Anne Comnene

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ANNE COMNENE HISTOIRE DE L'EMPEREUR ALEXISLIVRE IHISTOIRE DE L'EMPEREUR ALEXIS.Ecrite par Anne Comnène.ΠΡΟΟΙΜΙΟΝI. 1 Ῥέων ὁ χρόνος ἀκάθεκτα καὶ ἀεί τι κινούμενος παρασύρει καὶ παραφέρει πάντα τὰ ἐν γενέσει καὶ ἐς βυθὸν ἀφανείας καταποντοῖ ὅπου μὲν οὐκ ἄξια λόγου πράγματα, ὅπου δὲ μεγάλα τε καὶ ἄξια μνήμης, καὶ τά τε ἄδηλα φύων κατὰ τὴν τραγῳδίαν καὶ τὰ φανέντα ἀποκρυπτόμενος. Ἀλλ´ ὅ γε λόγος ὁ τῆς ἱστορίας ἔρυμα καρτερώτατον γίνεται τῷ τοῦ χρόνου ῥεύματι καὶ ἵστησι τρόπον τινὰ τὴν ἀκάθεκτον τούτου ῥοὴν καὶ τὰ ἐν αὐτῷ γινόμενα πάντα, ὁπόσα ὑπερείληφε, ξυνέχει καὶ περισφίγγει καὶ οὐκ ἐᾷ διολισθαίνειν εἰς λήθης βυθούς. 2 Ταῦτα δὲ διεγνωκυῖα ἐγὼ Ἄννα, θυγάτηρ μὲν τῶν βασιλέων Ἀλεξίου καὶ Εἰρήνης, πορφύρας τιθήνημά τε καὶ γέννημα, οὐ γραμμάτων οὐκ ἄμοιρος, ἀλλὰ καὶ τὸ Ἑλληνίζειν ἐς ἄκρον ἐσπουδακυῖα καὶ ῥητορικῆς οὐκ ἀμελετήτως ἔχουσα καὶ τὰς Ἀριστοτελικὰς τέχνας εὖ ἀναλεξαμένη καὶ τοὺς Πλάτωνος διαλόγους καὶ τὸν νοῦν ἀπὸ τῆς τετρακτύος τῶν μαθημάτων πυκάσασα (δεῖ γὰρ ἐξορχεῖσθαι ταῦτα, καὶ οὐ περιαυτολογία τὸ πρᾶγμα, ὅσα ἡ φύσις καὶ ἡ περὶ τὰς ἐπιστήμας σπουδὴ δέδωκε καὶ ὁ Θεὸς ἄνωθεν ἐπεβράβευσε καὶ ὁ καιρὸς συνεισήνεγκε) βούλομαι διὰ τῆσδέ μου τῆς γραφῆς τὰς πράξεις ἀφηγήσασθαι τοὐμοῦ πατρὸς οὐκ ἀξίας σιγῇ παραδοθῆναι οὐδὲ τῷ ῥεύματι τοῦ χρόνου παρασυρῆναι καθάπερ εἰς πέλαγος ἀμνημοσύνης, ὅσας τε τῶν σκήπτρων ἐπειλημμένος κατεπράξατο καὶ ὅσας πρὸ τοῦ διαδήματος ἔδρασεν ἑτέροις βασιλεῦσιν ὑπηρετούμενος.II. 1. Ταύτας δὲ λέξουσα ἔρχομαι οὐχ ὡς ἐπίδειξίν τινα τῆς περὶ λόγους ποιουμένη ἀσκήσεως, ἀλλ´ ὡς ἂν μὴ πρᾶγμα τηλικοῦτον τοῖς ἔπειτα γενησομένοις καταλειφθείη ἀμάρτυρον, ἐπεὶ καὶ τὰ μέγιστα τῶν ἔργων, εἰ μή πως ἄρα διὰ τῶν λόγων φυλαχθείη καὶ τῇ μνήμῃ παραδοθείη, τῷ τῆς σιωπῆς ἀποσβέννυται σκότῳ. Ἧν γὰρ ὁ ἐμὸς πατήρ, ὡς αὐτὰ τὰ πράγματα ἔδειξεν, ἐπιστάμενος ἄρχειν καὶ ὑπείκειν, ἐς ὅσον χρή, τοῖς ἄρχουσιν.

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ANNE COMNENE

ANNE COMNENE

HISTOIRE DE L'EMPEREUR ALEXIS

LIVRE I

HISTOIRE DE L'EMPEREUR ALEXIS.

Ecrite par Anne Comnne.

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, . , . , . , . , PREFACE.

I. 1. LA rvolution continuelle du temps entraine toutes les choses ds le premier moment de leur origine, et aprs avoir ml confusment celles qui chappent la vue par leur petitesse, et par leur obscurit, avec celles qui se font le plus remarquer par leur grandeur, et par leur clat, tantt elle dcouvre celles qui paraissaient les plus caches, et les plus obscures, et tantt elle cache celles qui taient les plus manifestes, et les plus visibles. Il n'y a que l'Histoire qui puisse tre oppose comme une digue l'imptuosit de ce mouvement, et qui puisse conserver ce qu'elle enferme, et empcher qu'il ne tombe comme le reste dans l'abme de l'oubli.

2 Les frquentes rflexions que j'ai faites sur toutes ces choses, m'ont porte moi Anne Comnne fille de l'Empereur Alexis, et de l'Impratrice Irne, crire les grandes actions que mon pre a faites, sait dans une condition prive, et lorsqu'il servait sous les Empereurs, ou dans la puissance souveraine, et depuis qu'il est mont sur le trne. Moi, dis-je, qui suis ne dans la pourpre, et qui ai t leve dans l'tude des Langues, et principalement de la Grecque, et qui ai t instruite dans toutes les Sciences, et dans tous les Arts, dans les Mathmatiques, et dans la Philosophie d'Aristote, et de Platon. Le Lecteur me pardonnera s'il lui plat, la libert que je prends de parler ainsi des avantages que j'ai reus du Ciel, ou que j'ai acquis par le temps.

II. 1. Ce n'est pas nanmoins par le dsir de faire paratre mon loquence que j'entreprends ce travail, mais par l'apprhension que des explaits aussi clbres que ceux de mon pre, qui savait parfaitement commander, et obir ne saient inconnus la postrit, puisqu'il est certain que les actions les plus clatantes demeurent ensevelies sous les tnbres du silence, moins que d'tre releves par les ornements du discours.

2. Cela n'empche pas que je n'aie peur d'un ct, que si je donne des louanges sa vertu, on ne me souponne de prfrer ma propre gloire a la vrit, et de faire un pangyrique au lieu d'une Histoire ; et de l'autre, que si la ncessit du sujet m'oblige dsapprouver quelqu'une de ses actions, on ne m'accuse d'impit, et on ne me compare cet excrable si ls qui dcouvrit la nudit de son pre. Il faut donc que mprisant l'envie, qui, comme dit Homre, condamne les personnes les plus innocentes, je suive les rgles que l'Histoire me prescrit, que je ne consulte ni l'amiti, ni la haine, que je loue les vertus de mes ennemis, et que je blme les dfauts de mes amis.

3. Que s'il y a quelques personnes qui se sentent offenses par mes reproches, ou obliges par mes louanges, je les conjure de ne m'en rien imputer, et de ne l'attribuer qu'aux choses mmes, ou ceux sur la foi desquels je les ai rapportes, dont les uns qui vivent encore peuvent soutenir la vrit par leur tmoignage, et les autres qui sont morts ont laiss des enfants qui le peuvent faire en leur place.

III. 1. Outre ces motifs qui m'ont porte entreprendre cet ouvrage, voici l'occasion qui m'y a encore engags. J'ai t marie dans la famille des Bryennes, unie par mariage Nicphore Csar, qui surpassait tous ceux de son sicle en bonne mine, en loquence, et en sagesse, et qui ne pouvait ni se faire voir, ni se faire entendre sans donner de l'admiration.

2. Il avait accompagn l'Empereur Jean mon frre dans la guerre faite Antioche contre les Barbares. Il tait si fort attach l'tude, qu'il ne s'en pouvait sparer au milieu mme des travaux, et des hasards, et qu'il commena par l'ordre de l'Impratrice Irne ma mre l'Histoire de l'Empereur Alexis mon pre depuis le rgne de Diogne ; le temps prcdent, et les premires annes de sa vie n'ayant pu fournir la juste matire d'aucun loge. Mais le public a t priv du principal fruit d'une si belle entreprise, et a eu le regret de ne la voir continue que jusqu' l'Empire de Botaniate. C'est ce qui m'oblige d'en crire la suite, de peur que si elle demeurait imparfaite, la gloire de mon pre ne ft prive de l'clat qu'elle dait avoir dans les sicles venir.

Ceux qui ont vu quelque partie des ouvrages de Nicphore, savent combien ils taient recommandables par la disposition des matires, et par la beaut des termes. Mais en nous apportant, aprs une longue absence les mmoires, et les commencements de cet ouvrage, il apporta en mme temps une maladie mortelle, cause peut-tre par l'excs de ses fatigues, et: peut-tre aussi par l'ingalit de l'air, et par la douleur qu'il ressentait d'tre prive si longtemps de la satisfaction de nous voir.

Tant que la guerre dura en Cilicie, et en Pamphylie, il tcha de surmonter la violence de son mal : Enfin, tant revenu Constantinople par la Lydie, et par la Bithynie, il voulut nous raconter ce qui lui tait arriv, mais l'enflure qui lui tait reste l'en empcha, et nous l'en empchmes nous-mmes de peur de l'incommoder.

IV. 1 Le souvenir de ces malheurs me remplit l'me de confusion, et les yeux de larmes. Que l'Etat a perdu en perdant un Prince d'un si bon conseil, d'une si grande exprience, d'un si vaste esprit, d'une si profonde science, d'une si rare probit, d'une si belle taille, et d'une mine non seulement digne de l'Empire, comme on dit ordinairement, mais pleine d'une majest presque divine.

