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Benjamin Rouaud 1ES2 ANTHOLOGIE DE LA POESIE FRANCAISE DU XVIÈME AU XXÈME SIÈCLE

ANTHOLOGIE DE LA POESIE FRANCAISE DU …s1.e-monsite.com/2009/02/13/48979446anthologie-pdf.pdf · PRÉFACE Georges Pompidou définit la poésie dans ses effets : « Lorsqu’un poème,

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Benjamin Rouaud 1ES2

ANTHOLOGIE DE LA POESIE FRANCAISE DU XVIÈME AU XXÈME SIÈCLE

PRÉFACE

Georges Pompidou définit la poésie dans ses effets : « Lorsqu’un poème, ou simplement un vers provoque chez le lecteur une sorte de choc, le tire hors de lui-même, le jetant dans le rêve, ou au contraire le contraint à descendre en lui plus profondément jusqu’à le confronter avec l’être et le destin à ces signes ont reconnaît la réussite poétique ».

Je n’ai pas chercher à ressasser des poèmes connus et reconnus mais à en trouver « des originaux » qui m’ont ému, qui m’on rappelait des périodes de mon existence aussi bien dans le bonheur que dans des moment douloureux, j’ai aussi cherché à montrer tous les styles de poésie avec évidemment les alexandrins, les quatrains en contrerime avec Paul Jean Toulet, la prose avec Bertrand Aloysius ou encor du théâtre organisé en vers… J’ai par conséquent cherché des petits poèmes qui n’expriment forcément moins d’idées mais qui sont pour la plupart plus travaillés, plus raffinés même s’il laisse généralement libre court à une grande émotion ou ferveur.

L’abécédaire est aussi un exemple de ce j’ai cherché à montrer dans ses poèmes sans renommés j’ai cherché à l’ouvrir autant que possible à de petits poètes qui ne sont d’ailleurs pas que des poètes, mais aussi dramaturge, écrivain, critique…

Le poète est une fabrique d’images Pierre Reverdy (1889-1960)

Un bon poète n’est pas plus utile à l’État qu’un bon joueur de quilles

Malherbe (1555-1628)

Les poètes sont des hommes qui refusent d’utiliser le langage Sartre (1905-1980)

Le poème dit une chose et en signifie une autre

M. Riffaterre (1924-2006)

LES COURANTS, LES POÈTES ET LES POÈMES

XVIème siècle :

Deux courants sont particulièrement présents au XVIème siècle l’humanisme et la Pléiade.

Même si l’humanisme est surtout laissé aux écrivains Louise LABE en est quand même une adepte. Il consiste a placé l’être humain et les valeurs humaines au centre de la pensée.

La pléiade est ici représenté par Du BELLAY et RONSARD, c’est un genre qui tient a imiter les anciens au service de la langue neuve avec pour thèmes ; l’amour, la mort, la fuite du temps et la nature. Ils imposent dans ce mouvement l’alexandrin, l’ode et le sonnet. Les poètes du XVI ème siècle : Louise LABE (1525-1566) :

- « Les sonnets » - « Elégies »

Joachim Du BELLAY (1522-1560) : - « L’olive » - « Les louanges d’Anjou » - « La complainte du désespéré » - « Les antiquités de Rome » - « Les regrets»

Clément MAROT (1496-1544) : - « Oeuvres poétiques » - « L’adolescence clémentine »

Pierre de RONSARD (1524-1585) :

- « Les amours » - « Odes» - « Les amours de Marie » - « Les amours de Cassandre » - « Elégies contre les bûcherons de la forêt de Gâtine »

Agrippa d’Aubigné (1552-1630) :

- « Les tragiques » - « L’hiver »

Joachim Du Bellay (1522-1560), Les Regrets (1558), sonnet XII

Vu le soin ménager dont travaillé je suis, Vu l'importun souci qui sans fin me tourmente, Et vu tant de regrets desquels je me lamente, Tu t'ébahis souvent comment chanter je puis.

Je ne chante, Magny, je pleure mes ennuis, Ou, pour le dire mieux, en pleurant je les chante; Si bien qu'en les chantant, souvent je les enchante : Voilà pourquoi, Magny, je chante jours et nuits.

Ainsi chante l'ouvrier en faisant son ouvrage, Ainsi le laboureur faisant son labourage, Ainsi le pèlerin regrettant sa maison,

Ainsi l'aventurier en songeant à sa dame, Ainsi le marinier en tirant à la rame, Ainsi le prisonnier maudissant sa prison.

Louise Labé (v. 1524-1566), Sonnets, VIII

Je vis, je meurs : je me brûle et me noie, J’ai chaud extrême en endurant froidure ; La vie m’est et trop molle et trop dure, J’ai grands ennuis entremêlés de joie.

Tout en un coup je ris et je larmoie, Et en plaisir maint grief tourment j’endure, Mon bien s’en va, et à jamais il dure, Tout en un coup je sèche et je verdoie.

Ainsi Amour inconstamment me mène Et, quand je pense avoir plus de douleur, Sans y penser je me trouve hors de peine.

Puis, quand je crois ma joie être certaine, Et être en haut de mon désiré heur, Il me remet en mon premier malheur.

Clément Marot (1496-1544), « L’Adolescence clémentine » « L’Épître des jartières blanches »

De mes couleurs, ma nouvelle Alliée, Estre ne peult vostre jambe liée, Car couleurs n’ay, et n’en porteray mye, Jusques à tant, que j’auray une Amye, Qui me taindra le seul blanc, que je porte, En ses couleurs de quelcque belle sorte. Pleust or à Dieu, pour mes douleurs estaindre, Que vous eussiez vouloir de les me taindre : C’est qu’il vous pleust pour Amy me choisir D’aussi bon cueur, que j’en ay bon desir : Que dy je Amy ? Mais pour humble servant, Quoy que ne soye ung tel bien desservant. Mais quoy ? au fort, par loyaulment servir Je tascheroye à bien le desservir. Brief, pour le moins, tout le temps de ma vie D’une autre aymer ne me prendroit envie. Et par ainsi quand ferme je seroys, Pour prendre noir, le blanc je laisseroys : Car fermeté c’est le noir par droicture, Pource que perdre il ne peult sa taincture. Or porteray le blanc, ce temps pendant Bonne fortune en amours attendant. Si elle vient, elle sera receue Par loyaulté dedans mon cueur conceue : S’elle ne vient, de ma voulenté franche, Je porteray tousjours livrée blanche. C’est celle là, que j’ayme le plus fort Pour le present : vous advisant au fort, Si j’ayme bien les blanches ceinturettes, J’ayme encor mieulx Dames, qui sont brunettes.

