions à la

charge de Sam et Ron.

SAM RON Classes L et M Classes G et H

Organisation de l’étude •Trois périodes : 1) introduction et exemples 2) exercices 3) correction •Etablissement d’« autotechnologies » •Exercices « élémentaires » •Correction au tableau par élèves portés volontaires •Reprises de solutions par l’enseignant

•Quatre périodes : 1) préparation 2) exemples 3) exercices 4) correction •Construction d’un bloc θ − plus explicite − à la charge de Ron •Exercices « élémentaires » et « plus » complexes •Participation obligatoire pour la correction au tableau

Ex

T/τ θ/Θ

ThéoricistesTechnicistes

Moder nistes

Procedimentalistes

Figure 33 : Espace de certains éléments des OD institutionnelles chez Ron

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 316

Contrats didactiques •Contrat d’ostension : « monstration » par le professeur, reconnaissance et application par l’élève •Maïeutique socratique : obtention des bonnes réponses par n’importe quelle voie •Contrat de conditionnement

•Contrat : construction d’une référence commune •Contrat d’ostension « altéré » : reconnaissance de la référence commune •Contrat de conditionnement : répartition ‘raisonnée’ d’exercices, ‘raisonnablement’ répétitifs pour garantir une reproduction de la « production »

Organisations didactiques institutionnelles •Plus identifiées au technicisme → programme épistémologique associé à l’euclidianisme

•Plus identifiées au théoricisme et au procedimentalisme → programmes épistémologiques associés à l’euclidianisme et au quasi-empirisme

Tableau 14 : Aspects principaux de la vie institutionnelle des classes

Nous discutons les effets distinctifs entre les classes à la charge de chaque professeur en nous

appuyant sur des tableaux, que nous allons présenter, en résumant les gestes repérés dans

chaque transcription. Nous présentons un tableau pour chaque thème étudié.

Rappelons d’abord les gestes mémoriels repérés en revenant sur la figure exposée en 8.1 :

Figure 22 : Gestes mémoriels

Nous utilisons dans les tableaux les lettres notées entre parenthèses et en gras dans la

figure 22, pour indiquer le geste accompli.

Gestes mémoriels

Sont accomplis afind’aménager un milieupour l’enseignement

(Th)(Tc)

(Re)(Ch)

(Fx)(Od)

(Pr)(Ds)

G. TechnologiqueG. Technique

G. de ReplacementG. Chronologique

G. de Fixation G. Ostensif détonateur

G. Preneur d’indicesG. Déstabilisateur

le discours la mise en oeuvre d’uneles groupes dont on faisait partieles marqueurs du tempsfixent des points de référenceévoquent quasi-automatiquement des rapportsnon-verbalisent des indices d’une techniqueré-interrogent les rapports personnels

θ/Θ τ

Verbalisation de techniques

Histoire de la classe Sens des motsAnalogies

(ReV)

(ReH)Ostensifs de guidage (ReO)

(ReS)(ReA)

Demandes explicatives Reprises dubitativesContre-exemples

(DsD)(DsR)

(DsC)

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 317

9.4.1 SUR « L’INSPECTION » : QUEL BILAN ?

Voyons le résumé des gestes accomplis par chaque professeur lors de l’étude de

« l’inspection ». Pour ce tableau, ainsi que pour ceux des les paragraphes suivants, la

fréquence de l’accomplissement des gestes est indiquée par le nombre à la droite du

symbole132. Les gestes entre parenthèses sont sujets à des doutes pour leur classification.

RON SAM 10e H 10e G 10e L 10e M

Jusqu’au premier exemple

Tc, (ReH) Tc DsD4, DsR6, (ReH)

DsR, DsD, ReO, (ReH)

Exemples

ReO2, Pr7, ReA, Th, Od

Pr8, DsD, ReA, (Od)

DsD, (ReH), Pr4, DsR2, (Od)

(ReH), Pr3, (Tc), DsR2, DsD2, Th-Tc, (Od)

Correction des exercices

− Non enregistrée DsR2, Pr Pr

Tableau 15 : Gestes accomplis dans les classes lors l’étude de l’inspection

Lors de la première partie de la séquence, « jusqu’au premier exemple », les gestes accomplis

par chaque professeur sont assez différents. Chez Ron, l’appui mémoriel est presque

exclusivement technique, tandis que pour Sam les gestes déstabilisateurs133 sont les plus

prégnants. Analysons plusieurs raisons, qui seront rencontrées pour d’autres séquences

explicatives d’une telle différence.

Tout d’abord, remarquons que la structuration de la première rencontre chez Ron a été

conduite à partir de la reconstitution « inverse » d’une multiplication de deux binômes :

x2 + 11x + 30 = (x + 5)(x + 6), afin de justifier la technique en jeu par une autre déjà connue.

En d’autres termes, l’inspection est vue comme un « parcours en arrière », un chemin déjà

tracé qui devient l’élément technologique. Pour cela, le geste134 Tc guide la première partie de

la séquence. En revanche, Sam justifie l’étude de la nouvelle technique en montrant la portée

limitée, face à la tâche proposée (« Factoriser x2 – x – 6 »), des autres manières de faire

132 C’est pour nous une référence « symbolique » de la gestion mémorielle dans la classe car, en aucun cas, nous ne prétendons mener des analyses statistiques. 133 Rappelons qu’il s’agit de mettre en doute l’affirmation d’un élève afin qu’il interroge ses rapports personnels à l’objet antérieurement construit. 134 Rappelons qu’il s’agit d’appliquer une technique, de manière telle qu’au fur et à mesure de l’application, les élèves puissent se rappeler, à travers les questions posées par le professeur, des éléments d’un savoir-faire connu d’eux.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 318

étudiées jusqu’à cet instant. Il a donc besoin de mettre en cause chaque technique : facteur

commun, regroupement, identités remarquables. Ce faisant, plusieurs gestes destabilisateurs

de reprise, DsR, sont accomplis afin de « faire dire » aux élèves les raisons par lesquelles les

techniques échouent.

L’accomplissement de ces gestes, Tc et DsR, par chaque professeur, nous semble, en partie,

être basé sur certains éléments associés à l’OD institutionnelle dominante dans les classes.

D’une part, à l’intérieur du partage des responsabilités des périodes de préparation, nous

reconnaissons la clause selon laquelle le professeur montre « par les canaux déductifs de

transmission du vrai », certes transposés par Ron dans la classe, que la proposition nouvelle

fait partie d’une structure cohérente. En reprenant les termes de Ron : « bon, ce n’est pas non

plus que je fais des démonstrations […] mais cela me plaît, quand c’est possible de justifier

certaines choses, que ce ne soit pas comme une recette135 » (ET-13022006RB, 113). D’autre

part et en cohérence avec ce que Sam signale comme étant le rôle du professeur :

« fournisseur d’outils pour le bon accomplissement d’une tâche », la « banalisation » des

mathématiques par l’étude de techniques − principalement rudimentaires − semble

commander la réalisation de gestes destabilisateurs qui renvoient à d’autres manières de faire.

Dans la période des exemples, deux gestes nous semblent être issus de la tâche donnée. Le

geste de replacement par analogie, ReA, concerne la demande de factoriser l’expression

(m2 − 3m)2 − 2(m2 – 3m) – 8. Etant donné que les élèves échouent dans leurs essais pour

reconnaître « l’inspection », Ron utilise une analogie entre la forme de cette expression et

celle des polynômes précédents. Nous dirions qu’une même situation de blocage chez Sam,

l’aurait conduit à réaliser le même geste ; il nous semble donc être plutôt associé à la tâche

mathématique qu’à d’autres aspects. Les gestes ostensifs détonateurs136, Od, repérés, relèvent

de l’emploi d’identités remarquables lors des exemples. Comme nous l’avons signalé en

8.1.8, la ‘forme’ de la partie développée des identités est établie à des instants ti dans les

classes comme le détonateur que mobilise la partie factorisée correspondante. Dans ce cas, le

geste est aussi conditionné à l’objet mathématique en jeu dans la classe.

Les gestes preneurs d’indices, Pr, sont réalisés par les deux professeurs. Rappelons qu’avec

ce type de gestes il s’agit de l’accomplissement d’un rôle qui assigne au professeur la tâche de

reconnaître des indices qui guident l’application d’une technique. Nous interprétons cette 135 “Bueno tampoco es que yo hago, tampoco es que yo les demuetro [...] pero si me gusta hasta donde pueda, algunas cosas si como justificárselas mucho, que no sea como más receta”. 136 Rappelons qu’il s’agit de désigner un ostensif comme celui qui a la plus haute valence sémiotique. L’ostensif désigné peut, chez un groupe de sujets qui intègrent l’institution, réactiver, avec un certain degré d’« automaticité », un non-ostensif particulier.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 319

constante dans la réalisation des Pr, comme relevant d’un certain degré de « banalisation » de

l’activité mathématique, issue des éléments de l’euclidianisme dominant dans les classes :

chez Ron, la mise en valeur des questionnements et la recherche de justifications pourrait

conduire à minorer le rôle des élèves quant à la reconnaissance d’indices lors de la mise en

œuvre d’une technique. Chez Sam, cette minoration peut s’expliquer car il met l’accent sur les

exercices rudimentaires.