Ma vie n'a jamais t qu'un tissu de disgrces, et si l'on excepte l'avantage que j'ai d'tre ne dans la pourpre, et l'honneur d'tre fille d'une Impratrice, et d'un Empereur, on n'y trouvera que des afflictions et des peines.

2. Orphe attirait par ses chansons, les pierres, les bois, et les autres cratures les plus insensibles. Timothe mt un jour si fort Alexandre par le son de sa flte, que ce Prince demanda ses armes.

Si le rcit de mes infortunes n'est pas capable de faire passer d'un lieu un autre, ou de porter prendre les armes, il est au moins capable de tirer les larmes des yeux, et de toucher non seulement les hommes, mais aussi les btes. Parmi ces infortunes je n'en ai point trouv de si cruelle, ni qui m'ait perc l'me d'une si profonde blessure que la mort si soudaine, et si imprvue de Nicphore, Toutes mes autres afflictions compares cette mort, ne me paraissent que comme une goutte d'eau compare toute la mer. Les autres maux n'taient que comme le prsage de ce dernier mal, comme la fume de ce feu, comme la lueur de cet incendie qui brle sans consumer, et qui pntre jusqu'au fond des os, bien qu'il semble laisser la vie.

Je m'aperois que l'excs de ma douleur m'emporte hors de mon sujet. Il faut donc que j'essuie mes pleurs, et que je me console moi-mme pour travailler l'ouvrage que j'ai entrepris. Mais ce travail mme produira d'autres pleurs, car en me reprsentant les incomparables vertus de mon pre, il me renouvellera le regret de sa perte, qui, bien que commun tout l'Empire, m'est nanmoins plus sensible qu' nul autre, Je commencerai son Histoire par o il a commenc signaler sa vertu.

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LIVRE PREMIER.

Chapitre I.

1. Diogne empche Alexis de le suivre contre les Perses. 2- Commencement de la fortune d'Ursel. 3. Alexis est choisi pour commander les troupes destines contre lui. 4. Grandes qualits d'Alexis. 5.. Harangue par laquelle il persuade Toutac de lui livrer Ursel.

I. 1. MON pre Alexis a procur de grands avantages l'Empire avant que d'tre Empereur. Ds l'ge de quatorze ans il souhaita avec une merveilleuse ardeur de suivre Diogne, dans la guerre si prilleuse qu'il avait entreprise contre les Perses, et il tmoigna ds lors une si noble impatience d'affronter les plus terribles hasards, qu'il fut ais de juger que quand il aurait l'occasion de tremper son pe dans le sang de ces Barbares, il en ferait un pouvantable carnage. Mais l'Empereur considrant l'affliction o la mort de Manuel son frre an qui venait de se signaler par une infinit de rares explaits, avait mis sa mre, lui commanda de demeurer auprs d'elle, de peur de la plonger dans une inconsolable douleur, si aprs avoir perdu un fils sans savoir mme l'endroit o il tait mort, elle souffrait encore l'absence de celui-ci, et si elle tait continuellement tourmente par la crainte de le perdre.

2.. Le temps lui ouvrit depuis sous le rgne de Michel Ducas successeur de Diogne, une assez vaste carrire pour exercer son courage. Le premier ennemi qu'il eut combattre fut Ursel, n de la Gaule Celtique, qui s'tant fort enrichi par un bonheur tout extraordinaire, avait amass des troupes de diverses nations, et n'aspirait rien moins qu' la tyrannie. Son ambition tait seconde par la conjoncture du temps peu favorable aux Romains, dont la fortune semblait alors cder celle des Turcs. Comme il avait de lui-mme une forte passion pour s'lever une injuste grandeur, il s'en dclara ouvertement ds qu'il eut reconnu la faiblesse de l'Empire, et commena courir, et ravager l'Orient, et fondre comme un foudre sur les plus fameux Capitaines, qui avaient t envoys pour s'opposer au cours de ses armes.

3. La consternation o les prosprits continuelles de ce tyran avaient mis l'Empereur Michel Ducas, le porta jeter les yeux sur notre admirable Alexis, qui servait alors sous mon oncle son frre pour lui donner le commandement de l'arme. Il ne s'en fut pas sitt charg, que prenant en mme temps les soins d'un Gnral, et les fatigues d'un soldat, il acquit une telle exprience, qu'il gala ds la fleur de sa jeunesse la rputation d'Annibal, d'Emile, et de Scipion, et qu'il rompit le cours imptueux des victoires de cet Ursel, qui entranait comme un torrent nos villes, et nos provinces.

4. Il faut aussi avouer qu'il tait merveilleusement prompt, et habile, pour reconnatre ce qu'il fallait faire dans les occasions les plus prenantes, et encore plus prompt, et plus habile pour l'excuter. Comme Bryenne Csar a rapport fort au long dans le second livre de son Histoire, la manire dont il prit Ursel, je n'en toucherai ici que ce qui est absolument ncessaire pour l'intelligence de mon sujet.

II. Ursel avait dj perdu par l'adresse de mon pre plusieurs places en diffrentes rencontres, et se trouvait press dans des lieux fort troits, avec des troupes fort nombreuses, lors qu'un Barbare nomm Toutac venu des extrmits d'Orient, parut la tte d'une formidable arme pour faire le dgt sur nos terres.

La disette o il tait l'obligea avoir recours l'alliance de ce Toutac, mais Alexis qui avait un esprit admirablement subtil pour trouver des expdients dans les conjonctures les plus embarrasses, et les plus fcheuses, fit tant auprs de ce Barbare par ses discours, par ses caresses, par ses prsents, et par toute sorte d'autres moyens, qu'il l'attira son parti. Voici comment il lui parla pour gagner son affection.

5. Votre Sultan, et l'Empereur sont amis, au lieu qu'Ursel est ennemi de l'un et de l'autre. Il est vrai que pendant qu'il court les Provinces de l'Empire, il ne touche pas la Perse, mais cela n'empche pas qu'il n'ait dessein de l'envahir. Il ne manquera pas de tourner ses armes contre vous, ds qu'il n'aura plus rien a apprhender de notre part. Si vous voulez vous saisir de lui, et me l'envoyer, vous en tirerez trois avantages. Le premier est que vous en recevrez en rcompense une telle somme d'argent, que jamais vous n'en avez vu de si grande. Le second que vous acquerrez les bonnes grces de l'Empereur, et en les acqurant vous monterez un haut point de puissance. Le troisime que vous rendrez un service fort agrable au Sultan, en le dlivrant d'un ennemi qui amasse des forces pour la ruine commune des deux nations.

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Chapitre II.

1. Ursel est trahi par Toutac. 2. Harangue d'Alexis aux habitants d'Amase. 2. Emotion des habitant. 4.. Seconde harangue Alexis. 5. Merveilleux stratagme. 6. Ruine du parti du tyran. 7. Conduite d'Alexis admire par Docan, et par toute la Cour.

1 APRES que mon pre General de l'arme Romaine eut parl de la sorte Toutac par la bouche de ses Ambassadeurs, et qu'il lui eut donn des personnes de condition en otage, pour assurance de l'argent qu'il lui promettait, les Barbares se saisirent d'Ursel, et le lui envoyrent Amase.

Cependant on ne voyait point le prix dont on tait convenu. Alexis n'avait point d'argent, et l'Empereur n'avait point soin d'en envoyer. Non seulement cet argent ne venait point pas compt, comme il est dit dans la Tragdie, mais il ne venait point du tout. Les Barbares pressaient le paiement, et demandaient ou le prix qui leur avait t promis, ou Ursel qu'ils avaient livr.

2.. Alexis aprs avoir dlibr durant toute la nuit sur ce qu'il avait faire, se rsolut d'emprunter des habitants d'Amase l'argent dont il avait besoin, et bien qu'il n'ignort pas combien il lui serait difficile de l'obtenir, il ne laissa pas d'assembler les plus riches, et de leur parler en ces termes.

Il n'y a personne parmi vous qui ne sache avec quelle cruaut ce Barbare a trait l'Armnie, et combien il y a ruin de villes, combien il y a pill de richesses, et combien il y a exerc de violences. Voici une heureuse occasion de vous dlivrer de tous ces outrages, et de vous venger de celui qui en est l'auteur, en ne permettant pas qu'il chappe des liens, o vous voyez que la Providence, seconde par mes soins l'a rduit. Toutac qui l'a arrt me demande la rcompense que je lui ai promise, et que je ne puis lui donner maintenant que je suis loigne de Constantinople, et que j'ai emploie aux frais de la guerre tout ce que j'avais. Si Toutac me voulait donner du temps, j'irais en diligence qurir ce qui lui est d, mais comme il ne le veut pas, il faut que vous avanciez s'il vous plat; cet argent, et l'empereur vous le rendra avec beaucoup de reconnaissance

3. Lors qu'Alexis eut parl de la sorte, sa demande fut rejete avec tumulte, et avec menaces. Il y avait des sclrats qui animaient tellement le peuple, que quelques-uns voulaient mettre Ursel en libert, et que ceux mmes qui n'taient pas de cet avis ne laissaient pas de faire beaucoup de bruit. Alexis bien loin de le laisser abattre dans cette furieuse motion, commanda de la main de faire silence, et ayant t obi il adressa sa parole au peuple, et leur dit.

4. Messieurs les habitants d'Amase, je ne saurais assez m'tonner de ce que vous ne dcouvrez pas l'artifice de ceux qui vous trompent, et qui ne cherchent qu' se sauver en vous ruinant. Que vous reviendrait-il de l'tablissement de la tyrannie d'Ursel, si ce n'est des yeux crevs des bras et des jambes rompues, des massacres et des meurtres ? Ces gens qui 'vous excitent la rvolte flattent maintenant le tyran pour s'exempter du pillage, et un jour ils demanderont des rcompenses l'Empereur, et tacheront de lui persuader qu'ils demeuraient fort attachs ses intrts pendant que vous les trahissiez. Ils remplirent Vrsel d'agrables esprances pour conserver leur bien, mais si sa fortune change ils chancelleront avec elle, et ils tcheront d'allumer la colre de Michel Ducas contre vous, et contre lui, c'est pourquoi vous renoncerez leur faction si vous me croyez et vous vous retirerez dans vos maisons, pour y considrer loisir, qui d'eux, ou de moi, vous donne le conseil le plus salutaire.