Ronsard (1524-1585)Sonnets pour Hélène (1578), II, 24 : « Quand vous serez bien vieille... » Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle, Assise auprès du feu, dévidant et filant, Direz chantant mes vers, en vous émerveillant : « Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle. »

Lors vous n'aurez servante oyant telle nouvelle, Déjà sous le labeur à demi sommeillant, Qui au bruit de Ronsard ne s'aille réveillant, Bénissant votre nom de louange immortelle.

Je serai sous la terre, et fantôme sans os Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ; Vous serez au foyer une vieille accroupie,

Regrettant mon amour et votre fier dédain. Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain : Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.

Théodore Agrippa d'Aubigné, "Les Tragiques", "Les Misères" (Livre I)

Je veux peindre la France une mère affligée, Qui est entre ses bras de deux enfants chargée. Le plus fort, orgueilleux, empoigne les deux bouts Des tétins nourriciers, puis à force de coups, D'ongles, de poings, de pieds il brise le partage Dont nature donnoit à son besson l'usage ; Ce voleur acharné, cet Esau malheureux Faict degast du doux laict qui doit nourrir les deux, Si que, pour arracher à son frère la vie,

Il mesprise la sienne et n'en a plus d'envie. Mais son Jacob, pressé d'avoir jeusné meshui, Ayant dompté longtemps en son coeur son ennui, A la fin se défend, et sa juste colère, Rend à l'autre un combat dont le champ est la mère. Ni les souspirs ardents, les pitoyables cris, Ni les pleurs réchauffez ne calment leurs esprits ; Mais leur rage les guide et leur poison les trouble, Si bien que leur courroux par leurs coups se redouble. Leur conflicts se r'allume, et fait si furieux, Que d'un gauche malheur ils se crèvent les yeux. Cette femme esploree, en sa douleur plus forte, Succombe à la douleur, mi-vivante, mi-morte ; Elle void les mutins tous deschirez, sanglans, Qui, ainsi que du coeur, des mains se vont cerchans. Quand, pressant à son sein d'un' amour maternelle, Celui qui a le droit et la juste querelle, Elle veut le sauver, l'autre qui n'est pas las Viole en poursuivant l'asile de ses bras. Adonc se perd le laict, le suc de sa poictrine ; Puis, aux derniers abois de sa proche ruine, Elle dit, "Vous avez, felons, ensanglanté, Le sein qui vous nourrit et qui vous a porté ; Or vivez de venin, sanglante géniture, Je n'ai plus que du sang pour vostre nourriture."

XVIIème siècle:

On retrouve encore deux importants courants au XVIIème siècle le baroque et le classicisme. Le baroque situé à la frontière du 16e et du 17e siècle cherche à renouveler la vision de la réalité en mettant en scène les métamorphoses du monde et les illusions de l'âme humaine. Il s’oppose à l’humanisme en particulier pendant les guerres de religions, C’est une conception pessimiste de la vie humaine. On y retrouvera beaucoup d’émotions, de passions ainsi qu’un mélange des genres et des classes sociales.

Le classicisme est la recherche de l'équilibre et de la mesure dans la représentation de l'être humain ; il se préoccupe de définir son idéal esthétique à travers des règles d'écritures. Très présent dans les cours des rois, il ne doit représenter que des choses « vrais », pas de folie, pas de passion ni de démesure. Ce genre se doit de respecter les anciens et est par ailleurs dans la poésie uniquement écrit sous la forme d’alexandrins. Les auteurs du XVIIème siècle: Vincent VOITURE (1597-1648) :

- « La Belle Matineuse » - « Épître à Monseigneur le Prince sur son retour

d'Allemagne »

Jean de la Fontaine (1621-1695) :

- « Recueil de poésies chrétiennes et diverses »

- « Ouvrages de prose et de poésie » - nombreuses fables

Nicolas Boileau-Despreaux (1636-1711) :

- « Les épîtres » - « Le lutrin » - « A M. Racine, épître » - « A mon jardinier, épître »

François MAYNARD (1582-1646) :

- « Le Philandre » - « La belle vieille » - « Mon âme, il faut partir »

François de MALHERBE (1555-1628) :

- « Madrigal » - « Mes yeux » - « Les larmes de St Pierre » - « Dessein de quitter une dame qui ne le contentait que de ses

promesses »

Jean de la FONTAINE, « Aux Augustins, sans alarmer la ville »

Aux Augustins, sans alarmer la ville, On fut hier soir; mais le cas n'alla bien L'huissier, voyant de cailloux une pile, Crut qu'ils n'étaient mis là pour aucun bien. Très sage fut; car, avec doux maintien, Il dit : « Ouvrez; faut-il tant vous requerre? Qu'est-ce ceci? Sommes-nous à la guerre? Messieurs sont seuls, ouvrez et croyez-moi. - Messieurs, dit l'autre, en ce lieu n'ont que querre. Les Augustins sont serviteurs du Roi.

Dea, répond l'un de Messieurs fort habile, Conseiller clerc, et surtout bon chrétien, Vous êtes troupe en ce monde inutile, Le tronc vous perd depuis ne sais combien; Vous vous battez, faisant un bruit de chien. D'où vient cela? Parlez, qu'on ne vous serre. Car, que soyez de Paris ou d'Auxerre, Il faut subir cette commune loi; Et, n'en déplaise aux suppôts de saint Pierre, Les Augustins sont serviteurs du Roi. » Lors un d'entre eux (que ce soit Pierre ou Gille, Il ne m'en chaut, car le nom n'y fait rien) « Vraiment, dit-il, voilà bel évangile! C'est bien à vous de régler notre bien. Que le tronc serve à l'autel de soutien, Ou qu'on le vide afin d'emplir le verre, Le Parlement n'a droit de s'en enquerre; Et je maintiens comme ai ticle de foi Qu'en débridant matines à grand'erre Les Augustins sont serviteurs du Roi. » ENVOI

Sage héros, ainsi dit frère Pierre. La cour lui taille un beau pourpoint de pierre; Et dedans peu me semble que je voi Que, sur la mer ainsi que sur la terre, Les Augustins sont serviteurs du Roi.