9.4.2 SUR « LE FACTEUR COMMUN ET LE REGROUPEMENT » : QUEL BILAN ?

Voyons dans le tableau qui suit, le résumé des gestes accomplis par chaque professeur lors de

la première séance sur la factorisation et l’étude des techniques de mise en facteur commun et

de regroupement.

RON SAM 10e H 10e G 10e L 10e M

Introduction ou

préparation

ReO, Ch3, ReV7, ReS7, Tc2, DsR5, Fx5, DsD10, DsC2,

(ReS-ReV), Fx-ReV

ReO4, ReS6, ReV5, Fx5, Ch, DsR3, Tc,

DsD8, DsC3

ReO2, ReS, DsR2, ReV2

ReO2, ReS, DsR3, ReH, ReV3, DsD

Exemples de facteur commun

ReO, ReS2, ReH2, DsD8, ReV9, Ch-

ReV, Od, Tc, ReC, Fx

(ReV-DsD), DsD4, ReV5, ReS5

ReO, Tc, ReV2, (Tc-ReV), ReS,

DsD, DsR2

(ReV-ReS), DsR2, ReV3, DsD

Exemples de regroupement

− − ReO2, ReV, Ch, DsR4, Od, (DsR)

ReV3, ReO2, DsR4, ReH

Tableau 16 : Gestes accomplis dans les classes lors l’étude de la mise en facteur commun

Remarquons tout d’abord, que nous avons relevé une absence de gestes mémoriels lors des

exemples relatifs à la technique de regroupement dans les classes de Ron. Ceci est dû à la

structuration qu’il fait des thèmes : il présente le regroupement comme un cas particulier de la

technique de facteur commun. En revanche, chez Sam elle est présentée comme une nouvelle

technique, ce qui l’oblige à réorganiser les connaissances anciennes des élèves.

Cette séquence sur la factorisation est celle qui met le plus en évidence les effets que pourrait

avoir le fonctionnement des institutions sur la gestion de la mémoire. Rappelons que dans les

classes de Ron, lors de la première période, la dynamique institutionnelle se développe autour

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 320

de la mobilisation des connaissances qu’il considère nécessaires de « garder présents à

l’esprit » et qui, principalement, vont expliquer la nouvelle technique. Les élèves, dans ce cas-

là, savent qu’ils doivent réactiver par eux-mêmes telle ou telle connaissance, à l’aide des

questions et commentaires du professeur. En outre, comme nous l’avons signalé en 9.2.2, le

contrat de rappel instauré lors de cette période, renvoie à un passé beaucoup plus lointain que

celui indiqué par Brousseau (1996). Ce dernier le propose comme un instrument

d’institutionnalisation, donc relatif à un thème qui vient d’être étudié ; aussi l’enseignant

investit-il beaucoup plus de temps à reconstruire ce passé commun fictif. Ainsi, la gestion de

la mémoire occupe une vaste place dans ce type de contrat, et se manifeste à travers une

pluralité de gestes qui sont produits à cette fin ; au contraire de ce que nous avons relevé des

premières périodes de l’organisation de l’étude chez Sam.

Nous mettons en rapport ces éléments indicateurs du fonctionnement de l’institution avec la

plupart des gestes que Ron, à la différence de Sam, accomplit régulièrement : geste de fixation

(Fx), geste de replacement de « sens » (ReS), geste technique (Tc), geste déstabilisateur de

demandes explicatives (DsD) et de contre-exemples (DsC).

Les gestes de fixation obéissent au besoin de baliser le « milieu » dont les élèves disposent,

afin de « réactiver » par eux-mêmes les connaissances que l’enseignant cherche à mobiliser.

Ils fixent donc des points de référence pour continuer la « recherche », obligatoire, des

réponses attendues. Ainsi Ron indique en 10e H : « Je ne vous le dirai pas, nous resterons ici

jusqu’à ce que quelqu’un le dise137 » (RB-2402200610H, 118). Etant donné que les classes de

Sam sont plutôt régulées par des contrats d’ostension et la maïeutique socratique, il n’est pas

nécessaire de « fixer » des points d’appui, car c’est lui-même qui « réactive » des

connaissances en les évoquant « directement ». Dans cette séquence et pour ces mêmes

raisons, le geste technique, Tc, qui renvoie à l’application de la technique de la factorisation

d’un nombre entier − afin de replacer les élèves au « point de vue » du groupe qui

accomplissait une telle tâche − est accompli par Ron.

Les gestes destabilisateurs de contre-exemples (DsC, voir paragraphe 8.1.5), ainsi que l’usage

prédominant chez Ron − par rapport à leur accomplissement par Sam − des gestes de

replacement à l’aide du « sens des mots » (ReS, voir paragraphe 8.1.3), sont également au

service de cette même dynamique de « recherche », imposée au début des séances, et qui est

absente dans les classes de Sam. Nous ajoutons que ces gestes DsC et ReS semblent être aussi

soutenus par certains aspects du programme épistémologique dominant chez Ron et qui

137 “Yo no les voy a decir, hasta que alguien diga quí nos quedamos”.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 321

concernent la méthode axiomatique : les contre-exemples pour fausser des propositions et

indiquer aux élèves que la voie choisie n’était pas la bonne, et le consensus dans les

définitions comme points d’appui pour la (re)construction de « nouvelles » connaissances.

Les gestes destabilisateurs de demandes explicatives138 (DsD) sont faiblement accomplis par

Sam lors de cette séquence (3 dans les deux classes) et fortement favorisés chez Ron (30 dans

les deux classes). Nous formulons l’hypothèse que la distinction entre la fréquence de

l’accomplissement du geste chez les professeurs s’explique d’une part à partir des

assujettissements imposés par le modèle épistémologique de l’activité mathématique qui

influe sur l’organisation institutionnelle dominante. Ainsi, chez Ron, le recours constant aux

DsD semble être en rapport avec une des caractéristiques de l’euclidianisme : il ne faut pas

assumer une réponse vraie ou fausse, il est nécessaire de justifier, bien argumenter les

propositions afin qu’elles soient « irréfutables ». Selon Ron, et comme nous l’avons noté plus

haut :

[Un des rôles du professeur de mathématiques] est d’éduquer les gens […] pour qu’ils acquièrent une structure, je ne sais pas comment vous dire, comme une forme de penser que corresponde à celle des mathématiques […] qu’elle soit comme de mettre en question des choses, essayer d’exiger une justification pour tout ce qu’on peut139 (ET-13022006RB, 100)

D’autre part, la différence de fréquence de l’accomplissement du gestes destabilisateurs DsD

pourrait être associée à la répartition de responsabilités d’après les contrats prédominants dans

les classes de Sam, ainsi qu’au rapport à l’« activité mathématique » qui peut être décrit

comme techniciste. Donc, le professeur ne favorise pas la construction d’un discours

justificateur et explicatif, car ce qui importe, ce sont les techniques à mettre en œuvre. En

outre, s’il y avait à considérer des éléments justificatifs, explicatifs ou seulement à « garder

dans l’esprit » c’est à la charge de l’enseignant de les « montrer », et il est de la responsabilité

de l’élève de les « voir » et de pouvoir les reconnaître dans d’autres circonstances.

138 Rappelons que nous parlons de gestes de « demandes explicatives » quand l’enseignant adresse une question directe à un élève en demandant l’explication des justifications de son affirmation. 139 “La misión de uno es [...] cómo le digo, como educar a la gente [tanto en que vayan aprendiendo conceptos matemáticos, como que además vayan] adquiriendo una estructura, no sé como decirle, como una forma de pensar que sea afin a la forma de ser matemática [...] que sea un poco de cuestionar cosas, de tratar de exigir justificación de todo lo que se pueda”.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 322

Nous voyons que l’analyse que nous venons d’exposer pourrait aussi expliquer le fait que

Sam accomplisse plus de gestes destabilisateurs de reprises dubitatives140, DsR, que Ron (ce

dernier en réalise 8, tous lors de la première période dans les deux classes, tandis que Sam en

effectue 17). Dans plusieurs occasions, les reprises dubitatives anticipent des conclusions sur

le travail réalisé en classe, en laissant aux élèves le rôle de « vérificateurs » de la proposition

énoncée par le professeur. Ceci dans les classes de Ron, est fortement évité car, comme nous

l’avons signalé, l’enseignant « ne dira pas » ce qu’il attend que les élèves mobilisent.

Ainsi, les gestes DsR repérés chez Ron correspondent plutôt à la répétition sous forme

interrogative des réponses des élèves, afin qu’ils les interprètent comme non validées − au

moins de manière non immédiate − en cherchant à retravailler leurs rapports aux objets

réactivés.