III. Quand ils eurent entendu ce discours ils changrent de sentiment, et s'en retournrent de mme, pour user de cette faon de parler si commune, que si la tablette o ils avaient crit leur premier avis ft tombe de leurs mains.

5. Le General qui savait quelle est la lgret, et l'inconstance du peuple, surtout quand il est pouss par des mchants, qui ne se plaisent que dans le trouble, et qui apprhendait que se soulevant durant la nuit ils ne rompissent la prison, et ne missent Ursel en libert, ce qu'il ne pouvait empcher par la force, il usa d'un artifice digne d'avoir t invent par Palamde. Il commanda l'excuteur de la justice d'entrer dans la prison, avec le fer dont il se sert pour crever les yeux, d'pouvanter Ursel par ses cris et par ses regards, de le jeter la renverse, et de faire en apparence tout ce qui pouvait donner sujet de croire qu'il avaient les yeux crevs. Voila un rcit fidle de l'Histoire de ce faux aveuglement, dont la fausse nouvelle s'tant rpandue l'heure mme parmi les habitants, et parmi les trangers, elle y trouva une crance gnrale. Ainsi ceux qui peu auparavant refusaient avec tant de fiert, et tant d'insolence d'accorder l'argent qu'on leur demandait, et qui menaaient de rompre la prison d'Ursel, se voyant privs par l'adresse de cet ingnieux stratagme, de l'effet de leurs pernicieux desseins, se fournirent aux volonts de mon pre, et apaisrent sa colre de peur d'encourir celle de Michel Ducas.

6. Ntre incomparable Gnral fit garder Ursel comme un lion, et commanda de lui laisser le bandeau sur les yeux, pour entretenir toujours la crance qu'il en avait perdu l'usage.

Non content d'avoir fait les belles actions que nous venons de voir, et au lieu de se reposer aprs avoir acquis tant de gloire,il reprit un grand nombre de villes, et de forts qui avaient suivi le parti du tyran. Il s'en retourna en fuite, Castamone, o s'tant un peu dlass avec son arme, il parut avoir fait un prodige semblable celui qu'Hercule avait fait auparavant en la personne d'Alceste femme d'Admte.

7. Docean neveu de l'Empereur Isc Comnne, et cousin d'Alexis, qui tait un des premiers de l'Empire par la grandeur de sa naissance, et par l'minence de sa dignit, ayant aperu sur le visage d'Ursel les tristes marques de l'aveuglement, et ayant vu qu'on le conduisait par la main ne pt s'empcher de jeter un profond soupir, et de blmer Alexis d'avoir perdu par sa cruaut un hros si digne d'tre conserv. Alexis se contenta pour lors de lui dire qu'il l'entretiendrait une autrefois des raisons qui l'avaient oblig en user de la sorte ; et peu de jours aprs l'ayant men dans un petit appartement, il dcouvrit devant lui le visage d'Ursel, et lui montra qu'il avait les yeux aussi beaux, et aussi bons que jamais. Docan doutait d'abord si ce qu'il voyait n'tait point un enchantement, ou un songe, mais enfin quand il fut revenu de son tonnement, et qu'il se fut assur de la vrit, il admira la prudence, et la douceur d'Alexis, et l'embrassant troitement il changea ses accusations en louanges. L'Empereur et toute la Cour tmoignrent tre dans le mme sentiment.

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Chapitre III.

1. Entreprises de Botaniate, et de Nicphore Bryenne sur l'Empire. 2. Eloge de ce dernier- 3. Alexis est choisi pour l'aller combattre en Occident. 4.. Mauvais tat des troupes Romaines.

1. ALEXIS fut envoy peu de temps aprs par Nicphore qui tait dj en possession de l'Empire, contre Nicphore Bryenne qui s'tait attribu lui-mme l'autorit souveraine, et qui remplissait tout l'Occident de confusion., et de dsordre. Il n'y avait pas longtemps que Michel Ducas avait t dpos, et qu'ayant t sacr vque, il avait chang sa couronne une mitre. Botaniate tait mont en sa place sur le trne, et ayant pous l'Impratrice Marie, comme nous le verrons dans la suite, s'tait rendu matre du gouvernement.

Nicphore Bryenne jouissait du Duch de Duras ds le rgne de Michel Ducas, et mditait ds lors des desseins de rvolte. Il n'est pas ncessaire que j'explique ici les motifs qui l'y portrent, ni les moyens qu'il y employa, puis que Nicphore Bryenne son petit- si ls et mon poux l'a rapport assez amplement, mais je ne puis me dispenser de rciter en peu de paroles comment il partit de Duras comme du sige de sa fortune, et comment ayant parcouru et rduit une partie de l'Occident, il fut arrt dans le progrs de ses victoires.

2. Il n'tait pas moins illustre par la grandeur de son courage, que par la noblesse de son extraction. L'avantage qu'il avait de surpasser presque tous les hommes par la hauteur de sa taille, par sa bonne mine, par la force extraordinaire de son corps, et par la sagesse admirable de son esprit, le rendait plus digne que nul autre de commander, il exerait un empire si absolu par son loquence, que ds la premire rencontre il persuadait tout ce qu'il voulait, et qu'il n'y avait personne qui ne le juget digne de l'Empire d'Orient et d'Occident. Les honneurs qu'il recevait dans toutes les villes, dont les habitants le conduisaient avec les acclamations d'un triomphe, donnaient de l'inquitude Botaniate, de la frayeur aux gens de guerre, et de l'motion toute forte de personnes.

3. Mon pre Alexis qui venait d'tre honor de la charge de Grand-Domestique, fut envoy contre lui avec le peu de troupes auxquelles taient rduites alors toutes les forces de l'Empire.

4. Comme les Turcs avaient tendu fort loin leurs conqutes, et qu'ils avaient fournis leur puissance tous les pays qui font entre le Pont-Euxin, et l'Hellespont, entre la mer Ege et la mer de Syrie, et entre les Golfes qui font au long de la Pamphylie, et de la Cilicie, et qui se dchargent dans la mer d'Egypte, la plus grande partie des troupes taient en garnison, les autres avaient suivi en Occident le parti de Bryenne, et il en restait fort peu pour la dfense de l'Empire :c'est pourquoi ceux qui gouvernaient l'Etat fous l'autorit de Botaniate, ne purent donner Alexis qu'un petit nombre d'immortels, qui ne savaient pas encore manier les armes, quelques Franais, et quelques autres soldats venus de Cme. Ils lui promirent outre cela un renfort de Turcs, et lui tmoignrent avoir beaucoup plus de confiance en la prudence de sa conduite, qu'en la force de son arme.

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Chapitre IV,

1. Campement des deux armes. 2. Parallle des deux Chefs, 3. Disposition des troupes. 4. L'arme d'Alexis est mise d'abord en droute. 5.. Elle se rallie et remporte l'avantage. 6. Retraite de Bryenne. 7. Sa prise. 8. Modration d'Alexis.

1. IL n'attendit pas que le secours des Turcs ft arriv, mais ds qu'il sut que les ennemis taient en campagne, il commanda ses gens de prendre les armes, et les mena en Thrace auprs du fleuve Almyre, o il ne fit ni foss ni rempart l'entour de son camp. Comme il savait que Bryenne tait dans le Champ de Cedocte, il voulut laisser un juste intervalle entre les deux armes, de peur d'en dcouvrir l'ingalit, et de faire voir qu'il n'opposait qu'une poigne de nouveaux soldats, une multitude exprimente et aguerrie. Il voulait comme drober la victoire, et non pas l'emporter force ouverte.

2. Avant que de faire paraitre en bataille ces deux excellents Gnraux, qui ne se cdaient ni en exprience ni en valeur, il est propos de les comparer ensemble, et de tirer de la comparaison, que nous en ferons un prjug du succs de la bataille. Ils taient tous deux galement bien faits, galement courageux, galement instruits dans la guerre, si bien que leur mrite paraissant comme dans un parfait quilibre, il ne reste qu' considrer de quel ct a inclin la fortune. Bryenne se fiait sa longue exprience, sa vigilance, et la bont de ses troupes. Alexis qui n'avait pas tous ces avantages mettait son esprance dans ses stratagmes, et dans ses ruses.

3. Les deux Chefs s'tant dj reconnus, Bryenne qui avait appris de ses espions qu'Alexis tait camp proche de Calaure, et qu'il commenait couper les passages, marcha le premier en cet ordre. Il avait donn Jean son frre le commandement de l'aile droite, compose de cinq mille Italiens, du reste des troupes qui avaient servi sous George Maniace, de quelques autres troupes de Thessalie, et des troupes allies qui n'taient pas les moins bonnes. Il avait donn Catacalon Tarcaniote le commandement de l'aile gauche, compose de trois mille hommes pesamment arms et tirs de Thrace, et de Thessalie. Il commandait lui-mme le corps d'arme compos de Macdoniens, et de Thraces, et de la fleur de ses troupes. Il paraissait comme un gant qui surpassait tous les autres de la hauteur d'une coude, et comme un Mars, qui ne donnait pas moins de frayeur que d'admiration. La plupart taient sur des chevaux de Thessalie, et avaient des casques, et des cuirasses, dont l'clat joint au bruit que faisait le choc des boucliers imprimait de la terreur. Outre tous ceux dont je viens de parler, et hors du corps d'anne, il y avait des Scythes arms la faon des Barbares, qui l'on avait donn ordre d'attaquer les ennemis par derrire, ds qu'ils entendraient leur trompette, et de tirer incessamment sur eux, pendant que toute l'arme les combattrait de front.