Vincent VOITURE, « La belle matineuse »

Des portes du matin l'Amante de Céphale Ses roses épandait dans le milieu des airs Et jetait sur les Cieux nouvellement ouverts Ses traits d'or et d'azur qu'en naissant elle étale Quand la nymphe divine à mon repos fatale Apparut, et brilla de tant d'attraits divers Qu'il semblait qu'elle seule éclairait l'univers Et remplissait de feux la rive orientale. Le Soleil se hâtant pour la gloire des Cieux, Vint opposer sa flammze à l'éclat de ses yeux Et prit tous les rayons dont l'Olympe se dore. L'onde, la terre, et l'air s'allumaient à l'entour. Mais auprès de Philis on le prit pour l'Aurore Et l'on crut que Philis était l'astre du jour.

Francois de MALHERBE, « Au roi », sonnet

Qu'avec une valeur à nulle autre seconde, Et qui seule est fatale à notre guérison, Votre courage mûr en sa verte saison Nous ait acquis la paix sur la terre et sur l'onde : Que l'hydre de la France en révoltes féconde, Par vous soit du tout morte, ou n'ait plus de poison, Certes, c'est un bonheur dont la juste raison Promet à votre front la couronne du monde. Mais qu'en de si beaux faits vous m'ayez pour témoin, Connaissez-le mon roi, c'est le comble du soin Que de vous obliger ont eu les destinées. Tous vous savent louer, mais non également : Les ouvrages communs vivent quelques années : Ce que Malherbe écrit dure éternellement.

Nicolas BOILEAU, « Air »

Voici les lieux charmants où mon âme ravie Passait à contempler Silvie Les tranquilles moments si doucement perdus. Que je l'aimais alors ! Que je la trouvais belle !

Mon coeur, vous soupirez au nom de l'Infidèle : Avez-vous oublié que vous ne l'aimez plus ? C'est ici que souvent, errant dans les prairies, Ma main, des fleurs les plus chéries Lui faisait des présents si tendrement reçus. Que je l'aimais alors ! Que je la trouvais belle ! Mon coeur, vous soupirez au nom de l'infidèle : Avez-vous oublié que vous ne l'aimez plus ?

Francois MAYNARD, « Mon âme, il faut partir… »

Mon âme, il faut partir. Ma vigueur est passée, Mon dernier jour est dessus l'horizon. Tu crains ta liberté. Quoi ! n'es-tu pas lassée D'avoir souffert soixante ans de prison ? Tes désordres sont grands ; tes vertus sont petites ; Parmi tes maux on trouve peu de bien ; Mais si le bon Jésus te donne ses mérites, Espère tout et n'appréhende rien. Mon âme, repens-toi d'avoir aimé le monde, Et de mes yeux fais la source d'une onde Qui touche de pitié le monarque des rois. Que tu serais courageuse et ravie Si j'avais soupiré, durant toute ma vie, Dans le désert, sous l'ombre de la Croix !

François de MALHERBE, « Vers funèbres sur la mort de Henri le Grand »

Enfin l'ire du ciel et sa fatale envie, Dont j'avais repoussé tant d'injustes efforts, Ont détruit ma fortune, et, sans m'ôter la vie, M'ont mis entre les morts. Henri, ce grand Henri, que les soins de nature Avaient fait un miracle aux yeux de l'univers

Comme un homme vulgaire est dans la sépulture A la merci des vers ! Belle âme, beau patron des célestes ouvrages, Qui fus de mon espoir l'infaillible recours, Quelle nuit fut pareille aux funestes ombrages Où tu laisses mes jours ! C'est bien à tout le monde une commune plaie, Et le malheur que j'ai, chacun l'estime sien ; Mais en quel autre coeur est la douleur si vraie Comme elle est dans le mien ?...

Agrippa D’Aubigné, « L’hiver »

Mes volages humeurs, plus stériles que belles, S'en vont, et je leur dis : " Vous sentez, hirondelles, S'éloigner la chaleur et le froid arriver. Allez nicher ailleurs pour ne fâcher, impures, Ma couche de babil et ma table d'ordures ; Laissez dormir en paix la nuit de mon hiver.

(…)

Voici moins de plaisirs, mais voici moins de peines ! Le rossignol se tait, se taisent les sirènes ; Nous ne voyons cueillir ni les fruits ni les fleurs L'espérance n'est plus bien souvent tromperesse, L'hiver jouit de tout : bienheureuse vieillesse, La saison de l'usage et non plus des labeurs. Mais la mort n'est pas loin ; cette mort est suivie D'un vivre sans mourir, fin d'une fausse vie Vie de notre vie et mort de notre mort. Qui hait la sûreté pour aimer le naufrage ? Qui a jamais été si friand du voyage Que la longueur en soit plus douce que le port ?

XVIIIème siècle :

On ne retrouve étonnement dans le XVIIIème siècle qu’un seul mouvement ; le mouvement des lumières il est née dans les salons intellectuels,et il s'appui sur les découvertes scientifiques pour développer l'esprit critique et lutter contre toutes les formes de préjugés « raison, tolérance, humanité ».

Si la forme versifiée est utilisée avec habileté par Voltaire elle ne se libère pas des influences du classicisme et l’histoire littéraire on ne retiendra que quelques noms comme ceux de Jacques Delille (1738-1813 ou Évariste Parny (1753-1814) qui préparent modestement le romantisme en cultivant une certaine sensibilité à la nature et au temps qui passe. Gilbert et Clinchamp ont laissé une image de poètes maudits, mais c’est essentiellement André Chénier (1762-1794) qui réussit une poésie. On mentionnera aussi Fabre d'Églantine pour ses chansons (Il pleut bergère) et sa participation « poétique » au calendrier révolutionnaire.

Les auteurs du XVIIIème siècle :

Voltaire (1694-1778) :

- « A Madame du Châtelet » - « A Madame Lullin » - « Les satyres »

Jacques Delille (1738-1813) :

- « Les jardins» - « Les géorgiques » - « L’Énéide »

André Chénier (1762-1794) :

- « Bucoliques » - « Elégies » - « Odes »

Voltaire, Les satyres, « La crépinade »

« Le diable un jour, se trouvant de loisir, Dit: « Je voudrais former à mon plaisir Quelque animal dont l’âme et la figure Fût à tel point au rebours de nature, Qu’en le voyant l’esprit le plus bouché Y reconnût mon portrait tout craché. » Il dit, et prend une argile ensoufrée, Des eaux du Styx imbue et pénétrée; Il en modèle un chef-d’oeuvre naissant, Pétrit son homme, et rit en pétrissant. D’abord il met sur une tête immonde Certain poil roux que l’on sent à la ronde; Ce crin de juif orne un cuir bourgeonné, Un front d’airain, vrai casque de damné; Un sourcil blanc cache un oeil sombre et louche; Sous un nez large il tord sa laide bouche. Satan lui donne un ris sardonien Qui fait frémir les pauvres gens de bien, Cou de travers, omoplate en arcade, Un dos cintré propre à la bastonnade; Puis il lui souffle un esprit imposteur, Traître et rampant, satirique et flatteur.