9.4.3 SUR « LES IDENTITES REMARQUABLES » : QUEL BILAN ?

Voyons dans le tableau qui suit, le résumé des gestes accomplis par chaque professeur lors de

l’étude des identités remarquables pour la factorisation d’expressions algébriques. Dans les

colonnes qui correspondent aux classes de Ron, chaque ligne est partagée en deux pour

indiquer les deux « chapitres » de l’organisation de l’étude : factorisation d’expressions à

deux termes (première partie de chaque ligne) et les « trinômes carrés parfaits » (seconde

partie). Les colonnes relatives aux classes de Sam ne font pas cette distinction car il a présenté

toutes les identités remarquables dans un même « chapitre ».

RON SAM 10e H 10e G 10e L 10e M

Ch, ReH3, Od2, ReV2, ReO

ReO, Ch, ReH2, ReV3

Jusqu’au premier

exemple ReS2, DsD3, DsR, ReA, ReO

ReS, DsD3, ReA2, DsC, Tc, (Od),

ReO, ReH

Od9, (ReO), DsR2 Od5, DsR2

Pr9, DsR3, DsD, (Th-Tc)

Pr, ReH Exemples

Od, (Ch), DsD3, Th, ReA, Pr4

Pr, ReH

DsD3, ReV3, Od, DsR5, ReA2, Pr9,

(ReO), ReH

Od4, DsR7, ReV4, (ReA), Pr, (ReO∨Od)

140 Rappelons que le geste destabilisateur de reprises dubitatives correspond à la répétition sous forme interrogative d’une intervention d’un élève ou à l’énonciation, toujours sous forme interrogative, d’une proposition du professeur afin qu’elle soit valorisée par les élèves.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 323

Non enregistrée Non enregistrée DsD3, DsC

Fx(3), DsC, DsD, ReV

Correction des exercices

Non enregistrée

Th, DsD, ReV

Non enregistrée

Non enregistrée

Tableau 17 : Gestes accomplis dans les classes lors l’étude des identités remarquables

Tout d’abord, remarquons que les différences signalées sur l’accomplissement de gestes

destabilisateurs de demandes explicatives DsD chez Ron, et des gestes destabilisateurs de

reprises dubitatives DsR chez Sam, sont aussi repérables pour cette séquence : lors des deux

premières périodes, Ron réalise 10 DsD et 3 DsR, tandis que pour Sam nous avons 3 DsD et

16 DsR. Dans ce sens, et toujours en nous appuyant sur des éléments des organisations

didactiques institutionnelles des classes, signalons la réalisation par Ron de gestes de

replacement à travers l’interrogation du « sens » des mots.

Par rapport aux gestes preneurs d’indices141, Pr, que nous avons associés en 9.4.1 à un certain

degré de « banalisation » de l’activité mathématique, il nous semble possible de les relever

comme d’autres facteurs influant sur le contrat didactique. C’est l’enseignant qui montre dans

les nouveaux cas ce qu’il faut reconnaître et faire, concernant l’objet en jeu. Les élèves

acceptent d’avoir « vu » ce que le professeur « fait », en sachant qu’ils doivent le reproduire

dans d’autres circonstances. Voyons par exemple les deux gestes Pr vers la fin de la séquence

sur les identités remarquables dans la 10e H :

174 PROF=RB : […] Entonces, ¿cuál es la factorización ? (il s’agit de l’expression (m²) − 2⋅m²⋅9 + (9)²)

175 E : m a la 2, más 9 176 E1 : m menos 9 177 PROF=RB : ¿Si? (au tableau l’expression (m²-9)²) Si se fijan, lo que quedó dentro del

paréntesis, ¿qué le podemos hacer? 178 Es : Sacarle… 179 E : Diferencia de cuadrados 180 PROF=RB : Diferencia de cuadrados, ¿verdad ? Porque esto es el cuadrado de m, menos el

cuadrado de 3. ¿Entonces cómo se factoriza esto? Ref : RB-1003200610H

141 Rappelons qu’il s’agit pour le professeur d’accomplir un rôle qui lui assigne la reconnaissance d’indices qui guident l’application – ou son avancement – d’une technique lors de la réalisation d’un exercice ou la résolution d’un problème.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 324

Lors de la troisième période, celle de correction d’exercices, trois gestes que nous associons

au rapport dominant à l’activité mathématique dans les classes de Ron, sont réalisés : les

demandes d’explication DsD, les contre-exemples DsC et les gestes technologiques142 Th.

Comme nous l’avons indiqué, de tels gestes sont accomplis afin d’interroger les rapports des

élèves aux objets de savoir en jeu, ce qui est associé à un travail personnel de la mémoire

didactique. Pourtant, les éléments technologiques, justificatifs et explicatifs des techniques

que le professeur attend, sont portés par le contrat didactique ; leur énonciation résulte alors

d’un effet de ce contrat. Voyons par exemple les échanges entre Ron et l’élève K, lors de la

correction d’un exercice sur les « trinômes carrés parfaits » :

9 PROF=RB : ¿Para qué lo factoriza? O sea al principio si hay que factorizar claro, porque si no, no puede sacarlo de la raíz, pero ya después ¿para qué lo factoriza?

10 E=K : Di para sacar esto. O no es necesario. 11 PROF=RB : Pero en la primera no factorizó y si lo pudo sacar. 12 E=K : ¿En ésta? 13 PROF=RB : Si 14 E=K : Entonces, ¿queda hasta aquí? 15 PROF=RB : No, no, no, no. Pero en el otro, ¿para qué hizo la diferencia de cuadrados?. No

está malo pero ¿para qué lo hizo? 16 E=K : Di no sé. Entonces qué hago, nada más le quito la raíz y ya.

Ref : RB-1703200610G

Ainsi, la réponse de « K » à la ligne 16, proche de celle attendue par Ron, nous semble être

issue du caractère de non validation que les gestes143 DsD (lignes 9 et 15) et DsC (ligne 11)

laissent voir à l’élève, sans pour autant garantir le travail des rapports à la tâche en jeu. En

général, l’intention de Ron signalée à plusieurs reprises dans les paragraphes précédents, qui

consiste à faire ‘acquérir une structure de penser correspondant à celle des mathématiques’

− mettre en question les choses, exiger des justifications − pourrait être contrainte par des

dispositions qui échappent au professeur. Par exemple, l’organisation du savoir exposée dans

les instructions officielles et le fait de favoriser avant tout la résolution de problèmes − même

si comme nous l’avons vu, dans les classes cela se décline dans la réalisation d’exercices. Il

est donc difficile de concevoir que l’élève, selon les termes de Ron, puisse « percevoir le

142 Rappelons qu’il s’agit de faire des commentaires ou poser des questions qui évoquent un élément technologico-théorique d’une OM connue des élèves. La réactivation de cet élément est vue comme la réactivation d’un point de référence que l’élève peut utiliser pour anticiper le souvenir que le professeur estime mobiliser avec. 143 Gestes destabilisateurs de demandes explicatives et « DsC » gestes destabilisateurs en utilisant des contre-exemples.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 325

besoin de justifier les choses qu’on lui donne et, seulement après, les ré-utiliser », car la

logique de la reconstruction des connaissances mathématiques n’est pas transmise ainsi par

les autres institutions : instructions officielles, manuels, cours particuliers, devoirs à la

maison, etc.

Remarquons des différences lors de la première période, au tout début de chaque séance, par

rapport aux gestes de replacement de l’histoire de la classe, ReH et aux gestes

chronologiques144 Ch, chez Ron, absents chez Sam. Une telle différence peut être associée à

l’organisation du savoir que chaque professeur structure. En ce qui concerne Sam, les

identités remarquables, comme technique de factorisation, ont été introduites à partir des

révisions que les élèves avaient faites au début de l’année sur le développement d’expressions

algébriques : Sam a indiqué qu’ils connaissent déjà les identités et que désormais, ce qu’il

faudra faire, c’est les appliquer à « l’envers » Une telle présentation est induite par les

détonations successives provoquées par des expressions qui ont la forme d’une identité

remarquable. Cela pourrait expliquer l’utilisation constante, dès le début, des gestes ostensifs

détonateurs, Od. Au contraire, Ron commence la séance en s’appuyant sur les techniques de

factorisation que les élèves ont dû étudier l’année précédente. Pour cela, il accomplit des

gestes Ch qui sont induits par des gestes qui replacent les élèves au sein des pratiques de

l’histoire de la classe, assumée, et partagée entre professeur et élèves.

Enfin, voyons que les deux professeurs accomplissent des gestes de replacement, de

verbalisation145 ReV, lors de moments différents. Chez Ron, il s’agit de réactiver ‘la forme’

des polynômes qui peuvent être factorisés en utilisant les identités remarquables. Ainsi, par

exemple, face à l’expression « (a + b)2 » la réponse « a2 + 2ab + b2 » ne sera pas − du moins

au tout début − validée, car Ron attend plutôt la description de la forme du trinôme : « le

premier terme au carré plus deux fois le premier fois le second plus le second au carré ». Chez

Sam, il s’agit de mettre en évidence comment trouver les termes « a » ou « b » étant donné,

par exemple, une expression comme a3 + b3 : en utilisant l’opération inverse, la racine

cubique. Ainsi, la réalisation de ces gestes est pour nous associée à la tâche en jeu : il faut

reconnaître ‘la forme’ des expressions et repérer l’identité remarquable à utiliser.