Pour ce qui est de mon pre, quand il eut considr l'assiette du lieu, il divisa son arme en deux, et en plaa une partie dans les vallons, et rangea l'autre en bataille dessein de l'opposer de front Bryenne. Il exhorta ensuite ses gens se bien acquitter de leur devoir, et surtout ceux qui taient en embuscade de fondre avec vigueur sur l'aile droite des ennemis. S'tant mis aprs cela la tte des immortels, et des Franais, il donna Catacalon la conduite des Turcs et des soldats venus de Cme, et le chargea de veiller sur la contenance des Scythes, et de s'opposer leurs desseins.

4. L'arme de Bryenne ne fut pas sitt aux vallons, que les ntres sortirent de leur embuscade au signal qui en fut donn, et fondant dessus avec un grand cri en taillrent en pices une partie, et contraignirent le reste de lcher le pied. Jean accourut au secours des siens avec sa valeur ordinaire, renversa du premier coup un soldat de la lgion immortelle, rompit toute la lgion, et lui fit prendre la fuite.

Mon pre se jeta au milieu des ennemis, et combattit toujours fort vaillamment, tuant tout ce qui se prsentait devant lui, jusques ce qu'il s'aperut que ses gens taient dfaits. Ayant rassembl six des plus courageux, il avait envie d'aller droit Bryenne dans la rsolution de le tuer, ou de mourir. Mais il fut dtourn de cette tmraire entreprise, par le sage conseil d'un soldat nomm Thodore, qui ds sa jeunesse avait toujours t son service.

5. S'tant donc un peu loign de l'arme ennemie, il ramassa quelques-uns de ses soldats, et retourna la charge. Pendant qu'il tait aux mains, les troupes venues de Cme furent vigoureusement attaques par les Scythes, qui selon leur mauvaise coutume corrompirent l'heure mme leur victoire par l'avidit du butin.

Ce fut en cette rencontre que mon pre qui s'tait engag bien avant dans la mle, ayant aperu un cuyer qui menait en main un des chevaux de Bryenne couvert d'une housse de pourpre et par de boucles d'or, et l'entour quelques officiers qui portaient ses armes comme on les porte aux Empereurs, se couvrit le visage de peur d'tre reconnu, et fondit dessus avec les six dont nous venons de parler. Il prit le cheval et les armes, et les montra son arme, faisant publier par un hraut que Bryenne tait tu. Ce stratagme lui servit plus qu'on ne saurait croire. Ce faux bruit rassembla ceux qui s'taient disperss, et redoubla l'assurance de ceux qui taient demeurs fermes. Ils s'tonnaient eux-mmes d'avoir pu se rallier en un moment, et de voir en dsordre les Scythes, qui peu auparavant les avaient pousss avec tant de vigueur le secours des Turcs tant arriv heureusement ces entrefaites, Alexis leur montra du haut d'une colline le mauvais ordre o se tenaient les ennemis, par la vaine confiance que leur avait donn le premier succs de leurs armes. Ce renfort consola un peu les ntres de la perte des Franais, qui ds la premire droute dont j'ai parl taient passs les uns aprs les autres du ct de Bryenne, et tant descendus de cheval lui avaient touch la main pour lui donner leur foi, et pour recevoir la sienne, selon la coutume de leur nation. Ils attendaient donc ainsi l'vnement du combat.

Ceux qui taient avec mon pre voyant d'un ct le dsordre o taient les ennemis, et de l'autre le renfort des Turcs qui venaient d'arriver, se partagrent en trois bandes, dont deux se mirent en embuscade, et l'autre marcha vers les ennemis. Les Turcs au lieu de serrer leurs rangs, se divisrent en plusieurs troupes, et combattirent diffrentes reprises, jetant une quantit incroyable de flches.

Mon pre tait derrire eux le tte des siens. Un soldat de la lgion immortelle s'avana avec une tmrit inoue, et poussant son cheval toute bride contre Bryenne, lui porta un coup de lance dans l'estomac, mais cet excellent gnral ayant tir firement son pe, coupa la lance avant qu'elle et perc sa cuirasse, et abattit le bras du soldat. Bien que les ennemis fussent couverts d'une nue de flches, ils ne laissaient pas de garder leurs rangs, et de s'exhorter mutuellement bien faire leur devoir.

Les Turcs ne les pouvant vaincre par la force, eurent recours la ruse, et firent semblant de reculer, jusqu' ce que les ayant attirs dans une embuscade, ils donnrent le signal de les attaquer de divers cts.

Enfin ne pouvant supporter un nombre innombrable de traits, dont ils taient accabls, et n'ayant presque plus ni d'homme, ni de cheval qui ne ft bless, ils se rsolurent de prendre la fuite.

6. Bryenne tout accabl qu'il tait de travail, et de lassitude, fit paratre une incomparable vigueur. Il frappait incessamment sur tout ce qui se prsentait devant lui, et faisait la plus gnreuse et la plus honorable retraite qu'on et su voir. Il fut second par son frre, et par son fils, qui donnrent tous deux des preuves d'une vertu hroque, et digne de l'admiration, et des louanges de leurs propres ennemis.

Comme son cheval tait si fatigu, qu'il ne pouvait, ni combattre, ni fuir il en descendit, et le tenant par la bride dfia deux Turcs qui le poursuivaient. Un des deux lui ayant port un coup qui ne le blessa que lgrement il lui coupa la main. L'autre sauta de son cheval sur celui de Bryenne qui tcha aussitt de monter derrire, mais il se remuait avec une agilit si surprenante qu'il n'en put venir bout, ni mme le blesser de son pe.

7. Enfin tant las de frapper inutilement il se lana au milieu des ennemis qui le prirent comme une riche conqute. Mon pre Alexis tait proche o il ralliait ses gens, lorsqu'il reut cette agrable nouvelle. Un peu aprs on lui amena cet illustre prisonnier qui ne lui parut pas moins formidable dans les liens, qu'il lui avait paru sous les armes.

8. Il l'envoya Botaniate sans lui avoir fait crever les yeux.

Car il tait trs loign d'user d'aucune cruaut envers des prisonniers qui la perte de la libert est une peine assez terrible. Et il les traitait toujours avec toute forte de bont, et de douceur. Quand ils eurent march ensemble pendant un temps considrable, et qu'ils furent arrivs un lieu nomm ****. Il lui demanda pour soulager sa douleur, et pour relever son esprance s'il n'avait pas agrable de descendre de cheval, et de prendre un peu de repos. Bien que Bryenne ne songet qu'au danger o il tait de perdre la vie, et qu'il n'et aucune envie de dormir, nanmoins comme les sujets suivent aisment les ordres des Souverains, et que les vaincus dfrent encore plus aisment aux volonts des vainqueurs,

ils descendirent de cheval. Alexis se coucha sur l'herbe, et s'endormit, Bryenne se mit sous un chne d'o, bien loin de fermer les yeux il regarda sans cesse de ct, et d'autre comme s'il y et eu des pes attaches au haut des branches, et lorsqu'il vit qu'il n'y avait personne autour de mon pre, il mdita de le tuer, et et excut ce dtestable dessein s'il n'en et t retenu par un mouvement secret de la puissance divine, qui comme je lui ai ou depuis raconter, tempra la frocit de son humeur. Il est ais de juger par cette circonstance que la conservation de mon pre fut un effet visible de la protection du Ciel, qui le destinait ds lors l'Empire. Que si Bryenne fut depuis trait avec beaucoup d'inhumanit, cela procda de la violence de certains conseils auxquels mon pre n'eut point de part. Voila quel fut le succs de cette expdition.

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Chapitre V.

1. Alexis met Bryenne entre les mains de Borile et reoit ordre d'aller combattre Basilace. 2. Portrait de Basilace. 3. Alexis se campe proche d'un grand fleuve. 4.. Il abandonne son camp par ruse. 5. Il charge Basilace durant la nuit.

1. COMME le grand Domestique Alexis n'tait pas n pour vivre dans l'oisivet, mais qu'il tait destin une suite continuelle d'actions clatantes, il n'eut pas plutt remport cette victoire qu'en s'en retournant il rencontra Borile favori de Botaniate, qui il remit Bryenne entre les mains, et de qui il ret l'ordre d'aller combattre Balieace qui avait eu l'insolence de mettre le diadme sur sa tte, et d'exciter en Occident des troubles aussi dangereux que ceux de Bryenne.

2. Il faut avouer que Basilace tait admirable pour sa force, pour sa hardiesse, pour son courage, et pour sa valeur. Comme il brlait d'un violent dsir de rgner, il s'attribua d'abord des honneurs extraordinaires, et bientt aprs en usurpa de souverains. Aprs la prise de Bryenne il prtendit recueillir le dbris de sa fortune comme s'il et t son hritier.

Etant donc parti de Duras capitale d'Illyrie il s'avana jusqu' Thessalonique, ravageant le pays, et se faisant reconnatre pour Empereur. Car comme le commun des paysans, et des soldats n'ont pas des yeux assez pntrants pour dcouvrir la vritable vertu, et qu'ils ne considrent pour l'ordinaire que des avantages extrieurs qui frappent les sens, ils admiraient la hauteur de sa taille, la constitution robuste de son corps, son intrpidit en toutes ses actions, et par l le jugeaient digne de l'Empire. Ce n'est pas qu'il n'et d'autres qualits intrieures, de l'lvation, et de la fermet. Il avait de plus un air plein de majest, une voix semblable un tonnerre, et capable d'branler une arme, d'y inspirer de la vigueur, et d'en arrter la fougue. Ces avantages taient soutenus de quantit de bonnes troupes, avec lesquelles il s'empara, comme nous avons dit, de la capitale de Thessalie.