Rien n’épargnait: il vous remplit la bête De fiel au coeur, et de vent dans la tête. Quand tout fut fait, Satan considéra Ce beau garçon, le baisa, l’admira; Endoctrina, gouverna son ouaille; Puis dit à tous: « Il est temps qu’il rimaille. Aussitôt fait, l’animal rimailla, Monta sa vielle, et Rabelais pilla; Il griffonna des Ceintures magiques, Des Adonis, des Aïeux chimériques; Dans les cafés il fit le bel esprit; Il nous chanta Sodome et Jésus-Christ; Il fut sifflé, battu pour son mérite, Puis fut errant, puis se fit hypocrite; Et, pour finir, à son père il alla. Qu’il y demeure. Or je veux sur cela Donner au diable un conseil salutaire: « Monsieur Satan, lorsque vous voudrez faire Quelque bon tour au chétif genre humain, Prenez-vous-y par un autre chemin. Ce n’est le tout d’envoyer son semblable Pour nous tenter: Crépin, votre féal, Vous servant trop, vous a servi fort mal: Pour nous damner, rendez le vice aimable. »

André Chénier, Bucoliques, «La jeune Charentine »

Pleurez, doux alcyons, ô vous, oiseaux sacrés, Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez.

Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine. Un vaisseau la portait aux bords de Camarine. Là l'hymen, les chansons, les flûtes, lentement, Devaient la reconduire au seuil de son amant. Une clef vigilante a pour cette journée Dans le cèdre enfermé sa robe d'hyménée Et l'or dont au festin ses bras seraient parés Et pour ses blonds cheveux les parfums préparés. Mais, seule sur la proue, invoquant les étoiles, Le vent impétueux qui soufflait dans les

voiles L'enveloppe. Étonnée, et loin des matelots, Elle crie, elle tombe, elle est au sein des flots.

Elle est au sein des flots, la jeune Tarentine. Son beau corps a roulé sous la vague marine. Thétis, les yeux en pleurs, dans le creux d'un rocher Aux monstres dévorants eut soin de la cacher. Par ses ordres bientôt les belles Néréides L'élèvent au-dessus des demeures humides, Le portent au rivage, et dans ce monument L'ont, au cap du Zéphir, déposé mollement. Puis de loin à grands cris appelant leurs compagnes, Et les Nymphes des bois, des sources, des

montagnes, Toutes frappant leur sein et traînant un long deuil, Répétèrent : « hélas ! » autour de son cercueil.

Hélas ! chez ton amant tu n'es point ramenée. Tu n'as point revêtu ta robe d'hyménée. L'or autour de tes bras n'a point serré de nœuds. Les doux parfums n'ont point coulé sur tes cheveux.

Jean-Baptiste Caouette, « Renouveau » A M. Benjamin Sulte Le doux printemps vient de paraître Sous son manteau de velours vert, Et déjà l'on voit disparaître Tous les vestiges de l'hiver. Son oeil à l'éclat de la braise: A la chaleur de ses rayons Naissent lilas, fleur, rose et fraise. Abeilles d'or et papillons. Les arbres engourdis naguère Semblent dresser plus haut le front, Car la nature, en bonne mère, Verse la sève dans leur tronc. Au plus épais de la ramure Les oiseaux préparent leurs nids, Sans s'occuper si la pâture Ou le lin leur seront fournis. Du sol jaillit plus d'une source Que la froidure emprisonnait; Et le ruisseau reprend sa course A travers clos et jardinet. Sur le bord de maintes rivières L'on voit le castor vigilant Transporter le bois et les pierres Pour bâtir son gîte étonnant. La brise, sylphide légère, Fait la cour à toutes les fleurs,

Puis vole embaumer l'atmosphère Des plus enivrantes senteurs. De la cime de nos montagnes Se précipite le torrent Qui fertilise nos campagnes Avec les eaux du Saint-Laurent. A nos fenêtres, l'hirondelle S'annonce par des cris joyeux; Elle revient à tire-d'aile Charmer les jeunes et les vieux. Au palais comme à la chaumière, La porte s'ouvre à deux battants: Riche et pauvres ont soif de lumière D'air pur, de parfums odorants. Parfois l'on quitte sa demeure Pour aller prendre un gai repas Sur la pelouse où toute à l'heure, Bébé fera ses premiers pas. Plus loin les colons sur leur terre Travaillent courageusement A l'oeuvre utile et salutaire Qu'on nomme le défrichement. Les uns creusent, les autres sèment Ou bien coupent les arbres morts; Ces braves bûchent, chantent, s'aiment Et dorment la nuit sans remords! La fillette en robe de bure Chante et cultive tout le jour; Le soir venu, sa lèvre pure Dira peut-être un mot d'amour!... Oui, l'homme, les oiseaux, les plantes Et l'onde aux bruits mystérieux Mêlent leurs voix reconnaissantes Pour célébrer le Roi des cieux. Car tout ce qui vit et respire, Tout ce qui chante, pleure ou croit, Reconnaît qu'il est sous l'empire D'un esprit souverain et droit!