144 Rappelons qu’il s’agit d’utiliser des marqueurs du temps naturel scolaire vus par la persone qui accomplit le geste s’y rapportant, en tant que possible anticipation d’un souvenir. 145 Rappelons qu’il s’agit de demander aux élèves d’énoncer des gestes qu’on accomplit lors de la mise en oeuvre d’une technique, san pour autant l’appliquer dans l’instant.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 326

9.4.4 SUR « LA DIVISION SYNTHETIQUE » : QUEL BILAN ?

Voyons dans les tableaux qui suivent, le résumé des gestes accomplis par chaque professeur

lors de l’étude de la division synthétique pour la factorisation d’expressions algébriques. Nous

présentons les résultats dans deux tableaux différents car l’organisation du savoir était

sensiblement distincte146. Voici les gestes accomplis par Sam :

SAM 10e L 10e M

Introduction ReV4, ReO, DsR ReO, Ch3, ReH, ReV4

Exemples ReV6, ReO, DsR2, (ReA), DsD ReS2, ReV2, DsR, Fx Division pour

factoriser DsR3, ReH3, Tc, DsD2 DsR3

Tableau 18 : Gestes accomplis dans les classes de Sam lors l’étude de la division synthétique

Voici les gestes réalisés par Ron147 :

RON 10e H 10e G

Division Synthétique

ReO2, Tc, ReV9, ReS, ReA ReO2, Tc, ReV7, ReS, ReA

Zéros du polynôme

ReS, DsD2, Tc, ReV2, ReC ReS2, ReV3

Division pour factoriser

Ch, DsR, ReV4, ReS (ReS-ReV), ReV5, Th, DsR, DsD

Tableau 19 : Gestes accomplis dans les classes de Ron lors l’étude de la division synthétique

146 Rappelons que les gestes « Re » sont les gestes de replacement : il s’agit de produire ou d’indiquer des traces scripturales, de faire des commentaires et/ou de poser des questions porteuses d’éléments, qui servent de ‘chemin’ pour se replacer aux points de vue des différentes positions qui existaient dans une institution dont on faisait partie. Les replacements peuvent être conduits par demande de verbalisation d’une technique ReV, en employant des ostensifs de guidage ReO ou en demandant le ‘sens’ des mots ReS. 147 Rappelons que ReA indique un geste de replacement en utilisant des analogies. Les gestes Ds sont des gestes destabilisateurs du type « D » pour les demandes d’explications, ou « R » pour les reprises dubitatives de commentaires des élèves par l’enseignant. Le geste Th réfère au geste technologique.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 327

Remarquons tout d’abord, comme nous l’avons fait pour les séquences précédentes,

l’utilisation régulière de gestes destabilisateurs de reprises dubitatives DsR chez Sam, qui se

déclinent certaines fois en effets de contrats.

Les gestes de replacement de verbalisation ReV accomplis dans cette séquence sont aussi

repérables chez les deux professeurs, même si l’organisation du savoir est structurée

différemment pour chacun d’entre eux. Leur coïncidence relève de la nécessité d’appuyer la

nouvelle technique, division synthétique, sur des éléments déjà connus par rapport à la

division des décimaux et des polynômes. Chez Ron, ils sont aussi accomplis afin de mettre en

évidence qu’il s’agit d’une nouvelle lecture de la technique déjà connue ; ce qui pour nous

relève d’un discours d’ordre technologique.

L’absence de gestes de replacement relatifs à l’« histoire de la classe » ReH chez Ron, et leur

accomplissement par Sam, pourraient être associées à deux aspects. D’une part, l’introduction

que ce dernier fait du thème renvoie les élèves aux révisions qu’ils ont faites au début de

l’année, sur la technique de factorisation des polynômes apprise les années précédentes. Ce

que Ron n’a pas réalisé, car il a demandé aux élèves de faire une division de polynômes sur

place : geste technique148, Tc. D’autre part, certains ReH chez Sam aident à la remémoration

des élèves lors de l’application de la technique en désignant des « pas » effectués dans les

exemples précédents : « Regardez l’exemple deux » (SB-2803200610L, 308) ou « Vous vous-

souvenez comment on a mis là-bas les diviseurs ? » (Ibid, 296). En revanche, comme Ron a

structuré certains éléments explicatifs de la technique en les énonçant en tant que théorèmes

ou définitions − ce que nous associons, encore une fois, au rapport à la construction des

savoirs et connaissances mathématiques dominant dans la classe −, il fait plutôt référence à de

tels éléments qu’à l’histoire de la classe : « Revenez au théorème du facteur, que disait-il ? »

(RB-2104200610G, 19).

Dans ce paragraphe, nous avons interprété certaines différences et similitudes dans la gestion

mémorielle par les professeurs. Notre objectif était de mettre en évidence les effets que la

« vie institutionnelle » de la classe (décrite en termes d’organisation de l’étude, les contrats

didactiques et les OD idéales) pourrait avoir sur la manière de soutenir la réactivation des

rapports aux objets de savoir chez les élèves.

148 Rappelons qu’il s’agit d’appliquer une technique de manière telle qu’au fur et à mesure de l’application, les élèves puissent se rappeler, à travers les questions posées par le professeur, des éléments d’un savoir-faire.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 328

9.5 CONCLUSION DU CHAPITRE

D’après les analyses présentées ci-dessus, quatre éléments nous semblent être des facteurs

d’effets distinctifs pour la gestion de la mémoire dans les classes.

Tout d’abord, à partir des gestes qui sont accomplis par les deux enseignants, nous formulons

l’hypothèse que le savoir en jeu détermine, à un certain degré, « les manières » mises en

place pour gérer la mémoire des élèves. En d’autres termes, c’est la nature des objets de

l’étude qui impose, en quelque sorte, l’accomplissement d’un geste. C’est ainsi le cas pour les

identités remarquables, et en particulier, pour ‘la forme’ des polynômes qui les définissent.

L’organisation de l’étude proposée par chaque enseignant nous semble être aussi à l’origine

de l’accomplissement de certains gestes plus que d’autres. En d’autres termes, le choix fait a

priori par les enseignants, sur les objets et les rapports aux objets dont ils attendent la

réactivation pour la reconstruction d’une organisation mathématique, conditionnent les gestes

mémoriels. En outre, soulignons que le fait de favoriser un certain moment de l’étude se

répercute aussi sur le type de geste mémoriel accompli. Ainsi, dans les séquences analysées,

c’est le cas de certains gestes techniques ou de replacement dans l’histoire de la classe, par

exemple. Ce dernier constat nous conduit à remarquer le rôle joué par les organisations

didactiques institutionnelles dominantes dans les classes.

Les modèles épistémologiques dominant sur la construction du savoir mathématique dans les

institutions, ont des incidences, comme l’a proposé Gascón (2001), sur la manière d’organiser

et de gérer le processus d’enseignement. Comme nous l’avons indiqué dans la problématique

(chapitre 4), une tâche didactique qui intègre un tel processus est celle qui relève de la gestion

de la mémoire. Nous avons montré l’incidence que les éléments du modèle épistémologique

dominant, repéré dans les classes participant à l’étude, l’euclidianisme, ont sur la gestion

mémorielle, en observant les points de référence que les professeurs utilisent pour appuyer la

réactivation de connaissances chez les élèves.

Le quatrième facteur qui nous semble provoquer des effets distinctifs dans la gestion de la

mémoire dans les classes, et qui est notamment en rapport avec les autres aspects indiqués ci-

dessus, est le contrat didactique qui évolue selon l’avancée de l’étude. En d’autres termes,

les rôles des sujets de l’institution, déterminés par ce que chacun d’eux a la responsabilité de

gérer devant l’autre, légitiment, voire rendent obligatoire, la réalisation de certains gestes. De

même, le contrat régule la durée des périodes d’introduction et de préparation qui privilégient

la gestion de la mémoire vers la construction d’un milieu pour l’enseignement.

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CHAPITRE 9 : EFFETS DES INSTITUTIONS SUR LA GESTION MEMORIELLE

Thèse : ARAYA-CHACÓN 329

Enfin, il s’avère que, certes, certains gestes mémoriels seront accomplis pour des raisons qui

relèvent de la nature spontanée et empirique des organisations didactiques mises en place dans

les classes ; mais nous n’en trouvons pas une modélisation possible. Néanmoins, nous

remarquons fortement que la praxéologie didactique du professeur dépend aussi de ses

assujettissements aux diverses institutions qu’il aura parcourues. Notamment, elle dépend

aussi d’autres assujettissements externes qui s’imposent à l’institution-classe au sein de

laquelle il dirige l’étude. C’est à l’analyse de ces dernières contraintes et conditions que nous

avons consacré notre recherche.