3. Mon pre ayant le combattre comme le grand Typhon, ou comme un gant cent mains, y employa toute l'adresse de son esprit, et toute la force de son courage, bien qu'il ft encore couvert de la poussire du dernier combat, et que ses armes parussent encore teintes du sang des vaincus, ;il courut comme un lion sur ce nouvel ennemi, En passant il s'assura du fleuve Vardare, qui tirant la source des montagnes de Mysie coule le long de divers pays, coupe les terres d'autour de Thessalonique, et de Bre et se dcharge dans notre mer. La plupart des grands fleuves emportent quelque chose de leurs bords, et aprs avoir rempli leur lit de limon ils l'abandonnent quelquefois pour couler dans un autre o ils trouvent plus de pente. Alexis ayant considr un espace vide entre le canal o coulait autrefois ce fleuve, et celui o il coule maintenant y plaa son arme comme entre deux fosss que la nature avait creuss trois stades des ennemis.

4. Il commanda ses gens de reposer durant le jour, afin de pouvoir veiller durant la nuit parce qu'il se doutait que les ennemis l'attaqueraient sur le soir. Il ne se contenta pas de prvoir leur arrive, il la prvint par une sage prcaution en retirant la cavalerie, et l'infanterie hors du camp, et en faisant allumer des flambeaux dans sa tente, o il avait laiss son quipage sous la garde du moine Joannice son intime ami.

5. Il se plaa ensuite avec son arme dans une juste distance pour attendre ce qui arriverait, et pour voir si les ennemis n'iraient point attaquer son camp, dans l'esprance de l'y surprendre.

VIII. Sa conjecture ne le trompa pas, car Basilace courut bientt aprs vers le camp la tte de dix mille hommes, tant de pied que de cheval, et entra avec prcipitation dans la tente du Gnral o. il y avait plus de flambeaux que dans les autres, criant haute voix o est le Bgue, c'est ainsi qu'il appelait mon pre par injure, parce qu'il avait un peu de peine prononcer l'r, quoi que d'ailleurs il et une merveilleuse facilit de parler. Comme il renversait les meubles, les chaises, les tables, et le lit mme pour voir si mon pre n'y tait point cach, car pour me servir de la pense d'Aristophane, il et fouill s'il et pu jusqu'au centre de la terre ; il aperut le moine Joannice, et lui demanda o tait Alexis? Joannice l'ayant assur plusieurs fois qu'il y avait longtemps qu'il tait sorti, il reconnut qu'il le cherchait inutilement, et s'cria, mes compagnons l'ennemi est dehors, nous sommes tromps.

A peine eut- il achev cette parole, qu'il sortit, et qu'il rencontra mon pre la tte d'un petit nombre des siens. Il y avait dans l'arme de Basilace un homme de commandement qui rangeait ses gens en bataille, pendant que les autres taient acharns au butin. La grandeur de sa taille, et la beaut de ses armes ayant fait croire mon pre que c'tait le tyran, il lui abattit la main d'un coup d'pe, chargea rudement la phalange qu'il disposait, en pera les uns avec des flches, les autres avec sa lance, et mit le reste en droute.

Il conserva une merveilleuse tranquillit d'esprit au milieu de cette horrible confusion, et discernant toujours les siens d'avec les ennemis, il animait les uns, et chargeait les autres. Un cappadocien fort robuste, et fort hardi nomm Gulez donna un grand coup sur le casque de Bafilace. Mais il lui arriva la mme choie qui tait autrefois arrive Menelas en se battant contre Pris. C'est que son pe se rompit en plusieurs pices, tellement qu'ilne lui en demeura que la poigne. Mon pre l'ayant aperu en cet tat, lui reprocha sa lchet, mais il se justifia en lui montrant la garde qu'il avait toujours retenue dans sa main.

Un autre soldat n de Macdoine, nomm Pierre, et surnomm Tornice se lana au milieu des ennemis, et en tua un grand nombre la faveur des tnbres qui les empchaient de se reconnatre. Le grand Domestique fondait quelquefois sur la phalange des ennemis pour achever de la rompre, et quelquefois revenait rallier les siens, et les exhorter le suivre.

Un Franais des plus courageux, et des plus emports dans la chaleur du combat ayant aperu mon pre qui sortait du milieu des ennemis avec son pe encore toute fumante de leur sang, crut qu'il tait de leur parti, et lui porta un si furieux coup de sa lance qu'il en ft tomb la renverse s'il n'eut t extrmement ferme sur son cheval. Mon pre l'appelant par son nom le menaa de lui couper la tte, nanmoins l'obscurit de la nuit, et la confusion de la mle lui firent obtenir son pardon. Voila en peu de paroles un fidle rcit de ce qui se passa durant cette nuit.

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Chapitre VI.

1. Les deux Chefs rassemblent leurs troupes. 2. Belle action d'un nomm Basile. 3.. Retraite de Basilace. 4. Son opinitret refuser la composition. 5 Sa prise. 6. Sa punition.

1. DES que le jour parut, et que le soleil se fit voir sur l'horizon, les officiers de l'arme de Basilace se htrent de rassembler leurs gens qui s'amusaient au pillage. Le grand Domestique prpara aussi de son ct les siens au combat. Quelques-uns de ces derniers ayant dcouvert de loin un parti des ennemis, fondirent dessus, en turent quelques-uns, et prirent les autres.

2. Manuel frre de Basilace tant mont sur une hauteur, et criant haute voix pour encourager son parti; Voici le jour de la victoire de Baslace, un certain Basile surnomm Curtrice qui avait t autrefois fort connu, et fort chri de Nicphore Bryenne se dtacha de l'arme d'Alexis pour monter sur la mme hauteur. Manuel ne l'eut pas sitt aperu qu'il tira son pe, et courut sur lui toute bride. Basile au lieu de tirer son pe se contenta de prendre un bton qui tait attach la selle de son cheval, duquel il porta un si grand coup la tte de Manuel, qu'il le renversa par terre, et le trana ensuite vers le grand Domestique comme il aurait tran une pice de bagage.

3. Ce qui restait de troupes Basilace prirent la fuite aprs une lgre escarmouche, et Basilace la prit le premier. Mon pre poursuivit vivement les fuyards, mais ils furent assez heureux pour se sauver Thessalonique, et pour en faire fermer les portes aussitt qu'ils y furent, entrs.

4. Le grand Domestique bien loin de perdre courage pour cette disgrce, ou de mettre bas les armes, menaa les habitants de Thessalonique de les assiger, et de les abandonner, au pillage. Nanmoins comme il dsirait de conserver Basilace il lui envoya faire des propositions d'accommodement par Joannice ce moine si clbre, et si recommandable pour sa vertu. Il rejeta ses propositions, mais les habitants qui apprhendaient le pillage ouvrirent leurs portes. Le tyran courut l'heure mme la citadelle dans la rsolution de s'y bien dfendre, et le changement de sa fortune, ni l'extrmit de son malheur ne diminuant rien de la fiert de son courage, il mprisa opinitrement les conditions que l'on continuait de lui offrir.

5.. Mais les habitants, et les soldats le tirrent par force de la citadelle, et le livrrent Alexis qui dpcha l'heure mme un courrier vers l'Empereur pour lui porter la nouvelle de cette prise.

Ayant ensuite sjourn Thessalonique autant de temps qu'il en fallait pour pourvoir aux ncessits prenantes, il en partit pour se rendre Constantinople.

6. Quelques personnes envoyes par Botaniate le rencontrrent entre Philippe et Amphipole, et ayant tir Basilace de ses mains remmenrent un lieu nomm Champine, o ils lui crevrent les yeux prs d'une fontaine, qui depuis a toujours t appele la fontaine de Basilace.

Ce fut l troisime combat par lequel mon pre se signala comme un autre hercule avant que de parvenir l'Empire. Il peut tre appel juste titre l'hercule de notre sicle, et Basilace peut tre compar avec raison ce furieux sanglier qui ravageait la montagne d'Erimante. En rcompense de ces gnreux exploits il eut l'honneur d'tre proclam Csar en plein Snat.

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Chapitre VII.

1. Maux de l'Etat semblables aux maladies au corps. 2. Dtestation de l'imprudence de Michel Ducas. 3.. Premier progrs de la fortune de Robert. 4. Son mariage, 5. Sa perfidie, et sa cruaut envers son beau-pre. 6. Commencement de ses conqutes.

1. LES maux de l'Etat procdent de plus d'une source aussi bien que les maladies du corps. Si ces fcheux accidents qui altrent notre sant viennent tantt d'une cause trangre comme de l'air qui nous environne, et tantt d'une cause domestique, comme du feu qui s'allume dans nos veines, ou des humeurs qui y coulent, les funestes dsordres qui ont troubl en nos jours la tranquillit publique ont t excits tantt par la perfidie d'Ursel, de Basilace, et des autres pestes qui se sont armes contre leur patrie, et tantt par la fureur de ce fameux tyran que notre mauvaise fortune attir dans nos provinces.

2. C'est ainsi que je parle de Robert que la Normandie a produit, et que les vices ont lev. La guerre si cruelle qu'il nous fit fut un fruit de l'extravagante alliance que nous avions contracte avec les Barbares, et un effet de l'imprudence de l'Empereur Michel qui tait de la famille des Ducas, de laquelle je fuis aussi descendue du ct de l'Impratrice Irne ma mre. Que personne ne trouve trange ma libert, car la profession que je fais de dire la vrit me met au dessus de toutes les plaintes. L'Empereur Michel ayant mari son fils Constantin la fille de ce Barbare, la guerre naquit de leur mariage. Je parlerai dans la suite de cet ouvrage des qualits de ce Constantin, des conditions de son mariage. Je dcrirai sa taille, son visage, et son humeur, lorsqu'aprs avoir racont la dfaite des Barbares, et la ruine de leur puissance en Orient, je dplorerai mes propres malheurs.

Maintenant reprenant les choses de plus haut je reprsenterai la naissance, et la fortune de Robert, et je remarquerai une longue suite de divers vnements qui l'ont lev comme par degrs un haut point de grandeur, ou pour parler plus chrtiennement, j'admirerai les impntrables desseins de la divine providence qui a souffert ce prodigieux accroissement de ses crimes.