Printemps, réveil de la nature, Oh! sois le bienvenu toujours! Quand tu parais, la créature Espère encore des beaux jours! C'est toi qui donnes à la plaine Son riche et moelleux vêtement; C'est toi qui fais germer la graine D'où sortira notre aliment! C'est toi qui rends au pulmonaire La force et souvent la santé; C'est toi que l'Indien vénère En recouvrant la liberté! O printemps, messager Celeste, Admirable consolateur Ton éclat seul manifeste La puissance du Créateur! Claude Joseh Dorat, les baisers, « L'étincelle » Donne-moi, ma belle maîtresse, Donne-moi, disois-je, un baiser, Doux, amoureux, plein de tendresse... Tu n' osas me le refuser : Mais que mon bonheur fut rapide ! Ta bouche à peine, souviens-t-en, Eut effleuré ma bouche avide, Elle s' en détache à l' instant. Ainsi s' exhale une étincelle. Oui, plus que Tantale agité, Je vois, comme une onde infidèle, Fuir le bien qui m' est présenté. Ton baiser m' échappe, cruelle ! Le désir seul m' en est resté. Jacques Delille, « Les géorgiques » LIVRE 1 Je chante les moissons: je dirai sous quel signe

Il faut ouvrir la terre et marier la vigne; Les soins industrieux que l'on doit aux troupeaux; Et l'abeille économe, et ses sages travaux. Astres qui, poursuivant votre course ordonnée, Conduisez dans les cieux la marche de l'année; Protecteur des raisins, déesse des moissons, Si l'homme encor sauvage, instruit par vos leçons, Quitta le gland des bois pour les gerbes fécondes, Et d'un nectar vermeil rougit les froides ondes; Divinités des prés, des champs et des forêts, Faunes aux pieds légers, vous, nymphes des guérets, Faunes, nymphes, venez; c'est pour vous que je chante. Et toi, dieu du trident, qui de ta main puissante De la terre frappas le sein obéissant, Et soudain fis bondir un coursier frémissant; Pallas, dont l'olivier enrichit nos rivages; Vous, jeune dieu de Cée, ami des verts bocages, Pour qui trois cents taureaux, éclatans de blancheur, Paissent l'herbe nouvelle et l'aubépine en fleur; Pan, qui, sur le Lycée ou le riant Ménale, Animes sous tes doigts la flûte pastorale; Vieillard, qui dans ta main tiens un jeune cyprès; Enfant, qui le premier sillonnas les guérets; Vous tous, dieux bienfaisans, déesses protectrices, Qui de nos fruits heureux nourrissez les prémices,

XIXème siècle:

Le romantisme nourrit toute la première moitié du XIXe siècle et pour la poésie plus précisément les années 1820- 1850 . Ce mouvement esthétique européen fait une place toute particulière au lyrisme et à l’effusion du moi avec un goût marqué pour la mélancolie : les poètes vont donc exprimer leur mal de vivre et leurs souffrances affectives en méditant sur la mort, sur Dieu, sur l’amour et la fuite du temps, sur la nature et sur la gloire, et au delà de ces thèmes lyriques traditionnels sur la fonction du poète (Hugo) et sur une perception plus originale du fantastique avec Nerval.

Au delà des thèmes pas toujours novateurs, les poètes romantiques revendiqueront un assouplissement de l’expression versifiée à la recherche d’une plus grande musicalité et de quelques audaces dans les mots et dans les images, chez Victor Hugo en particulier. Cette recherche de nouveauté se concrétisera aussi par l'« invention » du poème en prose par Aloysius Bertrand qui nous fait entrer dans un monde onirique, et qui initie une forme que reprendront plus tard Baudelaire et Rimbaud.

Poésie de la sensibilité et d’une certaine musicalité, la poésie romantique se plaît dans des poèmes plutôt longs que la génération suivante trouvera pesante, oratoire, bavarde et convenue (Rimbaud parlera de « la forme vieille »), avec des exceptions notoires comme Nerval (1808-1855) et son recueil des Chimères (1854) ; certains poèmes de cette période constituent cependant des pièces de référence qui touchent encore le lecteur d’aujourd’hui.

Les poètes du XIXème siècle:

Alphonse de Lamartine (1790-1869) :

- « Méditation poétiques » - « Harmonies poétiques et religieuses »

Alfred de Vigny (1797-1863) :

- « Moïse » - « Les destinées »

Victor Hugo (1802-1885) :

- « Les feuilles d’automne » - « Les chants du crépuscule » - « Les rayons et les ombres » - « Les châtiments » - « Les Contemplations » - « La légende des siècles »

Gérard de Nerval (1808-1855) :

- « Les chimères » - « Odelettes »

Alfred de Musset (1810-1857) :

- « A quoi rêvent les jeunes filles » - « La nuit d’octobre » - « Derniers vers, l’hure de ma mort »

Charles Baudelaire (1821-1867) :

- « Les fleurs du mal »

Bertrand, Aloysius (1807-1841)

- « Gaspard de la nuit »

Paul Verlaine (1844-1896) :

- « Poèmes saturniens » - « Les fêtes galantes » - « La bonne chanson » - « Sagesse » - « Bonheur »

Arthur Rimbaud (1854-1891) :

- « Orphélie » - « Le bateau ivre » - « O saisons, ô chateaux »

Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques, « L’automne » Salut ! bois couronnés d'un reste de verdure ! Feuillages jaunissants sur les gazons épars ! Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature Convient à la douleur et plaît à mes regards ! Je suis d'un pas rêveur le sentier solitaire, J'aime à revoir encor, pour la dernière fois, Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière Perce à peine à mes pieds l'obscurité des bois ! Oui, dans ces jours d'automne où la nature expire, A ses regards voilés, je trouve plus d'attraits, C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier sourire Des lèvres que la mort va fermer pour jamais! Ainsi, prêt à quitter l'horizon de la vie, Pleurant de mes longs jours l'espoir évanoui, Je me retourne encore, et d'un regard d'envie Je contemple ses biens dont je n'ai pas joui ! Terre, soleil, vallons, belle et douce nature, Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ; L'air est si parfumé ! la lumière est si pure ! Aux regards d'un mourant le soleil est si beau ! Je voudrais maintenant vider jusqu'à la lie Ce calice mêlé de nectar et de fiel ! Au fond de cette coupe où je buvais la vie, Peut-être restait-il une goutte de miel ? Peut-être l'avenir me gardait-il encore Un retour de bonheur dont l'espoir est perdu ?