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

Conclusions et perspectives 

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

Conclusions et Perspectives 

Le travail que nous avons présenté tente d’apporter une nouvelle ouverture à l’étude du

cognitif dans la TAD. Nous analysons ainsi la gestion par les enseignants de la mémoire

didactique des élèves. En d’autres termes, guidés par une approche où les classes en tant

qu’institutions ont des caractéristiques spécifiques sur l’organisation de la mémoire de leurs

membres ; nous nous sommes interrogée sur le travail que réalisent les professeurs pour

aider à la remémoration de leurs élèves. Nous avons postulé qu’un tel travail mobilise des

« cadres institutionnels de la mémoire didactique » − en transposant l’une des thèses

d’Halbwachs sur l’existence des cadres sociaux de la mémoire collective − qui sont une

modélisation du passé piloté par des « souvenirs » stables et dominants. Nous interprétons de

tels souvenirs, en termes d’objets et de rapports à ces objets. Nous avons cherché à élaborer

un modèle des « cadres de la mémoire didactique » et à expliciter leur fonctionnement lors

de l’enseignement des mathématiques au secondaire.

Le point de départ de notre problématique de recherche met l’accent sur la nécessité d’établir

des références communes aux élèves − au moins une partie − et au professeur. Ces références

communes sont des éléments de l’univers cognitif de la classe et certaines deviennent des

éléments du milieu institutionnel − les couples (O, RI(O, t)) allant de soi, transparents, non

problématiques −, nécessaires pour le fonctionnement de tout SD. Ainsi, il s’agissait alors

d’étudier comment le professeur gère la constitution de cette référence et de ce milieu. Mais il

est nécessaire aussi, pour le professeur, de gérer des objets de l’univers cognitif qui seront

réactivés de manière occasionnelle et non dans le but de les stabiliser ; ainsi que des objets qui

relèvent de la contingence.

A partir de ces précisions et avec l’objectif de caractériser le fonctionnement des classes pour

pouvoir apprécier les effets que les institutions ont sur « la gestion de la mémoire

didactique », nous avons mené une étude de terrain au Costa Rica, en suivant quatre classes

de dixième (élèves de 15 et 16 ans) lors de l’étude de la factorisation des polynômes.

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CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Thèse : ARAYA-CHACÓN 334

Nouvelles contributions Notre travail cherche à approfondir les « manières de faire » des professeurs pour l’un des

types de tâches didactiques du professeur : gérer la mémoire didactique des élèves. Il nous

semble avoir apporté trois contributions principales à ce sujet.

Tout d’abord, nous proposons une typologie des gestes − geste étant entendu au sens large, en

tant qu’actions des enseignants qui visent un but particulier − qui décrivent la « manière

d’accomplir » la tâche didactique qui nous occupe. Ainsi, nous parlons des :

- gestes technologiques, qui appuient la réactivation d’un rapport à un certain objet à partir

des éléments institutionnellement reconnus comme explicatifs et justificatifs ;

- gestes chronologiques, qui soutiennent la remémoration à partir du partage de catégories de

temps naturel scolaire − et temps didactique −, au sein desquelles sont regroupés des moments

où les élèves ont rencontré ce que l’on cherche à rappeler ;

- gestes « ostensifs déclencheurs », dont l’appui relève des encodages très stables entre un

ostensif − celui qui « déclenche » − et un certain rapport à cet ostensif ;

- gestes de replacement, qui mobilisent, en tant qu’appuis mémoriels, les différentes positions

qui existaient dans les diverses institutions fréquentées par élèves et professeur, et à partir

desquelles les élèves se replacent dans les points de vue des groupes y existant ;

- gestes techniques, cas particulier de ces derniers, dont la fonction est l’appui mémoriel à

partir du replacement des élèves en position d’« applicateurs d’une technique » ;

- gestes topogénétiques, dont l’appui se trouve dans les « marqueurs » qui désignent des

acteurs du système didactique (SD) dans une institution.

L’accomplissement de l’un quelconque de ces gestes, comme nous le signalons, implique

l’emploi de différents éléments de nature institutionnelle pour réaliser la remémoration chez

les élèves − éléments technologiques, encodages institutionnels, catégories du temps,

positions dans les institutions fréquentées, marqueurs associés aux acteurs du SD.

En utilisant cette typologie, revenons aux « gestes d’indication » et à l’évocation

d’« emblèmes » étudiés par Sensevy (voir paragraphe 1.2.3). D’après nous, ces deux gestes

interviennent pour le replacement dans des positions que les élèves occupaient à un certain

moment du temps propre de l’institution. Ce replacement implique la reprise du « point de

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CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Thèse : ARAYA-CHACÓN 335

vue » d’un groupe dont on faisait partie. Pour reprendre ce « point de vue », les « gestes

d’indication » utilisent et fournissent en retour, comme « points d’appui », des éléments de

l’histoire de la classe : « l’enseignant évoque les situations, en général adidactiques, où les

connaissances des élèves se sont construites ». Les « emblèmes », de leur côté, favorisent le

replacement dans les « points de vue » des groupes, car ils fonctionnent comme des

« ostensifs de guidage ».

Nous avons inclus dans notre typologie d’autres gestes qui ne remplissent pas la même

fonction, mais qui ont un rôle important lors du travail de la gestion mémorielle. Il s’agit des :

- gestes de fixation, qui justement fixent des points de référence − par exemple des

propositions non questionnables dans l’institution − que l’élève devrait prendre en compte

pour réactiver ce qui est attendu ;

- gestes déstabilisateurs, qui interrogent les rapports personnels des élèves aux objets de

savoir, ce qui favorise l’aménagement de la dimension privée du milieu ;

- gestes « preneurs d’indices », qui caractérisent la prise en charge par le professeur de la

reconnaissance d’indices qui guident l’application − ou l’avancement − d’une technique.

Nous formulons plusieurs hypothèses sur l’accomplissement de ces gestes par des professeurs

qui, par exemple, font partie d’institutions qui imposent des contraintes et des conditions

distinctes. Nous considérons ainsi que certains gestes sont propres aux activités humaines

relatives à l’enseignement scolaire, donc proches de l’homme en situation d’enseignement

scolaire. Il s’agit de gestes qui sont plus directement liés aux différentes dimensions du micro-

cadre de la mémoire : les gestes chronologiques, les gestes de replacement et les ostensifs

déclencheurs. Cette particularité des techniques didactiques des hommes en situation

d’enseignement scolaire, semble être associée à la nature des systèmes didactiques

« commandés » par les sociétés.

Suivant Chevallard (1992), toute institution est à un certain degré institution didactique, ce

« degré » devrait atteindre son maximum lorsqu’il s’agit des institutions établies à cette fin

par les sociétés : les classes des systèmes éducatifs. Au sein de ces institutions, d’autres

micro-institutions sont constamment créées et dissoutes : les systèmes didactiques149. Ces

149 Un système didactique (SD) comporte un ou des sujets de I qui viennent y occuper une position d’enseignant, un ou des sujets de I qui viennent y occuper une position d’élève, et enfin un objet appartenant à l’ensemble des enjeux didactiques pour I (pp. 92 – 93).

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CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Thèse : ARAYA-CHACÓN 336

systèmes déterminent des positions au sein desquelles s’établit un rapport particulier aux

enjeux didactiques : ces positions peuvent servir de « points d’appui » mobilisés par les

gestes de replacement. Mais existent aussi, en même temps, des objets enjeux didactiques qui,

à l’aide de la modélisation de l’activité mathématique fournie par la TAD, sont définis en

termes d’ostensifs et de non-ostensifs : ils servent de « points d’appui » qui peuvent être

mobilisés par les gestes relatifs aux ostensifs « de guidage » et aux ostensifs déclencheurs.

Les occupants des positions enseignant sont engagés par la « société » pour reconstruire

− dans le meilleur des cas, il s’agit de « faire reconstruire » − des praxéologies qui sont « à

apprendre » par les occupants des positions élève. De cette manière, à partir des conditions et

contraintes extérieures ainsi que d’autres, intérieures, les classes construisent un temps

institutionnel150 sur lequel sont indexées les systèmes didactiques : sujets, positions et objets

des enjeux.

Selon Chevallard & Mercier (1987), nous savons que ce temps institutionnel est une

composante d’un complexe des temps, qui s’articulent entre eux en distinguant des temps

dominants et d’autres plutôt dominés.

Dans l’analyse du fonctionnement didactique, on distinguera, au premier niveau de la hiérarchie, le temps de l’élève (TE), soumis lui-même au temps didactique (TD) ; puis le temps scolaire, celui de l’institution (TI) ; le temps de la société (TS) ; enfin le temps physique, ou cosmique (TC) (p.10)

Ainsi, il ne s’agit pas uniquement d’un temps, mais des temps qui ont des rapports les uns

avec les autres : « les points d’appui » mobilisés par les gestes chronologiques et les gestes de

replacement peuvent alors se mettre en place.

Dans ce sens, c’est le fonctionnement des institutions didactiques qui permet la « création »

ou la mise en place des « points d’appui » qu’on nommera « primitifs », pour accentuer leur

caractère basique essentiel : ceux qui relèvent des « positions » dans I (relatives aux gestes de

replacement), les objets didactiques en jeu dans I (concernant les ostensifs « de guidage » et

déclencheurs) et le complexe de temps au sein duquel le temps institutionnel prend place (les

gestes chronologiques).