3. Il tait d'une maison obscure de Normandie, mais il avait l'me leve, l'humeur ambitieuse, le courage intrpide, un dsir incroyable de possder les richesses, et les dignits, une confiance infatigable dans la poursuite de ses desseins. Il tait d'une taille si avantageuse qu'il surpassait de beaucoup les plus grands, il avait le visage rouge, les cheveux blonds, les yeux vifs, et tincelants comme du feu, les paules larges, et une si juste proportion en toutes les parties de son corps, que celles qui devaient avoir plus de force que les autres, avaient aussi plus de grosseur, et que celles qui devaient tre plus dcharges, l'taient avec une beaut non pareille. Voila le portrait que ceux qui l'ont vu m'en ont fait. Homre parlant du ton de la voix d'Achille, dit qu'il l'avait si forte que ceux qui l'entendaient s'imaginaient entendre le bruit d'une multitude entire, mais celui-ci l'avait si tonnante, qu'elle tait capable de mettre une arme en droute. Il ne faut pas s'tonner qu'tant tel que je viens de dire il ne ft gures dispos obir, puisque c'est l'ordinaire des grandes mes, lors mme qu'elles ne sont que dans une fortune mdiocre d'affecter de commander.

XI. Ne pouvant donc vivre dans la dpendance il partit de Normandie avec cinq hommes de cheval, et trente de pied, et tant venu dans les montagnes de Lombardie il y exera des brigandages. Voila quels furent les premiers essais de ses armes, qui ne furent pas exempts de sang, ni de meurtres.

4. Ayant demeur longtemps en Lombardie le bruit de son nom vint aux oreilles de Guillaume Mascable qui commandant aux environs, et y possdant des biens trs considrables dsira par la plus grande de toutes les indiscrtions de lui donner sa fille en mariage. Se tenant heureux de contracter cette alliance, et ne pouvant se laisser d'admirer la bonne mine, et le courage de son gendre, il lui abandonna une ville pour la dot de sa fille, outre un grand nombre de riches prsents. Mais il n'en ret pas le fruit qu'il en attendait.

5. Robert anim de jalousie contre lui forma bientt la rsolution de le perdre. Il la dissimula toutefois jusques ce qu'ayant doubl le nombre de sa cavalerie, et tripl le nombre de son infanterie il la dclara ouvertement, et chercha sans cesse des sujets de contestations, et de diffrents.

Nanmoins, comme il tait beaucoup infrieur Mascable en puissance, il n'osa prendre les armes contre lui, mais il eut recours l'artifice, et lui demanda une confrence pour convenir des conditions de la paix. Mascable qui aimait tendrement sa fille accepta la proposition avec joie, et lui dfera le choix du lieu de l'entrevue. Il y avait deux collines de mme hauteur .vis vis l'une de l'autre, qui n'taient spares que d'un vallon marcageux, o Robert mit quatre hommes fort robustes, et fort bien arms, qui il commanda d'y demeurer jusqu' ce qu'ils accourussent son secours lorsqu'ils le verraient aux mains avec son beau-pre. Il ne mit personne sur la colline qu'il avait destine la confrence, mais il mit sur l'autre quinze cavaliers, et cinquante-six hommes de pies sans leur dcouvrir son dessein. Il y en eut seulement un qui il commanda de courir lui au mme temps que les quatre autres qui taient en embuscade, et de lui apporter ses armes. Mascable arriva l'heure qui lui avait t marque, et du moment qu'il aperut Robert, il s'avana vers lui, et le salua avec de grands tmoignages d'amiti. Ils commencrent leur confrence sur la pente de la colline, o aprs que Robert eut consum beaucoup de temps en quelques discours, il demanda Mascable s'il n'avait pas agrable de descendre de cheval, et de s'asseoir sur l'herbe afin qu'ils pussent s'entretenir avec plus de commodit, et plus de loisir. Mascable qui ne se dfiait de rien s'y accorda volontiers, si bien qu'tant tous deux descendus ils continurent la conversation, dans laquelle Robert lui fit de grandes protestations de fidlit, et de services. Les gens de Mascable tant fatigus d'avoir support la chaleur du jour fans boire, et sans manger, voyant qu'ils s'engageaient dans une longue confrence, se mirent l'ombre, et quelques-uns mme s'en retournrent. Alors ce perfide changea ses civilits en outrages, et se jeta avec fureur sur son beau-pre. Quand les quatre hommes qu'il avait mis en embuscade virent qu'ils taient aux prises, et: qu'ils se roulaient sur la pente de la colline ils accoururent, lirent Mascable, et le tranrent vers l'autre colline d'o les soldats de Robert descendirent en mme temps pour favoriser sa trahison. Les gardes de Mascable s'tant mis en devoir de poursuivre ceux qui l'emmenaient, Robert qui cependant tait mont cheval, et avait pris ses armes en tua un d'un coup de lance, et pouvanta tellement les autres qu'ils prirent lchement la fuite. Ainsi cet infortun Mascable fut emmen prisonnier dans le mme fort qu'il avait donn son gendre en faveur de mariage. Achevons l'histoire de ses malheurs. Quand Robert l'eut en sa puissance il lui arracha toutes les dents l'une aprs l'autre, et chacune qu'il lui arrachait, il lui demandait o il avait cach son argent? Lorsqu'il eut l'argent, et les dents, il lui creva les yeux.

XII. 6. S'tant ainsi rendu matre de tous les biens de son beau-pre il rduisit de jour en jour de nouvelles places son obissance, et se fit Duc de Lombardie. Il ne pt s'lever de la sorte sans exciter la jalousie, mais il apaisa les grands par des caresses, et les petits par des prsents, et employa mme les armes quand il fut ncessaire pour se maintenir.

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Chapitre VIII.

1. Prtentions de Robert l'Empire. 2. Digression touchant Constantin. 3. Premier bruit qui courut touchant le faux Empereur Michel. 4.. Second bruit.

1. LA possession de la Lombardie n'tant pas suffisante pour contenter son ambition, il la porta jusques au trne de Constantinople, auquel il prtendait que le mariage de sa fille avec Constantin lui donnait quelque sorte de droit.

2. Le nom de ce Constantin me donne de l'motion, et jette le trouble dans mon esprit; Quoique ce ne soit pas ici le lieu de parler de lui, je ne puis m'empcher de dire, que c'tait le plus parfait modle de beaut que la nature ait jamais form, ou plutt que c'tait le plus excellent chef-d'uvre qui ft jamais sorti des mains de Dieu. Il n'y a personne qui le voyant ne s'imagint voir un homme de cet ge d'or, et de cette race hroque dont les potes nous ont cont tant de fables. Pour moi, j'avoue que sa bonne mine m'a autrefois si fort ravie en admiration, qu'aprs une si longue suite d'annes je ne saurais m'en souvenir sans verser des larmes. Il faut cependant que je les retienne, et que je les rserve pour un autre temps, de peur de troubler l'ordre d'une Histoire publique par des plaintes particulires. Il tait un peu plus g que moi, et je n'tais pas encore ne lors qu'il fut accord avec Hlne fille de Robert. Il n'y eut que des articles signs cause de sa grande jeunesse, mais le projet fut entirement rompu par l'avnement de Botaniate l'Empire.

3. Pour retourner au sujet d'o je m'tais un peu loigne, Robert s'tant lev d'une basse naissance une haute fortune, n'aspirait rien moins qu' la souveraine puissance, et ne cherchait plus qu'un prtexte spcieux de nous dclarer la guerre. Il en trouva un dont on parle en deux manires diffrentes. La premire qui est plus gnralement reue, et qui est venue jusqu' moi, est qu'un certain moine nomm Rector ayant pris le nom de l'Empereur Michel, se rfugia chez lui pour implorer sa protection, et pour le supplier comme son alli, et: comme le beau-pre de son fils de l'assister dans sa disgrce. Michel qui avait succd Diogne n'avait pas joui longtemps de l'Empire, ayant t dpos par la rvolte de Botaniate, et contraint d'abord d'tre moine, et puis d'tre vque, la persuasion de Jean Csar son oncle, qui apprhendait qu'on ne lui fit d'autres traitements plus fcheux. Rector, comme le plus impudent imposteur qui fut jamais, vint se plaindre Robert de l'injustice qu'on lui avait faite, et de la violence avec laquelle on l'avait arrach de son trne, et dpouill de ses ornements Impriaux, pour l'enfermer dans un clotre, et pour le couvrir d'un habit de moine. Il lui remontra l'intrt sensible qu'il avait de venger ces injures, puis qu'elles le touchaient en la personne de sa fille, qui demeurait prive de l'esprance de son mariage par l'enlvement de l'Impratrice Marie, et de Constantin; Voila ce que j'ai entendu dire, et je ne trouve pas trange que des hommes obscurs comme celui-l, aient quelquefois pris le nom des plus illustres.

4. On rapporte la chose d'une autre manire, qui me parat plus vraisemblable. On dit qu'il n'y a jamais eu de moine qui ait pris le nom de l'Empereur Michel, mais que Robert comme le tyran le plus inquiet, et le plus entreprenant qui ft jamais, brlant d'envie de nous dclarer la guerre, et s'y prparant avec tous les soins imaginables, bien qu'il en ft continuellement dtourn par Gate sa femme, et par les principaux de ses amis, qui ne perdaient point d'occasion de lui reprsenter l'injustice qu'il y avait de prendre les armes pour rpandre le sang chrtien, usa de cet artifice d'envoyer Crotone certaines personnes qui il avait confi son secret, et de leur commander de lier amiti avec quelque moine, qui et intention d'aller Rome des Saints Aptres. Quand ils eurent trouv ce Rector, ils crivirent Robert un billet en ces termes qu'il leur avait prescrit lui-mme. Michel votre alli tant chass de ses tats, part pour aller implorer votre secours.