Peut-être dans la foule, une âme que j'ignore Aurait compris mon âme, et m'aurait répondu ? ... La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ; A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ; Moi, je meurs; et mon âme, au moment qu'elle expire, S'exhale comme un son triste et mélodieux. Philippe Fabre d'Eglantine, « Il pleut bergère » Il pleut, il pleut bergère Presse tes blancs moutons Allons sous ma chaumière Bergère vite allons J'entends sous le feuillage L'eau qui tombe à grand bruit Voici, venir l'orage, voici l'éclair qui luit Entends tu le tonnerre ? Il roule en approchant Prends un abri bergère, à ma droite en marchant Je vois notre cabane Et tiens voici venir Ma mère et ma soeur Anne qui vont l'étable ouvrir Bonsoir, bonsoir ma mère Ma soeur Anne bonsoir J'amène ma bergère Près de nous pour ce soir Va te sécher, ma mie Auprès de nos tisons Soeur, fais lui compagnie Entrez petits moutons Soignons bien, oh ma mère, Son tant joli troupeau Donnez plus de litière A son petit agneau

C'est fait allons près d'elle Eh bien donc te voilà En corset qu'elle est belle Ma mère voyez la Soupons, prends cette chaise Tu seras près de moi Ce flambeau de mélèze Brûlera devant toi Goûte de ce laitage Mais tu ne manges pas ? Tu te sens de l'orage, Il a lassé tes pas Eh bien voilà ta couche, Dors-y bien jusqu'au jour, Laisse moi sur ta bouche Prendre un baiser d'amour Ne rougis pas bergère, Ma mère et moi demain, Nous irons chez ton père Lui demander ta main Victor Hugo, extrait de « Ce siècle avait deux ans ». Si parfois de mon sein s'envolent mes pensées, Mes chansons par le monde en lambeaux dispersées ; S'il me plaît de cacher l'amour et la douleur Dans le coin d'un roman ironique et railleur ; Si j'ébranle la scène avec ma fantaisie, Si j'entre-choque aux yeux d'une foule choisie D'autres hommes comme eux, vivant tous à la fois De mon souffle et parlant au peuple avec ma voix ; Si ma tête, fournaise où mon esprit s'allume, Jette le vers d'airain qui bouillonne et qui fume Dans le rythme profond, moule mystérieux D'où sort la strophe ouvrant ses ailes dans les cieux ; C'est que l'amour, la tombe, et la gloire, et la vie,

L'onde qui fuit, par l'onde incessamment suivie, Tout souffle, tout rayon, ou propice ou fatal, Fait reluire et vibrer mon âme de cristal, Mon âme aux mille voix, que le Dieu que j'adore Mit au centre de tout comme un écho sonore ! Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal,

« Le guignon »

Pour soulever un poids si lourd, Sisyphe , il faudrait ton courage ! Bien qu'on ait du cœur à l'ouvrage,

L'Art est long et le Temps est court.

Loin des sépultures célèbres, Vers un cimetière isolé,

Mon cœur, comme un tambour voilé, Va battant des marches funèbres.

– Maint joyau dort enseveli Dans les ténèbres et l'oubli,

Bien loin des pioches et des sondes ;

Mainte fleur épanche à regret Son parfum doux comme un secret

Dans les solitudes profondes. Alfred de Musset, « A quoi rêvent les jeunes filles », Act 1, Scene 1. ((Elle s'assoupit. - On entend par la fenêtre le bruit d'une guitare et une voix.)) Ninon! Ninon! que fais-tu de la vie? L'heure s'enfuit, le jour succède au jour; Rose ce soir, demain flétrie, Comment vis-tu, toi qui n'as pas d'amour? Ninon, s'éveillant.: [ [ Est-ce un rêve? J'ai cru qu'on chantait dans la cour?]1 La Voix, au dehors: Regarde-toi, la jeune fille,

Ton coeur bat et ton oeil pétille,]2 [Aujourd'hui le printemps, Ninon, demain l'hiver!]3 Quoi! tu n'as pas d'étoile et tu vas sur la mer, Au combat sans musique, en voyage sans livre; Quoi! tu n'as pas d'amour et tu parles de vivre! Moi, pour un peu d'amour je donnerais mes jours; Et je tes donnerais pour rien sans les amours. Ninon: [ Je ne me trompe pas; - singulière romance! Comment ce chanteur-là peut-il savoir mon nom? Peut-être sa beauté s'appelle aussi Ninon.]1 2 La Voix: Qu'importe que le jour finisse et recommence Quand d'une autre existence le coeur est animé, Ouvrez-vous, jeunes fleurs, si la mort vous enlève, La vie est un sommeil, l'amour en est le rêve, Et vous aurez vécu, si vous avez aimé. Charles Baudelaire , les fleurs du mal, « Le goût du n Morne esprit, autrefois amoureux de la lutte, L'Espoir, dont l'éperon attisait ton ardeur, Ne veut plus t'enfourcher ! Couche-toi sans pudeur, Vieux cheval dont le pied à chaque obstacle bute. Résigne-toi, mon coeur ; dors ton sommeil de

brute. Esprit vaincu, fourbu ! Pour toi, vieux maraudeur, L'amour n'a plus de goût, non plus que la dispute ; Adieu donc, chants du cuivre et soupirs de la flûte ! Plaisirs, ne tentez plus un coeur sombre et boudeur ! Le Printemps adorable a perdu son odeur ! Et le Temps m'engloutit minute par minute, Comme la neige immense un corps pris de roideur ; Je contemple d'en haut le globe en sa rondeur Et je n'y cherche plus l'abri d'une cahute. Avalanche, veux-tu m'emporter dans ta chute ? Jean de la Fontaine, les Amours de Psyché, « Éloge de l'Amour » Tout l'Univers obéit à l'Amour ; Belle Psyché, soumettez-lui votre âme. Les autres dieux à ce dieu font la cour, Et leur pouvoir est moins doux que sa flamme. Des jeunes coeurs c'est le suprême bien Aimez, aimez ; tout le reste n'est rien. Sans cet Amour, tant d'objets ravissants, Lambris dorés, bois, jardins, et fontaines, N'ont point d'appâts qui ne soient languissants, Et leurs plaisirs sont moins doux que ses peines. Des jeunes coeurs c'est le suprême bien Aimez, aimez ; tout le reste n'est rien.