Revenons maintenant aux micro-institutions nommées systèmes didactiques. Lors du

fonctionnement des SD, et vis-à-vis des praxéologies enjeux de ces systèmes, il se noue un

150 « Tout système engendre une temporalité spécifique, qui donne sens aux événements constitutifs de son histoire » (Chevallard et Mercier, 1987).

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CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Thèse : ARAYA-CHACÓN 337

partage des responsabilités entre les sujets, connu sous le terme de contrat didactique. Etant

donné que les SD qui nous occupent se forment au sein d’institutions porteuses d’un « mandat

d’enseignement », la clause relative à la « responsabilité d’enseigner un savoir » est

fortement, voire exclusivement, à la charge du professeur. Il y a donc, une nécessité de

garantir la « bonne » réalisation de ce mandat, « enseigner » ; mais aussi de garantir que ce

qui est enseigné − ce qui se dit, se montre, s’écrit, etc. − par le professeur « est151 » le savoir

qu’il est chargé de transmettre. Cette responsabilité, implicitement prise en charge par

l’enseignant, semble être ce qui régule l’apparition des gestes preneurs d’indices lors du

fonctionnement des SD : le professeur doit garantir qu’il a dit, montré, écrit, fait faire « ce

qu’il fallait » enseigner.

Remarquons que le raisonnement suivi pour justifier la nature didactique des gestes de

replacement, chronologiques et ceux qui activent des ostensifs « de guidage » ou

déclencheurs, concerne un « savoir à enseigner ». Néanmoins, ce savoir n’est pas exclusif du

savoir mathématique. Il semble donc que les occupants des positions enseignantes dans des

SD relevant d’autres savoirs (la grammaire, la physique, la géographie, la chimie, etc.) vont

probablement recourir à ces gestes pour gérer la mémoire des élèves.

La fonction des gestes mémoriels exposés dans ce travail rejoint le rôle de certaines

dynamiques des milieux exposées par Assude, Mercier et Sensevy (2007) ; notamment, la

dévolution d’un rapport adéquat au milieu et l’expansion ou la réduction des milieux. D’une

part, par exemple, les gestes technologiques, techniques, de fixation et de replacement,

dévoluent aux élèves le rapport à un milieu « aménagé ». Ainsi, face à une tâche, comment

s’y prend-on quand on essaie de se remémorer : on peut s’appuyer sur des éléments

technologiques, techniques, sur des affirmations que l’enseignant vient d’instaurer comme

non questionnables, ou sur une position placée au sein d’un groupe dont le « point de vue », à

un certain instant, était proche de celui qui est l’enjeu dans la classe. D’autre part,

l’accomplissement des gestes technologiques, chronologiques, techniques, topogénétiques ou

de replacement, réalisent une délimitation de l’univers cognitif de la classe que les élèves

peuvent, et doivent, « explorer » pour réactiver des rapports aux objets de savoir attendus par

le professeur. Une telle délimitation relève justement de deux types : un élargissement ou une

réduction des milieux.

151 Notamment, nous écrivons les guillemets car c’est une métaphore. En aucun cas, nous ne voulons négliger le processus de transposition didactique à la charge du professeur.

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CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Thèse : ARAYA-CHACÓN 338

Nous avons conduit aussi une analyse des gestes lors de laquelle nous avons rapproché les

réponses aux questions posées avec l’approche théorique de notre étude, et nous avons

élaboré ainsi un modèle du micro-cadre institutionnel de la mémoire didactique.

Ce micro-cadre est un système institutionnel de repérage du passé didactique − vécu ou

assumé − partagé, du moins dans sa dimension publique, par les sujets d’une institution. Il

modélise les points d’appui utilisés par les enseignants lors de l’accomplissement d’un geste

mémoriel, c’est-à-dire que les éléments du micro-cadre ont pour rôle d’anticiper − ou au

moins d’appuyer − la réactivation des rapports que l’enseignant attend que les élèves

mobilisent. Le modèle est structuré en trois dimensions qui représentent les axes du repère.

La première dimension est relative au temps scolaire et au temps didactique. Elle inclut les

catégories du temps institutionnellement reconnues, qui sont associées aux moments au cours

desquels les élèves ont pu rencontrer des connaissances susceptibles d’être demandées par

l’enseignant. C’est donc le fil conducteur de l’indexation des objets et rapports aux objets que

gère le professeur.

La deuxième dimension du modèle est relative au topos des sujets dans les institutions. Elle

est déterminée par l’ensemble des positions que les institutions dont on fait partie − ou dont

on a fait partie − mettent à disposition de leurs sujets. Pour les élèves, il s’agit par exemple de

celles de réalisateurs d’exercices, de « conjectureurs » de propositions, de correcteurs

d’exercices, d’utilisateurs des racines, d’observateurs d’une démonstration, etc. Pour les

professeurs, il pourrait s’agir de celles de « déducteurs » d’une propriété, d’« énonciateur »

d’une proposition, de réalisateur d’un exemple, etc. Ces positions sont régulées par plusieurs

assujettissements institutionnels, notamment ceux issus du partage des responsabilités entre

professeur et élèves relevant des contrats didactiques instaurés dans la classe. Ainsi, par

exemple, il est donc difficile de concevoir l’existence d’une position « conjecteur de

propositions » pour les élèves au sein d’un moment du processus d’enseignement régulé par la

maïeutique socratique. Les assujettissements relevant des organisations didactiques

dominantes sur lesquelles a une incidence le modèle épistémologique de l’activité

mathématique reconnu dans les classes, font aussi partie des contraintes institutionnelles qui

influent sur les positions existantes dans l’institution.

La troisième dimension est relative aux niveaux de co-détermination didactique. Outre le

système des conditions et contraintes selon lesquelles se déterminent les OM et les OD, les

niveaux de l’échelle peuvent être vus comme des délimitations du « lieu cognitif » que

l’enseignant cherche à mobiliser lors de l’enseignement. Ainsi, l’énonciation de certains

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CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Thèse : ARAYA-CHACÓN 339

ostensifs ou non ostensifs « emblématiques » des

niveaux sont considérés comme balisant le chemin

vers ce niveau, afin de reconduire l’élève vers les

pratiques qui y sont associées, et antérieurement

accomplies dans des institutions. L’objectif d’un tel

replacement est de proposer à l’élève un « lieu » :

celui repéré au sein des pratiques, dans lequel il

trouvera, en « cherchant », ce que le professeur

entend réactiver.

L’articulation des trois dimensions du modèle, lors de

l’accomplissement d’un geste mémoriel, est dirigée vers la mise en place des conditions qui

rendent possible le replacement « au point de vue d’un ou plusieurs groupes » auxquels nous

avons appartenu, ainsi que « dans un ou plusieurs courants de pensée » ; replacement

nécessaire, d’après Halbwachs, pour la remémoration. C’est donc à l’aide des trois

dimensions que ce replacement est conduit : une composante temporaire, une autre

positionnelle, et une troisième « spatiale » (« lieu cognitif ») qui intègre le savoir

mathématique et « la matière » qui les déterminent : ostensifs et non ostensifs. Nous

reconnaissons dans ces trois dimensions, celles relatives à la chronogénèse, la topogénèse et la

mesogénèse.

Avec la construction d’un modèle du micro-cadre institutionnel de la mémoire didactique, il

nous semble avoir contribué au développement théorique d’une anthropologie du cognitif. En

particulier, pour ce qui concerne la dimension mémorielle de l’activité mathématique au sein

des institutions scolaires, nous avons articulé des outils théoriques de la TAD pour créer un

système de référence au « passé didactique » mobilisé par les professeurs dans la classe.

Troisièmement, nous avons mis en place une démarche d’analyse pour mettre en évidence en

quoi la vie institutionnelle des classes observées a des effets dans la gestion mémorielle par

le professeur. Ainsi, nous repérons au moins quatre aspects qui interviennent dans la

détermination − consciente ou inconsciente − de l’accomplissement de certains gestes

mémoriels : les tâches mathématiques, l’organisation de l’étude, les modèles

épistémologiques dominants de l’activité mathématique dans la classe, et les contrats

didactiques qui s’instaurent dans les institutions.