Robert montra ce billet sa femme, et aux premiers de son parti. Quand ils lui eurent dclar qu'ils taient d'avis de prendre la protection de ce prince afflig, il le fit venir devant eux. Le moine joua fort bien son personnage, et leur expliqua d'un air fort touchant comment il avait t chass de son trne, priv de sa femme, et de ses enfants, et dpouill de sa dignit. Robert ne manquait pas de dire que leur alliance l'obligeait de faire tout son possible pour le rtablir dans ses Etats, et lui donnant la premire place comme s'il et t le vritable Empereur, faisait avec lui des dialogues, o ce Prince suppos le consolait des injures qu'il avait souffertes en la personne de sa fille, et lui tmoignait qu'il n'y avait que l'apprhension d'augmenter sa douleur, qui l'empcht de l'entretenir plus longtemps du triste et ennuyeux rcit de ses disgrces. Quelquefois il excitait la guerre les officiers, et les gens de commandement, en les assurant qu'ils trouveraient chez les Romains des trsors immenses.

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Chapitre IX.

1. Robert marie deux de ses filles. 2. Diffrent entre l'Empereur Henri quatrime, et le Pape Grgoire septime. 3. Trait entre Robert et le Pape. 4. Bataille entre les armes du Pape et de l' Empereur. 4. Robert s'excuse de les assister et crit au Pape pour cet effet. 6. Il use de grandes violences en Lombardie. 7. Il donne nanmoins ordre Roger son fils d'assister le Pape. 8. Comparaison entre Robert et Bobmond son fils.

1. ROBERT ayant surpris par cet artifice toutes sortes de personnes, les grands et les petits, les riches et les pauvres, partit de Lombardie, ou plutt enleva la Lombardie avec lui, et alla Salerne capitale de Melphes, o. il fit les prparatifs ncessaires pour la guerre, et clbra les noces de deux de ses filles. L'ane tait malheureuse Constantinople, cause de l'extrme aversion que Constantin avait pour elle. La seconde fut marie Raimond fils du comte de Barcelone, et la dernire Eubule qui tait un autre comte fort riche, et fort puissant.

2. Si ces deux alliances contriburent notablement relever la fortune, et la gloire de Robert, l'tat des affaires des autres Princes favorisa l'tablissement de sa tyrannie. Le Pape qui possde un grand domaine, et de nombreuses armes, voyant que sa rputation, et ses forces croissaient de jour en jour, dsira l'attirer dans son parti. Il avait alors un fcheux diffrent avec Henri Roi d'Allemagne, qu'il accusait de tirer de l'argent des bnfices, au lieu de les donner gratuitement, et par qui il tait accus d'avoir usurp le Saint Sige, et menac d'en tre chass, moins qu'il ne s'en retirt de lui-mme. Ces menaces mirent le Pape dans une si furieuse colre, qu'il fit fustiger les ambassadeurs du Roi, leur fit couper la barbe et les cheveux, et leur fit d'autres outrages que la pudeur ne permet pas une personne de mon sexe, et de ma dignit de rapporter, et qui sont si indignes non seulement d'un vque, mais d'un chrtien, que je n'y puis penser sans horreur, et sans crainte de souiller ma plume, et mon papier par le rcit que j'en pourrais faire. Que si j'en parle comme en passant, ce n'est que pour faire remarquer jusqu'a quel excs de barbarie, et de cruaut leur malice peut monter. Ce qui est plus surprenant, est que c'est un vque qui a commis ces inhumanits monstrueuses et inoues, et un vque qui selon l'insolente prtention des Latins, se dit le Souverain, et l'Universel Pontife de toute la terre. Lorsque la majest de l'Empire, et la dignit du Snat furent transfres Constantinople, les Empereurs accordrent au Patriarche la prsance sur tous les autres vques, et depuis le Concile de Calcdoine lui a fournis toutes les Eglises du monde.

3. Il semble que le Pape ait eu dessein par ce nouveau genre d'injure, non seulement de fltrir les ambassadeurs, mais de dshonorer leur matre, et de l'abaisser au dessous de la condition des hommes, en s'levant lui-mme comme un demi-Dieu. Enfin, il est certain que cette cruaut sans exemple lui attira une guerre trs fcheuse, dans laquelle jugeant bien qu'il ne pouvait rsister Henri et Robert, s'ils joignaient une fois leurs forces, il se rsolut de les dsunir en s'alliant avec le dernier, quoi qu'avant ce temps l, il n'et jamais eu aucune inclination pour lui. Ayant donc appris qu'il tait Salerne il vint Bnvent, d'o ils commencrent traiter par le ministre de leurs ambassadeurs, et depuis ils confrrent eux-mmes en personne. Leurs deux armes s'tant arrtes ils s'avancrent au milieu, se donnrent leur parole, et la confirmrent par des serments. Le Pape promit Robert de le faire Roi d'Allemagne, et de lui donner du secours contre les Romains, lorsqu'il en aurait besoin ; et Robert promit au Pape de le servir partout o il lui plairait. Mais ils ne faisaient tous deux ces promesses que par la ncessit de leurs affaires, sans avoir intention de les accomplir. Le Pape ne suivait en cela que les mouvements de la haine qu'il portait Henri, contre lequel il et bien voulu employer les forces de Robert, et Robert ne suivait que les mouvements de la jalousie dont il tait anim, comme un sanglier contre les Romains. Il s'en retourna Salerne, et cet excrable Pape, car je ne le puis nommer autrement, quand je pense la cruaut dont il usa envers les ambassadeurs, ce Pape dis-je, qui devait tre disciple du Dieu de la paix, s'en alla avec l'Evangile de la paix animer les nations la guerre. Comme il tait toujours prt distribuer des Royaumes, et sacrer des Rois contre la dfense expresse de Saint Paul, qui dit, n'imposez lgrement les mains personne, il attacha le Diadme sur la tte du Duc de Lombardie, et donna la Couronne aux Saxons.

4. Quand le Roi et le Pape eurent rang leurs armes, et que les trompettes eurent sonn, il se donna avec les lances, et avec les flches un combat si furieux, qu'en peu de temps la campagne fut inonde de sang, et que ceux qui restrent n'en furent pas moins couverts que de sueur et de boue. Ceux qui tombrent terre en furent noys, et on assure que plus de trente mille hommes prirent en cette rencontre. Tant que Rodolphe Duc de Saxe demeura dans le combat, la victoire fut douteuse, et la perte parut gale de ct et d'autre. Mais depuis qu'il eut eut t bless mort, la phalange du Pape tourna le dos, et fut fort incommode par le Roi. Il ne permit pas nanmoins de poursuivre les fuyards, mais il commanda ses troupes de reprendre leurs forces, et aprs cela il les mena vers Rome dessein d'y mettre le sige.

5. Le Pape pouvant par l'image d'un si grand danger, envoya demander Robert le secours qu'il lui avait promis, le Roi lui en demanda pareillement. Mais il se moqua de l'un et de l'autre. Il rpondit de bouche aux ambassadeurs du Roi, et pour le Pape il lui crivit la lettre qui fuit.

ROBERT, DUC PAR LA GRACE DE DIEU, au Souverain Pontife son Seigneur.

JE n'ai pu ajouter foi entire a ce que j'ai ou dire de l'insolence de vos ennemis, parce que je suis persuad qu'il faudrait avoir perdu l'esprit pour prendre les armes contre le Pre des Chrtiens : Je suis engag dans une guerre trs difficile contre les Romains, qui ont autrefois rempli les terres, et les mers de leurs trophes. Je ne laisse pas de conserver au fond de mon cur toute la fidlit que je vous dois, et d'avoir dessein de vous en donner des preuves dans les occasions.

Voila comment il se dfit des ambassadeurs du Roi, et du Pape, et comment il luda la demande des uns par une lettre, et celle des autres par des paroles.

6. Il ne faut pas oublier de rapporter ce qu'il fit en Lombardie, avant que d'aller Aulone avec son arme. S'il faisait paratre dans les autres occasions un naturel injuste et tyrannique, il imita en celle-ci la fureur et la cruaut d'Hrode. Ne se contentant pas de ses vieilles troupes, il en leva de nouvelles, et enrla indiffremment toute forte de personnes, sans pargner, ni les vieillards qui n'taient plus capables de porter les armes, ni les enfants qui ne l'taient pas encore. C'tait un pitoyable spectacle de voir entraner ces faibles, et misrables cratures, qui tant toutes courbes sous le poids des cuirasses et des boucliers, tombaient chaque pas qu'elles voulaient faire. La rigueur de ce traitement excita les plaintes de tout le pays. Les femmes pleuraient l'absence de leurs maris qu'on leur avait enlevs, bien qu'ils fussent vtrans, les autres celle de leur fils, qui avaient t arrachs de leur sein dans leur plus tendre jeunesse, les autres de leurs frres qui n'avaient jamais mani les armes. Robert galait, ou surpassait en ce point la cruaut d'Hrode, puisqu'au lieu que celui-ci n'avait autrefois dcharg sa rage que sur les enfants, l'autre fit ressentir la sienne aux enfants et aux vieillards. Les cris et les gmissements ne le touchrent point, et ne l'empchrent point de faire la revue de ces nouvelles leves. Voila ce qu'il fit Salerne avant que d'aller Otrante, o il avait donn ordre ses troupes de l'attendre, jusqu' ce qu'il et rgl les affaires de Lombardie, et rendu rponse aux ambassadeurs.

7. Au reste, tout ce qu'il fit en faveur du Pape, fut de commander Roger son fils an gouverneur de la Pouille, et Robert Comte de Loritelle son pun, de prendre les armes contre Henri lors que le Saint Sige implorerait son secours.

8. Pour ce qui est de Bomond, le plus jeune de ses fils, qui lui tait tout fait semblable en hardiesse, en courage, en gnrosit, et en valeur, il l'avait envoie devant lui avec ses meilleures troupes, pour courir et pour piller les environs d'Aulone. Ce Bomond fondant donc comme la foudre enleva Canine., Jrico, Aulone, et ruina les lieux d'alentour, comme une noire fume qui prcde un furieux embrasement. On peut comparer le pre et le fils la sauterelle, et la chenille, l'un ayant consum ce que l'autre avait pargn. Mais avant que de voir le Pre Aulone, considrons ce qu'il fit dans le continent oppos.