Bertrand, Aloysius, « Gaspar de la nuit » Ami, te souviens-tu qu'en route pour Cologne, Un dimanche, à Dijon, au coeur de la Bourgogne, Nous allions admirant clochers, portraits et tours,

Et les vieilles maisons dans les arrière-cours ? SAINTE-BEUVE. - Les Consolations. Gothique donjon Et flèche gothique, Dans un ciel d'optique, Là-bas, c'est Dijon. Ses joyeuses treilles N'ont point leurs pareilles; Ses clochers jadis Se comptaient par dix. Là, plus d'une pinte Est sculptée ou peinte; Là, plus d'un portail S'ouvre en éventail. Dijon, moult te tarde ! Et mon luth camard Chante ta moutarde Et ton Jacquemart ! J'aime Dijon comme l'enfant sa nourrice dont il a sucé le lait, comme le poète la jouvencelle qui a initié son coeur. - Enfance et poésie ! Que l'une est éphémère, et que l'autre est trompeuse ! L'enfance est un papillon qui se hâte de brûler ses blanches ailes au flammes de la jeunesse, et la poésie est semblable à l'amandier: ses fleurs sont parfumées et ses fruits sont amers. J'étais un jour assis à l'écart dans le jardin de l'Arquebuse, - ainsi nommé de l'arme qui autrefois y signala si souvent l'adresse des chevaliers du Papeguay. Immobile sur un banc, on eût peu me comparer à la statue du bastion Bazire. Ce chef-d’oeuvre du figuriste Sévallée et du peintre Guillot représentait un abbé assis et lisant. Rien ne manquait à son costume. De loin, on le prenait pour un personnage; de près, on voyait que c'était un plâtre.

XXème siècle:

La poésie française de ce siècle est à la fois héritière et novatrice dans ses thèmes comme dans sa forme avec une nette prédilection pour le vers libre, mais elle semble en déclin ou du moins déplacée dans le domaine plus incertain de la chanson. Mais un nouveau mouvement est présent le surréalisme. Il est à la recherche de nouveaux moyens d'écriture, il veut aller au-delà du réel pour libérer les forces du rêve et de l'inconscient. Paul-Jean Toulet (1867-1920) :

- « Contrerimes » Paul Claudel (1868-1955) :

- « La cantate à trois voix » - « Ténèbres » - « Ballade »

Paul Valéry (1871-1945) :

- « La jeune parque » - « Album de vers anciens » - « Charmes »

Guillaume Apollianire (1880-1918) :

- « Alcools » - « Calligrammes » - « Poèmes à Lou »

Paul Eluard ( 1895-1952) :

- « Capital de la douleur » - « L’amour de la poésie - « Tout dire »

Guillaume Apollinaire, « Le pont Mirabeau » Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu'il m'en souvienne La joie venait toujours après la peine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Les mains dans les mains restons face à face Tandis que sous Le pont de nos bras passe Des éternels regards l'onde si lasse Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure L'amour s'en va comme cette eau courante L'amour s'en va Comme la vie est lente Et comme l'Espérance est violente Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Passent les jours et passent les semaines Ni temps passé Ni les amours reviennent Sous le pont Mirabeau coule la Seine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Paul Eluard, « Comprenne qui voudra »

Comprenne qui voudra Moi mon remords ce fut La malheureuse qui resta Sur le pavé La victime raisonnable À la robe déchirée Au regard d’enfant perdue Découronnée défigurée

Celle qui ressemble aux morts Qui sont morts pour être aimés

Une fille faite pour un bouquet Et couverte Du noir crachat des ténèbres

Une fille galante Comme une aurore de premier mai La plus aimable bête

Souillée et qui n’a pas compris Qu’elle est souillée Une bête prise au piège Des amateurs de beauté

Et ma mère la femme Voudrait bien dorloter Cette image idéale De son malheur sur terre

Paul-Jean Toulet, Dixains XII « Puisque tes jours ne t'ont laissé »

Puisque tes jours ne t’ont laissé Qu’un peu de cendre dans la bouche, Avant qu’on ne tende la couche Où ton cœur dorme, enfin glacé, Retourne, comme au temps passé, Cueillir, près de la dune instable, Le lys qu’y courbe un souffle amer, et grave ces mot sur le sable : le rêve de l’homme est semblable aux illusions de la mer. Paul Claudel, « ténèbres » Je suis ici,l'autre est ailleurs , et le silence est terrible : nous sommes des malheureux et satan nous vanne dans son crible, je souffre,et l'autre souffre,et il n'y a point de chemin entre elle et moi,de l'autre a moi point de parole ni de main. rien que la nuit qui est commune et incommuniable, la nuit où l'on ne fait point d'oeuvre et

l'affreux amour impraticable, je prête l'oreille,et je suis seul,et la terreur m'envahit. j'entends la ressemblance de sa voix et le son d'un cri. j'entends un faible vent et mes cheveux se lèvent sur ma tête. sauvez-la du danger de la mort et de la gueule de la bête! voici de nouveau le goût de la mort entre mes dents, la tranchée,l'envie de vomir et le retournement.

j'ai été seul dans le pressoir,j'ai foulé le raisin dans mon délire, cette nuit où je marchais d'un mur à l'autre en éclatant de rire. celui qui fait les yeux,sans yeux est-ce qu'il ne me verra pas? celui qui a fait les oreilles,est-ce qu'il m'entendra pas sans oreilles? je sais que là où le péché abonde,là votre miséricorde surabonde. il faut prier,car c'est l'heure du prince du monde.

Il va neiger dans quelques jours. Je me souviens de l’an dernier. Je me souviens de mes tristesses au coin du feu. Si l’on m’avait demandé : qu’est-ce ? j’aurais dit : laissez-moi tranquille. Ce n’est rien.

Francis Jammes, «Il va neiger »

J’ai bien réfléchi, l’année avant, dans ma chambre, pendant que la neige lourde tombait dehors. J’ai réfléchi pour rien. À présent comme alors je fume une pipe en bois avec un bout d’ambre. Ma vieille commode en chêne sent toujours bon. Mais moi j’étais bête parce que tant de choses ne pouvaient pas changer et que c’est une pose de vouloir chasser les choses que nous savons. Pourquoi donc pensons-nous et parlons-nous ? c’est drôle ; nos larmes et nos baisers, eux, ne parlent pas, et cependant nous les comprenons, et les pas d’un ami sont plus doux que de douces

paroles. On a baptisé les étoiles sans penser qu’elles n’avaient pas besoin de nom, et les nombres, qui prouvent que les belles comètes dans l’ombre passeront, ne les forceront pas à passer. Et maintenant même, où sont mes vieilles tristesses de l’an dernier ? À peine si je m’en souviens. Je dirais : Laissez-moi tranquille, ce n’est rien, si dans ma chambre on venait me demander : qu’est-ce ?

Paul Valéry, « Les pas »

Tes pas, enfants de mon silence, Saintement, lentement placés, Vers le lit de ma vigilance Procèdent muets et glacés. Personne pure, ombre divine, Qu'ils sont doux, tes pas retenus ! Dieux !... tous les dons que je devine Viennent à moi sur ces pieds nus !