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CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Thèse : ARAYA-CHACÓN 340

Certaines tâches mathématiques en jeu dans la classe nécessitent, pour être enseignées,

l’accomplissement de certains gestes mémoriels associés aux objets de savoir sur lesquels

elles agissent, par exemple : les gestes qui activent des ostensifs déclencheurs pour l’étude des

identités remarquables. L’organisation de l’étude planifiée par les professeurs concernant les

connaissances qui seront rencontrées par les élèves, et leur rôle dans le projet didactique de

l’enseignant (que doivent faire les élèves lors de la première rencontre ? Et pour la

constitution d’un bloc technologique ?), ont des incidences sur l’accomplissement de certains

gestes plus que sur d’autres ; comme nous avons pu le relever lors des analyses des séances

sur la factorisation de polynômes à l’aide de « l’inspection ». Les modèles épistémologiques

dominants qui ont des incidences sur la manière d’organiser et de gérer le processus

d’enseignement, influent notamment sur la gestion mémorielle. Ils commandent la

mobilisation différenciée de certains « points d’appui » qui soutiennent la remémoration des

élèves. C’est le cas de certaines différences repérées, concernant l’emploi de gestes

technologiques chez Ron, et les gestes de replacement relatifs à l’histoire de la classe chez

Sam. Enfin, les contrats didactiques favorisent, à travers la répartition des responsabilités des

sujets vis-à-vis des objets de savoir, l’accomplissement de certains gestes plus que d’autres.

L’exemple le plus visible que nous avons relevé, concerne les contrats d’ostension et la

maïeutique socratique chez Sam, qui induisent des gestes déstabilisateurs de

reprises dubitatives ; les contrats de rappel chez Ron sollicitent plutôt des gestes

déstabilisateurs de demandes explicatives.

Aussi, nous formulons l’hypothèse selon laquelle l’accomplissement des gestes techniques,

technologiques, de fixation, déstabilisateurs et topogénétiques, est plus sensible au

fonctionnement particulier de chaque institution didactique scolaire. En d’autres termes, et à

la différence des gestes de replacement, chronologiques, preneurs d’indices et de ceux qui

réactivent des ostensifs « de guidage », ou déclencheurs, que nous avons signalés comme

propres à toute institution didactique, ces gestes sont davantage déterminés par l’organisation

de l’étude, les contrats didactiques et les modèles épistémologiques dominants dans la classe.

Conclusions sur la démarche méthodologique

Comme nous l’avons dit au chapitre 5, les observations réalisées en dixième au Costa Rica

ont débuté une semaine après la rentrée scolaire. Ainsi, d’une part, nous avons pu observer la

dynamique institutionnelle, jusqu’à un certain degré, dès « ce début ». Ceci a favorisé le

recueil des traces sur le fonctionnement de l’institution à différents temps. Mais, d’autre part,

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CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Thèse : ARAYA-CHACÓN 341

comme ni le professeur, ni nous, ne connaissions les élèves, nous avons eu du mal à choisir

ceux qui pouvaient être les sujets plus aptes à participer dans l’étude : « bons élèves »,

« disponibilité du temps », « engagement » pour assister aux rendez-vous, disponibilité à

discuter, « clarté » dans leur discours, etc. Dans ce sens, il nous semble préférable d’attendre

quelques jours, après la prise de contact du professeur avec ses classes, pour commencer les

observations ; même si cela nous prive du temps d’observation de certains éléments de la mise

en place du contrat didactique. En attendant quelque peu, on favorise l’établissement de

rapports entre le professeur et ses élèves, ce qui permet de choisir ceux qui satisfont le plus

aux caractéristiques mentionnées.

Il a été difficile de mettre en place l’outil de recueil de données, Journal d’étude, de la

manière que nous avions envisagée ; même si nous avons détaillé par écrit la façon attendue

pour tenir le journal, donné des exemples et discuté avec les élèves lors de l’avancée de

l’étude, il a été difficile de trouver des traces concernant ce que nous attendions. Il nous

semble que ceci est dû à la difficulté pour les élèves de réaliser certaines tâches demandées

− de l’ordre de la métacognition −, ainsi qu’à la difficulté pour certains d’exprimer leur

pensée. En outre, même si au cours de l’étude, quelques élèves sont arrivés à transmettre le

type de données attendues, pour certains d’entre eux, l’outil était trop coûteux en ce qui

concerne le temps à y investir pour accomplir en détail les tâches demandées. Ce qui a conduit

à des récits courts et imprécis.

Questions ouvertes…

Notre travail aborde la gestion mémorielle par le professeur dans l’enseignement secondaire.

La gestion étudiée est celle qui « se donne à voir » ; c’est-à-dire qu’il s’agit de la gestion de la

mémoire ostensive de la classe. Nous avons placé notre travail au sein d’une perspective

anthropologique, qui met l’accent sur l’étude des assujettissements institutionnels qui influent

sur les phénomènes mnésiques.

♦ Nous savons que les temps de l’enseignement et de l’apprentissage, ne sont pas forcément

synchronisés. Ce constat nous amène à nous interroger sur les cadres mémoriels que les élèves

mobilisent de manière personnelle lors de l’étude menée sans le guidage du professeur. Ainsi,

au sein d’une approche anthropologique, reste ouverte l’enquête complémentaire de cette

recherche sur la gestion personnelle privée de la mémoire chez les élèves. Certes, pour

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CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Thèse : ARAYA-CHACÓN 342

aborder une telle question, il est nécessaire de recourir à d’autres dispositifs méthodologiques,

en dehors des observations, afin d’accéder à certaines dimensions, institutionnellement

reconnues comme étant « privées » des élèves. Notamment, nous n’écartons pas les effets que

les assujettissements imposés par la classe ont sur le travail de remémoration personnelle chez

les élèves. Pour cela, il sera donc nécessaire de ne pas négliger l’étude du « fonctionnement

des classes » − la vie institutionnelle − parmi les institutions qui déterminent la gestion

mémorielle « privée ». Néanmoins, il est nécessaire d’avoir accès aux autres institutions

fréquentées par les élèves et relatives aux objets d’étude : les cours particuliers, l’étude à la

maison, le cours de soutien à l’école, etc. Ce faisant, il nous sera peut-être possible de croiser

nos résultats avec ceux obtenus sur les cadres mémoriels mobilisés chez les élèves, afin

d’analyser les différences et similitudes pour élaborer des stratégies de soutien mémoriel dans

la classe. Ce type d’études pourrait être complété par une analyse sur les gestes des

professeurs, où le modèle enseignant dominant dans la classe ne sera pas celui

majoritairement repéré dans notre étude : le technicisme. Ceci contribuerait aussi à l’analyse

d’autres assujettissements institutionnels et de leur influence sur la relation didactique.

♦ Il reste aussi à analyser si la reconstruction plus complète d’une OM influe sur les appuis

mémoriels que les professeurs mobilisent pour la gestion de la mémoire. Nous formulons

l’hypothèse que s’il y a une influence, elle est forcément soutenue par un modèle particulier

de l’OD institutionnelle et par des contrats didactiques qui imposent des contraintes ; ceci afin

de solliciter l’ostension des éléments technologiques par les élèves. Ainsi, une telle étude

devrait être complétée par l’analyse des contrats didactiques établis dans les institutions

observées (qu’est-ce que les élèves doivent faire avec les éléments technologiques dès leur

constitution ?), et de la « conception » dominante dans la classe sur « qu’est-ce que l’activité

mathématique scolaire ? »

♦ Même s’il nous semble avoir contribué au développement d’une anthropologie didactique

de la mémoire, nos sources d’information ont été limitées à l’enseignement secondaire

ordinaire/traditionnel. Il reste donc à vérifier les hypothèses que nous avons formulées à partir

de nos analyses, ainsi que l’établissement d’autres conjectures, relatives aux gestes mémoriels

propres aux activités d’étude des hommes.

♦ Dans ce dernier sens, les incidences que la nature des objets du savoir en jeu dans la classe

auraient sur la gestion mémorielle, demeurent aussi hors de portée de notre travail. Il reste

alors à mener l’analyse des effets que l’étude de savoirs relatifs à des domaines différents :

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CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Thèse : ARAYA-CHACÓN 343

géométriques, algébriques, statistiques pourrait avoir sur l’aide à la remémoration que le

professeur apporte aux élèves.

Ainsi, plusieurs questions relatives à la considération de la dimension mémorielle dans des

institutions didactiques scolaires sont encore ouvertes. Nous tenons à souligner que la

modélisation de l’action didactique du professeur ne se résume pas à l’organisation et la

gestion des « souvenirs », cette action est beaucoup plus complexe (voir Brousseau, 1998 ;

Chevallard, 1999 ; Sensevy et al, 2000 ; Assude et al, 2007 ; Sensevy et Mercier, 2007) et

exige des analyses d’autres phénomènes. Cependant notre travail peut contribuer à une

meilleure compréhension des principes et des mécanismes qui régissent l’espace des

techniques didactiques.