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Chapitre X.

1. Gaete vient trouver Robert Otrame. 2. Il envoie une ambassade Constantinople. 3. L'Ambassadeur le dtourne d'entreprendre la guerre. 4. Ils s'emportent de colre, lui et le Moine Rector contre l'ambassadeur. 5. Rflexion d'Anne Comnne. 6. Robert se prpare traverser le dtroit. 7. George Monomacate est envoy Gouverneur en Illyrie. 8. Il fait Alexis de grandes protestations d'amiti. 9. Il s'excuse de lui envoyer de l'argent. 10. Il se dclare pour Robert. 11. Il s'assure dune retraite en Dalmatie. 12. Argument gnral du livre suivant.

1. ROBERT se rendit de Salerne Otrante, o il attendit Gaete sa femme qui le suivait la guerre, et qui tait terrible sous les armes. Quand elle y fut arrive il l'embrassa tendrement, et partit pour Brindes, o se voit le port le plus commode de la Pouille, et o il attendit ses troupes et ses vaisseaux.

2. Ds qu'il tait encore Salerne il avait envoy une ambassade Botaniate, qui avoir usurp l'Empire sur Michel Ducas, pour se plaindre lui de ce qu'il avait spar Constantin d'avec sa fille Hlne, et de ce qu'il l'avait priv de la part qui lui appartenait l'Empire. Il avait envoy en mme temps des prsents mon pre, qui tait alors Grand-Domestique, et Gnral des armes d'Occident, et lui avait crit pour lui offrir son amiti.

3. Raoul, c'est ainsi que s'appelait l'ambassadeur, tant retourn de Constantinople avant que les troupes fussent jointes, bien que la plupart des vaisseaux fussent dj en mer, et n'en ayant point rapport de rponse favorable, Robert entra dans une furieuse colre de se voir ainsi mpris, mais ce qui le fcha plus sensiblement, ce fut le discours par lequel l'Ambassadeur s'effora de le dtourner de la guerre, et par lequel il l'assura que le moine qui l'y portait n'tait qu'un imposteur, et que l'Empereur Michel tait dans un monastre de Constantinople, o. il l'avait reconnu, aprs l'avoir trs attentivement considr. Il ajouta, que depuis son dpart de Constantinople mon pre Alexis avait chass Botaniate du trne qu'il avait usurp, et y avait mis Constantin fils de Michet Ducas, qui tait le Prince le plus accompli qu'eut jamais vu le soleil,

XV. Avec quelle justice, lui dit- il, pourrions-nous nous venger contre des injures que nous avons reues de Botaniste ? Si ce dernier a priv Hlne votre fille du droit qu'elle avait l'Empire, devons-nous pour cela prendre les armes contre un autre ; et si nous ne le devons pas, pourquoi tant de prparatifs ?

4. Ce discours de l'ambassadeur mit Robert dans une telle fureur, qu' peine se pt-il empcher de se jeter sur lui, et de l'outrager. Comme il tait d'ailleurs fort irrit de ce que son frre nomm Roger s'tait retir chez les Romains, et leur avait dcouvert ses desseins, il clata en de furieuses menaces, dont Raoul crut devoir viter les effets par une prompte retraite. D'autre ct le moine Rector ayant un extrme dplaisir que son imposture ft si clairement dcouverte, s'emportait en des invectives violentes, et en des exclamations tragiques contre Roger frre de Raoul, suppliant Robert de le lui livrer, lorsqu'il ferait rtabli dans ses Etats, et protestant avec d'horribles serments et d'excrables imprcations de le faire prir en ce temps-l, par le plus cruel genre de supplice qui se pourrait inventer.

5. Je ne puis crire ceci sans m'tonner de la vanit, et de l'impudence avec laquelle ces deux hommes se jouaient l'un de l'autre. Robert se servait de l''imposture de ce moine pour tromper les peuples, et le promenait comme un personnage de thtre dans les villes, et dans les provinces pour les exciter la rvolte par la vue, et par la compassion de sa misre, dans le dessein de le chasser comme un ridicule, lors qu'il serait venu bout de ses desseins. Le Moine au contraire se repaissait d'imaginations et de songes, et le flattait de la vaine esprance de parvenir un haut degr de puissance par un bizarre caprice de la fortune. Cette rflexion m'a souvent fait moquer de la vanit des choses humaines.

XVI. 6. Cependant, Robert continuait ses prparatifs Brindes, et amassait ses navires au nombre de cent cinquante, et ses troupes au nombre de trente mille hommes. Il mettait dans chaque vaisseau deux cents hommes, sans les armes, et les chevaux. Son premier dessein avait t de passer d'Otrante Nicopole, et de prendre en passant Lpante, et quelques forts d'alentour. Mais ayant considr depuis que le trajet tait plus court Duras qu'a Nicopole, et en mme temps plus sr et plus commode, il se rsolut de le prendre, et d'emmener son fils Roger avec lui, au lieu de le laisser en Italie comme il s'tait auparavant propos. Mais avant que de partir il envoya des gens qui s'emparrent de Corfou, ville considrable, et de plusieurs places d'alentour, reut les otages de divers endroits de la Lombardie et de la Pouille, et amassa des sommes immenses.

7. George Monomacate commandait alors pour Botaniate en Illyrie. Il avait refus ce gouvernement la premire fois qu'il lui avait t offert.

Mais depuis deux esclaves scythes, donc l'un s'appelait Borile et l'autre Germain, l'ayant par leurs calomnies rendu si odieux l'Empereur, de qui ils possdaient les bonnes grces, que parlant un jour de lui l'Impratrice sa femme, il lui avoua qu'il le tenait pour un de ses plus dangereux ennemis, il ne trouva point de meilleur moyen d'viter le pril qui le menaait, qu'en recherchant ce gouvernement qu'il avait auparavant mpris.

8. Comme les deux Scythes qui voulaient l'loigner de la Cour pressaient son dpart, il partit le jour suivant, et en partant ayant trouv mon pre Alexis proche du lieu nomm la Fontaine, o est l'glise si superbe et si magnifique de la mre de Dieu, et de la Reine des Vierges, il lui dit, Que l'amiti qu'il lui avait toujours porte tait la cause de son exil, et que c'tait ce qui avait attir sur lui la haine de Borile et de Germain, desquels il lui expliqua fort au long les artifices et les calomnies. Alexis employa les paroles les plus tendres qu'il put trouver pour le consoler, l'assura que Dieu le vengerait de ses ennemis, et lui protesta de ne se dpartir jamais de ses intrts.

9. Lors que Monomacate fut arriv Duras, et qu'il y eut appris que d'un ct Robert faisait de formidables prparatifs, et que de l'autre Alexis s'tait empar de l'Empire, il rgla toute sa conduite avec une extrme circonspection, sans se dclarer ni pour l'un ni pour l'autre, quoiqu'il ft ais de juger qu'il cachait quelque grand dessein sous l'apparence de cette neutralit. Mon pre lui ayant mand que s'tant vu dans le pril imminent d'avoir les yeux crevs, il avait pris les armes pour se dlivrer de l'oppression, et qu'il le conjurait par leur ancienne amiti de le seconder dans une entreprise si importante, en lui envoyant la plus grande somme d'argent qu'il pourait lever, sans quoi il n'esprait pas de rien excuter de considrable,

il traita trs civilement ses ambassadeurs, et leur donna une lettre, par laquelle il rpondait qu'il demeurerait ferme dans son amiti, qu'il tait fort fch de ne lui pouvoir envoyer l'argent qu'il lui demandait, mais qu'il en tait empch par une raison dont il reconnatrait lui-mme la justice. Qu'ayant reu des mains de Botaniate le gouvernement d'Illyrie, et lui ayant prt serment de fidlit, il ne pouvait obir aux ordres d'un autre sans passer pour un perfide. Que si le Ciel le destinait l'Empire il trouverait l'avenir en sa personne un sujet aussi obissant, qu'il y avait trouv par le pass un ami fidle. Voila ce que Monomacate crivit mon pre, par o il fit assez connatre que balanant entre lui et Botaniate, il les flattait tous deux, sans aimer sincrement ni l'un, ni l'autre.

10. Il n'usa pas de la mme dissimulation envers Robert, mais il prit ouvertement son parti, en quoi il m'a paru fort blmable. Les hommes de cette humeur sont extrmement inconstants, et ne changent pas moins que la fortune. Ils se soucient fort peu du bien public, parce qu'ils aiment trop leur intrt particulier, quoiqu'ils se trompent souvent dans les moyens qu'ils choisissent pour le procurer. Pour me renfermer dans les bornes de mon Histoire que j'avais passes avec un peu trop de libert, je dirai que Robert ayant ds auparavant brl d'envie de passer la mer, il le souhaitait alors avec encore plus d'impatience, et pressait ses gens sans cesse par tout ce qui pouvait servir animer leur courage,

11. Monomacate ne se contenta pas de l'alliance de Robert, il s'assura aussi d'une retraite en Dalmatie, et gagna par ses lettres, et par ses prsents l'amiti de Bodin, et de Michalas qui y commandaient, afin de pouvoir se rfugier chez eux, au cas que les esprances qu'il avait fondes sur la fidlit de ses autres amis vinssent manquer.

12. Je rapporterai maintenant de quelle manire, et par quelle occasion mon pre parvint l'Empire, puisque ce n'est pas sa vie prive, mais sa vie publique que j'ai entrepris d'crire. Que s'il y a commis quelque faute, l'amour que j'ai pour lui ne me portera jamais trahir la vrit. Laisson donc Robert o nous l'avons conduit, et rservant le rcit de ses guerres, et de ses combats pour un autre Livre, employons celui qui va suivre, lever Alexis sur le trne.