Si, de tes lèvres avancées, Tu prépares pour l'apaiser, A l'habitant de mes pensées La nourriture d'un baiser,

Ne hâte pas cet acte tendre, Douceur d'être et de n'être pas, Car j'ai vécu de vous attendre, Et mon coeur n'était que vos pas

Jules Laforgue, « Je ne suis qu’un viveur de lumière »

Je ne suis qu'un viveur lunaire Qui fait des ronds dans les bassins, Et cela, sans autre dessein Que devenir un légendaire. Retroussant d'un air de défi Mes manches de mandarin pâle, J'arrondis ma bouche et - j'exhale Des conseils doux de Crucifix. Ah ! oui, devenir légendaire, Au seuil des siècles charlatans ! Mais où sont les Lunes d'antan ? Et que Dieu n'est-il à refaire ?

Jules Supervielle, gravitation « Alarme »

Le regard de l'astronome Emeut au fond de la nuit

Sous le feuillage des mondes Une étoile dans son nid, Une étoile découverte

Dont on voit passer la tête Au bout de ce long regard Ephémère d'un mortel Et qui se met à chanter

La chanson des noirs espaces Qui dévorent les lumières Dans le gouffre solennel.

Fils d'argent, fils de platine,

Emmêlent tant l'infini Que le rai de la rétine

Y suscite un faible bruit. Tout ce qui mourut sur terre Rôde humant de loin la vie, Interrogeant les ténèbres Où se développe l'oubli, Et les aveugles étoiles

Dont l'orbite est dans l'espace

Fixe comme l'espérance Et comme le désespoir.

Les poissons les violettes, Les alouettes, les loups,

Gardent leur volonté prête A redescendre vers nous ; Des léopards, des pumas

Et des tigres qui se meuvent Dans leur brousse intérieure Tournent comme en une cage ; D'autres bêtes fabuleuses,

L'âme pleine de périls, Au monde des nébuleuses

Mêlent leurs tremblants désirs.

Sous la houle universelle Qui le lève et le rabat,

Le zénith pointe et chancelle Comme le sommet d'un mât ; L'univers cache la Terre Dans la force de son cœur Où cesse toute rumeur

Des angoisses planétaires, Mais la lune qui s'approche Pour deviner nos pensées Dévoilant sables et roches Attire à soi nos marées.

ABÉCÉDAIRE

DES PETITS AUTEURS DE LA POÉSIE FRANÇAISE

Aubigné (d’) Agrippa (1551-1630)

est un écrivain et poète baroque français protestant. Il fut aussi l’un des favoris d’Henri IV, du moins jusqu’à la conversion de celui-ci. Il s’est fait connaître avec « les tragiques »

Boileau Nicolas (1636-19711) dit aussi Boileau-Despréaux, le « législateur du Parnasse », est un poète, écrivain et

critique français mais il ne déclare sa passion qu’assez tard. Il a écrit «l’art poétique » et « les satires ».

Claudel Paul (1668-1955) est un dramaturge, poète, essayiste et diplomate français. Il fut membre de l'Académie

française. Catholique il écrira « la cantate à trois voix », « ténèbre » ou encore « balades ».

Desportes Philippe (1546-1606) est un poète baroque français. Surnommé le « Tibulle français » pour la douceur et la

facilité de ses vers, il fut abbé de Tiron, lecteur de la chambre du Roi et conseiller d'État. Il est reconnu pour la Villanelle.

Eluard Paul (1895-1952)

était un poète français. Il choisit à l’âge de vingt et un ans, le nom de Paul Éluard. Il adhéra au dadaïsme et fut l'un des piliers du surréalisme en ouvrant la voie à une action artistique engagée. Il connaît la première guerre mondial ce qui se ressent dans ses écrit avec « A peine défigurée », il écrit aussi « je te l’ai dit pour les nuages ».

Fort Paul (1872-1960) est un poète et dramaturge français, il n’écrira en poésie que « les ballades française »

composé de quarante volumes.

Garnier Robert (1545-1590)

est un poète et dramaturge français, il n’écrira en tant que poète que « les juives, chœur ».

Hermite (l’) Tristan (1601-1655)

est un poète et dramaturge français, il écrit entre autre « églogue maritime » et « les amours de Tristan » mais il sera pas reconnu par ses contemporains.

Jammes Francis (1868-1938)

est un poète français, également romancier, dramaturge et critique. « De l'angélus de l'aube à l'angélus du soir » est son premier recueil de poèmes généralement considéré comme le meilleur.

Kling Tristan (1814-1966) est un poète, musicien, peintre et critique d'art français. Il écrira plusieurs poèmes tels

« l’escarpolette » ou encore « humoresques ». Laforgue Jules (1860-1887)

est un poète du mouvement décadent français. Il a écrit « les complaintes », « l’imitation de Notre-Dame de la Lune » et « le concile féerique ». Mallarmé Stéphane (1842-1898)

est un poète français qui écrira « le Guignon » et « apparitions ». Péguy Charles (1873-1914)

est un écrivain, poète et essayiste français, il a écrit « La Tapisserie de Sainte Geneviève et de Jeanne d'Arc », « La Tapisserie de Notre-Dame » et « Eve » Queneau Raymond (1903-1976)

était un romancier, poète, dramaturge et mathématicien français, co-fondateur du groupe littéraire l'« Oulipo ». Il écrira « cent mille milliard de poèmes » ou « le chien à la mandoline ». Régnier Mathurin (1573-1613)

est un poète satirique français, il a écrit de nombreuses satyres, des Epitres et des élégies. Supervielle Jules (1884-1960)

était un poète et un écrivain français né en Uruguay. Il écrira « les poèmes de l’humour triste » et « l’escalier ».

Toulet Paul-Jean (1867-1920)

est un écrivain et poète français, célèbre par ses « Contrerimes, une forme poétique qu'il avait créée

U Tam’si Tchicaya (1931-1988)

est un écrivain congolais. Il est le fils de Jean-Félix Tchicaya qui représenta l'Afrique équatoriale au parlement français de la Libération à 1958. Il a écrit « le mauvais sang » et « le pain ou la cendre ».

Valéry Paul (1871-1945)

est un écrivain, poète, philosophe et épistémologue français. Il écrit une série intitulée « variété » mais aussi de nombreux autres ouvrages.

Youlantas Yannis (1970…) est un poète, philosophe et écrivain franco grec contemporain. Il écrit en autre « Poèmes insoumis suivi de De l’autre côté ».