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

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Thèse : ARAYA-CHACÓN

Références bibliographiques 

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Table des figures  

Figure 1 : Cinq travaux relatifs à la mémoire didactique…………………………………. 32 Figure 2 : Schéma du modèle de la mémoire proposé par Matheron……………………... 43 Figure 3 : Processus de la transposition didactique……………………………………….. 53 Figure 4 : Organisations didactiques de premier niveau………………………………….. 70 Figure 5 : Organisations didactiques de deuxième niveau………………………………... 72 Figure 6 : Echelle des niveaux de co-détermination didactique…………………………... 75 Figure 7 : Correspondance entre OM et niveaux de C-DD……………………………….. 75 Figure 8 : « Puzzle » d’une ingénierie didactique………………………………………… 83 Figure 9 : Problème pour la 4e E…………………………………………………………... 97 Figure 10 : Schéma des gestes mémoriels repérés dans l’étude exploratoire……………... 110Figure 11 : Application de la technique de « completar cuadrados »……………………... 126Figure 12 : Application de la technique de « formule générale »…………………………. 127Figure 13 : Geste mémoriel à partir de la mobilisation des cadres institutionnels………... 136Figure 14 : Aspects principaux de la 1er étape de la méthodologie : installation de

conditions………………………………………………………………………

150Figure 15 : Aspects principaux de la 2e étape de la méthodologie : observations………… 154Figure 16 : Aspects principaux de la 3e étape de la méthodologie : compléments………... 157Figure 17 : Extrait de la table de matières du M1…………………………………………. 180Figure 18 : Extrait de la table de matières du M2…………………………………………. 181Figure 19 : Extrait de la table de matières du M3…………………………………………. 182Figure 20 : Réactivation « ostensive » des connaissances………………………………… 228Figure 21 : Réactivation « ostensive » de ce qu’est une factorisation complète………….. 228Figure 22 : Gestes mémoriels accomplis par les professeurs……………………………... 263Figure 23 : Première dimension du modèle du micro-cadre de la mémoire didactique…... 266Figure 24 : Les deux premières dimensions du modèle du micro-cadre de la mémoire….. 267Figure 25 : Modèle du micro-cadre de la mémoire didactique……………………………. 268Figure 26 : Geste ostensif « de guidage » et dimensions du micro-cadre de la mémoire… 271Figure 27 : Geste technologique et système de référence…………………………………. 273Figure 28 : Périodes d’études dans les séances de Sam…………………………………… 292Figure 29 : Périodes d’étude dans les séances de Ron…………………………………….. 295Figure 30 : Contrats didactiques selon la période de l’étude chez Sam…………………... 301Figure 31 : Contrats didactiques selon la période de l’étude chez Ron…………………… 308Figure 32 : Espace de certains éléments des OD institutionnelles chez Sam……………... 311Figure 33 : Espace de certains éléments des OD institutionnelles chez Ron……………... 317

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Table des tableaux 

Tableau 1 : Thèmes étudiés par les élèves de 4e observés en France 2005……………….. 94

Tableau 2 : Thèmes étudiés par les élèves de CP en France 2003/2004 …………………. 95

Tableau 3 : Emploi du temps pour les observations effectuées.………………………….. 148

Tableau 4 : Temps par semaine destiné à chaque thème sur la factorisation …………….. 153

Tableau 5 : Outils méthodologiques et questions de recherche….………………………... 158

Tableau 6 : Extrait des instructions officielles pour la 9e sur la factorisation des polynômes……………………..………………………………………………

175

Tableau 7 : Extrait des instructions officielles pour la 9e sur la factorisation des polynômes ……………………………………………………..……………..

179

Tableau 8 : Certaines définitions dans les trois manuels analysés...……………………… 183

Tableau 9 : Réponses sur ce que réactive Ron et en quoi s’appuie-t-il pour la réactivation…………………………………….……………………….……...

227

Tableau 10 : Réponses sur ce que réactive Sam et en quoi s’appuie-t-il pour la réactivation …………….………………………………..…………………...

237

Tableau 11 : Interventions de CB relevant des « rappels directs »………………………... 278

Tableau 12 : Réponses de Sam au questionnaire des enseignants………………………… 309

Tableau 13 : Réponses de Ron au questionnaire des enseignants………………………… 313

Tableau 14 : Aspects principaux de la vie institutionnelle des classes……………………. 318

Tableau 15 : Gestes accomplis dans les classes lors l’étude de l’inspection……………… 319

Tableau 16 : Gestes accomplis dans les classes lors l’étude de la mise en facteur commun ……………………………………………………………………..

321

Tableau 17 : Gestes accomplis dans les classes lors l’étude des identités remarquables…. 325

Tableau 18 : Gestes accomplis dans les classes de Sam lors l’étude de la division synthétique …………………………………………………………………...

328

Tableau 19 : Gestes accomplis dans les classes de Ron lors l’étude de la division synthétique …………………………………………………………………..

328

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Table des Annexes 

Première Partie : Sur l’étude de terrain en France…………………………………….…….369 Annexe I : Seances en CP en France………………………………………………………...371 Annexe II : Seances de quatrieme en France.……………………………………………….399 Annexe III : Entretiens – Professeurs 4e ……………………………………………….….. 443 Deuxième Partie : Sur l’étude de terrain au Costa Rica………………. ……………………467 Annexe IV : Questionnaire – élèves………………………………………………………...469 Annexe V : Journal des élèves………………………………………………………………471 Annexe VI : Seances de dixième au Costa Rica…………………………………………….473 Annexe VII : Entretiens collectifs – élèves………………………………………………….621 Annexe VIII : Entretiens – professeurs 10e …………………………………………………657 Annexe IX : Entretiens individuels – élèves…………………………………………...……675 Annexe X : Questionnaire…………………………………………………………………...707

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TEACHERS’ DIDACTIC MEMORY MANAGEMENT IN HIGHSCHOOL MATHEMATICS TEACHING: STUDY OF THE INSTITUTIONAL MICRO-

FRAMEWORK IN FRANCE AND IN COSTA RICA This thesis analyse the teachers’ didactic memory management in mathematics’ class: the management of phenomenons that take back to the indexing on the time of the objets of knowledge and the rapports to these objets of persons or institutions. Two hypotheses are worked on: in managing memory the teacher lean on the elements of the “institutional micro-famework of memory” considered as an institutional referential system of pupils and teacher didactic past; the opération of each institution-class provokes effets on the mémorial management carry out in class. The thesis thus situates itself within an anthropological of knowledge approach and bases itself on the analyses of scholar studies practices of pupils organised and supervised by teachers. A typologie composed by nine “memorial gesture” is proposed: gestures that are settled by the “memorial support” that the request and other related to the re-interrogations or re-organisations of persals’ pupils rapports to the knowdlegde objets. These “memorial support” are systematized on the “micro-framework of memory” model articulated into three dimensions: temporary, positionnary and the ones related to the objets and rapports of these objets belong to the class cognitif univers. In the last part, the thesis approaches the effects that the organisation of the study, the didactical contrats and the dominant epistemological theories of the mathematical activity in class may induce on memory management by teachers. KEY WORDS: Gesture, didactic memory, memory framework, institutional subjections, highschool teaching, anthropology of knowledges, didactic of mathematics, mathematics education.

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ANDREA ARAYA-CHACÓN

LA GESTION DE LA MEMOIRE DIDACTIQUE PAR LE PROFESSEUR DANS L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE DES MATHEMATIQUES :

ETUDE DU MICRO-CADRE INSTITUTIONNEL EN FRANCE ET AU COSTA RICA

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Directeur de Thèse : André ANTIBI ; Codirecteur de Thèse : Yves MATHERON

Soutenue à Toulouse le 31 janvier 2008 Cette thèse analyse la gestion de la mémoire didactique par le professeur dans les classes de mathématiques : gestion des phénomènes qui se rapportent à l’indexation dans le temps des objets de savoir et aux rapports des personnes ou des institutions à ces objets. Deux hypothèses sont travaillées. La première énonce qu’en gérant la mémoire, le professeur s’appuie sur des éléments du « micro-cadre institutionnel de la mémoire de la classe », considéré comme un système institutionnel qui réfère au passé didactique des élèves et du professeur ; la seconde, que le fonctionnement de chaque institution-classe provoque des effets sur la gestion mémorielle menée en classe. La thèse se situe donc dans une approche anthropologique des savoirs et se fonde sur l’analyse des pratiques d’étude scolaire des élèves, organisées et dirigées par les enseignants. Une typologie composée de neuf « gestes mémoriels » est proposée. Ces gestes sont repérés à partir des « appuis mémoriels » qu’ils sollicitent et aussi à partir des re-interrogations ou re-organisations opérées pour ce qui concerne les rapports personnels des élèves aux objets de savoir. Les « points d’appui » sont organisés en système au sein du modèle du « micro-cadre de la mémoire didactique » proposé dans ce travail, et articulés autour de trois dimensions : temporelle, positionnelle et relative aux objets et rapports aux objets de l’univers cognitif de la classe. Dans une dernière partie, la thèse aborde les effets que l’organisation de l’étude, les contrats didactiques et les théories épistémologiques dominantes sur l’activité mathématique dans la classe pourraient avoir sur la gestion de la mémoire menée par le professeur. Mots-clés : Geste, mémoire didactique, cadre mémoriel, assujettissements institutionnels, enseignement secondaire, anthropologie des savoirs, didactique des mathématiques. Discipline : Didactique des Disciplines Scientifiques et Technologiques (Didactique des mathématiques) Laboratoire : Didactique des Disciplines Scientifiques et Technologiques (DiDiST – CREFI - T) Université Paul Sabatier, Bât. 3R1b2 – 118 Route de Narbonne 31062 Toulouse Cedex 9